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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mercredi 28 juin 2006

Séance de 10 heures
109ème jour de séance, 255ème séance

Présidence de Mme Hélène Mignon
Vice-Présidente

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La séance est ouverte à dix heures.

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crÉation d’une commission d’enquête relative à l’influEnce des sectes sur les mineurs

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Philippe Vuilque et de plusieurs de ses collègues sur la création d’une commission d’enquête relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs.

M. Georges Fenech, rapporteur de la commission des lois – Cette proposition de résolution a été signée par 129 parlementaires siégeant sur l’ensemble de nos bancs, c’est dire son caractère consensuel.

La commission des lois l’a examinée avec la plus grande attention. Elle en a d’abord vérifié la recevabilité, définie par l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 et par les articles 140 et 141 du Règlement. Selon ces textes, une telle proposition doit déterminer avec précision les faits pouvant donner lieu à enquête. C’est le cas de celle qui nous est soumise, puisqu’elle évoque une pratique précise, l’attention portée par certains mouvements sectaires aux mineurs ainsi que les conséquences sur leur santé. En second lieu, l’Assemblée ne saurait enquêter sur des faits faisant l’objet de poursuites judiciaires en cours. Un courrier du Garde des sceaux nous rassure sur ce point : certaines personnes liées à des sectes font effectivement l’objet de poursuites. Toutefois, précise M. Clément, compte tenu du caractère très général de la proposition, ces procédures ne font pas obstacles à son adoption.

La proposition est donc recevable. Mais est-il opportun de créer une troisième commission d’enquête sur les sectes en onze ans ? A l’unanimité des votants, la commission a répondu oui. D’abord, il semble utile d’enquêter, cette fois, dans un contexte dépassionné, et non suite à un fait divers, d’autant que si les sectes agissent de façon moins spectaculaire qu’il y a quelques années, elles n’ont pas renoncé à faire du prosélytisme. Les rapports annuels de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la MIVILUDES, montrent en particulier que des microstructures se développent, qui sont plus difficiles à cerner. Son rapport 2005 souligne que les enfants sont une cible de choix pour les mouvements sectaires : malléables et sans défense, ils représentent l’avenir du groupe.

Certes, au sein du ministère de l’Education nationale, une cellule de prévention du phénomène sectaire exerce déjà de nombreux contrôles, y compris dans les établissements hors contrat et pour les enfants scolarisés à domicile. Mais ce n’est pas suffisant, selon la MIVILUDES, qui cite des sectes ayant créé des établissements aux pratiques critiquables. Elle mentionne également des moyens d’entrer en contact avec les enfants qu’il est difficile de contrôler, comme l’enseignement par correspondance, le soutien scolaire, les centres de loisirs en France ou à l’étranger, l’internet.

Les moyens d’embrigadement des mineurs sont donc très nombreux, et souvent anodins à première vue. Une réflexion approfondie sur ces structures est indispensable, d’autant que certains groupes ne se contentent pas de manipuler les enfants ; il est avéré qu’ils les maltraitent, y compris physiquement, sous prétexte d’appliquer des principes éducatifs.

Une commission d’enquête étudierait les conséquences pour les enfants de l’appartenance à une secte. On estime qu’ils sont 20 000 dans ce cas – généralement par l’intermédiaire de leurs parents. Mais la commission s’intéresserait également aux moyens insidieux pour approcher les enfants qui pourraient devenir de futurs adeptes et entraîner leurs parents. Il est indispensable de protéger ces mineurs victimes d’agissements répréhensibles et de mauvais traitements pouvant aller jusqu’à entraîner la mort.

Une commission d’enquête semble donc tout à fait adaptée pour compléter le remarquable travail de la MIVILUDES, car celle-ci ne saurait se substituer à la représentation nationale. Déjà en 1995, la commission d’enquête présidée par M. Alain Gest, dont M. Jacques Guyard était rapporteur, a publié un rapport très utile pour connaître le phénomène sectaire. En 1999, la commission d’enquête présidée par M. Jacques Guyard, et dont le rapporteur était M. Brard, a insisté sur le poids économique et financier de ces mouvements, notamment dans les secteurs de l’éducation, de la formation professionnelle et de la santé. C’est également à une initiative parlementaire, due à notre ancienne collègue Catherine Picard et au sénateur Nicolas About, que nous devons la loi du 12 juin 2001 qui renforce la prévention et la répression dans ce domaine et crée un délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse.

Les travaux parlementaires ont donc permis de réelles avancées dans la lutte contre les sectes. Le sujet touchant aux libertés publiques, dont la liberté religieuse, le Parlement donne à cette lutte la légitimité incontestable du suffrage universel, et un caractère non partisan. Cela permet de concilier efficacité et légitimité démocratique. La commission des lois, désireuse de poursuivre cette réflexion dans un cadre apaisé, vous recommande d’adopter la proposition de résolution (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Philippe Vuilque – Je remercie les présidents de groupes parlementaires, le président de la commission des lois, M. Houillon, et le président Debré, pour avoir permis l’inscription de cette proposition à l’ordre du jour en bousculant un peu notre calendrier. Elle émane de l’ensemble des membres du groupe d’études sur les sectes, que je préside, et a été signée par 129 collègues de toutes tendances politiques, ce qui mérite d’être signalé. Le groupe d’études a toujours fonctionné de façon unanime, ce qui fait sa force.

Notre Assemblée joue un rôle moteur dans le combat contre les sectes. Alors que la situation est préoccupante, il ne faut pas y renoncer au motif fallacieux que cela porterait atteinte à la liberté de conscience et aux libertés religieuses. La République laïque n’interdit aucune croyance, mais elle ne peut laisser le champ libre à ceux qui méprisent les fondements du pacte républicain et de ses lois. Et dans cette lutte contre les dérives sectaires, un engagement prime, c’est de protéger les enfants. Plusieurs dizaines de milliers d’entre eux sont en danger. Nous avons recueilli des témoignages poignants de cas d’enfants humiliés, violés, maltraités, traumatisés, d’enfances saccagées et de familles détruites par le passage dans un groupe sectaire.

La MIVILUDES, dont je salue le travail, a aussi constaté que les enfants sont une cible de choix, et consacré un chapitre de son dernier rapport à la protection des mineurs face à l’emprise sectaire.

L’enfant est plus menacé parce que plus vulnérable. Le groupe sectaire manipule les individus pour les placer en état de sujétion. Devenu objet, l’enfant n’a plus que des devoirs, dont celui de remplir une mission auprès du groupe et de son chef, dans une obéissance absolue. La manipulation peut commencer avant la naissance. Dans la « fraternité blanche universelle », le maître est un second père qui optimise le karma des fœtus. Dans la « Soka Gakkai », l’attachement aux parents est tenu pour égoïste et il faut élever les enfants pour qu’ils chérissent l’organisation. Ron Hubbard, fondateur de la scientologie, préconise de remplacer l’allaitement maternel, qui serait néfaste, par des biberons faits avec de l’eau d’orge, du lait pasteurisé et du sirop de sucre. On imagine les dégâts que peuvent causer ce genre d’imbécillités. A l’évidence l’enfant, malléable, influençable, est au centre des préoccupations des dirigeants sectaires. « Je ferai de vous des esclaves heureux », a dit le même Ron Hubbard.

Dans tous les groupes sectaires, on est frappé par l’intense souffrance des jeunes enfants, soumis à des maltraitances affectives, physiques et psychologiques. L'aliénation transforme l’image des parents et coupe le lien affectif, l'éducation est formatée ou interrompue.

De récentes décisions de justice ont montré l'acuité du problème. Le 3 mai 2001, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté la requête de parents Témoins de Jéhovah pour un refus d'agrément en vue d'une adoption ; le 4 juillet 2003, la cour d'assises de l'Essonne a condamné à 15 ans de réclusion criminelle le gourou fondateur de l'instinctothérapie, pour viol, viol aggravé et corruption de mineurs ; récemment, la cour d'assises du Finistère a condamné les parents du petit Kerywan, adeptes de la kinésiologie, à cinq ans d'emprisonnement pour privation de soins et d'aliments ayant entraîné la mort.

Mais pour quelques décisions de justice, combien de pratiques non sanctionnées, combien de drames et de souffrances ? Notre devoir est de nous en occuper, et pour cela la commission d'enquête est un outil très utile. Celle de 1995, qui a permis de mettre en lumière les pratiques illégales des sectes, a eu un grand retentissement. Celle de 1999, à laquelle j'ai eu l'honneur de participer, a permis d’examiner la situation patrimoniale, fiscale et économique des sectes. Elle a été utilement complétée par l'adoption de la loi du 12 juin 2001, dite « Aboud – Picard », tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires. Cette nouvelle commission d'enquête est attendue par la MIVILUDES et par toutes les associations de lutte contre les dérives sectaires, et elle est redoutée par les organisations sectaires : notre but est d'aboutir à des propositions concrètes pour mieux lutter contre l'odieux embrigadement des enfants par les sectes.

Comme l'a montré récemment celle qui a travaillé sur l’affaire d’Outreau, une commission d'enquête réunie dans un esprit non partisan est à l'honneur du Parlement. Je vous invite donc à adopter à l'unanimité cette proposition de résolution. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Olivier Jardé – S’il semble aujourd'hui moins visible, le développement des sectes en France reste préoccupant. Dans son rapport 2005, la MIVILUDES a notamment souligné la vulnérabilité des enfants et insisté sur le fait que les sectes utilisent la cellule familiale comme relais pour propager leurs doctrines. C'est le rôle de l'Etat d'intervenir pour contenir ces dérives ; certains dispositifs existent déjà, telle la cellule de prévention du phénomène sectaire au sein du ministère de l'éducation nationale, qui est chargée de contrôler l'éducation scolaire des enfants ; mais cela ne suffit pas.

Nous ne pouvons que nous féliciter que l'Assemblée nationale ait toujours joué un rôle précurseur dans la lutte contre les sectes. Le groupe UDF y a grandement contribué. Ainsi, mes collègues Hillmeyer, Salles, et Sauvadet participent activement au groupe d'études sur les sectes, qui constitue une sorte d'observatoire permanent en même temps qu'une force de proposition ; et c'est à la suite du travail réalisé par le sénateur About avec notre ancienne collègue Catherine Picard qu’a été adoptée la loi du 12 juin 2001, créant un délit d'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse. A l'heure où l'UDF propose de dépasser le traditionnel clivage droite-gauche, je me réjouis de l'état d'esprit non partisan qui préside à la volonté de lutter contre les dérives sectaires. Aujourd'hui encore, avec cette proposition de commission d’enquête qui a été adoptée à l'unanimité par la commission des lois, l'Assemblée nationale va de l’avant.

S'il est impossible de définir juridiquement une secte, en revanche on peut reconnaître un groupement sectaire à son comportement. L’embrigadement des enfants et les atteintes à l'intégrité physique font partie des critères ; aussi cette commission d'enquête se fixe-t-elle un double objectif, d’une part l'étude des conséquences pour l'enfant de l'appartenance à une secte, d'autre part l'analyse des moyens insidieux – tels que les centres de loisirs, l'enseignement par correspondance ou internet – que les sectes utilisent pour approcher les enfants, afin d’en faire des adeptes ou des vecteurs de propagande auprès de leurs parents.

On ne peut régler en une fois un problème aussi grave, il ne peut en la matière y avoir de « grand soir » ; mais du moins avons-nous le sentiment d'avancer, même si c’est à petits pas. C’est donc avec satisfaction que le groupe UDF votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Jean-Pierre Brard – Permettez-moi, pour commencer mon propos, de citer le président de la MIVILUDES. Voici ce qu’il écrivait tout récemment en introduction au rapport d'activité de la mission pour 2005.

« Pendant les dix années écoulées, le gouvernement français a considéré de son devoir de garantir la sûreté des citoyens en faisant preuve d'une grande vigilance, en alertant le public sur les risques sectaires et en luttant contre les agissements délictueux.

« L'Observatoire interministériel des sectes en 1996, la Mission interministérielle de lutte contre les sectes en 1998 et, depuis le 28 novembre 2002, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires ont eu pour fonction d'analyser le phénomène, d'en suivre les évolutions et de fournir au gouvernement ainsi qu'au Parlement toutes informations nécessaires, afin que soient assurés la protection des personnes, le libre exercice des libertés individuelles et la défense de la dignité des êtres humains, dans le plus strict respect de la liberté de conscience et de pensée.

« Le Parlement s'est montré extrêmement attentif à ces questions, et cela, de manière très consensuelle. Le vif intérêt manifesté en ce domaine par la représentation nationale a toujours constitué un encouragement pour les gouvernements successifs, en même temps qu'un signe fort de la légitimité de son action contre les dérives sectaires et les atteintes inacceptables aux droits de l'homme qu'elles induisent. »

Aucune société civile ne peut en effet tolérer des transgressions permanentes aux lois qui la régissent.

Quand des mouvements usurpant le discours religieux utilisent la liberté pour faire progresser l'obscurantisme, et partant, bafouer les libertés, ils quittent le terrain des idées et des croyances pour entrer dans la sphère du politique et du juridique. De surcroît, les groupements sectaires exploitent les vides de notre société, l'effondrement des grands systèmes idéologiques, la peur de l'avenir, la difficulté de comprendre ce qui nous arrive individuellement et collectivement. Combien de personnes abusées et spoliées, de couples brisés, de parents accablés, de vies mises en danger par les agissements de ces groupes ?

Souvenons-nous de la mort de ce petit garçon au service des urgences d'Avallon en août 1999, qui a conduit à la condamnation de six membres de l'association Joie et loisirs en mars dernier pour privation de soins ou d'aliments sur mineurs. Selon l'arrêt, le régime imposé aux membres de l'association n'était composé que de fruits, de fromages, de produits laitiers et d'eau : un mode d'alimentation qui, aux dires des experts, est désastreux pour la croissance, le développement mental et la santé des enfants. Au moment de la découverte des faits, les enfants souffraient d'anémie, de retard de croissance, de carences en vitamines ou en fer, voire d’un début de rachitisme.

Le 7 octobre 2005, la Cour d'assises de la Gironde a condamné un ex-adepte des Témoins de Jéhovah à douze ans de réclusion criminelle pour viols sur mineur de 15 ans par ascendant légitime. Les Témoins de Jéhovah l’avaient jugé en le traduisant devant le Conseil des Anciens, mais en se gardant bien de saisir la justice des hommes », c'est-à-dire celle de la République… Notre devoir de législateur est de doter la justice des moyens nécessaires pour mettre fin à ces pratiques intolérables.

Fin 2001, un couple de parents adeptes de l’Ordre apostolique Tabithas's Place a été condamné à douze ans de réclusion criminelle pour avoir volontairement privé d'aliments et de soins leurs enfants. En 2004 et 2005, deux parents kinésiologues ont dû répondre devant la justice de la mort de leur enfant de 19 mois sur les mêmes chefs d'accusation. Leur procès a été l'occasion de soulever dans les médias la question de la dangerosité de cette mouvance.

Cette commission d’enquête va nous permettre d’actualiser les informations collectées en 1995 et 1999. C’est le souhait que nous avions formulé il y a un an à l’occasion de la parution de la circulaire du Premier ministre sur les modalités de la lutte contre les dérives sectaires. Notre Assemblée confirme son engagement et se donne les moyens de rappeler les règles de la République !

Il importe aujourd'hui de renforcer notre vigilance contre toutes les formes de dérives remettant en cause les libertés et portant atteinte à l'intégrité physique et psychique des personnes. Lorsqu’un enfant est soumis à des parents sous emprise, qui peut le protéger, sinon l'État ? Lorsqu'un enfant est abusé, maltraité, affamé, qui peut le sauver, sinon la justice ? Lorsqu'un enfant connaît une éducation défaillante, comment espérer qu'il puisse devenir un citoyen libre ? Comment préserver son autonomie, sa capacité d'apprendre, sa joie de vivre ?

Nous, législateurs, ne pouvons qu’être choqués et révoltés. II nous appartient d’examiner sereinement et objectivement la situation afin de mesurer les conséquences de l'influence des sectes sur la santé physique et mentale des mineurs, d’étudier les moyens dont disposent les organisations qui préviennent et sanctionnent ces dérives, et éventuellement d’adapter la politique mise en oeuvre pour combattre les pratiques répréhensibles des organisations sectaires.

En effet, il ne faut pas sous estimer leur capacité d’adaptation, leurs activités de lobbying, comme en témoigne la lettre adressée au Président de l'Assemblée nationale par la « convention des associations et particuliers pour la liberté de conscience », qui, sous ce nom ronflant, n’est autre qu’une émanation de la scientologie.

Je veux d’ailleurs vous remercier, Monsieur le président de la commission des lois, ainsi que M. le Président de l'Assemblée nationale, d’avoir permis l’inscription à l’ordre du jour de ce texte. Après tout, il n’est pas si fréquent que nous soyons tous d’accord dans cet hémicycle. Mais dès lors qu’il s’est agi de défendre les libertés et les valeurs fondatrices de notre État et sur un sujet aussi important que celui de la protection de nos enfants, les parlementaires ont toujours su créer les conditions de la concorde et évité l’affrontement politicien. Ainsi, notre collègue Decocq a soutenu Mme Charline Delporte dans son combat magnifique contre les manipulations de cette organisation dangereuse, les Témoins de Jéhovah. Ce consensus prévaut encore, plus de dix ans après l'adoption à l'unanimité du rapport de décembre 1995 sur les sectes en France.

Les pressions internationales – d'Outre-atlantique, il faut le dire – ne peuvent faire oublier à certains, y compris dans l'appareil d'État, que ce sont les valeurs et les fondements de notre République qui sont en jeu. Il est du devoir de l'État de protéger les plus vulnérables. Notre travail permettra de réaffirmer et de faire partager la position française en matière de vigilance et de lutte contre les sectes, en l’éclairant de notre analyse pour mieux protéger les mineurs (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Guy Geoffroy – « Réveillez-vous ! » nous disent-ils, – sans doute pour mieux endormir notre vigilance…

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

M. Guy Geoffroy - Ils savent que tout bon pédagogue doit répéter inlassablement afin que les choses finissent « par entrer ». Malheureusement, « ça entre » ! Nous vivons dans une société où les repères ont tendance à disparaître et où chacun, quels que soient son origine ou son niveau culturel, s’interroge sur lui-même, sur sa famille, sur l’avenir de ses enfants. L’incertitude concernant nos enfants est plus grande que celle que connaissaient nos parents à notre propos ; tous, nous connaissons l’insécurité de l’emploi et savons que la précarité peut s’installer.

Il y a plus que jamais un besoin de croire, de se repérer et de faire appel aux valeurs fondamentales. Parmi elles, la famille et les religions connaissent un regain. Les religions sont un refuge, mais aussi souvent une espérance. Lorsque nous avons pris l’initiative – notre collègue Brard en était à l’origine, avec d’autres – d’écrire dans la loi d’orientation pour l’école que la République laïque devait ouvrir à la connaissance des religions, nous avons reconnu qu’il pouvait être nécessaire de croire, mais sans se placer en contradiction avec la République. Quant à la famille, nous savons bien que les enfants, dont on dit qu’ils y étaient prédestinés, sont les premières victimes de la délinquance, nous savons aussi que leurs parents ne savent plus comment organiser une vie quotidienne harassante et croire encore en l’avenir. Lorsque nous cherchons la voie, ces deux valeurs nous viennent spontanément à l’esprit. Et ceux qui font profession, dans leur folie et dans leur calcul froid, de monter des organisations pour nous aider, ont su comment s’accaparer notre faiblesse.

Lorsque les conséquences atteignent les enfants, nous ne pouvons pas rester indifférents. Certes, cette préoccupation ne date pas d’aujourd’hui. Le travail effectué par notre pays à propos des sectes et de leurs dérives est ancien, et il a déjà porté ses fruits. L’arsenal juridique existe, même si on peut regretter qu’il ne soit pas utilisé suffisamment, et la prise de conscience s’est produite. On pourrait alors s’interroger sur l’intérêt de créer une commission d’enquête.

Le grand mérite de cette proposition de résolution est de rappeler qu’un combat comme celui-là, luttant contre ce qui est sournois et permanent, doit être mené sans relâche, et qu’il n’est pas inutile de faire un point d’étape. L’objet de cette commission d’enquête est aussi de remobiliser les esprits. On pourrait considérer que si l’on parle moins des sectes, c’est que le fléau se banalise, voire régresse. Or il n’en est rien : les sectes savent trouver de nouveaux ressorts pour agir, et il nous faut les connaître.

L’outil de la commission d’enquête est efficace, comme l’a prouvé la commission « Outreau ». Nous sommes ici un certain nombre à y avoir siégé et nous avons pu mesurer combien cette instance permettait d’aller au fond des choses. Nous avons aussi pu vérifier que nos concitoyens appréciaient, non pas un consensus mou, mais une volonté forte, qui dépasse nos différences et nous permet d’analyser, de proposer et de mettre en œuvre.

La logique de ce texte est de ne pas relâcher le combat, d’actualiser nos connaissances, de promouvoir des propositions qui permettront de mieux combattre les sectes et de mieux protéger nos enfants. Souhaitant à cette future commission la même ardeur au travail, la même efficacité et les mêmes prolongements que la commission « Outreau », le groupe UMP votera cette proposition de résolution (Applaudissements sur tous les bancs).

Mme Martine David – Depuis longtemps déjà, notre Assemblée s’est emparée du problème des sectes, en créant notamment, par la loi About-Picard, le délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse. Dans le même temps, les gouvernements successifs ont instauré une veille permanente de la question, aujourd’hui sous la responsabilité de la MIVILUDES. Cette vigilance conjuguée a donné des résultats tangibles, mais les sectes n’ont pas pour autant renoncé au prosélytisme. Pire encore, elles se sont adaptées en multipliant leurs moyens d’action et en diversifiant leurs cibles. Aujourd’hui, les enfants et les adolescents sont particulièrement exposés.

Il est de notre devoir d’enquêter sur un embrigadement dont les conséquences sur les enfants sont ravageuses, et d’y répondre en renforçant le contrôle de l’obligation scolaire, notamment dans les galaxies de l’enseignement à distance et du soutien scolaire que certains mouvements utilisent pour soumettre de nouveaux adeptes. La prévention doit également être développée : les sectes avancent vite lorsqu’elles sont masquées. On ne peut les laisser se livrer à leur propagande sans contraintes. Le rôle des maires est à examiner : celui de Lens, par exemple, ne sera pas en mesure d’interdire le rassemblement des « témoins de Jéhovah » dans le stade de sa ville car c’est une enceinte privée. De même, nous devrons donner aux parents divorcés qui peinent à obtenir la garde de leurs enfants les moyens de les soustraire à l’emprise des sectes. Il faut prendre en compte la grande diversité des enfants concernés afin de leur proposer de meilleures méthodes de réadaptation, tant les conséquences physiques et psychologiques de l’assujettissement peuvent être graves. À ce titre, notre groupe d’études a déjà effectué un bon travail préparatoire.

La création de cette commission d’enquête est donc indispensable pour mieux protéger les mineurs de l’influence néfaste des mouvements sectaires. Je tiens à mon tour à remercier le président de la commission des lois…

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois – Décidément, je ne regrette pas d’être venu ! (Sourires)

Mme Martine David - ... ainsi que M. Vuilque et l’ensemble de nos collègues qui ont œuvré à cette initiative que le groupe socialiste approuve totalement (Applaudissements sur tous les bancs).

article unique

L'article unique, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - À l’unanimité ! (Applaudissements sur tous les bancs

Les candidatures à la commission d’enquête qui vient d’être créée devront être transmises avant ce soir, 18 heures, et la réunion constitutive aura lieu demain à 9 heures 30.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 10 heures 50.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

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