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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mercredi 25 octobre 2006

Séance de 15 heures
13ème jour de séance, 25ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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Souhaits de bienvenue à deux délégations étrangères

M. le Président – Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de l’Assemblée législative de la République d’El Savador, conduite par son vice-président, M. Roberto Lorenzana, ainsi qu’à une délégation du groupe d’amitié Égypte-France de l’Assemblée du peuple d’Égypte, conduite par le Dr Abdel Ahad Gamal Edin, président du groupe d’amitié. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

TEMPS DE TRAVAIL DANS L’HÔTELLERIE-RESTAURATION

Mme Janine Jambu - Monsieur le Premier ministre, le Conseil d'État vient d'annuler l'accord de 2004 sur le temps de travail dans le secteur de l'hôtellerie-restauration, accord du reste dénoncé dès l'origine par les deux organisations syndicales majoritaires car contraire à la législation sur la réduction du temps de travail. Il n'y a donc pas de vide juridique, mais simplement l'obligation d'appliquer la loi en vigueur sur les 35 heures dans notre pays. (« Il faut les supprimer ! » sur les bancs du groupe UMP) Pourtant, le groupe UMP s'est empressé de voler au secours du patronat de la profession, en déposant un amendement au PLFSS destiné à maintenir les 39 heures et à donner force de loi à l'accord de 2004.

Une telle manœuvre fermerait la porte à toute nouvelle négociation sur un accord révisé portant sur les 35 heures et les salaires, naturellement plus favorable aux dizaines de milliers de salariés de l’hôtellerie-restauration. Or chacun connaît leurs difficiles conditions d'embauche et de travail, alors que ce secteur n'est pas exposé à une concurrence internationale acharnée. Une telle attitude contraste de manière saisissante avec les récents propos du chef de l’État tendant à consacrer le primat du dialogue social. Décidemment, à vos oreilles, le chant des sirènes patronales est toujours plus harmonieux que les attentes du monde du travail !

Monsieur le Premier ministre, les salariés de l'hôtellerie-restauration ne sont pas des travailleurs de seconde zone et ils ont droit à un accord progressiste. Nous vous demandons par conséquent d’appliquer la loi et de faire retirer cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales – Madame la députée, les 100 000 restaurateurs français ne ressemblent pas à la caricature de grands patrons capitalistes que vous avez brossée : 95 % d’entre eux dirigent de très petites entreprises, de moins de vingt salariés, qu’ils ont créées avec leurs économies, après avoir été eux-mêmes salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Nous leur devons donc le plus grand respect.

Ce secteur s’est engagé dans une stratégie positive reposant sur deux éléments. D’abord, le contrat de croissance, signé entre le Gouvernement et les organisations patronales pour baisser les charges sociales en vue de créer de l’emploi. 40 000 créations d’emploi sont ainsi attendues dans un secteur qui en a déjà créé 30 000 au cours des deux dernières années. Ensuite, les organisations patronales se sont engagées à renégocier la grille salariale, qui est encore libellée en francs et appelle donc une rapide actualisation.

La décision du Conseil d’État vient perturber cette stratégie positive de dialogue social et de reconstruction d’un secteur fragile . C’est pourquoi le Gouvernement regardera favorablement toute initiative parlementaire susceptible de sécuriser la situation des salariés et celle des entreprises, au moins pour la période qui court du 1er janvier 2005 – date d’application de l’accord – au 31 décembre 2006. Et il le fera dans l’unique objectif de favoriser l’émergence d’une solution par le dialogue social. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

LUTTE CONTRE L’immigration irrégulière outre-mer

Mme Gabrielle Louis-Carabin – Messieurs les ministres de l’intérieur et de l’outre-mer, nous sommes un certain nombre d'élus à avoir régulièrement appelé votre attention sur la gravité des problèmes liés à l'immigration illégale dans les départements et collectivités d'outre-mer, et je pense tout particulièrement à la situation à Mayotte, en Guyane et en Guadeloupe, où la pression migratoire demeure très forte.

Si l'immigration non maîtrisée constitue un grave problème pour la métropole, elle est un drame pour l'outre-mer où le pacte social est plus fragile qu'ailleurs. Elle est également sans rapport avec les capacités d'accueil et les besoins économiques locaux. Enfin, elle crée un fort sentiment d'exaspération.

Monsieur le ministre d’État, outre les dispositions législatives qui ont permis de réformer notre politique d'immigration, qu'il s'agisse de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, ou, plus récemment, de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, vous avez donné, à l'automne 2005, des orientations très précises aux préfets concernés pour renforcer significativement la lutte contre l'immigration irrégulière outre-mer. Pouvez-vous dresser un bilan des actions engagées sous votre égide ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire - Vous avez parfaitement raison : l’immigration clandestine est un drame pour l’outre-mer, où le pacte social est plus fragile. Nous agissons pour la combattre et nous obtenons des résultats. Avec François Baroin, en juillet dernier, nous avons fait adopter un texte permettant d’adapter certaines dispositions législatives, comme la fouille sommaire des véhicules, qui était permise en Guyane et qui l’est désormais en Guadeloupe. En outre, nous avons renforcé les moyens : 300 gendarmes et policiers supplémentaires ont été affectés en outre-mer et nous allons en envoyer 160 de plus. Dans les jours prochains, la Guadeloupe sera dotée d’une vedette sur-motorisée et Mayotte d’un troisième radar.

Notre politique a des résultats spectaculaires : sur les neuf premiers mois de l’année, le nombre de clandestins éloignés en Guadeloupe a augmenté de 57 % ; en Guyane, il a augmenté de 54 % et, à Mayotte, de 134 %. Il est évident que si l’on veut préserver le pacte social de nos collectivités d’outre-mer, il faut que les malheureux qui, parce qu’ils sont exploités par des filières clandestines, viennent sans papiers soient reconduits chez eux. Sinon c’est tout l’outre-mer français qui paiera la facture économique, sociale, politique et financière. Il n’est pas d’autre solution que la fermeté en la matière. Des orientations ont été décidées, des décisions ont été prises, les résultats sont là. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Aides europÉennes à l’agriculture

M. Germinal Peiro - Monsieur le ministre de l’agriculture, votre gestion des aides européennes crée un profond malaise dans la profession agricole. Des agriculteurs de l’ouest ont d’ailleurs entamé une grève de la faim pour protester contre les injustices. En 2003, la Commission européenne vous avait laissé libre de procéder à une répartition équitable des aides. Las, contrairement à ce qu’ont fait d’autres pays, vous avez pérennisé les injustices et choisi la complexité en fondant les droits à paiement unique sur les aides perçues entre 2000 et 2002, si bien qu’à ce jour, deux agriculteurs cultivant la même surface d’une même production peuvent percevoir des aides différentes selon le passé de leur exploitation. Non contents d’accepter la réforme de la PAC de 2003, vous en avez accentué les effets néfastes en refusant toute redistribution et en favorisant la spéculation foncière, qui rend encore plus difficile l’installation des jeunes. En fragilisant la prime à l’herbe, vous mettez de surcroît en difficulté une agriculture de qualité respectueuse de l’environnement.

En vérité, vous ne croyez pas en l’avenir de l’agriculture, comme en attestent du reste d’ailleurs divers documents émanant de l’UMP (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il y est notamment dit que « la contribution de l’agriculture au monde rural repose désormais moins sur son potentiel d’emplois que sur son rôle d’animateur de la ruralité ». Eh bien, non, les agriculteurs n’acceptent pas d’être réduits au rôle « d’animateurs ». Ce sont des producteurs qui créent des emplois et participent largement à la puissance économique de notre pays et à l’aménagement du territoire. Ils attendent des pouvoirs publics un soutien équitable et cohérent à des agricultures diversifiées, durables et performantes. Le Gouvernement peut-il s’engager à rendre plus juste, plus cohérente et plus efficace la répartition des aides à l’agriculture française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes - Je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Dominique Bussereau, retenu à Luxembourg par un Conseil européen des ministres de l’agriculture.

En 2003, notre pays a choisi de découpler les aides en calculant les DPU sur la base des aides perçues par les exploitations entre 2000 et 2002. Pourquoi n’avons-nous pas profité de l’occasion pour procéder à une redistribution massive et radicale des aides ? Nous avons souhaité ne pas créer de rupture brutale dans le niveau des aides mais au contraire permettre une adaptation progressive à la nouvelle PAC. Ce choix ayant été fait, la difficulté demeurait de prendre en compte les évolutions intervenues depuis les années 2000, s’agissant notamment des superficies. Les clauses de transfert de droits ont bien fonctionné : plus de 300 000 clauses de transfert portant sur près de 4,5 millions d’hectares ont ainsi été enregistrées, permettant à la grande majorité des exploitants de retrouver le niveau des aides qu’ils percevaient antérieurement. Des dotations complémentaires ont ensuite pu être versées aux exploitants dont les activités avaient évolué, du fait d’investissements particuliers ou de circonstances exceptionnelles. Au total, 97 % des agriculteurs bénéficient aujourd’hui d’aides découplées. Une avance leur a été versée le 16 octobre dernier et le solde le sera le 1er décembre. Nous avons répondu à l’attente du monde agricole en permettant de maintenir les aides européennes à un niveau proche de celles d’avant la réforme de 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

situation en guyane

M. Philippe Folliot - Monsieur le Premier ministre, imaginons un instant qu'il y ait quinze à vingt millions de clandestins sur le territoire métropolitain, que des territoires entiers y soient sous la coupe de mafias pillant nos ressources naturelles et qu’une dizaine de milliers d'homicides y ait lieu par an. Un tel scénario apocalyptique est, toutes proportions gardées, la situation que vit à ce jour le département de la Guyane. Comme beaucoup, l’UDF pense qu'il y a aujourd’hui un grave problème de souveraineté au cœur même de notre République. De difficile aujourd'hui, la situation pourrait devenir explosive demain et inextricable après-demain en Guyane. Ceux qui pensent que nous pourrons garder le centre spatial guyanais, équipement stratégique, sans tenir le territoire, risquent de subir les mêmes désillusions que ceux qui souhaitaient à une époque conserver le Sahara tout en quittant l'Algérie.

L'heure est grave. L'ensemble des acteurs locaux – préfet, procureur, commandant des forces armées guyanaises et commandant de gendarmerie – qui représentent l'État dans ce département ont impérativement besoin d'être mieux soutenus. J’ai pu moi-même constater sur place les conditions extrêmement périlleuses des interventions des forces de gendarmerie, notamment dans le cadre des opérations Anaconda, pour lesquelles ces militaires méritent d’ailleurs tout notre respect.

Loin des clichés négatifs et réducteurs d’un enfer vert infesté de moustiques et ancien bagne, ce beau et grand département français, qui a la même superficie que le Portugal, ne manque pas d'atouts pour relever les défis de l'avenir. Outre la vitrine du Centre spatial guyanais, il peut compter sur ses grands espaces et ses ressources naturelles. Que compte faire le Gouvernement pour rétablir la sécurité en Guyane, y mettre un terme aux atteintes intolérables à l'environnement et y lutter contre l’immigration clandestine, en un mot pour que l'État de droit et les principes républicains y soient respectés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer - Votre description de la réalité quotidienne en Guyane est tout à fait juste. Ce département, d’une superficie en effet égale à celle du Portugal, entouré des deux fleuves Maroni et Oyapok, dont les richesses naturelles sont pillées par l’orpaillage clandestin, est de surcroît menacé par les politiques de conquête de certains clandestins qui procèdent à des occupations sans droit ni titre, notamment à Cayenne, empêchant ainsi le maire de la ville de mener une politique d’urbanisme adaptée aux besoins. Environ 25 % de clandestins occupent aujourd’hui le territoire guyanais.

Que compte faire le Gouvernement, demandez-vous ? Il continuera de faire ce qu’il a fait. Le ministre d’État, ministre de l’intérieur, a rappelé les statistiques concernant les reconduites à la frontière. J’avais moi-même, il y a un an, pris des positions – qui avaient suscité moult commentaires – pour appeler l’attention de l’opinion publique sur la situation. L’UDF avait alors soutenu mes propositions, je l’en remercie. Après arbitrage du Premier ministre, des dispositions spécifiques ont été incluses dans le texte défendu par Nicolas Sarkozy. Les résultats en sont d’ores et déjà tangibles. La délinquance de voie publique a diminué de 18 % et plus de 6 600 reconduites à la frontière ont été effectuées sur les neuf premiers mois de l’année. Je remercie la ministre de la défense de l’aide apportée par l’armée, avec notamment la mise à disposition d’un hélicoptère Écureuil 145. Sous notre impulsion collective, le préfet a également mis en place un groupement d’intervention rapide. Soyez assurés que l’État, aux côtés des élus locaux et de la population guyanaise, agira dans le discernement mais sans faiblesse pour maintenir l’équilibre de ce magnifique territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

fraudes à la Sécurité sociale

M. Gérard Weber – Les services de la CNAM ont récemment mis à jour une escroquerie à la sécurité sociale. Portant sur 20 millions d’euros, elle impliquerait une vingtaine de départements et une centaine de prescripteurs. Des médicaments étaient prescrits, achetés et remboursés en France, pour être ensuite acheminés vers l’Asie du Sud Est et l’Afrique, où ils étaient revendus. Ce trafic de médicaments toucherait également certains pays d’Europe centrale.

Cette fraude sociale a dépassé le stade de l’artisanat pour devenir le fait d’escrocs en bande organisée. Mais cette arnaque n’est que la partie visible de l’iceberg, puisque ce sont chaque année 100 millions d’euros qui sont escroqués à la sécurité sociale par le biais d’arrêts de travail abusifs, de prestations versées à de fausses familles, de faux résidents et de faux assurés. Ces fraudes sont facilitées par l’autonomie des caisses et le manque de coordination entre elles.

À l’heure où les prélèvements arrivent à la limite du supportable pour l’ensemble des Français, il ne serait pas scandaleux de prendre des mesures draconiennes pour éviter gaspillage et détournement. Vous avez annoncé, Monsieur le ministre de la santé, la création d’un comité national de lutte contre les fraudes. C’est bien, mais encore insuffisant. Quelles autres mesures envisagez-vous pour faire cesser ces fraudes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe UDF )

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités La sécurité sociale est un système solidaire où l’on cotise pour sa santé et pour celle des autres, pas pour payer les fraudes et les abus de quelques uns. Pour lutter contre ces fraudes et ces abus, il faut une volonté politique. Nous l’avons. Depuis la réforme de l’assurance maladie, il y a aussi de nouveaux outils. Nous pouvons infliger des sanctions. Aujourd’hui, nous allons jusqu’au bout de chacune des affaires. Celle que vous citez n’est pas récente, car cela faisait des mois que l’assurance maladie travaillait sur ce dossier dans le but de démanteler tout le réseau.

À côté des fraudes organisées, il y a les petits abus. Nous voulons aussi y mettre un terme. Pour cela, nous renforçons les outils informatiques. Ceux qui sont tentés par la fraude doivent savoir qu’ils ne pourront pas échapper aux contrôles et que nous irons jusqu’au bout des sanctions et de la récupération des sommes indûment versées. C’est un message clair que nous adressons aux professionnels de santé, aux établissements, aux employeurs – sachant que le travail clandestin prive le système des cotisations dont il a besoin – et aux assurés sociaux.

J’ai installé hier le comité national de lutte contre les fraudes. Le but est que chacun travaille avec les mêmes outils et de façon coordonnée. Le Gouvernement défendra aussi des amendements au PLFSS visant à permettre de vérifier les conditions de ressources, en tenant compte aussi, comme en matière fiscale, du patrimoine et du train de vie. De plus, la carte Vitale 2, avec photo, permettra de remettre à plat tout le système carte Vitale.

Vous le voyez, nous employons tous les moyens pour mettre un terme à ces abus insupportables. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

commémoration de l’insurrection hongroise de 1956

M. Alain Moyne-Bressand - Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, vous vous êtes rendue à Budapest dimanche et lundi dernier pour représenter la France aux cérémonies de commémoration de l’insurrection hongroise de 1956 contre le régime soviétique et l’occupation soviétique. Vous avez manifesté à cette occasion la solidarité du peuple français et avez salué en son nom le courage des combattants hongrois et la justesse de leur combat pour la liberté.

Le bouleversement provoqué en 1956 par le peuple hongrois a été la première faille dans le bloc soviétique et a montré au monde entier la volonté des peuples d’Europe centrale de se libérer du joug du totalitarisme communiste. Cette commémoration a aussi été l’occasion de rappeler les fondements mêmes de la construction de l’Europe, qui représentaient l’espoir pour ces pays de l’Est : paix, liberté et démocratie.

La France a toujours eu des relations privilégiées et constructives avec le peuple hongrois. Pouvez-vous nous faire part de votre sentiment sur cette page de l’histoire, Madame la ministre, et nous parler de la place de ces pays dans l’Europe aujourd’hui réunifiée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes - J’ai eu en effet l’honneur de représenter la France aux cérémonies commémorant le cinquantième anniversaire de l’insurrection de Budapest, le 23 octobre 1956.

En 1956, le peuple hongrois a su, par son courage, montrer au monde entier que les peuples d’Europe centrale et orientale rejetaient le régime totalitaire communiste qui leur était imposé. Ce combat était aussi le nôtre : c’était celui de la liberté contre la dictature, celui de l’aspiration à la démocratie contre l’oppression. En ces heures terribles, le peuple français partageait les espoirs du peuple hongrois, dont le sacrifice ne fut pas vain. En 1989, le vent de la liberté a soufflé à nouveau et ce sont les Hongrois qui ont les premiers fait une brèche dans le « rideau de fer ».

Et puisque ce cinquantième anniversaire nous invite à réfléchir sur l’Europe, sachons mesurer le chemin parcouru. En 1956, l’Europe était divisée, meurtrie et, à l’Est, opprimée.

Plusieurs députés UMP - Tu entends, Gremetz ? (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme la Ministre déléguée - Elle est aujourd’hui unie dans la paix, la diversité et la démocratie. C’est le plus bel hommage que l’on puisse rendre à la construction européenne et pour vous dire le fond de ma pensée, je préfère mille fois l’Europe d’aujourd’hui à celle d’hier, quand les chars soviétiques écrasaient dans le sang les combattants de la liberté ! (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF )

bombes à sous-munitions

Mme Christiane Taubira – Je voudrais d’abord dire que nous autres, Guyanais, sommes très sensibles à la sollicitude du Gouvernement, même si elle prend la forme d’un tableau misérabiliste, auquel nous préfèrerions une évaluation de la politique menée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et une explication du retour de tous ces expulsés, qui se retrouvent de nouveau en Guyane trois heures après leur expulsion ! (Même mouvement)

Madame la ministre, la France présidera la troisième Conférence sur l’examen de la Convention de 1980 concernant certaines armes classiques, à Genève, du 7 au 17 novembre. Cinq protocoles à cette Convention réglementent ou interdisent l’usage de certaines armes qui frappent les populations civiles sans distinction ou provoquent des traumatismes excessifs. Les bombes à sous-munitions, BASM, – il s’agit d’obus, de missiles ou de roquettes remplis de centaines de petites bombes – n’en font pas partie.

La plupart de ces sous-munitions équivalent à des mines antipersonnel, interdites par la Convention d’Ottawa. Il est évident que leur usage est un crime, avec circonstances aggravantes : préméditation, car ces armes confondent les cibles militaires et les populations civiles ; intention manifeste de dévaster, puisqu’on les appelle également des « armes de saturation de zone » ; et délit de fuite : 30 % des sous-munitions n’explosant qu’après le conflit, leur fonction est donc de laisser des restes explosifs (« La question ! » sur les bancs du groupe UMP), dont 69 % des victimes sont des enfants. Madame la ministre, êtes-vous disposée à prendre en considération la gravité de ces faits et à introduire la question à l’ordre du jour de la conférence de Genève ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - La problématique des armes à sous-munitions est liée à l’existence de munitions non explosées à la fin du conflit, et qui explosent ensuite, causant des dégâts importants parmi les populations. Je rappelle que l’armée française participe largement au déminage, notamment en Afghanistan et au Liban. Un militaire français est d’ailleurs mort au mois de mai au cours d’une telle opération et j’aimerais que nous lui rendions hommage.

La France est attachée à l’application du droit international humanitaire en matière de protection des populations. Cependant, les armes à sous-munitions sont aujourd’hui légales en droit international, même si leur usage est réglementé par le droit humanitaire. Une Convention internationale de 2002 a établi, pour ses États parties seulement, une obligation de dépollution après la fin du conflit et un cadre d’assistance internationale en la matière. La plupart des États détenteurs de telles armes sont opposés à leur interdiction totale. La France a cependant présenté une initiative en vue de fiabiliser toutes les munitions, dont les sous-munitions, dans un but de protection.

Bien que la France possède de telles armes, notre doctrine d’emploi permet une stricte protection des populations civiles. En tout état de cause, ces armes n’ont plus été utilisées depuis 1991. Les dernières ont été fabriquées au début de l’année 2002, avant mon arrivée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

université et emploi

M. Michel Raison - Ma question s’adresse au ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. La commission chargée du débat national emploi-université, présidée par le recteur de Limoges, M. Patrick Hetzel, a remis hier, à la Sorbonne, son rapport. Cette commission avait été mise en place en avril à la demande du Premier ministre, à la suite de la crise liée au contrat première embauche, mais aussi parce que, chaque année, 20 % des étudiants quittent l’université sans aucun diplôme, et 11 % des diplômés de l’enseignement supérieur sont toujours au chômage trois ans après la fin de leurs études ; sans compter ceux qui trouvent un travail sans rapport avec leur formation.

Près de 20 000 personnes ont été consultées lors du débat national, qui a donné lieu à environ 120 réunions ainsi qu’à l’audition de représentants de syndicats étudiants et enseignants, de représentants de PME et de cadres de grandes entreprises. C’est tout de même plus sérieux qu’un hypothétique « jury citoyen » ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP)

Il s’agissait, grâce à ce débat, de répondre aux préoccupations des jeunes, qui attendent avec impatience des propositions. Le rapport préconise ainsi une cinquantaine de mesures pour limiter le taux d’échec, c’est-à-dire pour mettre en adéquation la formation et l’emploi. Trois axes se dégagent : le développement de formations professionnalisantes à l’université, la réforme du système d’orientation, et le rapprochement de l’université avec le monde du travail. Monsieur le ministre, pourriez-vous présenter les mesures que le Gouvernement entend retenir pour que l’université prépare mieux les jeunes à l’emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche Le recteur Hetzel, qui présidait la commission consacrée au rapprochement entre l’université et l’emploi, a en effet remis son rapport hier au Premier ministre, à la Sorbonne, après un premier rapport d’étapes, en juin.

Ce rapport, c’est d’abord le constat de l’échec massif à l’université. 20 % des étudiants en sortent sans diplôme, parfois après plusieurs tentatives dans différentes filières. Le taux de chômage des jeunes diplômés est anormalement élevé dans de nombreuses filières universitaires. Le rapport formule donc un ensemble de propositions, autour de l’orientation et de l’amélioration des formations.

Dès le mois de juin, nous avons commencé à prendre des mesures. En matière d’orientation, des entretiens de conseil systématiques seront ainsi proposés aux lycéens qui choisissent de faire des études supérieures, avec notamment une inscription plus précoce à l’université. Un délégué interministériel à l’insertion a également été nommé. En matière de formation, à la suite de ce qui a été fait dès cette rentrée – à savoir : la création d’une dizaine de départements d’IUT et de nouvelles licences professionnelles –, nous allons multiplier les enseignements à vocation professionnelle, rapprochant l’université de l’emploi. Les stages seront développés, et un service « emploi » sera créé dans chaque université, de manière que chaque étudiant ait eu une première expérience en entreprise avant la fin de ses études, ce qui facilitera son insertion sur le marché du travail.

M. Jean-Claude Lenoir - Très bien !

M. le Ministre délégué - Il est réconfortant de savoir l’ensemble de la communauté universitaire mobilisée en faveur des étudiants, et l’ensemble de nos universités mobilisées pour faire partie, dans la grande compétition internationale qu’elles affrontent, des établissements d’excellence. C’est un défi considérable, c’est aussi notre ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Accès a la télévision numérique terrestre

M. Emmanuel Hamelin - La télévision numérique terrestre, lancée en mars 2005, connaît un vrai succès, puisque trois millions de nos concitoyens se sont déjà équipés pour avoir accès gratuitement aux dix-huit chaînes en qualité numérique qu’elle propose. Depuis que, le 19 octobre, vingt-quatre nouveaux émetteurs ont été installés, le territoire est couvert à 65 %. Le déploiement se fait donc rapidement et régulièrement. Toutefois, la population des zones frontalières et des « zones d’ombre », le plus souvent rurales, se demande si elle aura accès, un jour, à cette nouvelle technologie. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour atteindre l’objectif qu’il s’est fixé – la couverture de l’ensemble du territoire – et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire - Depuis que la TNT a été lancée, quatre millions de foyers ont accès, gratuitement, à dix-huit chaînes de télévision en qualité numérique et, en mettant vingt-quatre nouveaux émetteurs en service jeudi dernier, nous avons porté à 65 % la couverture du territoire. Il n’empêche : 35 % de nos concitoyens ont du mal à comprendre pourquoi, alors qu’ils payent la même redevance, ils doivent se contenter de recevoir trois, quatre ou cinq chaînes en qualité analogique, parfois dans de mauvaise conditions. Aussi, nous avons décidé de lancer un bouquet satellitaire qui permettra également la diffusion de dix-huit chaînes gratuites en qualité numérique, tout en poursuivant l’équipement du territoire en émetteurs pour couvrir 80 % de la population. Nous aurons donc réalisé la couverture à 100 % du territoire en 2007 pour la téléphonie mobile, et à 100 % aussi pour la TNT. Voilà comment nous entendons l’équité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). De surcroît, l’extension de réception de la TNT a l’avantage de permettre à un plus grand nombre de Français de prendre connaissance de la médiocrité du programme politique socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

avenir des associations d’insertion

M. Armand Jung – Monsieur le ministre de l'emploi, les ateliers et chantiers d'insertion vont-ils disparaître le 31 décembre 2006, après de longues années d'activité au service des plus démunis ? On peut le craindre car, du Calvados, de Strasbourg, de Reims, de Mulhouse, de toute la France, montent les appels au secours d'associations qui ont en commun de redonner une dignité à celles et ceux qui n'ont plus d'emploi, plus de logement, plus de revenus et qui n'ont plus accès aux soins. Plus de 10 000 emplois sont menacés de disparition au sein de 450 associations dont l’activité est capitale pour les personnes en grande difficulté et pour notre économie, puisqu’elles concilient action humanitaire, création d'emplois, réinsertion, et recyclage d'ordures ménagères. Après les associations de quartier vient donc le tour des associations d’insertion ! On voit aujourd’hui la véritable teneur de votre loi « de cohésion sociale » : elle plonge dans la plus grande incertitude le secteur de l'insertion économique. En effet, le taux de prise en charge par l'État des nouveaux contrats aidés d’une part, l'incitation à l’augmentation des ressources propres des associations jusqu’à 49,9 % d’autre part, mettent en péril l'équilibre financier des structures supports des ateliers et des chantiers d'insertion. Le Gouvernement demande aux collectivités locales, qui se rebiffent, de se substituer à l'État pour prendre en charge cette mission de solidarité qui est pourtant une compétence étatique par essence. En signant de votre main, Monsieur le ministre, le premier contrat d'avenir du Bas-Rhin avec l'association Pain contre la Faim, vous avez en réalité signé l'arrêt, à terme, de cette expérience unique de solidarité. Quel sera le sort de tous ceux qui vont perdre leur emploi dans les prochains mois ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour redonner du souffle aux chantiers d'insertion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président – La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Où sont les ministres ?

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - Nous ne vous avons pas attendus pour nous mobiliser en faveur de l’insertion. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Depuis la formation du gouvernement Villepin, plusieurs centaines de milliers d’emplois ont été créés (Huées sur les mêmes bancs) et le chômage a connu une décrue sans précédent. (Mêmes mouvements). C’est le résultat de notre politique en faveur de la croissance, et l’effet de notre loi de cohésion sociale (Interruptions sur les mêmes bancs), un grand texte (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) qui nous permet d’aider les Français à saisir les emplois. Pour autant, les chantiers d’insertion ne sont pas oubliés, puisque l’État leur consacre 24 millions chaque année et que ce budget augmentera de 5 % en 2007.

Enfin, nous avons décidé d’augmenter dès maintenant la prise en charge des contrats d’avenir dans les chantiers d’insertion à hauteur de 90 % sans dégressivité. Jamais l’effort de l’État n’aura été aussi important en faveur de l’insertion de nos compatriotes en difficulté ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Martine David - Tout va bien, en somme !

exploitation du plateau continental de saint-pierre et miquelon

M. Gérard Grignon - Les plateaux continentaux ultramarins regorgent de nombreuses ressources, que la Convention de 1982 sur le droit de la mer autorise la France à exploiter au-delà de sa zone économique exclusive sur près d’un million de kilomètres carrés. La zone économique exclusive de Saint-Pierre-et-Miquelon se trouve au cœur d’une région très riche en hydrocarbures offshore, que le Canada exploite depuis longtemps déjà. La France doit tout faire pour en obtenir sa part. En avril dernier, le Premier ministre confirmait que la France se réservait la possibilité de déposer un dossier d’extension auprès de la commission des limites du plateau continental. L’arbitrage de New York de 1992 lui réserve le droit de revendiquer son plateau continental sans autorisation de quiconque – Canada inclus. Il est temps qu’elle exprime une position officielle en la matière. Quel calendrier prévoyez-vous et quels moyens la loi de finances pour 2007 réservera-t-elle, notamment pour IFREMER, afin que la France respecte la date limite de dépôt de demande fixée à mai 2009 ? Comprenez ma détermination presque obsessionnelle à défendre ce dossier : il en va de l’avenir de l’archipel et du maintien de la présence française en Amérique du Nord !

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer – Votre plaidoyer pro domo est légitime. Peu de parlementaires défendent aussi obstinément l’action de la France sur ses territoires éloignés et le droit des populations y résidant à profiter de leurs richesses.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - C’est gentil !

M. le Ministre – La zone économique exclusive de la France, étendue sur onze millions de kilomètres carrés, offre de vastes perspectives de développement, notamment pour Saint-Pierre-et-Miquelon. Je vous le confirme : l’archipel reste sur la liste préparatoire en vue de la présentation d’une demande d’extension du plateau continental devant la commission des Nations unies, et les inscriptions budgétaires nécessaires sont prévues. D’autre part, le Canada s’engage à ne pas dénoncer unilatéralement les accords de 1994 à partir de l’année prochaine : la négociation est bel et bien engagée. Enfin, les réunions d’Ottawa du début du mois ont fait progresser l’élaboration d’une convention décennale qui améliorera notre gestion de l’évolution du plateau continental et du financement public des collectivités locales encore déficitaires, ainsi que les perspectives d’ouverture à de nouveaux marchés qui pallieront le déclin de la morue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

épidémie nosocomiale dans le nord-pas-de-calais

M. Christian Vanneste – Depuis début septembre, le nord de la France est victime d’une épidémie de maladie nosocomiale, le clostridium difficile. Cette souche dix fois plus virulente que la moyenne et particulièrement résistante en milieu ambiant fut d’abord détectée en 2003 outre-Atlantique, avant de gagner les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Aujourd’hui, elle frappe la région Nord-Pas-de-Calais où le bilan est déjà sévère : trente-neuf nouveaux cas la semaine dernière, trois cent quarante-huit en tout, vingt-et-un décès, vingt-neuf établissements de santé et trois maisons de retraite concernés. Face à ce redoutable adversaire qui s’attaque surtout aux plus fragiles d’entre nous, il est temps d’agir : quelles mesures prendrez-vous, Monsieur le ministre, pour éradiquer cette maladie et en empêcher la propagation au reste du territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Je tiens à saluer l’engagement des professionnels de santé depuis l’arrivée de cette maladie sur notre territoire, et j’ai eu l’occasion de constater sur place combien toutes les mesures nécessaires avaient été prises dans les établissements concernés. Les centres hospitaliers de Lens et de Lille sont en tête de la lutte contre les infections nosocomiales. La souche C027 du clostridium difficile est en effet très virulente. Nous élaborons des protocoles pour l’ensemble des établissements de santé – hôpitaux comme maisons de retraite – et diffuserons l’information auprès des praticiens libéraux afin que chacun puisse réagir et anticiper dans les meilleurs délais.

La moitié des 370 cas recensés se trouvent à Lens et Valenciennes. Il ne faut pas hésiter à fermer des blocs opératoires et à isoler les malades dans des services spécialisés – l’État couvrira toute charge supplémentaire que cela entraîne : j’ai déjà débloqué un million d’euros à cet effet. L’essentiel est de permettre aux établissements concernés de contenir l’épidémie, et aux autres de s’en prémunir. Quoi qu’il en soit, je salue la mobilisation exemplaire des professionnels de santé face à cette épisode dramatique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 16 heures, est reprises à 16 h 20 sous la présidence de M. Warsmann.
PRÉSIDENCE de M. Jean-Luc WARSMANN
vice-président

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financement de la sécurité sociale pour 2007 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

Mme Christine Boutin – Que ce soit pour assurer le renouvellement des générations ou pour dynamiser notre croissance économique, une natalité soutenue est un impératif. Notre taux de fécondité de 1,9 enfant par femme nous situe en bonne place parmi les pays européens, mais ne suffit pas à assurer le renouvellement des générations. Parallèlement, de nombreuses femmes avouent souhaiter avoir plus d’enfants. Or, ce choix ne pourrait être que positif pour l’ensemble de la société. Il est donc de notre devoir de l'encourager et d'ainsi permettre aux familles d'avoir le nombre d'enfants qu'elles désirent.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la familleC’est vrai !

Mme Christine Boutin - Le projet de loi de financement de la sécurité sociale nous en donne l’occasion, ainsi que d’exprimer notre reconnaissance aux familles. Pour cela, il faut d’abord leur prodiguer toute l'aide économique qui leur est nécessaire. Cela passe par une réelle politique de soutien, notamment sur le plan fiscal. Je m'inquiète en effet d'une certaine paupérisation des familles avec enfants, aggravée par la « smicardisation » de la population qui est en train de se produire : en dix ans, la part de la population touchant le SMIC est passée de 8 à 17 %. Selon le rapport de M. Godet et de Mme Sullerot, du conseil d'analyse économique, le niveau de vie d'une famille ouvrière avec trois enfants est inférieur de 29 %, et de 39 % avec quatre enfants, à celui d'un couple de la même catégorie sociale mais sans enfants. Certaines de ces familles paient jusqu'à deux fois plus de CSG que d'impôt sur le revenu ! Ce n'est plus possible. C'est pourquoi il serait légitime d’élaborer une fiscalité familiale adaptée.

J’avais déjà proposé au Gouvernement l’an dernier de famililaliser la CSG, c'est-à-dire d’intégrer le nombre d'enfants dans le calcul et ainsi de prendre en compte les capacités contributives réelles de chaque ménage. La venue d’un enfant doit être perçue comme un bonus pour l'ensemble de la société. Il faut aussi des avantages fiscaux supplémentaires à partir du troisième enfant. Ce serait perçu par nos concitoyens comme un signe d'optimisme, lancé par les politiques à une société beaucoup trop morose. Parce que fonder une famille ne doit pas être la porte d'entrée dans la précarité, mais une promesse de croissance économique, il est temps de mener des politiques familiales volontaristes et guidées par le souci d'une redistribution juste, gage de confiance dans l’avenir. Je sais bien que la familialisation de la CSG ne sera pas adoptée cette année, mais il est urgent de réfléchir à une meilleure prise en compte de la famille dans notre système fiscal, et j'invite le Gouvernement à lancer un grand chantier sur ce sujet.

Exprimer notre gratitude aux familles, c’est également offrir aux parents au foyer le droit qui leur est dû de bénéficier d’une pension de retraite et d'une protection sociale à part entière. Il serait grand temps de reconnaître le travail et les services éminents rendus par les parents qui élèvent leurs enfants. En ce sens, les allocations familiales doivent être plus qu'une simple compensation des charges consécutives à l'éducation des enfants : une reconnaissance de la participation des parents à la création de la richesse nationale et à la cohésion sociale. C’est pourquoi il faut également aller plus loin dans le dispositif de la prestation accueil jeune enfant, pour offrir réellement le libre choix aux familles, en étendant le complément à toute personne sans condition d'activité professionnelle antérieure et en ouvrant le droit au régime de retraite et de protection sociale au parent qui a choisi de rester au foyer. Il faudrait également rendre possible le cumul de la prestation – trois ans pour chaque enfant – afin d'assurer un réel accompagnement des familles à l'occasion de chaque naissance ou adoption.

Enfin, je tiens à saluer la création du congé de soutien familial, qui est une mesure de reconnaissance essentielle. La solidarité entre les époux et entre les générations, et notamment des enfants envers leurs parents, est un socle sur lequel nous devons nous appuyer. C’est pourquoi j’encourage de tous mes vœux cette nouvelle mesure (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Paulette Guinchard – Au préalable, je voudrais rendre hommage aux deux chirurgiens qui sont décédés la semaine dernière à Besançon, lors d’un accident d’avion, et à leur pilote.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - M. Fagniez et moi nous y associons, qui sommes deux chirurgiens de transplantation.

M. le Ministre délégué – Le Gouvernement aussi.

Mme Paulette Guinchard – Nous garderons ainsi à l’esprit au long de la discussion que ce projet de loi financement n’est pas qu’une question d’argent, mais aussi d’humanité, tout simplement.

Compte tenu du temps de parole qui m’est imparti, je m’en tiendrai à quelques exemples précis, l’examen de l’ultime projet de loi de financement de la législature nous donnant l’occasion de dresser un bilan de l’action menée depuis cinq ans.

À l’évidence, peu d’évolutions de fond sont à porter au crédit de cette majorité. S’agissant des dépenses d’assurance maladie, le générique a toujours du mal à s’implanter et l’amputation de 20 % des crédits destinés aux réseaux de soin n’augure rien de bon. Quant à l’accès des titulaires de la CMU aux médecins spécialistes, les opérations de testing conduites récemment ont mis en évidence des comportements scandaleux, plus de la moitié des spécialistes refusant tout simplement de les prendre en charge ! Monsieur le ministre, quelles initiatives allez-vous prendre pour mettre fin à ces pratiques ? Ai-je besoin de préciser qu’elles accentuent le sentiment d’exclusion que ressentent déjà la plupart des titulaires de la CMU ?

Dans le cours de la discussion, je défendrai un amendement visant à permettre aux personnes âgées titulaires de l’aide sociale résidant en maison de retraite d’accéder aux soins dans de bonnes conditions.

S’agissant des retraites, je déplore que l’on ait aussi mal anticipé les conséquences de la réforme pour certaines catégories de salariés. Je pense notamment à la situation des femmes ayant cotisé sous plusieurs régimes du fait d’une carrière hachée. Dans ma région, j’ai eu à connaître du cas d’une salariée qui, après avoir travaillé toute sa vie, tablait sur une pension mensuelle de 553 euros ; après application de la réforme, elle ne perçoit que 330 euros…

M. Jacques Domergue - Si l’on évoque des cas particuliers…

Mme Paulette Guinchard - Il est malheureusement très représentatif et je suis bien sûr que vous avez eu vent de pareils décalages dans votre circonscription. Au reste, en première instance, la personne que j’évoque a bénéficié d’une décision de justice favorable, le caractère inique de sa situation ayant été constaté. Plus généralement, j’appelle l’attention de notre assemblée et du Gouvernement sur les risques sociaux majeurs qui s’attachent à une paupérisation accélérée des personnes âgées titulaires des plus petites retraites.

S’agissant du fonds de financement des prestations sociales agricoles, les décisions que vous avez prises mettent en grave difficulté l’ensemble du système.

Enfin, je vous sais, Monsieur le ministre, particulièrement sensible aux enjeux du maintien à domicile des personnes âgées et handicapées. Or, le télescopage entre, d’un côté, la réforme visant à professionnaliser le secteur de l’aide à domicile, et de l’autre le plan Borloo tendant à développer les emplois de service, a des conséquences très lourdes. Alors que l’objectif devrait être d’offrir un service amélioré aux personnes dépendantes et de meilleures conditions de travail aux auxiliaires de vie, la déstructuration de l’ensemble du secteur nuit à tout le monde. Je me permets de vous alerter solennellement sur la gravité de la situation. Il convient d’assainir la concurrence entre prestataires et de veiller à l’amélioration des conventions collectives couvrant les intervenants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Perrut - L’an dernier, notre sécurité sociale a célébré ses soixante ans, et, plus que jamais, cette institution est indispensable à notre cohésion sociale. Patrimoine commun des Français, elle doit relever plusieurs défis pour assurer sa pérennité.

Le présent PLFSS est fondamental : en atteignant 402 milliards, sa masse est supérieure à celle du budget de l’État, et il s’agit, beaucoup l’ont déjà dit, du dernier projet de loi de financement de la législature. À ce titre, il concrétise l’ensemble de nos engagements en faveur de la maîtrise des déficits et du redressement financier depuis 2002.

En 2005, c’est la responsabilisation des assurés sociaux qui avait été privilégiée, et force est d’admettre que nos concitoyens, sensibilisés aux enjeux, ont adopté un comportement exemplaire. Je tiens donc à saluer le sens civique dont ont su faire preuve tous les intervenants.

Alors que les comptes de la sécurité sociale étaient mauvais en 2004 et encore préoccupants en 2005, les chiffres pour 2006 traduisent une très nette amélioration, avec une baisse de 20 % des déficits, celui du régime général étant ramené à 8 milliards, cependant que la barre des 4 milliards sera franchie pour la branche maladie. Conformément aux conclusions du débat d’orientation sur les finances sociales qui s’est tenu ici même le 22 juin dernier, des objectifs ambitieux ont été fixés pour 2007.

Notre feuille de route nous impose de continuer à lutter contre les déficits : nous nous y conformerons strictement, car cette politique porte ses fruits sans pénaliser les assurés sociaux. À ce titre, une partie des droits de tabac sera affectée à la sécurité sociale et l’augmentation d’un euro du forfait hospitalier sera indolore puisque prise en charge par les organismes complémentaires.

Il est bon que l’ONDAM « soins de ville » ait été porté de 0,8 % à 1,1 % : cela profitera aux assurés, aux infirmières et aux médecins.

Des mesures allant dans le sens d’une plus grande justice sociale sont également prévues. Je pense notamment à l’amélioration du dispositif d’aide à l’acquisition d’une mutuelle, dont le nombre de bénéficiaires sera porté de 2 à 2,9 millions, ce qui représente un progrès considérable.

En vue de relever le défi de l’allongement de la vie, le PLFSS donne une traduction concrète au plan grand âge. À cet égard, je tiens à saluer l’avancée majeure que constitue la prévention des facteurs de dépendance chez les personnes de plus de 70 ans. Après s’être attaché à la prévention des affections bucco-dentaires des plus jeunes, le Gouvernement propose à nos aînés une consultation systématique de prévention de la dépendance, cependant que la maladie d’Alzheimer est reconnue « grande cause nationale ».

Le projet du Gouvernement est également pragmatique, tenant compte des effets du vieillissement de la population : il y a aujourd’hui plus d’un million de personnes de plus de 85 ans et dans dix ans, ce nombre aura doublé. Pour y faire face, le PLFSS prévoit 5 000 places en établissements d’hébergement pour personnes âgées, 2 125 places d’accueil de jour et 1 125 places d’hébergement temporaire (M. Alain Néri s’exclame). 14 000 emplois seront créés dans les établissements et le projet prévoit des prêts à taux zéro pour la modernisation des structures.

En vue de favoriser le maintien à domicile des personnes qui le souhaitent, 6 000 places seront créées dans les services de soins à domicile, et nous savons, Monsieur le ministre, que vous êtes comme nous très attaché à l’invention d’une maison de retraite du futur, plus humaine et répondant aux besoins du très grand âge.

La solidarité envers les personnes handicapées constitue un autre axe fort de notre politique : les crédits augmenteront de 5,5 %, et au total, 40 000 places en établissement auront été créées depuis 2003, ce qui mérite d’être salué.

La politique familiale du Gouvernement repose sur un double objectif : favoriser la natalité tout en tenant compte des réalités socio-économiques, et, en particulier, du fait que 80 % des mères exercent une activité professionnelle. Leur mérite bien particulier consiste à participer au financement des réformes des retraites tout en ayant contribué au renouvellement des générations. Et il convient de tenir compte du fait que les trois quarts de ceux et celles qui interrompent leur activité pour se consacrer à l’éducation de leurs jeunes enfants aspirent à retourner dans la vie active à l’issue de leur congé parental d’éducation.

Face à ces réalités, la politique du Gouvernement consiste à assurer la montée en puissance de la PAJE, 250 000 familles devant en bénéficier. Cependant, je regrette qu’il soit prévu de verser la prestation à partir du premier jour du mois suivant la naissance, le versement effectif à compter de date de naissance me semblant préférable. Enfin, 10 000 places en crèche ont été créées en 2006, alors qu’en 2000, il n’y en avait eu que quelques centaines.

Le taux de croissance de 7,5 % – en moyenne annuelle 2005-2008 – des actions financées par nos CAF à travers l’action sociale de la branche famille peut sembler insuffisant car, entre 2001 et 2005, les dotations avaient crû de 60 %. Mais il faut faire preuve de réalisme. En vue de concrétiser les engagements de la Conférence de la famille de cette année, un congé de soutien familial est institué pour soulager les aidants.

Parmi les amendements adoptés par notre commission, j’ai défendu celui visant à ne plus pénaliser les ménages à faibles revenus qui ne perçoivent plus l’aide au logement parce que celle-ci est inférieure à 24 euros mensuels…

M. le Président de la commission – La commission a salué votre générosité.

M. Bernard Perrut – Je sais que cet amendement n’est pas nécessairement recevable dans le cadre de ce texte. Il est pourtant essentiel, et la commission a souhaité à l’unanimité que l’on permette aux familles concernées de percevoir de nouveau l’allocation logement.

M. Gérard Bapt - Très bien.

M. Bernard Perrut - Ce projet de loi comporte aussi des mesures annoncées lors de la dernière Conférence de la famille comme l’institution d’un prêt à taux zéro pour les jeunes débutant dans la vie professionnelle.

Il met également l’accent sur la responsabilisation, qu’il s’agisse de la prescription des génériques ou de la lutte contre les fraudes, qui sera renforcée. Il faut combattre à la fois les prescriptions injustifiées, les abus et le bénéfice de droits indus, lequel pénalise toujours l’exercice de la solidarité à l’égard de ceux qui en ont vraiment besoin.

Ce projet de loi s’adresse aussi, bien entendu, aux professionnels de santé. Un terme devrait être mis à l’injustice dont sont victimes les médecins à diplôme extra-communautaire. La modernisation de l’hôpital est également au cœur des débats, avec le plan Hôpital 2007. Les cliniques privées, maillon essentiel de l’offre de soins aux côtés de l’hôpital, sont inquiètes. Ne serait-il pas opportun de créer un observatoire économique de l’hospitalisation publique et privée ? Je souhaite dire aussi un mot des réseaux de soins palliatifs, qui mènent une action remarquable auprès des malades, de leurs proches et des professionnels. Les enveloppes budgétaires indispensables à leur fonctionnement ne doivent pas être réduites.

S’agissant du volet retraites, la possibilité offerte de partir plus tôt en retraite aux personnes ayant commencé à travailler très jeunes a été particulièrement bien accueillie. La tenue, début 2007, d’une conférence sur la revalorisation des retraites sera bienvenue, car les attentes sur ce point sont fortes. Le Gouvernement a fait de l’emploi des seniors une priorité : il convient à ce sujet de souligner le lien entre l’augmentation de la masse salariale et le niveau des recettes de la sécurité sociale.

La protection sociale et les retraites agricoles sont une source récurrente d’inquiétude. Le déficit du FFIPSA, de 1,9 milliard d’euros en 2006, devrait atteindre 2,7 milliards l’an prochain. Des dispositions doivent absolument être prises. Lesquelles, Monsieur le ministre ?

M. Alain Néri - Celles qui avaient été prises sous la précédent législature.

M. Bernard Perrut – En conclusion, je partage sans réserve l’analyse de Xavier Bertrand qui a souligné devant la commission le bien-fondé de la réforme de l’assurance maladie, sans laquelle le déficit aurait été de 16 milliards d’euros, alors qu’on peut aujourd’hui espérer un retour prochain à l’équilibre.

Sans nullement céder à l’autosatisfaction, mais nous gardant du dénigrement systématique pratiqué sur certains bancs, nous devons garder toujours comme priorité la solidarité nationale. L’allongement de la durée de la vie, la précarité économique, les difficultés d’accès au logement inquiètent légitimement nos concitoyens. Il nous faut à tout prix maintenir la cohésion sociale. Que serait en effet la société française si la protection sociale de tous nos concitoyens, en particulier des plus fragiles, n’était plus assurée ?

Je terminerai en citant d’une part M. Bertrand déclarant à cette tribune que trois mots pouvaient résumer ce projet de loi de financement de la sécurité sociale : « continuité, persévérance et vigilance » ; et d’autre part le président Dubernard, évoquant la triple nécessité de la « concertation, de la solidarité et de la générosité ». Faisons en sorte que ces nobles objectifs se conjuguent pour assurer l’avenir de notre protection sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président de la commission - Dans le Rhône, nous sommes des humanistes !

M. le Ministre délégué - Dans la Manche, aussi !

Mme Martine Aurillac – Bien que n’étant pas membre de la commission des affaires sociales…

M. le Président de la commission - Nul n’est parfait ! (Sourires)

Mme Martine Aurillac - …j’ai, comme chaque année, assisté à la séance d’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette année, plus encore que d’habitude, nous avons été impressionnés par la qualité du travail gouvernemental, en particulier celui des ministres Bertrand et Bas, auxquels je tiens à rendre hommage.

Le déficit de la branche maladie, qui était de douze milliards en 2004, est tombé à huit milliards en 2005, puis six milliards en 2006, ce qui rend tout à fait crédible l’objectif de quatre milliards fixé pour 2007. Tous les secteurs de la santé publique ont participé à cette décélération de la progression des dépenses : les hôpitaux, les cliniques, les médecins libéraux, les pharmaciens, grâce notamment au succès grandissant des génériques. Tous les acteurs des soins de ville ont eu un comportement civique : à preuve une progression des dépenses limitée à 1,5 % en 2006, et une quasi-stabilisation des dépenses de médicaments. Les assurés sociaux ont fait preuve eux aussi de civisme – aucun effort supplémentaire ne leur sera demandé cette année. Parmi les nombreuses mesures destinées à conforter ces résultats, je citerai seulement l'aide à l'acquisition d'une assurance complémentaire pour les plus démunis et la lutte accrue contre la fraude à laquelle contribuera la nouvelle carte Vitale.

La branche famille contribue au redressement des comptes sociaux. Son déficit de 2006 sera divisé par deux en 2007, tombant largement en dessous du milliard d'euros. Ce résultat a été obtenu sans sacrifier la politique familiale, originalité française qui suscite l'intérêt de nombreux pays. Au contraire, des progrès importants ont été possibles, comme l’octroi d’un congé de soutien familial, la mise en place d’un prêt Avenir jeune à taux zéro ou le partage des allocations familiales en cas de garde alternée.

La seule ombre au tableau réside dans l'accroissement du déficit de la branche vieillesse, toutefois limité à un milliard d'euros. L'allongement de la durée de la vie dans notre pays, largement imputable aux progrès de la médecine et à leur meilleure diffusion parmi l'ensemble de la population, explique ce déficit. Pour ne pas alourdir les prélèvements obligatoires et encore moins réduire les prestations, la mesure la plus immédiatement efficace est d'inciter les seniors qui le peuvent à retarder leur départ à la retraite, comme l’a fait le Gouvernement, en concertation avec les partenaires sociaux, dans le cadre de son plan pour l’emploi des seniors.

Tout n’est pas parfait pour autant. La commission a ainsi souhaité, à juste titre, relever de 0,3 ou 0,4 point la progression de l'ONDAM des soins de ville, qui profitera aux assurés, aux infirmières, et aux médecins de ville. Nous avons également d’autres souhaits comme le versement de la PAJE dès la naissance et non le premier du mois suivant, ou bien encore le chèque santé étudiant.

Une réflexion plus large sera nécessaire sur le financement pérenne de notre protection sociale et de nos retraites. Il faut poursuivre le chemin mais nul ne peut nier que nous soyons sur la voie d’un redressement salutaire et sans précédent. C'est pourquoi je voterai naturellement ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Néri - On n'a jamais autant parlé qu'aujourd'hui d’égalité des droits et des chances. Force est pourtant de constater que l'égalité des chances est durement mise à mal et qu'il est urgent de conduire une véritable politique « d'égalisation » des chances.

C'est particulièrement vrai en matière d’espérance de vie, car celle-ci varie considérablement selon les conditions de travail et les professions, en un mot selon la pénibilité du travail. Permettez-moi de vous raconter ce qui m'est arrivé lors d’une réunion de quartier il y a quelques semaines. Au fond de la salle, un vieil homme m’adressait de nombreux signes d’amitié. Je n’arrivais pas à remettre un nom sur son visage bien que je sois sûr de le connaître. À la fin de la réunion, il est venu me dire combien il était heureux de me revoir depuis « les bons moments du football, lorsque nous jouions en junior ». Je n’en croyais pas mes yeux, c’était mon vieux copain Daniel ! Devant son visage fatigué et sa lassitude, j’étais triste et honteux de constater combien son dur métier de maçon l’avait prématurément usé. Un juste sentiment de révolte m’a alors envahi, que, j’en suis sûr, vous partagez. Est-il tolérable qu’au XXIe siècle des hommes et des femmes usent ainsi leur santé au travail ? La différence d’espérance de vie entre un ouvrier et un cadre est de sept ans, et l’écart a tendance à s'accroître.

L’article 12 de la loi portant réforme des retraites disposait que, dans un délai de trois ans après la publication de la loi, les organisations professionnelles et syndicales représentatives devaient engager une négociation interprofessionnelle sur la définition et la prise en compte de la pénibilité. Cette négociation a été ouverte le 11 février 2005. Neuf réunions se sont tenues depuis lors, la dernière ayant eu lieu le 30 mars dernier. Celle prévue le 2 mai a été annulée et aucune autre date n'est programmée à ce jour. Il faut d'urgence débloquer cette négociation. La durée d'activité professionnelle doit être proportionnelle à la pénibilité du travail.

L'analyse des partenaires sociaux sur les dispositifs de départ anticipé existants montre que l'exigence de réparation est plus que jamais légitime : les inégalités sectorielles sont considérables. Un secteur comme la construction est ainsi très concerné par le chômage et l’invalidité. On note aussi que les PME ont peu accès aux dispositifs conventionnels les plus favorables. Enfin, le nombre d’allocataires en invalidité a bondi de 20 % en trois ans. Tout cela démontre la nécessité d’une forte action de prévention et l’urgence de prendre des dispositions pour que les salariés prématurément vieillis par leurs conditions de travail puissent prendre une retraite anticipée à taux plein.

Je voudrais aussi évoquer le douloureux problème des invalides qui, à 60 ans, voient leur revenu chuter brutalement en raison des modes de calcul issus de la loi de 2003 sur les retraites, loi de régression sociale. Après avoir subi une diminution importante de leurs revenus au moment de leur passage d’une activité salariée à une pension d’invalidité, ces personnes sont à nouveau pénalisées à l’âge de la retraite, la diminution de leurs ressources pouvant aller jusqu’à 60 %. Le groupe socialiste a donc déposé un amendement tendant à garantir au titulaire d’une pension d’invalidité un niveau de retraite au moins égal à celle-ci. J’espère qu’il sera adopté, c’est une question de justice sociale.

Monsieur le ministre, il faut prendre ces douloureux problèmes à bras-le-corps et apporter rapidement les réponses légitimement attendues par celles et ceux qui sont victimes d’une véritable discrimination sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Marc Le Fur – Je voudrais pour ma part évoquer les retraites agricoles. C’est peu de dire qu’en ce domaine, la situation n’est pas satisfaisante, puisqu’elle est carrément indigne ! Elle s’est améliorée un peu en 1994, et surtout depuis 2002. Nous avons ainsi mensualisé les pensions, satisfaisant une très ancienne revendication. Nous avons financé la RCO (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), sur laquelle vous n’aviez voté, Messieurs, qu’une pétition de principe !

M. Alain Néri - 28 milliards sur la législature, faites-en autant !

M. Marc Le Fur - Nous avons également progressé sur le problème plus général des carrières longues. La disposition que nous avons prise profite à tous les régimes, y compris au régime agricole. Grâce à elle, des gens qui ont commencé à travailler à 15 ou 17 ans peuvent partir à la retraite avant 60 ans, s’ils comptent quarante années de cotisations. Depuis deux ans, 62 000 personnes relevant du régime MSA ont pu ainsi partir de façon anticipée.

Mais il reste encore le problème des petites retraites. M. Gaymard et M. Bussereau y ont travaillé, et M. Méhaignerie nous a désignés, M. Censi, M. Garrigue et moi-même, pour faire des propositions sur le sujet. Que répondre à des personnes qui n’ont que 150 ou 200 euros de retraite ? Nous avons rencontré beaucoup de gens et esquissé des solutions, que le Président de la République a bien voulu, le 5 octobre, intégrer dans des directives gouvernementales.

Il y a deux parts dans une retraite agricole : la retraite forfaitaire et la retraite proportionnelle. Cette dernière est très insuffisante pour les personnes qui ont des carrières de moins de 37,5 ans, du fait de coefficients de minoration très importants par année manquante – 15 % la première et la deuxième années, 10 % les suivantes. On peut ainsi aboutir à des minorations de 60 % ! Il faut en finir. Si nos propositions sont adoptées dans le cadre du présent PLFSS, le coefficient de minoration sera ramené à 5,5 % au 1er janvier 2007 et à 4 % au 1er janvier 2008. Le coût de la mesure est de 205 millions sur deux ans. Il faut aller vite et faire en sorte que les MSA intègrent la hausse dès les feuilles de pension du mois de février. C’est possible !

Il restera à agir sur la retraite complémentaire obligatoire. Aujourd’hui, il faut avoir 17,5 années d’activité comme chef d’exploitation pour en bénéficier. C’est une barrière pour beaucoup de gens. Il y a aussi le problème de la réversion : aujourd’hui, une veuve ne bénéficie plus des 54 % de la RCO de son défunt mari. J’invite les candidats à la présidence de la République à se prononcer sur ces sujets concrets ! Autre sujet concret : les modalités de rachat des périodes effectuées comme aide familiale. Si nous avons progressé pour ce qui concerne les retraites agricoles, tel n’est pas le cas pour les personnes qui ont été quatre ou cinq ans aides familiales mais qui relèvent du régime général. Le coût du rachat est alors dissuasif, pouvant atteindre 12 ou 13 000 euros par année rachetée.

Je voudrais maintenant parler de la démographie médicale. En certaines parties du territoire, nous manquons de généralistes comme de spécialistes. Il y a ainsi dans ce pays des déserts ophtalmologiques ! La moyenne française est de 329 médecins pour 100 000 habitants. Mais on monte à 423 en Île-de-France, tandis que le rapport n’est que de 249 en Picardie, par exemple. Nous avons certes relevé fortement le numerus clausus, mais rien ne dit que les nouveaux médecins iront s’installer dans les zones les plus défavorisées, qu’il s’agisse des territoires ruraux ou des quartiers difficiles. Prenons l’exemple de la Bretagne intérieure : les médecins y sont moins nombreux que dans le reste de la Bretagne, ils sont aussi plus âgés et plus fatigués, avec 25 % d’actes en plus. J’ajoute que la proportion de femmes y est beaucoup plus faible qu’ailleurs, alors que 65 % des jeunes médecins qui sortent de la fac de Rennes sont des femmes. Je suis l’élu d’une circonscription où pas un jeune médecin ne s’est installé depuis deux ans, et pas une seule jeune femme médecin depuis cinq ans. Peut-être mon manque de séduction est-il en cause (Sourires ), toujours est-il que la situation est préoccupante.

Comment attirer les médecins ? Je ne crois plus à l’incitation…

M. Gérard Bapt - Très bien !

M. Marc Le Fur - …car le problème n’est pas financier. Ce sont les contraintes qui font fuir, en particulier celle des gardes à assumer. Le rythme est certes moins soutenu que naguère mais reste beaucoup plus lourd qu’en ville, surtout si un SOS médecins est là pour décharger d’autant les confrères citadins.

Je crois donc qu’il faut tarir l’installation dans les zones où il y a trop de médecins. Je pense par exemple à la Côte d’Azur, où l’offre est pléthorique et suscite du coup une demande excessive. La surmédicalisation de certaines zones contribue au déficit que nous connaissons. Je propose donc que, dans les secteurs où la démographie médicale est satisfaisante, un médecin ne puisse s’installer que s’il succède à un autre, dans la logique du « un pour un ». Là où la démographie est moins satisfaisante, nous laissons une totale liberté d’installation. Nous ne rompons donc pas avec ce principe, nous y ajoutons seulement une condition de remplacement. Cette mesure ne coûterait rien, et elle est la seule qui permette d’orienter les flux de nouveaux médecins vers les secteurs les plus en difficulté. L’incitatif relève, quant à lui, du placebo (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste). Enfin, si nous n’intégrons pas une dimension prospective dans la démographie médicale, nous allons nous heurter à des problèmes majeurs ces dix prochaines années. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Domergue - M. Le Fur nous a proposé une véritable réforme de la santé, mais ce n’est pas tout à fait l’objet du débat.

Plusieurs députés socialistes – Si !

M. Jacques Domergue - La réforme de 2004 a des effets positifs. Les efforts de la médecine de ville – plus 1,5 % : du jamais vu – témoignent de la bonne volonté des professionnels de santé et du fait que le parcours de soins commence à porter ses fruits. Les Français ont compris que la contribution de chacun permettrait d’équilibrer les comptes, de maintenir l’accessibilité des soins et de privilégier l’innovation.

Toutefois, la réforme a eu également pour conséquence de réduire l’activité, et donc le chiffre d’affaires, des officines. Il conviendrait donc de réfléchir à des moyens de compensation, notamment à la possibilité pour les pharmaciens d’exercer d’autres activités, comme l’auto-médicamentation ou la prescription. Le fait que moins de médicaments soient consommés est une bonne chose, mais il faudrait se pencher sur le problème des marges bénéficiaires.

Le secteur hospitalier, encore pénalisé par la queue de comète des 35 heures, a du mal à se réformer. Le plus gros problème sera d’identifier les missions de l’hôpital public, pour le réformer, en complémentarité avec les structures privées. La mise en place de la TAA a conduit à augmenter le chiffre d’affaires de ces établissements ; cela signifie-t-il que ceux-ci ont été, pendant plusieurs années, sous-financés ? Ou bien qu’ils pratiquent la sélection des pathologies rentables pour orienter leurs activités ?

Longtemps, la chirurgie française s’est distinguée, attirant de nombreux étrangers. Elle fait face à présent à des difficultés démographiques. Je me tourne vers les jeunes qui occupent les gradins : pensez aux métiers de la médecine et de la chirurgie ! Nous nous posons tous cette question : « par qui serons-nous opérés demain ? » Les accords de 2004 entre le Gouvernement, l’assurance maladie et les chirurgiens, ainsi que les récents décrets qui renforcent l’incitation de l’activité dans les hôpitaux publics, avec la part variable, vont dans la bonne direction.

Il faut également aborder le problème de la chirurgie libérale, qui a trop souvent mauvaise presse. Lorsqu’un chirurgien du secteur 2 effectue un acte opératoire sans dépassement d’honoraires, cet acte est aujourd’hui payé à un tarif inférieur à ce qu’il serait payé s’il était effectué par un chirurgien du secteur 1. La correction de cette situation inéquitable inciterait les chirurgiens à ne plus pratiquer de dépassements d’honoraires. Nous avons besoin des chirurgiens ; faisons ce geste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bruno Gilles - Le travail de fond engagé par les différents gouvernements depuis 2002 pour réformer l’assurance maladie commence à porter ses fruits. Les réformes pérennisent notre système de soins en poursuivant la réduction du déficit. Avec ce texte, vous nous proposez de faire passer le déficit du régime général de 9,7 milliards d’euros en 2006 à 8 milliards en 2007.

L’UMP a présenté un amendement, adopté en commission, permettant de financer une hausse de 1,1 % de l’ONDAM « soins de ville ». En moins de quatre ans, la hausse des dépenses de l’assurance maladie pour les soins de ville a été divisée par cinq, ce qui est historique. Ceci est imputable en particulier à la nouvelle convention médicale du 12 janvier 2005 ainsi qu’au climat de confiance qui s’est instauré entre les pouvoirs publics et les médecins, dans le cadre d’accords négociés. Les médecins savent que l’actuel Gouvernement est bien éloigné de l’esprit de ses prédécesseurs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui recouraient à des techniques comptables comme les lettres clés flottantes.

L’engagement des médecins dans la maîtrise médicalisée a permis à l’assurance maladie de dégager 722 millions d’économies en 2005, 475 millions pour les huit premiers mois de l’année 2006, alors que 612 millions sont attendus en 2007, dans l’esprit de la réforme de 2004 : dépenser moins et mieux tout en préservant la qualité des soins.

Cependant, l’ONDAM est trop serré et inéquitable entre l’hôpital et les soins de ville. Il n’est pas normal, en effet, que les bons élèves de la maîtrise médicalisée voient baisser leur ONDAM. L’ONDAM hospitalier passe de plus 3,44 % en 2006 à plus 3,5 % en 2007 alors que l’hospitalisation est à peine concernée par les efforts de régulation de la réforme de 2004 et que son enveloppe augmente de deux milliards d’euros chaque année depuis 2000. L’ONDAM du projet initial est intenable si nous voulons revaloriser le « C », mieux indemniser la permanence de soins et remettre à niveau les conditions des professions paramédicales. C’est pourquoi je félicite le Gouvernement d’avoir entendu nos arguments en faveur d’une augmentation de 1,1 %, au lieu de 0,8 %, de l’ONDAM « soins de ville ».

Je me réjouis également que la commission des affaires sociales ait accepté l’amendement de M. Tian et de moi-même proposant une annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale qui détaille la ventilation des évolutions des différents postes de dépense pour les soins de ville, notamment celle des honoraires des professionnels de santé.

Le fait de retenir une progression de 1,1 % et non de 1,2 % représente néanmoins une différence de 100 millions d’euros, alors que les professionnels de santé évaluent à 500 millions les besoins non couverts et que le tiers de cette enveloppe sera consacré à une meilleure prise en charge des dispositifs médicaux. À cet égard, je souhaiterais savoir si la hausse de l’ONDAM intègre la mise en place du secteur optionnel, conformément à l’accord d’août 2004.

M. Jean-Paul Bacquet - Bonne questions !

M. Bruno Gilles - Les négociations entre l’UNCAM, l’UNOCAM et les syndicats de médecins n’ayant pas encore été lancées, ne faudrait-il pas passer par la loi, c’est-à-dire déposer un amendement, comme l’avait annoncé le ministre de la santé en juillet dernier ? La mise en place du secteur optionnel nécessitera une enveloppe significative.

Ces observations étant faites, je voterai ce projet de loi, qui contribue à sauvegarder les fondements de notre sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Paul Bacquet - Je me suis quelque peu reconnu dans les propos de M. Le Fur, pour être celui qu’il a décrit, ce médecin vieillissant, exerçant en milieu rural, qui sait qu’il n’aura pas de successeur…

Les comptes de la sécurité sociale sont en déficit et, contrairement à ce qu'affirmait avec aplomb M. Douste-Blazy, l'équilibre ne sera pas atteint en 2007. L’assurance maladie connaît, c'est vrai, une amélioration, mais elle est consécutive aux recettes traditionnelles que sont la hausse des cotisations et la baisse des remboursements, la hausse du forfait hospitalier, de la franchise sur les actes médicaux, de la CSG, du CRDS, du forfait sur les actes lourds. L’amélioration des comptes existe donc, mais elle est fragile et certainement précaire, car assise sur un recul de la protection sociale et de l'accès aux soins.

Le PLFSS n'est pas à la hauteur des enjeux de santé publique. Vous proposez quelques mesurettes que nous approuvons. Ainsi de l’augmentation de la contribution des grossistes répartiteurs – dont on rappellera que lorsque Mme Aubry l'a proposée, vos rangs l’ont unanimement rejetée… De même, vous proposez une plus grande liberté de sortie au cours des arrêts de travail lorsque la pathologie « clairement identifiée » le justifie. Rappelons-nous, à ce sujet, l’opposition agitée de M. Accoyer à ce que la motivation des arrêts de travail soit portée sur les imprimés… Nous approuvons encore la décision de régulariser la situation des médecins dont le diplôme a été obtenu hors Union européenne, même si votre méthode n'est pas celle que nous préconisons.

Mais, comme mon collègue Le Fur l’a fait observer, bien des questions demeurent en suspens. Pas un mot sur les inégalités territoriales d'accès aux soins, sur la désertification médicale des zones rurales, et sur l'inefficacité complète des incitations financières et des aides accordées par les collectivités locales, ce qui montre que le problème n’est pas seulement un problème de revenus. Pas un mot sur la calamiteuse faiblesse du choix de postes de généralistes lors de l'internat. Pas un mot sur la difficulté à mettre en place la permanence des soins. Pas un mot sur les problèmes d'accès aux soins que rencontrent les titulaires de la CMU, refusés par 10 % des médecins, ou de l'AME, refusés par 50 % des médecins, en particulier par les médecins en secteur 2. Pas un mot sur la probable mise en place d'un système de bonus/malus par certaines mutuelles, avec le risque subséquent que certains ne se soigneront plus. Pas un mot sur le secteur optionnel qui, en vidant le secteur 1, aggravera l'insuffisance de prise en charge des soins. Pas un mot sur le dossier médical personnel…

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités C’est inexact, j’en ai parlé.

M. Jean-Paul Bacquet - …que vous aviez si vigoureusement défendu l'an dernier et qui, si les délais de mise en place à marche forcée sont tenus, ne répondra pas à l’objectif fixé. En la matière, un accouchement tardif serait bien préférable à une naissance prématurée et insuffisamment préparée !

Pas un mot sur la situation dramatique des hôpitaux et sur les quelque 250 millions manquants pour finir l'année 2006, ce qui se traduira par l'abandon des projets d'investissement. Pas un mot sur les rapprochements privé–public qui conduisent à l'abandon de l'hôpital public au profit des établissements privés et à un nouveau recul de l’accès au soins…

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – Vous êtes déprimant !

M. Jean-Paul Bacquet - Pas un mot, non plus, sur les déremboursements à venir…

M. le Ministre – J’en ai parlé ce matin.

M. Jean-Paul Bacquet – D’autre part, pourquoi vouloir réduire le fonds d'aide à la qualité des soins de ville au motif que trop de crédits seraient inutilisés, alors que des aides tendant à l’ouverture de maisons médicales en milieu rural ont été refusées faute de moyens ? Pourquoi inciter à vendre au plus vite les biens immobiliers des hôpitaux ? Pour leur permettre d’investir, nous dites-vous ; mais nous savons bien que leur situation financière étant celle que l’on connaît, le produit de ces ventes leur servira à boucler les fins de mois.

Outre que ce PLFSS n'est pas à hauteur des enjeux de santé, il manque de sincérité…

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur – Oh !

M. Jean-Paul Bacquet - Vous allez réduire de 3 % les actes en clinique privée pour des raisons beaucoup plus comptables que médicales. Il en va de même pour l’augmentation de l'ONDAM des soins de ville, que je soutiens, mais j’observe qu’elle a lieu pour des raisons comptables, sur la pression des professionnels, bien davantage que pour des raisons médicales.

Incontestablement, ce PLFSS est un texte préélectoral, sans envergure, qui n’aborde pas les vrais problèmes de la protection sociale et de l’accès aux soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Simon Renucci - La sécurité sociale, dont la généralisation s'est achevée avec la loi du 27 juillet 1999 créant la CMU, doit garantir à tous, et en particulier aux plus fragiles, la protection et la santé. Voilà pourquoi notre système d'assurance maladie doit rester un système d'assurance sociale. L'égalité dans l'accès à des soins de qualité, voilà notre ambition et notre responsabilité. Or, les inégalités se sont accentuées.

Les inégalités entre les territoires en premier lieu, puisqu’en 2006, le nombre de médecins par habitants varie de 1 à 4 pour les spécialistes et de 1 à 2 pour les généralistes selon les départements. De graves difficultés sont à venir, car les nombreux départs à la retraites de médecins praticiens, la féminisation des professions médicales et les choix de spécialité des étudiants bouleversent la carte sanitaire. En 2004, 500 postes offerts en médecine générale n'ont pas été pourvus et les prévisions sont inquiétantes car les médecins expriment de nouvelles exigences de qualité de vie que les incitations financières ne règleront pas.

À l’inégalité territoriale s’ajoute une inégalité dans la prise en charge des soins, qui est de plus en plus partielle. Certes, le régime général prend encore en charge en moyenne les trois quarts de la dépense, mais cette proportion, en diminution constante depuis quatre ans…

M. le Ministre – C’est faux.

M. Simon Renucci - …est très variable selon le type de soins, puisqu’elle est de 93 % pour les dépenses en hôpital public mais de 70 % seulement pour les consultations médicales et de 64 % pour la pharmacie. Certaines prestations, pourtant essentielles, demeurent mal prises en charge par l'assurance maladie. Par ailleurs, le nombre de médicaments déremboursés ne cesse de croître, le forfait hospitalier d'augmenter, de nouveaux forfaits d'être imposés. La liste s'allonge des dépenses non prises en charge par l'assurance maladie obligatoire, et laissées à la charge des mutuelles ou des assurances privées. Il en résulte d’autres formes d'inégalités, directement liées au revenu.

La première oppose ceux qui ont une couverture complémentaire et ceux qui n'en ont pas. La seconde concerne le financement, qui peut être entièrement à la charge de l'assuré ou partiellement pris en charge par l'entreprise, et prendre en compte, ou non, l'âge de l'assuré et la composition du ménage, comme le font les assureurs privés et un nombre croissant de mutuelles. La troisième inégalité concerne le niveau de la couverture apportée par l’assurance complémentaire, le plus souvent proportionnelle au revenu, si bien que ceux qui en auraient le plus besoin n’y ont pas accès, et renoncent bien souvent à se soigner faute de moyens.

Aux inégalités territoriales et financières s’ajoute l’inégalité sociale. La santé publique restant l'enfant pauvre de la politique de santé en France, l'assurance maladie prend principalement en charge les soins et néglige encore la prévention. L'enjeu, pourtant, n'est pas seulement de faire des économies, mais de réduire les inégalités sociales face à la maladie et à la mort dans un pays où la surmortalité des ouvriers et des employés par rapport aux cadres supérieurs et aux professions libérales demeure importante et où les écarts de durée de vie selon les catégories socioprofessionnelles sont particulièrement marqués. Une vraie réforme de la sécurité sociale supposerait donc d’envisager les problèmes de santé dans un cadre plus vaste.

Votre politique, Monsieur le ministre, ne répond donc que très partiellement aux enjeux de santé. Votre réforme n'atteint pas les résultats escomptés, faute d’une approche globale et parce qu’elle se limite à une gestion comptable. Elle vise avant tout à faire baisser les dépenses de santé prises en charge par l'assurance maladie et donc à faire basculer une part plus importante de la dépense sur les assurés sociaux et sur les malades, alors que le système se caractérise déjà par de nombreuses inégalités d’accès aux soins.

D'autres réformes sont donc nécessaires, ce qui ne demande pas l'effacement du service public au profit du privé, tant s’en faut, car pour mieux soigner, il faut mettre en œuvre un système plus égalitaire. Des besoins de santé demeurent insatisfaits à ce jour. C’est un choix de société de décider de leur consacrer une plus grande part de nos richesses, en recherchant de nouvelles sources de financement. Pour que la devise républicaine d’égalité, de liberté et de fraternité retrouve son sens, il faut donc, dans ce même mouvement, mieux utiliser les ressources et mieux les répartir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Dominique Paillé – Une fois n’est pas coutume, je commencerai par des motifs de satisfaction. D’une part, à la demande de nombreux parlementaires, vous avez accepté de revaloriser l’ONDAM libéral, et je vous en remercie. C’est une mesure d’autant plus juste qu’elle servira non seulement à revaloriser les actes des infirmiers libéraux, mais aussi à augmenter les remboursements des assurés sociaux, dans le domaine optique notamment, où cela s’imposait.

D’autre part, l’article 41 fait enfin droit aux revendications, que je soutiens depuis longtemps, des médecins titulaires de diplômes extracommunautaires qui pratiquent sur notre territoire, notamment dans les hôpitaux publics. Le dispositif peut encore être amélioré – c’est l’objet de mes amendements – mais je vous sais gré de l’avoir adopté.

Cependant, des inquiétudes demeurent. Tout d’abord, face à la désertification médicale, votre dispositif d’incitation n’a pas produit les résultats escomptés. Amplifions-le avant d’être contraints d’adopter des mesures coercitives. Deuxièmement, la loi oblige les praticiens à risque à souscrire une assurance, et garantit une couverture jusqu’à trois millions d’euros en cas de litige.

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur – C’est un problème grave !

M. Dominique Paillé - Si la loi est utile, le palier est trop élevé. M. Door et moi-même souhaitions défendre un amendement le ramenant à un million et demi, le reste étant à la charge de la solidarité : en effet, les sinistres dépassant cette somme sont très rares.

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur – Une dizaine par an !

M. Dominique Paillé – Une telle mesure pousserait les assureurs à proposer aux médecins concernés des contrats plus abordables. Hélas, des raisons de procédure empêcheront la discussion de cet amendement.

M. le Ministre – Mais nous aurons ce débat !

M. Dominique Paillé - Ensuite, je souhaiterais que vous précisiez l’utilisation des 170 millions supplémentaires affectés au Fonds d’aide à la qualité des soins de ville, alors que les 140 millions votés l’an dernier n’avaient pas été entièrement consommés.

Enfin, après la récente victoire de France Télécom en référé, je m’interroge sur le cheminement du dossier médical personnel : pour mieux répondre à nos concitoyens à l’approche des prochaines échéances, il faudrait en connaître le calendrier précis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pascal Terrasse - Il est déjà connu !

M. Marc Bernier - Élu rural souvent alerté par les professionnels et membre du comité de surveillance de l’établissement de gestion du FFIPSA, je concentrerai mon propos sur le volet agricole du projet. En premier lieu, je me réjouis que le Président de la République ait récemment annoncé la revalorisation des retraites agricoles les plus modestes – ce qui concerne 300 000 personnes. Pour autant, le coût de cette mesure, évalué à 162 millions, ne fera que s’ajouter au déficit du FFIPSA déjà estimé à 2,1 milliards pour 2007.

En 2005, le FFIPSA a remplacé le BAPSA sans que les modalités de versement des prestations soient modifiées.

M. Gérard Bapt - Voilà le problème !

M. Marc Bernier - Depuis lors, ce régime social ne reçoit pourtant plus de dotation de l’État et ses recettes sont insuffisantes. Le Gouvernement a bien accepté d’en reprendre partiellement la dette à hauteur de 2,5 milliards, lui laissant une charge de 700 millions, mais son déficit se creuse inexorablement. Avec l’incidence de la revalorisation des petites retraites, quelles perspectives pouvons-nous offrir au régime agricole ? Sans préjuger les conclusions de la mission que vous avez confiée à M. Chadelat, inspecteur général des affaires sociales, pour remédier à ce problème, je me rallie à l’avis du comité de surveillance du FFIPSA qui propose de recourir à un emprunt sur dix ans, dès le 1er janvier prochain, à hauteur du besoin de financement pour 2007, dont le remboursement annuel serait à la charge de l’État. Cette solution certes imparfaite permettrait de poursuivre les négociations qui aboutiront aux indispensables arbitrages entre solidarité professionnelle et nationale, et garantirait le versement des prestations pour 2007 sans nouveau prélèvement. Cette question essentielle concerne tous les agriculteurs qui, je le rappelle, font de notre pays la première puissance agricole en Europe et la deuxième dans le monde. Pour la résoudre, j’en appelle à votre arbitrage souverain, Monsieur le ministre, et vous assure de mon soutien comme de celui du monde rural. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Claeys - Voici donc cinq ans que votre gouvernement est responsable des comptes de la sécurité sociale. Que constatons-nous ?

M. le Ministre – Tout va mieux !

M. Alain Claeys - Non : les déficits cumulés de votre législature dépassent cinquante milliards et n’ont cessé de se creuser, les prélèvements sociaux ont augmenté et les déremboursements se sont multipliés, la prise en charge des dépenses de santé par la collectivité a diminué, les inégalités d’accès aux soins se sont aggravées et la loi sur l’assurance maladie n’a pas amélioré la qualité de notre système de santé. Le parcours de soins comme le médecin traitant sont autant d’outils qui font porter le poids du changement de comportement sur les épaules des seuls assurés sociaux.

Notre système de santé est en crise. Le territoire se parsème de véritables déserts médicaux. Les tensions grandissent entre l’hôpital public et la médecine de ville. Les professionnels de la santé se sentent abandonnés.

Pourtant, la loi sur l’assurance maladie ne permet ni de préserver notre système de sécurité sociale, ni d’améliorer l’offre de soins. Les quelques bonnes idées qu’elle comportait…

M. le Ministre – Merci !

M. Alain Claeys - …ont été dévoyées : le médecin traitant et le parcours de soins compliquent la vie des assurés, perdus dans le maquis des déremboursements.

M. le Ministre – Vous ne croyez pas ce que vous dites !

M. Alain Claeys - Certains spécialistes y voient une formidable occasion de pratiquer des dépassements d’honoraires.

M. Pascal Terrasse - Absolument !

M. Alain Claeys - Quant au dossier médical personnel, c’est avant tout un instrument de régulation financière qui n’est pas destiné à assurer une meilleure coordination des soins.

M. le Ministre – Mais si !

M. Alain Claeys - La loi sur l’assurance maladie prévoit que tout patient doit autoriser le médecin qu’il consulte à accéder à son dossier pour pouvoir être remboursé par la sécurité sociale. Privilégiez la coordination des soins, et faites donc du dossier médical personnel un instrument médical, plutôt que financier !

M. le Ministre – Ce n’est pas un instrument financier.

M. Alain Claeys - Les conséquences de cette réforme sont lourdes pour nos concitoyens : franchise d’1 euro sur les consultations et les actes, franchise de 18 euros sur les actes lourds, diminution du taux des indemnités journalières, moindre remboursement pour les bénéficiaires de la CMU hors du parcours de soins ou encore hausse de la CSG et de la CRDS.

Les professionnels de santé ne peuvent que constater combien vos hypothèses de dépenses de l’assurance maladie pour 2007 sont irréalistes. Au fond, la baisse affichée du déficit de l’assurance maladie ne repose sur rien d’autre que le souci de masquer la réalité. Vous ignorez complètement la situation de l’hôpital public, déjà grand absent de la réforme de 2004 malgré son rôle déterminant dans l’accès aux soins. Il devrait pourtant être le premier acteur et bénéficiaire d’une politique de santé solidaire ! D’année en année, les besoins de financement des hôpitaux s’accumulent : 750 millions en 2006, dont 250 millions pour les seuls CHU ! Ces sommes s'imputent sur les capacités d'autofinancement et freinent la dynamique du plan Hôpital 2007. Pour l'an prochain, la fédération hospitalière de France estime que les hôpitaux auront besoin de 635 millions de plus que prévu pour assumer l'impact des décisions salariales et des plans élaborés par le Gouvernement, comme le plan cancer, le plan santé mentale ou le plan grand âge. Mais les problèmes des hôpitaux dépassent celui des moyens. La communauté hospitalière publique est déterminée à poursuivre ses efforts dans l’amélioration de la gestion et les réformes structurelles. Elle peut le faire, à condition que les pouvoirs publics cessent d'accroître ses difficultés.

La tarification à l'activité est une autre bonne idée qui a été dévoyée. Ses modalités d'application doivent être rediscutées. Cette réforme ne doit pas aboutir à une unification des tarifs entre le public et le privé. La convergence serait dangereuse, et irréaliste. Il est indispensable de tenir compte des missions de services publics de l'hôpital, et l'enveloppe prévue à cet effet doit être spécifique et importante. L’hôpital est le reflet des maux actuels de la société. Il est tout à la fois à la pointe de l'excellence et le dernier recours, voire le seul, en matière d’accès aux soins. Il ne faut pas casser l'hôpital public, ni décourager son personnel, soignant ou non. La convergence entre le public et le privé sera poursuivie en 2007 : elle ne se comprendrait pourtant que s'il y avait un périmètre d’action et des missions communes, ainsi que des réglementations proches. Ce n'est pas le cas.

M. Pascal Terrasse - C’est un vrai scandale !

M. Alain Claeys - Les missions de service public sont au cœur des missions de l'hôpital. Pourtant, leur périmètre, fixé par décret, est très incomplet. Sont exclues par exemple les charges liées à la médecine légale ou à la protection maternelle et infantile. Les missions de service public et la nécessité de proximité doivent être prises en compte par la tarification à l'activité, sans quoi les hôpitaux publics continueront, comme ils le font aujourd'hui, à recourir à des solutions périlleuses et qui menacent la qualité du service public et la sécurité des soins : reprise sur leurs capacités d'autofinancement, emprunt, suppressions d'emplois ou de services. La modernisation de la gestion hospitalière est indispensable, et elle ne peut se résumer à une manoeuvre qui contraint le secteur à se restructurer en organisant une pénurie de ses moyens.

Une dernière remarque : sur les 106 millions de l’enveloppe affectée au plan de santé publique « Urgences », 61 sont affectés aux établissements publics, qui assurent 91 % des passages aux urgences, et 45 sont versés aux établissements privés – pour donc 9 % des passages annuels. Pourtant, c’est l'hôpital public qui prend en charge les urgences les plus lourdes et souvent les plus coûteuses.

L'hôpital public va mal, et la sécurité sociale aussi. Ce projet de loi de financement pour 2007, comme les quatre qui l'ont précédé, n'apporte aucune garantie pour améliorer l'accès aux soins pour tous et sur tout le territoire. La spirale infernale qui conduit la sécurité sociale à plus de déficit et de prélèvements et moins d'accès aux soins et de remboursements doit être enrayée le plus rapidement possible (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Vitel – Nous voici réunis pour discuter du troisième PLFSS depuis la réforme : déjà trois ans de travail, de concertation et de dialogue, trois années à convaincre, à expliquer, à informer. Quel formidable challenge que celui que la majorité, unie et déterminée, a relevé aux côtés de Philippe Douste-Blazy, puis aux vôtres ! Quel formidable challenge que d'essayer de concilier rigueur, modernisme, pragmatisme et fidélité à un système âgé de soixante ans, épuisé, endetté, condamné aussi avant l'heure par ceux qui, alliant scepticisme et démagogie, se complaisent dans le rôle d'épouvantail qui les rend imperméables à l'évidence et amers devant tout progrès contraire à leur idéologie rétrograde ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Ce challenge, nous pouvons sans scrupule ni fausse honte déclarer qu’il est en passe d’être gagné ; qu’il va permettre à des générations de nos compatriotes de continuer à disposer de ce système de santé juste, universel et solidaire qui nous est envié par le monde entier. Il consistait à la fois à équilibrer financièrement le système, le plus rapidement possible, et à le moderniser, par une gouvernance enfin lisible et responsable, par une amélioration quantitative et qualitative du parcours de soins et par une responsabilisation de tous les acteurs et une lutte sans merci contre les fraudeurs. Des efforts sont encore nécessaires, certes, mais nous n'avions jamais non plus promis le grand soir !

M. Gérard Bapt – Et la « rupture », alors ?

M. Philippe Vitel – Nous n’aurions pu obtenir ces résultats sans l’engagement des professionnels de ville et de l’hôpital à nos côtés. C'est grâce à l'établissement d'une concertation permanente que le cadre conventionnel a pu évoluer. Aujourd'hui, ils sont les premiers à apprécier d'être passés d'un système autoritaire, rigide et répressif à un système fondé sur la négociation et la confiance.

M. Gérard Bapt - En êtes-vous sûr ?

M. Philippe Vitel – L’hôpital, lui, a accepté des efforts majeurs, évoluant vers une gestion plus transparente et plus efficace…

M. Jacques Domergue - Il faut le dire vite !

M. Philippe Vitel - …et je suis heureux, Monsieur le ministre, que vous souteniez l’objectif de 50 % de TAA pour 2008.

La médecine de ville, elle, est en passe de réussir sa mutation. L'engagement de tous a permis de générer des économies considérables tout en instituant un nouveau parcours de soins qui permettra au patient d'être mieux pris en charge, et plus vite. Passer d’une progression des dépenses de 8 % en 2003 à 1,4 % en 2006 ne s'est pas fait sans efforts. Mettre au vert les clignotants des arrêts maladie et des prescriptions médicamenteuses n'est pas le fruit du hasard mais le résultat d'un engagement constant de tous les acteurs, vis-à-vis à la fois des objectifs de maîtrise médicalisée et des accords de bon usage des soins. Des diminutions de 3,4 % des indemnités journalières et de 9,8 % des prescriptions d'antibiotiques et une hausse de 8 % des prescriptions de génériques ne doivent rien au hasard.

Parallèlement, la remise à niveau des honoraires est en route. Le retard était énorme. Espérons que la CCAM clinique verra bientôt le jour et complétera utilement cette avancée. Le financement de la permanence des soins, reconnue mission d'intérêt général, est en marche. La coordination des soins n'est plus un mythe mais une réalité. Aujourd'hui, d'autres chantiers sont ouverts. La CCAM technique 2 doit rapidement compléter la première version : c'est, à mon sens, la meilleure réponse à apporter au rapport de l'IGAS sur la chirurgie. La définition des secteurs d'activité est aujourd'hui un facteur d'inquiétude pour tous. En ce sens, les négociations tripartites qui ont débuté le 4 octobre sur la mise en place d'un secteur optionnel sont une bonne chose. Toutefois, permettez-moi de souligner que ce secteur doit être étendu à tous, et non réservé aux seuls chirurgiens. Cette mesure, demandée de longue date, ne doit en aucun cas paraître discriminatoire.

M. le Ministre – Il faut le dire à l’UNCAM !

M. Philippe Vitel - Quant à l'option de coordination que près de mille médecins ont déjà choisie, elle ne pourra constituer une préfiguration du secteur optionnel que si les caisses s'investissent franchement dans sa mise en place et son développement. Force est de constater que ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Je ne m'étendrai pas sur la simplification des tâches administratives qui exaspèrent chaque jour un peu plus les praticiens, libéraux et hospitaliers. Vous avez pris, Monsieur le ministre, la mesure du fardeau qu’elles représentent et je vous fais entière confiance pour trouver rapidement une solution. Enfin, vous venez de créer la filière universitaire de médecine générale. Cette évolution de la formation des médecins de famille était attendue de longue date, et sa mise en place est aujourd'hui fort appréciée.

Comme chaque année la discussion du PLFSS va être l'occasion d'un débat riche, animé et enrichi tant par nos expériences que par nos différences. Nous userons sans abuser de notre pouvoir d'amendement afin de définir le plus précisément possible la façon de faire face aux défis de demain. Ce projet, troisième étape de la feuille de route qui a été fixée lors de la réforme, matérialise notre engagement à continuer les réformes structurelles et à consolider l'évolution des comportements qui a amené les bons résultats que nous obtenons aujourd’hui. Depuis trois, ans, nous avons remis le malade au centre du système. Il apprécie le nouveau parcours qui lui permet de recevoir les meilleurs soins auprès du praticien le pus adapté. Les professionnels désenchantés, sans illusion et sans espoir que nous rencontrions au début de cette législature reprennent peu à peu confiance.

M. Jean-Pierre Door - C’est exact !

M. Philippe Vitel - Ils sont avec nous depuis que nous les avons concrètement associés à nos réflexions. Ils sont conscients des difficultés encore à venir mais justement impatients de pouvoir exercer leur art dans la sérénité et l'enthousiasme. Alors, continuons ensemble, sans complexes mais sans autosatisfaction, avec détermination et bon sens. Nous pourrons alors être fiers d’avoir mis en place une telle réforme. Le PLFSS pour 2007 répond aux exigences de résultat que nous nous sommes fixées. Nous le voterons donc sans états d’âme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Très bien.

M. Gilles Carrez - Je souhaite évoquer les relations financières entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale…

M. Pascal Terrasse - Elles sont catastrophiques !

M. Gilles Carrez - Ces deux budgets poursuivent un même but : redresser nos finances publiques, et il est évident que l’effort doit être coordonné. Je souhaite donc évoquer quelques règles de bonne gouvernance financière.

Depuis quelques années, le budget de l’État, dont nous avons voté hier la première partie, obéit à une démarche de redressement clairement engagée : augmentation de la dépense limitée à 0,8 % – soit un point de moins que l’inflation – et affectation depuis 2004 de tous les surplus de recettes à la résorption du déficit et, en aucun cas, à des dépenses supplémentaires. En dépit de ces efforts, le déficit prévisionnel pour 2007 s’élève à plus de 41 milliards. Cela signifie que les dépenses du budget de l’État excèdent de 13 % les recettes et que si la dette s’est stabilisée en pourcentage du PIB, elle continue d’augmenter en montant. Dans cette dette de plus de 1 100 milliards, 900 milliards viennent du budget de l’État, 120 milliards des collectivités locales et pas loin de 70 milliards des comptes sociaux, en incluant la CADES. On voit donc bien que l’État n’est pas le seul décideur en matière de dépenses publiques, puisqu’il faut compter avec les collectivités locales et tous les prescripteurs de dépenses sociales.

Le Premier ministre a donc eu totalement raison de réunir, en janvier dernier, une conférence des finances publiques pour que chacun des partenaires de la dépense se mette autour d’une table et que l’on essaie d’agir de façon coordonnée. C’est d’autant plus indispensable que le budget de l’État représente 275 milliards, cependant que celui de la sécurité sociale dépasse 400 milliards.

Par ailleurs, chacun est bien conscient de la nécessité de trouver des marges financières pour financer la maladie, la retraite et la dépendance, du fait du vieillissement de la population. Ces marges de manœuvre, on ne les trouvera que si l’on parvient à stabiliser la dépense d’État et celle des collectivités et si l’on mobilise les éventuels surplus liés à la baisse du chômage. Pour autant, cela n’allège en rien la nécessité absolue d’avoir la même rigueur, le même souci de justice et d’efficacité dans le domaine de la dépense sociale.

Dans ce contexte, comment se présentent les relations entre le PLF et le PLFSS ?

Il y a d’abord – et c’est un bon principe – la compensation, définie dans la loi de 1994 et reprise dans la loi organique de l’an dernier. En 2006, le transfert du panier de recettes opéré au titre de la compensation des allégements de charges sur l’emploi a été fait de telle manière que les comptes sociaux soient totalement garantis. Et si un écart supérieur à 2 % était observé, un processus de rééquilibrage serait immédiatement déclenché.

Soyez bien conscients, Messieurs les ministres, que le PLF pour 2007 accomplit un effort considérable au profit des comptes sociaux.

Ainsi, les 320 millions de baisses de charges supplémentaires pour les entreprises de moins de 20 salariés – les 2,1 points au niveau du SMIC – sont totalement compensés par un transfert équivalent des droits sur les tabacs.

Il est prévu, pour la première fois, de compenser les frais financiers liés à la créance qu’ont les comptes sociaux vis-à-vis de l’État depuis des années. En tant que rapporteur général, j’ai souscrit à cette démarche car elle me paraît légitime. Du reste, je préférerais que l’on supprime une bonne fois pour toutes ces 4 ou 5 milliards de dette. Au moins, les relations seraient plus claires !

M. Pascal Terrasse - Supprimez la CADES !

M. Gilles Carrez - Il y a également une centaine de millions qui sont définitivement acquis pour l’assurance maladie en 2007, puisque le panier de recettes transféré en 2006 au titre des allégements de charges a rapporté 300 millions de plus. Par un jeu d’écritures, le budget de l’État laisse plus de 100 millions à l’assurance maladie.

Par ailleurs, il faut tenir compte de l’incidence d’un certain nombre de réformes fiscales en termes de CSG. Grâce à la réforme de l’impôt sur le revenu, on constate un produit supplémentaire de 500 millions de CSG au bénéfice des comptes sociaux. Mais cela peut aussi jouer dans l’autre sens. L’an dernier, lorsque nous avons réformé l’avoir fiscal et qu’a été adopté l’amendement Fourgous, j’avais attiré l’attention sur la perte de CSG que cela entraînerait. Plus on transforme des contrats d’assurance vie en euros en contrats multi-supports, plus il y aura un différé de perception de CSG, au détriment des comptes sociaux.

Le rapporteur général du budget de l’État est donc dans une disposition d’esprit particulièrement positive, pour ce qui est de favoriser l’équilibre des comptes sociaux. Et je voudrais, Messieurs les ministres, poser deux questions sur cette loi de financement.

La première porte sur la décision de supprimer l’article 21, pour imposer une compensation – à l’euro près – d’un certain nombre de stages, de contrats de transition, etc. Je comprends le principe. Mais je m’interroge sur la soutenabilité de ce type de mesure. Toutes les mesures emploi ont un effet positif si elles font affluer des cotisations sociales supplémentaires. Il est impossible – Yves Bur le confirmera – d’ajouter 100 millions de dépenses, en dispositions de compensation, dans un budget de l’État qui accuse 41 milliards de déficits. Cela ne serait pas raisonnable. Ou alors faudra-t-il dire, dans une approche d’un juridisme étriqué, que la compensation des frais financiers n’ayant pas de base légale, c’est là que l’on prend finalement les 100 millions ? Mais je ne pense pas que nous ayons intérêt à privilégier cette voie.

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur - Là-dessus, nous sommes parfaitement d’accord.

M. Gilles Carrez – Ma deuxième question porte sur l’article 14 du PLFSS, lequel dispose que dans le cas où sont constatés des surplus de recettes, ils vont à la CNAM. S’agissant des surplus, la règle que nous avons retenue pour le budget de l’État devrait inspirer la même démarche pour ce qui concerne les comptes sociaux. Cette règle dispose que tout surplus va à la résorption du déficit et non à des dépenses supplémentaires. En l’espèce, les surplus n’iraient pas à la CNAM mais au déficit.

Pendant toute la discussion de la première partie du PLF, nous avons fait en sorte que chaque fois que l’État délègue sa mission de service public à un opérateur et délègue à cette fin des recettes, si ces recettes présentent des surplus, il faut que le Parlement puisse chaque année décider de leur utilisation. Comme l’a dit M. Bur, s’il doit y avoir des surplus annuels, il ne faut pas les déléguer de manière définitive à l’opérateur de service public qu’est la CNAM. Il faut que notre assemblée puisse en délibérer chaque année.

Je pense que nous avons intérêt à adopter ensemble des règles de bonne gouvernance communes. Ce propos, je ne le tiens pas uniquement à l’égard des comptes sociaux. Je l’ai tenu de la même manière, la semaine dernière, vis-à-vis des collectivités locales. Dans les budget de l’État, les collectivités représentent, tout confondu – dotations et dégrèvements – 60 milliards, soit un cinquième de la dépense. Il faut donc faire preuve de la même rigueur.

Chers professeurs rapporteurs, le budget de l’État est à peine convalescent et il risque la rechute à tout moment. Il serait illusoire de penser que l’on peut régler tel ou tel problème de la sécurité sociale ou des collectivités locales avec un droit de tirage sur un budget de l’État qui n’est pas en situation de le supporter. Je pense donc, pour suivre un excellent article que j’ai lu avant-hier dans le journal, que nous devons retenir une approche commune et utiliser toutes les marges mobilisables pour faire face au vieillissement de la population. Mais quels que soient les budgets, la règle de la maîtrise de la dépense et de la recherche de la meilleure efficacité s’impose à tous. Ce sera la cœur de la discussion qui s’engage. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. le Ministre délégué – Je remercie tous les orateurs pour leurs interventions, passionnées, parfois polémiques mais toujours de qualité. Comme l’ont rappelé MM. Door et Préel, la discussion de ce PLFSS est d’autant plus importante qu’il traite de masses financières bien supérieures à celles du budget de l’État.

Plusieurs d’entre vous ont abordé le financement de la sécurité sociale – notamment vos rapporteurs Fagniez et Bur, MM. Door et Desallangre et Mme Jacquaint. Comme l’a dit Yves Bur, c’est effectivement une question centrale et le Gouvernement a conduit une large concertation sur ce thème, associant experts et partenaires sociaux. Cependant, cette réflexion ne pouvait pas aboutir dès le PLFSS. Le conseil d’analyse économique et le conseil d’orientation de l’emploi ont d’ailleurs demandé un délai supplémentaire pour approfondir leurs travaux et débattre de certaines pistes de réforme, comme la TVA sociale ou une contribution élargie aux formes de rémunération échappant au prélèvement social – ce qui est contraire aux principes posés par les pères fondateurs de la protection sociale. Celle-ci doit en effet bénéficier de financements dédiés à des droits permanents, qui ne sauraient être remis en cause chaque année à l’occasion de la discussion du PLFSS. La loi de financement ne peut du reste être considérée comme une stricte transposition de la loi de finances à la sécurité sociale, car elle met en jeu des crédits d’une autre nature…

M. Pascal Terrasse - Expliquez le à M. Carrez !

M. le Ministre délégué – Le Parlement doit désormais contribuer à la réflexion sur le financement de la sécurité sociale, comme le suggère à juste titre M. Door. Le sujet est compliqué mais nous ne pourrons pas rester immobiles alors que nos voisins – en particulier les Allemands – modifient les modalités de leurs prélèvements sociaux, ce qui affecte les conditions de la compétition économique. Nous devons être attentifs à ce que la sécurité sociale demeure, du point de vue de ses financements, aussi, un sanctuaire inattaquable.

Sur ce point, je souligne à l’intention de M. Carrez que, si l’État n’a pas de marges de manœuvre, la sécurité sociale n’en a pas non plus. L’important est de justifier l’imputation de chaque dépense à chacun de ces budgets, de façon à s’assurer que la distinction entre eux est bien fondée sur des principes politiquement acceptés par la représentation nationale. La Conférence nationale des finances publiques, instituée par le Premier ministre, doit permettre d’y voir plus clair. La sécurité sociale ne saurait en effet servir de variable d’ajustement au budget de l’État, comme ce fut trop souvent le cas entre 1997 et 2002 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Plusieurs députés UMP - Avec les 35 heures et le FOREC !

M. le Ministre délégué – Traitant du financement de la sécurité sociale, on ne peut faire l’impasse sur les exonérations de cotisations, comme y a insisté le rapporteur M. Fagniez. Elles atteignent aujourd’hui le montant considérable de 25 milliards d’euros. Toutes les études démontrent qu’elles ont un effet positif sur l’emploi…

M. Pascal Terrasse - Ce n’est pas vrai.

M. le Ministre délégué - …sauf lorsqu’elles sont employées à financer la réduction du temps de travail au lieu de l’être à abaisser le coût du travail ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

La poursuite des allégements de charges est ciblée cette année sur les entreprises de moins de 20 salariés, parce que le coût du travail y est plus qu’ailleurs un facteur déterminant d’embauche et parce qu’elles constituent un gisement considérable d’emplois, comme en atteste le succès du contrat nouvelles embauches.

Vous considérez, Monsieur le rapporteur général, que la compensation est un bon principe. J’y suis moi aussi très attaché et souhaite qu’elle s’effectue à l’euro près. Je me félicite comme vous que l’État ait affecté cette année une partie des droits sur le tabac pour couvrir les frais financiers de sa dette à l’égard de la sécurité sociale. Mais ce serait encore mieux si nous parvenions, comme le Gouvernement le souhaite, à apurer définitivement cette dette !

Monsieur le rapporteur Rolland, vous avez salué le succès de la réforme de l’assurance maladie. Je vous en remercie, de même que l’ensemble de la majorité grâce à laquelle cette réforme a pu être mise en oeuvre. Vous avez fort justement analysé les préoccupations des professionnels de santé, des médecins généralistes en particulier qui souhaitent la reconnaissance universitaire de leur discipline – c’est désormais chose faite, avec notamment un stage obligatoire de médecine de ville durant le deuxième cycle des études médicales, qui devrait renforcer l’attrait de cette spécialité. Les généralistes souhaitent également pouvoir consacrer plus de temps à leurs malades, ce qui suppose moins de tracasseries administratives ! (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe UMP) Xavier Bertrand et moi-même allons faire prochainement des propositions visant à améliorer la qualité de leurs relations avec l’assurance maladie et à faciliter leur travail.

S’agissant de la démographie médicale, vous me permettrez de prendre mes distances avec les propositions du groupe socialiste. Il n’existe pas de réponse simple, a fortiori unique, pour relever le défi. Je le souligne également à l’intention de M. Le Fur dont j’ai écouté avec attention les propositions. Améliorer l’organisation de la permanence des soins, permettre de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale, inciter au regroupement, faciliter les remplacements : il faut poursuivre simultanément tous ces objectifs pour obtenir des résultats. Il faut également former davantage de professionnels en rompant avec les politiques malthusiennes du passé – vous savez de quoi je parle, Mesdames et Messieurs de l’opposition. De 2002 à 2007, nous aurons augmenté de 50 % le numerus clausus des études médicales. Il était temps !

M. Pascal Terrasse - Nous l’avions augmenté aussi. C’est M. Juppé qui l’avait réduit.

M. le Ministre délégué – Madame la rapporteure Clergeau et Monsieur Terrasse, nous n’avons pas, comme vous le prétendez, institué « un impôt sur les naissances ». Au contraire, nous avons mis en place la prestation d’accueil du jeune enfant (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Vous vous êtes étonnés de ce que nous formulions des propositions pour renforcer la solidarité entre les générations tout en prévoyant le retour à l’équilibre de la branche famille en 2008. C’est la preuve que l’on peut mener une politique à la fois ambitieuse et respectueuse des équilibres financiers.

Selon Mme Clergeau, nous donnerions la priorité aux familles aisées, alors que nous faisons tout le contraire. Alors que nous escomptions que 200 000 familles bénéficieraient de la PAJE, 250 000 y ont été éligibles. Par rapport au dispositif qui existait entre 1997 et 2002 – que vous n’aviez pas jugé bon de réformer –, avec la PAJE, un couple de smicards a vu ses aides à la garde de jeunes enfants augmenter de 54 %. Alors que les constructions de logements sociaux étaient tombées à 39 000 en 2001, leur nombre a été de 80 000 l’an passé et devrait être de 100 000 cette année.

M. Patrick Roy – Combien à Neuilly ?

M. le Ministre délégué – Une fois encore, contrairement à ce que vous ne cessez de répéter avec un aplomb d’ailleurs stupéfiant, c’est nous, et non pas vous, qui apportons le mieux-disant social (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ainsi, les crédits des réseaux d’écoute et d’aide aux parents seront doublés dans le budget de l’État pour 2007. De même, un effort considérable sera consenti en matière de construction de crèches. Vous devriez reconnaître avec objectivité tout ce que nous aurons fait en faveur des familles modestes de notre pays, sans que cela nous empêche de réduire le déficit de la branche famille. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Madame Clergeau, après avoir toléré les carences de la politique familiale conduite de 1997 à 2002, vous êtes malvenue à vous prévaloir aujourd’hui du fait que, quelques mois seulement avant de quitter le pouvoir, le gouvernement de l’époque a décidé d’augmenter les financements des crèches. En effet, en 2000, 264 nouvelles places seulement avaient été créées contre 8 500 l’an passé, 10 000 cette année et 12 000 l’année prochaine. Là encore, c’est nous qui avons agi, pas vous ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Je suis surpris de vos réticences devant notre proposition de partage des allocations familiales en cas de garde alternée. En effet, le Sénat a débattu la semaine dernière d’une proposition de loi du sénateur socialiste Dreyfus-Schmidt, qui prévoyait un partage systématique de toutes les allocations. Le parti socialiste gagnerait à harmoniser ses positions entre l'Assemblée nationale et le Sénat ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Quant au prêt à taux zéro d’un montant maximal de 5 000 euros, garanti par le Fonds de cohésion sociale, que nous allons instituer pour faciliter l’installation dans la vie des jeunes de famille modeste,…

M. Pascal Terrasse - Un tel dispositif existe déjà dans de nombreux départements.

M. le Ministre délégué - …je ne pense pas que les Français modestes estimeront qu’il s’agit d’une « coquille vide ». Le Parlement s’honorera à voter une telle disposition.

J’entends dire çà et là qu’il n’y aurait plus de crédits pour les collectivités et les associations dans le cadre des contrats Enfance et temps libre.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles Non, mais ils diminueront.

M. le Ministre délégué – C’est faux. Tous les financements des contrats en cours seront maintenus au niveau prévu (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) sauf à ce que des gestionnaires de caisses locales prennent des initiatives contraires aux consignes de la CNAF. Par ailleurs, les contrats venant à expiration seront renouvelés et convergeront progressivement vers les nouvelles règles, lesquelles prévoient en effet de donner la priorité pour l’attribution de nouvelles places de crèches aux territoires qui en manquent le plus. Pourquoi aurions-nous à rougir de cette sélectivité des financements, qui nous a été demandée par les partenaires sociaux unanimes lors de la négociation de la convention d’objectifs ? Nous ne regrettons aucunement cette initiative.

Vous m’avez également interrogé sur le décret du 1er août 2000. Je suis, comme vous, particulièrement attaché à l’exigence de qualité mais ce n’est pas une raison pour ne pas faire des économies quand les rigidités administratives conduisent, sans amélioration de la qualité du service rendu, à un coût exorbitant pour les collectivités et les caisses d’allocations familiales.

Je souhaite maintenant vous remercier Monsieur Jacquat, pour la très grande qualité de votre intervention. Vous m’avez demandé quand paraîtrait le décret majorant le taux de surcote. Il sortira à la mi-novembre, de sorte que cette majoration – de 5 % à 65 ans – prendra effet au 1er janvier 2007. Nous partageons votre souhait qu’une surcote soit également mise en place dans les régimes complémentaires. J’ai écrit à cette fin aux partenaires sociaux et je souhaite que la négociation qui vient de s’ouvrir soit l’occasion de progresser sur ce sujet.

Je m’associe aussi à ce que vous avez dit, Monsieur Jacquat, sur le maintien dans l’emploi des seniors. C’est précisément le sens de la surcote, c’est aussi le sens du plan seniors, notamment avec les mesures sur la retraite progressive et celles sur le cumul emploi-retraite.

Nous partageons votre préoccupation concernant les veuves. La réforme de 2003 a beaucoup amélioré les dispositifs existants en supprimant le double plafond, la condition d’âge, la condition de durée et celle de non-remariage. Le Conseil d’orientation des retraites examine actuellement la question des avantages familiaux, que vous avez soulevée. Je souhaite qu’il parvienne à une conclusion positive dans la perspective du rendez-vous de 2008.

Je partage tout à fait votre appréciation, Monsieur Bur : les réformes se rapportant à la sécurité sociale auront marqué cette législature et auront permis de sauvegarder le système, dans la fidélité à ses principes fondateurs. Je remercie aussi MM. Door, Perrut et Gilles, ainsi que Mme Aurillac, d’avoir souligné la réussite de la réforme de l’assurance maladie.

Vous avez comparé, Monsieur Bur, la progression des dépenses de personnel, qui est de 0,8 % dans le projet de loi de finances, avec les 3,5 % de l’ONDAM. Mais je dois vous dire que la progression des dépenses de personnel n’explique que 1,39 % de la progression de l’ONDAM, et ce dans un secteur où les besoins de soins et de présence humaine vont croissant. Si écart il y a entre PLF et PLFSS, il est en réalité relativement faible et s’explique par une dynamique différente des besoins à satisfaire.

L’assurance maladie doit devenir, avez-vous dit, un acheteur de soins avisés et ne plus être un guichet ouvert à tous les abus. Comme vous avez raison ! Mais, vous le savez, l’époque où l’on gérait la sécurité sociale à guichets ouverts est révolue depuis longtemps, comme en témoigne l’installation, hier, du comité national de lutte contre les fraudes. Mme Jacquaint a elle-même reconnu que l’on ne saurait être hostile à cette volonté de lutter contre les fraudes.

Je souscris tout à fait à l’analyse de M. Dubernard sur les ordonnances de mai et septembre 2005. Elles apportent une réponse positive à la question de la gouvernance hospitalière. Nous continuons avec détermination dans cette voie.

Vous êtes difficile à satisfaire, Monsieur Préel ! C’est un signe d’exigence, mais il faut aussi savoir reconnaître quand les réformes marchent, par exemple celle du médecin traitant. Plus de quarante millions de Français ont désigné leur médecin traitant…

M. Pascal Terrasse - Ils n’ont pas le choix !

M. le Ministre délégué – Bien sûr que si ! Et s’ils adhèrent aussi massivement, c’est parce qu’ils considèrent que c’est un bon dispositif, aussi naturel pour eux que l’était naguère celui du médecin de famille.

Contrairement à vous, Monsieur Préel, je me réjouis de la pénétration des génériques, car si nous voulons continuer d’avoir des marges pour prendre en charge les vraies innovations, il faut payer le médicament à son juste prix. Le développement du générique restera donc un axe majeur de notre politique et je remercie les Français de jouer le jeu.

Vous dites, Monsieur Préel, que l’ONDAM est trop faible et n’a pas été concerté. J’observe que l’ONDAM voté par les partenaires sociaux était de 2,2 %. Le Gouvernement a proposé 2,5 % et les parlementaires souhaitent quant à eux passer pour les soins de ville de 0, 8 à 1,1 %, ce qui amènerait l’ONDAM à 2,6 %. Je ne sais donc pas ce qu’il faut faire, Monsieur Préel, pour que vous reconnaissiez l’esprit d’ouverture et de dialogue du Gouvernement.

J’ai été attristé par vos propos, Monsieur Terrasse. Vous nous qualifiez d’exécuteurs testamentaires de la réforme de l’assurance maladie, ce qui est non seulement blessant pour nous mais aussi pour tout ceux qui ont fait des efforts ! Cette accusation est mal venue de la part de quelqu’un dont le parti est le notaire de l’immobilisme en matière de sécurité sociale et qui a laissé filer les dépenses pendant cinq ans ! Vous aviez fait de la sécurité sociale la vache à lait des 35 heures ! 110 milliards prélevés sur elle pour qu’ensuite les Français, questionnés sur ce qu’ils feraient des heures libérées, répondent : dormir plus, regarder plus la télévision et faire du jardinage ! Brillant bilan qui devrait vous porter à plus de retenue dans la critique… (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Et quelles sont vos propositions ? Mettre fin au médecin traitant, alors que 69 % des Français estiment qu’il améliore notre système de santé ! La modernisation des systèmes d’information ne suscite de votre part que des critiques, alors que la nouvelle carte Vitale II, plus sécurisée et plus personnalisée, sera la porte d’entrée vers le dossier médical personnel. Mais j’oubliais que vous êtes contre le DMP…

M. Pascal Terrasse - Pas du tout !

M. le Ministre délégué – Ah, tant mieux !

Nous avons présenté deux plans, Madame Hoffman-Rispal, pour relever le défi de la longévité. Je comprends que vous regrettiez que vous et vos amis ne l’aient pas fait, mais c’est ainsi, nous avons créé 183 000 places médicalisées en maisons de retraite depuis 2002, quand vous n’en aviez créé que 45 000 entre 1998 et 2002.

Nous manquons de places d’hospitalisation à domicile, c’est vrai, mais leur nombre est tout de même passé de moins de 5 000 en 2002 à 8 000 actuellement. Et il atteindra 15 000 en 2010. Vous évoquez les besoins en personnel des établissements, mais les mesures annoncées dans le plan solidarité grand âge sont bel et bien financées dans le présent PLFSS – qu’il ne vous reste plus qu’à voter, Madame.

Je voudrais dire à Mme Boutin que nous sommes attentifs aux droits sociaux des parents et à Mme Guinchard que nous augmentons le nombre de bénéficiaires de l’aide à l’acquisition de complémentaires de santé. M. Perrut et Mme Aurillac ont souligné que l’impératif de solidarité était au cœur du présent projet, je les en remercie. M. Perrut s’est inquiété du financement des réseaux de soins palliatifs. Nous y veillons particulièrement, c’est pour nous très important.

M. Bernier et M. Le Fur ont parlé du FFIPSA, qui renvoie au pacte noué, au temps du général de Gaulle, entre la République et ses agriculteurs, pacte auquel tous les gouvernements de la Ve République ont été fidèles. Le changement juridique qui nous a fait passer du BAPSA au FFIPSA n’emporte en lui-même aucune conséquence sur le financement des prestations sociales agricoles. Avec les ministères de l’agriculture et des finances, nous cherchons une solution pérenne. Celle-ci ne saurait porter préjudice à l’équilibre du régime général (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). En attendant de la trouver…

M. Pascal Terrasse - Il y a urgence !

M. le Ministre délégué - …nous continuons à assurer et même à renforcer les prestations sociales agricoles : 160 millions supplémentaires y sont consacrés dans le PLFSS. Nous nous attachons en particulier à revaloriser les toutes petites pensions, qui ne sont pas dignes, c’est vrai, de ce que la République doit à ses agriculteurs. Et je suis heureux, à la suite de la décision du Président de la République, de vous présenter des propositions en ce sens. Le Gouvernement, Monsieur Le Fur, accueillera favorablement votre amendement, qui a le mérite de mettre les points sur les i.

M. Gérard Bapt - Sur les i de « déficit » !

M. le Ministre délégué – M. Domergue a évoqué la situation des chirurgiens. Lorsque notre majorité est arrivée aux affaires, les tarifs avaient été gelés pendant cinq ans, le nombre de chirurgiens formés était en forte diminution, les conditions de cette formation étaient dramatiques, la responsabilité civile médicale traversait une crise aiguë. L’accord du 24 août 2004 a enrayé cette dérive grave, grâce, entre autres, à l’augmentation à 550 du nombre d’internes en spécialité chirurgicale, au paiement des astreintes dans les services d’urgence et les cliniques, et à la revalorisation de 25 % des tarifs des actes. Un point reste difficile : le choix du secteur par les anciens chefs de clinique chirurgiens. Dans la mesure où il s’agit d’un domaine conventionnel, le Gouvernement a exercé les plus fortes pressions pour que les partenaires se retrouvent autour d’une table. La négociation a débuté le 16 octobre, et je vous demande donc de la laisser se poursuivre. Si elle n’aboutit pas, alors le Gouvernement demandera au Parlement de se prononcer, au plus tard lors de l’examen de ce projet de loi au Sénat.

Après Mme Fraysse, M. Renucci a abordé la question du taux de couverture des dépenses de santé par la sécurité sociale : il était de 75,7 % en 2002, il est de 77,1 % en 2005. Nous progressons.

Mesdames et Messieurs les députés, je me tiens à la disposition de chacun d’entre vous pour des réponses complémentaires. Je me réjouis que nous progressions sur la voie de la suppression des déficits : c’est la garantie de l’avenir de notre protection sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 19 heures 5, est reprise à19 heures 10.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Gérard Bapt - Trois raisons nous ont poussés à proposer une motion de renvoi en commission. La première a trait aux nombreuses questions demeurées sans réponse concernant le financement des diverses actions que vous affichez pour chacune des branches du régime général. Au passage, nous avons été stupéfaits de vous entendre à l’instant, Monsieur le ministre, annoncer la suppression des déficits… La deuxième raison concerne l’insuffisante réponse de ce projet aux besoins de santé de nos concitoyens ; la troisième, les déclarations de membres de la majorité ou du Gouvernement, notamment dans des interviews à la presse, qui mériteraient des explications.

Votre inefficacité dans l’entreprise de redressement des comptes sociaux est soulignée par votre ami politique, M. Vasselle, lui-même, rapporteur de la commission des affaires sociales au Sénat, qui écrit : L’évolution globalement positive des comptes sociaux repose sur des projections optimistes cachant une nouvelle dégradation du résultat de l’assurance vieillesse, dont le déficit progressera de plus d’un milliard, atteignant 3,5 milliards en 2007…

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur – Cela n’était pas caché.

M. Gérard Bapt - Nous avons eu l’occasion de démontrer que si l’on tient compte, comme on le doit, du solde toujours plus négatif du FSV et du FFIPSA, le déficit a, en réalité, augmenté. Le sénateur Vasselle souligne d’autre part que l’État n’apporte aucune réponse sérieuse aux déficits structurels des organismes de sécurité sociale. À cet égard, la passe d’armes entre le rapporteur général et le ministre délégué à la sécurité sociale a été fort instructive, révélant d’intéressants problèmes structurels au sein de la majorité sur les relations entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale – le malheur étant que le budget de la sécurité sociale fait les frais de cette controverse.

M. le Ministre délégué – Vous êtes bien placé pour en parler !

M. Gérard Bapt - C’est d’ailleurs pourquoi j’en parle (Rires sur divers bancs). L’inflexible sénateur Vasselle souligne aussi que le Gouvernement n’a pas fait le moindre geste pour réduire les créances des organismes sociaux sur l’État…

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur – C’est un rapport stimulant… (Sourires)

M. Gérard Bapt – Je partage le point de vue de notre collègue sénateur, mais ce qu’il y a de cocasse est que vous avez dit, Monsieur le ministre, le partager aussi…

M. le Ministre délégué – J’ai rappelé que c’était le cas aussi entre 1997 et 2002.

M. Gérard Bapt - Une législature entière s’étant écoulé depuis lors, ne serait-il pas temps de se tourner vers l’avenir ? Le fait est que la dette sociale a augmenté de 50 milliards depuis 2002…

M. Jean-Pierre Door - Mais quel était son montant auparavant ?

M. Gérard Bapt - Le même, moins 50 milliards, et moins ce que la CADES a remboursé, de plus en plus péniblement à mesure que les taux d’intérêt montaient, ce qui l’a obligée à rembourser toujours moins de capital et toujours plus d’intérêt, et qui a contraint à en prolonger la durée …

M. Philippe Vitel – C’est faux.

M. Gérard Bapt - Comment donc ? C’est écrit en toutes lettres à la page consacrée à la CADES de l‘annexe au PLFSS ! S’agissant des dépenses, l’optimisme du Gouvernement me semble largement exagéré. Et encore ne fais-je pas référence aux critiques de votre propre majorité, qui vous reproche de ne pas respecter les objectifs affichés et de ne pas contrôler l’ONDAM. Vous vous vantez des fruits de votre action, mais ils sont très incomplets. Les progrès constatés en matière d’indemnités journalières ne sont pas négligeables, mais leurs effets ne seront pas éternels. Vos résultats sont fragiles et de portée limitée, et à cela s’ajoute la baisse des crédits affectés à l’innovation : ainsi, les moyens dont bénéficient les réseaux de soins sont en recul de 20 %, pour des raisons purement administratives ; mais il est vrai que des rigidités administratives supposées peuvent être des prétextes commodes.

On constate d’autre part que, pour la première fois, un engagement présidentiel, qui paraissait sacré, n’est pas respecté. On apprend donc avec peine que les crédits consacrés au plan cancer, que l’on pensait sanctuarisés, ne le sont pas, si bien que le réseau de cancérologie du pôle est de l’Île-de-France, pourtant prêt à démarrer, ne sera pas lancé faute de dotation…

M. Jean-Pierre Door - Cette présentation est inexacte.

M. Gérard Bapt - De même, le financement des consultations d’annonce, pourtant promis, n’est pas assuré. Certes, quelques facteurs structurels tels que le passage de nombreuses molécules du statut de princeps à celui de générique contribuent à une plus grande maîtrise des dépenses, mais cela ne suffit pas à masquer un bilan de cinq ans qui se traduit par des reculs patents en matière d’égalité et de protection sociale, dans toutes les branches.

Par ailleurs, le poids de la dette s’est encore accru. La CADES, qui avait dû reprendre à son compte 35 milliards d’euros supplémentaires en 2004, supporte aujourd’hui une charge de 98 milliards et, selon les prévisions de la Cour des comptes, la dette sociale s’alourdira d’au moins 39 milliards supplémentaires d’ici à 2009, sans même parler du FFIPSA. C’est que le déficit de l’assurance vieillesse croît plus vite que prévu, et que l’assurance maladie ne revient pas à l’équilibre aussi vite que vous le prétendiez. Rappelons seulement qu’on nous promettait, en 2004, grâce à l’arrivée magique du DMP, un retour à l’équilibre dès 2007 ! Puisque, malgré vos manipulations comptables, vous n’avez pas les moyens de remplir cet objectif, vous repoussez l’échéance à 2009. Mais si l’on se réfère aux prévisions conjoncturelles très optimistes annexées à votre projet, il y aurait encore 3,5 milliards de déficit à cette date.

Le chemin dans lequel s’engage notre protection sociale démontre bien l’échec de vos réformes. Malgré de nombreuses manifestations d’autosatisfaction, dont nous venons d’avoir une nouvelle démonstration, le déficit des retraites s’accélère. La confiance des Français est d’ailleurs si faible qu’ils se précipitent pour valider leurs droits, pensant que les règles de demain leur seront plus défavorables. Quant au fonds de réserve des retraites, il n’est plus doté que ridiculement et comme par routine.

Notre seconde raison de demander le renvoi concerne la réponse aux besoins de santé. Comme l’a souligné le président Dubernard, il est important de parler finances, mais il l’est tout autant de savoir comment les fonds sont utilisés. Comment passer sous silence l’insuffisance des politiques de nutrition et de santé au travail, la régression dans la lutte contre l’alcoolisme, la lenteur de la mise en œuvre d’une politique anti-tabagique, l’absence de priorité accordée à la santé publique dont témoigne la manifestation, avant-hier, des médecins scolaires ? Quant à la consultation destinée aux personnes âgées de plus de 70 ans, elle sera largement insuffisante au regard des problèmes liés au vieillissement. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Door - Vous ne pouvez nier qu’il s’agisse d’un progrès !

M. Gérard Bapt – L’insatisfaction qui nous anime devrait vous animer aussi et vous pousser à mieux préparer l’avenir, mais je ne suis pas certain qu’il en aille ainsi. Chacun conviendra que l’accès à des soins de qualité est un droit pour tous. Or, l’incidence du gradient social est extrêmement élevée, comme le montre une étude de l’INPES. Les ouvriers et les employés, dont la santé est bien plus mauvaise que celle des membres des autres catégories socioprofessionnelles, sont aussi ceux dont la couverture complémentaire est la plus lacunaire et ceux qui, en conséquence, renoncent le plus souvent à des soins. On se doutait que les riches se portaient mieux et vivaient plus longtemps que les pauvres ; la Commission nationale consultative des droits de l’homme l’a confirmé, et chiffré, dans son rapport au Premier ministre. La France est le pays où la mortalité prématurée est la plus élevée d’Europe, et où la différence de mortalité prématurée selon que l’on exerce une profession manuelle ou non manuelle est la plus forte. Il faut ajouter que ces inégalités sociales apparaissent dès la naissance, et même dès la grossesse.

Quant aux résultats de l’enquête du fonds CMU, ils sont affligeants, et je ne doute pas que vous partagez mon affliction. Il est consternant d’apprendre que 40 % des spécialistes et des dentistes refusent de recevoir les titulaires de la CMU.

M. Jean-Pierre Door - C’est profondément choquant.

M. Gérard Bapt – De plus, selon Médecins du monde, 10 % des généralistes refusent eux aussi de les recevoir, et ils sont 40 % à refuser de recevoir les étrangers qui bénéficient de l’AME. Pour sa part, l’INPES constate que ceux qui bénéficient de la prévention sont ceux qui en ont le moins besoin. Il apparaît enfin que c’est bien souvent pour répondre au mal-être social que les psychotropes sont prescrits, en trop grand nombre.

J’en viens à l’ONDAM hospitalier. En 2006, 750 millions ont manqué, ce qui aggrave la situation des établissements. En 2007, selon la Fédération hospitalière de France, 700 millions feront défaut, qui empêcheront les hôpitaux d’assumer les engagements que vous prenez, qu’il s’agisse de la revalorisation de certains statuts ou des différents plans de santé publique. Pourquoi, par ailleurs, n’avons-nous pas encore eu connaissance du rapport de l’IGAS consacré aux MIGAC, prévu pour être publié le 15 octobre et qui nous aurait donné des indications utiles sur la mise en place de la tarification à l’activité et sur ses effets ?

Mme Paulette Guinchard - Excellente question. Pourquoi, en effet ?

M. Gérard Bapt –. Je n’apprécie pas les allégations tendancieuses selon lesquelles le surcoût avoisinerait 50% à l’hôpital public ; la majoration est évidente. Mais les cliniques privées, qui participent du service public de santé dans le cadre du conventionnement, sont elles aussi mises en difficulté par des décisions unilatérales, telles les réductions autoritaires des tarifs qui, cumulées, peuvent atteindre jusqu’à 8 % sur l’année.

Quant à la campagne budgétaire pour 2007, j’apprends avec surprise que, dans le cadre de la définition d’objectifs quantifiés d’activité, certaines agences régionales de l’hospitalisation imposent aux établissements des réductions d’activité dans tel ou tel domaine, parfois jusqu’à 12 % ! En instaurant de tels quotas, vous substituez la maîtrise comptable à la maîtrise médicalisée. Qu’en est-il réellement, Monsieur le ministre ?

M. Jean-Claude Viollet - Tout cela fait beaucoup de réductions…

M. Gérard Bapt - En matière de créations de places en crèche, les chiffres vous contredisent : Mme Clergeau elle-même les cite dans son rapport. C’est le gouvernement de M. Jospin – et sa ministre de la famille, Mme Royal (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – qui a en 2001 institué le Fonds d’investissement à la petite enfance afin d’augmenter la capacité d’accueil des enfants de zéro à trois ans, en subventionnant les projets locaux de collectivités ou d’associations à but non lucratif. Le nombre de nouvelles places a ainsi augmenté de 3 300 en 2001 à 4 000 en 2002, puis 5 400 en 2003 et 8 300 en 2004 ! Ce n’est qu’en 2003 que le Gouvernement actuel a mis en place un autre type de financement.

Plusieurs députés UMP - C’est bien de le reconnaître !

M. Gérard Bapt - Ne tentez donc pas de condamner le gouvernement précédent en citant des chiffres antérieurs à 2001 !

Mme Paulette Guinchard – Absolument !

M. Gérard Bapt – Enfin, vous avez, Monsieur le ministre, fait des propositions très audacieuses dans un entretien paru le 24 octobre dans Les Échos. L’État devrait, selon vous, réduire ses dépenses pour transférer des recettes aux régimes sociaux, et vous citez plusieurs postes à partir desquels redéployer ces crédits : l’intérêt de la dette, entre autres, qu’il faudrait réduire – convenez que nous n’en sommes pas encore là ! De même, vous évoquez les dépenses d’éducation, ainsi que les moyens de la défense : le deuxième porte-avions est-il en cause ? Pourquoi s’en prendre à ces priorités alors que l’on vient d’affecter 450 millions à l’intervention française au Liban, et que la situation géopolitique régionale nous appellera certainement à accomplir d’autres missions ? M. Carrez ne semble pourtant pas être sur la même longueur d’ondes…

M. Marini, rapporteur de la commission des finances au Sénat, propose quant à lui d’intégrer les branches santé et famille au budget de l’État en les finançant par l’instauration d’une TVA sociale, tandis que les branches vieillesse et accident du travail, désormais autonomes, relèveraient d’une logique assurancielle et contributive. Quel pavé dans la mare !

M. Jean-Pierre Door – Pourquoi ? C’est un élément de débat.

M. Gérard Bapt - Mais enfin, cette déclaration est ébouriffante !

M. Jean-Pierre Door - Dites plutôt qu’elle est intéressante : n’êtes-vous pas pour la démocratie participative ? (Sourires)

M. Gérard Bapt - La majorité, elle, est pour le moins incohérente dès qu’il s’agit des relations entre finances de l’État et de la sécurité sociale…

Quant à l’accès aux soins, vous reconnaissez donc, Monsieur le ministre, que l’opposition avait raison lorsqu’elle déplorait que l’aide à l’acquisition d’une mutuelle complémentaire pour les personnes se trouvant à moins de 10 % du plafond de la CMU était insuffisante. En effet, le coût de la mutuelle est aujourd’hui si élevé que seuls 10 % des bénéficiaires éventuels de cette aide en ont profité. La majoration du plafond à 15 % n’y change rien : seule une infime minorité y trouve son compte.

Pendant ce temps-là, le secteur privé se réforme : les MMA démutualisent l’assurance avec une nouvelle forme de couverture complémentaire dont le versement est divisé entre une moitié remboursée au cotisant s’il n’a pas utilisé de service de soins, et une autre conservée par l’assureur. C’est une grave atteinte à la mutualisation du risque complémentaire ! M. Seys, président des MMA, s’en justifie en expliquant que beaucoup de gens – les étudiants, notamment – se retirent de la complémentaire santé en raison de son coût trop élevé : il lutte donc contre la démutualisation totale en instaurant une démutualisation partielle. Qui pourra expliquer un pareil raisonnement ?

Autre motif de renvoi en commission : les conditions de mise en place de la tarification à l’activité, dont M. Bur lui-même souligne combien elles sont périlleuses et improvisées, puisque la T2A – dit-il – est réduite à un simple système de facturation au lieu d’améliorer la performance de l’ONDAM hospitalier.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances – Ce n’est pas toujours ce que vous recherchez…

M. Gérard Bapt – Nous sommes favorables à la T2A et à la convergence intrasectorielle, et rejoignons la Cour des comptes qui dénonce une réforme à l’aveugle, en l’absence d’échelle de coûts.

Enfin, le président de la commission des affaires sociales lui-même souhaite le retour en commission.

M. le Président de la commission – Monsieur le président, voici une demi-heure que M. Bapt parle pour ne rien dire !

M. Gérard Bapt - M. Dubernard sait que je tiens là une excellente raison de renvoi en commission…

M. le Ministre délégué – Vous l’aviez gardée pour la fin !

M. Gérard Bapt - Il se demande en effet comment rassembler les professionnels dans l’intérêt des malades, puisque les schémas traditionnels ne fonctionnent plus en ville. Ainsi, il déclare que le système britannique tant décrié, avec ses médecins salariés, commence à faire figure de modèle ! En effet, ceux-ci se sont regroupés et ont obtenu qu’on leur associe des infirmières et des secrétaires ; le renouvellement des ordonnances et la délégation des tâches sont devenus la règle, et chacun y trouve son compte. Les maisons de santé peuvent évoluer de même, notamment en milieu rural, poursuit-il. En cette fin de législature, M. Dubernard rejoint les propositions du parti socialiste (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) visant à favoriser le regroupement et de nouvelles formes d’exercice, ainsi qu’à reconsidérer les conditions d’installation des maisons de santé.

Plusieurs députés UMP - Manipulation ! Caricature !

M. Gérard Bapt - Nous approuvons ses propos, et proposons de les approfondir en renvoyant le texte devant la commission des affaires sociales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président de la commission – Nous venons d’entendre un discours qui ne comporte pas un seul élément justifiant le renvoi en commission. Membre de la commission des finances, M. Bapt a longuement parlé des relations entre le budget de l’État et les finances sociales, et a même évoqué le deuxième porte-avions : on est loin du PLFSS !

On sent bien l’approche des élections. M. Bapt a défendu l’hôpital public et la Fédération hospitalière de France, qui joue pourtant toujours à demander plus sans jamais songer à faire l’effort de se restructurer dans l’intérêt des patients et de l’offre de soins (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), mais il a aussi défendu l’hôpital privé. Il a peu évoqué l’ONDAM de ville, question pourtant importante.

M. Gérard Bapt - Je pourrais poursuivre mon intervention…

M. le Président de la commission - En revanche, je trouve moi aussi choquant que des mutuelles de santé commencent à se comporter comme des assurances de voitures : il faut corriger cette dérive, et ce sera plus facile si nous sommes tous d’accord. Enfin, les propos que vous avez repris ne faisaient que rappeler la nécessité de revoir les conditions d’exercice, ce sur quoi nous sommes tous d’accord. Ce Gouvernement a fait beaucoup d’efforts dans ce domaine.

Je ne vois pas bien pourquoi renvoyer ce texte en commission. La commission des affaires sociales travaille beaucoup, Monsieur le membre de la commission des finances. Elle a tenu trois séances avant le rapport, lors desquelles elle a examiné 220 amendements – contre 132 l’an dernier – et en a adopté 52. Depuis, elle a tenu trois réunions au titre de l’article 88, qui ont permis d’aborder 56 amendements, et se réunira ce soir au titre de l’article 91, pour examiner quelque 108 amendements de plus. Il me semble donc que nous sommes prêts à entrer dans le débat sur les articles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre délégué – Si le président de votre commission des affaires sociales estime qu’il n’y a pas lieu de tenir une nouvelle réunion pour réexaminer l’ensemble du projet de loi, d’autant que la commission doit encore se réunir ce soir, je ne vois pas pour quelle raison je serais d’un autre avis. Il n’y a pas meilleur juge que lui.

M. Philippe Vitel – Comme vient de le dire son président, la commission a beaucoup travaillé et je ne vois pas l’intérêt de perdre du temps à étudier ce qui l’a déjà parfaitement été durant de nombreuses heures. Mais je suis choqué de la manière qu’a mon collègue de manipuler les arguments dans le but de créer la sinistrose et d’éviter de reconnaître le moindre mérite à ce PLFSS. Quand la branche maladie passe de 16 milliards de déficit à 3,9, il nous parle d’inefficacité à redresser les comptes sociaux ! À propos des réseaux de soins, il se concentre sur une ligne budgétaire amputée de 20 %, alors que des lignes non utilisées sont reportées et que, quoi qu’il en soit, le financement des réseaux fait partie des 178 millions du FAQSV et des 150 millions de la DNDR !

La politique à l’endroit des personnes âgées est une priorité nationale depuis cinq ans. Une augmentation de 13 % des crédits affectés aux maisons de retraite dans ce PLFSS le prouve, me semble-t-il ! Fixer l’augmentation de l’ONDAM médico-social à 6,5 % permet aussi de rendre service aux personnes âgées, de développer une politique efficace et cohérente vis-à-vis des personnes handicapées et de permettre l’accès aux soins de tous. Je suis donc affligé d’entendre toujours qu’en France, on ne pourrait pas accéder aux soins. Je vous défie de m’amener quiconque qui ne peut être soigné lorsqu’il en a besoin !

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur – C’est vrai !

M. Philippe Vitel - Vous stigmatisez aussi les professionnels de la santé, vos confrères, en vous appuyant sur des statistiques que nous ne vérifions à l’évidence pas dans nos circonscriptions. Des médecins qui refusent des malades à la CMU ou à l’AME – des médecins qui ont prêté le serment d’Hippocrate – il n’y en a pas beaucoup, et certainement pas 45 % ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) J’aimerais voir une justification…

Mme Paulette Guinchard - Le fonds CMU l’a dit, et le ministre lui-même l’a reconnu !

M. Philippe Vitel - …parce que lorsqu’on met en cause les professionnels, il faut s’appuyer sur des preuves. Il est très grave d’en arriver à parler de cette façon.

La comparaison entre le public et le privé a aussi été évoquée, mais c’est plutôt le rapprochement qui nous intéresse. La T2A est là pour cela, et j’apprécie fortement que le ministre ait insisté pour que le seuil de 50 % soit appliqué en 2008. Quant aux étudiants, il y a bel et bien un problème, et un amendement de Richard Mallié permettra de commencer à y répondre. Nous en reparlerons lors de la discussion des articles et ne tarderons pas à trouver des solutions.

Je ne vois dans rien de cela un motif de retourner en commission et je demande donc à mes amis du groupe UMP de ne pas suivre cette requête (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Luc Préel - Nous attendons tous avec impatience de passer à la discussion des articles de ce projet de loi qui permettra de financer les soins des Français, leurs retraites et la politique familiale. Il est vrai que la commission a beaucoup travaillé, mais c’était souvent un peu vite. Lors des auditions, on a peu de temps pour poser des questions et les réponses sont en général succinctes. Je regrette beaucoup qu’on n’ait jamais l’occasion de prendre quelques heures pour aller au fond du débat. Comme l’a dit le président, nous avons étudié 220 amendements en quatre heures – 50 à l’heure, un peu plus d’une minute par amendement ! Certes, certains sont des amendements rédactionnels, mais qu’en est-il pour les autres ? Et en séance publique, on dit qu’il n’est pas besoin de reprendre le débat qui a eu lieu en commission… Nos débats mériteraient vraiment d’être mieux préparés.

J’espère donc, Monsieur le ministre, que vous répondrez plus tard dans la discussion aux questions que j’ai posées sans vraiment obtenir de réponse. Le fait est que vous aviez dit qu’après les réformes de l’assurance maladie et des retraites, nous arriverions à l’équilibre en 2007 !

M. le Ministre délégué – En 2009 !

M. Jean-Luc Préel - C’est vous qui avez repoussé l’échéance à 2009 !

Deux questions donc : à propos du FFIPSA, vous avez dit que vous alliez étudier et réétudier les choses. Mais le problème se pose depuis au moins 2005 : on devrait déjà avoir la réponse ! Le Gouvernement pourrait au moins s’engager à payer les intérêts de l’emprunt que vous proposez au FFIPSA ! Ensuite, si l’on a confié à la CADES les déficits antérieurs, qui s’arrêtent en 2006, comment allez-vous financer le déficit de 2007 ? J’ai peur d’avoir compris que vous demanderez aux branches d’emprunter pour financer le déficit actuel. Elles auraient donc des intérêts à rembourser. Cela ne paraît pas une politique très sérieuse. J’espère qu’il n’est pas la peine de retourner en commission pour obtenir des réponses et que nous allons passer au débat, en espérant toutefois que l’Assemblée travaillera un jour dans de meilleures conditions.

Mme Paulette Guinchard - Les arguments de Gérard Bapt suffisent à motiver un renvoi en commission. Je voudrais donc surtout répondre à Philippe Vitel, en faisant seulement remarquer, en écho aux propos de M. Préel, que le temps que la commission a consacré à ce projet de loi est dérisoire, ne serait-ce que par rapport à son montant. Il me semble que les parlementaires devraient s’interroger sur cette question.

Monsieur Vitel, au début de la prochaine séance, je vous présenterai le travail réalisé par le conseil de surveillance du fonds CMU. Il n’accuse pas, il constate. Il a organisé un testing, comme cela se fait ailleurs en matière de discriminations, qui a montré qu’un certain nombre de médecins, et surtout des spécialistes, refusent de donner consultation à des patients de la CMU. J’espère que le ministre répondra, parce que c’est une question primordiale. Comment faire pour que ces spécialistes changent d’attitude ?

M. Philippe Vitel - Le conseil de l’Ordre est là pour ça !

Mme Paulette Guinchard - Il faut retravailler en commission sur ce point, qui est au cœur même de notre système (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Maxime Gremetz – Il y aurait mille raisons pour justifier ce renvoi en commission. La première se trouve dans les conditions du déroulement des travaux de nos commissions, puisque les amendements ont à peine eu le temps d’être vus par les parlementaires – une minute par amendement ! – et ne sont parfois même pas parvenus à des commissions réunies à la hâte justement pour tenter de ne pas tous les voir. Ainsi, l'amendement scélérat de l'UMP qui rétablit l'accord de 2004 sur le temps de travail dans la restauration et l'hôtellerie n'a même pas été examiné en commission ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Door - Vous n’y étiez pas !

M. Maxime Gremetz - Mme Fraysse était là : nous nous répartissons le travail ! Proportionnellement, vous êtes beaucoup moins nombreux !

Enfin, lors de ces commissions, les amendements qui ont pu arriver jusqu'aux parlementaires méritent qu'on y regarde à deux fois et que des débats de fond se tiennent sur certains d'entre eux. Je pense tout particulièrement à l'amendement scandaleux du Gouvernement qui porte le numéro 442.

Sous couvert de lutte contre la fraude, objectif que nous partageons tous, vous vous livrez à une véritable remise en cause du droit aux prestations familiales et de solidarité nationale. Vous voyez la fraude partout et chez tout le monde, sauf, bien sûr, lorsqu'il s'agit de la fraude fiscale des grands argentiers ou financiers qui multiplient les arrangements entre amis fortunés. Sur cette délinquance financière des « patrons voyous », en haut lieu, dans les sphères financière et industrielle qui jouent dans une autre cour, vous fermez les yeux et ne dites rien.

Vous ne dites rien non plus sur les 25,6 milliards de cotisations sociales patronales qui ne servent à rien, et vous ne pipez mot sur les sous-déclarations du patronat à la branche AT-MP, laquelle coûte chaque année plusieurs centaines de millions d'euros à la branche maladie. Rien que pour cette année, ce sont 340 millions qui sont dus à ce titre à l'assurance maladie.

Au lieu de cela, vous êtes prêt à faire des économies sur tout, et de la façon la plus grossière et immorale qui soit. Vous en oubliez le sens commun ! En témoigne votre amendement visant à conditionner le versement des prestations au « train de vie » des allocataires. Ainsi, la prestation ne serait plus versée en raison d'une situation sociale mais en fonction du train de vie. Vous dénaturez du même coup le sens de ces prestations, qui répondent à des droits, à des réparations de préjudices ou à des situations sociales justifiant de mettre en jeu la solidarité nationale. Cela n'a rien à voir avec le train de vie !

Jusqu'où irez-vous dans cet esprit? La traque aux chômeurs, aux étrangers, aux enfants d’étrangers, aux assurés sociaux : cela suffit ! Sortez de cette paranoïa. Regardez le monde qui vous entoure et vous verrez que les délinquants les plus redoutables ne sont pas ceux que vous visez.

Mais vous voulez, par cet amendement, détourner l'attention du véritable pillage de nos richesses nationales qui s’opère au profit des nantis et des privilégiés. En outre, sur quels critères va être apprécié ce fameux « train de vie » ? Vous encouragez la délation et tendez à faire déraper cette société dans une voie extrêmement préoccupante via la généralisation des fichiers, du fichage, des déclarations obligatoires et autres formes de contrôle.

Enfin, les dispositions du paragraphe IV sont stupéfiantes. Vous modifiez l'assiette des revenus pris en compte pour l'attribution de la CMU, alors que ses titulaires connaissent de terribles difficultés pour accéder aux soins et que la fixation du seuil a déjà exclu - pour quelques euros de dépassement – deux millions de personnes âgées et handicapées…

M. Denis Jacquat , rapporteur de la commission des affaires culturellesÇa, c’est la gauche qui l’avait décidé !

M. Maxime Gremetz - Mais là vous allez en exclure plus de deux millions ! Comme le dirait avec moi l'Abbé Pierre (Exclamations sur divers bancs), cet amendement est indigne de la France et justifie, à lui seul, le renvoi du texte en commission.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à 20 heures 5.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
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