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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mardi 14 novembre 2006

Séance de 9 heures 30
23ème jour de séance, 47ème séance

Présidence de M. René Dosière
Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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loi de finances pour 2007 -seconde partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007.

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outre-mer

M. le Président – Avant d’aborder l’examen de ces crédits, je tiens à adresser un salut fraternel et chaleureux aux populations ultramarines.

M. Alain Rodet, rapporteur spécial de la commission des finances L’application de la LOLF doit permettre une meilleure lisibilité de la politique du ministère de l’outre-mer. La présentation en autorisations d’engagement et en crédits de paiement permettra de mieux mettre en valeur le rôle de l’outre-mer dans la communauté nationale. Le passage d'une logique de moyens à une culture d'objectifs et de résultats conduit à doter le ministère de nouveaux instruments d'action. Ce PLF prévoit ainsi d'ouvrir pour la mission « outre-mer » 1,963 milliard de crédits contre 1,898 milliard dans le PLF 2006. Cette comparaison doit cependant intégrer deux modifications de périmètre : le transfert du financement de la CMU complémentaire des collectivités d’outre-mer à la mission « santé », pour 22,66 millions ; et une correction résultant d’une surestimation de crédits pour le compte d'affectation spéciale « pensions du service militaire adapté », pour 12,15 millions.

Bien entendu, la mission ne traduit qu'une partie de l'effort de la nation en faveur de l'outre-mer – environ 15 % de l'effort total, qui atteint 13 milliards. La LOLF conduit en outre à présenter les crédits au sein d'une seule mission comportant trois programmes – conditions de vie, emploi, intégration et valorisation – ainsi que dix actions.

Le contexte économique et social de l’outre-mer reste difficile. L'amélioration de la conjoncture en 2005 et 2006 a certes permis d'enregistrer une décrue du chômage, mais on constate encore une forte augmentation du nombre de érémistes et la situation des collectivités locales de base reste très préoccupante. Le taux de chômage des DOM demeure élevé : 26 % en Guadeloupe, 26,5 % en Martinique, 22% en Guyane et 32 % à la Réunion. S'agissant du programme Emploi, les sommes dégagées par la mission s'établiraient pour 2007 à 1,160 milliard. Dans le domaine des aides à l'emploi, 838 millions sont nécessaires pour financer les compensations d'exonérations de charges sociales. Les contrats d'accès à l'emploi pour le secteur marchand seront dotés de 16,6 millions et ils devraient s’établir à 67,9 millions pour le secteur non marchand. Le rapport est donc de 1 à 4, la situation n'étant guère différente de celle de l'an dernier.

Le programme « conditions de vie outre-mer » prévoit 175,75 millions pour l'action dans le domaine du logement. Nos collègues d'outre mer et l'ensemble des élus locaux ont souligné récemment les retards accumulés en matière de logement social. Le Premier ministre en visite aux Antilles s'est dit lui-même préoccupé. Je rappelle le rôle central que doit jouer le logement dans le développement de l'outre-mer. Certes, si la défiscalisation a dynamisé la construction de logements et le secteur du BTP, elle a également accru les pressions sur le foncier et provoqué de fortes tensions sur le logement social. Parlons net : l'urbanisation raisonnée et plus généralement la planification territoriale ont été malmenées par le logement défiscalisé de plein droit. Il est temps de corriger ces dérives.

Concernant les autres chapitres inscrits dans ce programme, 101 millions sont consacrés à l'aménagement du territoire – dont les trois quarts destinés aux contrats de plan ; le contrat de développement de la Nouvelle-Calédonie prévu pour 2006-2010 s’élèvera en 2007 à 40 millions. Au titre de la continuité territoriale, ce sont 52,5 millions qui devraient être inscrits. Figurent dans cette dotation le passeport « mobilité » ainsi que les bourses de mobilité des étudiants de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie, de Wallis-et-Futuna et de Mayotte ; y figure également la desserte maritime de Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi que la desserte aérienne de Wallis-et-Futuna. La dotation de continuité territoriale s’élèvera à 32,63 millions et ses modalités de répartition ont été définies par le décret du 30 janvier 2004. L'éloignement de la métropole et le poids de chaque collectivité dans les déplacements globaux constituent les critères de base de cette répartition, des critères correcteurs étant prévus pour intégrer certaines difficultés de déplacement particuliers ; 58,4 millions sont par ailleurs inscrits pour les affaires sanitaires et sociales et 3 millions pour les activités culturelles et les actions destinées à la jeunesse. Les crédits inscrits doivent également permettre le démarrage des études et des procédures pour la création d'un centre culturel et d'affaires de l'outre-mer. Une ligne est enfin prévue pour le fonctionnement du comité pour la mémoire de l'esclavage créé par le décret du 5 janvier 2004.

Le programme « intégration et valorisation » s'établit à 412 millions et comprend notamment les dotations versées aux collectivités territoriales. Il concerne Mayotte, la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna ainsi que les Terres australes et antarctiques françaises. L'ensemble de ces concours s'élève à 313,3 millions contre 282,4 millions en 2006. Ces dotations complètent les dispositions de droit commun versées à ces collectivités pour les aider à compenser certains de leurs handicaps non pris en compte par les procédures habituelles.

Les dépenses fiscales s’élèveraient quant à elles à 2,513 milliards pour 2007. S'agissant de ce volet essentiel de la politique de l'outre-mer, il faut désormais prendre en compte les travaux de la Commission nationale d'évaluation de la loi de programme, que je tiens d’ailleurs à saluer. Elle a notamment cherché à savoir s'il était possible, à partir des documents détenus par l'administration fiscale, de connaître la répartition de la dépense totale entre plein droit et agrément ainsi que le montant total des investissements défiscalisés. Il serait bon de pouvoir exploiter les déclarations fiscales des contribuables, sociétés et personnes physiques bénéficiaires de la mesure, or, les données figurant dans les déclarations de revenus ne font pas l'objet d'un traitement spécifique. De plus, les informations figurant dans les documents remplis par les investisseurs métropolitains ne comportent ni la localisation ni la nature des investissements défiscalisés. Je regrette que les informations fiscales soient moins détaillées depuis 2003, année où l’on a adopté la loi de programme pour l'outre-mer ! Cela complique la tâche de cette commission composée de 22 parlementaires, dont 12 députés et sénateurs ultramarins. Bénéficiant du double concours de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'administration, elle a néanmoins déjà produit plusieurs notes de grande qualité.

Réunie le 4 octobre, la commission des finances a voté les crédits de l’outre-mer.

M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Ce dernier budget de la législature justifie qu’on esquisse un bilan de la politique suivie depuis cinq ans. L’action du Gouvernement a respecté les engagements pris par le Président de la République, mais elle a su faire preuve aussi de pragmatisme et de réactivité.

La loi de programme a rompu avec une logique de traitement social du chômage outre-mer reposant sur une extension artificielle du secteur non marchand, et créé au contraire les conditions d’un développement économique durable, fondé sur une redynamisation du secteur productif. Plutôt que d’apporter encore une fois des aides publiques, cette loi de programme a fait le pari d’une relance de l’investissement et de l’emploi grâce aux allégements de charges et à la défiscalisation. Elle a donné aux populations d’outre-mer les moyens de créer, de construire, d’entreprendre et d’innover dans un environnement économique plus favorable.

Cette loi de programme a également institué une dotation de continuité territoriale destinée à compenser les handicaps liés à l’éloignement et l’insularité de l’outre-mer. Le premier frein au développement de l’outre-mer, constitué d’îles ou de territoires enclavés en bord de mer, est en effet d’ordre géographique. À cet égard, la situation de la Guyane diffère peu de celle d’une île puisqu’elle est coupée du reste du continent sud-américain par la forêt équatoriale, qui occupe 94 % de son territoire. Éloignées de 7 500 à 9 000 kilomètres de la métropole, les collectivités d’outre-mer sont en outre peu intégrées dans leur environnement régional, leurs échanges commerciaux se faisant surtout avec la France et l’Union européenne. La dotation de continuité territoriale aura fortement contribué à rapprocher les populations ultramarines et métropolitaines, et devrait être prochainement complétée par la création, dans le cadre du projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, d'un billet social pour événement familial destiné aux ultramarins résidant en métropole.

Les engagements pris ont également été tenus avec la réforme constitutionnelle de 2003, qui introduit une diversification des statuts des collectivités afin de permettre à chacune, dans le respect de la volonté de sa population, de trouver sa propre voie institutionnelle au sein d'une République décentralisée. En effet, comme l'avait déclaré le Président de la République dans son intervention à Madiama en mars 2000, « les statuts uniformes ont vécu. Chaque collectivité d'outre-mer doit pouvoir désormais, si elle le souhaite, évoluer vers un statut différencié, en quelque sorte un statut sur mesure ». Cette modernisation se poursuivra avec le projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.

Au-delà du respect des engagements pris en 2002, ce gouvernement a su répondre avec énergie et pragmatisme aux problèmes de l'outre-mer, en particulier celui de l'immigration clandestine. À la suite de nombreuses interpellations de parlementaires ultramarins, dont celles de votre rapporteur, auteur, avec Mme Louis-Carabin, d'une proposition de loi visant à renforcer le dispositif de régulation des flux migratoires en Guadeloupe, et du rapport d'information de la commission des lois sur la situation migratoire à Mayotte, le titre VI de la loi du 24 juillet 2006 renforce la lutte contre l'immigration irrégulière en adaptant le droit aux réalités ultramarines. Cette loi autorise ainsi, en Guyane, en Guadeloupe et à Mayotte, la visite sommaire des véhicules dans des zones bien déterminées, l'immobilisation de véhicules terrestres et d'aéronefs, la vérification de l’identité des personnes dans les zones privilégiées d'arrivée des clandestins. Elle a également étendu à la Guadeloupe le caractère non suspensif des recours en annulation contre les arrêtés de reconduite à la frontière, déjà en vigueur en Guyane et à Saint-Martin.

C'est avec une détermination et un pragmatisme identiques que le Gouvernement a su préserver les spécificités ultramarines dans un cadre communautaire en pleine évolution. Dès son arrivée au pouvoir, la majorité a dû faire face aux conséquences de l'irresponsabilité du précédent gouvernement sur la question de l'octroi de mer. Cette imposition spécifique aux DOM, relevant de la compétence des conseils régionaux et dont le produit alimente, à titre principal, les budgets des communes, ainsi que le département de la Guyane, était menacée de disparition pure et simple. Encadré par les autorités communautaires, le régime de l'octroi de mer, qui datait de 1992, devait être réexaminé au plus tard le 31 décembre 2002. La demande de reconduite du régime en vigueur, déposée en catastrophe en mars 2002 auprès de la Commission européenne, avait été rejetée. Il a fallu déposer, en avril 2003, une nouvelle demande désignant précisément les produits locaux concernés et les écarts de taxation pour que le régime soit prorogé jusqu'au 1er juillet 2014.

Par une action menée très en amont avec les producteurs, le Gouvernement a également réussi à faire entendre la voix de l'outre-mer dans la négociation des réformes des organisations communes de marché du sucre et de la banane.

J'en viens maintenant au budget de l'outre-mer pour 2007. Il s'élève à 1,96 milliard d'euros, en légère augmentation par rapport à l'année passée. Près des deux tiers seront consacrées à l'emploi, qui, comme en métropole, demeure la priorité du Gouvernement. Le développement durable de l’emploi dans le secteur marchand repose notamment sur les exonérations de cotisations sociales prévues dans la loi de programme pour l'outre-mer : 838 millions d'euros financeront l'abaissement du coût du travail et les actions d'amélioration et de structuration du dialogue social. Le taux de chômage reste élevé outre-mer, – en moyenne 21,3 % –, mais le nombre d'emplois salariés dans le secteur marchand a progressé de 2,2 % l'an dernier, soit trois fois plus vite qu'en métropole. Toute remise en question de ce dispositif serait donc inopportune. Cela n'exclut nullement d'en évaluer la portée, comme le prévoit d’ailleurs l’article 5 de la loi de programme. La commission d’évaluation de la loi de programme pour l’outre-mer étudie d’ailleurs attentivement les conclusions du rapport que le Conseil économique et social a élaboré à ce sujet en juillet dernier. Composée de parlementaires et de représentants de l'État, la commission d’évaluation se prononcera, avant la fin du premier trimestre 2007, sur la pertinence des dispositifs d'exonération, ainsi que de défiscalisation des investissements. Seront notamment étudiés l’incidence de ces mesures ainsi que leurs éventuels effets pervers sur le logement social.

Le logement social est en effet la seconde priorité du Gouvernement, qui se traduit par une dotation de 175 millions d'euros en crédits de paiement et de 220 millions d'euros en autorisations d’engagement. Les besoins sont immenses, et les retards de paiement accumulés par l'État considérables. Les parlementaires des Antilles et de la Guyane, dans une motion consacrée au logement social dans les départements français d'Amérique, évoquaient « une crise sans précédent », appelant le Gouvernement à une action rapide et énergique. Les annonces faites par le Premier ministre lors de son récent déplacement aux Antilles témoignent que le Gouvernement mesure l’ampleur du problème et est déterminé à y remédier sans délai. Le Premier ministre s'est ainsi engagé à ce que la dette de 113 millions d'euros soit réglée avant la fin du premier trimestre 2007. Il a également annoncé que 120 millions supplémentaires sur trois ans seraient consacrés au logement, dont 60 dès 2007. Je souhaiterais d'ailleurs, Monsieur le ministre, que vous indiquiez précisément comment seront financées ces mesures.

Les moyens de la continuité territoriale augmentent fortement, notamment ceux du passeport mobilité, dont les crédits progressent de 31 %. Reste à espérer que cette hausse permettra de faire face à la demande, le dispositif ayant été victime de son succès, – en Guadeloupe, 800 familles qui avaient avancé le prix du billet d'avion n'ont pu se faire rembourser par le CROUS. J'espère que vous pourrez nous donner toutes assurances à ce sujet, Monsieur le ministre.

Pour en venir à des aspects qui ne sont pas directement liés à ce budget mais intéressent au plus haut point les collectivités ultramarines, je salue la détermination du Gouvernement qui a permis d'esquisser une solution satisfaisante pour l'OCM de la banane. La réforme du volet interne de l'OCM proposée par la Commission européenne repose en effet sur la prise en compte des handicaps structurels de l’outre-mer et la reconnaissance de l’importance de cette production dans l’économie ultramarine. Si des précisions doivent être apportées sur les hypothèses envisageables en cas de dégradation des revenus des producteurs, les pistes proposées à ce jour semblent équilibrées.

Je me félicite enfin que le ministre de l’outre-mer ait annoncé, lors de son audition par la commission, la compensation financière des pertes subies par les agriculteurs antillais du fait de la pollution de certaines terres par le chlordécone. Ce soutien, préconisé par un rapport d’information de la commission des affaires économiques, était très attendu des agriculteurs contraints de renoncer à certaines cultures ou de détruire une partie de leurs productions dont la teneur en chlordécone excédait la limite maximale de résidus fixé par l’AFSSA. Quels seront les critères retenus pour l’attribution de ces compensations ?

Toutes ces mesures ne font que confirmer les propos tenus par le Premier ministre lors de son allocution devant le conseil général de Guadeloupe : « J’entends parfois parler ici ou là de désintérêt ou de désengagement vis-à-vis de l’outre-mer. Rien n’est plus éloigné de l’intention du Gouvernement ni des convictions du Président de la République. Rien n’est plus éloigné de la vérité de notre action dans tous les domaines d’intérêt général ou de portée plus locale. Notre exigence de solidarité et de proximité à l'égard de l'outre-mer est permanente. »

La commission des affaires économiques a donné un avis favorable à ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des loisAvant d’être un budget, l’outre-mer est un défi. Défi du développement économique de territoires plus pauvres, défi de la desserte d’espaces éloignés et difficiles d’accès, défi de la lutte contre un chômage plus élevé et contre des crises sanitaires spécifiques, défi d’une pression migratoire sans équivalent en métropole, défi enfin de la diversité dans un État unitaire. Notre histoire commune et la volonté partagée de vivre ensemble nous imposent de les relever tous. Cette ambition est la raison d’être du ministère de l’outre-mer. Pour le Parlement, elle implique l’adaptation des lois aux réalités locales et le vote des crédits attendus par nos compatriotes ultramarins.

Expression de la solidarité nationale, le budget de la mission outre-mer pour 2007 sera sensiblement équivalent à celui de l'année 2006, avec 1,96 milliard de crédits de paiement. Doté de 1,16 milliards d'euros, l'emploi reste le principal poste de dépense. La lutte contre le chômage est bien la priorité du Gouvernement, outre-mer comme en métropole. Les résultats obtenus dans ce domaine sont d'ailleurs encourageants, puisque le taux de chômage dans les DOM est revenu de 25,4 % de la population active en juin 2002 à 21,3 % en juillet 2006. Mais un long chemin reste à parcourir : les allocataires du RMI restent en effet quatre fois plus nombreux et les chômeurs deux fois plus nombreux qu'en métropole. C'est pourquoi, même si l'évaluation des mesures fiscales de la loi de programme pour l'outre-mer de 2003 n'est pas terminée, il semble évident que d'importantes incitations devront être maintenues.

Les crédits consacrés au logement et à la continuité territoriale progressent de près de 3 %. Il est vrai que l'habitat insalubre persiste dans de trop nombreuses communes et que la croissance démographique des DOM, cinq fois plus rapide que celle de la métropole, crée de nouveaux besoins. Je me réjouis donc que le Premier ministre ait décidé d'engager, dès 2007, une somme complémentaire de 60 millions pour le logement social.

Les sommes destinées à l'aménagement du territoire augmentent, quant à elles, de 7,9 %. Enfin, autre signe d'un effort national de solidarité, les dotations en faveur des collectivités ultramarines les moins favorisées progresseront de 16,8 %. Pour autant, le ministère de l'outre-mer contribuera à la maîtrise de la dépense publique en ne remplaçant qu'un départ à la retraite sur deux. Il s'agit donc d'un budget à la fois dynamique, rigoureux et généreux.

En matière sanitaire, le ministère de l'outre-mer a réussi, en engageant jusqu'à 2 870 personnes dans la lutte contre le chikungunya à la Réunion, à endiguer l'épidémie. La vigilance sanitaire et les actions de prévention face à l’ensemble des maladies à transmission vectorielle doivent évidemment être maintenues dans cette île, ainsi qu'à Mayotte, car la dengue et le paludisme menacent encore.

La commission des lois manifeste, comme il se doit, un intérêt particulier pour les actions visant à assurer le respect de la loi outre-mer. À cet égard, des progrès significatifs sont également enregistrés : au cours des huit premiers mois de l'année 2006, la délinquance de voie publique a baissé de 12,7 % et les violences aux personnes de 6,5 %. La mobilisation des forces de l'ordre face à l'immigration clandestine a également donné de bons résultats : en 2005, le nombre d'éloignements a progressé de 14,4 % dans les DOM, et à Mayotte, le renforcement des équipes de la police aux frontières et les deux nouveaux radars devraient permettre de dépasser l'objectif fixé de 12 000 éloignements dans l'année.

Nous avons également voté au printemps 2006 des mesures législatives qui permettront de mieux combattre le travail illégal, les actes frauduleux, les détournements de procédures, ainsi que de faciliter la recherche, puis la reconduite à la frontière des clandestins. Il est toutefois évident que ces mesures ne pourront traiter les causes profondes et durables de cette immigration, qui résident avant tout dans l'écart de richesse entre nos espaces ultramarins et les pays sources. Aussi me semble-t-il urgent, comme je l'avais préconisé avec René Dosière dans notre rapport d'information sur la situation de l'immigration à Mayotte, de mettre en place dans les pays sources une aide au développement mieux ciblée et contrôlée, et d'améliorer notre coopération, policière notamment, avec des pays tels que le Guyana et les Comores.

La lutte contre les trafics illicites s'est intensifiée, l'outre-mer représentant 43 % du total national des saisies, et la surveillance du blanchiment d'argent a été renforcée, comme en atteste l'augmentation du nombre de déclarations auprès de TRACFIN.

Enfin, l'effectif des magistrats en poste outre-mer a augmenté en 2005 comme en 2006, tandis que la surpopulation carcérale a diminué et qu'un recentrage du contrôle de légalité a permis une diminution des litiges. Autant de signes que le Gouvernement se donne les moyens de faire mieux respecter l'État de droit sur l'ensemble du territoire national.

Quelques mots des évolutions institutionnelles. Le Sénat a examiné, les 30 et 31 octobre, deux projets de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer. Ces projets visent à créer ou modifier divers statuts pour tenir compte de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, qui a remplacé les TOM et les collectivités territoriales à statut particulier par une nouvelle catégorie, encore mal connue du public : les collectivités d'outre-mer ou COM. Outre diverses modifications du droit électoral et la création des deux nouvelles COM, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, ces projets donnent aux départements et régions d'outre-mer de nouveaux pouvoirs normatifs et rapprochent Mayotte du droit commun.

Par ailleurs, un projet de loi constitutionnelle a été déposé au printemps dernier pour compléter l'article 77 sur le corps électoral de la Nouvelle-Calédonie. Vous nous avez indiqué en commission, Monsieur le ministre, que ce projet serait être examiné avant la fin de cette législature. On peut espérer qu’une telle initiative apportera la clarification attendue, dans un esprit de consensus.

En conclusion, le projet de loi de finances préserve le financement des instruments prioritaires du développement de l'outre-mer, tout en prenant en compte l'impératif de maîtrise de la dépense publique. La police et la justice disposent non seulement d'un cadre législatif adapté aux spécificités locales, mais aussi de nouveaux moyens en hommes et en matériel. Enfin, la rénovation des institutions se poursuit. Aussi la commission des lois a-t-elle émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission outre-mer pour 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Nous entamons la discussion générale, dans laquelle de nombreux orateurs sont inscrits pour cinq minutes. Il est vraisemblable qu’il y aura des dépassements de parole. Je me montrerai compréhensif, mais je souhaite cependant que l’on reste dans ce que les Québécois appellent des « accommodements raisonnables. »

M. Michel Vaxès - Ce projet de budget pour 2007 sera le dernier de la législature, ce qui nous autorise à dresser le bilan de la politique du Gouvernement en direction de l'outre-mer.

« Le chômage outre-mer est plus de deux fois supérieur à celui que connaît la métropole. Le PIB par habitant est nettement inférieur à celui du reste du territoire national. Les conflits sociaux sont encore nombreux. Des discriminations perdurent. Nombre de logements sont insalubres. Certains territoires sont menacés de déstabilisation par une immigration clandestine massive. Ces situations ont pu être à l'origine d'un certain désenchantement par rapport aux espérances suscitées par le plein rattachement à la France. » Tel est le triste bilan que dresse l’UMP elle-même !

Il est vrai que les chiffres parlent d'eux-mêmes. Le taux de chômage s’élève en Martinique à 22,4%, en Guadeloupe à 24 %, en Guyane à 26,3 %, à Mayotte à 29,4 % et à la Réunion à 33,5 %.

Le dernier rapport de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale est tout aussi alarmant : « Dans les département d'outre-mer, la situation du marché de l'emploi est très dégradée, avec un taux de chômage trois plus élevé qu'en métropole et un chômage de longue durée plus important. Ces difficultés tiennent notamment à une faible qualification de la main-d'œuvre : près de la moitié des actifs des DOM n'ont aucun diplôme, contre 16 % en métropole. Et à niveau de formation égal, le chômage est bien plus élevé dans les DOM, les jeunes et les femmes étant particulièrement pénalisés. »

Plus de 200 000 personnes survivent dans les DOM avec les minima sociaux. Les bénéficiaires du RMI représentent 10 % du total national et 26 % de la population des DOM. Une situation sociale aussi dégradée exigeait un budget pour 2007 bien plus ambitieux que celui qui nous est soumis, et cela d’autant plus que les crédits pour l’outre-mer ont sensiblement baissé depuis 2002. Cette diminution est d'autant plus alarmante qu'elle touche principalement l'emploi et le logement, qui devraient pourtant être des priorités. Sur quatre ans, les crédits destinés aux emplois aidés ont ainsi régressé de 40 %.

Concernant le logement, nous nous réjouissons que l'État ait enfin décidé de régler avant la fin de 2007 sa dette de 113 millions d'euros. Nous accueillons tout aussi favorablement l'annonce des 120 millions supplémentaires, sur trois ans, consacrés au logement, dont 60 millions dès 2007. Mais ces rallonges ne suffisent pas à nous rassurer quant à l'avenir du logement social outre-mer, car les besoins sont énormes – il faudrait 300 millions par an pendant cinq ans.

Vous nous avez dit votre impatience, Monsieur le ministre, de connaître les propositions de la commission d'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer. Nous la partageons. Vous sembliez toutefois anticiper une orientation partielle de la défiscalisation vers le logement social, tout en reconnaissant que ce n'est pas la panacée. Nous ne pensons pas, en effet, qu'elle permettra de produire des logements sociaux plus rapidement, ni qu’elle puisse être considérée comme une alternative crédible à l’ouverture de crédits budgétaires.

Une autre inquiétude tient au transfert du RMI aux départements. En septembre, l'assemblée des départements de France observait que le différentiel non compensé s'élèverait à 100 millions d'euros en 2006 à la Réunion, et à 15 millions par an, en moyenne, pour les autres DOM. Ce n'est malheureusement pas ce budget qui garantira une compensation satisfaisante.

Pour toutes ces raisons le groupe des députés communistes et républicains ne votera pas ce budget pour l'outre-mer.

Mme Christiane Taubira et Mme Huguette Bello et M. Philippe Edmond-Mariette - Très bien.

M. Alfred Almont - Nous abordons ce débat budgétaire dans un climat différent de celui qui prévalait l'an dernier, quand la mise en œuvre d'une grande réforme fiscale entamait sérieusement les moyens consacrés à l'outre-mer. Je me réjouis, certes, que les engagements pris alors aient été tenus : la commission d'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer s'est mise au travail, et même si les outils d'évaluation ne sont pas encore tout à fait au rendez-vous, un tel cadre stratégique commence à donner des résultats et devra donc s’étendre sur toute la durée prévue initialement. En outre, nous ne pouvons que nous féliciter que, dans un contexte marqué par de fortes contraintes budgétaires, le Gouvernement manifeste son attachement à nos régions, en maintenant le niveau des crédits de la mission Outre-mer et en renforçant l'implication de l'ensemble des ministères via un document de politique transversale. Le projet de budget pour 2007 me paraît en mesure de conforter l'action interministérielle, tout en prenant pleinement en considération nos particularismes locaux.

Je formulerai un certain nombre d’observation sur les grandes exigences auxquelles nous demeurons malgré tout confrontés. La très grande fragilité économique de nos régions et leurs différents handicaps structurels et naturels appellent, plus qu'ailleurs, des réponses appropriées, eu égard, notamment, à un nombre de chômeurs trois fois plus élevé qu'en métropole. L'abaissement du coût du travail est une nécessité, et il conviendra de tirer le meilleur parti de l'audit de modernisation relatif aux exonérations de charges à l’outre-mer remis en avril. Les contrats aidés, mesures conjoncturelles d'ajustement de l’emploi, doivent à ce titre être encouragées.

Si je note le renforcement des moyens mis à la disposition du SMA, dont l’utilité est aujourd’hui avérée pour la formation et l’insertion des jeunes, il reste que les conventions État-régions, de même que les programmes opérationnels pour la période 2007-2013, devront consacrer davantage de moyens au soutien à l'investissement productif dans les entreprises.

Près de la moitié des crédits du programme « conditions de vie outre-mer » sont alloués au logement social, secteur garant de la cohésion sociale et de la lutte contre la précarité. Le Premier ministre a annoncé, lors de son récent déplacement aux Antilles, des mesures déterminantes pour ce secteur. Il a indiqué notamment que la dette de la LBU – d’environ 83 millions d’euros – serait réglée au plus tard à la fin du premier trimestre 2007, et qu'un complément d'engagement de 60 millions d’euros serait délégué en 2007 pour les quatre DOM. Cette dette doit être apurée, et je compte sur vous, Monsieur le ministre, tant dans les exécutions budgétaires concernant la part inscrite au budget de l'outre-mer, soit environ 9 millions, qu’au moment des arbitrages, pour assurer, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2006, les crédits de paiement nécessaires pour le solde, à savoir 11 millions d’euros supplémentaires pour la Martinique. Comment voyez-vous la répartition des crédits annoncés entre les DOM, et notamment la part affectée à la Martinique, eu égard à la place prépondérante accordée à l'aide à l'amélioration de l'habitat sur ce territoire ?

L'efficacité d'une politique ambitieuse du logement social passe non seulement par la reconnaissance d'une évolution démographique dynamique, mais aussi par la prise en compte de publics prioritaires et l’adéquation du dispositif du parc de logements locatifs très sociaux. À cet effet, il faudra renforcer le dialogue avec l'ensemble des professionnels de la branche, afin de rationaliser le rôle de l'État dans la résorption de l'habitat insalubre. Je salue votre proposition de déconcentrer les décisions au niveau du préfet et d'établir des conventions pluriannuelles entre l'État et les communes sur les opérations de logement, d'aménagement urbain et de résorption de l'habitat insalubre, permettant de limiter la spéculation foncière, qui empêche aujourd'hui un grand nombre de nos compatriotes d'accéder au logement.

Une politique énergique de réhabilitation et de construction est la condition d'un vrai développement. L'augmentation des financements dédiés au logement social outre-mer favorisera une sortie rapide de l'insalubrité, en particulier pour les personnes âgées, ainsi que l'accession à la propriété pour les jeunes ménages.

Ce vrai développement que nous appelons de nos vœux est cependant menacé par le durcissement de la position de la Caisse centrale des réassurances, vis-à-vis de la couverture des risques de catastrophes naturelles dans les DOM. Une telle position peut conduire très rapidement à une flambée des primes d'assurance pour les entreprises et les collectivités ou à une résiliation en masse de leurs contrats par les assureurs. Une prorogation d'au moins une année doit être envisagée pour la couverture apportée par la Caisse aux assureurs des DOM, afin de sécuriser les investissements dans nos régions.

Beaucoup reste à faire en matière de continuité territoriale. La compétitivité des DOM implique une compensation des surcoûts liés à l'éloignement des centres d'approvisionnement et des grands marchés, notamment ceux du transport maritime. Les coûts du transport du son et de l’image pénalisent les activités de la nouvelle économie, génératrices de forte valeur ajoutée. L'insuffisance des capacités et le prix élevé du coût du billet alimentent, par ailleurs, un sentiment d'expatriation de part et d’autre de l’océan.

À ce titre, la TVA non perçue récupérable représente un instrument efficace de compensation des surcoûts, en particulier dans le secteur du BTP, où il contribue à une baisse mécanique des prix de l'ordre du montant de la taxe, soit 8,5 %. Ce régime d'aide publique doit donc être sauvegardé ; il ne s'agit pas de protéger, mais de compenser.

Enfin, les engagements en faveur des dotations spécifiques à nos collectivités locales sont de nature à nous rassurer. Il importe, en effet, de leur procurer des ressources justes correspondant à leurs charges réelles, généralement plus élevées qu’en métropole. J'entends donc soutenir la démarche du Gouvernement visant à instituer un droit additionnel à l'octroi de mer, qui permettrait aux villes-centres des DOM d'augmenter leurs ressources financières.

Monsieur le ministre, avec les engagements que vous prenez pour l'outre-mer, nous sommes sur la bonne voie, et c'est pourquoi je voterai ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Christophe Lagarde - Les crédits que nous examinons ne représentent qu'une partie de l'effort consacré à l'outre-mer, puisqu'il faut ajouter au 1,96 milliard d'euros prévu pour 2007, les 13 milliards correspondant aux dotations des autres ministères, qui devraient, dans un souci de lisibilité de la politique menée, être débattus à l'occasion de ce budget. Celui-ci prévoit une diminution de 28 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de 1,4 %, alors même que la situation de l’outre-mer demeure critique en ce qui concerne le logement et l'emploi.

Le logement social connaît en outre-mer une crise grave, à laquelle il est répondu par une diminution des autorisations d'engagement de 47 millions d'euros. L’offre de logement social insuffisante, eu égard à une forte croissance démographique et au retard criant de l'effort national en direction de l'outre-mer, appelle un effort soutenu et permanent pour améliorer le parc de logements déjà existants et accroître l'offre de logements sociaux. Plusieurs représentants du logement social outre-mer, ainsi que des associations, comme le collectif des Antillais, Guyanais, Réunionnais, se sont élevés face à la situation catastrophique du logement. Le groupement interprofessionnel des opérateurs sociaux de Martinique a mis en lumière la dette de l'État vis-à-vis des opérateurs sociaux dans les DOM, qui a explosé en 2006, passant au premier semestre de 60 à 110 millions d’euros. Cette situation met en péril 1 100 entreprises et 6 000 emplois. Entre 2000 et 2005, seuls 2 600 logements ont été réhabilités chaque année. À ce rythme, il faudrait vingt-sept ans pour retrouver un situation normale.

De plus, il faudrait 27 000 logements sociaux supplémentaires pour atteindre d'ici 2011 le même ratio de logements locatifs sociaux par habitant qu'en métropole. Encore cette estimation ne tient-elle compte ni de la proportion plus importante outre-mer de personnes éligibles au logement social ni de la croissance démographique. Le Premier ministre, lors de son voyage aux Antilles, a annoncé une rallonge budgétaire de 120 millions d'euros sur trois ans qui doit permettre d'aligner le rythme de progression des crédits au logement outre-mer sur celui fixé en métropole dès 2004 par le plan Borloo. Bien qu'excessivement tardive, nous ne pouvons que soutenir une telle mesure, qui s'accompagne d'un apurement de la dette de 110 millions vis-à-vis des opérateurs sociaux.

En réalité, sur les 66 millions prévus en crédits de paiement au titre de la ligne « logement locatif social », 59 millions doivent couvrir les opérations antérieures, et seulement 7 millions financent des opérations nouvelles. De même, s'agissant de la résorption de l'habitat insalubre, les opérations nouvelles ne reçoivent que 2,7 millions d’euros.

Si l'effort pour l'emploi représente quasiment les deux tiers de la mission outre-mer, ses crédits de paiement diminuent de 61 millions d'euros, soit 5,2 %, affectant principalement l'abaissement du coût du travail : 44 millions sont ainsi économisés sur la compensation des exonérations de charge. Quant à la diminution de 27 millions des aides directes à l’emploi, elle se fait au détriment de l'emploi aidé. Malgré l’évolution favorable de l’emploi outre-mer, la situation du chômage reste préoccupante, puisqu’il s’élevait encore à 21,3 % en mai dernier. Les crédits budgétaires en faveur de l’emploi n’auraient donc pas dû baisser !

En prévoyant de telles diminutions de crédits, ce budget maltraite les deux priorités de l’outre-mer, l’emploi et le logement Ce n’est pas la bonne méthode si vous voulez montrer à l’outre-mer qu’il n’est pas délaissé !

J’en viens aux réformes institutionnelles dont nous allons bientôt débattre. Si l’UDF s’était opposé au référendum organisé en Guadeloupe et en Martinique, les travaux menés au Sénat nous laissent penser que Saint-Barthélemy est aujourd’hui bien préparé aux nouveaux transferts de responsabilité envisagés. À Saint-Martin, en revanche, l’accélération des transferts de compétences prévue par le Sénat serait précipitée du fait de la situation financière très dégradée de la collectivité, des pressions migratoires très fortes et de l’absence d’harmonisation avec la partie hollandaise de l’île. J’espère que vous faites toujours vôtre ce point de vue, Monsieur le ministre

En Polynésie, dont je reviens, l’économie est en panne et les acteurs économiques et sociaux se plaignent de la difficulté des discussions politiques. La maturité démocratique ne suffit visiblement pas dans ce territoire, et je crains que le Gouvernement issu des derniers élections ne parvienne pas à redresser la situation. Vous pourriez en revanche vous appuyer sur le président de l’assemblée territoriale, qui a démontré sa capacité à réunir les interlocuteurs autour d’une même table.

Autre point sensible : le coefficient de majoration dont bénéficient les retraités de la fonction publique. Très décrié jusque dans nos rangs, il me semble parfaitement justifié. Encore faudrait-il pour faire cesser les attaques régulières, ici ou Sénat, que l’on établisse clairement l’écart entre les coûts de la vie. Nous souhaiterions que soit enfin publié le rapport commandé sur le sujet par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie.

S’agissant du corps électoral, vous vous êtes fait, l’an dernier, l’apôtre du consensus. Lorsque le nouveau mode de scrutin a été adopté, l’UPLD, aujourd’hui au pouvoir, souhaitait maintenir la situation antérieure, de même que le parti socialiste, le parti communiste et l’UDF. Seule l’UMP souhaitait à l’époque un tel changement, mais la situation a bien évolué : les élus locaux de l’UMP souhaitent un retour à l’ancien mode de scrutin ! Comme je ne peux pas croire que l’UPLD ait changé d’avis, non plus que les autres partis, un consensus me semble désormais possible ! Il suffirait que l’Assemblée de Polynésie soit saisie de cette question, ce que vous pourriez utilement faire, Monsieur le ministre !

Un mot également sur la mine de Koniambo, en Nouvelle-Calédonie. Malgré certaines évolutions capitalistiques, bien des incertitudes pèsent sur le démarrage de ce projet, si nécessaire pour le rééquilibrage de ce territoire.

Je terminerai par le corps électoral, sujet régulièrement instrumentalisé par certains, comme M. Frogier (M. Frogier proteste) pour régler des comptes politiques et s’assurer une position dominante au sein de ce qui fut le RPCR.

M. Pierre Frogier - C’est un scandale !

M. Jean-Christophe Lagarde - Avec satisfaction, nous observons que le Gouvernement entend respecter les principes posés par l’accord de Nouméa, à savoir le « corps électoral gelé », qui devrait trouver une traduction législative dans les semaines qui viennent. Si l’on en croit maintenant notre collègue Fromion, dont les propos ont été reproduits par Les Nouvelles Calédoniennes, François Bayrou serait pourtant un irresponsable, indigne de devenir Président de la République, puisqu’il veut respecter l’accord de Nouméa. J’imagine que selon notre collègue, vous êtes indigne d’être ministre de la République, et Jacques Chirac d’être Président de la République ! Je trouve dangereux que notre collègue se lance dans de telles polémiques dans les moments difficiles que nous vivons.

Pourriez-vous dire, Monsieur le ministre, si le Gouvernement a l’intention de réunir le Congrès une fois que les discussions auront eu lieu au Parlement, faute de quoi les engagements de Nouméa ne seraient pas respectés. On pourrait alors redouter de nouvelles tensions à l’occasion de l’élection présidentielle.

J’en viens aux Domiens qui vivent en métropole : au lieu de bénéficier de la continuité territoriale, c’est une fracture qu’ils subissent – prix des billets d’avons, coûts d’accès au numérique, frais de téléphone – et ils ne peuvent jouir d’une vie familiale normale. Je le répète : on fait moins d’efforts pour les Corses que pour les Domiens alors que les coûts subis sont bien différents ! Croit-on qu’un Guadeloupéen ou un Réunionnais aime moins sa famille qu’un Corse ? Ce n’est pas parce qu’ils ne posent pas de bombes qu’ils n’ont pas droit à un effort de la collectivité nationale ! Actuellement, certains ne peuvent pas se rendre dans leur région d’origine à l’occasion de décès ou de mariage, et d’autres ne peuvent tout simplement pas mener une vraie vie de famille ! L’égalité avec la Corse, c’est le minimum que les Domiens présents en métropole puissent demander ! Et pourtant ils n’en bénéficient pas ! J’espère que les électeurs s’en souviendront lors des prochaines élections.

Compte tenu des diminutions de crédits pour le logement et l’emploi, le groupe UDF ne votera pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Bertho Audifax – Une fois encore, plusieurs articles de la presse nationale tendent à influencer l’opinion publique en présentant l'outre-mer sous les traits de la « danseuse de la France ». On oppose une France lointaine, dolente, insouciante et injustement favorisée à une France métropolitaine luttant au quotidien pour s'en sortir. Cela devient lassant ! À qui profite le crime ?

Au fil des années, la compréhension mutuelle s’est améliorée sur nos bancs, et nous abordons ce débat dans un climat très différent de celui de l'année dernière. Le sujet de la défiscalisation avait ainsi donné lieu à des polémiques parfois musclées, avant que les échanges au sein des commissions permettent d’aboutir à un consensus respectueux des engagements pris en 2003 lors du vote de la loi de programme pour l'outre-mer. Depuis, d’éminents parlementaires ont bien voulu me faire confiance : ils ont accepté de se rendre en voyage d'études à la Réunion afin de mieux appréhender les problèmes et de juger en toute objectivité l'efficacité des mesures propres à l'outre-mer. Votre aide, Monsieur le ministre, et celle du président de l'Assemblée nationale m'ont été précieuses. Je voudrais solennellement remercier mes collègues Accoyer, Carrez, Mariton et Warsmann, qui ont accepté mon invitation en pleine crise du chikungunya.

Sans trahir leur pensée, je pense qu'ils ont aujourd'hui une autre vision de l’outre-mer, plus proche de ses spécificités. Au sein de nos entreprises réunionnaises, ils ont découvert un monde de travail, d'audace, de courage et d'initiative. Depuis leur visite, je suis avec attention les contacts qui se sont instaurés entre nos acteurs économiques et les parlementaires et constate avec plaisir que nous parlons enfin un même langage. Un climat de confiance s'est créé, et un vrai partenariat s’est engagé. Je l'ai constaté à l'occasion des échanges sur ce budget, mais aussi de la création de la commission d'évaluation de la défiscalisation. Nos amis des autres régions d'outre-mer l'ont si bien compris que des échanges du même type sont envisagés par la Martinique et la Nouvelle-Calédonie.

Au sein de la commission d’évaluation, nous avons pu mesurer l’efficacité de la loi de programme, qu’il conviendrait de prolonger sur quinze ans. Tous les acteurs souhaitent mieux maîtriser les rouages existants et porter remède aux éventuel abus. Il y va de la crédibilité de l’outre-mer tout entier, mais aussi du nouveau climat de confiance qui règne.

L’évaluation doit permettre de relever les faiblesses persistantes, s’agissant notamment du logement social. J’avais ainsi regretté l’absence de défiscalisation lorsque la loi de programme avait été voté. Cette solution me paraît plus que jamais nécessaire face aux difficultés budgétaires actuelles et au plafonnement de la LBU. Nous pourrions ainsi apporter une aide utile en faveur du logement intermédiaire, qui concerne ceux dont les revenus se situent juste au dessus des plafonds sociaux actuels. Il faudra toutefois créer un mécanisme nouveau : le seul aménagement des processus d'investissement immobilier n’y suffira pas dans les régions d'outre-mer.

Les ménages dont le revenu oscille entre deux et trois SMIC, attendent de nous la possibilité d'acquérir leur logement. C'est pour eux que LBU et défiscalisation doivent se combiner en contribuant à la mixité sociale dans tous nos programmes d'aménagement ! Nous devons penser aux oubliés de la loi de programme ! Rapporteur de la commission d'évaluation, je proposerai des mesures tendant à cette injustice.

J’ajoute que les entreprises qui font de la recherche et développement outre-mer devraient enfin profiter de la défiscalisation, pourtant refusée en 2003. C’est une revendication légitime !

Vous avez inscrit dans ce budget des crédits pour l’évaluation des politiques outre-mer. L’amélioration des statistiques et l'instauration de modèles économétriques permettront une véritable évaluation de la loi de programme dans trois ans.

Vous savez que j’œuvre depuis plusieurs mois à la préservation du congé de solidarité, que le gouvernement socialiste avait décidé de supprimer au 31 décembre 2006. Un examen approfondi de cette mesure est prévu en 2007. Après plusieurs réunions de travail avec les acteurs économiques de la Réunion et vos services, j'ai déposé un amendement pour la proroger, mais il tombe sous le coup de l'article 40. Je m'en remets donc au Gouvernement pour que le dispositif puisse perdurer en 2007 dans les conditions que nous avions envisagées.

Les conséquences économiques et sociales de la dramatique épidémie de chikungunya à la Réunion pèseront inévitablement sur ce budget. Je remercie le Gouvernement de l'effort consenti face à une maladie qui nous a surpris par son ampleur et s'est avérée très différente de sa description classique. Je compte sur votre engagement pour que les mesures prévues au titre de la prévention, de la recherche et du soutien socio-économique soient mises en œuvre et dûment évaluées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Victor Brial - Malgré les contraintes budgétaires, les crédits de l’outre-mer augmentent de 0,35 %. Ils représentent un peu plus de 2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 1,96 milliard en crédits de paiement.

Conformément à l'engagement du Président de la République en faveur de l'emploi, 59 % de ces crédits sont directement dédiés à l'emploi. Si l’on tient compte des dépenses des autres ministères, les financements de l'État en faveur de nos collectivités d'outre-mer représentent plus de 13 milliards.

Vous avez activement encouragé la politique publique de l'aménagement des collectivités et pays d'outre-mer, et avez poursuivi le soutien à l'emploi par l'amélioration des dispositifs existants.

Je me félicite de la volonté de l'État de prendre en compte les spécificités de la France de l'outre-mer.

Nos archipels de Wallis-et-Futuna souffrent de retards importants au niveau structurel. La dotation du ministère pour 2007 confirme les engagements de l'État, mais aussi votre volonté personnelle, Monsieur le ministre, de traiter les dossiers prioritaires comme le désenclavement, la continuité territoriale – desserte aérienne et télécommunications – ou l'Agence de santé de Wallis-et-Futuna.

Le financement de la piste de Vele, la convention 2007-2011 de l'enseignement primaire, le contrat de développement 2007-2011, l'installation le 11 novembre du premier sous-préfet de Futuna, sont autant de décisions importantes prises sous votre impulsion. Les populations de Wallis-et-Futuna ne sont donc pas oubliées : je vous en remercie en leur nom, ainsi que vos collaborateurs et les administrations concernées.

Je salue également les avancées de ces dernières années dans le domaine de la politique régionale : organisation des sommets France-Océanie de Papeete en juillet 2003 et de Paris en juin 2006, échanges avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, où vous avez effectué des déplacements et signé des conventions de partenariat.

Je rends hommage au Président de la République et au Gouvernement pour leur soutien constant. L'accession récente de notre collectivité au rang d'observateur du Forum Pacifique s'inscrit dans une volonté d'intégration régionale, mais aussi dans les orientations fixées par les collectivités françaises du Pacifique en accord avec la France. Elle permettra de faire progresser nos collectivités dans leur environnement et de renforcer la coopération régionale. La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie Française ont pour leur part accédé au statut de membre associé du ForuM. Nous sollicitons un accompagnement de l'État dans ces relations nouvelles avec le Forum et les États de la région, afin de réussir l'intégration de Wallis-et-Futuna dans un environnement de progrès, avec la mise en place du Plan Pacifique adopté par les membres du Forum et d’instruments comme le PICTA et le PACER. Les performances de la Communauté du Pacifique doivent inspirer notre démarche.

La dotation du Fonds Pacifique nous sera précieuse dans la finalisation des futurs partenariats aux niveaux culturel, éducatif, sportif, mais aussi dans le financement de missions et programmes de recherche.

Le concours de l'Europe à la réalisation des grands ouvrages des collectivités dans le cadre du Fonds européen de développement doit également être mobilisé. Le 9e FED se concentre à Wallis-et-Futuna sur la mise en place d'une unité technique de gestion, la construction d'un port de pêche, la modernisation du port de commerce et la réalisation d'infrastructures scolaires. Ces projets sont toujours en attente : j’ai bon espoir de les voir se concrétiser dans les prochains mois. Le 10e FED devrait contribuer à la gestion et à la conservation des ressources naturelles, au développement des ressources humaines et des formations diplômantes, ainsi qu’à celui du secteur productif lié aux énergies renouvelables.

Je sollicite le soutien de votre ministère pour aider notre territoire à contenir les effets de la vie chère, à améliorer les dispositifs d'aide aux entreprises du secteur privé et les dotations de l'habitat social, à moderniser le crédit à l'habitat, pour permettre aux familles à revenus faibles ou moyens d'accéder à la résidence principale, et à revoir les dispositifs sociaux en faveur des familles nombreuses sans revenus.

Je forme aussi le vœu que l'État nous aide à mettre en place une aide au transport entre la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna, importante pour la communauté wallisienne et futunienne de Nouvelle-Calédonie.

Comme mes collègues, je resterai attentif aux progrès enregistrés sur les thèmes évoqués à l'occasion des colloques organisés en 2005 et 2006 à l'initiative de l'intergroupe des parlementaires d'outre-mer et de son président : transport aérien, couverture sociale, logement, formalités d'inscription, quatrième terme des bourses CROUS pour les étudiants du Pacifique. J’espère que vous nous aiderez à obtenir des arbitrages favorables sur ces sujets, et je voterai bien entendu votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Éric Jalton – Les crédits de votre ministère ne recouvrent qu’une partie de l’action de l’État outre-mer. Force est cependant de constater que depuis quatre ans, le budget de l'outre-mer diminue à périmètre constant. La baisse touche cette année les actions en faveur de l'abaissement du coût du travail et du dialogue social, les mesures d'insertion et d'aide directe à l'emploi, l'action sanitaire et sociale, la culture, la jeunesse, le sport et l'éducation, et enfin la coopération régionale.

D'autres actions voient leurs crédits augmenter en apparence : soutien à l'état-major, aux collectivités territoriales, à la continuité territoriale, à l'aménagement du territoire et au logement. Finalement, on déshabille Pierre pour habiller Paul.

L'emploi outre-mer, affiché comme une priorité par le Gouvernement, voit ses crédits diminuer substantiellement. En Guadeloupe, le chômage des jeunes de moins de 25 ans a pourtant augmenté de 3 % entre septembre 2005 et septembre 2006. Celui des seniors a augmenté de 6,6 % et celui des demandeurs d'emploi de longue durée de 2,6 %. Le chômage des femmes et le nombre de érémistes ne cessent de croître. Pas de quoi pavoiser sous les tropiques ! Il y a loin de la coupe aux lèvres, compte tenu des 10,4 % de diminution du taux de chômage obtenus en France hexagonale sur la même période. Vous comprenez notre frustration quand nous entendons M. Borloo – qui nous promet sa visite aux Antilles depuis 2003 – se réjouir d’une baisse du chômage de plus de 20 % en un an dans certaines zones du territoire national. S'il y a une fracture territoriale, mais aussi sociale et citoyenne, elle se situe bien là.

Au-delà de la loi de programme, il y a donc des mesures ciblées à prendre pour faciliter l'embauche de nos jeunes, en améliorant les dispositifs de contrat en alternance, de qualification et de professionnalisation, afin que davantage d'entrepreneurs jouent le jeu de l'embauche de jeunes cadres locaux. Soit dit en passant, le chômage outre-mer aura augmenté de 5 % sur la législature, tandis que les sommes dédiées aux emplois aidés au niveau du FEDOM auront diminué de 40 %.

En matière de logement, les divergences sont de plus en plus grandes entre les stratégies et les moyens mis en œuvre dans l'hexagone et ceux déployés dans les DOM. Ce ne sont ni vos crédits, ni ceux annoncés par le Premier ministre lors de sa visite aux Antilles, consacrés pour l’essentiel à solder les dettes antérieures ou à compenser les baisses de crédits des années précédentes, qui changeront la donne.

Le prêt à taux zéro reste un fiasco, et le logement en accession différée à la propriété, une expérimentation sans lendemain. Les familles attendent désespérément un logement, en particulier les jeunes couples, contraints de rester dans le giron familial ou tentés par des constructions sauvages au détriment du foncier agricole.

Le trop-plein de salariés du BTP n’a pour perspective que le chômage ou la migration contrainte vers la métropole. Encore une fracture territoriale non réduite entre les DOM et l'hexagone ! Nous en viendrions presque à envier les banlieues parisiennes ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Des parlementaires des départements français d’Amérique – les DFA – vous ont adressé, en liaison avec les partenaires sociaux, une motion sur le logement particulièrement éloquente : je vous y renvoie, car le Gouvernement ferait bien de s’en inspirer.

En matière d'aide aux collectivités, d'aménagement du territoire et de continuité territoriale, j'aimerais que vous consacriez les crédits réservés à ces actions à corriger certaines injustices. Et d’abord, celles dont sont victimes les îles du sud de l'archipel guadeloupéen du fait de leur double insularité. Je vous encourage vivement à compléter leur budget par des dotations adaptées à leurs handicaps, non pris en compte dans le droit commun.

Vous pouvez également utiliser une part des crédits de l'activité desserte intérieure de l'action continuité territoriale, en vue de rétablir la desserte aérienne entre le continent guadeloupéen et les îles du sud et pour compenser les surcoûts générés par le fret maritime et le sur-stockage. Ce faisant, vous honoreriez – enfin ! – une part des engagements solennels pris, ici même, par votre prédécesseure, Mme Girardin, et par vous-même.

Une autre injustice à corriger part du constat que, dans notre République prétendument décentralisée, mieux vaut être Corse qu’Ultramarin ! Sinon, comment expliquer que les concitoyens corses – résidant à un bras de mer de l'hexagone et dont le PIB est supérieur à celui des DOM – disposent d'une zone franche globale et d'une dotation de continuité territoriale d’environ 200 millions pour une population de 261 000 habitants, alors que l'outre-mer ne recevra l’an prochain que 54 millions de dotation, pour une population bien supérieure ? Quant à la loi de programme pour quinze ans, on tend à la remettre en cause chaque année et elle ne contient aucun dispositif aussi avantageux que celui de la zone franche globale corse. C’est deux poids, deux mesures !

Au-delà des déclarations d'amour et des incantations lyriques, auxquelles nul n’est insensible, les chiffres et les faits sont incontestables. Et ce ne sont pas les 20 hectares d'extension de zones franches urbaines et des dotations supplémentaires rikiki à la ville centre de Pointe-à-Pitre qui viendront effacer l'injustice territoriale et citoyenne. Nous sommes loin de l'égalité territoriale et de la croissance sociale proclamées par le Premier ministre aux Antilles.

En matière sanitaire, j’appelle l’attention sur la situation du CHU en Guadeloupe. Il fonctionne désormais au rythme quasi chronique des grèves et des décisions non suivies d'effets, ballotté qu’il est entre un directeur général plus que jaloux des ses prérogatives, des syndicats parfois intransigeants, un conseil d'administration qui cherche à s’affirmer et une ARH qui ne sait plus où donner de la tête. Pris dans ce capharnaüm il y a les malades et les professionnels de santé, qui ont tendance à fuir vers les cliniques privées ! Il n’est que temps, Monsieur le ministre, de remettre cette structure sur de bons rails et d’y appliquer les réformes nécessaires.

Si l’arsenal juridique destiné à lutter contre l'immigration clandestine et l’insécurité a été renforcé, les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions déclarées. Grands diseurs, petits faiseurs : comment ne pas y penser en entendant le ministre de l'intérieur demander de façon péremptoire des résultats, sans donner à la police les moyens matériels et humains de faire face aux nouvelles missions qu'on lui impose ? L’hôtel de police dans le quartier de Laffont, aux Abymes, fait désormais figure d’Arlésienne et nos forces attendent toujours qu’on les dote de moyens modernes de locomotion et de communication, ainsi que d’armes à feux adaptées. Et ce ne sont pas les redéploiements d’îlotiers de proximité et la substitution d'adjoints de sécurité à des contractuels en uniforme qui vont régler le problème des sous-effectifs ou juguler la recrudescence de la violence, en particulier aux abords des établissements scolaires.

En matière de culture, de jeunesse, de sport et d'éducation, les associations, les sportifs, le monde de l'art et de la culture et le personnel de l'éducation attendent un accompagnement renforcé, grâce à des politiques publiques volontaristes, compte tenu du rôle croissant qu'ils jouent pour la cohésion sociale, dans nos sociétés en proie à tous les bouleversements. Loin de les rassurer, je sais que la baisse des crédits afférents que vous prévoyez va aggraver leurs inquiétudes.

Pour ce qui concerne la coopération régionale, vous avez décidé, sans l’ombre d’une explication, d’amputer les crédits de 3 millions, alors que les citoyens ultramarins, après être entrés un peu plus dans leur histoire, veulent, désormais, entrer davantage dans leur géographie.

Décidément, Monsieur le ministre, avant que ne viennent le printemps électoral et son éclosion de promesses, vous nous demandez de faire preuve de beaucoup de patience, alors que ce n’est pas la première des vertus tropicales !

Nous attendons que les exploitants agricoles antillais victimes de la pollution par le Chlordécone soient convenablement indemnisés et que, dans cette affaire, les responsabilités politiques et administratives soient clairement établies. Au reste, nous demandons toujours une loi spécifique pour l'agriculture et la pêche outre-mer.

Plus de trois ans après le vote de la loi d’orientation, nous attendons toujours les évaluations triennales des mesures d'exonération de charges et de défiscalisation des investissements : elles nous auraient été précieuses pour préparer l’examen de ce dernier budget de la législature.

Nous attendons que les victimes de la liquidation abusive de mutuelles guadeloupéennes soient indemnisées et que toute la lumière soit faite sur cette affaire.

Nous attendons que des structures ambulatoires à même de prendre en charge les victimes de l'alcool et de la toxicomanie soit créées en nombre suffisant dans l’ensemble du territoire guadeloupéen.

Vous comprendrez, Monsieur le ministre, que nous ne pouvons nous satisfaire de la configuration de la mission outre-mer pour 2007. Merci, cependant, de nous avoir écoutés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Huguette Bello – Ce dernier exercice budgétaire de la douzième législature aurait pu être celui du sursaut en faveur de l'outre-mer : il n'en est rien, et force est d’admettre que le désengagement de l’État se poursuit.

Le logement social en outre-mer marque l’un des principaux échecs de la politique gouvernementale menée au cours des cinq dernières années. La diminution constante des moyens financiers et les annulations budgétaires massives ont mis à mal l'investissement public dans ce secteur. La production de logements sociaux est sinistrée, alors que les besoins ne cessent d'augmenter. Illustré par des listes d'attente qui s'allongent chaque jour, ce paradoxe porte une atteinte grave à la cohésion sociale. De plus, il se double d'une inégalité de traitement, puisque, dans la même période, des moyens importants ont été votés pour la France continentale, au point que M. Borloo se félicite quotidiennement de l'augmentation historique du nombre de logements sociaux mis en chantier.

Depuis plusieurs années, les élus et les opérateurs sociaux unanimes n'ont eu de cesse d'alerter le Gouvernement et de proposer des solutions pour sortir de la crise. Las, il aura fallu attendre le rapport d'une mission d'audit pour que le Premier ministre annonce, il y a un mois, un premier train de mesures en faveur du logement social en outre-mer.

C'est une première étape, et nous l’accueillons favorablement, mais il va de soi que c'est toute la chaîne de la construction qui devra faire l'objet d'un traitement particulier si l'on entend vraiment remédier à la pénurie actuelle, lutter contre l'insalubrité, faciliter les parcours résidentiels et répondre à l'aspiration légitime des Réunionnais – y compris les plus modestes – à devenir propriétaires de leur logement. Le diagnostic a été posé à maintes reprises, de la façon la plus précise, de même que la liste des pistes à explorer. Si la volonté politique est au rendez-vous, la relance de ce secteur peut être très rapide.

L'emploi est toujours le programme prioritaire de la mission outre-mer. Avec des taux de chômage de l'ordre de 30 %, les variations annuelles d'un ou deux points ne suffisent pas pour évaluer le bien-fondé d'une politique. Par contre, de l'analyse des résultats des différentes mesures nous tirons deux enseignements.

Le premier, c’est que les dispositifs destinés à créer des emplois, aussi bien dans le secteur solidaire que dans le secteur marchand, ont été plébiscités. Les Réunionnais veulent travailler ! Cette année encore, les créations d'emplois ont été importantes, y compris par le biais de créations d'entreprises. À cet égard, un soutien particulier doit être apporté aux créateurs d'entreprise, surtout durant les premières années.

Le deuxième enseignement est plus directement lié aux lois d'orientation et de programme pour l'outre-mer, de 2000 et 2003. Pour nécessaires qu'elles soient pour relancer l'emploi et l'investissement privé, elles révèlent aussi les limites d'une logique. Les interventions publiques sur les deux facteurs de production – le capital et le travail – ont, bien sûr, permis de développer des secteurs d'activités et des emplois ; c'est le cas, par exemple, pour les énergies renouvelables. Mais ce type d'intervention ne suffit plus, surtout parce que la population active continue à augmenter fortement. Dès lors, nous ne pouvons guère compter sur les départs à la retraite pour créer des emplois et rééquilibrer le marché du travail, si ce n'est de façon modeste avec le congé solidarité. La reconduction de ce dispositif est d'ailleurs souhaitée par l'ensemble des organisations syndicales.

Dans les années à venir, il conviendra de stabiliser les dispositifs qui ont fait leurs preuves. Mais il faudra aussi savoir innover. L'emploi restera sans doute le meilleur indicateur de notre capacité à articuler de manière harmonieuse les ensembles politiques et géographiques auxquels nous appartenons.

Au reste, nous ne pouvons plus temporiser ni différer car tous les indicateurs décrivent une aggravation de la précarité. Le pouvoir d'achat est sérieusement mis à mal : la hausse des loyers et des carburants est continue et les prix à la consommation ont augmenté de près de 40 % en quinze ans. Pour de nombreux ménages, les dépenses se font à l'euro près. C'est pourquoi je me permets de vous interroger, Monsieur le ministre, sur l'état d'avancement du décret d'application de l'article 29 de la loi d'orientation pour l'outre-mer de 2000, qui prévoit d'étendre l'allocation de parent isolé aux départements d'outre-mer dans un délai de sept ans. Où en est-on, à quelques mois de l’échéance ?

Comment ne pas évoquer aujourd'hui la terrible épreuve que la Réunion vient de subir avec l'épidémie de chikungunya, l’une des plus graves crises sanitaires de ces dernières décennies ? Nous l'avons affrontée avec courage et responsabilité. L'arrivée de l'été austral incite à un surcroît de vigilance, et cela me conduit à vous interroger sur les modalités de la veille sanitaire en général, et, en particulier, sur la mise en place d'un service de lutte anti-vectorielle pérenne.

Aucun secteur d’activité n'a été épargné par cette crise. Mais celui du tourisme, première activité de l'île, a été touché de plein fouet : le nombre de visiteurs aurait chuté de 50 %. On en devine les conséquences ! L’une des premières leçons de la crise, c’est qu’il faut régler une fois pour toutes la question de la desserte et du désenclavement aériens. Elle nous à montré à quel point le principe de continuité territoriale, tel qu'il trouve à s’appliquer aujourd'hui, est insuffisant. Tant que les prix des billets d'avion resteront aussi élevés, ils constitueront l'obstacle majeur à la libre circulation sur l'ensemble du territoire national. Il suffit d'écouter les originaires de l'outre-mer résidant en France métropolitaine pour s'en convaincre.

Si personne n’a songé à demander au Gouvernement le règlement de toutes les difficultés de l’outre-mer en cinq ans, il aurait au moins fallu qu'elles ne s'amplifient pas alors que nous devons relever de nouveaux défis liés à la mondialisation.

Dans la recherche d'un monde multipolaire, l'heure n'est plus à l'uniformité ou au mimétisme ! Plus de centre, plus de périphérie ! Être soi-même avec et parmi les autres, en France, en Europe, dans l’océan Indien et dans le monde entier, voilà l’objectif de la Réunion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Michel Buillard - Lors de la présentation de votre budget pour 2007, Monsieur le ministre, vous avez souligné que l'effort collectif de l'État pour l'outre-mer est passé de 11 milliards en 2006 à 13 milliards en 2007, soit une augmentation de 18 %. Il s'agit-là d'un effort significatif.

Je retiens particulièrement la dotation de 57,5 millions pour la continuité territoriale, dont 20 millions seront consacrés au passeport mobilité, ce qui représente en l’occurrence une augmentation supérieure à 30 %. L'effort du ministère se concentre par ailleurs sur l'emploi et le logement social. Les progrès déjà réalisés dans ces domaines résultent des incitations fiscales dont bénéficient les économies ultramarines grâce aux exonérations de charges patronales et à la défiscalisation. Je me réjouis des nouvelles méthodes mises en œuvres. La commission nationale d'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer, dont j'ai l'honneur de faire partie, a reçu pour mission d'évaluer les conséquences économiques des dispositifs d'incitation fiscale. Nous pourrons donc pour la première fois nous prononcer sur le fondement d'études et d'expertises, et non de préjugés. Dans son avis présenté en juillet 2006, le Conseil économique et social souligne qu'en Polynésie française la défiscalisation a contribué à développer des activités productives. Il confirme en outre que les effets sur l’emploi sont manifestes au cours de la décennie passée. La croissance des emplois dans le secteur privé a été plus rapide que dans le secteur public : en dix ans, les emplois dans l'industrie ont augmenté de 34 %. La méthode est également nouvelle s’agissant de l'examen de la question des indexations des traitements et pensions des fonctionnaires d'État : l'un de nos collègues étant chargé d'un rapport d'évaluation, nous pourrons donc là encore nous prononcer à partir d'une étude rigoureuse et sans préjugés.

M. Jean-Christophe Lagarde - Nous sommes d’accord.

M. Michel Buillard - Il était temps que l’UDF ouvre les yeux sur ce dossier !

M. Jean-Christophe Lagarde - Nous tenons depuis longtemps le même discours mais vous ne pouvez pas en dire autant s’agissant des élections !

M. Michel Buillard – Que M. de Courson rejoigne donc également nos positions !

Ces indexations visent à compenser le coût plus élevé de la vie en outre-mer. Des collègues évaluent cet écart à seulement 20 % en Polynésie française. Voici le prix de quelques produits de base relevés dans deux supermarchés d'une même enseigne, en métropole et à Tahiti. Un litre d'eau minérale, 0,52 euro en métropole, 1,45 euro en Polynésie ; un litre de lait, 0,65 euro contre 4 euros ; un pack de 4 yaourts, 0,79 euro contre 7 euros ; 1 pain non subventionné, 1 euro contre 2,15 euros ; de même s'agissant du prix de l'électricité : 1 kWh d'électricité , 0,07 euro en métropole et de 0,0884 euro à 0,3127 euro, selon les tranches, en Polynésie. Cet écart est encore plus criant dans les îles éloignées de Tahiti. Les coûts sont tout aussi disproportionnés pour le logement, la santé, les télécommunications et les biens de consommation importés. Comme pour les mesures d'incitations fiscales, attendons les rapports d'évaluation avant de songer à remettre en question ces dispositifs !

La poursuite du développement économique de la Polynésie française dépend aussi des transferts financiers de l’État. Pour la première fois depuis 2000, l'agence internationale de notation financière Standard and Poor's a baissé en juillet dernier la note attribuée à la Polynésie française, notamment en raison des baisses de transferts financiers. De même, l'agence estime que la situation politique « entraîne un manque de visibilité financière à moyen terme » tandis que, toujours selon elle, « les appels répétés d'Oscar Temaru en faveur de l'indépendance pourraient provoquer une diminution de l'aide financière de la métropole ». L'obsession indépendantiste du président de la Polynésie française, son absence de politique de développement de même que le refus de tout dialogue et de toute concertation de son gouvernement, mais aussi la volonté du vice-président de créer de nouvelles taxes iniques ainsi que les divisions du gouvernement polynésien ont fini par liguer syndicats et patrons contre le pouvoir en place. La ministre de la santé, privée de moyens pour mieux financer le train de vie du président et du gouvernement, vient de démissionner, invoquant, « les conséquences » de cette politique « à brève échéance en termes de responsabilités humaines ». Le ministre des finances, quant à lui, n'arrive pas à boucler son budget et pour la première fois de son histoire, le budget de la caisse de prévoyance sociale est en déséquilibre, le Gouvernement n'apportant pas sa contribution de 13,5 millions.

La métropole soutient notre jeunesse avec la création du passeport mobilité et la mise en place de la continuité territoriale, promesse de la campagne présidentielle ainsi honorée. Lors d'un colloque organisé à l'Assemblée nationale en mai dernier, nos étudiants d'outre-mer ont demandé à votre représentant, Monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en compte le statut d'étudiant pour l'attribution du passeport mobilité – et pas seulement le critère de l'âge – afin d'encourager les étudiants qui entreprennent de longues études. Où en est-on ? Ils ont également souhaité que les compagnies aériennes desservant l’outre-mer accordent des tarifs préférentiels aux étudiants et pas seulement aux plus jeunes. Lors de votre venue en avril dernier, Monsieur le ministre, vous avez rencontré les étudiants. Ceux-ci ayant regretté l'absence d'aide spécifique pour le logement, vous avez alors souligné que leur demande était « légitime et acceptable ». Quelles suites sont-elles réservées à cette requête ? Enfin, j'ai déjà attiré votre attention, ainsi que celle du ministre de l'éducation nationale, sur le manque de moyens de l'Université de la Polynésie française.

Pour l’avenir de nos enfants, nous devons construire une Polynésie apaisée, prospère, tournée vers le développement économique, assurant la cohésion sociale dans le respect de nos traditions et de nos spécificités dans le cadre de la République. Je voterai ce budget parce qu'il offre des perspectives d'avenir à notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Frogier - Cette année comme les précédentes l'effort du Gouvernement en faveur de l’outre-mer est soutenu dans un contexte budgétaire pourtant difficile. Je note en particulier avec satisfaction l’augmentation des crédits destinés à la dotation de continuité territoriale et au passeport mobilité, dispositifs particulièrement utiles en Nouvelle-Calédonie. Je partage entièrement le sentiment de Didier Quentin quant au bilan encourageant des mesures dites de défiscalisation dont bénéficient les activités économiques dans nos collectivités. Je me réjouis que l'examen de ce budget n'ait pas été l'occasion de nouvelles tentatives de remettre en cause les pensions de retraite et les rémunérations des fonctionnaires de l’État outre-mer.

Il y a un an, je vous faisais part de mes inquiétudes pour le projet d'usine métallurgique de nickel dans le nord de la Nouvelle-Calédonie. Aujourd'hui, je suis plus inquiet que jamais. Le massif minier du Koniambo, l'un des derniers grands gisements de nickel encore inexploité, a été transféré le 31 décembre dernier à la société qui doit être le support juridique de la future usine. Toutefois, depuis cette date, le partenaire industriel pressenti, Falconbridge, a été absorbé par le groupe anglo-suisse XSTRATA et, à ce jour, les dirigeants de ce groupe n'ont pris aucun engagement clair. Il n'est plus possible, près de neuf ans après la signature de l'accord de Bercy, de maintenir les populations du nord et l'ensemble des Calédoniens dans une telle incertitude. Je réitère donc mon vœu, Monsieur le ministre, que l'État reprenne l'initiative dans ce dossier stratégique à dimension nationale et internationale ainsi que ma proposition visant à se tourner vers le groupe français Eramet-SLN, présent en Nouvelle-Calédonie depuis 150 ans, pour la construction de cette usine.

À cette incertitude majeure s'ajoute la dégradation continue du climat social au cours des deux dernières années. Le dialogue et la négociation entre partenaires sociaux ayant manifestement atteint leurs limites, j’ai proposé au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie que l'État prenne l'initiative de solliciter un certain nombre de personnalités calédoniennes indépendantes pour constituer une « mission du dialogue social ». Je déplore, Monsieur le ministre, que, plus d'un mois après, votre représentant n'ait pas accusé réception de mon courrier.

Enfin, devant vous qui êtes un expert en la matière, Monsieur le président, je souhaite, évoquer la question du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, qui vient d’ailleurs d’être soulevée de façon provocante, dérisoire et politicienne par M. Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde - Assumez votre attitude !

M. Pierre Frogier - Je rappelle tout d'abord que le projet de loi constitutionnelle déposé par le Gouvernement vise à interdire aux Français arrivés en Nouvelle-Calédonie postérieurement au 8 novembre 1998 de prendre part aux élections des assemblées de provinces. Contrairement à ce qui est indiqué à deux reprises dans l'exposé des motifs de ce projet, cette restriction du droit de vote ne correspond pas aux intentions des signataires de l’accord de Nouméa. Jamais le RCPR, devenu Rassemblement-UMP, n’a donné son accord à un tel dispositif. Reconnaissez au moins, Monsieur le ministre, qu’exiger aujourd’hui le gel électoral, c’est ne pas appliquer l’accord de Nouméa et, partant, modifier la Constitution, puisque les dispositions de cet accord ont été inscrites dans la loi fondamentale en juillet 1998 – par une majorité qui n’était d’ailleurs pas la nôtre – avant que, quelques mois plus tard, en 1999, le Gouvernement cherche à revenir dessus

Il est inexact par ailleurs de prétendre que le Président de la République se serait engagé sur le fond de cette affaire. Que ce soit à Paris en janvier 2002 ou en Nouvelle-Calédonie en juillet 2003, il s’est certes engagé à résoudre ce problème avant la fin de son quinquennat, mais sous réserve qu’un consensus local soit trouvé, ce qui n’a pas été le cas.

M. Jean-Christophe Lagarde - Alors, pourquoi le projet de loi qui va nous être présenté ?

M. Pierre Frogier - Si la Constitution était modifiée comme il est envisagé, des milliers d’électeurs seraient, en Nouvelle-Calédonie, définitivement privés de leur droit de vote aux élections locales. En effet, si l’accord de Nouméa a prévu son propre terme en 2018, il n’en va pas de même de la loi organique portant statut de la Nouvelle-Calédonie et des institutions qu’elle crée. Je me battrai donc jusqu’au bout contre ce qui me paraît porter atteinte à l’un des principes fondamentaux de notre République et à l’honneur de la France.

Mais je voterai avec enthousiasme le projet de budget de l’outre-mer pour 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Le devoir de réserve du président de séance est parfois difficile à respecter. J’aurai l’occasion de m’exprimer le 12 décembre prochain sur ces questions.

M. Louis-Joseph Manscour – Examinant ce dernier projet de budget pour l’outre-mer de la législature, plus qu’à une bataille de chiffres, l’heure est au bilan. Le 6 avril 2002, dans son discours de campagne présidentielle à Fort-de-France, le Président de la République présentait aux Martiniquais, et, au-delà, à l’ensemble des ultramarins, une feuille de route. Celle-ci proposait pour l’outre-mer une dynamique de croissance, une lutte accrue contre la précarité, un soutien particulier à l’emploi et un rattrapage des retards structurels. Lors de votre audition en commission le 18 octobre dernier, vous estimiez, Monsieur le ministre de l’outre-mer, que celle-ci avait été respectée. J'ai bien peur que la grande majorité des populations ultramarines ne partage pas cet avis. Dans toutes les couches de la population – allocataires de minima sociaux, chômeurs, agriculteurs, mais aussi fonctionnaires, professions libérales, chefs d'entreprise, élus eux-mêmes – chacun ne peut que constater que les promesses n'ont pas été tenues.

Ce dernier projet de budget les décevra encore. Je ne m'attarderai pas sur les chiffres car un budget, même en baisse, peut être efficace. La seule vraie question, à cette heure du bilan, est de savoir si les crédits affectés depuis cinq ans à l'outre-mer ont contribué à son développement. Je crains fort que, sur ce point, nos avis divergent.

Quelles sont vos priorités affichées ? Tout d’abord, l'emploi. Comment pourrait-il en être autrement avec un taux de chômage outre-mer trois fois supérieur à celui de la métropole ? Si les indicateurs officiels s’améliorent, je m'interroge cependant sur la nature et l'avenir des emplois marchands créés. En effet, la baisse du taux de chômage ne saurait masquer la hausse du nombre des érémistes, non plus que la crise des secteurs de l'agriculture et du tourisme, principaux pourvoyeurs d'emplois. Est-ce en ne remplaçant qu'un départ à la retraite d’un fonctionnaire sur deux et en diminuant de 5 % les moyens de la politique de l'emploi outre-mer que vous faites de celui-ci votre première priorité ? Pour 2007, 61 millions d'euros manqueront pour les mesures d'insertion par l'économique, le financement des contrats aidés, l'aide et le soutien aux jeunes créateurs d'entreprises. En Martinique, le chômage des jeunes a augmenté de 8 % entre juin 2005 et juin 2006.

Être critique ne m’empêche pas de reconnaître les actions positives de votre ministère, Monsieur le ministre, quand il y en a. Je salue ainsi la mise en place du passeport mobilité qui facilite la venue de nos jeunes en métropole pour suivre une formation. Ce dispositif a hélas connu, cette année encore, de graves dysfonctionnements et il a fallu la mobilisation des étudiants, des élus, du président du CROUS et de vous-même, Monsieur le ministre, pour que les crédits nécessaires soient débloqués. Le dispositif, à l’évidence, manque de moyens. Que dire du passeport logement, quant à lui ? Trop complexe et opaque, il trouve de toute façon ses limites dans la discrimination dont sont victimes de trop nombreux originaires des DOM-TOM à la recherche d'un logement en métropole. Pouvez-vous nous indiquer, Monsieur le ministre, le montant des crédits alloués au dispositif pour 2007 ? Je n'en ai en effet trouvé trace ni dans le projet de budget de l'outre-mer ni dans celui du logement.

Pour ce qui est de la continuité territoriale, nous redisons, comme chaque année, qu’il existe une discrimination entre l'outre-mer et la Corse. Ce n'est pas la Corse qui est avantagée mais l'outre-mer qui est déconsidéré.

Lorsque les inégalités s'accroissent sur une partie de son territoire, la France se doit de mener des politiques adaptées de rattrapage et de solidarité. Ce qui vaut pour l'emploi vaut également pour le logement. Vu la crise historique du logement social outre-mer, les 120 millions d'euros sur trois ans, dont 60 millions en 2007, promis par le Premier ministre lors de sa visite aux Antilles ne sauraient suffire. Cette somme ne servira en effet qu'à combler la dette accumulée par l'État depuis cinq ans. En effet, celle-ci s'élève à 113 millions d'euros à la fin de 2006, et les besoins de logements sociaux sont estimés à 27 000 pour l'ensemble des départements d'outre-mer. Monsieur le ministre, vous annonciez, le 17 octobre dernier, en réponse à une question d'actualité de notre collègue Juliana Rimane, que le volet logement du plan de cohésion sociale s'appliquerait outre-mer et que 120 millions d'euros seraient débloqués sur trois ans, dont 60 dès 2007. Les opérateurs du logement social souhaitent, comme moi, savoir si les 120 millions promis par le Premier ministre sont les mêmes que ceux prévus dans le plan Borloo.

La situation du logement des plus démunis exige aussi une intervention de l'État. L'ensemble des départements d'outre-mer compte près de 70 000 logements insalubres, la plupart occupés par des personnes en situation de grande précarité, notamment des personnes âgées. Ces logements doivent être réhabilités d’urgence. On imagine aisément les conséquences dramatiques qu’aurait toute catastrophe naturelle comme un cyclone ou un tremblement de terre. Alors qu’il serait urgent d’agir, les aides à l'amélioration de l'habitat ne cessent de diminuer depuis plusieurs années.

Avec la crise de l'emploi, du logement, de l'agriculture, c'est toute l'organisation socio-économique de l'outre-mer qui est mise à mal. La route tracée par le Président de la République, qui prévoyait de lutter contre la précarité, est bien cahoteuse…

Le nombre des érémistes ne cesse de s'accroître dans les départements d’outre-mer. Il dépasse les 150 000. Sur les 395 000 habitants de la Martinique, on dénombre plus de 32 000 allocataires du RMI, 9 000 chômeurs de longue durée, 4 000 bénéficiaires de l'allocation parent isolé, plus de 6 000 titulaires de l’allocation adulte handicapé, 4 000 personnes âgées dépendantes et 95 000 bénéficiaires de la CMU. Comment, devant de tels chiffres, ne pas s’étonner de la baisse sensible des crédits consacrés à l'action sanitaire et sociale dans ce projet de budget ? Comment l’expliquer alors que l'outre-mer est confronté à des problèmes particuliers de santé publique avec le paludisme, le chikungunya, la dengue, et que le nombre de porteurs du VIH et de personnes dépendantes de l’alcool et de drogues y est préoccupant ?

Élu d'une circonscription agricole, j’appelle votre attention, Monsieur le ministre, sur la nécessité d'intégrer dans la mission Outre-mer une action spécifique relative à la protection de l'environnement, qui prendrait notamment en charge l'indemnisation des agriculteurs dont les terres ont été polluées par le chlordécone.

Emploi, logement, continuité territoriale, politique sanitaire et sociale, les moyens mobilisés par le Gouvernement pour répondre aux attentes et aux besoins de l'outre-mer n'ont pas été à la hauteur des engagements pris. Les collectivités locales ont donc dû compenser les carences de l'État. On entend dire, ici et là, que l'outre-mer coûte trop cher. Pendant cinq ans, les parlementaires des DOM-TOM sont restés vigilants face aux attaques portées contre la défiscalisation et les exonérations des charges sociales, ainsi que face aux velléités d’aménagement, quand ce n’était pas de suppression, d'avantages tels que les congés bonifiés, les congés solidarité, la majoration des pensions de retraites, ou la prime de vie chère. Ceux, toujours prompts à dénoncer les prétendus « privilèges » de l’outre-mer, gagneraient à mieux le connaître. Ils mesureraient alors toutes les richesses qu'il offre à la France. L'outre-mer n’a pas à avoir de complexes. Le jour viendra où il faudra mettre sur le plateau de la balance ce qu’il apporte à la métropole, et ce que celle-ci lui apporte : on sera alors surpris de voir de quel côté penche la balance. L'outre-mer, c'est un dynamisme démographique particulier, une situation géostratégique enviée par les grandes puissances de ce monde. C’est aussi le creuset du métissage et du vivre-ensemble, des sportifs de haut niveau, des écrivains, des poètes et des musiciens qui font la fierté de la France, un creuset pour l'innovation et la recherche, une réserve environnementale pour la France, un fort potentiel de développement économique. L'outre-mer, les outre-mers devrais-je dire, c'est aussi une chance pour la France de se regarder avec fierté dans le miroir de la diversité.

Je conclus, Monsieur le ministre, par une citation : « Je ne conçois pas la France sans l'outre-mer. Je ne conçois pas notre pays sans cette richesse humaine, cette variété d'horizons, ces frontières nouvelles. Je ne conçois pas la France sans le message universel que l'outre-mer insuffle à notre République. » Ces propos sont ceux d'un homme que vous connaissez bien, Monsieur le ministre : le Président Jacques Chirac. Force est de constater qu’il n’a pas suivi la feuille de route qu’il avait lui-même tracée. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gérard Grignon - Saint-Pierre-et-Miquelon se porte mal, Monsieur le ministre. Après le séisme économique consécutif à l'échec de la France lors de l'arbitrage frontalier de New York, l'archipel est à nouveau plongé dans une crise économique et sociale paroxystique.

Jamais le moral de la population n’a été aussi bas et le doute sur l’avenir aussi grand. Vingt-deux familles ont quitté l'archipel en 2005, les commerces ferment et nombreuses sont les entreprises à la veille du dépôt de bilan. Plus de 60 % des pensionnés du secteur privé et de l'ENIM, tous au minimum vieillesse, doivent faire le choix entre se chauffer ou se nourrir, les jeunes quittent le pays ou n'y reviennent pas après de brillantes études en métropole, faute d'emplois. Le budget de la Collectivité territoriale est exsangue.

Et pourtant, Saint-Pierre-et-Miquelon ne manque pas d'atouts. Nous sommes la France et l'Europe à la porte de l'Amérique du Nord, nous sommes au cœur d'une région extrêmement riche en hydrocarbures offshore, une équipe jeune, dynamique et motivée vient de prendre les rênes de la collectivité territoriale.

Mais que peut faire cette nouvelle majorité si l'État ne lui donne pas le coup de main nécessaire et ne l'accompagne pas dans son programme de développement ? Que peut-elle faire si la France ne défend pas ses droits souverains dans la région ?

La nouvelle majorité est confrontée à deux problèmes majeurs immédiats. Tout d’abord, elle hérite d'un passif équivalent à l'ensemble des recettes fiscales propres annuelles de la collectivité, soit environ 10 millions d’euros. Dans le même temps, elle enregistre, du fait du manque d’activité, une baisse des recettes fiscales de l'ordre de 10 %, soit une perte d’environ un million. S’agissant des subventions de l'État sur la LBU, il faut observer qu'à ce jour, la collectivité territoriale n'a reçu que 115 000 euros sur les 3 850 000 euros inscrits à son budget et ne devrait recevoir en tout et pour tout que 200 000. Elle ne bénéficierait d’autre part d’aucune subvention en provenance du FIDOM. Je note enfin que la collectivité territoriale a inscrit 1,5 million d'emprunt à l'AFD et que cette somme n’est pas encore débloquée.

Fin novembre, les dépenses de la collectivité territoriale atteignent 2 820 000 euros, alors que les recettes prévisionnelles sont estimées à 1,4 million ! À cela, il faut ajouter une dette de 3 millions correspondant à un emprunt de trésorerie auprès d'une banque locale, emprunt que nous ne pouvons rembourser. Si l'aide de l'État n'intervient pas très rapidement, la collectivité territoriale sera donc bientôt en cessation de paiement et les entreprises ne pourront résister. Les perspectives de développement s’en trouveraient anéanties pour longtemps.

La nouvelle majorité a déjà fait un effort pour réduire les dépenses de fonctionnement, mais l'investissement doit absolument être maintenu, car il constitue un facteur essentiel de confiance et de dynamisme et parce qu’il procure des recettes. C'est pourquoi il est impératif qu'une subvention d'équilibre vienne couvrir le passif dont a hérité la nouvelle majorité, que soit débloqué le prêt de 1,5 million à l'AFD et qu'une avance de l'État à remboursement différé vienne combler le déficit de trésorerie afin de mettre fin aux intérêts qui grèvent le budget. Sans de telles mesures immédiates, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon se retrouvera en cessation de paiement.

Il faut aussi que l’État accompagne le développement économique de l’archipel. Pour 2007, l'investissement de la collectivité doit être soutenu à un niveau au moins égal à la moyenne des dix dernières années, afin d'enrayer la part de la dégradation due au passif hérité par la nouvelle majorité.

S'agissant de l'avenir plus lointain, nous avons demandé au Gouvernement la signature d'une convention de développement portant sur sept ou dix ans. J'en avais tracé les grandes lignes fin juillet. Le document a été étoffé en collaboration avec les services de l'État et tous les éléments sont désormais entre les mains des services compétents. Pensez-vous toujours signer cette convention avant le 15 décembre, Monsieur le ministre ?

Pour ce qui concerne la défense des droits souverains de la France, les récentes réunions d'Ottawa sont certes utiles, mais vous savez très bien que ce n'est pas dans ce cadre que les droits et les intérêts fondamentaux de notre pays seront défendus. Vous savez aussi que le Canada ne négociera que s'il y est contraint par le droit international. La meilleure preuve est qu'en 2005, le Canada a rejeté de la manière la plus ferme la simple suggestion de la France de discuter des intentions de notre pays sur le dépôt d'un dossier commun sur le plateau continental. Il est donc évident que la seule stratégie possible de la France pour défendre ses intérêts fondamentaux dans cette partie du monde est de déposer unilatéralement ce dossier, d'officialiser cette position et surtout d'annoncer le calendrier.

Je ne manquerai pas d'écouter avec intérêt, Monsieur le ministre, les réponses que vous m'apporterez sur ces différents sujets. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Christiane Taubira - Ce budget est le dernier de la législature. Je ne vous surprendrai donc pas, Monsieur le ministre, en vous disant que nous aurions attendu ce matin un bilan de l’action menée ces cinq dernières années. Cela aurait été plus intéressant que cet exercice convenu auquel nous nous livrons année après année, exercice au cours duquel on nous répète chaque année combien le Gouvernement est attaché à l’outre-mer. Cet attachement fait que le budget augmente même lorsqu’il baisse et que les efforts sont qualifiés de soutenus même lorsqu’ils ne suffisent pas à arriver au terme de l’année budgétaire.

L'outre-mer est le seul domaine pour lequel la session budgétaire n’est pas seulement un exercice politique mais aussi un acte d’amour ! Cette manie de la déclaration affective révèle la résurgence d’une vision têtue, celle de territoires qu’il faudrait assister, de populations qu’il faudrait cajoler, de catégories socioprofessionnelles qu’il faudrait amadouer, d’une classe politique sans antagonisme qu’il faudrait ménager.

Vous avez assez circulé outre-mer, Monsieur le ministre, pour savoir que des statistiques peuvent recouvrir des situations très inégales et que de bons chiffres peuvent cacher des échecs cinglants. Alors, oui, nous aurions préféré un bilan et une évaluation des difficultés de l’action publique outre-mer.

Le rapport de la Cour des comptes indique que, malgré la réforme de la LOLF, votre ministère n’a pas choisi entre une logique de gestion et une logique de mission. Son organigramme, qui n’a pas été modifié depuis que votre département n’est plus rattaché au ministère de l’intérieur et est devenu autonome, en témoigne. On y trouve en effet de nombreuses unités opérationnelles aux attributions enchevêtrées. Un tiers des agents n’appartiennent pas à une structure identifiable et de nombreux fonctionnaires sont détachés pour des périodes brèves, ce qui provoque une forte rotation des responsables.

Le fait est que sur de nombreux dossiers, on n’a pas eu le sentiment que ce ministère pesait fortement dans les arbitrages. Je pense notamment au dossier de la société minière Rexma ou à la situation très dégradée des trois hôpitaux publics de Guyane. Dans des dossiers impliquant aussi le ministère des affaires sociales et celui des finances, on ne peut pas dire que le ministère de l’outre-mer ait beaucoup pesé, ce qui n’a d’ailleurs rien à voir avec votre personne, Monsieur le ministre.

Ainsi, s’agissant des congés bonifiés, l’harmonisation entre les trois fonctions publiques se fait toujours attendre. Et que dire de la rupture d’égalité qui fait que les fonctionnaires allant servir outre-mer reçoivent des primes et indemnités, alors que les fonctionnaires d’outre-mer qui vont servir en métropole n’en reçoivent pas ? Et puisque Le Figaro a parlé du scandale des retraites dorées de l’outre-mer et qu’un collègue de l’UDF a parlé de la hausse du coût de la vie, je dirais simplement que j’aimerais que l’on prenne aussi en compte cette hausse du coût de la vie pour les ouvriers, les agriculteurs et, d’une façon générale, toutes les personnes à petit revenu.

Autre dossier transversal très important : la continuité territoriale. Vous pensez l’avoir réglé de façon satisfaisante en prévoyant 32 millions d’euros, une misère par rapport aux 600 millions d’euros prévus pour 200 000 Corses – à comparer au million de ressortissants d’outre-mer. Et vous avez du coup enterré l’annonce qu’avait faite votre collègue du tourisme d’une deuxième compagnie aérienne pour la Guyane, notamment, et d’un maintien de la concurrence et des obligations de service public pour les autres.

Avec ce système de dotations annuelles, les ressortissants de l’outre-mer sont dépendants des fonds de l’État pour leur mobilité. Malheureusement, c’est très souvent le désir de fuir une situation de marasme économique qui motive les départs, et ceux qui sont partis faire des études ou suivre une formation n’ont pas l’occasion de revenir mettre leurs compétences au service du développement local.

Cela fait au moins deux ans que l’on dit que la continuité territoriale doit être réalisée non seulement entre les collectivités d’outre-mer et la métropole, mais également entre ces territoires. J’ai, pour ma part, déposé deux amendements, dont l’un a été déclaré irrecevable. Si l’autre, issu de la proposition de loi que j’ai déposée en juillet, n’est pas adopté, je le déposerai de nouveau à l’occasion du texte DSIOM.

Notre discussion, pour utile qu’elles soit, paraît un peu vaine ; elle n’aborde pas les blocages économiques de l’outre-mer, ses contraintes liées à la concurrence des économies voisines, ses pesanteurs ou inerties dues à des situations de rente. En outre, nous n’examinons qu’un cinquième des fonds que l’État consacre à l’outre-mer. Vous connaissez trop les réalités de ces territoires pour ignorer que l’augmentation des reconduites à la frontière ne signifie nullement que la lutte contre l’immigration clandestine soit efficace : en effet, un tiers des personnes reconduites reviennent un peu plus tard. De même, la diminution apparente des chiffres de la délinquance traduit en fait le découragement des victimes, qui n’estiment même plus que cela vaille la peine de porter plainte.

Le Premier ministre a annoncé en fanfare une augmentation des crédits pour le logement social, et vous avez confirmé qu’il n’était pas question de simples transferts. Il s’agit en fait de régler les factures de l’État, qui vit à crédit sur le dos des collectivités et des bailleurs sociaux. Quand l’État paie ses dettes, il fait passer cela pour de la générosité !

Quand on ajoute les effets inflationnistes sur le foncier dus à la défiscalisation, et la baisse des autorisations de programme pour les rendre compatibles non avec les besoins, mais les crédits de paiement, on se dit que nous avons affaire à un art consommé de transformer des turpitudes en vertus. À force de complaisance, ce gouvernement finira comme Narcisse : noyé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Alfred Marie-Jeanne - Nul n’ignore que la dette de la France est obèse et que les finances publiques sont contraintes, ce dont le budget de l’outre-mer pâtit certainement. Deux milliards d’euros sont annoncés en crédits de paiement. Au regard des retards accumulés, dus au non-respect des engagements de l’État, ceux-ci auraient pu être plus importants. Pourquoi ne pas s’en tenir à une répartition des fonds par pays, pour favoriser la transparence et éviter les déconvenues ? C’est justement sur ces déconvenues que je voudrais vous interpeller, Monsieur le ministre.

En ce qui concerne, tout d’abord, le logement social, au-delà du déblocage de 120 millions d’euros sur trois ans pour l’ensemble de l’outre-mer, la question du paiement des arriérés demeure entière pour la Martinique. Les factures non honorées seraient de l’ordre de 10 millions. La dette hors résorption de l’habitat insalubre pour la fin de l’année est de 33 millions. Or, 15 000 logements sont en état d’insalubrité avancée. Les mal-logés et les petits artisans sont directement touchés.

Mille dossiers de passeport mobilité sont en attente de règlement, faute de crédits suffisants. Il s’agit d’étudiants ou de parents qui ont fait l’avance du prix des billets d’avion. La dette du CROUS envers la compagnie Air France dépasse les deux millions d’euros, et des intérêts moratoires sont réclamés.

En matière de décentralisation, le transfert des moyens ne compense pas celui des charges. Des milliers, sinon des millions d’euros, manquent. Les compensations se font au mois le mois, sans qu’il soit possible de les identifier. Or, si une situation ne se laisse pas aisément décortiquer, elle devient suspecte. Aucune dotation de transfert n’a été versée à ce jour pour les TOS, les bourses paramédicales et sociales, la valorisation des acquis de l’expérience, et le conseil régional a dû avancer 3,2 millions en attendant les dotations de 2006. La collectivité régionale est lésée ; est-ce le but recherché ?

Dans le DOCUP 2000-2006, la participation de l’État était établie à 278,71 millions d’euros. Or, au 30 septembre 2006, seuls 29 % avaient été payés. Ce retrait massif provoque des dommages en cascade. Enfin, l’État s’est complètement retiré du dossier de transport collectif en site propre, après son lancement. 38,72 millions disparaissent d’un seul coup, risquant de faire capoter le projet.

Monsieur le ministre, comment élaborer un nouveau budget si les engagements antérieurs sont passés par pertes et profits ? Est-ce une main invisible et innocente qui a procédé à ces coupes sombres ? Tenir ses engagements serait suffisamment honorable pour que nous n’en demandions pas davantage.

Devant tant d’imprévus, il serait opportun de pérenniser la taxe d’embarquement, qui expire le 31 décembre 2006. En outre, les recettes de l’octroi de mer étant menacées – un malheur ne vient jamais seul ! –, j’ai déposé une proposition de loi visant à améliorer ce dispositif, afin de préserver les ressources des collectivités et de colmater une brèche juridique qui permet actuellement à une entreprise qui aurait déjà répercuté le produit de la taxe sur le consommateur final d’en solliciter le remboursement.

Enfin, l’obtention d’un visa pour séjourner en Martinique représente une entrave considérable au tourisme et à la coopération régionale.

Vous transférez les charges totalement et crescendo, les moyens tardivement et diminuendo, tout en conservant le pouvoir essentiel, alors que son transfert est indissociable du mouvement général pour une meilleure prise en compte de ces situations préjudiciables. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

Mme Gabrielle Louis-Carabin - Notre budget vient au terme d'une législature qui a posé les jalons d'une dynamique nouvelle pour les régions ultramarines : celle de l'action pragmatique, du courage et de la détermination. En rupture avec la législature précédente, la majorité et le Gouvernement se sont donné les moyens de surmonter les fragilités économiques et sociales de nos régions. Dans un contexte budgétaire contraint, et eu égard à la nécessité de corriger les erreurs passées, en particulier la sous-consommation des crédits, il faut saluer l'effort de l'État en faveur de l'outre-mer : depuis 2004, il est passé de 7,8 à 15 milliards d’euros.

Il ne s'agit pas de séduire un électorat ou de gérer au gré de crises ou de demandes, mais de se fixer des objectifs pragmatiques pour favoriser le développement économique et social. Les engagements ont été tenus, et les résultats sont au rendez-vous : la majorité a donné un contenu à la continuité territoriale, avec le passeport mobilité, qui ouvre de nouveaux horizons aux jeunes en formation, et avec la dotation de continuité territoriale, qui a le mérité d'exister. Les effets de la loi de programme pour l'outre-mer commencent à se faire sentir, avec l’amélioration de la situation de l'emploi, même si le chômage touche encore notre jeunesse, en raison du dynamisme démographique des DOM, qui amène chaque année un nombre important de jeunes sur le marché du travail.

Dans le secteur marchand, l’emploi salarié a ainsi augmenté de 2,2 % en 2005 et, après une baisse de 2,1 % en 2004 et de 7,6 % en 2003, le nombre de demandeurs d’emplois en fin de mois a diminué de 2,6 % outre-mer.

En attendant les conclusions officielles de la commission d’évaluation, je voudrais souligner le succès du SMA, service militaire adapté, qui offre aux jeunes une formation professionnelle dans un cadre militaire. La réussite est telle – 72 % des jeunes concernés devraient être intégrés dans la vie professionnelle en 2007 – que l’expérience ultramarine sert d’exemple en métropole !

Des progrès significatifs ont également été enregistrés dans la lutte contre l’immigration clandestine : l’outre-mer figure en bonne place dans la récente loi sur l’immigration, qu’il s’agisse de la maîtrise des flux, de la reconduite immédiate aux frontières ou des demandes d’asile. Nous sommes passés du laxisme à une politique active ! Grâce aux nouveaux instruments juridiques, l’immigration sera donc mieux contrôlée, comme l’a déjà montré l’augmentation de 14,4 % des mesures d’éloignements dans les départements d’outre-mer en 2005.

Afin d’intensifier la lutte contre l’immigration clandestine, nous avons toutefois besoin de moyens humains et matériels supplémentaires. Il me semble également urgent de conforter les actions de coopération déjà entreprises afin d’aider dans leur développement les principaux pays d’où sont originaires les immigrés clandestins.

J’en viens au soutien financier de l’État aux collectivités locales. L’effort s’est effectivement accru : ressource notable des collectivités locales, l’octroi de mer a été préservé et modernisé ; nous avons par ailleurs bénéficié d’une progression de la DGF plus dynamique qu’en métropole.

S’agissant de l’agriculture, des mesures de soutien ont été prises, notamment en faveur de la banane et de la canne à sucre. N’oublions pas toutefois que de graves menaces pèsent sur cette dernière filière, puisque le prix du sucre devrait diminuer de 36 % d’ici à 2009 ! Dans ma circonscription, L’usine Garder, dernière sucrerie de la Guadeloupe continentale souhaiterait ainsi obtenir une subvention exceptionnelle pour moderniser son outil industriel. Face aux problèmes que devraient bientôt rencontrer les filières de la banane et du sucre, nous devons aussi favoriser la diversification, faute de quoi le secteur agricole guadeloupéen risquerait d’être le grand perdant d’une concurrence internationale exacerbée !

Conformément aux engagements du Président de la République, nous débattrons également, dans quelques semaines, du changement institutionnel à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.

Autre sujet sensible : l’insécurité en Guadeloupe. Elle a certes baissé de 2,7 % dans les DOM, mais la population n’en ressent guère les effets : les faits de délinquance augmentent, tandis que les vols avec violences et les violences sexuelles restent plus élevés qu’en métropole. Les chiffres importent, mais il faut que nous maîtrisions les atteintes aux biens et celles à l’intégrité physique ! Quelles mesures l’État entend-il prendre pour consolider l’État de droit en Guadeloupe ?

La gestion et le traitement des ordures ménagères ont par ailleurs pris du retard dans notre région. Ce sont pourtant des sujets d’importance pour l’environnement ! Les élus, en particulier ceux de ma circonscription, ont besoin d’un accompagnement de l’État dans leurs efforts de mise aux normes, notamment pour le transport des déchets ou les taxes imposées par la douane du fait de la pollution.

Le Premier ministre a annoncé que l’outre-mer bénéficiera d’une rallonge budgétaire pour accélérer la relance du logement social, mais la pression reste considérable dans ce domaine. Comme en métropole, des efforts considérables sont nécessaires !

Il est essentiel d’aller plus loin encore en favorisant le développement économique et social de l’outre-mer, au plus près des réalités locales ! Durant cette législature, la volonté politique et la volonté économique ont déjà porté leur fruits, et l’outre-mer est aujourd’hui mieux connu et mieux compris. Je constate d’ailleurs que nous votons depuis deux ans ce budget le matin, c’est-à-dire à une heure d’écoute outre-mer. C’est un effort louable, et je salue tous les élus métropolitains présents !

Pour toutes ces raisons, je renouvelle ma confiance en votre action, Monsieur le ministre, en votant ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Juliana Rimane - L’heure est presque au bilan. L’écoute et l’intérêt pour l’outre-mer n’ont jamais été aussi grands, grâce au Président de la République, dont chacun connaît le profond attachement à nos régions lointaines, mais aussi grâce aux gouvernements successifs, qui ont su se montrer sensibles à nos collectivités ultramarines.

Comme les années précédentes, la stabilisation, et même la légère hausse des crédits de cette mission, traduit une volonté politique réelle de donner à l’outre-mer les moyens d’assurer durablement son développement. Bien des avancées ont marqué cette législature : réforme constitutionnelle permettant de reconnaître les spécificités ultramarines, consolidation des exonérations de charges sociales et défiscalisation ; passeport-mobilité ; dotation de continuité territoriale, que seule la région Guyane a refusé de gérer, malgré les attentes de la population.

En faveur de la seule Guyane, département d’outre-mer affecté par les pires difficultés, vous avez prévu un plan d’urgence, une dotation quatre fois supérieure à la moyenne nationale par habitant dans les contrats de projets 2007-2013, un pôle d’excellence rurale pour préserver l’Est de notre région, ainsi qu’un pôle universitaire.

En dépit de cette volonté politique et de l’implication croissante des services de l’État, les moyens financiers ne sont pas à la hauteur. C’est que nos collectivités viennent de loin : leurs handicaps structurels lourds nécessitent des réponses exceptionnelles et adaptées. Dès ma première intervention sur ce budget, j’avais souligné les retards considérables de la Guyane en infrastructures et en équipement de base par rapport à la métropole, mais aussi par rapport aux autres DOM, ainsi que les disparités criantes entre la zone côtière et les communes isolées de l’intérieur. Les moyens consentis ont, hélas, été insuffisants, notamment du fait de la croissance naturelle de la population et du flux migratoire clandestin. Il faut encore faire plusieurs heures de pirogue pour effectuer des démarches administratives et de nombreux ménages ne disposent toujours pas de l’eau potable, de l’électricité ni du téléphone !

Non seulement la présence massive d’étrangers accroît les problèmes de sous-équipements, mais elle est aussi responsable des difficultés budgétaires de nombreux services publics : la prise en charge des étrangers au titre des « soins urgents » coûte ainsi 43 millions d’euros en France, dont 14 dans les trois établissements hospitaliers de Guyane. Envisagez-vous une dotation exceptionnelle pour y faire face, Monsieur le ministre ?

Malgré certaines tentatives pour accroître le volume des dotations aux collectivités locales et les rendre plus justes, les moyens alloués restent insuffisants. La fragilité de la situation financière des collectivités guyanaises agit pourtant comme un frein sur leurs investissements en faveur des populations. Cette fragilité est accentuée par l’absence de compensation par l’État des charges résultant du transfert des compétences : la dette cumulée en deux ans par le département au titre du RMI dépasse 25 millions, tandis que le financement du transport scolaire fluvial s’élève à 1,7 million. Quelles solutions proposez-vous, Monsieur le ministre ?

Je reconnais en revanche l’action du Gouvernement contre l’insécurité et l’immigration clandestine – renforcement des effectifs, adaptation de la législation aux situations locales, coopération entre l’armée et la police, promotion des accords avec les pays voisins. Malgré cela, l’insécurité ronge la Guyane : le sentiment de peur se répand et l’exaspération s’accroît face à l’explosion des actes de violence – pétitions, manifestations et opérations « villes mortes » se multiplient. Excédés par les vols et les agressions, les commerçants de Kourou ont récemment fermé boutique pour manifester. Quelles réponses leur apporterez-vous, Monsieur le ministre ?

S’agissant du logement, je me réjouis de l’affectation de 120 millions supplémentaires et de l’application à l’outre-mer du plan Borloo. Je rappelle toutefois qu’au manque de logement et au mauvais état du parc immobilier s’ajoute en Guyane le problème sensible des occupations illicites et des constructions en toute illégalité sur les domaines publics et privés. Aiderez-vous les autorités locales à lutter contre ce fléau ?

Un mot enfin sur le développement économique, qui passe par le soutien à certains secteurs porteurs, comme la pêche. Je souhaiterais que l’on n’oublie pas l’importance de cette filière dans mon département lors de la répartition de l’enveloppe communautaire. Le secteur des biocarburants, très développé au Brésil, mériterait également des mesures particulières ? Quelles sont vos intentions ?

Beaucoup a été fait en Guyane, territoire grand comme le Portugal et longtemps laissé à l’abandon. Tout reste pourtant à faire dans tous les secteurs que je viens d’évoquer, mais aussi en matière éducative, sanitaire et culturelle. Je ne doute pas que le Gouvernement aura à cœur d’intensifier son action en faveur de la Guyane et de l’outre-mer en général. Ce projet de budget en atteste. C’est pourquoi je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christophe Payet – Ce budget ne présente pas de hausse notable. Qu’il soit en légère hausse ou en légère baisse, peu importe, car les variations de telle ou telle ligne de crédits ne changeront rien à la persistance de nos problèmes, rappelés année après année à cette tribune.

Nous nous contenterons donc de poser en toute objectivité le diagnostic d'une réalité marquée par quelques avancées, mais aussi par des stagnations, voire des reculs dans bien des domaines.

La situation de l’emploi à la Réunion s’est améliorée, notamment dans le secteur du BTP, qui affiche un nombre record de plus de 21 000 emplois. Cette singularité s'explique à la fois par les effets de la défiscalisation sur ce secteur et par la politique volontariste de la Région en faveur des grands chantiers. Les effets bénéfiques du chantier de la route des Tamarins sur l'emploi, au-delà même du secteur du BTP, sont indéniables. Très attendue par la population de l'ouest et du sud, cette route contribuera au développement des Hauts comme à la structuration et au rééquilibrage de notre territoire. Nous espérons qu’elle sera complétée par le tram-train. Le Gouvernement est-il prêt à soutenir ces efforts, au moment où s’engagent les discussions sur le contrat de projet État-région et sur les programmes européens ?

Nous avons également su tirer le meilleur parti des mesures en faveur de la défiscalisation des énergies renouvelables. Le dynamisme des entreprises, notamment dans le secteur de l'énergie solaire, est exemplaire : chaque année, nous installons à la Réunion autant – sinon plus – de panneaux solaires que dans toute la France.

Dans le cadre de l’évaluation de la loi de programme et du dispositif de défiscalisation, il importe d’étendre le champ de celui-ci au secteur de la recherche, en cohérence avec la valorisation des pôles d'excellence. S'agissant des charges sociales, il convient de consolider l'exonération pour le transport aérien, qui est le secteur où le taux de création d'emplois a été le plus élevé. Dans cette évaluation de la loi de programme, la logique de progrès doit primer. Nous nous opposerons donc à toute mesure tendant à faire participer l'outre-mer à la réduction des dépenses publiques au-delà de ses possibilités. Nos régions ont au contraire besoin d'une politique de rattrapage dans tous les secteurs. À ceux qui perçoivent l'outre-mer à travers le prisme réducteur du « combien ça coûte », répliquons sans faiblir que les investissements outre-mer participent au rayonnement de la nation tout entière. S’agissant des propositions de l'Inspection générale des finances sur la réforme des régimes spéciaux des retraites versées outre-mer, nous estimons qu’il n'y pas de sujet tabou : tout doit être mis sur la table, mais dans la transparence et la concertation.

Les effets de la défiscalisation sur le logement sont contrastés. Elle doit donc s’accompagner de mesures palliant les effets pervers et les distorsions qu’elle crée. Jamais la pression sur le foncier et la spéculation n'ont été si fortes ; jamais l'offre de logements sociaux n'a été si faible ; jamais les plus démunis et les classes intermédiaires n'ont eu autant de difficulté à se loger.

Le Gouvernement entend faire bénéficier le logement social de la défiscalisation. Il importe d'engager au plus vite les discussions avec les opérateurs, les bailleurs sociaux et les élus. Mais il faut aller plus loin : les annonces du Premier ministre aux Antilles ne répondent que partiellement aux propositions des acteurs du logement…

M. Éric Jalton - Très bien !

M. Christophe Payet - …portées notamment, à la Réunion, par l'ARMOS. Ces propositions sont soutenues par les élus. Il est plus que temps de les concrétiser.

Le constat de l'aggravation des inégalités et de l'exclusion à la Réunion est largement partagé, au-delà des appartenances politiques. C’est d’ailleurs celui que dresse la délégation du Sénat qui a été chargée, sous la présidence du sénateur UMP Alain Gournac, de se pencher sur la situation sociale à la Réunion. En 2004, le nombre de érémistes a augmenté de 7,7 %. Près de 200 000 des 775 000 habitants de l’île sont aujourd’hui tributaires du RMI, et près de la moitié de la population relève de la CMU. Quand 2,4 % de la population vit du RMI en France métropolitaine, c'est 10 % à la Réunion ; quand 8 % des ménages bénéficient des minima sociaux, c'est 37 %. Un tiers de la population réunionnaise est privé d'emploi, et 42 % des ménages comptent au moins un chômeur. Telle est la réalité de notre île, qui demeure l'une des sociétés les plus fracturées et les plus inégalitaires de la République.

Il est insupportable qu’en dépit de la baisse du taux de chômage, qui serait passé sous la barre des 30 %, la Réunion détienne toujours le record en la matière. Le nombre de érémistes a augmenté de 3 000 par an depuis 2000, passant de 60 000 à plus de 75 000 en 2005. Après la suppression des CES, CIA et contrats emplois-jeunes, le Gouvernement a transféré avec les nouveaux contrats – CAE, contrats d’avenir – de nouvelles charges financières sur des collectivités locales déjà exsangues. Nous demandons à nouveau la création d'un Centre de préparation aux métiers de l'administration, afin d'offrir à notre jeunesse diplômée au chômage de réelles chances de s'insérer dans le monde du travail.

Nous l'avions dit au moment de la discussion de la loi de programme, la structure démographique de notre société oblige au volontarisme dans le champ de l'économie sociale. L'économie marchande ne suffit pas à offrir une perspective durable d'insertion aux milliers de jeunes privés d'emplois ou arrivant sur le marché de l'emploi.

Tout cela participe à la détérioration du pouvoir d'achat des Réunionnais. Il s'agit là d'une question complexe, compte tenu de la structure des salaires et de l’opacité des mécanismes de formation des prix. L’article 75 de la loi d'orientation avait prévu la création d'un observatoire des prix et des revenus, mais le décret d'application n'a toujours pas été pris. Avez-vous l'intention de le prendre, Monsieur le ministre ?

J’évoquerai enfin la question agricole. La réforme de l'OCM sucre accorde un sursis aux planteurs de canne, qui bénéficieront de compensations jusqu'en 2013. La convention usiniers-planteurs revêt une dimension décisive pour les producteurs. La substitution projetée d'un prix de référence à l'actuel prix d'intervention suscite bien des inquiétudes. Nous vous demandons donc d’être particulièrement vigilant.

En dépit de quelques avancées, ce budget n'est pas de nature à opérer un changement d'échelle pour engager l'outre-mer sur la voie d'un vrai développement et atténuer les effets du chômage. Nous ne pourrons donc l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Béatrice Vernaudon - En janvier 1996 a eu lieu à Mururoa le dernier des 193 essais nucléaires qui s'étaient déroulés sur plus de trente ans en Polynésie française, entraînant notre collectivité dans une mutation économique, sociale et culturelle extrêmement rapide.

Durant les huit ans qui ont suivi, la Polynésie a connu une période de stabilité qui lui a permis, avec l'aide de la solidarité nationale, de développer ses ressources propres, de rééquilibrer le développement en faveur des archipels et de renforcer la cohésion sociale.

En janvier 2004, une nouvelle loi organique est venue renforcer le statut d'autonomie. Après sa promulgation, le Président de la République a accédé à la demande des autorités locales de dissoudre l'Assemblée de Polynésie. La nouvelle majorité issue des élections a porté à la présidence de la Polynésie M. Oscar Temaru, leader du mouvement indépendantiste. Dans son discours d'investiture, celui-ci a reconnu que la population n'avait pas voulu remettre en cause la situation institutionnelle de la Polynésie, mais seulement instaurer un autre mode de gouvernance – meilleure utilisation des fonds publics, décentralisation, répartition équitable des richesses, protection de l'environnement, préservation de l'identité et de la culture polynésiennes. Par la suite, il a réorienté son action vers un processus d'accession à l'indépendance. Or les sondages confirment que 75 % de la population ne souhaite pas cette évolution et ne se reconnaît pas dans les déclarations de son Président.

Le dialogue avec le gouvernement central est pour ainsi dire rompu, la majorité à l'assemblée de Polynésie est menacée, et le climat social se dégrade. Je salue à ce propos le sang-froid et le professionnalisme dont a fait preuve Mme le Haut-commissaire lors des événements de Papeete, en obtenant le déblocage de la ville par la négociation et celui des institutions par un recours ferme et mesuré à la force publique.

L'absence de stabilité dans laquelle s'installe la Polynésie trouve son origine dans le changement de mode de scrutin introduit dans notre statut de 2004, qui a favorisé à l'extrême les deux principaux partis. L'ensemble des partis politiques et la population étaient pourtant favorables à la suppression de la prime majoritaire.

Ce n'est pas une motion de censure qui ramènera la sérénité en Polynésie, mais un processus démocratique. Les prochaines élections à l'assemblée de la Polynésie auront lieu en 2009. Il faut supprimer cette prime majoritaire d’ici-là : c'est l'objet de la proposition de loi que j'ai déposée le 17 octobre. Je souhaiterais savoir si, comme le prévoit notre statut, cette proposition de loi sera transmise à l’assemblée de Polynésie en vue de recueillir son avis.

La Polynésie a d'autant plus besoin de retrouver la sérénité que les secteurs les plus porteurs de l'économie locale donnent des signes encourageants : le tourisme se développe et la perle noire de Tahiti connaît un nouvel essor grâce aux efforts accomplis pour en promouvoir la qualité. Nous le devons aux effets favorables des mesures de défiscalisation et de la création de la dotation globale de développement économique. La dispersion de l’archipel commande cependant de ne pas relâcher l’effort et ces bons résultats ne justifient pas l’abandon de la politique contractuelle entre la Polynésie et l'État.

En effet, pour des raisons que je ne m'explique pas, la Polynésie française se trouve la seule collectivité de la République exclue des engagements pluriannuels. C’est pourtant bien le contrat de développement pour la période 1994-2004 qui a permis les avancées dont nous nous félicitons aujourd’hui en matière de croissance économique, de logement et de créations d’établissements scolaires – notamment des internats.

Ainsi, bien que le logement social soit une priorité du plan de cohésion sociale, nous devons nous contenter aujourd'hui de montages provisoires et aléatoires, d'une défiscalisation complexe et sans vision à moyen terme.

Cette situation ne permet pas aux 7 000 familles qui attendent un toit pour mener une vie familiale décente de garder espoir et elle empêche de poursuivre les programmes de résorption de l’habitat insalubre dans l'agglomération de Papeete. Par ailleurs la politique de défiscalisation ne débouche pas sur des loyers compatibles avec les revenus des ménages modestes. Aussi, je vous demande, Monsieur le ministre, de considérer ce secteur comme prioritaire et de me préciser les moyens qui pourraient être facilement déployés à son profit.

L'éducation et la formation de notre jeunesse constituent un enjeu fondamental ; dans ce domaine, le transfert des compétences devait s'accompagner d'un transfert des moyens. La détermination de notre ministre de l'éducation et la qualité du dialogue entretenu avec ses services laissent espérer que le retard pris dans la mise à disposition des crédits d'État devrait être en partie comblé dès cette année. Merci, Monsieur le ministre de nous confirmer l'effort qui a été décidé par le Gouvernement sur ce sujet.

En ce qui concerne les étudiants, je rejoins mon collègue Buillard pour demander l’extension à la Polynésie de l'allocation logement. Vous aviez annoncé cette mesure lors de votre venue et nos jeunes s’en sont réjoui. Ils souhaitent à présent que les autorités trouvent rapidement un terrain d'entente pour la concrétiser.

Le temps me manque pour aborder les autres points du budget que nous allons adopter. Mais, je tiens à saluer le travail qui a été engagé pour donner enfin à nos communes une situation d'autonomie comparable à celles de métropole.

M. Jean-Christophe Lagarde - Très bien !

Mme Béatrice Vernaudon – Vos efforts pour adapter le statut communal dans le code général des collectivités territoriales méritent d’être salués.

Enfin, les exercices organisés récemment par le Haut-commissariat ont mis en évidence, une fois encore, la grande vulnérabilité de nos îles aux catastrophes naturelles. Nous souhaitons par conséquent que la prévention soit développée et que des mesures de protection des populations soient prévues.

Pour conclure, je ne voudrais pas manquer, Monsieur le ministre, de vous remercier d'avoir accédé à la demande des élus polynésiens de visiter chacun des cinq archipels en vous rendant dans notre collectivité au mois de mars dernier. Cette démarche, vos qualités d'écoute, de dialogue et de neutralité républicaine ont rassuré les polynésiens et confirmé la volonté de l'État d'exercer pleinement ses prérogatives. Au-delà, elle marque votre détermination à garantir aux polynésiens les mêmes droits que les citoyens français, parmi lesquels, en priorité, le droit à une éducation de qualité et le droit à un logement. Tout en attendant de votre part des garanties tangibles dans ces deux domaines, je voterai sans aucune réserve votre projet de budget pour 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. René-Paul Victoria – Je salue la présence, dans les tribunes, de représentants de la ville de Saint-Denis-de-la-Réunion. Nombre d’entre eux découvrent ce matin l'Assemblée nationale, après s’être rendus au Parlement européen.

Au moment de se prononcer sur le dernier projet de loi de finances de la législature, je remercie chaleureusement le président Jean-Louis Debré pour la place importante qu'il a accordée, au sein de notre assemblée, à tous les territoires de la France du grand large, au cours de son mandat. Notre président a su prendre toute la mesure de l'attention que l'outre-mer porte à la nation, et, inversement, de l’affection de la nation pour l'outre-mer, dont les territoires sont d'excellents ambassadeurs de la France dans le monde.

Je salue aussi nos collègues métropolitains qui, chaque année, participent avec beaucoup de passion à la discussion sur le budget de l'outre-mer. Il est capital que l'ensemble de la représentation parlementaire nationale fasse valoir ses idées et défende ses propositions quant à l'évolution de nos régions, départements, territoires et collectivités.

Nous voilà donc à l'heure du bilan. Qu'est-ce qui a changé en outre-mer au cours des cinq dernières années ? Quels sont les points positifs et les lacunes de notre action ? Au préalable, il convient de rappeler les quelques données intangibles qui caractérisent La Réunion : nous sommes situés à 12 000 km de la métropole, dans une problématique îlienne, avec une démographie dynamique – 32 % de la population ayant moins de 18 ans – et une diversité culturelle liée à notre histoire.

En matière de rattrapage structurel, grâce aux actions engagées par le Gouvernement et avec le soutien du Parlement, nous avons beaucoup progressé. Néanmoins, des difficultés perdurent, notamment pour ce qui concerne le réseau routier. La forte augmentation du parc automobile de la Réunion a aggravé les contraintes qui pèsent sur plusieurs axes routiers importants. Ainsi, la traversée de Saint-Denis continue de poser problème. La route du littoral, connue pour être très dangereuse, doit être totalement restructurée et la concertation a du reste permis de dégager une solution raisonnable et pérenne à ce sujet. Aujourd'hui, les Réunionnais ne veulent plus attendre : il importe que les travaux démarrent le plus rapidement possible. Le projet de tram-train, mis en œuvre par la région, devrait constituer une alternative complémentaire.

S’agissant de la continuité territoriale, nous avons amorcé un véritable projet. Dans le budget 2007, les crédits progressent de plus 9 % pour atteindre 57,5 millions en autorisations d'engagement. Nous rencontrons cependant toujours quelques difficultés. Ainsi, le coût des transports reste un handicap, tant pour la population que pour l'économie réunionnaise. En dépit des dispositifs de prise en charge, les étudiants issus de familles à faibles ressources ont encore du mal à aller étudier en métropole. De même, nous n'avons toujours pas de réponse appropriée pour les transports à caractère sanitaire, dont les coûts élevés privent souvent les enfants malades de la présence pourtant indispensables de leurs parents. Il en est de même pour les rapatriements en cas de décès. Enfin, la continuité territoriale doit aussi s'appliquer aux matières premières et aux technologies de l'information et de la communication. À la Réunion, comme dans les autres DOM, les coûts d'accès à l'Internet sont bien plus élevés qu'en métropole sans que rien ne le justifie.

Dans le domaine social, c'est grâce au Gouvernement qu'une solution a pu être trouvée pour les milliers de personnes âgées, oubliées par les socialistes, qui ne pouvaient prétendre à la part complémentaire de la CMU. Il est aujourd’hui indispensable d'élargir le périmètre d'attribution de la CMU, de sorte que l'ensemble de notre population soit couverte au titre du risque maladie.

Cette solidarité sociale s'est également exprimée à l'occasion de la grave crise sanitaire qui a frappé La Réunion, il y a un an exactement, avec le virus du Chikungunya. Dans ces moments difficiles, des milliers de familles réunionnaises ont pu compter sur le soutien humain et financier de l'État pour combattre la maladie et, surtout, prévenir une reprise de l'épidémie. À l'avenir, par un renforcement de la veille sanitaire, nous devrons opposer la même capacité de réaction face aux maladies émergentes, en liaison, bien sûr, avec les pays de la zone océan Indien.

Concernant l'emploi, il y a cinq ans, certaines Cassandre, reprochaient , dans cette même assemblée, au Gouvernement d'organiser une prétendue casse sociale outre-mer. Avec le recul, non seulement la catastrophe annoncée n'a pas eu lieu, mais nous avons même enregistré un sérieux progrès. À la Réunion, le chômage est en net repli, grâce aux mesures de la loi de programme de 2003 et aux efforts constants de l'État en faveur des emplois aidés et des solutions d'insertion.

Je souhaite, Monsieur le ministre, que ces efforts soient maintenus pour les exonérations de charges sociales et les possibilités de défiscalisation des entreprises qui créent de la valeur ajoutée et des emplois. Je réitère, en outre, ma demande, restée sans réponse, que le dispositif du congé de solidarité soit poursuivi au-delà de cette année, dans la mesure où il a permis d’améliorer la situation de l'emploi. En effet, 3 000 jeunes ont pu être embauchés grâce à ce dispositif. Mais le chantier de l'emploi reste encore très exigeant, avec un taux de chômage trois fois supérieur à la moyenne nationale.

Enfin, vous connaissez, Monsieur le ministre, la problématique des personnels non titulaires des collectivités territoriales. À Saint-Denis, plus de 1 800 agents attendent leur titularisation, et la commune ne peut pas assumer seule ces charges supplémentaires.

La question du logement – et surtout du logement social – demeure une grande préoccupation pour la Réunion. Certes, le Premier ministre a annoncé lors de sa récente visite aux Antilles un dégel conséquent des crédits de la ligne budgétaire unique, lequel effacerait partiellement la dette accumulée au cours des dernières années. Néanmoins, nous devons rester vigilants en raison de plusieurs contraintes : la demande des Réunionnais en logements reste élevée et le coût du foncier demeure prohibitif, malgré le dispositif FRAFU.

En cinq ans, nous avons apporté de l'espoir aux familles et aux jeunes. Nous n'avons pas à rougir de notre bilan. Au contraire, nous souhaitons que toutes les énergies soient mobilisées, tant au plan local que national, pour surmonter les difficultés qui demeurent. La représentation nationale a su, au cours des cinq années écoulées, manifester le plus grand intérêt pour le développement de nos régions d'outre-mer, et nous ne doutons pas de son engagement pour l'avenir.

Je voterai votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Edmond-Mariette - En politique, l’exigence de transparence et de vérité s’impose à nous plus que jamais. L’examen de ce dernier budget de la législature nous donne l’occasion de dresser un bilan de l’action menée. Je le ferai, en m’efforçant de respecter la règle d’opposition constructive à laquelle je m’astreins.

Aussi dois-je reconnaître certaines avancées, qu’il s’agisse de la continuité territoriale, de la réforme de l’octroi de mer, ou, dans une certaine mesure, du débat institutionnel. Mais il faut bien admettre que budget après budget, nous butons sur la mentalité de certains élus, de droite comme de gauche, qui appréhendent mal l’outre-mer en ne posant qu’une question – combien ça coûte ? – alors que les vraies questions devraient être : quel partage, quelles responsabilités ? L’examen de ce budget n'a de sens qu’en le comparant aux précédents. Je n'oublie pas en l’occurrence nos combats incessants contre les graves manquements dans leur exécution. En effet, comment nommer autrement les désordres liés à la mis en place du passeport « mobilité » et le scandale du logement social, peut être heureusement en sursis si l’on en croit M. le Premier ministre ? Je sais, Monsieur le ministre, que vous vouliez tenir parole mais les détenteurs du cordon de la bourse, à Bercy, conjuguent arithmétique et politique au détriment de nos régions. J’espère que pour 2007 la transparence sera de mise.

La continuité territoriale est insuffisante. Le développement du passeport « mobilité » a été gelé et c’est d’autant plus intolérable que la mission première des CROUS – le soutien aux étudiants ultramarins – a ainsi été mise en péril. En outre, si le logement social est une priorité, que l’on ne joue plus alors entre AE et CP au point de créer un tel désordre que la parole même de l'État est décrédibilisée ! Il convient que la conférence nationale pour le logement social outre-mer soit préparée avec tous, en fixant d'ores et déjà un calendrier clair et précis pour éviter un nouveau cérémonial technique et politique d’autant plus médiatisé que nous serons à la veille d'échéances politiques majeures. De même, un autre volet du programme logement, celui qui touche à la zone dite des 50 pas géométriques, doit être revu et complété afin que les plus déshérités puissent obtenir un titre de propriété et le transmettre. De surcroît, les défaillances de l'État sont nombreuses en matière de prévention et d’environnement. Concernant le chlordécone à la Martinique et en Guadeloupe et malgré les affirmations de M. le ministre de l'agriculture, aucune indemnisation ni aide à la reconversion n'ont été versées aux professionnels.

Quelle sincérité budgétaire, s’agissant de l’emploi, quand la fiabilité des statistiques du Gouvernement sur la baisse du chômage ne tiennent pas compte des chômeurs ultramarins estimés à 200 000 ? J’ajoute que la pauvreté touche 12 % des ménages à la Martinique, 13 % en Guadeloupe et 21 % en Guyane. Je demande donc une prolongation de deux ans du dispositif dit de congé solidarité créé par l'article 15 de la LOOM et repris par la LOPOM. À la Martinique, plus de 18 000 personnes de plus de 55 ans pourraient en bénéficier. Dans les fichiers de I'ANPE, plus de 15 000 jeunes de moins de 30 ans pourraient les remplacer au travail. Avec quel argent ? Celui du FEDOM et de la TVA prélevée outre-mer ! Ce dispositif en faveur d’une vraie justice sociale pourrait être étendu aux jeunes de moins de 30 ans et aux personnes handicapées.

Comment peut-on accepter que des dispositions votées par le législateur ne soient pas totalement appliquées par Bercy ? Le comble est atteint quand l’agrément est refusé à une entreprise ultramarine déficitaire qui exposerait donc les investisseurs à un trop grand risque, mais également à une entreprise dont la situation financière est saine. Pouvez-vous demander à M. le ministre du budget de fournir la liste des dossiers soumis à agrément afin de permettre à la représentation nationale d'outre-mer de connaître les critères de détermination de la base défiscalisable ? Peut-on par exemple s'assurer que dans le transport aérien, des avions financés par ce dispositif ne seront exploités que sur les destinations des départements d'outre-mer ?

Concernant le programme Intégration et valorisation, je souligne que l'objectif d'optimisation de l'aide aux victimes et aux collectivités touchées par les catastrophes naturelles doit être maintenu et même amplifié car un grave danger menace la couverture du risque catastrophes naturelles dans les DOM en raison des nouveaux accords des professionnels de l'assurance et de la caisse centrale de réassurance étendus aux DOM. 

Il y a très longtemps, une grande partie des richesses françaises provenait de nos sols et de nos sous-sols. Outre qu’elles ne sont pas toutes taries, nous en avons dans nos têtes et notre jeunesse en regorge ! Face aux attaques contre les congés bonifiés, les retraites, le complément de vie chère, nous devons être conscients que nous devrons ouvrir ensemble les premières pages du livre blanc sur l'apport de ces régions à la France. J’aimerais l'intituler : Du profit colonial au partage équitable dans une République diverse et plurielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 13 heures 10.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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