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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

3ème séance du mardi 30 mai 2006

Séance de 21 heures 30
96ème jour de séance, 230ème séance

Présidence de M. René Dosière
Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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engagement national pour le logement -deuxième lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement.

M. Gilles Carrez - Je n’interviendrai pas sur l’article 55 de la loi SRU, car ce débat occulte les aspects plus essentiels d’une bonne politique du logement, parmi lesquels un sujet qui me préoccupe particulièrement : la relance du logement en Île-de-France.

La politique du logement est une chaîne dont chaque maillon est indispensable : logement social ou non aidé, logement locatif ou accession, logement collectif ou individuel. Les Français doivent bénéficier d’un parcours résidentiel fluide, adapté à leurs aspirations comme à leurs moyens : aucune famille ne souhaite vivre toute sa vie dans une HLM. 

C’est la loi d’orientation sur la ville de 1991 qui a fondé la notion de mixité sociale, et notamment le fameux quota de 20 % qui incluait l’accession sociale à la propriété – je rappelle en effet que les prêts à l’accession étaient décomptés pendant les dix premières années. La loi reconnaissait ainsi l’aspiration des Français à bénéficier d’un logement à prix modéré tant à l’accession qu’en location. Au contraire, la loi SRU est idéologique, car elle réduit la politique du logement au seul logement social locatif. Sous la précédente législature, nous avons d’ailleurs constaté avec amertume un effondrement de l’accession sociale, comme si les Français devaient être privés de la possibilité d’accéder à la propriété. J’ai apprécié la réponse qu’a faite M. le ministre à M. Le Bouillonnec cet après-midi : l’accession sociale à la propriété est en effet une question essentielle. C’est l’honneur de notre majorité que d’en avoir tenu compte. À la différence de la gauche, nous pensons que les Français les plus modestes ont, eux aussi, le droit de devenir propriétaires de leur logement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

C’est le grand succès de la politique du Gouvernement, et notamment du prêt à taux zéro (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Le prêt à taux zéro, à Paris…

M. Gilles Carrez - Je voudrais dire quelques mots des préoccupations des élus d’Île-de-France. Si les résultats sont remarquables au niveau national, avec 400 000 mises en chantier de logements en 2005, à comparer à une moyenne de 280 000 par an entre 1997 et 2002, il reste une zone d’ombre : en Île-de-France, la construction s’est effondrée. Cela cause d’énormes difficultés, à commencer par une envolée des prix des logements et des loyers. Le premier motif de cette paralysie est l’effondrement de la construction dans Paris intra-muros : 2 140 logements par an ont été mis en chantier entre 2001 et 2005, contre 5 250 entre 1996 et 2000 ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) C’est inacceptable. La ville de Paris mène une politique malthusienne…

Plusieurs députés UMP - Eh oui !

M. Gilles Carrez - …ce qui ne l’empêche pas de donner des leçons à la terre entière.

Nous, les élus d’Île-de-France…

Mme Annick Lepetit - Vous êtes un député de la nation, pas de l’Île-de-France !

M. Gilles Carrez - …voyons bien que la ville cherche avant tout à faire construire à l’extérieur de ses frontières. Or, la densification de la proche couronne ne pourra se faire qu’avec lenteur. Il faudra convaincre les habitants et surmonter de nombreuses difficultés – ce que de nombreuses villes, en Seine-Saint-Denis, dans le Val-de-Marne ou dans les Hauts-de-Seine, ont commencé à faire.

Le premier des nombreux obstacles que nous rencontrons est la rareté des terrains disponibles. Il reste extrêmement difficile de mobiliser rapidement des terrains de l’État ou de ses établissements publics, tels RFF ou le port autonome. Il ne faut surtout pas relâcher les efforts sur ce sujet. Un autre est la complexité des procédures, qui a été aggravée par la loi SRU. Aujourd’hui, la mise en place d’une zone d’aménagement concerté est un véritable chemin de croix et les contentieux se sont multipliés. On nous avait dit que la loi SRU améliorerait la sécurité juridique. C’est tout le contraire qui s’est passé, comme je le redoutais. Nous sommes aussi confrontés à l’absence de politique foncière : nous vivons aujourd’hui sur les derniers acquis d’une politique lancée du temps de Paul Delouvrier, dans les années 1960 ! Les zones d’aménagement différé et les grandes opérations d’intérêt national datent de cette époque et le système est essoufflé.

L’Île-de-France souffre aussi, comparée à de grandes villes de province, de l’absence d’autorité d’agglomération. Une multitude d’institutions cohabitent, dont chacune peut bloquer le système. Les communes sont responsables de l’urbanisme et des permis de construire, les départements interviennent dans le FSL ou les opérations de rénovation PALULOS, la région dans les politiques foncières, l’État dans le financement du logement social…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous avons déposé des amendements !

M. Gilles Carrez – Ce n’est pas un problème droite-gauche ! Il y a une paralysie générale des acteurs publics dans notre région, et ce serait l’honneur des élus que de réfléchir à la façon de débloquer les choses. Nous souffrons également de l’absence de renouvellement des grandes opérations. Pendant une vingtaine d’années, les cinq villes nouvelles d’Île-de-France ont représenté à elles seules de 10 à 15 % de la construction neuve. Aujourd’hui, elles sont quasiment terminées et rien ne vient les remplacer.

Alors, que faire ? Je crois, même si c’est toujours difficile à demander, que l’Île-de-France a besoin d’être traitée de manière spécifique, qu’il s’agisse des problèmes d’encadrement du loyer ou des niveaux d’intervention, d’aide ou de financement par exemple. Je crois aussi, bien qu’étant très attaché au respect des libertés locales, que l’État devra se mobiliser dans notre région, comme il l’a fait dans le passé. Je suis très heureux, Monsieur le ministre, que vous ayez engagé quelques opérations d’intérêt national. Nous aurons besoin – et j’ai entendu Manuel Valls le dire aussi – de renouveler notre stock d’aménagement et de construction de logements, notamment en moyenne et grande couronne, autour des villes existantes. La région d’Île-de-France travaille actuellement à la révision de son schéma. Tout le monde s’accorde sur un besoin de 60 000 logements par an en construction nouvelle. Nous n’en sommes qu’à 35 000, contre une moyenne de 80 000 dans les années 1970 ou 1980 – nous avions même atteint les 100 000 au début des années 1970 ! Atteindre cet objectif sera extrêmement difficile. Si l’ensemble des élus n’érigent pas la question du logement en priorité, s’ils n’acceptent pas un certain nombre de dispositifs communs, nous n’y arriverons pas, quels que soient les efforts de l’État. Je tenais à le rappeler, hors de toute polémique. Il ne faudrait pas, Monsieur le ministre, que vos excellents résultats au plan national dissimulent un problème dont nous souffrons beaucoup (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Braouezec – Le projet dont nous entamons la deuxième lecture semble s'être considérablement étoffé au cours de la navette parlementaire, mais c’est une illusion : si le nombre de ses articles a crû de façon exponentielle, nous cherchons toujours les éléments susceptibles de donner un sens à son titre prometteur. Loin de définir, en effet, les lignes essentielles d'un véritable engagement national en faveur du logement, ce texte présente les symptômes d’un manque flagrant d'ambition politique et du désengagement de l’État. Mais il n’est pas seulement le cache misère de votre politique, pas seulement une baudruche publicitaire : s’y déploie aussi un arsenal de mesures dangereuses visant à faire de l'État un marchand de biens, à garantir l'impunité aux maires qui ne respectent pas leurs obligations en matière de logements sociaux et à dérouler le tapis rouge aux investisseurs immobiliers, malgré la spéculation.

La situation, que la majorité persiste à feindre d'ignorer, appelle d'autres réponses. La crise du logement s'aggrave. Habitat précaire, insécurité locative, insuffisance de la construction sociale, dégradation accélérée de l'habitat ancien et des copropriétés fragilisées, difficulté toujours accrue des ménages pour acquérir ou louer un logement, avec une augmentation qui s'échelonne de 8 % à 18 % par an depuis plus d'une décennie… Voilà les problèmes très concrets auxquels sont aujourd'hui confrontés une majorité de Français. Face à cela, les batailles de chiffres auxquelles vous vous livrez complaisamment apparaissent bien vaines.

À quoi sert-il de prétendre que le contexte incite à l'optimisme, que la construction se porte bien et que vos programmes de logement social témoignent de votre volontarisme quand la demande ne fléchit pas, que la construction de logements sociaux n'atteint pas les niveaux escomptés, qu'à peine 40 % des logements produits sont sous plafond de ressources HLM et que très peu sont réservés aux personnes ayant de faibles revenus ? La vérité est que votre politique non seulement n’est pas à la hauteur des enjeux, mais accentue le mal-logement, au seul motif de satisfaire les égoïsmes locaux et d'aiguiser les appétits des investisseurs.

Les chiffres derrière lesquels vous vous retranchez sont, d’ailleurs, beaucoup moins flatteurs que vous ne le prétendez. Plus de 400 000 logements auraient été construits en 2005 ? Très bien, mais qu’en est-il de leur structuration ? Une part importante de ces logements est inoccupée. Parmi eux figurent près de 70 000 logements financés par le dispositif de Robien, avec des loyers souvent proches des 1 500 euros mensuels pour des logements familiaux et des 1 000 euros pour des studios. Des sommes considérables d’argent public sont donc, sans l'ombre d'un malaise, utilisées à construire des logements vides ! Quant au logement proprement social, le Gouvernement procède à une habile assimilation des logements financés aux logements réalisés, alors que le décalage entre les deux est d’importance.

Les objectifs programmés dans le cadre de la loi dite de cohésion sociale ne sont tout simplement pas atteints : il s'en faut de 10 000 logements financés, et l'augmentation la plus significative concerne les programmes PLS, c'est-à-dire ceux où l'aide de l'État est la moins importante et donc les loyers, de fait, les plus élevés. Ainsi, de 2002 à 2004, le nombre de logements PLA Intégration est passé de 5 034 à 7 674, tandis que celui des logements PLUS est passé de 39 000 à 45 000… Les PLAI et PLUS, logements véritablement sociaux, destinés aux demandeurs les plus modestes et qui constituaient plus de 80 % des logements financés en 2002, n'en constituent plus que 70 % ! Et encore ces chiffres ne prennent-ils pas en compte les opérations menées au titre de la rénovation urbaine, qui se traduisent par une déperdition de logements sociaux puisque les reconstructions ne représentent que 90 % des démolitions… Pour un logement de 70 mètres carrés en petite couronne, le PLAI est loué à 360 euros par mois, le PLUS à 403 euros et le PLS à 605 euros.

Au-delà des arguties techniques sur une prétendue incapacité à construire, la question reste la même : quand la loi SRU, promulguée il y a plus de cinq ans, sera-t-elle enfin appliquée sur l'ensemble du territoire de la République ? Les mal logés, les jeunes qui doivent rester chez leurs parents, les locataires « découpés », les habitants d'immeubles insalubres, les précaires en ont assez d'attendre. Vos chiffres ne parviendront pas à les convaincre que leur situation s'améliore, car ce sont eux qui vivent les conséquences de votre inaction ! Nos concitoyens attendent un signe fort en faveur de la relance de la construction sociale. Or, le texte qui nous est proposé n'apporte aucun début de réponse. Il est vrai que votre objectif est bien évidemment de noyer, derrière l'incitation au développement de la politique d'urbanisme des collectivités locales, l'exigence sociale de la construction de logements destinés aux demandeurs de logement.

Loin de vous intéresser d'abord à la demande et aux moyens d'y répondre, une fois de plus, vous privilégiez l'offre, notamment l'offre locative privée. Le risque est pourtant grand de voir disparaître les disponibilités foncières dont nous avons besoin pour donner son sens au droit au logement et assurer des conditions de vie décentes au plus grand nombre. Le risque est grand, également, de voir mener des politiques d'habitat ségrégatives, en fonction de plans locaux d'urbanisme conçus dans le secret de quelques services municipaux ou intercommunaux, avec le concours de promoteurs avisés.

Prendre un engagement national pour le logement, ce n'est pas décentraliser le laisser-faire, se laver les mains des conséquences du désengagement de l’État, avec son corollaire de discrimination sociale et territoriale ; c'est offrir la diversité nécessaire à l'habitat, satisfaire l'exigence irréductible du droit au logement pour tous et partout en respectant un équilibre entre aménagement local et réponse aux besoins de la population.

Prendre un engagement national en faveur du logement, ce n'est pas ouvrir la voie, comme vous le faites, à la vente du groupe financier CIFD, en passant les sociétés anonymes de crédit immobilier, les SACI, par pertes et profits, ni fermer les yeux sur la remise en cause des missions d'intérêt général des Caisses d’épargne, soutien au logement social – je pense au projet Natixis, sur lequel le Gouvernement ne s'est pas mobilisé, malgré les risques évidents que fait peser ce type de montages commerciaux.

Dans ce projet, vous ne prenez, au fond, aucun engagement. Vous vous bornez à accompagner des dispositifs qui ont fait la preuve de leur nocivité ou de leurs insuffisances. Le Sénat y a certes apporté quelques améliorations. Mais le titre de votre projet reste très largement usurpé. Il ne fait que gérer la pénurie, et préparer pour l'avenir de nouvelles difficultés.

Il doit donc être très largement modifié et nous formulerons des propositions pour faire davantage droit aux attentes de nos concitoyens, à partir du vécu même des demandeurs de logement, et des observations des associations, avec la conviction qu’il est nécessaire de créer un véritable service public du logement.

Pour cela, il faut en particulier alléger les contraintes de financement des logements sociaux, obliger les communes à respecter leurs obligations d’en construire, améliorer les aides personnelles au logement, ou encore disposer gratuitement des terrains cédés par l'État pour la réalisation de programmes locatifs sociaux.

Et il est plus que temps d’appliquer la loi SRU. 742 communes ne respectent pas la règle des 20 % de logements sociaux et beaucoup reste à faire. N'est-il pas choquant que des responsables de la majorité tirent presque gloire de ne pas appliquer la loi ? Il est temps de pénaliser plus sévèrement ces communes en augmentant le prélèvement sur leurs recettes et d’envisager l’inéligibilité des élus concernés.

Nous ferons des propositions en ce sens. La première urgence, pour l'État, est de garantir la programmation afin de créer un parc réellement social, au-delà des discours sur la ville ou l'aménagement du territoire, pour faire droit aux besoins de ceux qui éprouvent tant de difficultés à trouver un logement, ceux qu'exploitent les marchands de sommeil, ceux qui sont condamnés à vivre dans un habitat précaire, et que vous proposez de soumettre à la taxe d'habitation. Redoutable cynisme !

Dans ces conditions, sauf si le projet répondait aux inquiétudes de nos concitoyens et à leur espérance, il va sans dire que nous ne pourrons le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Maxime Bono – L’intitulé ambitieux de ce projet – « engagement national pour le logement » – a de quoi surprendre, au vu de l’action des gouvernements de Messieurs Raffarin et de Villepin et des moyens consacrés au logement.

Depuis deux ans, vous renvoyez toute réforme d'un peu d'importance à ce texte, présenté dans un contexte de crise aiguë.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement - Vous avez tout fait pour ! Honte à vous !

M. Maxime Bono - Elle touche bien sûr les plus modestes, ces trois millions de Français mal logés. Mais les classes moyennes…

M. le Ministre – Voyons les chiffres !

M. Maxime Bono - …subissent l'envolée des loyers et l'inflation des prix à l'achat.

M. le Ministre – De votre fait.

M. Maxime Bono - Il manquerait aujourd'hui 900 000 logements. Surtout, l’offre est particulièrement inadaptée. Sur les 400 000 constructions nouvelles réalisées en 2005, 25 % seulement sont accessibles aux deux tiers des ménages et c'est le résultat de vos choix budgétaires contestables. À coup de chiffres aussi flatteurs que peu significatifs, vous tentez depuis quatre ans de persuader une opinion publique qui n'est pas dupe, des succès que vous auriez remportés. Vous annoncez la réalisation de 80 000 logements sociaux, mais vous omettez de préciser que vos chiffres incluent les PLS, pour la construction desquels l'État ne verse pas un centime. En réalité, vous avez sacrifié le financement de logements sociaux adaptés à la demande, à savoir les PLAI et les PLUS.

M. le Ministre – Et combien a-t-on fait de PLAI sous le gouvernement Jospin ? Quelques centaines !

M. Maxime Bono - La production dans ces deux catégories est restée proche de 50 000 logements soit la moyenne de l'année 2001…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Excellent !

M. Maxime Bono - …alors que le nombre de demandeurs de logements n'a, depuis, cessé de croître !

M. le Ministre – Des PLAI, en 2000, Jospin en a fait 5009 !

M. Maxime Bono – À cause de vos choix budgétaires, les aides à la personne ont perdu 8 % en pouvoir d'achat. Mais gardez votre calme, les chiffres sont têtus.

Enfin, vos choix de politique fiscale n'ont fait qu'aggraver la crise. Le dispositif de Robien, en accordant des avantages fiscaux sans contrepartie, a scandaleusement encouragé la production de logements à visée plus spéculative que sociale, et donc tiré les loyers vers le haut et favorisé l'envolée du foncier ! Or son coût équivaut au montant des subventions accordées aux bailleurs sociaux !

Vous annoncez enfin 500 000 logements engagés. Mais il s’agit du nombre de permis de construire déposés, tous genres confondus, y compris les cabanes de jardins ou les extensions de logements existants !

Pour faire cesser les controverses sur les chiffres, il suffirait, comme Jean Yves Le Bouillonnec vous le propose régulièrement, de les rapporter au nombre de demandes de logement en cours. On mesurerait ainsi facilement l'effort réalisé.

M. le Ministre – La pire année a été 2000.

M. Maxime Bono - Communiquez-nous donc le nombre de demandeurs de logements !

J'en reviens au texte, et j’avoue ma perplexité. L'actuelle majorité avait, à l'époque du vote, émis les plus grandes réserves sur l'article 55 de la loi SRU et même promis son abrogation. Pourtant, garantir la construction de 20 % de logements locatifs à loyer modéré dans les communes de plus de 3 500 habitants, c’était répondre à une exigence de justice, de solidarité et même à une forme de morale publique !

Mais que n'avons-nous alors entendu au sujet de la mixité sociale ? Construire des logements sociaux dans toutes ces communes vous apparaissait comme une provocation, sanctionner les maires qui s'y refusaient était pour certains d'entre vous un crime de lèse majesté. Nous allions contraindre les maires à bâtir tours et barres HLM et défigurer ainsi nos villages !

Les faits ont prouvé que c'était là un bien mauvais procès. Alors, vous avez, Monsieur le ministre, tout promis à chacun. Aux plus acharnés de votre majorité, il avait été promis d'abroger l'article 55 de la loi SRU. Mais les besoins criants, le mécontentement, la crise des banlieues et, disons-le aussi, vos échecs électoraux répétés vous ont rendu la tâche difficile… 

M. le Ministre – Cela vous va bien !

M. Maxime Bono - …et vous ont contraint à célébrer désormais, les vertus de la mixité sociale, sans renoncer pour autant à revenir sur l'article 55 et la création de nouveaux logements destinés à la location à loyer modéré.

Vous n'avez de cesse de tenter d'ouvrir des brèches dans ce dispositif qui permet d'amener les maires, y compris ceux qui ne le souhaitent pas….

Mme Annick Lepetit - Et il y en a.

M. Maxime Bono - …à participer à votre « engagement national », de construire des logements accessibles à chacun.

Il est bon d'encourager l'accession à la propriété…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Bien sûr.

M. Maxime Bono - …et l'accession sociale. Nul ici ne s'y opposera. Il est en revanche, de bien mauvaise politique d'envisager de le faire, comme le prévoit l'amendement de Monsieur Ollier, au détriment du logement locatif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Le seuil de 20 %, institué par l'article 55, est un seuil minimal. Offrir des logements locatifs, telle doit être notre priorité, car c’est là qu’est l'urgence. Édulcorer ce dispositif, c’est faire une bien mauvaise concession à l’égoïsme, à l'indifférence ou à la mauvaise volonté de certains.

On nous dit aussi, presque en confidence, que ce texte est un compromis, qu'il serait équilibré et que trop s'arc-bouter sur cet article 55 serait la meilleure façon d'attiser la contestation. Mais de quel équilibre parle-t-on ? Entre les besoins de logements et les.promesses faîtes aux plus réactionnaires de votre majorité ? Entre ceux qui ont besoin de se loger et ceux qui entendent rester « entre soi » ? Entre ceux, souvent les plus jeunes, qui ne peuvent quitter le domicile familial et les maires qui préfèrent payer une amende plutôt que d'ouvrir leur commune à des populations moins fortunées ? Entre, disons-le, ceux qui ne peuvent accéder au logement locatif privé pas plus qu'à l’accession à la propriété et ceux qui ne veulent pas de pauvres chez eux ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Excellent !

M. Maxime Bono - D'ailleurs comment parler d'équilibre lorsque les besoins insatisfaits sont à ce point criants, parler de compromis et en même temps « d'engagement national » ?

Pour toutes ces raisons, Monsieur le ministre, et bien que la procédure désormais applicable restreigne considérablement notre pouvoir d'amendement en deuxième lecture, nous vous ferons des propositions de nature à renforcer la solidarité entre les territoires. Il vous sera loisible, en les acceptant, de démontrer votre volonté d'engagement. Article après article, chacun pourra juger de vos réponses.

Vous disposez dans cette assemblée d'une large majorité, et même, semble-t-il, d’un large soutien ; malgré notre ferme opposition, vous n'aurez aucun mal à faire voter un mauvais amendement qui mettra fin à l'obligation faite à tous les maires de participer à l'effort de solidarité nationale. C'est bien paradoxal pour un texte censé traduire un engagement national en faveur du logement ! Dans la presse, d'ailleurs, on titre sur la remise en cause de la loi SRU, on parle de démolition sociale…

Mais dans moins de douze mois, un autre vote vous attend, moins confortable que celui-ci. Nul doute que ceux qui souffrent de la crise du logement sauront se souvenir du mauvais coup que vous vous apprêtez à leur porter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Billard – À la suite des violences urbaines de novembre dernier, le Président de la République a affirmé que la loi SRU devait être respectée. Le bilan de ses trois premières années d’application montre que 742 communes ne respectent pas leurs obligations en matière de logements sociaux. Un tiers d'entre elles ne font même aucun effort de rattrapage, leurs maires ayant décidé de se mettre délibérément hors-la-loi pour satisfaire leur clientèle électorale. Je ne répondrai pas à M. Carrez au sujet de Paris car nous ne sommes ni au Conseil de Paris ni au conseil régional d’Île-de-France…

M. Gilles Carrez – La construction s’est effondrée à Paris !

Mme Martine Billard - Dans ma circonscription, la droite ne voulait surtout pas construire de logements sociaux…

Monsieur le ministre, plutôt que de vous battre pour faire respecter la loi, vous préférez suivre la fraction de députés UMP, emmenée par M. Ollier, qui s'accroche à la défense de ghettos de riches.

M. Gilles Carrez - Quelle caricature !

Mme Martine Billard - Mal à l'aise face aux protestations des associations qui interviennent dans le champ du logement, vous caricaturez leurs positions ; non, Monsieur le ministre, ces associations ne s'occupent pas que d'hébergement d'urgence ! Elles se préoccupent du droit au logement de tous les foyers à petits revenus, et c'est pourquoi elles sont si attachées à la loi SRU.

Il est absurde d'opposer « accession sociale à la propriété » et « locatif social » : notre pays a besoin des deux dispositifs ; il faut donc maintenir l'obligation de 20 % de logements locatifs sociaux et introduire une obligation additionnelle concernant l’accession sociale à la propriété. Mais cela, vous le refusez : vous démontrez ainsi clairement que votre objectif est le contournement des 20 %. Il ne sert à rien, dans ces conditions, de vanter la main sur le cœur la mixité sociale !

D'ailleurs, les parlementaires UMP débordent d'imagination pour réduire les obligations des communes. Ainsi, les sénateurs ont intégré aux 20 % les aires réservées aux gens du voyage, et M. Ollier s'obstine à vouloir y ajouter non seulement les logements sociaux vendus à leurs locataires, mais aussi les logements acquis au moyen d'une aide publique à l'accession à la propriété.

Je suis également inquiète de la suppression des règlements départementaux d'attribution que les préfets, habilités à définir les critères et les conditions de réservation, établissaient après avis des conseils départementaux de l'habitat, et qui s'imposaient aux commissions d'attribution des HLM et aux réservataires de logements sociaux. On ouvre ainsi la porte à tous les clientélismes locaux.

Dans le renforcement de la commission de médiation des demandeurs de logement social, on oublie malheureusement les associations de défense des personnes en situation d'exclusion par le logement...

Certes, la construction globale de logements se porte mieux ; mais la construction de logements sociaux se porte très mal.

M. Michel Piron - C’est vous qui dites cela ! C’est ahurissant !

Mme Martine Billard - Les PLS sont certes intéressants mais, compte tenu de leurs revenus, c’est de PLAI que nos compatriotes ont besoin.

M. le Ministre – Parlez-nous des PLAI construits sous M. Jospin !

Mme Martine Billard – De même, le dispositif fiscal « de Robien », octroyé sans contrainte, tourne au fiasco car les logements proposés ne correspondent pas aux besoins des demandeurs. De ce fait, les propriétaires se trouvent eux-mêmes en difficulté !

Ce texte est donc une occasion manquée : il ne permet pas d’accéder aux demandes de nos compatriotes. À Paris, par exemple, 70 % des demandeurs sont en dessous du plafond. Le problème aujourd’hui, c’est le manque de terrains ; mais le précédent maire de Paris aurait pu construire davantage de logements sociaux dans les ZAC !

Cette loi est aussi une occasion manquée dans la lutte contre le changement climatique : les économies d'énergie domestiques sont le principal moyen de diminuer les émissions de gaz à effet de serre – et permettent en outre d’augmenter le pouvoir d'achat des catégories sociales les moins favorisées. En première lecture, j'avais déposé un amendement qui subordonnait les aides au respect du label ministériel de haute performance énergétique ; il a été refusé au motif des surcoûts d'investissements et de la liberté des élus locaux. Pourtant les surcoûts d'aujourd'hui sont les économies de demain…

M. le Ministre – Cela a été voté au Sénat !

Mme Martine Billard - Non, ce n’est pas la même chose : l’exonération n’est pas compensée par l’État et les aides ne sont pas conditionnelles.

Non seulement donc cette loi est ratée sur le plan social, mais elle est ratée sur le plan environnemental, et la deuxième lecture n’y changera rien ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Alain Néri – Nul ne peut contester qu’aujourd’hui, le logement est la préoccupation prioritaire des Français après l’emploi. Il serait bon, d’ailleurs, que le droit au logement soit inscrit dans la Constitution, comme l’est le droit au travail, et puisse ainsi devenir une véritable priorité.

Monsieur le ministre, vous nous annoncez que vous allez construire 120 000 logements sociaux par an, mais en 2005, vous avez péniblement atteint les 80 000…

M. Pierre Cohen - Dont 30 000 non sociaux !

M. le Ministre – C’est deux fois plus que vous !

M. Alain Néri – En tout état de cause, les crédits que vous inscrivez aujourd’hui n’auront d’effet que dans quatre ans : il faut compter le temps de maîtriser les terrains, de signer les marchés… Or un grand nombre de nos concitoyens sont dans une situation de détresse. C’est pourquoi je vous propose, pour satisfaire beaucoup plus vite leurs besoins, de prévoir dans votre budget une augmentation des crédits relatifs aux opérations programmées d’amélioration de l’habitat : cela nous permettrait de réhabiliter et de revitaliser les centres-bourgs et centres-villes.

M. le Ministre – Je suis d’accord.

M. Alain Néri - En sus de cette réhabilitation des logements insalubres, il convient de mobiliser les logements vacants, qui sont nombreux et utilisables immédiatement. Sans doute faudrait-il davantage aider les familles à se loger, en ramenant par exemple, dans un premier temps, de 30 % à 25 % la part de leurs ressources qu’elles consacrent au logement. Pourquoi les logements sont-ils vacants ? Parce que certains propriétaires ont la crainte, parfois justifiée, de ne pas percevoir leurs loyers, alors que ce peut être pour eux un complément de leur retraite ; ils sont prêts à remettre ces logements sur le marché, à condition qu’on leur assure le paiement des loyers.

Ils ont aussi parfois la désagréable surprise de retrouver un logement dégradé au terme du bail.

Cela est inacceptable et c’est la raison pour laquelle je vous propose de créer une couverture logement universelle, qui se traduirait par la création d’un fonds national de garantie des loyers. Celui-ci permettrait aux familles qui ne peuvent s’acquitter de leur loyer de rester dans leur logement et offrirait une garantie aux bailleurs. Grâce à cette double sécurité, nous ferions un grand pas en direction du logement social. Ce fonds national nécessiterait l’adhésion volontaire des propriétaires, lesquels accepteraient le conventionnement de leur loyer. Cette proposition, je l’espère, retiendra votre attention. Pourquoi ne pas mobiliser à vos côtés des départements volontaires, prêts à s’engager contre une aide significative de l’État ? Je me tiens à votre disposition pour étudier avec vous les possibilités d’expérimentation dans ce domaine.

M. le Ministre – Je suis d’accord.

M. Alain Néri - Je souhaite que cette démarche soit constructive, c’est bien le moins lorsqu’il s’agit de logement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Billard - Quelle chute !

M. le Ministre - Je souhaite une brève suspension de séance.

La séance, suspendue à 22 heures 30, est reprise à 22 heures 35.

Mme Christine Boutin - Quatre mois après la première lecture, je tiens une nouvelle fois à rappeler le principe qui doit sous-tendre ce texte : permettre à chacun d'avoir un toit. Vous connaissez mon attachement à la personne humaine ; c'est en ce sens que le droit au logement me paraît essentiel. Il est de notre responsabilité de politiques d'établir les conditions d'épanouissement de toute personne et le logement en fait partie. Nous devons le prendre en considération, notamment dans la perspective des prochaines échéances électorales.

Ce texte confirme que ce souci est partagé. Je me réjouis de la création, à l’article 5 sexies, de sociétés civiles immobilières d’accession progressive à la propriété. J’avais en effet déposé une proposition de loi à ce sujet en 2004.

M. le Ministre – Exact !

Mme Christine Boutin – Cette mesure innovante permet au locataire d'un logement social d'en devenir propriétaire en achetant progressivement des parts de son habitation. Elle constitue un nouvel outil d’insertion, en encourageant l’accession à la propriété dans des quartiers que l'on souhaite requalifier ou dans des zones géographiques dont certains ménages sont exclus. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier personnellement d’avoir repris ce texte.

Ne perdons pas de vue le principe d' efficacité qui doit nous guider : il est plus que temps d'instaurer une obligation de résultats. En effet, la panne de notre droit au logement perdurera tant que continuera l’exclusion par la pauvreté, par les marchés et par la ségrégation spatiale. Je suis convaincue que le succès des efforts en faveur de l'insertion se fonde sur des outils efficaces et complémentaires : c'est pourquoi il faut rendre le droit au logement opposable, comme ce fut fait pour le droit à l’accès aux soins ou à l’éducation. Ce fut longuement débattu à la fin du XIXe siècle, mais personne ne songerait aujourd’hui à en remettre en cause le bien-fondé.

J’ai entendu de nombreuses contestations sur les chiffres : peut-être pourrions-nous élaborer ensemble une démarche plus constructive ? Depuis que vous êtes en charge de ce ministère, Monsieur le ministre, un effort colossal a été réalisé, mais si nous disposions d’un droit au logement opposable, ces discussions stériles n’auraient plus lieu. Mobilisons-nous pour que, d'ici à 2010, l’accès à un logement approprié ne soit plus un luxe, mais un droit effectif.

Cela suppose l'élaboration d'une stratégie nationale et locale, en quatre étapes. Première étape : l'État est garant de ce droit fondamental ; deuxième étape : dans le cadre de la décentralisation, ce droit est du ressort des différents bassins de logement ; troisième étape : les actions sont définies par contrat d'objectifs, avec une obligation de résultats ; quatrième étape : au terme de ce processus, il devient possible à toute personne de se retourner contre l'État en cas de non-respect de son droit au logement.

Le droit au logement ne peut être assuré par les seules mesures spécifiques aux populations défavorisées, car il est fonction de l’ensemble des décisions prises dans le domaine de l’habitat, de l’urbanisme, de l’action foncière, de l’aménagement ou encore de l’amélioration de l’habitat.

Seule l’opposabilité pourra faire respecter l’obligation de résultats. La droite et la gauche continueront de s’affronter sur ce thème tant que ne sera pas mis en œuvre ce droit, qui n’est pas une utopie et qui existe dans d’autres pays. Le droit au logement ne relève pas d'une ingérence de l'État dans la sphère privée mais constitue au contraire la première marche de l’accession à la propriété. Il n’est pas davantage une potion magique contre l'exclusion, mais permet la mobilisation générale de tous les acteurs, afin que les politiques du logement puissent tenir toutes leurs promesses. Tel est le défi que je vous propose, Monsieur le ministre, de relever (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Cohen – Si le titre de ce projet de loi est séduisant, l’examen de son contenu révèle que l'engagement de l'État n'est pas à la hauteur. En effet, le marché de l'immobilier fait l’objet d’une surenchère produisant de la ségrégation et de l'exclusion dans des proportions encore jamais atteintes, et face à laquelle l’engagement financier de l'État n'a jamais été aussi faible. En 2004, les retours et prélèvements fiscaux provenant du logement se sont élevés à 1,4 % du PIB alors que l'effort budgétaire de l'État en faveur du logement n’en représentait que 1,2 %. Il reste donc pour le budget de l’État un profit net de 32 milliards. On cherche un véritable engagement et l’on ne trouve que des effets d’annonce !

Le logement connaît une crise profonde, équivalente à celle de l’après-guerre.

M. Gérard Hamel, rapporteur de la commission des affaires économiquesEn l’occurrence, nous en héritons.

M. Pierre Cohen - Nous ne sommes pas dans une phase d’explosion démographique mais dans une situation de décalage entre les politiques publiques et les comportements des ménages. La recomposition des familles, la mobilité des trajectoires, le vieillissement de la population, le prolongement des études participent aux mutations structurelles de ce secteur. L'offre n'est plus adaptée. Le logement constitue en outre, avec l’emploi, un facteur déterminant du statut social et participe comme tel de la crise sociale que nous connaissons. Il est en effet considéré par certains comme un investissement rentable, surtout en période de crise – nous assistons à un développement sans précédent de la spéculation foncière et patrimoniale –, ou comme une charge qui pèse de plus en plus sur le budget des ménages, notamment pour les plus bas salaires, ce qui contribue à diminuer le pouvoir d'achat. Le logement peut être également un élément de discrimination, comme nous l’avons vu lors des événements du mois de novembre dernier. Il peut enfin conduire à la marginalisation et, dès lors qu’il est inadapté, à l’échec scolaire, aux violences familiales, au mal de vivre. Il doit donc être considéré comme un élément structurant de la dignité humaine.

Depuis plusieurs mois, Monsieur le ministre, vous stigmatisez les résultats du gouvernement de Lionel Jospin en matière de logement social et vous vous faites gloire de chiffres qui ne sont pourtant pas comparables. Je vous donne rendez-vous en 2007 pour que nous comparions nos bilans respectifs sur cinq années. Nous le ferons en considérant les véritables logements sociaux, réalisés avec les dispositifs PLUS ou PLAI, car nous savons que les PLS servent à la construction de logements qui s’adressent à des catégories plus aisées, sans participation financière de l’État. Je vous mets au défi de cesser vos discours démagogiques et de vous attaquer à la pénurie !

En outre, cet après-midi, vous n’avez pas répondu à M. Le Bouillonnec. Or, vous savez fort bien ce que signifie l’article 55 de la loi SRU : il s’agit du pourcentage de logement locatif social nécessaire dans chaque ville afin de répondre aux besoins des personnes défavorisées. Inscrire dans la loi d’autres types de logements sans modifier ce seuil obligatoire de 20 % revient à ne pas offrir des logements sociaux en nombre suffisant. Autrement dit, on se résigne à l’augmentation des squats, du nombre des SDF et des logements indignes.

Enfin, cessez de fuir vos responsabilités en opposant logement social locatif et accession sociale à la propriété !

M. le Ministre – C’est vous qui le faites.

M. Pierre Cohen - Les deux sont nécessaires, mais le logement locatif est prioritaire. L’accession sociale à la propriété constitue certes une réponse à la pénurie de logement mais pour des personnes arrivant au terme d’une période passée dans un logement locatif social ou pour de jeunes couples. Quoi qu’il en soit, elle ne doit en aucun cas être incluse dans les 20 % de la loi SRU. Prenez vos responsabilités, Monsieur Borloo ! Êtes-vous ou non favorable à la modification de l’article 55 ? Si vous laissez le groupe UMP la voter, vous en porterez la responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Néri - Et il ne pourra pas être Premier ministre ! (Sourires)

M. le Président – M. Cohen s’est également exprimé au nom de M. William Dumas, empêché.

M. Étienne Pinte – Ce projet doit remédier à la grave crise du logement que nous connaissons. Nous devons résoudre la difficile situation de trois millions de nos concitoyens. L’un des points essentiels de ce texte – l’application de l’article 55 de la loi SRU – pourrait nous diviser. Que les choses soient claires : je suis hostile à toute modification de cette disposition, qui prévoit l’obligation pour les communes les plus importantes…

M. Patrick Roy – A Neuilly, par exemple.

M. Étienne Pinte - …de détenir 20 % de logements sociaux sur leur territoire. Le Président de la République, après sa rencontre avec l’abbé Pierre, avait demandé qu’il ne soit pas touché à cet article. Il est vrai que M. Ollier avait redéposé un amendement pour inclure dans ce quota de 20 % l’accession sociale à la propriété de logements neufs. Comme M. Ollier, nous sommes très favorables à l’accession sociale à la propriété mais celle-ci ne doit pas être incluse dans les 20 %, nos concitoyens ayant d’abord besoin de logement locatif social. Je suis d’ailleurs heureux de constater que notre collègue a compris notre souci de ne pas toucher à l’article 55.

Je propose quant à moi, tout d’abord, que les réservations de logements au bénéfice des communes qui accordent des garanties d’emprunt soient progressivement portées de 20 % à 50 %.

Il me semble en outre urgent de relever les seuils de conventionnement de l’ANAH car l’écart des loyers avec le logement intermédiaire est devenu trop important. C’est particulièrement vrai pour des opérations programmées d’aménagement et d’amélioration de l’habitat visant à remettre sur le marché des locaux vacants appartenant à des propriétaires privés. Avec 14 communes, nous avons lancé une expérimentation depuis trois ans mais les résultats sont médiocres. J’espérais pouvoir remettre sur le marché une centaine de logements vacants mais nous avons rencontré de nombreuses difficultés pour inciter les propriétaires privés à nous faire confiance. Nous allons néanmoins persévérer en signant une nouvelle convention avec l’ANAH.

Il est impératif d’améliorer la gestion des surloyers, qui n’est plus efficace. Ne serait-il pas équitable d’augmenter les taux jusqu’à un plafond à déterminer ? En Île-de-France, le prix du mètre carré est en moyenne de 18 euros et de 24 euros à Paris. Le doublement des taux, qui ferait passer le prix du mètre carré de 6 à 12 euros, ne permettrait-il pas d’avoir des taux de surloyer plus en rapport avec les loyers pratiqués ?

Enfin, l’octroi d’une garantie d’emprunt devrait entraîner le maintien des logements dans le contingent de réservation communale après la fin du délai de la garantie alors que les bailleurs sociaux sont enclins à vouloir le reprendre.

Nous devons également réfléchir à l’amélioration du seuil d’accessibilité des 20 % de logements sociaux dans une commune. Ce taux ne cible pas assez les populations en difficulté car on ne tient pas suffisamment compte du revenu des habitants. Pourquoi ne pas réfléchir à un système mixte qui prévoirait 10 % de logements affectés aux personnes en fonction de leurs revenus et 10 % en fonction de la nature des logements construits ?

Enfin, la mise en œuvre du droit au logement opposable, tel que l’a présenté Mme Boutin, devrait être fixée par la loi avec, si possible, un échéancier. Les expérimentations locales prévues par le comité interministériel de lutte contre l’exclusion du 12 mai dernier pourraient-elles être inscrites dans la loi ?

J’espère que vous reprendrez ces propositions, et je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Martial Saddier – Je vous remercie pour ce texte, Monsieur le ministre. Les élus de la montagne y ont beaucoup travaillé avec M. le rapporteur. Je remercie également la commission pour les premières avancées obtenues, indispensables pour les territoires où la pression foncière est insupportable, que ce soit à la montagne ou sur le littoral : je pense en particulier à la possibilité, pour un maire, d’imposer un pourcentage de logement social qu’il devra intégrer dans l’équilibre économique de son opération.

Nous nous étions donné rendez-vous, Monsieur le ministre, lorsqu’en première lecture j’avais retiré mon amendement concernant le problème spécifique des résidences secondaires. Nous savons tous que nos joyaux touristiques que sont les stations du littoral et les stations de montagnes sont en train de disparaître : elles se vident de toute animation et de toute présence humaine permanentes ; les volets de ces résidences sont fermés dix ou onze mois sur douze, ce qui ne contribue évidemment pas à leur dynamisme économique.

Les populations locales sont chassées de leurs villages et de leurs stations. Mais les habitants qui restent ont eux aussi droit à une offre locative sociale et vocation à accéder à la propriété. Les dispositifs actuels ne remédient pas à ce mal qui s’aggrave irrémédiablement, le pourcentage de résidences secondaires dépassant 90 % dans certains villages. Il y a un vrai débat constitutionnel à avoir, mais aussi un vrai débat sur le droit du sol et de l’urbanisme et un vrai débat sur le droit de propriété. Cela mérite une réflexion approfondie, et sans doute une expérimentation. Je compte donc sur vous, Monsieur le ministre, pour installer d’ici à cet été la mission promise en première lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. le Ministre – Permettez-moi de répondre brièvement sur les principaux points évoqués dans cette discussion générale. Gilles Carrez a raison : comme les zones de montagne et de littoral chères à Martial Saddier, l’Île-de-France est à elle seule une question dans la question du logement. C’est aussi vrai en matière de production de logements qu’en matière de rénovation urbaine. Sur les 30 milliards du programme national de rénovation urbaine, près d’un tiers concerne l’Île-de-France. Nous sommes en effet arrivés au bout des « stocks Delouvrier ». La décentralisation, qui s’est opérée à une époque où l’on avait le sentiment de produire suffisamment de logements, ne s’est pas accompagnée de contrats d’objectifs, pour reprendre l’expression de Christine Boutin. Une forme de « laisser organiser » s’est ainsi développée sur un territoire dépourvu de réelle autorité. L’Île-de-France est en effet soumise à une myriade de pouvoirs, dont aucun n’atteint la masse critique qui lui permettrait d’organiser le logement et l’habitat. C’est donc un cas particulier, qui nécessite à la fois une mobilisation générale des élus et un retour de l’État, au moins à titre provisoire. C’est ainsi que seront lancées trois ou quatre opérations d’intérêt national – OIN –, ce qui n’empêche pas un dialogue avec les territoires concernés.

La Délégation interministérielle à l’offre de logements vient d’achever son travail. Les deux tiers des 30 000 logements programmés sur les trois ans à venir le sont en Île-de-France. C’est en effet là que nous avons capacité à être le plus rapidement opérationnel. Bref, une action spécifique à l’Ile-de-France est indispensable.

Je vous rappelle, Monsieur Braouezec, que 150 constats de carence ont été dressés dans la période récente. Des instructions avaient été données en ce sens dès le mois d’août, car la loi de la République doit être appliquée. Le texte autorise les préfets à intervenir directement en cas de carence. Un premier dossier fera l’objet d’une intervention à Saint-Maur des Fossés dans les prochains jours.

M. Patrick Braouezec - Un seul ?

M. le Ministre - Vous vous êtes livré, Monsieur Bono, à une polémique insensée. Construire deux fois plus de logements sociaux que sous la précédente législature ne suffirait donc pas ? Vous qui donnez des leçons en matière de financement, à combien estimez-vous les prélèvements de l’État sur le 1 % logement sous le gouvernement Jospin ? Sachez qu’ils s’élèvent à plusieurs milliards d’euros ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Les leçons, Monsieur Bono, vous pouvez les garder ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Il y a même eu une année exceptionnelle où vous avez prélevé 500 millions d’euros pour boucler les fins de mois de l’État !

Je partage votre avis, Madame Billard. La mauvaise qualité énergétique des logements est, avec les transports, un des facteurs majeurs des dérèglements climatiques. J’attendais donc vos félicitations : le Gouvernement a soutenu, au Sénat, un amendement de M. Desessard – le seul amendement relatif à l’énergie et au climat qui ait été déposé, en huit ans, par le groupe des Verts (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – La loi Voynet, c’est quoi ?

M. le Ministre – J’espérais recevoir vos félicitations pour avoir soutenu ce remarquable amendement…

Mme Martine Billard - Levez-vous le gage ?

M. le Ministre - …qui porte la durée d’exonération de la taxe sur les propriétés bâties à 25 ans dès lors que les logements bénéficient du label « haute performance énergétique ». J’attendais d’autres félicitations pour la nouvelle norme énergétique, applicable au 1er septembre, qui permettra d’améliorer la performance énergétique du logement de 15 % – moyennant, il est vrai, une augmentation des coûts de construction de 8 %. C’est une dépense immédiate, mais un investissement à moyen terme et une rentabilité pour la planète à long terme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). J’attendais, enfin, vos félicitations pour la TVA à 5,5 % sur les abonnements aux réseaux de chaleur et l’exonération de TVA pour la consommation d’énergie issue de la biomasse. Mais peut-être n’avez-vous pas lu le texte…

Je partage votre avis, Monsieur Néri. Les problèmes que vous soulevez en matière d’amélioration de l’habitat, de reconquête des logements vacants, d’OPAH et de garantie des risques locatifs sont réels. Le plan de cohésion sociale prévoyait de passer à 40 000 reconquêtes de logements vacants par an grâce à une modification des conditions d’intervention de l’ANAH. Ce texte vous propose un complément particulier pour le conventionnement sans travaux, des mesures contre l’insalubrité et pour la remise à niveau, ainsi qu’une exonération fiscale de 30 % à la remise sur le marché des logements vacants correspondant à ces catégories. Quant au maillage sur le territoire, c’est un sujet crucial. Je rappelle que le plan de cohésion sociale a permis 22 000 mises à disposition de logement social dans le parc privé en 2005. C’est 75 % de la production de logements sociaux qui était la vôtre en 2000 !

Vous avez évoqué, comme Étienne Pinte, la garantie des risques locatifs, que j’appellerai inquiétudes à la location. Ce que M. Pinte n’a pas dit, sans doute par modestie, c’est qu’il a mené avec l’ANAH une expérimentation en la matière, dont les résultats sont mitigés. Il faut donc aller plus loin, comme le permettra peut-être la règle des 30 % d’abattement. Le sujet avait du reste été abordé en première lecture, et nos partenaires du 1 % logement y travaillent aussi. Nous avons ainsi élaboré un projet de garantie des risques locatifs. Il s’agit de permettre une garantie quels que soient le statut et le revenu de la personne. Nous espérons signer une convention en septembre, afin de mettre en place une forme de fonds de garantie au plus près du terrain. Le Gouvernement est d’ailleurs preneur d’une expérimentation, Monsieur Néri ! Je proposerai à l’Assemblée des départements de France de se joindre à la négociation.

Je remercie Christine Boutin d’avoir qualifié de colossal l’effort consenti en faveur du logement depuis quatre ans. Vous avez également raison, Madame, d’évoquer à propos de la société immobilière d’accession progressive, un article de l’espérance. On ne peut pas nécessairement accéder en une seule fois à la propriété, mais pouvoir le faire de manière progressive est une avancée humaine décisive.

Enfin, nous soutenons comme vous le droit opposable. Les mutations dont parlait M. Carrez pour l’Île-de-France se produisent sur l’ensemble du territoire. C’est avec raison que vous avez évoqué les contrats d’objectifs, proposés aux collectivités par le plan de cohésion sociale. Aujourd’hui, 75 % de la population est concernée par ces contrats signés entre les agglomérations, villes ou bassins et l’État. Ces objectifs, définis par ligne, sont tous supérieurs de 15 à 20 % à ceux du plan de cohésion sociale. Le transfert de responsabilité pourrait gêner l’instauration d’un droit au logement opposable acquis a priori. Loin des effets d’annonce que l’on nous impute, nous y travaillons donc dans la sérénité.

Le droit de réservation de 20 % qu’évoquait M. Pinte peut atteindre 70 % dès lors que la collectivité locale accorde une subvention, ne serait-ce que d’un euro. Nous envisagerons dans la discussion les éventuelles améliorations à apporter à ce dispositif.

Les progrès accomplis en matière de logements vacants vous ont été communiqués.

M. Pierre Cohen - M. le ministre ne tient-il donc jamais de permanence, pour croire ainsi que tout va bien ?

M. le Ministre – En outre, le plan de cohésion sociale prévoit un allongement de cinq ans des contingents au terme de la garantie, dont nous pourrons débattre. Enfin, je confirme à M. Saddier qu’une mission d’expertise est confiée à l’inspection générale des Ponts et Chaussées, à laquelle nous souhaitons associer le ministère de l’intérieur que je saisirai dès demain, ainsi que les élus de montagne et du littoral.

Dans un pays où l’on recommence enfin à bâtir, ce texte de loi rationalise l’acte de construire et celui de louer. Il mérite donc plus de respect de votre part ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

motion de renvoi en commission

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste et apparentés une motion de renvoi en commission, déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

Mme Annick Lepetit - Aujourd’hui, plus de trois millions de nos concitoyens sont mal logés, plus de cinq millions vivent en situation de logement fragile et plus d’un million de ménages sont inscrits comme demandeurs d’un toit auprès d’un organisme de logement social. C’est partout en France, et non seulement en Île-de-France, que l’inflation des loyers et l’envolée des prix à l’achat pèsent de plus en plus lourdement sur les budgets des familles, qui en sont réduites à rogner sur des dépenses nécessaires comme la santé ou l’alimentation…

Or, ce projet de loi ne mettra pas fin à la crise, bien au contraire ! Incohérent, il fait l’impasse sur des problèmes de premier plan – la solvabilisation des locataires, par exemple – et comporte de véritables mesures de « désengagement » national pour le logement, comme les coups portés à l’article 55 de la loi SRU. Ni colonne vertébrale ni ligne directrice, et encore moins d’ambition : pourtant annoncé depuis trois ans par trois ministres successifs, ce texte, d’abord minimaliste – la version initiale ne comportait que dix articles – s’est alourdi au fil des lectures pour devenir aujourd’hui un bric-à-brac de 110 articles. La distorsion flagrante entre son titre et son contenu justifie son renvoi en commission.

M. Jean-Louis Dumont - Ce n’est donc pas un texte colossal !

M. Patrick Roy – Ou serait-ce un colosse aux pieds d’argile ?

Mme Annick Lepetit - Certes, il comporte quelques mesures positives concernant le foncier, mais elles restent très insuffisantes. N’est-il pas légitime que l’État ne cherche pas à tirer profit de la vente de ses terrains consacrés à la réalisation de logements sociaux ? Une décote est dès lors nécessaire, afin qu’ils soient vendus en deçà du prix du marché. Le Gouvernement s’est engagé à procéder à une décote maximale de 35 % sur les prix de ces terrains dans certains territoires ; c’est trop peu, au regard des prix actuellement pratiqués sur le marché. Nous proposons une décote minimale de 25 % par défaut, et d’au moins 35 % dans les zones où le marché foncier est très tendu.

Nous proposons également que la loi fixe le principe et les modalités de cette décote, plutôt que le décret. On nous oppose que la voie du décret est plus rapide. Pourtant, alors que M. Larcher déclarait en mars qu’il serait publié au cours du mois,…

M. le Ministre – C’est vrai !

Mme Annick Lepetit - …le rapport de M. Hamel nous apprend, deux mois plus tard, que le décret n’est toujours pas paru : la voie n’est donc pas si rapide ! En outre, seule l’inscription dans la loi témoigne d’une réelle volonté politique en faveur du logement social, volonté que n’a pas le Gouvernement.

La pagaille règne dans l’article 4 septies, relatif à la cession de terrains nus devenus constructibles. Introduit en première lecture au Sénat par un amendement de la commission accepté par le Gouvernement, cet article permet – et c’est bien légitime – à la commune de partager avec le propriétaire les plus-values qu’il réalise lors de la vente d’un terrain reclassé en zone constructible, puisqu’un tel reclassement entraîne très souvent une forte revalorisation du terrain. La majorité sénatoriale a décidé de limiter le taux du prélèvement par la commune à 10 % des deux tiers du prix de cession : c’est insuffisant !

M. le Ministre – Pourquoi n’avez-vous rien fait pendant cinq ans ?

Mme Annick Lepetit – Les députés de la majorité ont maintenu ce dispositif malgré nos demandes d’amélioration. C’est pourtant bien l’attitude des sénateurs de la majorité qui nous a déconcertés le plus : en seconde lecture, ils ont supprimé cet article qu’ils avaient eux-mêmes introduit ! Le Gouvernement, quant à lui, est resté les bras croisés, s’en remettant à la sagesse de la Chambre haute, alors que vous parliez ici, Monsieur le ministre, de véritable « révolution foncière » !

M. Michel Piron - C’est incroyable !

Mme Annick Lepetit - Ce revirement soudain est incohérent.

M. le Ministre – Vous voterez donc le texte ?

Mme Annick Lepetit - Que s’est-il passé pour que le Gouvernement et sa majorité changent à ce point de position ?

M. Patrick Roy – Le CPE !

Mme Annick Lepetit – Nous souhaitons la réintégration dans le texte de ce dispositif, une fois amélioré.

Quant à la « maison à 100 000 euros » et au dispositif fiscal « Borloo », ce ne sont que des effets d’annonce, comme l’ensemble du texte. Vous prétendez faire croire aux ménages modestes qu’ils peuvent devenir propriétaires sans risque avec 100 000 euros : c’est leur donner de faux espoirs !

M. le Ministre – Avec vous, ils n’en ont aucun !

Mme Annick Lepetit – En réalité, ces nouveaux accédants devront d’abord rembourser la maison pendant vingt ans, puis le terrain sur la même durée, car rares sont les maires qui mettront des terrains gratuits à leur disposition !

M. Patrick Roy - Sauf en Terre Adélie : c’est moins cher !

Mme Annick Lepetit - Ainsi, l’achat du foncier n’est que différé et le remboursement du prêt prendra quarante ans ! La maison dite « à 100 000 euros » plongera de nombreux ménages dans le surendettement, puisque le prix annoncé n’est pas le prix à payer !

M. Alain Néri - C’est un pousse-au-crime !

Mme Annick Lepetit - Contrairement à ce que vous voulez faire croire, nous ne sommes pas opposés à l’accession sociale à la propriété (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais nous sommes opposés au coup d’esbroufe de la maison à 100 000 euros. Un véritable développement de l’accession sociale à la propriété suppose de véritables moyens, et non de nouvelles usines à gaz.

D’autre part, tout en maintenant le dispositif fiscal « Robien », vous créez un autre dispositif semblable qui porte votre noM. Pourquoi maintenir le « Robien » alors qu’il favorise la production de logements privés à loyers très élevés, qu’il alimente la flambée des prix et génère un effet d’aubaine pour les investisseurs à qui il permet de payer moins d’impôts sans contrepartie sociale ? Il coûte plus de 300 millions à l’État mais ne répond pas aux besoins de nos concitoyens. Chacun le constate, de M. Hamel aux députés et aux maires : la majorité des logements « Robien » sont trop chers pour trouver locataire.

Pourtant, vous persistez en donnant à un second dispositif de ce type un visage « social ». C’est peine perdue : le « Borloo » épouse la même logique que le « Robien ».

M. le Ministre – Je ne me marie qu’une seule fois ! (Rires)

Mme Annick Lepetit - C’est un nouveau cadeau fiscal sans contrepartie sociale, qui permettra de mettre sur le marché des logements dont les loyers de sortie sont 17 % plus chers que les PLI… Et cela coûtera plus cher à l’État que la construction de logements accessibles à la très grande majorité de nos concitoyens. Vous osez prétendre faire du social : quelle mascarade ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Ainsi, les deux mesures symboliques de votre texte – la maison à 100 000 euros et le tandem Robien-Borloo –, censées accréditer l’idée que le Gouvernement encourage l’accession sociale à la propriété et la construction de logements abordables, sont deux mensonges.

S'y ajoute la remise en cause de l'article 55 de la loi SRU, lubie récurrente de la droite depuis le vote de cette loi. Lors de la première lecture du présent texte, les députés de la majorité l’ont à nouveau attaqué, en faisant entrer dans le quota de 20 % de logements sociaux les logements HLM vendus à leurs occupants et les logements neufs construits dans le cadre d'opérations d'accession à la propriété. Les sénateurs ont retiré du calcul les logements en accession, mais y ont inclus les aires d'accueil des gens du voyage et, pour cinq ans, les logements dont la convention arrive à échéance. Pour notre part, notre position est claire : aucune remise en cause de l’article 55 n'est acceptable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Revenir sur cette disposition, c’est refuser de proposer des logements accessibles au plus grand nombre sur tout le territoire et soustraire les maires à leurs obligations en la matière. Nous sommes favorables à l'accession sociale à la propriété, mais nous refusons qu'elle se fasse au détriment du logement locatif social.

Comme vous n'osez pas abaisser légalement le seuil des 20 %, vous recourez à tous les artifices possibles, tout en tentant de vous faire passer pour les promoteurs de l'accession sociale à la propriété et de la construction de logements sociaux. La maison à 100 000 euros et vos attaques contre l’article 55 montrent que vous en êtes plutôt les fossoyeurs (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP). La dernière trouvaille, c’est d’inclure dans le quota les aires d'accueil des gens du voyage. Nous sommes bien sûr favorables à ces aires, mais pas au détriment du logement locatif social. Nous sommes également opposés à ce que les logements déconventionnés soient considérés comme des logements sociaux durant cinq ans.

Plusieurs députés UMP - Et pourquoi ?

Mme Annick Lepetit - Qui dit logement déconventionné dit hausse des loyers et, par conséquent, départ des locataires.

M. Michel Piron – Nous avons prévu des parades !

Mme Annick Lepetit – Aussi, face à une crise qui touche des millions de nos concitoyens, face aux élus qui font tout pour contourner l'esprit et la lettre de la loi SRU, nous appelons à renforcer l’article 55, en l’étendant, par exemple, aux communes d'au moins 1 500 habitants – c’est déjà le cas en Île-de-France – ou en obligeant le préfet à se substituer au maire en cas de carence dans la construction ou l'acquisition de logements sociaux. La commission a rejeté toutes nos propositions. Nous espérons que l'intérêt général l'emportera en séance publique.

Enfin, l’aide personnalisée au logement est la grande absente de ce texte. Elle ne concerne pourtant pas moins de six millions de ménages : autant dire que la lacune se remarque, dans un texte d’« engagement national pour le logement » ! Pourtant, ce n'est pas faute de notre part d'avoir fait des propositions. Mais le Gouvernement s’évertue à ne pas entendre. Depuis 2002, les crédits budgétaires alloués aux aides à la personne diminuent sans cesse. En 2004, 200 000 bénéficiaires ont été exclus du dispositif et les aides ne sont plus versées lorsqu’elles sont inférieures à 24 euros par mois, ce qui représente tout de même une perte de 288 euros pour l’année. Et cela au moment où les charges et les loyers augmentent si rapidement… Nombreux sont les locataires qui y consacrent plus de 30 % de leur revenu, rognant ainsi sur la santé, l'alimentation et l'éducation.

Nous avons donc déposé plusieurs amendements pour redonner leur valeur aux aides à la personne, c'est-à-dire rendre les locataires solvables. Nous demandons par exemple la suppression du mois de carence et le versement de l’aide quel qu'en soit le montant, ainsi qu’une revalorisation annuelle significative. Le Gouvernement prend un malin plaisir à alléger toujours plus la charge fiscale des plus aisés tout en demandant aux plus modestes des sacrifices de plus en plus insupportables (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Votre projet de loi est un modèle du genre : il crée des cadeaux fiscaux qui profitent exclusivement aux plus riches mais ignore totalement le sujet des aides, au détriment de 6 millions de ménages (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés UMP - Quelle arrogance !

Mme Annick Lepetit – Un projet de loi d’engagement national pour le logement qui ignore les locataires des classes populaires et moyennes est tout à fait irrecevable. Ce texte souffre d'importantes lacunes, propose des dispositifs bancals et ne répond pas du tout à la crise qui devrait pourtant tous nous inquiéter. Il paraît donc évident qu’il devrait être renvoyé en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; rires sur les bancs du groupe UMP)

Mme Claude Greff - Surtout, ne rien faire !

M. Michel Piron – Il y a une crise, attendons !

M. le Rapporteur – Nous aurons l’occasion, en entrant dans le détail de la discussion, de montrer que vos propos étaient très excessifs – et qu’ils ont donc prouvé par eux-mêmes leur propre insignifiance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous sommes en deuxième lecture. La commission des affaires économiques s’est réunie à deux occasions – il ne me semble d’ailleurs pas que vous ayez pu être là la première fois… (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Il n’y a que quatre d’entre vous qui étiez présents !

M. le Rapporteur – Elle a ainsi examiné environ 200 amendements.

Mme Annick Lepetit – Il me semble que c’est son rôle !

M. le Rapporteur – J’ai été très ouvert à toutes les propositions, jusqu’au dernier moment. Je demande donc à l’Assemblée de ne pas voter cette motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Pourtant, le devoir de l’opposition est de se faire entendre. Que vous nous considériez comme incompétents sur la question du logement est votre droit le plus strict : on peut porter tous les jugements de valeur – mais, comme l’a dit le rapporteur, parce qu’ils sont excessifs ils deviennent insignifiants. Il y a autant de compétence à gauche qu’à droite. Mais la problématique du logement est un sujet éminemment politique, et je l’ai abordée ainsi dans tous mes mandats. M. Borloo le sait bien, et s’en souvient à chaque fois qu’il n’obtient pas du budget de l’État ce dont il aurait besoin pour mener son action à bien.

Votre projet de loi nous laisse dans une profonde insatisfaction. Votre « engagement national pour le logement » est très en dessous, non seulement de ce que nous aurions voulu ou espéré, mais de ce dont ont besoin les gens ! Selon la fondation Abbé Pierre, 6 millions de personnes sont considérées comme supportant des conditions de logement insatisfaisantes.

Mme Annick Lepetit - Ils s’en fichent !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Trois millions connaissent de fortes difficultés, 90 000 sont sans domicile fixe, plus de deux millions connaissent des situations telles que la suroccupation ou l’hébergement d’urgence. Cette réalité est aussi inacceptable pour vous que pour nous.

Plusieurs députés UMP - Qu’avez-vous fait ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Et vous, quatre années après ? Les lois fondamentales sur la lutte contre l’exclusion et sur le renouvellement urbain ont été votées sous des gouvernements de gauche, même s’il y a aussi eu des ministres de droite qui furent d’éminents serviteurs du logement social. Mais les conditions de vie actuelles des gens sont une réalité incontournable, et ce que nous n’acceptons pas, c’est que l’État ne mobilise que des moyens très insuffisants face à la crise pour solliciter ensuite les autres acteurs. Ne pas augmenter l’APL, c’est tout simplement demander de payer à des gens qui ne le peuvent pas : l’État se sert sur la bête.

Mme Claude Greff – Sur qui ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous n’abandonnerons pas le sujet des statistiques tant que vous n’aurez pas reconnu qu’en 2005, il y a eu 3 000 logements PLUS de plus qu’en 2003, et que vous aviez baissé par rapport à 2002.

Plusieurs députés UMP - C’est faux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ce sont les chiffres de la direction de l’urbanisme et de la construction ! Il y a certes eu une baisse entre 1999 et 2000, mais si la première progression a eu lieu en 2001, c’est bien que l’effort avait commencé avant ! Il n’y a qu’une chose d’intéressante : comment allez-vous sortir du plan ? Y en aura-t-il eu assez ?

Comment peut-on prétendre répondre à la demande de logement des Français lorsque que ce qu’on finance ne leur est pas accessible ? Les PLAI et les PLUS représentent 65 % des demandeurs de logement : les PLS, à peine le quart, et vous ferez bientôt autant de PLS que du reste ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

Que vous vous fassiez plaisir en alignant des chiffres, peut-être. Mais pendant ce temps, le nombre de demandeurs de logements augmente, et c’est au nombre de demandes insatisfaites, dont vous serez comptable, Monsieur Borloo, qu’en 2007 on jugera la politique du Gouvernement. Nous ne contestons pas votre compétence, nous avons un vrai désaccord politique, et les Français trancheront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Patrick Braouezec – Le groupe communiste votera ce renvoi en commission, les arguments développés par Mme Lepetit rejoignant ceux que j’ai développés dans la discussion générale.

Mon groupe considère avec lucidité la période de 1997 à 2002, que vous évoquez d’ailleurs peut-être un peu trop souvent. L’action en faveur du logement n’était peut-être pas à la hauteur des besoins ( « Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). Néanmoins, la loi SRU a été une avancée considérable en mettant tous les élus locaux devant leurs responsabilités s’agissant du logement social et du droit au logement, qui doit être reconnu comme un droit fondamental.

M. Patrick Roy - À Neuilly !

M. Patrick Braouezec - À Saint-Mandé, Saint-Maur et autres lieux.

Cette question du logement social qui nous divise renvoie au fond au débat que nous avons eu sur l’immigration et l’intégration, car, dans les deux cas, ce sont deux projets de société qui s’opposent, et nous le montrerons au cours de la discussion. D’un côté, vous organisez, peut-être sans le vouloir, car je sais ce que vous avez fait dans votre ville, un processus qui enfoncera dans la ségrégation et la précarité, pas seulement en Île-de-France mais dans les grandes métropoles, tous ceux qui vivent à l’hôtel, et tous ces jeunes qui passent de leur voiture à l’appartement d’un copain. En effet, toutes les collectivités et l’État vont-ils jouer leur rôle pour remédier à ces situations ?

Pour notre part, même si les huit villes de la communauté d’agglomération que je préside comptent déjà 50 % de logements sociaux, nous avons fait le choix de construire, dans le cadre d’une convention avec l’État, et de faire 40 % de logements sociaux et 60 % de logements libres. C’est cela qui correspond aux besoins. Bien des maires ici savent qu’ils n’ont pas les moyens de répondre aux besoins de jeunes salariés, pas seulement de pauvres, qui ne peuvent quitter le domicile familial si on le leur offre pas un logement social. Je suis fier que Saint-Denis ait été la ville qui, en 2004 et 2005, a délivré le plus de permis de construire, pour le logement social et pour le logement en général.

Pour toutes ces raisons, nous voterons le renvoi en commission et nous mènerons le débat de fond sur les deux projets de société qui s’opposent ici (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Piron - J’ai souvent du mal à saisir les motivations des motions de renvoi en commission, et c’est encore plus vrai ce soir. Le débat est politique, c’est vrai, et M. Le Bouillonnec en a rappelé l’urgence. Mais dans ce cas, comment demander le renvoi ? Quant à la politique, elle ne se résume pas à des déclarations abstraites.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Venez donc dans ma commune !

M. Michel Piron - Vous me permettrez de traiter du problème au niveau national, pas seulement de votre commune. En 2000, on a produit 42 262 logements sociaux, en 2001 56 595, et en 2005, 76 253. Et puisque vous suggériez de ne retenir que les PLAI,…

Plusieurs députés socialistes – Et les PLUS !

M. Michel Piron - ….on en a fait 5 009 en 2000 et 7 538 en 2005.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Et en 2001 ?

M. le Ministre – En 2001, 5 427.

M. Michel Piron - L’effort public en faveur du logement s’est élevé en 1997 à 21 milliards et nous serons à 31 milliards en 2006.

M. Alain Néri - Le budget de 1997, c’était celui de votre majorité !

M. Michel Piron – Nous n’avons pas le monopole de la compétence, mais appuyez au moins les vôtres sur ces quelques chiffres.

Pour revenir à la motion, il me paraît difficile de dire à la fois que 110 articles, c’est trop, et que cela ne suffit pas. Vous défendez, Madame Lepetit, la taxation des plus-values issues du classement de terrains en zone constructible. Non seulement nous sommes d’accord, mais c’est nous qui avons pris l’initiative d’en demander le partage. Vous auriez pu y penser avant.

En réalité, le débat tourne autour de ce que l’on entend par « social ». Quand vous refusez de qualifier ainsi le dispositif du « Borloo populaire », cela signifie-t-il qu’il n’y a de social que l’extrême pauvreté ? Pour nous, le champ du social est plus large. Enfin, vous avez dit que le déconventionnement pourrait provoquer des hausses de loyer très importantes. Mais c’est justement nous qui avons voulu en corriger les effets brutaux en présentant un amendement sur ce texte.

Je persiste donc à ne pas comprendre les raisons de cette motion. Les besoins sont urgents. Est-ce en renvoyant la décision à plus tard qu’on résoudra la crise ? Je ne le crois pas et le groupe UMP votera contre le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, demain, mercredi 31 mai, à 15 heures.
La séance est levée à 23 heures 55.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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ordre du jour
du mErCREdi 31 mai 2006

QUINZE HEURES : 1re SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 3072) portant engagement national pour le logement.

Rapport (n° 3089) de M. Gérard HAMEL, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

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