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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mardi 16 mai 2006

Séance de 15 heures
93ème jour de séance, 221ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

AVENIR DE LA SOGERMA

M. François Asensi – À l'heure où des dirigeants et cadres d'EADS sont impliqués dans un scandale d'État qui porte atteinte à la République et ternit l'image de la France, le libéralisme continue de faire ses ravages. Ainsi, la SOGERMA, filiale d'EADS dans la maintenance aéronautique civile et militaire, a annoncé la fermeture du site de Mérignac : ce sont plus de 1 000 emplois qui seraient supprimés, auxquels il convient d'ajouter les 4 000 emplois qui disparaîtraient chez les sous-traitants. Faut-il rappeler que les difficultés financières de l’entreprise résultent, notamment, d'une décision politique du ministère de la défense qui, en 2002, fit jouer le moins-disant social en délocalisant à l'étranger l'entretien des avions de l'armée de l'air ? En outre, la vente largement déficitaire d'avions réaménagés au profit des Émirats, conclue pour obtenir le marché d'Airbus A 350, a fait plonger ses comptes.

L'entreprise est aujourd’hui menacée, alors que les collectivités locales ont, en 2002, cofinancé un hangar destiné à la maintenance des gros porteurs. Il faut que cessent les aides publiques à l’entreprise tant que la décision de fermeture ne sera pas annulée, d’autant que la décision de fermer le site a été prise alors qu'EADS enregistre une hausse de son chiffre d'affaires de 8 % en 2005, un bénéfice net d’1,7 milliard d'euros et une augmentation des versements de dividendes de 30 % ! Ce mode de développement économique, qui fait des salariés une simple variable d'ajustement boursier, n'a que trop duré. Les représentants des syndicats proposent une alternative à la fermeture du site, l'activité pouvant être maintenue grâce à des programmes de réaménagement de l'A 380 et de conversion des avions cargos.

Monsieur le Premier ministre, l'État reste, à ce jour, l'un des principaux actionnaires d'EADS : comment le Gouvernement envisage-t-il de s'opposer à la fermeture de ce site et d'en assurer le développement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes Le Gouvernement est très attentif au devenir des salariés de la SOGERMA et de ce site industriel. La décision de fermeture, prise le 12 mai dernier, le choque profondément. Elle n’a été concertée ni avec les pouvoirs publics ni avec les représentants du personnel. Malgré l’objection soulevée par Louis Gallois, administrateur d’EADS qui a exprimé ainsi la position du Gouvernement, le conseil d’administration a pris une décision qui pourrait déboucher sur la fermeture totale du site. L’arrêt de cette activité toucherait durement plusieurs centaines de salariés – et de leurs familles – qu’ils travaillent pour la SOGERMA, ses sous-traitants ou ses fournisseurs. C’est l’ensemble du bassin d’emploi qui s’en trouverait affectée.

Hier, le Premier ministre a indiqué qu’il s’agissait d’un sujet de préoccupation majeure pour le Gouvernement. Des solutions acceptables pour toutes les parties doivent être trouvées : pour les salariés, des emplois ; pour les collectivités locales, un avenir pour le site industriel…

M. André Chassaigne - Ce n’est pas une réponse !

M. le Ministre délégué – Une concertation responsable doit s’engager, et des discussions suivies auront lieu sous l’égide de MM. Borloo, Loos et de moi-même. L’engagement du Gouvernement s’exprime aussi au travers de son soutien direct au pôle de compétitivité mondiale aéronautique « Espace et systèmes embarqués », lequel va se traduire par des créations de postes dans les filiales d’Airbus comme à Eurocopter. La bonne santé économique d’EADS, son actionnariat pour partie public et sa responsabilité sociale d’entreprise commandent que la restructuration de la SOGERMA s’effectue dans le respect de ses salariés et des territoires, et que nous examinions l’ensemble des solutions alternatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

AVENIR DE LA SOGERMA

M. Hugues Martin – Vendredi dernier, le groupe EADS a annoncé la fermeture de l'établissement bordelais de la SOGERMA, à Mérignac. Il s'agit là d'un sinistre de portée nationale, sans précédent dans le secteur aéronautique. Plusieurs milliers de salariés hautement compétents, leurs familles, et, avec eux, des dizaines de sous-traitants paient les lourdes erreurs de gestion de la direction d’EADS, dont les arbitrages ont tous été défavorables à la SOGERMA. À l'heure où l'Aquitaine bâtit avec la région Midi-Pyrénées le pôle de compétitivité « Aerospace Valley », cette décision de fermeture n'est ni rationnelle, ni acceptable. Au-delà des aspects humains, il s'agit d'un enjeu d’aménagement du territoire et de politique industrielle. Au moment où le groupe EADS éprouve des difficultés sur son site de Toulouse pour trouver les ressources en main-d'œuvre nécessaires au développement du programme Airbus, il est incompréhensible qu'un transfert de charges ne soit pas envisagé au profit de son établissement de Mérignac.

L'État doit tout mettre en œuvre pour obliger EADS à répartir, de manière équilibrée, les plans de charges entre les différents sites du groupe afin d'assurer la poursuite des activités de la SOGERMA. Au nom de l'ensemble des parlementaires girondins et charentais qui s’inquiètent, je demande au Gouvernement de préciser les mesures qu’il compte prendre en vue d'assurer la pérennité de l'emploi et la sauvegarde d'un outil industriel qui a bénéficié d'investissements très lourds au cours des dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, le Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre, est particulièrement soucieux du devenir de la SOGERMA, du site industriel de Mérignac et de l’ensemble des salariés concernés. À ce titre, il est en désaccord avec la décision unilatérale d’EADS. J’ai bien entendu votre analyse sur les choix antérieurs de l’entreprise et sur les perspectives possibles de son développement par transfert. Le débat sur l’avenir du site de Mérignac ne fait que commencer : il doit être approfondi et conduit en toute vérité. Une importante concertation doit s’engager entre l’ensemble des parties prenantes, en vue de trouver des solutions acceptables par tous : pour les salariés, de véritables emplois ; pour les collectivités, un avenir pour le site industriel. Dans les jours qui viennent, à la demande du Premier ministre, M. Borloo, M. Loos et moi-même recevrons les dirigeants d’EADS. Nous réunirons l’ensemble des élus de la région et, en fin de semaine, je verrai les syndicats de la SOGERMA, avec mon collègue François Loos. Lorsque nous aurons dégagé un certain nombre de pistes, nous irons sur place pour voir les voies et moyens d’assurer un avenir à ce site et aux femmes et aux hommes qui y travaillent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

AVENIR DE LA SOGERMA

M. Michel Sainte-Marie – Je souhaite, moi aussi, défendre les 1 050 travailleurs de la SOGERMA dans ma ville de Mérignac, lâchés par leur principal actionnaire, EADS, et les 4 000 emplois de sous-traitants dans toute l’Aquitaine. Les députés socialistes sont à leurs côtés, et, comme vous l’imaginez, l’émotion, sur place, est énorme. Il s’agit d’un véritable coup de poignard, dans une activité stratégique du tissu industriel national et aquitain. Depuis des mois, les rumeurs les plus pessimistes circulaient et on parlait de la suppression d’au moins 500 emplois. Ici même, le 4 avril dernier, j’avais questionné M. Thierry Breton pour savoir ce que comptait faire l’État – actionnaire d’EADS à hauteur de 15 % - pour empêcher ce désastre. Rien, me répondit en substance M. Loos, confirmant ainsi l’absence d’implication du Gouvernement dans ce dossier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste)

En 2002, déjà, l’établissement de Mérignac avait perdu le contrat de maintenance des quatorze C130, avions de transport de l’armée de l’air. J’avais regretté vivement, ici même, que le ministre de la défense attribue ce marché essentiel à l’entreprise portugaise OGMA, sous-qualifiée à telle enseigne qu’elle dut sous-traiter une partie des tâches à SOGERMA. Depuis, les Portugais ont appris ; mais EADS-SOGERMA avait été ébranlée au cœur même d’un savoir-faire reconnu. Aujourd’hui, le militaire ne représente plus que 5 % des activités du site. Jamais les Allemands n’auraient laissé filer un tel marché hors de leurs frontières (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Comment est-on passé de la rumeur de 500 suppressions d’emplois à la fermeture totale du site ? Au sein d’EADS, c’est un bras de fer permanent entre Français et Allemands qui régit les rapports. Une réunion décisive de la direction s’est tenue le 12 mai, en pleine affaire Clearstream, ce qui n’a pu que nuire à la défense de nos intérêts nationaux et déboucher sur la pire des solutions pour les 5 000 emplois menacés.

Oui, des transferts de charges sur Mérignac sont possibles : EADS est un groupe gigantesque et florissant. Bordeaux et la Gironde n’en peuvent plus de favoriser l’acheminement fluvial et terrestre des pièces du gros porteur A380 vers Toulouse (« La question ! » sur les bancs du groupe UMP), alors que le groupe licencie à tour de bras à Bordeaux !

M. le Président – Posez votre question, s’il vous plaît. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Sainte-Marie - Face à ce désastre annoncé, où est le patriotisme économique dont vous vous targuez ? Que fait l’État commanditaire ? Que fait l’État actionnaire ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie  Je suis, comme vous, indigné par ce qui se passe (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Nous sommes bien évidemment, avec Gérard Larcher, aux côtés de ceux dont l’emploi est menacé. Le Gouvernement l’a déjà fait savoir à EADS, par la voix du Premier ministre. Sur le plan industriel, les questions qui se posent se sont posées dès 2002, lorsque Alain Richard a pris la décision d’attribuer les marchés de maintenance au Portugal (Vives dénégations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Ces questions, nous les poserons lorsque nous examinerons la situation avec EADS. Il y a d’abord celle de la fabrication des avions VIP : comment cette activité peut-elle être rentable à Dresde, et pas à Bordeaux ? Nous attendons des explications sur les choix qui ont été faits ; nous déciderons alors de ce qu’il faut demander à EADS. Nous aurons une discussion franche, et vous pouvez être assuré, encore une fois, que nous sommes aux côtés de ceux qui subissent les conséquences de cette affaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

relation franco-algérienne

M. Rudy Salles – La France et l'Algérie, Monsieur le Premier ministre, sont liées depuis plus d'un siècle par un passé et de riches souvenirs communs. Bien plus que de diplomatie, il s'agit d'une histoire de cœur. Mais aujourd'hui, de nombreux Français sont blessés par l'attitude du président algérien Bouteflika. Il y a eu en 2000 les insultes contre les harkis, puis, cette année, la fermeture autoritaire des écoles francophones d'Algérie. Un nouveau pas a été franchi récemment, quand le président algérien a accusé la France de « génocide de l'identité algérienne » pendant la période de colonisation, et ce quelques jours avant de venir se faire soigner dans un hôpital de cette métropole qu'il avait insultée.

Quelle tournure vont prendre les relations franco-algériennes ? Un traité d'amitié devait être signé avant la fin de l'année 2005 ; doit-il toujours l’être quand un des partenaires insulte l'autre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes - M. Douste-Blazy, en déplacement à l’étranger, vous prie de bien vouloir l’excuser. La perspective du traité d’amitié voulu par les deux chefs d’État début 2003 reste ouverte. Certes, la négociation prendra du temps, mais c’est normal pour un document de cette importance, qui prendra en considération tous les aspects de notre relation. La récente visite à Alger du ministre des affaires étrangères a d’ailleurs confirmé l’intérêt de nos deux pays pour le développement de leur relation bilatérale, qu’il s’agisse des échanges commerciaux ou des projets de coopération – y compris la coopération linguistique ou la coopération en matière d’enseignement. D’autres visites ministérielles ont témoigné de cette volonté d’aller de l’avant.

Personne ne sous-estime le poids de l’histoire, ni la perception que peuvent avoir les peuples des événements qui les ont tantôt unis, tantôt séparés. Il nous revient pourtant de donner un contenu au partenariat d’exception que la France et l’Algérie ont décidé de construire ensemble, en faisant preuve certes de vigilance, mais aussi d’ambition. Laissons aux historiens le soin d’écrire l’histoire (Protestations sur divers bancs), et au temps celui d’apaiser les douleurs. La responsabilité des autorités françaises et algériennes est de faciliter ce travail de part et d’autre, afin de progresser vers une reconnaissance objective et assumée des faits, avec le souci d’intégrer toutes les mémoires, sans discrimination et sans exclusive.

On ne construit pas une relation sur le passé ni avec des mots ; elle doit être fondée sur la confiance et tournée vers l’avenir. Notre intérêt est de valoriser ce qui nous unit, avec une double exigence de dialogue et de respect mutuel, dans un esprit d’apaisement de la mémoire. Notre histoire fut complexe, mais nous avons aussi un avenir. C’est lui seul qui doit nous guider. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

politique énergétique

M. Serge Poignant - La France doit aujourd’hui faire face à un choc pétrolier et gazier. L'inquiétude des consommateurs et des entreprises est grande face à la hausse des prix de l'énergie. Les mesures incitatives qui ont été votées récemment ont encouragé les économies d'énergie et l'utilisation d'énergies de substitution, dites renouvelables, conformément aux objectifs de la loi d'orientation de juillet 2005 – dont j’étais le rapporteur.

Qu’il s’agisse de lutter contre le changement climatique ou d’assurer la sécurité de l’approvisionnement au-delà du respect du protocole de Kyoto, chacun est convaincu qu'il faut intensifier ces économies d'énergie et favoriser plus activement le développement de nouvelles substitutions ou de nouvelles technologies.

Des initiatives doivent être prises en ce sens, après celles qu'a annoncées le Premier ministre hier sur la modération des prix du gaz et de l'électricité, afin d’assurer la compétitivité de nos entreprises, notamment les PME-PMI, et de rassurer le consommateur, dans une perspective de développement durable.

Monsieur le ministre, j’aimerais que vous puissiez exposer à la représentation nationale l’action du Gouvernement en matière énergétique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Le Premier ministre a rappelé hier l’ensemble des actions que le Gouvernement a entreprises et compte poursuivre en matière énergétique. Il n’y en a pas qu’une en effet, mais plusieurs. S’agissant du pétrole, il faut préparer l’avenir grâce à plus d’investissements en recherche et en raffinage. Les compagnies pétrolières françaises ont ainsi pris la décision d’investir quatre milliards d’euros d’ici 2010.

Pour ce qui est des énergies vertes, j’élaborerai d’ici l’été, à la demande du Premier ministre, un plan d’action massif jusqu’à l’horizon 2010. Il devrait rendre les biocarburants accessibles dans les pompes jusqu’ici réservées au gazole et à l’essence, et nous permettre d’avoir les véhicules et les moteurs supportant cette mixité.

S’agissant du gaz, nous avons pris des mesures afin de contenir l’augmentation des tarifs à 5,8 %, alors que l’entreprise voulait les augmenter davantage. Le Premier ministre a indiqué qu’il n’y aurait pas d’augmentation tarifaire avant le 1er juillet 2007.

En ce qui concerne l’électricité, un consortium a été réuni pour les soixante entreprises les plus consommatrices. Cette démarche porte ses fruits sur un millier de sites. Nous avons également obtenu des réductions significatives pour les PME.

Nous avons par ailleurs décidé d’augmenter les tarifs de rachat des énergies renouvelables telles que le solaire ou le biogaz. Quant à l’EPR de Flamonville, la décision a été prise par le Premier ministre.

Comme vous le voyez, c’est tout un faisceau d’actions qui nous permettra de contenir l’augmentation du prix de l’énergie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Aujourd’hui, le prix du baril est redescendu au-dessous de 70 dollars. J’irai en Arabie Saoudite samedi pour poursuivre la discussion avec mon homologue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

agriculture de montagne

M. Jacques Godfrain - La montagne française contient des trésors, Monsieur le ministre de l’agriculture, pas seulement paysagers, touristiques et patrimoniaux, mais tout simplement humains. Des agriculteurs ont décidé d’y vivre, fournissant ainsi aux consommateurs d’excellentes productions, souvent classées AOC. Mais voilà que réapparaît le vieux et mauvais slogan : « Agriculteurs = pollueurs » ! La loi sur l’eau n’est pas encore au bout de son examen par le Parlement. Heureusement, dirais-je…

Monsieur le ministre, pouvez-vous rappeler qu’il existe bien une politique spécifique de la montagne ? Justice doit être rendue. Il n’y a aucune raison pour que l’élevage extensif en montagne soit frappé de surtaxe ni pour que les éleveurs qui ont fait le choix de vivre dans ces zones difficiles soient ainsi découragés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche  Vous avez mille fois raison de souligner que l’agriculture de montagne mérite une attention particulière des pouvoirs publics.

La majorité a voté récemment deux textes importants pour la montagne : la loi de développement des territoires ruraux, qui contient bon nombre de mesures nouvelles, et la loi d’orientation agricole, qui comporte un volet montagne.

Malgré le contexte budgétaire difficile, nous avons revalorisé l’ICHN – de 80 millions d’euros cette année. Comme nous aurons des difficultés l’an prochain avec le nouveau Règlement de développement rural européen, nous avons décidé que la prime à l’herbe serait financée directement dans le budget national.

Je sais qu’il y a dans la loi un amendement qui fait problème dans la mesure où il augmente le volume des troupeaux. Mme Olin et moi allons trouver une solution qui réponde aux attentes des élus de la montagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

intermittents du spectacle

M. Pierre Cohen - Je voudrais dire tout d’abord à la représentation nationale que François Loos a menti effrontément (Protestations sur les bancs du groupe UMP) en attaquant le gouvernement Jospin et en particulier le ministre Alain Richard. La décision concernant la SOGERMA a été prise par Mme Alliot-Marie en juin 2002 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Trois ans après le mouvement des intermittents du spectacle qui a secoué les festivals et le monde de la culture, votre inertie, Monsieur le Premier ministre, a réveillé le conflit et menace la prochaine saison culturelle. Depuis janvier, le climat de confiance est rompu et le protocole qui risque d’être signé le 18 mai prochain aura des conséquences encore plus graves pour la culture que celui de 2003.

Malgré le travail effectué par le comité de suivi, composé de parlementaires de toutes sensibilités politiques et des organisations représentatives, votre gouvernement refuse toujours de mettre à l’ordre du jour de l'Assemblée nationale le texte qui a fait consensus au sein de cette instance et qui prévoit notamment le retour à une période de douze mois pour l’ouverture des droits. C’est un déni de démocratie !

Les baisses drastiques de financements publics et la précarisation des professionnels du secteur font entrevoir une restructuration qui ne laissera guère d’espace d’expression aux intermittents du spectacle et, plus généralement, à la culture. Vous portez la responsabilité du bon déroulement des festivals de 2006, de l’avenir de la culture de notre pays et de son image ! Nous attendons donc votre réponse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - L’engagement du Gouvernement, c’est d’agir concrètement en faveur des artistes et des techniciens et de garantir le maintien de l’assurance chômage au sein de la solidarité interprofessionnelle. À l’heure actuelle, plus de 25 000 artistes et techniciens ont été réintégrés dans leurs droits, grâce à la décision de l’État.

Avec M. Borloo et M. Larcher, nous agissons de quatre manières. D’abord, par la négociation de conventions collectives, qui doivent aboutir d’ici la fin de l’année. Ensuite, par la lutte contre le travail illégal et les abus. En troisième lieu, par le soutien à l’emploi : sachez que les crédits d’impôts votés par cette majorité ont permis une augmentation de 35 % par rapport à 2004 du nombre de semaines de tournage en France. Je suis d’autre part en mesure de vous annoncer que Bruxelles a validé le nouveau crédit d’impôt pour l’industrie phonographique.

Enfin, nous avons défini un système pérenne et équitable d’assurance chômage. Vendredi dernier, 48 heures avant la signature du protocole par les partenaires sociaux, M. Larcher et moi-même, suivant les instructions du Premier ministre, avons annoncé la création d’un fonds permanent de solidarité et de professionnalisation pour compléter, par la solidarité nationale, la solidarité interprofessionnelle financée par l’UNEDIC à hauteur d’un milliard. Dans ce cadre, l’État s’engage à prolonger les allocations de fin de droit de deux à six mois en fonction de l’ancienneté, en plus des 143 jours d’indemnisation ; à intégrer l’éducation artistique pour 120 heures, ainsi que les congés maladie dans les 507 heures ; à prendre en compte comme base de référence les 507 heures sur 12 mois jusqu’à ce que les conventions collectives aient produit leurs effets. Grâce à l’addition de la solidarité nationale et de la solidarité interprofessionnelle, artistes et techniciens pourront travailler sereinement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

Délinquants sexuels récidivistes

M. Jean-François Régère - Ma question s’adresse à M. le ministre d’État. La France entière est endeuillée par la mort du petit Mathias et de la petite Madison dans des conditions atroces pendant le week-end du 8 mai. Je veux d’abord assurer les familles qui traversent ces épreuves de tout le soutien de la représentation nationale.

Les forces de l’ordre se sont pleinement mobilisées, ainsi que vous-même, Monsieur le ministre. Il a fallu moins d’une semaine pour présenter à la justice des prévenus qui ont avoué. Mais comment accepter qu’un individu connu de la police et, selon la presse, condamné à deux reprises pour des faits d’attouchements sexuels, ait pu vivre paisiblement, dans sa caravane, en face d’une école ? Comment comprendre qu’il n’ait pas fait l’objet d’un suivi plus strict par la justice, d’une surveillance de la police et d’un accompagnement psychiatrique plus rigoureux ? Malheureusement, ces deux cas ne sont pas isolés. Notre système est trop laxiste avec les délinquants sexuels récidivistes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Nous connaissons votre énergie et votre détermination. Vous ne vous retranchez pas derrières des arguments idéologiques qui empêchent d’agir. Depuis 2002 vous avez modernisé les moyens d’enquête, ce qui permet de rechercher les coupables plus vite et plus efficacement. Avec l’appui de la représentation nationale, vous avez étendu l’usage du fichier des empreintes génétiques et de celui des empreintes digitales, et permis la création d’un fichier recensant tous les auteurs d’infractions sexuelles. Pour autant, la situation n’est pas satisfaisante. Comment comptez-vous poursuivre l’effort pour que nous n’assistions plus jamais à ces drames atroces ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire Il faut traiter cette douloureuse question avec autant de dignité qu’en ont montré les familles, mais sans langue de bois. Le fichier des délinquants sexuels, ceux des empreintes digitales et génétiques ont été considérablement développés. C’est bien.

L’individu suspecté d’avoir violé et assassiné le petit Mathias ne figure pas dans ces fichiers. C’est que, condamné en 1983 et 1989 pour pédophilie, il a été depuis amnistié. Étant donné la gravité des actes en cause, je propose qu’aucun crime sexuel ne puisse plus être amnistié dans aucun cas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF), de manière à ce que la justice puisse être éclairée.

En second lieu, l’État ne peut plus laisser des monstres potentiels s’installer à côté de petites victimes potentielles. Lorsque nous avons créé les fichiers, il y a eu une polémique méprisable. Or, si les droits de l’homme sont ceux des délinquants, ce sont d’abord ceux des victimes. (Mêmes mouvements) Je ferai donc deux propositions, dont j’ai parlé avec le Premier ministre, qui a fait part de son émotion au moment de ces drames.

M. Christian Bataille - Mais qu’est-ce que vous faites ?

M. le Ministre d’État - Je vous invite à vous inspirer de la dignité dont font preuve les parents de Mathias. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Je vous propose d’abord de nous inspirer de l’exemple du Canada où il n’y a pratiquement pas de récidive des délinquants sexuels car la surveillance est plus sévère. De mon point de vue, un délinquant sexuel qui ne vient pas pointer au commissariat doit être enfermé, de même s’il ne suit pas les décisions de justice l’obligeant à se soigner.

M. Christian Bataille - Avec quel résultat ?

M. le Ministre d’État - Reste qu’un principe de notre droit est la non rétroactivité des peines.

M. Christian Bataille - Vous avez eu quatre ans !

M. le Ministre d’État - Je propose que les délinquants sexuels anciens, auxquels les dispositions nouvelles ne s’appliquent pas,…

Plusieurs députés socialistes – Quatre ans !

M. le Ministre d’État - …soient, par exception à cette règle, obligés de suivre un traitement approprié.

Ces affaires sérieuses doivent être traitées avec détermination, et les vociférations ne sont pas une réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

Transports terrestres en Guadeloupe

M. Joël Beaugendre – Mme Louis-Carabin s’associe à ma question. En Guadeloupe, 450 exploitants assurent le service public du transport non urbain dans le cadre de conventions passées avec le conseil général, et sans subvention publique. Grâce à Mme Girardin, ces conventions ont été prolongées de quatre ans lors du vote de la loi du 6 août 2002. Elles arrivent donc à terme au 1er juin prochain. À partir de cette date, les transporteurs ne pourront plus exercer, car les assureurs refusent de les couvrir en l’absence de convention.

Or, à ce jour, le conseil général n’a fait aucune proposition pour donner un cadre légal à cette activité à partir du 1er juin. Il le pourrait pourtant, puisqu’aux termes de l’article 73 de la Constitution, dans les départements d'outre-mer, les lois et règlements peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités, et à leur demande, dans les matières où s'exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées par la loi.

La réorganisation du service de transport interurbain est attendue des usagers comme des professionnels. Elle ne saurait pour autant intervenir à n’importe quel prix. Elle doit notamment préserver durablement leurs intérêts.

L’inquiétude des transporteurs et de la population nous amène, Gabrielle Louis-Carabin et moi-même, à vous demander de proroger les conventions actuelles jusqu’au 31 décembre 2007, afin que la réorganisation puisse s’opérer sans risque ni juridique ni économique pour les professionnels qui assurent depuis plusieurs décennies un service public essentiel au développement économique de la Guadeloupe (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer – Le service public de transport interurbain en Guadeloupe, c’est-à-dire le transport de passagers par bus entre les communes du département, est un service essentiel pour les usagers comme pour l’économie de l’île. Les conditions de son transfert au conseil général le 1er juin prochain ne sont pas actuellement réunies, d’autant que le flou juridique pourrait faire courir de sérieux risques d’illégalité pour l’avenir.

Au vu de ces circonstances exceptionnelles, j’ai donné instruction au préfet de la Guadeloupe d’accepter la prorogation des conventions actuelles et de travailler en liaison avec la DGCCRF, compte tenu du caractère extrêmement technique des dispositions juridiques qui doivent être prises dans l’esprit de l’article 73 de notre Constitution. Ce délai, qui pourra aller au-delà d’une année, permettra d’aboutir à un dispositif irréprochable. L’État et ses services se tiennent bien entendu à la disposition du conseil général.

Vous pouvez donc rassurer les 450 transporteurs de l’île ainsi que les usagers, et au-delà, l’ensemble des Guadeloupéens : il n’y aura pas de rupture du service public de transport de voyageurs en 2006, et le transfert n’aura pas lieu aussi longtemps que l’évolution juridique du dossier ne le permettra pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

réintroduction de l’ours dans les pyrÉnÉes

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Samedi, à Bagnères-de-Bigorre, plus de cinq mille Pyrénéens étaient réunis pour témoigner de leur incompréhension et de leur colère face aux mensonges et aux insultes dont vous êtes l’auteur, Madame la ministre de l’écologie et du développement durable (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP). Ces hommes et ces femmes de la montagne – éleveurs, accompagnateurs de montagne, agents du tourisme, élus –, ont manifesté dans le calme pour dire leur opposition à l’introduction d’ours slovènes dans le massif pyrénéen. Ils dénoncent le mépris dont ils sont l'objet de la part de votre ministère. Ils ne sont pour vous qu’une « poignée d'excités », parce qu'ils ne pensent pas comme vous, ne vivent pas comme vous, parce qu'ils ne veulent ni de Boutxi et de ses festins, ni de Palouma et de son GPS. Ils déplorent vos mensonges. Vous saviez en effet pertinemment que le conseil général des Hautes-Pyrénées avait mis en place une mission. Vous vous étiez d’ailleurs vous-même engagée auprès de son président à ne pas procéder aux lâchers d'ours avant que celle-ci n’ait terminé ses travaux. Vous êtes également passée outre l'avis des élus, de droite comme de gauche, du comité de massif qui se sont prononcés à l’unanimité contre cette réintroduction. C’est un déni de démocratie.

Avant de songer à réintroduire ces prédateurs, il eût fallu prendre en compte tout un équilibre, et pas seulement une espèce. Depuis des années, nous assistons à une déprise agricole, la politique de la montagne étant des plus incertaines. Ainsi, qu'en est-il du plan « économie de la montagne » ? Sera-t-il une énième promesse non tenue ?

Madame la ministre, il vous faut enfin entendre les populations pyrénéennes. Elles exigent un moratoire d'un an avant tout nouveau lâcher d'ours. Elles exigent également que des études soient conduites sur l’impact écologique, économique et sanitaire de la réintroduction et qu’une véritable concertation ait lieu sur les territoires directement concernés.

Les Pyrénéens, français et espagnols, se battent pour que leurs montagnes restent vivantes et accueillantes. Or, le pastoralisme est garant de l'entretien du milieu montagnard, est indispensable au maintien de la biodiversité. Ils exigent vos excuses. Comment admettre qu'une ministre s’arroge le droit d'insulter ses concitoyens ? Les Pyrénéens ne sont ni « des ânes », ni « des imbéciles ». Ce sont des hommes droits, courageux, amoureux de leur territoire, qui veulent y vivre et y travailler en paix (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste ; huées sur les bancs du groupe de l’UMP).

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable Il faut rétablir la vérité sur deux points. D’une part, l’ours fait partie du patrimoine pyrénéen…

M. Augustin Bonrepaux - Pas l’ours slovène !

Mme la Ministre - D’autre part, Madame la députée, vous et d’autres avez refusé la concertation (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Mon bureau vous a été ouvert toute l’année ; j’ai proposé, à trois reprises, de me déplacer à Toulouse, ce que je n’ai finalement pas fait car vous avez refusé de me rencontrer. J’ai même proposé à certains élus qui se trouvaient à Arbas pour mettre une certaine « animation », dirais-je pour être correct, alors qu’il s’agissait bel et bien de provocation, de les recevoir. Ils ont préféré se coucher par terre pour empêcher le lâcher de l’ours !

Je peux comprendre l’inquiétude des bergers et des éleveurs, que je respecte parce que, eux, travaillent, tandis que vous vous agitez inutilement (Vives protestations et brouhaha grandissant sur les bancs du groupe socialiste). Au fond, je l’ai compris, le problème tient à ce que, dans cette région, votre seul programme électoral consiste à vous opposer à la réintroduction de l’ours. Lorsque j’ai pris mes fonctions, en juin dernier, j’ai décalé de septembre à mai le renforcement de la population d’ursidés et ramené le nombre de lâchers de quinze à cinq. Et pendant une année, où vous n’avez jamais été là (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), nous avons travaillé à ce plan de réintroduction, en même temps que nous travaillions, avec mon collègue Dominique Bussereau, à des mesures en faveur du pastoralisme.

Je ne vous permets donc pas d’instrumentaliser les propos que j’ai pu tenir à Arbas, lesquels ne s’adressaient pas aux bergers et aux éleveurs responsables, mais à ceux qui, par leur attitude irresponsable, ont failli provoquer un accident grave. Je ne recevrai pas les leçons que vous osez me donner aujourd’hui, Madame la députée, car de vous, je n’ai pas à en recevoir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

orientation des étudiants

M. Daniel Prevost - S’agissant de la SOGERMA, notre collègue Pierre Cohen a menti effrontément car c’est bien Alain Richard, ministre de la défense socialiste, qui a décidé de l’attribution du marché en question à une société portugaise (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Cohen - Mais non !

M. Daniel Prevost - Ma question s’adresse au ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Les universités françaises accueillent plus d’un million d’étudiants chaque année et leur proposent plusieurs milliers de formations. Hélas, tous les étudiants ne sont pas égaux devant la réussite. Le taux d’échec est extrêmement élevé à l’université et c’est au final, une sélection par l’échec qui s’y effectue.

Cela s’explique par les capacités personnelles de chacun, mais aussi par les choix d’orientation. Certains jeunes donnent l’impression de se trouver un peu par hasard dans une filière : les mêmes finissent rapidement en marge du système. Comment expliquer que l’orientation soit un tel casse-tête ? Alors que des milliers de jeunes s’apprêtent à passer le baccalauréat, comment comptez-vous améliorer cette situation ? Qu’en est-il du projet de site internet destiné à faciliter l’orientation de ces jeunes ?

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche - Un tel échec dans les premières années de l’Université constitue, il est vrai, une profonde anomalie. Il est inadmissible que 40 % des étudiants sortent de l’Université sans aucun diplôme. Cela est dû en particulier à des erreurs fréquentes d’orientation.

Nous devons absolument améliorer l’orientation vers l’enseignement supérieur. Dans le contexte du débat sur les liens entre l’Université et l’emploi, lancé par le Premier ministre, nous avons décidé de mettre en œuvre un portail internet qui permettra aux étudiants de mieux se repérer dans l’offre de filières et de connaître leurs débouchés. En effet, les étudiants doivent savoir, avant de s’engager dans une voie, s’ils ont une chance de trouver un emploi.

Le grand service public qu’est l’Université a au moins deux devoirs vis-à-vis de ses usagers, que sont les étudiants : un devoir de transparence et d’égalité d’accès à l’information ; un devoir d’efficacité. Nous y travaillons chaque jour (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

soutien aux exportations

M. Christian Philip - Madame la ministre déléguée au commerce extérieur, je tiens à saluer votre initiative visant à relancer nos exportations, à l’heure où notre balance commerciale demeure déficitaire. Cap Export apparaît comme l’outil qui peut permettre à notre pays d’améliorer nos résultats en matière de commerce international, en rassemblant les initiatives, en insufflant un nouveau dynamisme. Cap Export permet de favoriser l’emploi à l’export, mais aussi de gagner des marchés.

Pour donner plus de lisibilité à vos actions, vous avez choisi de renforcer les moyens sur cinq des vingt-cinq pays cibles : États-Unis, Chine, Inde, Japon et Russie, où la présence française est encore insuffisante. Votre initiative, que vous avez récemment présentée aux États-Unis, y a été accueillie favorablement. Pourriez-vous, Madame la ministre, nous décrire ce dispositif original, nous détailler les résultats que vous en attendez et nous en donner le calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Allo ! Allo !

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur Merci pour cette question. Cap Export a été extrêmement bien accueilli par les entreprises. Je relèverai trois mesures : d’abord, une exonération d’impôt sur les revenus des personnes physiques pour les salariés d’entreprises qui consacrent plus de 120 jours hors de France à la recherche de marchés. Ensuite, l’ouverture du crédit d’impôt « Export » aux PME. La troisième mesure consiste à faire entrer dans l’assiette du crédit d’impôt « Export » les rémunérations versées aux volontaires internationaux en entreprise – 300 d’entre eux ont été réunis hier, et le Premier ministre en a profité pour annoncer un certain nombre de mesures facilitant leur départ. Nous annoncerons prochainement des mesures destinées à faciliter leur retour.

Cap Export, ce sont aussi une méthode, une approche et des moyens différents. La simplicité, la lisibilité et l’efficacité caractérisent l’approche. La méthode consiste à rassembler les acteurs des secteurs public et privé. Les premiers résultats nous parviennent : les personnes travaillent ensemble – la réunion d’Ubifrance et de l’AFI en est un exemple – ; pour la première fois depuis cinq ans, le nombre d’entreprises exportatrices repart à la hausse, tout comme les exportations, ce qui n’était pas arrivé depuis trois ans ; enfin, le volume de nos exportations vers les cinq pays que vous avez cités a augmenté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20.

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motion de censure

L'ordre du jour appelle la discussion et le vote sur la motion de censure, déposée en application de l’article 49, alinéa 2, de la Constitution par MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande, Roger-Gérard Schwartzenberg et 140 membres de l'Assemblée nationale.

M. François Hollande – Monsieur le Premier ministre, vous êtes en place depuis moins d’un an et votre gouvernement a déjà essuyé deux épreuves majeures : des émeutes urbaines d’une ampleur et d’une durée inégalées et un conflit social sur le CPE qui vous a aliéné la jeunesse et vous a contraint à reculer après plusieurs semaines d’obstination qui ont coûté cher au pays. À eux seuls, ces échecs auraient dû justifier votre départ (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), mais vous avez considéré qu’ayant déjà perdu la confiance des Français, il vous restait au moins celle du chef de l’État sans avoir besoin de vérifier celle du Parlement.

Et voilà qu’éclate une affaire qui plonge notre pays dans une crise politique, institutionnelle et morale qui compte parmi les plus graves de la Ve République parce qu’elle atteint l’État lui-même, ses institutions, son fonctionnement, son autorité. C’est le sens même de la censure que de faire cesser cette situation insupportable pour le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Marsaudon - Roland Dumas, Deviers-Joncour, les frégates !

M. François Hollande – Le Parlement n’est pas un tribunal, et il appartiendra à la justice d’établir la vérité, de remonter la chaîne des responsabilités et d’en tirer toutes les conséquences pénales. Mais nous savons d’ores et déjà que l’État a utilisé des informations à des fins de déstabilisation politique, et selon des procédures contraires aux règles et aux usages. Dès lors, nous devons poser quelques questions essentielles. Monsieur le Premier ministre, pourquoi alors que vous étiez ministre des affaires étrangères, avez-vous diligenté en janvier 2004 une enquête sur des personnalités politiques…

M. Jacques Godfrain - Des preuves ?

M. François Hollande - …en utilisant un officier général spécialiste du renseignement, membre du cabinet de la ministre de la défense, tout en demandant explicitement à celui-ci de ne pas en référer à celle-ci ? Pourquoi les services officiels n’ont-ils pas été saisis, pas plus que la justice, alors que selon l’article 40 du code de procédure pénale toute autorité publique dans l’exercice de ses fonctions qui acquiert la connaissance de délits est tenue d’en donner avis sans délai au procureur de la République ? Pourquoi, devenu ministre de l’intérieur en juillet 2004, saisissez-vous la DST sans l’informer de l’existence de l’enquête parallèle conduite par le général Rondot ? Pourquoi des personnalités citées dans les listings n’ont-elles pas été immédiatement prévenues des résultats de ces investigations, d’autant plus qu’elles les mettaient hors de cause ? Pourquoi le Premier ministre d’alors, Jean-Pierre Raffarin, n’a-t-il pas lui aussi été informé ? Pourquoi, enfin, votre actuel ministre de l’intérieur, dont je m’étonne d’ailleurs de l’absence, attend-il janvier 2006 pour saisir la justice…

M. Jean-Marc Roubaud - Fantasme !

M. François Hollande - Non, c’est la réalité. Pourquoi attend-il pour se constituer partie civile alors qu’il est informé depuis au moins deux ans de l’enquête de la DST ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Toutes ces questions appellent des réponses devant le Parlement.

Nous sommes dans une affaire d’État parce que les chaînes de commandement politiques ont été délibérément brisées, que les procédures administratives et judiciaires ont été volontairement contournées, voire détournées, et que les droits des personnes, dont certaines sont ici, ont été gravement mis en cause. Nous sommes dans une affaire d’État parce que des services secrets ont été utilisés à des fins de passions politiques…

M. Jacques Godfrain - Des preuves ?

M. François Hollande - …parce que l’État lui-même a été pris en otage, accaparé par des clans dans le cadre d’un conflit personnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Monsieur le Premier ministre, vous en portez la responsabilité en raison de vos fonctions antérieures de ministre des affaires étrangères et de ministre de l’intérieur. Vous la partagez avec le numéro deux du Gouvernement, vraie fausse victime d’une opération qu’il a contribué lui-même à relancer pour vous atteindre, avec succès. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Mais l’affaire d’État débouche sur une crise politique importante qui empêche votre gouvernement de travailler utilement dans l’intérêt du pays. Comment faire coexister dans la même équipe un Premier ministre soupçonné d’avoir déstabilisé le numéro deux de son équipe, et un ministre de l’intérieur qui engage une procédure judiciaire dont le premier effet est de vous viser, vous, le chef du Gouvernement ? Comment faire vivre un Gouvernement dans un pareil climat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Comment laisser plus longtemps s’amplifier, au gré des révélations quotidiennes, un scandale qui empêche le Gouvernement, tel qu’il est composé, de poursuivre sereinement sa tâche ? Surtout quand les rumeurs naissent et courent au sein même de l’exécutif ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Pas plus tard que dimanche, votre ministre des affaires sociales, Jean-Louis Borloo, faisait part de sa disponibilité pour vous remplacer. Et vous voudriez faire croire qu’il règne un climat serein au Gouvernement ? Le ministre de l’intérieur, le même jour, disait attendre la prochaine révélation de presse pour savoir s’il allait quitter le Gouvernement. Et comment admettre que soient utilisés par vos propres ministres, pour caractériser l’ambiance qui règne au Gouvernement, des mots invraisemblables ? C’est le ministre de l’intérieur – et pas l’opposition ! – qui évoque « des officines, des comploteurs et des manipulateurs ». C’est votre ministre de la défense – où est-elle ? – qui se présente comme une victime que l’on voudrait atteindre parce qu’elle serait susceptible de vous remplacer. C’est votre ministre délégué aux collectivités locales – mais où est-il ? – qui parle, dimanche, d’une « tentative de meurtre politique ». Ce n’est plus un Gouvernement : c’est un champ de bataille ! Et où trouver de la solidarité quand la haine est devenu le sentiment commun ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs)

Vous voudriez faire croire qu'il serait possible, avec un tel attelage, de donner confiance aux Français quand votre gouvernement en est totalement dépourvu, de susciter le respect du peuple, quand tout est permis au sommet de l'État. Et que dire de l'image de la France à l'étranger, au sujet de laquelle la présidente du Medef elle-même vous met en garde ? Comment admettre plus longtemps ce délabrement, cette déconsidération, ce délitement des institutions, et même de la politique, que personne – au-delà des affrontements entre la droite et la gauche – ne peut accepter de voir réduite à des coups tordus, des machinations et des manipulations. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

Dans toute démocratie digne de ce nom, une initiative aurait été prise pour changer la donne, purger la crise et retrouver la sérénité indispensable au service du pays. La logique et la clarté exigent à tout le moins un changement de gouvernement. Mais rien ne bouge. Tout se maintient, parce que chacun, au sein même de ce gouvernement, se tient. C'est là que la crise politique débouche – et vous en portez seul la responsabilité – sur une crise institutionnelle, puisque le mécanisme de la responsabilité ne joue plus. Le chef de l'État vous confirme comme Premier ministre, sans rendre compte au pays de ce choix, et sans décourager vos successeurs virtuels de se préparer. Vous-même, dans un isolement qui n'a rien de splendide, vous efforcez de poursuivre votre mission sans oser demander la confiance de l'Assemblée nationale, ce qui aurait pourtant permis de voir si vos amis vous l’accordaient ! Et c’est pourquoi nous déposons, nous, cette motion de censure, qui va permettre de clarifier la situation.

Quant au Président de l'UMP, numéro deux du Gouvernement, qui se prétend victime d'apprentis comploteurs – mais lesquels ? – et qui a déclenché la déferlante judiciaire qui vous atteint de plein fouet, il choisit de rester au ministère de l'intérieur pour mieux se protéger – il l'avoue lui-même – (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Ce qu’il cherche, c’est d’abord sa propre sécurité politique, tout en menant campagne pour la présidentielle – et c’est grave ! – aux frais du contribuable et de l'État… (Mêmes mouvements)

M. François Bayrou - C’est vrai.

M. François Hollande - Ce n'est plus de l'habileté mais de la duplicité, et cela mérite aussi qu’on le condamne. Ainsi tous ceux qui ont compétence au sommet de l’État pour agir se dérobent : le Président de la République, par confort personnel ; le Premier ministre, par indifférence à l'égard du suffrage universel, dont, d’ailleurs, il ne procède pas lui-même ; le numéro deux du Gouvernement, par calcul électoral. Dès lors, aux termes mêmes de notre Constitution, il revient à l'Assemblée nationale d'exercer la responsabilité et c’est la fonction de cette motion de censure. Puisque le chef de l’État ne veut pas changer de gouvernement, puisque le Premier ministre ne pose pas la question de confiance, puisque le Président de l’UMP préfère l’arrangement à la rupture, alors, c’est au Parlement, en votant la censure, de dénouer la crise et de stopper le processus qui abîme aujourd’hui la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs)

C'est pourquoi la motion de censure, que je présente ici, au nom du groupe socialiste, des radicaux de gauche et des Verts, est l'instrument de la clarification. Elle vise à tirer toutes les conséquences de comportements inadmissibles en démocratie, ainsi que toutes les conclusions de l’impossibilité dans laquelle se trouve le Gouvernement de continuer sa tâche.

Elle sanctionne aussi vos choix économiques et sociaux, qui ont affaibli le pays et vous ont placé au plus bas niveau de popularité de toute la Ve République. Elle est tournée vers les intérêts de la France. Tous ceux qui la voteront en conscience contribueront à sortir le pays de l'impasse (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP). Par contre, tous ceux qui ne la voteront pas, seront considérés comme soutenant Dominique de Villepin à la tête du Gouvernement, au risque d'amplifier la crise sociale et morale. Et ils en rendront compte, le moment venu, devant les électeurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Au-delà de notre vote d'aujourd'hui, nous mesurons, les uns et les autres, l'intensité du trouble qui traverse notre pays : il s'interroge sur sa place en Europe – et le référendum du 29 mai 2005 en a été le signe ; il refuse le libéralisme comme modèle de référence, et le conflit sur le CPE en a été l'illustration ; il se pose la question essentielle de son identité et de la capacité à vivre ensemble, et les émeutes urbaines en ont été l'un des révélateurs ; il doute de la volonté du politique de prendre la mesure de la mondialisation, et la succession des alternances depuis vingt ans l’a démontré. Bref, tout appelle à une meilleure maîtrise des enjeux fondamentaux qui se posent à la France ; tout commande un débat « projet contre projet » sur les questions essentielles de l'égalité, de la laïcité, de l'éducation, de l'environnement, de l'énergie. Tout exige de faire de la démocratie l'objectif de l'action publique et les conditions de sa réussite.

Au lieu de cela, que voyons-nous ? L'exécutif tout entier, par ses comportements, par ses silences comme par son irresponsabilité, fait subir une épreuve terrible aux Français, dont il ne tient qu'à l'Assemblée nationale qu'elle s'arrête. C'est vous, et votre gouvernement, qui créez la défiance. Vous prenez le risque, par la tempête que vous levez, de gonfler encore les vents mauvais de l'incivisme et de l'extrémisme.

La censure, c'est aussi un sursaut républicain pour revenir à l'essentiel. Et d'abord à l'immédiat et à l'urgent, c'est-à-dire à tout ce qui fait la vie quotidienne des Français, fatigués d'une affaire qui les désole, mais harassés, surtout, par les effets de votre mauvaise politique et sociale. Sur l’emploi, votre méthode, c’est d’afficher des résultats en trompe-l'œil sur le chômage, alors les annonces de suppressions d'emplois se multiplient. Aujourd’hui même, c’est la SOGERMA, filiale d’EADS, entreprise dans laquelle l'État joue un rôle majeur, qui ferme son site de Mérignac. En l’espèce, je vous demande d'aller au-delà des proclamations convenues et de contraindre le Président d'EADS, M. Forgeard, que le Gouvernement a porté à la tête de cette entreprise – avec M. Gergorin, dont vous connaissiez parfaitement, dès cette époque, le rôle dans la déstabilisation de l’État – (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs) à revenir sur cette décision de fermeture. Le vrai scandale d'EADS, il est là, dans les mille emplois supprimés par incompétence des dirigeants à régler une crise de succession, trop occupés qu’étaient certains d’entre eux à fomenter une crise au sommet de l’État. Vous parlez d’emploi, quand, chaque jour, de nouveaux plans sociaux s’annoncent et que, dans nos circonscriptions, nous sommes assaillis par les difficultés qui en découlent. Vous annoncez 400 000 CNE, mais combien d’emplois ont été supprimés ? Qu’avez-vous fait pour lutter contre la précarité et les licenciements sans motifs ?

Plusieurs députés UMP - Parlez-nous des 35 heures ! Merci Martine !

M. François Hollande - Qu’avez-vous fait pour limiter les conséquences de la hausse des prix du carburant et du gaz ? Qu’est devenu le « ticket transports » pour les salariés, annonce sans suite d’il y a plus de huit mois ? Et vous voudriez que l’on vous croie alors que toutes vos annonces sont restées lettre morte. Et dois-je parler de la crise des banlieues, alors que vous vous êtes contentés de mettre le couvercle sur la cocotte-minute ? On append que les jeunes de ces quartiers ont été convoqués à l’ANPE, et que ça s’est arrêté là ! Tel est le bilan de votre politique sociale.

Quant à l’insécurité, et nous aurions aimé que votre ministre de l’intérieur soit là pour nous en parler, combien de faits divers atroces constate-t-on depuis des mois ? (Huées et claquements de pupitre sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur plusieurs bancs du groupe UDF) Or je n’ai pas oublié, lorsque nous étions aux responsabilités, que chaque séance de questions au Gouvernement donnait lieu à une exploitation éhontée de ce type de drames (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Le ministre fait part de sa compassion pour les victimes : encore heureux ! Mais cela ne suffit pas lorsque l’on se contente de se payer d’effets d’annonce depuis quatre ans ! Tel est le bilan de votre politique contre l’insécurité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Et que dire de votre gestion des finances publiques : en quatre ans, l’endettement, en proportion de la richesse nationale, a augmenté de dix points ; les déficits de l’État et de la sécurité sociale atteignent des niveaux historiques et celui du commerce extérieur dépasse 25 milliards pour 2005 !

C’est face à ce bilan et dans ce contexte, pesant, de précarité, d'incertitude, de peur du déclassement, que l'affaire qui vous étreint et vous étouffe, s'installe. Cette inquiétude face au risque de déclin, mesurez là ! Quand l'indignation s’ajoute aux inégalités et aux injustices, alors tout est possible – et vous n’avez pas de leçons à nous donner à cet égard ! (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP) Le 5 mai 2002, contre l’extrémisme, nous avons pris nos responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Vous, vous avez reçu mandat de défendre la République ! Qu’en faites-vous aujourd’hui ? Vous la salissez par votre comportement. Respectez au moins le mandat de 2002 : luttez contre l’extrémisme et défendez la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Beaucoup dans cette assemblée, au-delà des clivages politiques, ressentent avec douleur le malaise que notre pays connaît ; beaucoup éprouvent avec lucidité le besoin de clarification, de transparence, de vérité. Chacun constate avec inquiétude les effets de ce délabrement au sommet de l'État ; chacun reconnaît que notre pays interpelle ses dirigeants sur des comportements inadmissibles.

M. Jean Marsaudon - Vous n’êtes pas le pays ! 14 % !

M. François Hollande – Pouvons-nous, en toute bonne foi, attendre 2007 avec un Gouvernement constitué comme il l’est, avec un numéro un et un numéro deux qui se déchirent, avec des bandes, avec des clans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP) Pouvons-nous vivre encore un an dans ce climat irrespirable ? Vous êtes d’ailleurs venus bien peu nombreux, Mesdames et Messieurs de la majorité, soutenir votre Premier ministre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste) Sans doute vos collègues qui ne sont pas là ne voteront-ils pas la censure ; mais d’ores et déjà, ils ne vous accordent plus leur confiance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Au-delà de l’affrontement gauche–droite, la question est posée à tous. Que ceux qui veulent mettre un terme à la crise votent la censure et accordent au moins leur confiance à la démocratie et au Parlement. Que ceux qui ne la voteront pas la craignent : elle viendra en 2007. (Les députés du groupe socialiste et M. Mamère se lèvent et applaudissent longuement)

M. le Président – La parole est à M. François Bayrou, pour le groupe UDF (Huées sur les bancs du groupe UMP) Je vous en prie !

M. François Bayrou - Vous comprendrez qu’à cette heure, je ne puisse m’empêcher d’avoir une pensée pour un homme qui a beaucoup fréquenté cet hémicycle, qui a été mon adversaire pendant trente ans, et qui était aussi un ami : j’ai une pensée pour André Labarrère, qui vient de disparaître (Applaudissements sur les tous les bancs).

Vous me pardonnerez de commencer en citant à cette tribune les propos d'un dangereux révolutionnaire, un de ceux dont l'ordre public a tout à redouter : Édouard Balladur, qui le 11 mai, déclare à l'AFP : « Nous ne vivons pas seulement une crise politique ; c'est plus grave que cela, c'est une crise morale. Et cette crise ne peut pas durer plus longtemps sans dommages. » J’y ajouterai une anecdote. Hier avait lieu, dans une salle du Parlement européen, un débat sur l'adhésion de la Roumanie. Les questions étaient sévères, faisant au représentant roumain des reproches sur l'État de droit, sur les soupçons de corruption. Alors le représentant roumain s'est levé et a dit : « Que me diriez-vous s'il se passait en Roumanie ce qui se passe en France ? » (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

Crise morale, atteinte à l'image et à la réputation de notre pays. Nous avons à répondre à une seule question : est-il bon pour la France que tout cela, cette décomposition qui empêche toute action réelle, sur quelque sujet que ce soit, et désespère les Français, dure encore une année ?

Comment mettre un terme à cette crise ? Les Français, écœurés par ce spectacle et par ce qu’il révèle, baissent les bras en disant : « on n'y peut rien ». Eh bien si, on y peut quelque chose ! Il y a deux autorités dans la République qui ont le pouvoir, la responsabilité – et même le devoir – d'intervenir lorsque le délitement atteint un seuil intolérable. La première de ces autorités, celle dont on attendait la réaction, c'est le Président de la République. C'est vers lui que se tournaient les regards. Il a le pouvoir de rompre ce cercle vicieux. Il peut démissionner. Il peut dissoudre. Il peut changer de gouvernement. Il peut demander au Gouvernement d'engager sa responsabilité devant l'Assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Il a choisi de ne rien faire.

La deuxième autorité, c'est l'Assemblée nationale. Ce sont les députés du peuple qui ont le pouvoir, selon la Constitution, de « mettre en cause la responsabilité du Gouvernement par l'adoption d'une motion de censure. »

Quelle est la responsabilité du Gouvernement ? C’est moins l’affaire Clearstream que d'avoir été acteur de la décomposition civique à laquelle nous assistons. Ce gouvernement a été bâti – je l’ai dit le jour même où il a été constitué – autour d'une rivalité haineuse. L'un soupçonne l'autre d'avoir créé l'affaire pour l'anéantir. L'autre soupçonne l'un de l'avoir fait exploser pour le déstabiliser. Cette rivalité haineuse a tout pourri, comme c'était prévisible – et nous le savons tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste)

Ah, aujourd'hui, s'il y avait une censure des uns contre les autres, avec quelle ardeur elle serait votée ! Et avec quelle ardeur elle s'exprime ! Entendez-vous ce qui se dit dans les couloirs, dans les journaux (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), non pas parmi les citoyens, mais parmi les élus de l'UMP (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF), leurs responsables, le secrétaire général de l’UMP, et tous ceux qui annoncent officiellement, par un communiqué au Figaro, qu'ils ne seront pas là pour soutenir le Gouvernement, qu’ils voteront avec leurs pieds, en désertant l’hémicycle pour manifester leur réprobation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

La censure, elle est dans tous les esprits. La censure, elle est sur tous les bancs. La censure rentrée, la censure discrète, la censure chuchotée, la censure sournoise. Eh bien, je lui préfère une censure franche, celle qui s’exprime par un bulletin de vote ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste)

Mais la mise en cause du Gouvernement ne s'adresse pas seulement à ce climat de rivalité haineuse. Elle s'adresse à l'utilisation de l'État dans cette guerre de clans. Les services secrets de notre pays, dans leur dimension intérieure et extérieure, la DST, la DGSE, l'officier général chargé des opérations spéciales, sans que personne puisse savoir qui vise qui, qui utilise qui, qui manipule qui. Sans vouloir vous troubler dans la lecture de vos notes, que je devine très importantes pour l’avenir de notre pays, Monsieur le Premier ministre, la Ve République vit avec cette pratique depuis trop longtemps. Et cette pratique est une tare de la République. Comme si l'Etat, le plus enivrant dans l'État, c'était cela, les secrets de police, les notes blanches, les petits secrets que l'on savoure et dont, à l'occasion, on se sert. Cela devient, ouvertement, un objet de pouvoir. Ainsi peut-on entendre, au moment de la formation du Gouvernement, un ministre de l'Intérieur dire qu'il revient au pouvoir pour « reprendre en main les services secrets ». Plus tard on annonce triomphalement qu'il l'a fait ! Tout cela sur fond de terribles affaires financières, dont on prononce le nom en baissant la voix – les frégates de Taïwan, les avions de combat, affaires qui ont entraîné des détournements d'argent inouïs…

M. Jean Marsaudon - C’étaient les socialistes !

M. François Bayrou – C’est exact, et j’y viens. Affaires, disais-je, qui ont entraîné des détournements d'argent inouïs et un chapelet d'assassinats, affaires dont un ancien ministre de la défense, Alain Richard, vient de parler en termes non voilés. Là aussi, Monsieur Hollande, l’article 40 du code pénal aurait pu jouer !

Les Français ne veulent plus de cette République noire, de cette République d’ombres.

C'est donc, en apparence, une affaire d'État, à laquelle les Français ne comprennent goutte. Mais en réalité, c'est bel et bien une crise de régime. Car la vraie question est de savoir comment la France, républicaine depuis deux siècles, a laissé se développer de telles dérives. Nos institutions auraient dû les détecter et les réprimer. En effet, les institutions démocratiques ne s'adressent pas à des hommes vertueux. Elles s'adressent aux hommes comme ils sont, plus ou moins fragiles, plus ou moins sujets à la faiblesse.

M. Georges Tron - Cela ne veut rien dire !

M. François Bayrou – Regardez autour de vous, et vous comprendrez ! Les institutions sont là pour poser des garde-fous qui empêchent ces faiblesses de s'installer et de détruire. Les penseurs de la démocratie libérale l'ont précisément pensé pour écarter ces dérives banales que sont la corruption, l'abus de pouvoir, l'appropriation de l'État, l'opacité des comportements.

Or nous avons un virus dans notre démocratie, qui l’empêche de se défendre : c’est l’absolutisme. Il y avait de l’absolutisme chez le général de Gaulle, parfois même un absolutisme ébouriffant, comme une nostalgie de la monarchie de droit divin (Protestations sur les bancs du groupe UMP)… Ne me hurlez pas dessus quand je cite le général de Gaulle ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Mais cet absolutisme gaulliste était tempéré par le référendum. On le vit bien en 1969. Le pouvoir n’était pas un chèque en blanc, puisque le peuple était appelé à intervalles réguliers à valider sa signature. Si la confiance manquait, le Président s’en allait. Et il s’en alla, lui !

Aujourd'hui et depuis des décennies, nous avons le pire des absolutismes : l'absolutisme dissimulé, sans contrôle et d'autant plus pernicieux qu'il est caché. Apparemment, la séparation des pouvoirs existe. Apparemment, l'autorité judiciaire est indépendante. Apparemment, les autorités de contrôle sont libres. Apparemment, c'est le Parlement qui vote les lois et contrôle l'exécutif. Apparemment...

Mais la réalité est tout autre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Le pouvoir exécutif est en fait à la fois exécutif et législatif, il vit dans l'intimité avec les autorités de contrôle qu'il nomme souverainement, il multiplie les manœuvres pour contrôler le judiciaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Il faudra par exemple expliquer ce que signifie dans les carnets du général Rondot cette phrase sibylline à propos du juge Van Ruymbeke, en juillet 2004 : « faire le passé de son père »…

M. Arnaud Montebourg – Incroyable !

M. François Bayrou – J’aimerais savoir ce que signifie cette phrase quand elle est notée par le général chargé de coordonner les opérations spéciales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste)

Dans cette République absolutiste, celui qui contrôle l’Élysée contrôle la majorité, surtout lorsqu'elle a pris l'engagement écrit d'obéir à tout, et nomme à tous les emplois de l'État.

Quand il advient de plus que toutes les majorités, dans toutes les assemblées, appartiennent à un seul parti, il n'y a plus aucun contrepouvoir. Les gouvernants n'ont plus aucune obligation de discuter, de consulter, d'entendre, de convaincre. Ils pensent pouvoir agir à leur guise. Et vous avez le CPE ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Dans la République absolutiste, il n'y a plus qu'un but politique : contrôler le quartier général. À partir de quoi, on installera ses hommes partout, ses réseaux partout. Tout le pouvoir pour un clan et qui n'est pas avec moi est contre moi ! D'où l'état de guerre intestine, d’où la guerre des clans pour contrôler l'État !

M. Arnaud Lepercq - Parano !

M. François Bayrou - Croyez-vous vraiment ?

Ce régime, regardez le bien et voyez ses échecs perpétuels, sous la gauche et sous la droite ! Ce régime, c'est un ancien régime. Et il faut que la vigueur et la rigueur du peuple français en fassent réellement et le plus vite possible un ancien régime.

C'est nous, élus du peuple, non pas élus de l'UMP (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), du PS ou de l'UDF, non pas élus des partis, mais élus des citoyens, élus sans mandat impératif, n'ayant à obéir à aucune consigne autre que celles de notre conscience, c’est nous qui avons le moyen de sortir de cette crise qui dure depuis des mois et même des décennies.

Je sais bien qu'il y a la discipline de parti, les habitudes,et je connais bien cette idée : ne pas mélanger nos voix avec celles du parti socialiste et des communistes. Eh bien, parlons en ! À gauche, interdiction formelle de parler avec la droite, et même au congrès du Mans, interdiction écrite de travailler avec le centre. À droite, interdiction formelle de fréquenter la gauche. Entre les deux, au milieu de cet hémicycle, le mur de Berlin ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Puis-je rappeler à cet hémicycle que le mur de Berlin est tombé en 1989, il y a bientôt vingt ans ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Et qu'il y a quelques mois, il est de nouveau tombé, à Berlin, lorsque la droite et la gauche allemandes ont choisi, obéissant aux électeurs, non seulement de parler ensemble, mais de gouverner ensemble ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Du temps du mur de Berlin, il y avait ceux qui acceptaient de partager les valeurs de la dictature soviétique et ceux qui ne l'acceptaient pas. Mais aujourd’hui il n'y a plus de dictature soviétique. De ce bloc, reste la Chine, vers laquelle courent ventre à terre les multinationales.

Je suis en désaccord et souvent en opposition avec le PS. Je n'exonère ce parti d'aucune de ses responsabilités dans la crise que nous vivons. Je n'ai pas oublié la fin de François Mitterrand, je n'ai pas oublié les écoutes téléphoniques et ce temps où, sur oukase, on écouta des centaines de Français qui avaient déplu au Prince offensé. Comme aujourd'hui, c'était officines et compagnie ! Je n'ai pas oublié que l’affaire des frégates de Taiwan a commencé sous un gouvernement socialiste. Je ne me dissimule rien ni de leur passé, ni des différences que j'ai avec eux. Mais je ne considère pas les socialistes français comme des ennemis, ni comme des intouchables.

De même je suis souvent en opposition avec l'UMP. Je suis en désaccord radical avec l'idée d'un parti unique, même si je sais que beaucoup de Français – que j'estime – ont cru à ce choix. Mais ce désaccord ne fait nullement pour moi de ce parti un ennemi.

Ce que je considère comme ennemie, c'est la malédiction qui interdit de se parler en France, même quand on est d'accord, sous prétexte qu'on n'a pas la même étiquette (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Dans la société du XXIe siècle, le pluralisme gagne partout, dans les familles, dans les genres de vie, dans l'entreprise. Le seul endroit où il n'est pas accepté, c'est dans le lieu même du pluralisme, à l'Assemblée nationale, où pourtant la France, dans sa diversité, est censée être représentée ! Eh bien, en effet, je franchis un pas.

Plusieurs députés UMP - Vers la gauche !

M. François Bayrou - J'accepte de voter, dans des circonstances nationales graves, avec des gens qui sont différents de moi. Je ne renie rien de ces différences, mais je les fais passer après l'intérêt national (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Et même j'envisage, lorsque viendra le moment de reconstruire notre pays, de travailler avec des gens différents de moi, d'un bord et de l'autre, non pas pour sanctionner comme aujourd’hui, mais pour construire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Car nous sommes descendus si bas, nous sommes allés si loin dans la décomposition qu'il faudra rassembler, pas seulement du centre, mais de droite, de gauche, pour garantir aux Français que la République nouvelle sera la République de tous et non pas la République des amis !

On croit que c'est une révolution et on hurle quand on entend ces mots ? Mais sur les 36 000 communes de France, combien sont gouvernées ainsi, en rassemblant les différences ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) Ce fut aussi le choix de notre histoire. Ce fut le choix du général de Gaulle (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Et celui de Robert Schumann. Ce fut le choix de Pierre Mendès-France. Et celui de Chaban-Delmas. C'était aussi le choix de Valéry Giscard d'Estaing, avant qu'on ne le contraigne à se replier sur un camp, et donc à perdre. C’était le choix de Michel Rocard, nous le savons bien. Et c'était le choix de Jacques Delors. Et c'est le choix de millions de Français, choix qu’ils ne peuvent exprimer parce qu'on ne leur propose que simplisme et haines de camp.

Et quand en 2002, Jacques Chirac a été élu à la présidence de la République, avec plus de voix de gauche que de voix de droite, personne n'est allé le traiter, Monsieur Accoyer, de « petit supplétif de la gauche » ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Il y a une idée de la France et de la République qui dépasse les idéologies. Il y a des principes sur lesquels on doit s'accorder, surtout quand ça va mal, à condition que l’on se respecte pour ce qu'on est. On ne gouverne pas un pays avec une minorité, on ne gouverne pas un pays avec 19 %, on ne gouverne pas pour une minorité, on ne gouverne pas pour 19 % ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) On gouverne un pays avec une base large. Pour l’obtenir, il faut rassembler des courants différents !

Quelle est la condition du rassemblement ? Ce sont des projets et des principes clairs. Il faut des institutions nouvelles. Il faut une république qui tourne le dos à ce dévoiement de la Ve République. Il faut une société de liberté. Il faut l'économie libre avec un contrat social. Il faut l'État impartial. Et il faut un projet européen clair. Sur tout le reste, on discute, on négocie. Parfois on est d'accord, parfois on est en désaccord. On débat, on vote, sans majorités ni oppositions automatiques, avec des leaders qui s'engagent et un peuple qui de ce fait s'intéresse.

Car il y a un peuple qui s'avance vers cette démocratie ouverte, alors que l'Assemblée en reste aux hurlements bihebdomadaires. Il y a un peuple de citoyens dont internet, par exemple, est devenu le terrain de débat. On ne gouverne pas ce peuple comme un peuple de sujets, soumis à un État contrôlé. Plus vous essaierez de le faire, plus vous connaîtrez de déconvenues.

De ce peuple qui veut que l'on sorte de cette décomposition, nous sommes ici les élus. Nous n’avons pas été élus pour laisser notre pays dans cette crise morale et démocratique. Nous sommes élus, tous, pour sortir de cet effondrement. Nous avons le pouvoir de le faire, simplement par un bulletin de vote, dans quelques minutes.

Nous avons le pouvoir, et selon moi, nous avons le devoir de le faire ! C'est pourquoi, pour exercer ce devoir, je voterai la motion de censure (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Alain Bocquet – Depuis plusieurs jours, le débat public est pollué par une affaire nauséabonde de règlement de comptes, impliquant les hautes sphères de l’industrie de l’armement et la tête de l’exécutif, sur fond d’officines bancaires douteuses, de listings truqués, de dénonciations calomnieuses et d’enquêtes parallèles et secrètes. Ces luttes intestines qui ont pris le pas sur la conduite de l’État, ce feuilleton que la presse alimente chaque jour, offrent une image déplorable de notre démocratie : nous sommes devenus la risée de l’étranger. La justice doit essayer de démêler un imbroglio de manipulations et de coups tordus au sommet d’un État-UMP que les ambitions personnelles transforment en théâtre d’ombres.

À l'occasion du débat de politique générale, il y a un an, j'évoquais le destin des triumvirats de Rome, en ces termes : « On sait qui sont César, Pompée et Crassus ; reste à savoir qui sera Brutus ! » À l’époque on me raillait ; aujourd'hui nos collègues de l'UMP rient jaune !

La présidentialisation, la dévalorisation du Parlement, la bipolarisation de la vie politique confisquent le pouvoir au profit des forces dominantes, à commencer par le Medef.

Notre pays a un besoin urgent d'une nouvelle Constitution pour remplacer l'actuelle monarchie républicaine par une République moderne, citoyenne et populaire. Les députés communistes et républicains veulent rendre sans attendre le pouvoir citoyen au peuple. Il est grand temps qu'un souffle d'air pur traverse la vie politique française.

L’affaire Clearstream aggrave une crise politique et sociale qui s'aiguise depuis la défaite de la droite aux régionales en 2004 et le référendum du 29 mai 2005. Le fossé s’est creusé ce jour-là entre une majorité de nos compatriotes, rejetant une conception libérale de l'Europe, et les groupes parlementaires qui, à l’unique l'exception du groupe communiste et républicain, l'avaient plébiscitée.

Vous n'en avez pas tenu aucun compte, Monsieur le Premier ministre. Derrière des discours d'affichage aux accents gaulliens, les réformes réactionnaires ont continué. Jean-Pierre Raffarin s’était attaqué au droit à une retraite décente à 60 ans, avait sabordé la sécurité sociale et l'hôpital public, abandonné France Télécom au marché boursier,…

M. Richard Mallié – On n’est plus au XIXe siècle !

M. Alain Bocquet - …assoupli les procédures de licenciement économique et décentralisé les charges de l'État sur les collectivités locales.

M. Philippe Briand - À côté de ce que Poutine a fait, ce n’est rien !

M. Alain Bocquet - Vous, Monsieur de Villepin, main dans la main avec votre ministre de l'intérieur, votre gouvernement et votre majorité, vous avez poursuivi à marche forcée la «thatchérisation» de la France. Depuis les ordonnances d'août, les coups bas pleuvent sur le monde du travail et de la création : CNE, travail de nuit pour les apprentis et fin de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans, ouverture du capital d’EDF aux spéculateurs, vente des autoroutes, cession à Bouygues des actifs de l'État au sein d'Alstom, privatisation à venir d'Aéroport de Paris, mariage boursier annoncé de GDF avec Suez, déremboursement de médicaments et d'actes médicaux...

La crise actuelle est celle d’un système d'exploitation qui crée 20 millions de chômeurs en Europe, condamne 15 millions de nos concitoyens à l'ANPE, au RMI, aux stages, aux boulots précaires ou partiels. Aujourd’hui 71 % de Français jugent mauvaise la politique économique du Gouvernement ; 53 % des ouvriers veulent le retrait du CNE, tout comme les syndicats, et désormais les tribunaux l'invalident. Entendez raison : retirez le CNE ! Ouvrez des négociations pour l'amélioration du droit du travail, des salaires et du statut des salariés.

Cette crise est celle d'une politique sinistre et cynique qui, plutôt que de s'attaquer à l'exclusion qui a provoqué la violence de l'automne dernier, soigne les actionnaires du CAC 40, qui s'adjugent le tiers des 84 milliards de bénéfices record en 2005. Au budget 2006, 1,2 milliard de cadeaux fiscaux divers ont été accordés aux privilégiés.

M. Richard Mallié – Bientôt il n’y en aura plus, ils s’en vont tous !

M. Alain Bocquet – Ainsi 12 000 hauts cadres et PDG actionnaires se partagent ainsi 68 millions d'allégement de l'impôt sur la fortune, alors que vous méprisez notre proposition d'engager un programme d'urgence urbaine et sociale de 6,2 milliards, pour répondre aux besoins les plus criants.

La moitié des ménages doit se contenter de moins de 2 020 euros par mois pour faire face à des loyers prohibitifs, à la flambée des prix du gaz de 20 % en un an, de l'essence de 24 % et du fioul de 17 % en deux ans. Le surendettement des ménages a augmenté de 9,8 % en un an et les expulsions locatives de 37 % en cinq ans.

Le Gouvernement préfère détourner l'attention de l'opinion sur la population immigrée et l’UMP offrir à son électorat extrémiste un « tri sélectif » des étrangers, et imposer une loi xénophobe qui fait honte à la France.

Cette crise, c'est celle de l'autoritarisme à la solde du Medef (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). Quand le monde du travail réclame une revalorisation des salaires, vous mettez à la diète les fonctionnaires, que vous comparez avec mépris à « des moules accrochées aux rochers », et vous ressortez les vieilles lunes de la participation.

Cette crise est en définitive celle d'une classe politique dont le bréviaire reste le traité de Maastricht et la directive Bolkestein, pour laquelle l'argent va à l’argent, et qui reste de marbre quand EADS détruit 1 000 emplois à la SOGERMA à Mérignac, alors que le groupe a réalisé 1,7 milliard de bénéfices en 2005, ou quand la direction de Dim annonce plus de 400 suppressions d'emplois. Plus le Gouvernement se rassure avec des chiffres du chômage en baisse, plus on compte de licenciements, de chômeurs exclus des statistiques, de précaires sous-payés et de Rmistes !

Pour ouvrir une autre voie, l'argent doit être mis au service du développement humain. Notre groupe a déposé plusieurs propositions de loi et de création de commissions d'enquête parlementaire pour s'attaquer enfin aux méfaits de ce capitalisme financier. Qu'il s'agisse de Total, dont les 12 milliards de résultats nets en 2005 ont été payés en bonne partie par les consommateurs, de l'avenir de la sidérurgie en proie aux batailles boursières, du scandale de Metaleurop, ou du projet de rapprochement entre les Caisses d'épargne et les Banques populaires, la majorité UMP a opposé une fin de non-recevoir à ces requêtes. Elle a rejeté notre proposition de loi visant à instaurer dans les entreprises un dispositif de négociation obligatoire sur les départs à la retraite, contre des embauches stables, alors que 600 000 emplois vont se libérer chaque année jusqu'en 2015.

On ne sortira de la crise ni par un énième ravalement de la façade UMP, ni par l'organisation d'une simple alternance sans alternative. Il faut réorienter l'économie, stimuler les investissements, développer une politique du crédit sélective et une fiscalité qui pénalise la spéculation, doter les salariés et leurs organisations d'un droit d'ingérence dans la gestion des entreprises, pour défendre l'emploi face aux délocalisations ou restructurations.

La victoire contre le CPE en témoigne : des hommes et des femmes agissent pour se forger un avenir meilleur. Loin des marigots politiciens, les députés communistes et républicains sont à leurs côtés. Soixante-dix ans après le Front populaire, nous demeurons fidèles à l'esprit conquérant de « 36 », celui d'une France vivace et généreuse.

Votre Gouvernement et votre majorité ne sont porteurs que de régression. Nous voterons donc cette motion de censure. Certes, sauf miracle, auquel je ne crois pas, elle ne passera pas ici, mais elle est déjà passée dans le pays. Vous n’avez plus, Messieurs du Gouvernement, qu’à partir afin qu’on rende la parole au peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Accoyer - Cette sixième motion de censure déposée par le groupe socialiste en quatre ans est totalement étrangère aux préoccupations de nos compatriotes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste). En total décalage par rapport à leurs attentes, elle est marquée avant tout par des calculs électoraux et des arrière-pensées politiciennes.

Nous attendions que le parti socialiste esquisse enfin un projet crédible. Nous n’avons entendu qu’un nouveau réquisitoire, outrancier. Cette motion de censure, développée autour d’une simple rumeur, ce qui constitue d’ailleurs une première dans l’histoire parlementaire, ne vous honore pas, Monsieur Hollande (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Nous attendions les idées nouvelles du parti socialiste sur l’emploi. Or, rien ! Le mot ne figure même pas dans la motion, alors que l’emploi est la première préoccupation des Français. Il est vrai que depuis un an, le nombre de chômeurs a diminué de 185 000, sous l’effet de la politique volontariste du Gouvernement.

M. Jérôme Lambert - Et du maquillage des statistiques !

M. Bernard Accoyer - Nous attendions les propositions du parti socialiste sur le logement, autre priorité pour nos compatriotes. Or, rien ! Le mot ne figure pas davantage dans la motion. Il est vrai qu’en 2005, on a construit deux fois plus de logements sociaux qu’en 2000 et que 530 000 permis de construire ont été déposés sur les douze derniers mois, ce qui constitue un record.

Nous attendions également des idées nouvelles pour lutter contre la délinquance. Or, rien ! Le mot n’est pas cité non plus. Il est vrai que la délinquance a reculé de 8 % depuis 2002 alors que la gauche l’avait laissée exploser par naïveté et par angélisme.

Monsieur Hollande, au-delà de vos déclarations incantatoires, voilà la réalité des chiffres qui intéressent les Français. Mais vous intéressez-vous encore à eux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Sans aucune proposition concrète pour les Français, l’opposition essaie maintenant d’entraîner le Parlement là où il n’a pas à aller. Elle tente d’exploiter la confusion actuelle (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), provoquée par l’emballement de rumeurs et de manipulations, ainsi que par la violation répétée du secret de l’instruction ouverte pour dénonciation calomnieuse. Après l’opposition frontale, après l’opposition-caoutchouc, voilà l’opposition-inquisition, celle des bûchers médiatiques, des mises au pilori, des chasses à l’homme organisées et des condamnations sans jugement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Une opposition-inquisition qui, en consacrant la totalité de sa motion de censure à ce qui relève d’abord de la justice, ne fait que reprendre les vieilles méthodes des extrêmes : l’anathème, l’amalgame, la dénonciation de prétendus complots (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Faut-il donc que le parti socialiste doute de lui-même dans la préparation des échéances pour faire ainsi la courte échelle aux extrêmes ?

Cette tentative délibérée d’intrusion dans le champ de la justice revient à bafouer les deux principes de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance de la justice. Le parti socialiste jette le masque ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

II est vrai que, par le passé, certains de ses membres ne se sont pas toujours embarrassés de ces principes. C'est une tentation récurrente pour des ténors de ce parti que de vouloir transformer nos institutions en tribunal révolutionnaire. Les pseudo- procureurs, les vrais imprécateurs, les ayatollahs de la gauche bien pensante, qui siègent sur les bancs de l'opposition, confondent souvent travail législatif et effets de manche.

M. Arnaud Montebourg – Grotesque ! Histrion !

M. Bernard Accoyer – Nous, députés UMP, sommes reconnaissants au Président de la République d'avoir rappelé, avec force et détermination, que « la République, c’est la loi », et non « la dictature de la rumeur ni celle de la calomnie ». Aucun d'entre nous sur ces bancs ne saurait s'accommoder du règne de la dénonciation calomnieuse et de la suspicion permanente. Aujourd'hui en France, tout responsable, tout citoyen peut se retrouver accusé publiquement des pires méfaits, à partir de fuites orchestrées, de « pièces » tronquées, pourtant couvertes par le secret de l'instruction. C'est pour cela qu'il faut laisser la justice faire son travail sereinement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Que je sache, ni l'autorité de l’État, ni l’action de nos services de renseignements ne sont en cause (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). L’autorité de l’État, c’est vous qui l’avez affaiblie. N’ayez pas la mémoire courte. Rappelez-vous le bilan de la dernière législature : une justice oubliée, sans moyens financiers, laissant les victimes démunies, le droit à la sécurité bafoué, une défense nationale sans moyens et désemparée. C’est la majorité qui a rétabli l’autorité de l’État en rendant moyens et respect à notre justice, en faisant reculer massivement et durablement l'insécurité, en redonnant fierté et crédibilité à nos forces armées. Voilà la vérité, les Français le savent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Quant à l'action de nos services de renseignements, faut-il rappeler la conception pour le moins curieuse que vous en avez eue par le passé ? N’avez-vous pas envoyé ces services mener aux antipodes des opérations de guerre pour couler des bateaux d’ONG ? Ne les avez-vous pas détournés de leur mission pour protéger des secrets de famille, en plaçant tout Paris sur écoutes – journalistes, écrivains et même actrices ?

Dans le dossier que vous tentez aujourd’hui d’exploiter, les services ont fait leur travail, vérifiant des informations qui relevaient de la sécurité et de la défense nationale et mettaient en cause de hauts fonctionnaires et des industriels de l'armement. Tout gouvernement responsable aurait agi de même. Les enquêtes menées par les services ont toutes conclu que les faits allégués étaient infondés et qu'il s'agissait d'une grossière tentative de manipulation. Laissons maintenant travailler l'institution judiciaire pour établir la vérité des faits et rendre justice aux personnes calomniées.

Si l'opposition cherche à exploiter politiquement ce ténébreux dossier pour camoufler le vide de ses propositions, nous, députés UMP, ne nous détournerons pas de notre action au service des Français, dans l'intérêt des générations à venir.

Le Gouvernement et la majorité sont au travail. Les résultats sont là, et ils sont bons. La baisse du chômage, la plus forte depuis cinq ans, profite à toutes les catégories de demandeurs d'emploi.

M. Patrick Roy – Parlez-nous du nombre de Rmistes !

M. Bernard Accoyer - Les 410 000 contrats nouvelles embauches signés en neuf mois seulement démontrent l'efficacité du dispositif, pourtant si contesté par la gauche. De même notre majorité a multiplié depuis quatre ans les mesures contre le chômage des jeunes. Plus de 300 000 contrats jeunes en entreprise ont ainsi permis à des jeunes sans qualification d'accéder à un CDI. La loi pour l'égalité des chances, que vous avez si farouchement combattue, étend le bénéfice de ce contrat à tous les jeunes sans qualification, au chômage depuis plus de six mois. Le nombre de contrats d’apprentissage a, quant à lui, augmenté d’une manière sans précédent. Avec à ce jour, près de 400 000 jeunes en apprentissage, les objectifs du plan de cohésion sociale seront atteints. De même, 170 000 jeunes bénéficient d'un accompagnement personnalisé vers l'emploi, grâce au contrat d’insertion dans la vie sociale.

Le contrat première embauche a été mal compris. Il est apparu que « les conditions nécessaires de confiance et de sérénité n'étaient pas réunies, tant du côté des jeunes que des entreprises, pour permettre son application. » Nous lui avons substitué, dans le consensus social, des mesures immédiatement opérationnelles en faveur de l'accès des jeunes les plus en difficulté à la vie active en entreprise.

À l'inverse, au-delà de la désinformation à laquelle elle s’est livrée et des contrevérités qu'elle a complaisamment relayées contre le CPE, que propose l'opposition en faveur de l'emploi des jeunes ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP) Toujours les mêmes recettes éculées avec des contrats aidés sans formation ni véritables débouchés. Vous n'y croyez d’ailleurs pas vous-mêmes. Ainsi le dispositif EVA, proposé par Mme Aubry, qui se bornait à enfermer ses bénéficiaires dans l’assistanat, a suscité de telles interrogations dans vos propres rangs que la direction du PS n'a même pas jugé utile de donner une nouvelle chance à la « Dame des 35 heures» pour revenir à l’Assemblée.

Autre bonne nouvelle : avec une croissance de 2 %, la France se situe dans le peloton de tête des pays de l'Union européenne. La création de 230 000 entreprises par an, rythme annuel record, et la progression de plus de 5 % des investissements industriels, plus forte hausse enregistrée depuis 2000, constituent d’autres résultats encourageants.

Autre sujet essentiel pour nos compatriotes : la maîtrise des flux migratoires. Là encore, les résultats sont là.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Pourquoi alors la dernière loi ?

M. Bernard Accoyer - Le flux global de l'immigration régulière s'est stabilisé pour la première fois depuis dix ans alors qu'il avait augmenté de 40 % depuis 1997. Le nombre de reconduites à la frontière a doublé en trois ans. Et le nouveau projet de loi défendu par Nicolas Sarkozy, que nous adopterons demain, renforcera encore la maîtrise de ces flux, en lien avec nos capacités d'accueil et d'intégration. C'est un projet juste, ferme et équilibré, que nos compatriotes soutiennent massivement, tandis que l'opposition est incapable de proposer autre chose que de recourir, encore et toujours, à des régularisations massives, aveu d’impuissance et appel d’air pour l’immigration clandestine. Il n’y a décidément rien de nouveau sur la planète socialiste (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Ces résultats positifs et encourageants s'appuient sur le socle des réformes conduites par notre majorité depuis le début de la législature, sous l'impulsion de Jacques Chirac et des gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin. C'est notre majorité qui a voté les réformes indispensables pour préserver notre pacte social, qu’il s’agisse de celle des retraites, de l’assurance-maladie, de la solidarité à l’égard des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes, ou bien encore du plan de cohésion sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), autant de décisions essentielles pour l’avenir que la gauche n’avait eu ni la volonté ni le courage de prendre.

C'est également notre majorité qui a conduit les réformes indispensables à la modernisation et au redressement de notre économie : réforme fiscale pour mieux récompenser le travail et l'effort, aménagement du temps de travail pour permettre à ceux qui le veulent de travailler plus pour gagner plus, réformes de l’école, de la formation professionnelle, de la filière énergétique, tous sujets sur lesquels vous avez été incapables de présenter des propositions alternatives crédibles. Ces réformes avaient été rendues d’autant plus indispensables après vos initiatives calamiteuses, démagogiques, irréalistes comme celle des 35 heures (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La triste vérité est que, faute de réalisme et d’imagination, le projet du parti socialiste n’est qu’un catalogue d’abrogations : abrogation de la réforme des retraites, de la réforme de l’assurance maladie, de la réforme fiscale, de celles de l’école, de la filière énergétique, de la décentralisation… La réforme, voilà l’ennemi de ce parti, qui préfère vivre dans le passé et qui sacrifie l’avenir à un immobilisme démagogique et coûteux.

Le texte de la motion de censure le reconnaît : la déroute du parti socialiste le 21 avril 2002 a privé notre pays d’un vrai débat de fond.

M. Bernard Roman - Chirac a fait 19 % ! Un peu de modestie !

M. Bernard Accoyer - Le parti socialiste avoue ainsi que le dépôt de cette motion de censure n’est motivé que par ses arrière-pensées électoralistes. Oui, l’élection présidentielle de 2007 doit être l’occasion d’un débat sur l’avenir de notre pays, à la lumière des mauvais coups que la gauche lui a si souvent portés. Un débat entre le projet réformiste, ambitieux et populaire que nous défendrons, et un projet socialiste – à la condition que le candidat présente un vrai projet et qu’il ait, cette fois, le courage de le qualifier de socialiste.

Notre pays a besoin d’un débat de fond sur son avenir, pas de l’éternel retour d’un M. Jospin, qui a pourtant annoncé qu’il se retirait définitivement de la vie politique. Notre pays a besoin d’un débat clair, pas du discours flou, sectaire et moralisateur de Mme Royal, qui déclare avoir les idées de son public, sans les connaître.

M. Philippe Vuilque - Pitoyable !

M. Bernard Accoyer – Notre pays a besoin d’un débat réaliste, pas des tête-à-queue idéologiques de M. Fabius qui, après avoir incarné si longtemps l'aile libérale du PS, défile désormais sous la bannière alter-mondialiste avec l'ultra-gauche (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Notre pays a besoin d'un débat responsable, pas du discours paillettes, chic, toc et démagogique de M. Lang (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Notre pays a besoin d'un débat sincère, pas du double langage d'un M. Strauss-Kahn, favorable hier à l'ouverture du capital d'EDF et aujourd'hui, à sa renationalisation.

Notre pays a besoin d'un débat imaginatif, pas du discours cotonneux – « caoutchouc », dirait M. Fabius – d’un M. Hollande, empêtré dans l'impossible gestion quotidienne des équilibres internes du parti socialiste (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Sans parler de la « privatisation » familiale du parti, dénoncée encore hier par MM. Cambadélis ou Peillon, fustigeant les rivalités entre les présidentiables du parti socialiste, qualifiés de « nains de jardin qui se déshonorent et nous déshonorent » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ça, c’est du débat d’idées !

M. Bernard Accoyer – Monsieur Hollande, avez-vous, vous-même, encore la confiance des socialistes ? (« Oui ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste) Cette motion de censure n'est-elle pas une nouvelle manœuvre pour camoufler les divisions profondes de votre parti ? C’est sous l'œil consterné des sociaux-démocrates du monde entier que la gauche socialiste française entretient la confusion programmatique, sous la tutelle idéologique et menaçante de l'extrême gauche, à laquelle elle est à l'évidence inféodée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Il est temps de renoncer à l'ambiguïté et aux faux semblants, de proposer, plutôt que de se complaire dans des postures profitant aux extrêmes. À moins qu’il ne s’agisse d'une tactique délibérée ? On ne tire jamais longtemps bénéfice d'une collusion avec les extrêmes.

Notre pays a besoin…

M. Alain Néri - Que vous partiez !

M. Bernard Accoyer - …d'hommes et de femmes politiques fidèles à leurs convictions et à la confiance que leur ont accordée les Français en 2002, pas de politiciens girouette qui, par calcul personnel, jouent désormais les supplétifs d'une gauche en mal de projet !

Ceux qui ont déposé cette motion de censure, ceux qui vont la voter pensaient nous diviser : ils nous soudent. Ils pensaient pouvoir l'emporter en 2007 : ils perdront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Les députés UMP rejetteront cette motion de censure, qui ne peut rassembler que les suffrages d'opposants sectaires et de quelques parlementaires infidèles aux engagements pris devant leurs électeurs. Les députés UMP, pour leur part, veulent continuer à travailler pour les Français, dans l'intérêt de la France ! (Les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent) 

M. Dominique de Villepin, Premier ministre  Monsieur Hollande, pourquoi déposez-vous aujourd’hui une motion de censure ? Au nom de qui ?

M. Jean Glavany - De nos électeurs !

M. le Premier ministre – Au nom de quoi ? Du mensonge, de la rumeur ! Ne l’oubliez jamais : la calomnie nourrit la calomnie, le mensonge nourrit le mensonge, l’outrance nourrit l’outrance.

M. Jean Glavany - Vous en faites la démonstration !

M. le Premier ministre – La rumeur est une bête que l’on ne rassasie jamais ! Demain, ces attaques en viseront d’autres. Mais ce seront toujours la République et la démocratie qui seront touchées (« Vous les salissez ! » sur un banc du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP). Je pourrais facilement évoquer les affaires que vos gouvernements ont connues, mais je refuse ces procédés de basses œuvres, qui jettent le discrédit sur la politique et font le jeu des extrêmes.

M. Arnaud Montebourg - Et les cabinets noirs !

M. le Premier ministre – Dans vos raccourcis, dans vos charges haineuses, dans vos petits appétits aiguisés (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste), tout est bon pour alimenter les chaudières du soupçon ! Mais il est de grands absents au cœur de vos discours : la France et les Français. Seul, Bernard Accoyer s’en est occupé ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; vives protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Que ceux qui s’apprêtent à voter cette motion de censure en aient conscience : ils ne votent pas contre un gouvernement, ils votent pour l’affaiblissement de l’État de droit !

M. André Gerin - C’est vous qui l’affaiblissez !

M. le Premier ministre – Je le dis à MM. Bocquet et Bayrou, lequel choisit un camp qui n’est pas le sien, et qui n’est pas celui de ses électeurs (Protestations sur les bancs du groupe UDF ; huées sur quelques bancs du groupe UMP). Monsieur Bayrou, nous avons des différences, parfois des désaccords. Mais, je vous le dis avec franchise : jamais je n’aurais pensé vous trouver sur ce chemin de hasards et de circonstances !

Aujourd’hui, l’essentiel est de revenir, sous l’autorité du Président de la République, aux règles fondamentales de l’État de droit. L’État de droit, c’est une justice qui travaille avec rigueur, en toute indépendance. Or à quoi assiste-t-on aujourd’hui ? Le secret de l’instruction est bafoué, les procès-verbaux sont divulgués dans les journaux, les notes et les écoutes téléphoniques sont colportées et tronquées, la présomption d’innocence est foulée aux pieds chaque jour. Il n’y a pas de retenue, partant plus de sérénité. Et sans sérénité, il n’y a plus de justice.

L’État de droit, c’est la défense des institutions : chacun doit exercer, en conscience, ses responsabilités, faire vérifier les informations sensibles lorsque cela est nécessaire, prévenir les manipulations. Gouverner, ce n’est pas se laver les mains de ce qui est difficile, ce n’est pas fermer les yeux sur la réalité des hommes et du monde : c’est faire son devoir et assumer ses responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L’État de droit, c’est la crédibilité des hommes politiques (Sourires sur les bancs du groupe socialiste). La démocratie française a connu trop d’affaires qui ont nourri le soupçon. Votre espoir serait que cette campagne s’ajoute aux autres, à celles que votre parti a connues et qui ont miné chaque fois un peu plus la confiance de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Votre rêve, Monsieur Hollande, serait que cette campagne remédie à l’absence de projet socialiste. Je ne laisserai pas passer cette imposture ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine David - C’est vous, l’imposture !

M. le Premier ministre – L’État de droit, enfin, c’est le respect du peuple, de son expression démocratique et des échéances définies par la Constitution. Notre démocratie veut d’abord des décisions et des résultats. Jusqu’au dernier jour, fixé par nos institutions, chacun travaillera au service des Français. Oui, nous traversons une épreuve, mais le Gouvernement et sa majorité y feront face, car tous, nous visons la vérité et la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Glavany - Où sont vos électeurs ?

M. le Premier ministre – Avec Bernard Accoyer et ma majorité, nous avons une ambition, une préoccupation : répondre aux attentes des Français et servir l’intérêt général. Depuis 2002, nous avons engagé avec Jean-Pierre Raffarin la modernisation du pays : réforme de l’assurance maladie, réforme des retraites, immigration choisie, lutte contre le chômage. Vous critiquez, nous proposons ; vous parlez, nous agissons.

Mme Martine David - Dans les officines !

M. le Premier ministre – Nous construisons un avenir meilleur pour tous les Français !

M. Jean-Pierre Dufau - Non, pas tous !

M. le Premier ministre – Pour ceux qui souffrent, qui sont exclus et n’ont droit à rien, ou si peu, dans notre pays développé. Vous n’en avez parlé à aucun moment, Monsieur Hollande ! Je me suis encore rendu la semaine dernière au Samu social. Ces hommes et ces femmes sont bien loin de vos querelles : ce qui leur importe, c’est d’avoir un toit, un emploi, une perspective d’insertion dans notre société (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). C’est bien ce que nous faisons depuis des mois avec Catherine Vautrin, c’est ce que nous continuerons de faire en nous fixant des objectifs précis de réduction de la pauvreté. Nous expérimenterons localement des moyens nouveaux pour que les titulaires du RMI trouvent rapidement un emploi, nous mettrons en place un accompagnement personnalisé pour les familles qui ne parviennent pas à s’en sortir.

M. Daniel Vaillant - Fossoyeurs sociaux !

M. le Premier ministre - Nous donnerons des garanties réelles quant au respect des droits fondamentaux comme l’accès aux soins ou au logement. En 25 ans, jamais autant de logements sociaux n’ont été en construction : voilà des réponses concrètes et justes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) Je m’engage d’abord pour ceux qui ont les difficultés les plus grandes, pour les volontaires, les responsables d’association, les fonctionnaires (« Des moules, des moules ! » sur les bancs du groupe socialiste) qui consacrent leur temps et leur énergie à secourir les plus faibles, à mettre un peu plus d’humanité dans la politique et à calculer un peu moins, Monsieur Hollande ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Voilà comment le Gouvernement et la majorité conçoivent leur action !

M. Paul Giacobbi - La majorité n’est même pas là pour vous soutenir !

M. le Premier ministre - Face à l’emballement de la rumeur, nous continuerons notre travail avec méthode, calme, persévérance. Rien ne détournera le Gouvernement de sa tâche et du cap fixé par le Président de la République. Nous avons une priorité : l’emploi. Depuis des mois, le chômage recule : nous comptons près de 200 000 demandeurs d’emplois en moins et nous poursuivrons dans cette voie. Je rends hommage à MM. Borloo et Larcher : c’est grâce à leur travail et à celui de tous les agents du service public de l’emploi que le chômage baisse ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Il continuera à baisser parce que nous faisons le nécessaire, depuis des mois, avec MM. Breton, Copé, Dutreil pour relancer la croissance et permettre aux entreprises de se développer. M. Hollande assure ne pas voir nos résultats alors que la croissance, cette année, dépassera les 2 % ! Nous sortirons plus forts de ces années de réforme conduites par notre majorité. La France a de l’imagination, de la volonté, et cultive un véritable esprit d’entreprise que pendant trop longtemps les errements de la gauche plurielle ont bridé. Vous avez accablé de taxes, de formalités, de contraintes administratives une vie économique qui ne demandait qu’à se développer. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Les Français veulent vivre mieux, avec plus de pouvoir d’achat. Ils savent que cela dépend de la réussite de nos entreprises et que cela suppose un partage plus juste des résultats : le développement de la participation et de l’intéressement répond à cet objectif tout comme la création des dividendes du travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Plus d’argent, mais aussi plus de responsabilité pour les salariés dans les entreprises, voilà ce que nous voulons ! Un travail qui paye, qui valorise, qui protège et grandit, voilà ce que nous construisons pour aujourd’hui et demain ! Les décisions sans précédent que nous avons prises en faveur de la recherche et de l’innovation nous permettront de garder une longueur d’avance dans l’économie de la connaissance…

M. Henri Emmanuelli - Comme à Mérignac !

M. le Premier ministre - …car il faut choisir entre un pays qui stagne et un pays qui progresse, et c’est ce que nous avons fait. Nous avons été hier des pionniers dans les domaines nucléaire, spatial, du transport à grande vitesse. Soyons demain les pionniers des sciences de la vie, des nanotechnologies, des énergies propres ! Soyons en avance sur notre temps pour que les Français vivent mieux, avec des hôpitaux plus performants, des entreprises mieux armées, un environnement protégé ! Ces priorités se traduiront dans un calendrier de travail resserré et concerté avec la majorité que vous présentera M. Cuq. Nous voulons bâtir une France plus juste, plus unie et plus confiante, une France fière de ses valeurs et de son identité.

Notre première exigence : renforcer l’autorité de l’État, et tout d’abord sur le plan de la sécurité. Ce que nous avons fait depuis 2002, la gauche l’a négligé pendant cinq ans (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), prenant les peurs des Français pour des fantasmes. Aujourd’hui, la délinquance recule mais il reste beaucoup à faire pour que tous les Français, en particulier les plus modestes, se sentent en sécurité partout sur notre territoire. Nous venons de vivre des drames bouleversants avec la mort de deux enfants. Pouvons-nous faire comme si de rien n’était ? Non. Avec M. Sarkozy (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), nous prenons les décisions qui s’imposent, en particulier quant au suivi des délinquants sexuels. Nous sommes déterminés à faire le nécessaire pour protéger nos enfants. C’est également vrai en matière de justice. Garantissons à la justice toute sa place dans notre démocratie. Il faut renforcer la confidentialité de l’instruction, la rapidité des décisions des juges et l’applicabilité effective des peines. Le remarquable travail accompli par la commission parlementaire sur le drame d’Outreau permettra de dégager de vraies solutions. Les Français demandent une justice qui les protège. Ne perdons pas de temps pour faire les réformes qui s’imposent et apporter les indispensables améliorations. C’est la tâche que le Président de la République nous a confiée avec Pascal Clément. C’est vrai, enfin, en matière d’immigration. Posons clairement les termes du débat de société. Soit nous estimons que notre pays peut être ouvert, sans aucune protection, victime d’abus, de trafic, de détournement de droit…

M. Henri Emmanuelli - Vous êtes grotesque !

M. le Premier ministre - …et dans ce cas, il n’y a qu’à laisser faire et régulariser tous les clandestins comme le demandent certains. Telle est votre politique. Soit nous prenons les mesures nécessaires pour lutter contre les mariages de complaisance, éradiquer le travail illégal, nous assurer que les familles que nous avons accueillies disposent des ressources nécessaires pour vivre dans de bonnes conditions. Telle est notre politique de fermeté et d’humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Telle est également la condition d’une bonne intégration des populations immigrées mais aussi de l’égalité des chances.

Notre deuxième exigence : donner une chance à tous. Plus que jamais la France a besoin de plus de mobilité et de plus de justice sociale. Pour cela, la priorité, c’est l’éducation. L’école, avec tous nos enseignants, est au cœur de notre pacte républicain. C’est à nous, avec MM. de Robien et Goulard, de lui donner les moyens de faire réussir chacun de nos enfants. Le mise en place du socle des connaissances, le renforcement des moyens des ZEP (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), l’ouverture du grand débat national sur le lien entre université et emploi, voilà les premières pierres de notre édifice commun ! Nous voulons que les promesses républicaines soient tenues, que chacun, quelle que soit son origine, puisse être certain que son enfant aura les mêmes chances de réussir que les autres. Une aide personnelle, une orientation réussie, un bagage de connaissances pour la vie, des valeurs civiques, des règles de tolérance et de respect : voilà ce que l’éducation nationale doit offrir à tous les jeunes ! C’est ce que nous faisons. Une université qui garantit une bonne insertion professionnelle, une université d’excellence, ouverte à tous grâce à des bourses plus équitables et plus généreuses, voilà ce que nos étudiants sont en droit d’attendre de nous, et c’est ce que nous faisons ! À Londres, j’ai récemment rencontré de jeunes Français de tous les horizons. Je suis fier qu’ils s’ouvrent à l’Europe et au monde mais notre avenir se joue ici et maintenant : c’est d’abord en France que tous les jeunes Français doivent avoir envie de tenter leur chance. Or, tout est encore trop difficile pour eux et tout le restera si nous ne passons enfin à une société de plein emploi, offrant plus d’opportunités. Oui, l’égalité des chances passe par le plein emploi, lequel passe par des choix courageux ! Les emplois aidés, l’accompagnement des jeunes les plus en difficulté grâce au dispositif deuxième chance mis en place par Mme Alliot-Marie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), tout cela est juste et nécessaire, mais nous ne pouvons pas nous en tenir là. Nous devons trouver un nouvel équilibre entre la sécurité pour les salariés et la souplesse pour les employeurs. Nous devons encourager la mobilité mais aussi l’encadrer et la protéger. Faisons-le avec discernement, en nous donnant le temps de la concertation et du dialogue, mais faisons-le ! Le CNE montre que nous en sommes capables.

Avec le CPE, j’ai voulu avancer dans le même sens, avec la conviction que cette mesure aiderait les jeunes les moins qualifiés. Je suis peut-être allé trop vite (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), mais je n’ai pas changé de point de vue : nous avons besoin de vrais changements pour faire une place à chacun. Le plein emploi n’est pas une illusion. Nous avons été capables pendant des décennies de le construire et de le préserver. Nous pouvons le retrouver si nous le décidons collectivement, si nous répondons à l’aspiration de chacun au travail, au respect et à la liberté. Voilà ce à quoi nous travaillons avec le Gouvernement et la majorité !

Notre dernière exigence, c'est la solidarité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) La France n'est elle-même que lorsqu'elle est solidaire, or, chaque jour ce sont de nouvelles fractures qui menacent d'apparaître. Selon sa ville, son quartier, son origine sociale, on ne vit pas la même France. Ayons le courage de le reconnaître ! Ayons le courage de retrouver, contre la tentation du communautarisme, le sens d'un destin collectif ! Nous sommes tous responsables les uns des autres. Nous avons tous partie liée : les plus âgés et les plus jeunes, les plus forts et les plus faibles, les mieux intégrés et les nouveaux arrivants. Dans une société qui évolue rapidement, où le nombre de personnes âgées augmente année après année, où la structure familiale évolue, où l'immigration pose de nouveaux défis, ce devoir de responsabilité est encore plus fort et c'est à chacun d'entre nous de l'exercer. Mais c'est à l'État en premier lieu de le défendre. Oui, c'est à l'État de lutter contre toutes les discriminations pour favoriser l'intégration des personnes immigrées : la Haute autorité de lutte contre les discriminations, la loi sur l'égalité des chances protègent et défendent nos valeurs républicaines.

Oui, c’est à l’État d’anticiper les grandes évolutions en matière de santé publique et de prendre les décisions nécessaires. Un travail immense a été accompli avec le plan Cancer, voulu par le Président de la République. Je souhaite que nous engagions désormais une politique résolue, avec Xavier Bertrand, en faveur des personnes âgées. Développons notre effort de recherche pour lutter contre les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson. Réformons le système des tutelles qui concerne des centaines de milliers de personnes dans notre pays. Améliorons encore le service rendu dans les maisons médicalisées.

Oui, c’est à l’État de combattre les inégalités entre les territoires…

M. Bernard Roman - Arrêtez-le !

M. le Premier ministre - …grâce à des services publics modernisés et présents partout. Oui, c’est à l’État de donner aux familles les moyens de faire grandir sereinement leurs enfants. C’est comme cela que nous construirons la France dont rêvent nos concitoyens, une France où chacun sait qu’il pourra réussir, exprimer ses talents et aller au bout de ses ambitions ; une France où chacun sait qu’il ne sera jamais laissé au bord de la route ; (M. Jean Glavany s’exclame) une France où chacun sait qu’il pourra, en cas de difficulté professionnelle ou de problème de santé, compter sur le soutien de la nation ; une France ouverte, qui retrouve le goût de l’Europe et du monde, sans avoir peur de l’autre, sans avoir honte de son identité, sans dévaloriser ses atouts.

Il y a un an, certains, dans cet hémicycle, promettaient aux Français qu’en refusant le projet de constitution européenne, ils seraient à l’avant-garde d’un nouveau projet européen. Qu’avons-nous vu ? Rien ! Aucune réponse aux inquiétudes des Français… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) …sur les frontières de l’Europe, les institutions, la défense des services publics, la croissance ou l’emploi. Avec ces illusionnistes, que verrons-nous demain ? Toujours rien ! Car on ne change pas le monde en se repliant sur soi-même ou en refusant les réalités culturelles, sociales et économiques de notre peuple. On change le monde en y prenant toute sa place, en se donnant plus de force, en pratiquant l’écoute et le dialogue. L’universel est notre lieu : c’est le lieu de la France ! Dans les cas de troubles et de menaces que nous connaissons, beaucoup de pays espèrent que nous ne l’oublierons jamais.

Servir les Français, servir l’État,…

M. Henri Emmanuelli - Servez-les : allez-vous en !

M. le Premier ministre – …c’est un honneur ! Las, souvent, la vie politicienne reprend le dessus, et, pour cela, nous pouvons, Monsieur Hollande, compter sur vous et sur vos alliés ! Vous vous inquiétez de la cohésion de la majorité. Je vais vous rassurer : nos différences n’égaleront jamais vos divisions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Glavany - Si vous en êtes si sûr, demandez la confiance !

M. le Premier ministre – Certains, parmi vous, en appellent à la VIe République. Mais ce dont ils rêvent, c’est de la IVe ! Avec des gouvernements d’une semaine et le retour du régime des partis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Messieurs Hollande et Bocquet, vous avez le regard tourné vers le passé. Vous habitez le pays des nostalgies et des regrets. Nous, nous construisons le pays de la fidélité et de l’ambition. Et c’est bien parce que je crois dans le service de la France et des Français que je suis devant vous aujourd’hui. C’est bien parce que je crois dans la justice et dans la vérité que je reste serein. C’est bien parce que notre majorité me soutient (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP), parce que le Gouvernement est au travail que nous construirons, pas à pas, la France que nous aimons.

À un an de la présidentielle, certains spéculent, certains jouent, les dés roulent… (Plusieurs députés du groupe socialiste se lèvent et désignent le ministre d’État, ministre de l’intérieur) Mais la France, elle, attend qu’on la défende et qu’on la serve : c’est mon seul et unique combat ! (Mmes et MM. les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement)

M. le Président – Le scrutin sur la motion de censure est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée. Il est ouvert pour trente minutes et sera clos à 18 heures 50.

La séance, suspendue à 18 heures 20, est reprise à 19 heures.
M. le Président - Voici le résultat du scrutin :

Majorité requise pour l’adoption de la motion de censure : 289

Pour l’adoption : 190

La majorité requise n’étant pas atteinte, la motion de censure n’est pas adoptée.

M. Michel Delebarre - Dommage !

Prochaine séance, ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée immédiatement.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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