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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du vendredi 3 novembre 2006

Séance de 9 heures 30
17ème jour de séance, 33ème séance

Présidence de M. René Dosière
Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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loi de finances pour 2007 -seconde partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007.

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Recherche et enseignement supérieur

M. le Président – Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la recherche et à l’enseignement supérieur.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances pour la recherche - Avec ce budget, le Gouvernement tient les engagements financiers et de création de postes qu’il a pris dans la loi de programme pour la recherche d’avril 2006. La dotation de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur, la MIRES, à 21,3 milliards, augmente de 2,58 % à structure constante, alors que le budget de l’État diminue en volume, ce dont je me félicite.

Au-delà des chiffres, demandons-nous, au terme de cette législature, ce qui a changé pour la recherche. Nous assistons à un début de révolution culturelle. Trop longtemps la recherche a été étouffée, repliée sur elle-même ; désormais, nous décloisonnons, nous ouvrons les fenêtres, nous encourageons universités, entreprises, laboratoires à travailler ensemble grâce aux pôles de compétitivité, aux réseaux thématiques de recherche avancée et au crédit d’impôt recherche. Nous reconnaissons les vertus de la compétition et de l’excellence, encore timidement il est vrai, et nous passons à une stratégie dynamique où nous finançons des projets plutôt que des structures grâce aux agences de moyens que sont OSEO-Anvar, qui bénéficiera de 45 millions supplémentaires, l’agence nationale pour la recherche, dotée de 235 millions supplémentaires, et l’agence de l’innovation industrielle. L’évaluation devient aussi plus transparente grâce au recours à des personnalités indépendantes. Pour aider au développement de la recherche privée, le montant affecté au crédit impôt recherche atteindra 900 millions en 2007, soit un quasi-doublement. Le doublement du nombre de fondations privées, passé d’une trentaine à une soixantaine depuis 2002, va dans le même sens. La jeune entreprise innovante est, de l’avis des intéressés, un franc succès.

Reste que nous n’en sommes qu’au début de l’effort pour combler le fossé qui nous sépare des pays leaders en ce domaine, qui est la seule référence qui vaille. L’efficacité de notre investissement dans la recherche souffre de deux handicaps : une culture administrative d’un autre âge qui paralyse encore les organismes publics, et un processus de décision qui freine l’effort de recherche et développement dans les PME.

D’abord, il faut choisir entre une France qui travaille, investit, innove et prend des initiatives, et cette France dépassée, prisonnière d’une culture administrative dont nous ne voulons plus comme modèle de gestion.

M. Pierre Cohen - Quelle honte !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial - Chez les dirigeants d’organismes publics, ce n’est qu’un cri du cœur : laissez-nous la liberté de gérer les ressources humaines.

M. Pierre Cohen - On ne vous a pas attendu pour travailler !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial - Je suis un ancien fonctionnaire, je n’ai pas de leçons à recevoir de vous. Allez donc créer votre entreprise, vous serez plus crédible.

M. Pierre Cohen - Vous n’avez rien fait en cinq ans !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial - Et vous, vous vous limitez à ce que vous savez faire, la tchatche.

Pour embaucher des chercheurs de qualité, il faut leur offrir des contrats attrayants. Il n’y a qu’en France qu’on pense motiver quelqu’un en lui donnant un poste de fonctionnaire. Pour cela, il faut laisser les organismes publics recourir à une rémunération au mérite, et il est regrettable que 4 millions seulement soient inscrits au budget à cette fin. Ils doivent pouvoir embaucher des dirigeants venant du privé sur des postes de gestion. Tous les ans, sont organisés en Grande-Bretagne des salons où les universités prestigieuses viennent faire leur marché – mot tabou – en jeunes doctorants, ce qui suppose, plus tabou encore pour ceux qui cultivent la logique antilibérale, un prix de marché. Les laboratoires français sont condamnés à subir, car ils ne peuvent pas s’aligner sur les salaires offerts par les meilleures universités anglo-saxonnes. Ce n’est pas en accordant aux chercheurs des postes statutaires qu’on obtient les meilleurs résultats.

M. Pierre Cohen - Heureusement ils ne pensent pas tous comme cela ! Ils n’ont pas en tête que les stock-options !

M. André Chassaigne - Langue de bois et caricature !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial - Alors, ce sont vos collègues socialistes européens qui vous caricaturent.

Du Japon à la Chine communiste, tous les pays ont « défonctionnarisé » une partie de leurs chercheurs.

M. Pierre Cohen - C’est une obsession !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial - Autres victimes de la culture administrative, les pôles de compétitivité. Il faut écouter les acteurs pour que cette bonne idée ne se transforme pas en usine à gaz. Je soutiendrai donc l’amendement qui simplifie le règlement des exonérations sociales.

Il faut aussi valoriser la recherche des laboratoires en allant y chercher directement les travaux qui ont des applications économiques.

M. Pierre Cohen - Il faut d’abord que les chercheurs puissent chercher !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial - En Europe, les vôtres vous appellent « les ultra-socialistes ». C’est dire ce qu’ils pensent de vos méthodes.

M. Pierre Cohen - Regardez les résultats depuis 50 ans. Ce sont plutôt les chefs d’entreprise qui ne sont pas à la hauteur !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial - On le leur dira.

M. Pierre Cohen - C’est fait !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial - Avec votre archaïsme culturel, vous vous permettez de critiquer les chefs d’entreprise !

M. Pierre Cohen - Faites le bilan.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial - Je défendrai un amendement tendant à valoriser la recherche des laboratoires. Prenons l’exemple de la sécurité, qui est la deuxième attente des Français après l'emploi. De nombreux laboratoires travaillent, parfois sans coordination, sur des sujets comme la vidéo et la robotique intelligente, la fusion et le tracking multicapteurs, la biométrie, la détection de produits toxiques ou la gestion des systèmes complexes, qui permettraient d’améliorer la sécurité civile. Il convient de faire le point sur la contribution du budget de la recherche dans un domaine qui a une portée opérationnelle et où, à terme, la France pourrait devenir un leader mondial.

Notre second handicap est l'investissement dans la recherche des PME. Les entreprises françaises investissent moins que les américaines ou japonaises, et, plus inquiétant, l’écart s’accroît. Il s'explique par le fait que les entreprises de moins de 250 salariés ne contribuent que pour 11 % aux dépenses de recherche. Avec le plan « gazelles », la création du statut de jeune entreprise innovante, le développement du crédit impôt-recherche, le Gouvernement a incontestablement oeuvré dans le bon sens. Pourtant ces mesures oublient un acteur essentiel pour soutenir les entreprises innovantes : le business angel. La société unipersonnelle d’investissement à risque, la SUIR, est un échec. Il faut le dire, et dire aussi comment nous allons corriger ce qui ne fonctionne pas ; nous sommes des décideurs : pas de paroles, des actes. Dans la mondialisation, Bambi n’a pas sa place !

M. Pierre Cohen – La jungle, c’est cela votre vision du monde !

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial - La France doit encourager à tout prix les individus fortunés et compétents à investir dans les jeunes entreprises. Or nous ne comptons que 3 000 business angels contre 50 000 en Grande Bretagne et 500 000 aux USA. Je défendrai un amendement tendant à ce que nous utilisions mieux l’outil très efficace que peuvent représenter les business angels. Les Français investissent cinq fois moins que les Britanniques dans l’innovation. Nous le savons et nous ne faisons rien d’autre que nous autocongratuler – c’est la spécialité de certains, ici ! Qu’attendons-nous pour réagir ? On sait d’autre part que les incitations fiscales pour les particuliers sont ridicules par rapport à ce qui se pratique ailleurs, notamment en Grande-Bretagne et aux États-Unis, où les plafonds sont dix fois plus élevés qu’en France, ce qui n’a rien d’étonnant, puisque nos plafonds sont fixés à Bercy, où travaillent des gens qui sont certes très brillants intellectuellement, mais qui n’ont aucune connaissance de l’économie marchande réelle, aucune culture du marché !

L’autre limite à l’innovation tient à la difficulté à déposer et à protéger nos inventions. Il faut absolument que la France ratifie le protocole de Londres signé en 2000. Cette ratification abaisserait de 30 à 40 % le coût du dépôt de brevets, ce qui représenterait 10 à 15 millions d’euros pour nos laboratoires de recherche. L’effet de levier serait très important. Je rappelle que 40 % de nos PME industrielles affirment renoncer à déposer un brevet pour des raisons de coût. Nous le savons, mais que faisons-nous depuis cinq ans ? On attend, on se renvoie le dossier, on fait des réunions, on crée des offices, mais on ne décide pas ! J’appelle le Gouvernement à prendre une décision, sachant que la ratification du protocole est réclamée par l’ensemble du monde de la recherche et du monde de l’entreprise.

Il faut aussi que l’État se serve davantage du levier efficace que constitue le crédit impôt recherche. Le CIR est une belle réussite, Monsieur le ministre. Avec un euro de CIR, on génère trois euros d’investissement. C’est bien, mais il faut aller plus loin.

Il faut encore rapprocher les organismes publics de recherche du monde des PME. Cela peut prendre plusieurs formes, à commencer par celle d’une prise de contact volontariste, comme l’a fait le CNRS en Alsace, qui a invité les entreprises à visiter ses laboratoires. Cela peut aussi prendre la forme d’un essaimage consistant à donner aux chercheurs les moyens de collaborer à un projet de création d’entreprise. C’est ce que fait remarquablement l’Institut français du pétrole. Une initiation systématique des chercheurs à l’entreprenariat et au capital investissement serait également bienvenue, de même qu’une valorisation, en termes de carrière et de rémunération, d’un passage dans le privé. Actuellement, moins de 1 % des chercheurs publics est passé par le privé. Il faut faire tomber les murs.

M. le Président – Il faut conclure.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial En conclusion, nous avons connu au cours de cette législature un changement de cap essentiel pour la recherche, Monsieur le ministre, changement dont nous tenons à vous féliciter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudianteIl me revient, cette année encore, de présenter les crédits des programmes Enseignement supérieur et recherche universitaire d’une part, Vie étudiante d’autre part, composantes essentielles de la MIRES, et ce alors qu’une réflexion a été engagée par le Gouvernement sur l’efficacité de notre système d’enseignement supérieur et quelques mois après la remise des travaux que nous avons menés, Alain Claeys et moi, sur la gouvernance des universités.

Les crédits pour 2007 au titre de ces deux programmes s’élèvent à 12,51 milliards. À structure constante, ils augmentent de 3 %, ce qui représente un effort important de la nation dans une période de maîtrise de la dépense publique.

Plusieurs transferts sont prévus pour corriger des erreurs d’imputation d’une première année d’application de la LOLF. C’est ainsi que les allocations de recherche – 305 millions d’euros et 12 000 équivalents temps plein – passent du programme Orientation et pilotage de la recherche au programme Formations supérieures et recherche universitaire. Malheureusement, parmi ces transferts ne figurent pas les moyens de la Direction des enseignements supérieurs, toujours inclus dans la mission Enseignement scolaire. Il n’est pas acceptable que la structure de pilotage d’un programme ne soit pas incluse dans le programme lui-même.

À structure constante, les crédits du programme Formations supérieures et recherche universitaire augmentent de 2,82 % et ceux du programme Vie étudiante de 4,31 %. Les moyens humains font l’objet d’une attention particulière, puisque 1 000 emplois supplémentaires sont prévus : 450 emplois d'enseignants-chercheurs et 550 emplois de personnels non enseignants.

La répartition des emplois de personnels enseignants sera réalisée selon quatre objectifs : conforter la puissance scientifique de l’enseignement supérieur, promouvoir les logiques de sites et le rapprochement des établissements d'enseignement supérieur, mieux maîtriser la gestion prévisionnelle de l'emploi scientifique et favoriser l'insertion professionnelle. Les 550 emplois de personnels non enseignants devraient se répartir entre 50 personnels d'encadrement et 500 personnels IATOS. La politique de requalification des emplois sera poursuivie en 2007. L'objectif est de renforcer l'encadrement et les capacités d'expertise des établissements d'enseignement supérieur, les travaux réalisés par la MEC ayant montré l'ampleur des besoins en la matière.

Les mesures en faveur de l'amélioration des perspectives de carrière des personnels de l'enseignement supérieur atteignent un montant total de 12,77 millions. Il s'agit d'assurer le financement du plan d'amélioration des carrières contenu dans l’accord salarial conclu avec le ministre de la fonction publique ainsi que le respect des engagements pris dans le pacte pour la recherche. 690 000 euros supplémentaires sont en outre destinés au recrutement de 500 nouveaux moniteurs à la prochaine rentrée. Par ailleurs, les allocations de recherche seront revalorisées de 8 % le 1er février prochain, ce qui portera leur montant à 1 530,77 euros.

À structure constante, les crédits de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur devraient progresser de 21,62 millions. 41 millions serviront à financer les charges désormais assurées directement par les établissements d'enseignement supérieur – cotisations patronales sur les cours complémentaires, allocations de retour à remploi des agents non titulaires...

Les moyens consacrés aux bibliothèques devraient augmenter d'un million, notamment pour que leurs horaires d'ouverture soient mieux adaptés aux besoins. Je note au passage qu’un certain nombre de bibliothèques universitaires ne sont toujours pas prises en compte dans les statistiques permettant de déterminer les emplois. C’est le cas de celle d’Annecy-le-Vieux.

1,31 million d'euros supplémentaires sont prévus pour l'enseignement supérieur privé, ce qui semble bien mince au regard des objectifs affichés. La fédération regroupant les écoles affirme que cet effort de l’État ne suffira pas pour assurer à la fois le rattrapage nécessaire et l’entrée de nouveaux établissements dans le dispositif. Un amendement sur le sujet a été adopté en commission des finances.

Les dépenses immobilières bénéficient d'un effort soutenu et doivent permettre de commencer à mettre en œuvre les nouveaux contrats de projets État-régions 2007-2013. À structure constante, les crédits de paiement progressent de 63 millions, pour atteindre 603 millions d'euros. Ils permettront de poursuivre les chantiers de construction commencés en application des CPER 2000-2006 et, éventuellement, d’ouvrir de nouvelles opérations. 229 millions sont prévus à cet effet. Le solde de crédits de paiement à ouvrir en 2008 pour couvrir les CPER 2000-2006 devrait alors s'élever à 280 millions.

Le montant des autorisations d'engagement ouvertes pour 2007 au titre des prochains CPER s'élève à 143,47 millions d'euros. Ces moyens seront complétés à partir des produits de cessions immobilières qui seront ouverts en 2007 sur le compte d'affectation spéciale « Patrimoine immobilier de l'État » : 20 millions d'euros sont attendus à ce titre. Ces 20 millions sont bienvenus, Monsieur le ministre, mais le démantèlement auquel nous assistons avec la multiplication des recettes affectées n’est guère satisfaisant pour la commission des finances.

Rappelons que l'enveloppe financière dédiée à l'enseignement supérieur et à la recherche a été fixée dans les mandats de négociation des préfets de région à 2 578 millions d'euros sur la période 2007-2013.

L'effort financier pour la mise en sécurité des établissements d'enseignement supérieur se poursuivra en 2007, avec 45 millions en autorisations d'engagement et 73 millions en crédits de paiement. Cette démarche va de pair avec la mise à niveau des crédits de maintenance. Les efforts très significatifs des années précédentes sont consolidés. C’est ainsi que 93,19 millions en AE et 114,59 millions en CP sont prévus pour le chantier de Jussieu. Une enveloppe de 20 millions d'euros en AE et en CP est également prévue afin de couvrir les besoins d'autres établissements – je pense en particulier à l’INALCO de Clichy. J’insiste sur la nécessité de mettre l’accent sur les réhabilitations plutôt que sur les constructions, le défi démographique étant désormais relevé.

Enfin, M. Claeys et moi-même nous félicitons de la création de l’établissement public d’aménagement universitaire, auquel 1,84 million sera consacré et qui aidera l’État à élaborer une véritable politique de gestion du patrimoine immobilier universitaire.

L’augmentation de 4,5 % des crédits de vie étudiante permet de revaloriser les bourses de la rentrée 2007 à hauteur de 6,71 millions et celles de 2006 pour 13,04 millions. En outre, 41,73 millions seront consacrés à la rénovation des aides directes aux étudiants, dont plus la moitié au dispositif Aline. Enfin, l’augmentation du nombre de bourses au mérite coûtera 2,14 millions, et les opérations de tutorat – qu’il s’agisse du programme « 100 000 étudiants pour 100 000 élèves » ou de l’appel à projets « promouvoir l’égalité des chances à l’université » – doivent être consolidées. Pour l’attribution des bourses, précisément, certains critères doivent être revus. Ainsi, le calcul des distances à vol d’oiseau pénalise les étudiants des régions montagneuses, bien qu’il soit adopté au nom de l’égalité.

L’effort engagé l’an dernier en faveur du logement étudiant se poursuit cette année, et 1,5 million d’euros supplémentaire compléteront la dotation de fonctionnement du réseau des œuvres universitaires et scolaires. Enfin, 7,5 millions seront consacrés à l’accompagnement pédagogique des étudiants handicapés.

J’en reviens brièvement à la gestion des bourses, dont les conditions de versement doivent être améliorées. Celui-ci intervient généralement fin novembre, mais est parfois retardé jusqu’en février. Or, les frais des étudiants sont plus importants à la rentrée : il faudrait permettre un premier versement dès le mois de septembre. Par ailleurs, les CROUS sont depuis dix ans déjà confrontés à des difficultés de trésorerie qui nuisent aux versements de fin d’année. Il leur manquerait aujourd’hui quarante millions d’euros, ce qui entraîne le report des versements d’une année sur l’autre. De même, il manque 10 millions pour financer les passeports mobilité des étudiants ultramarins, ce dispositif dont vous partagez la charge avec le ministère de l’outre-mer et qu’il faut simplifier.

Enfin, les aides doivent aller aux étudiants qui le méritent vraiment, et le dispositif de contrôle actuel doit être revu afin d’éviter les abus. Ainsi, on pourrait subordonner la compensation des droits d’inscription à l’obligation pour les universités de contrôler l’assiduité ou encore la participation aux examens des boursiers. D’autre part, certains indicateurs tels que la visite de santé pour les étudiants ont disparu et d’autres moins pertinents, comme les espaces non fumeurs, sont apparus : bien du travail reste donc à accomplir en la matière.

L’université souffre de maux chroniques. Le rapport remis fin 2005 par la Cour des comptes en rappelle quelques-uns, que la MEC a également constatés : la gouvernance lacunaire, la faiblesse de la gestion des ressources humaines, l’absence de stratégie globale, le mauvais taux de réussite aux examens ou encore la rareté des débouchés professionnels dans certains filières. L’université a certes de nombreuses qualités : le nombre d’étudiants a augmenté de 82 % entre 1980 et 1995 et l’adaptation au cursus LMD est un succès. Néanmoins, tant que ses faiblesses demeureront, le débat récurrent sur l’autonomie sera vain. C’est pourquoi nous avons formulé vingt-trois propositions qui ont recueilli l’aval de la commission des finances et de la conférence des présidents d’université. Elles visent notamment à renforcer la capacité de pilotage des établissements en étendant le mandat des présidents, à améliorer les élections en supprimant le panachage et à consolider la formation financière des membres des conseils. De même, il faut valoriser la fonction de secrétaire général et augmenter le nombre de cadres A. Plus important encore : les universités doivent conclure un contrat de service pluriannuel avec chaque enseignant-chercheur, comme cela se fait en Suisse, par exemple. À l’aube des contrats de projet État-régions, ne faudrait-il pas aussi allonger la durée des contrats quadriennaux, y intégrer les questions immobilières et soumettre leur signature à une évaluation systématique ? Les présidents d’université pourront ainsi s’engager sur les résultats obtenus. De surcroît, ce sera peut-être l’occasion de repenser le découpage des UFR. Enfin, les moyens supplémentaires alloués aux IUT pourraient être soumis à leur intégration d’un nombre plus important de titulaires de baccalauréats professionnels ou technologiques.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose d’adopter les crédits de ces deux programmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la recherche – Je suis heureux que le débat, qui avait commencé vivement, retrouve la sérénité. Aucun sujet n’est tabou, le libéralisme pas plus que les autres. Bien servir l’État est un honneur. La ringardise n’est ni dans l’économie de marché, ni dans la fonction publique : elle est dans ce qui ne marche pas.

Si je suis heureux de rapporter ce budget, c’est parce que le Gouvernement a, depuis trois ans, fait de la recherche une priorité nationale. Avec près de 6 milliards d’euros supplémentaires et 6 000 emplois créés, le budget de la recherche est le troisième en France, après l’éducation nationale et la défense. Le Gouvernement ne s’est pas contenté de déverser des crédits dans ce potentiel tonneau des Danaïdes : il a entrepris de profondes réformes qui réorganisent le monde de la recherche – création du Haut conseil de la science et de la technologie et de l’Agence nationale de la recherche, et mise en place imminente de l’agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.

En 2007, l’effort consacré à la recherche s’élève à 22 milliards d’euros, soit une augmentation de 5 % par rapport à l’an dernier. Ce budget comporte trois parties : les crédits de la mission « recherche et enseignement supérieur », les dépenses fiscales et le financement sur projets, véritable succès.

Les crédits de la mission augmentent de 2,58 % et atteignent 21,3 milliards. Ils concernent treize programmes : ceux qui portent sur la formation supérieure, la recherche universitaire et la vie étudiante, financés à hauteur de 12,5 milliards, ceux qui permettent de financer les établissements publics de la recherche pour 6,3 milliards et ceux, enfin, qui viennent d’autres ministères à hauteur de 2,5 milliards.

Les universités, avec un total de plus de 600 millions, voient leurs moyens confortés. Elles reçoivent notamment 63 millions supplémentaires pour l’immobilier. Les crédits de fonctionnement augmentent, pour un montant total d’1,3 milliard. À périmètre constant, les organismes de recherche reçoivent 137 millions supplémentaires, pour un montant total de 6,3 milliards. En ce qui concerne les crédits venant des autres ministères, les 200 millions de la défense sont reconduits, dont 135 millions pour l’aérospatiale. Quant à la recherche industrielle, qui est une priorité du Gouvernement, 1,7 milliard sur trois ans sont dégagés pour les pôles de compétitivité.

Les agences de moyens voient leurs crédits augmenter de 280 millions : 235 pour l’Agence nationale de la recherche et 45 pour OSEO-Anvar. L’ANR est une réussite. Avec une structure légère – 26 équivalents temps plein – et un budget de fonctionnement qui ne représente que 0,6 % de son budget global, elle est le premier financeur des pôles de compétitivité. Le CNRS et les universités sont les principaux bénéficiaires de son action. Quant à OSEO-Anvar, ses moyens ont quasiment doublé en deux ans.

Le crédit impôt recherche bénéficiera de 280 millions supplémentaires. La France n’atteint qu’en partie les objectifs de Barcelone d’une recherche à 3 % du PIB – 1 % pour la recherche publique, 2 % pour la recherche privée. Nous y sommes presque – 0,98 % – pour le public, mais il faut encore faire des efforts pour le privé.

En ce qui concerne les moyens humains, en trois ans, près de six mille postes auront été créés. Quant aux moyens attribués aux jeunes chercheurs, quel gouvernement, dans les quinze dernières années, a fait mieux que celui-ci en matière de revalorisation ? Certainement pas le précédent ! Cette législature sera parvenue à près de 35 % de revalorisation des allocations recherche, avec la prochaine augmentation de février, et les allocations des troisièmes années seront portées à 1,5 SMIC à la rentrée 2007. Elles passeront donc de 1 417 euros bruts à 1 530 en février, et 1 881 en octobre pour les troisièmes années. Lorsque j’étais interne de spécialité en médecine, à bac+10, nous étions rémunérés environ 600 ou 700 euros. Nous ne nous en plaignions d’ailleurs pas, parce que nous étions contents et fiers de faire notre travail. Mais aujourd’hui, tout le mérite de la forte progression des allocations recherche revient au Gouvernement. Souvenez-vous d’ailleurs, Monsieur Cohen, que les jeunes chercheurs réclamaient la revalorisation à 1,5 SMIC pour l’horizon 2010 !

M. Pierre Cohen - Mais le ministre l’avait promise pour 2007 !

M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur pour avis Un mot sur les libéralités : c’est une pratique inacceptable, qui permet d’employer des gens sans véritable contrat de travail, donc sans couverture sociale. Le Gouvernement s’est donc efforcé de la réduire, mais elle est plus le fait d’associations que de l’État. Mais celui-ci se doit de toute façon de montrer l’exemple en la matière – le ministère des affaires étrangères en particulier, qui est le principal contributeur de l’association Égide, qui recourt beaucoup aux libéralités.

J’en viens à l’évaluation, qui est consubstantielle à la recherche, et qui est aussi le corollaire d’un système fondé sur la sélectivité et l’excellence. Les critères de choix des projets qui seront financés ne doivent pas susciter la suspicion. La France n’est pas un géant, et l’Europe non plus, en matière de recherche, par rapport aux États-Unis, au Japon ou aux pays émergents. Nous devons donc concentrer nos moyens sur nos atouts, donc désigner les meilleurs : nous ne pouvons pas nous permettre d’arroser les terres stériles. L’évaluation doit passer par trois phases : une de diagnostic – que s’est-il passé ? – une normative – a-t-on bien fait ? – et une instrumentale – peut-on mieux faire ?

M. le Président – Monsieur le rapporteur, veuillez vous acheminer vers votre conclusion.

M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur pour avisAujourd’hui, des pans entiers de la recherche restent peu ou mal évalués. C’est le cas notamment pour les enseignants-chercheurs – soit la moitié des chercheurs. Mais, parallèlement aux activités qui ne seront jamais évaluées, il existe des structures d’évaluation nombreuses, preuve de l’émiettement de notre système. L’évaluation doit avoir lieu en théorie tous les quatre ans, mais c’est en moyenne tous les huit ou neuf ans, et même quatorze dans ma propre université !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial Et Corte, jamais ! (Sourires)

M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur pour avisLa réponse se trouve dans la loi de programme du 18 avril 2006 : l’évaluation doit être indépendante, transparente et légitime. Elle doit être fondée sur l’avis de pairs, de personnes nommées pour leurs qualités et non parce qu’ils sont inscrits sur des listes syndicales.

M. Pierre Cohen – Ça commençait bien, mais chassez le naturel…

M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur pour avisL’évaluation peut certes se faire directement, si l’agence estime que c’est nécessaire, mais aussi indirectement : lorsque tout se passe bien, il faut apprendre à déléguer et se contenter de vérifier.

M. le Président – Monsieur le rapporteur, je vous prie de conclure.

M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur pour avisAu niveau international, on peut observer souvent une confusion des fonctions de financement et d’évaluation et presque toujours le principe du jugement par les pairs, le plus souvent étrangers et nommés. Pour assurer le bon fonctionnement de l’agence, il faut veiller à une harmonisation, mais éviter l’uniformisation, avoir recours à des experts étrangers – un pool d’évaluateurs européens par exemple – et veiller, lorsqu’on remédie aux carences, à ne pas casser ce qui fonctionne bien. Mais, une fois l’évaluation faite, et bien faite, il faut savoir quoi en faire : c’est le pouvoir politique qui devra faire bon usage des travaux de l’agence.

Au nom de la commission des affaires sociales, je vous invite à adopter les crédits de la mission recherche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Compte tenu du nombre de rapporteurs, je vous invite instamment à respecter votre temps de parole.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour les formations supérieures et la recherche universitaire et pour la vie étudiante – Aujourd'hui, environ la moitié d'une classe d'âge accède à l'enseignement supérieur, mais les sorties sans diplôme sont beaucoup trop nombreuses et très pénalisantes. À la rentrée 2005, on dénombrait plus de deux millions d'étudiants, dont un million trois cent neuf mille accueillis par les universités, lesquelles s'efforcent de s'adapter, dans un contexte budgétaire contraint depuis des décennies. Il faut donc saluer l’effort du Gouvernement, qui a érigé cette année l'enseignement supérieur et la vie étudiante au rang des priorités : les crédits des deux programmes devraient progresser de 3,04 % par rapport à 2006, contre 0,8 % pour les dépenses globales de l'État. Il faut aussi se féliciter de la création de mille emplois – 450 d'enseignants chercheurs et 550 de non6enseignants.

Lors de l’exécution du budget pour 2006, et comme chaque année, une réserve de précaution a été constituée et des crédits ont été gelés : 97,56 millions pour le programme Formations supérieures et 84,76 pour le programme Vie étudiante. Pour ce dernier programme, cette habitude conduit les CROUS, faute de trésorerie, à reporter le paiement d'un très grand nombre de bourses sur l'année suivante. C’est inacceptable et cela va désormais à l’encontre de l'action entreprise par le Gouvernement pour améliorer les conditions de vie des étudiants. Monsieur le ministre, l’ensemble des moyens inscrits en loi de finances pour 2006 pour ce programme vont-ils être débloqués, afin que les bourses puissent être versées avant la fin de l'année ?

J’en viens aux conditions de vie des étudiants : si les droits d'inscription à l'université sont plus faibles que dans de nombreux autres pays, les aides consenties aux étudiants sont modestes et, surtout, laissent à l'écart une grande part d’entre eux. Pour les étudiants boursiers, le problème majeur est celui des retards de versement, et tout particulièrement du premier, celui de la rentrée, période d'installation des étudiants. Mais il faut aussi s’interroger plus globalement sur le mécanisme même des aides : faut-il continuer à privilégier les aides aux familles, donc les attribuer en fonction de leur niveau de revenu, ou faut-il considérer le financement de la vie étudiante comme un investissement public et fixer les critères d'attribution selon les filières choisies et la durée des études ?

Le constat, en tout cas, est que le dispositif général des aides, directes et indirectes, est complexe, injuste et peu efficace. Il se divise en trois grandes masses : les bourses, pour 1,7 milliard, les aides au logement, pour environ 1,13 milliard, et les aides fiscales aux familles pour environ 1,3 milliard. On dénombre une vingtaine de dispositifs différents, sans compter les aides des collectivités locales. Malgré cela, l'effet de seuil brutal du barème d'attribution des bourses sur critères sociaux prive de toute aide les étudiants issus des classes moyennes. Le système des bourses, conçu comme une aide complémentaire à la famille et non comme une aide directe aux étudiants, ne correspond plus à l'aspiration à l'autonomie des nouvelles générations et surtout écarte du bénéfice des aides ceux dont les familles ne sont éligibles à aucun soutien de la part de l'État.

Pour 2005 et 2006, 520 000 bourses ont été allouées au total en métropole et dans les DOM dont 496 000 sur critères sociaux, ce qui représente environ 30 % d’étudiants. La demande est examinée en fonction des ressources et des charges de la famille de l’étudiant telles qu’elles figurent dans l’avis fiscal et selon le barème national. Ces plafonds de ressources déterminent à la fois l’éligibilité et l’échelon de la bourse. Il en résulte un ensemble très rigide qui peut, au centime près, faire basculer d’un échelon à l’autre ou faire sortir du champ d’attribution des aides. Une bourse de premier échelon s’élève à 1 335 euros, ce qui correspond à un revenu fiscal annuel de la famille, sans points de charges, de 16 010 euros, soit à peine plus d’un salaire annuel payé au SMIC. Au-delà de ce niveau de revenu et sans point de charges, aucune bourse sous condition de ressources ne peut être allouée. En 2005 et 2006, 40 % des étudiants boursiers bénéficiaient d’une bourse de cinquième échelon, 19 % d’une bourse de premier échelon et 9 % uniquement de l’exonération des droits d’inscription et de sécurité sociale. Les trois autres échelons sont répartis également dans les 30 % d’étudiants restant et correspondent respectivement à des bourses d’environ 2 000 et 3 000 euros. Il conviendrait, me semble-t-il, de simplifier l’ensemble, de déplafonner les bourses sur critères sociaux et de décontingenter les autres.

Les aides au logement, les seules déconnectées du niveau de revenu des familles puisqu’elles relèvent d’un système général géré par les CAF, aggravent les inégalités. L’allocation d’installation pour les étudiants « Aline » qui vient d'être créée est attribuée par les CAF aux étudiants boursiers sur critères sociaux et qui s'installent pour la première fois hors du domicile de leurs parents mais le problème concerne essentiellement l'allocation de logement à caractère social. Cette prestation est financée par le Fonds national d'aide au logement qui est alimenté par l'État ainsi que par une cotisation des employeurs. Elle est calculée en fonction des ressources personnelles du bénéficiaire et du montant du loyer, ce dernier facteur constituant un avantage supplémentaire pour les plus favorisés.

Le système de prêts est quant à lui inopérant. Des prêts d'honneur peuvent être accordés à des étudiants français non boursiers. Ils sont attribués par un comité académique spécialisé. Pour 2007, le montant des crédits alloués pour ces prêts s'élève à 7 millions, ce qui ne permettra de satisfaire que 3 200 demandes pour un montant moyen de 2 200 euros. Il est bien évident que ce système ne répond pas à un besoin de financement efficace et rénové de la vie étudiante et cette situation s'explique par des raisons propres au système éducatif français : en effet, le diplôme universitaire joue de moins en moins un rôle protecteur contre le chômage, ce qui décourage les jeunes de s'endetter face à un avenir très incertain.

La situation du logement étudiant, elle, s’améliore. Le plan gouvernemental qui a été élaboré s’est fondé en très grande partie sur les préconisations du rapport de la mission qui m'avait été confiée par le Premier ministre en 2003. Il prévoyait notamment la réhabilitation de 70 000 chambres individuelles dans les résidences universitaires en dix ans et 50 000 constructions nouvelles pendant la même période. En 2005, 4 388 chambres ont été réhabilitées et 4 600 sur l'exercice 2006 ; en 2007, 5 000 réhabilitations sont prévues. Pour les constructions neuves, compte tenu des conditions à réunir, un délai de trois ans est en général nécessaire entre la genèse du projet et sa livraison. À partir de 2007, les mesures annoncées devraient porter leurs fruits.

La situation des étudiants étrangers, en revanche, ne s’améliore pas. Le nombre d'étudiants étrangers en France a connu un essor considérable ces dernières années. Depuis 1998, il a progressé de 74 %. À la rentrée 2005, plus de 235 000 étrangers étudiaient en France métropolitaine et dans les DOM. Cette affluence, très concentrée dans quelques grandes régions, soulève d’importants problèmes d'accueil pour les établissements et, surtout, de graves difficultés de logement car les inscriptions ne sont pas subordonnées aux capacités d'hébergement du lieu choisi. Tous les responsables des CROUS soulignent la situation de grande précarité dans laquelle se trouvent de nombreux étudiants étrangers.

En ce qui concerne les propositions, une vision plus dynamique du financement des études s’impose. Le système actuel de financement de la vie étudiante se caractérise par la dispersion des aides directes et indirectes, leur manque de lisibilité et leur forte concentration sur certaines catégories d'étudiants. Une réflexion mériterait d'être menée afin d'évaluer les possibilités de regroupement de ces aides en une allocation unique d'étude gérée par les seuls CROUS et soumise à des conditions très strictes de réussite aux examens et de situation matérielle.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial Très bien.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis - Mais d'autres pistes doivent également être explorées pour rendre le système plus juste, plus efficace et plus propice à l'apprentissage de l'autonomie. Outre l'avantage financier que représente par exemple le développement des formations en alternance, leur cote a beaucoup monté auprès des entreprises. Trop longtemps, les diplômes obtenus en alternance, du bac+2 au diplôme d'ingénieur, ont été moins bien cotés que les formations classiques. Un basculement s'est opéré et le vécu professionnel accumulé pendant des études en alternance est bonifié dès l'arrivée sur le marché du travail.

Il faut également créer un véritable système de prêts. Bien qu'il ne soit nullement transposable, il est intéressant d'évoquer le système suédois dont l'un des principaux intérêts est qu'il permet aux étudiants de devenir très vite indépendants à l’égard de leurs parents. En Suède, les étudiants reçoivent une bourse d'État de l'ordre de 1 000 euros par mois dont les deux tiers sous forme de prêt pendant six ans au maximum. La quasi-totalité des étudiants en bénéficient et cette bourse est renouvelée chaque semestre en fonction des résultats aux examens. À la fin des études, la partie emprunt doit être remboursée sur une durée qui peut être négociée. Ce système, certes coûteux, contribue néanmoins à rendre les étudiants plus responsables de leur avenir et plus vigilants dans le choix de leur filière et de leurs parcours universitaire.

Il faut également améliorer le fonctionnement du CNOUS et du réseau des CROUS. Il importe de renforcer le rôle fédérateur de conseil et d'encadrement du CNOUS, notamment en lui accordant un droit de regard sur les nominations et la formation des directeurs d'unités de gestion des œuvres universitaires dont les compétences sont souvent mal adaptées aux fonctions. Il faut également donner les moyens à chaque CROUS de devenir le guichet unique de toute la vie sociale des étudiants, ce qui devrait contribuer à améliorer considérablement le paiement des bourses.

Enfin, il faut rendre les étudiants plus responsables de leur santé, leur l'état sanitaire se caractérisant parfois par une vulnérabilité à certains comportements addictifs. Leur indifférence aux problèmes de santé est également insatisfaisante. Je ne mentionne qu’une seule proposition qui émane des mutuelles étudiantes : la création d'un « chèque santé étudiant » pris en charge par l'État et remis à chaque étudiant lors de sa première rentrée universitaire.

Je ne doute pas que vos observations rejoindront les miennes, Monsieur le ministre délégué, car l'augmentation du budget de l'enseignement supérieur et les priorités qu’il définit témoignent de la lucidité du Gouvernement et de sa volonté de rendre notre système universitaire plus dynamique. C'est pour ces raisons que la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur pour 2007 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Lejeune, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - Les engagements pris par le Gouvernement en réponse à la forte mobilisation des chercheurs de 2003-2004 se sont traduits dans les PLF pour 2005 et 2006 ainsi que dans la loi de programme pour la recherche. Le PLF pour 2007 les respecte également.

En effet, les moyens de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur, la MIRES, progressent significativement. Les crédits de paiement proposés en 2007 pour l'ensemble de la mission augmentent de 662 millions en structure courante, soit 3,2 %, pour atteindre 21,3 milliards. La mission se présente comme la fusion des anciens budgets civils de recherche et de développement technologique – le BCRD – et du budget coordonné de l'enseignement supérieur. Or, traditionnellement, notre commission se prononçait sur les seuls crédits du BCRD, crédits de la recherche, sans l'enseignement supérieur, présenté dans le budget coordonné. Depuis 2005 et la nouvelle présentation du PLF, il nous est possible d'examiner dans un seul cadre non seulement l'ensemble des moyens consacrés à la recherche mais, plus largement, à « l'économie de la connaissance » et de suivre ainsi la progression de la France dans la voie tracée par les conseils européens de Lisbonne en mars 2000, puis de Barcelone en 2002.

Il nous est également plus facile, conformément aux orientations définies par la loi de programme, de suivre l’évolution de la recherche universitaire en nous appuyant à la fois sur les organismes de recherche mais aussi sur les structures de formations supérieures afin que l'université puisse retrouver le rôle fédérateur des progrès des savoirs qui est le sien. La pertinence des investissements et des dotations dans ce cadre peut commencer à être analysée à l'aide des nouveaux outils prévus par la LOLF : en effet, les objectifs et les indicateurs de performance de la mission ne manquent pas d'ambition.

En structure courante, le périmètre « recherche » de la mission, comparable à l'ancien BCRD, a progressé de 193 millions, soit 1,7 % entre 2005 et 2006 et il est proposé de l'augmenter de 271 millions, soit 2,4 % dans ce PLF afin de porter les moyens publics de la recherche à un montant total de 11,7 milliards. La part des financements publics de la recherche dans le budget de l'État, stabilisée entre 2000 et 2005 autour de 3 % atteint donc, pour la deuxième année consécutive 4,3 %.

Les dotations du périmètre « enseignement supérieur » augmentent également et il me semble important de souligner la progression très nette des dépenses d'investissement en réponse à l'urgence d'un effort soutenu dans ce domaine, en interaction avec les régions, dans le cadre des nouveaux contrats de projets pour la période 2007-2013.

De même, on constate une augmentation significative des crédits de fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur et la croissance, à structure constante, de 4,3 % du programme « vie étudiante » destiné à l'accompagnement social des étudiants.

Je souhaite m’attarder sur quelques questions plus précises, et tout d’abord concernant l'Agence nationale de la recherche. La loi de programme pour la recherche lui a donné le statut d'établissement public, aussi il est important que son financement qui, depuis deux ans, relevait d'un compte d'affectation des produit des privatisations, soit pérennisé par l'article 27 du PLF qui lui affecte en effet une partie de la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés pour un montant de 825 millions, en nette progression. Ces moyens ne se substituent pas mais s'ajoutent au socle des dotations dont disposent les organismes de recherche. L'agence est évidemment le moyen privilégié d'impulsion des grandes orientations fixées par le Gouvernement en matière de recherche. Elle devrait en particulier traduire les priorités définies par le Haut conseil de la science et de la technologie qui se met en place. L'analyse des répartitions des aides aux projets déposés montre la part importante – plus d'un tiers – accordée aux projets non thématiques, aux programmes « blancs » ou jeunes chercheurs qui sont directement issus des propositions des chercheurs et des équipes de recherche. C'est également à l'Agence qu'incombe maintenant le financement du dispositif des labels « Carnot », ce qui précise l'ensemble de ses attributions. Le label a été attribué cette année à vingt structures de recherche qui ont montré leur capacité à articuler mission de service public et partenariat et à professionnaliser leurs recherches. Enfin, la composition du conseil d'administration du nouvel établissement public devrait assurer la continuité de l'orientation fixée par celui du groupement d'intérêt public, qui était constitué des dirigeants des principaux établissements publics de recherche. Ces éléments devraient, me semble-t-il, contribuer à lever un certain nombre d'interrogations et d'inquiétudes suscitées par la création de l'Agence.

Deuxième question, celle de l'emploi scientifique. Les 2 000 créations d'emplois prévues en 2007, après les 3 000 de 2006, sont conséquentes. Leur répartition égale entre l'enseignement supérieur et la recherche et, pour les emplois scientifiques, la clef de répartition entre les emplois de chercheurs, d'ingénieurs et de techniciens, semble raisonnable. Or, la clarté des perspectives d'emploi est évidemment déterminante dans les orientations des lycéens et des étudiants qui sont les futurs acteurs de la recherche. Les créations d'emplois publics de chercheurs comme la croissance continue du nombre de chercheurs dans le secteur privé y participent pleinement. Je rappelle à cet égard, alors qu’en 1981 le nombre de chercheurs en entreprise était de 35 000 en France et de 77 000 au Royaume-Uni, il était en 2004 de 106 500 en France et de 103 000 au Royaume-Uni. C’est là une traduction concrète des mesures prises en faveur de l'innovation depuis dix ans.

Parallèlement, les emplois publics ont eux aussi progressé, pour atteindre, fin 2004, l'effectif de 93 600 chercheurs. Le redressement des inscriptions dans les filières scientifiques des universités témoigne du reste d’un regain d'intérêt pour des professions encore insuffisamment valorisées.

J’en viens aux actions de soutien des jeunes chercheurs. Outre les programmes non thématiques, il convient de saluer la revalorisation de 8 % de l'allocation de recherche, à compter du 1er février 2007, et son augmentation à 1,5 SMIC, à compter du 1er octobre de l’année prochaine, pour les allocataires en troisième année, afin de leur permettre de se consacrer à leur dernière année de thèse. Ces progressions n'interviennent peut-être pas aussi rapidement qu'on pourrait le souhaiter, mais elles participent du redressement sensible des allocations amorcé depuis trois ans par le Gouvernement.

En outre, le rapporteur de la commission des affaires économiques ne peut manquer de souligner la création, à l'intersection entre la recherche et l'entreprise, de 175 conventions industrielles de formation par la recherche supplémentaires – les conventions CIFRE. Elles permettent à de jeunes chercheurs de réaliser leur thèse en entreprise, à l'avantage des étudiants, qui bénéficient d'une voie d'accès privilégiée à la vie active dans de bonnes conditions de rémunération, comme des entreprises, lesquelles bénéficient des compétences, du dynamisme et des ouvertures sur le monde de la recherche qu'apportent les étudiants. Enfin, le dispositif permet de simplifier le recrutement des jeunes talents. En deux ans, leur nombre est passé de 1 200 à 1 475 et il y a tout lieu de s’en féliciter. Il est remarquable que le dispositif équivalent prévu pour les techniciens – les CORTECHS – ait été relancé depuis deux ans, et qu’il prévoie 220 nouvelles entrées l’année prochaine. Enfin, un système parallèle est prévu pour favoriser l'insertion des post-doctorants en entreprise – les CIPRE –, 100 conventions étant proposées pour 2007.

L’action en faveur des jeunes chercheurs s'accompagne d'une politique salariale plus attrayante, comprenant la mise en place des bourses Descartes et des mesures visant à favoriser l'exercice de fonctions d'enseignement par les chercheurs.

Pour conclure, l'engagement pris dans la loi de programme d'accroître les moyens consacrés à la recherche d'un milliard par an sera tenu, de même que celui de programmer la progression des moyens publics en euros constants. Les dotations publiques consacrées à la recherche, auxquelles il convient d'ajouter les dépenses fiscales et les fonds de concours attendus, continuent donc de progresser. La part des dépenses de recherche dans le PIB augmente, ce qui doit permettre à notre pays de se rapprocher de l'objectif de 3 % fixé par les Conseils européens.

C'est pourquoi la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur pour 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la recherche industrielle – Dans un pays comme le nôtre, où le coût de la main-d'œuvre est élevé, il est indispensable de développer l'innovation et la recherche car elles constituent des éléments de compétitivité incomparables. Telle sera d’ailleurs l'une des conclusions du rapport de la mission d'information sur les délocalisations, installée par la commission des affaires économiques. Aussi, depuis 2002, conformément à la Stratégie de Lisbonne, notre majorité s'est attachée à prendre des mesures visant à atteindre cet objectif : le Pacte pour la recherche, des dispositions attrayantes pour que s'installent les entreprises les plus novatrices, etc.

Le budget alloué à la recherche industrielle relève de la MIRES et il se situe naturellement à l'articulation entre le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de l’industrie. Les crédits du programme Recherche industrielle présentent un intérêt stratégique pour l'avenir de notre économie. Chacun sait, toutefois, que l'évolution des crédits consacrés à un programme ne reflète pas toujours l'engagement réel de l'État puisqu'aux dépenses budgétaires s'ajoutent les dépenses fiscales et les autres formes d'intervention publique.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial – Absolument.

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur pour avis – Cela est particulièrement vrai pour le présent programme, au profit duquel les dépenses fiscales sont diverses et conséquentes, et dont le principal opérateur – l'Agence pour l'innovation industrielle – a été financé par une dotation initiale en capital, attribuée en 2006. Néanmoins, on note avec une grande satisfaction la forte augmentation des crédits budgétaires de la mission prévue pour 2007.

En autorisations d'engagement, les crédits s’élèvent à 648 millions, soit une progression de près de 12,7 % par rapport à 2006, cependant que les crédits de paiement augmentent de 10,6 %, pour atteindre 580,26 millions. Et ces évolutions surviennent après une hausse encore plus forte en 2006 avec, par rapport à 2005, une progression de plus de 42 % des AE et de plus de 24 % des CP. Les dépenses fiscales devraient représenter un effort de 685 millions, auquel il convient d'ajouter 2,3 milliards au titre de dépenses fiscales contribuant au programme sans que cela soit leur objet principal. Enfin, il ne faut pas négliger le principal dispositif d'incitation à la recherche privée que constitue le crédit d'impôt recherche, lequel représente une dépense fiscale de l’ordre de 900 millions. Je rappelle que celui-ci n'est pas propre aux entreprises industrielles mais que, compte tenu de la part prépondérante du secteur industriel dans la recherche, il va de soi que le dispositif joue un rôle essentiel. Au total, l'effort budgétaire et fiscal en faveur de la recherche industrielle atteindra donc 4,4 milliards, contre 3,82 milliards en 2006 soit une progression de 15,2 %.

Répartis selon trois axes, ces moyens financent une relance de la politique industrielle, facilitée par la refonte des instruments de pilotage réalisée au cours de la législature, avec la création de l’AII, de l’ANR, du groupe OSEO – fusionnant l’Anvar et la BDPME – et des pôles de compétitivité.

Les crédits de l'action 1 « recherche publique sur les technologies de base », représentent 13,2 % des AE du programme pour 2006 et recouvrent les moyens destinés aux écoles d'ingénieur placées sous la tutelle du ministère de l’industrie – écoles des Mines et écoles appartenant au groupe des télécommunications. Ils progressent de 3 % par rapport à 2006 et la principale mesure inscrite sous cette action est la création de 45 postes de chargés de recherche en année pleine.

L'action 2 « soutien et diffusion de l'innovation technologique » bénéficie de 25,8 % des AE du programme et rassemble les crédits de fonctionnement et d'intervention de l'Agence de l'innovation industrielle, d'OSEO-Anvar, de l'association Jessica ainsi que la compensation par l'État aux régimes sociaux de l'exonération de charges sociales patronales pour les chercheurs des jeunes entreprises innovantes.

Cinq programmes ont été retenus par l'AIl en avril 2006. Il s'agit du projet BioHub, relatif à la valorisation des ressources agricoles par les biotechnologies, du programme HOMES, relatif aux bâtiments économes en énergie, de NeoVal, portant sur un système de transport modulaire automatique sur pneus, de Quaero, relatif à la reconnaissance de contenus numériques, et, enfin, du programme Télévision mobile sans limite, présenté par Alcatel. À court terme, ces programmes de recherche et de développement mobiliseront 770 emplois hautement qualifiés. En outre, deux nouveaux programmes ont été retenus en juillet 2006 : le premier, conduit par PSA, vise à développer une voiture hybride électrique-diesel plus respectueuse de l’environnement ; le second, NanoSmart, tend à développer de nouveaux substrats avancés pour composants électroniques. Enfin, je ne peux passer sous silence le dernier projet des laboratoires Mérieux et Transgène, qui porte sur la thérapie génique.

De son côté, OSEO-Anvar a vocation à soutenir la création d'entreprises, l'innovation et l'aide aux PME, et je rappelle que la loi de finances pour 2004 a créé un dispositif d'exonération de cotisations sociales et d'IS à destination de la jeune entreprise innovante.

L'action 3 « soutien de la recherche industrielle stratégique » bénéficie de 61 % des AE du programme pour 2007. Elle rassemble les crédits d'intervention du fonds de compétitivité des entreprises, lequel finance les subventions d’État versées aux pôles de compétitivité et les aides accordées à de grands programmes stratégiques. Compte tenu de la labellisation de nouveaux pôles et de la fusion de certains autres, il existe aujourd'hui 66 pôles de compétitivité, dont six pôles mondiaux et dix à vocation mondiale. En vue de simplifier le dispositif, je rappelle qu’il a été décidé de remplacer les exonérations fiscales et autres subventions par des aides directes.

Parallèlement, le FCE continue de financer les programmes labellisés dans le cadre de l’initiative Eurêka et le projet Crolles II, ces actions étant couvertes par 44 % des crédits alloués au fonds, dont l'essentiel des moyens est donc consacré à la politique des pôles.

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Jean-Marie Binetruy, rapporteur pour avis – Le projet de loi de finances pour 2007 marque un effort considérable en faveur de la recherche industrielle. Il traduit la volonté du Gouvernement de poursuivre l'effort de relance de notre politique industrielle, en vue de la rendre toujours plus compétitive. Je vous invite donc à donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources – Beaucoup de questions placées au cœur de l'actualité soulignent toute l'importance du maintien d'un effort public soutenu pour la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources. Je pense aux controverses suscitées par la mesure de la toxicité des huîtres d'Arcachon, aux réflexions sur la nécessité de donner un nouvel élan à la filière viticole française, au besoin d’évaluer globalement l'impact écologique des substituts aux hydrocarbures ou – mais la liste n’est pas exhaustive – à l'adaptation des stratégies de réduction de la fracture alimentaire mondiale.

Derrière son intitulé un peu abstrait, la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources vise à développer les connaissances et les technologies en vue de mieux gérer les relations entre l'homme et les milieux naturels, de manière à ce que ces liens puissent s'inscrire dans le cadre d'un développement durable. De même, il faut que l'exploitation des ressources des milieux réponde aux besoins des sociétés des pays du Sud comme à ceux du Nord.

Ce programme budgétaire finance six grands établissements de recherche qui contribuent au rayonnement international de la France : l'Institut national de la recherche agronomique, l’Institut de recherche pour le développement, l’Institut de recherche pour l'ingénierie de l'agriculture et de l'environnement – le CEMAGREF –, le Bureau de recherches géologiques et minières, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement et l’Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer.

Au vu d’un champ opérationnel très vaste, j’ai choisi d’analyser de façon générale les crédits prévus, tout en apportant des éclairages particuliers sur certaines actions liées à l'actualité.

Les crédits du programme s’élèvent à 1,363 milliard d'euros, soit à peine 5,5 % des moyens affectés à la mission « recherche et enseignement supérieur ». Cela n’est pas à la hauteur des perspectives offertes par la recherche fondamentale, par exemple en matière de lutte contre la fracture alimentaire mondiale.

J’ajoute que les crédits affectés aux actions de recherche proprement dites progressent plus lentement que ceux relatifs aux dépenses de structure. Quel autisme ! Oubliez-vous les crises récentes ? Elles ont pourtant révélé l'insuffisance des moyens de l'IFREMER, qui peine à identifier les agents toxiques responsables de l'empoisonnement des huîtres du bassin d'Arcachon.

Le budget pour 2007 se distingue certes par un très fort mouvement de réallocation des moyens au profit de la recherche fondamentale, conformément aux besoins que j’avais identifiés l’an dernier dans mon rapport. La présentation du projet annuel de performances a également été améliorée, notamment par une plus grande précision dans les données fournies.

Les moyens alloués par le Gouvernement restent toutefois bien parcimonieux : ainsi, le centre de Montpellier de l'INRA, qui s’efforce de dégager des perspectives nouvelles pour la filière viticole, a été freiné dans la mise au point du « soda de vigne » par des à-coups budgétaires. L’INSERM manque également de moyens pour évaluer les effets bénéfiques sur la santé d’un nouveau jus de raisin peu sucré et riche en polyphénols.

S’agissant des modèles de bilan global des agro-composants, dont l’objectif est de mesurer l’impact énergétique et écologique complet, l'allocation de moyens aux recherches menées par l'INRA a été bien tardive, malgré l’intérêt évident de ce type d'instrument pour un pilotage efficace des politiques publiques.

Quant aux recherches remarquables du CIRAD sur la « révolution doublement verte », dont dépend l'avenir alimentaire de l'humanité, elles mériteraient d'être mieux mises en valeur par la communication gouvernementale ! Un tel manque de considération pour l'inventivité de nos chercheurs ne fait que traduire l'état de délabrement complet de la recherche publique française. C’est une indignité pour une puissance telle que la nôtre !

En dépit du grand nombre d'interrogations relatives à l’impact des politiques du Gouvernement sur l'équilibre des relations entre l'homme et la nature, en dépit également de mon avis défavorable, la commission des affaires économiques a adopté les crédits du programme Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources. De mon côté, je maintiens ma position (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Président – Nous en venons à la discussion générale. Nous avons dépassé de plus d’un quart d’heure le temps prévu pour les rapporteurs. En conséquence, je serai ferme sur le respect des temps de parole.

M. Claude Birraux – Je vais pouvoir raccourcir mon intervention, Monsieur le président, car les rapporteurs en ont déjà beaucoup dit (Sourires).

Les engagements ont été tenus et ce budget est presque en parfaite cohérence avec la loi sur la recherche adoptée au printemps dernier. Les moyens financiers et humains augmentent : 175 CIFRE supplémentaires, ce qui portera leur nombre total à 1 475 ; 100 postes CIPRE, destinés à favoriser l’insertion des docteurs ; 350 bourses au mérite ; et enfin 500 postes de moniteurs, qui viendront décharger les enseignants chercheurs.

En trois ans, cette majorité aura consacré 6 milliards d’euros supplémentaires à la recherche, et créé 6 000 emplois, ce qui représente un effort sans précédent ! Autre bonne nouvelle, nous avons évité les effets d’annonce suivis de régulation budgétaire dès le 15 août, contrairement à nombre de gouvernements précédents, de droite et de gauche.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Très bien.

M. Claude Birraux - Le groupe UMP approuve les grandes orientations de ce budget. Je pense notamment à l’amélioration des conditions de vie des étudiants et l’effort consacré à l’immobilier universitaire. Pour étudier correctement, il vaut mieux en effet vivre dans des locaux agréables, et il est bon que notre patrimoine soit entretenu, même si nos campus ne sont pas ceux de Stanford ou Berkeley. Les mesures relatives au logement étudiant sont également très positives, mais nous devrions réfléchir à de nouvelles mesures encore, car le logement est devenu un véritable cauchemar pour les étudiants et leurs parents. Je ne compte plus les cautions que j’ai dû apporter à mes enfants !

L’orientation des emplois vers les PRES et les réseaux avancés me semble également très importante. Les PRES sont en effet à la croisée des chemins : ils peuvent devenir soit une simple strate supplémentaire, soit une véritable force de frappe pour les organismes concernés. Ces innovations doivent être mises au service de l’ensemble des chercheurs et des organismes regroupés dans un même lieu de recherche.

Un bémol toutefois : vous n’avez pas tenu votre engagement de porter l’allocation de recherche à 1,5 fois le SMIC au 1er janvier.

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche – Nous y viendrons !

M. Claude Birraux - Par ailleurs, si le crédit impôt recherche est effectivement un instrument efficace pour stimuler la recherche privée, le diable est dans les détails ! C’est d’un système simple, fiable et pérenne que nous avons besoin. On ne peut accepter que chaque loi de finances entreprenne une refonte globale des dispositifs en vigueur !

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Très bien.

M. Claude Birraux - J’en viens à l’ANR, dont la montée en charge est une bonne chose, car les financements pluriannuels donnent une visibilité aux chercheurs sur le long terme. L’agence a toutefois besoin d’assurer sa crédibilité et de gagner la confiance des chercheurs. Pour cela, il faut adopter des règles claires, transparentes et connues de tous. Les chercheurs dont les projets sont refusés doivent savoir pourquoi : il ne faudrait pas qu’on leur réponde tantôt qu’un projet est trop industriel, tantôt qu’il ne l’est pas assez. C’est tout le problème de l’expertise objective : comment recruter des experts qui connaissent bien une problématique, mais qui s’interdisent de concourir dans ce domaine ?

S’agissant de l’Agence d’évaluation, dont le décret vient de passer en Conseil des ministres, nous avons également besoin de lisibilité et de visibilité, grâce à une clarification des relations avec les institutions. Pour l’anecdote, je rappelle que, conformément à mes souhaits, le Haut conseil de la science pourra s’autosaisir et publier ses avis, ce que vous refusiez, Monsieur le ministre.

Je ne reviens pas sur la faiblesse des moyens alloués à l’enseignement supérieur, car mes collègues ont déjà évoqué ce sujet. Je rappelle toutefois que ce secteur concentre 2,5 % des élèves pour seulement 0,5 % du budget, et que l’État récupère par la voie de taxes diverses la moitié des sommes qu’il accorde.

Quant à la suppression des libéralités, elle était demandée par tous, mais j’aimerais savoir sur quelle ligne budgétaire figure le surcoût lié à leur transformation en contrats de travail.

Autre cas particulier, la baisse de 8 % de l’aide publique à l’Institut français du pétrole. Il existe pourtant des missions d’intérêt général que les entreprises ne financeront pas, qu’il s’agisse des énergies renouvelables, des biocarburants de deuxième génération ou encore de la séquestration. Il serait trop facile de s’en remettre pour tout aux industriels !

J’ajoute que vous avez récupéré le budget alloué au CERN, Monsieur le ministre, mais il faudrait alors que la France soit représentée au Conseil par un membre de votre ministère. Je rappelle également qu’un effort supplémentaire est demandé pendant trois ans aux pays hôtes, la France et la Suisse, afin de boucler le budget du LHC.

Avant-dernière question : l’Office parlementaire a organisé, sur votre suggestion, une audition publique qui a permis d’entendre toutes les parties prenantes, et le Conseil constitutionnel a semblé valider par anticipation le protocole. Pouvez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement ? Dans quel délai souhaitez-vous inscrire à l’ordre du jour un éventuel projet de validation ?

S’agissant enfin du transfert de technologie et de la valorisation de la recherche, les mesures prévues sont positives, qu’il s’agisse des bourses, des CIFRE, des CIPRE, des instituts Carnot ou du statut des Jeunes entreprises innovantes. Outre les 50 millions d’allégements fiscaux consentis, les pôles de compétitivité ont permis au monde des entreprises de rencontrer celui de l’enseignement supérieur et celui de la recherche. Ces pôles sont un succès : ils ont rencontré l’adhésion générale des élus et acteurs socio-économiques malgré le dédain initial des départements et des régions tenus par la gauche. Il demeure pourtant des barrières à la valorisation de la recherche et au transfert technologique en France. Pourquoi ne pas aller voir ce qui marche bien ailleurs ? Je vous invite à visiter Louvain-la-Neuve, qui est un modèle quasiment parfait.

Ce projet de budget respecte parfaitement le cadre fixé par la loi sur la recherche, mais nous devons préciser le contenu du tableau pour le rendre bien visible et clair. Pour que ce soit un chef-d’œuvre, il nous faut maintenant une dynamique nouvelle pour la recherche (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Claeys – Monsieur le ministre, nous serons d’accord sur deux points. D’abord, il est stupide d’opposer, comme l’a fait un rapporteur emporté par son élan, recherche publique et privée, recherche fondamentale et appliquée. C’est là un débat du passé. Ce rapporteur se souvient d’ailleurs sans doute de l’époque où il était ingénieur au CNRS ! Ensuite, parler de rupture à propos de l’enseignement supérieur et de la recherche, comme le font certains, serait dangereux, et source d’un désordre qui serait suivi d’un total immobilisme.

Avec ce budget – qui sera peut-être modifié par un collectif, quelle que soit la prochaine majorité –, nous arrivons au terme d’une législature dont il faut reconnaître que les trois premières années n’ont pas été favorables à la recherche et à l’enseignement supérieur. Le gouvernement Raffarin a commis une erreur stratégique en leur accordant moins de moyens, moins de postes, alors que tous les signaux étaient au rouge. C’est alors que le mouvement « Sauvons la recherche », extrêmement populaire, a su alerter l’opinion. Puis les étudiants, à travers la crise du CPE, l’ont alertée sur leur extrême précarité.

C’est dans ce contexte qu’il faut examiner ce budget et l’effort engagé avec la loi sur la recherche. J’aborderai quatre points : le premier cycle, la mise en application de la loi sur la recherche, l’aménagement territorial de l’université et de la recherche, et enfin la gouvernance. Mais il y a un préalable, relevé par le président de la Cour des comptes : traiter de la précarité qui touche un grand nombre d’étudiants, et prendre conscience que la France est un des pays de l’OCDE qui consacre le moins de moyens à son enseignement supérieur, en particulier à son université. Sans cela, il n’y aura pas de réforme possible.

S’agissant de la précarité, malgré le rapport qui lui a été remis, le Premier ministre a fait des annonces qui ne sont absolument pas à la hauteur des problèmes. Il faudra revoir totalement le système des bourses, qui pénalisent certaines familles, et notamment les conséquences fiscales lorsque les étudiants ont des ressources.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial Tout à fait.

M. Alain Claeys – L’université souffre aussi du manque de moyens par étudiant, et cela me conduit au premier cycle. Aujourd’hui, la sélection se fait par l’échec. Beaucoup d’étudiants, surtout les titulaires d’un bac technologique ou d’un bac professionnel, sortent de l’université sans diplôme. Vous avez écarté le terme de sélection, et vous avez bien fait : chaque bachelier doit pouvoir accéder à une formation universitaire. Mais ce que vous proposez, l’orientation, ne suffira pas pour venir à bout de l’échec dans le premier cycle. Il faut renforcer les moyens, si inférieurs à ceux des IUT ou des classes préparatoires. Or, les moyens que vous consacrez à créer des postes ne sont pas à la hauteur du problème. Dans le premier cycle, il faut offrir des formations courtes à des bacheliers titulaires de bacs technologiques et de bacs professionnels. Dans mon académie, j’ai demandé au recteur combien de places étaient vacantes en STS : il y en a plus de 300. Je lui ai alors demandé quelles dispositions il a prises à ce sujet : j’attends toujours la réponse.

Le second thème que j’aborderai est celui de la recherche. Nous ne remettons pas en cause la création de l’ANR pour donner des orientations à travers certains appels d’offres, ni les 30 % consacrés à des programmes blancs, qui sont utiles. Mais il ne faudrait pas que cette politique aboutisse à un déséquilibre dans le financement au détriment des laboratoires. Donnez de l’argent public aux équipes d’excellence, grâce à l’ANR, mais si cela doit de traduire par un manque de crédits récurrents pour les laboratoires, c’est l’avenir même des organismes publics qui sera en jeu. Et je ne pense pas que votre politique consiste à les asphyxier.

Quant à l’agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, vous nous aviez garanti qu’elle s’appuierait sur ce qui fonctionne déjà bien. Or, le décret d’application crée une usine à gaz. Selon moi, il ne s’agit pas de se substituer à des évaluations qui sont satisfaisantes, mais de créer des règles, des normes pour évaluer la recherche française. Un rapporteur a parlé « d’évaluation syndicale ». C’est déraisonnable. Il existe des évaluations que personne ne conteste. Les craintes que nous avions exprimées lors du débat dur la loi programme sont donc justifiées.

En troisième lieu, nous sommes inquiets également sur l’aménagement territorial de la recherche et de l’enseignement supérieur. Il n’y a aucune nécessité de régionaliser la recherche. Les objectifs, que nous partageons, sont de mettre en réseaux les universités, et de créer un certain nombre de pôles d’excellence. En revanche sur les moyens d’y parvenir, nous avons quelques doutes. À la fin de l’année, il y aura trois ou quatre pôles de recherche et d’enseignement supérieur, pas plus. C’est que les règles du jeu ne sont pas suffisamment claires, ce qui entraîne des blocages dans certaines universités, et, de ce fait, un attentisme des organismes de recherche. Les 13 réseaux thématiques de recherche avancée, eux, fonctionnent. Mais il ne s’agirait pas, à travers ces réseaux, de priver les universités de ce qu’elles ont de meilleur au profit de nouvelles structures.

Enfin, la gouvernance suppose au préalable des moyens. Et le Gouvernement n’obtiendra pas la confiance de la communauté universitaire sans avoir d’abord mis à plat les problèmes de dotation. Il n’est pas acceptable qu’un président d’université puisse être inquiété parce que tel bâtiment n’est pas aux normes de sécurité. Il faut faire un effort considérable, alors que le contrat de plan n’est pas totalement exécuté, et il faut le faire vite. Pour le reste, s’agissant de la gouvernance des universités, je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce qu’a dit M. Bouvard. Les mots clés me semblent être les suivants : contrat, évaluation, responsabilité et démocratie.

Permettez-moi d’évoquer rapidement deux sujets avant de conclure : l’accord de Londres, sujet important sur lequel il faut avancer rapidement ; et les sciences de la vie, auxquelles il faut consacrer plus de moyens, contrairement à ce que veut faire la présidente du CNRS, si j’en crois l’interview qu’elle a donnée aux Échos. Les sciences de la vie représentent en effet un enjeu capital, tant pour la recherche fondamentale que pour l’économie.

Cette majorité aura perdu trois ans, Monsieur le ministre. Vous essayez maintenant de combler le retard, mais le compte n’y est pas. C’est pourquoi nous ne voterons pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Anne-Marie Comparini - L’université et la recherche sont vitales pour l’adaptation de notre pays, son efficacité économique et sa cohésion. Malheureusement, la France ne les a pas assez soutenues dans les années 80-90. L’enseignement supérieur a certes relevé le défi du nombre, mais sans repenser son organisation, et la recherche publique – à laquelle le général de Gaulle avait donné une forte impulsion – a, quant à elle, vécu sur ses acquis.

Il faut donc se féliciter qu’en 2004, la recherche soit redevenue d’actualité et que le Gouvernement se soit engagé à dégager 6 milliards sur trois ans. Dans le cadre de ce programme, le projet de loi de finances pour 2007 continue de progresser, mais il y a tant à faire qu’il reste néanmoins en deçà des attentes.

Une augmentation de 2,58 % reste modeste au regard de ce que font d’autres pays européens ou émergents. Mais pouvait-il en être autrement, compte tenu du niveau d’endettement de notre pays ? Le nombre des emplois scientifiques et académiques ne s’accroît que de 2 000. Les allocations de recherche seront revalorisées de 8 % au 1er février 2007, mais la promesse d’atteindre une fois et demie le SMIC ne sera tenue pour les chercheurs de troisième année qu’à la rentrée 2007-2008. On aurait pu faire plus vite.

Les salaires des chercheurs ne sont toujours pas attractifs, alors qu’il faudrait aussi rattraper le retard français en matière de conditions de travail, de déroulement de carrière et de mobilité. Seule une véritable politique des ressources humaines pourra motiver les jeunes talents. A-t-on commencé à la mettre en place ? A-t-on retenu des indicateurs à cet effet, Monsieur le ministre ?

Une part élevée des étudiants ne passe pas le cap de la première année. Il faut dire que l’université, qui accueille chaque année 250 000 nouveaux bacheliers, n’a pas la tâche facile, car ces jeunes n’ont souvent pas une idée très claire des filières dans lesquelles ils s’inscrivent. La rupture est si grande entre le lycée et l’université qu’il faudrait mettre en place une orientation, un encadrement et une information très performants. Votre budget prévoit des actions en ce sens, mais ne sont-elles pas déjà dépassées avec la sortie récente du rapport Hetzel ?

Comme tous les ans, j’insiste sur la nécessaire modernisation des bibliothèques. Leurs horaires d’ouverture, moitié moins amples que dans d’autres pays, traduisent bien leur mal chronique. Année après année, elles sont trop faiblement dotées.

Les conditions de vie des étudiants seront améliorées par le lancement du programme de logements prévu par votre prédécesseur, mais l’objectif des 70 000 chambres réhabilitées et de 50 000 construites sera-t-il atteint ? On peut s’interroger au vu des premiers résultats : 9 000 réhabilitations seulement et des programmes de construction qui ne font que commencer. Pour ce qui est des bourses, je ne reviens pas sur ce qu’a fort bien dit M. Bouvard, mais je constate que vous créez une nouvelle catégorie d’aide. Or, le moment est venu de repenser l’ensemble du système, afin de proposer un soutien plus juste et plus efficace. Un système de prêts, comme il en existe en Suède et en Grande-Bretagne, serait également utile.

Toutes ces observations posent la question de l'évolution de la gouvernance des universités. Le décalage entre la situation française et celle des pays développés ou en croissance est aujourd'hui manifeste. Sans équipe de direction renforcée et un encadrement plus moderne des ressources humaines, nous ne pourrons relever le défi de la connaissance. Ce sujet devra faire l'objet d'une concertation pour aboutir à une réelle programmation.

Avec ce budget, on voit que le rôle de l'État et des institutions n'est pas clarifié. L'enveloppe considérable de 300 millions d’euros, ouverte sur le budget de l'ANR pour doter les pôles de recherche et d'enseignement supérieur et les réseaux thématiques de recherche avancée, appelle quelques remarques. D'abord, faisons attention à ce que ces crédits ne soient pas une aubaine, pour mettre en place des conglomérats partiels. L'État ne peut assister passivement au mouvement. C'est à lui d'inciter à la coopération, voire au rapprochement des universités, sur la base de projets fédératifs. Ensuite, les missions de l'ANR sont trop vagues et trop vastes. Je note que vous avez stabilisé les AP de l'ANR. Cette pause bienvenue doit être mise à profit pour faire un bilan des appels d'offres et pour préciser ses missions, car la multiplication des agences ne saurait servir de politique à la recherche française. Un travail de fond devra aussi être fait sur les pôles de compétitivité.

Enfin, le projet prévoit cette année encore une importante augmentation des dépenses fiscales. J'approuve dans son principe la politique d'aide à la recherche industrielle, mais les données de 2004 montrent, malgré ces gros efforts fiscaux, une détérioration du ratio de la recherche rapportée au PIB et de notre place internationale. Il faudrait donc mesurer l'impact de chacune de ces mesures, en vue d'une politique à long terme qui s’adresse aux PME et à toutes ces entreprises traditionnelles qui hésitent à se transformer en entreprises plus high-tech.

Tels sont les points sur lesquels je voulais insister, en espérant que le débat nous permettra de les approfondir.

M. Patrick Braouezec – La France a besoin d’une recherche forte et dynamique, car cette activité est indispensable aux innovations de demain, au développement économique de notre pays et à son rayonnement culturel. Pourtant, ce secteur traverse une crise sans précédent, puisque la France a rétrogradé du quatrième au dixième rang mondial pour ce qui est de la dépense nationale de recherche et développement.

Avec 21,3 milliards cette année, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche n’augmente que de 3,2 %, soit 700 millions. La loi sur la recherche, votée en avril dernier, permet hélas l’accroissement des crédits d’impôt en faveur des entreprises, alors que leur efficacité n’a pas été prouvée et que le Gouvernement refuse toujours leur évaluation démocratique.

La situation des IUT illustre parfaitement vos orientations budgétaires. Alors que l’adéquation entre formations universitaires et emploi fait l’objet d’un vaste débat national, les moyens des IUT, pourtant unanimement reconnus comme la meilleure interface entre l’université et le monde du travail, se dégradent désormais de manière tendancielle. Seules 10 % des créations d’emploi sont attribuées à ces instituts, dont la charge d’enseignement représente pourtant 22,7 % de celle des universités. De même, il manque encore 6,6 millions pour que vous respectiez votre engagement à garantir un taux minimum de 0,89 % de la dotation globale de fonctionnement. Dès lors, les IUT ne sont plus en mesure d’assurer leurs missions, notamment la professionnalisation des étudiants. Rétablirez-vous donc ce taux à son niveau annoncé, condition sine qua non de l’ajustement du financement des IUT à leur activité réelle ?

D’autre part, ce budget accroît la déréglementation et la mise en concurrence des établissements. Les douze réseaux thématiques de recherche avancée, arbitrairement choisis par le pouvoir parmi trente-neuf projets, sont financés dans une opacité qui déséquilibre le tissu de la recherche française : contre l’avis de la communauté scientifique, vous créez des pôles d’excellence situés pour la plupart dans les régions Île-de-France et Rhône-Alpes, alors que de nombreuses écoles doctorales, comme Pau ou Chambéry, sont menacées d’agrégation forcée à une thématique, voire de disparition. Les financements prétendument complémentaires alloués aux pôles de recherche et d’enseignement supérieur seront – c’est une première – distribués aux premiers demandeurs : le Gouvernement joue ainsi de l’effet d’aubaine pour contraindre des universités en difficulté financière à se regrouper sur des missions que dont la communauté scientifique n’a pas débattues.

Enfin, puisque l’évaluation est l’une de vos priorités, vous menez au pas de charge la création de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur malgré, là encore, l’opposition des professionnels ; cependant, les crédits qui lui sont alloués ne dépassent pas ceux qui l’étaient aux défunts CNER et CNE. De même, le financement des laboratoires et des universités n’augmente pas en euros constants, alors que celui de l’ANR augmente de 40 %. Pourtant, les universités sont confrontées à une hausse des dépenses de construction et de réhabilitation de locaux, ainsi qu’à l’augmentation de l’offre de formation.

Chaque année, le financement de l’enseignement supérieur repose un peu plus sur les épaules des étudiants, puisque les frais d’inscription augmentent plus vite que le financement de l’État qui, de surcroît, ferme les yeux sur les pratiques quasi illégales de certaines universités en la matière. Certes, le montant des allocations de recherche s’accroît substantiellement, mais pas leur nombre ; l’aide globale aux étudiants, qui n’a progressé que de 6 % en cinq ans alors que leurs dépenses augmentaient de 23 % dans le même temps, demeure de toute façon très insuffisante. La situation sanitaire et sociale des étudiants se dégrade aussi : 20 % d’entre eux n’ont pas de couverture complémentaire santé. Que pensez-vous, Monsieur le ministre, des propositions visant à créer un chèque santé étudiant, à instaurer un paiement en dix fois sans frais des droits de sécurité sociale, ainsi qu’une consultation gratuite de prévention ?

Comme chaque année, il manquera 80 millions d’euros pour financer les bourses de décembre et 10 millions pour couvrir les dépenses de construction et de rénovation de logements. En outre, le nombre de créations d’emplois diminue : 2 000 cette année, contre 3 000 l’an dernier. Une fois de plus, les engagements du Président de la République ne sont pas tenus. Si les 1 000 emplois créés dans les universités sont des postes de titulaires, il n’en va pas ainsi dans les établissements publics à caractère scientifique et technologique – 550 postes de fonctionnaires – et les établissements publics à caractère industriel et commercial – 100 CDD – auxquels il faut ajouter 350 emplois de contractuels, dont 200 CDD de haut niveau et 100 post-doc. Tous ces emplois sont fléchés, car affectés à des champs de recherche précis.

Dès 2003, vous vous attaquiez à la recherche française en la plaçant sous un pilotage gouvernemental toujours plus étroit, en privilégiant les recherches à court terme et en vous appuyant de plus en plus sur les emplois précaires. Idéologie dangereuse et illusoire, selon laquelle le pouvoir politique prescrit à des employés de la recherche les applications techniques à produire à court terme ! Quelle méconnaissance effarante du métier de chercheur ! Pourtant, un outil de recherche d’excellence est indispensable à l’adaptation aux mutations économiques et à la formation de jeunes générations compétitives. Les pays qui n’en disposent pas seront réduits à une dépendance économique irréversible. Voilà où nous mène ce budget : c’est pourquoi nous voterons contre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Pierre Lasbordes – Il faut beaucoup d’ingéniosité, voire d’artifice pour critiquer un budget qui marque un effort sans précédent. Le groupe UMP, lui, s’en félicite : les moyens alloués à la recherche sont en hausse dans tous les domaines, même s’ils restent très insuffisants en matière immobilière, par exemple – à ce titre, peut-être faudrait-il engager une réflexion associant l’État et la régions. Certains blâment un budget dont les moyens, hors vie étudiante, augmentent d’un milliard d’euros – un vrai milliard. D’autres médisent sur l’insuffisance des deux mille créations d’emploi. Tous oublient les contraintes budgétaires actuelles et la politique générale de réduction des emplois publics !

Néanmoins, cet effort remarquable doit s’accompagner d’une politique dynamique et prospective de gestion des ressources humaines. La LOLF doit prévaloir pour la gestion de l’emploi scientifique, notamment au CNRS, dont confiance et responsabilité doivent devenir le leitmotiv.

Cette année encore, l’allocation de recherche augmente de 8 % à 1 530 euros mensuels ; 70 % de ses bénéficiaires pourront la conjuguer avec un monitorat de 335 euros : leur rémunération globale atteindra ainsi 1,5 SMIC à 15 euros près, conformément à votre engagement, et l’allocation atteindra ce seuil pour les étudiants de troisième année qui peuvent difficilement concilier la rédaction de leur thèse et le monitorat. Vous avez gagné ce pari difficile : bravo ! Pourrez-vous nous confirmer l’exécution de ces mesures ? Les critiques sont d’autant moins bienvenues que l’allocation n’avait presque pas été revalorisée entre 1997 et 2002…

M. le Ministre délégué – Eh oui !

M. Pierre Lasbordes – D’autre part, le système honteux des libéralités, que vous tentez de résorber, semble perdurer ici et là. Il faut y mettre un terme définitif : que comptez-vous faire à cet égard ?

Si la loi de programme incite les entreprises à reconnaître le titre de docteur, des progrès concrets restent à réaliser : le CNRS ne doit plus être perçu comme la seule perspective offerte aux jeunes chercheurs. De même, la haute administration doit pouvoir nommer des directeurs issus de la recherche.

Je me félicite de la présentation hier, en Conseil des ministres, du décret portant création de l’Agence de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, six mois seulement après le vote de la loi. Nous disposons là d’un outil essentiel d’évaluation qui facilitera la quête d’excellence des chercheurs. Pourvu qu’elle n’alourdisse pas l’organisation et le budget existants, elle est vouée à garantir une évaluation transparente et efficace de notre recherche. Quant à l’ANR, jadis si critiquée, elle réunit aujourd’hui un consensus.

Un budget se construit dans la durée. Les deux tiers de l’effort nécessaire au respect de l’objectif défini à Lisbonne et à Barcelone de consacrer 3 % du PIB à la recherche et à l’innovation doivent, nous l’oublions trop souvent, être consentis par le secteur privé. Aujourd’hui, sa participation est encore insuffisante. Les dépenses fiscales visant à dynamiser l’effort de recherche des entreprises atteindra 1,57 milliard en 2007, soit une progression de 280 millions, dont 170 au titre du crédit impôt recherche. Plusieurs études constatent que cette dernière mesure est intéressante, mais trop complexe pour être vraiment incitative : il faut la simplifier en élargissant l’assiette d’éligibilité pour y intégrer plus de dépenses de recherche et de développement, ainsi qu’en remplaçant des dépenses inutiles – de participation à des réunions de normalisation, par exemple – par une augmentation substantielle du taux forfaitaire des frais de fonctionnement. Par ailleurs, ne faudrait-il pas harmoniser les plafonds de dépenses externes des entreprises selon qu’elles ont un lien de dépendance ou non, tant la différence actuelle semble les dissuader d’investir dans la recherche ? Quant au délai de recouvrement des dépenses, il est encore trop long : peut-on accélérer la restitution du crédit d’impôt ?

La mesure concernant la jeune entreprise innovante gagnerait également à être simplifiée. Elle concerne déjà 1 600 entreprises et 2 800 emplois, mais on pourrait faire mieux en harmonisant la définition française de la PME – un chiffre d’affaires inférieur ou égal à 40 millions et un bilan inférieur ou égal à 27 millions – avec celle de la Commission européenne – respectivement 50 et 43 millions pour les mêmes critères. De même, on pourrait assouplir les dépenses éligibles, qui doivent représenter au moins 15 % des charges totales engagées par l’entreprise, en y intégrant les projets d’innovation, par exemple. Enfin, pourquoi ne pas étendre la JEI à la création d’entreprises sous forme d’essaimage, notamment pour le contribuable qui, ayant créé sa structure, n’est jamais à l’abri d’une remise en cause de son statut ? Voilà quelques mesures simples que l’on pourrait mettre en œuvre rapidement.

Au total, il s’agit d’un bon projet, conforme au mouvement de croissance des moyens de la recherche qui a lieu depuis trois ans ainsi qu’aux engagements contenus dans la loi de programme. Au nom du groupe UMP, je vous invite donc à le voter résolument et sans réserves (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Cohen – L’examen de la mission « recherche et enseignement supérieur » arrive comme un moment de vérité après le débat d’il y a quelques mois sur la loi de programme pour la recherche. Vous vous étiez alors engagés à apporter une réponse au mouvement sans précédent des professionnels, qui traduisait certes le malaise qui s’est installé depuis deux décennies, parce que la recherche n’apparaissait plus comme une priorité, mais était surtout dû au fait que, dès votre arrivée au pouvoir, vous avez asphyxié les laboratoires de recherche en remettant en cause le programme pluriannuel de Lionel Jospin sur l’emploi scientifique, et avez procédé à des coupes claires dans les budgets. Le mouvement « Sauvons la recherche » a fait prendre conscience de la place de la recherche dans notre société et de son rôle indispensable dans un monde où le savoir et la connaissance sont une matière première déterminante en matière économique, sociale et environnementale.

Nous avions regretté le rendez-vous manqué de la loi de programme, qui ne fait pas que manquer d’ambition mais est aussi porteuse de réels dangers car elle modifie très sensiblement le pilotage du secteur et pose des critères qui, à court terme, excluront notre pays des puissances de la connaissance. Ce budget concrétise nos craintes. La politique pluriannuelle de l'emploi scientifique est déjà remise en cause – dès sa deuxième année. Vous revenez ainsi sur vos engagements, et sur ceux du Président de la République, qui avait annoncé la création de 3 000 emplois – sachant qu’il en faut 4 500 pour faire face aux départs à la retraite des années 2008 à 2012. Avec ce budget, nous n'atteignons même pas 2 000 nouveaux emplois en tout. C’est catastrophique, à plusieurs titres : la pénurie que connaissent les universités en matière de formation et d'accompagnement des jeunes perdure, les départs massifs à la retraite ne sont pas anticipés, et surtout aucune réponse n’est donnée en termes de débouchés aux jeunes, qui sont pourtant de moins en moins nombreux à choisir des études scientifiques et une carrière dans la recherche. Ne me répondez pas que la création d’un plus grand nombre d’emplois entraînerait une baisse de la qualité : depuis des années, la pénurie de postes est telle que des personnes de grande qualité partent à l'étranger, tandis que d’autres travaillent sous CDD, et parfois en quasi-clandestinité, dans les laboratoires. Nous disposons donc d’un grand nombre de jeunes qui peuvent occuper ces postes au mieux.

Ce budget n’est pas sincère, ni conforme à vos engagements. Prenons le CNRS, à qui vous demandez de créer des postes : avec un budget pour 2007 – le premier qui applique la LOLF – en augmentation d’1,5 %, soit 33 millions, il devra choisir entre améliorer son GVT – car le meilleur moyen de rendre la recherche plus attractive, c’est de valoriser les carrières – et réaliser des créations de postes. Il ne pourra en aucun cas faire les deux, et c’est extrêmement grave. Autre exemple : vous aviez ici même, Monsieur le ministre, pris un engagement personnel, devant l’ensemble des députés, acquis à l’amendement proposant de porter l'allocation de recherche pour les doctorants à 1,5 SMIC dès le 1er janvier 2007. Or, non seulement l’augmentation des allocations au 1er janvier – soit 8 % – correspond grosso modo, contrairement à ce que vous voulez laisser croire, à celles des six dernières années, mais le passage à 1,5 SMIC des allocations pour les dernières années de recherche est reporté après les élections présidentielles. Nous étions habitués à ce genre de manœuvres de la part de Bercy, mais pas de la vôtre.

Pour les moyens budgétaires aussi, le rendez-vous est manqué. Non, Monsieur Lasbordes, l’augmentation n’est pas d’un milliard. Depuis deux ans, dans votre milliard, il y a un gros tiers de crédit d’impôt recherche.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial La dépense fiscale est une dépense publique.

M. Pierre Cohen – Mais nous ne savons rien sur son efficacité. Depuis des années, on attend un rapport qui n’arrive pas.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécialIl vient d’arriver !

M. Pierre Cohen – Dommage que nous n’en ayons pas eu connaissance avant ce budget. Que fait-on réellement pour la recherche et l’innovation ? Quels sont les effets d’aubaine créés par les leviers d’incitation à la recherche, et lesquels sont utilisés ? Surtout, la recherche privée, qui est primordiale, mène-t-elle réellement une politique d’embauche de doctorants ? Nous ne saurons certainement rien de tout cela avant les élections présidentielles, et c’est bien regrettable.

Quant aux deux tiers restants, il est clair que nous avons des divergences stratégiques. Contrairement à ce qui a été dit, nous n’avons jamais été opposés à l’Agence nationale de la recherche. Nous considérions que les deux fonds créés par Claude Allègre étaient les prémisses de quelque chose qui devait être un peu plus formalisé. Ils permettaient aux politiques, après un débat dans la société, de renforcer l’incitation à la recherche. Mais vous ne voulez pas entendre qu’il est nécessaire d’équilibrer les augmentations. Vous ne donnez aux universités et aux organismes de recherche que juste le minimum – et encore cela ne suffira-t-il pas pour boucler l’année avec l’augmentation du gaz et de l’électricité. En revanche, vous faites tout pour le pilotage politique de la recherche, par le biais de l’appel à projets. Mais il suffit de regarder un peu comment se sont construites les réussites technologiques pour comprendre que vous avez tort. La puissance de la France a été construite par un grand nombre de savants, de chercheurs, d’ingénieurs qui ont accompli de grandes réussites technologiques. Oser dire, comme M. Fourgous, que depuis cinquante ans ces gens ne travaillent pas et sont enfermés dans leur corporatisme, cela est absolument scandaleux. Heureusement qu’il ne représente qu’une minorité dans vos rangs.

M. André Chassaigne - Très bien !

M. Pierre Cohen - Pour favoriser ce pilotage, vous avez éliminé les organismes de recherche et les universités du conseil d’administration de l’Agence. Structurellement donc, ils ne participeront pas aux choix des orientations et des projets. Du jour au lendemain, les appels à projets peuvent donc suivre des orientations définies par on ne sait quel conseiller ou groupe de pression, ce qui compromet aussi l’émergence de projets dans des domaines interdisciplinaires ou technologiques. Un grand nombre d’innovations sont pourtant issues de connaissances qui se sont épanouies tranquillement dans un laboratoire, sans aucune commande formelle, ont été reprises par un autre cinq ans plus tard, puis par un autre encore… C’est comme ça qu’on arrive au prix Nobel !

Il n’ y a pas que l’emploi scientifique et les moyens budgétaires qui soulèvent notre inquiétude dans ce budget. En ce qui concerne l’agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, je croyais que nous étions tombés d’accord, dans la loi de programme, sur ses grandes orientations. Nous n’avons pas encore les textes, mais nous sommes obligés d’entendre les craintes des représentants d’organismes ou d’universités à ce sujet. La mission première de l’agence devait être d’évaluer les organismes de recherche et les universités, et d’encadrer l’évaluation, qui se faisait déjà, des équipes et des laboratoires ainsi que du personnel. Le système était au point : il n’est aucun secteur de la puissance publique où l’évaluation est faite aussi finement et aussi régulièrement ! Mais l’agence pouvait regrouper tout cela dans un cadre, et mettre en œuvre l’évaluation là où elle n’existait pas. Or, d’après les rumeurs, c’est une usine à gaz qui a été élaborée, qui sera extrêmement coûteuse et peu efficace.

S’agissant des PRES, nous avons des divergences de fond. Sous couvert de liberté et alors que les statuts sont déjà très nombreux, la commission paritaire a autorisé la création de PRES en association. Là encore, nous sommes inquiets. Deux logiques s’installent : la première vise à faire en sorte que les universités puissent contourner les gouvernances actuelles en créant des structures plus souples ; la seconde favorise la création de réseaux thématiques. Or, les PRES, ce n’est pas cela ! Il s’agissait de rapprocher encore plus les universités et les organismes dans des logiques de recherches nationales, parfois transversales, avec d’autres plus territoriales et thématiques. La plupart des organismes se sont retirés des débats sur les PRES faute de précisions sur leur mission.

Contrairement à ce que dit M. Fourgous, je suis convaincu que la recherche privée ne se développera que si la recherche publique est forte, comme c’est le cas aux États-Unis, en particulier dans l’aéronautique. Je note d’ailleurs que la France est absente du débat européen sur l’espace.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial Quelle erreur !

M. Pierre Cohen – Quid de Galiléo ?

Notre collègue André Chassaigne a commenté les crédits relatifs au programme recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources. À ce sujet, Mme Gaillard, dont je me fais le porte-parole, voudrait revenir sur deux points précis. En mission au Sénégal, elle a pu constater les difficultés du CIRAD concernant le difficile problème de l'épizootie de grippe aviaire : il s'agissait seulement de trouver quelques tubes à essai pour effectuer des prélèvements sur les oiseaux migrateurs! M. Chassaigne, en outre, a souligné dans son rapport l'inadéquation entre les tests réalisés sur des souris dans l'affaire des huîtres du bassin d'Arcachon et les résultats obtenus, dont les conséquences sont désastreuses pour toute une économie. Mme Gaillard voudrait profiter du vote de ce budget pour dénoncer une fois encore l'absence totale de recherche afin de trouver une alternative à l'utilisation d'animaux dans les tests pratiqués dans nos laboratoires publics et privés. Or, il y a un quadruple intérêt à y consacrer quelques crédits : un intérêt scientifique, car ce terrain est quasiment inexploré ; financier, car de nombreux brevets de recherches s'ensuivraient ; politique, parce que nous serions leader en Europe ; éthique, enfin, car nous épargnerions la mort et la souffrance à de nombreux animaux.

La recherche et l’enseignement supérieur doivent être des priorités afin que notre pays reste une puissance du savoir et qu’il puisse relever les défis environnementaux et sociétaux du XXIe siècle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. André Chassaigne - Très bien.

M. Laurent Hénart – Pour la troisième année consécutive, l’engagement de faire un effort considérable pour la recherche a été tenu. Mais l’université n’a pas seulement vocation à former des enseignants et des chercheurs qu’elle emploiera par la suite ; depuis sa démocratisation, elle forme également des personnes qu’elle n’embauchera pas. Or, les statistiques d’embauches des jeunes diplômés se sont considérablement dégradées. Bien des préconisations du rapport Hetzel doivent être appliquées, et notamment la constitution d’une chaîne vertueuse autour de trois éléments clés.

Il s’agit tout d’abord de promouvoir une orientation efficace. Le rapport tourne la page, à juste titre, du débat sur le numerus clausus et la sélection, en considérant les étudiants comme des adultes responsables. Mais ceux-ci doivent pouvoir bénéficier d’une véritable information. Les PRES, les crédits alloués pour les personnels ATOS doivent servir à l’élaboration du taux de placement des diplômes : il importe en effet de connaître combien d’étudiants trouvent un emploi six mois, un an, trois ans après avoir été diplômés. Rapporteur de la commission des finances sur l’enseignement supérieur, j’avais visité des universités grenobloises pionnières, et en une saison, les étudiants avaient accru significativement leur intérêt pour des filières dont le taux de placement était meilleur.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial Très bien.

M. Laurent Hénart – Il s’agit ensuite de favoriser le développement de la formation en alternance. Sur 1 230 licences professionnelles, seulement 250 sont faites en alternance. Il faut rapprocher l’offre de formation des employeurs et faire en sorte que le métier soit connu avant d’arriver sur le marché du travail. Les enseignants eux-mêmes doivent s’ouvrir au monde de l’économie, privé ou public. Je suis par exemple surpris du nombre d’étudiants qui, après quatre ou cinq années d’études, découvrent que de nombreux emplois impliquent la préparation de concours.

Enfin, l’étudiant qui travaille, par exemple à temps partiel, ne doit pas être pénalisé - les statistiques ne sont d’ailleurs pas en notre faveur sur ce point car 55 % à 60 % des jeunes Européens sont salariés contre 25 % à 30 % des Français seulement. Les revenus d’une activité professionnelle ne doivent pas être fiscalisés ni faire perdre des droits aux bourses ou à l’accès au logement. J’ajoute à ce propos que j’approuve les remarques de M. le rapporteur Bouvard quant à la faible application de l’article 66 de la loi du 13 août 2004 permettant la délégation de logements aux collectivités locales et notamment aux EPCI. Sa meilleure application favoriserait le développement de la formation en alternance.

Nous souhaitons tous que nos universités soient à la fois mieux cotées à Shanghai et plus utiles aux jeunes Français ! Notre dynamisme économique y gagnera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué – J’apprécie la qualité de nos débats et l’intérêt que les parlementaires portent au secteur de la recherche. Au-delà des divergences et des inévitables postures, reconnaissons qu’un véritable effort financier et humain a été accompli depuis deux ou trois ans en faveur de la recherche. L’organisation de ce secteur a été modernisée de façon à nous rapprocher de modèles étrangers plus performants tout en préservant nos acquis, qui sont notre force.

Concernant l’enseignement supérieur, nous avons un bon budget et un certain nombre de mesures ont été prises pour rapprocher l’université du monde économique et donc de l’emploi. Des réformes importantes doivent néanmoins être accomplies et la collectivité doit consentir un nouvel effort financier, mais aucun gouvernement ne peut tout faire en même temps. Je crois que beaucoup a été fait, en particulier pour la recherche universitaire, même si des efforts comparables doivent être accomplis pour l’enseignement supérieur.

Je rejoins volontiers les réflexions de M. Fourgous sur la nécessité de changer de logique, de raisonner de manière plus ouverte et de décloisonner les différents secteurs. Il est indispensable de stimuler la recherche privée, qui n’atteint pas le niveau qui devrait être le sien dans un pays comme le nôtre, même si le CIR montre toute son efficacité. Je mesure le poids de notre culture administrative, cette manie bien française de multiplier, dans le souci de bien faire, sans doute, mais avec toute la pesanteur que cela entraîne, les règles et les contrôles, en perdant parfois de vue l’essentiel. Il faut de la promptitude dans l’exécution, de la réactivité face aux mutations et, trop souvent encore, nous en manquons cruellement.

S’agissant du statut, je défends, cher Jean-Michel Fourgous, et c’est là sans doute un point de divergence entre nous, le statut public des chercheurs car il procure une sécurité qui n’est pas en soi critiquable. Oui, il est nécessaire de stimuler les talents et de récompenser les plus brillants pour éviter qu’ils ne se détournent de notre pays. Quant aux chercheurs et étudiants étrangers, nous devons leur proposer des modes d’accueil et de rémunération réellement attrayants. Il faut aussi, et j’y insiste, apprendre à décider rapidement. Lorsqu’un étudiant à ne pas laisser partir pose sa candidature, il faut être capable de la repérer et d’y donner suite dans les meilleurs délais. Sachons attirer les plus brillants et ne pas les décourager, lorsqu’ils se présentent, par des délais de réponse manifestement excessifs. Sinon, ils vont ailleurs et c’est notre pays qui est perdant.

S’agissant de la sécurité, la France a beaucoup milité pour que les thématiques de recherche ayant trait à ce domaine soient privilégiées dans le septième programme-cadre pour la recherche européenne, couvrant la période 2007-2013, et je considère avec vous qu’il y a là un champ d’investigation particulièrement intéressant.

D’accord, enfin, Monsieur Fourgous, pour estimer avec vous que nos dispositifs d’incitation des personnes privées à financer des entreprises innovantes ne sont pas assez performants. Le dispositif de la SUIR doit certainement être simplifié, pour devenir encore plus incitatif. Merci, en tout cas, pour l’ensemble de vos analyses, que je considère comme extrêmement utiles.

M. le rapporteur Michel Bouvard a très rigoureusement retracé l’évolution des crédits de la mission et les modifications de périmètre les plus notables. Nous n’en attendions pas moins de cet excellent spécialiste des questions budgétaires. Je reconnais bien volontiers que les dotations de la Direction générale de l’enseignement supérieur devraient figurer dans la MIRES…

M. Michel Bouvard – Quand ? (Sourires)

M. le Ministre délégué Quant aux moyens des bibliothèques, nous sommes entrés dans une phase de rattrapage qui devrait permettre d’améliorer la situation.

S’agissant de l’enseignement supérieur privé, j’admets qu’à la différence des exercices précédents, l’évolution que l’on serait en droit d’attendre n’est pas au rendez-vous de 2007. Un amendement sera débattu à ce sujet et je puis d’ores et déjà m’engager à procéder aux redéploiements nécessaires pour corriger la donne. À côté de l’enseignement supérieur public, l’enseignement supérieur privé assure généralement un service de très grande qualité et il n’est pas dans nos intentions de réduire notre effort en sa faveur. J’aurai des propositions à faire à ses représentants, que je rencontrerai très prochainement.

En tant qu’ancien commissaire des finances de votre assemblée, je suis comme vous très critique sur les mécanismes de recettes affectées et je prends acte de vos remarques à cet égard.

M. Bouvard a légitimement insisté sur l’immobilier universitaire et de recherche et je rejoins ses préoccupations : nous ne pouvons nous satisfaire de la manière dont nos universités et nos organismes de recherche gèrent leur parc immobilier. Le patrimoine n’est pas assez valorisé, la gestion n’est pas assez dynamique et nous avons encore trop de réticences à céder des ressources qui pourraient nous rapporter beaucoup si elles n’étaient pas immobilisées. Nous manquons collectivement de savoir-faire en la matière, même si je gage que le partenariat public-privé nous aidera à progresser. Très récemment, j’ai sensibilisé les responsables des organismes de recherche à la nécessité de gérer leur parc immobilier de manière plus dynamique et ils m’ont transmis des propositions très intéressantes. Nous avons là des pistes de travail prometteuses. Encore faut-il se rappeler d’où l’on part : en 2000, 319 millions étaient inscrits à ce titre ; en 2007, la dotation atteindra 604 millions. C’est grâce à cette progression que la donne a changé et que nous pouvons envisager l’avenir de manière plus ouverte. Enfin, je rappelle que le Premier ministre a annoncé la semaine dernière que 75 millions seraient dégagés, au titre de 2006, pour boucler les CPER et qu’une part de ces ressources irait aux opérations immobilières universitaires.

Je tiens aussi à rappeler que les options prises dans le passé pour la réhabilitation du campus de Jussieu génèrent des charges extrêmement lourdes. Nous sommes, bien entendu, tenus de respecter les engagements pris, mais l’étalement des travaux et les opérations à tiroirs qui ont été prévues coûtent très cher…

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial – Absolument !

M. le Ministre délégué – Sans doute eût-il été préférable de faire d’autre choix, mais nous devons tenir la parole de l’État.

S’agissant des bourses, M. Bouvard a eu raison de relever l’absurdité du critère de distance lorsqu’il est envisagé sans considérer les temps de transport : nous allons y remédier en abandonnant la règle de la distance à vol d’oiseau.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial – Très bien !

M. le Ministre délégué – Pour ce qui concerne les rythmes de versement, nous continuons de progresser. De même, nous accompagnerons la montée en puissance des passeports mobilité destinés aux étudiants ultramarins. Le dispositif rencontre un succès supérieur aux prévisions.

Comme vous, il me paraît normal que l’assiduité des étudiants boursiers soit strictement contrôlée. À l’avenir, nous pourrions être amenés à conditionner le versement de la compensation aux universités à la transmission de données permettant de vérifier que l’assiduité des bénéficiaires a bien été contrôlée.

Nous partageons les observations de la mission d’évaluation et de contrôle sur la gouvernance des universités, telles que les ont rappelées MM. Bouvard et Claeys, qu’il s’agisse du renouvellement du mandat du président ou des relations avec le conseil d’administration. J’ai également entendu votre suggestion d’instaurer un contrat de service pluriannuel permettant de mieux encadrer les activités des enseignants chercheurs. Dans la situation actuelle, certains font plus de recherche que d’enseignement, d’autres sont dans le cas inverse, cependant que d’autres encore se consacrent en priorité à des activités d’encadrement d’études. Sans doute faut-il prévoir un contrat personnalisé fixant à chacun ses obligations.

Enfin, M. Bouvard propose à juste titre que les contrats quadriennaux soient évalués avant d’en conclure de nouveau.

M. le rapporteur Gaultier a souligné la progression des crédits de l’ANR, qui témoigne de la volonté politique du Gouvernement d’ancrer son action dans la durée. M. Cohen parlait à l’instant des fonds antérieurs à 2002. Bien sûr, cela représentait un peu d’argent pour la recherche, mais vous devez admettre que nous avons doublé la mise !

M. Pierre Cohen - Selon des modalités qui ne nous conviennent pas.

M. le Ministre délégué – Vous ne pouvez contester que les moyens de l’ANR sont gérés en toute transparence, ce qui tranche avec la pratique antérieure.

M. Pierre Cohen - J’en ai parlé.

M. le Ministre délégué – Comme l’a rappelé M. Gaultier, l’ANR est la première source de financement des pôles de compétitivité, et nous avons accompagné cette évolution sans renoncer si peu que ce soit au critère d’excellence scientifique. Nous ne finançons pas les pôles à guichet ouvert, et si les projets liés aux pôles de compétitivité remportent un grand succès auprès de l’agence, il y a tout lieu de s’en féliciter !

Plusieurs orateurs ont évoqué l’allocation de recherche, dont le montant sera revalorisé de 8 % à compter du 1er février prochain. Pour les allocataires exerçant une fonction de monitorat, l’objectif de porter l’allocation à 1,5 SMIC sera rempli. Or, beaucoup d’allocataires de recherche sont aussi moniteurs… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Cohen - Le raisonnement est biaisé ! Ceux qui sont obligés de travailler chez Mac Do dépassent aussi 1,5 SMIC !

M. le Ministre délégué – Je rappelle qu’à compter du 1er octobre 2007, l’allocation sera portée au niveau prévu, indépendamment de toute activité de monitorat. Enfin, pour les allocataires de troisième année remplissant des fonctions de moniteur, l’objectif de 1,5 SMIC sera dépassé. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) On peut toujours dire que cela n’est pas assez, mais nous tenons nos engagements et nous inversons le mouvement de paupérisation des allocataires qui s’était amorcé sous la législature précédente. J’ajoute que, pour des raisons de logique que chacun comprend, il est impératif de maintenir un écart entre la rémunération des allocataires de recherche moniteurs et celle des maîtres de conférence débutants.

Nous sommes en voie de résoudre le problème des libéralités : 3,6 millions ont été mobilisés à cet effet. Il faut distinguer la situation des doctorants et celle des post-doc. Dans la mesure où un doute pouvait persister sur l’appartenance des doctorants au salariat, l’État prend à sa charge le versement des libéralités pour les doctorants. Par contre, les post-doc étant manifestement des salariés, il est naturel de payer des charges sociales et les organismes qui ne le faisaient pas étaient dans l’erreur. Nous leur avons demandé de s’acquitter désormais de leurs obligations. Nous étudierons les demandes au cas par cas si d’éventuels problèmes particuliers devaient se poser, mais la norme s’appliquera.

Sur l’agence d’évaluation de la recherche, je tiens à rassurer MM. Cohen et Claeys : nous respecterons intégralement la loi du 18 avril dernier. L’agence s’appuiera dans toute la mesure du possible sur les instances d’évaluation existantes, l’esprit de la loi exigeant qu’elle puisse contrôler elle-même la réalité de l’évaluation menée sur le terrain. Certes, j’ai bien entendu les réactions de certains syndicats, de certains chercheurs et de certains dirigeants d’organismes de recherche…

M. Pierre Cohen - Et ils ne sont pas des moindres !

M. le Ministre délégué - …mais nous devons accepter des évaluations externes !

M. Pierre Cohen - Elles existent depuis des années !

M. le Ministre délégué – Que peut en effet signifier une évaluation purement interne ? Les organismes publics doivent accepter une évaluation externe, qui s’appuiera sur les évaluations déjà menées par les organismes eux-mêmes. C’est non seulement la logique qui le veut, mais également l’impératif de bonne gestion des fonds publics ! Il n’est pas question de revenir sur ce principe qui a été consacré par la loi. Celle-ci sera mise en œuvre, et le décret sur l’AERS est en cours de préparation.

J’en viens aux propos tenus par M. Anciaux sur la vie étudiante. Nous allons renforcer l’encadrement en créant 1 000 emplois supplémentaires dans les universités. C’est une priorité de ce budget ! Je précise également que les crédits de vie étudiante gelés ont été débloqués. Il y aura sans doute une période de jonction un peu délicate, et certaines charges constatées en 2006 ne seront peut-être réglées qu’en 2007.

Sur les difficultés de vie rencontrées par les étudiants, vous avez également raison. Les situations peuvent être très dures pour les étudiants les plus modestes. J’aimerais toutefois que certains déploient la même énergie pour dénoncer les études qui ne mènent à rien,…

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Très bien !

M. le Ministre délégué - …le taux d’échec dans le premier cycle, les voies de formation qui n’aboutissent pas à des emplois ainsi que les lacunes de notre système d’orientation, qui peine parfois à informer les étudiants sur leurs débouchés ! Le meilleur service que nous puissions rendre à tous les étudiants, en particulier les plus modestes d’entre eux, c’est de faire de nos parcours universitaires des voies vers l’emploi.

Il est également vrai que les bourses sur critères sociaux tiennent compte des ressources des parents, contrairement aux aides au logement. On peut réfléchir à certaines évolutions du système actuel, mais il ne faut pas oublier que les équilibres sont très délicats et que tout changement peut avoir des conséquences dramatiques sur les situations individuelles. Sachez que nous avons toutefois entamé des discussions avec les organisations étudiantes au sein du CNOUS et que le nombre des bénéficiaires de bourses a déjà augmenté de 100 000 au cours des dernières années. Notre système n’est donc pas figé !

S’agissant de la construction de logements, les efforts nécessaires ont malheureusement fait défaut pendant très longtemps, mais il existe désormais un plan cohérent. S’il a mis du temps à démarrer, c’est chose normale en matière de rénovation et de construction. Il reste que les collectivités locales doivent apporter leur concours, notamment dans les villes où le foncier coûte le plus cher.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial – À Paris, par exemple !

M. le Ministre délégué – C’est exact ! Dans la ville où le foncier est le plus coûteux, les efforts ne correspondent pas aux besoins : ce ne sont pas trente ou quarante logements étudiants dans tel ou tel programme immobilier qui suffiront ! Nous avons besoin d’un engagement plus fort des collectivités locales.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial – Nous le faisons en province !

M. Pierre Cohen - À Toulouse ?

M. le Ministre délégué - Nous finançons les rénovations et les rénovations, mais les collectivités doivent nous aider à disposer des terrains nécessaires. Nous faisons des efforts en compagnie de certaines collectivités locales…

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial – Tout à fait !

M. le Ministre délégué - …mais toutes doivent nous aider !

M. André Chassaigne - Neuilly, par exemple ?

M. le Ministre délégué - L’architecture nouvelle de notre système de recherche a été évoquée par M. Lejeune, qu’il s’agisse de l’ANR ou du Haut Conseil de la science et de la technologie, qui a été installé par le Président de la République. Je précise que trois grands projets ont été soumis à ce Conseil, notamment la recherche dans le domaine énergétique. La science a naturellement ses droits, et elle détermine elle-même son propre travail, mais il appartient aux pouvoirs publics d’établir des priorités. Nous avons besoin de programmes de recherche dans certains domaines stratégiques, comme l’énergie.

Nous avons également demandé à l’ANR de réfléchir sur les carrières et les vocations scientifiques, sujets qui ont été évoqués par M. Birraux et M. Lasbordes, et de se pencher sur les grands équipements scientifiques.

S’agissant des programmes « blancs » et ceux destinés aux jeunes chercheurs, les crédits ont été totalement mobilisés après un rodage de quelques mois. Quant aux recrutements, nous avons créé 3000 emplois dans la recherche et l’enseignement supérieur en 2006 et l’effort se poursuivra. Ce sont plus de 8500 postes qui seront créés au total pour les jeunes ! Le niveau de recrutement atteint donc des niveaux très élevés.

M. Pierre Cohen - Il est encore insuffisant !

M. le Ministre délégué – Nous devons veiller à ne pas aller trop loin dans certaines disciplines, car nous risquerions de faire baisser le niveau. Les recrutements de maîtres de conférence à l’université ou de chargés de recherche au CRNS doivent en effet rester de très grande qualité. C’est pourquoi nous devons besoin de maintenir un certain ratio entre les candidatures et les postes offerts aux concours.

J’ajoute que le privé doit, lui aussi, faire des efforts supplémentaires. Sur ce point, les dernières statistiques d’emploi sont encourageantes, car c’est le secteur de la recherche et développement qui progresse le plus chez les cadres – 20% d’augmentation en une année glissante ! Nous devons nous réjouir de cette nouvelle dynamique !

Vous avez eu raison, Monsieur Binetruy de souligner l’importance stratégique des dépenses de recherche pour nos industries, mais il est nécessaire d’articuler au mieux le financement de la recherche et celui de l’innovation, ce dernier relevant du ministère de l’industrie. Aucun obstacle ne doit s’opposer à une bonne coordination des efforts, car l’innovation est généralement la suite logique des efforts de recherche. Parmi les réseaux thématiques de recherche avancée figurent ainsi de grands programmes dont les retombées devraient être considérables pour notre industrie. Je pense notamment au programme « nanosciences » à Grenoble, à l’aéronautique et au spatial à Toulouse, ou encore à « Digiteo » dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Vous avez évoqué, Monsieur Chassaigne, les recherches portant sur l’environnement, mais votre tableau est incomplet, car vous avez omis les universités, qui sont pourtant partie prenante de nos efforts. Le ratio que vous citez doit donc être au moins doublé ! J’ajoute que l’INRA a été classé deuxième au monde par son nombre de publications et que l’IFREMER est considéré comme l’un des meilleurs instituts de recherche océanographiques existant. Avec l’IRD et le CIRAD, nous sommes également l’un des seuls pays qui mènent une recherche sur le développement. Je précise d’ailleurs que, parmi les réseaux thématiques, nous avons également retenu l’agronomie à Montpellier, car c’est un sujet essentiel pour l’avenir de notre pays et celui de la planète.

Quant à la question des docteurs, qui a été posée par M. Birraux, la réforme des écoles doctorales devrait renforcer l’employabilité. J’ajoute que le monitorat et le tutorat sont des formules très intéressantes, puisqu’elles offrent des rémunérations aux étudiants en fin de cycle, tout en apportant un utile soutien aux étudiants en début de cycle.

Vous avez également souligné à juste titre que l’ANR octroie des financements pluriannuels, ce qui échappe parfois à certains… Il faut que toutes ses décisions soient claires et publiques, même s’il est souvent difficile de trouver des experts tout à la fois compétents et indépendants. C’est pourquoi nous essayons désormais de faire appel systématiquement à des personnalités étrangères.

S’agissant de l’autosaisine du Haut Conseil, c’est effectivement une victoire, Monsieur Birraux. Quant au CERN, nous avons accepté des contributions supplémentaires et volontaires pour inciter les autres pays à participer aux efforts dont nous aurons besoin. Nous avons par ailleurs lancé une grande discussion avec nos partenaires, que nous devons convaincre de financer cet immense centre de recherche. Ce dernier est en effet le seul de son niveau au monde : si nous trouvons un jour le boson de Higgs, ce sera au CERN ! J’ajoute que vos propos sur la représentation de la France ne manquaient pas de justesse.

Le protocole de Londres sera-t-il inscrit à l’ordre du jour ? Je ne le crois pas.

M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial - Dommage.

M. le Ministre délégué – Mais toute la communauté scientifique en reconnaît le caractère positif.

Monsieur Claeys, il est vrai que nous avons besoin d’un effort continu, inlassable, pour améliorer les performances de notre enseignement supérieur. Qu’on appelle cela rupture ou non, c’est une priorité absolue car la compétition est redoutable et nous risquerions d’être vite dépassés. Pour le financement de l’université, je n’irai pas jusqu’à 5 milliards, mais je crois, comme le vice-président de la conférence des présidents d’université, qu’avec 3 milliards nous serons bien placés. C’est envisageable en une législature, puisque nous avons fait plus pour la recherche en trois ans. L’orientation n’est pas toute notre politique, et améliorer l’encadrement y contribue.

J’ai regretté moi aussi qu’il y ait des places vacantes en sections de techniciens supérieurs et j’ai fait donner des instructions à tous les chefs d’établissement par les recteurs. De même, on peut regretter que certains départements d’IUT limitent d’eux-mêmes les effectifs dans des formations de qualité.

Je note avec plaisir que vous ne remettez pas en compte l’ANR, et je vous assure qu’il n’y a pas de déséquilibre au détriment des laboratoires, puisque les crédits récurrents augmentent plus que les crédits nouveaux. Le milliard supplémentaire se répartit en effet en 458 millions de crédits budgétaires, 280 millions pour les agences, et surtout l’Agence nationale de la recherche et 280 millions pour les dépenses fiscales. Nous préservons bien l’équilibre. J’ai défendu cette thèse contre ceux qui voulaient donner un beaucoup plus grand rôle à l’ANR, comme j’ai défendu le principe du préciput sur les crédits de l’ANR pour les organismes d’accueil des équipes. Pour Paris VI, ce simple préciput de 5 % apporte un million, ce qui est une bonne nouvelle.

Quand aux pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les organismes de recherche n’adoptent pas un comportement restrictif. Simplement, pour définir le contour d’un pôle, il est normal qu’il y ait des négociations. De très grands pôles se formeront avant la fin de cette année et je ne doute pas que leur exemple sera suivi. Quant aux sciences de la vie, c’est le premier poste pour les crédits et le nombre de chercheurs. La présidente du CNRS, dont on connaît le caractère, a eu des propos tranchés. Pour ma part, je me réjouis qu’un dirigeant d’organisme de recherche se préoccupe de l’efficacité de ce qui se fait dans son établissement. Il n’est pas question que le CNRS se retire de ce domaine, mais bien sûr d’autres organismes sont aussi très compétents.

Madame Comparini, il n’y a pas trop de CDD. Ils sont la voie vers des CDI, et partout, ce sont des postes d’accueil pour les post-doctorants qui peuvent, après quelques années, aller vers la recherche ou passer les concours de recrutement. Pour ce qui est du rapport Hetzel, nous sommes déjà en train de l’appliquer, car nous avons eu un pré-rapport au mois de juin.

Par ailleurs, les 300 millions consacrés aux pôles de recherche et d’enseignement supérieur et aux réseaux thématiques ne sont pas pris sur le budget de l’ANR. Ils le sont sur le compte d’affectation spéciale. La stabilisation des autorisations d’engagement de l’ANR est inscrite dans notre politique. Ce sont les crédits de paiement qui augmentent, ce qui est normal pour des financements pluriannuels.

Sur le crédit impôt recherche, nous avons commandé un rapport à des universitaires, un autre à l’administration, et ils seront transmis à vos commissions dans les prochains jours. Ils constatent que la politique de crédit d’impôt n’entraîne pas de financement anormal, mais joue un effet de levier important.

M. Braouezec prétend que la DGF des IUT diminue. Il fait écho à la tentative de certains directeurs d’obtenir une hausse, mais de là à parler de baisse. La DGF des IUT a augmenté de près de 3 % en 2006 et augmentera en 2007, et nous avons créé 150 postes. Un étudiant d’IUT bénéficie d’ailleurs de 40 % de financement de plus qu’un étudiant d’université…

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial – Avec de grandes disparités régionales.

M. le Ministre délégué – Effectivement, mais je m’engage à corriger les écarts les plus flagrants par une dotation spécifique au budget 2007.

M. Braouezec a, dans la grande tradition, dénoncé les choix arbitraires du pouvoir dans la constitution des réseaux thématiques. Désolé de le décevoir : ces réseaux ont été choisis par une commission de scientifiques présidée par le secrétaire perpétuel de l’académie des sciences. Quant à contraindre les universités à entrer dans un pôle de recherche et d’enseignement supérieur, nous n’y songeons pas – ces pôles ne se constitueraient pas assez vite, regrette au contraire M. Claeys.

L’État fermerait les yeux sur le fait que certaines universités majorent les droits d’inscription. Pas du tout, nous déférons au tribunal administratif, par l’intermédiaire des recteurs, celles dont les pratiques nous paraissent contraires au droit.

Monsieur Lasbordes, la gestion des ressources humaines dans le domaine de la recherche est un vrai sujet, et nous ne sommes pas au terme des réformes pour mener une politique plus active, quelquefois plus différenciée, mais aussi pour permettre à ceux qui n’atteignent pas le plus haut niveau de progresser plus dans la grille indiciaire. Ce gros travail est commencé. Il faut aller plus loin, j’en suis convaincu. Pour les allocations de recherche, nous sommes en relation avec la confédération des jeunes chercheurs. Enfin, vous avez raison, il faut simplifier le crédit d’impôt recherche – le plafond de 10 millions peut constituer un obstacle – ainsi, sans doute que le statut de jeune entreprise innovante. Effectivement, le versement des fonds doit être plus rapide.

Monsieur Cohen, j’ai déjà répondu assez largement à votre intervention. Je vous rassure sur les emplois au CNRS. Des précisions ont été apportées sur le budget 2007 et des décisions ont été prises par exemple sur la dette envers l’UNEDIC. Il n’y a donc pas d’obstacle à la création d’emplois par les instances du CNRS. Mais les libertés nouvelles données par la loi à tous les gestionnaires s’appliquent à eux également.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial - Eh oui.

M. le Ministre délégué – Vous prétendez que la France serait absente de l’Europe spatiale. C’est assez extraordinaire. À la conférence de l’agence spatiale européenne à Berlin en décembre dernier, nous avons obtenu l’accord de l’Allemagne et de l’Italie, qui s’affrontaient, sur l’avenir de l’agence, et fait prévaloir le principe de la préférence européenne pour les lanceurs, ce qui est capital pour la recherche et pour l’industrie. Et nul ne milite plus que nous pour la réussite de grands programmes spatiaux comme GNOS ou Galileo. Nous sommes à la pointe de l’Europe spatiale comme toujours, et nous sommes en train de convaincre d’autres de nous rejoindre.

Je remercie enfin M. Hénart, dont les propos reflètent la grande compétence dans les affaires de formation. Il n’est pas question d’instaurer de numerus clausus dans toutes les universités, ce serait absurde. Nous devons renforcer les services des stages et ceux de l’emploi. Étudier ce que deviennent les diplômés est essentiel pour les étudiants qui cherchent à s’orienter et pour les universités qui ont à adapter leurs formations. En effet, il faut tenir compte des résultats des universités dans le placement de leurs diplômés pour les habilitations et les contrats quadriennaux, y compris jusqu’à remettre en cause certaines habilitations. Nous devons mener une politique volontaire dans ce domaine comme dans d’autres. Et bien sûr, l’enseignement en alternance, reste une bonne solution.

Je remercie encore chacun de vous de sa contribution éclairée au débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 13 heures 15.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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