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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mardi 10 octobre 2006

Séance de 9 heures 30

4ème jour de séance, 7ème séance

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann
Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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dispositions relatives aux arbitres

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant diverses dispositions relatives aux arbitres.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative - Je tiens avant tout à remercier le rapporteur, M. Geveaux, pour l’intérêt qu’il a toujours porté au sport en général et aux arbitres en particulier. La présente proposition de loi, que le Sénat a adoptée le 22 janvier, donne un cadre législatif au corps des juges et arbitres de notre pays. Elle est un nouveau témoignage de notre engagement à faire respecter les valeurs éducatives et sociales du sport, ainsi que les règles librement consenties par tous. Elle est aussi une réponse adaptée aux préoccupations du corps arbitral et du mouvement sportif, qui la soutiennent unanimement.

Comme l’explique le sociologue Alain Ehrenberg, le sport réconcilie ce que la philosophie politique oppose : la force et le droit. En compétition, le droit du plus fort ne signifie jamais que la force bafoue le droit, bien au contraire : elle y est soumise. Contourner ou ignorer la règle, c’est mettre en cause l’essence même du sport. L’arbitre doit pouvoir exercer pleinement sa mission. Alors que les actes de désobéissance se multiplient, l’amélioration de sa situation est l’une des priorités de mon action. J’ai ainsi confié une mission d’information sur le statut des arbitres à Maître Leclerc de Hauteclocque, et un séminaire sur les filières d’accès a été organisé au CREPS Colette Besson de Châtenay-Malabry.

La proposition de loi affirme juridiquement l’indépendance des arbitres, qui ne sont pas subordonnés à leur fédération et en tire toutes les conséquences. En outre, la commission des affaires culturelles du Sénat a souhaité qu’ils aient le statut de travailleur indépendant et bénéficient de la couverture sociale du régime général de la sécurité sociale. Cette affiliation, qui n’implique pas nécessairement l’assujettissement des indemnités aux cotisations conventionnelles, est particulièrement adaptée aux arbitres qui exercent une activité professionnelle par ailleurs.

Outre le volet fiscal et social, c’est la protection pénale de l’arbitre – désormais chargé d’une mission de service public – que renforce cette proposition de loi, qui s’inscrit dans la politique gouvernementale de lutte contre les violences sur les terrains de sport.

Cette réforme concerne 153 000 juges et arbitres, toutes disciplines confondues. Un trop grand nombre d’entre eux, las de subir insultes, intimidations ou agressions, baissent les bras de découragement. Pourtant, le mouvement sportif s’est mobilisé pour rendre cette filière attractive : le succès des journées de l’arbitrage qui viennent de s’achever en témoigne, comme le recrutement de six mille nouveaux arbitres en 2005. En valorisant l’arbitre et en encourageant la formation des jeunes générations, on honore les lois du sport.

Quatre axes sont à privilégier. L’attractivité de la filière doit être le fruit d’une politique fédérale volontariste de formation et de recrutement. La formation des arbitres doit initier au monde de la compétition. L’arbitre doit être reconnu comme acteur à part entière de la compétition et mis en situation avec les joueurs. Enfin, les bonnes pratiques doivent être valorisées grâce au pôle ressource national « sport éducation insertion », outil de notre politique d’insertion par le sport implanté au CREPS de Franche-Comté. La prévention des conflits, la responsabilisation des joueurs, entraîneurs ou parents, le rappel de la loi ont toute leur place dans les formations qu’organisent les fédérations et l’État.

En aménageant le régime d’exonération fiscale et sociale dont bénéficient les arbitres et juges en deçà d’un certain plafond désormais annuel, cette proposition de loi reconnaît à sa juste valeur la spécificité de la mission arbitrale. Sans respect de l’autorité, le sport perd son identité et n’est plus en mesure de porter les valeurs de la République auxquelles nous tenons tous. L’arbitre est le garant de l’équité des compétitions et du respect de l’éthique sportive. Je vous invite donc à approuver cette proposition de loi, attendue depuis longtemps, qui reconnaît enfin le rôle essentiel des juges et arbitres au sein du mouvement sportif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles – Voici un texte qui tombe à pic, alors que s’achèvent avec succès les journées de l’arbitrage, et qui offre une réponse adaptée aux attentes du monde arbitral, professionnel comme amateur.

L’arbitrage souffre aujourd’hui d’une crise des vocations. En cinq ans, plus de vingt mille arbitres – sur 153 200 en activité – ont quitté la profession faute de soutien des instances sportives et des pouvoirs publics. Dans certains sports, cette chute se fait très cruellement sentir, jusqu’à en hypothéquer l’avenir. À quoi est-elle due ? À la multiplication des incivilités et des violences d’abord, sur et autour des terrains. Les quelques milliers de plaintes recensées chaque année ne donnent pas toute la mesure de la réalité, car certains arbitres préfèrent se taire, par indulgence ou par peur de représailles. Au manque d’attractivité de la filière ensuite, car le régime fiscal et social applicable aux arbitres est incohérent. Faute de disposition réglementaire qualifiant la relation qui les lie à leur fédération, les arbitres ont, pour justifier l’exonération des sommes perçues, recours au système de franchise institué par la circulaire interministérielle du 28 juillet 1994, dont l’interprétation suscite souvent des contentieux.

En somme, notre intervention s’imposait. Il faut préserver l’application de la règle – qui est l’essence du sport – en confortant l’exercice des fonctions arbitrales. À ce titre, la présente proposition de loi, éclairée par le rapport de Maître Leclerc de Hauteclocque, s’inscrit pleinement dans la politique que vous menez, Monsieur le ministre, avec le soutien de notre majorité. Elle n’est pas exhaustive, loin s’en faut : la sélection et la formation des futurs arbitres n’y sont pas évoquées, par exemple. De même, pouvez-vous confirmer que les fonctionnaires et agents publics exerçant des fonctions arbitrales sont exemptés de l’interdiction de cumul des emplois posée à l’article L. 324-1 du code du travail ?

M. François Rochebloine - Très bien !

M. le Rapporteur – Pour autant, ce texte établit les bases juridiques durables de l’activité arbitrale.

Il pose le principe de l'indépendance et de l'impartialité des arbitres. Il les fait bénéficier de la protection pénale spécifique accordée aux personnes chargées d'une mission de service public. Excluant tout lien de subordination avec une fédération, il fait de l'arbitre un travailleur indépendant.

En outre, il simplifie le statut fiscal et social des arbitres : ils sont rattachés au régime générai de Sécurité sociale, avec exonération de cotisations pour les sommes versées à compter du 1er janvier 2007 par les fédérations, dans la limite de 14 fois et demie le montant du plafond annuel de la sécurité sociale, soit environ 4 500 euros. Sur le plan fiscal, les indemnités versées dans le cadre de l'arbitrage seront assimilées à des bénéfices non commerciaux et exonérées d'impôt sur le revenu à compter du 1er janvier 2007, avec le même plafond annuel.

Je souhaite que ce texte permette d'améliorer considérablement le statut des arbitres et de remédier à la chute des effectifs ainsi qu’au tarissement du volontariat. Le monde arbitral a formulé des attentes. Ne le décevons pas. Votons ce texte conforme pour en permettre l'adoption définitive avant la fin de notre législature et une application rapide. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Ministre – Sur le cumul, effectivement, l’article 324-1 du code du travail interdit aux fonctionnaires d’occuper un emploi privé moyennant rémunération. Mais cette disposition est tempérée par l’article 324-4 qui dispose que les travaux d’ordre scientifique, littéraire, artistique et les concours aux œuvres d’intérêt général, notamment d’enseignement, d’éducation ou de bienfaisance, sont exclus de cette interdiction. Or les arbitres exercent une mission de service public : il s’agit donc bien d’une œuvre d’intérêt général par nature. De ce fait, l’arbitrage est compatible avec le statut de fonctionnaire, étant entendu qu’il ne s’agit pas d’un lien salarial, mais d’une activité complémentaire. Je demanderai au ministre de la fonction publique de tirer toutes les conséquences de ces dispositions.

M. Bernard Depierre - J’ai rencontré de nombreux arbitres ce week-end, et beaucoup m’ont fait part des inquiétudes, mais aussi de la solidarité d’une profession en butte à la baisse des effectifs. Selon l’Association française du corps arbitral multisports, elle a perdu 20 000 membres en dix ans. L’effectif, ramené à 153 000 arbitres tous sports confondus, est très insuffisant dans la plupart des disciplines

Les difficultés à susciter des vocations tiennent surtout aux incivilités, aux violences, aux insultes dont les arbitres sont victimes, quelquefois aux pressions des dirigeants, à la solitude dans l’exercice de la fonction et enfin à l'absence de régime social et fiscal.

Il faut donc redonner confiance aux arbitres. Pour cela, la proposition de loi définit un cadre juridique pour aboutir à la reconnaissance d'un véritable statut.

Les 64 fédérations sportives agréées, avec lesquelles les arbitres ont des relations étroites, en ont besoin, en particulier la fédération de football, la plus touchée en raison des incivilités et les violences.

On peut distinguer trois catégories d’arbitres, essentiellement en fonction du niveau de pratique. 20 % à 30 % environ d’arbitres bénévoles ne perçoivent que le remboursement des frais de déplacement et à l’autre extrême, dans quelques sports professionnels, il existe un petit nombre d’arbitres qui ont pratiquement un statut de professionnel. Reste la masse des arbitres, qui touchent des indemnités et sont les plus concernés par l’absence de statut. En effet, les lois de 1984 et 2000 sont lacunaires et peu de décrets concernent les arbitres. En fait, ce sont les fédérations qui ont comblé ces lacunes en élaborant des réglementations ad hoc.

Pour mettre fin à cette insécurité juridique en matière sociale et fiscale, la proposition de loi confère à l'arbitre une mission de service public. Elle lui donne un véritable statut en garantissant son indépendance technique à l’égard des fédérations, et en lui accordant une protection pénale spécifique. Elle précise qu’il n’existe pas de lien de subordination entre l’arbitre et sa fédération au sens du code du travail et enfin, définit un régime social et fiscal pérenne, avec exonération des indemnités jusqu’à 4 500 euros environ et application du régime des bénéfices non commerciaux au-delà, ce qui a nécessité d’obtenir l'accord des services fiscaux du ministère des finances.

Cette proposition est le fruit d’un travail de fond très important depuis trois ans. L'association française du corps arbitral multisports la soutient totalement. Certes, elle ne règle pas tous les problèmes de comportement et de société. Mais le Gouvernement s’attaque avec détermination à toutes les formes de violence, d’insécurité et de délinquance. Ce texte améliorera considérablement la situation des arbitres en leur reconnaissant une vraie protection, un régime fiscal et social novateur et un vrai statut. L’arbitrage est parfois un sacerdoce. Souhaitons que, dans le prolongement de ces dispositions, les fédérations décident d’améliorer encore la formation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Alain Néri - Sans arbitre, pas de match. Or le sport est un élément essentiel du lien social, facteur d’intégration, d’apprentissage des règles et du respect de l’autre. Malheureusement, à tous les niveaux, les incivilités et les violences se multiplient, et, parfois amplifiées par les médias, sont autant de mauvais exemples pour notre jeunesse. Elles provoquent aussi une crise de vocation chez les arbitres, dont le nombre a diminué de 20 000 en dix ans. Tous les sports ne sont pas également touchés.

La Fédération française de football précise que 60 % des nouveaux arbitres cessent leur activité au bout de trois ans et 30 % après une année. Il faut protéger l’homme en noir et revaloriser son rôle social.

Il existe trois catégories d’arbitres. Les arbitres bénévoles représentent 20 % des effectifs et ne reçoivent pour tout dédommagement que le remboursement des frais. C’est dans cette catégorie que le manque de renouvellement se fait le plus sentir et c’est à leur intention que la proposition de loi tente de rendre la fonction arbitrale plus attrayante. Les arbitres indemnisés reçoivent, quant à eux, en plus du remboursement des frais, des indemnités calculées selon des barèmes établis par les fédérations. Toutefois, ces sommes ne leur permettent pas de se dispenser d’une activité professionnelle. Enfin, il y a les arbitres professionnels. Sont considérés comme tels ceux dont la rémunération constitue l’essentiel ou l’intégralité des revenus. Leur effectif est très restreint, et dans un nombre limité de sports, mais ils forment assurément la catégorie la mieux rémunérée et la plus médiatique.

Pour le football, c’est la Ligue de football professionnel qui se charge de rémunérer les arbitres. Les arbitres français perçoivent en moyenne 53 000 euros par saison, contre 73 000 en Allemagne, 90 000 en Angleterre et 140 000 en Italie. Le président de la Ligue s’est récemment engagé à doubler d’ici à juin 2007 ou 2008 la rémunération des arbitres français, ce qui la porterait à 100 000 euros par saison.

Ces rémunérations sont importantes, surtout en comparaison du bénévolat de tous ces arbitres qui se dévouent chaque dimanche dans les petites communes pour que les jeunes puissent pratiquer leur sport favori. Cela nous conforte dans l’idée qu’il y a trop d’argent dans le sport, et pas assez pour le sport.

La présente proposition de loi vise à jeter les bases d’un véritable statut de l’arbitre et répond à la crise des vocations par l’instauration d’un régime fiscal et social plus favorable. C’est un premier pas intéressant, mais sur un plan plus sportif, il serait également opportun que les fédérations appliquent un plan de sensibilisation et de formation à l’arbitrage en obligeant les joueurs à arbitrer plusieurs matchs par saison. Tous deviendraient ainsi plus conscients des difficultés de l’arbitrage. Le comportement général pourrait s’en trouver amélioré, sans parler du fait que des vocations pourraient ainsi être suscitées.

Le premier alinéa de l’article premier pose le principe de l’indépendance et de l’impartialité des arbitres. Mais comment croire qu’un arbitre ou un juge est un travailleur indépendant, quand on sait qu’il ne dispose d’aucune liberté dans l’organisation de son travail, dans le calendrier des matchs, les horaires et les programmes de formation, et qu’il est soumis au contrôle de la fédération qui le rémunère ?

Le deuxième alinéa assimile l’arbitrage à une mission de service public. Les violences et les menaces en direction des arbitres ou des juges seront passibles de peines renforcées, prévues par le code pénal. Je pense qu’il faudrait aussi mener des actions de prévention et d’éducation comme celle que je préconisais précédemment.

Le troisième alinéa exclut tout lien de subordination caractéristique du contrat de travail entre l’arbitre et sa fédération de rattachement. Cette disposition protégera la Fédération française de football des recours d’arbitres rétrogradés ou renvoyés. Les arbitres n’auront donc plus aucune possibilité de contester les décisions et les sanctions des fédérations.

De plus, si la qualité de salarié est refusée aux arbitres, les fédérations seront exonérées de l’obligation de souscrire pour eux une assurance en responsabilité civile, ce qui nous semble dangereux. Et que se passera-t-il lorsqu’un arbitre sera en arrêt de travail à cause d’une blessure survenue dans l’exercice de sa mission ? Aucune réponse n’a été apportée au Sénat à ce sujet.

L’article 2 traite du régime fiscal applicable aux indemnités perçues par les arbitres et l’article 3 du régime social de celles-ci.

En conclusion, je ne puis que regretter qu’un sujet aussi important que celui-ci – compte tenu de la place du sport dans le vie sociale – ne soit traité que partiellement, dans le cadre d’une séance d’initiative parlementaire. Nous aurions pu aborder plus de sujets si le Gouvernement avait déposé, comme il en avait l’intention, un projet de loi. Cette proposition de loi laisse l’impression d’un travail inachevé. La réflexion doit se poursuivre pour donner au corps arbitral un statut juridique plus juste et plus sûr. Ce texte contient des avancées intéressantes mais insuffisantes. C’est pourquoi le groupe socialiste s’abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Rochebloine - L’examen de la proposition de loi que nos collègues sénateurs ont adoptée le 22 juin dernier fait suite à un week-end consacré aux Journées pour l'arbitrage, dont le parrain était Laurent Blanc, un des champions du Monde de 1998, qui lui-même prône un statut pour les arbitres.

Sans arbitre, les compétitions ne pourraient avoir lieu. Malheureusement, on ne considère pas encore assez l'arbitre comme un acteur à part entière du sport, au même titre que les joueurs. Par ailleurs, on constate une diminution des effectifs plus ou moins importante suivant les disciplines, le monde amateur manquant cruellement d'arbitres et le taux de femmes restant très faible. Les arbitres doivent souvent subir les insultes et les menaces, proférées sur le terrain par les joueurs, mais aussi par les spectateurs, souvent des parents ou des amis des joueurs. Cette situation proprement inacceptable crée un sentiment bien compréhensible de peur et d'insécurité.

L'arbitre et le juge doivent être respectés, c'est une exigence fondamentale de toute pratique sportive. Mais reconnaissons que l'on retrouve aujourd'hui sur les terrains ou dans les salles de sport ce que nous connaissons ailleurs dans bien d'autres secteurs de notre société.

La fonte actuelle des effectifs montre qu’il est urgent d’agir. Le texte adopté par le Sénat concerne plus particulièrement les arbitres de base et comporte plusieurs volets, tous très attendus. Le premier consiste à reconnaître que les juges et arbitres exercent une mission de service public et à les faire bénéficier à ce titre d’une protection pénale renforcée. On pourra ainsi mieux lutter contre les incivilités dont ils font l’objet. Cette reconnaissance de leur mission facilitera aussi sans doute les demandes d'absence auprès de l'employeur et permettra aux fonctionnaires qui exercent les fonctions d'arbitre d'être autorisés à cumuler ces deux fonctions.

Le second volet vise à renforcer l’indépendance des arbitres et des juges en posant le principe de l'absence de lien de subordination avec leur fédération sportive de rattachement. Cette clarification importante fait de l’arbitre un travailleur indépendant et non un salarié.

Le troisième volet concerne les indemnités perçues par les arbitres et les juges qui, désormais, bénéficieront d'une exonération fiscale et sociale dans la limite de 14,5 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 4 500 euros.

Reste posée la question de l'arbitrage professionnel. Cette proposition de loi ne règle en effet pas le cas des quelques centaines d'arbitres officiant au niveau professionnel et percevant des indemnités largement supérieures au plafond annuel de la sécurité sociale. La fonction d'arbitre est de courte durée et lourde de responsabilité, ce qui justifie que leur situation soit examinée avec attention : doivent-ils être considérés comme des salariés indépendants ou comme des professions libérales, organisées en compagnie, un peu comme les guides de haute montagne ? Quoi qu'il en soit, la réflexion qui doit être menée pour ces arbitres ne saurait justifier de retarder l'examen de ce texte, qui fait progresser la situation de plus de 150 000 arbitres et le statut de l'arbitrage.

Je me réjouis de constater d'ailleurs que le syndicat des arbitres de football d'élite, le SAFE, a pris acte du fait que cette proposition de loi pouvait être acceptée en l'état, tout en précisant que la rédaction actuelle ne fermait pas les portes pour la suite de la réforme. Vous l'aurez compris, Monsieur le ministre, le groupe UDF souhaite que cette proposition de loi soit adoptée conforme, faute de quoi elle ne pourrait l'être dans cette législature, ce qui serait fort regrettable, tant elle est attendue.

La question de l’arbitrage vidéo, quant à elle, divise la profession et les amateurs de sport. Récurrente, notamment dans les différentes instances du football, elle est emblématique d’un débat dynamique sur les règles du sport qu’il conviendrait de poursuivre dans les mois à venir.

Cette proposition est attendue et nécessaire car elle garantira la présence d'arbitres indépendants qu’elle protégera sur le plan pénal en instaurant des peines aggravées contre les infractions dont ils sont victimes. En outre, elle leur donnera un cadre juridique en matière fiscale et sociale. Pour toutes ces raisons, le groupe UDF la votera avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. André Chassaigne – Ce texte est attendu par des dizaines de milliers d’hommes et de femmes sans lesquels le sport de compétition n’existerait pas. Le groupe des députés communistes et républicains a donc été particulièrement attentif aux dispositions qu’il contient.

La diminution continue du nombre d’arbitres est inquiétante. Certaines disciplines sont même confrontées à une pénurie récurrente et à un taux de rotation élevé des nouveaux venus. Cela s’explique par plusieurs raisons. La multiplication des incivilités voire des violences décourage ainsi nombre de vocations, même au niveau le plus modeste. Dans le domaine du football, sur les 4 000 à 5 000 arbitres qui décident d’arrêter chaque année, 60 % le font en raison de la violence. Néanmoins, l’opacité du système et la diversité des statuts contribuent également à renforcer une telle baisse. Il existe en effet trois types d’arbitres : les arbitres bénévoles, qui constituent plus de 90 % de l’ensemble de la corporation – nous sommes d’ailleurs étonnés que rien ne soit prévu pour eux –, les arbitres indemnisés qui perçoivent essentiellement des remboursements de frais et, enfin, les arbitres assimilés professionnels définis comme tels en raison du niveau de leur rémunération. La volonté légitime de rémunérer correctement les arbitres a, semble-t-il, eu des effets pervers car les rétributions sont inégalement réparties. Concernant le football, les arbitres touchent hors défraiement 2 288 euros par match de Ligue 1, leurs assistants, les arbitres de Ligue 2, percevant la moitié de cette somme. Parmi les 95 arbitres de Ligues 1 et 2, ceux qui sont les plus sollicités peuvent gagner plus de 50 000 euros par saison. S’ajoutent à cela des tensions entre salariés et bénévoles au sein des instances.

Pour remédier à ces inégalités, s’inspirant du rapport rédigé par Mmes Huet et Leclerc remis en avril 2005, la proposition de loi initiale visait à instaurer un cadre juridique de la pratique arbitrale permettant de garantir l’indépendance des arbitres, de préciser le lien juridique unissant l’arbitre à sa fédération, de renforcer la protection des arbitres par l’application de peines aggravées et de donner aux arbitres un cadre juridique pérenne sur le plan social et fiscal. Si nous saluons les dispositions de l'article premier qui accordent le statut de chargé de mission de service public aux arbitres et aux juges, nous regrettons que vous ne visiez que le doublement des peines encourues pour les actes d'incivilité et de violence commis contre les arbitres dans l'exercice de leur mission et que vous vous ne disiez rien des nécessaires mesures de formation des arbitres et des sportifs. Rien n'est prévu non plus s'agissant des actions de prévention qu'il conviendrait pourtant de mener.

M. le Ministre – Pff ! Ils sont insupportables !

M. André Chassaigne - Certes, il faut reconnaître et garantir l'arbitre dans ses missions de « sanctionneur », mais il faudrait aussi le reconnaître et le garantir en tant que pédagogue. Finalement, la mesure que vous proposez aurait pu s’inscrire dans la loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives.

Nous saluons également la disposition permettant l'exonération fiscale et sociale des indemnités perçues par les arbitres et juges pour un montant plafonné à 14,5 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 4 505 euros. Cette mesure devrait concerner plus de 150 000 arbitres. En revanche, la disposition refusant le lien de subordination caractéristique du contrat de travail entre l'arbitre et sa fédération ferme dorénavant la porte à toute forme de salariat. En fait, ce texte vise à créer un seul type d'arbitre rémunéré. Pourtant, le rapport de Me Leclerc de Hauteclocque était clair : « La professionnalisation risque d'uniformiser encore un peu plus la population des arbitres… Il s'agit de favoriser l'émergence d'une palette de statuts de l'activité d'arbitre et d'exclure tout prêt-à-porter juridique, pour expérimenter du sur-mesure. » En excluant la possibilité de salariat, vous allez à l'encontre de cette préconisation et vous rejetez toute possibilité d'adopter un statut plus protecteur, pourtant légitime au regard des contraintes de cette activité. Cette disposition n'est pas anodine et vise seulement à protéger la Fédération française de football contre d'éventuels recours devant les tribunaux d'arbitres rétrogradés ou destitués. Un exemple : le conseil des prud'hommes de Nantes a condamné en juillet 2006 la FFF à verser une indemnité de 30 000 euros pour « licenciement sans cause réelle et sérieuse » à un ancien arbitre de haut niveau relégué en National il y a deux ans. Les prud'hommes ont décidé alors de requalifier le lien en CDI compte tenu de la relation qui existait entre la FFF et l'ancien arbitre de Ligue 1. Le tribunal administratif de Dijon a estimé en 2003 que l'arbitre, qui ne dispose d'aucune liberté d'organisation dans son travail s'agissant du choix des matchs et des horaires, se trouve dans une situation de subordination face à la FFF.

Vous le reconnaissiez vous-même voilà un an, Monsieur le ministre : c'est à une réforme d'ensemble qu'il fallait procéder. En proposant de ne modifier que le statut fiscal d'une seule catégorie d'arbitres, vous montrez une nouvelle fois votre priorité : sécuriser juridiquement les pratiques actuelles qui mêlent l'argent et le sport en occultant la réalité quotidienne des milliers de bénévoles dévoués et responsables. En outre, une récente enquête, dont vous auriez pu vous inspirer davantage, nous en apprend un peu plus sur l'arbitrage. L'envie d'être arbitre « au moins une fois » a été multipliée par deux en deux ans – 13 % en 2006 contre 6,7 % en 2004. L'arbitre reste donc encore bien plus considéré comme un sportif que comme un juge ou un policier. Le respect est la valeur essentielle qui lui reste associée.

La vidéo, quant à elle, est plébiscitée comme support technique à l'arbitrage, de même que le grand public souhaite le recours au micro pour mieux comprendre les décisions. Pourquoi ne pas avoir abordé tous ces sujets dans cette proposition ? Un arbitre de rugby déclare ce matin dans La Montagne que la priorité est la communication avec les joueurs et non avec les spectateurs. Celle-ci constitue une aide importante pour un commentateur de télévision qui peut se rendre compte qu’un arbitre ne siffle pas à sa guise. Il se dit fervent partisan de l’utilisation de la vidéo, aide capitale à la prise de décision. Le rugby, poursuit-il, est en accord avec son temps et le football viendra à un tel système. Selon lui, il convient de légiférer.

M. le Ministre – Ce n’est pas sérieux !

M. André Chassaigne – La seule réponse que vous apportez aux questions qui se posent quant au respect des arbitres, c’est le renforcement des sanctions. Rien n'est fait pour la prévention ni la formation. Cette vision, qu'il faut bien qualifier de marchande, vous éloigne toujours plus de la réalité du sport. Écoutez les préoccupations de Moïse Régnier, président de la Commission des arbitres de football du district du Calvados et dites-moi en quoi votre texte y répond : « Les problèmes de l'arbitrage bénévole sont essentiellement dus à un manque de formation. C'est évident, on l'a constaté dans notre district à travers les feuilles de match que l'on recevait à la Commission. Elles étaient souvent truffées d'erreurs, manquaient d'éléments indispensables pour effectuer notre travail. Par exemple, on y trouvait à peine le score du match – parfois même inversé –, la feuille n'était pas signée... On a alors pensé que ces erreurs administratives en cachaient d'autres sur le terrain. Souvent, les arbitres bénévoles se retrouvent un peu “lâchés dans la nature” avec un sifflet et de vagues notions de la fonction. » Et cet autre témoignage : « Les arbitres ne sont pas suffisamment encadrés. Je me demande si la formation qui leur est actuellement proposée n'est pas un peu dépassée. Il serait intéressant que les anciens viennent à leur rencontre pour leur faire part de leurs expériences. Je trouve que les jeunes arbitres se comportent trop comme des gendarmes. Même si cela part d'un bon sentiment, être trop autoritaire peut déclencher des hostilités qui se traduisent par une violence psychologique voire physique. »

Monsieur le ministre, le rapport de Me Leclerc de Hautecloque présentait une vision complète de la réalité et une série de recommandations. À l'opposé, vous fermez toutes les portes qu'il ouvrait sur la rénovation du statut social des arbitres pour ne retenir que l'option de travailleur indépendant. C'est-là non seulement une erreur mais le signe d'une vision restrictive de la réalité.

Cette proposition, trop largement inspirée du seul football…

M. François Rochebloine - Pas du tout !

M. André Chassaigne - …demeure bien modeste au regard de toutes les attentes exprimées et de tous les dysfonctionnements constatés. Nous nous abstiendrons donc.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles Quel courage !

M. Dominique Juillot - Cette proposition a le mérite de clarifier la situation et de mettre fin à une certaine hypocrisie sur la rémunération des arbitres ainsi que sur leur statut social et fiscal. Néanmoins, au-delà de l'aspect législatif et réglementaire, c'est la pratique quotidienne qui détermine le bon fonctionnement du système. L'indépendance de l'arbitre à l’égard de sa fédération ne peut s'exercer que dans les limites d'un règlement de jeu établi par celle-ci, qui doit garder le contrôle de la sanction envers ce même arbitre afin d'établir une hiérarchie nécessaire à ses différents niveaux de compétition. Attention à un éventuel jugement contraire à cet esprit qui pourrait faire jurisprudence et déstabiliser tout le système !

L'indemnisation et la rémunération de l'arbitre, sujet tabou depuis longtemps, sont grâce à ce texte partiellement clarifiées. Sommes-nous allés assez loin ? L'avenir le dira. Je pense quant à moi que nous susciterons des vocations en valorisant mieux la fonction d'arbitre, en donnant à celui-ci un sentiment d'appartenance au milieu dans lequel il évolue et en le rémunérant à un niveau plus en rapport avec les joueurs, surtout dits « amateurs », qu'il dirige chaque semaine.

Les clubs doivent détecter les potentiels dès le plus jeune âge et les faire participer, tout comme les autres sportifs, à un objectif collectif. Je suis pour ma part partisan que chaque association ait un quota minimal d'arbitres à fournir et que tous les clubs de haut niveau intègrent dans leurs centres de formation un certain nombre d'arbitres partageant la vie des autres sportifs en vue de faire de l’arbitrage soit un métier, soit une activité complémentaire rémunérée en toute transparence.

L'arbitre est souvent un homme ou une femme seul. Il faut donc qu'il puisse être partie intégrante de son sport et s'identifier à sa fierté, tout en ayant les moyens – y compris financiers – d’exercer sa fonction à côté d'une autre activité professionnelle. Nous ne résoudrons pas le problème de la pénurie simplement en professionnalisant la fonction. Tout comme il y a des joueurs semi-amateurs, il doit y avoir des arbitres semi-amateurs : prévoyons donc des dispositifs propres à les libérer sans perte financière ni pour l'employeur ni pour le salarié, dans le même esprit que les conventions qui sont passées entre les sapeurs-pompiers volontaires et les entreprises ou les collectivités. À l’instar de ce qui a été fait dans la loi de sécurité civile, nous pourrions aussi réfléchir à des avantages retraite calculés sur une durée minimale pendant laquelle un arbitre s'engagerait.

Quoi qu’il en soit, la notion de mission de service public que consacre ce texte fera date dans l’histoire du sport français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Henri Nayrou – Je ne reviendrai ni sur les raisons que nous avons de légiférer sur l’arbitrage, ni sur la crise des vocations qui affecte cette corporation, ni sur la violence qui menace désormais les arbitres. Je regrette simplement que ces difficultés de l’arbitrage témoignent des dévoiements de notre société. Dans la philosophie sportive, l’arbitre a longtemps été un joueur comme un autre, chargé de faire respecter la règle par les autres, qui pouvait se tromper comme les autres. Il est devenu la cible des excès et bas instincts en tous genres. Là où ses décisions provoquaient le chagrin ou la frustration, elles entraînent désormais des cataclysmes économiques, parfois même politiques.

Il fallait donc légiférer. Vous l’avez fait, mais de manière incomplète. Une proposition de loi sur un sujet aussi sensible flatte évidemment l’amour-propre des parlementaires, mais la crise que connaît l’arbitrage aurait justifié une initiative du Gouvernement, une loi fondatrice comme celle de 1984. Tout a tellement changé depuis cette date ! Auriez-vous imaginé à l’époque qu’il faudrait doter les arbitres d’un statut fiscal, social et pénal ? J’adresserais du reste le même reproche au Gouvernement que j’ai soutenu, qui s’est contenté de toiletter – souvent avec bonheur – la loi en 1999.

Les arbitres ont besoin d’un statut qui les protège – même contre leurs supposés amis. Ce texte n’offre, hélas, qu’une base de statut. Hormis des avancées comme la mission de service public, assortie de la protection pénale spécifique qui s’y rattache, sa portée reste en effet limitée. Ainsi le choix de principe entre salariat et travailleur indépendant est fait dans le clair-obscur. Aussi avons-nous déposé un amendement pour parfaire la rédaction du texte sur ce point. Ce texte qui devait faire l’unanimité dans la sphère sportive suscite d’autre part quelques contestations. Le président de la Ligue de football, pourtant demandeur, s’insurge contre les conséquences financières liées aux charges sociales. Le football nous a habitués à se plier à toutes les décisions, à la condition qu’elles aillent dans le sens de ses intérêts. À l’inverse, la Fédération française de rugby est prête à payer le prix d’un dispositif sécurisant – 150 000 euros par an. Il est vrai que les arbitres ne sont que trente-deux à être concernés par la limite des 5 000 euros, et douze par la fiscalisation à 1 000 euros.

Autre exemple, le dilemme entre la subordination – ou non – entre arbitre et fédération de référence. Ce vrai sujet aurait mérité un débat ; le texte ne l’aborde pas. Vous disposiez pourtant d’une « rampe de lancement » avec le rapport que vous ont remis en avril 2005 Mmes Huet et Leclerc de Hauteclocque, qui proposait notamment de créer une compagnie des arbitres – j’aurais préféré pour ma part un ordre des arbitres. Je me garderai d’arbitrer aujourd’hui entre l’indépendance et la situation actuelle : il faudra le faire dans un autre texte.

Oui donc aux avancées pour la sécurisation des arbitres, mais non aux avancées partielles ; oui à une approche globale pour légiférer sur le sport d’aujourd’hui, qui n’a plus rien à voir avec celui d’hier. Bref, « oui, mais » ou « non, mais », à vous de choisir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jacques Bascou - Ce texte répond en partie aux attentes des arbitres et juges sportifs : la reconnaissance de leur mission de service public, une meilleure protection pénale contre la violence des joueurs ou des supporters et la clarification fiscale sont de réelles avancées. Elles restent cependant timides au regard de la vaste réflexion que vous aviez vous-même lancée, dont les conclusions vous ont été remises par Mmes Huet et Leclerc de Hauteclocque en avril 2005. Vous avez laissé passer l'occasion de promouvoir un véritable statut dans un projet de loi et de combler le fossé qui existe entre les différentes catégories d'arbitres – au niveau national ou local, entre professionnels et amateurs – et entre les pratiques des fédérations. Nous nous interrogeons sur la portée de ce texte par rapport à l'ambition affichée et réaffirmée ce week-end à l'occasion des Journées de l'arbitrage : redonner un nouveau souffle à la pratique de l'arbitrage. Selon l'Association française du corps arbitral, cette catégorie sportive compte près de 160 000 membres pour 190 000 il y a cinq ans, alors que 300 000 seraient nécessaires. Le découragement des nouveaux arbitres dans les trois premières années d'exercice est particulièrement préoccupant pour l'avenir. Ce texte est-il de nature à enrayer la crise des vocations chez les arbitres ?

Je ne suis pas persuadé qu’il réponde à leur solitude. Solitude pour faire respecter les règles et l'esprit sportif, tâche plus difficile pour les obscurs et les sans-grade, qu’ils soient bénévoles – un arbitre sur cinq – ou indemnisés, que pour les quelques professionnels médiatisés qui tirent de leur activité l'essentiel de leurs revenus et dont le principal souci est de nature fiscale.

Ce texte est une avancée dans le sens où la société épaulera mieux l'arbitre agressé en cas de plainte. Mais de nombreux incidents ne donnent pas lieu à plainte. C’est leur accumulation qui décourage le corps arbitral de base. Solitude aussi vis-à-vis de la fédération de rattachement, puisque que le texte privilégie le principe d'indépendance et d'impartialité, ce qui se conçoit sur l'aire de jeu mais n'est pas sans conséquence dans d'autres domaines. La suppression du lien de subordination caractéristique du contrat de travail ruine ainsi les possibilités de recours d'un arbitre contre sa fédération en cas de sanction.

Alors que le pouvoir de contrôle des fédérations sur les arbitres est réaffirmé, le rééquilibrage dans le sens d'une plus grande protection sociale – en particulier sur le plan de l'assurance – est absent du texte. Les arbitres sont assujettis aux contraintes fixées par un donneur d'ordre sans contrepartie. Cette orientation juridique peut créer de nouveaux problèmes, en particulier dans la garantie des arbitres contre les risques décès et invalidité, la couverture individuelle accident étant très diversement assurée selon les fédérations. Quelle sera la situation de l'arbitre en arrêt de travail suite à une blessure reçue dans l’exercice de sa mission au regard de son emploi principal ? Cette ambiguïté est liée au paradoxe du statut de l'arbitre : l'arbitrage est assimilé à une activité libérale par le fisc et à une activité salariée par les organismes sociaux.

Si l'on peut être favorable à ce texte qui fait de l'arbitre un dépositaire de la puissance publique au sens du code pénal et lui concède quelques avantages, bien des questions restent en suspens, à commencer par celle de l'attrait de la fonction. On est loin d’un véritable statut prenant en considération la diversité de leur mission, les conditions de la formation – notamment des plus jeunes –, la professionnalisation de certains et la valorisation de l'activité bénévole. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La discussion générale est close.

M. le Rapporteur – Je remercie le ministre, qui a répondu tout à l’heure à une question relative aux fonctionnaires agents publics. Nous prenons bonne note de cette réponse. Je remercie tous les intervenants, en particulier mes collègues Depierre, Juillot et Rochebloine, qui ont soutenu ce texte qui marque, quoi qu’on puisse en dire, une avancée.

Le problème de la formation des jeunes n’est certes pas abordé par le texte, mais il concerne les fédérations, qui sont actives dans ce domaine. De nombreux stages de formation sont organisés dans nos départements. De plus en plus de fédérations choisissent désormais d’enseigner l’arbitrage aux jeunes en même temps que les règles du jeu.

De plus en plus, aussi, ces jeunes sont amenés à arbitrer eux-mêmes des compétitions de jeunes. C’est dire s’il faut saluer – et encourager – l’évolution extrêmement sensible qui est intervenue pour amener des jeunes vers l’arbitrage et les fidéliser à ce poste.

S’agissant du statut, nombre de procédures et de décisions de justice ont été citées. Encore faut-il relever qu’elles ne sont pas univoques. Et c’est précisément ce qui nous conduit à clarifier les choses, pour prévenir les contentieux à répétition avec les URSSAF ou les prud’hommes. Grâce au présent texte, les choses seront désormais beaucoup plus simples.

Autre point essentiel, le rattachement au régime général de sécurité sociale procure aux intéressés une couverture sociale plus importante, notamment en cas d’accident du travail. C’est pourquoi nous avons souhaité, en concertation avec le ministère des affaires sociales, y affilier les juges et les arbitres.

M. le Ministre – Exactement.

M. le Rapporteur – Enfin, si ce texte ne résout pas tout, il marque une étape importante. Dans le domaine sportif, le bilan de la présente législature est du reste très conséquent, et je tiens tout particulièrement à saluer l’action de Jean-François Lamour,…

M. Alain Néri - Allons ! Ne faites pas déjà son testament !

M. le Rapporteur - …du reste reconnue par l’ensemble du mouvement sportif. Je me réjouis de l’adoption prochaine de ce texte important et je remercie par avance tous ceux qui permettront à cette initiative parlementaire d’aboutir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Ministre – Monsieur Néri, je n’ai pas évoqué la formation parce que ce n’est pas du domaine de la loi. Pourtant, nous faisons beaucoup, puisque ce sont près de 300 000 euros qui sont consacrés, cette année, à la formation des jeunes arbitres. L’aide apportée à l’UNSS, dans le cadre de son dispositif « Jeunes officiels », en témoigne tout particulièrement. Ces dernières années, sous l’égide de son directeur, l’UNSS a formé près de 60 000 officiels, arbitres et responsables associatifs. L’UNSS apprend à ces jeunes à devenir des dirigeants et des arbitres. En outre, de plus en plus de conventions sont signées entre les fédérations sportives et l’UNSS pour amener du sang nouveau dans les instances de direction.

Au sein de l’ensemble des filières de haut niveau portées par le ministère, qu’il s’agisse du pôle espoirs ou du pôle France, j’ai souhaité qu’un jeune puisse devenir « arbitre de haut niveau », au même titre que d’autres aspirent à devenir sportifs de haut niveau. En matière de formation, il est donc faux de dire que rien n’est fait. Bien entendu, ces dispositifs sont aussi soutenus par les fédérations sportives, mais le ministère ne reste pas inactif. Lorsque j’ai pris mes fonctions, on était bien loin de consacrer 300 000 euros par an à la formation ; la somme était plutôt proche de zéro, qu’on l’exprime en francs ou en euros !

Comme l’a expliqué votre rapporteur, le fait d’être inscrit au régime général de la sécurité sociale tout en conservant le statut de travailleur indépendant offre un surcroît de protection, en particulier en cas d’accident du travail.

Enfin, M. Néri a prétendu que nous avions abrogé l’obligation faite aux fédérations de couvrir leurs arbitres par une assurance en responsabilité civile. Cela n’est pas exact : l’article 321-1 du code du sport maintient cette exigence.

Monsieur Chassaigne, vous avez évoqué les problèmes de micros et d’arbitrage vidéo : vous conviendrez que ce sujet ne relève absolument pas du domaine de la loi. Notre ambition, et ce texte y contribue, est de garantir l’unité du sport. Ce que je ne supporte pas, c’est qu’on ait, d’un côté, des arbitres professionnels de très haut niveau, et, de l’autre, des arbitres du quotidien qui exercent sur tous les terrains de France. Notre force, c’est l’unité du sport français. Il faut donc éviter de créer des statuts différenciés pour tel ou tel type d’arbitre.

Le présent texte est attendu depuis longtemps. Ceux qui le critiquent aujourd’hui – en ayant du reste quelques difficultés à mobiliser des arguments de fond – eussent été bien inspirés de s’emparer du sujet lorsqu’ils étaient aux responsabilités. Pour les 153 000 arbitres qui attendent cette évolution – et le sourire du président de l’AFCAM me conforte dans cette impression –, un grand pas va être franchi avec son adoption. Cette loi apportera beaucoup, en permettant de stabiliser une véritable mission de service public, liée à l’intérêt général. Je remercie encore les parlementaires de leur initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président – J’appelle les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

ARTICLE PREMIER

M. Alain Néri - L’amendement 1 supprime le sixième alinéa de l’article, lequel met en cause la subordination caractéristique du contrat de travail, au sens de l’article L. 121-1 du code du travail. Il n’est pas opportun de fixer dans la loi la nature juridique du lien existant entre la fédération et les arbitres. Cette disposition entérine le statut de travailleur indépendant des arbitres, en vue de protéger certaines fédérations contre d’éventuels recours en justice d’arbitres rétrogradés ou destitués. En outre, sa rédaction est tout à fait contradictoire avec la dernière phrase de l’article L. 223-1, laquelle dispose que la fédération assure le contrôle de l’exercice de la mission des arbitres selon les règles et procédures préalablement définies. Enfin, l’assimilation à un travailleur indépendant a été remise en cause en 2003, par une décision du tribunal administratif de Dijon. Pour les contentieux pendants, cet alinéa serait très commode pour les fédérations assignées en justice : c’est pourquoi nous demandons sa suppression.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Nous nous en sommes déjà largement expliqués. Les contentieux anciens étaient tranchés en se référant à la circulaire de 1994. Grâce au présent texte, les choses seront clarifiées et l’on évitera nombre de contentieux.

M. le Ministre – Même avis. Cet amendement est contraire à l’un des objectifs essentiels de ce texte, qui est de reconnaître l’importance de la pratique arbitrale organisée au sein des fédérations. Votre rapporteur l’a bien dit : il s’agit, à ce titre, de préciser le lien juridique particulier qui unit l’arbitre à sa fédération. Dans d’autres professions, comme les journalistes, on reconnaît déjà qu’il est possible de concilier indépendance et affiliation à un régime stable. Le dispositif proposé est bien calibré et, comme l’a dit M. Rochebloine, rien n’empêche les arbitres de s’organiser comme ils l’entendent et d’engager à ce sujet un dialogue entre partenaires sociaux, comme cela se fait dans toutes les corporations. Contrairement à ce que certains laissent entendre, il ne s’agit pas d’enfermer les arbitres dans un carcan mais de les protéger et d’aller vers une meilleure unité du corps arbitral, aujourd’hui écartelé entre une infime minorité d’arbitres de haut niveau et le plus grand nombre.

L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article premier, mis aux voix, est adopté.
Les articles 2 et 3, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président – L’article 4 est supprimé.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

M. Alain Néri - Le groupe socialiste s’est abstenu.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 11 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 3ème séance du jeudi 5 octobre 2006.

Page 14, 3e paragraphe, lire :

« Les amendements 120 et 8, mis aux voix, sont adoptés. »

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