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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du jeudi 16 novembre 2006

Séance de 9 heures 30
25ème jour de séance, 53ème séance

Présidence de M. Yves Bur
Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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loi de finances pour 2007 -seconde partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007.

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justice

M. le Président – La discussion des crédits de cette mission a eu lieu à titre principal en commission élargie.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice  Voilà cinq ans que la justice est entrée dans une ère nouvelle, la représentation nationale s’étant engagée à renforcer notablement les fonctions régaliennes de l’État, et celle-ci en particulier. Le budget de la justice a de fait été augmenté de près de 1,8 milliard, et de 38 %, au cours de la présente législature. En 2007, la croissance sera encore de 5 %, après avoir été de 4 % en 2005 et de 4,6 % en 2006. Les crédits s’élèvent à 6 271 millions, soit 2,34 % de l’ensemble du budget de l’État, contre 1,69 % en 2002. Ils permettront de respecter un triple engagement.

Le premier est celui de la modernisation. La justice devait responsabiliser ses acteurs de manière à mieux maîtriser les frais de justice. Ceux-ci augmentaient de 15 % à 20 % par an et avaient atteint 487 millions en 2005. Ils seront en 2006 conformes aux prévisions, soit environ 420 millions. En 2005, beaucoup considéraient ce résultat comme hors d’atteinte, mais il a été acquis, cependant, grâce à la très forte implication des chefs de cour, des magistrats et des fonctionnaires qui gèrent de manière décentralisée les budgets des juridictions dans le souci de l'économie et de la performance. J'avais assuré que cette maîtrise ne se ferait pas au détriment de la liberté d'initiative des magistrats et de la recherche de la vérité : je crois pouvoir affirmer que nous y sommes parvenus.

Je souhaite également que la justice s'appuie sur les nouvelles technologies pour gagner en efficacité. J'ai ainsi ouvert un chantier important avec la numérisation des procédures pénales. Il s'agit de profiter de l'évolution des technologies pour assurer une plus grande fluidité dans le déroulement de ces procédures et l'accès en temps réel aux dossiers, tant pour les magistrats que pour les auxiliaires de justice. Plus d'une centaine de tribunaux de grande instance seront choisis, avant la fin de l’année, pour la première vague de cette numérisation.

Enfin, l'ensemble des juridictions et les principaux établissements pénitentiaires devraient être équipés en visioconférence d'ici à la fin de cette année, ce qui entraînera des économies importantes en limitant les déplacements d'experts et de magistrats, notamment dans les DOM-TOM, mais également les transfèrements de détenus, en même temps que les risques que comportent ces opérations.

Deuxième engagement : rendre la justice accessible à tous les citoyens. L'accès au droit doit être favorisé, et particulièrement le droit pour les plus démunis à disposer d'un avocat. Sur ma proposition, le Premier ministre a décidé un effort important en faveur de l'aide juridictionnelle, dont les crédits progresseront de 6,6 %, soit 20 millions. Sur cette somme, plus de 16 millions seront consacrés exclusivement à la revalorisation de l'unité de valeur, qui permet de fixer la rétribution des avocats. Le solde ira aux actions conduites par les barreaux en faveur d’une défense de qualité, compte tenu de la stabilisation du nombre d'admissions à 881 000 bénéficiaires – nous sommes champions de l’ensemble des pays du Conseil de l’Europe ! Le budget total de l'aide juridictionnelle sera ainsi de 323 millions en 2007.

Depuis 2001, la rétribution perçue par les avocats au titre de l'aide juridictionnelle a été améliorée grâce à des revalorisations de l'unité de valeur et du barème de leurs interventions. La contribution de l'État aux missions d'aide juridictionnelle a ainsi crû de plus de 50 % !

L’accès à la justice doit naturellement être garanti aux victimes. La forte progression, depuis 2002, des crédits destinés aux associations qui les aident a permis d'augmenter de 38 % le nombre de victimes suivies, qui dépassait 100 000 en 2005. Près de 3,7 millions seront consacrés au développement de l'accès au droit, par l'intermédiaire des maisons de la justice et du droit – passées de 43 en 2002 à 118 en 2005 – et des conseils départementaux de l'accès au droit.

L'accessibilité, c’est aussi continuer à réduire les délais de justice. Les délais moyens de traitement dans les juridictions du premier degré ont déjà été réduits de 28 %, passant en moyenne de 9,4 à 6,7 mois. Pour faire encore mieux, la justice a besoin de recruter. Les crédits inscrits dans ce PLF nous permettront de créer 1 548 emplois supplémentaires. Sur la législature, cela signifie que 7 700 emplois nouveaux auront vu le jour. Cet effort considérable permettra en 2007 d’augmenter les effectifs des juridictions de 160 magistrats et de 360 personnels de greffe.

Je souhaite enfin que l'année 2007 soit placée sous le signe de l'efficacité.

La protection judiciaire de la jeunesse – PJJ – voit ses crédits augmenter de 8,6 %, au bénéfice de tous les modes de prise en charge. Elle sera renforcée grâce au recrutement de 290 agents spécialisés dans les métiers de l'éducation et de l'insertion, qui auront à cœur de faire face aux nouvelles formes de délinquance des mineurs. Vingt centres éducatifs fermés supplémentaires ouvriront, portant le nombre de places disponibles dans ces établissements à 465 fin 2007.

L'administration pénitentiaire bénéficiera de 703 emplois supplémentaires en 2007. Cela permettra notamment de recruter les 458 agents nécessaires à l’ouverture des nouveaux établissements pénitentiaires.

Les années 2002 à 2006 ont en effet été des années de construction et de réhabilitation. 2007 verra la mise en service des nouveaux établissements pénitentiaires et des palais de justice, ainsi que la poursuite des opérations de rénovation. L'investissement du ministère dans ce programme immobilier représentera 1,1 milliard d'euros en autorisations d'engagement. Parmi ces crédits, 890 millions permettront de respecter l'objectif inscrit dans la LOPJ, à savoir de créer 13 200 places, réparties entre 30 établissements, afin de réduire la surpopulation carcérale et de remédier à la vétusté de certains établissements. Notre pays disposera ainsi d'environ 60 000 places, correspondants à nos besoins et conformes aux nouvelles règles définies par le Conseil de l’Europe et beaucoup plus exigeantes que la législation actuelle. L’administration pénitentiaire a d’ailleurs publié ces règles à de nombreux exemplaires, à l’intention de ses personnels et des détenus.

La construction de dix établissements pour détenus majeurs est d'ores et déjà lancée dans le cadre de contrats en partenariat public privé – PPP. L'ensemble des établissements prévus par la LOPJ sera construit d'ici à 2010. Les premiers seront inaugurés en 2007. Si c’est par une nouvelle majorité, qu’elle se garde donc de s’en flatter !

L'effort immobilier se poursuivra également en faveur des juridictions, grâce à un programme de construction–rénovation de 190 millions d'euros.

Ces recrutements et ces constructions nous permettront d'assurer la bonne exécution des décisions de justice. En quatre ans, le taux de réponse pénale a augmenté de plus de 10 %, pour atteindre 78 %, et même 86 % pour ce qui est des mineurs. Nous pouvons en être fiers. Notre politique de diversification de la réponse pénale a en outre permis d'accroître de 45 % le nombre de mesures alternatives aux poursuites.

L'an dernier, j'avais fait de la mise en place des bureaux d'exécution des peines l'une de mes priorités : 67  ont été créés dans les tribunaux de grande instance, et la mesure sera généralisée d'ici à la fin de l'année. L’implantation de ces « BEX » sera étendue aux tribunaux pour enfants, afin d'assurer une réponse pénale plus efficace à l'égard des mineurs.

Je souhaite également tout mettre en œuvre pour éviter les « sorties sèches » de prison, sans suivi ni soutien adaptés, qui sont une des principales causes de récidive. Nous devons donc poursuivre nos efforts en faveur des mesures d'aménagement de peine. À la fin de 2007, nous compterons près de 3 000 placements simultanés sous bracelet électronique fixe. On est loin du « tout carcéral » dénoncé par certains ! Les juges pourront également recourir progressivement, comme le prévoit la loi sur la récidive, au bracelet électronique mobile, qui permet de concilier protection de la société, respect des victimes et réinsertion des condamnés à de longues peines ou présentant un risque de récidive. Une quinzaine de placements seront réalisés dans ce cadre d'ici à la fin de l’année. Deux ou trois l’ont déjà été.

Ce budget ambitieux répond aux défis auxquels est confrontée l'institution judiciaire. La justice aura les moyens de tenir les engagements qui lui ont été assignés. Le mois prochain, nous en prendrons ensemble un autre, celui de la réforme, pour apporter une première réponse au drame de l'affaire Outreau sur lequel nombre d'entre vous se sont penchés. Nous pourrons ainsi mieux lutter contre les détentions provisoires injustifiées, renforcer les droits de la défense et moderniser le régime de la responsabilité des magistrats (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

explications de vote

M. Guy Geoffroy - Le groupe UMP adoptera bien sûr les crédits de la mission Justice pour 2007, pour des raisons qui tiennent à la fois aux chiffres et à la démarche qui est suivie depuis le début de la législature.

L’augmentation des crédits de la justice, qui s’est opérée de manière régulière, atteint 38 % sur la durée de la législature. La progression prévue pour 2007 – 5 % – est supérieure à celle, déjà appréciable, votée l’an dernier – 4,6 %. Rappelons que l’ensemble des dépenses de l’État ne progresse que de 0,8 %. Cet effort traduit la volonté du Gouvernement et de la majorité d’assumer les engagements pris et de préparer l’avenir. Il s’agit de mettre en œuvre l’ensemble des dispositions des lois adoptées sous la législature, à commencer par la loi d’orientation et de programmation. Notre justice en avait bien besoin en 2002 ; elle en aura encore besoin après 2007, mais le mouvement est engagé, et bien engagé.

Le nombre de fonctionnaires du ministère de la justice aura ainsi crû de 11 % durant ces cinq années. Pour prendre une comparaison, c’est deux fois plus que pour la sécurité intérieure, qui a fait l’objet d’une autre grande loi d’orientation et de programmation, puisque les effectifs de la gendarmerie ont augmenté de « seulement » 6 % et ceux de la police de « seulement » 5 %, à la satisfaction générale d’ailleurs. Et la progression continuera cette année, avec la création nette de 160 postes de magistrats.

Nous avons également à conduire un lourd programme d’investissements en faveur des palais de justice, mais aussi de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse. Vous n’avez d’ailleurs pas attendu d’être entré au Gouvernement, Monsieur le Garde des Sceaux, pour vous préoccuper de la première : c’est dès le début de la législature, en tant que président de notre commission des lois, que vous avez manifesté votre inquiétude et votre volonté de remédier à la situation dramatique de nos prisons. Ce sera long : construire des prisons suppose d’abord d’en prendre la décision, ce que toutes les majorités ne font pas – certains se contentent de les inaugurer ! L’effort engagé sous cette législature est considérable. Il s’agit d’abord de rénover nos prisons, qui en ont grand besoin. Combien de drames en effet, combien de déséquilibres liés au taux de remplissage des différents établissements ! Mais il s’agit aussi de construire de nouveaux établissements, non pour enfermer plus, mais pour assurer des conditions de détention qui soient dignes d’un grand pays démocratique. De nombreux établissements vont être construits, et l’ensemble de la représentation nationale devrait s’en féliciter.

Nous avions beaucoup débattu au sujet de la création des centres éducatifs fermés. Ils sont nécessaires, car c’était le maillon qui manquait à la gradation et à l’adaptation de la réponse pénale pour les mineurs. Nous allons atteindre à 60 % de l’objectif de la loi. Je sais bien sûr, comme élu local, combien il est difficile de convaincre nos populations d’accepter la construction de centres éducatifs fermés.

Le budget 2007 contribue à l’effort qui sera encore demandé à notre justice pour mieux répondre aux attentes de la population. Beaucoup de mes collègues ici présents ont fait partie, sous la houlette du président Vallini et du rapporteur Philippe Houillon, de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau. Nous allons bientôt débattre de projets de loi qui constitueront une première étape de la réforme qu’attendent nos concitoyens.

L’ensemble est cohérent et conséquent. Ce dernier budget de mise en œuvre de la loi d’orientation et de programmation pour la justice est un bon budget : le groupe UMP le votera sans hésiter et avec fierté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. André Vallini – Le budget de la justice pour 2007 est en hausse de 5 % et l’honnêteté politique me commande de reconnaître l’effort consenti par le Gouvernement, d’autant que le contexte budgétaire n’était guère favorable (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Mais cet effort reste insuffisant. Le budget de la justice est trop faible depuis trop longtemps, surtout comparé à ceux des autres grandes démocraties d’Europe – la France consacre à sa justice la moitié de ce que dépense l’Allemagne. J'ajoute que cette augmentation doit être relativisée, car les gouvernements Raffarin et Villepin nous ont habitués à des gels et à des reports de crédits, suivis d’annulations, ce qui pose d’ailleurs la question de la sincérité des lois de finances présentées à la représentation nationale. À titre d'exemple, en mars dernier, un simple arrêté du ministre des finances a amputé de 27 millions les crédits de fonctionnement du ministère. J'ajoute que la LOLF a des conséquences qui nuisent à l'efficacité de notre système judiciaire. Ainsi, à partir d’un certain moment de l’année, les expertises, recherches d’ADN ou écoutes téléphoniques ne sont plus financées dans certains tribunaux, cependant que les indemnités des jurés d’assises sont versées avec retard.

L'administration pénitentiaire absorbe 35,7 % de ce budget. Depuis quatre ans, les textes votés par la majorité, et notamment les lois Sarkozy et Perben, ont encore aggravé la situation carcérale. Nous comptons aujourd’hui 59 500 détenus, dont 31 % en détention provisoire – mais, et c’est peut-être un effet de la commission d’enquête d’Outreau, cette proportion a tendance à baisser. L'essentiel des crédits est consacré à la construction de nouvelles prisons – et il en faut – mais le personnel correspondant n’est pas prévu, notamment pas les conseillers d’insertion et de probation. Or, s’il est nécessaire de moderniser les établissements, il faut surtout développer les alternatives à l’incarcération et éviter le plus possible les sorties sèches.

En ce qui concerne le budget de la PJJ, l’ouverture prévue en 2007 de cinq centres éducatifs fermés en mobilise la majeure partie, ce qui oblige plusieurs directions régionales à différer leurs projets, notamment le renouvellement de leurs équipements.

La loi d’orientation et de programmation pour la justice a été votée en 2002. Elle aura vu une augmentation de 38 % du budget de la justice, qui fait suite à celle de 30 % enregistrée sous le gouvernement Jospin. L’effort a donc été constant, mais il doit être amplifié, car la justice est restée trop longtemps le parent pauvre du budget national. Je note également que le taux d’exécution de la LOPJ ne sera que de 58 % pour les fonctionnaires des services judiciaires et de 80 % pour les postes de magistrats. Surtout, les créations de postes sont loin de compenser ou d’anticiper les départs en retraite, qui interviendront massivement jusqu’en 2010. La pénurie de greffiers en particulier ne peut que ralentir encore le traitement des affaires.

M. le Garde des Sceaux  Ça, ça s’améliore.

M. René Dosière - Lentement !

M. André Vallini - Le ratio entre le nombre des magistrats et celui des greffiers va encore se détériorer, alors que ceux-ci voient leurs tâches encore alourdies du fait de la création des juges de proximité. J’en avais averti M. Perben à l’époque : autant j’admets que nous avons peut-être eu tort de nous opposer aussi frontalement aux centres éducatifs fermés, autant je maintiens que l’idée du juge de proximité est une fausse bonne idée. Les tribunaux d’instance sont la juridiction qui fonctionne le mieux, et où les délais sont les plus courts : c’est là que se trouve la justice de proximité ! Les juges de proximité sont venus compliquer le système et il faut reconnaître que c’est un échec. La preuve en est d’ailleurs qu’alors que M. Perben en annonçait 3 300, vous n’en êtes qu’à 700.

Ce budget arrive quelques mois après la commission d’enquête sur Outreau, qui a permis un consensus politique, des communistes à l’UMP, en faveur de l’augmentation des moyens de la justice. La commission a voté à l’unanimité, ce qui n’était pas acquis d’avance, un rapport préconisant de passer de 28 à 40 euros par an et par habitant. Nous en sommes encore loin. J’espère que la prochaine législature verra triompher cet impératif majeur. La justice en a besoin, les Français aussi. Et si c’était la gauche qui devait s’en charger, je vous assure que nous vous inviterions, Monsieur le Garde des Sceaux, à l’inauguration des prisons dont vous avez lancé la construction ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Michel Hunault – Cela fait maintenant dix ans que les crédits alloués à la justice augmentent, et la hausse de 5 % fixée pour 2007 est la plus élevée. Nous devons nous en féliciter et le groupe UDF votera ce budget, même si la part consacrée par le pays à la justice reste l’une des plus faibles d'Europe. Cette discussion se déroule aussi après l'affaire d'Outreau, qui a suscité une prise de conscience sans précédent, tant au Parlement que dans les médias, notamment la télévision qui a fait entrer la justice dans les foyers français. Les travaux de la commission d’enquête parlementaire, après une concertation sans précédent, ont débouché sur des propositions unanimes dont nous aurons l'occasion de discuter dans les prochaines semaines.

Mais aucune mesure ne permettra jamais d'améliorer le fonctionnement de la justice si nous n'y consacrons pas les crédits nécessaires. Seule une nouvelle loi de programmation permettra d’y parvenir, au cours de la prochaine législature. On peut se féliciter du taux d'exécution de la loi d'orientation de 2002, notamment pour ce qui est des crédits d'investissement, mais des incertitudes demeurent quant aux créations d'emplois, dont nombre ne seront sans doute pas pourvus. Or, il s’impose de recruter à tous les niveaux de la chaîne pénale – magistrats, greffiers, auxiliaires de justice, service de protection – pour remédier à la surcharge actuelle. L’UDF souhaite aussi que l'accès au droit soit amélioré. Des initiatives ont vu le jour, avec les Maisons du droit, mais il faut aller plus loin. La revalorisation de l'aide juridictionnelle est indispensable pour assurer à chacun une défense de qualité. Pierre Albertini a proposé un amendement en ce sens, et vous avez déjà annoncé, Monsieur le Garde des Sceaux, une revalorisation notable.

Alors que la situation dans les prisons françaises a été maintes fois dénoncée, je voudrais rendre hommage, de cette tribune, à toutes ces femmes et ces hommes qui concourent à la bonne marche de la justice et de l'administration pénitentiaire, et dont la fonction est trop souvent, sous l’effet d’un amalgame trop facile, déconsidérée. Une véritable loi pénitentiaire doit être rapidement discutée. Les règles pénitentiaires européennes ont été publiées, sous la pression du Conseil de l'Europe.

M. le Garde des Sceaux  Il ne s’agit pas de pression !

M. Michel Hunault - À son initiative, alors. Le Conseil de l'Europe avait adopté, en 2004, une recommandation sur la situation des prisons et, en mai 2006, il a jeté les bases d’une charte pénitentiaire qui pourrait être utilement reprise dans une loi française. Les règles que vous avez publiées n’ont en effet pas de valeur normative : la Cour européenne des droits de l’homme ne pourrait sanctionner d’éventuels manquements. Mais je salue le fait que vous ayez publié ces règles, qui n’avaient pas été mises à jour depuis dix-neuf ans. Vous avez aussi renforcé le rôle de contrôle du médiateur. Or, dans Le Parisien d’il y a deux jours, un ancien détenu de Fleury-Mérogis a porté des accusations et a fait état de dysfonctionnements extrêmement graves. Je suis certain que vous ferez en sorte que cette affaire ne reste pas sans lendemain et que les responsabilités soient établies. Pour finir, je voudrais rappeler que l’ordonnance de 2004 a permis, dans le cadre d’un partenariat public-privé, d’accélérer la rénovation des établissements les plus vétustes.

S’il faut donc saluer ce budget en augmentation, il faut admettre qu’il ne peut constituer qu'une étape qui devra être dépassée grâce à une ambition nationale forte pour la justice, dont l'indépendance et le respect doivent être assurés avec détermination. La justice est en effet une composante essentielle de notre vie démocratique (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Michel Vaxès – Ce dernier budget de la législature nous donne l’occasion de dresser un bilan de votre politique en matière de justice. La LOPJ adoptée au début de la législature prévoyait de porter ces crédits à 8 milliards pour 2007, et fixait un objectif de 10 100 emplois. Nous en sommes encore loin : il manque 1,8 milliard et 2 800 emplois pour respecter vos engagements. Nous apprécions certes la croissance de 5 % de ce budget et saluons l’opiniâtreté qui vous a permis, Monsieur le Garde des Sceaux, d’y parvenir, mais il reste en retrait par rapport aux promesses faites par votre prédécesseur en 2002, et surtout il apparaît bien trop modeste, sachant que la justice française est un des mauvais élèves du Conseil de l’Europe. En effet, le dernier rapport de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice place la France, compte tenu de la part de PIB qu’elle affecte à la justice, au 37e rang des 45 pays membres du Conseil de l’Europe. Si la France devait aujourd'hui demander son adhésion à l'Union européenne, elle ne satisferait pas aux critères budgétaires imposés sur ce point aux nouveaux entrants !

Vous comprendrez donc que, même si votre ministère est de tous celui qui enregistre la plus forte progression, nous partagions l'analyse de l'Union syndicale des magistrats, qui dénonce l’indigence de ce budget. Le rapport de la commission d'enquête dite d'Outreau rappelle que, pour hisser la part de la justice à 3 % du budget de l'État, il faudrait accroître les crédits de 34 % chaque année. Malgré vos efforts, que nous reconnaissons et saluons, Monsieur le ministre, vous ne parvenez pas à donner à la justice française des moyens dignes d'une grande démocratie.

Pour faire suite à cette commission d'enquête, vous nous proposez d'examiner dans les semaines à venir une réforme censée tirer les enseignements de la triste affaire d'Outreau. Ce projet aurait pu être le grand chantier de votre ministère, Hélas, cette réforme non financée ne sera pas à la hauteur des enjeux. En se hâtant de présenter un texte avant les prochaines échéances électorales, le Gouvernement va manquer un rendez-vous historique.

Pour ce qui est du programme Administration judiciaire, nous constatons qu'en dépit des observations faites par la Cour des comptes en janvier dernier, la plus grande partie des crédits sera consacrée à la garde et au contrôle des personnes placées sous main de justice, au détriment de l’aide à la réinsertion, alors que le Gouvernement ne cesse de clamer qu’il veut lutter contre la récidive.

Autre contradiction : vous allez devoir défendre dès la semaine prochaine un projet de loi prétendument relatif à la prévention de la délinquance, alors que vous nous demandez aujourd’hui d'adopter un budget qui, cette année encore, donne le pas aux mesures pénales sur les mesures éducatives. En 1990, les premières absorbaient 30 % des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, elles en absorbent aujourd'hui 75 % ! Ces seuls chiffres témoignent du peu d'intérêt que votre gouvernement porte à une véritable politique de prévention !

Concernant l'aide juridictionnelle, l'augmentation de 6 % de la rétribution des avocats est un effort que nous saluons, mais qui est toutefois loin de répondre aux exigences d'une défense de qualité pour tous. Il faudrait pour cela une grande réforme de l'aide juridictionnelle.

En conclusion, ce budget sert une politique dans laquelle nous ne pouvons nous reconnaître. C'est pourquoi le groupe des députés communistes et républicains ne le votera pas.

État B

M. le Président – Je suis saisi de deux amendements identiques, le 204 et le 255.

M. Pierre Albertini, rapporteur spécial de la commission des finances L’amendement 204 de la commission visait à augmenter les crédits de l’aide juridictionnelle, mais il est apparu après coup que les transferts proposés auraient créé une difficulté majeure à la CNIL. J’indique avec humilité – et insistance – que je ne pouvais pas la détecter dans la mesure où le questionnaire envoyé au début de l’été n’a pas reçu réponse. Mais, celant étant, en accord avec le président de la commission des finances, je retire cet amendement.

M. Georges Fenech - Comment faire comprendre aux avocats que les engagements pris en 2004 par votre prédécesseur, Monsieur le Garde des Sceaux, ne seront pas tenus ? Le budget de la CNIL, c’est important, certes, mais une défense de qualité pour tous l’est tout autant ! Les avocats ont le sentiment d’être les parents oubliés de ce budget et ils s’apprêtent à le faire savoir dans les prochaines semaines.

Le projet de loi de finances prévoit une augmentation de 6 % de l’unité de valeur de l’aide juridictionnelle, ce qui devrait la faire passer de 20,84 à 22,09 euros. Ce n’est pas négligeable, mais le respect des engagements pris aurait dû conduire à la porter à 22,97 euros en 2006 et à 23,96 euros en 2007. Tel est l’objet de mon amendement 255, qui affecte pour cela 25 millions supplémentaires au programme Accès au droit et à la justice.

Votre réponse, Monsieur le Garde des Sceaux, est très attendue par la profession, non par corporatisme, mais dans un souci de défendre l’accès au droit. Une réforme de l’aide juridictionnelle est également très attendue. Il faudra sans doute faire un effort de filtrage et empêcher les abus. Les avocats sont majoritairement opposés à la suppression du libre choix, ils souhaitent un système qui privilégie le volontariat et, à défaut, la désignation de jeunes confrères ; enfin, ils semblent plutôt réticents à constituer un groupe d’avocats d’État qui seraient spécialement affectés à l’aide judiciaire.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la justice judiciaire, l’accès au droit et la politique de la justice – La commission des lois a repoussé cet amendement, qui prend 25 millions sur des crédits destinés au gardiennage des scellés, à l’établissement public Palais de justice de Paris, à la réalisation d’une campagne d’information du grand public sur le fonctionnement de la justice, etc. Il est particulièrement gênant de prendre 11,9 millions sur le gardiennage des scellés, alors que des économies très importantes ont déjà été faites sur les frais de justice et qu’il est absolument impossible d’aller au-delà. Les autres prélèvements proposés nuiraient également au bon fonctionnement des juridictions.

Il y a sans doute d’autres pistes à explorer pour améliorer l’aide juridictionnelle : il conviendrait de remédier aux abus, tout d’abord, mais on pourrait aussi songer à ventiler autrement les unités de valeur, en fonction des missions. Enfin, un effort important est déjà fait dans ce budget, puisque l’unité de valeur augmente de 6 %.

M. le Garde des Sceaux  Sachant combien l’ensemble des barreaux français est mobilisé sur ces questions, je suis heureux de répondre. Une grande démocratie comme la France doit trouver les moyens de faciliter l’accès au droit de nos compatriotes les plus modestes…

M. René Dosière - Très bien !

M. le Garde des Sceaux - …mais permettons-nous un peu d’autosatisfaction : en matière d’aide juridictionnelle, la CEPEJ classe la France au deuxième rang des 46 pays membres du Conseil de l’Europe. Globalement, nous dépensons 320 millions pour l’aide juridictionnelle, mais une fois réparti entre 880 000 dossiers, le montant est effectivement modeste, ce qui explique que les avocats se sentent mal rétribués pour le travail accompli. Grâce à un accord conclu en 2000, …

M. René Dosière - Heureuse époque !

M. le Garde des Sceaux - …50 millions supplémentaires ont été inscrits au budget. Puis en 2003, nous avons revalorisé le barème, pour un coût de 11,3 millions. Je rappelle que la rétribution dépend à la fois de la valeur du « point » qu’est l’« unité de valeur », et du nombre de points affectés à chaque affaire par ce barème. En 2004 enfin, nous avons augmenté de 2 % la valeur de l’unité, pour 4,5 millions. Au total depuis 2001, la contribution de l’État à l’aide juridictionnelle a augmenté de 50,2 %.

M. René Dosière - Moins que le budget de l’Élysée ! (Sourires)

M. le Garde des Sceaux  Cette année, j’ai proposé une augmentation de 6 % de l’unité de valeur et de 0,6 % du barème. La conférence des bâtonniers a applaudi, les avocats ont accueilli cette proposition beaucoup plus froidement, comme très en deçà de leurs espérances.

Dès lors, comment procéder ? On peut toujours, en année électorale, annoncer que l’on augmentera l’aide juridictionnelle de 10 à 15 % chaque année. Aucune majorité ne sera capable de tenir l’engagement sur cinq ans. Il faut donc trouver une solution structurelle. Ce n’est pas facile. Depuis le début de 2005, une commission ad hoc d’experts travaille sur le sujet, et je réunirai en janvier les assises de l’aide juridictionnelle et de l’accès au droit pour faire des propositions sur le fond et sur les entrées. La difficulté du problème, que nous n’avions pas prévue, vient de ce que beaucoup d’avocats tirent l’essentiel de leurs revenus de l’aide juridictionnelle et ressentent une certain colère à percevoir un SMIC en récompense de leur dévouement et de leur professionnalisme. La solution que je propose tient dans l’assurance de protection juridique. Actuellement, les compagnies d’assurance fournissent à leurs clients leur propre avocat, ce qui, au passage, n’est pas sans poser un problème de déontologie. Je propose qu’elles leur attribuent plutôt une somme pour payer un avocat qu’ils choisiront librement, et qui peut d’ailleurs demander une rémunération complémentaire. Nous introduirons ainsi un peu de liberté dans un système, disons, socialisé.

M. René Dosière - Collectivisé, plutôt.

M. le Garde des Sceaux  Je reprends le terme, car j’aspire au consensus sur cette question. J’ai obtenu l’accord du ministère des finances, qui est la tutelle des compagnies d’assurances, lesquelles ne sont pas folles de joie, vous vous en doutez, car fournir leur propre avocat leur coûte moins cher. Lors d’un des prochains créneaux parlementaires réservés à l’examen des propositions de loi, il en sera présenté une au nom du groupe UMP. Sans résoudre tous les problèmes, cela ouvrira une véritable perspective.

Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable sur l’amendement, dont, de toute façon, je ne pourrais accepter le gage. En particulier je vois mal comment réduire les crédits destinés à l’établissement public chargé de construire le tribunal de grande instance de Paris. Dans les locaux actuels, les conditions de travail sont proprement effarantes. Je ne comprends vraiment pas comment, depuis cinq ans, il n‘a pas été possible de trouver un accord avec la Mairie sur un site convenable pour construire le nouveau TGI. La ville propose des sites ineptes, alors que celui de Tolbiac s’impose.

Je suis donc bien conscient du problème pour les avocats. S’ils ne sont que 5 % à Paris à vivre essentiellement de l’aide juridictionnelle, en province, ils sont plus de 50 %.

M. René Dosière - 80% à Laon.

M. le Garde des Sceaux  Je propose donc maintenant une hausse de 6 % et j’organise la réflexion sur une solution structurelle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Georges Fenech - Je prends acte avec satisfaction de l’organisation d’assises, en janvier, pour dégager une solution structurelle sur l’aide juridictionnelle. Les avocats y seront, je crois, sensibles. Dans ces conditions, l’amendement 255 est retiré.

Les amendements 204 et 255 sont retirés.

M. le Rapporteur spécial - Nous n’avions sans doute pas mesuré toutes les implications de l’amendement précédent. Mais l’amendement 250 est de repli. Nous essayons encore de redéployer des crédits dans le cadre d’une enveloppe constante, ce qui est un exercice difficile. La difficulté reste la même en ce qui concerne le gardiennage des scellés et la construction du nouveau TGI de Paris pour lequel, je le dis au passage, le site de Tolbiac est seul à même d’assurer la solennité nécessaire à la justice, et avant tout aux justiciables. Les autres gages sont une diminution des crédits pour la campagne d’information sur le fonctionnement de la justice et pour la construction d’une cantine sur le site Vendôme, l’objectif étant de majorer de 10 % l’unité de valeur, au lieu de 15 %.

Deux observations. Nous avons besoin d’une aide juridictionnelle suffisamment ouverte, condition de l’accès au droit, mais le fonctionnement des bureaux d’aide juridictionnelle a, au fil du temps, été quelque peu perverti en raison du caractère infondé de certains recours. Un filtrage s’impose pour évacuer les manœuvres dilatoires.

Par ailleurs, la juste rétribution des avocats est la condition du bon fonctionnement de la justice. Monsieur le Garde des Sceaux, vous avez évoqué l’équilibre à trouver entre le libre choix de l’avocat et l’activité des compagnies d’assurance. C’est un sujet difficile, qui requiert une solution qui soit dans l’intérêt des deux parties. Or ces intérêts sont, il faut bien le dire, plutôt antagoniques. Vous en appelez donc à la tenue d’assises sur l’accès au droit, pour préparer une réforme structurelle. Dans ces conditions, et pour laisser la réflexion que vous avez lancée parvenir à son terme, je retire l’amendement.

L’amendement 250 est retiré.

M. le Président – Je suis saisi de l’amendement 251.

M. le Rapporteur spécial – Il s’agit de majorer de 150 000 euros, soit de 10 %, les crédits consacrés aux aumôniers des prisons, ce bien entendu dans le respect de la diversité confessionnelle. La modicité de la somme et l’importance de l’intervention des aumôniers, qui permet de maintenir le lien du détenu avec son environnement religieux et philosophique, justifient de consentir à ce redéploiement.

Mme Michèle Tabarot, rapporteure pour avis de la commission des lois pour l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesseJ’ai entendu en vue de mon rapport les quatre aumôniers nationaux, et je tiens à rendre hommage à l’action menée dans nos établissements pénitentiaires par les aumôniers : elle maintient en effet un lien social et facilite la réinsertion. Certains détenus ont besoin de cette présence pour donner sens à leur peine. En outre, on constate une montée inquiétante de l’intégrisme religieux dans les établissements pénitentiaires : une centaine de détenus intégristes ont été identifiés et sont étroitement surveillés par l’administration. Plus de 300 actes de prosélytisme ont été recensés en 2005. De ce point de vue aussi, l’intervention des aumôniers ne peut être que soutenue. Enfin, il faut noter que les intéressés gagnent à temps plein 800 euros par mois, que beaucoup sont à temps partiel et qu’ils assument eux-mêmes les frais de déplacement.

M. le Garde des Sceaux - J’ai moi-même rencontré les quatre aumôniers nationaux. La rémunération des aumôniers ayant été augmentée de 14 % l’année dernière, je n’ai rien prévu de particulier cette année, si ce n’est qu’il est convenu avec le directeur de l’administration pénitentiaire qu’il pourra affecter une partie de son budget à cette rémunération, et qu’à la demande des aumôniers catholiques, l’enveloppe a été régionalisée, ce qui permet de mieux tenir compte du niveau d’activité de chacun.

Je suis favorable à une augmentation de la rémunération. Celle-ci est une indemnité et non un salaire, pour une activité qui n’est pratiquement jamais à plein temps ; l’aumônier national musulman, par exemple, exerce comme professeur de physique dans un collège.

Je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement, gagé, une fois de plus, au détriment du gardiennage des scellés, qui a déjà été trop mis à contribution ! Mais votre amendement aura appelé l’attention sur l’indispensable revalorisation de la rémunération des aumôniers, cette année, dans le cadre du budget de l’administration pénitentiaire.

L'amendement 251, mis aux voix, est adopté.
Les crédits de la mission Justice, ainsi modifiés, mis aux voix, sont adoptés.

Art. 49

M. le Rapporteur spécial – L’amendement 203 est rédactionnel.

L'amendement 203, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 49 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 49

M. le Garde des Sceaux - L’amendement 193 tend à corriger une erreur matérielle intervenue lors de la refonte du code de l’organisation judiciaire en juin. Cinq alinéas ayant en effet disparu au cours du processus, il convient de les rétablir. Il s’agit de permettre à la profession des greffiers des tribunaux de commerce de mener à bien des projets d’intérêt commun grâce à une bourse commune financée par une contribution obligatoire des greffiers en exercice.

L'amendement 193, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Garde des Sceaux - L’amendement 194 rectifié vise à permettre la désignation de nouveaux premiers avocats généraux près la Cour de cassation. Il n’y en a actuellement qu’un seul. Suite à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui ne permet plus aux avocats généraux d’entendre le rapport du conseiller rapporteur, il est nécessaire de renforcer les avocats généraux, et, pour cela, de créer un premier avocat général par chambre. L’impact budgétaire de cette mesure – 100 000 euros – est limité.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avisAvis favorable.

L'amendement 194 rectifié, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à la justice.

La séance, suspendue à 10 heures 55, est reprise à 11 heures 5.

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pouvoirs publics – conseil et contrôle de l’état

M. le Président – Nous abordons l’examen des crédits relatifs aux pouvoirs publics, ainsi qu’au conseil et au contrôle de l’État.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances - Il y a un an, un jeudi matin aussi, je faisais état devant vous de l'observation adoptée sur ma proposition par votre commission des finances pour s’élever contre le refus obstiné opposé par la Présidence de la République à toute velléité du rapporteur spécial d'en savoir un peu plus sur ses crédits, …

M. René Dosière - Quelle surprise !

M. le Rapporteur spécial - …car il ressortait peu de choses des maigres documents budgétaires d'alors : ni le questionnaire que j'avais adressé à qui de droit, ni la lettre de relance de l'automne n'avaient trouvé le moindre écho.

Cette année, l'observation de notre commission porte sur l'insuffisante adaptation à la LOLF de la présentation des crédits du Conseil économique et social, en dépit des suggestions qui lui avaient été faites. Le simple rapprochement de ces deux observations, à un an d'intervalle, illustre assez bien les progrès accomplis.

L'effort de pédagogie dont je me voulais le porteur a commencé de porter ses fruits, et je m'en réjouis, non pas tant pour moi-même que pour le bon fonctionnement démocratique de nos institutions, dont la transparence budgétaire constitue un excellent indicateur. Permettez-moi, par conséquent, de citer les quelques motifs de satisfaction que recèle la lecture du « Bleu » budgétaire de cette année, pour ce qui concerne la mission Pouvoirs publics.

En premier lieu, ce « Bleu » a, en un an, pris beaucoup de poids : conformément à ma suggestion, que mon homologue au Sénat, le président Jean Arthuis, a bien voulu appuyer, le document budgétaire a été augmenté des informations contenues jusqu'alors dans deux annexes « jaunes ». En changeant de couleur – certes pas encore de couleur politique, mais vous aurez compris que je me situe ce matin au-dessus de ces considérations –, les informations qui nous sont fournies se sont modestement étoffées.

À tout seigneur tout honneur, intéressons-nous d’abord à la dotation de la Présidence de la République. Si elle est en baisse, d'une année sur l'autre, de 2,1 %, pour atteindre 31,8 millions d'euros, c'est en quasi-totalité grâce à mon interrogation de l'an dernier sur le paiement par la Présidence de la taxe sur les salaires, contraire à la lettre de l'article 231 du code général des impôts. L'économie réalisée grâce au respect du principe d'exonération de cette taxe est de 665 000 euros. En outre, conformément au vœu que j’avais formé, le reliquat de l'exécution de 2005 vient bien en déduction des crédits demandés pour 2007.

M. René Dosière - La cagnotte va disparaître !

M. le Rapporteur spécial - Plusieurs autres éléments donnent à penser que l'exercice pédagogique de l'an dernier n'a pas été inutile. Un tableau des 957 effectifs en poste à la Présidence de la République est enfin publié cette année ; s’il devra encore être enrichi, sa transmission constitue un réel progrès. Des précisions ont été obtenues sur les contractuels employés par la Présidence, sur son parc immobilier et sur son parc automobile. Mais le parc de l'Élysée n'est pas encore un jardin à la française et il reste beaucoup à faire pour que le coût complet de la Présidence apparaisse réellement ! Il faudrait notamment y inclure les très nombreuses mises à disposition supportées par les budgets des différents ministères, dont la performance – au sens de la LOLF – se trouve réduite d'autant.

Mieux justifiées dans le document budgétaire, les trois dotations relatives aux assemblées parlementaires sont en hausse. Celle de l'Assemblée nationale s'établira à près de 530 millions, compte tenu du coût de son renouvellement, celle du Sénat à près de 315 millions et celle de la chaîne parlementaire, très dynamique, à plus de 26 millions.

J'ajoute à ces dotations une nouveauté pour 2007 : l'inclusion dans le périmètre de la mission Pouvoirs publics des indemnités des représentants de la France au Parlement européen, pour un peu plus de 8 millions. Ces crédits figuraient l'an dernier au sein de la mission Action extérieure de l'État – en qualité de crédits de fonctionnement, ce dont notre commission des finances s'était légitimement étonnée, puisqu'il s'agit de rémunérations, dont la gestion incombe à l'Assemblée et au Sénat. L'imputation nouvelle est donc la bonne. L'hypothèse la plus logique – celle d'un versement de ces indemnités par le budget de l'Union européenne – devrait finir par se réaliser, mais pas avant 2009.

Autre illustration du « coût de la démocratie », que j'explique dans mon rapport, la dotation du Conseil constitutionnel atteindra l'an prochain 7,24 millions, soit une hausse de plus de 26 %. Cependant, ce taux de progression exprimé en ce pourcentage n'a pas grand sens. Mieux vaut, comme le fait le Conseil lui-même, lequel fait preuve, comme l'an dernier, d'une louable volonté de transparence et d'un bel effort de gestion, distinguer entre les opérations courantes et exceptionnelles. Les crédits consacrés aux premières augmenteront de 4,3 %, compte tenu des changements à prévoir dans la composition du Conseil, cependant qu’une dotation exceptionnelle de 1,7 million permettra de faire face aux dépenses occasionnées par l'élection présidentielle du printemps prochain.

Enfin, la dotation de la Cour de justice de la République sera inférieure à 887 000 euros, soit une baisse de près de 60 000 euros, ce qui témoigne d'un ajustement des frais de justice. Le loyer de l'immeuble qui abrite le siège de la Cour accapare désormais presque la moitié de la dotation, et je persiste donc à demander qu’on réfléchisse éventuellement à une location avec option d'achat.

Suivant mon avis favorable, en raison des progrès enregistrés en matière de transparence pour certaines des dotations de la mission Pouvoirs publics, votre commission des finances a adopté les crédits de cette mission, et je vous invite à faire de même.

J'en viens aux crédits de la mission Conseil et contrôle de l'État.

L’an dernier, j’avais fait part de ma perplexité face au nouvel agencement que constituait cette curieuse mission, composite à bien des égards, et qui devait concrétiser une forme d'autonomie budgétaire accrue par rapport au droit commun des programmes du budget général. Pour autant, j'avais suggéré de laisser vivre cet attelage en 2006. Après six mois d'exécution – puis, de nouveau, cet automne –, j'ai consulté les principaux intéressés que sont les responsables des programmes Conseil d'État et autres juridictions administratives et Cour des comptes et autres juridictions financières, ainsi que les trois syndicats représentant les juges administratifs et les financiers. Le statut dérogatoire du Conseil économique et social ne suscite naturellement pas le même type d'interrogation.

De ces entretiens, il est ressorti que, pour le Conseil d'État et les juridictions administratives, le principe d'autonomie, dans la gestion des personnels comme dans celle du budget, ne correspond en fait qu’à une confirmation de l'existant. Tout juste peut-on noter que, conformément aux engagements pris, la régulation budgétaire en cours d'exercice pèse moins qu'auparavant sur la conduite des projets d'investissements.

S'agissant de la Cour des comptes, le changement est plus perceptible, et je dirais volontiers que la Cour a adopté une conception « militante » de son indépendance renforcée. En effet, jusqu'à présent, la gestion de ses ressources humaines – et de celles des chambres régionales et territoriales des comptes – relevait essentiellement du ministère des finances. L'autonomie budgétaire acquise se traduit donc dans les structures comme dans les moyens.

Pour 2007, les crédits demandés pour le programme Conseil d'État et autres juridictions administratives sont en progression de 5,3 % par rapport à 2006, dont 0,1 point par transferts de crédits. Ils représenteront 252,9 millions en autorisations d'engagement et 250,7 millions en crédits de paiement.

Pour l'essentiel, les crédits de personnel représentent 82 % du total du programme. Trois millions sont destinés à financer la dernière tranche de la loi d'orientation et de programmation pour la justice mais outre le fait que tous les postes sont créés « en demi-année », il resterait encore à recruter à la fin de 2007 pour solder la programmation 54 magistrats – sur 210 prévus –, 84 agents de greffe – sur 270 prévus – et 22 assistants de justice – sur 230 prévus. Cette loi d'orientation est donc loin d'être honorée pour les juridictions administratives alors que le contentieux qui leur est soumis n'a pourtant cessé d'augmenter, de 14 % en 2003, de 16 % en 2004 et de 5 % en 2005. Il serait grave que le non-respect de cette loi se traduise, en dépit des remarquables efforts de productivité des personnels, par une moindre qualité des décisions, des délais de jugement accrus ou un développement excessif des procédures à juge unique.

Dans le programme Cour des comptes et autres juridictions financières, les crédits de paiement augmenteront de 5,8 %, dont 0,5 point de transferts de la part du ministère des finances, traduction concrète de l'autonomie de gestion acquise l'an dernier. Les crédits de personnel justifient les trois quarts de la progression des moyens du programme, qui atteindront 181,7 millions en autorisations d'engagement et crédits de paiement. Dix postes seront créés, dont deux par redéploiement interne, notamment pour mener à bien la mission nouvelle que constitue la certification des comptes de la sécurité sociale. Pour ces deux programmes, le respect des exigences de la LOLF s'impose mais de façon différenciée. En effet, le Conseil d'État a choisi de ne constituer qu'un seul budget opérationnel de programme mais sa pratique désormais bien rodée des contrats d'objectifs et de moyens avec les juridictions est tout à fait conforme à l'esprit de la LOLF et l'activité contentieuse du juge administratif se prête bien à la mesure de la performance. La Cour des comptes, quant à elle, a constitué 26 budgets opérationnels de programme et dessiné des actions où se mêlent les échelons national et local. Elle sait qu’elle doit encore améliorer son dispositif d'indicateurs de performance pour rendre plus cohérente et efficace la mesure de l'action menée.

Je regrette que cette année encore le Conseil économique et social ait du mal à « jouer le jeu » de la LOLF en refusant un découpage de ses crédits en actions ainsi que la définition d'indicateurs mesurant mieux la performance de sa gestion. Je n'ignore pas la spécificité de cette institution mais les suggestions précises que j'ai faites à plusieurs reprises dans mes rapports spéciaux me semblent permettre de surmonter l'obstacle. Je les affine encore cette année et j'espère que cette pédagogie, assortie du rappel à l'ordre que constitue l'observation adoptée par la commission des finances, sera suivie d'effet.

Les crédits du programme Conseil économique et social s'élèveront en 2007 à 35,9 millions, en hausse de 0,7 % sur un an, uniquement sous l'effet des mesures générales propres à la fonction publique et à effectif inchangé, les dépenses de fonctionnement étant en très légère diminution.

Dans sa sagesse, la commission des finances a adopté les crédits de la mission Conseil et contrôle de l'État. Nos institutions feront d'autant plus honneur à la République qu'elles sauront mettre la LOLF au service d’une utilisation toujours plus pertinente des deniers publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Guy Geoffroy – Au nom du groupe UMP, je tiens à témoigner à notre rapporteur spécial toute notre gratitude pour la profonde honnêteté intellectuelle dont il a fait preuve.

M. René Dosière - Cela commence mal !

M. Guy Geoffroy - En effet, Il n’est pas si fréquent que des rapporteurs issus de l’opposition, après avoir exposé leur propre point de vue, fassent valoir comme vous l’avez fait l’avis de la commission. Votre exposé, Monsieur Bourguignon, était d’ailleurs plus que nuancé sur ces crédits et même, m’a-t-il semblé, globalement positif. Vous vous attribuez certes une part de responsabilité dans cette évolution et on ne peut en effet qu’être satisfait de l’écoute dont le Gouvernement fait preuve à l’endroit des parlementaires.

Si le budget du Sénat augmente d’à peine plus de 2 %, la hausse de celui de l'Assemblée nationale est beaucoup plus sensible. Cela tient à l’organisation des élections législatives et à d’éventuels licenciements de collaborateurs mais il faut également prévoir l’arrivée de nouveaux parlementaires ainsi que l’ouverture de nouveaux droits en matière de fonctionnement administratif, notamment pour la mise à disposition de matériels informatiques. Les indemnités des parlementaires ne seront en revanche pas plus revalorisées que celles des fonctionnaires. J’ajoute, non sans espièglerie, que les Français pourraient contribuer à une faible utilisation des crédits en veillant à ce que notre assemblée ne change guère de physionomie ! (Sourires)

M. René Dosière - Tout le monde n’est pas obligé d’être d’accord avec vous !

M. Guy Geoffroy – S’agissant de LCP et Public Sénat, l’accès à la TNT a été une bonne chose, de même que la retransmission par LCP des 220 heures de débats de la commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau. Néanmoins, j’espère qu’un jour prochain nos assemblées disposeront d’un seul et unique outil de communication télévisuel.

M. Jean-Claude Flory - Excellent.

M. Guy Geoffroy – S’agissant des crédits de la Présidence de la République, M. Dosière dira certes tout le mal qu’il en pense mais j’observe qu’ils diminuent de 2 %, ce qui témoigne d’un grand souci de transparence.

M. René Dosière - Vous êtes sérieux ?

M. Guy Geoffroy - Certes, elle peut toujours être accrue mais je vous invite, Monsieur Dosière, à profiter de 2007 pour rédiger un texte à la fois synthétique et approfondi sur la transparence et le volume des crédits consacrés à la Présidence de la République pendant les deux septennats de François Mitterrand.

M. René Dosière - C’est une remarque facile.

M. Guy Geoffroy – Le groupe UMP invite l’Assemblée à voter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. René Dosière – C’est une nouveauté de débattre à l'Assemblée nationale du budget de la Présidence de la République. Depuis cinquante ans et quelle que soit la majorité au pouvoir, aucune remarque n’était formulée, pas même par le rapporteur spécial de la commission des finances.

Ce temps du silence est révolu. L'Assemblée a retrouvé ses prérogatives, comme en témoigne l'excellent rapport de mon collègue et ami Pierre Bourguignon…

M. Guy Geoffroy - C’est la France d’après Mitterrand !

M. René Dosière - …dont on appréciera les observations pertinentes et critiques – critiques parce que pertinentes.

Je ne dissimulerai pas ma satisfaction d'avoir contribué, par un travail d'investigation mené depuis cinq ans, à revaloriser le rôle de l'Assemblée dans un domaine limité mais ô combien symbolique. Les Français attendent en effet du Président de la République, premier personnage de l’État, un comportement exemplaire en matière de gestion des fonds publics, et l’étranger voit dans le chef de l'État l'image de la France.

On sait désormais que le budget soumis à notre vote – 32 millions d'euros – ne représente qu'un tiers des dépenses de la Présidence, les deux autres tiers étant disséminés – voire dissimulés – dans les budgets d'une dizaine de ministères. Les 95 questions écrites que j'ai posées m’ont permis d'évaluer le budget global à 90 millions. Des précisions supplémentaires sont apparues récemment : le coût des 37 gendarmes qui surveillent jour et nuit la propriété du chef de l'État en Corrèze – où il ne séjourne jamais – s'élève à 2 millions; ses déplacements en hélicoptère coûtent en moyenne 500 000 euros. Enfin, 142 personnes travaillent pour l'Élysée sans qu’on sache qui les rémunère. La Présidence nous a enfin indiqué que les effectifs en poste s'élèvent à 957, dont 91 personnes recrutées directement par contrat, la différence – 866 – correspondant à des mises à disposition par les ministères. Ce nombre s'élève cependant, selon les réponses des ministres, à 724. J'ai demandé au Premier ministre d'expliquer cette différence. Dans l'attente de sa réponse, on considérera qu'il s'agit de militants bénévoles de l'UMP...

On peut comprendre que les ministères de la défense ou de l'intérieur participent au fonctionnement de la Présidence, mais cette participation doit apparaître en toute clarté, ce qui serait le cas si l'on nous présentait un « budget vérité ».

On m'objectera qu'il en est ainsi depuis la IIIe République. Mais les pouvoirs dévolus au Président de la République par la Constitution de 1958, renforcés par l'élection au suffrage universel en 1962 et par la réduction à cinq ans du mandat présidentiel en 2001, sont sans commune mesure avec ceux des Républiques précédentes. Le régime financier de la Présidence doit donc évoluer. L'action politique ne consiste d’ailleurs pas à regarder dans le rétroviseur, mais à tracer la route à suivre.

La LOLF impose du reste un effort de clarification – auquel le budget de l'Élysée échappe encore – et le regroupement de l'ensemble des dépenses, en particulier les dépenses de personnel, là où travaillent les personnes. Cela n’empêche pas que perdurent des situations étonnantes : les magistrats membres du cabinet du Président de la République figurent toujours dans les effectifs de leurs tribunaux d'affectation, ce qui empêche d’ailleurs leur remplacement. Il est temps de mettre un terme à ces situations équivoques.

S'agissant des dépenses courantes de fonctionnement, une certaine remise en ordre a été opérée : le ministère de la culture ne paye plus les gommes et les crayons, mais celui des affaires étrangères continue à supporter le coût des réceptions et des petits fours. Rappelons-nous le slogan de 1968 : ce n'est qu'un début, continuons le combat !

D'autres améliorations apparaissent d’ailleurs depuis que la représentation nationale s'intéresse au budget de l'Élysée. Le budget officiel, qui augmentait de 20 % par an entre 1995 et 2003, progresse désormais au rythme de l'inflation – 1 à 2%. Et s'il diminue légèrement en 2007, c'est grâce au rapporteur spécial, qui s'est étonné l'an dernier du paiement d'une taxe sur les salaires – 665 000 euros ! – à laquelle l'État n'est pas soumis.

M. Guy Geoffroy - Je l’ai rappelé.

M. René Dosière - Songez aux économies qui auraient été réalisées si cette observation avait pu être faite cinq ou dix ans auparavant ! J'ai demandé au Premier ministre si l'Élysée allait réclamer les sommes indûment versées. J'attends la réponse.

Il est vrai que l'année 2007 sera celle d’un changement de Président. (« Pas sûr ! » sur les bancs du groupe UMP) En 1995, le Président nouvellement élu avait augmenté de 50 % la dotation votée en loi de finances initiale, fixée par son prédécesseur. Voilà un exemple à ne pas suivre !

La diminution relative prévue en 2007 ne doit pas faire oublier que depuis la première élection de Jacques Chirac, le budget de la Présidence est passé de 3 millions à 27 millions, ce dernier chiffre ne comprenant pas la dotation qui a compensé la suppression des fonds secrets, soit une multiplication par neuf qui est pour le moins excessive pour un Président qui promettait un « État modeste ».

Encore ne s'agit-il que de la partie visible, à laquelle s'ajoutent les financements des ministères. Si l'on connaît aujourd'hui le détail de la contribution de chaque ministère, il n'en va pas de même pour le budget officiel, malgré les modestes améliorations qui se font jour en 2007. La Constitution interdisant de s’adresser directement au Président de la République, j'ai interrogé le Premier ministre pour y voir plus clair. On connaît l’estime qu’il porte aux élus du suffrage universel : il manifeste la plus mauvaise volonté à faire la lumière sur cette partie du budget. Une quinzaine de questions attendent une réponse, parfois depuis plusieurs mois. Que cherche-t-on à dissimuler aux Français ? Cette opacité est une exception française, comme le confirme la comparaison avec les autres démocraties : même le Président des États-Unis rend des comptes au Congrès sur son budget !

Espérons qu'en 2007, un terme sera mis à ces pratiques d'un autre âge ! Car si le budget de la Présidence de la République – 90 millions – ne représente que 0,05 % de celui de l'État, il est le plus symbolique de tous. S'il veut combattre le discrédit qui frappe les responsables politiques, le prochain chef de l'État devra être exemplaire en matière d'utilisation des fonds publics. Comment expliquer aux 36 000 maires, et à tous les acteurs publics, qui doivent justifier le moindre euro de dépense dont, au surplus, la régularité est contrôlée par un comptable public et par la chambre régionale des comptes, que le Président de la République peut dépenser sans compter des sommes dont il fixe lui-même le montant et qui ne sont soumises à aucun contrôle ?

À l'Assemblée nationale, pourtant dotée de l'autonomie financière, un encadrement des dépenses existe – règlement budgétaire, commission pluraliste de vérification des comptes. Nous procédons également à la publication détaillée de notre budget. Cette publication très complète de 150 pages n'a rien à voir avec les quatre pages élaborées par les services de l'Élysée.

Rien ne justifie cette absence de contrôle sur le budget de la Présidence. Des procédures existent à l'étranger, dont on pourrait utilement s'inspirer. L'autorité et la confiance que le peuple accordera au prochain Président de la République sont à ce prix. En faisant la transparence sur son budget, le chef de l’État passera d’une « autorité de commandement » à une « autorité de compétence », pour reprendre la distinction chère à Charles Péguy. Aujourd’hui plus qu’hier, l’autorité du chef de l’État doit reposer sur la confiance. Or celle-ci ne se décrète pas : elle se mérite.

J’espère donc, Monsieur le ministre, que vous pourrez répondre aux trois questions que j’ai posées il y a un mois au Premier ministre. La Présidence envisage-t-elle de réclamer aux services fiscaux les sommes indûment payées au titre de la taxe sur les salaires ? L’Élysée affirme rembourser aux ministères et organismes publics 1,5 million pour des fonctionnaires mis à disposition ; mais le total s’élève selon les réponses des ministères à 2,3 millions ! Comment expliquez-vous cette différence ?

Le nombre des personnes mises à disposition s’élève à 866 selon l’Élysée et à 724 selon les ministères. Où sont les 142 personnes qui ne semblent pas être rémunérées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement - C'est la deuxième année d'application de la LOLF, et conformément au souhait de votre Assemblée, les missions « pouvoirs publics » et « conseil et contrôle de l'État » font l'objet d'une discussion commune.

La mission « pouvoirs publics » regroupe la plupart des organes constitutionnels de la République, qui bénéficient d'une dérogation au droit commun de la LOLF, puisque leurs dotations sont dispensées de contraintes de performance et de régulation budgétaire.

Pour respecter le principe de la séparation des pouvoirs, je n'évoquerai ni les budgets des assemblées, ni celui de la Cour de justice de la République. Je souhaite néanmoins préciser un point concernant le Conseil constitutionnel et répondre à M. Dosière sur le budget de la Présidence de la République, en me réjouissant du constat positif qu’a dressé le rapporteur spécial. Ils devraient d’ailleurs accorder leurs violons !

J’ai été très sensible aux propos du rapporteur spécial concernant le budget de la Présidence de la République. Quant à M. Dosière, je lui rappellerai simplement que tout ce qui est excessif est dérisoire.

M. René Dosière - Vous l’avez déjà dit l’année dernière !

M. le Ministre délégué – Il semble tout de même que vous ayez quelque difficulté à convaincre les militants de votre circonscription.

L'augmentation de 26,3 % des crédits du Conseil constitutionnel s'explique essentiellement par le financement des opérations liées à l'élection présidentielle. Quant à la Présidence de la République, je dois rappeler ce que chacun sait depuis longtemps, à part M. Dosière : son autonomie financière est une spécificité constante, que le Conseil constitutionnel a rappelée dans une décision du 27 décembre 2001. Si ce principe pouvait être admis une fois pour toutes, le débat pourrait se concentrer sur l'essentiel.

M. René Dosière - Cela ne justifie pas l’opacité !

M. le Ministre délégué – L’opposition, en la personne du rapporteur spécial, a apprécié les efforts de transparence accomplis cette année. L’Assemblée dispose en effet, comme elle l'avait souhaité en 2005, de précisions sur les effectifs de la Présidence et du détail des résidences qui lui sont affectées. Stabilité, modération des dépenses et bonne gestion caractérisent une nouvelle fois cette dotation, qui est en baisse de 2,10 %. Les charges de service diminuent également de 1,67 %, du fait pour une large part de l'exonération de la taxe sur les salaires – c’est M. Bourguignon qui avait appelé l’attention du Gouvernement sur ce point l’an dernier : qu’il en soit remercié. Il est par ailleurs utile de noter la stabilité, depuis quatre ans, des charges de services, qui représentent plus de la moitié du budget. La dotation du Président de la République et des charges de personnel n’augmente que de 0,8 %, soit le taux de l’évolution générale du budget de l'État.

Enfin, je crois indispensable de répéter ce que j'ai dit l'an passé sur certains points. Ainsi, l’ensemble du personnel de la Présidence est mis à disposition par divers ministères, conformément à une tradition constante depuis la IIIe République : il n'y a jamais eu de corps de fonctionnaires propre à l'Élysée. Les déplacements du chef de l'État font tout aussi traditionnellement l'objet de dotations spécifiques de différents ministères : affaires étrangères, intérieur, outre-mer et défense. Enfin, les crédits liés aux travaux sur les immeubles affectés, qui sont des monuments historiques, ont toujours été rattachés au ministère de la culture, au titre de la conservation du patrimoine de l'État.

M. René Dosière - Pourquoi n’est-ce pas public ?

M. le Ministre délégué – Monsieur Dosière, il me semble que vous êtes autiste.

Ainsi que l’a souligné le rapporteur spécial, les indemnités des représentants français au Parlement européen ont été cette année très clairement identifiées, pour répondre au souhait des commissions des finances des deux assemblées. C’est une preuve de l’écoute attentive que leur porte le Gouvernement.

La mission Conseil et contrôle de l'État comporte trois programmes. Le programme Cour des comptes et autres juridictions financières en fait partie depuis le 1er janvier 2006 : c’est un gage d'indépendance pour les juridictions financières, qui doivent remplir leur fonction d'assistance au Parlement et au Gouvernement avec le souci constant que l'équilibre entre les deux voulu par le constituant ne soit pas faussé, ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juillet 2001. Cette indépendance est d'autant plus nécessaire que la LOLF a assigné à la Cour deux nouvelles missions d'assistance au Parlement : le dépôt d'un rapport conjoint au projet de loi de règlement, qui analyse l'exécution des crédits par mission et par programme, et la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l'État. En outre, la loi du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a étendu sa mission de certification des comptes au régime général de la sécurité sociale. Son rôle de contrôle externe de l'État s’est donc accru, afin d’assurer une bonne mise en œuvre de la LOLF et l'information la plus complète possible du Parlement et de l'opinion publique. Il est donc essentiel que l'indépendance et l'impartialité de la Cour soient garanties, tant par son positionnement institutionnel que par son organisation budgétaire.

En 2007, la démarche stratégique du programme restera la même, ainsi que les quatre actions qui le composent. Son montant s’élève à 191,71 millions. Ce budget consolide l'autonomie de la gestion du personnel, conséquence du changement de rattachement des nombreux agents qui relevaient auparavant du ministère des finances. Il reflète par ailleurs l’extension des missions des juridictions financières. La nouvelle mission de certification des comptes du régime général de la sécurité sociale se traduit par une création nette de huit emplois, qui s’ajoutent aux trente-cinq postes d'experts créés en 2005 et 2006. En tout, 86 % des crédits sont consacrés aux dépenses de personnel. J’ajoute que le Premier président est déterminé à poursuivre l'amélioration des indicateurs de performance, qui implique une harmonisation entre ceux qui sont utilisés par la Cour et ceux des chambres régionales. Les nouveaux indicateurs devraient figurer dans le projet de loi de finances pour 2008. Par ailleurs, 2007 sera l'année du bicentenaire de la Cour et du 25e anniversaire des chambres régionales et territoriales des comptes. Les nombreuses manifestations seront financées par le mécénat et par un fonds de concours créé à cet effet.

Le programme Conseil d'État et autres juridictions administratives est marqué par l’augmentation de leur activité : le nombre d’affaires traitées par les tribunaux administratifs s’est accru de 14 % en 2003, de 16 % en 2004 et de 5 % en 2005 et l’activité consultative du Conseil d'État a suivi l'activité normative du Gouvernement. Il s'inscrit par ailleurs dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, donc de la poursuite des contrats d'objectifs et de moyens conclus entre le Conseil d'État et les cours administratives d'appel. Ces contrats ont déjà permis de réduire le délai moyen de jugement de moitié, pour le ramener à un an et quatre mois. Le projet de budget du Conseil d'État progresse de 5,3 % en crédits de paiement. Cela permettra la création des soixante emplois nécessaires au fonctionnement du nouveau tribunal administratif de Nîmes, ouvert le 1er novembre 2006. Cela permettra également de récompenser les efforts de productivité des magistrats des tribunaux et des cours administratives d’appel – laquelle a augmenté de 15 % depuis 2003 pour les tribunaux administratifs.

Cela garantit aussi que la dotation pour le paiement des frais de justice pourra faire face à une augmentation du contentieux en 2007. Le Conseil d'État s'est lancé dans une politique volontariste de maîtrise de ces frais, pour l'essentiel des frais d'affranchissement, le juge devant envoyer différents mémoires à la partie adverse. Il a modifié ses règles de procédure afin de diminuer ces coûts, tout en respectant bien sûr les règles du procès équitable, et expérimente depuis un an l'envoi des pièces de procédure par internet, ce qui améliore en outre le service rendu aux justiciables. Diminution des délais, augmentation de la productivité, le tout pour une qualité constante… Les juridictions administratives sont donc engagées depuis longtemps dans la démarche de performance encouragée par la LOLF. Cette année, le Conseil d'État a souhaité étendre cette démarche à son activité de conseil du Gouvernement, avec pour objectif d'examiner 80 % des projets de lois et d'ordonnances en moins de deux mois.

Troisième et dernier programme : celui dédié au Conseil économique et social. Les crédits demandés pour 2007 progressent de 0,65 % par rapport à 2006. Cette hausse modérée s'explique exclusivement par l'augmentation de la valeur du point de la fonction publique. Les dépenses de personnel représentent en effet 87 % de la totalité du budget du Conseil économique et social.

Pour répondre à l’une des préoccupations de certains d’entre vous, je tiens à préciser que le Conseil économique et social a tenu compte de la demande des Assemblées sur les délais d'émission des avis. Mais la fonction de conseil se prête mal à la mesure de la performance. Les indicateurs sont peu évidents à construire et les cibles par nature difficiles à déterminer. Le CES demeure cependant ouvert à toute proposition. Il a également bien pris en compte vos observations sur l'absence de présentation d'actions au sein du programme et mettra à profit l'année 2007 pour y répondre. La présentation d'actions devrait donc figurer dans le PLF 2008.

Pour conclure, je tiens à rappeler que le CES a très largement contribué cette année à la réflexion sur de nombreux sujets, tels que le dialogue social, la représentativité syndicale, la réforme des tutelles ou le travail dominical... Le CES remplit en cela parfaitement sa mission qui est d'animer le débat et de créer les conditions de la modernisation de la nation.

Telles sont les observations que je voulais faire sur les missions Pouvoirs publics et Conseil et contrôle de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

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Pouvoirs Publics

État b

Art. 34

M. René Dosière - Je n’ai malheureusement pas eu de réponse à ma question concernant l’écart de 142 personnes – ce n’est pas rien ! – entre les chiffres fournis par l’Élysée et ceux fournis par les différents ministères. On a tout lieu d’être inquiet d’un tel écart quand on songe à la pratique des emplois fictifs qui fut celle du RPR et de la mairie de Paris. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) J’attends donc toujours une réponse, Monsieur le ministre.

Mon amendement 253 a pour objet de remédier à cette anomalie qui fait que le Président de la République est le seul responsable public qui fixe lui-même son traitement. La rémunération d’un maire est fixée par la loi, celle d’un député aussi, de même que celle d’un ministre – on se souvient d’ailleurs qu’après les élections de 2002, les nouveaux ministres ont vu leur rémunération augmenter de 77 %.

Comme je considère que le traitement que se fixe lui-même le Président de la République est trop modeste (Sourires ), je propose de le fixer à trois fois l’indice G de la fonction publique, soit un niveau de rémunération égal à celui du Premier ministre. Nos compatriotes ne peuvent en effet que s’étonner de voir que le Président de la République est payé trois fois moins qu’un premier ministre et même qu’un secrétaire d’État !

Dans mon amendement, j’augmente donc de 200 000 euros les crédits destinés à la Présidence de la République et comme il faut équilibrer, je prélève cette somme sur la dotation de la chaîne Public Sénat, qui augmenterait tout de même, malgré cette ponction, de 19,5 %.

M. le Rapporteur spécial – La commission des finances n’ayant pas examiné cet amendement, je dirai à titre personnel que déterminer par la loi la rémunération du Président de la République paraît un objectif louable et que la hausse envisagée est substantielle. La réduction proposée pour financer cette dernière me paraît judicieuse, l’évolution des crédits de la chaîne Public Sénat pouvant pour le moins être qualifiée de dynamique. Les moyens de la chaîne ne seraient pas terriblement amoindris par le vote de cet amendement.

M. le Ministre délégué – La règle est que les pouvoirs publics constitutionnels fixent eux-mêmes les crédits nécessaires à leur fonctionnement. Je ne peux donc être favorable à cet amendement.

J’observe que M. Dosière trouve tantôt que les crédits de la Présidence de la République sont trop élevés, tantôt qu’ils sont insuffisants. Je ne sais où est la cohérence, mais j’observe aussi que vous ne déposez cette année qu’un seul amendement, Monsieur Dosière, ce qui semble vouloir dire que les choses s’améliorent. Je crains donc que d’ici très peu de temps, vous n’ayez plus de sujet à approfondir de façon partisane.

M. René Dosière - À partir du moment, Monsieur le ministre, où vous refusez que la rémunération du Président de la République soit fixée par la loi, dans le cadre de la dotation qu’il fixe lui-même, conformément au principe d’autonomie des pouvoirs publics, nous ne sommes plus dans une situation républicaine, mais dans une situation de liste civile accordée à un souverain !

Ce sont en effet, du coup, les 32 millions de la dotation qui se trouvent à la disposition personnelle du Président de la République. Il peut en utiliser une partie pour se rémunérer, une autre pour engager des collaborateurs…

Je ne remets pas en cause l’autonomie financière des pouvoirs publics, mais je distingue la dotation, qui obéit à ce principe, et la rémunération du Président, qui, dans une République devrait être déterminée par la loi. Une fois de plus, Monsieur le ministre, vous vous défilez. Mais rassurez-vous, j’aurai l’occasion de faire le point publiquement sur l’ensemble de ces crédits. Ce sera fait en janvier, dans un ouvrage intitulé L’argent caché de l’Élysée, qui paraîtra aux éditions du Seuil.

L'amendement 253, mis aux voix, n'est pas adopté.
Les crédits de la mission Pouvoirs publics, mis aux voix, sont adoptés.

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Conseil et Contrôle de L’État

État b

Les crédits de la mission Conseil et contrôle de l’État, mis aux voix, sont adoptés.

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Ville et logement

M. François Grosdidier, rapporteur spécial de la commission des finances pour la rénovation urbaine et pour l’équité sociale et territoriale et le soutien - La politique de la Ville a un quart de siècle. Pendant vingt ans, elle a affiché les meilleures intentions, avec angélisme et naïveté. Elle a parfois cultivé l'inefficacité en même temps que la bonne conscience.

Vingt années de soutien aux associations de quartier, dont certaines étaient devenues de véritables délégations de service public, mais sans cahier des charges ni évaluation. Vingt années de prévention spécialisée, parfois anti-éducative, quand elle développait un discours de la victimisation des délinquants plutôt de la responsabilisation des jeunes et de leur famille. Vingt années d'éducation, durant lesquelles l'idéologie du « il est interdit d'interdire » et celle du collège unique n’ont pas permis de prendre en compte la diversité des élèves. Vingt années de laxisme, notamment avec une police de proximité qui consistait à aligner des emplois jeunes sans qualification à 10 heures du matin ou à transformer les policiers en animateurs sportifs, policiers dont la pseudo-connaissance du quartier aboutissait au taux d'élucidation le plus faible.

M. Patrick Braouezec - Quelle caricature !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial - Pendant ces vingt années, pourtant, le politique de la Ville n'a pas été inutile. Insuffisante, oui, mais pas inutile. Sans elle, en effet, cela aurait été pire. Mais elle n'a pas atteint ses objectifs. Insuffisance de moyens ou problème de méthode ? Les deux.

Depuis quatre ans et demi, nous avons augmenté les moyens et changé de méthode. Le gouvernement a agi en profondeur sur les causes des problèmes et a pris le taureau par les cornes.

Sur la sécurité d'abord, sous l’autorité de M. Sarkozy, il a mobilisé comme jamais la police, la gendarmerie, mais aussi, dans les GlR, la douane et l'administration fiscale. Cette action fait mal là où il faut, au cœur de l'économie souterraine qui pourrit la vie de quartiers entiers et sape le travail d'insertion.

Droit à la sécurité pour tous donc, mais surtout droits sociaux pour tous, sous la conduite de M. Borloo et de vous-même, Madame Vautrin, qui avez mené une action sans précédent pour faire entrer la République dans les quartiers.

M. Denis Jacquat - Très bien !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial - Dans le projet de loi de finances, les dotations budgétaires proposées pour 2007 sont à la hauteur des enjeux et, avec 1 156 millions en autorisations d'engagement et 1 182 millions d'euros en crédits de paiement sur les deux programmes dont je suis le rapporteur, en forte augmentation par rapport aux crédits de 2006 qui atteignaient déjà des records en LFI et furent majorés après les troubles de novembre.

Ces droits sociaux pour tous, c’est d'abord le droit à un logement et à un cadre de vie dignes en désenclavant les quartiers, en abattant des tours et des barres pour les remplacer par un habitat à taille humaine. C'est l'objet du programme Rénovation urbaine dont l'opérateur unique est I'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Au 18 septembre 2006, elle a engagé 7,2 milliards de subventions, soit plus de 23 milliards de travaux programmés sur les cinq ans à venir, dans 355 quartiers où vivent deux millions d'habitants.

Dans ce budget, il lui est affecté 400 millions en autorisations d'engagement et 386 millions en crédits de paiement, dotation qui, au demeurant, excède ses besoins de trésorerie immédiats.

Pour le locatif social, sont engagées la construction de 84 000 logements, la démolition de 86 000 et la réhabilitation de 182 000 autres. De nombreux équipements commerciaux, sociaux et culturels vont être créés ou rénovés ainsi que de plus de 200 écoles.

C’est aussi le droit à l'intégration culturelle, à l'insertion sociale et professionnelle par la lutte contre les handicaps et les discriminations, le droit à l'éducation en accompagnant davantage les élèves les plus en difficulté. Dans le cadre du programme Équité sociale et territoriale. 756 millions y sont affectés pour 2007, avec pour opérateur unique l'agence nationale de cohésion sociale et d'égalité des chances – ANCSEC. Ces dernières années, nous avions privilégié une approche moins étatique en faisant de la dotation de solidarité urbaine un véritable outil de redistribution entre communes.

J'avais souvent déploré que cette dotation ne soit pas affectée et que les communes bénéficiaires ne rendent pas compte de son emploi, comme la loi le leur impose. Pis encore, en novembre 2005, certains maires ont critiqué, de concert avec des acteurs de terrain, une modeste diminution du fonds interministériel à la Ville en oubliant de dire que la DSU avait augmenté trois fois plus !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Exactement !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial - La DSU comme outil unique atteignait ainsi ses limites et, en maire responsable, je le regrette. Avec l'ANCSEC, nous revenons à un système plus étatique mais plus complexe. Elle sera chargée, dès 2007, de mettre en œuvre les contrats urbains de cohésion sociale, qui remplaceront les contrats de ville.

D'une durée reconductible de trois ans, ils se déclineront selon cinq priorités : l'emploi et le développement de l'activité, l'habitat et le cadre de vie, la réussite éducative, la prévention de la délinquance et la citoyenneté, et enfin la santé. Au titre du programme Équité sociale et territoriale, 120 millions seront ainsi affectés à la prévention de la délinquance, 93 millions au dispositif des adultes-relais et 112 millions au programme de réussite éducative. D’ici à la fin 2006, 370 projets de réussite éducative avec 450 équipes pluridisciplinaires prenant en charge près de 80 000 enfants et adolescents, seront labellisés, avec des crédits de 85 millions. Le plan de cohésion sociale prévoyait la création de 750 équipes pluridisciplinaires de réussite éducative fin 2009 : nous avons déjà parcouru 60 % du chemin.

D’autre part, nous atteindrons en 2007 la centaine de zones franches urbaines, leviers de la revitalisation économique, avec 333 millions de crédits.

La géographie de la politique de la ville évolue donc, et les contrats urbains de cohésion sociale en tiennent compte. Cela peut rendre plus difficile de mesurer la performance de la dépense publique, mais c’est un signe des bons résultats de cette politique.

Plus le programme national de rénovation urbaine montera en puissance, plus la mixité sociale s'accroîtra, plus il faudra se libérer d’une approche territoriale pour suivre familles et individus, même si c’est plus difficile, en raison du secret professionnel revendiqué par les travailleurs sociaux et du droit à la protection des données personnelles qui peut gêner le suivi statistique. Mais la politique de la Ville s’adresse bien à des populations plus qu’à des territoires.

Je vous demande d'adopter ces crédits qui permettent au Gouvernement de rendre effectifs nos principes d'égalité et de fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Scellier, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l’aide à l’accès au logement et pour le développement et l’amélioration de l’offre de logement – Le logement est un des aspects de la politique de la Ville. Consolidant les moyens budgétaires importants consacrés à la politique du logement depuis 2002, le Gouvernement a inscrit au budget 2007 6,15 milliards en autorisations d'engagement et 5,98 milliards en crédits de paiement.

Au-delà, c’est de plus en plus par des dépenses fiscales, notamment depuis la réforme du prêt à taux zéro en 2005, que se traduit son effort financier en faveur du logement. En 2007, à 10,6 milliards, elles augmenteront de 4 % à périmètre constant.

Ce budget permettra de financer les cinq priorités que s’est fixées le Gouvernement.

La première est de financer des aides à la personne, pour 4,9 milliards en 2007. A compter du 1er janvier prochain, le barème des aides personnelles au logement sera revalorisé de 1,8 %. Grâce à l'actualisation des différents barèmes, les prestations augmenteront de 259 millions en 2007, dont 127 millions seront pris en charge sur le budget de l'État.

Il s’agit en second lieu de développer le logement locatif social, suite à l’impulsion donnée par le plan de cohésion sociale. En 2005, 80.000 logements sociaux ont été financés, soit 42 % de plus qu'en 2002. En 2006 et 2007, le Gouvernement s'est fixé pour objectif d’en financer 100.000. De nombreuses mesures adoptées par la loi « engagement national pour le logement » y contribueront, comme celles qui permettent de lutter contre la rétention foncière. Élu d'Île-de-France, je suis bien placé pour savoir que trouver des terrains constitue un obstacle majeur à la construction de logements sociaux.

En 2007, 481 millions d'autorisations d'engagement et 458 millions de crédits de paiement seront consacrés au développement du parc locatif social. Les bailleurs sociaux bénéficieront de 1,2 milliard d'avantages fiscaux. Pour les opérations locatives sociales en cours d'instruction, une nouvelle baisse de 0,2 % du taux des prêts équivaudra à une subvention de 2 % du prix de l'opération.

La troisième priorité de la politique du logement est le développement de l'offre locative privée. La loi « engagement national pour le logement » a renforcé le rôle de l’ANAH, désormais chargée de promouvoir le développement du parc locatif privé ne nécessitant pas de travaux. S’il signe une convention, le propriétaire qui louera un logement à un loyer intermédiaire bénéficiera d'une déduction de 30 % de ses revenus fonciers. Pour une location à loyer social, le taux atteint 45 %.

Parallèlement la réforme du dispositif Robien et la création d'un dispositif d'investissement locatif intermédiaire Borloo accroissent l'offre de logements locatifs privés neufs.

En 2007, l'ANAH bénéficiera de 527 millions en autorisations d'engagement et de 353 millions en crédits de paiement. Elle devrait contribuer à construire 37500 logements à loyers maîtrisés, à remettre sur le marché 18 000 logements vacants, à financer les travaux de 35.600 logements insalubres, et à subventionner l'amélioration du logement de 36 000 propriétaires-occupants.

La quatrième priorité est de développer l'accession sociale à la propriété. Les derniers prêts à taux zéro « ancienne formule », émis jusqu'en février 2005, sont financés à hauteur de 3 millions en autorisations d’engagement et de 10 millions en crédits de paiement. La réforme du prêt à taux zéro porte ses fruits, avec près de 250.000 ménages aidés en 2006 contre 80 000 en 2004, ce qui portera la dépense fiscale à 770 millions, contre 515 millions en 2006.

La loi « engagement national pour le logement » a augmenté le montant du prêt à taux zéro pour les ménages accédant à la propriété dans les zones où le marché immobilier est le plus tendu et a fixé un taux de TVA réduit pour l'accession à la propriété dans les zones urbaines sensibles. Elle permet aussi, comme je l’avais proposé, de sortir du plan d'épargne retraite populaire en capital et non plus en rente, pour financer l'achat d'une résidence principale, ce qui devrait profiter aux retraités modestes.

La dernière priorité est la lutte contre l'insalubrité. Les crédits consacrés à la lutte contre l'habitat indigne atteindront 26 millions en autorisations d'engagement et 23 millions en crédits de paiement. Leur forte augmentation – respectivement 30 % et 27,8 % – permettra de mener des actions plus nombreuses conformément à la réglementation issue de l'ordonnance du 15 décembre 2005 relative à l'habitat indigne. Celle-ci donne des moyens d’action très utiles aux maires. Mais étant donné sa complexité, il conviendrait de renforcer leur information sur les nouveaux outils dont ils disposent.

Pour conclure, je souligne d’abord que la politique du logement s'appuie de plus en plus sur des dispositifs fiscaux. Il faudrait donc mieux évaluer cet type de dépense dans le projet annuel de performances.

Un système plus incitatif pour les maires, qui pourrait prendre la forme d'une majoration de dotation globale de fonctionnement pour les communes qui construisent des logements sociaux, améliorerait le dispositif.

Enfin, je tiens à saluer la politique du Gouvernement, qui a agi sur lensemble des maillons de la chaîne du logement, dans la durée – comprenant bien que modifier constamment les dispositifs représente un frein au développement de la chaîne – et dépassant la distinction entre parc public et parc privé, qui a perdu toute signification.

En conclusion, la commission des finances a approuvé les crédits des programmes Aide à l'accès au logement et Développement et amélioration de l'offre de logement. Je vous invite à faire de même.

M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la rénovation urbaine, l’équité sociale et territoriale et le soutien – Les choses commencent enfin à bouger sur le terrain. Alors que la politique de la Ville a maintenant trente ans, les quartiers en difficulté, qui étaient au ban de notre société, à la marge de notre territoire, sortent de l’ombre. Ces quartiers cumulaient tous les handicaps : urbanisme délirant et habitat dégradé, tissu commercial de plus en plus réduit, faible activité économique, carence des équipements et des services publics, école bien en peine de jouer son rôle d’intégration, de formation et d’ascenseur social.

En tant que rapporteur de la loi d’orientation et de programmation pour la ville, je me suis rendu récemment dans ces quartiers. J’ai vu des paysages urbains en train de se métamorphoser, parce que la rénovation urbaine entreprise a intégré le bien-fondé d’un urbanisme qui respecte les populations, la nécessité d’un pacte social entre l’urbain et l’humain.

Cela passe tout d’abord par la démolition et la reconstruction, pour faire table rase d’un habitat dégradé, voire délabré, remplacé par des logements où il fait bon vivre. Mais cela consiste aussi et surtout à mettre tout le monde autour de la table, tout en amplifiant la mobilisation de l'État. Ainsi, la loi de 2003 prévoit la sanctuarisation de moyens importants pour ce dernier – plus de 465 millions d'euros par an. L’État joue aussi son rôle de facilitateur, puisque la gestion des dossiers des communes se fait désormais auprès d'un guichet unique, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.

Pour 2007, le programme Rénovation urbaine connaît une hausse importante, accompagnant la montée en charge des opérations de l'ANRU. Il se voit doté de 400 millions d'euros en provenance de l'État, auxquels s'ajoutent 200 millions de ressources extrabudgétaires.

L’analyse serait incomplète si l'on ne tenait pas compte de l’effort de l'État en matière fiscale. Le taux réduit de TVA pour les opérations d'accession sociale à la propriété réalisées dans les quartiers en rénovation urbaine ou à proximité de ceux-ci, qui représente un effort fiscal estimé à 300 millions d'euros en 2007, permettra de diversifier l'habitat et de favoriser les parcours résidentiels.

Cette rénovation urbaine n'est pas seulement la mobilisation de crédits, mais aussi la mobilisation de tous les acteurs, collectivités locales, bailleurs sociaux, services déconcentrés et ANRU, au service d'un projet commun.

L'ANRU a joué un rôle de catalyseur, et je salue le formidable effet de levier que constituent ses subventions. Il est vrai que celle-ci a connu certains dysfonctionnements lors de son installation, le manque de stabilité juridique ou encore le risque de voir cette structure se transformer en grosse administration ayant été soulignés. Mais les résultats sont là ; maires, bailleurs et préfets plébiscitent l'ANRU !

Le second volet de la politique de la ville est la dimension sociale et humaine, grâce à une politique de proximité et d'accompagnement des familles en difficulté qui réconcilie l’humain et l’urbain. Les crédits de ce programme ont été considérablement augmentés en 2006, de 181 millions, dont 80 millions pour les associations. Cette politique se poursuit en 2007, malgré un contexte budgétaire contraint : les crédits du programme s'élèveront à 795 millions en crédits de paiement, contre 793 millions en 2006.

Au sein de ce programme, 121 millions seront affectés aux dispositifs de prévention de la délinquance, à travers, notamment, les programmes Ville, vie, vacances et « adultes-relais ». En outre, 232 millions sont affectés au développement social des quartiers, permettant de financer le dispositif « école ouverte », les ateliers santé-ville, le volet social des contrats urbains de cohésion sociale, et surtout le lancement du programme de réussite éducative. Ce volet social est également renforcé par la création, en 2006, de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.

Troisième aspect de la politique de la ville : la redynamisation économique des quartiers. Le programme des zones franches urbaines a été relancé en 2006 par la loi pour l'égalité des chances : le nombre de ZFU a par conséquent doublé depuis 2002, pour atteindre le nombre de cent en 2006. L'objectif est d’inciter à la création d'entreprises dans ces quartiers et de changer l'image négative dont ils souffrent. Les exonérations représenteront un coût de 333 millions pour l'État en 2007.

Ces trois volets de la politique de la ville font désormais l'objet d'un partenariat entre l'État et les collectivités territoriales, qui prend la forme de conventions avec l'Agence nationale de rénovation urbaine, d'une part, et de contrats urbains de cohésion sociale, d'autre part.

Au total, les crédits de la mission Ville et logement affectés à la politique de la ville s'élèvent à 1,15 milliard en autorisations d'engagement, et 1,18 milliard en crédits de paiement, soit une progression de 15 %. Mais ce sont la plupart des ministères qui concourent à la politique, de sorte que la contribution totale de l'État est estimée à 3,7 milliards en 2007, incluant les fonds des politiques de l'emploi, de l'éducation, de sécurité, de santé, ainsi que du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Ce triptyque devrait permettre de diversifier l'habitat des quartiers prioritaires, de renforcer l'insertion professionnelle et l'intégration des populations, et de redynamiser l'activité économique. Dans cette perspective, je ne peux qu’émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme Rénovation urbaine et du programme Équité sociale et territoriale et soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Abelin, rapporteur pour avis de la commission des affaire économiques, pour l’aide à l’accès au logement et pour le développement et l’amélioration de l’offre de logement - L'année 2006 est un excellent cru pour le secteur du logement : chiffres du secteur de la construction à des niveaux historiques, adoption de la loi portant engagement national pour le logement, lancement du programme des maisons à 100 000 euros.

Les chiffres des mises en chantier et des délivrances de permis de construire atteignent des niveaux historiques. Plus de 550 000 autorisations et 430 000 chantiers sont comptabilisés, soit une augmentation de 13,8 % et de 12 % respectivement. Du jamais vu depuis 1980 ! La croissance de l’activité est donc soutenue : 10 % en 2006. L'ensemble des segments du logement, individuel et collectif, privé et social, progressent. Les premiers effets du plan de cohésion sociale commencent à faire sentir sur les mises en chantier de logements sociaux, avec 93 000 logements prévus en 2006, ainsi que sur l’emploi, avec plus de 400 000 créations nettes dans le secteur du bâtiment. Je me félicite de ces résultats, d'autant que la politique gouvernementale vise tous les maillons de la chaîne du logement : logement social, hébergement d'urgence, résorption de l'habitat indigne, lutte contre la vacance, logement conventionné, logement intermédiaire, rénovation urbaine, relance de l'accession à la propriété.

Les maires sont dotés de nouveaux outils. Les autorisations d'urbanisme ont été sécurisées. Dans le sillage du prêt social de location-accession – PSLA – et de la réforme du prêt à taux zéro, l'accession sociale à la propriété est renforcée, avec la possibilité de majorer ce prêt sous certaines conditions, et l'application d'un taux réduit de TVA aux opérations réalisées dans un quartier en rénovation urbaine.

En outre, le Gouvernement s'est efforcé d'inscrire la politique du logement dans la durée, dans le cadre pluriannuel du plan de cohésion sociale et du programme national de rénovation urbaine, dont les crédits sont, comme chaque année, au rendez-vous. Cette programmation pluriannuelle offre davantage de lisibilité et, surtout, garantit la pérennité des financements.

Je reviendrai brièvement sur les grandes lignes de ce budget. Le budget du logement devrait s'élever en 2007 à 6,15 milliards d'autorisations d'engagement, soit une baisse de 2,53 %, et à 5,98 milliards de crédits de paiement, soit une baisse de 5,49 %. Il se partage entre les aides au logement, constituant un programme de près de cinq milliards de crédits, et les aides à la pierre, dotées de plus d'un milliard d'euros.

La contribution de l'État aux aides personnelles au logement est dotée de 4,911 milliards en 2007, soit une baisse de 3,84 %, qui s’explique par l'amélioration de la situation économique des ménages, l'augmentation des cotisations des employeurs et la moindre augmentation des loyers liée à l’effet modérateur du nouvel indice de révision. Par ailleurs, les ressources du fonds national d’aide au logement – FNAL – augmenteront, grâce à un alignement de la cotisation des employeurs publics sur celle des employeurs privés. Enfin, la contribution exceptionnelle des sociétés anonymes de crédit immobilier se traduira par un apport de 150 millions d'euros à ce fonds en 2007.

En ce qui concerne les aides à la pierre, 479,5 millions d'euros seront consacrés à la construction de logements locatifs sociaux, hors zones urbaines sensibles, qui font l'objet de crédits affectés au programme de rénovation urbaine. Dans le cadre du plan de cohésion sociale, 100 000 logements locatifs sociaux devraient être financés en 2007 : 6 500 logements PLAI, 56 500 logements PLUS, et 37 000 PLS.

L'État contribue au budget de l'Agence nationale de l'habitat pour 480 millions d'euros, soit une augmentation de 5,6 %, tandis que les recettes de la taxe sur les logements vacants, affectées à l'Agence, se montent à 20 millions d'euros.

Si la dépense fiscale est globalement en baisse, cette tendance ne concerne en réalité que les exonérations d'intérêts et primes versés dans le cadre de l'épargne logement. Certaines dépenses fiscales augmentent en revanche fortement. Le crédit d'impôt pour les dépenses d'équipement en faveur des économies d'énergie, doté de 400 millions d'euros en 2005, devrait recevoir un milliard en 2007. Le coût du prêt à taux zéro, dont le nombre de bénéficiaires accédants a plus que doublé et dont le coût passe de 515 millions à 770  millions en 2007. Enfin, le dispositif de Robien coûtera 400 millions, au lieu de 350 millions en 2006.

Et je n'oublierai pas les 5 milliards que coûte l'application du taux réduit de TVA aux travaux d'amélioration de logements achevés depuis plus de deux ans, laquelle a été prorogée jusqu'en 2010 grâce à notre combat commun au niveau européen.

Globalement, l'effort pour le logement – en crédits budgétaires et dépenses fiscales – approchera 17 milliards, et permettra, je le souhaite, de nouveaux progrès pour le logement de nos concitoyens. Nous allons entrer dans la troisième année d'exécution du plan de cohésion sociale. Tout à l’heure, j'ai salué la très forte mobilisation des acteurs du logement dont vous êtes, Madame la ministre, l'un des principaux artisans, ainsi que les premiers résultats que nous constatons. Il reste que nous avons collectivement l'ardente obligation d'entretenir cette mobilisation, pour éviter que le soufflé ne retombe et que les acteurs ne se découragent.

Sur le terrain, nous constatons un risque de télescopage entre la montée en puissance des opérations de rénovation urbaine et l'effort simultané de production de nouveaux logements sociaux. Les fonds propres et les personnels des bailleurs sociaux sont largement sollicités, les collectivités territoriales également, avec la nouvelle demande de participation financière de 25 % à 30 % pour les opérations ANRU.

Vous avez prévu des mesures favorables pour les uns et pour les autres : la baisse de 0,2 % des prêts, la prolongation – pour les bailleurs – de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties, le remboursement – dès la première année – des exonérations de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les nouveaux logements sociaux construits, de même que la taxe facultative sur les terrains devenus constructibles pour les collectivités locales.

Il reste qu'il faudra entretenir la motivation des acteurs en introduisant de nouvelles mesures, si nous voulons accélérer le rythme de production jusqu'aux 120 000 logements sociaux souhaités par le Président de la République.

M. Patrick Braouezec - Il reste du chemin à faire !

M. Jean-Pierre Abelin, rapporteur pour avis – Mes autres interrogations concernent l’incertitude sur la montée des taux d'intérêt, dont témoigne la double hausse du Livret A qui aura un impact direct sur le coût des emprunts des bailleurs. Et une incertitude, également, sur l’avenir du Livret A, lequel reste au cœur du financement du logement social et constitue un outil d'épargne populaire particulièrement apprécié. Le Gouvernement a défendu le duopole de distribution de ce produit auprès des autorités européennes. Merci de nous faire part de votre sentiment et de vos informations les plus récentes sur ce dossier.

Je ne m’attarde pas sur le niveau du prix du foncier et sur l'insuffisance de production de logement en Île-de-France. Merci, cependant, de nous dire où en est l'État dans la cession de ses terrains : ces ventes se concrétisent-elles en programmes de logements sociaux ? Où en sont les projets nationaux prévus dans la loi ENL ?

Enfin, je voudrais insister sur le taux d’effort supporté par les ménages pour leur logement. Au cours des dernières années, l'augmentation de l’indice du coût de la construction, des loyers et des charges locatives a été plus rapide que celle des aides personnelles au logement ou des revenus. À compter du 1er janvier dernier, le Gouvernement a décidé un changement d’indice qui s'est traduit par une moindre augmentation des loyers, et il a également prévu après l'augmentation de 1,8 % des aides personnelles au logement du 1er septembre 2006, une augmentation de 1,8 % des barèmes de l'APL et du forfait charges au 1er janvier 2007. Vous prévoyez ainsi de stabiliser les taux d'effort nets dès l'année prochaine.

Toutefois, depuis plusieurs années, la part du logement dans le budget des ménages a continué d’augmenter. C’est pourquoi notre commission des affaires économiques a voulu, à l'unanimité, faire un geste en direction des locataires, en reprenant, sous forme d'amendement, un souhait exprimé pendant la discussion de la loi portant ENL, ainsi que par le Médiateur de la République. Il s’agit de supprimer le seuil de 24 euros mensuels, en deçà duquel les aides personnelles au logement ne sont plus versées, depuis 2004. Leur coût est estimé à 33 ou 34 millions d'euros. Merci, Madame la ministre, d'entendre cette demande répétée de la commission.

Le Gouvernement présente un budget qui contribuera à la poursuite de l'effort national en faveur du logement et au rééquilibrage de l'offre et de la demande. Il est conforme à l'amélioration que nous constatons sur le terrain. La commission des affaires économiques vous propose par conséquent de l’adopter.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Je constate que, comme nous avons eu à le déplorer lors de l’examen de plusieurs textes sur le logement, les crédits de cette mission ne soient pas examinés en présence de M. Borloo.

Nous entamons aujourd'hui la discussion d'un budget situé au carrefour de deux crises majeures de notre société. Le budget de la mission Ville et logement doit en effet relever les défis lancés par la ségrégation urbaine, ainsi ceux provoqués par la pénurie de logements.

Depuis 2002, les députés socialistes n'ont cessé d'alerter la majorité sur l'insuffisance des moyens dégagés pour résoudre ces deux crises. À l'heure où nous examinons le dernier budget de la législature, l'échec de la politique conduite sur ces deux fronts depuis plus de quatre ans est patent.

L'échec de la majorité en matière de politique de la ville vient d'être publiquement établi, dans le dernier rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, qui met en évidence que « le processus de décrochage dans les zones urbaines sensibles n'est pas enrayé » et que « l’on constate même un creusement des écarts entre les quartiers classés en ZUS et les autres quartiers des agglomérations auxquels ils appartiennent ». La dégradation de la situation frappe tous les aspects de la vie dans ces quartiers : emploi, réussite scolaire, sécurité…

Le Gouvernement explique que ce rapport n'intègre pas les mesures prises à la suite des émeutes urbaines de l'automne 2005. Mais on sait que ces mesures ont consisté, pour l’essentiel, à rattraper les annulations, gels, et autres réductions de crédits survenus lors des budgets précédents.

Cet échec rappelle l'urgence de donner, enfin, un véritable pilote à la politique de la ville. Le ministère de la ville a plusieurs fois perdu son nom et changé de périmètre depuis 2002. À chaque nouvelle appellation a correspondu un nouveau ministre : en quatre ans, quatre titulaires se sont ainsi succédé à sa tête. La création d'une nouvelle Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances fait craindre une dilution complète des responsabilités, au niveau national.

Dotée d'un vrai pilote, la politique de la ville devra d'abord reprendre le chantier de la rénovation urbaine. La réussite de ce grand projet exige une mobilisation de ressources financières exceptionnelles. Il convient aussi de prévenir le risque de dilution de crédits que fait planer la création de l’agence de la cohésion sociale et pour l’égalité. À cet égard, le budget de la mission Ville et logement n'est pas à la hauteur. Comme l'année dernière, l'obligation de verser 465 millions à l'ANRU ne sera honorée que par le concours de recettes extrabudgétaires. Sachant que ces recettes ne peuvent pas être sollicitées d'une année sur l'autre, il est à craindre que le Gouvernement ne vienne de racler ses derniers fonds de tiroir. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Au-delà de l'année 2007, les perspectives restent en effet très sombres. Au 1er septembre 2006, l'ANRU a déjà engagé 7,2 milliards, soit 70 % de ses ressources totales, pour subventionner 190 projets de rénovation. Or 280 projets sont encore en attente de financement. M. Yazid Sabeg, président du comité d'évaluation et de suivi de l'ANRU, juge qu’ il n'y a pas assez d'argent et que l'essentiel des crédits a été consommé .

Menacée par l'insuffisance de son financement, la politique de rénovation urbaine n'atteint pas aujourd'hui les résultats escomptés. Si les démolitions de logements sociaux se multiplient, les reconstructions se font beaucoup plus rares. L'indicateur de reconstitution de l'offre locative précise que le taux de couverture des démolitions par les reconstructions n'a été que de 53,6 % en 2005, et ne devrait pas dépasser 76 % en 2006 : on est loin du 100 % érigé en impératif absolu lors de la discussion de la loi de 2003.

Mais il y a pire. Non seulement la politique de rénovation urbaine contribue à aggraver les tensions du marché locatif, mais elle ne remplit pas sa principale mission : briser les ghettos urbains. Selon les évaluations faites par l'Union sociale pour l'habitat, la moitié des reconstructions sont prévues sur le site du quartier démoli, et l'autre moitié sur le reste de la commune. Ce n'est pas en reconstituant les quartiers sur eux-mêmes au sein de zones paupérisées que l'on luttera efficacement contre la ségrégation urbaine. Pour faire avancer la mixité sociale, il est essentiel que la reconstruction des logements sociaux se fasse à l'échelle des agglomérations. Cette ambition, il est vrai, ne pourra être portée que par une majorité fermement attachée au principe de solidarité que pose l'article 55 de la loi SRU.

Les résultats de la politique gouvernementale ne sont, hélas, pas meilleurs en matière d'accompagnement social. À en croire le Gouvernement, un effort exceptionnel de 100 millions aurait été consenti en faveur des associations, dès l'automne 2005, à la suite des violences urbaines. En réalité, cet « effort exceptionnel » n'a fait que ramener les financements au niveau atteint à la fin de la précédente législature. Entre 2002 et 2005, les crédits versés aux associations ont, en effet, subi une baisse de 40 % !

Mme la Ministre déléguée - Nous en reparlerons cet après midi.

M. François Grosdidier, rapporteur spécial Il ne faut pas donner pour donner !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Le bilan des mesures prises en faveur de la relance économique des quartiers sensibles est, lui aussi, plus que mitigé. S'il est incontestable que les zones franches urbaines attirent des entreprises grâce à leurs avantages fiscaux, leur effet contre le chômage reste fort médiocre. La moitié des entreprises établies dans les 41 ZFU créées en 2004 n'emploient aucun salarié. Le dispositif ZFU n'a donc pas eu un effet suffisant pour compenser les handicaps de départ affectant ces territoires. Sachant le coût exorbitant des avantages fiscaux consentis – 533 millions en 2007 –, la question de la pertinence des zones franches est aujourd’hui posée.

L'échec du Gouvernement dans la lutte contre la crise du logement est tout aussi manifeste. Un seul chiffre permet l'établir : depuis 2002, le nombre de demandeurs de logements sociaux a poursuivi sa progression et atteint désormais 1,4 million.

Le budget de la mission Ville et logement ne permettra malheureusement pas d'inverser la tendance. L'enveloppe consacrée au financement des aides à la personne continue de baisser. Anticipant la baisse du chômage, le Gouvernement diminue les crédits de 3,82 %, alors même que 300 000 nouveaux ménages arrivent chaque année sur le marché locatif. Cette mesure d'économie est d'autant moins acceptable que l'État sollicite les ressources des employeurs publics et des SACI pour alimenter le FNAL.

Surtout, l’actualisation de 1,8 % des loyers plafonds et du forfait charges au 1er janvier 2007 reste largement inférieure aux besoins des locataires. Au cours de cette année, les loyers ont augmenté, en moyenne, de 2,4 %, et les charges ont grimpé de 5 %. Pourquoi, mes chers collègues, ne pas indexer, dès cette année, les aides personnelles sur les loyers, comme Nicolas Sarkozy le propose dans son projet pour 2007 ?

Rappelons, enfin, le scandale relatif au seuil de non versement. Face à l'indignation provoquée par son relèvement à 24 euros, en 2004, le Gouvernement a annoncé à plusieurs reprises son intention de le ramener à 15 euros. Pourtant, toutes les tentatives faites en ce sens, par des parlementaires de tous bords, se sont vu opposer l'irrecevabilité de l'article 40. Nous allons voir si le Gouvernement est enfin disposé à accepter l’amendement que nous avons unanimement adopté à ce sujet !

Toutes ces restrictions budgétaires ont en effet des conséquences sensibles sur le pouvoir d'achat des locataires. Depuis quatre ans, la part des ressources qu'ils consacrent au paiement de leurs loyers ne cesse d'augmenter, quelle que soit leur catégorie sociale. Selon les chiffres fournis par le bleu budgétaire, entre 2003 et 2007, le taux d'effort des bénéficiaires de minima sociaux devrait passer de 15 % à 19,5 %, tandis que celui des salariés devrait augmenter de 25 % à 27,4 %.

En érodant ainsi le budget des locataires modestes – je rappelle que près de 75 % des bénéficiaires des aides personnelles ont des revenus inférieurs au SMIC –, le Gouvernement les expose au risque du surendettement et, dans les cas les plus graves, à celui d’être expulsés.

Le programme consacré au développement et à l'amélioration de l'offre de logement pâtit lui aussi de mauvais choix budgétaires. A bon droit, les organismes de logement social se sont d'abord étonnés de constater la diminution d'un million des autorisations d'engagement qui leur seront destinées en 2007. Plus grave encore, les crédits de paiement chutent de 77 millions par rapport à ceux versés en 2006, et de 152 millions par rapport aux prévisions affichées dans le plan de cohésion sociale. Tout laisse donc craindre une reconstitution rapide de la dette de l'Etat à l'égard des bailleurs sociaux, alors même que cette dette n'avait pas été totalement apurée l'année dernière.

M. Jean-Louis Dumont - 440 millions !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - La réduction de ces subventions est d'autant moins justifiable qu'explosent, dans le même temps, les avantages fiscaux accordés, sans contrepartie sociale, aux investisseurs privés. Le coût du dispositif « de Robien » est ainsi estimé à 400 millions en 2007 contre 300 millions l’année dernière.

Enfin, un tel budget ne permettra pas d’atteindre les objectifs du plan de cohésion sociale. Dès l’année dernière, alors qu’il était prévu de financer 90 000 logements sociaux, seuls 80 000 agréments avaient été délivrés. Entre janvier et septembre, ils reculent cette année de 46 % par rapport à la même période en 2005. L’objectif des 100 000 logements sociaux ne pourra être tenu.

Mme la Ministre déléguée - Nous avons fait le double de ce que vous avez fait !

M. François Grosdidier, rapporteur spécial – Absolument !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous savons en outre que seuls 25 % des demandeurs de logements sociaux entrent dans les critères du PLS alors que leur proportion au sein de l’offre nouvelle atteindra pourtant 37 % en 2007. L’offre locative sociale, quant à elle, recule là où elle est précisément la plus nécessaire. Selon le « bleu » budgétaire, le pourcentage de logements sociaux financés en zone tendue diminue : de 24 % en 2004, il est passé à 22,5 % en 2005 alors que le Gouvernement espérait qu’il atteindrait 30 % en 2009.

Le groupe socialiste estime qu’il faut revoir l’enveloppe et la répartition des crédits de la mission Ville et logement. Il n’approuvera donc pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à15 heures.
La séance est levée à 13 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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