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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

3ème séance du mardi 13 juin 2006

Séance de 21 heures 30
102ème jour de séance, 242ème séance

Présidence de M. René Dosière
Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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Successions et libéralités (deuxième lecture)

L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant réforme des successions et des libéralités.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice  Ce projet de loi portant réforme du droit des successions et des libéralités, adopté par l’Assemblée le 22 février dernier et modifié à la marge par le Sénat, témoigne de l’importance que la représentation nationale accorde à cette réforme d'ampleur, rendue nécessaire par le décalage entre les textes bicentenaires qui régissent la matière et la situation démographique, sociale et économique de la France. Après les tentatives infructueuses de réforme menées depuis près de vingt ans, je me réjouis qu’il soit sur le point d'aboutir car il apporte des améliorations attendues par les familles, les entreprises et les professionnels. Avec lui, chacun disposera d'outils nouveaux pour améliorer le règlement des successions et mieux anticiper la transmission des patrimoines.

Le projet s'articule autour de trois axes principaux.

Premièrement, afin de donner plus de liberté pour organiser sa succession, ce texte crée un instrument nouveau, le pacte successoral, qui permettra aux familles de consacrer des accords destinés à organiser de façon particulière la succession, pour garantir la conservation d'un bien dans la famille ou protéger spécifiquement un héritier vulnérable. La représentation nationale a eu le souci de sécuriser les conditions dans lesquelles sera donné le consentement de celui qui renonce. Ainsi, a été adopté à l’Assemblée en première lecture un amendement visant à ce que le renonçant signe seul en présence du notaire l'acte constatant la renonciation. Le Sénat, dans la même logique, a exigé que l'acte soit reçu par deux notaires, dont l'un désigné par le président de la chambre départementale. Ces améliorations permettent d'encadrer l'utilisation de ce mécanisme novateur. L'autre mécanisme important mis en place par le projet de loi s'articule autour des libéralités résiduelles, facteur d'une transmission efficace du patrimoine, que M. Huyghe a souhaité compléter en modifiant en profondeur le régime des libéralités graduelles. Je me félicite que le Sénat ait approfondi cet apport à la réforme par diverses modifications techniques. Les libéralités graduelles et résiduelles s'adaptent parfaitement à certaines situations particulières, notamment celle des familles avec un enfant handicapé. Les parents pourront ainsi transmettre leur patrimoine à leur enfant fragile et, après le décès de cet enfant, à une autre personne qu'ils auront préalablement choisie.

Deuxième objectif de ce texte, la simplification et l’accélération du règlement des successions. Là encore, le débat parlementaire a permis d'améliorer sensiblement le texte, notamment le dispositif de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire. Cette option était jusqu'à présent peu choisie en raison de son caractère procédural inutilement lourd et, en définitive, peu protecteur des intérêts des héritiers et des créanciers. S’agissant de la procédure de déclaration des créances, l’Assemblée a souhaité, fort opportunément, que la période durant laquelle les créanciers peuvent se faire connaître, initialement fixée à deux ans, soit ramenée à quinze mois afin de trouver un juste équilibre entre règlement accéléré des successions et protection des créanciers. Ensuite, elle a apporté de nombreuses améliorations techniques qui garantissent le fonctionnement de l'acceptation à concurrence de l'actif net, en particulier lorsque d'autres héritiers ont accepté purement et simplement la succession. Celles-ci, sans remettre en cause la logique du nouveau dispositif, simplifient le paiement des créances en évitant sa transformation en une procédure collective.

Quant au dernier objectif du projet, la simplification de la gestion du patrimoine successoral, il a particulièrement bénéficié des apports des débats parlementaires qui ont témoigné de l'attachement que la représentation nationale porte à la pérennité des entreprises. L’extension des pouvoirs reconnus aux héritiers au lendemain du décès pour administrer de façon utile l'entreprise transmise, proposé par l’Assemblée, permettra de relever efficacement le défi de la transmission massive d'entreprises dans les dix années à venir. Pour faciliter la gestion du patrimoine successoral, le Gouvernement a voulu développer le mandat, notamment le mandat posthume. Ce nouvel outil a reçu un accueil très favorable dans chacune des chambres car il correspond aux attentes des parents d'enfants handicapés et des chefs d'entreprise. L'examen de ce nouveau mécanisme au Palais-Bourbon a permis d'apporter un grand nombre d'améliorations, notamment sur les pouvoirs du mandataire, sur sa rémunération ainsi que sur le fonctionnement général de ce mandat. Quant au Sénat, estimant qu’un mandat posthume ne devait pas être confié à durée indéterminée, il a proposé de limiter sa durée à cinq ans, renouvelable par décision du juge, ce qui semble pertinent au regard du caractère temporaire de ce mécanisme. Je me rallie donc à l’équilibre défini par les deux assemblées entre l'exigence de contrôle de l'exécution du mandat posthume et la nécessité de permettre un renouvellement du mandat.

Ce projet de loi constitue une avancée juridique formidable. Le décret d'application – je m’engage à ce qu’il soit publié dans les temps pour que le texte entre en vigueur dès le 1er janvier prochain – remplacera les dispositions obsolètes de l'ancien code de procédure civile toujours en vigueur, réorganisera la procédure de partage judiciaire et précisera les dispositions d'application des nouveaux instruments tels que l'acceptation à concurrence de l'actif net ou le mandat successoral. Je tiens à saluer la qualité du travail de M. le rapporteur.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois – Très juste !

M. le Garde des Sceaux - L'aboutissement de cette réforme tant attendue constitue un événement dans l'histoire du code civil et le travail qui a permis son aboutissement a été, à bien des égards, exemplaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Sébastien Huyghe, rapporteur de la commission des loisCe projet de loi vise à réécrire les dispositions du code civil relatives aux successions et aux libéralités afin d'atteindre trois objectifs : donner plus de liberté pour préparer et organiser les successions ; accélérer et simplifier leur règlement ; faciliter la gestion du patrimoine successoral.

En première lecture, nous avons enrichi le projet avec près de 260 amendements. Le Sénat a globalement approuvé le texte issu de l’Assemblée et lui a apporté des précisions utiles et quelques dispositions nouvelles. Sur les 40 articles que nous avions adoptés, il en a voté 20 conformes et a introduit 7 articles additionnels.

En ce qui concerne le droit des successions, le Sénat a modifié les conditions de détermination des héritiers. Il a supprimé la mention de la naissance des enfants en marge de l’acte de naissance des parents, qui visait à faciliter la recherche des héritiers, en arguant que cette disposition portait une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée. Il a aussi assoupli les dispositions encadrant la profession de généalogiste : toutes les personnes ayant un intérêt direct et légitime au règlement de la succession, et notamment les créanciers, pourront en mandater un, et aucun mandat ne sera exigé pour les successions vacantes ou en déshérence.

Le Sénat a par ailleurs modifié les règles de l'option successorale et la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif. Il a précisé les actes pouvant être accomplis par l'héritier sans emporter acceptation tacite de la succession – notamment les opérations nécessaires à la continuation à court terme de l'activité de l'entreprise. Il a aussi renforcé la sécurité juridique des transactions autorisées après acceptation à concurrence de l'actif, en prévoyant que le prix de la vente d'un bien successoral par l'héritier ne peut être contesté lorsque la vente a été réalisée aux enchères publiques et en portant le délai imparti à l'héritier pour déclarer l'aliénation ou la conservation d'un bien de huit à quinze jours.

S'agissant des mandats, le Sénat a interdit au notaire chargé de la succession d'être mandataire à effet posthume. Quant à la rémunération de ce mandataire, il a prévu la faculté d'une rémunération mixte, alliant revenus et capital, et précisé qu’elle constitue une charge de la succession qui ouvre droit à réduction lorsqu'elle a pour effet de priver les héritiers de tout ou partie de leur réserve. Le mandat posthume à durée indéterminée a été remplacé par un mandat de cinq ans, prorogeable en raison de l'inaptitude, de l'âge des héritiers ou des impératifs de la gestion de biens professionnels. Les pouvoirs du mandataire tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession ont été étendus aux actes de surveillance et d'administration provisoire, et le mandataire pourra demander au juge l'autorisation d'accomplir tout autre acte requis dans l'intérêt de la succession.

S'agissant enfin du partage, le Sénat a étendu la possibilité de demander le sursis au partage et le maintien de l'indivision pour les entreprises exploitées sous forme sociale. Il a assoupli la condition de participation à l'exploitation requise en matière d'attribution préférentielle, afin qu'elle puisse être satisfaite par les descendants de l'héritier. Il propose enfin une meilleure prise en compte, au moment du partage, de la réalité des charges nécessaires à la conservation d'un monument historique.

En matière de libéralités, le Sénat a supprimé la réforme de la quotité disponible spéciale. Actuellement, la quotité disponible spéciale entre époux est identique, que les enfants soient issus des deux époux ou non. Cela permet au conjoint de recevoir la totalité des biens du défunt en usufruit, ce qui peut conduire, en pratique, à priver de la réalité de leur réserve les enfants d'un premier lit. Le projet de loi proposait donc, en présence d’enfants non communs, de réduire la quotité disponible à la moitié des biens. Cela avait semblé quelque peu brutal à notre commission, qui avait préféré donner la possibilité au conjoint survivant de recevoir un usufruit plus étendu, portant sur l'ensemble des biens des enfants communs et ne s'imputant que subsidiairement sur la réserve des enfants non communs. Devant le risque que certains conjoints, se croyant protégés, ne rencontrent de sévères déconvenues lors de la succession, le Sénat a préféré plus simplement renoncer à la réforme – qui ne visait pas, il est vrai, contrairement à la majorité des dispositions du projet relatives aux libéralités, à accroître la liberté du disposant. Faute de consensus, je vous propose de ne pas revenir sur la décision du Sénat.

Par ailleurs, le Sénat a apporté plusieurs précisions utiles au régime des libéralités. Ainsi, la renonciation anticipée à l'action en réduction devra être reçue par deux notaires dont l'un ne sera pas choisi par la famille, afin de protéger le renonçant des pressions de son entourage et de lui garantir un conseil objectif. Lorsqu’une libéralité graduelle portera sur un portefeuille de valeurs mobilières, l'obligation de conservation ne doit pas empêcher la bonne gestion, qui suppose que le premier gratifié puisse vendre et racheter des valeurs mobilières : la charge ne porte que sur le portefeuille et non sur les titres qui le composent. Une donation graduelle pourra être acceptée par le second gratifié après le décès du donateur : un grand-père pourra ainsi, par exemple, donner un bien immobilier à son fils, à charge pour lui de le transmettre à ses enfants nés et à naître. La donation-partage d'une entreprise exploitée en forme de société sera limitée aux cas où le donateur exerce une fonction dirigeante dans la société, afin d'éviter la donation-partage d'un simple portefeuille de valeurs mobilières. En cas de décès sans postérité ni parent, la dévolution aux frères et sœurs jouera pour les biens reçus par le défunt de tous ses ascendants, et non plus de ses seuls parents.

Pour ce qui concerne le Pacs, le Sénat a précisé les modalités de liquidation des créances entre partenaires et prévu la mention de l'identité du partenaire en marge de l'acte de naissance de l’autre personne – en première lecture, nous avions prévu que cette mention resterait anonyme. Enfin, il a introduit trois dispositions nouvelles. D’abord, il propose de déjudiciariser le changement de régime matrimonial, en remplaçant l'obligation d'homologation par le tribunal de grande instance par une information des enfants et des créanciers, qui pourront s'opposer au changement de régime dans un délai de trois mois. L’homologation par le juge restera nécessaire en présence d'enfants mineurs.

Ensuite, il valide, dans les contrats de mariage, la clause de reprise des apports de biens propres en cas de divorce, dite « clause alsacienne ». Enfin, il donne la possibilité aux enfants d'un premier lit de renoncer par anticipation à exercer, lorsque s'ouvrira la succession, l'action en retranchement, lorsque le conjoint survivant a bénéficié d'un avantage matrimonial excessif. Lorsque le consensus familial aura débouché sur un acte entouré des mêmes garanties que la renonciation anticipée à l'action en réduction, le conjoint survivant pourra conserver les biens du défunt jusqu'à son propre décès. Les enfants signataires du pacte ne renonceront donc pas définitivement à leurs droits réservataires, mais accepteront qu'ils ne soient rétablis qu'au décès de leur beau-parent.

Le texte qui nous est proposé par le Sénat réalise un équilibre qui me paraît satisfaisant. Je vous propose donc de l'adopter en l'état. Il importe maintenant que cette réforme, attendue depuis de nombreuses années, puisse être appliquée dans les meilleurs délais – nous avons d’ailleurs avancé sa date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2007. Pour finir, je remercie le Garde des Sceaux et ses services pour la bienveillance avec laquelle ils ont considéré les propositions du Parlement, et la commission des lois, en particulier son président, pour le travail de fond accompli sur ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Anne-Marie Comparini – Du code napoléonien à 2006, le droit des successions est celui qui a connu le moins de réformes, et même si nous nous félicitons de la sagesse dont cette attitude témoigne, il reste que la société du XXIe siècle est bien différente de celle du XIXe – structure des familles, allongement de l’espérance de vie – et que certaines dispositions étaient devenues obsolètes. La réforme d'adaptation nécessaire devait viser un objectif de souplesse, de simplicité et de justice adapté aux situations nouvelles.

La diversité des situations juridiques et la complexité des règles applicables rendent les successions parfois très longues. L'immobilisme qui s'ensuit est préjudiciable aux héritiers, méconnaît les volontés du défunt et fige la gestion des patrimoines. Il paraissait donc important de donner plus de liberté dans l'organisation des successions, notamment par l'introduction du pacte successoral, et d’accélérer et de simplifier le règlement des successions, notamment en réformant la procédure du partage.

S'agissant des libéralités, la réforme vise une plus grande liberté dans la gestion du patrimoine, par l’aménagement d’une réserve héréditaire. Le ministre et le rapporteur se rallient aux modifications apportées par le Sénat, mais si ce texte important et utile doit en effet entrer en vigueur le plus rapidement possible, trois points méritent d’être mieux considérés. S’agissant du Pacs, je comprends bien la démarche du Sénat, mais les arguments utilisés étaient parfois paradoxaux. Nous nous étions réjouis que soient reprises dans le texte certaines dispositions issues des travaux de la mission d’information sur la famille et les droits des enfants et visant à améliorer le Pacs : une voie avait été ouverte en 1999, et il faut dorénavant améliorer ses formalités, notamment le régime patrimonial. La mission famille avait proposé la mention du pacte en marge de l’acte de naissance de chacun des partenaires, mais en conservant l’anonymat de l’autre partenaire. Cela nous paraissait une avancée importante et conforme à la décision du Conseil constitutionnel de 1999. Mais le Sénat a prévu la mention de l’identité du partenaire.

Comme l’a fait le Garde des Sceaux au Sénat, je voudrais insister sur ce point car il faut toujours se méfier des fausses bonnes idées : l’inscription de cette mention ne porte-t-elle pas, à terme, un risque de discrimination ? Dans la discussion des articles, notre groupe défendra un amendement à ce sujet.

En vertu de la déjudiciarisation du changement de régime matrimonial, il est prévu que des époux puissent désormais changer de régime matrimonial sans demander au préalable une homologation de cette décision par le TGI. J’invite, là encore – et j’y reviendrai dans la discussion –, à la prudence car l’on ne peut invoquer l’engorgement des tribunaux pour prendre des décisions aussi lourdes de conséquences. Au reste, je me réjouis que les sénateurs centristes aient atténué la portée de ce principe en le limitant aux ménages n’ayant pas d’enfant mineur à charge. D’accord pour moderniser et simplifier notre droit, mais attention au risque contentieux ultérieur en cas de divorce et de liquidation des intérêts matrimoniaux, en particulier pour les personnes qui changent de régime à plusieurs reprises.

Enfin, je souhaite évoquer l'évaluation des entreprises. En première lecture, notre rapporteur avait eu raison de défendre un amendement permettant aux héritiers de notifier la valeur d'une entreprise à l'administration fiscale, laquelle disposerait d’un délai de six mois pour contester l'évaluation proposée. Ce dispositif intéressant permettait d'établir une évaluation rapide, d’autant plus nécessaire que les variations peuvent, en la matière, être brutales. Il était particulièrement adapté à la situation des petites entreprises et nous avons bien pris bonne note de l'engagement du Garde des Sceaux de traiter cette question avec le ministre du budget.

M. le Rapporteur – Tout à fait.

Mme Anne-Marie Comparini – Pouvez-vous, Monsieur le ministre, nous éclairer sur l’état d’avancement de ce dossier ?

M. Gilbert Biessy – Comme nous le soulignions en première lecture, le présent texte traduit des orientations relativement ambitieuses, que le travail réalisé au Sénat a permis d’améliorer. Nous saluons l'opportunité de ce projet, alors que notre pays accuse un retard considérable dans l'adaptation de sa législation à l'évolution des mœurs. Aussi, si ce texte est loin de combler toutes les lacunes de notre code civil, il ouvre un champ de réflexion utile. En effet, nous n'avons que trop rarement l'occasion de nous pencher sur notre droit de la famille, dont la réforme demeure largement inachevée. Souhaitons que l'impulsion donnée par le texte de ce soir – même si nous n'en partageons pas toutes les orientations – nous permette de maintenir ouvert ce débat essentiel.

S’agissant des présentes dispositions, je ferai d'abord les mêmes remarques de méthode qu'en première lecture : je ne suis pas certain que la méthodologie retenue soit en adéquation avec les attentes de nos concitoyens. Certes, la commission a auditionné près de soixante-quinze personnes et s'est appuyée sur l'expérience des praticiens, décrite dans une vaste enquête menée au début de l'année 2004. Cela a permis d'identifier les principales difficultés auxquelles sont confrontés les professionnels dans le règlement des successions et de dégager un consensus sur plusieurs propositions.

Il est notamment ressorti de cette enquête que les notaires souhaitaient une simplification du droit des successions et des libéralités et sa mise en adéquation avec la réalité sociale, familiale et économique. Les demandes des plus de trois mille praticiens des successions constituent à l’évidence un élément de référence précieux pour résoudre au mieux les principaux problèmes rencontrés sur le terrain.

Il n'en reste pas moins que l'enquête ne met guère en relief certaines préoccupations des usagers eux-mêmes, sur lesquelles il serait pourtant utile de revenir. Le projet de loi laisse d'abord de côté l'épineuse question fiscale, sur laquelle il y a pourtant beaucoup à dire, tant les mesures prises par le Gouvernement en matière de fiscalité du patrimoine participent de l'injustice fiscale cultivée depuis quatre ans. S’agissant de l'assurance-vie, chacun sait que le succès de ces contrats tient pour une large part aux lacunes flagrantes de notre code civil en matière de protection des droits des conjoints, que ceux-ci soient mariés, concubins ou pacsés. Des progrès restent encore à accomplir en matière de régime successoral applicable aux partenaires d’un Pacs. Une autre question, connexe au régime des droits de succession, est posée par l'absence de réversion des pensions en cas de concubinage ou de Pacs, alors qu’une réforme est attendue pour garantir des ressources au conjoint.

Nous pourrions multiplier les exemples de situations à propos desquelles nombre de nos concitoyens attendent des évolutions législatives alors que le présent texte s’en désintéresse. Mais force est d’admettre qu’il consacre certaines avancées. L'abandon de la réforme de la quotité disponible spéciale du conjoint survivant – qui remettait en cause la loi de 2001 – représente ainsi une mesure de sagesse, même si la question posée est bien réelle et que nous aurions préféré, comme la majorité, une position d'équilibre, que ni la loi actuelle, ni l'article 21 dans sa rédaction initiale ne nous paraissent réaliser.

Par contre, à l’instar de nos collègues socialistes, nous plaidons pour que l'héritier taisant soit tenu pour renonçant plutôt qu’acceptant, comme nous sommes favorables à la création d'un fichier national des assurances sur la vie, en vue de mieux garantir aux bénéficiaires le plein exercice de leurs droits.

Enfin, nous sommes nous aussi très opposés à la déjudiciarisation du changement de régime matrimonial, même réduite aux cas où les époux n'ont plus d'enfants mineurs. Cette réforme comporte en effet des risques considérables pour le respect des droits des enfants, que seule une intervention a priori du juge est à même de préserver intégralement. La situation d'engorgement des tribunaux ne saurait justifier la réforme proposée par le Sénat et nous attendons donc que notre Assemblée revienne sur cette disposition.

Une autre de nos réserves concerne le Pacs, puisque le Sénat nous propose de fait d'en faire une sorte de mariage bis, en mentionnant sur l'acte de naissance des personnes pacsées l'identité du partenaire. Une telle modification est d'importance et elle souligne la difficulté persistante à définir les contours exacts du Pacs, faute sans doute d'un positionnement clair des uns et des autres. Sur un tel sujet et de tels enjeux, on ne peut continuer à tourner autour du pot ! Soit l’on considère que le Pacs doit ouvrir des droits équivalents à ceux du mariage, et l'originalité du mariage se trouvera rayée d'un trait, ce qui n'était pas la volonté du législateur de 1999. Soit l’on estime que Pacs et mariage doivent garder leur spécificité – comme nous le pensons – et il faut alors déplorer que les débats sur ces questions restent entachés d'une certaine hypocrisie pour ce qui concerne le statut des couples homosexuels, ceux-ci se trouvant confrontés, de fait, à une situation de discrimination car ils ne peuvent opter pour le régime de droits et obligations afférant au mariage.

Il faut donc clarifier ce statut. Pour notre part, nous sommes favorables à la reconnaissance du droit au mariage des homosexuels et nous avons d'ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens. Cela permettrait de reconnaître un droit légitime et de préciser les caractéristiques juridiques de chaque type d'union. Et encore faut-il ne pas méconnaître l'incidence favorable que la reconnaissance du mariage homosexuel aurait sur le sujet qui nous occupe, notamment pour ce qui concerne la situation du conjoint survivant.

Sur ce thème, force est d’admettre que notre droit est en décalage flagrant avec les évolutions de notre société et les attentes de nos concitoyens, ce qui illustre la nécessité d’engager un programme de réformes beaucoup plus vaste. Nous sommes loin du compte, et le présent projet de loi en témoigne puisqu'il s’attache en priorité à résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les détenteurs de patrimoines importants.

Si le présent projet apporte des réponses pragmatiques à certaines préoccupations exprimées par les professionnels – ce dont nous ne pouvons lui faire reproche –, nous regrettons que l'occasion n'ait pas été saisie d'élargir le débat à l'ensemble des enjeux que soulève la réforme de notre droit des successions, et, conséquemment de notre droit de la famille. Malgré ses insuffisances, nous ne saurions nous prononcer contre son adoption et c’est pourquoi nous nous abstiendrons.

M. Francis Delattre – Le 22 février dernier, le présent texte avait été adopté en première lecture par notre Assemblée dans un climat consensuel, puis le Sénat en a validé les principales dispositions tout en apportant certaines améliorations. Il s’agit d’une réforme profonde du code civil, en vue d’adapter notre droit successoral aux attentes des familles et des professionnels pour tenir compte des évolutions sociologiques lourdes de ces dernières années.

Le principe directeur de ce projet, c’est la liberté conférée à chacun de disposer de son patrimoine et de préparer sa succession de son vivant. L'introduction du pacte successoral, véritable innovation dans notre droit, l'extension du champ d'application des donations partages et le recours au mandat posthume assouplissent sensiblement les règles applicables aux successions, sans toucher à la réserve héréditaire. Il s’agit d’une avancée majeure.

Soucieux de simplifier et d'accélérer le règlement des successions, la réforme prévoit par ailleurs plusieurs dispositions susceptibles de faciliter l'identification des héritiers, de raccourcir les délais d'option et de permettre aux héritiers d'accomplir certains actes de gestion courante, en attendant que la situation soit définitivement réglée. Elle comporte aussi plusieurs mesures destinées à favoriser le partage amiable, afin d'éviter un partage judiciaire.

Le Sénat a amélioré le texte que nous avions adopté, en renforçant notamment les garanties liées au pacte successoral et en soulignant la gravité de l’abandon de ses droits réservataires par un héritier. Le dispositif tendant à encadrer une telle décision a été renforcé, puisqu’il a été prévu que l’acte notarié afférent serait reçu par deux notaires – dont l'un choisi par la chambre départementale des notaires – afin de s'assurer de la réalité du consentement du renonçant. Les sénateurs ont également encadré le mandat posthume, en vue de permettre à chacun de désigner, de son vivant, un mandataire pour administrer le patrimoine transmis, s’il apparaît que les héritiers ne seront pas aptes à le faire.

Notre assemblée avait adopté plusieurs amendements pour encadrer strictement les pouvoirs confiés à l’administrateur. Le Sénat a complété le dispositif, notamment en écartant la possibilité pour le notaire en charge de la succession d’exercer la mission de mandataire posthume. Il a par ailleurs limité à cinq ans la durée du mandat posthume, prorogeable par décision du juge.

Afin de faciliter l’identification des héritiers, l’Assemblée avait souhaité l’inscription du nom des enfants, naturels et légitimes, en marge de l'acte de naissance. Le Sénat a supprimé cette disposition, eu égard au principe de respect de la vie privée. Pourtant, les avantages l’emportaient nettement sur les inconvénients.

Le projet reconnaît la possibilité de consentir des libéralités graduelles, lesquelles obligent, après le décès d’un premier gratifié, à remettre ce qui reste après à un deuxième gratifié préalablement désigné. Le Sénat a précisé que l'acceptation par le second gratifié serait possible après le décès du donateur, initiative heureuse qui permettra par exemple à un grand-parent d'effectuer une donation en faveur de l'un de ses enfants, à charge pour celui-ci de transmettre le bien à ses enfants nés ou à naître.

Le Sénat est également revenu sur une disposition qui avait fait débat sur nos bancs, selon laquelle en présence d'enfants non communs, la libéralité que pouvait accorder une personne, de son vivant, à son conjoint en secondes noces pouvait être limitée à la quotité disponible ordinaire, au quart des biens en pleine propriété et au quart en usufruit, ou bien encore à la moitié des biens en usufruit seulement. Notre rapporteur avait fait adopter un amendement visant à étendre l'usufruit conféré au conjoint survivant en l'imputant prioritairement sur les biens des enfants communs, et en second lieu sur la réserve des enfants non communs, afin de préserver les droits des enfants issus d'une première union et parfois plus âgés que le conjoint survivant. Le Sénat a préféré supprimer cette disposition, la jugeant contraire à la liberté de tester, c'est-à-dire de disposer de ses biens par testament.

Enfin, par souci de simplification, le Sénat a déjudiciarisé le changement de régime matrimonial lorsque les enfants sont majeurs : l’homologation s'effectuera devant notaire, les enfants estimant leurs droits menacés pouvant toutefois exercer une action en justice dans les trois mois suivant la notification de la décision.

Notre commission de lois a jugé le texte ainsi modifié par le Sénat satisfaisant, eu égard à la nécessité d’aboutir – ce qui suppose d’accepter les compromis.

À l’occasion de l’examen de ce projet, nous avons reçu dans nos permanences un abondant courrier, traduisant le désarroi, voire la détresse de nombre de nos concitoyens confrontés au règlement de successions longues et complexes. Nous répondons à leur attente en supprimant la règle de l'unanimité pour les actes de gestion de l'indivision : à l'avenir, une majorité des deux tiers sera suffisante pour décider d'engager des travaux ou de signer des contrats de bail. En revanche, nous ne revenons pas sur la règle de l'unanimité pour la vente des biens immobiliers car ce serait toucher à un droit protégé par la Constitution.

Ce texte répond à la complexité actuelle des situations familiales, permet de régler plus rapidement les successions, confère davantage de liberté aux personnes pour organiser leur succession de leur vivant. Le groupe UMP le votera donc. Il ne fera certes pas l’ouverture des journaux télévisés, mais il marquera néanmoins notre droit par son caractère à la fois équilibré et novateur, et complètera utilement les réformes du divorce et de la filiation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Simon Renucci - Le foncier et l'immobilier en Corse souffrent de la trop grande proportion de propriétés en indivision – plus de 60 % –, souvent depuis plusieurs générations. Même lorsque les biens sont titrés, la gestion de ces indivisions selon la règle de l’unanimité est quasiment impossible. La difficulté est encore plus grande lorsque ces indivisaires ne possèdent aucun titre de propriété ; l’exploitation du bien est alors abandonnée et la propriété elle-même se dévalorise. Qui n'a vu, en sillonnant l'île, ces nombreuses terres agricoles abandonnées et ce patrimoine bâti qui s'écroule, faisant disparaître ainsi une partie de notre mémoire ? L'incertitude juridique empêche les supposés propriétaires d'agir dans le cadre normal de la gestion patrimoniale : ils ne peuvent louer, échanger, vendre...

Le groupement d'intérêt public dont l'article 26 ter autorise la création a pour objectif d’encourager la constitution des titres de propriété pour les biens fonciers et immobiliers sis en Corse qui en sont dépourvus. Je salue la volonté du Gouvernement sur ce point et je vous demande, Monsieur le Garde des Sceaux, de veiller à ce que les moyens financiers nécessaires soient consacrés à cette action qui, n’en doutez pas, se révélera un excellent investissement pour le développement de notre île. Reste à convaincre les indivisaires.

L’article 2 leur ouvre la possibilité de prendre des décisions de gestion et d'administration à la majorité des deux tiers. Pour les indivisions situées en Corse, l’impact de cette mesure sera limité, d’abord parce que la part détenue par chacun des indivisaires est souvent inconnue, ensuite parce que, même dans le cas de propriétés indivises titrées, compte tenu de l'ancienneté des indivisions, plusieurs indivisaires peuvent avoir disparu sans que cela ait été pris en compte dans des actes – ce qui empêche la formation de cette majorité. Aussi, pour inciter les indivisaires à créer des titres de propriété, je propose que les actes de gestion des indivisions en Corse ne requièrent que la majorité simple pendant la durée d'action du GIF, soit vingt ans. Cette mesure ne concernerait que les indivisions dont l'ancienneté excéderait dix ans et dont la situation juridique au regard des titres de propriété ne serait pas à jour à la date de la promulgation de la loi. Le Conseil constitutionnel a jugé que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit » : tel est bien le cas ici.

Par ailleurs, une telle disposition, ne concernant que les seuls actes de gestion des indivisions, ne porterait pas atteinte au droit de propriété. En outre, en facilitant la gestion des biens, elle contribuerait à les valoriser.

M. Axel Poniatowski – J’avais souhaité profiter de ce projet pour revenir sur l’exclusion de la résidence principale des droits de succession. J’avais déposé en décembre 2004 une proposition de loi sur ce sujet, qui avait été cosignée par 207 de mes collègues, Je reviens à la charge car je sais qu’une telle exonération permettrait à nos concitoyens d’acquérir beaucoup plus aisément un bien immobilier.

Le logement est le premier poste de dépenses des ménages : qu’ils soient locataires ou propriétaires, il représente 20 % de leurs charges.

L’aspiration légitime de nos compatriotes à devenir propriétaires de leur logement n’est pourtant satisfaite que par 57 % d’entre eux, taux bien inférieur à celui qui est enregistré dans des pays aussi divers que le Royaume Uni, la Belgique, l’Espagne et l’Italie, où l’on a bien compris toutes les vertus d’une telle situation, à commencer par la possibilité de réduire ses charges quand on vieillit ou de léguer un bien à ses enfants.

L’amendement que je proposais, et sur lequel je reviendrai à l’occasion de la prochaine loi de finances, tendait donc à faciliter l’accession à la propriété et à réduire les charges fiscales. L’accession à la propriété doit en effet demeurer une des priorités de la politique du logement, qui s’appuie déjà sur des dispositifs tels que le prêt à taux zéro ou la TVA à 5,5 %.

Comme l’a rappelé Jean-Louis Borloo lors de la seconde lecture du projet de loi portant engagement pour le logement, pour une majorité des Français, le logement est une de leurs principales préoccupations. À la faveur de taux d’intérêt historiquement bas, bien plus de ménages devraient donc pouvoir devenir propriétaires.

J’ajoute que ma proposition favorisait non seulement l’accession à la propriété, mais qu’elle contribuait également à l’allégement des charges pesant sur les ménages : la possibilité d’exclure sa résidence principale des droits de succession est le gage de notre volonté de réduire le poids des prélèvements obligatoires, bien supérieurs à ceux de nos voisins – 54 % en France contre 40 % en moyenne dans l’Union européenne et 35 % aux États-Unis.

Être propriétaire est un rêve partagé, Monsieur le ministre, que l’on soit de gauche ou de droite, et ma proposition était un encouragement à le réaliser. Il ne tient plus qu’à votre Gouvernement d’y contribuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Vidalies - Après l’adoption de la loi du 3 décembre 2001, relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins, ce projet de loi est utile parce qu’il répond aux évolutions démographiques et qu’il entend mettre fin à des procédures dont la longueur n’a d’égale que la complexité.

S’agissant du pacte successoral, j’ai déjà indiqué en première lecture que nous approuvons la création de ce dispositif qui offrira aux familles plus de liberté et de sécurité dans la répartition des biens, notamment lorsqu’un enfant handicapé compte parmi les héritiers. L’extension du champ d’application de la donation partage à tous les héritiers présomptifs et son élargissement aux donations trans-générationnelles correspondent par ailleurs à la nécessité de moderniser et d’adapter notre droit.

Dans cette démarche s’inscrivent en outre l’assouplissement des règles de gestion de l’indivision, tel que l’abandon du principe de l’unanimité au profit de la majorité qualifiée des deux tiers pour les seuls actes d’administration.

La modification des droits du conjoint survivant a toutefois conduit le groupe socialiste à voter contre ce projet de loi en première lecture, le nouvel article 1094-2 réduisant le champ des libéralités pour les veufs ou les veuves en présence d’enfants non communs. Dans votre projet, le de cujus ne pouvait en effet léguer par donation qu’un quart supplémentaire de ses biens en usufruit, au lieu des trois quarts consacrés par le droit positif, ce qui constituait un retour en arrière par rapport aux principes inscrits dans la loi du 3 décembre 2001.

Le rapport révélait d’ailleurs bien l’objectif visé : « Divers interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur ont souligné l’importance des problèmes qui peuvent dans de tels cas résulter de l’application de l’actuel article 1094-1 du code civil – à titre d’exemple : l’attribution à un conjoint beaucoup plus jeune d’un usufruit portant sur la totalité des biens du défunt peut de fait priver des enfants plus âgés pendant toute leur vie de leurs droits réservataires. » Resurgissait ainsi le mythe du mariage tardif avec la jeune infirmière, scénario qui fait les délices des opposants aux droits du conjoint survivant !

Vous avez même été encore plus explicite devant le Sénat : « le code civil a toujours favorisé la transmission du patrimoine aux personnes de même sang. Il a donc toujours privilégié les enfants par rapport aux époux. La tradition du code civil était de sauvegarder le patrimoine familial ». Vous ajoutiez d’ailleurs : « Vous souhaitez aller beaucoup plus loin en inscrivant dans la loi que chacun peut tester pour la personne de son choix et léguer à sa deuxième, troisième ou quatrième épouse la totalité de l’usufruit de ses biens. Il s’agit d’une rupture par rapport à la tradition du code civil. »

Voilà une explication bien singulière, Monsieur le ministre, car ce que vous dénoncez est le droit positif ! C’est votre projet de loi qui proposait une remise en cause des principes adoptés par loi du 3 décembre 2001, laquelle privilégiait les liens de l’affection sur ceux du sang.

Le groupe socialiste est donc particulièrement satisfait que le Sénat ait supprimé les dispositions prévues au nouvel article 1094-2, qu’aucun amendement ne propose aujourd’hui de rétablir.

Nous approuvons par ailleurs les modifications apportées par le Sénat au mandat à effet posthume, qui interdisent au notaire chargé de la succession d’être mandataire à effet posthume ou qui limitent le mandat à cinq ans, éventuellement renouvelables dans des circonstances bien particulières.

Il nous semble en revanche que plusieurs des propositions que nous avions formulées en première lecture n’ont pas perdu leur justification. Ainsi, nous ne comprenons toujours pas pourquoi vous avez choisi de déclarer acceptant pur et simple l’héritier taisant, alors que l’objectif d’accélérer et de simplifier les règlements successoraux devait conduire au choix inverse.

Je rappelle également notre proposition de créer un fichier national des assurances sur la vie, accessible uniquement aux fins de connaître l’existence de toute assurance vie après l’ouverture de la succession du défunt qui l’avait souscrite. Chacun sait en effet que bien souvent les sociétés d’assurances ne sont pas informées du décès de l’intéressé, et que rien n’est réglé sur ce point par l’accord de méthode signé le 25 juin 2002 par les assureurs et les notaires, accord dont le seul but semble être d’éviter toute intervention du législateur en la matière.

Compte tenu de l’évolution du projet de loi concernant les droits des conjoints survivants, nous pouvions toutefois envisager un vote positif en seconde lecture. Hélas, le Sénat a ajouté des dispositions qui ouvrent de nouveaux débats, notamment la déjudiciarisation de la procédure de changement de régime matrimonial et la mention de l’identité complète du partenaire en marge de l’acte de naissance d’une personne pacsée.

En effet, pourquoi supprimer le contrôle a priori du juge, qui risque d’ouvrir un nouveau champ de contentieux ? Nul n’ignore que l’adoption de la communauté universelle par des couples âgés peut poser des difficultés aux héritiers potentiels et parfois aux créanciers. Le notaire est un conseiller des familles, non un juge. Alors que le choix d’un nouveau régime matrimonial risque de nourrir tous les soupçons et toutes les procédures, le contrôle a priori vidait par avance le contentieux.

Concernant maintenant la mention portée en marge de l’acte de naissance des personnes pacsées, je rappelle que notre assemblée avait choisi de se limiter à la mention de l’existence d’un Pacs, disposition qui était de nature à désengorger les greffes des tribunaux d’instance, submergés par les demandes de certificats de non-Pacs. Le Sénat souhaite au contraire que l’identité du partenaire du Pacs figure, ce qui n’a rien d’une simple précision : c’est un changement profond de la nature d’une telle mention.

Nous sommes particulièrement hostiles à cette mesure, même si elle a été approuvée conjointement par les sénateurs socialistes et UMP. Contrairement aux indications apportées par le rapporteur lors du débat en commission, les associations qui avaient soutenu la création du Pacs n’approuvent pas une telle modification de la loi.

M. Patrick Bloche - Tout à fait !

M. Alain Vidalies - Le rapport remis le 30 novembre 2004 à M. Perben, alors Garde des Sceaux, de même que le rapport de la mission « famille », demandaient que seule figure la mention de l’existence d’un Pacs, et non de l’identité du partenaire, et j’observe que le Gouvernement s’était déclaré hostile à l’initiative du Sénat, qu’il nous demande pourtant d’avaliser aujourd’hui.

Désormais, l’identité du partenaire du Pacs serait en effet accessible à toute personne ayant accès aux extraits des actes de naissance, puisque l’article 10 du décret du 3 août 1962 inclut les « mentions portées en marge ». Les règles régissant l’accès aux extraits d’actes de naissance sont pourtant plus souples que celles relatives aux registres des Pacs, et la famille de chaque pacsé pourrait ainsi prendre connaissance de l’identité du partenaire concerné.

Sur ce point, la CNIL avait rendu, le 25 novembre 1999, un avis négatif, s’interrogeant sur la constitutionnalité d’une telle solution, interrogation que le groupe socialiste de l’Assemblée partage. J’ajoute que vous avez vous aussi, Monsieur le Garde des Sceaux, évoqué un tel risque devant le Sénat, alors que vous nous demandez aujourd’hui un vote conforme.

Remarquons enfin que le vote du Sénat aboutit à des incohérences, puisque la mention de la naissance des enfants en marge de l’acte de naissance des parents a été supprimée, au motif qu’elle porterait une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée.

Voilà autant de sujets dont nous devrions débattre sereinement, par delà les clivages partisans. Pour une fois que le Gouvernement n’impose pas la procédure d’urgence, notre assemblée se trouve malheureusement privée de son droit de débattre et d’amender par la seule volonté du groupe UMP, qui a manifestement décidé d’obéir à la volonté du Gouvernement d’obtenir un vote conforme en deuxième lecture – triste épisode de la soumission du Parlement et des errements de la discipline majoritaire.

Un tel sujet méritait pourtant mieux que cette caricature de débat en deuxième lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. le Président – J’appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux Assemblées du Parlement n’ont pu parvenir à un texte identique.

article premier

M. Alain Vidalies - En déclarant acceptant l’héritier taisant, on provoquera de nombreux contentieux. Si les sénateurs qui partageaient cette opinion ont changé leur fusil d’épaule en cours de débat, notre appréciation, elle, reste la même : il est plus logique de déclarer renonçant un héritier taisant – puisqu’il se désintéresse de la succession, que la succession se désintéresse de lui – afin de ne pas faire porter la charge de la procédure à ceux qui l’ont expressément acceptée. Tel est l’objet de notre amendement 2.

M. le Rapporteur – Avis défavorable : la renonciation d’office d’un héritier taisant est une sanction trop lourde. Il faudrait en outre rechercher les héritiers du renonçant, ce qui irait à l’encontre de l’objectif principal du texte – l’accélération de la procédure. Le projet de loi prévoit d’ailleurs la possibilité de désigner en justice un mandataire représentant l’héritier taisant.

M. le Garde des Sceaux  Même avis. Le texte prévoit que l’héritier taisant est, après sommation, réputé accepter la succession. Vous nous dites que le silence ne suffit pas, mais l’adoption de votre proposition ralentirait une procédure que ce projet de loi vise précisément à accélérer. En outre, elle irait à l’encontre de la solution privilégiée par la jurisprudence depuis plusieurs décennies. Que les créanciers s’aventurent dans une action interrogatoire avant de saisir le juge pour finir devant un héritier renonçant n’accélèrera sûrement pas le rythme de la succession !

L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Anne-Marie Comparini - Au fil des rencontres dans nos permanences, nous avons constaté que nombre de très petites entreprises de l’artisanat éprouvent des difficultés – qui ne se posent pas avec un patrimoine classique – à gérer un patrimoine industriel. Limiter les possibilités d’action du successible aux seuls actes à court terme fragilise parfois l’entreprise, qui doit déjà faire face à la disparition de son dirigeant. L’amendement 13 vise donc à supprimer de l’alinéa 47 les mots « à court terme ».

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Il est inopportun d’autoriser le successible à réaliser toutes les opérations courantes nécessaires à la continuation de l’entreprise sans qu’elles signifient l’acceptation de la succession. En effet, certaines décisions de gestion peuvent avoir de graves conséquences à long terme. Or, il ne s’agit ici que de gestion provisoire.

M. le Garde des Sceaux  L’héritier n’ayant pas encore accepté la succession n’est pas le propriétaire de l’entreprise. On l’autorise toutefois à prendre des décisions à court terme. Supprimer cette dernière mention reviendrait à lui faire accepter l’héritage.

Mme Anne-Marie Comparini - Je vous remercie de ces explications et retire l’amendement 13.

L'amendement 13 est retiré.

Mme Anne-Marie Comparini - L’amendement 17 vise à porter le délai de dépôt de l’inventaire au tribunal de deux à quatre mois.

M. le Rapporteur – Le texte initial prévoyait un délai d’un mois. En première lecture, j’ai proposé de l’allonger à deux mois, et M. Blessig à trois. Nous avons finalement convenu qu’il serait porté à deux mois : c’est une durée raisonnable compte tenu que les éléments nécessaires à l’établissement de l’inventaire sont rassemblés dès l’ouverture de la succession, et que le juge peut la prolonger pour motifs sérieux.

M. le Garde des Sceaux  Aux deux mois accordés pour l’inventaire s’ajoutent les quatre mois précédant la sommation et les deux autres que celle-ci accorde : huit mois en tout ! C’est un délai bien suffisant. L’allonger serait tourner le dos à l’objectif du texte : accélérer la procédure de succession.

Mme Anne-Marie Comparini - Compte tenu de ces informations, je retire l’amendement 17 et l’amendement 18 rectifié qui a le même objet.

Les amendements 17 et 18 rectifié sont retirés.

M. Alain Vidalies - L’amendement 3 est défendu.

Mme Anne-Marie Comparini - L’amendement 14 rectifié également.

M. le Rapporteur – La coordination nécessaire à la renumérotation des articles codifiés du projet de loi lors de sa parution au Journal Officiel n’impose pas l’adoption d’un amendement à cet effet. J’invite donc nos collègues à retirer les leurs.

Les amendements 3 et 14 rectifié sont retirés.

Mme Anne-Marie Comparini - Pour de nombreuses PME, le délai de deux mois imparti pour payer leurs créanciers est trop court. L’amendement 12 vise à le porter à quatre mois, afin de l’aligner sur les pratiques en vigueur en matière de prêts bancaires.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. L’héritier ne déclarera sa décision de conserver un bien qu’une fois acquise l’autorisation de prêt. Il n’est donc pas souhaitable d’allonger le délai de paiement que nous avions déjà doublé en première lecture.

M. le Garde des Sceaux  Même avis.

L'amendement 12, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - L’amendement 4 vise à supprimer la mesure permettant à un mandataire de procéder à une vente de gré à gré en matière immobilière. Lorsqu’elle se fait dans le cadre d’une procédure de succession, la vente est publique – par licitation ou par adjudication. Elle est codifiée et transparente – on a même parfois eu tendance à en renforcer le contrôle. C’est une procédure satisfaisante qui ne constitue pas une lourde charge pour les tribunaux. Sa suppression répond sans doute à des intérêts obscurs. Dans quel but, alors qu’elle ne fera que perturber la réception des mesures novatrices que contient le projet ? Vous risquez fort de vous retrouver confrontés à des mandataires indélicats, voire à des collusions, et ne pourrez plus que regretter la transparence de la licitation !

Il s’agit d’une innovation inopportune qui modifie notablement le rôle des professionnels du droit et du juge. Comme telle, elle doit être remise en cause, et c’est tout le sens de l’amendement 4.

Mme Anne-Marie Comparini - Plus bref, l’amendement 11 a cependant le même objet. Aux termes de cet article, le juge peut autoriser le mandataire successoral qu’il a désigné à réaliser des actes de disposition, nécessaires à la bonne administration de la succession, et à en déterminer les prix et stipulations. Afin d’éviter les dérives, notre amendement précise que cette autorisation ne peut pas concerner les immeubles.

M. le Rapporteur – La commission a adopté ces amendements à mon corps défendant (Sourires), alors même qu’en première lecture elle avait accepté l’actuelle rédaction du texte. Le mandataire demandera au juge s’il peut réaliser telle opération à telle condition et le juge l’acceptera ou non. Son contrôle apporte donc toutes les garanties nécessaires. Ce dispositif, à la différence de l’adjudication, lourde et coûteuse, est souple et rapide. Avis défavorable à ces deux amendements.

M. le Garde des Sceaux  Même avis.

Ces amendements interdisent au mandataire désigné en justice de vendre de gré à gré les immeubles de la succession, avec l’autorisation du juge, et reviennent à imposer en toute circonstance une vente judicaire. Êtes-vous sûr, Monsieur Vidalies, que celle-ci sera plus profitable au propriétaire qu’une vente organisée par le mandataire sous contrôle du juge ? Personne ne vous croirait si vous l’affirmiez ! En fait, ces amendements fragilisent considérablement la succession.

M. Guy Geoffroy - Très bien.

M. Alain Vidalies – Je suis encore plus inquiet quand j’entends ces propos très généraux concernant les ventes par adjudication. Ce serait donc un véritable sinistre judiciaire ! Certes, des critiques se font jour parfois quant au manque de publicité, mais la méthode elle-même n’est pas contestée. Jusqu’ici, le législateur a d’ailleurs toujours favorisé ces ventes, y voyant une garantie de transparence, et vous, vous faites l’inverse ! C’est là un revirement qui, s’il devait être poussé plus loin, mériterait de recevoir quelque publicité !

Les amendements 4 et 11, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Vidalies – M. le rapporteur a évoqué la garantie que constitue l’intervention du juge en amont de la procédure, mais encore faut-il en préciser la teneur. L’amendement 5, de repli, vise à inscrire dans le texte que c’est le juge qui fixe les prix et les stipulations.

M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné cet amendement mais j’y suis à titre personnel défavorable. Je rappelle que c’est bien sous le contrôle du juge qu’aura lieu la vente de gré à gré.

M. le Garde des Sceaux  M. Vidalies a raison sur un point : la rédaction actuelle du code civil est relativement ambiguë. Le deuxième alinéa de l’article 814 dispose en effet que le juge peut autoriser le mandataire à réaliser des actes de disposition « et en déterminer les prix et stipulations ». On ne peut en conclure formellement que le juge peut autoriser le mandataire « à » en déterminer les prix et stipulations. Je l’affirme donc explicitement : c’est bien le juge qui détermine les prix et stipulations, et non le mandataire. Avis défavorable à un amendement dès lors inutile, mais je vous remercie, Monsieur Vidalies, d’avoir soulevé le problème.

M. Alain Vidalies – Je remercie M. le Garde des Sceaux pour son objectivité, mais comment, dès lors, ne pas accepter cet amendement ? En fait, la majorité a reçu l’ordre de voter le texte conforme car la moindre modification entraînerait une nouvelle lecture. C’est là une dérive étonnante du droit parlementaire.

L'amendement 5, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article premier, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

L'article 4, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

L'article 5, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

L'article 6, mis aux voix, est adopté.

ART. 10

L'article 10, mis aux voix, est adopté.

ART. 12

L'article 12, mis aux voix, est adopté.

ART. 13

L'article 13, mis aux voix, est adopté.

ART. 14

M. Alain Vidalies – Afin d’éviter toute difficulté liée aux conditions dans lesquelles un héritier réservataire pourra renoncer à exercer une action en réduction dans une succession non ouverte, la loi doit offrir des garanties. L’amendement 6 dispose donc que « le notaire qui a reçu l’acte de renonciation ne peut être chargé ni du règlement de la succession, ni de la rédaction d’actes contre lesquels l’action en réduction est susceptible d’être exercée ».

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Il faudrait donc, par exemple, que les notaires ayant fait signer des donations entre époux ou des contrats de mariage ne puissent pas régler la succession de ces personnes ? Rien ne s’y oppose pourtant, d’autant plus que la renonciation à l’action en réduction permettra d’élaborer des pactes de famille, avec parfois des montages juridiques relativement élaborés pour parvenir à satisfaire les parents dont la structure du patrimoine ou de la famille est complexe. Il serait illogique que le notaire connaissant le mieux la situation familiale et patrimoniale soit écarté du règlement de la succession.

M. le Garde des Sceaux  Je m’étonne que M. Vidalies propose, par cet amendement, une nouvelle façon de garantir l’impartialité de l’acte de renonciation alors qu’une solution a déjà été trouvée au Sénat, consistant à ce que l’acte soit reçu par deux notaires, l’un choisi par l’intéressé, l’autre désigné par le président de la chambre départementale des notaires. Au surplus, cet amendement désavantagerait le premier, en l’écartant du règlement de la succession.

M. Alain Vidalies - Lorsque j’avais insisté en première lecture sur la nécessité de garantir l’impartialité du notaire, on m’avait rétorqué que mes craintes étaient sans fondement. Reste que le Sénat s’est, à son tour, préoccupé de la question et a retenu une solution…

M. le Garde des Sceaux - …qui constitue une amélioration du texte !

M. Alain Vidalies - …qui me semble moins avantageuse que celle que je propose. Mais, quoi qu’il en soit, ce simple fait tend à prouver que j’avais raison de poser le problème.

M. le Garde des Sceaux  Au départ, certainement !

M. le Rapporteur – En première lecture, nous avons cherché à entourer de garanties juridiques la signature de l’acte de renonciation, afin que l’intéressé mesure la gravité de cet acte et prenne sa décision en toute liberté. Cet amendement, qui n’avait pas été déposé en première lecture, ne concerne pas la signature de l’acte, mais son application. Or celle-ci ne peut donner lieu à aucune interprétation : est mis en œuvre ce qui a été décidé par le défunt de son vivant. Il n’y a donc aucune raison d’adopter la proposition de M. Vidalies.

L'amendement 6, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 14, mis aux voix, est adopté.

Art. 15

L'article 15, mis aux voix, est adopté.

Art. 16

L'article 16, mis aux voix, est adopté.

Art. 17

L'article 17, mis aux voix, est adopté.

Art. 19

L'article 19, mis aux voix, est adopté.

Art. 20

L'article 20, mis aux voix, est adopté.

Art. 21

L'article 21, mis aux voix, est adopté.

Art. 21 bis

M. Patrick Bloche – En première lecture, nous nous sommes attachés à réformer les conditions de publicité et d’enregistrement du Pacs auprès des greffes des tribunaux d’instance, notamment en supprimant l’obligation de produire un certificat de non-Pacs que la CNIL avait d’ailleurs critiquée en 2001. Or, en demandant le vote conforme en deuxième lecture, manœuvre que M. Vidalies a dénoncée, le Gouvernement invite les députés à remettre en cause l’équilibre trouvé. Par ailleurs, l’abandon de la réforme globale du Pacs que vous aviez promise conduit à des incohérences. La mention de l’identité de chaque partenaire en marge de l’acte de naissance, disposition introduite par le Sénat, n’a été demandée ni par le groupe de travail, qui a remis à M. Perben un rapport en novembre 2004, ni par la mission d’information sur la famille, ni par le mouvement associatif.

Cette disposition appelle plusieurs questions.

Premièrement, sans revenir sur les débats tenus en 1998 et 1999, la mention de l’identité du partenaire sur l’acte de naissance ne constitue-t-elle pas une atteinte au respect de la vie privée ? Il faut rappeler que l’accès aux registres d’état civil est plus aisé que celui aux registres des greffes. Si une telle disposition était retenue, la famille de chaque pacsé pourrait prendre connaissance de l’identité du partenaire. Or la CNIL, dans son avis de novembre 1999, avait estimé qu’il « ne saurait être imposé aux personnes qui souhaitent conclure un Pacs un régime de publicité qui aurait pour effet de rendre accessible à tous, et sans précaution particulière, des informations révélant leurs mœurs, privant ainsi les personnes concernées de la liberté de révéler ou non à leur entourage familial, personnel ou professionnel, leur choix de vie. » Bref, ce serait contraire au principe constitutionnellement protégé du respect des libertés individuelles et de la vie privée.

Ensuite, cette modification dans la publicité du Pacs ne revient-elle pas à faire de ce pacte un mariage bis ? Ce serait paradoxal car vous l’avez toujours refusé et nous ne l’avons jamais souhaité. Dans ces conditions, d’aucuns vous demanderont la possibilité pour les couples de même sexe de s’unir par le mariage. Pour être cohérent, il faudrait que le projet de l’UMP en 2007 rejoigne celui des socialistes sur cette question et se prononce en faveur du mariage des homosexuels. En attendant, par l’amendement 27, il vous est proposé de revenir à la rédaction initiale de l’Assemblée.

Mme Anne-Marie Comparini – L’amendement 15 a le même objet que celui de M. Bloche. Je regrette que le Sénat ait remis en cause le consensus trouvé en première lecture au terme d’un débat de qualité et grâce au travail mené par M. Bloche et Mme Pecresse, ce en adoptant une modification qui pourrait être déclarée inconstitutionnelle dans quelques mois.

Devant la Haute assemblée, M. le Garde des Sceaux a rappelé, en réponse à M. Badinter et à Mme Troendle, que l’Assemblée s’était appuyée sur les travaux de la mission sur la famille, laquelle préconisait de ne pas mentionner l’identité du partenaire du pacsé en marge de son extrait de naissance. Il a ajouté que cet avis découlait directement de la décision du Conseil constitutionnel de 1999 et de l’avis de la CNIL et que l’amendement proposé portait un risque d’inconstitutionnalité. En deux semaines, le Garde des Sceaux a-t-il eu connaissance d’un revirement de ces deux institutions ? En attendant, tout l’objet de mon amendement 15 est donc de ramener un peu de clarté dans cet article.

M. le Rapporteur – Cette disposition a été votée à l’initiative du sénateur Badinter, membre du groupe socialiste, et d’un membre de la majorité. Si elle n’était pas réclamée par les associations, elle n’a suscité non plus aucune opposition de leur part et aucune d’entre elles ne s’est manifestée auprès de moi depuis le vote au Sénat. Le risque d’atteinte à la vie privée est limité car la plupart des maternités se trouvent dans des villes importantes. Nous avions envisagé la situation des personnes nées dans de petits villages, où ces informations s’ébruiteraient beaucoup plus facilement, mais le cas se présente de moins en moins. Quant à l’avis et à la décision auxquels vous faites référence, ils datent de 1999, juste après l’entrée en vigueur de la loi. Depuis, le Pacs est entré dans les mœurs, comme le prouvent à la fois les sondages d’opinion et le nombre de pactes conclus. La vision du Pacs a donc forcément changé. Avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux - Même avis.

M. Alain Vidalies – Chacun mesure la gravité de la situation et imagine les commentaires que ce vote va susciter. C’est bien parce que cette démarche particulièrement inopportune a été menée au Sénat à la fois par un membre du groupe socialiste et par des sénateurs de l’UMP que nous pourrions nous entendre pour l’annuler et pour éviter l’affrontement partisan.

La proposition que nous avons votée en première lecture avec l’accord du ministre était issue des travaux de la mission d’information sur la famille et figurait déjà dans le rapport sur la mise en application du Pacs rendu à M. Perben. La solution que vous défendez maintenant pose d’énormes problèmes : tous les membres d’une famille, ascendants et descendants, ont accès à l’extrait d’acte de naissance – soit plus de personnes que celles qui ont accès aux registres du Pacs – et pourront savoir non seulement que la personne en question est pacsée, mais avec qui. S’il n’y a pas eu de réaction de la part des associations, ce n’est pas parce qu’elles ne sont pas opposées à cette initiative, mais parce qu’elles ne comprendraient pas que l'Assemblée nationale revienne sur son vote de première lecture, compte tenu surtout des arguments qui avaient été échangés ! L’idée de s’obliger à un vote conforme est étrangère, figurez-vous, à beaucoup de citoyens…

Je partage entièrement l’avis émis par le Garde des Sceaux au Sénat sur le caractère inconstitutionnel de cette disposition. Le Gouvernement s’y était alors opposé, et il nous demande aujourd’hui de l’avaliser ! Puisque vous voulez nous obliger à abandonner nos convictions pour gagner quelques jours, nous n’avons d’autre choix que d’aller devant le Conseil constitutionnel, qui étudiera du même coup l’ensemble du texte. Vous ne voulez pas assumer un vote qui ne consisterait qu’à reprendre ce que vous aviez voulu en première lecture. Gageons en tout cas que les arguments utilisés par le Garde des Sceaux devant le Sénat garderont tout leur poids : je lirai le mémoire que le Gouvernement déposera à l’occasion de ce recours avec le plus grand intérêt !

M. le Rapporteur – C’est surtout le groupe socialiste de l'Assemblée nationale qui n’assume pas le vote unanime du groupe socialiste au Sénat sur cette question !

M. Alain Vidalies - Nous avons échangé des arguments de qualité et le débat est grave : je préfère donc ignorer cette intervention.

M. le Président – Chacune des assemblées donne sa teinte particulière aux positions des différents groupes, qu’ils soient de la majorité que de l’opposition.

M. le Rapporteur – Alors que l’on ne nous dise pas que nous n’assumons pas nos positions !

Les amendements 7 et 15, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
L'article 21 bis, mis aux voix, est adopté.

Art. 21 ter

L'article 21 ter, mis aux voix, est adopté.

Art. 22

M. Patrick Bloche - Encore sous le choc, (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP) nous poursuivons vaillamment notre combat contre le vote conforme d’un texte qui souffre déjà, de notre point de vue, d’inconstitutionnalité. L’amendement 8 vise à reconnaître au partenaire survivant d’un Pacs, légataire, un droit d’attribution préférentielle de la propriété du logement. Il ne fait que reprendre une proposition de la mission d’information sur la famille, et – j’insiste sur ce point puisque nous sommes plusieurs de ses membres ici présents, dont MM. Delnatte, Huyghe et Vidalies –, une proposition unanime et rédigée par la rapporteure Valérie Pecresse. Le bénéfice de l’attribution préférentielle ne doit pas reposer sur l’expression de la volonté du défunt par voie testamentaires : elle doit être de droit. Nous souhaitons que la loi soit claire sur ce point.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement comme elle l’avait fait en première lecture, au bénéfice de l’amendement du Gouvernement. Dès lors que seul un testament confère au partenaire survivant une vocation successorale – il n’est pas héritier de droit –, il ne parait pas excessif que ce testament prévoie l’attribution du droit au logement. Dans le cas contraire, le partenaire pourra toujours solliciter le juge. Cette solution me semble équilibrée.

M. le Garde des Sceaux  Tout le monde conçoit que les deux partenaires d’un Pacs puissent se faire héritiers du logement commun, mais on ne peut envisager un héritage de droit : il n’y aurait bientôt plus aucune distinction avec le mariage – mais c’est probablement ce à quoi vous voulez arriver ! Nous sommes parvenus à un bon équilibre, tenons-nous-y.

M. Patrick Bloche - Le Pacs n’est pas un testament. On peut bien sûr estimer que tous les pacsés sont au fait du droit et savent qu’ils doivent exprimer leur volonté par voie testamentaire pour qu’elle soit réalisée, mais de notre point de vue, il serait préférable que le bénéfice de l’attribution préférentielle soit de droit.

L'amendement 8, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - Reprenant, lui aussi, une préconisation de la mission d’information sur la famille et les droits des enfants, l’amendement 9 tend à permettre au partenaire survivant d’un Pacs de bénéficier d’un droit viager sur le logement et d’un droit d’usage de son mobilier, à condition que le défunt l’ait prévu dans son testament. J’entends l’argument du Garde des Sceaux selon lequel enrichir à l’excès le Pacs risque d’en faire un mariage bis, mais comment faire autrement pour répondre aux aspirations légitimes des couples pacsés à plus de garanties, dès lors que l’on refuse aux couples de même sexe de bénéficier des garanties de solidarité qui s’attachent au mariage ? Dans la mesure où vous refusez aux couples de même sexe le droit de se marier, vous ne pouvez vous opposer à une amélioration continue du Pacs.

M. le Rapporteur – Avis défavorable, après que cet amendement a déjà été repoussé en première lecture, à l’Assemblée comme au Sénat. Il est plus sage d’en rester là, au regard des autres avancées que comporte le projet.

M. le Garde des Sceaux  Même analyse.

L'amendement 9, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 22, mis aux voix, est adopté.

ART. 23 QUINQUIES A, 23 QUINQUIES, 23 SEXIES, 23 SEPTIES,
26 TER et 26 quater

Les articles 23 quinquies A, 23 quinquies, 23 sexies, 23 septies, 26 ter et 26 quater, successivement mis aux voix, sont adoptés.

ART. 26 QUINQUIES

M. Alain Vidalies - Notre amendement 10 supprime cet article, qui vise à déjudiciariser le changement de régime matrimonial. On a là une sorte de serpent de mer parlementaire : sous toutes les majorités, le Parlement a été saisi de cette proposition et, dans sa sagesse, il l’a toujours repoussée, bien conscient que les promoteurs de cette réforme avaient moins en tête l’intérêt des justiciables que certains conflits d’intérêts, pas toujours très honorables, entre professionnels du droit. Sur le fond, nul n’a jamais pu démontrer que la procédure actuelle d’homologation judiciaire était inutile, et toutes les évolutions sociologiques de la période récente militent au contraire pour que l’on ne renonce pas à s’entourer de la garantie qu’offre le juge. En commission, le président Houillon a du reste spontanément reconnu que le passage à la communauté universelle de couples relativement âgés n’ayant plus d’enfant mineur à charge pouvait néanmoins susciter des contentieux lourds. Si leur pratique reste assez diversifiée, il faut se réjouir que les tribunaux exercent un contrôle de plus en plus strict sur les changements de régime, en considérant les conséquences considérables que ceux-ci emportent.

Qu’est-ce qui justifierait aujourd’hui que l’on supprime l’intervention du juge sur ces décisions au profit des notaires ? À la différence d’un acte notarié, la décision du juge s’impose à tous, et je n’ai pas connaissance que l’homologation judiciaire générerait un engorgement particulier de nos tribunaux ou un contentieux excessif. Au surplus, personne ne demande la déjudiciarisation, pas plus les usagers que les associations de consommateurs, et il n’est pas insignifiant de rappeler qu’elle ne figurait pas dans le projet de loi initial. En première lecture, le rapporteur avait renoncé à défendre un amendement en ce sens et je sais que, sur les bancs de la majorité, nombre de nos collègues ne la souhaitent pas. Parce qu’il est désireux de voir le texte voté conforme, le Gouvernement pousse aujourd’hui le groupe majoritaire à avaliser cette disposition mal fondée, sans considérer le risque d’inconstitutionnalité qui s’y attache. Mais je vous le dis, chers collègues, nous ne perdrions pas notre temps en procédant à de nouvelles lectures en vue de dégager, au terme d’une CMP, une solution consensuelle, car il n’est pas de bonne politique d’ouvrir un front inutile en supprimant une procédure que nul ne critique. Adoptons cet amendement pour rendre ce texte, à l’issue d’une nouvelle lecture, conforme à son ambition initiale.

M. Patrick Bloche - Très bien.

Mme Anne-Marie Comparini - Notre amendement 16 vise également à supprimer cet article pour maintenir l’homologation judiciaire des demandes de changement de régime matrimonial. Si les sénateurs centristes ont été satisfaits de l’adoption de leur amendement de repli tendant à protéger les droits des enfants mineurs, ils considèrent, comme nous, que la déjudiciarisation ne s’impose pas. Nous ne sommes certes guère favorables à la tendance qui consiste à faire régler toutes les tensions sociales en justice civile et je conçois qu’on souhaite désengorger nos palais de justice, mais j’ai recueilli de nombreux témoignages – de praticiens comme de justiciables – montrant que l’homologation judicaire n’était pas ressentie comme une contrainte excessive au regard des conséquences parfois très lourdes d’un changement de régime, en particulier en cas de divorce ou de liquidation des intérêts matrimoniaux. Il n’y a donc pas lieu de la supprimer.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé ces amendements de suppression. Dans l’immense majorité des cas, le changement de régime matrimonial ne pose pas problème et l’exigence d’homologation judiciaire de la décision semble donc disproportionnée. Peut-être pourrait-on prévoir de soumettre au juge les seuls cas litigieux ? (M. Alain Vidalies s’exclame)

En outre, je rappelle que le Sénat a maintenu l’exigence d’homologation lorsque le couple a encore à sa charge des enfants mineurs et que la décision de changement de régime doit être notifiée aux enfants majeurs, à charge pour eux de la contester s’ils le souhaitent, dans un délai de trois mois. Le dispositif retenu est donc entouré de toutes les garanties nécessaires. Moins coûteux et plus rapide, il contribuera au désengorgement des TGI et permettra de gagner en efficacité. J’observe enfin que l’exigence d’homologation à ce stade peut sembler excessive, dès lors qu’au moment de se marier, les couples choisissent librement le régime matrimonial qui leur semble le mieux adapté, même en présence d’enfants nés d’unions précédentes. Pourquoi entourer le changement de régime de garanties contraignantes si le choix du régime initial n’est pas encadré ?

M. le Garde des Sceaux  La question est, pour l’essentiel, d’ordre économique. M. Vidalies nous dit que les Français ne demandent pas la déjudiciarisation. Peut-être, mais si on leur donne le choix entre une procédure judiciaire qui dure huit mois et entraîne des frais et un dispositif gratuit qui ne prend que quinze jours, croyez-vous qu’ils hésiteront longtemps ? Quant au débat d’idée, j’avoue que je l’ai un peu perdu de vue. À un certain moment, j’ai pensé qu’il fallait s’entourer de garanties car j’avais en tête la situation de parents faisant peu de cas des intérêts de leurs enfants. Mais on m’a expliqué que j’avais de mauvaises pensées… Maintenant donc, je suis favorable à cette simplification.

M. Émile Blessig – Cette déjudiciarisation pose le problème du rôle du juge. La loi est de plus en plus complexe, les notaires assurent le service public de la preuve ; quant au juge, il a une plus-value à apporter, s’agissant d’une part de la bonne application de la loi, d’autre part du service public de l’équité. En outre, les parties n’ont pas la même attitude quand elles savent que l’acte va être soumis à un contrôle juridictionnel.

La situation de la famille se serait-elle simplifiée au point d’exclure le juge de toutes les démarches ? Je ne vois pas du tout dans ce débat une controverse entre professions judiciaires ; en revanche, il me paraît de notre devoir de nous interroger sur la mission du juge en matière de juridiction gracieuse. Envisagerait-on, de la même façon, de renoncer à l’homologation de la convention définitive de divorce par le juge ?

À titre personnel, je voterai donc ces amendements.

Les amendements 10 et 16, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
L'article 26 quinquies, mis aux voix, est adopté.

Art. 26 sexies

L'article 26 sexies, mis aux voix, est adopté.

Art. 26 septies

L'article 26 septies, mis aux voix, est adopté.

Art. 27

M. Simon Renucci - Comme je l’ai expliqué dans la discussion générale, je propose par mon amendement 19 qu’en Corse, les actes de gestion des indivisions requièrent non la majorité des deux tiers, mais la majorité simple, pendant la durée d’activité du GIP – soit vingt ans. Les batailles qu’on ne livre pas sont toujours perdues !

M. Camille de Rocca Serra - Je me réjouis bien sûr de l’avancée apportée par l’article 26 ter, mais je propose moi aussi par mon amendement 22 de la compléter pour tenir compte de la spécificité des indivisions corses. Par rapport à ce qui avait été proposé en première lecture par MM. Giacobbi et Zuccarelli, le champ est réduit aux indivisions de plus de dix ans, et la durée à celle du GIP.

Il n’y a pas d’atteinte au droit de propriété puisqu’il ne s’agit que des actes de gestion. Sur le respect du principe d’égalité, je vous renvoie à l’argumentation que je développe dans l’exposé des motifs de mon amendement. Au-delà de la titrisation, bien sûr indispensable, cette disposition limitée me paraît très souhaitable pour créer l’effet de levier que nous attendons tous de la sortie de l’indivision.

M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné ces amendements, mais à titre personnel j’y suis défavorable. Commençons par appliquer aux indivisions corses la disposition générale permettant de prendre les décisions de gestion à la majorité des deux tiers. Il ne serait pas cohérent de fixer des majorités à géométrie variable dans les différentes parties du territoire de la République.

M. le Garde des Sceaux  Je comprends les motivations avancées, mais ces amendements me paraissent contraires aux principes constitutionnels, d’autant que la Corse ne relève pas de l’article 74… Le GIP dont j’ai proposé la création au Sénat permettra déjà de voir plus clair dans les indivisions corses ; quand son travail commencera à porter ses fruits, nous pourrons examiner ensemble s’il convient d’aller plus loin.

M. Camille de Rocca Serra - Au bénéfice de cette réponse, je retire mon amendement.

L'amendement 22 est retiré.

M. Simon Renucci - Le 10 mars 2000, Monsieur le ministre, à l’Assemblée de Corse, mon groupe a tout fait pour que nous continuions de relever de l’article 72 de la Constitution…

Pour ma part, je maintiens mon amendement.

L'amendement 19, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Vidalies - L’amendement 21 est défendu.

M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné cet amendement, mais je note que l’amendement 20 a été déclaré non recevable au titre de l’article 40 de la Constitution. J’émets donc un avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux  Même avis.

L'amendement 21, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 27, mis aux voix, est adopté.

Explications de vote

M. Francis Delattre – Nos débats ont fait ressortir deux difficultés principales. La première porte sur la question des ventes, sujet sur lequel l’amendement de M. Vidalies ne manquait pas de pertinence, mais qui ne justifie pas que nous retardions l’adoption du texte par un vote non conforme, compte tenu des explications apportées par le Garde des Sceaux.

S’agissant ensuite du rôle de la CNIL, la constitutionnalité n’entre pas dans son champ de compétence, puisqu’elle est chargée de rendre un avis sur la conformité des dispositions retenues avec la loi de 1978 sur la protection des données personnelles, loi que nous venons d’actualiser par référence à la récente directive européenne. Texte de loi par texte de loi, il revient également à la CNIL de veiller à la proportionnalité des mesures adoptées, la finalité des fichiers devant être acceptable au regard du droit au respect de la vie privée.

Sur ce point, comment un notaire pourrait-il vérifier l’existence des droits nouveaux que nous créons – occupation temporaire d’un logement et possibilité d’indivision – si le nom des pacsés ne figure pas sur un quelconque acte ? Par conséquent, je ne doute pas que la CNIL émette un acte favorable.

J’ajoute que chacun s’est réjoui que ce texte vienne en discussion après tant d’années de réflexion – je crois même me souvenir que les travaux avaient commencé sous le gouvernement précédent ! Ce texte permet en effet d’atteindre trois objectifs : donner plus de liberté aux personnes pour organiser leur succession ; faciliter la gestion du patrimoine successoral, notamment en sécurisant cette période délicate qui sépare le décès du partage ; et enfin simplifier le règlement des successions par une réforme des procédures de partage, qui se heurtent aujourd’hui encore à de grandes difficultés.

Quant au souhait d’un vote conforme sur ce projet de loi, il découle d’une seule volonté : celle que ce texte soit appliqué dès le 1er janvier prochain, objectif louable que l’UMP soutiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Vidalies - Nos réserves portaient en première lecture sur des points très précis, et non sur l’objectif même de cette réforme. Nous avions ainsi indiqué que ce texte comportait à nos yeux des avancées auxquelles nous aurions été heureux de nous associer, si nous n’avions pas dû émettre des « réserves techniques », s’agissant notamment de la modification des libéralités en faveur du conjoint survivant.

Surprise heureuse, nos objections ont ensuite été reprises au Sénat, ce qui ouvrait la voie à un vote favorable de notre part en seconde lecture. Hélas, ce sont maintenant les initiatives prises par le Sénat qui font obstacle, comme la mention de l’identité du partenaire en marge de l’acte de naissance des pacsés.

Puisqu’il a été fait référence à l’avis de la CNIL, je rappelle que la mesure aujourd’hui proposée avait été écartée par le précédent gouvernement lors de l’adoption du Pacs, la CNIL ayant souligné les risques de violation de la vie privée.

À cette difficulté s’ajoute la déjudiciarisation des modifications de régime matrimonial, initiative périphérique dont nous regrettons qu’elle ait elle aussi encombré le débat. Il aurait mieux valu en rester aux principales mesures du texte, comme les nouvelles formes de gestion de l’indivision ou le mandat posthume !

Sur ces sujets qui ne sont certes pas idéologiques, mais qui ne manquent pas d’importance, le refus d’accepter un déroulement normal des débats n’honore guère cette assemblée (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Comment peut-on demander un jour que l’on défende l’honneur du Parlement pour faire le contraire dès le lendemain ? La faute n’en incombe pas tant au Gouvernement, car tous les exécutifs connaissent de telles tentations, qu’à ceux qui acceptent d’être traités comme vous l’êtes !

Nous voterons donc contre ce texte, et nous saisirons le Conseil constitutionnel.

M. Patrick Bloche - Et comment !

Mme Anne-Marie Comparini - J’ai voté tous les articles de ce projet, et je ferai de même pour l’ensemble du texte, qui nous procure des outils nouveaux en matière de libéralités et modernise nos règles successorales.

Je garderai toutefois un sentiment partagé, car nous aurons manqué au moins deux débats au cours de cette seconde lecture : celui portant sur le Pacs et celui sur l’homologation des changements de régime matrimonial.

S’agissant du Pacs, nos collègues avaient pourtant procédé à un véritable travail de fond, nous ouvrant les pistes de réflexion qu’empruntent aujourd’hui toutes les démocraties matures. Quant à l’homologation, c’est la question de la nature de l’action du juge dans nos sociétés que nous n’avons pas su poser.

Voilà qui démontre une nouvelle fois qu’il nous reste à conforter la démocratie parlementaire dans notre pays ! Il faudrait savoir écouter toutes les propositions, de quelques bancs qu’elles proviennent.

L’ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.
Prochaine séance cet après-midi, mercredi 14 juin, à 15 heures.
La séance est levée à 0 heure 30.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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ordre du jour
du MercreDI 14 juin 2006

QUINZE HEURES - 1re SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Déclaration du Gouvernement sur la politique énergétique de la France et débat sur cette déclaration.

ÉVENTUELLEMENT,
VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 2e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

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