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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 2 novembre 2006

Séance de 15 heures
16ème jour de séance, 32ème séance

Présidence de M. Maurice Leroy
Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

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loi de finances pour 2007 – Seconde partie – (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007.

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action extérieure de l’État

M. le Président – Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’action extérieure de l’État.

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial de la commission des finances Je voudrais commenter ce projet de budget sous trois angles qui permettront aussi de brosser le panorama du travail accompli par le Quai d’Orsay sous cette législature. Première question : le ministère a-t-il su négocier le virage de la modernisation ? Oui. D’abord, il a conclu un contrat de modernisation pour les années 2006 à 2008, premier du genre signé avec la direction du budget, et très ambitieux, notamment en termes de réduction des dépenses de personnel.

M. Jacques Myard – C’est inadmissible !

M. le Rapporteur spécial – Cette année par exemple, les dépenses de personnel seront réduites de 1,45 %.

M. Jacques Myard – Scandaleux !

M. le Rapporteur spécial – C’est un effort particulièrement important compte tenu de l’ampleur des missions du Quai d'Orsay.

Ensuite, le ministère s’est préoccupé de ses missions « non nobles », c’est-à-dire non diplomatiques. Ainsi, alors que la gestion de son important patrimoine immobilier n’était pas jusqu’à présent un axe de performance, il s’est investi depuis trois ans dans cette mission. Plusieurs cessions ont été réalisées, souvent dans des conditions très favorables. La dernière qui a eu lieu à Monaco, dans le cadre d’une collaboration originale entre la direction des services fiscaux des Alpes-maritimes et celle des affaires immobilières du Quai d'Orsay, a permis de dégager une plus-value record.

Enfin, le Quai d'Orsay a mené une réflexion sur ses métiers. Il a considéré par exemple que la formation de ses diplomates ne les rendait pas aptes à s’occuper de ces cessions immobilières et a conclu un contrat avec un réseau mondial pour s’en occuper. J’encourage le ministère à poursuivre cette démarche remarquable. Il a aussi sous-traité la procédure de demande de rendez-vous pour les visas. Chaque année, la France délivre environ deux millions de visas, activité pour laquelle le ministère s’est fixé des objectifs de rapidité et d’efficacité. Il fallait donc mieux gérer la liste des demandes. Une procédure de prise de rendez-vous a été créée, que le Quai d'Orsay sous-traite à des agences spécialisées dans chaque pays – il ne s’agit bien sûr que de gérer le calendrier, pas l’instruction des dossiers.

Il reste toutefois deux points à perfectionner. En ce qui concerne le réseau, dans l’espace Schengen, il y a encore des efforts à accomplir : j’ai repéré onze consulats dont la fermeture ne nuirait en rien et permettrait un redéploiement du personnel vers des destinations plus stratégiques. Quant à la procédure de délivrance des visas, après avoir procédé à un examen approfondi dans plusieurs consulats généraux, j’ai formulé des propositions d’amélioration, et je vous remercie d’avoir bien voulu en retenir quelques-unes très rapidement. Pour le reste, vous avez lancé une mission qui rendra ses conclusions vers le 15 décembre : l’instruction des demandes de visas peut être améliorée encore, surtout pour éviter des détournements de procédure.

Seconde question : le Quai d'Orsay suit-il une stratégie cohérente avec ses missions ? L’expérience et l’histoire le prouvent : le Quai d'Orsay excelle dans les missions diplomatiques, et son personnel est particulièrement performant. Quant aux missions d’influence, il peut s’appuyer sur un réseau de 429 écoles et lycées, dont 255 en gestion directe ou en contrat avec l’agence pour l’enseignement français à l’étranger. Ainsi, 235 000 élèves font partie d’un réseau d’éducation en langue française, ce qui représente une influence considérable. Cette année, Monsieur le ministre, le budget de l’AEFE a été augmenté de 4,6 millions : je salue cet effort particulièrement important dans une période de restrictions budgétaires, sachant en outre que la régulation opérée cette année n’a pas concerné l’agence. Le ministère peut compter aussi sur le réseau des instituts culturels français et des Alliances françaises ainsi que sur un réseau associatif important, qui concourent au développement de la francophilie. Je tiens à saluer la création de l’agence Cultures-France, qui regroupe l’association pour l’action artistique et l’association pour le développement de la pensée française, et qui est dotée de 9 millions.

En ce qui concerne l’appui économique, de nombreux rapports ont dessiné une situation idéale, qui consisterait à faire fonctionner ensemble la mission économique, désormais incluse dans la direction générale du Trésor et de la politique économique, et les services du Quai d'Orsay. Je voudrais souligner l’importance de l’action des consulats d’influence, même s’ils pourraient être mieux déployés. Par exemple, il ne me semble pas utile, en Belgique, de conserver des consulats d’influence à Liège ou à Anvers.

M. Jacques Myard – Je crois rêver !

M. le Rapporteur spécial – Il s’agit plutôt de redéployer leurs moyens. Je pense par exemple à la Russie et, en particulier, au consulat d’Ekaterinbourg. Il me semblerait utile d’ajouter à ses missions traditionnelles la délivrance de visas, ce qui contribuerait à soulager notre centre de Moscou, particulièrement sollicité.

Troisième réflexion : le Quai d’Orsay a-t-il les moyens financiers de sa stratégie ? Il dispose de 2,26 milliards en crédits de paiement et de 2,56 milliards en autorisations d’engagement, ce qui représente une progression de 3,28 % cette année. Le programme « Français à l’étranger et Étrangers en France » progresse de 4,4 % ; le programme « Action de la France en Europe et dans le monde » progresse quant à lui de 3,66 % ; enfin, le programme « Rayonnement culturel et scientifique » progresse de 1,69 %.

Trois points, néanmoins, oblitèrent un peu le développement de l’influence française dans le monde. Les crédits des bourses linguistiques baissent de 12,8 %, ceux des missions d’experts de 9,8 %, et enfin ceux de l’agence Édufrance de 20 % – il est vrai que les montants en jeu sont minimes. Il me semble néanmoins qu’à l’occasion de la redéfinition des missions de cette agence, son enveloppe devrait être maintenue ou développée.

On constate depuis plusieurs années un véritable engouement pour la création de centres culturels franco-allemands. Si celui de Ramallah est un bel exemple, compte tenu de la situation en Palestine – nous avons d’ailleurs multiplié par quatre notre effort financier –, est-il utile de créer un institut à Moscou parce que nous avons trouvé un bon accord avec un Biélorusse permettant de disposer d’un immeuble en plein centre ville ? S’il peut être utile que les visas Schengen soient traités en commun, il me semble que la culture mérite un traitement particulier.

M. Jacques Myard – C’est évident.

M. le Rapporteur spécial – Cela dit, la commission des finances a voté ce projet de budget à l’unanimité.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le rayonnement culturel et scientifique Sur les crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique », je me bornerai, Monsieur le ministre, a vous faire part des préoccupations de ceux qui contribuent chaque jour au rayonnement de la culture française dans le monde.

Mon attention a tout d'abord été appelée sur la situation difficile de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger. Apparemment, la situation financière de cet établissement s'améliore puisque ses crédits augmenteront de 8 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2006 mais sa situation est beaucoup plus préoccupante : ce sont en effet les familles qui supportent pour l'essentiel le coût du désengagement de l'État. En 2006, les crédits publics affectés à l'AEFE ont diminué de 325 à 323 millions, tandis que les dépenses de cet établissement public sont en constante augmentation. Cette situation est d'autant plus préoccupante que l'AEFE a subi de plein fouet la régulation budgétaire. Les 16 millions qui ont été gelés sur la subvention 2006 pourront-ils être dégelés ? De plus, l'AEFE ayant reçu des compétences directes sur son parc immobilier, et aucune dotation n'étant prévue à ce titre, il faudra prélever les crédits nécessaires sur son fonds de roulement.

M. Michel Laurencin, président de la Fédération des professeurs de français résidant à l'étranger, a comparé le coût, pour l'État, d'un élève français scolarisé en France et à l'étranger : en moyenne, le coût d'un élève de l'AEFE représente environ 41 % de celui d’une scolarisation en France. Dans ces conditions, que penser des engagements souscrits par deux présidents de la République successifs tendant à établir l'égalité entre les Français de France et les Français à l'étranger ?

En 1990, lors de la création de l'AEFE, la part de l'État dans le financement de cet établissement public était de 60 % ; elle n’est plus que de 40 % aujourd’hui. Le financement est donc assuré à hauteur de 60 % par les parents d'élèves. On constate une augmentation progressive de la participation des familles aux dépenses de rémunération des personnels résidents, qui compense la faible évolution de la participation de l'État : entre 1990 et 2000, la participation financière de l'État a augmenté de 67 % tandis que celle des parents d'élèves progressait de 190 % ! Pourriez-vous préciser les moyens dont dispose l'AEFE pour entretenir son patrimoine immobilier et moderniser ses établissements ? Il semblerait que des projets existent pour chercher des financements privés afin d’assurer certains travaux immobiliers : qu'en est-il exactement ?

Après une baisse de 8 % dans la loi de finances pour 2006, les crédits destinés au soutien des échanges scientifiques, techniques et universitaires sont reconduits à hauteur de 43,48 millions. Ils visent à renforcer l'attractivité du territoire auprès des étudiants et des chercheurs étrangers, à promouvoir la science française à l'étranger et à contribuer à la gouvernance et aux échanges techniques. L'évolution de la politique de coopération culturelle, scientifique et technique est très préoccupante. Le nombre de coopérants civils est passé de 23 000 en 1980 à 9 100 en 1990 et 1 300 en 2005. La limitation de la durée du contrat à un an, alors que la durée moyenne d'exécution des projets est supérieure, conduit au départ d'assistants techniques en cours de projet, ce qui suscite l'incompréhension des autorités locales et la frustration des intéressés.

La situation des établissements culturels n’incite pas non plus à l'optimisme. Sous couvert de rationaliser le réseau culturel, 19 centres culturels ont été fermés de 2000 à 2006 et ce mouvement se poursuivra, l'objectif étant par ailleurs d'obtenir un taux d'autofinancement des établissements de 60 % d'ici à 2010 contre 51 % actuellement. Comment les établissements culturels pourront-ils atteindre cet objectif ? Un effort sera-t-il fait pour rechercher du mécénat ou s'agit-il d'augmenter la participation financière des élèves qui suivent des cours de français ?

Issue de la fusion, le 22 juin dernier, de l'Association française d'action artistique et de l'Association pour la diffusion de la pensée française, la nouvelle agence Cultures France a reçu pour mission de valoriser l'action culturelle française à l'étranger, de promouvoir les coopérations en faveur de la diversité culturelle et de contribuer à l'émergence d'une Europe de la culture. Comment votre ministère et le ministère de la culture coopèreront-ils pour la gérer ? Alors que le ministère des affaires étrangères a annoncé un plan de renforcement de l'attractivité internationale de la France, il semble que l'accueil des étudiants étrangers dans notre pays soit toujours problématique. Ce plan prévoit la création de « Campus France » qui devrait prochainement regrouper Édufrance, Égide et les centres pour les études en France. La mise en place de cette nouvelle structure vise à simplifier la présentation de l'offre universitaire, culturelle et scientifique française et à attirer les étudiants étrangers prometteurs. Pouvez-vous nous en dire plus sur la date de création de ce nouvel opérateur ? En quoi l'accueil des étudiants étrangers en France en sera-t-il amélioré ?

Lorsque nous voyageons à l'étranger, nos interlocuteurs ne manquent pas de nous faire remarquer les contradictions de la politique française censé renforcer l'attrait des universités françaises pour les étrangers. En fait, de multiples signaux sont adressés aux jeunes étrangers pour les dissuader de venir étudier en France. La crainte de l'immigration clandestine conduit à une politique très restrictive d’octroi des visas. La complexité des formalités administratives est également très dissuasive.

M. Jacques Myard – Caricature ! Nous n’avons jamais accueilli autant d’étudiants étrangers. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis  Vous savez bien que cela est faux, Monsieur Myard.

Contrairement au discours officiel qui présente les centres pour les études en France comme des guichets uniques destinés à faciliter les démarches des étudiants étrangers désireux de venir étudier en France, leur mise en place s’est traduite par une rigueur accrue dans la délivrance des visas. Ainsi, les étudiants qui souhaitent venir en France apprendre le français pour une durée supérieure à trois mois doivent justifier d'un projet d'études ou d'une inscription dans un cursus d'études supérieures. Ce critère très restrictif ne joue pas, à terme, en faveur de notre langue et de nos universités. Les crédits consacrés aux bourses plafonnent, quant à eux, à 18,4 millions d'euros. Toutes ces données nuancent singulièrement les grandes déclarations du Gouvernement sur l'attrait des universités françaises pour les étudiants étrangers !

Je dirai maintenant quelques mots de la partie thématique de mon rapport, consacrée aux cinq écoles françaises à l'étranger – l'École française d'Athènes, l'École française de Rome, l'Institut français d'archéologie orientale du Caire, la Casa Velazquez de Madrid et l'École française d'Extrême-Orient –, financées non par le ministère des affaires étrangères, mais par le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il s'agit de laboratoires de recherche de haut niveau dans le domaine des sciences humaines, plus particulièrement dans les disciplines utiles à l'archéologie. Très anciennes – l'École française d'Athènes date par exemple de 1846 –, ces institutions sont très bien intégrées dans leur pays d'accueil. Elles mènent des activités de recherche, accueillant à la fois des chercheurs recrutés par concours et des stagiaires, et gèrent les sites de fouilles – l'École française d'Athènes en réalise non seulement en Grèce, mais aussi en Bulgarie et en Albanie. Elles octroient également des bourses.

Si j’ai choisi dans mon rapport d'aborder la question de l'avenir de ces cinq établissements, c’est qu’il m'a paru intéressant de réfléchir au rôle qu’ils peuvent jouer pour le rayonnement de la culture française ainsi qu’à leur positionnement vis-à-vis du réseau diplomatique. M’étant rendu en septembre à l'École française d'Athènes, j'ai pu constater combien cet établissement prestigieux contribue au rayonnement de la culture française en Grèce, et est un acteur clé de la politique de coopération culturelle entre les deux pays.

Soucieux de préserver leur vocation première qui est de mener des travaux de recherche de haut niveau, ces établissements tiennent à leur autonomie. Héritiers d’une longue tradition d’érudition, ils cherchent à moderniser leur gouvernance, ce à quoi la Cour des comptes les aide. Ils entretiennent depuis longtemps des relations très étroites avec les autorités locales dont ils dépendent pour obtenir les autorisations de fouilles. Certaines de ces écoles ont mis en place de véritables partenariats avec le ministère de la culture de leur pays d’accueil et jouent un rôle important dans la mise en valeur touristique des chantiers de fouilles. Cette valorisation du patrimoine culturel local, commune aux cinq écoles, a pu revêtir un sens particulier dans les pays ayant reconquis leur souveraineté après la décolonisation. Les chercheurs des écoles françaises ont ainsi pu aider les jeunes nations à se réapproprier leur passé.

Je me suis interrogé dans mon rapport sur la manière d’améliorer la coopération entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l’éducation nationale pour mieux faire connaître les travaux de ces cinq écoles et en faire de véritables ambassadeurs de la recherche en archéologie. Je suggère ainsi que le ministère de l’éducation nationale, qui exerce la tutelle de ces établissements, soit représenté à la commission qui attribue chaque année les crédits de fouilles. Il est important que les deux ministères se concertent pour décider de l’opportunité de fermer certains chantiers car la reconduction d’année en année de crédits pour des chantiers ne présentant plus grand intérêt en empêche d’autres de s’ouvrir. Des synergies pourraient également être trouvées entre les 27 centres dépendant du ministère des affaires étrangères, dont certains ont une activité d’archéologie, et le réseau des écoles françaises à l’étranger. Concluant sur ce sujet, je tiens à redire mon admiration pour ces cinq prestigieuses institutions qui participent au rayonnement culturel de notre pays et offrent, par leurs relations avec le CNRS et nos universités, une belle image de la recherche publique française.

Il me revient enfin d’informer l’Assemblée que la commission des affaires culturelles ne m’a pas suivi et a donné un avis favorable aux crédits du programme Rayonnement culturel et scientifique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères Les crédits du ministère des affaires étrangères augmentent de 3,8 % en 2007, ce dont il faut se féliciter. Pour autant, on est frappé par l'apparente contradiction entre, d'un côté, l'extrême modestie des moyens que l'État consacre à sa diplomatie et, de l’autre, les ambitions traditionnellement affichées par les plus hautes autorités de l'État pour la politique internationale de la France.

Toutes missions confondues, les crédits du ministère des affaires étrangères s'élèvent, pour 2007, à 4,5 milliards d'euros, soit 1,7 % du budget général de l'État et 0,21 % du PIB. En euros constants et à périmètre budgétaire inchangé, hors crédit du FED, ce budget a légèrement diminué depuis cinq ans, passant de 0,23 % du PIB en 2003 à 0,21 % en 2007. Ce n'est pas la diplomatie française qui creuse le déficit de l'État !

M. Jacques Myard – Pour sûr !

M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis – Au contraire, le ministère des affaires étrangères a contribué chaque année à la maîtrise des dépenses publiques. Depuis 1993, son budget a baissé d'environ 1 % par an – en euros constants et à périmètre inchangé. Or, au cours de la présente législature, les contributions aux organisations internationales ont plus que doublé, passant de 772 millions en 2002 à 1 759 millions en 2007, soit de 20 % à 39 % du budget du ministère en cinq ans. Les crédits d’aide publique au développement ont eux aussi fortement augmenté, comme l'a rappelé notre collègue Godfrain avant-hier. Les crédits dévolus à la délivrance de visas et à l'examen des demandes d'asile ont également progressé de façon très significative. En revanche, sur la même période, les dépenses de fonctionnement et de personnel ont fortement baissé, passant du tiers au quart du budget total du ministère. Je ne crois pas qu'aucun autre ministère ait consenti un pareil effort. C’est dire que durant les cinq dernières années, une grande partie des ressources nouvelles du ministère ont été obtenues grâce à des gains de productivité. Vous pouvez être satisfait de ce bilan, Monsieur le Ministre, et fier de diriger une administration qui a su faire preuve d’une telle capacité d'adaptation. Dans la politique de modernisation de l'État, le Quai d'Orsay occupe l’un des tout premiers rangs et je souhaite que, par ma voix, vos équipes sachent que l'Assemblée Nationale en est consciente et heureuse.

Je souhaiterais évoquer ici le contrat de modernisation adopté le 18 avril dernier au terme de longues discussions entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'économie et des finances. Ce contrat qui couvre les années 2006, 2007 et 2008, comporte quatre accords « de gestion », convenus entre les deux ministères. Le premier vise à protéger le ministère des affaires étrangères contre le risque de change, sujet récurrent de préoccupation du Quai d'Orsay.

Le second accord engage le ministère des finances à remonter progressivement à un niveau réaliste le montant des crédits dédiés aux opérations de maintien de la paix. En 2005, 136 millions étaient inscrits à ce titre au budget, alors que la dépense réelle a été de 251 millions. En 2006, 136 millions ont été inscrits, alors que la dépense devrait atteindre au moins 280 millions, hors FINUL 2. Pour 2007, une première étape de « rebasage » portera les crédits à 186 millions. C'est un progrès – certes modeste, puisque le ministère s'attend à une dépense réelle de 350 millions, hors FINUL –, mais capital, puisque, chaque année, une partie significative des crédits manquants était trouvée par redéploiement.

Le troisième accord concerne les investissements immobiliers à l'étranger. Un montant fort modeste de 7,9 millions par an figure au budget des trois années à venir, en contrepartie de quoi la totalité du produit des cessions immobilières effectuées dans les postes à l'étranger sera affectée aux investissements immobiliers du ministère.

Enfin, le dernier accord garantit au ministère que la moitié du produit des recettes de visas resteront dans les caisses du ministère, contre 35 % actuellement – incitation concrète à améliorer la productivité de cette activité.

Le ministère s'est par ailleurs engagé à mener à bien seize réformes structurelles qui vont de la gestion de l'encadrement supérieur à la politique des achats et à la simplification des démarches consulaires. Il a également convenu d'examiner les doublons entre ses propres postes et les implantations de l'Agence française de développement dans les pays bénéficiaires de l'aide publique au développement.

Ce contrat est donc bien essentiel pour la modernisation de la gestion du ministère. Il sert les intérêts financiers de celui-ci tout en ouvrant de nouvelles pistes pour améliorer la productivité. C'est sur cette base qu'a été élaboré le budget 2007 et que le sera, sans nul doute, le budget 2008.

C’est dans les dépenses de fonctionnement et de personnels que réside l'essentiel des capacités du ministère à faire des économies et à dégager des ressources nouvelles. C'est en tout cas ce qui s'est passé depuis quinze ans de manière quasi-constante, avec des résultats impressionnants – la question étant toutefois de savoir jusqu’où on peut aller dans cette voie.

S’élevant pour 2007 à 272 millions, les dépenses de fonctionnement hors personnel ne forment que 6 % du budget du ministère, au lieu de 9 % en 2002. La tendance est la même pour les dépenses de personnel : de 1994 à 2005, les effectifs du ministère sont passés de 10 137 personnes à 9 141, soit une réduction de 10 %. Dans la même période, les effectifs budgétaires civils de l'État ont augmenté de 5,3 %. Autrement dit, si, pendant ces douze ans, les autres administrations publiques avaient fait preuve du même esprit de rigueur que le Quai d'Orsay, les effectifs de l'État auraient été réduits de 250 000, au lieu d'augmenter de 125 000. La différence est de près de 400 000 !

M. Jacques Myard – Très juste !

M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis Le contrat de modernisation prévoit la poursuite de ce mouvement, avec 257 équivalents temps plein supprimés en 2007.

Mes chers collègues, cet exercice a nécessairement ses limites, qui tiennent à la volonté – ou non – de réorganiser notre réseau diplomatique. À réseau constant, on ne pourra guère aller plus loin, sauf à avoir des ambassades sans diplomates, des consulats sans consuls et des centres culturels sans personnels. Si l'on s'en tient aux données fournies par le ministère, cette réorganisation est en cours : en dix ans, le nombre des ambassades est passé de 151 à 156, celui des consulats de 116 à 94 et celui des centres culturels de 176 à 144, ces mouvements exprimant des choix politiques que l’on pourrait discuter.

Quant au Comité interministériel des moyens de l'État à l'étranger, ressuscité en juillet dernier après dix ans d'oubli, il a décidé de redéployer 1 500 postes sur trois ans, soit 500 par an, ce qui est considérable, en fonction des nouvelles priorités de la politique étrangère française, notamment en Asie.

Monsieur le ministre, ce qui ne fait pas de doute, c'est votre volonté d'adapter le réseau diplomatique aux réalités du temps et de le gérer avec une grande économie de moyens. Toutefois, ce qui manque, c'est une vision d'ensemble dans une perspective pluriannuelle. Nous recommandons que vous puissiez disposer, dans la perspective du prochain budget, d'un plan à trois ou cinq ans, établissant la future configuration de notre réseau diplomatique et les étapes pour y parvenir, avec des indications précises, pays par pays et zone par zone, sur les moyens engagés ou redéployés. C'est la condition nécessaire pour que la maîtrise de vos crédits dégage de véritables gains de productivité, permettant à notre ministère de maintenir des objectifs ambitieux à un moindre coût, plutôt que le rétrécissement pur et simple de la voilure de notre diplomatie.

Ultime observation au chapitre de la bonne gestion du ministère : les grandes opérations immobilières sont abandonnées – à l’exception du projet de campus diplomatique à Pékin –, au profit d’opérations plus modestes et de financements « innovants ». Notre commission souscrit pleinement à ces orientations. J'espère cependant, Monsieur le ministre, que vous pourrez apporter à la représentation nationale des nouvelles rassurantes à propos du projet de Pékin – qui n'en finit pas d'être exprimé au futur – et de celui de Tokyo, pour lequel nous aimerions disposer d’un calendrier d'exécution.

Je conclus avec trois observations qui concernent plus spécialement la mission Action extérieure de l'État. La première concerne les contributions aux organisations internationales. La France fait désormais un effort important pour respecter ses engagements en la matière – il n'en avait pas toujours été ainsi, mais c’est dans la logique de notre option en faveur du multilatéralisme. Il nous en coûtera, en 2007, près de 600 millions. Compte tenu de ce montant élevé, il serait souhaitable que le ministère exerce un contrôle vigilant sur l'emploi de ces fonds, et il ne serait pas forcément de mauvaise méthode que notre commission des affaires étrangères y soit associée. Il s'agit d'être sélectifs sur nos efforts, attentifs à la prévalence de nos intérêts, soucieux, lors des nominations, de promouvoir des candidatures françaises, etc. Je sais que vous y êtes sensibles, mais j'aimerais être certain qu'un dispositif spécifique sera mis en place à cet effet.

Ma seconde observation concerne la politique des visas. La loi du 24 avril 2003 a décidé de recourir aux techniques de la biométrie pour l'identification des bénéficiaires. Mais il a fallu attendre 2005 pour en décider la généralisation à tous les consulats d'ici à 2008. Las, cet objectif est d'ores et déjà hors d'atteinte. Qu'il s'agisse des locaux d'accueil, des besoins en personnel ou de la nécessité de former nos agents à ces nouvelles techniques, les retards s'accumulent. En 2006, 35 consulats devaient être équipés : 21 le seront, dans le meilleur des cas. Pour 2007, malgré la hausse réelle des crédits, vos services ne semblent pas capables de fixer des objectifs précis, ni même de préciser quels consulats seront opérationnels. Tout cela est bien inquiétant. Il s’agit en effet d’une affaire sérieuse, car il y va de l'efficacité de notre politique de contrôle de l'immigration. J'aimerais vous entendre à ce sujet.

Ma troisième et dernière observation concerne les crédits dédiés à la gestion du droit d'asile. Je note avec satisfaction que les demandes d'asile sont en baisse sensible depuis trois ans, et l’on constate une réduction importante des délais d'examen des demandes. Il semble du reste qu'il y ait un lien de cause à effet entre ces deux données, puisque c'est l'accélération des procédures qui a conduit à réduire le nombre des demandes. Mais, dès lors, comment peut-on à la fois fixer un objectif encore plus ambitieux de réduction des délais d'examen – à soixante jours devant l'OFPRA et quatre-vingt dix jours devant la Commission de recours – tout en réduisant de 10 % les crédits affectés à cette action ? Il y a là un mystère que notre commission n’a pas su résoudre et sur lequel nous serons heureux de vous entendre.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères a donné un avis favorable au projet de budget concernant la mission Action extérieure de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour le rayonnement culturel et scientifique – Le programme consacré au rayonnement culturel et scientifique de la France concerne la coopération avec les pays développés dans les domaines culturel, scientifique, technique et universitaire. Doté de 526 millions, il représente environ le quart des crédits de la mission Action extérieure de l'État. Son périmètre a sensiblement évolué par rapport à l'an dernier, puisqu'il inclut désormais les crédits de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ; par contre, il ne comprend plus les crédits de l'audiovisuel extérieur, regroupés dans un programme spécifique, débattu au sein de la mission interministérielle Médias.

Le programme 185 se limite aux pays non éligibles à l'aide publique au développement, dont la liste, établie par l'OCDE, varie d'une année sur l'autre. Cette distinction entre les pays bénéficiaires de l'APD et les autres n'est pas pertinente au regard de la politique culturelle et crée une rigidité inutile. En réalité, les lignes de partage sont ailleurs : je pense en particulier à la nécessité d’arrêter une stratégie durable pour les pays émergents comme la Chine, l'Inde, le Brésil et la Russie. La France a plus que jamais une carte à jouer dans ces pays, et elle doit se donner les moyens d'aller à la conquête de nouveaux publics qui ne sont pas, par tradition, dans notre sphère d'influence.

La politique de rayonnement culturel et scientifique de la France s'appuie sur un réseau d'établissements culturels parmi les plus denses au monde. Ce réseau de centres culturels, d'instituts français, d'alliances françaises et de centres de recherche représente un atout que beaucoup nous envient. Cela étant, notre dispositif doit évoluer, notamment en Europe. Depuis 2002, une dizaine de centres culturels ont été fermés sur le territoire de l'Union : 22 des 52 établissements culturels que comptait le réseau en 1994 dans l'Europe des Quinze ont été fermés. L'adaptation de notre réseau n'est pas toujours facile à mettre en œuvre, mais elle est nécessaire. Toutefois, elle ne doit pas répondre à une logique exclusivement comptable. Pour mémoire, la subvention que verse chaque année l'État à l'Opéra de Paris est cinq fois plus importante que le coût de fonctionnement de l'ensemble du réseau culturel français en Europe. Pardon pour cette comparaison, mais je la crois significative.

L'évolution de la carte de nos implantations devrait aller de pair avec une unité d'appellation de nos structures. À l'instar du Goethe Institut ou du British Council, la France devrait disposer d'une marque de fabrique, d'un label facilement identifiable, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Je suggère que l'on réfléchisse à l'appellation de Maisons de la France.

Indépendamment des structures, l'évolution de la carte des implantations pourrait s'accompagner d'une européanisation des missions de notre réseau. Au moment où la construction européenne marque un coup d'arrêt,…

M. Jacques Myard – Tant mieux !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis – …la valorisation des cultures nationales devrait aller de pair avec la contribution à la formation d'une identité culturelle européenne. À cet effet, ce qui existe déjà à travers les centres culturels franco-allemands pourrait progressivement être ouvert à d'autres pays de l'Union.

Rayonnement culturel et scientifique : la formulation est ambitieuse ! Mais que recouvre-t-elle exactement ? Comment se mesure notre rayonnement ? Avons-nous des raisons de céder au discours ambiant sur le déclin de notre pays ? Comme dans tout bilan – et cette fin de législature s'y prête – il y a du bon, et du moins bon.

Permettez-moi de commencer par ce qui me paraît le plus préoccupant : la situation de notre langue dans le monde, en particulier en Europe. L'usage du français régresse et les crédits consacrés à la coopération linguistique aussi. Depuis 2002, ils ont diminué de 23 % en euros constants. En dix ans, le nombre d'Européens qui apprennent le français a reculé de près de 15 %. Quant à l'usage de notre langue au sein des institutions européennes, il tend à devenir marginal. Les derniers chiffres publiés par la Commission européenne révèlent crûment le décrochage brutal de l'utilisation du français à Bruxelles. En 2005, seuls 16 % des documents de la Commission ont fait l'objet d'une rédaction d'origine en français, contre 29 % en 2002 et 38 % il y a dix ans. Je prends acte des efforts déployés par le Gouvernement et du plan de relance du français qui a été présenté au printemps dernier, lequel prévoit notamment la formation de 10 000 professeurs de français dans le monde. Mais, ces mesures suffiront-elles à inverser la tendance ? Espérons le !

Comment évoquer la langue française sans parler de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ? Les établissements scolaires français à l'étranger scolarisent de plus en plus d'élèves : selon des données encore provisoires, ils étaient 163 500 lors de la dernière rentrée. En quinze ans, les effectifs ont donc progressé de 10 %. Cependant, le budget de l'AEFE est loin d'avoir connu une telle progression. Pour tout dire, il a baissé en euros constants, alors qu'au même moment, l’agence recevait de nouvelles compétences concernant l'entretien des établissements. La densité du réseau de l'AEFE, présent sur les cinq continents, constitue un atout dont aucun autre pays au monde ne peut se prévaloir. Il s'agit d'un outil essentiel au rayonnement culturel et linguistique de notre pays, si l'on veut bien considérer que c'est au sein des lycées français que se joue le rayonnement durable de la France dans le monde. Or, en 2006, l'État a versé une subvention de 324,3 millions à l'AEFE, soit à peine plus de la moitié du budget de l'établissement public, lequel dépend donc pour une part croissante des droits de scolarité acquittés par les familles.

Et si l’on affiche pour 2007 une augmentation de 8 millions, cette présentation est trompeuse car l’agence a subi de plein fouet la régulation budgétaire : 16 millions sont toujours gelés par Bercy au titre de 2006, de sorte que l'AEFE ne pourra atteindre l'équilibre qu'au prix d'un prélèvement de 44,7 millions sur son fonds de roulement – de 63 jours de fonctionnement à la fin de 2005, celui-ci ne représente plus que 24 jours de fonctionnement. L'AEFE est, en quelque sorte, victime de sa bonne gestion…

M. Gérard Bapt – C’est alarmant !

M. François Rochebloine , rapporteur pour avis – In fine, ce sont les parents d'élèves qui font les frais de la régulation budgétaire.

La commission des finances a adopté un amendement qui prévoit de rattacher les crédits relatifs aux bourses scolaires et aux bourses d’excellence gérés par l’AEFE, soit 49 millions d’euros, au programme Français de l’étranger et étrangers en France. Je ne peux que m’opposer à tel amendement, car nous reviendrions sur la décision prise l’an dernier de transférer intégralement les crédits de l’AEFE au programme Rayonnement culturel et scientifique.

Scinder ainsi la subvention de l’AEFE entre deux programmes compliquera la gestion des crédits, et cela risque à terme de limiter les montants consacrés aux bourses. Contrairement à ce qu’indiquait le premier exposé des motifs de l’amendement, maintenant corrigé, je précise que l’AEFE ne bénéficie pas qu’aux seuls Français : à la différence des bourses scolaires, les bourses d’excellence sont exclusivement réservées aux élèves étrangers. Ces crédits participent donc au rayonnement culturel et scientifique de notre pays, et ils ont tout naturellement leur place au sein du programme 185.

Sous réserve de ces observations, la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Action extérieure de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en venons à la discussion générale.

M. Patrick Braouezec – Le budget du ministère des affaires étrangères augmente de 3,8 %, et devrait s'élever à 4,5 milliards d'euros dont 1,4 milliard pour le programme Action de la France en Europe et dans le monde. Nous pourrions nous en réjouir, d'autant plus que la contribution française aux organisations internationales augmente de 60 millions, dont 50 pour les opérations de maintien de la paix. Le maintien de la paix mérite largement cette augmentation, mais il y aurait beaucoup à dire sur les interventions internationales de la France.

Alors que ces opérations sont régies par les normes impératives du droit international, la France a usé de son statut de membre permanent au Conseil de Sécurité pour s'ingérer dans la politique intérieure de pays africains, notamment en Côte d’Ivoire. Notre pays s’est en effet servi du Conseil de sécurité pour abroger les normes constitutionnelles d'un État souverain, ce qui ne contribuera pas au renforcement et à la transparence des institutions démocratiques ivoiriennes, mais obèrera plutôt les chances de construire la paix. Comment la France a-t-elle pu faire adopter des dispositions constitutionnelles relatives aux compétences du premier ministre ivoirien ? Quelle serait notre réaction si le Conseil de sécurité décidait d’abroger nos institutions démocratiques pour imposer un président et délimiter ses compétences ?

Et qu’avons-nous fait contre la guerre qui a ravagé une grande partie du Liban durant cet été ? Nous nous sommes montrés incapables de faire respecter les principes que nous avons signés ! Israël continue en effet de violer quotidiennement la résolution 1701, par exemple lors du raid du 19 août dans la partie orientale du Liban, qui a été dénoncé par le rapport du secrétaire général des Nations unies comme une violation de la cessation des hostilités. C’est qu’il n’existe aucune volonté ferme de faire respecter une décision juridiquement contraignante. Chaque situation a ses spécificités mais on ne peut que s'étonner que l’on continue à faire deux poids, deux mesures.

Au lieu de participer à des opérations de maintien de la paix dont les contours sont imprécis, la France ferait mieux d’oeuvrer pour faire respecter les notions les plus établies du droit international, alors que l'interdiction du recours à la force armée s’érode avec le développement de la « guerre préventive ». C'est la nature même de tout le système de sécurité collective, de la coopération et de l'ordre international qui est en jeu.

J’ajoute que la France aurait dû demander que la FINUL soit installée non seulement au sud Liban, mais aussi au nord d'Israël. N'oublions pas que de multiples violations de l'espace aérien et maritime libanais ont eu lieu depuis 2000, c’est-à-dire bien avant l'enlèvement de deux soldats – sur le territoire libanais. Notre gouvernement aurait dû faire la différence entre l’agresseur et l’agressé, et respecter les normes impératives du droit international. Au lieu de s'ingérer dans les affaires d'États souverains et de dépenser l'argent public pour de telles actions, la France devrait œuvrer au règlement pacifique des différends, à la coopération internationale et au développement.

Autre exemple, celui des territoires palestiniens, où la France ne tient pas compte de ses obligations au regard du droit international. Je rappelle que la construction du mur d'annexion a été déclarée illégale par la Cour internationale de justice, le 9 juillet 2004, et que l'Assemblée générale des Nations unies a enjoint à l'État d'Israël de se conformer à cet avis, le 20 juillet suivant. Il revient aux États parties de faire respecter les normes du droit international, mais le Gouvernement n’a rien fait en ce sens, alors que notre pays est signataire de la IVe Convention de Genève et de ses protocoles !

Nous nous honorerions d’être le fer de lance du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et d’œuvrer pour la reconnaissance des droits du peuple palestinien, qui ont été reconnus par de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité. Il est temps que l'État palestinien naisse et que l'occupation israélienne cesse ! J’ajoute qu’on pourrait demander des comptes aux compagnies françaises qui ont remporté le contrat de construction du tramway de Jérusalem : elles semblent avoir ignoré que le tracé d'une partie de ce tramway remet en cause le statut de Jérusalem, future capitale de l'État palestinien. Parce qu’il dépasse la ligne verte, ce tramway réduit les chances de succès du processus de paix. Et pourtant, c’est l'État qui a favorisé l'obtention de ce contrat, au prix d’une violation du droit international.

Chacun voit bien l’orientation politique des opérations de maintien de la paix, qui tendent trop souvent à faire deux poids, deux mesures, et sont essentiellement décidées par les États-Unis. Vous augmentez certes les crédits affectés à ces opérations mais est-ce un bien si la paix se mesure à l'aune de « l'axe du bien », au détriment du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, du droit des États à jouir de leur souveraineté, du droit des peuples à disposer de leurs propres ressources naturelles et à choisir librement leur système politique ? Ces opérations de la paix ne font qu’imposer la loi du plus fort en violant les normes impératives du droit international. Elles font courir un grave danger à l'ensemble de l'humanité, car elles ne garantissent aucunement le maintien de la paix, mais favorisent plutôt la dérégulation des relations internationales.

J’en viens à l'aide publique au développement, qui devait se porter, selon le calendrier annoncé en 2002, à 0,5 % du revenu national brut d'ici à 2007, et à 0,7 % d'ici à 2012, suivant en cela une recommandation de l'ONU. Il est vrai que l'APD a représenté 0,47 % du PIB en 2005, mais la qualité de l'aide est toute aussi importante que sa quantité. Or, une fois de plus l’augmentation constatée n’est qu’un trompe-l'œil. Si la France se classe en tête des pays européens pour la part de sa richesse nationale consacrée à l'APD, elle ne dégage que peu de ressources nouvelles pour financer le développement. L’augmentation actuelle résulte avant tout d’annulations de dettes décidés au niveau multilatéral. Ces annulations, qui représentent 40 % de l'APD française en 2003, relèvent en majorité d'un simple effacement comptable de créances impayables : les pays bénéficiaires étaient tombés dans la spirale du surendettement et se trouvaient dans l'incapacité de payer leur dû. Ces annulations n’auront donc qu’un effet très limité pour les pays « bénéficiaires ».

J’ajoute que la France comptabilise toujours dans son APD certaines dépenses destinées aux territoires d'outre mer ainsi que des crédits affectés au rayonnement culturel et à la diffusion du français à l'étranger. L'APD « réelle » de la France ne progresse donc pas et ne représente que 60 % de son APD officielle ! L’aide française souffre également d’un certain déficit de crédibilité, qui résulte du manque de lisibilité et de transparence des dispositifs adoptés, de la faible prévisibilité des flux et de l’absence de coordination avec les autres donateurs.

Il serait donc temps que la France augmente son APD « réelle » pour atteindre l’objectif de 0,7 % du PIB. Pour y parvenir, nous pourrions instaurer des taxes internationales de nature à responsabiliser les Etats, les entreprises privées et les institutions financières, au lieu de porter uniquement sur les individus. Ainsi, nous ferions bien d’instituer une taxe sur le kérosène, et non sur les billets d'avion… Je rappelle que notre groupe s'est abstenu sur cette dernière mesure. Nous devrions également taxer les flux de capitaux, tout en recentrant la politique française de coopération sur les objectifs de lutte contre la pauvreté et de respect des droits humains fondamentaux. Pour cela, nous pourrions consacrer au minimum 20 % de notre APD au financement des services sociaux de base.

S’agissant de la maîtrise des flux migratoires, il me semble que cette politique n’est envisagée que sous l’angle comptable. Croyez-vous vraiment que l’affectation de 16 millions d'euros à la création des visas biométriques répondra à la demande des millions de personnes qui sont chassées de leur pays par la guerre, la famine ou la pauvreté extrême ? S’il peut être en effet nécessaire de sécuriser le traitement des passeports, cela ne doit pas se faire au détriment de tous ceux qui demandent asile à la France ! Les mesures proposées sont hélas indissociables de la loi sur l’immigration et relève de l'idéologie sécuritaire.

Si ce budget accorde à l'OFPRA une subvention de 45 millions dans le cadre d'un plan d'urgence, il s’agit uniquement de réduire les délais de traitement des demandes d'asile. Une telle préoccupation est certes louable dans l'absolu, mais toute précipitation dans le traitement des demandes risque d’influer sur la qualité des décisions, soit par manque de temps, soit par défaut de pièces justificatives, soit par manque d'investigations approfondies. Il n’est question que de rendement dans le droit fil de la loi sur l’immigration ! Est-ce digne de la politique extérieure de l'État et de l’impératif de bonne gestion des flux migratoires ?

Je pourrais, hélas, multiplier les cas où la France ne se montre pas à la hauteur de ses obligations internationales. Notre pays favorise les décisions bilatérales, voire unilatérales, au détriment du nécessaire développement des relations multilatérales, seul à même de rééquilibrer durablement les relations internationales. Ce faisant, nous violons un certain nombre de nos obligations, nous jetons le discrédit sur de nombreux instruments internationaux et nous contribuons à l'érosion des institutions internationales. Est-ce là notre vocation ?

Non content d’être en panne au plan international, notre pays l’est également au plan européen, puisque nous refusons toujours d'entendre les demandes de changement social et démocratique qui se sont fait jour lors du référendum à propos du projet de Constitution européenne. Notre gouvernement fait preuve d'autisme en continuant à discuter de la construction européenne comme si les résultats du référendum n'avaient aucun sens ! Quelle insulte pour les 55 % de Français qui ont exprimé leur choix d'une Europe plus sociale et démocratique !

Compte tenu de la politique extérieure retenue par ce gouvernement, qui est bien éloignée des principes de la Charte des Nations unies, notre groupe ne peut voter ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Bruno Bourg-Broc – La France a des exigences en matière de diplomatie : notre histoire et notre regard humaniste et solidaire sur les relations internationales nous conduisent en effet à développer une diplomatie de mission, voire une diplomatie de combat. C'est l'honneur de la France d'être présente à travers le monde sur le terrain diplomatique, culturel, intellectuel, économique et scientifique, mais aussi d’être partie prenante dans la résolution de nombreux conflits internationaux. Telle est la perspective dans laquelle ce budget doit s'analyser.

Pour peser sur les choix de notre monde, nous devons être présents dans le débat d'idées et sur le terrain grâce à nos ambassades, nos centres culturels et notre action au sein des institutions internationales... Pour cela, il n’existe qu’une seule voie : celle de l'influence. La France doit élaborer une véritable stratégie d’influence internationale. Ce budget lui en donne-t-il les moyens ? Oui, même si certains efforts restent à faire. Tout d’abord, les moyens de la mission « Action extérieure de l’État », hors crédits de personnel, augmentent de 6 %. Ensuite, la rationalisation de notre réseau diplomatique – le troisième au monde avec 159 ambassades – renforce notre présence internationale et la rend plus lisible. Les moyens du ministère des affaires étrangères augmentent, ses effectifs diminuent et sa gestion immobilière est toujours plus innovante : effort remarquable, compte tenu des nombreuses contraintes budgétaires ! Ainsi, sa masse salariale diminuera l’an prochain de 1,4 %, conformément au contrat de modernisation prévoyant une gestion prévisionnelle des ressources humaines. C’est l’un des ministères les plus volontaristes en la matière : nous ne pouvons que nous en réjouir.

Une part importante de ce budget est consacrée au rayonnement culturel et scientifique de la France. Notre vaste réseau d’établissements – 49 services culturels dans les ambassades, 59 instituts financièrement autonomes, 73 alliances françaises finançant leurs propres cours et sept centres de recherche en archéologie et en sciences sociales – évolue de telle sorte que la fermeture regrettable de certains centres est compensée par le redéploiement de réseaux prioritaires. Soyons attentifs à en maintenir la cohérence, et évitons les doublons : M. Chartier cite à juste titre dans son rapport le cas de Porto, où un projet de centre culturel franco-allemand est à l’étude alors qu’un consulat d’influence vient d’y être créé. Concentrons plutôt nos efforts sur l’européanisation de notre réseau. Ainsi, les maisons culturelles européennes pourraient non seulement valoriser nos cultures nationales, mais aussi susciter l’émergence d’une identité culturelle européenne.

De même, les objectifs de l’Agence pour l’enseignement français à l’extérieur sont confirmés. Après deux ans de baisse, sa dotation publique augmente de 8 millions pour atteindre 332 millions en 2007. À ce titre, j’espère que le Gouvernement libèrera enfin les 16 millions d’euros gelés en 2006.

MM. Patrick Bloche et François Rochebloine, rapporteurs pour avisTrès bien !

M. Bruno Bourg-Broc – Les lycées français de l’étranger, dont les effectifs ne cessent de croître et dont la bonne réputation ne se dément pas, scolarisent un nombre croissant d’élèves étrangers, futurs membres de l’élite de leurs pays. L’AEFE est un succès : n’en amputons pas les moyens.

J’en viens à une thème qui m’est cher : la francophonie. Hélas, nous ne faisons pas assez pour la défendre, et trop souvent nos actes ne corroborent pas nos paroles.

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Bruno Bourg-Broc – En outre, les crédits qui lui sont consacrés sont dispersés au sein de plusieurs missions et programmes différents. Le financement de la coopération linguistique ne cesse de s’éroder – il a diminué de 23 % depuis 2002 ! Nous en payons aujourd’hui le prix : l’usage de notre langue recule dans les institutions internationales. En 2005, 16 % seulement des documents de la Commission européenne étaient initialement publiés en français, contre près de 40 % il y a dix ans ! Dès lors, on ne peut que se réjouir du plan triennal de relance de la langue française dans le monde, qui prévoit notamment la formation de dix mille professeurs, avec 46,4 millions d’euros de crédits, dont 9,2 rattachés au programme 185. Cet indispensable effort est bienvenu, mais encore insuffisant.

Avec la création de deux nouvelles agences, Cultures France et Campus France, vous simplifiez l’offre universitaire, culturelle et scientifique française et attirez plus d’étudiants prometteurs. Cet effort de rationalisation inspire également les mesures visant à diffuser peu à peu les visas biométriques, financées à hauteur de 16 millions d’euros. D’autre part, la diminution des crédits affectés au traitement des demandes d’asile s’explique par le moindre nombre de dossiers dont est saisi l’OFPRA – in fine, c’est le nombre de demandes injustifiées qui baissera.

Enfin, la LOLF permet plus facilement de constater les carences de ce budget par ailleurs ambitieux et adapté aux exigences de notre temps. La France, au fond, manque d’une véritable stratégie d’influence. Ne serait-il pas souhaitable de lancer un grand débat national sur cette question ? Quant à l’idée suggérée par M. Balladur de réunir régulièrement tous les ministres intervenant dans l’action extérieure, j’espère qu’elle ne restera pas sans suite.

M. Gérard Bapt – Ne le font-ils pas déjà ?

M. Bruno Bourg-Broc – Pas assez en tout cas. De même, la France doit se doter d’une appellation de référence qui engloberait toutes les structures d’action culturelle contribuant à son rayonnement. Valorisons l’atout France et l’influence de notre pays dans le monde ! Au-delà de ces quelques réflexions, le groupe UMP votera naturellement ce bon budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Bapt – L’examen du dernier budget d’une législature permet de juger une politique sur cinq ans. Comme plusieurs rapporteurs, dont certains appartiennent à la majorité, et bien des parlementaires qui suivent les relations que notre pays entretient avec le monde extérieur si proche, je constate la stagnation, voire la baisse, année après année, des moyens alloués au rayonnement culturel et scientifique de la France. L’heure est donc au bilan, et je ne doute pas que vous le dresserez dans un instant, Monsieur le ministre.

M. de Charette a bien résumé l’état de notre politique étrangère : en quête de consensus large, elle reste relativement vague. Le propos peut paraître sévère, mais il est juste. La nouvelle méthodologie budgétaire impose un mélange audacieux – et contestable dans son esprit – de chiffres et d'évaluations. En matière européenne, l'indicateur de performance s’établit ainsi à 4,2 sur 5 pour 2005 et 2006, tandis que la gestion des grandes crises internationales se voit gratifiée d’un 3,9 sur 5. En ce qui concerne la politique française en Syrie et au Liban, l'excellence aurait été de mise, avec un 5 sur 5. Espérons que l’avenir justifiera cette note ! En Afghanistan, en Haïti, dans la région des Grands Lacs, au Haut-Karabakh, au Kosovo ou en Irak, elle est plus modeste, mais reste nettement au dessus de la moyenne, avec 4 sur 5. Tout semble donc être pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pangloss aurait-il fait des adeptes au Quai d'Orsay ?

Permettez-moi de m'étonner de l'absence dans cette liste du Soudan et du Tchad, de la Somalie et de la Tchétchénie, de la Corée du Nord et du Tibet, de la Colombie et du Timor. Ces crises n'auraient-elles pas mobilisé la France en 2005 et 2006, ou bien les évaluateurs auraient-ils donné des notes inférieures à 2,5 à notre politique sur ces dossiers ?

Du reste, les notes attribuées interpellent la raison et le bon sens. La gestion de l'affaire libanaise mérite-t-elle vraiment un 5 sur 5 ? Les annonces n'ont pas toujours été suivies d'effet immédiat, et l’image de la France en a souffert. Plus de 1 500 soldats devaient être envoyés au Liban ; seuls un petit millier l’a été. Ce retard trahit une hésitation que ne reflète pas le projet annuel de performance. Le 4 sur 5 attribué à la gestion de la crise ivoirienne n’est pas plus compréhensible : en autorisant la montée en puissance de rebelles ayant pris les armes contre un gouvernement élu, la France a envoyé un signal négatif à l'Afrique. Elle a dû passer le relais aux États de la région. Des militaires français ont été bombardés ; dix d'entre eux ont été tués à Bouaké. Les auteurs de cet acte ont été semble-t-il arrêtés, puis relâchés. Des milliers de nos compatriotes ont été contraints à l'exil. Le fiasco diplomatique est patent, comme en témoigne, ces jours-ci, votre difficulté à faire adopter une résolution par le Conseil de sécurité de l'ONU. Ce gâchis diplomatique a un coût : en quatre ans, l'opération « Licorne » a coûté un milliard d'euros à notre pays. Pourquoi ce milliard, ces morts de Bouaké, ces milliers de compatriotes rapatriés ? Bref, cet exercice chiffré prêterait à sourire s'il s'agissait d’autre chose que de notre politique extérieure. L'autoévaluation est-elle « budgétisable » ? Elle va en tout cas de pair avec une autosatisfaction injustifiée.

Notre collègue rapporteur pour avis a fait un excellent travail de synthèse. Notre politique étrangère repose manifestement sur deux priorités que je conteste : empêcher l'entrée d'étrangers sur notre territoire et serrer au maximum les cordons de la bourse. Le Quai d'Orsay s'est fâcheusement rapproché de la Place Beauvau et de Bercy. La première a soufflé avec succès sur la Direction des étrangers en France, à qui des moyens nouveaux ont été donnés pour bloquer « l'étranger » aux frontières. Une part croissante du budget a été affectée à l’attribution des visas et à la recherche de technologies sophistiquées. Il s'agit aussi de chasser de notre pays ceux qui y seraient entrés sous couvert d'asile politique – les moyens en ont été donnés à l'OFPRA. Le rapprochement avec Bercy est tout aussi préoccupant. Comme l'a noté le rapporteur, ce budget poursuit la réduction des effectifs, qui ont déjà décru de 10 % en quatre ans. Cette réduction pourrait être accélérée par un recours plus actif à l'externalisation, déjà pratiquée par certains consulats. À ce rythme, le ministre des affaires étrangères risque de se retrouver seul dans dix ans, à moins d’autoriser nos diplomates à prendre aussi en charge les intérêts des entreprises !

De dérive en dérive, qui pourrait s'étonner d'une érosion professionnelle et éthique ? Les affaires ont touché plusieurs consulats, mais aussi la maison mère, ternissant l'image des diplomates et de notre diplomatie.

La priorité donnée au combat contre l'entrée d'étrangers dans notre pays vous a aussi fait négliger la défense de nos compatriotes vivant à l'étranger. La délivrance d’un certificat de nationalité française, document de plus en plus souvent exigé, donne lieu à dix mois d'attente pour l'obtention d'un accusé de réception, auxquels s’ajoutent une à deux années pour le traitement du dossier. Le tribunal d'instance de Paris, chargé de la gestion de ces demandes, ne sait plus où donner de la tête : accaparés par le traitement des visas, les consulats n'assurent plus la préparation du dossier des demandeurs. D’autre part 8 300 de nos compatriotes ont été contraints de quitter la Côte d'Ivoire. Certains ont laissé derrière eux l’œuvre de toute une vie. À leur arrivée en France, ils ont reçu une aide de 750 euros par personne, le droit à une année de CMU et un accès au RMI. Ils s'estiment aujourd’hui victimes d'une politique, aucune ligne budgétaire n'ayant été prévue pour eux. Je me fais ici l'écho de leurs attentes.

Avons-nous un cap en politique étrangère ? S'agit-il encore de politique extérieure, ou simplement du volet extérieur du ministère de l'intérieur ? Il manque un grand dessein à notre pays. Il lui manque aussi confiance et identité. Comment en serait-il autrement avec une diplomatie en partie double – celle du Président de la République et celle du ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, qui bien souvent se contredisent ? M. Sarkozy est dans son droit de candidat quand il réclame un soutien à la diplomatie américaine en Irak ou revendique, en Afrique, la fermeture des frontières françaises.

M. Thierry Mariani – C’est un peu caricatural !

M. le Président – Laissons M. Bapt conclure : son temps de parole est écoulé.

M. Gérard Bapt – L’opposition a le droit de s’exprimer sur les incohérences entre le Président de la République et celui de l’UMP. Le ministre de l'intérieur a été « chahuté » à l'occasion d'un déplacement au Mali et une trentaine de députés ont publiquement estimé sa visite « indésirable ». Le président du Sénégal, Abdoulaye Wade, s'est étonné des nouvelles orientations de la politique française à l'égard des Africains.

M. Thierry Mariani – Et Ségolène ?

M. Gérard Bapt – À ma connaissance, il n’a rien dit sur Ségolène Royal (« Ça vaut mieux ! » sur les bancs du groupe UMP). Il a en revanche adressé de sévères critiques à Nicolas Sarkozy. « Il n'est pas honnête, a-t-il dit, que sous couvert d'immigration choisie, vous nous preniez nos meilleurs fils ». Son prédécesseur Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie, a qualifié cette immigration choisie de « politiquement et moralement inacceptable ».

Mais s'agit-il là de la politique de la France, ou de celle d'un candidat abusant de sa charge ministérielle pour asseoir une notoriété contestable auprès d'un certain électorat ? Le Président de la République s’est d’ailleurs livré à un commentaire déconcertant sur la présence du ministre de l'intérieur aux États-Unis en septembre : « Le ministre de l'intérieur a été chargé par moi d'être le représentant de la France aux cérémonies du 11 septembre, puisqu'il s'y trouvait. » Comprenne qui pourra ! Comment une telle cacophonie ne nourrirait-elle pas le doute à l'étranger ? Le groupe socialiste ne peut approuver une diplomatie qui s'attribue des mérites bien éloignés de la réalité : il votera contre votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Bernard Schreiner - Au lendemain de la Libération, l'Europe sort meurtrie de la guerre. Les États sont résolus à reconstruire leur économie, à retrouver leur influence et surtout à écarter toute nouvelle tragédie. Winston Churchill évoque le premier la solution à Zürich en 1946, en demandant qu'un terme soit mis à la querelle entre la France et l'Allemagne et que les deux pays, rapprochés en une alliance sincère, forment le noyau d'une sorte d’« États-Unis d'Europe ». Le 5 mai 1949, dix pays d'Europe occidentale, dont la France, décidèrent donc de s'unir au sein d'une nouvelle institution afin de défendre des valeurs communes : les droits de l'Homme, l’État de droit et la démocratie. En installant son siège à Strasbourg, symbole de la réconciliation franco-allemande, le Conseil de l'Europe relançait ainsi un concept millénaire, l'unité de l'Europe.

Créée sur le fondement d'un traité intergouvernemental, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe peut être considérée comme la plus ancienne assemblée parlementaire pluraliste internationale composée de parlementaires élus démocratiquement. Structure intergouvernementale dépourvue de moyens financiers, le Conseil a toujours fait figure de parent pauvre parmi les institutions européennes. Il réunit pourtant aujourd'hui 46 – bientôt 47 – pays d'Europe. Ses compétences sont à la fois économiques, sociales, culturelles, scientifiques et juridiques. Malgré ses faibles moyens, il a donné naissance à un véritable espace juridique européen, avec 200 conventions ou traités ayant force de loi sur les droits de l'Homme, la lutte contre le crime organisé, la prévention de la torture, la protection des données ou la coopération culturelle.

Outre l'Assemblée parlementaire regroupant 630 membres, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, le Centre Européen de la Jeunesse, la Pharmacopée Européenne, le Conseil de l'Europe, c'est aussi la Cour européenne des droits de l'Homme dont les nombreux arrêts ont fait évoluer les législations nationales.

La fin de la guerre froide a donné une nouvelle orientation au Conseil de l'Europe : l'assistance aux pays d'Europe centrale et orientale dans le passage à l'État de droit et les réformes politiques, législatives et constitutionnelles.

Mais ni ces nouvelles orientations, ni les mandats qui lui ont été confiés lors des sommets de Vienne, de Strasbourg ou de Varsovie n'ont été suivis de moyens supplémentaires ! En clair, on lui demande de faire plus avec les mêmes moyens, sachant que 23 États nouveaux l’ont rejoint depuis 1990 et qu’il n’est pas question d’obérer les moyens de la Cour européenne des droits de l'homme, qui siège désormais à plein temps et traite de nombreux dossiers.

Face à cette situation, le Conseil à déjà fait de nombreuses économies, en rationalisant ses lieux de réunions ou en réduisant le nombre de ses commissions par exemple. Mais, pour survivre, devra-t-il renoncer à aider tant de pays dans le domaine des droits de l'homme ou de la démocratie locale ? Devra-t-il faire des économies en matière d'éducation, de culture, de jeunesse ou de cohésion sociale ? Devra-t-il supprimer des campagnes sur les droits des enfants ou la lutte contre le racisme ?

M. François Rochebloine, Rapporteur pour avis Très bien !

M. Bernard Schreiner – Étouffer une organisation est très simple : il suffit d’accroître ses responsabilités en lui refusant les ressources correspondantes. C'est ce qui est en train de se produire pour le Conseil de l’Europe, sous le regard indifférent de la France. L'adhésion, depuis 1949, de 46 pays à ses principes – bientôt 47 – lui a permis d'acquérir une dimension paneuropéenne. Veut-on que cette grande aventure qui a permis à la paix et la démocratie de se développer sur notre continent cesse par asphyxie ? Bien des pays nous envient cette organisation, sauf, apparemment, ceux qui en bénéficient le plus. En tant que vice-président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et président de la délégation française, je demande instamment au Gouvernement de faire un effort financier substantiel pour abonder son budget de fonctionnement. Ce geste, de la part du pays hôte, est indispensable pour obtenir les concours des autres pays contributeurs. Monsieur le ministre, mon vote tout à l’heure dépendra d’un engagement ferme à ce sujet (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. François Rochebloine, Rapporteur pour avis – Très bien !

M. Jacques Myard – Point n’est besoin d’être spécialiste pour savoir que la situation internationale est mauvaise. Très. Elle tend même vers l’exécrable. Les crises régionales se multiplient : Proche et Moyen Orient, Darfour, Afghanistan… dans le cadre d’une rupture entre nord et sud – à deux heures d’avion de Paris, un continent entier part à la dérive, l’Afrique, qui compte un milliard d’habitants, contre 250 millions en 1950 ! – le tout sur fond de prolifération nucléaire et de montée de la haine. À ce sujet, on voit très bien que l’affrontement des cultures n’est plus un sujet académique mais une réalité, amplifiée par le dernier conflit au Proche Orient. Il est une réalité tangible que le terrorisme est, pour certains, un acte de défense : nous le savons, même si nous ne le comprenons pas. Sans parler de l’environnement, qui va encore accroître les incompréhensions et les affrontements entre les pays développés et ceux qui émergent.

Que fait la France ? Du point de vue de son outil diplomatique, il est vrai que les programmes que vous nous présentez sont en réelle croissance, notamment du fait de l’augmentation de notre aide publique au développement – et c’est notre survie qui se joue là. En revanche, l’action extérieure de l’État n’augmente que de 2,4 %, soit à peine plus que l’inflation. Surtout, il est prévu de supprimer 257 emplois C’est inadmissible, et absolument inutile, puisque les affaires étrangères ont, depuis maintenant dix ans, fait une cure d’amaigrissement qui aurait dû être imitée depuis longtemps par d’autres départements ministériels. On prétend, sous couvert de modernisation, continuer cet exercice. Cela met en péril l’outil diplomatique de la France. Incorrigibles comptables qui font fi de la réalité du monde ! Cette nouvelle baisse est dangereuse : nous avons besoin d’un outil pour analyser et réagir, car le monde ne nous attendra pas. À ceux qui pratiquent une politique à la Laval, il faut rappeler que la nécessité de faire des économies doit être tempérée par la réalité du monde, une réalité qui ne manquera pas de s’imposer à nous. Nous devons pouvoir disposer d’un outil à la hauteur des enjeux, à la hauteur de ce qui se trame à nos portes. J’ai entendu qu’il fallait supprimer un consulat général à Liège, alors même que la Belgique est en train d’éclater sous nos yeux !

M. le Rapporteur spécial – Pas un consulat général, un consulat d’influence !

M. Jacques Myard – Justement ! Vous feriez mieux de voir le monde comme il est, plutôt que comme vous pouvez le rêver à travers des comptes et des ratios !

Quant à notre politique diplomatique, il est clair que notre indépendance doit rester un objectif fondamental. Le monde attend notre voix : ce n’est pas du chauvinisme que de le dire. Ceux qui ironisent, notamment les anglo-saxons, sur notre volonté de grandeur se trompent : à chaque fois que nous parlons d’une façon indépendante, nous sommes entendus et les lignes bougent ! Que ce soit à propos de l’Irak, du Proche et du Moyen Orient, de l’aide publique ou de l’environnement, nous avons des choses à dire. Aussi, Monsieur le ministre, ne perdez pas votre temps avec les chimères de l’Europe puissance, vous valez mieux que cela ! Il est clair qu’elle ne peut être que paralysée : comment voulez-vous qu’un « machin » de 27 États se mette d’accord sur autre chose que sur un envoi de fleurs à Mme Arafat ? C’est une idée d’avenir… qui le restera longtemps.

En revanche, nous devons prendre des initiatives dans plusieurs crises. La dernière guerre israélo-arabe a abouti à fusionner la crise du Proche et du Moyen Orient dans un front anti-occidental. Nous devons faire entendre notre voix et ne pas hésiter à reconnaître l’État palestinien : il est urgent que la feuille de route soit relancée.

Mme Muguette Jacquaint - Très bien !

M. Jacques Myard - Il est urgent aussi de faire revenir la Syrie dans le jeu diplomatique : quoi que nous pensions de ses dirigeants, elle doit faire partie du règlement de paix, ou les affrontement continueront. Dans la crise du Proche-Orient se joue toute la paix du monde – jusque dans nos banlieues ! Nous sommes, à la différence de certaines puissances, en première ligne. Il faut rompre le lien qui s’est créé entre les crises du Proche et du Moyen Orient. J’ajoute que l’inflexibilité américaine sur le traitement civil de l’uranium, alors même que les Iraniens y ont droit d’après le traité de non prolifération, est néfaste. Nous devons adopter une attitude beaucoup plus constructive, même s’il n’est pas facile de négocier avec les Perses.

Nous devons mettre en place une véritable stratégie d’influence à long terme. Des efforts ont déjà été faits, notamment pour la promotion de notre langue – car notre culture et notre langue sont des atouts majeurs. Il faut poursuivre, avec une politique offensive. Et à ce propos, il n’est pas admissible de continuer à accepter des textes en anglais au Conseil européen et de les diffuser dans notre réseau diplomatique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Il y a ici une incohérence que nous allons payer cher. Montrons-nous inflexibles, parce que nous défendons non seulement notre identité, mais aussi une certaine vision du monde, différente de celle des anglo-saxons, des Allemands, des Américains ou des Arabes. Défendons nos intérêts et surtout ne baissons pas notre garde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Grignon – L’an dernier, j’avais soulevé la question de l'extension du plateau continental au large de Saint-Pierre et Miquelon dans le cadre de la convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982. Un an plus tard, et après de nombreuses interventions auprès des autorités, où en sommes-nous ? À la création de groupes de travail et à des déclarations d'intentions.

Le 24 février en effet, le ministre de l’outre-mer me faisait savoir que le Gouvernement tentait de trouver la voie d'une coopération qui puisse satisfaire les deux parties et qui s'inscrirait dans le cadre de l'accord sur les hydrocarbures du 17 mai 2005, et que deux groupes de travail seraient proposés, destinés à approfondir la coopération entre la France et le Canada et à garantir à Saint-Pierre et Miquelon des retombées économiques pérennes. Et, dans une lettre du 3 avril 2006, le Premier ministre me faisait savoir que cette extension faisait partie des dossiers sensibles qu’il souhaitait relancer avec les autorités canadiennes – il ajoutait que Saint-Pierre et Miquelon figurait dans le programme Extraplac, ce qui ménageait la possibilité de déposer un dossier d'extension auprès de la Commission des limites du plateau continental. Tout cela n’est pas négatif, mais la position du Gouvernement reste frileuse et hésitante. En tout cas, elle ne répond pas aux attentes légitimes de la population de Saint-Pierre et Miquelon. D’ailleurs, quelle est l’enveloppe budgétaire réservée à ces groupes de travail ?

Il est évident qu’en plus de quatre siècles de présence en Amérique du nord, les Saint-Pierrais et les Miquelonnais ont, dans les secteurs les plus variés de l'économie, du commerce, du sport, de la culture, de la santé et du reste, échangé avec leurs voisins des Provinces atlantiques canadiennes. La coopération régionale existait bien avant la création en 1994 de la commission mixte franco-canadienne, dont il serait particulièrement difficile de citer une seule réalisation concrète.

Vous comprendrez donc, Monsieur le ministre, que la population de l'archipel demeure perplexe lorsque son avenir semble suspendu aux seuls effets d'une coopération régionale institutionnalisée et étatisée. D'ailleurs, ayant participé aux réunions d'Ottawa les 2 et 3 octobre derniers, j'ai constaté que lorsque nous interrogeons nos homologues canadiens sur les questions essentielles, par exemple sur la notion de concurrence équitable dans le ravitaillement des plateformes pétrolières offshore et plus particulièrement pour savoir si la loi sur le cabotage canadien s'applique aux navires immatriculés à Saint-Pierre-et-Miquelon dans les zones transfrontalières d'exploitation, on nous répond que la délégation présente n’est pas compétente. En revanche, la même délégation nous fait part de son intérêt à ce que notre Parlement ratifie rapidement l'accord franco-canadien de mai 2005 sur les modalités d'exploitation des zones transfrontalières d'hydrocarbures. En même temps, elle nous informe d'un futur forage au sud de la zone économique exclusive française, là où la France et le Canada ont des droits concurrents sur le plateau continental. Vous comprendrez donc ma prudence relative quant à la ratification de cet accord. La responsable de la délégation du tourisme n'a pas hésité quant à elle à nous rappeler que son objectif était d'accroître le nombre de visiteurs français au Canada et non d'en envoyer à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces groupes de travail à Ottawa ne sont certes pas inutiles et peuvent contribuer à maintenir une bonne ambiance bilatérale mais ce n'est pas dans ce type d'enceinte que les droits et les intérêts fondamentaux de notre pays seront défendus, et notamment la question du plateau continental que je considère comme une condition au maintien de la France dans cette partie du monde.

D'ailleurs, Monsieur le ministre, vous savez que le Canada ne négociera avec la France que s'il y est contraint par le droit international. La meilleure preuve, c'est qu'en 2005, le Canada a rejeté la simple suggestion de la France de discuter des intentions de notre pays sur le dépôt d'un dossier commun auprès de la Commission des limites du plateau continental. Il est donc évident que la seule stratégie possible pour défendre nos intérêts fondamentaux est de déposer unilatéralement ce dossier et d'officialiser cette position en faisant connaître les intentions de notre pays et surtout le calendrier prévu. Je rappelle à ce sujet que la Commission des limites du plateau continental n'a pas mandat pour examiner les demandes en présence de différends entre les pays concernés. Le dépôt du dossier de la France relatif à Saint-Pierre-et-Miquelon contraindrait donc le Canada à négocier, et rien ne s'y oppose. En effet, lors de l'arbitrage frontalier de New York, la France avait revendiqué des droits sur le plateau continental au-delà des 200 miles de ses côtes et, bien que la désastreuse sentence de 1992 pour Saint-Pierre-et-Miquelon ait limité sa compétence à 200 miles des côtes de l'archipel, le tribunal avait heureusement réservé la question de la coexistence potentielle de droits concurrents de la France et du Canada sur le plateau continental au sud du tuyau déterminé par la sentence, donc au-delà des 200 miles marins. Par ailleurs, la Convention sur le droit de la mer de 1982 dispose que les espaces maritimes relèvent de deux catégories d'espaces distincts qui reposent sur des équités différentes : la zone économique exclusive jusqu'aux 200 miles marins d'une part et le plateau continental jusqu'au rebord externe de la marge continentale d'autre part.

Si je défends ce dossier avec autant d'obstination…

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères  C’est vrai.

M. Gérard Grignon – …c'est évidemment parce que l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon connaît un marasme économique sans précédent depuis l’arbitrage frontalier de New York et le moratoire sur la morue qui a suivi. C'est également parce que je suis convaincu que si le Canada étend sa juridiction sur le sous-sol marin à 370 miles de ses côtes sans que notre pays ne lève le doigt, le maintien de la présence française dans cette partie du monde sera très compromis.

Je me bats donc depuis longtemps sur ces questions, Monsieur le ministre, et les réponses qui m’ont été apportées jusqu’ici ne sont guère satisfaisantes. Mon vote dépend donc de celles que vous voudrez bien donner aujourd’hui.

M. Jean-Jacques Guillet – Ce projet de budget reflète les réels efforts engagés par le ministère des affaires étrangères pour rationaliser son fonctionnement et améliorer son efficacité dans un contexte budgétaire exigeant. On ne peut certes que s’en réjouir mais il est important de veiller à ce que ces efforts permettent à la France de peser sur les grands débats qui dominent la scène internationale. Les objectifs du millénaire, le changement climatique, la sécurité énergétique appellent des réponses mondiales qui justifient notre engagement en faveur du multilatéralisme comme notre volonté de modifier l'architecture des Nations unies. Notre pays est très présent dans les enceintes internationales où il joue un rôle actif en lançant des initiatives fortes, comme par exemple le projet de création d'une organisation des Nations unies pour l'environnement. Mais au-delà de ces déclarations, nous devons pouvoir répondre aux défis de la mondialisation. La France dispose des instruments d'analyse et de prospective nécessaires pour bénéficier d'une vision stratégique à moyen et long terme et définir des principes d'action. Néanmoins, nous sommes souvent confrontés à la trop grande verticalité de nos structures administratives alors qu’une plus grande transversalité serait nécessaire. La dernière conférence des ambassadeurs a été d'ailleurs consacrée à la sécurité énergétique, problème transversal s'il en est, et l’on voit bien que les structures du ministère des affaires étrangères sont les premières concernées. À cet égard, même si comparaison n'est pas raison, on peut examiner les expériences engagées chez certains de nos voisins européens ayant tenté d'adapter l'organisation de leur ministère des affaires étrangères à cette nouvelle donne.

En Belgique, par exemple, le ministère des affaires étrangères dispose aujourd'hui d'une direction générale des affaires multilatérales et de la mondialisation au sein de laquelle une direction de la mondialisation suit les questions d'environnement, de développement durable et de migrations internationales d'un point de vue global.

M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis Comment font-ils ?

M. Jean-Jacques Guillet – Au Royaume-Uni, dont on connaît la qualité de la diplomatie, il existe également une direction générale de la mondialisation dont une direction en charge des affaires économiques globales est compétente sur les questions liées au changement climatique, à l'énergie et au développement durable. Les Finlandais ont quant à eux mis en place un département des affaires globales dont une des missions est également le suivi des questions environnementales et de développement durable sur le plan international. Je rappelle à ce propos que dans le cadre des négociations relatives au changement climatique et aux gaz à effet de serre, nous ne disposons à la mission interministérielle que d’une seule personne – un Britannique, qui défend avec talent les dossiers français au sein de l’ensemble des groupements d’expertise international. Certes, tous les pays n'ont pas adopté cette voie et les réponses qu'a apportées la France lors des crises récentes montrent que nous disposons d'une capacité de réaction tout à fait opérationnelle. Néanmoins, en qualité de rapporteur pour avis des crédits de l'écologie et du développement durable, j'ai constaté par exemple que l’application des conventions internationales issues du sommet de la terre de Rio ou de Johannesburg fait l'objet d'un suivi éclaté entre différentes directions de notre ministère des affaires étrangères. Cette organisation, qui privilégie une approche sectorielle, conduit à une relative dispersion des efforts et ne favorise pas une prise en compte globale des enjeux de ces conventions.

Dans ces conditions, Monsieur le ministre, il me semble que l'effort de rationalisation que vous avez engagé pourrait revêtir cette dimension supplémentaire afin d'adapter notre capacité de réponse aux nouvelles priorités liées à la mondialisation. Je ne doute pas que ces préoccupations sont largement partagées et je vous serais reconnaissant de nous préciser vos intentions dans ce domaine. Vous avez décidé le 17 octobre la création d'un conseil des affaires étrangères chargé de formuler des avis sur les grandes orientations de la politique étrangère ainsi que sur l'évolution de l'organisation et du fonctionnement de l'action extérieure de l'État. La création de ce « conseil des sages » répond notamment au souci d'évaluer et de faire évoluer l'action du ministère des affaires étrangères à la lumière des expériences menées par nos partenaires. Pensez-vous qu'une réflexion sur les aspects que je viens d'évoquer pourrait être engagée au sein de ce nouveau conseil au moment où nous préparons la présidence française de l’Union Européenne pour le deuxième semestre de 2008 ?

M. le Ministre – Je tiens à remercier MM. les rapporteurs et à exprimer le plaisir qui est le mien d’être parmi vous mais aussi les regrets de n’avoir pu participer, en raison du conseil des ministres, à la séance de la commission élargie qui a examiné ce matin la mission interministérielle Médias. MM. les rapporteurs ont bien voulu saluer ce budget et valoriser son caractère vertueux, pour reprendre l’expression de M. Chartier. Je me félicite qu’au terme de cette législature, comme l’a rappelé M. Bapt, ce budget prenne pleinement acte des évolutions en profondeur appelées par la LOLF.

Pour répondre aux crises internationales, conduire nos projets et préserver nos intérêts, nous avons besoin d’initiatives fortes, audacieuses, mobilisatrices. Ce budget s’établit, pour cinq programmes répartis en trois missions, à 4,5 milliards, soit une hausse globale de 3,8 %. La mission Action extérieure de l’État regroupe trois programmes pour un montant de 2,26 milliards. Les crédits du programme Action de la France dans l’Europe et dans le monde, hors masse salariale, augmentent de plus de 7,5 %. M. Braouezec l’a relevé : 50 millions de crédits supplémentaires sont ainsi affectés à la couverture des seize opérations de maintien de la paix des Nations unies et 10 millions complémentaires à nos autres contributions internationales. Cette augmentation est conforme aux dispositions du contrat de modernisation qui prévoit, M. de Charette l’a rappelé, le rebasage de ces contributions sur trois ans. Pour autant, la résolution des crises échappe souvent à un cadre planifié, comme en témoignent les événements du Liban cet été. Si la FINUL renforcée s’est effectivement mise en place, Monsieur Braouezec, je m’associe à vos propos concernant l’importance du respect de la souveraineté nationale : il faut empêcher les survols aériens du Liban, tout en contrôlant l’embargo sur les armes à destination du Hezbollah.

La budgétisation de ces dépenses nouvelles n’est pas encore achevée, comme l’ont rappelé MM. Chartier et de Charette. Les travaux en cours aux Nations unies laissent à penser qu’un appel de contribution sera lancé au début de 2007 pour un montant qui sera sans doute supérieur à 50 millions. Je rappelle la séquence budgétaire particulière propre à cette opération de maintien de la paix. En 2006, le ministère de la défense a engagé nos forces, sous casque bleu, à partir d’un budget d’opérations extérieures. En 2007, mon ministère répondra à l’appel de fonds des Nations unies au titre des opérations de maintien de la paix. Ce n’est qu’en 2008 que les Nations unies procèderont à un remboursement au trésor public effectué au prorata de notre engagement militaire. Les mêmes remarques valent pour l’opération projetée depuis maintenant deux ans au Darfour, toujours en phase de négociation.

Au total, en 2007, les contributions multilatérales mobiliseront plus de 40 % des crédits de mon ministère, aide au développement incluse. Cet effort, à la mesure de l’importance que nous accordons aux organisations internationales, en particulier au Conseil de l’Europe, dont se préoccupe, à juste titre M. Schreiner, doit nous conduire, comme nous y invite M. de Charette, à veiller tout particulièrement à l’efficacité de ces crédits. Nous devons notamment renforcer les moyens de contrôle a priori et a posteriori des opérations de maintien de la paix.

Un mot plus particulièrement sur le Conseil de l’Europe, Monsieur Schreiner, puisque vous avez indiqué que votre vote serait fonction de mon propos. Nous sommes très attachés à cette institution, ainsi qu’à la Cour européenne des droits de l’homme, comme en atteste la contribution de 34 millions d’euros prévue en 2007 pour les deux – soit la deuxième de nos contributions internationales par son montant. Je veillerai, en accord avec Bercy, à ce que les engagements pris pour 2007 soient tenus, même si le budget devait finalement être supérieur aux prévisions.

Ce souci de vigilance explique que la majorité de nos indicateurs de performance soient plus qualitatifs que quantitatifs. M. de Charette ne s’y est pas trompé, consacrant une partie de son rapport à la difficulté d’analyser la performance en matière d’action diplomatique.

M. Jacques Myard – Tout à fait.

M. le Ministre – Je l’en remercie et en tout état de cause, ai pris note de sa suggestion. Nous examinerons s’il est possible de confier au tout nouveau conseil des affaires étrangères que je viens de mettre en place ce travail d’évaluation. J’espère que nous répondrons ainsi au souci exprimé par M. Bapt d’une meilleure évaluation de notre action diplomatique. Je vous indique au passage, Monsieur Bapt, que la résolution 1721 sur la Côte d’Ivoire a été adoptée cette nuit par le Conseil de sécurité.

J’en viens maintenant, au-delà de notre action diplomatique stricto sensu, à notre action consulaire. Dans le cadre de la politique gouvernementale de maîtrise des flux migratoires, les crédits du programme Français à l’étranger et étrangers en France augmentent. J’ai bien noté, Monsieur Chartier, votre proposition de fermer des consulats en Europe. L’introduction de la biométrie dans les visas est une priorité avec en perspective la constitution d’une base de données européenne. Lancée en 2005 à titre expérimental dans cinq consulats, la biométrie sera étendue à vingt autres avant la fin de l’année. Sous réserve que les emplois nécessaires soient dégagés, elle sera généralisée en 2008. Seize millions d’euros supplémentaires y seront affectés en 2007, conformément au contrat de modernisation qui prévoit un retour de la moitié des recettes de visa au profit du ministère des affaires étrangères. À cet égard, je rappelle que mon ministère a mené avec succès la négociation sur les frais de dossier des visas Schengen, portés de 35 à 80 euros. Cela ne doit pas conduire les consulats à « faire du chiffre » sur les dossiers de demandes de visa au détriment de leur mission régalienne, comme on l’a craint, puisque la recette demeurera avant tout affectée au budget général.

La délivrance des visas est un élément clé de notre action diplomatique et, si nos consulats jouent en amont un rôle majeur dans la lutte contre l’immigration irrégulière, ils sont également un vecteur important d’attractivité de la France, comme l’a très justement souligné M. Bloche. Je ne cesse de plaider pour le renforcement de leurs moyens financiers et humains. Comme M. Chartier, de Charette et Bapt y ont insisté, des moyens humains supplémentaires sont indispensables si l’on entend généraliser la biométrie – je les négocie actuellement. Je souhaite à cette occasion saluer le travail remarquable accompli par nos agents consulaires, dans des conditions difficiles.

Monsieur Bapt, la délivrance des visas a un double objectif : d’une part, encourager la venue d’étrangers en France, d’autre part, maîtriser l’immigration irrégulière. C’est pour faciliter le travail en commun de l’ensemble des administrations qu’a été créé un comité interministériel de contrôle de l’immigration.

S’agissant du consulat de Moscou, l’ouverture de celui d’Ekaterinbourg incontestablement le soulagera, comme M. Mariani me l’avait indiqué lors d’un déplacement commun dans la capitale russe.

La maîtrise de l’immigration dépend également d’autres paramètres, comme la lutte contre la fraude aux documents d’identité et la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, laquelle appelle de notre part un dialogue courtois mais sans complaisance avec les pays d’origine.

C’est dans le même esprit que j’ai souhaité mener une politique de l’asile cohérente, conforme à la tradition d’accueil de notre pays, mais qui ne doit pas être détournée de ses objectifs. La réduction des délais de traitement des demandes par l’OFPRA est bien engagée, comme en atteste la diminution du nombre des demandes en instance. Je serai particulièrement vigilant, Monsieur Chartier, à ce que la légère décrue des moyens budgétaires qu’autorise cette amélioration de la situation ne remette pas en cause le respect des objectifs de délais rappelés en juillet dernier par le Président de la République. D’énormes progrès ont été accomplis. Le taux de convocations atteint désormais 83 % et le taux d’entretiens 61 %, et la qualité des décisions de l’Office, prises en toute indépendance, ne saurait être remise en cause.

Sur les crédits du programme Français à l’étranger et étrangers en France, une somme minimale est réservée pour la sécurité de nos compatriotes vivant à l’étranger – veille sécuritaire, mise en place de réseaux de communication, constitution de stocks… Mais des opérations exceptionnelles ou imprévisibles comme l’évacuation du Liban cet été peuvent rendre nécessaire l’ouverture de crédits supplémentaires. Un décret pour dépenses accidentelles et imprévisibles de 9,3 millions d’euros a ainsi été pris pour le budget 2006.

J’en viens au programme Rayonnement culturel et scientifique. Je vous remercie, Monsieur Bourg-Broc, de vos propos et je partage, Monsieur Myard, votre avis sur l’importance d’une diplomatie d’influence. Les crédits de ce programme augmentent de neuf millions d’euros en 2007, dont huit consacrés à notre réseau scolaire à l’étranger. Ce faisant, notre objectif est bien de donner à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger les moyens d’améliorer son offre de bourses, au profit de nos concitoyens les plus défavorisés.

Au-delà du dégel partiel de la mise en réserve des crédits 2006,…

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis  Partiel, seulement !

M. le Ministre – …j’ai obtenu, avec mes autres collègues tuteurs d’établissements publics, que les règles de mise en réserve ne pénalisent pas les établissements qui ont de fortes dépenses de personnel, comme c’est le cas de l’AEFE. Vos craintes, Messieurs Rochebloine et Bloche, seront donc, je l’espère, exagérées.

L’Agence mène, à ma demande, un important programme de rénovation et de construction de lycées français, dans le cadre de partenariats public–privé, au Caire, à Londres, au Vietnam et en Espagne, où toutes les solutions seront étudiées en liaison étroite avec les parents d’élèves. Monsieur Bloche, un audit de modernisation a également été mené, à ma demande, avec le ministère du budget, pour examiner les conditions de financement de la nouvelle compétence dévolue à l’AEFE en matière immobilière. Nous disposons maintenant d’un cadre plus clair…

Si les crédits de coopération avec les pays développés restent stables, j’ai souhaité que des crédits soient redéployés au profit de la promotion du français en Europe, en particulier dans les nouveaux États membres. Il nous faut en effet, comme l’a dit M. Rochebloine, « replacer l’Europe au centre de la stratégie de rayonnement culturel de la France ». Je partage d’ailleurs son souci, exprimé également par M. Bourg-Broc, d’améliorer la visibilité de notre action en réunissant sous une même bannière nos multiples actions, comme le font le Royaume-Uni avec le British Council et l’Allemagne avec le Goethe Institut.

J’ai également souhaité engager un plan de relance de la langue française. Il fallait stopper la réduction continue depuis cinq ans des crédits en ce domaine. M. Rochebloine et M. Bourg-Broc ont, à juste titre, souligné l’enjeu que représente l’Europe pour l’avenir de notre langue. L’un de nos objectifs est de soutenir le plurilinguisme dans les systèmes d’enseignement de nos partenaires européens, qui constitue une chance pour notre langue. Le plan que j’ai lancé met à profit des redéploiements pour financer d’autre part quelques initiatives que j’ai jugées prioritaires, comme le soutien à la création de centres de formation des maîtres au Maghreb, un plan triennal de formation de dix mille professeurs de français dans le monde, un programme d’utilisation renforcée des technologies de l’information et de la communication et des supports audiovisuels pour l’enseignement. Au total, 46 millions d’euros seront consacrés à la langue française en 2007 sur les deux programmes Rayonnement culturel et scientifique et Solidarité avec les pays en développement. Qu’il faille en la matière une plus grande coordination interministérielle, comme l’a souhaité M. Rochebloine, est une évidence. J’ai d’ailleurs moi-même demandé une meilleure articulation de l’action de mon ministère avec ceux de la culture et de l’éducation nationale. La fusion dans l’agence Cultures France des anciennes associations françaises d’action artistique – AFAA – et de diffusion culturelle – AFDC – va dans ce sens. Je partage l’avis de M. Rochebloine sur l’intérêt de créer un EPIC. Mon ministère y travaille, en liaison étroite avec le ministère de la culture et la nouvelle agence Cultures France.

La concertation se poursuit aussi très activement, comme le souhaite M. Bloche, avec les différents acteurs universitaires et le ministère de l’éducation nationale pour donner naissance dans les meilleures conditions possibles au futur opérateur Campus France. Et je souscris à l’analyse de M. Rochebloine sur la nécessaire clarification à opérer entre les missions des différents opérateurs chargés de l’accueil et de la gestion des bourses des étudiants étrangers. C’est du reste l’objet des discussions en cours entre mes services et ceux du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont j’entends qu’elles aboutissent très prochainement.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avisTrès bien !

M. le Ministre – L’accueil des étudiants étrangers constitue une priorité, et le nombre de visas délivrés à ce titre est – n’en déplaise à M. Bapt – en constante progression : 46 300 en 2000, 61 300 en 2005.

S’agissant du programme Rayonnement culturel, j’ai bien noté les interrogations et les critiques de François Rochebloine, ainsi que celles de Jérôme Chartier sur le projet franco-allemand de Moscou. En réalité, je ne crois pas que notre pilotage global souffre de la séparation en deux programmes de l’action de coopération culturelle et scientifique extérieure, car il est patent que nous poursuivons souvent des objectifs différents dans les pays développés et dans les pays émergents. Mais je comprends bien le sens de ces remarques et il conviendra d’apporter des réponses détaillées, dans le cadre de l’étude qui sera lancée prochainement sur l’architecture du budget pour 2008.

M. Hervé de Charette, rapporteur pour avisTrès bien !

M. le Ministre – Une précision, Monsieur Bloche, sur les écoles françaises à l’étranger : elles entretiennent des relations de travail fécondes avec les instituts de recherche à l’étranger dépendant de mon département ministériel.

Le programme Audiovisuel extérieur, dont vous avez approuvé la création l’an dernier, a été intégré à la mission Médias, que vous a présentée ce matin mon collègue Donnedieu de Vabres. Notre objectif est de faciliter le pilotage des aides spécifiques, en sachant que cette mission comprend un programme Presse et un programme Chaîne d’information internationale, consacré à France 24.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avisQuelle affaire !

M. le Ministre – J’ai bien noté vos réserves sur ce rattachement interministériel et votre souhait de voir le programme consacré à France 24 fusionner avec celui des autres opérateurs de l’audiovisuel extérieur…

MM. Patrick Bloche et François Rochebloine, rapporteurs pour avisTout à fait, et sous votre tutelle !

M. le Ministre - …et intégrer la mission Action extérieure de la France. C’est une préoccupation que je partage tout à fait, dès lors que l’action de TV5 est préservée…

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis – Y compris en Roumanie !

M. le Ministre – Absolument, et il conviendra donc d’envisager une telle évolution dans le prochain budget. En vue d’améliorer le pilotage interministériel de ce secteur, j’ai en outre proposé au Premier ministre de relancer le Conseil audiovisuel extérieur de la France. Les ministres concernés doivent en effet pouvoir réfléchir de concert aux évolutions stratégiques de l’audiovisuel extérieur et décider collectivement des améliorations à apporter au dispositif. Ce Conseil pourrait se fixer trois objectifs : améliorer notre capacité d’analyse et de décision stratégique, procéder à de véritables arbitrages budgétaires et veiller à une meilleure visibilité de l’action de l’État. Je partage du reste l’opinion de M. de Charette selon laquelle il serait précieux de pouvoir appréhender l’évolution du budget du ministère dans une perspective à quatre ou cinq ans. Enfin, un rapport du Gouvernement sur l’action audiovisuelle extérieure sera rendu chaque année, afin que notre politique en la matière soit mieux connue du Parlement comme de l’ensemble des Français.

Dans le cadre du présent PLF, les crédits du programme Audiovisuel extérieur restent stables, et un rééquilibrage est opéré en faveur de TV5, qui voit ses moyens progresser de 2,5 millions afin de financer sa politique de sous-titrage.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avisC’était nécessaire !

M. le Ministre – Le dynamisme de la redevance et les économies dégagées par RFI ont rendu possible une légère diminution des dotations budgétaires accordées par le ministère en 2007. Je tiens toutefois à vous rassurer : Radio France Internationale bénéficie de mon soutien total dans les réformes qu’elle a engagées en vue de sa transition vers le multimédia.

Mesdames et Messieurs les députés, mardi dernier, vous avez bien voulu voter la mission d’aide publique au développement que vous a présentée Mme Girardin. Notre pays pourra ainsi atteindre l’objectif fixé par le Président de la République de consacrer 0,5 % de son PIB à l’APD.

Permettez-moi, en tant que ministre de tutelle, de mettre l’accent sur l’effort majeur que nous accomplissons au titre de la lutte contre les pandémies. C’est une priorité absolue de notre action diplomatique, car la fracture sanitaire, par ses conséquences économiques, migratoires, culturelles et sociétales, est une question éminemment politique. En effet 90 % des nouveaux cas de maladies infectieuses surviennent dans les pays du Sud, avec des effets dévastateurs pour leurs habitants et potentiellement déstabilisants pour nos démocraties.

Aussi, je me réjouis que la France accorde une dotation de 300 millions au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Il y a là une orientation majeure de notre APD, laquelle bénéficiera en outre d’un mécanisme de financement pérenne et novateur, avec la contribution de solidarité sur les billets d’avion. Je regrette du reste que M. Braouezec ait fait une remarque sur cette première démarche citoyenne mondiale. Le produit de cette initiative, portée à bout de bras par la France et à laquelle dix-neuf autres pays se sont déjà ralliés, sera affecté à une facilité internationale d’achat de médicaments. Il y a quelques semaines, à Genève, j’ai présidé le premier conseil d’administration d’Unitaid, aux côtés des représentants de la Norvège, du Brésil, du Chili, du Royaume Uni, de l’OMS et de nombreuses ONG. Avec un budget prévisionnel de 300 millions pour 2007, les premières actions de l’organisation ont été lancées, l’objectif étant de mettre sous traitement 250 000 enfants d’ici la fin de l’année prochaine.

Le tableau que je viens de brosser resterait inachevé si je n’évoquais l’action de modernisation du ministère. Comme l’ont rappelé MM. de Charette et Chartier, le 25 juillet dernier, le Premier ministre a réuni le Comité interministériel sur les moyens de l’État à l’étranger. C’était une sorte de renaissance, la dernière réunion de ce comité datant de 1996, à l’époque ou Hervé de Charette dirigeait notre diplomatie. À cette occasion, une directive nationale d’orientation des ambassades a été approuvée et des indications ont été données en vue de favoriser le redéploiement du réseau vers les pays émergents, notamment en Asie et en Europe orientale. Des principes de mutualisation interministérielle ont également été retenus, afin d’adapter nos modalités de gestion aux contraintes de la LOLF. On peut, comme le fait M. de Charette avec sa lucidité coutumière, se demander si ce renouveau du CIMEE sera durable. Pour ma part, je suis déterminé à rechercher des solutions pérennes. L’impulsion donnée au redéploiement de notre réseau vers la Chine, l’Inde ou la Russie en témoigne, et l’on ne comprendrait pas, cher Jérôme Chartier, que la France n’ouvre pas de nouveaux consulats dans ces pays, ce qui peut conduire à en fermer ailleurs, notamment en Europe.

Les efforts accomplis dans le cadre du contrat de modernisation procèdent d’un cadrage politique très clair. D’un côté, nous bénéficions d’une augmentation de nos moyens d’intervention et d’une clarification de nos conditions de gestion ; de l’autre, nous contribuons – et c’est légitime – à la baisse des effectifs de la fonction publique, notre masse salariale diminuant de 1,4 %. Mais surtout, Monsieur Myard, le Département est aujourd’hui assuré de conserver l’intégralité du fruit de ses efforts de productivité. Cela est essentiel, si nous voulons parachever l’œuvre de modernisation que nous avons engagée avec détermination pour renforcer l’efficacité de notre action diplomatique.

Un mot, cher Jacques Myard, sur l’Europe puissance…

M. Jacques Myard – Cela n’existe pas !

M. le Ministre – C’est bien parce qu’elle a des valeurs propres à faire valoir que l’Europe occupe une place prépondérante sur la scène internationale. Et cela est vrai pour des dossiers aussi importants que celui de l’Iran. Aujourd’hui même, au Conseil de sécurité des Nations unies, la résolution sur l’Iran qui circule depuis vingt-quatre heures a été cosignée par les Britanniques et les Allemands.

M. Jacques Myard – À trois, ça suffit ! Pas besoin des 22 autres !

M. le Ministre – Je rends hommage, Monsieur Grignon, à la ténacité dont vous faites preuve dans la défense des intérêts des Saint-Pierrais-et-Miquelonnais, et je partage totalement votre cause. Sachez que l’avenir de l’archipel mobilise toute mon attention. S’agissant de l’extension du plateau continental et du dépôt d’un dossier auprès de la commission des limites du plateau continental – la CLPC, je vous confirme, après François Baroin mercredi dernier, que l’option reste ouverte. Saint-Pierre-et-Miquelon figure toujours dans la liste préparatoire en vue d’une demande d’extension du plateau continental. Il faut naturellement veiller à ce que le dépôt d’un tel dossier ne porte pas tort à l’intégration économique de l’archipel ou aux relations franco-canadiennes…

M. Gérard Grignon – Aucun risque !

M. le Ministre – Merci de me rassurer sur ce point. Il faut néanmoins se concerter avec la partie canadienne car les campagnes scientifiques préalables nécessiteront de traverser les eaux canadiennes et nous devrons donc solliciter une autorisation motivée, ce qui peut entraîner certaines difficultés. En mars dernier, pour lever les réticences en suspens, j’ai appelé personnellement à la réunion d’un groupe de travail franco-canadien, en vue d’enrichir nos coopérations dans les domaines du tourisme, de la pêche et de l’environnement. Pour y avoir assisté, vous savez, Monsieur le député, que la première réunion, qui s’est tenue à Ottawa au début de ce mois, a donné des résultats très encourageants.

Telles sont les réponses que je souhaitais apporter aux questions très intéressantes qui m’ont été posées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

questions

M. Marc Reymann – L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui regroupe plus de 800 millions de citoyens, a exprimé le 3 octobre dernier son inquiétude face à l’enlisement des discussions budgétaires au sein du Comité des ministres et le refus de celui-ci de consentir une augmentation des crédits. Malgré les économies déjà réalisées, celle-ci serait en effet nécessaire notamment pour faire face aux besoins croissants de la Cour européenne des droits de l’homme. L’attitude actuelle est d’autant plus incompréhensible que l’Union européenne s’apprête à créer une Agence des droits fondamentaux, institution parfaitement inutile puisqu’elle recoupera les missions déjà confiée au Conseil de l’Europe !

La position de la France, pays hôte du Conseil de l’Europe, est attendue avec impatience. Au moment où la réforme de l’État conduit à la suppression des organismes inutiles, comment peut-on envisager de créer une nouvelle institution qui ne serait que le doublon du Conseil de l’Europe ? Si les crédits affectés aux organisations internationales connaissent une nette progression dans ce budget, elle ne concerne pas les moyens destinés au Conseil de l’Europe, alors que la qualité des débats qui s’y déroulent depuis 1949 représente une véritable avancée dans la construction européenne.

M. le Ministre – Comme vous, et comme le président Schreiner, plusieurs parlementaires m’ont fait part de leurs préoccupations sur le budget du Conseil de l’Europe. Sachez que la France est profondément attachée à cette institution, qui est au service des droits de l’homme, de la démocratie, et surtout de l’État de droit. Nous souhaitons lui donner les moyens d’exercer ses missions, notamment le traitement des requêtes de plus en plus nombreuses qui sont adressées à la Cour européenne des droits de l’homme. J’ai d’ailleurs cru comprendre que la plupart des demandes de créations de postes concernaient cette dernière institution.

Vous savez, Monsieur Reymann, que les négociations du budget 2007 ne font que commencer et que les principaux pays contributeurs n’ont pas encore exposé leurs vues. Nous abordons ce débat dans la perspective de donner au Conseil de l’Europe les moyens de s’acquitter au mieux de sa tâche. État hôte de cette institution, la France s’efforcera de dégager une solution de nature à concilier le bon fonctionnement de cette institution et les contraintes budgétaires qui affectent tous les pays membres.

Notre attachement à cette institution se traduit déjà par une importante contribution, qui s’élève à 12,15 % du budget du Conseil de l’Europe, dont 34 millions en provenance du seul Quai d’Orsay au titre de ce budget : ce chiffre place le Conseil de l’Europe au deuxième rang de nos contributions aux organisations internationales.

Si la négociation aboutissait à un budget supérieur à nos estimations actuelles, soyez sûr que nous trouverons, en accord avec le ministère du budget, des solutions permettant de tenir nos engagements. J’espère avoir réussi à vous rassurer, Monsieur Reymann.

M. Bernard Schreiner – Pas du tout ! C’est toujours la croissance zéro !

M. Émile Blessig - Ma question portait sur les visas biométriques, Monsieur le ministre, mais vous y avez déjà largement répondu. Je rappelle toutefois que la comparution personnelle de tous les demandeurs sera désormais une nécessité, alors seulement 40 % des demandeurs se présentent aujourd’hui en personne dans nos consulats. L’introduction de la biométrie emportera donc des conséquences profondes sur le travail de nos consulats.

J’ajoute que la complexification de la distribution des visas risque d’entraîner de graves difficultés, par exemple pour les associations qui reçoivent en Alsace des enfants originaires de Tchernobyl. Ne pourrions-nous pas introduire un peu plus de souplesse en leur faveur ?

Chacun sait d’autre part que l’obtention d’un visa relève bien souvent d’un véritable parcours du combattant dans nos 226 consulats. Or, que ce soit pour les étudiants, les entreprises ou les simples citoyens, ce premier contact est de toute première importance pour l’image de notre pays.

Pourriez-vous donc nous indiquer, Monsieur le ministre, où en est l’évaluation qualitative de l’accueil dans nos consulats ? Qu’en est-il également des indices de performance, qui ne sauraient se limiter à la consultation d’un site internet ? Sans progrès sur ces deux points, la fongibilité des crédits risque de ne pas profiter aux secteurs qui en ont le plus besoin !

M. le Ministre – Je profite de votre question pour préciser mes intentions en matière de biométrie. Nous disposons enfin d’un taux de retour de 50 % sur les frais de dossier de visas pour financer les formations et les équipements aujourd’hui nécessaires, mais vous posez à juste titre la question de l’engorgement possible de nos consulats. Il est exact que l’introduction de la biométrie posera bien des difficultés en raison de l’insuffisance des personnels disponibles, comme l’a souligné M. Chartier dans son rapport. La durée de traitement de chaque dossier augmentera en effet, puisque tous les demandeurs de visas devront comparaître personnellement afin que nous puissions prendre leurs empreintes et leurs photographies. De ce fait, nous pouvons nous attendre à un coefficient multiplicateur allant de 1,5 à 3. Il est donc indispensable d’ouvrir des emplois supplémentaires dans nos consulats, qui manquent déjà de personnel. Il serait illusoire d’espérer d’absorber l’impact des visas biométriques par les seuls gains de productivité : j’estime que nous aurons besoin en 2005 de 100 titulaires supplémentaires – 25 cadres B et 75 cadres C. Comme l’indique le rapport de M. Chartier, il n’est plus possible de nous contenter de recrutements locaux, et l’encadrement de nos consulats doit être renforcé afin de mettre un terme à certaines dérives.

S’agissant de l’évaluation des performances, je comprends parfaitement vos préoccupations, Monsieur Blessig. Nous nous efforçons de résoudre les difficultés actuelles, mais nous devons être conscients qu’aucun autre réseau consulaire au monde n’offre à ses ressortissants des services équivalents aux nôtres.

Quant aux visas, je partage également votre souci. Les consulats offrent effectivement le premier contact des étrangers avec notre pays. Nous devons nous efforcer de donner une image positive en conciliant la lutte contre l’immigration irrégulière et notre souhait d’attirer des étudiants, des chercheurs et des hommes d’affaires qui viendront renforcer la vitalité de notre pays. Vous aurez noté que le deuxième objectif du programme 151 est précisément d’assurer un service consulaire de qualité. Telle doit être notre priorité, et c’est pourquoi nous suivons avec attention les délais de délivrance de visas. J’attache la plus grande importance à l’objectif de traiter au moins 80 % de dossiers traités sous onze jours, ce qui suppose notamment de créer de nouveaux emplois.

Je partage également votre souci d’un suivi attentif des indicateurs de performance et votre souhait de voir la fongibilité des crédits assurer aux gestionnaires un retour sur les économies qu’ils auront réalisées. Je précise néanmoins que les indicateurs de performance n’existent encore qu’au niveau de l’administration centrale : la réflexion n’ayant pas encore abouti au plan local, nous avons jugé préférable de commencer par valider la pertinence et la fiabilité des indicateurs déjà élaborés avant de fixer des indicateurs locaux. La création d’indicateurs de gestion communs à tous les postes à l’étranger est en revanche en cours. Elle devrait être achevée d’ici à la fin 2007. Des objectifs de performance sont enfin assignés aux ambassadeurs, même s’ils ne s’accompagnent pas encore d’un suivi chiffré.

S’agissant du retour d’effort dont devraient bénéficier les gestionnaires, je partage votre analyse. C’est dans cet esprit qu’a été conclu le contrat de modernisation de mon département ministériel. Les gains de productivité obtenus localement par les agents sont déjà partiellement réaffectés aux postes concernés dans une démarche d’encouragement « gagnant-gagnant ». La fongibilité est courante au sein des crédits du titre II, qui vise les rémunérations, ainsi qu’au sein du titre III, mais encore limitée pour les investissements du titre V. Le principe de fongibilité asymétrique interdit également de transformer les gains de productivité en primes pour les agents.

M. Thierry Mariani – Je souhaiterais savoir, Monsieur le ministre, où en est le projet d'ouverture d'un consulat de France à Ekaterinbourg en Russie. La troisième ville industrielle de Russie accueille en effet de nombreux investisseurs français qui participent au développement d'un grand centre d'affaires international. Les relations économiques entre la France et la région de Sverdlovsk, dont Ekaterinbourg est la capitale, ont été multipliées par huit au cours des dix dernières années. Comme votre collègue Christine Lagarde a pu le constater sur place il y a quelques semaines, la plupart des projets réalisés le sont aujourd’hui par des entreprises françaises.

L'ouverture d'un consulat dans cette ville permettrait donc à la France de renforcer sa présence dans une région particulièrement dynamique, où des postes consulaires ont déjà été ouverts par une dizaine de pays. J’ajoute que les autorités locales, notamment le gouverneur de la région de Sverdlovsk, sont particulièrement demandeurs d’une telle mesure. Sur tous ces sujets, je partage pleinement l’analyse de notre rapporteur, Jérôme Chartier.

N’oublions pas, Monsieur le ministre, que la France bénéficie seulement de deux consulats en Russie, l’un à Moscou, l’autre à Saint-Pétersbourg. Un nombre si faible de consulats dans un pays aussi vaste et aussi porteur d’avenir que la Russie pénalise les ressortissants locaux, mais aussi les entreprises françaises qui ont décidé de s’implanter sur place.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis – Exactement !

M. Thierry Mariani – Il est absolument indispensable que ce futur consulat prenne la forme d'un consulat de plein exercice, et non pas seulement celle d'un consulat d'influence. Pour être vraiment utile, ce consulat devra en effet offrir tous les services possibles. Pouvez-vous nous confirmer, Monsieur le ministre, qu’il s’agira bien d’un consulat de plein exercice ? Le cas échéant, pouvez-vous nous dire quand il ouvrira ses portes ?

Je souhaite d’autre part vous interroger sur l’organisation des prochains scrutins électoraux pour les 600 000 ressortissants français qui résident à l’étranger. Si nos expatriés ont fait le choix de partir travailler ou étudier à l'étranger, et d'y porter en quelque sorte la voix de la France, ils n’ont pas renoncé à leur citoyenneté, qui se traduit notamment par le droit de vote.

Je souhaiterais donc savoir, Monsieur le ministre, si des campagnes d'information ont été prévues pour encourager les inscriptions consulaires, ainsi que les inscriptions sur les listes électorales et les demandes de vote par procuration. Peut-on en effet attendre d'un citoyen français qu'il effectue un trajet long et coûteux à travers le pays qui l'héberge pour effectuer de telles démarches ?

Je souhaiterais également savoir si vous avez prévu des actions pour encourager la participation, à l’image de celles qui se déroulent parfois sur le territoire national. Je pense notamment à l'insertion d'encarts publicitaires et à la diffusion de spots à la télévision ou sur internet. Enfin, nos compatriotes les plus éloignés des consulats doivent parfois prendre plusieurs avions pour aller voter. Envisagez-vous d’augmenter le nombre de bureaux de vote et d’étendre ainsi ce service public à tous ?

M. le Ministre – Après la récente visite du président Poutine en France, j’ai décidé de consolider les liens que nous entretenons avec la Russie en créant un consulat général à Ekaterinbourg. Son rôle sera d’appuyer la présence de nos entreprises dans une ville importante, au cœur de l’essor économique qui marque aujourd’hui l’Oural, et d’améliorer les services proposés à nos concitoyens qui y résident, à l’image de ce que font déjà les consulats allemand et britannique.

Quant à la préparation des élections pour les Français vivant hors de France, plusieurs mesures ont déjà été prises pour faciliter leur inscription et d’autres le seront pour encourager leur participation. Sur les 830 000 personnes inscrites dans les registres consulaires, 693 000 ont choisi de voter à l’étranger, et les autres de rester inscrits sur la liste de la commune d’origine. L’inscription est automatique, notamment pour les jeunes inscrits au registre qui auront dix-huit ans au plus tard le 28 février 2007. Ils recevront bientôt une lettre leur confirmant leur inscription sur la liste électorale consulaire, sauf refus de leur part avant le 31 décembre. D’autre part, j’envisage la suppression de la double inscription sur le registre consulaire et sur la liste électorale.

En ce qui concerne la participation, l’établissement d’une procuration sera facilité car les consuls honoraires de nationalité française sont désormais compétents en la matière – et ils sont plus de cinq cents dans le monde ! Ensuite, les agents se déplaceront en « tournées consulaires », comme le veut l’usage. En outre, quatre-vingt bureaux de vote décentralisés seront créés, afin de rapprocher l’urne de l’électeur. Une campagne d’information sera menée dans la presse, sur TV5 et par courrier électronique pour faire connaître ces mesures, et une conférence de presse rassemblera le 16 novembre les directeurs des Français à l’étranger et des étrangers en France, ainsi que les présidents de l’UFE et de l’ADFE. Je précise enfin que les Français hors de France ne pourront, pour les élections législatives, voter que par procuration.

M. Thierry Mariani – Très bien ! Je vous remercie.

M. Gérard Bapt – L’armée française est présente en Afrique en vertu d’accords bilatéraux anciens signés avec la Côte d’Ivoire, Djibouti, le Gabon, le Sénégal ou encore le Tchad. Elle participe aussi aux missions de maintien de la paix des Nations unies en Côte d’Ivoire et en République démocratique du Congo. Dans les deux cas, elle est parfois confrontée à des situations de guerre sans que sa feuille de route soit très explicite. Ainsi, pourquoi nos soldats ne sont-ils pas intervenus lorsque des rebelles ont tenté de renverser Laurent Gbagbo, président élu, alors qu’ils ont soutenu Idriss Déby dans des circonstances semblables ? Quels sont donc les critères déterminant la mise à disposition de nos forces ?

M. le Ministre – Cette nuit, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté à l’unanimité la résolution 1721 qui prolonge une dernière fois le processus de transition en Côte d’Ivoire, comme le recommandaient l’Union africaine et la CDAO. Au cours de cette ultime étape, le Premier ministre disposera de tous les pouvoirs pour aboutir à la constitution de listes électorales transparentes.

Qui décide de notre intervention ? Le Président de la République, et selon plusieurs critères : dans l’intérêt de la paix, bien sûr, mais aussi le respect résolutions du Conseil de sécurité. L’un des fondements de notre action extérieure est le respect de la souveraineté des États : c’est ce qui explique notre présence en Côte d’Ivoire alors que nous ne sommes pas intervenus au Soudan, qui a refusé toute présence étrangère. Si nous nous sommes engagés au Tchad, c’est pour soulager ce pays après les effets dévastateurs entraînés par l’afflux des réfugiés du Darfour. Aider un pays en difficulté est chose normale, pourvu que l’on respecte sa souveraineté territoriale.

M. Gérard Bapt – Les récentes déclarations du général Pellegrini à New York posent la question du rôle de la FINUL face aux violations de l’espace aérien libanais. La ministre de la défense a été claire : comme elle, je crois que la souveraineté et la sécurité doivent être garanties de part et d’autre de la frontière.

Le Liban est divisé sur la question de l’élargissement de son gouvernement, qui inquiète jusqu’à la Maison Blanche, dont le porte-parole déclarait récemment détenir les preuves d’un complot fomenté par la Syrie, l’Iran, le Hezbollah et ses alliés pour renverser le gouvernement libanais. Cependant, l’affaire des armes de destruction massive irakienne nous a montré ce que valent les prétendues preuves américaines…

La France se comportera-t-elle en amie du Liban en encourageant le dialogue interne, condition sine qua non de la stabilité dans ce pays ? Aucun interlocuteur ne doit être ostracisé, et notamment pas le général Aoun, actuel chef de l’opposition parlementaire, dont je m’étonne qu’on lui ait jadis reproché d’être l’ennemi de la Syrie alors qu’on l’accuse aujourd’hui du contraire ! Dans cette période délicate, la France va-t-elle se comporter en amie de toutes les communautés et accorder la même attention à toutes les sensibilités, faute de quoi leur coexistence serait menacée ?

M. le Ministre – La résolution 1701 est bien appliquée : le retrait israélien est total, à l’exception de Ghajar, et l’armée libanaise s’est déployée dans le sud du pays avec l’appui de la FINUL. Je rappelle que mille six cents soldats français sont présents sur le terrain, et que la composante maritime de la FINUL, essentiellement allemande, est en place.

Pour autant, l’équilibre est fragile. Il faut, pour le consolider, que cessent les survols israéliens, que l’embargo soit respecté et qu’un cessez-le-feu permanent soit conclu.

Quant à la Syrie, notre position n’a pas changé. La communauté internationale attend d’elle qu’elle s’engage concrètement à respecter les demandes du Conseil de sécurité. Après avoir rejeté les résolutions 1559 et 1680, la Syrie refuse toujours de délimiter sa frontière avec le Liban, ce qui permettrait pourtant de progresser dans la recherche d’une solution, en particulier sur la question des fermes de Chebaa, comme l’a observé Kofi Annan dans son rapport. Rappelons que la Syrie n’a toujours pas établi de relations diplomatiques complètes avec le Liban en procédant à un échange d’ambassadeurs.

Le cinquième rapport de la commission d’enquête montre d’autre part que la méthode adoptée par le juge Brammertz produit ses résultats. Le projet de statut du tribunal international est en cours d’élaboration à New York. Il reviendra prochainement au Liban de lui donner son aval avant que le Conseil de sécurité ne se prononce.

On ne peut évoquer ce sujet sans rappeler que le Président de la République a proposé une grande conférence internationale sur la reconstruction du Liban, qui aura lieu à Paris dans la deuxième quinzaine de janvier 2007. La France accompagnera le gouvernement libanais dans la préparation de cette conférence, notamment afin de s’assurer d’une participation de niveau ministériel – affaires étrangères et finances – pour la reconstruction de ce pays que nous aimons tant.

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions.

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Action extérieure de l’État

État B

M. le Rapporteur spécial – Dans le cadre de la LOLF, nous nous employons à simplifier la lecture des différents programmes de la mission « action extérieure de l’État ». Nous avions ainsi fait adopter l’an dernier un amendement qui transférait les crédits de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger – AEFE – du programme Français à l’étranger au programme Action culturelle et scientifique : 56 % des élèves des établissements français à l’étranger étant étrangers, les crédits de l’AEFE relèvent en effet davantage de la coopération culturelle et scientifique que des crédits des Français à l’étranger. Le Sénat avait proposé une autre solution par la voix des sénateurs des Français de l’étranger, mais la commission mixte paritaire avait tranché en faveur de l’Assemblée.

Cette année, nous nous sommes penchés sur les bourses. Elles représentent 49 millions d’euros, dont 46 millions vont aux familles françaises expatriées et seulement 2,4 millions, via les bourses d’excellence, aux familles étrangères dont les enfants fréquentent nos établissements à l’étranger. L’amendement 34, qui a été adopté par la commission des finances, propose donc de faire relever les bourses du programme Français à l’étranger et étrangers en France plutôt que du programme Rayonnement culturel et scientifique.

M. le Ministre – Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Par delà le souci de cohérence budgétaire, nous avons intérêt à défendre l’idée que cet enseignement sert le rayonnement de la France, mais aussi du service public. Comment pourrions-nous refuser d’aider davantage les boursiers de nos établissements ? Dans le contexte de la mondialisation, il importe avant tout de développer les lycées et les collèges français à l’étranger.

M. Thierry Mariani – Nous sommes bien d’accord !

M. le Ministre – J’étais récemment en Chine avec le Président de la République. Les Allemands reçoivent deux fois plus d’étudiants chinois que nous : nous n’avons donc pas fait assez d’efforts. J’espère en tout cas que nous accueillerons toujours dans ces établissements 50 % d’élèves étrangers.

M. le Rapporteur spécial – Très bien.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis – Ne serait-ce que par cohérence avec le vote de l’an dernier, je suis opposé à cet amendement. Je crains d’autre part que cela ne complique la gestion et ne conduise à terme à bloquer le montant des bourses de l’AEFE.

M. le Rapporteur spécial – C’est inexact !

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis – Je rappelle que ce montant a augmenté de manière très importante ces dernières années.

Les demandes de bourse sont instruites par les services consulaires, qui apprécient la situation et les ressources familiales du demandeur au regard du barème. Après examen, les demandes sont présentées à une commission locale des bourses scolaires, où siègent les principaux représentants de la communauté française. Les propositions formulées par cette instance sont ensuite transmises à l’AEFE, qui statue définitivement après avis de la commission nationale des bourses scolaires.

Dans le premier exposé des motifs de cet amendement, Monsieur le rapporteur spécial, vous aviez indiqué qu’il s’agissait de « rattacher les crédits relatifs aux bourses scolaires d’excellence attribuées par l’AEFE au programme Français à l’étranger et étrangers en France, ce qui constitue une imputation plus pertinente, ces bourses bénéficiant aux seuls élèves français. » Vous avez vu la contradiction et modifié le texte en conséquence. Mais je maintiens mon opposition.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis J’irai dans le même sens. Pour nos compatriotes vivant à l’étranger dont les enfants sont scolarisés dans les établissements gérés par l’AEFE, c’est moins l’imputation budgétaire qui importe que le volume des bourses et le souci d’égalité républicaine dont elles témoignent. Pour les élèves étrangers, en revanche – et vous avez souhaité, Monsieur le ministre, que la France augmente ces bourses-là pour renouer avec une vocation historique –, le maintien de ces bourses sur les crédits du rayonnement culturel et scientifique serait un signe politique fort. J’ajoute que la lisibilité ne gagne rien à un tel découpage des crédits de l’AEFE.

L'amendement 34, mis aux voix, est adopté.
Les crédits de la mission Action extérieure de l’État, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président – Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à l’action extérieure de l’État.

La séance, suspendue à 18 Heures 25, est reprise à 18 heures 40.

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santé

M. le Président – Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la santé.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances – Le présent budget s’inscrit dans la continuité de celui de 2006. Les autorisations d’engagement, de 427 millions, sont en augmentation de 4,3 % et les crédits de paiement – qui se montent à 430 millions – de 7,8 %. Comme en 2006, cette hausse est surtout imputable au plan Cancer, qui entre dans sa troisième phase. Pour le reste, les moyens sont en quasi-stagnation, puisque les crédits de paiement ne progressent que de 2 % et que les autorisations d’engagement baissent de 1,3 %. C’est donc une évolution contrastée qui caractérise les trois programmes de la mission : une forte hausse pour le programme Santé publique et prévention, un tassement pour le programme Offre de soins et qualité du système de soins et une contraction de 33 % pour le programme Drogue et toxicomanie.

La justification au premier euro du projet annuel de performances est en voie d’amélioration, mais les détails de la progression des crédits de nombreuses actions, et notamment des plans de santé publique, ne sont pas précisés. J’imagine que votre ministère lui-même a du mal à en cerner tous les contours. En tout état de cause, cela nuit à la bonne appréhension de ces plans.

Persiste aussi le brouillage des compétences entre l’État et l’assurance maladie. En effet, la plus grande partie du financement des politiques de santé publique est assumée désormais par l’assurance maladie, l’État se contentant du pilotage. L’assurance maladie soutient ainsi une multiplicité de plans gouvernementaux ciblés sur des pathologies ou des risques déterminés sans avoir pu participer à un quelconque arbitrage, alors même que le financement par le budget général se limite souvent à un saupoudrage.

La LOLF dispose en son article 7 que les dépenses de personnels des programmes d’action doivent figurer par action ; or, comme l’an passé, la mission Santé ne comprend pas de dépenses de personnels. Elles sont regroupées dans la mission Solidarité et intégration, au sein d’un programme support, alors même que celui-ci précise la répartition des personnels au sein des trois programmes de la mission Santé. Pourquoi ne pas rattacher ces dépenses de personnel à cette mission ? Un tel transfert contribuerait en outre à la lisibilité de la politique de santé publique et à l’évaluation de l’effort de l’État dans ce domaine régalien.

L’article 49 de la LOLF fixe comme date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires le 10 octobre ; or, 59 % d’entre elles, seulement, étaient parvenues à cette date. Ce taux est encore insuffisant.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Il y a eu progrès !.

M. le Rapporteur spécial – Concernant l’épreuve de la performance, l’architecture des budgets opérationnels étant inchangée, la stratégie mise en œuvre en 2006 se poursuit à la recherche de la stabilisation des objectifs et des indicateurs de performance qui leur sont associés.

Quelques modifications ont été apportées, justifiées ou non. Ainsi la suppression de l’objectif consistant à améliorer de la connaissance de l’état de santé de la population en réduisant les délais de traitement par l’INSERM des certificats de décès ne semble pas justifiée, d’autant qu’elle semble liée au retard pris dans la diffusion du système de transmission électronique des certificats. Le délai moyen était en 2004 de 90 jours pour la transmission et de trois ans pour le traitement et l’analyse. Les délais cibles pour 2008 étaient respectivement de trente jours et de onze mois. Rappelons qu'il s'agissait de la réforme décidée au vu des conclusions des commissions d'enquête constituées après le drame sanitaire causé par la canicule d'août 2003.

L'exécution budgétaire en 2006 a été principalement marquée par des annulations budgétaires de 2,7 millions, destinées à gager les décrets d'avance pris dans le cadre de la lutte contre la dengue et le chikungunya. Sans doute aurez-vous à cœur, Monsieur le Ministre, de faire le point sur cette question à votre retour de la Réunion.

Par ailleurs, la réserve de précaution qui s'élève à 5 % des crédits, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, ne tient pas compte des crédits annulés au tire du « Plan banlieue 2006 », voté en loi de finances initiale pour 2006 et qui porte sur 2,12 millions au sein de la mission Santé.

Le programme Santé publique et prévention vise à concevoir et à piloter la politique de santé publique, à promouvoir l'éducation pour la santé, à diminuer la mortalité prématurée et la morbidité par des actions de prévention, à améliorer la qualité de vie des personnes malades et à réduire les inégalités de santé et d'accès à la prévention. La loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004 a précisé le rôle d'orientation de l'État et l'organisation, notamment régionale, qui doit permettre de mieux coordonner les moyens et de mieux appliquer la politique de santé publique. En 2005 et 2006 devaient être mis en place les principaux dispositifs prévus par cette loi aux niveaux national et régional : conférence nationale de santé, conférences régionales de santé, Haut conseil de santé publique, Comité national de santé publique, plans régionaux de santé publique, groupements régionaux de santé publique – GRSP –. 2006 a été également consacrée à la tenue d'États généraux de la prévention afin de conforter cette politique et de mobiliser effectivement tous ces acteurs, dont les réalisations devront être amplifiées au cours de 2007. Le programme se décompose en un budget opérationnel de programme national, – BOP – piloté par la direction générale de la santé et qui subventionne notamment l'Institut national de la prévention et de l'éducation à la santé et l'Institut national du cancer, et en 26 BOP régionaux qui subventionnent notamment les groupements régionaux de santé publique. Il devrait être doté en 2007 de 289,9 millions d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement, soit respectivement une progression de 14,5 % et de 19,9 % par rapport à 2006. Cette hausse est d'abord liée à la poursuite des principales actions dans des domaines stratégiques : le plan national de lutte contre le cancer sera poursuivi, pour une dernière tranche, avec une augmentation de l'ordre de 23 millions des crédits qui lui sont consacrés sur le programme Santé publique et prévention ; 2007 consacre également le lancement effectif du plan « psychiatrie et santé mentale 2005-2008 » et du deuxième programme national nutrition santé, ainsi que l'entrée en vigueur du contrat d'objectifs et de moyens signé avec l'INPES pour l'amélioration de la prévention et de l'éducation à la santé. L'augmentation des dotations du programme tient ensuite à deux changements de périmètre : les crédits affectés à la lutte contre les infections sexuellement transmissibles progressent de 44 %, cette hausse découlant de la recentralisation de certaines compétences jusque là confiées aux départements ; la lutte contre les pratiques à risque – alcool, tabac, drogues illicites – reste quant à elle une priorité ; à ce titre, 18 millions de crédits qui étaient affectés en 2006 au programme Drogue et toxicomanie seront réintégrés en 2007 au sein du programme Santé publique et prévention.

Les dépenses de fonctionnement de l'action Pilotage de la politique de santé publique augmentent de 86 %, à 4,3 millions, en raison de l’installation progressive des instances régionales de santé publique prévue par la loi du 9 août 2004. La progression de l'ensemble de l'action, néanmoins, n'est que de 12 %. Après un retard préoccupant dont je m'étais alarmé l'an passé, 18 plans régionaux de santé publique sur 26 avaient été arrêtés par les préfets de région au mois d'août. Le seront-ils tous avant la fin de l'année ? À la même date, seuls deux GRSP, constitués sous forme de GIP, avaient été créés. Chargés du financement et du suivi des plans régionaux, la lenteur de leur mise en place nuit à l’application de la politique de santé publique.

Le pilotage de la Santé publique, c'est aussi l'accès aux soins des plus démunis et à cet égard, une fois encore, je ne peux que déplorer le désengagement de l'État : 7,3 millions, contre 10 millions en 2006, après 11,9 millions en 2005, 14 millions en 2004, 23,5 millions en 2003 et 36 millions en 2002 ! Ces crédits ont été divisés par quatre en 5 ans, avec transfert sur l'assurance maladie. De la même façon, les crédits d'État de la mission Solidarité et intégration destinés au fonds de la CMU complémentaire auraient été divisés par neuf en 4 ans, passant de plus d'un milliard en 2004 à 114 millions en 2007. Même si l'on tient compte du transfert de 232 millions lié aux droits sur le tabac, ils auraient été divisés par trois, ce qui implique le transfert vers l'assurance maladie complémentaire du financement de la solidarité en matière d'accès aux soins. Enfin, on ne peut que constater un accroissement des inégalités avec les difficultés accrues d'accès à l'aide médicale d’État pour les étrangers et l'échec de l'aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire.

Concernant l'INPES, dont la mission est d’appliquer les politiques de prévention et d'éducation pour la santé, j’attire votre attention sur le manque d'informations relatives aux prévisions budgétaires pour 2007. Seul le montant de la subvention d'État au titre de la mission Santé est connu. Eu égard aux responsabilités nouvelles de l’INPES, ces lacunes sont très regrettables.

Concernant l'action Déterminants de santé, le transfert interne à la mission de 18 millions au titre de l'addictologie masque une baisse de 23 % à périmètre constant. Étant en cause ici l'alcool, le tabac et la nutrition, facteurs déterminants de mortalité prématurée, cette baisse, sans doute compensée par l'assurance maladie, est également regrettable.

Pour ce qui est du PNNS, les crédits régressent de 12 %, passant à 3 millions. Cette baisse aussi est regrettable, s'agissant de surcroît d'une ligne budgétaire qui semble dérisoire face aux enjeux de l'épidémie d'obésité. Mais il est vrai qu'il s'agit d'abord d'enjeux sociaux, concernant ce que l'on pourrait appeler la « fracture gastronomique » qui sépare désormais les couches sociales. Une association de consommateurs souligne ainsi l'augmentation de 30 à 40 % en trois ans du prix des fruits et des légumes. Pourriez-vous faire le point, Monsieur le ministre, sur la réglementation de l'étiquetage nutritionnel qui devait s'appliquer au plus tôt, ainsi que sur celle de la publicité télévisée pour les produits alimentaires ? La conclusion s'impose : il s’agit une fois de plus d’un saupoudrage des crédits, lié à la multiplication de plans de santé publique dotés de moyens insuffisants.

L'action Pathologies à forte morbidité et mortalité bénéficie de 220 millions en 2007, soit une hausse de 10 %, dont 23 millions au titre du plan Cancer. En dehors de ce dernier et de la recentralisation d'actions de prévention des infections sexuellement transmissibles jusque là assurées par les départements, les financements des plans de santé publique sont à la baisse : moins 50 % pour les maladies rares ou pour l'hépatite !

Le plan Cancer, à l'opposé, poursuit sa montée en puissance : il sera doté de 50,6 millions, en augmentation de 11,8 millions par rapport à 2006. Les problèmes de gouvernance rencontrés par l'INCA ont conduit à une remise à plat : une nouvelle feuille de route a ainsi été fixée qui apporte les modifications et les ajustements nécessaires au fonctionnement de l'Institut. Je ne peux que me réjouir du travail de concertation qui est en cours en vue d’une gouvernance rénovée. Toutefois, le développement de la recherche sur le cancer et la montée en charge des « cancéropôles » supposent un développement stable. Il est regrettable que l'INCA, qui a vocation à soutenir les activités des « cancéropôles », ne soit pas assuré de cette stabilité : en effet, 8 millions de crédits au titre de la subvention du ministère chargé de la recherche n'ont pas été versés en 2006.

Le programme Offre de soins et qualité du système de soins vise à ce que le dispositif de soins puisse répondre aux besoins de la population en assurant d'une part une offre de qualité et, d'autre part, une offre suffisante et répartie de manière à être accessible aux usagers, dans le respect des objectifs de dépense déterminés par le législateur. Toutefois, la plus grande partie des actions menées au titre du programme est financée sur le budget de l'assurance maladie, le budget de l'État n'intervenant que pour moins de 1 % du total des dépenses effectuées au titre de l'offre de soins. Les crédits demandés ici s'élèvent à 100,6 millions en autorisations d'engagement, soit une baisse de 0,4 % par rapport à 2006, et à 104,2 millions en crédits de paiement, soit une hausse de 1,6 % – qui s'explique par une augmentation de 3,2 millions au titre des frais de justice, qui font désormais l'objet de crédits limitatifs. Les dotations des ARH croissent de 3 millions et l’ATIH bénéficiera d'une augmentation de ses effectifs, mais cette progression est compensée par la baisse notable de la subvention de l'État à la Haute autorité de santé, justifiée par l'importance de son fonds de roulement.

L'action Niveau et qualité de l’offre de soins concerne la formation initiale médicale et l'année recherche, respectivement dotées de 56,6 millions et 5,5 millions, mais l’organisation de stages dès le 2e cycle d'études en médecine générale, décidée en janvier 2006, pour un coût estimé à 5 millions, n'est pas financée. Pour la formation, la dette cumulée atteint donc 25 millions. Elle n'est susceptible d'être allégée que par le seul recours à la réserve de précaution ou par l'ouverture de crédits complémentaires en collectif. La dotation de 63 millions destinée à la formation initiale médicale est donc insuffisante pour couvrir les besoins et combler le retard accumulé. Il s'agit pourtant de la qualité de la formation et de la revalorisation de la médecine générale, éléments importants de la réforme de l'assurance maladie ! L'ATIH concourt à la modernisation du système de soins : à sa mission initiale – médicalisation des systèmes d'information et élaboration des nomenclatures – s'est ajoutée depuis 2002 la mise en place de la T2A.

Le budget des ARH progresse de 12 %, pour s’établir à 22 millions, afin de le mettre en mesure d’assurer le pilotage stratégique des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens. Leur action sera mesurée par l'indicateur de performance lié à l'objectif d'« optimisation du pilotage de l'offre de soins ».

Monsieur le ministre, la loi du 13 août 2004 portant réforme de l'assurance maladie avait prévu des expérimentations d'ARS sur quatre ans : où en est-on ? Cela ne semble pas être une préoccupation pour votre ministère, à moins que ce ne soit un échec.

M. le Ministre – On ne peut pas dire cela.

M. le Rapporteur spécial – En 2006, en effet, aucune expérimentation n'a eu lieu. Mais ne faut-il donc pas déplorer surtout le fait qu’on ne tire pas de conclusions de cet échec ? Une mission d’information sera sans doute opportune lors de la prochaine législature.

Le programme Drogue et toxicomanie concerne la seule MILDT, qui pilote le plan gouvernemental 2004-2008 de lutte contre les drogues illicites, l'alcool et le tabac. En faisant abstraction du transfert de 18 millions d'euros vers le programme Santé publique et prévention, ses crédits diminuent de 0,7 million, au détriment essentiellement de la gestion des politiques sanitaires. Il est vraiment dommage que les moyens de la MILDT n’aient pas été renforcés, au moment où les consommations d'alcool et de tabac repartent à la hausse, chez les jeunes notamment, et où celle de cocaïne prend des proportions inquiétantes. Par ailleurs, seules douze régions disposent d’un Centre d’information et de ressources sur les drogues et les dépendances – CIRDD –, alors que ces centres visent à renforcer la cohérence des politiques publiques, non seulement en matière de santé, mais aussi de lutte contre la délinquance, de sécurité routière, de politique de la ville, de politique carcérale...

Il est également regrettable que les crédits prévus pour l’expérimentation de nouveaux dispositifs partenariaux diminuent de 42 % pour tomber à 3,1 millions d'euros. C'est pourtant l’expérimentation des consultations cannabis qui a conduit à leur généralisation et à leur prise en charge par l’assurance maladie. La MILDT va lancer un nouvel appel à projets auprès des associations, visant à expérimenter de nouvelles approches de prévention et de respect de la loi. Le réseau associatif a bien besoin de cette action, créditée d’un million d'euros, déconcerté qu'il est par les jugements négatifs de certains et par la politique du ministère de l'intérieur, exclusivement axée sur la répression. J’espère à cet égard, Monsieur le ministre de la santé, que vous aurez votre mot à dire lors de l’examen du projet de loi de M. Sarkozy relatif à la prévention de la délinquance.

La commission des finances a adopté les crédits de la mission Santé, les commissaires de l’opposition ayant voté contre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Heinrich, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – Les crédits de la mission Santé augmentent de près de 8 % en 2007, ce qui confirme que la santé est bien une priorité de ce gouvernement et de cette majorité. Ce budget s'inscrit dans la continuité des efforts entrepris au travers de la loi de santé publique et de la réforme de l'assurance maladie. Il répond aux priorités de santé publique définies par le Président de la République et le Gouvernement. Ainsi, l'augmentation des crédits de l'Institut national du cancer marque notre volonté de mener à bien le plan national de lutte contre le cancer. De même, les programmes de lutte contre les infections sexuellement transmissibles et contre le sida voient leurs crédits abondés. L’accent est mis également sur la modernisation de l'offre de soins et sur la qualité des soins.

Je traiterai ici du thème retenu par la commission : la lutte contre les drogues illicites. Comment renforcer l'efficacité de l'action publique en la matière ? Cela exige d’user de tous les leviers de l'action publique, mais aussi de savoir mobiliser tous les acteurs concernés – usagers, parents, enseignants, éducateurs, policiers, juges, personnels soignants, chercheurs et associations. Pour faire face à ce problème majeur de santé publique, le Gouvernement a élaboré pour les années 2004-2008 un plan ambitieux.

Synonyme d'isolement et de souffrance pour celui qui en fait usage, la drogue présente également un coût social élevé pour la collectivité. Si, à l'exception du cannabis, les drogues illicites ne semblent que peu consommées, bien que le nombre de consommateurs d'ecstasy et de cocaïne ait doublé ces dernières années, les conséquences sanitaires et sociales du phénomène sont particulièrement lourdes. L’Observatoire français des drogues et toxicomanies a ainsi estimé le coût social à 2,8 milliards en 2003, dont plus de 900 millions de dépenses publiques. D'où la nécessité d'un programme global et pluriannuel tel que celui lancé en 2004, qui vise d’une part à diminuer les consommations en luttant contre les pratiques addictives et contre les trafics, d’autre part à améliorer la politique de réduction des risques.

La Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, colonne vertébrale du dispositif français de lutte contre les drogues, a un rôle central dans la mise en œuvre de ce programme. Placée sous l'autorité du Premier ministre, c'est elle qui donne l'impulsion et coordonne l’action de tous les ministères concernés, ainsi que celle menée au niveau international. Ses missions sont multiples : observation, recherche, prévention, formation des professionnels, prise en charge des toxicomanes et coopération internationale. Plus que jamais, le projet de budget pour 2007 consacre ses prérogatives. Le budget de la Mission ne diminue qu’en apparence, une partie de ses crédits ayant été réaffectée au programme Santé publique et prévention. Avec 36 millions d’euros, celui-ci ne représente toutefois qu'une faible partie de l'ensemble des moyens – plus de 900 millions –, consacrés à la lutte contre la drogue et la toxicomanie. Il serait donc nécessaire de réfléchir à la manière de rendre plus perceptible l'action publique dans ce domaine. Cela faciliterait notamment le contrôle parlementaire et l'évaluation de l’efficacité des actions engagées. Il serait ainsi possible de créer, au niveau budgétaire, une mission interministérielle relative à la toxicomanie, voire de rattacher les crédits de la MILDT au budget du Premier ministre. On pourrait également envisager d'annexer au projet de loi de finances un document de politique transversale qui présente la stratégie, les objectifs et l'effort financier consacré par l'État à la lutte contre la toxicomanie.

Cela étant dit, il convient de souligner l'importance des missions de la MILDT. Elle contribue pour 8,8 millions d’euros au financement de trois opérateurs majeurs. Tout d'abord, le Centre interministériel de formation antidrogue qui a pour charge d'organiser des formations spécialisées en matière de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances. Ensuite, l'Observatoire français des drogues et de la toxicomanie, qui joue un rôle clé dans le recueil, l'analyse, la synthèse et la valorisation des connaissances sur le « phénomène de la drogue ». Il est à cet égard regrettable que la part des crédits de l'Observatoire consacrés aux études soit tombée de 60 % à 40 % entre 2001 et 2005. Il est par ailleurs surprenant que l'évaluation des politiques de la MILDT relève principalement de cet observatoire, qu’elle finance et qui est placé sous son autorité. À l'avenir, il serait sans doute plus pertinent, au moins à titre expérimental, de confier l'évaluation de certains programmes à des experts extérieurs indépendants. La MILDT finance enfin le groupement de téléphonie social « Drogues Alcool Tabac Info Service » – DATIS –, outil de communication grand public de l'État dans la lutte contre les addictions. Si les résultats de DATIS sont incontestables, son organisation en un pôle national et cinq pôles régionaux manque de rationalité. Pourquoi ne pas regrouper ses différents services en un lieu unique ? Enfin, la MILDT finance d'importants programmes expérimentaux de prévention de la toxicomanie et de prise en charge des toxicomanes. Quant aux moyens dont elles dispose pour lutter contre le trafic, notamment par le biais de la coopération internationale, ils augmenteront considérablement en 2007.

La lutte contre la drogue est un enjeu de santé publique, mais aussi d'ordre public et de cohésion sociale. Ainsi convient-il de s’opposer avec la plus grande fermeté à la banalisation du cannabis, même si pour la première fois la consommation semble s'être stabilisée en 2005, notamment parmi les plus jeunes. Le cannabis est en effet aujourd'hui, de loin, la première drogue illicite consommée dans notre pays avec 1,2 million de consommateurs réguliers, dont 550 000 quotidiens. Les Français sont les plus gros consommateurs de cannabis en Europe, alors même que cette drogue entraîne des déficits psychomoteurs, des troubles de la mémoire, est source d'échec scolaire et de mauvaise intégration sociale pour les consommateurs réguliers, notamment les plus jeunes. La prévention de sa consommation est donc la première des priorités. Il faut notamment reconduire régulièrement une campagne d'information et de communication du type de celle menée en 2005, même si cela coûte cher. L’effort ne peut pas être occasionnel.

Il convient de saluer la mise en œuvre de programmes de prévention contre les addictions en milieu scolaire, engagée à partir de 2004 et reprise par l'éducation nationale en 2006 du CM2 à la terminale. De même, l'expérience des consultations cannabis doit être pérennisée et étendue. Ces consultations anonymes et gratuites, organisées en 2005 afin d'aider les consommateurs de cannabis mais aussi leur entourage, ont rencontré un tel succès avec 30 000 consultations en dix mois, qu’elles relèvent désormais de l'assurance maladie. Mais d’autres professionnels de santé, notamment les médecins généralistes, jouent un rôle essentiel dans l'écoute et l'aide aux jeunes consommateurs de cannabis. Il importe donc que leur formation initiale et continue comporte un module spécifique consacré à la prise en charge des addictions.

Pour le reste, l'interdit social doit être réaffirmé. La dépénalisation est bien sûr exclue mais il faut aussi que les peines encourues soient applicables. Une réforme de la loi du 31 décembre 1970 s’impose donc, ce qui sera bientôt chose faite grâce au projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Il faut privilégier, à l’encontre des usagers, des peines de substitution comme des stages de citoyenneté, ou une sensibilisation aux dangers de l’usage. La réduction des risques sanitaires est un autre enjeu capital. Il s'agit de prévenir la transmission des infections, la mortalité par surdose, ainsi que les dommages sociaux et psychologiques liés à la toxicomanie. Cela passe par les traitements de substitution comme la méthadone ou le Subutex. Leur impact a été globalement très positif, tant du point de vue sanitaire que social. Alors que l’on dénombrait 400 décès par surdose en 1994, il n’y en avait plus que 69 en 2004, et alors qu’en 1995, un tiers des héroïnomanes était porteur du virus du sida ou de l’hépatite C, seuls 3 % le sont aujourd’hui.

Pour autant, 20 % à 25 % du Subutex seraient détournés d’un usage thérapeutique. L’idée de classer ce produit parmi les stupéfiants, heureusement abandonnée par le ministère de la santé, aurait été inefficace. En revanche, la désignation d'un couple médecin-pharmacien pour ceux qui feraient un usage détourné du Subutex, assortie le cas échéant d'un protocole de soins, telle que votée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, sera efficace. De même, le dossier pharmaceutique, entièrement financé par la profession, qui sera mis en place à partir du second semestre 2007, devrait permettre de lutter contre le mauvais usage et le trafic des traitements de substitution. Les pouvoirs publics auraient d’ailleurs pu participer au financement de ce dossier.

En conclusion, j’insiste sur la nécessité pour l'État d’ouvrir deux chantiers prioritaires en matière de réduction des risques. L’effort de lutte contre les hépatites doit être intensifié. Un travail d'accompagnement est nécessaire afin de faciliter le dépistage de ces maladies chez les toxicomanes, ainsi que l'accès aux soins. Il faut améliorer la couverture vaccinale contre l'hépatite B et sans doute inclure un filtre non réutilisable dans les Stéribox, sans en augmenter le prix public, actuellement d’un euro. Cela entraînerait une dépense supplémentaire de 750 000 euros. Il convient également de diversifier l'offre de soins. L'arrivée prochaine d'une forme sèche de méthadone, la mise sur le marché du suboxone, buprénorphine sans effet en cas d'injection, ainsi que la possibilité de la primo-prescription de la méthadone par les médecins de ville vont dans le sens d'une diminution des risques. L’expérimentation de « communautés thérapeutiques » doit être encouragée. Je suggère de même d'expérimenter la création de « salles de consommation » avec un cahier des charges précisément défini.

La commission des affaires culturelles a approuvé les crédits de la mission Santé.

Mme Muguette Jacquaint – Ce n’est pas parce qu’un budget progresse qu’il est bon…

M. le Ministre – Tout de même !

Mme Muguette Jacquaint - C’est vous-même, Monsieur le ministre, qui l’avez dit et répété lors de l’examen du PLFSS, et il est certain que cette appréciation vaut pour la mission santé. Si les autorisations d'engagement et les crédits de paiements progressent respectivement de 4,3 % et de 7,8 %, cela ne veut pas dire que votre projet est convaincant. Au reste, cette hausse tient, pour l’essentiel, au financement de la dernière phase du plan Cancer. C'est une grande cause nationale et nous y souscrivons sans réserves ; toutefois, nous regrettons qu’elle accapare l'essentiel des moyens, au détriment des autres interventions publiques dans le champ de la santé. Mais pourrait-il en être autrement lorsqu’on raisonne à budget constant ?

Pour tout le reste, en effet, les moyens de cette mission stagnent, lorsqu’ils ne diminuent pas. En dépit des évolutions flatteuses que permettent d’afficher des jeux d’écritures comptables ou des transferts de compte, c’est à une diminution des crédits que nous sommes confrontés, à périmètre constant. Le constat vaut notamment pour l'action « déterminants de santé », pour le traitement des risques alcool et tabac, pour le plan « violence et santé », pour la lutte contre les pratiques à risque, pour le plan « nutrition santé » et pour le plan « santé environnement ». C'est donc un budget en trompe-l'œil qui nous est soumis, et l'investissement massif en faveur du plan Cancer ne compense pas ses lacunes.

Avant de conclure, je souhaite appeler l’attention de notre assemblée sur l'avenir des médecins inspecteurs de santé publique. Nous avons été sollicités – et c’est légitime – par leur intersyndicale, qui nous a alertés sur l'ampleur du champ qu'ils ont à couvrir – mise en œuvre, animation, évaluation et contrôle des politiques nationales de santé publique, de développement social et lutte contre les exclusions – au regard des effectifs disponibles. Il faut savoir que près de 50 DDASS disposent de moins de 35 agents pour assurer le suivi de la politique sanitaire et sociale à l’échelle d’un département ! Il leur est par conséquent impossible de fonctionner normalement et c'est, au bas mot, 10 000 postes qu'il serait nécessaire de créer.

Monsieur le ministre, êtes-vous vous prêt à rencontrer les représentants de cette profession pour négocier un rapprochement de son statut avec celui des praticiens hospitaliers, un plan de formation et de créations de postes d'envergure, en vue d’offrir à nos concitoyens une administration sanitaire et sociale convenable, sur l'ensemble du territoire, y compris outre-mer ? Quelles sont vos intentions en ce domaine ?

Au regard de ces différents éléments, vous comprendrez qu'il ne nous soit pas possible de voter ce projet. Bien qu’il donne l’impression de croître, ce budget n’est pas bon pour le pays.

M. Serge Roques – Forte de ses trois programmes, la mission Santé permet de bien appréhender l’action de l’État en faveur de la santé de nos concitoyens, en complément du volet assurance maladie du projet de loi de financement de la sécurité sociale. 70 % des moyens mobilisés dans ce cadre concernent des dépenses d'intervention. Pour 2007, la mission connaît une forte hausse, sa dotation passant de 399 à 431 millions. Cette évolution favorable est notamment liée au financement de la dernière phase du plan Cancer, qui bénéficie de 23 millions supplémentaires.

« Existe-t-il pour l'homme un bien plus précieux que la santé ? » se demandait déjà Socrate.

M. Jean-Marie Le Guen – Il aurait fait un excellent ministre ! (Sourires)

M. Serge Roques – Alors que nous y consacrons 10 % de notre PIB, nous avons le devoir de nous demander si cet effort se déploie de manière optimale et pour le bien de tous. L'État est, en effet, stratège en matière de détermination des objectifs de santé publique et de définition des programmes de prévention et d'adaptation de l'offre de soins. Je souhaite m’arrêter sur le programme Santé publique et Prévention et sur celui relatif aux drogues et à la toxicomanie, pour souligner l’importance de ce qui a été fait en faveur de la prévention.

En effet, si la France est le pays dans lequel l'espérance de vie est la plus élevée du monde après 60 ans, et si l’OMS reconnaît notre système de soins comme l'un des plus efficaces, nous connaissons un taux assez élevé de décès prématurés, avant 65 ans. Or l'OCDE vient de classer notre pays en sixième position pour ce qui concerne les dépenses de prévention, leur montant total ayant atteint 12 milliards en 2005.

Si nombre de vies ont été sauvées grâce aux politiques volontaristes que nous menons, chacun sait qu’il reste encore beaucoup à faire. Nous pouvons – et nous devons – faire plus et mieux. En effet, chaque année, plus de 160 000 décès prématurés sont imputables à des facteurs amont sur lesquels nous pouvons agir directement, tels le diagnostic tardif de pathologies lourdes ou les accidents – en milieu domestique et sur la voie publique.

En outre, l'accès effectif aux soins demeure inégal selon les régions, les genres ou les catégories socioprofessionnelles : sept ans d'espérance de vie séparent toujours les catégories les plus défavorisées des autres.

Les lois du 4 mars 2002 et du 9 août 2004 ont permis de renforcer la prévention dans notre pays, en concentrant l’effort sur la préservation de la santé plutôt que sur le traitement des maladies. Ces textes ont rendu plus cohérentes les différentes actions menées à cet effet. La loi de santé publique d'août 2004 a notamment précisé le rôle d'orientation de l'État et l'organisation qui doit permettre de mieux coordonner les différents intervenants.

Après la mise en place des dispositifs prévus dans la loi, l'année 2006 a vu la tenue d'États généraux de la prévention. Vous avez, Monsieur le ministre, installé une commission d'orientation, présidée par le Dr Toussaint, à laquelle les directions des agences sanitaires, des instituts et des ministères concernés apportent leur concours.

Après un premier rapport d'étape qui propose une stratégie et des recommandations tendant à une plus forte cohérence entre prévention et soins, pour faciliter les choix éclairés de nos concitoyens et valoriser la place du médecin traitant, vous avez organisé des États généraux de la prévention, dont nous attendons la synthèse pour la fin de ce mois. Des forums régionaux seront ensuite organisés, en décembre et janvier prochains. Il convient d'établir une continuité entre un système de soins encore essentiellement tourné vers le curatif et les nouveaux enjeux de prévention, primaire, secondaire et tertiaire.

La prévention est plébiscitée, par les patients comme par le personnel médical. En décloisonnant tous ceux qui y contribuent, pour qu’ils agissent dans les milieux éducatif, médical, paramédical, social ou de la recherche autour d’objectifs communs, c’est la qualité de vie des Français que nous améliorerons, leur offrant la possibilité de préserver leur capital santé.

Concrètement, cinq plans stratégiques de santé publique ont été arrêtés. Le plan Cancer constitue l’un des grands chantiers présidentiels. Le plan santé-environnement, doté de 1,7 million, vise à mieux connaître l'impact des milieux par un repérage des situations à risque et un dépistage actif des personnes exposées. Le plan maladies rares vise à assurer l'équité et la qualité de la prise en charge des malades atteints d'une des 7 000 maladies rares identifiées. Il a notamment pour objectifs de diminuer l'errance médicale des patients, d'améliorer l'information et la formation des professionnels de santé et de soutenir les associations de malades. En 2007, 608 319 euros sont destinés à ce plan, dont la moitié pour financer la base de données Orphanet.

Enfin, nous attendons la concrétisation de deux nouveaux plans : le plan « violence, comportements à risques et conduites addictives », qui aborde les relations entre la santé et les diverses formes de violences, et le plan « maladies chroniques et qualité de vie 2006- 2010 », qui propose une approche transversale des maladies chroniques en vue de limiter leur impact sur la qualité de vie.

La loi de finances pour 2007 permet donc de lancer la dernière phase du plan Cancer et, en particulier, de généraliser le dépistage du cancer du sein. En outre, l’un des enjeux de l’année sera d’élaborer le contrat d'objectifs et de moyens de l'Institut national du cancer.

La lutte contre les pratiques à risque doit rester une priorité et je pense, bien sûr, en tout premier lieu à l'interdiction de fumer dans les lieux publics, qui nous concerne que nous soyons fumeurs ou pas. Sur les 66 000 morts dont le tabac est responsable chaque année, 5 000 sont victimes de tabagisme passif. L’interdiction devra s’accompagner d'aides aux personnes cherchant à réduire ou arrêter leur consommation et d'actions visant à la « dénormalisation » de l'image du tabac. Alors qu'aujourd'hui, une femme sur quatre, un homme sur trois, et, surtout, un jeune sur deux fument, le cancer du poumon – dont le taux de guérison demeure faible – pourrait tuer deux fois plus de personnes dans vingt ans. Dans ce domaine, la médecine et la chirurgie curative ont en effet peu progressé et, aujourd’hui encore, seule une prévention efficace peut concourir de manière significative au recul de la mortalité par le tabac.

Les principaux autres domaines stratégiques concernent la lutte contre le sida – toujours très menaçant – au titre de laquelle le programme d'action 2005-2008 sera poursuivi. En l'absence d’un vaccin et de traitements permettant d’éradiquer l'infection, nous devons réduire sa transmission chez les personnes à risque, tout en optimisant la prise en charge des personnes atteintes.

S’agissant de la santé mentale, l’année 2007 verra le lancement d'une campagne d'information, destinée au grand public et aux professionnels, sur les troubles dépressifs. J’ajoute que le plan « psychiatrie et santé mentale » définit une nouvelle stratégie d'action face au suicide, qui est aujourd’hui la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans, et la première chez les 25-34 ans : le but est de repérer plus précocement les troubles mentaux, mais aussi d’améliorer la prise en charge sanitaire et sociale des personnes atteintes.

En application du deuxième programme national « nutrition-santé », lancé le 6 septembre dernier, la politique de nutrition sera enfin dotée de trois millions d'euros en 2007, avec un accent particulier sur la lutte contre l'obésité.

En renforçant la sécurité routière et la lutte anti-tabac, en développant le plan anti-cancer, la prévention de l'obésité, des suicides et de bien d'autres fléaux encore, votre gouvernement démontre que la prévention a enfin quitté le champ de l'incantation et de la posture pour entrer dans celui de l'action concrète, organisée minutieusement, année après année.

C'est grâce à la prévention que nous pourrons sauver de très nombreuses vies et éviter bien des souffrances et des handicaps graves, tout en générant des économies qui permettront d'assumer plus facilement les charges exponentielles engendrées par le vieillissement de la population et par les progrès médicaux.

Nous devons en convaincre nos concitoyens, ce qui implique un véritable travail de communication. Les forums généraux de la prévention, organisés dans toutes nos régions, pourront y contribuer utilement, de même que ma proposition d’instituer une journée nationale de la prévention.

Le budget que nous votons va permettre d'avancer sur la bonne voie et de consolider les résultats déjà acquis. Une politique de prévention ne peut en effet se construire qu’à force de constance et persévérance. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne peut qu’approuver et soutenir avec conviction votre budget, Monsieur le ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Le Guen - Il y a sans doute un paradoxe, voire une provocation, à engager le débat sur le budget de la santé un 2 novembre, le jour des trépassés (Sourires). Mais à écouter notre collègue de l’UMP, on se demande si, grâce à toutes vos promesses, vous n’allez pas finir par supprimer cette journée du calendrier ! (Même mouvement)

Malgré les chiffres que vous présentez, la complexité des relations entre l’État et la sécurité sociale empêche toute lecture claire de votre action. Les crédits passent en effet d’un domaine à un autre au gré des circonstances, plutôt que suivant une véritable logique d’organisation. Les enchevêtrements sont aujourd’hui tels qu’il est difficile de se faire une idée exacte des moyens réellement alloués à vos politiques. Nous savons tous au reste que le budget de l’État n’est pas le véritable moteur des grandes actions en faveur de la santé dans notre pays !

Si votre ministère assume des responsabilités de plus en plus éminentes, il dispose historiquement de moyens bien inférieurs à ceux qui sont alloués à d’autres départements. C’est donc une véritable réflexion qu’il faudrait mener sur les moyens humains du ministère de la santé, ainsi que sur son statut. Comme notre collègue Muguette Jacquaint l’a souligné, on peut également regretter que les professionnels de santé soient si peu impliqués dans la politique de l’État.

Si des moyens financiers sont nécessaires, notre action ne saurait pourtant s’y résumer. En matière de lutte contre l’alcoolisme, par exemple, j’observe que l’État est resté bien discret… Vous avez certes organisé des États généraux sur ce sujet, mais sans mobiliser véritablement l’opinion publique, ni les parlementaires, qui sont toujours plus enclins à défendre la viticulture qu’à s’engager contre le fléau de l’alcoolisme. Si M. Heinrich a insisté avec raison sur la lutte contre la toxicomanie, n’oublions pas que la mortalité, la morbidité, la violence, la misère sociale et le coût économique de l’alcool sont bien plus grands encore ! Cette question n’a malheureusement pas reçu toute l’attention qu’elle mérite.

Quand vous nous parlez d’un plan national « nutrition-santé » et de lutte contre l’obésité, gardons également à l’esprit la modicité des sommes en jeu : – trois millions d’euros – au regard du milliard consacré par les industriels à leur publicité. Comment pourrions-nous rivaliser en crédits ? Nous devons donc commencer par mobiliser l’ensemble de l’État : c’est seulement en faisant bouger les ministères en charge de l’agriculture, de l’éducation nationale et de l’urbanisme que nous changerons les modes de vie !

Quant au plan cancer, nous avons soutenu vos propositions même si nous avions des réticences sur certains points. Ainsi, contrairement à ce que nous avons pu entendre, un tel plan n’avait rien d’une novation, puisqu’il ne faisait que prolonger les mesures adoptées à l’instigation de Bernard Kouchner. Nos préventions concernant le rôle de l’INCA n’étaient pas non plus infondées – certaines confusions se sont effectivement produites dans la direction des opérations !

J’espère néanmoins que nous allons continuer à aller de l’avant en restructurant l’offre de soins, en améliorant la qualification des acteurs et en renforçant le rôle des malades. Si nous devons continuer à soutenir le plan contre le cancer, et s’il est encourageant que les crédits disponibles progressent, nous ne devons pas nous contenter de chiffres et d’objectifs. En effet, tout ne se limite pas à l’attribution de moyens financiers, si nécessaires qu’ils soient : le dépistage du cancer du sein ne se décrète pas par voie administrative, car nous nous heurtons encore à bien des lourdeurs administratives ainsi qu’à des réticences socio-culturelles.

Par ailleurs, je regrette que vous ne vous appuyiez pas plus sur les quelques instruments de démocratie sanitaire que l'Assemblée nationale a sauvés lors du débat sur la loi de santé publique en 2004. La plupart des parlementaires de toutes tendances souhaitaient le maintien des conférences régionales de santé, par exemple. L’État ne semble pas croire à leur utilité ; pourtant, ce sont des éléments essentiels de mobilisation sociale et on sait combien celle-ci est nécessaire pour faire progresser la santé publique, qui est loin d’être entre les seules mains des médecins, ou de l’État.

S’agissant de la lutte contre la toxicomanie, dont nous reparlerons à l’occasion de l’examen du projet de lutte contre la délinquance, votre politique n’est pas à la hauteur des enjeux. Vous persistez à aborder cette question de santé publique dans un esprit sécuritaire. Sur les 907 millions qui lui sont consacrés, 277 seulement sont affectés au ministère de la santé. Ce n’est pourtant pas le ministère de l’intérieur ou de la justice qui vont régler ce problème sanitaire ! Pour réduire sensiblement la consommation de cannabis, puisque c’est surtout de cela qu’il s’agit, il faut parler de santé aux jeunes : c’est la seule approche crédible. L’interdiction, que je soutiens, n’a de sens que si les conséquences sanitaires de la consommation de cannabis sont expliquées. Cessons de diaboliser un produit qui fait partie du quotidien de tant de jeunes ! Dialoguons avec eux sur des faits avérés, et non sur des statistiques biaisées.

M. Bapt, en rapporteur scrupuleux, a soulevé de nombreuses questions et tempéré à juste titre votre enthousiasme parfois excessif. Je ne peux que confirmer avec lui que le groupe socialiste votera contre ce budget.

M. Jean-Luc Préel – Le budget de la santé pour 2007 est bien modeste au regard des dépenses de santé de la nation. Alors que l’assurance maladie a remboursé près de 145 milliards et que les dépenses courantes de santé se sont élevées à 195 milliards en 2005, le budget de la mission « Santé » ne représente cette année que 430 millions, malgré une augmentation de 7,75 %. Pourquoi n’avons-nous jamais un vrai débat sur les sommes que la France consacre à la prévention, au soin, à la recherche, à la formation et aux différents acteurs sanitaires ? Le Parlement devrait pouvoir se prononcer chaque année sur le rôle de l’État, de l’assurance maladie et des différentes agences concernées par le financement de la santé. Je plaide, comme d’autres, pour un véritable ministère de la santé qui serait notamment responsable de la formation des professionnels. À ce titre, l’UDF prône un numerus clausus régional et par spécialité, ainsi qu’une nouvelle répartition des tâches entre professionnels. Quant aux infirmiers et aux sages-femmes, il est grand temps d’intégrer leur formation dans le cursus LMD.

La santé est l’une des préoccupations majeures des Français qui constatent avec inquiétude que, malgré les réformes successives et les énormes sommes investies, l’équilibre financier n’est pas encore atteint, et surtout que l’on chercherait en vain une profession de santé sereine. La crise, en effet, n’est pas que financière : elle est aussi morale, tant les professionnels éprouvent un profond besoin de reconnaissance.

Votre tâche, Monsieur le ministre, est donc aussi vaste que passionnante. Vous devez assurer l’égal accès de tous à des soins de qualité et veiller à la formation des professionnels, à l’évaluation des pratiques, à la permanence des soins, à l’organisation des urgences ou encore à la meilleure prise en charge des pathologies. Mais surtout, plutôt que guérir, vous devez prévenir : aujourd’hui, la coupure entre le soin et la prévention est profonde.

Les groupements régionaux de santé publique vont-ils fonctionner ? Personne n’y croit vraiment… Quant aux agences régionales de santé expérimentales, quelles sont leurs missions ? Aucun crédit ne leur est alloué en 2007 : y avez-vous donc renoncé ? Pourront-elles fonctionner sans la fongibilité des enveloppes que vous rejetez ? Beaucoup, pourtant, souhaitent aujourd’hui la régionalisation de la santé, malgré les fortes résistances des préfets, notamment. Donnerez-vous donc enfin aux agences régionales de santé les moyens de fonctionner ? Clarifierez-vous le rôle des préfets, des DDRASS et des DDASS ?

De même, il faudrait délimiter précisément les rôles respectifs de l’État et de l’assurance maladie. Votre ministère, qui manque de moyens humains et financiers, doit se concentrer sur ses missions essentielles et faire davantage confiance aux femmes et aux hommes qui travaillent dans les structures décentralisées, notamment les établissement hospitaliers.

La simplification administrative est unanimement réclamée. Réduirez-vous donc le nombre et le volume des circulaires et arrêtés quotidiens ? Pourquoi vouloir tout contrôler ? Lâchez donc un peu la bride et faites davantage confiance aux praticiens ! Écoutez davantage les 645 médecins inspecteurs de la santé à qui vous avez fait tant de promesses et qui ont besoin de votre reconnaissance !

M. le Ministre – Je tiens toujours mes promesses !

M. Jean-Luc Préel – Ils seront donc bientôt satisfaits ! D’autre part, un bilan des cent objectifs quantifiés de la loi de santé publique s’impose. L’UDF était sceptique quant à leur efficacité : lui donnerez-vous tort ?

Cette année, les crédits en augmentation sont essentiellement consacrés à la prévention du sida, du cancer et des pratiques addictives. Pour être efficace en la matière, il faut s’appuyer sur les professionnels de terrain, et notamment doter les comités départementaux d’éducation pour la santé de plus de moyens humains et financiers afin qu’ils coordonnent l’effort de prévention. Le dépistage des cancers doit également être étendu : le relatif échec du dépistage du cancer du sein montre qu’il faut atteindre l’ensemble de la population, y compris les personnes n’ayant pas d’habitude accès aux examens complémentaires. Quant à l’Institut national du cancer, je doute de son efficacité réelle. Certes, il faut coordonner l’action des services concernés, mais la variété des types de cancers est grande : chaque pathologie finira-t-elle donc par avoir son institut ? Enfin, quelles suites donnerez-vous au rapport très critique du professeur Girard sur la veille sanitaire ?

Le groupe UDF plaide pour un responsable unique de la santé au niveau régional, qui serait chargé de l’ambulatoire, des établissements, de la prévention, de l’éducation et la santé et de la formation. Il plaide également pour un ministère de la santé de plein exercice, garant de l’égalité sur le territoire. Votre tâche est ardue : il vous faut résoudre une crise financière, organisationnelle et morale. J’espère que vous y parviendrez, et j’attends vos réponses avec intérêt.

M. le Ministre – Domaine prioritaire, la santé mérite un budget prioritaire. La mission santé est donc dotée de 430 millions d’euros, ce qui correspond à une progression de 8 %, importante dans le contexte budgétaire actuel. Je vous remercie de l’avoir souligné, Monsieur Heinrich, et je ne laisserai personne dire le contraire : les chiffres sont là.

Notre système de santé est reconnu comme l’un des meilleurs au monde par l’OMS. Comme l’a rappelé Serge Roques, notre priorité est désormais la réduction de la mortalité prématurée, avant 60 ans, qui demeure trop élevée. Il faut pour cela amplifier nos efforts, tout particulièrement dans le domaine de la prévention, priorité sur laquelle nous nous retrouvons tous.

La mission santé concerne d’abord la mise en œuvre de la politique de santé publique et de prévention, avec les plans de santé publique – plan de lutte contre le cancer, mais aussi lutte contre le VIH et contre les IST. Elle recouvre également le programme drogue et toxicomanie et la modernisation du pilotage de l’offre de soins. Le programme Santé publique et prévention est doté de près de 290 millions d’euros, soit une progression de 20 %. Nous donnons une nouvelle impulsion à la prévention et renforçons le rôle de l’INPES, auquel près de 24 millions – 1,4 million de plus qu’en 2006 – sont dévolus sur le budget de l’État. Cela permettra de lancer de nouvelles campagnes de prévention et d’information – nutrition, plan cancer, plan contraception.

Ce budget conforte des évolutions qui touchent notre système de soins, mais aussi notre société. Le patient est désormais associé à la concertation et à la mise en œuvre des politiques de santé publique : la conférence nationale de santé et les vingt-six conférences régionales créées par la loi du 9 août 2004 sont des lieux de débat citoyen. Certes, Monsieur Bapt, cela a pris du temps, mais cela a permis une concertation avec l’ensemble des acteurs. Je suis comme vous attentif à l’entière mise en œuvre de la régionalisation. Mais pour installer des ARS, il nous faut des candidats à l’expérimentation ! Nous constatons aujourd’hui, dans la région Nord-Pas-de-Calais qui a accepté de s’engager, qu’il y a un pas entre l’idée et sa réalisation. Il faudra trouver une solution pour que d’autres expérimentations puissent voir le jour, car la régionalisation est une voie d’avenir pour notre système de santé.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances – En effet.

M. le Ministre – Au niveau régional, la modernisation s’est traduite par la mise en place des GRSP. Le plan régional de santé publique est l’outil commun de la politique de santé publique de l’État, de l’assurance maladie et des collectivités territoriales – je pense au conseil régional.

Mme Jacquaint a évoqué le rôle des DDASS et les DRASS. Après leurs indemnités en 2005, nous revalorisons le statut des responsables des services déconcentrés. Nous procédons actuellement à une revue de la ventilation des effectifs entre les services. Nous avons également fait jouer la solidarité nationale en faveur de l’île de la Réunion, en renforçant les capacités de lutte antivectorielle. Nous avons pu installer le service de prophylaxie attendu et confirmer les engagements pris par le Premier ministre, notamment s’agissant du CHR. Il faut rester vigilants : ce n’est pas parce que les chiffres sont inférieurs à ceux de l’an dernier que le dossier du chikungunya est clos.

Une meilleure conjugaison de la prévention et des soins à l’échelle des territoires nous permettra d’harmoniser le développement des PRSP et des SROS. L’année 2007 verra un effort particulier de résorption des inégalités de santé, qu’elles soient sociales ou géographiques – politique qui se trouve confortée, comme l’a noté M. Heinrich, par la coordination de la politique de santé publique au niveau régional.

Nous avons fait de la lutte contre le cancer une priorité nationale. Le plan de lutte contre le cancer bénéficie de 120 millions d’euros – ses moyens progressent de 25 %. Nous entendons généraliser le dépistage du cancer du sein, en orientant notre action vers les femmes les plus défavorisées et avec comme objectif la participation de 70 % des femmes de la tranche d’âge concernée à la fin de 2006 et 85 % à la fin de 2007. Pour cela, il nous faut tenir compte des réticences qui demeurent et que ne nous lèverons qu’avec l’aide des généralistes. Nous nous sommes aussi donné pour objectif de généraliser le dépistage du cancer colo-rectal : la moitié des départements seront concernés fin 2006, et un troisième appel d’offres organisé début 2007 pour les autres départements.

Il faut aussi prévenir l’apparition des causes de cancer et diminuer le nombre de décès prématurés, grâce à la lutte contre l’alcoolisme et les addictions et à l’engagement que nous avons pris d’interdire le tabagisme dans tous les lieux publics. 25% des cancers sont liés au tabagisme ; ils sont responsables de 34500 des 66000 décès liés au tabac. Le rôle de l’INCa, « tour de contrôle » du plan, est confirmé par les 50 millions qui lui sont octroyés.

L’effort public concerne aussi la prévention et le traitement des infections sexuellement transmissibles, du sida et des hépatites, avec près de 100 millions, soit une progression de 12 millions par rapport à 2006. Cette forte augmentation nous permet de conforter le rôle des associations et de reconduire les crédits de la lutte contre le VIH – 23,3 millions pour ceux de l’INPES. Nous poursuivons ainsi les actions de prévention, en orientant les campagnes d’information vers les publics les plus touchés – migrants, homosexuels, populations habitant les Antilles. Nous renforcerons de même la prise en charge extra-hospitalière et les actions de proximité. Pour infléchir les comportements, nous proposons le préservatif à 20 centimes d’euros et installons des distributeurs dans les lycées et les hôpitaux. Il faut enfin améliorer la qualité de vie des patients atteints du sida, tant à domicile qu’à l’hôpital, et leur apporter un soutien thérapeutique accru tout en changeant le regard porté sur eux. Nous financerons donc 150 nouvelles places en appartements de coordination thérapeutique.

Avec le PNSS 2, lancé le 6 septembre et auquel nous consacrerons 47 millions en 2007, nous entendons améliorer la santé de la population en agissant sur l’un de ses principaux déterminants, l’alimentation. Dès la fin de l’année, les industriels signeront des engagements portant sur la composition, la présentation et la promotion des aliments. Je suis d’accord avec vous, Monsieur Le Guen : ce n’est pas en jouant un budget contre l’autre que nous obtiendrons des résultats, mais en faisant évoluer les comportements. Ne nous contentons pas de ces premiers signes si nous voulons éviter une dérive à l’américaine. Un plan global garantira le dépistage précoce de l’obésité et l’orientation des personnes atteintes de surcharge pondérale, mais je suis aussi très attaché à la prise en charge de ces personnes : il ne faut pas seulement prévenir, il faut guérir en mettant en place les structures hospitalières nécessaires.

Avec le programme santé mentale, qui finance une partie du plan Psychiatrie et santé mentale, nous adoptons une démarche globale de prise en charge des troubles de la santé mentale. En 2007, nous renforcerons en particulier la prévention de la dépression et du suicide, grâce à des campagnes de l’INPES et à la formation des professionnels. Nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen du projet de loi sur la prévention de la délinquance. Nous poursuivons nos efforts sur les maladies rares, en y consacrant près de 736 000 euros.

Nous voulons aussi améliorer la qualité de vie des malades. C’est tout l’enjeu du plan qualité de vie et maladies chroniques que nous lancerons avant la fin de l’année. La mission santé contribue à hauteur de 6,6 millions au programme Qualité de vie et handicap. Quant au plan périnatalité, auquel nous consacrons 1 125 000 euros, il permettra d’améliorer l’information de la femme enceinte sur les pratiques à risque pendant la grossesse.

Le plan Violence et santé, qui sera présenté avant la fin de l’année, a pour objectif de lutter contre les comportements violents. Les recommandations de ce plan seront mises en œuvre en 2007.

Notre système de santé doit aussi répondre aux défis de demain. La lutte contre la maladie d’Alzheimer sera proclamée grande cause nationale en 2007. Il nous faut mieux prendre en compte les maladies liées au vieillissement, ce qui se traduit par une multiplication par six des crédits consacrés à la prise en charge de ces pathologies – qui passent de 159 000 à un million d’euros. Grâce aux crédits de la CNSA et de l’ONDAM, nous avons fait de la prise en charge de la dépendance un des grands chantiers de la législature.

Comme vous l’avez fait, j’insisterai enfin sur la lutte contre toutes les formes d’addiction – alcoolisme, tabagisme. Plus de 11 millions sont consacrés à des actions de prévention et de prise en charge des toxicomanes. La prévention est un élément central du programme de lutte contre les drogues et les toxicomanies, et je remercie Michel Heinrich d’avoir mené une étude sur la lutte contre ce fléau. Le plan de lutte contre les drogues et les toxicomanies est à nouveau doté de moyens importants en 2007. Nous voulons notamment renforcer la coordination des différents volets, accentuer le rôle du centre interministériel de formation anti-drogues et clarifier les rôles entre l’administration du ministère, qui gère les crédits, et la MILDT, qui doit se recentrer sur son rôle interministériel. Cela suppose notamment que les crédits qui ont été transférés l’année dernière vers ce programme soient réintégrés au sein du programme Santé publique et prévention, et je me réjouis que les deux rapporteurs l’approuvent.

En ce qui concerne le manque de visibilité des moyens en matière de lutte contre la toxicomanie, Monsieur le rapporteur, je suis tout à fait ouvert à une réflexion pour améliorer le contrôle parlementaire. Je vais par ailleurs annoncer un plan global de lutte contre les addictions, conformément au vœu du Président de la République.

L’objectif demeure la poursuite de la politique de réduction des risques, qui a largement démontré son efficacité. En dix ans la proportion de toxicomanes infectés par le VIH a été divisée par quatre, tandis que l’usage de drogues devient marginal dans les causes de nouvelles contaminations et que les overdoses mortelles ont été divisées par cinq. Mais il n’est pas question de se livrer à l’autosatisfaction : nous devons continuer. Il faut tout d’abord réduire le nombre de nouveaux consommateurs, avec des actions d’information et d’éducation dans tous les milieux que fréquentent les jeunes. Nous ne pouvons pas considérer l’explosion de nouvelles drogues comme une fatalité. La séance annuelle scolaire, prévue par la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004, ne saurait suffire. Il faut ensuite soigner les consommateurs, et surtout les aider à renoncer à l’usage de la drogue. C’est la mission des 250 centres spécialisés, ainsi que des quatre communautés thérapeutiques qui devraient ouvrir bientôt, dont une outre-mer. S’y ajoute le plan global de prise en charge des addictions. Il faut enfin réduire les conséquences graves de l’usage de la drogue, telles que la contamination par le virus de l’hépatite C. J’ai demandé à tous les directeurs de centre de délivrer un message de prévention systématique à ce sujet.

Le programme Offre de soins et qualité du système de soins est doté de 104 millions, soit une augmentation de 2,29 %. Garantir la meilleure offre de soins, c’est assurer une offre de qualité, suffisante et accessible à tous les usagers. Pour pérenniser le bon niveau des soins, le budget s’intéresse à la formation, à la recherche à l’hôpital et à la télémédecine. Un effort tout particulier a été fait pour la formation, notamment avec la mise en place du stage de médecine générale pendant le deuxième cycle. L’objectif est de faire connaître le mieux possible le métier de généraliste en cabinet libéral, pour en améliorer l’attractivité. Plus globalement, je m’attache en permanence à donner à la médecine générale la place centrale qui lui revient. J’en ai d’ailleurs ouvert – enfin ! – la filière universitaire et j’ai signé le 20 octobre avec le ministre de l’enseignement supérieur un arrêté l’inscrivant au Conseil national des universités, mais j’ai bien conscience que le travail n’est pas terminé. Autres professions qui retiennent toute notre attention : celles des sages-femmes et des infirmiers, avec lesquelles nous travaillons pour améliorer leurs conditions de formation – ce qui n’est pas sans conséquences financières.

Dans ce programme, l’action Modernisation du système de soins nous permet aussi d’accompagner les agences nationales, telles que la Haute autorité de santé ou l’agence technique de l’information sur l’hospitalisation, ainsi que les instances régionales – 22 millions sont consacrés aux ARH. L’ATIH aura aussi les moyens d’employer plus de personnel. Le budget pour 2007 nous donne aussi l’occasion d’améliorer la gestion des carrières des directeurs d’établissement et des praticiens hospitaliers. La création du centre national de gestion répondra à ce besoin, tout en permettant à l’administration centrale de se recentrer sur ses compétences stratégiques.

Ambition et détermination caractérisent notre action en matière de santé publique, concrétisées par un effort sans précédent pour la mission Santé dans ce projet de loi de finances. Nous voulons tous un système de santé plus moderne, mieux coordonné, moins cloisonné et davantage tourné vers le patient. Nous voulons lutter contre les grands fléaux de santé publique et faire reculer les barrières de l’espérance de vie, mais pas au détriment de la qualité de vie. Nous devons aussi agir en respectant les principes qui sont au fondement même de notre pacte républicain : la justice, l’équité et la solidarité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

questions

Mme Muguette Jacquaint – Mme Fraysse vous a interpellé il y a quelques jours, Monsieur le ministre, sur les conditions de formation à la médecine générale, mais sans obtenir de réponses claires. Pourtant, d'ici dix ans, la France va connaître une pénurie sans précédent de praticiens, qui touchera tout particulièrement toucher la médecine générale, premier maillon du parcours de soins. Selon l'association nationale des étudiants en médecine de France, 686 postes d'internes en médecine générale ne seront pas pourvus cette année, qui s'ajouteront aux 1 500 postes de 2004 et 2005. D'après Le Quotidien du médecin, de nombreux CHU du centre, du nord-est et de l'ouest de la France devront faire face à cette pénurie : 47 postes sur 130 seront ainsi vacants à Nancy, 44 sur 95 à Caen ou 20 sur 55 à Angers par exemple… Le manque d'attractivité de cette discipline, aggravé par des conditions difficiles d'exercice et de rémunération, freine les étudiants dans leur engagement en faveur de la médecine générale, discipline non officiellement reconnue à l'université.

M. le Ministre – Jusqu’à maintenant !

Mme Muguette Jacquaint – C'est pourquoi nous soutenons la création de la filière universitaire de médecine générale, unanimement réclamée par les syndicats de médecins généralistes. Les décrets sont prêts, et signés. Quand seront-ils publiés et prendront-ils concrètement effet ? Quant aux moyens correspondants, nous ne les avons pas trouvés dans votre budget. Enfin, êtes-vous prêt à satisfaire la proposition concernant un stage de médecine générale pendant le deuxième cycle des études de médecine et la titularisation rapide de professeurs associés de médecine générale ?

M. le Ministre – L’arrêté créant la filière universitaire est du 26 octobre.

Je ne partage pas tout à fait votre sentiment sur la médecine générale : pour moi, tout n’est pas réglé, et de loin, mais cela va tout de même mieux. Il faut continuer dans ce sens. En 2005, près de 900 postes de médecine générale n’étaient pas pourvus. Il n’y en a plus que 331 en 2006 – il y en encore 331 ! Nous revenons donc de très loin, et il était urgent de réagir. Les postes non pourvus se situent généralement dans le nord-est, le nord-ouest et à l’ouest du pays. Ce n’est donc pas la discipline en elle-même qui souffre d’un problème d’attractivité : c’est dans ces zones sous-médicalisées que la charge de travail est considérable. C’est dans ces régions que nous sommes confrontés aux conditions d’exercice des praticiens et que nous devons apporter les bonnes réponses.

J’ai bien conscience qu’il faut régler le problème en amont, avec la filière universitaire et le stage, qui aurait dû être mis en place depuis des années. Mais il faut aussi s’attaquer aux conditions d’exercice : la médecine de premier recours joue un rôle vital, et il faut donc dégager les moyens qui lui sont nécessaires. Toutefois le débat ne relève pas seulement du budget de l’État, mais aussi de la loi de financement de la sécurité sociale. À partir du moment où la médecine générale devient une spécialité, il faut en tirer les conclusions, notamment en matière de rémunération. J’ai cru comprendre du débat parlementaire que cela faisait consensus, mais il faudra en tirer les conséquences financières.

Mme Muguette Jacquaint – Depuis le 19 juin 1999, vingt-neuf pays, dont la France, ont ratifié la déclaration de Bologne visant à la création d'un espace européen de l'enseignement supérieur. L'instauration du LMD demande une réorganisation des parcours pour certaines professions, notamment pour les filières médicales, paramédicales et pharmaceutiques. Dans ce contexte, les ministères de la santé et de l'enseignement supérieur ont lancé une commission sur l'intégration de ces filières, mais ses conclusions, publiées dans le rapport Thuillez, ne prennent pas en compte les aspirations exprimées par les étudiants sages-femmes.

Dans le cadre de la réforme LMD, ceux-ci souhaitent, au sein d’une filière universitaire dédiée aux métiers de la santé, une filière liée à la périnatalité. Ils défendent légitimement un parcours de formation en cinq années, sanctionné par un diplôme national de master concomitant à l'obtention du diplôme d'État. Ces options ont été écartées par le rapport, malgré l'intérêt qu'elles suscitaient. Le Gouvernement entend-il prendre en compte ces propositions, et donc poursuivre la concertation avec les représentants des étudiants sages-femmes ? Entend-il créer un master dont le contenu pourrait être orienté soit vers la professionnalisation, soit vers la recherche ?

M. le Ministre – Oui ! Lorsqu’on ratifie un tel accord, on ne peut plus traîner les pieds. Mais il faut aussi tout dire ! À chaque fois qu’on agit sur la qualification d’une profession, cela a des conséquences en termes de rémunération. La question se pose pour les sages-femmes et pour l’ensemble des professions paramédicales, dont notamment celle des infirmiers. Or, ces conséquences sont loin d’être minimes. Mais je veux absolument anticiper une crise des vocations : c’est pourquoi nous continuerons dans cette direction.

Vous avez parlé de concertation : nous en sommes au temps des décisions et quant au calendrier et quant aux modalités. Il conviendra d’ailleurs de revoir également la maquette des contenus. Telle est la direction que nous avons choisie !

Mme Muguette Jacquaint – Je m’en félicite.

M. Thierry Mariani  Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence tout involontaire de M. Merville, qui m’a demandé de relayer sa question.

La santé publique est un objectif majeur de notre politique sociale, économique et territoriale. En Haute-Normandie, de nombreux indicateurs sont mauvais. Si notre pays est un des premiers au monde en matière de densité médicale, la répartition géographique des praticiens libéraux et publics n’est pas bonne. Ainsi, selon une enquête récente, la région havraise est particulièrement mal placée : 36ème et dernière place s’agissant de l’offre de soins, 25ème pour l’état de santé de la population et 31ème pour l’environnement. Les raisons sont anciennes et nombreuses : pollution, alcoolisme, exclusions… Certes, des efforts ont été accomplis mais la sous-médicalisation demeure dans la partie havraise et dans le bassin de la Seine. Ce déséquilibre se retrouve également sur le plan de la morbidité et de la mortalité, selon la formule qui veut que les malades soient au nord et les médecins au sud. Comment, Monsieur le ministre, comptez-vous améliorer la démographie médicale ?

M. le Ministre – Il faut tout d’abord relever le nombre de médecins et c’est pourquoi le numerus clausus entre 2002 et 2007 a été augmenté de 50 % en passant de 4 300 à 7 000. Ce chiffre sera maintenu jusqu’en 2010, même s’il faudra sans doute aller au-delà de 7 000 avant cette date en raison notamment de l’accroissement du temps partiel, qui ne concerne pas seulement les femmes.

Je crois, en la matière, à l’incitation et non à la coercition. Les professionnels de santé doivent être mieux rémunérés afin qu’ils s’installent dans les zones sous-médicalisées, si tant est que celles-ci soient d’ailleurs bien définies. J’ai demandé aux missions régionales de santé de revoir le premier zonage afin que l’on puisse dépasser par exemple la barrière administrative du canton.

En attendant l’arrivée des jeunes médecins, il convient également de prolonger l’activité des plus anciens. J’ai donc relevé le plafond du cumul entre activité et retraite.

Enfin, s’agissant des conditions d’exercice, je crois que l’avenir est aux cabinets de groupe et même à une logique de maisons de santé qui regrouperaient généralistes, infirmières, kinésithérapeutes, voire des chirurgiens-dentistes.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier – Soucieux d'attirer des professionnels de santé pour pallier la pénurie de médecins généralistes et spécialistes dans les territoires ruraux, je m'interroge sur la complexité et la diversité des dispositifs en présence. Les professionnels ne s'y retrouvent pas et se retournent vers nous, élus locaux, qui avons beaucoup de mal à leur répondre. Aux mesures votées dans le cadre de la loi sur les territoires ruraux du 23 février 2005 en faveur du maintien et du développement de l'activité des professions de santé dans les zones déficitaires doivent s'articuler celles de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie ainsi que les nouvelles mesures annoncées dans le cadre du plan de démographie médicale. Chaque dispositif, concernant à la fois des aides de l'État mais également des ARH, des URCAM ainsi que des collectivités locales, s’accompagne de critères d'éligibilité qui se superposent sans cohérence aucune. Ainsi, seules 56 communes sur les 185 que compte la Lozère sont répertoriées dans le cadre des zones sous-médicalisées et peuvent donc bénéficier de mesures de soutien aux médecins selon la loi relative à l'assurance maladie, alors même que l'ensemble du département est classé en zone de revitalisation rurale, condition pour bénéficier des dispositions de la loi DTR de février 2005…

Les médecins spécialistes sont en outre les grands oubliés de ces mesures, tout comme les médecins déjà installés, qui seraient presque prêts à partir pour mieux revenir. Il conviendrait donc selon moi d'homogénéiser l’ensemble des dispositifs.

M. le Ministre – Je connais votre engagement en la matière, Monsieur le député, et j’ai pu constater l’importance de vos efforts et des succès que vous avez remportés.

J’ai tenu les mêmes propos que les vôtres lors de l’examen du texte sur le développement des territoires ruraux. L’amendement adopté à l’initiative de l’un de vos collègues, je l’ai dit, risquait de soulever des problèmes de compatibilité avec le plan de démographie médicale. Le Gouvernement, en l’occurrence, avait été battu. Force est de reconnaître qu’en matière d’articulation, on aurait pu mieux faire. J’ai donc souhaité que le nouveau zonage, qui sera opérationnel au début de l’année prochaine, prenne en compte des critères identiques et que l’on n’ait pas de problèmes existentiels pour savoir dans quelle zone on se situe et si l’on est éligible à tel ou tel dispositif. Les médecins déjà installés bénéficieront de ces mesures, si tant est que les partenaires conventionnels que sont l’assurance maladie et les syndicats de médecins daignent enfin appliquer avec un an de retard ce que le Parlement a voté à l’unanimité ! Cela commence à bien faire !

J’ajoute que même ceux qui exercent en dehors d’un cabinet de groupe peuvent bénéficier du même dispositif quand ils se font remplacer. En outre, nous avons souhaité mettre en place un guichet unique pour donner toutes les informations nécessaires. Enfin, nous avons repris l’amendement d’un parlementaire pour que les collectivités locales puissent intervenir en plus des dispositifs gouvernemental et conventionnel. Les intervenants sont nombreux, de même que les aides, mais c’est que les besoins sont importants et anciens.

M. Thierry Mariani - Ne serait-il pas plus juste de revoir et d'adapter la tarification à l'activité à 50 % en fonction des établissements et de leur missions en tenant compte de l'aménagement du territoire et des difficultés conjoncturelles de démographie médicale dans certains établissements, plutôt que de l’appliquer de façon uniforme ?

Le centre hospitalier d'Orange, dont l’activité ne cesse de croître, est ainsi pénalisé par de trop faibles dotations globales et une MIGAC insuffisante. Il souhaiterait passer à une T2A supérieure à 50 %. Inversement, le centre hospitalier de Valréas, dont je préside le conseil d'administration, connaît une double difficulté : le remplacement de deux praticiens spécialistes, tout d’abord, a entraîné une baisse importante de l'activité et par conséquent des recettes pour l'exercice 2006 ; avec une T2A à 35 %, c'est relativement pénalisant. Ensuite, la MIGAC est particulièrement faible en comparaison avec d'autres hôpitaux ayant une même mission de service public. Certains établissements de même taille ont une dotation pérenne de plusieurs centaines de milliers d’euros par an. Cette allocation, selon les termes du décret du 8 avril 2005 pour maintenir une maternité sécurisée et autonome, représenterait pour le centre hospitalier de Valréas un soutien précieux au maintien du service public et en particulier à la prise en charge des femmes enceintes dans un centre périnatal de proximité, actuellement totalement soumis à la T2 A.

Je sollicite donc un rebasage à titre exceptionnel d'un montant de 300 000 euros pour le centre hospitalier de Valréas, et une aide conséquente pérenne pour le centre hospitalier d'Orange, qui pourrait être d’environ 1 million, au titre de l'aide à la contractualisation. Je me doute que vous devez recevoir un grand nombre de requêtes semblables, Monsieur le ministre, mais je me permets d’insister, le centre hospitalier de Valréas, géographiquement situé à l’extrême nord du Vaucluse, desservant également le sud de la Drôme et la région Rhône-Alpes.

M. le Ministre – Il est vrai que les demandes sont nombreuses mais il est également vrai que vous avez voté une augmentation du budget des hôpitaux de 2 milliards. Je peux donc tordre le cou à l’idée selon laquelle il n’y aurait pas d’argent pour financer l’hôpital : je n’ai jamais vu un hôpital fermer ses portes le 30 novembre faute de financement, non plus que des patients dont la prise en charge serait moins bonne en décembre qu’en janvier... Les moyens sont là, mais il faut les utiliser au mieux. Je pense que l’avenir est aux complémentarités et que la T2A permet de tenir compte des ajustements nécessaires.

L’activité progresse au centre hospitalier d’Orange même si des questions se posent quant au recouvrement des recettes. Les procédures devront être harmonisées mais, quoi qu’il en soit, une aide exceptionnelle de 1,1 million sera mise en place avant la fin de l’année. Le centre de Valréas bénéficiera quant à lui de 300 000 euros reconductibles en attendant la signature d’un contrat de retour à l’équilibre. Cette somme sera versée avant la fin de l’année et l’État assumera ses engagements.

M. Thierry Mariani - Je vous remercie.

M. Gérard Grignon - J’appelle l’attention du Gouvernement sur l’extrême vétusté, voire la dangerosité, de l’hôpital François Dunan de Saint-Pierre-et-Miquelon. Déjà en janvier 1995, la commission de sécurité qui avait, à ma demande, visité l’établissement avait donné un avis défavorable à la poursuite de son exploitation et avait même suggéré que le préfet de l’archipel en prononce la fermeture immédiate. Les travaux d’urgence réalisés ces dix dernières années n’ont pas résolu, tant s’en faut, tous les problèmes. Si dès 1995, le conseil général de la collectivité territoriale prit la décision qu’un nouvel hôpital serait construit – le projet fut inscrit au contrat de plan État-région 2000-2004 –, pour de multiples raisons dont votre ministère, Monsieur le ministre, n’est d’ailleurs en rien responsable, onze ans plus tard, les travaux n’ont toujours pas commencé, à l’exception de quelques terrassements !

Le Gouvernement maintiendra-t-il sa décision de construire un nouvel hôpital ? En fait-il une priorité ? Si oui, quel est le calendrier envisageable ? Sachant que l’enveloppe budgétaire initiale avait été arrêtée à 42 millions d’euros, quel est le niveau de financement de l’État envisageable, vu la gravité de la situation budgétaire dont a hérité la nouvelle équipe qui préside aux destinées de la collectivité et les faibles marges de manœuvre de l’hôpital actuel ?

M. le Ministre – Je sais combien vous êtes, depuis longtemps, mobilisé sur ce dossier. Vous n’ignorez pas que l’appel d’offres a été infructueux, aucune offre n’entrant dans l’enveloppe initiale. Les sommes prévues à l’origine doivent être actualisées. Un nouvel appel d’offres sera lancé début 2007, tenant compte de cette actualisation, ainsi que des besoins et des spécificités de Saint-Pierre-et-Miquelon. Conscient que l’établissement hospitalier de cette collectivité n’a pas les mêmes moyens d’investissement que d’autres, l’État assumera ses responsabilités, soyez-en assuré, et permettra que soit garantie dans l’archipel la mission de recours.

M. Gilles Artigues - Ma question, à laquelle s’associe mon collègue François Rochebloine, a trait à l’absence particulièrement fâcheuse d’école de sages-femmes dans le département de la Loire. Saint-Étienne est la seule ville universitaire de France à en être dépourvue, après que Brest et Nice ont obtenu la leur en 2001. Les nombreuses démarches entreprises, en particulier par l’Ordre des sages-femmes du département, représenté dans cet hémicycle par sa présidente, sont restées lettre morte. Résultat : une fois leur première année de médecine terminée, les étudiantes qui accèdent au cursus de sage-femme doivent, avec les contraintes financières que cela représente pour leurs familles, quitter la Loire pour rejoindre les écoles de Lyon et Bourg-en-Bresse qui accueillent respectivement sept et cinq ligériennes par promotion. Après quatre années d’études à Lyon ou Bourg-en-Bresse, les douze apprenties sages-femmes reviennent presque systématiquement effectuer leurs stages dans la Loire, dans les maternités de Feurs, Firminy, Montbrison, Saint-Chamond, Roanne, du CHU et du CHPL de Saint-Étienne. La Loire compte au total 255 sages-femmes pour plus de dix mille naissances par an, et des postes sont vacants dans ses sept maternités. Tout est prêt pour qu’une école ouvre à Saint-Étienne, où de nouveaux bâtiments sont prévus en 2008. Quelles dispositions compte prendre le Gouvernement, en liaison avec le conseil régional Rhône-Alpes désormais compétent en la matière, pour que cette école voie le jour dans les meilleurs délais ?

M. le Ministre – Je sais combien ce dossier vous tient à cœur. Il est possible de créer une école de sages-femmes à Saint-Étienne. Mais, comme vous l’avez vous-même rappelé, depuis 2004, ce sont les régions qui sont compétentes en la matière. Pour autant, je ne me contenterai pas de vous renvoyer vers le conseil régional. Nous avons porté le numerus clausus pour les sages-femmes de 729 à près de 1 000. Mais l’important est aussi de former ces professionnelles sur place afin qu’elles restent sur place. C’est pourquoi il faut davantage de lieux de formation. Les besoins sont avérés dans la région stéphanoise.

Mon ministère est donc prêt à vous accompagner, tant auprès du conseil régional que des instances hospitalières et universitaires, pour permettre une implantation à Saint-Étienne. Je vous propose d’ailleurs d’organiser une réunion de travail entre tous les partenaires concernés afin d’aboutir rapidement.

M. Jean-Luc Préel – Où en sont les Agences régionales de santé expérimentales qui devaient voir le jour avant la fin 2005 ? Notre système de santé souffre d’un cloisonnement artificiel entre prévention et soins, médecine de ville et médecine hospitalière, sanitaire et médico-social. La loi de santé publique a aggravé ce défaut en créant les groupements régionaux de santé publique, présidés par les préfets. La loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale l’a elle aussi accentué en prévoyant le vote de sous-objectifs – l’UDF souhaitait, elle, le vote d’objectifs régionaux. La région est en effet reconnue comme l’échelon pertinent pour la politique de santé. Il serait judicieux de disposer d’un responsable unique de la santé au niveau régional, lequel pourrait également traiter des questions de prévention, d’éducation à la santé et de formation des professionnels.

L’UDF souhaite la mise en place d’ARS. Elle demande que leur directeur ne soit pas un préfet sanitaire, mais qu’il soit contrôlé, comme cela est normal en démocratie, par des conseils régionaux de santé, élus par collèges, qui seraient associés aux décisions en amont et à la gestion en aval. Ces conseils régionaux de santé auraient la responsabilité d’un ONDAM régionalisé, établi sur la base de critères objectifs, seul moyen de parvenir à une véritable maîtrise médicalisée des dépenses de santé. L’UDF ne souhaite pas, comme certains le préconisent, une agence nationale présidée par le ministre et coiffant les ARS.

Monsieur le ministre, où en est la mise en œuvre des ARS expérimentales ? Quel sera le périmètre des futures agences ? Seront-elles viables sans fongibilité des enveloppes ?

M. le Ministre – Pour qu’ARS il y ait, encore faudrait-il des candidats. Et, comme je l’ai dit tout à l’heure, je n’attends que cela. Alors que vous souhaitiez la création d’ARS sur l’ensemble du territoire, j’avais demandé que l’on procède à des expérimentations, et je n’avais pas tort, car nous avons le plus grand mal à trouver ne serait-ce que deux régions candidates ! Il ne s’agit pas en effet d’être simplement intéressé, il faut que le projet soit porté par l’ensemble de la collectivité régionale. Le président Méhaignerie souhaite ainsi pouvoir expérimenter une ARS dans sa région, mais il n’a pour l’instant trouvé que peu d’écho.

Des ARS, oui, mais pour quoi faire ? Telle est bien la question. Et sur ce point, les positions peuvent être divergentes au sein d’une même région. D’une manière générale, il faudrait que l’ensemble des élus s’impliquent davantage dans les questions de santé et aient un rôle moteur, aux côtés des professionnels de santé et des représentants de l’assurance maladie.

S’agissant des ARS, les décrets sont publiés. Le ministère n’attend plus que les projets. Nous en avons reçu un seul, émanant de la région Nord-Pas-de-Calais où, contrairement à ce qui pu être dit ou écrit, l’État n’entrave en rien le projet mais où le problème est de savoir ce que l’on veut faire de cette ARS. Nous ne demandons pas aux régions d’intervenir à la place de l’État mais encore faut-il se mettre d’accord sur les objectifs et la répartition des tâches.

M. François Rochebloine – Je voudrais revenir sur la prise en charge par l’assurance maladie du traitement de l’agénésie dentaire multiple. Je vous ai interrogé sur ce sujet ici même, Monsieur le ministre, le 28 février dernier, vous donnant lecture de deux courriers particulièrement émouvants, illustrant les difficultés et la souffrance de deux jeunes adultes atteints par cette maladie orpheline. Vous m’aviez alors indiqué que la reconnaissance de l’agénésie dentaire sous ses différentes formes serait examinée par l’UNCAM, après avis de la Haute autorité de santé et de l’UNOCAM. Si des décisions pourraient être prises prochainement, l’incertitude demeure quant à une prise en charge satisfaisante des traitements implanto-prothétiques pour les malades.

Pouvez-vous, Monsieur le ministre, confirmer que les actes nécessaires au traitement de cette maladie figureront bien sur la liste des actes remboursables, de façon que tous les malades puissent bénéficier de soins adaptés dans un délai raisonnable ?

M. le Ministre – Oui, ces soins seront remboursés, et si l’UNCAM ne les inscrit pas sur la liste des actes remboursables, je prendrai mes responsabilités de ministre de la santé. Si cela a tant tardé, c’est que les procédures sont longues et complexes.

Comme je m’y étais engagé en mars dernier, j’ai saisi du douloureux problème que vous évoquez la Haute autorité de santé en avril dernier. Devant définir avec précision 17 actes médicaux, celle-ci a demandé, comme la loi l’y autorise, à prolonger de six mois son délai d’études sur le sujet. Une fois qu’elle aura rendu son avis, restera à saisir l’UNCAM pour qu’elle décide ou non d’inscrire ce traitements sur la liste des actes remboursables.

M. François Rochebloine - Ils y figurent déjà dans certains départements.

M. le Ministre – Quelle que soit la position de l’UNCAM, je prendrai mes responsabilités, comme je l’ai fait pour l’ostéodensitométrie.

Aujourd’hui, les implants peuvent être pris en charge par l’assurance maladie en cas d’agénésie dentaire, mais uniquement après aval des commissions d’action sociale. Je souhaite que cela devienne un droit, indépendant de la saisine de ces commissions.

M. Jean-Luc Préel – Ma question, à laquelle s’associe notre collègue Olivier Jardé, porte sur la diminution de l’enveloppe budgétaire consacrée au financement des réseaux de santé, et, plus précisément, à la filière relative aux soins palliatifs. Avec l’allongement de la durée de la vie, le développement des soins palliatifs devient une évidence, dont la gestion sera toujours plus lourde.

Par le décret du 6 septembre dernier, modifiant l’arrêté du 29 mars 2006 qui répartit la dotation nationale de développement des réseaux, le Gouvernement a réduit de 20 % cette enveloppe budgétaire. Bien entendu, cette décision risque de compromettre gravement le fonctionnement des réseaux de soins palliatifs, dont le rôle est pourtant unanimement reconnu. Une telle mesure fragilise aussi l’application de la loi du 9 juin 1999 visant à garantir un droit d’accès aux soins palliatifs.

Aussi, afin de ne pas perdre le bénéfice humain et économique des investissements réalisés depuis cinq ans, nous souhaitons savoir si cette mesure est ponctuelle ou si elle risque d’être prise à nouveau en 2007.

M. le Ministre – Monsieur Préel, comme vous participez avec une assiduité remarquable à l’examen du PLFSS, vous connaissez déjà la réponse à cette question. L’enveloppe destinée aux réseaux augmentera de 11 millions en 2007 et, n’en déplaise à ceux qui en font courir le bruit, aucun projet ne sera remis en cause. Au final, le montant total des réalisations augmentera de 20 millions, pour atteindre 130 millions.

S’agissant des soins palliatifs, nous ne ferons ni moins, ni autant, mais plus et mieux. Et il n’est pas question, après que votre assemblée a adopté à l’unanimité la loi Leonetti sur la fin de vie, de les mettre en cause de quelque manière que ce soit. Les réseaux continueront d’être dotés et je rappelle au passage que nous les avons multipliés depuis 2002. Ils participent du décloisonnement de notre système de santé, qui en a bien besoin !

M. Thierry Mariani – J’associe Denis Merville à ma question. En matière de santé publique, rien ne vaut la prévention. Après l’amiante et avant, peut-être, demain, les lignes à très haute tension, le Gouvernement décline le plan Cancer et renforce la lutte contre le tabagisme. Bien entendu, nous ne pouvons que nous en féliciter.

Cependant, en tant qu’élus locaux, nous sommes très attachés au précieux réseau de proximité que forment les bars-tabac et nous mesurons bien le rôle qu’ils jouent dans l’aménagement de nos territoires et de nos quartiers, y compris les plus difficiles. Afin d’éviter la disparition de ces lieux de convivialité et d’aider la profession à poursuivre ses efforts de diversification, quelles mesures entendez-vous prendre, en matière de délai de transition, de compensation et d’aide à la diversification pour accompagner les professionnels ? Pensez-vous les rencontrer à nouveau ?

M. le Ministre – J’ai déjà rencontré les professionnels et je continuerai à le faire. Comme vous le savez, notre action s’inscrit dans un programme global de lutte contre le tabagisme passif. Un contrat d’avenir a été prévu pour accompagner la profession, son pilotage étant assuré par mon collègue Renaud Dutreil, en charge du commerce. En outre, les conclusions du rapport de votre collègue Richard Mallié sont extrêmement attendues.

Compte tenu des objectifs de santé publique qui sont en jeu et de l’expérience de plusieurs de nos voisins, nous sommes tenus d’adopter une position très claire. Aux termes de l’arrêt de la Cour de Cassation du 30 juin 2005, tout salarié doit être protégé du tabagisme passif, quel que soit son milieu professionnel. Ce principe ne souffre aucune exception et vaut donc, naturellement, pour les bars-tabac. Face à cette évolution inéluctable, il faut aussi penser à protéger les gérants des établissements contre d’éventuels recours de leurs salariés. Donner un délai pour appliquer la règle reviendrait à continuer d’exposer des salariés à un risque de santé publique.

En effet, le danger du tabagisme passif n’est pas un mythe, mis en exergue par le Gouvernement pour appuyer sa politique. L’état des poumons de nombre de salariés de la restauration, eux-mêmes non fumeurs, en apporte la cruelle démonstration ! Sur les quelque 66 000 morts annuels du cancer du poumon, 6 000 ne fument pas. Parce que le tabagisme passif frappe partout – y compris dans les lieux privés où il n’est pas question d’intervenir par la loi –, il est de notre responsabilité d’enclencher une dynamique d’évolution des mentalités, pour sauver des vies. Nous avons réussi à la faire en matière de sécurité routière et l’on sent bien que tout le monde attend que nous relevions ce nouveau défi.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier – J’associe Jean Proriol et Serge Roques à ma question, qui porte sur le financement des maisons de retraite. Malgré tous les efforts réalisés par le Gouvernement en matière de création de places permanentes et d’accueil temporaire, nos anciens sont de plus en plus nombreux à être confrontés au problème de la dépendance et leur entrée en établissement – bien que tardive – est toujours vécue comme un traumatisme. En outre, elle crée une charge financière difficilement supportable, pour les personnes elles-mêmes comme pour leurs familles.

Dans ma commune de Fournels, j’ai créé un établissement de trente-six lits et je suis confronté à toutes sortes de difficultés, liées aux 35 heures, à la difficulté de recruter des intervenants qualifiés, à la nécessité d’assurer une animation de la structure, etc. Ma question s’apparente donc à une sorte de coup de gueule ! Je mesure les difficultés qui s’attachent au financement de la protection sociale mais en fait-on vraiment assez pour nos anciens ? Des solutions novatrices sont-elles envisagées ? Comment améliorer le financement des établissements ? Quel est l’état des réflexions en cours sur ces sujets ?

M. le Ministre – Monsieur le député, vous vous êtes trop investi dans le traitement de ces questions pour ignorer que nous ne nous contentons pas d’y réfléchir ! Depuis cinq ans, nous avons réalisé un effort d’investissement massif, en ayant toujours le souci de faire en sorte que les progrès accomplis ne pèsent pas sur les tarifs supportés par les résidents ou leurs familles.

Nous vivons de plus en plus vieux : c’est une excellente nouvelle, mais il faut en tirer toutes les conséquences. Grâce à la Journée de solidarité et à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, nous avons été au rendez-vous et un plan d’aide à la modernisation des établissements de 350 millions a pu être lancé. D’autres mesures ont été prises, qu’il s’agisse de l’éligibilité des maisons de retraite aux prêts locatifs sociaux, de la baisse de la TVA sur les travaux, de l’exonération de taxe foncière pendant vingt-cinq ans ou de la possibilité, pour les résidents, de percevoir l’APL.

Beaucoup a été fait. Beaucoup reste à faire, mais nous pouvons nous honorer – avec la Journée de solidarité et la CNSA – d’avoir créé les outils structurants qui permettront de créer des places, des postes d’aidants, et, au final, de relever le défi de la longévité.

M. Gérard Grignon – Ma question porte sur l’ordonnance visant à étendre à Saint-Pierre-et-Miquelon les prestations familiales – l’allocation de rentrée scolaire, la PAJE… –, ainsi que la retraite anticipée pour les salariés ayant commencé à travailler tôt. Je ne compte plus mes interventions à ce sujet depuis quatre ans. Sous votre impulsion, un projet d’ordonnance, devant trouver à s’appliquer à compter du 1er aôut 2005, a été soumis au Conseil général en juillet de la même année, puis s’est sans doute égaré dans le dédale des couloirs des différents ministères concernés… Moralité, à ce jour, on ne sait plus où il est ! Tout cela est grotesque, d’autant qu’après l’ordonnance devait arriver un décret… Le Gouvernement veut-il, oui ou non, étendre ces dispositions à Saint-Pierre-et-Miquelon, et quand ?

J’appelle en outre l’attention sur le pouvoir d’achat des salariés du secteur privé à Saint-Pierre-et-Miquelon. Comme vous le savez, une loi de juillet 1987 a instauré un système spécifique d’assurance vieillesse : les pensions sont revalorisées au même taux et à la même date que dans le régime général, avec une revalorisation supplémentaire quand l’évolution des salaires dans l’archipel diffère dans une proportion déterminée de celle constatée en métropole. Or la vie est extrêmement chère, du fait notamment des coûts de chauffage – considérablement grevés par la flambée des cours du pétrole – et du prix des denrées de première nécessité, parfois quatre fois supérieur à celui pratiqué ici. 60 % des retraités du secteur privé sont au minimum vieillesse, soit 732 euros mensuels, sachant que l’accès à une mutuelle coûte 90 euros par mois et, qu’au plus froid de l’hiver, le chauffage représente une charge mensuelle de 500 euros. Pour ces personnes – qui sont souvent des femmes seules et isolées, le choix est dramatique : soit on se chauffe, soit on se nourrit.

Depuis plus de trois ans, des notes ont été transmises à vos services pour justifier une demande de revalorisation des pensions du secteur privé d’au moins 6 %, ainsi que la modification de l’article 13 de la loi de 1987, afin que la revalorisation des pensions soit au moins annuelle et systématiquement basée sur l’indice local des prix à la consommation. Parfaitement légitimes, ces deux demandes semblent aussi s’être égarées dans le dédale des couloirs ministériels. Le Gouvernement a-t-il l’intention de laisser les personnes âgées de Saint-Pierre-et-Miquelon s’enliser dans leurs difficultés ? Ou peut-on espérer qu’il réponde enfin à leurs revendications ?

M. le Ministre – Sachez, Monsieur Grignon, qu’il n’y a eu aucune errance dans les couloirs ministériels. Le processus est tout simplement plus long lorsque la décision est interministérielle et, ne nous voilons pas la face, lorsqu’elle a des enjeux financiers.

Où est aujourd’hui l’ordonnance que vous évoquez ? Elle est au Conseil d’État, car un accord interministériel a été trouvé. Je sais que cela fait longtemps que vous vous battez sur ce sujet, mais nous sommes enfin dans la dernière ligne droite ! S’agissant du décret, soyez sûr qu’il ne sera pas renvoyé aux calendes grecques : nous ferons toute diligence une fois que le décret aura été examiné par le Conseil d’État.

Il est souvent difficile de savoir s’il faut indexer les retraites sur les salaires ou sur les prix, mais il est maintenant établi que l’indexation sur le salaire n’est pas une bonne solution pour Saint-Pierre-et-Miquelon. La branche vieillesse est prête à consentir l’effort nécessaire – 262 000 euros – mais nous attendons encore de connaître la position du ministère du budget pour fixer les modalités précises. Je le répète : nous sommes prêts à faire cet effort de rattrapage de 6% au titre de la solidarité nationale. Voilà où nous en sommes !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - J’ai écouté avec attention vos observations sur la prévention, Monsieur le ministre. Nous avons besoin de références géographiques pour que les politiques de prévention soient « contagieuses ».

S’agissant des agences régionales de santé, j’aimerais en revanche savoir s’il s’agit de transférer aux organisations professionnelles, sans qu’il y ait nécessairement intervention des élus, une enveloppe globale de santé et de permettre l’établissement d’orientations spécifiques au niveau régional, sans que les orientations nationales soient nécessairement prises en compte. Est-ce bien ce que vous envisagez ?

M. le Ministre – J’ai décidé d’organiser des états généraux de la prévention pour que nous sortions enfin du champ des discours. La France est championne du monde si l’on se réfère aux grandes déclarations, mais seulement à la sixième position pour les actions de santé effectivement menées. Dans les trois ans qui viennent, nous pouvons tout à fait rejoindre les trois premiers si nous nous appuyons sur de nouveaux thèmes, de nouveaux acteurs et de nouveaux actes de prévention.

À côté de l’État et de l’assurance maladie, il y a en effet une place pour les organismes complémentaires, notamment grâce aux « contrats responsables » que nous avons lancés, ainsi qu’un espace pour le monde du travail et les employeurs, qui ont tout intérêt à prendre en considération les avantages des actions de prévention et à prendre à bras-le-corps la santé au travail.

Mais nous avons également besoin d’aller plus loin dans les actes. Après généralisé la prise en charge de l’ostéodensimétrie et les dépistages dentaires entre six et douze ans, nous devons maintenant prendre exemple sur les collectivités locales, qui se sont affirmées comme de véritables acteurs de la prévention. Pour être venu souvent dans votre région, Monsieur le président Méhaignerie, je sais que vous n’avez pas attendu que nous organisions des états généraux…

Nous devons faire remonter les bonnes pratiques afin de les rendre « contagieuses », comme vous l’avez si bien dit : il faut en effet que tous les acteurs prennent conscience des outils existants. Je ne demande pas aux collectivités locales de remplacer l’État ou l’assurance maladie, mais je maintiens que l’investissement dans la prévention est un investissement utile et pour la santé de nos concitoyens et pour la santé de notre système de santé. Avec la prévention, nous avons la possibilité de rendre chaque Français plus responsable, tout en luttant contre le fossé qui se creuse entre l’évolution de la richesse nationale et celle des dépenses de santé. Voilà pourquoi je crois à la prévention !

J’ajoute que je n’ai aucun préjugé au sujet des ARS, pourvu qu’on ne remette pas en cause le principe de solidarité qui fonde notre système de santé. Sans revenir sur nos débats de 2004 relatifs à la réforme de l’assurance maladie, ni sur la fongibilité des crédits, il me semble que les collectivités peuvent déjà mener des politiques spécifiques en recourant aux enveloppes existantes. La question ne se limite pas à l’implication des organisations professionnelles, des ARH et des URCAM : elle concerne également les élus locaux – et je ne pense pas aux seuls conseils régionaux –, dont la vision ne se limite pas au cadre de la santé puisqu’elle englobe bien d’autres aspects, notamment médicosociaux. Je n’ai naturellement aucune objection contre des politiques qui innoveraient par leurs priorités ou leurs thèmes d’action, mais je pense que les leviers financiers et juridiques actuels peuvent suffire. Ainsi, en matière d’expérimentation, le moment est sans doute venu pour que certaines régions déposent des candidatures, par exemple en Bretagne et en Alsace.

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions.

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Santé

État B

Les crédits de la mission Santé, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président – Nous en avons terminé avec l’examen des crédits relatifs à la santé.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu demain, vendredi 3 novembre, à 9 heures 30.
La séance est levée à 21 heures 25.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

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