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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mercredi 22 novembre 2006

Séance de 15 heures
28ème jour de séance, 60ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

liban

M. François Bayrou – Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Hier, Pierre Gemayel est mort sous les balles. Nous savons qui est mort : le fils de l’ancien président Amine Gemayel, jeune ministre et visage nouveau de l’une des familles et de l’une des communautés qui ont fait l’histoire du Liban. Je présente mes condoléances à son épouse et à ses deux jeunes enfants, à son père aussi qui, par le sang-froid et la retenue dont il a fait preuve hier, a su, une nouvelle fois, servir son pays. Mais nous savons aussi qui était visé : le Liban, son indépendance et la paix civile qui garantit son avenir.

Quelle est, sur ce drame, la vision de la France, Monsieur le Premier ministre ? Quel lien établissez-vous entre cet assassinat et la décision prise par les Nations unies de créer un tribunal spécial international appelé à juger les assassins de Rafic Hariri ? Comment la France, qui a une force sur place, envisage-t-elle d’aider à la survie d’un Liban indépendant et libre ? (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères  Je tiens à dire mon immense émotion après le lâche attentat qui a coûté la vie à Pierre Gemayel. Je présente les condoléances du gouvernement français à sa famille, à ses proches, au Gouvernement et au peuple du Liban.

Comme le Président de la République, le Gouvernement condamne avec la plus grande fermeté ce crime odieux qui montre que l’on continue d’user de méthodes d’un autre âge – la violence et la lâcheté d’un assassinat – pour menacer et intimider tout un peuple et son gouvernement démocratiquement élu. À de tels actes, on ne peut répondre que par le courage, en soutenant, plus que jamais, le gouvernement de M. Fouad Siniora dans son combat en faveur de la liberté du Liban, et d’un État de droit. On doit y répondre aussi en aidant le Liban à constituer le tribunal spécial international, et j’ai appris avec plaisir que, cette nuit, le Conseil de sécurité de l’ONU a apporté un soutien unanime à sa création. Les auteurs masqués de ces attentats sauront ainsi qu’ils devront un jour répondre de leurs crimes devant la justice internationale.

En représentant, demain, la France aux obsèques de Pierre Gemayel, je méditerai la phrase de Kofi Annan, selon lequel « au Liban, il n’y aura jamais de paix s’il n’y a pas de justice ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

M. le Président – Par ma voix, l’Assemblée nationale s’associe aux condoléances que le Gouvernement a adressées à la famille de Pierre Gemayel et au peuple libanais. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

habilitation d’accès des salariés aux aéroports

M. Patrick Braouezec – Le groupe des députés communistes et républicains s’associe à l’hommage rendu à la mémoire de Pierre Gemayel et souhaite que le Liban, dans sa diversité, trouve le chemin de la paix.

L’an passé, Monsieur le ministre de l’intérieur, des centaines d‘employés de l’aéroport de Roissy se sont vu retirer ou refuser leur habilitation d'accès à la plateforme aéroportuaire pour des raisons diverses. Mais, depuis plusieurs mois, des dizaines de salariés, en raison de leur origine ou de leur appartenance religieuse, ont été avertis que leur titre d'accès en zone réservée était abrogé. Ils ont, de ce fait, perdu leur emploi du jour au lendemain, sans préavis ni indemnités.

Ces décisions n’ayant jamais été précisément justifiées, on pourrait penser qu'elles relèvent de motifs sans rapport avec la sûreté. Les propos du sous-préfet de Roissy sont en effet laconiques : les personnes concernées présenteraient, selon lui, un risque de « vulnérabilité ou de dangerosité » pour la plate-forme aéroportuaire. Non seulement il n'invoque aucun fait précis mais, comble de l'absurdité, il indique qu’il revient aux salariés « d'apporter la preuve d'un comportement insusceptible de porter atteinte à la sûreté aéroportuaire » ! Est-il acceptable que, dans une démocratie, un représentant de l'État, qui a pour devoir de garantir les libertés et les droits fondamentaux, fasse peser sur certains de nos concitoyens un tel soupçon de culpabilité, au risque de porter gravement atteinte à la liberté de conscience et de nourrir le repli communautaire ? De telles pratiques ne correspondent pas à l'idée que nous nous faisons d'une République laïque et notre groupe proposera, dans les prochains jours, la création d'une commission d'enquête relative aux critères d'attribution et de renouvellement des agréments et des habilitations en zones réservées.

Mais dès à présent, pouvez-vous nous indiquer, Monsieur le ministre, votre position de fond sur ces faits et les éventuelles instructions que vous donnerez au sous-préfet qui, apparemment, refuse de recevoir quiconque, y compris les représentants syndicaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire  Dois-je vous rappeler que le plan Vigipirate étant au niveau d’alerte rouge, nous devons être extrêmement vigilants sur notre dispositif de sécurité aéroportuaire, lequel ne doit présenter aucune faille ni vulnérabilité ? Il faut être habilité pour travailler dans la zone réservée d’un aéroport.

M. Maxime Gremetz - Ces salariés l’étaient !

M. le Ministre délégué – La délivrance de cette habilitation est précédée d’un certain nombre de contrôles. À Roissy, 80 000 personnes possèdent aujourd’hui un badge d’accès à la zone réservée. Depuis 2004, plus de 2 600 demandes ont été refusées. Pourquoi ?

M. Maxime Gremetz - Répondez à la question qui vous a été posée !

M. le Ministre délégué – Parce que les personnes concernées ont un passé de délinquant de droit commun ou parce qu’elles entretiennent des liens avec des groupes ou des personnes proches de réseaux terroristes. C’est aussi pourquoi le préfet de Seine-Saint-Denis a décidé, après un examen approfondi de chaque cas, de retirer leur badge d’accès à 72 personnes depuis 2005. Nous estimons que ces personnes présentaient un risque important pour la sûreté aéroportuaire.

M. Maxime Gremetz - Parce qu’ils étaient noirs ou basanés ? Raciste ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué – Certaines d’entre elles ont contesté en justice la décision prise à leur encontre. Dans sept cas sur neuf, le tribunal de Cergy-Pontoise statuant en référé a donné raison à l’État. Nous respecterons bien entendu toutes les décisions de justice, quel qu’en soit le sens.

Il n’est pas question pour nous de stigmatiser qui que ce soit, mais nous jugeons irresponsable de susciter une polémique à ce sujet. Auriez-vous déjà oublié les attentats de Londres ? (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Alors qu’il y va de la sécurité de dizaines de millions de voyageurs dans nos aéroports, nous avons décidé de prendre nos responsabilités. À vous de prendre les vôtres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Cette réponse est scandaleuse.

liban

M. Hervé de Charette – Monsieur le Premier ministre, je souhaite revenir sur l’assassinat hier au Liban de Pierre Gemayel. Si ce drame nous émeut tous si profondément, c’est parce que cette grande famille libanaise, qui a donné deux présidents à son pays, a déjà vu l’un d’entre eux assassiné dans des conditions semblables il y a vingt-cinq ans ; c’est parce qu’il s’agit de la nation libanaise dont la France est l’une des inspiratrices ; c’est parce qu’il y va de l’indépendance du Liban, dont la France, qu’on le veuille ou non, est encore aujourd’hui garante.

Nous cherchons bien sûr les raisons de ce crime. Faut-il y voir une conséquence de la création par les Nations unies d’un tribunal international chargé de juger les auteurs de l’assassinat de Rafic Hariri ? Faut-il y voir le fruit des tensions internes actuelles au Liban, un véritable coup d’État ayant lieu sous nos yeux, par petites étapes, une minorité cherchant à arracher le pouvoir des mains de la majorité ? Faut-il chercher les auteurs de cet odieux assassinat à l’intérieur du Liban ou, comme on le dit souvent, sans toujours apporter de preuves, à l’extérieur ? Mais nous cherchons surtout comment aider les Libanais à surmonter la désespérance qui les gagne. Le peuple libanais, une fois encore, en ces tragiques circonstances, n’a qu’un ami : le peuple français. Depuis bientôt douze ans, les Libanais, aidés par la communauté internationale, se sont efforcés de reconstruire leur pays tout juste sorti de la guerre civile, et ont, difficilement mais sincèrement, cherché à bâtir l’unité de leur pays, malgré la diversité des communautés qui le composent.

Monsieur le Premier ministre, comment la France peut-elle aider aujourd’hui les Libanais, tous les Libanais, à trouver une issue ? Dans cette partie du monde, que ce soit au Liban, en Israël ou en Syrie, la voix de la France est respectée. Plus que jamais, elle est attendue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre  Nous partageons tous ici la même émotion et la même douleur, exprimées par Philippe Douste-Blazy, par François Bayrou et par Patrick Braouezec, et ressenties sur tous les bancs de l'Assemblée nationale. Cet assassinat, la France, par la voix du Président de la République, l’a condamné avec la plus grande fermeté. Cet assassinat, c’est la marque de la lâcheté contre le courage, de la violence contre la paix. Ses responsables doivent être retrouvés, jugés et condamnés le plus rapidement possible. La France soutiendra tous les efforts pour que toute la lumière soit faite. Elle soutient en particulier la création d’un tribunal international pour juger les responsables des crimes commis au Liban. Si les autorités libanaises le souhaitent, ce tribunal pourra être compétent pour juger également les assassins de Pierre Gemayel. Une justice internationale forte est une garantie de justice et de paix pour demain.

Par ce crime, c’est une nouvelle fois la souveraineté du Liban qui est attaquée et la stabilité de la région qui est mise à mal. La France est aux côtés de l’ensemble du peuple libanais en ces instants difficiles. C’est le sens de notre engagement en faveur de la reconstruction du Liban ; c’est le sens de notre présence militaire dans ce pays. L’instabilité grandissante dans certaines régions du monde appelle à une mobilisation urgente de la communauté internationale. Plus que jamais, le monde a besoin de règles, de volonté et de vision. La France est là pour appuyer cet effort. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

fusion suez-gaz de France

M. François Brottes – Le groupe socialiste s’associe au message que vous avez vous-même adressé, Monsieur le président, au nom de l’ensemble des députés, après l’assassinat de Pierre Gemayel.

J’en viens à ma question. Monsieur le Premier ministre, juste avant l'été, vous avez décidé de passer en force pour, dans l’urgence, privatiser Gaz de France, d’ailleurs quelques mois seulement après que Nicolas Sarkozy avait promis le contraire. Nous avons ici même, pendant plusieurs semaines, dénoncé et le projet et la méthode.

Mauvais projet que celui d'abandonner le contrôle par l'État d'une entreprise stratégique pour notre industrie, de livrer en pâture aux seuls intérêts des actionnaires privés le prix du chauffage, qui pèse déjà lourd dans le budget des familles, que d’imposer aux communes, sans qu’elles aient leur mot à dire, un concessionnaire désormais privé.

Mauvaise méthode que celle de faire voter le Parlement à l'aveugle en lui demandant un chèque en blanc. Votre majorité vous a ainsi autorisé à privatiser Gaz de France, sans savoir ni ce que la Commission européenne demanderait comme sacrifices sociaux et économiques à l’entreprise, ni ce qu’il en coûterait finalement aux contribuables d'acquérir les actions de Suez, qui font aujourd'hui l'objet de toutes les surenchères. Mauvaise méthode également que de ne pas donner les moyens aux représentants du personnel d'évaluer pleinement votre projet, pour qu'ils puissent émettre un avis définitif. La cour d'appel vient de leur donner raison, mais votre ministre de l’industrie avait lui-même avoué qu'il n'avait pas traité de la fusion avec les syndicats lors des rencontres préalables au débat parlementaire.

C’est une mauvaise manière car ce projet bafoue notre loi fondamentale. Le groupe socialiste a saisi le Conseil constitutionnel car la privatisation porte atteinte à un grand service public et aux principes de continuité du service public et de libre administration des collectivités locales.

La commission des affaires économiques devait auditionner le ministre de l’économie sur cette question aujourd’hui à midi. Cette audition a été annulée, alors que l’actualité rend plus que jamais nécessaire des éclaircissements sur l’avenir de votre funeste projet qui pourrait ne pas voir le jour avant avril prochain. L’inconséquence du Gouvernement dans la gestion de ce dossier conduit à vous demander : oui ou non, allez-vous renoncer à privatiser GDF ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Je suis heureux de vous entendre à nouveau sur ce sujet, Monsieur Brottes, car vous avez été parmi les très peu nombreux députés de votre groupe à être présents tout au long du débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) Je vais donc répéter ce que vous m’avez entendu expliquer à plusieurs reprises. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Il y a trois temps. Celui de la concertation sociale, que nous avons menée ; celui de la loi, et nous attendons la décision du Conseil constitutionnel (Exclamations et brouhaha sur les bancs du groupe socialiste couvrant la voix de l’orateur). Vient ensuite le temps des entreprises. La volonté du Gouvernement est de donner à Gaz de France les moyens de conclure les partenariats stratégiques nécessaires pour aller de l’avant. Un conseil d’administration devait se tenir aujourd’hui. Le tribunal de grande instance a décidé qu’il fallait quelques jours supplémentaires pour donner les informations nécessaires. Le Gouvernement en prend acte et attend de Gaz de France qu’il poursuive, dans l’intérêt de ses actionnaires, de ses clients et de ses salariés, ce projet qu’il convient de mener à bien dans le respect scrupuleux des règles de droit.

C’est l’honneur du Gouvernement et de la majorité d’avoir pris cette initiative. Vous voulez reculer, nous voulons aller de l’avant ! (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

inauguration d’une antenne de La Sorbonne à Abu Dhabi

M. Olivier Dassault – Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale. J’y associe les membres du groupe d’amitié France-Émirats arabes unis et son président Alain Marsaud.

La mondialisation ne suscite de crainte que chez ceux qui ne croient pas à la France…

M. Jacques Desallangre – Pas chez vous, c’est sûr !

M. Michel Lefait - Il est à l’abri.

M. Olivier Dassault - …ni à sa capacité de rayonnement. Vous n’êtes pas de ceux-là, Monsieur le ministre, et vous l’avez prouvé en assistant à la rentrée des étudiants de la Sorbonne à Abu Dhabi. Grâce à cette coopération sans précédent, les Émirats arabes unis deviennent un nouveau pôle de la francophonie et un tremplin pour notre pays. Un étudiant formé à l’école de la France restera toujours son meilleur ambassadeur. Lors de votre visite, vous avez également évoqué avec le prince héritier le projet du Louvre à Abu Dhabi, porté par le ministre de la culture, et pour lequel des experts français sont sur place. Avec l’installation de la Sorbonne, ce sera une nouvelle preuve éclatante du rayonnement de l’intelligence française, essentiel pour l’attractivité de notre pays.

Pouvez-vous nous donner la garantie que les diplômes qui seront délivrés à Abu Dhabi seront de même qualité que ceux acquis à Paris ? Et comment interprétez-vous, dans ces terres lointaines jusque là tournées vers la culture anglo-saxonne, ce désir de s’approprier une part de notre culture et de notre histoire, une part de notre France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche - Vous avez raison, les Français ont trop tendance à dénigrer leur propre savoir-faire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) Le succès économique de la France dans le monde, son rayonnement culturel et universitaire viennent d’être reconnus de façon éclatante. Que dans une zone où sont très implantées les universités anglo-saxonnes, Abu Dhabi choisisse une université française pour former sa jeunesse, doit tous nous rendre fiers.

La France est présente dans de nombreux pays, comme la Chine, l’Égypte, l’Arménie et, avec François Goulard, nous travaillons à une université technologique au Pakistan. Si, dans certains classements internationaux, notre université n’est pas parmi les meilleures du monde, ce qui sanctionne une trop grande dispersion, la qualité de ses enseignements est reconnue dans les pays du Golfe. Nous veillerons à ce que les diplômes aient la même valeur, qu’ils soient délivrés à Abu Dhabi ou à Paris.

Ce succès éclatant est la reconnaissance de l’excellence de notre enseignement supérieur. Je vous remercie, ainsi que M. Marsaud et les diplomates qui ont travaillé à ce projet d’avoir réussi à obtenir ce succès collectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Prise en charge du traitement de la bronchiolite

M. Pascal Ménage – Le palivizumab-Synagis est le seul médicament permettant de prévenir la bronchiolite, en particulier chez les prématurés, et il est prescrit à 6 000 enfants. Or des familles et des médecins de Touraine m’ont alerté – cela vaut pour tous – sur le fait que selon un arrêté de la semaine dernière, le remboursement de ce traitement pas l’assurance maladie passe de 100 % à 35 %. Cette baisse importante et brutale pénalise les familles. Pour les rassurer, ainsi que les professionnels de santé, pouvez-vous nous indiquer, Monsieur le ministre de la santé, les mesures que vous envisagez de prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités J’ai décidé de rétablir le remboursement à 100 % de ce médicament (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Depuis six ans, nous demandons des études précises au laboratoire, afin de savoir dans quelles conditions et pour quels enfants ce médicament se montre le plus efficace. Trois réévaluations ont été faites, mais toujours pas d’étude fiable. Le même laboratoire comptant sortir un nouveau médicament d’ici à un an, j’ai réitéré ma demande. Ce n’est pas seulement le remboursement qui est en jeu : il faut aussi mieux connaître les conditions d’efficacité optimales du médicament. Mais, parallèlement, j’avais demandé à l’ensemble des acteurs concernés des garanties afin que personne ne soit privé de ce traitement. Les réponses que j’ai reçues n’étant pas satisfaisantes, j’ai décidé de revenir sur cet arrêté. Je rappelle au passage que le médicament n’exonère en aucun cas de faire des efforts de prévention, en particulier de se tourner vers la kinésithérapie respiratoire – et nos kinés font un travail remarquable. En tout état de cause, il appartient à la solidarité nationale de prendre en charge ces médicaments parmi les plus onéreux. Avant la fin de cette semaine, le Synagis sera donc remboursé de nouveau à 100 % (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

difficultés financières des collectivités locales

M. François Dosé – Le précédent Premier ministre avait confirmé la refondation de l’action publique locale – y compris dans la Constitution – en formulant le vœu d'une « République des proximités ». Cette législature devait donc s'employer à mettre en œuvre l'acte II de la décentralisation, ce qui exigeait trois préalables incontournables : une fiscalité locale adaptée aux nouvelles responsabilités des collectivités, une juste péréquation pour les communes les plus fragiles et la garantie, pour les élus, de disposer des moyens juridiques et humains pour assumer leurs nouvelles compétences.

En esquivant ces trois obligations, la décentralisation est devenue une idée impopulaire chez les Français, synonyme de délestage de l'État et d’aggravation des inégalités territoriales. Or, la crise sans précédent des finances locales n'est liée ni à des dépenses déraisonnables, ni à l’irresponsabilité des gestionnaires. Certes, les collectivités territoriales s'endettent, mais uniquement pour financer leurs investissements, qui représentent 70 % de la commande publique. Les causes de la crise se trouvent pour une part dans les contraintes que l'État impose et dans les missions dont il se défausse, bien sûr aussi dans les exigences de nos administrés, mais surtout dans vos décisions – et indécisions – financières.

Entendez ce que disent les maires réunis en congrès, dans la diversité de leurs situations et de leurs convictions : ils sont tous confrontés à cette réalité quotidienne. Acceptez-vous de redéfinir la taxe professionnelle et le bouclier fiscal ?

M. Maxime Gremetz – Et la TIPP !

M. François Dosé - Acceptez-vous de donner de justes compensations financières aux communes afin qu’elles puissent assumer les services rendus à la demande de l’État ou par feu les entreprises publiques ? Acceptez-vous d'offrir aux territoires communaux les instruments d'une véritable péréquation financière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire - Les responsabilités que vous exercez au nom du peuple français comme les nôtres, au Gouvernement, nous donnent un devoir d’humilité à l’égard des maires de France (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui sont nos premier interlocuteurs pour mener des politiques de proximité à l’écoute de nos concitoyens. Même s’il n’est pas possible d’apaiser toutes leurs inquiétudes, notre devoir est toujours de renforcer les outils qui sont mis à leur disposition.

Brice Hortefeux, qui assiste au congrès des maires de France, m’a demandé de vous répondre que le Gouvernement voulait garantir aux 200 000 entreprises concernées qu’elles ne paieraient jamais plus de 3,5 % de leur valeur ajoutée au titre de la taxe professionnelle – cela pour satisfaire au double impératif de la compétitivité de nos entreprises et de l’attractivité de nos territoires. Il faut un partage équitable entre les responsabilités de l’État et celles des collectivités locales. La loi de finances pour 2006 a aussi instauré un bouclier fiscal au bénéfice des contribuables, car il n’est pas normal que certains de nos concitoyens reversent, sur cent jours travaillés, le revenu de soixante en impôts et taxes de toutes sortes. Brice Hortefeux n’a également eu de cesse de rappeler la nécessité de réformer l’ensemble de notre fiscalité locale, dont les bases sont désuètes et les modalités de calcul extrêmement complexes. C’est du reste aussi la volonté de l’AMF, qui a demandé au Conseil économique et social un rapport sur ce sujet.

Enfin, en matière de décentralisation, nous n’avons aucune leçon à recevoir (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Si l’acte I de la décentralisation, façon Defferre, a transféré toutes les responsabilités sans aucun moyen, l’acte II consiste à transférer les compétences tout en veillant, par une loi constitutionnelle, à ce qu’elles soient compensées à l’euro près (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). La différence, c’est que là où vous exercez des responsabilités, et notamment à la tête des régions de France, vous ne cessez d’augmenter la fiscalité locale alors que nous veillons à exercer les nôtres de façon à ce qu’elles n’aient aucun impact sur les contribuables locaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

crise ostréicole du bassin d’arcachon

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Le déchaînement médiatique dont ont été victimes les ostréiculteurs du bassin d'Arcachon en septembre a violemment ébranlé la profession et ému toute la population, car l'ostréiculture est une composante essentielle de l'identité du bassin d'Arcachon. L'annonce de l'ouverture d'une information judiciaire concernant deux décès a jeté injustement le discrédit sur la production ostréicole. Aujourd’hui, nous savons qu’ils n’ont rien à voir avec la consommation de nos huîtres.

Les fêtes de fin d'année approchent. Les Français sont en droit de consommer des huîtres en toute connaissance de cause et les ostréiculteurs du bassin d'Arcachon en droit d'être réhabilités. Je vous demande donc de confirmer l'état sanitaire de leurs coquillages, afin qu’ils puissent lancer une grande campagne de communication, soutenue par les collectivités locales et par l’État – car le sentiment général est que le bassin d'Arcachon n'est pas traité à l'égal des autres centres ostréicoles. Si, malgré tout ce qu’on leur fait subir, les souris sont encore vivantes, si la qualité de l’eau est extraordinaire et si les décès ne sont pas liés à la consommation d’huîtres, on ne peut que conclure à une paranoïa de scientifiques déconnectés de la réalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Tout cela alimente cette rumeur saugrenue selon laquelle il y aurait un complot pour supprimer l'ostréiculture du bassin d'Arcachon.

Comment le Gouvernement confortera-t-il l’activité ostréicole dans le bassin d’Arcachon ? Envisage-t-il un dispositif spécifique pour les jeunes ostréiculteurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche  Comme beaucoup de vos collègues – M. Quentin par exemple – vous parlez avec passion du secteur ostréicole. La crise est grave, en effet : par deux fois, nous avons dû interrompre la commercialisation des huîtres en raison de problèmes sanitaires. Aujourd’hui, je suis en mesure de vous annoncer que les résultats des tests sont excellents, à Arcachon comme dans le reste des bassins. Il n’en reste plus qu’un seul à effectuer dans quelques jours, et ce sera le dernier avant les fêtes de Noël.

Vous avez bien raison de critiquer ceux qui s’emparent de cette crise pour des raisons politiciennes.

M. Jacques Desallangre - À qui pensez-vous ?

M. le Ministre – Les huîtres de France restent un produit de grande qualité. Le ministre de la santé et moi-même allons rencontrer l’ensemble des producteurs et lancer une vaste campagne de promotion des huîtres : c’est l’un des meilleurs produits de notre pays !

M. Jacques Desallangre - On en mange !

M. le Ministre – Elles mettent de bonne humeur, et ont même d’autres vertus que je n’ose évoquer ici ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Pourquoi ne pas organiser une dégustation d’huîtres, notamment d’Arcachon, à l'Assemblée nationale ? (Rires sur divers bancs)

droits de l’enfant

Mme Martine Aurillac – À l’occasion de la journée internationale des droits de l’enfant, Mme Versini, défenseure des enfants, a déposé un rapport dans lequel elle préconise de jeter les bases d’un statut des tiers – notamment du beau-parent – dont je me réjouis. Plus d’un million et demi d’enfants vivent au sein de familles recomposées : il faut faciliter leur vie quotidienne sans pour autant remettre en cause notre modèle familial. Quelle que soit la formule retenue – délégation de la responsabilité parentale ou convention de partage de l’autorité parentale, par exemple –, il faut donner une place au parent social dans la vie quotidienne de l’enfant.

Alors que vous présenterez bientôt votre projet de loi sur la protection de l’enfance, comment prendrez-vous en compte cette utile recommandation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - J’ai pris connaissance de ce rapport, comme de celui de la mission d’information sur la famille, à laquelle vous avez participé et dont Mme Valérie Pecresse était la rapporteure. L’amélioration du rôle des beaux-parents n’est pas un sujet anodin : près d’1,6 million d’enfants vivent aujourd’hui dans des familles recomposées. Nous devons, pour faciliter leur vie quotidienne, privilégier l’intérêt des enfants – c’est-à-dire permettre à leurs deux parents, le cas échéant, de s’impliquer dans leur vie quotidienne. La loi de 2002 prévoit précisément l’exercice conjoint de l’autorité parentale, y compris en cas de séparation.

Bien des parents chez qui l’enfant ne vit plus sont tentés de se désengager. Or, tous doivent exercer cette autorité, qui n’est pas qu’un droit, mais aussi un devoir. C’est dans ce cadre que nous devons apprécier le rôle des grands-parents et des beaux-parents, sans que cela soit un prétexte à diminuer celui des parents qui ont perdu la garde de l’enfant.

Mme Annick Lepetit - Vous n’avez pas lu le rapport !

M. le Ministre délégué – Dressons donc l’inventaire des difficultés que l’on peut aujourd’hui surmonter sans faire appel à la loi, et nous agirons ensuite dans le seul intérêt de l’enfant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Plan petite enfance – désengagement de l’état

M. Albert Facon - En juin dernier, la Caisse d’allocations familiales a décidé de remplacer les contrats enfance et temps libre par un contrat unique dit « enfance et jeunesse ». Cette circulaire sournoise ne fait que masquer le désengagement financier de la CNAF, et pénalisera de nombreuses collectivités. En effet, le taux de participation de plus de 60 % qui s’appliquait à certaines communes n’est plus aujourd’hui que de 55 %, et encore est-il subordonné dans les structures d’accueil telles que les crèches et les haltes-garderies à un taux d’occupation de 70 %, impossible à atteindre, sauf à faire du remplissage au détriment de la qualité de l’accueil. M. Nicolas, ici même, s’inquiétait il y a peu de cette diminution mais, comme à votre habitude, vous avez répondu par de grandes annonces sans préciser que la facture serait essentiellement acquittée par les collectivités locales.

Vous connaissez les réticences de l’Association des maires de France à l’égard de cette circulaire. Au nom des maires – et notamment de celui d’Évreux, Monsieur le président, (Sourires) –, je vous demande, Monsieur Bas, comme de nombreux collègues de tous bords, de revoir ce texte. Écouterez-vous enfin les élus de terrain, ce que vous aspirez à devenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la familleLe Gouvernement a apporté la garantie de l’État à une augmentation de 7,5 % par an des crédits des caisses d’allocations familiales pour les crèches. C’est ainsi que votre commune a maintenant une subvention de 450 000 euros, au lieu de 110 000 euros en 2002. Vous parlez d’une régression ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Nous aurons créé entre 2002 et 2008, grâce à l’effort sans précédent que nous avons accompli, 72 000 places de crèche. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Et j’ai annoncé il y a quinze jours un plan petite enfance visant à ce que les 240 000 enfants qui n’ont pas aujourd’hui de solution de garde puissent en avoir dans un délai de cinq ans. Cela implique le recrutement de 60 000 assistantes maternelles, la création de 40 000 places de crèche…

Plusieurs députés socialistes – Ce n’est pas vous qui le ferez !

M. le Ministre délégué - …des micro-crèches, des crèches rurales, des crèches pour les très petites entreprises.

Plusieurs députés socialistes – Ce n’est pas la question !

M. le Ministre délégué – Vous faites allusion, je crois, aux nouvelles modalités de prise en charge des crèches, mais les chiffres que vous citez ne sont pas exacts. Avec les nouvelles dispositions, chaque crèche recevra un financement de la caisse d’allocations familiales au moins égal à 78 % de son coût de fonctionnement...

Plusieurs députés socialistes – Menteur !

M. le Ministre délégué – …en comptant à la fois le contrat enfance et la prestation de service unique. Telle est la vérité. J’ajoute que si dans certaines communes, on ne s’était pas servi des financements des CAF pour recruter des personnels en excédent (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et régler des questions d’emploi, on aurait moins besoin des crédits des CAF, dont la charge (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) n’est pas de payer votre politique de l’emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; huées sur les bancs du groupe socialiste)

télévision numérique terrestre

Mme Henriette Martinez - La télévision numérique terrestre a séduit massivement les Français et vous venez, Monsieur le ministre de l’aménagement du territoire, d’engager la quatrième phase de son déploiement, avec l’installation de 24 émetteurs supplémentaires, qui permettront de couvrir 65 % de la population.

Mais certains départements, comme celui des Hautes-Alpes, n’ont toujours pas accès à la TNT, certains secteurs ne captant que deux ou trois chaînes. Les populations concernées acquittent pourtant la redevance audiovisuelle.

Le désenclavement numérique reste donc une priorité pour les zones rurales et de montagne. Pouvez-vous donc nous dire dans quel délai ces populations pourront accéder à la TNT et bénéficier, comme les habitants des villes, de ses 18 chaînes gratuites ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire - Vous faites partie de ces élus de la ruralité française qui se battent au quotidien pour l’équité territoriale. La TNT est une formidable aventure. Quand elle a commencé, en mars 2005, 35 % des foyers français ont pu bénéficier de ses 18 chaînes gratuites. Depuis le mois d’octobre dernier, ce taux de couverture est monté à 65 %.

Mais, comme vous le dites, et même si les deux choses n’ont rien à voir, personne ne peut comprendre qu’en s’acquittant de la même redevance, les uns bénéficient de ces 18 chaînes numériques gratuites, tandis que les autres n’en captent que trois, quatre ou cinq, parfois en qualité analogique médiocre.

Aussi suis-je heureux de vous dire que, dans la loi de modernisation de l’audiovisuel présentée lundi dernier au Sénat par M. Donnedieu de Vabres, le Gouvernement a accepté deux amendements parlementaires tendant à porter le taux de couverture par la TNT de 65 à 95 %. La ville de Gap fera partie des villes qui bénéficieront des nouveaux émetteurs. Mais nous voulons arriver ensuite à 100 % du territoire. C’est l’objet du deuxième amendement. J’espère donc que ce projet sera inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée, Monsieur le président, avant la fin de la session. J’espère même ne pas avoir besoin de la loi pour obtenir, avant qu’elle soit votée, le bouquet satellitaire qui nous permettra de faire bénéficier 100 % des foyers français de 18 chaînes gratuites, sans le moindre abonnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Ce n’est pas le président de l’Assemblée qui décide de l’inscription à l’ordre du jour d’un texte, mais le Gouvernement.

Réchauffement climatique

M. Denis Merville - Madame la ministre de l’écologie, l’environnement et le développement durable sont aujourd’hui au cœur des préoccupations de nos concitoyens, en particulier le réchauffement climatique. En avril dernier, la mission d’information sur l’effet de serre, à laquelle j’ai eu l’honneur d’appartenir, a remis un rapport, voté à l’unanimité moins une abstention, qui concluait sans ambiguïté que le changement climatique constitue bien le défi majeur de notre siècle, que les activités humaines sont l’origine principale du phénomène et que les conséquences de celui-ci peuvent être dramatiques.

Après ce cri d’alarme, nous avons formulé des recommandations et demandé une plus grande implication de l’État et des élus locaux. Ce matin, les maires de France ont montré combien ils s’intéressaient à la question. Notre pays a déjà accompli des efforts remarquables, mais il faut aller plus loin et substituer à la pratique du « chacun pour soi », source de bien des pollutions, celle du « chacun pour tous », fondement d’une écocitoyenneté qui seule nous permettra de relever les défis d’aujourd’hui.

Le 13 novembre dernier, le Premier ministre a présidé un comité interministériel pour le développement durable. Pouvez-vous nous exposer les orientations qui viennent d’être décidées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Hulot, candidat !

Plusieurs députés socialistes – Allo ! Tout est déjà dans la presse !

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable - Je partage votre constat. Pour poursuivre le combat contre le réchauffement climatique, le Premier ministre a annoncé le 13 novembre dernier un ensemble de mesures de nature à faire face à l’urgence. Il a ainsi décidé d’augmenter les crédits d’impôt en faveur des énergies propres et des équipements écologiques : un milliard d’euros est prévu à cet effet en 2007. Par ailleurs, un nouveau livret d’épargne de développement durable, qui sera disponible en janvier, permettra de consacrer 10 milliards à des prêts écologiques, ce qui est sans précédent.

Nous allons aussi doubler en trois ans le nombre d’espaces info énergie ; des crédits d’aide au développement des réseaux de chaleur renouvelable, qui utilisent le bois et la biomasse, sont dégagés ; les moyens affectés à la campagne de communication sur le changement climatique augmentent de 75 % ; les professionnels du bâtiment recevront une formation sur ces questions.

Les mesures prises depuis des mois nous ont déjà permis d’enregistrer des résultats significatifs : nos émissions de CO2 sont retombées en dessous du niveau atteint en 1990, ce qui représente une baisse de 1,8 %. Les énergies renouvelables se développent par ailleurs à un rythme très soutenu, la France restant le premier pays producteur au monde. Nous avons enfin soutenu, à la demande du Premier ministre, le projet européen de taxe sur le carbone, qui frappera les importations industrielles en provenance de pays refusant de s’engager au-delà de 2012.

Beaucoup a donc été fait par ce gouvernement, alors que d’autres n’avaient pas tenu leurs promesses par le passé... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Je voudrais enfin souligner que ce n’est pas faire honneur à nos concitoyens de traiter les ministres de « menteurs ». Quelles que soient les sensibilités politiques de chacun, il faudrait un minimum de respect pour les fonctions, sinon pour les idées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Bur.
PRÉSIDENCE de M. Yves BUR
vice-président

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Prévention de la dÉlinquance (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance.

M. le Président – Avant que nous entendions les porte-parole des groupes, je donne la parole à M. Jean-Marie le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen – Ayant constaté, hier soir, que M. le ministre de l’intérieur, chargé de ce projet, ne pouvait être parmi nous, je me réjouis de le voir à nouveau au banc du Gouvernement, et j’espère que nous l’y verrons régulièrement au long de l’examen du texte.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire - D’évidence, pour M. Jean-Marie Le Guen, la vie politique s’organise autour de moi… (Sourires)

M. Jean-Marie Le Guen - Sur ce projet de loi !

M. Jean-Christophe Lagarde – Nous sommes réunis pour examiner un projet dont l’intitulé – « prévention de la délinquance » – répond à une demande formulée par le groupe socialiste lors du débat sur le texte relatif à la sécurité intérieure. Nos collègues socialistes estimaient la politique du Gouvernement trop tournée vers les dispositifs de sécurité, ce qui, dans leur bouche se transformait en « politique sécuritaire », avec une connotation par nature péjorative. Vous aviez alors indiqué, Monsieur le ministre d’État, que vous présenteriez un texte sur la prévention. À l’époque déjà, le groupe UDF, par la voix de Nicolas Perruchot, dénonçait dans cet échange entre Gouvernement et opposition une double erreur.

La première est d'opposer en permanence prévention et répression de la délinquance. Nous en avons assez du débat stérile entre les partisans de la réprimande réitérée et ceux qui pensent qu’à la délinquance l’emprisonnement est la seule réponse satisfaisante. Pour l'UDF, les deux politiques sont indissociables. Il suffit, pour s’en convaincre, de se rappeler comment on agit, en privé, avec ses enfants : nous disons les règles, nous expliquons ce qu’il advient quand elles sont enfreintes, nous posons des interdits et, quand il y a transgression, nous sanctionnons, en expliquant à nouveau les raisons de l'interdit et celles de la sanction. Mais, par une curieuse perversité du débat politique français, nous n’agissons pas aussi facilement quand il s’agit d’établir des règles collectives et l’on verse alors dans des querelles quasi théologiques. Il est pourtant certain qu’une sanction incomprise n’est pas efficace, mais il est tout aussi certain que des remontrances répétées, sans qu'aucune sanction soit prononcée, n'ont aucune chance d'atteindre leur but car elles illustrent l'absence de limites autres que déclaratives. C’est encore plus vrai lorsqu'il s'agit d'un adolescent délinquant puisque, nous le savons tous, l'identité d'un adolescent se construit par opposition aux adultes qui l'entourent et qu’il cherche en tous domaines à trouver sa limite. Le simple bon sens montre que le débat qui agite depuis des décennies la droite et la gauche entre répression et prévention est absurde.

La seconde erreur est de considérer qu'une politique de prévention de la délinquance doit être définie par une loi. L'accompagnement socio-éducatif, le suivi des mesures judiciaires, le soutien aux parents débordés, la formation de ces parents à leurs responsabilités, la prévention des addictions, comme bien d'autres éléments indispensables à la prévention ne relèvent pas de la loi, sinon d'une loi de programmation financière. C’est bien des moyens mis à disposition des actions de prévention qu’il devrait être question, mais le débat faussé et caricatural entre prévention et répression a paralysé la volonté politique, si bien que, quels que soient les Gouvernements, les moyens n'ont jamais été à la hauteur des besoins et des enjeux.

Que penser d’un pays qui, de toutes les grandes démocraties, est celui qui dote le plus mal sa justice ? Que penser d'un pays qui accepte, en connaissance de cause, que son système de détention soit le plus criminogène qui soit, et ne traite qu’accessoirement de la réinsertion, qui devrait être son objectif principal ? Comment prétendre respecter les beaux principes de l'ordonnance de 1945 qui souhaite sanctionner et en même temps protéger les mineurs délinquants, quand douze juges pour enfants – quatorze depuis deux mois – et à peine vingt-cinq éducateurs sont à disposition en Seine-Saint-Denis, le département où la délinquance des mineurs est de loin la plus forte – ce qui revient à dire que chacun est censé suivre et protéger 250 à 300 mineurs chaque année ?

Comment concevoir une politique de prévention efficace quand on concentre les difficultés sociales dans quelques villes et quelques quartiers fermés sur eux-mêmes…

M. Jacques-Alain Bénisti - Exactement !

M. Jean-Christophe Lagarde - …dont l'urbanisme a été raté, et qui cumulent tous les problèmes, dont l'écheveau devient infiniment plus compliqué à démêler?

M. Jacques-Alain Bénisti - Parfaitement !

M. Jean-Christophe Lagarde - Comment demander à ces communes d'être à la hauteur des enjeux alors que celles dont vous dites vous-même, Monsieur le ministre d'État, qu’elles sont les plus grandes victimes de la délinquance, sont aussi celles qui ont le moins de moyens financiers et dont, pourtant, la population a le plus besoin d'être accompagnée, qu'il s'agisse des victimes ou de ceux qui pourraient verser dans la délinquance ?

La prévention de la délinquance ne peut être fondée par une simple loi. Il y faut une politique globale, reposant sur trois piliers. En premier lieu, vient la politique de l'urbanisme, sur laquelle je m’attarderai un instant, car on refuse trop souvent de voir la réalité. Nous payons les conséquences d'un modèle de société où on a laissé se développer le « vivre entre soi », une société où les riches vivent avec les riches et où les pauvres sont relégués dans quelques quartiers.

M. Hervé Morin - Tout à fait.

M. Jean-Christophe Lagarde - On a accepté, sans le dire, que se constituent des ghettos de riches et des ghettos de pauvres, dont les habitants, parce qu’ils ne se connaissent pas et ne se rencontrent jamais, ont perdu toute référence commune et ont pris peur les uns des autres. De surcroît, les erreurs d'urbanisme commises au cours des années 1950 à 1970 avec la construction de quartiers concentrant l'habitat social ont créé des systèmes fermés, où n’entrent jamais les citadins « de l’extérieur ». Ces quartiers fermés ont vite favorisé le repli sur soi, le sentiment que l'on appartient à un territoire « à part », à part dans la commune et même à part de la République. On a ainsi nié la fonction sociale première des villes – la rencontre, l'échange et le mélange.

Afin de retrouver la paix civile, notre pays doit « mettre le paquet » pour reconstruire une partie importante de ses villes et faire en sorte que les difficultés sociales ne se concentrent pas toutes dans les mêmes zones.

Loin de moi l’idée de prétendre qu’on devient délinquant parce qu’on est pauvre. Ce type de raisonnement, trop souvent entendu chez ceux qui trouvent une excuse sociale à toutes les déviances, me hérisse le poil tant il est insultant pour les populations modestes. Fort heureusement, l’écrasante majorité de celles-ci étudie et travaille pour conquérir une meilleure place dans la société.

M. Jacques-Alain Bénisti - Il faut le dire haut et fort.

M. Jean-Christophe Lagarde - Mais il est vrai aussi que la délinquance se développe d’autant mieux, parvenant à rendre la vie insupportable à des milliers de nos concitoyens, qu’elle prend racine en des lieux où se trouvent concentrées des personnes qui cumulent les problèmes.

Pour cette transformation de ses villes, notre pays doit, jusque dans le plus petit de ses villages, prendre conscience que ce ne sont pas les banlieues qui ont un problème, mais la France tout entière quand 10 % de sa population vit dans des quartiers où l'égalité des chances et la récompense du mérite sont devenues des leurres. Il faut aussi faire comprendre à nos compatriotes que ce n'est pas le logement social en soi qui pose problème, mais sa concentration dans l'espace (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe UMP). Ce type de logement devrait en outre être davantage pensé, organisé et orienté vers l'accession à la propriété sur une longue durée, ce qui favoriserait la diversification de ses occupants.

À ceux qui m’objectent que tout cela coûtera très cher et prendra très longtemps, je réponds que le coût de cet investissement social n'est rien comparé aux profondes atteintes que portent à la cohésion nationale cette organisation du territoire, cette fracture entre citoyens d'un même pays. Les ignorer est bien plus lourd de conséquences financières et humaines que de chercher à y remédier.

M. Hervé Morin - Exactement.

M. Jean-Christophe Lagarde - Au nom de quoi accepte-t-on dans notre pays des « quartiers en difficulté » ? On peut comprendre que des personnes se trouvent en difficulté, mais accepter que des quartiers le soient durablement, c’est reconnaître qu’on y a concentré toutes les personnes cumulant les problèmes. Ce n’est pas là un projet républicain et cela n’a jamais été le projet de la France.

Quant au temps qu’il faudra, il sera d'autant plus long qu'on ne s'y mettra pas dès aujourd'hui. Tous ceux qui prétendent remédier rapidement, presque instantanément, à ce qu'il est improprement convenu d'appeler « le problème des banlieues » mentent aux Français.

Car le deuxième pilier d'une politique globale, celui de l'éducation, exige lui aussi du temps. De la même façon qu'il faut une quinzaine d'années pour reconstruire des quartiers intégrés à la ville, il faut au moins le même temps pour construire un jeune adulte, entre le moment où il entre à l'école et celui où il en sort. L'éducation ne se résume pas à l'école, nos enfants ayant aujourd'hui de multiples autres sources d'informations à travers les médias, les nouvelles technologies, les activités culturelles ou sportives… Cette diversification rend plus fragile notre modèle éducatif dans la mesure où l’enseignant n’est plus prescripteur unique. On peut certes le regretter, mais on ne reviendra pas en arrière.

Pour réussir, l'école doit se recentrer autour de trois objectifs : former des citoyens ayant conscience d'appartenir à une communauté de vie, leur donner les moyens d’échanger avec les autres, notamment à travers le langage, et leur ouvrir les voies d'une insertion professionnelle, adaptable en fonction de l'évolution des métiers. Or, force est de constater qu'elle échoue aujourd'hui sur tous ces points. La plupart des jeunes qui en sortent ont davantage le sentiment d'appartenir à une communauté nationale en assistant à un match de football qu’en vertu des choix collectifs dont ils sont co-responsables. Les lourdes carences dans l'apprentissage de notre langue écrite et parlée d'une part grandissante de la population lui interdit de s’exprimer, de comprendre les autres, et donc d’échanger. Or n'importe quel étudiant de première année de psychologie sait que l'incapacité à exprimer est source de violence. Enfin, chaque année, 150 000 jeunes quittent notre système éducatif sans aucune qualification, sans compter les dizaines de milliers d'autres qui ont suivi des formations, parfois longues, sans débouché professionnel. Faire que l’école de la nation forme à la citoyenneté, mettre la langue plutôt que les sciences au cœur du système éducatif pour combattre les ruptures sociales, ouvrir l'enseignement sur les métiers et les entreprises, voilà trois objectifs qui contribueraient à la prévention de la délinquance. Encore faudrait-il savoir adapter les enseignements aux difficultés de chaque élève, souvent momentanées et limitées à quelques matières, plutôt que de considérer que tous doivent progresser de la même façon, dans tous les domaines au même moment, ce qui contribue à envoyer à la casse tous ceux qui ne marchent pas de ce même pas.

M. Jacques-Alain Bénisti – Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde - Troisième et dernier pilier : la façon dont s'exerce la justice et les objectifs qu'elle se fixe. Certains se diront que j'entre enfin dans le sujet. D'autres penseront que j'en sors. En réalité, à l'UDF, nous ne croyons pas que le tandem police-justice suffise à lutter contre la montée régulière de la délinquance ou du niveau de la violence. C'est d’ailleurs pourquoi j'ai commencé par évoquer d'autres impératifs politiques de long terme. Mais en attendant que les efforts en matière d’urbanisation et d’éducation portent leurs fruits, nous avons besoin d'une police efficace et d'une justice réactive, adaptées à l’évolution incessante de la délinquance.

Tel est le principal objectif de ce texte. Celui-ci doit-il être jeté aux orties, au motif qu'il ne traite pas, ou si peu, des deux précédents sujets ? Je ne le crois pas. J’expliquais d'ailleurs au début de mon propos que la prévention globale de la délinquance n'est pas l'affaire d'une loi, mais d'une politique globale, assortie des moyens nécessaires. Les polémiques, les critiques, souvent sans rapport avec le texte, et les jugements hâtifs portés sur la réalité de la délinquance sont plus liés, Monsieur le ministre, à votre qualité de candidat à l'élection présidentielle qu'à vos fonctions de ministre de l'intérieur et surtout au présent projet de loi.

Bien qu’elle ne puisse les atteindre seule, la justice doit se fixer des objectifs clairs. Premier objectif : sanctionner tout délit, sans jamais en laisser un seul sans réponse, faute de quoi on donne le sentiment, légitimement répandu de nos jours, que celui qui triche s'en sort mieux que celui qui respecte les règles. Comment dans ces conditions mener une politique éducative efficace avec les acteurs sociaux ? Deuxième objectif : faire en sorte que la sanction intervienne rapidement, soit adaptée à la faute commise et comprise. Pour l'UDF, une sanction adaptée est celle qui permet de protéger la société contre la répétition de la faute en même temps qu’elle permet à son auteur de n’avoir plus ni envie ni besoin de la commettre. Troisième objectif : favoriser l’accomplissement des peines en milieu ouvert et dans une perspective de réparation. Dernier objectif : repenser totalement notre système de privation partielle ou totale de liberté en vue de mieux préparer la sortie de prison, car c'est à ce moment-là qu'il incombe à la justice de protéger la société contre la récidive. Or, si on ne cesse de réaffirmer cet objectif, on ne se donne malheureusement pas les moyens de l’atteindre. Au-delà même du taux invraisemblable de récidive, il suffit pour s'en convaincre de regarder le budget de la justice – même si ce gouvernement l’a augmenté, il reste très en deçà des besoins –, de visiter une prison, un tribunal ou un service de suivi des mesures judiciaires. Bien qu'imparfait, ce texte donne des outils utiles pour atteindre les trois premiers objectifs, notamment en diversifiant les mesures judiciaires et en les rendant plus rapides.

J’ai cru comprendre que les mesures concernant les hospitalisations d'office allaient être retirées du texte par le Gouvernement.

M. Jacques-Alain Bénisti – Non !

M. Jean-Christophe Lagarde - À titre personnel, je le regrette car peu m'importe le véhicule législatif quand on avance dans des domaines où on n'a que trop tardé.

Je terminerai en évoquant le rôle donné au maire. Pour l’UDF, il n'est pas question que le maire, à un quelconque moment, puisse sanctionner. Initialement envisagée, cette mesure ne figure pas ou plus dans le texte, et c'est un point d'accord entre nous. Je suis donc surpris de l’expression de « maire-shérif » que certains osent encore employer, notamment le président de l'Association des maires de France qui avait dû si mal lire la version présentée à notre Assemblée qu'il n'a pas répété ici, hier soir, les critiques qu'il avait largement formulées dans la presse.

Pour nous, il est normal et utile que le maire puisse coordonner les services spécialisés dans le traitement et le suivi de la délinquance, et ce pour trois raisons au moins.

Tout d’abord, parce qu'alors qu'il est aujourd'hui privé de moyens légaux d'agir, même si j'ai noté que certains ne s'en privent pas, il est tout de même considéré comme responsable de l'évolution de la délinquance sur le territoire de sa commune. Pour ma part, quitte à devoir rendre des comptes, je préfère autant que possible pouvoir agir !

Ensuite, parce que la situation de la délinquance, sa typologie, son évolution ne sont pas les mêmes dans les quartiers nord de Marseille, au Mirail à Toulouse, à Clichy-sous-Bois ou dans ma propre ville. Souvent, entre quartiers d'une même ville, les différences sont patentes, ce qui exige d’adapter les réponses. Qui mieux que le maire peut coordonner des actions adaptées ?

M. Jacques-Alain Bénisti - Personne !

M. Jean-Christophe Lagarde - Cette logique n'est d'ailleurs pas nouvelle. C'était déjà celle des contrats locaux de sécurité institués par un gouvernement socialiste. Pourquoi s’y opposer aujourd'hui ? Votre Gouvernement va plus loin dans ce domaine, tant mieux, car l'évaluation des dispositifs montrera qu'il y a encore du chemin à parcourir.

Enfin, parce qu'un mineur délinquant ne l'est presque jamais à plein temps. Il fréquente des associations sportives et culturelles, est souvent encore scolarisé, est suivi par des assistantes sociales, parfois aussi par un éducateur, a recours aux services de la jeunesse, du logement et même parfois de l’emploi de la commune. Il est donc judicieux et sans aucun doute plus efficace que tous ceux qui interviennent auprès de lui puissent se rencontrer, se parler afin de mieux connaître ses problèmes et de mieux coordonner leurs interventions. Là encore, qui mieux que le maire peut les rassembler autour d’une table ? Certains invoquent le respect du secret professionnel. Mais savent-ils que le secret professionnel est d’ores et déjà largement partagé et que, bien souvent, les maires en savent davantage sur certaines familles que les travailleurs sociaux eux-mêmes ?

Enfin, qui mieux que le maire peut coordonner une action de soutien aux parents le plus souvent non pas défaillants, mais débordés par leurs enfants ? C'est si vrai que M. Le Bouillonnec et d'autres collègues maires ont dit hier ici qu'ils le faisaient déjà, alors même que la loi ne leur en donne pas les moyens. Dès lors, pourquoi le refuser aujourd’hui ?

Vous l'aurez compris, Monsieur le ministre, si l'UDF considère que ce texte ne traite qu'une partie de la prévention de la délinquance, il comporte quelques outils utiles dont je ne doute pas que beaucoup s'empresseront de les utiliser. Nous voulons les compléter par nos amendements et nous nous prononcerons lors du vote final au vu de l'ensemble des débats (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Michel Vaxès - Ce projet de loi traiterait de la prévention de la délinquance. Le ministre d'État qui nous le présente et les différents ministres tout à tour chargés de venir le défendre en sont probablement convaincus, mais ils sont bien les seuls ! L’immense majorité des acteurs sociaux et professionnels concernés l’ont déjà légitimement condamné.

Ce texte s’assigne deux objectifs : donner une représentation du délinquant potentiel, organiser une répression plus sévère de la délinquance. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire hier, mais vous n'étiez pas là pour l'entendre, Monsieur le ministre d’État, l'honnêteté aurait voulu que ce projet fût intitulé projet de loi relatif à la présomption de la délinquance et à l'organisation de sa contention – entendez suspicion et répression ! Pour servir son argumentation, à chaque occasion, le ministre d'État utilise les drames les plus odieux et les plus condamnables. Ce procédé indigne n'honore pas le Gouvernement de la France. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques-Alain Bénisti - Vaudrait-il mieux les taire ?

M. Jean-Marc Roubaud - Croyez-vous vraiment à ce que vous dites ?

M. Michel Vaxès – S’il ne trompera aucun des acteurs de la prévention de la délinquance, je crains qu'en jouant de l'émotion et de la légitime indignation des Français, le ministre ne trompe encore un temps beaucoup de nos concitoyens.

Selon le Larousse, le prédélinquant est un mineur susceptible de devenir délinquant en raison de la déficience de son milieu éducatif, familial, scolaire et social. Or vous ne retenez qu’une seule dimension. Selon vos critères, sont des délinquants potentiels les toxicomanes, les malades en traitement psychiatrique, les mineurs. Mais de plus, les personnes en souffrance sociale ou familiale devront être signalées au maire lorsqu'elles connaissent de graves difficultés éducatives ou matérielles. Comme si les maires avaient attendu ce projet pour s'occuper des familles les plus en difficulté ! Les élèves absentéistes, les gens du voyage, les voisins bruyants sont présumés délinquants (Protestations sur les bancs du groupe UMP) puisqu’ils sont cités dans ce texte.

Que la délinquance trouve, le plus souvent, ses origines dans les difficultés sociales, éducatives ou matérielles, nous en sommes depuis longtemps convaincus mais, fort heureusement, toutes les personnes qui connaissent ces difficultés ne sont pas des délinquants potentiels. A contrario, de très grands délinquants qui vivent dans l'opulence dans les quartiers huppés, ne sont pas du tout inquiétés par votre texte. Vous procédez à un amalgame dangereux entre pauvreté, souffrance et délinquance.

M. Georges Fenech - Quel angélisme !

M. Michel Vaxès - L’angélisme, c’est de considérer, à tort, que la détresse morale, physique et matérielle excuserait tout ! Mais il est plus dangereux encore de désigner ceux qui souffrent comme une menace, à surveiller. En réalité, ces deux thèses extrêmes se rejoignent en ce qu’elles désespèrent de l’homme. Pour nous, la délinquance n'est pas une fatalité, elle peut être prévenue. Mais débattre de prévention, votre texte ne le permet pas.

En effet, vous ne faites que désigner des catégories à risque et énoncer des dispositions relevant de la sanction ou du signalement. Mais la sanction et la contrainte ne sont utiles qui si elles sont justes et humaines. Vous punissez vos enfants parce que vous les aimez. Mais ceux qui souffrent, les très pauvres, les parents défaillants ne seront ni soignés, ni aidés, ni soutenus ; ils seront contrôlés, surveillés, signalés. Ils seront fichés, intimidés, culpabilisés, infantilisés et punis. À l’aide psycho-éducative, vous préférez le contrôle social, qui sera contre-productif.

Monsieur le ministre, je le dis solennellement : avec ce texte vous allumez la mèche d'une bombe qui explosera au cœur de la République et portera gravement atteinte à ses valeurs les plus essentielles.

Vous faites du maire le pivot de votre politique de prévention de la délinquance. Mais quels moyens lui donnez-vous ? Vous lui distribuez généreusement des responsabilités, pour mieux décharger l'État des siennes. Les seuls moyens que vous lui concédez sont destinés à punir, non à prévenir. Devant la commission, vous avez même avoué ne pas savoir ce que cela voulait dire. Pourtant, dans ce texte, vous parlez de l'action préventive – mais pour la dénaturer. En fait, vous renoncez à combattre l'insécurité, l'injustice sociale, la misère culturelle qui nourrissent toutes les déviances comportementales.

Vous ne voulez pas prévenir l’infraction en dégageant des moyens nouveaux pour l'éducation, la santé, la culture, la formation, l'emploi, ni prévenir la récidive en favorisant concrètement la réinsertion. Vous refusez et la nécessité et l'urgence de l'investissement humain. Par exemple, vous dénoncez régulièrement le laxisme des juges des enfants, qui remettraient en liberté des mineurs méritant une sanction. On peut sans doute s’indigner qu’un mineur interpellé rentre chez lui sans qu'aucune mesure ait été prise. Mais il faut dire aussi que lorsqu'une juge des enfants du tribunal de Bobigny prend une mesure éducative dans son bureau, il faut huit à dix mois pour que le mineur ait un premier rendez-vous avec l'éducateur. Ce constat édifiant avait déjà été dénoncé en 2002 par la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs.

M. Jacques-Alain Bénisti - Donc le ministre a raison.

M. Michel Vaxès – Le laxisme n’est pas celui des juges, mais celui de l’État, coupable de ne pas donner de moyens aux services sociaux, aux services éducatifs, à la PJJ, à la justice, aux hôpitaux.

M. Jacques-Alain Bénisti – Cela fait vingt ans que cela ne marche pas !

M. Michel Vaxès – Cela vous gêne. Mais souffrez que je vous poursuive.

M. le Ministre d’État - Pour ça, on souffre !

M. Michel Vaxès – Vous avez dit qu’il ne fallait pas ajouter d’argent pour les dispositifs existants. C’est condamner la prévention à l’inefficacité, alors que là est la solution, et non dans des dispositions de contrôle et de répression qui aggraveront encore une situation tendue. Vous ne cessez de lancer des défis aux jeunes des cités et vous vous étonnez ensuite qu'ils les relèvent.

Vous regrettez qu’on n’incarcère pas davantage de mineurs. Mais quel serait le résultat ? Les voir revenir dans leur quartier après quelques mois passé à l'école du crime ? Tant que la détention ne sera pas utilisée pour éduquer, les problèmes posés par la délinquance des mineurs ne seront que différés et s’aggraveront.

En présentant ce texte, vous adoptez une posture populiste et politicienne. Ce projet ne dit mot de la délinquance en col blanc. Dans un essai sur le populisme pénal, le magistrat Denis Salas dit bien que, si la violence urbaine permet à l'État de manifester sa force, nul pouvoir politique ne se hâte de déterrer la délinquance des élites. Cette attitude est dangereuse (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Je vois bien que le propos vous gêne !

M. Jacques-Alain Bénisti - C’est surtout gênant pour les victimes !

M. Michel Vaxès – C’est pourquoi vous avez refusé tous nos amendements visant à sanctionner la délinquance financière, dont vous êtes d’ailleurs plus proches dans certains quartiers que moi qui habite près de quartiers en difficulté.

Mais l'espoir que vous suscitez se transformera en déception quand les citoyens constateront que votre politique est inefficace. Et vise plus à vous procurer des gains électoraux à court terme qu’à résoudre durablement les problèmes.

Malheureusement, par les amendements qu’elle a adoptés, la commission n’a nullement corrigé les effets pervers de ce texte, elle en a rajouté. Nous le regrettons, sans nous en étonner de la part de votre majorité, au moins d’une partie d’entre elle. Ainsi, pour tenter de calmer la fronde des professionnels de la psychiatrie qui vous reprochent de pratiquer un amalgame entre souffrances psychologiques et délinquance, votre majorité a-t-elle décidé de faire adopter un amendement habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur le volet psychiatrie de ce texte. Mais, dans le même temps, nous allons nous prononcer sur l'ensemble de ces articles qui seront « votés par précaution », comme le dit le président Accoyer. Ce tour de passe-passe ne trompe personne. Les gesticulations législatives de la majorité n’y changeront rien : il y a amalgame. Confrontée aux critiques sur une pénalisation excessive de la délinquance de proximité, la commission a, sans jamais s'en prendre à la délinquance en col blanc, adopté deux amendements pour lutter plus efficacement contre les activités illégales de jeux d'argent et de paris. En dépit de ces tentatives pour rééquilibrer le texte, la majorité persévère dans la voie qui est la sienne et, pas plus que le Gouvernement, la commission des lois n'a souhaité présenter un texte relatif à la prévention de la délinquance.

M. Jean-Marc Roubaud - Bien sûr que si !

M. Michel Vaxès – Mais non ! Il ne s’agit pas de prévention, mais de suspicion et de répression. Si vous aviez eu au moins l’honnêteté de le dire, nous aurions pu en discuter. Vous parlez de prévention, mais en pervertissant le terme. L’investissement humain, social et éducatif, vous n’en voulez pas. L’argent, vous le placez ailleurs.

M. Jacques-Alain Bénisti - Allez dire cela dans les quartiers sensibles !

M. Michel Vaxès – La prévention de la délinquance doit s’envisager à long terme. Il ne faut pas hésiter à prendre le temps de construire une sécurité qui soit un véritable bien commun. C’est un investissement auquel nous devons consacrer immédiatement des moyens financiers et humains suffisants.

La prévention de la délinquance, c'est surtout la volonté politique de combattre avec la plus grande énergie l'insécurité sociale, la mal-vie et la détresse des plus fragiles. Malheureusement, il n'est pas question de cela dans ce projet de loi qui est porteur d’une idéologie redoutable que nous dénoncerons lors de l'examen des articles (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Claude Goasguen - Je voudrais essayer d’en revenir au texte. À en croire les orateurs précédents, tout n’est qu’un problème de moyens et nous ne discutons ici que d’un additif à la loi de finances. Mais il me semble que la prévention est matière aussi d’éducation, de culture ou de sport par exemple – bref, qu’il s’agit d’un sujet politique ! Mais il est plus facile de repousser le débat en prétendant qu’il est hors sujet.

Il me semble pourtant que ce texte n’a, objectivement, pas reçu de critiques sur le fond (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Riez, Monsieur Ayrault ! Vous allez sans doute tout à l’heure comparer ce qui a été fait depuis quatre ans aux succès exemplaires de la précédente législature, et je m’en lèche d’avance les babines. Mais sur le fond, prenons les choses dans l’ordre : à propos des maires par exemple, on a commencé par nous faire un procès, mais qui se dégonfle de jour en jour ! Le maire n’est pas un shérif dans notre texte, et tout le monde commence à reconnaître qu’il est l’intermédiaire naturel entre tous les intervenants. Le maire n’édicte pas de sanction : il est simplement en contact avec les enseignants, les assistants sociaux, le procureur et le médecin. Qui peut lui contester cette possibilité de disposer d’une information de qualité – sans attenter au secret des diverses professions ?

On nous accuse aussi de ne faire que de la répression : c’est faux ! La plupart des dispositions qui sont prises vont dans le sens d’une réponse individuelle et rapide – travaux scolaires, composition pénale, jugement immédiat – et ne manifestent pas une volonté répressive, mais au contraire témoignent d’une approche globale… qui vous irrite. S’agissant par exemple des troubles psychiatriques, nous avons pris la précaution de bien distinguer la délinquance de la maladie, dans deux textes différents. Quant à la toxicomanie, ce sont les médecins relais qui vont être chargés d’appliquer des dispositions juridiques moins répressives que par le passé. Et il ne me semble pas avoir entendu beaucoup de critiques quant à la lutte contre les violences conjugales ou la cybercriminalité ! En réalité, sur le fond, il n’y a pas de vraie critique, et encore moins de proposition alternative.

Et pourtant, vous vous enfermez dans une attitude négative, qui peut d’ailleurs surprendre de la part de certains. J’avais en effet eu le sentiment, et je m’en félicitais, que le parti socialiste avait changé sa manière de voir. Nous étions nombreux à penser que vous aviez compris l’échec de 2002. J’avais même cru entendre une candidate du parti socialiste aller très loin dans ses propositions à l’encontre des délinquants !

Plusieurs députés UMP - Où est-elle ? Elle n’est jamais là !

M. Claude Goasguen - Dans notre texte, au moins, on ne parle pas d’armée ! Ce qui est étonnant, c’est que cette personne ait été largement élue par le parti : il semble que d’un côté du boulevard Saint-Germain, on se dise pour la sécurité, mais que dans l’hémicycle, on se croie obligé de gloser sur une droite trop répressive ! Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà !

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice  Le grand Pascal !

M. Claude Goasguen - Si l’ordonnance de 1945 pose problème, c’est que la délinquance des mineurs n’a de toute évidence plus rien à voir avec celle de l’époque. Pour ma part, il me semble très normal que la législation soit modifiée en fonction de l’évolution de la situation – et la situation a changé entre 1945 et les années 2000, et plus encore ces dernières semaines. La délinquance organisée et restreinte commise par des bandes motivées et prêtes à la quasi-criminalité n’a plus rien à voir avec la délinquance diffuse qu’on connaissait encore l’année dernière. L’opinion se demande donc, à tort ou à raison, comment un certain nombre de jeunes récidivistes peuvent rester en liberté et fanfaronner dans les cités – ou ailleurs, parce que le problème concerne l’ensemble du territoire. Face à cette question, nous n’avons pas le droit de nous dérober. Nous avons besoin d’explications. La logique de l’ordonnance de 1945 était fondée sur l’idée que l’enfermement, l‘éloignement, la sanction étaient l’aveu d’un échec de la politique. Il a fallu attendre extrêmement longtemps pour que le Parlement accepte l’idée que la sanction n’était pas forcément inutile. C’est en 1999 que, pour la première fois, on entend parler de centres éducatifs renforcés et de centres de placement immédiat, et en 2002 des centres éducatifs fermés. La rupture avec l’idée fondatrice de l’ordonnance de 1945 est donc très récente.

M. Jean-Marie Le Guen - C’est n’importe quoi ! Il y a eu de la prison dès 1945 !

M. Claude Goasguen - Il y a quelques années, M. Jospin, Premier ministre, qualifiait une attaque d’autobus d’incivilité ! Quel homme politique oserait dire que celle qui a eu lieu à Marseille est une incivilité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Reconnaissez que vous avez été contraints d’évoluer !

M. Jean-Marie Le Guen – C’est vrai que les choses ont beaucoup évolué, avec vous !

M. Claude Goasguen – Nous pouvons faire un comparatif des mesures que nous avons prises !

Ces évolutions sont récentes. Certes, il manque des moyens pour mener la nouvelle politique qui est nécessaire, mais le problème n’est pas seulement là : dans les faits, les juges pour enfants sont restés dans l’idéologie de 1945 – l’esprit dans lequel on enseigne l’ordonnance à l’école de la magistrature de Bordeaux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Renforcer la répression n’est pas la solution, mais nous sommes poussés à le faire, parce que l’application des peines se fait mal. Les nouvelles dispositions du code pénal de 1993 laissent une liberté totale à des juges des enfants qui restent imprégnés d’une idéologie qui n’a plus cours face à la nouvelle délinquance : c’est cela qui oblige le législateur à accentuer la répression, ce qui ne règle pas le problème.

Ce qui m’amène à la question des peines minimales. Si les Français ne comprennent pas l’application des peines par les tribunaux pour mineurs, c’est que nous n’avons pas voulu approfondir une question pourtant légitime. La vieille tradition du droit pénal français, qui existe depuis 1810, et 1832 pour les circonstances atténuantes, et que nous avons modifiée en partie avec le code pénal de 1993, donnait au juge, dans un certain nombre de cas, la possibilité de choisir entre une peine maximum et une peine minimuM. Quand j’entends dire maintenant que la peine minimale est étrangère à notre conception du droit, je ris ! Bien au contraire : le droit français laisse traditionnellement une marge d’appréciation entre peine minimale et peine maximale et le code pénal conserve dans plusieurs domaines le système de 1993, qui est le plus adéquat.

L’opinion publique ne comprend pas que les tribunaux pour enfants ne sortent pas d’une vision compassée de l’ordonnance de 1945. Le législateur doit donc prendre des dispositions. Je remercie à ce titre le Garde des Sceaux d’avoir accepté deux de nos amendements sur la lisibilité des jugements et sur l’excuse de minorité.

M. le Président – Veuillez conclure, Monsieur Goasguen.

M. Jean-Marie Le Guen - Vous faites trop d’angélisme, Monsieur le Président !

M. Claude Goasguen - Je conclurai par ces sagaces réflexions de M. Robert, maître du droit pénal français : « cet état du droit positif débarrasse la pratique judiciaire de l’obligation de s’interroger sur le fondement du droit de punir », écrit-il dans son manuel, et « la loi, faute d’établir un contrôle juridique des sanctions pénales, prive indirectement le droit de son autorité ». Nul mieux que lui ne pouvait défendre la peine minimale ! Puisse ce sujet être au cœur de la campagne présidentielle, puisque l’Assemblée ne peut pas encore s’en saisir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Ayrault - Voici votre sixième projet de loi sur la sécurité en moins de cinq ans. Je gage que vous cherchez à remettre ce débat au cœur de la présidentielle, comme vous l’aviez fait en 2002. Sans doute pensez-vous que les Français vous donneront quitus de votre bilan pour vous élever à de plus hautes fonctions…

Le défi, cependant, n’est pas médiocre. La sécurité est un droit inaliénable du citoyen, qu’il faut faire respecter avec fermeté. Ce projet de loi, opportuniste et inopportun, n’est qu’un simple affichage électoral – puisque les décrets d’application ne sortiront pas avant les élections – et ressemble à un concours Lépine de mesures aussi démagogiques qu’inefficaces. Pour que nos concitoyens retrouvent confiance en l’action politique…

Mme Claude Greff - Alors il ne faut pas vous écouter !

M. Jean-Marc Ayrault - …nous devons sortir de ces fausses lois inutiles. Le laxisme des gouvernements et du législateur n’est pas responsable de l’augmentation de la violence depuis quarante ans. Comment, sinon, expliquer la hausse de 27 % des violences contre les personnes sous votre mandature ? Comment expliquer, depuis quatre ans, la litanie croissante d’agressions contre les agents publics, de violences à l’école, de bus incendiés ? Comment comprendre les émeutes de l’automne dernier ?

Mme Claude Greff - Par vos promesses non tenues !

M. Jean-Marc Ayrault – Vous n’êtes naturellement pas, Monsieur le ministre, comptable de toutes ces violences. Pour autant, l’exploitation honteuse que vous avez faite hier du malheur des victimes est inacceptable. Vous n’avez pas le monopole du cœur à leur endroit ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques-Alain Bénisti - Voilà vingt ans que vous tenez le même discours !

M. Jean-Marc Ayrault – Chacun d’entre nous a le devoir de les protéger, et vous le premier. La compassion est certes nécessaire, mais elle ne fait pas une politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Qui n’a pas su prévenir ces drames ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Nadine Morano - Les naïfs !

M. Jean-Marie Le Guen - Ou plutôt les naïfs et les impuissants !

M. Jean-Marc Ayrault – Assumez vos responsabilités. Tous les reproches que vous adressiez au gouvernement Jospin peuvent aujourd’hui, au bout de cinq ans d’exercice des responsabilités, vous être rendus. Vous prétendez que la délinquance a globalement diminué : certes, les atteintes aux biens, les délits de voie publique et les violations du code de la route connaissent une légère décrue.

M. le Ministre d’État – Vous le reconnaissez enfin !

M. Jean-Marc Ayrault – Pourtant, la violence quotidienne qui est au cœur de l’insécurité et suscite la peur de nos concitoyens, elle, n’a cessé de progresser. Démentir vos proclamations triomphalistes ne me réjouit en rien. Les faits divers ne doivent pas être exploités politiquement. La société entière pâtit dès que l’autorité de l’État échoue. Or, l’incrustation de la violence est un phénomène profond qui appelle une réponse collective, de l’État comme des citoyens.

Là est le cœur de ma critique, Monsieur le ministre. Votre fermeté, inhérente à votre fonction, n’est pas en cause. Je vous reproche plutôt d’avoir mené une politique de rupture et de divisions, alors que l’unité et la continuité s’imposaient.

Quel meilleur symbole de cette rupture que la suppression, sans évaluation, de la police de proximité ?

Plusieurs députés UMP - C’était un échec !

M. Jean-Marc Ayrault – Elle était certes perfectible, mais sa disparition a entraîné une grave coupure entre la police et les populations des cités.

M. Jacques-Alain Bénisti - C’est un leurre !

M. Jean-Marc Ayrault – Aujourd’hui, nombre de vos amis, de M. de Villepin à M. Raffarin, prônent son rétablissement.

Mme Claude Greff - C’est faux !

M. Jean-Marc Ayrault - Ce ne sont pourtant pas de dangereux rêveurs ou d’inquiétants laxistes !

Deuxième erreur : vous avez opposé les institutions en charge de la tranquillité publique. Comment la justice peut-elle effrayer et dissuader les délinquants si vous critiquez ses décisions ? Comment les maires et les éducateurs peuvent-ils exercer leur autorité si vous la dénigrez ?

M. Jacques-Alain Bénisti - Pure démagogie !

M. Jean-Marc Ayrault - Transférer aux maires les pouvoirs du préfet, du procureur et des présidents de conseils généraux est aussi absurde que d’imaginer un Président de la République qui soit aussi ministre de l’intérieur ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Avec cette défausse sur les collectivités locales, vous touchez au cœur de l’autorité régalienne de l’État et vous politisez la chaîne pénale (Même mouvement).

Les maires refusent d’être transformés en délégués du procureur ou de la police.

Mme Nadine Morano - Les maires socialistes !

M. Jean-Marc Ayrault – Ils tiennent à garder leur rôle de coordination des contrats locaux de sécurité et de médiation entre l’État et les populations.

M. Jacques-Alain Bénisti - Ils ne veulent pas être spectateurs, mais acteurs !

M. Jean-Marc Ayrault - Souvent démunis, abandonnés, ils jouèrent bien souvent seuls ce rôle lors des émeutes de l’an dernier : rendons-leur hommage pour cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Troisième erreur : vous avez fait croire que la surenchère de réformes répressive ferait œuvre de prévention. Les faits prouvent l’inanité de cette muraille de papier.

M. Jacques-Alain Bénisti - La réalité, c’est que vous n’avez pas lu le texte !

M. Jean-Marc Ayrault - Le code pénal français est déjà l’un des plus répressifs d’Europe, et dispose de toute la gamme de sanctions nécessaire. Les juges l’appliquent avec fermeté ; les prisons sont pleines. Pourtant, ni la violence, ni la récidive, ni la délinquance des mineurs ne reculent. C’est donc l’application du système qui pose problème, et les carences en la matière sont nombreuses : inexistence des moyens de détection précoce des comportements à risque, lenteur de la procédure entre délit et sanction, insuffisance en nombre des structures d’encadrement et d’éloignement des mineurs, recours trop hésitant à la responsabilisation des familles, absence de structures d’intégration civique, discordances entre chaîne éducative et chaîne pénale…

Mme Nadine Morano - Voilà votre bilan !

M. Jean-Marc Ayrault - Les Français sont-ils prêts à investir dans une politique qui exige autant de moyens que de persévérance ?

Quatrième erreur, Monsieur le ministre : vous avez trop souvent « insinué l’idée pernicieuse qu’un jeune était un délinquant en devenir ». Le constat n’est pas de moi, mais de Mme Alliot-Marie ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Nadine Morano - On va s’en occuper !

M. Jean-Marc Ayrault – Les mineurs délinquants ne constituent pourtant que 2 % des moins de 18 ans, et encore les trois quarts de ces délinquants ne reviennent-ils jamais devant la justice après une première comparution !

Mme Claude Greff - N’importe quoi !

M. Jean-Marc Ayrault – Bien sûr, c’est encore trop. Tout délit doit être sanctionné. Pourtant, la surenchère pénale est inutile : il faudrait plutôt donner à la justice les moyens d’appliquer rapidement des peines déjà dissuasives, distinguer entre mesures pénales et éducatives, et diversifier les structures d’encadrement.

Je réfute votre idée d’assimiler un mineur à un adulte : en le poussant toujours plus vers la prison, vous en ferez un délinquant à perpétuité.

M. Jean-Marc Roubaud - Et les récidivistes ?

M. Jean-Marc Ayrault – De même, les peines planchers sont à l’opposé du principe républicain de l’individualisation des peines.

M. Claude Goasguen - Personne ne remet en cause ce principe !

M. Jean-Marc Ayrault – Vos déclarations à l’emporte-pièce, vos attitudes inutilement provocantes ont attisé les braises et altéré la confiance de la jeunesse en l’impartialité de l’État. Un ministre de l’intérieur doit sécuriser, et non ajouter au désordre.

Mme Nadine Morano - Il protège, il anticipe !

M. Jean-Marc Ayrault – Votre bilan, pour le moins discutable, sera versé au débat présidentiel, non pour l’exploiter politiquement comme vous le faites trop souvent, mais pour poser les fondations d’un consensus républicain autour d’une politique de sécurité durable – sur dix à quinze ans. Nous devons apprendre à négocier un véritable pacte de non-agression, car le crime se nourrit de nos divisions.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Des mots, des mots !

M. Jean-Marc Ayrault – Les délinquants doivent comprendre qu’ils ont en face d’eux une autorité déterminée et infaillible, quelle que soit la majorité. C’est ainsi qu’en Angleterre, en Allemagne, en Espagne, Gouvernement et opposition ont défini ensemble les normes d'une sécurité globale qui repose sur deux piliers inséparables : être dur contre la délinquance et dur contre les causes de la délinquance.

Être dur contre la délinquance, c'est conserver ou restaurer les instruments les plus efficaces. Il y a dans votre action des acquis qui mériteront d'être consolidés : le renforcement des effectifs de police et la modernisation de leurs équipements, la création des GIR, le rapprochement police-gendarmerie. Leur doctrine d'emploi doit se coupler avec le rétablissement d'une police de terrain, d'une police de proximité ayant, comme le souligne le rapport de votre majorité sénatoriale, « la confiance de la population et des jeunes ». Cela implique de réussir parallèlement le redéploiement des forces de l'ordre qui doivent être présentes en priorité dans les territoires et les cités qui souffrent le plus de l'insécurité.

Être dur contre la délinquance, c'est aussi faire un diagnostic partagé par la chaîne politique, pénale et éducative. Le ministre de l'intérieur ne peut pas tout décider seul. Il lui faut réunir le concours des élus, des policiers, des magistrats, des éducateurs, des familles, des associations… La sécurité doit être l'affaire de tous. Et tous doivent tirer dans le même sens.

Mais la tolérance zéro doit valoir aussi pour les causes de la délinquance, qui se nourrit trop souvent de nos insuffisances face aux inégalités sociales, éducatives ou urbaines. Il ne s'agit pas, Monsieur Lagarde, de cultiver la culture de l'excuse. Nous savons bien qu’assumer sa responsabilité personnelle est un fondement de la citoyenneté. Ce que nous voulons, c'est assécher le terreau sur lequel prospère l'insécurité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Prenons l’exemple de la délinquance des mineurs. Vous avez tort, Monsieur Goasguen, de considérer que l’ordonnance de 1945 est un texte ringard. Bien sûr que la société a changé depuis 1945, mais l’ordonnance a été modifiée en conséquence, de nombreuses fois. Et elle permet la détention de mineurs…

M. Claude Goasguen - C’est ce que vous voulez ?

M. Jean-Marc Ayrault - …lorsqu’ils ont commis des crimes graves. Mais pour les primo-délinquants, il faut trouver des alternatives à la prison, qui est l'école du vice. Nous savons tous que la clé est le rétablissement de l'autorité parentale. Les familles doivent être aidées et, le cas échéant, responsabilisées. Mais quand l'autorité parentale est durablement défaillante, il faut avoir le courage de concevoir des structures d'encadrement…

Plusieurs députés UMP - C’est ce qu’on fait !

M. Jean-Marc Ayrault - …où les jeunes réapprennent le respect, la solidarité, la loi. Tous les services publics doivent y concourir. C'est aussi l'un des sens que nous donnons à l'instauration d'un service civique obligatoire. Nous l’avions proposé il y a trois ans, la majorité l’a refusé !

Le débat entre une droite répressive et une gauche angéliste est une caricature dépassée. Comme nous l’avons fait pour les signes religieux à l'école ou l'affaire d'Outreau, nous devrions pouvoir traiter le phénomène grave de la violence en dépassant nos divergences politiques. C'est par la preuve, non par les gesticulations et les proclamations, que nous reconquerrons la confiance des Français. Ce sera tout l'objet de l'élection présidentielle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre d’État - Tout d’abord, nous sommes heureux, Monsieur Blazy, de vous revoir parmi nous, en forme et toujours aussi assidu (Applaudissements sur tous les bancs).

Je rends hommage, Monsieur Ayrault, à votre courage. Ce ne doit pas être facile d’être l’orateur du groupe socialiste sur le thème de la sécurité ! (Sourires ) Il faut assumer le bilan, ce qui n’est pas rien.

M. Jean-Jack Queyranne - Nous parlions du vôtre !

M. le Ministre d’État – D’ailleurs, si le groupe socialiste m’a envoyé son président, c’est bien que la tâche n’était pas aisée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Non seulement vous avez été courageux, Monsieur Ayrault, mais vous avez été honnête lorsque vous avez reconnu que tout dans mon action ne devait pas forcément être changé. Je pense que c’est la première fois qu’un responsable socialiste de votre niveau fait une telle déclaration. Certes, la liste de ce qu’il fallait, selon vous, garder n’était certainement pas exhaustive, mais c’est déjà un début.

Honnête, vous l’avez été aussi quand vous avez reconnu que la délinquance générale avait baissé. Là encore, je crois que c’est une première de la part d’un responsable socialiste. Ce point d’accord contribue à la clarification du débat politique.

Nous avons cependant des points de désaccord. L’évocation des noms des victimes, d’abord. J’ai reçu ce matin Chahrazad, la jeune fille brûlée il y a un an, et son frère pour leur remettre le décret d’acquisition de la nationalité française. Pourquoi ne devrait-on pas évoquer le nom des victimes, alors que l’on évoque si souvent le nom des coupables et des délinquants ? Les victimes souffrent deux fois : quand elles sont agressées, puis lorsqu’elles ont le sentiment que la société préfère les oublier. Et si j’ai nommé Mama Galledou, ce n’était pas pour récupérer la souffrance de cette jeune femme, mais parce qu’elle est le symbole des victimes innocentes. Il me semble que dans ce temple de la souveraineté nationale qu’est l’Assemblée, le nom des victimes devrait résonner plus souvent, et moins souvent celui des coupables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La police de proximité, ensuite. Avec l’honnêteté qui vous caractérise, Monsieur Ayrault, vous et des spécialistes de la sécurité comme M. Dray…

M. Jean-Marie Le Guen - C’est la distribution des prix !

M. le Ministre d’État – Vous avez d’autres spécialités, Monsieur Le Guen. On ne peut pas être spécialiste de tout ! Je disais donc que ceux qui connaissent le dossier reconnaîtront que l’expression « police de proximité » est apparue en 1995. En 2002, le taux d’élucidation des affaires était de 25 %. Cela signifie que l’on ne trouvait alors qu’un coupable sur quatre. Cinq ans plus tard, on trouve un coupable sur trois. Que l’on ne me dise donc pas que la police de proximité était une meilleure organisation ! En vérité, la gauche a confondu les notions. Elle a voulu faire une police de relations publiques, d’assistance sociale, alors que le travail de la police, c’est d’abord d’interpeller les délinquants et de les mettre à la disposition de la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Car si la police ne le fait pas, qui le fera ?

Vous dites, Monsieur Ayrault, que le débat présidentiel permettra de poursuivre ce débat. Tant mieux ! Je veillerai pour ma part à ce qu’il soit aussi approfondi que possible. En une dernière honnêteté, vous avez déclaré que la querelle entre les laxistes et les répressifs était dépassée. Cela veut bien dire qu’elle a existé et que votre famille politique a participé à une certaine forme d’angélisme !

Quoi qu’il en soit, j’ai apprécié la tonalité de votre intervention. Vous appelez en conclusion à un consensus sur les questions de sécurité. Soit. Si vous avez des propositions à faire pour enrichir le présent projet, n’hésitez pas à les présenter, nous en retiendrons peut-être, et j’espère que de votre côté, vous voterez certaines dispositions du texte.

Monsieur Vaxès, nous ne pouvons pas être d’accord, car vous êtes dans une stratégie consistant à tout expliquer, y compris ce qui est à mes yeux inexplicable. Mais quand on explique tout, y compris l’inexplicable, on n’est en général pas très loin d’excuser tout, y compris l’inexcusable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Prenons l’exemple de l’antisémitisme : on a passé des années à expliquer les causes de l’antisémitisme et à les ranger en catégories. Il y avait l’antisémitisme historique, il y avait celui de l’extrême droite, celui lié aux événements du Proche et du Moyen Orient… À chaque fois qu’on cherche une explication, on excuse (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Or, rien ne peut expliquer l’agression du petit Jonathan, frappé à la sortie de la patinoire de Boulogne par des individus hostiles à la politique menée par M. Sharon. Il n’y a pas à chercher d’explication : il faut tout simplement sanctionner. Faut-il expliquer qu’il ne faut pas frapper une personne parce qu’elle est juive, noire, ou bien différente ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Chercher des explications, c’est faire un premier pas vers le laxisme et la passivité, donc la complicité (Mêmes mouvements).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Êtes-vous prêt à signer de tels propos ?

M. le Ministre d’État – Il y a bien sûr des injustices, des erreurs d’urbanisme, du chômage, des discriminations, voire un certain mal de vivre. Mais expliquer la violence, le viol, le crime et la délinquance par référence au chômage, à la pauvreté, à l’ennui ou à l’absence d’espoir qui sévissent dans certains quartiers, c’est insulter tous ceux qui se lèvent tôt pour travailler honnêtement dans ces mêmes « quartiers » (Signes d’approbation sur de nombreux bancs du groupe UMP). Ce serait un amalgame odieux ! La conception que je défends, c’est que l’État ne peut aider que ceux qui veulent s’en sortir. Eux seuls ont droit à la solidarité nationale.

J’ai été très attentif à vos propos, Monsieur Lagarde, car vous connaissez bien toutes ces questions. Votre département souffre en particulier de l’amalgame que je viens de dénoncer. Je sais par ailleurs tout ce qui sépare les prises de position politiques de l’UDF et l’expérience de ses orateurs. Vous avancez que bien des maires font déjà ce que je propose dans ce texte et vous avez raison. Sachez seulement que nous saurons retenir les amendements déposés par les praticiens du terrain.

M. Dray me reproche, pour sa part, d’avoir mis quatre ans pour présenter ce texte, le premier qui ait jamais été soumis au sujet de la délinquance. Mais qu’avez-vous fait pendant les cinq années où vous étiez dans la majorité ? Ce que vous n’avez pas su faire en cinq ans, je l’ai fait en quatre. Le rappeler, c’est donc me rendre hommage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Quant à la définition de la prévention, nous nous heurtons effectivement à de véritables difficultés, Monsieur Lagarde. Il n’est pas simple de détourner des individus de la violence ! J’attends donc toutes les propositions émanant des élus de l’UDF disposés à voter ce texte… Nous avons besoin du soutien de tous !

Vous m’avez apporté votre entier soutien au nom du groupe UMP, Monsieur Goasguen. Ce soutien était certes prévisible, mais j’y suis sensible : je ne pense pas que la démocratie consiste à mépriser ses propres amis ! J’apprécie votre fidélité et votre amitié, ainsi que celles manifestées par le groupe UMP à propos de tous les textes que j’ai présentés. Je trouve étrange qu’on me critique pour avoir présenté six textes… C’est qu’il y avait bien du travail à faire ! Quelle étrangeté que des législateurs discréditent eux-mêmes le vote de la loi !

S’agissant des mineurs et des peines planchers, je n’ai pas peur du débat. L’opinion publique en a assez des récidivistes. Nous avons été élus pour agir ! Nos concitoyens n’en peuvent plus de voir les mêmes délinquants revenir sans cesse devant les tribunaux. Il ne s’agit pas d’être proche des policiers ou bien des magistrats, mais de mettre un terme à l’impunité des récidivistes. Je suis en faveur des peines planchers. Si nous n’allons pas aujourd’hui aussi loin que nous le pourrions, ayez conscience que le débat reviendra devant les Français. Vous savez quelle position je défendrai alors…

À tous les parlementaires de l’UMP, je voudrais enfin rappeler que leur mission n’est pas de chercher à faire plaisir à l’un ou à l’autre, mais d’écouter ce qui remonte de leurs circonscriptions. Les Français en ont assez de l’impunité ! Votez sur les amendements en fonction des arguments qui vous convaincront, sans vous soucier d’appartenir à une école de pensée plus ou moins répressive. Je vous propose de soutenir la famille des gens honnêtes et pragmatiques, qui souhaitent seulement trouver des solutions efficaces aux problèmes qui empoisonnent la vie des Français depuis des années. Voilà l’esprit qui m’anime ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Blazy – Avant de demander au nom de mon groupe une suspension de séance, je voudrais remercier le ministre pour son attitude lors de mon malaise, hier soir, et pour les propos qu’il a tenus aujourd’hui. Je voudrais également saluer le président Debré, venu me rendre visite, ainsi que tous mes collègues, notamment ceux d’entre eux qui sont médecins, comme le président Dubernard. Je n’oublie pas non plus Simon Renucci, qui a réussi l’exploit de me faire avaler du coca-cola (Sourires), ni les huissiers, ni le service médical de l’Assemblée, dont j’ai pu apprécier l’efficacité. Merci à tous.

Vous avez répondu, Monsieur le ministre d’État, à l’excellente intervention du président de notre groupe. Je rappelle que vous avez démantelé la police de proximité, pourtant réclamée par l’opinion. Nous devons débattre des rapports entre la police et les citoyens et notre groupe a demandé la constitution d’une commission d’enquête sur l’évolution de votre politique en la matière. Cela étant, afin d’évaluer ce qui vient d’être dit, nous demandons une suspension de séance.

La séance, suspendue à 17 heures 55, est reprise à 18 heures 5.

M. Christophe Caresche - Le débat, intéressant, mérite d’être précisé. Ainsi, le groupe socialiste n’éprouve aucune difficulté à reconnaître que les atteintes aux biens ont diminué. Toutefois, cette réduction concerne surtout les vols de voitures, les vols à la roulotte et les cambriolages. On peut imaginer que l’amélioration constatée est due à la sécurisation des équipements plus qu’à l’action de la police. Il ne faut donc pas tirer de conclusions hâtives de ces statistiques.

En revanche, les atteintes aux personnes ont, elles, considérablement augmenté, singulièrement les violences non crapuleuses, ce qui traduit la grave dégradation de la vie sociale. On note aussi l’accroissement des violences à l’encontre de tous les dépositaires de l’autorité – policiers, pompiers, agents publics – et, plus généralement, de l’agressivité, tous les élus le constatent.

Le bilan du ministre de l’intérieur est donc pour le moins contrasté, et il appellerait de la modestie, sinon une dose d’autocritique.

M. Éric Raoult - Il faudrait donc ne rien faire ?

M. Christophe Caresche – Je ne dis pas cela, je dis n’avoir pas entendu du ministre une réponse claire sur ces points.

Les victimes doivent, certes, être au cœur de la politique de sécurité et de la politique pénale. Elles ont été très longtemps ignorées, et il a fallu attendre Robert Badinter pour qu’elles prennent la place qui leur revient dans le procès pénal. Mais, à ce jour, si l’on en croit le rapport de l’inspection générale de la police nationale, l’accueil des victimes dans les commissariats de police demeure très défectueux. Il reste donc beaucoup à faire et, plutôt que d’accuser, le ministre de l’intérieur devrait agir.

Mais le grand échec du Gouvernement et particulièrement du ministre de l’intérieur, c’est le démantèlement subreptice de la police de proximité, dont les effectifs, recentrés sur l’ordre public et la police judiciaire, fonctionnent en quelque sorte « hors sol », coupés de l’environnement dans lequel ils doivent travailler. Comment s’étonner alors que cette police soit conduite à de graves confrontations, notamment avec une partie de la jeunesse ? Le fossé ainsi créé entre la police et une grande partie de la société française, dont sa composante la plus jeune, est ce qu’il y a de plus inquiétant dans la politique du ministre de l’intérieur.

Au lieu de traiter ces questions, le texte, dit « de prévention », prévoit un empilement de délits nouveaux et l’alourdissement des peines. Encore a-t-on échappé aux peines planchers, mais l’on a compris que le sujet resurgira au cours du débat électoral, avec l’objectif de rompre le consensus trouvé après-guerre. On a compris aussi qu’une partie de la majorité soutient la politique, très inquiétante, du « tout carcéral ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Éric Raoult - M. Caresche, qui est un brave homme, a été commis d’office, mais il ne pense pas ce qu’il a dit. On le verra à l’œuvre le jour où il sera ministre de l’intérieur !

M. Serge Grouard – Je déplore l’esprit polémique qui s’est emparé du débat. Maire, et comme tel confronté tous les jours au désarroi et à la détresse de mes concitoyens, j’ai honte de cette dérive, et je ne sais comment expliquer aux Orléanais ces transformations de la réalité et ces manipulations pénibles alors que, sur tous les bancs, les maires sont confrontés à la même situation. Nous avons longuement et sérieusement débattu de ces sujets au sein de l’Association des maires de grandes villes de France, et nous avons trouvé un large terrain d’entente à propos de ce texte, qui ne mérite pas tant d’opprobre (Mme Nadine Morano applaudit). Les faits sont têtus : les actes délictueux sont passés de quelque 500 000 par an dans les années 1960 à plus de 4 millions en 2002, année paroxystique avant la décrue constatée par la suite. Il convient donc de trouver les solutions, ces solutions qui n’ont jamais été trouvées avant. J’observe que bien des leçons nous ont été données, mais que de grands moyens avaient été consacrés à une politique, floue, de prévention – et pour quels résultats tangibles ? Si la politique si vigoureusement vantée avait réussi, l’augmentation de la délinquance que personne ne nie ne se serait pas produite !

Cet échec s’explique en premier lieu par l’opposition constante entre politique de prévention et politique de répression, qui ne doit plus être. Il s’explique aussi par le prisme idéologique qui a faussé l’approche de la prévention, avec une sorte d’excuse donnée à la délinquance (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), la responsabilité des faits délictueux étant imputée à la violence de la société, qui exonérerait les délinquants d’une part de leur responsabilité propre. Certains environnements sociaux peuvent certes avoir des conséquences négatives sur les comportements, mais la relation ainsi établie était fautive. L’échec est dû, enfin, au cloisonnement et à l’émiettement des actions, que chacun déplore.

Le projet qui nous est présenté, parce qu’il est fondé sur l’observation de la réalité et non sur des a priori idéologiques, apporte des réponses pragmatiques et simples. C’est d’ailleurs le premier texte qui traite de la prévention dans tous ses aspects.

M. Jacques-Alain Bénisti – C’est exact.

M. Serge Grouard – De plus, parce qu’il propose, à juste titre, une articulation avec d’autres textes, le projet permet la complémentarité entre prévention et sanction, toutes deux nécessaires.

Ce texte pragmatique fait du maire le pivot du dispositif de prévention de la délinquance. Ce n’est pas en effet une question de moyens, car nous les avons – maire d’une grande ville, je puis en témoigner. Nous avons maintenant besoin de dispositions législatives nous permettant de donner corps aux actions que nous conduisons d’ailleurs d’ores et déjà et de les compléter. Ce n’est là que bon sens.

L’Association des maires de grandes villes de France, au-delà des clivages partisans, a beaucoup travaillé sur le sujet. Et contrairement à ce qui a été dit, des maires de toutes tendances ont participé à ces travaux et approuvé une bonne partie des dispositions de ce projet de loi. Il y a décidément loin de la réalité aux effets d’estrade ! Il n’est vraiment pas très courageux de la part de certains de faire semblant dans l’hémicycle de refuser des mesures qu’ils soutiennent par ailleurs en coulisses (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Dans la ville dont j’ai l’honneur d’être maire, la délinquance de voie publique, celle qui empoisonne le plus la vie de nos concitoyens, a régressé de plus de 50 % en cinq ans. Non que nous ayons versé dans le tout-sécuritaire, mais parce que nous avons engagé des actions de prévention : mise en place de « carrefours des parents », actions de prévention-médiation dans les quartiers, service de veille éducative… Et ce texte nous permettra de faire encore davantage. C’est l’ensemble de ces mesures qui, par leur alchimie, permettra de répondre aux préoccupations de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Decocq - Ce projet de loi conclut le long cheminement commencé dès 2002 quand le ministre d’État a, avec force et clairvoyance, fracassé la posture du sentiment d'insécurité pour s’attaquer à la délinquance. Personne auparavant ne l'avait fait comme lui. Grâce à lui, la société française et les hommes politiques ont dû regarder les choses en face et d'ailleurs aujourd'hui, sa principale adversaire l'a bien compris ! Ce projet de loi apporte la dernière pierre à l'édifice.

Il pose les fondements d'une nouvelle politique de prévention de la délinquance, privilégiant tout d’abord une nouvelle approche. Depuis trop longtemps, la prévention de la délinquance, au niveau national comme au niveau local, souffrait des vices de ses origines. Mise en place au début des années 80, elle a été considérée comme constitutive de la politique de la ville et, partant, trop souvent confondue avec l’action sociale (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Le raisonnement est simple : si la délinquance est la conséquence du mal-être social, il suffit pour y remédier d’apporter des réponses sociales. La prévention de la délinquance est dès lors devenue une politique fourre-tout, où l'éducation à la citoyenneté et au civisme pouvaient être accessoire, et s'est confondue avec une politique d'animation sociale.

Funeste dérive que celle qui mène à considérer que les injustices et les difficultés sociales sont responsables des comportements délinquants, puis à les comprendre et enfin à les excuser ! Pis encore, certains en sont arrivés à penser que la trop grande activité policière et l’inlassable action du ministre de l'intérieur constituent des provocations qui attiseraient le feu et seraient donc responsables de la situation actuelle. On touche là le fond de la philosophie de l'excuse ! Ce projet de loi, fort heureusement, distingue clairement politique de la ville et prévention de la délinquance.

L’autre innovation majeure réside dans le nouveau rôle dévolu au maire. Celui-ci devient le pivot de la politique de prévention de la délinquance. La caricature fait certes rage sur ce point : vous êtes accusés de faire du maire un « shérif » en sa ville, un « contrôleur social »,…

M. Pierre Cohen – C’était dans la première version du texte !

M. Éric Raoult - Procès d’intention !

M. Christian Decocq - …« un élu omnipotent qui interviendrait au mépris des compétences de chacun », tous propos entendus lors d'un récent conseil municipal à Lille !

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire - Mme Aubry en shérif, pourquoi pas ?

M. Christian Decocq – Pourtant, le projet de loi n’octroie aucun pouvoir coercitif nouveau aux maires. Comme le souligne le président de l'AMF, il est hors de question que les maires prononcent des sanctions, car ils ne seraient plus alors crédibles en matière de prévention. Il faut en revanche leur donner les moyens d’animer et de coordonner la politique de prévention, en leur permettant notamment d'accéder aux informations connues du procureur ou des travailleurs sociaux. Dans ces conditions, ils n’auront plus à craindre d'être au cœur du dispositif, ce qui est de toute façon déjà le sentiment de leurs administrés. Les contrats locaux de sécurité ont ouvert la voie de la codécision, du partenariat et du travail en réseau. Le processus aboutit aujourd’hui avec la désignation d’un chef de file. Le maire, qui dispose d’une autorité morale auprès de ses administrés, est par excellence l'élu local qui doit impulser et coordonner la politique de prévention.

Coordonner, simplifier, recentrer l’action autour des hommes et des femmes qui souffrent, des familles en difficulté, pour leur apporter des réponses adaptées et individualisées, en un mot humaines : tel est l’objectif visé. « Il y a toujours dans notre enfance un moment où la porte s'ouvre et laisse entrer l'avenir », écrivait Graham Greene. Eh bien, peut-être seront-ce les maires qui permettront que cette porte s'ouvre.

Encore une fois, je soutiendrai votre action, Monsieur le ministre d'État, faite d'intelligence et de volonté. Rien ne vous aura été épargné, non plus qu’à la majorité qui vous soutient. De la « guerre aux pauvres » que vous auriez prétendument engagée, comme le titrait un grand quotidien du soir en décembre 2002, à la « guerre aux enfants » que vous mèneriez aujourd’hui, ceux qui caricaturent ainsi votre politique ignorent, ou font semblant d'ignorer, l'essentiel, à savoir que depuis 2002, avec constance et même opiniâtreté, vous écoutez la nation qui s'exprime et, comme il se doit en République, répondez par la loi. Et si de surcroît, vous placez la République à l'abri des extrêmes, devrait-on vous le reprocher ? Monsieur le ministre d'État, continuez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Nadine Morano - La majorité de nos jeunes va bien, et même très bien. Cela méritait d’être dit. Mais dans le même temps, notre société souffre d’un phénomène dramatique face auquel il est affligeant de voir les élus de l’opposition prendre ici des postures. Car ce sont des quartiers entiers qui sont plongés dans le désarroi. La délinquance a progressé de 53 % entre 1995 et 2005, et de 20 % entre 1997 et 2002. Et en dépit de la décélération observée depuis cinq ans, celle des mineurs augmente toujours. Il était donc impératif de prendre le problème à bras-le-corps. Je me félicite donc de ce texte pragmatique qui place le maire au cœur du dispositif. Qui mieux que le maire connaît les quartiers de sa commune, les familles qui y sont en difficulté ? Qui mieux que lui peut agir s’il dispose des moyens et des outils nécessaires ? Aujourd’hui, les services sociaux, médicaux et éducatifs agissent chacun de leur côté, sans jamais échanger leurs informations. Les membres de la mission d’information parlementaire sur la famille qui se sont rendus en visite au Canada ont pu constater que l’essentiel du dispositif de prévention repose dans ce pays sur le partage des informations, de façon à pouvoir intervenir en amont auprès des familles en difficulté, et les accompagner sur le plan social, éducatif, médical et même professionnel.

M. Pierre Cohen - Mais cela, ce n’est pas votre projet de loi !

Mme Nadine Morano – C’est là que se joue la prévention et que le maire doit intervenir. Ce texte lui en donne les moyens. Cinq ministres y ont travaillé et le Fonds interministériel de prévention de la délinquance qu’il est prévu de mettre en place sera le bienvenu.

Au-delà des chiffres, il faut prendre en compte l’exaspération des populations les plus fragiles qui subissent la délinquance au quotidien dans les cités et le découragement des forces de sécurité, lasses d’interpeller dix, quinze fois des jeunes qu’elles voient revenir dans leur cité en petits caïds faisant le V de la victoire. Pas plus que nos concitoyens, elles ne le supportent plus. Lors des émeutes dans les banlieues l’année dernière, plus de la moitié des jeunes interpellés étaient des mineurs et plus de la moitié également étaient connus des services de police. (« Faux ! » sur les bancs du groupe socialiste ; « Mais si ! » sur les bancs du groupe UMP). Vous niez la réalité. Moi, je sais de quoi je parle.

Notre débat doit être sans tabous, comme l’a demandé le ministre d’État. J’ai donc déposé un amendement tendant à instituer des peines minimales pour les multirécidivistes : nous en débattrons et nous verrons bien quelle sera l’issue du vote. De même, face au développement du happy slapping – diffusion en direct sur internet du film d’une agression physique –, j’ai déposé, avec mon collègue Édouard Courtial, un amendement réprimant très sévèrement ces nouvelles formes d’agression.

Alors que ce texte fait des maires les pivots du dispositif de prévention de la délinquance, je m’étonne que Mme Royal ait déclaré devant leur assemblée qu’ils n’étaient pas faits pour cela et que de toute façon ils n’en avaient pas les moyens.

M. Éric Raoult - Elle préfère les militaires !

Mme Nadine Morano - Il appartient à l’État d’assurer la sécurité publique, a-t-elle conclu. Mais Mme Royal que je sache, comme tous ses collègues socialistes, n’a pas voté les moyens de la loi de programmation pour la sécurité intérieure (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous avez voté contre les crédits de personnel et d’équipement de la police, et vous déplorez aujourd’hui le manque de moyens !

Mme Royal n’est certes pas dépourvue d’idées pour lutter contre la délinquance des mineurs, puisqu’elle veut les enfermer dans des camps militaires, gardés peut-être par des légionnaires. Mais j’observe qu’alors qu’elle est encore députée, elle n’est pas venue aujourd’hui débattre ici. Nous aurions pourtant été intéressés de voir le type d’amendements qu’elles aurait pu déposer ou soutenir (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Elle connaît très mal ses dossiers et fait très mal son travail de députée. Elle n’est peut-être donc pas encore prête pour celui de l’Élysée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Éric Raoult - Elle n’est jamais là !

M. le Président – Monsieur Raoult, s’il vous plaît ! Vous connaissez l’usage.

M. Patrick Delnatte – Pour prévenir la délinquance, ce qui est une préoccupation majeure, nombre de réformes importantes ont été faites depuis 2003 pour instaurer une réponse pénale systématique, graduée et rapide. Elles ont porté leurs fruits : la délinquance a reculé de près de 9 %, et 80 % des jeunes qui sont présentés pour la première fois devant un juge ne récidivent pas.

Nos concitoyens ont le droit à la sécurité, posé comme principe dans la loi sur la sécurité de 1995. Comme l'a souligné Alain Bauer, président de l'Observatoire national de la délinquance, depuis la fin de la guerre, la délinquance prend d'autres visages. La violence dérive vers des actes de sauvagerie. La société doit se mobiliser pour y résister. Cela passe par la répression, et aussi par des mesures sociales et éducatives. C’est pourquoi ce texte organise la sanction et s’attache à anticiper les comportements délinquants.

Ces dernières années, la lutte contre la délinquance juvénile a fait l'objet de réformes chez nos voisins européens, qui ont en commun le développement de nouvelles sanctions incluant la réalisation d'un travail, le raccourcissement des délais de procédure et la participation de toutes les institutions concernées à des programmes locaux de prévention. Les lois anglaise et espagnole comportent également des dispositifs pour responsabiliser les parents.

Dans tous les cas, ces politiques s’adressent au jeune conçu comme un individu dans toutes ses dimensions, et prévention et sanction sont étroitement liées.

Dans le même esprit, ce projet envisage la prévention comme un tout, et s’inscrit dans un dispositif plus large de lutte contre toutes les violences, y compris conjugales, et contre la récidive. Il faut aussi rétablir les repères. Le pilier central de la prévention reste donc à mes yeux l'éducation, avec les règles élémentaires d'apprentissage de la civilité et du respect par les parents, premiers éducateurs de leurs enfants.

M. Lilian Zanchi – Très bien !

M. Patrick Delnatte - Les professionnels et le maire qui doivent intervenir dans la prévention doivent avant tout respecter le jeune et la famille tout en assurant le maintien de l'ordre public.

Le soutien à la parentalité passe dans un premier temps par l'accompagnement parental, et le projet met en place un conseil pour les droits et devoirs des familles. C’est dans un second temps qu’on aura recours à des mesures d'assistance éducatives, beaucoup plus contraignantes. La tutelle aux prestations familiales me paraît nécessaire quand, manifestement, elles ne sont pas employées à l'éducation des enfants, et que les parents ne s'obligent pas à remplir leur contrat. Mais l’intervention cordonnée des acteurs sociaux demande tact, fermeté, et clairvoyance.

Le maire est un acteur central de la politique de prévention, comme le soulignait déjà le rapport Bonnemaison de 1982.

M. Jérôme Lambert – Avec quels moyens ?

M. Patrick Delnatte – Il doit toutefois ne pas se substituer aux autres acteurs, mais travailler, selon l'adage du « bon père de famille », en parfaite cohérence avec eux, dans l'intérêt de l'enfant. Et les réponses municipales doivent rester proportionnées.

L'information est la clé de voûte de la prévention. Il faut donc l’organiser au mieux entre les partenaires, au sein des « cellules de veille » et des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, que le texte rend obligatoires dans toutes les communes de plus de 10 000 habitants. Il est essentiel que le maire échange les informations avec le procureur, les professionnels. C’est ainsi qu’il pourra bien animer et coordonner la politique de prévention de la délinquance. Mais il ne saurait constituer le premier maillon de la chaîne pénale.

M. Jérôme Lambert - Il sera un bouc émissaire.

M. Patrick Delnatte - Ce projet vise à rendre aux familles les moyens d'élever leurs enfants, fait du maire un pilote, qui doit agir de concert avec les autres partenaires. Il est clairement lié au projet de réforme de la protection de l'enfance.

Mme Henriette Martinez - Tout à fait.

M. Patrick Delnatte - Dans un monde marqué par la précarité sociale, l'individualisme, et le comportement instable des adultes, être en alerte sur les jeunes en danger est une priorité qui nécessite lucidité, humanisme et détermination. C'est ce qui inspire ce projet que j’approuve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Cohen – En premier lieu, je trouve scandaleux de parler de crimes ignobles, comme l’a fait M. Sarkozy, pour alimenter les haines, et présenter ce projet qui n’est qu’un leurre lorsqu’il prétend organiser la prévention, alors même que les professionnels y sont en majorité hostiles, et je trouve indigne de le dédier à une victime qui n’a pu s’exprimer et dont la famille a conservé une grande dignité.

Ce projet est en gestation depuis trois ans. Au sein même du Gouvernement, on a présenté des contre-projets, et ce fut le cas du Premier ministre, lorsqu’il était ministre de l’intérieur. Nous attendions depuis un an son inscription à l’ordre du jour, mais il a fait l’objet de bien des tractations, la majorité étant loin d’être unanime.

Les lois répressives que vous avez fait voter depuis cinq ans sont inefficaces. Sur ce nouveau texte, nous avons une fois de plus des divergences profondes. Pour alimenter le fonds de commerce qui vous a été si profitable en 2002, vous faites l’amalgame entre prévention et laxisme. Or les socialistes ont toujours fait de la prévention depuis 1983 un axe majeur, tout en préservant l’équilibre entre prévention et répression.

M. Éric Raoult - Pensez au 21 avril !

M. Pierre Cohen – Nous ne vous avons pas attendus pour mener une politique de sanction, car la prévention n’est pas la faiblesse. Seulement, nous voulons casser la logique de la violence.

Pour vous, chercher à expliquer, c’est minimiser, c’est excuser.

M. Georges Fenech - Caricature !

M. Pierre Cohen – Il faut pourtant comprendre pour prévenir la délinquance et ses causes.

M. Éric Raoult - Et à Marseille, vous comprenez ? Defferre ne parlait pas comme vous !

M. Pierre Cohen - Comprendre n’est pas excuser, mais c’est nécessaire pour la société comme pour celui qui est sanctionné.

Comment se contenter de la prison, qui est en quelque sorte l’université de la délinquance ?

M. le Ministre délégué – Il n’en est question nulle part dans le texte !

M. Éric Raoult - Lisez le rapport Bénisti.

M. Pierre Cohen – Pour réduire la délinquance, la prévention est le meilleur moyen. En effet, malgré vos vociférations, malgré vos lois, la violence a progressé, la surenchère à l’emprisonnement a été inutile. Croyez-vous qu’un jeune de 16 ans qui commet un acte pour lequel il risque vingt-cinq ans de prison réfléchira à deux fois demain parce qu’il en risquera dix de plus ?

M. Philippe Vitel - Vous ne nous écoutez pas.

M. Pierre Cohen – Légiférer sur ce problème aurait mérité moins de passion et moins de manœuvres, plus de raison et de concertation. Le sujet est trop sérieux. La délinquance n’est pas seulement le fait de petits voyous et de quelques déséquilibrés qui font la une des journaux télévisés, elle est une violence qui a pénétré à l’école, dans les quartiers, dans les familles, sur la route et dans le monde économique. Il faut la comprendre, et s’il faut la réprimer, c’est à tous les niveaux, sinon comment faire vivre la République ?

Nous ne pourrons éviter la violence sans d’abord faire du respect de l’individu une priorité. Comment demander aux jeunes de respecter les autres quand ils sont en butte aux humiliations, aux discriminations, à l’arbitraire ?

Ensuite, prévenir la délinquance est une prérogative de l’État – qui agit par l’école, la police, la justice – y compris en partenariat avec les acteurs locaux autour du maire. Mais il n’est pas question de transformer celui-ci en shérif.

Enfin, il faut mieux définir les contours de la prévention de base, remettre en service la police de proximité et donner aussi à la justice les moyens d’être plus proche.

Mais vous vous enfoncez dans une voie désastreuse. Ce projet ne permettra pas de prévenir la délinquance. Nous prenons rendez-vous avec vous devant les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Plusieurs députés UMP - Nous aussi.

M. le Ministre délégué – Comme Nicolas Sarkozy l’a rappelé à chaque débat depuis dix-huit mois, le ministre d’État ministre de l’intérieur, son ministre délégué aux collectivités locales Brice Hortefeux et moi-même formons une équipe. Le ministre de l’intérieur est toujours présent au banc, soit directement, soir par délégation.

Par ailleurs, Monsieur Cohen, vous laissez entendre sans cesse que ce texte contient des mesures d’aggravation des peines. Comme vous le savez parfaitement, il n’en est rien. Face à ceux qui cherchent à créer un écran de fumée et à faire passer des contrevérités, la solution est d’être très clair : il n’y a aucune aggravation du quantum des peines dans ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Arlette Grosskost - C'est l'une des prérogatives de notre République que d'assurer à chaque citoyen le droit de vivre en paix et en sécurité, et d'octroyer à une victime le droit de voir son agresseur arrêté, jugé et condamné. Contrairement aux idées reçues qui voudraient les faire croire rétifs au maintien de l'ordre, les Français entendent de plus en plus participer à la sécurité, ce qui pourrait d’ailleurs engendrer certaines dérives si l'on n'y prenait garde. Si le maintien de la cohésion sociale n'a pas de prix, il a un coût. Il est évident que nous devons financer notre politique et poursuivre le renforcement des moyens humains et matériels de la police et de la justice. Mais il faut aussi bannir des abus de langage tels que « grands frères » ou « drogues douces », qui contribuent à un climat de laisser-faire, de déresponsabilisation et de permissivité.

Ceci étant dit, il est évident que la répression n'est pas une fin en soi. C’est pourquoi vous avez placé la prévention au cœur de la lutte contre la délinquance. Des pas ont été déjà accomplis dans ce sens, tels que le « plan pilote de prévention de la délinquance 25 quartiers », qui a profité au quartier Drouot de Mulhouse, et plus particulièrement l'opération « coup de pouce à l'emploi », initiée en 2004 en collaboration avec les principaux partenaires institutionnels et économiques, qui consiste à solliciter des entreprises pour embaucher des habitants de ce quartier difficile. L’opération est très réussie : 41 emplois ont déjà été proposés, occupés pour la très grande majorité par les habitants du quartier.

Il est vrai que la formation et l'emploi sont des éléments structurants d'une politique globale de prévention. J’ai donc pris l'initiative, avec le conseil régional d'Alsace et différents partenaires dont je voudrais saluer l'engagement, parmi lesquels le groupe Vedior, d’une action pilote originale : « les cadets de l'humanitaire ». Parrainée par plusieurs membres du Gouvernement, elle a permis de mener dix jeunes peu qualifiés sur le chemin de l'emploi durable. Après une formation professionnelle de chauffeur routier, secteur pourvoyeur d'emploi, ils ont effectué une mission humanitaire de cinq semaines en convoyant du matériel médical au Mali, après laquelle ils ont pour la plupart décroché un CDI dans le secteur du transport. C'est là une forme de service volontaire avant l'heure qui prouve que, lorsqu'on met en contact les entreprises qui ont des besoins en matière d'emploi, les pouvoirs publics et les régions, il est possible d’avancer. Je fais le rêve que chaque parlementaire fasse la même chose : cela ferait 5 770 cadets ! Mais j’ai un regret : le refus du sénateur-maire socialiste de Mulhouse, Jean-Marie Bockel, de participer à cette initiative. Il est vrai qu'entre l'action et la communication, il y a encore du chemin à parcourir.

La fonction parentale est certes fondamentale pour l'équilibre de la société, mais la prévention de la délinquance doit être une préoccupation partagée par tous, y compris par les médias. Il est bien compris que les acteurs locaux ont un rôle essentiel dans la prévention de la délinquance et qu’il faut les conforter, ce que fait ce projet de loi en leur octroyant les moyens juridiques et financiers adéquats. Parmi ces moyens, celui de l'information est primordial pour anticiper, dialoguer et se concerter – bref, pour coordonner l'ensemble des maillons de la chaîne. C'est pour toutes ces raisons que je salue et soutiens l'action du ministre de l'intérieur qui, avec ce texte, enrichi de ses amendements, pourra mettre en œuvre une politique responsable conciliant constat et solutions, prévention et répression, fermeté et justice (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrice Martin-Lalande – Quatre cent mille gens du voyage ont choisi, par tradition, de ne pas vivre de manière sédentaire : leur choix doit être respecté tout autant qu’il doit respecter les règles et les valeurs de la République. De très nombreux maires attendent avec impatience une amélioration de l’efficacité des procédures d'évacuation des occupants illégaux de terrains publics ou privés. En effet, le système actuel est coûteux et compliqué. La décision du juge n'intervient, au mieux, qu'au bout d'une semaine et les occupants sont presque toujours partis avant qu’elle ne soit exécutée. Et tout est à recommencer plus loin... Le plus grave, dans cette situation, est le sentiment populaire qu’il y aurait deux poids et deux mesures. C'est un poison qui nourrit les malentendus, les préjugés et l’hostilité.

Le projet de loi apporte une réponse réaliste, conciliant respect des principes républicains et efficacité. La nouvelle procédure d'évacuation forcée est applicable dans les communes respectant le schéma départemental. Elle est décidée d'office par le préfet, mais sous conditions – atteinte à la salubrité ou à la sécurité par exemple – et entourée de garanties fondamentales. Elle constitue donc un progrès appréciable. Mais il faut aller plus loin. Si nous voulons faire cesser les occupations illégales, il faut que les aires prévues par la loi soient créées. Or, il n’existe que 8 000 places, pour un besoin de 40 000. Ce déficit rend difficile d'obtenir du juge et du préfet des décisions d'évacuation. La situation est marquée par l’illégalité des deux côtés : de la part des gens du voyage, mais aussi des communes ! La circulaire du mois d'août apporte une réponse très attendue : elle rend plus raisonnable le coût de la construction et de l'aménagement des aires d'accueil. Les normes techniques sont aussi allégées, ce qui n’est pas un mal : j’ai vu cet été à Noyers-sur-Cher des enfants fuyant le goudron brûlant de l'aire d'accueil ! Mais la charge est encore lourde pour les communes. Quel financement supplémentaire apportera le nouveau Fonds départemental pour l'aménagement et l'équipement des aires d'accueil ?

Si l'allégement des normes va beaucoup contribuer à la création de places, il faut aussi considérer que certains maires n’ont toujours rien fait, seize ans après la loi qui les obligeait à créer des aires d'accueil. Que compte faire l'État si ces blocages persistent ? Par ailleurs, il faut aussi mener une politique d’aide à la sédentarisation maîtrisée. Selon certaines études, plus des deux tiers des gens du voyage souhaitent disposer d'un lieu de vie plus ou moins permanent. Les possibilités sont multiples : terrain privatif capable de recevoir les deux ou trois caravanes du groupe familial et un local construit fixe, lotissement d'habitat adapté avec des possibilités de location de longue durée… Comme je l'ai constaté en Loir-et-Cher, la sédentarisation se fait trop souvent de manière conflictuelle : construction sauvage sur des terrains inconstructibles, nombre excessif de caravanes sur un terrain, atteintes à l'environnement, à la salubrité et à la sécurité… Il faudrait développer une politique publique de réservation et d’aménagement contrôlé des terrains. On ne peut plus se contenter des achats faits par les gens du voyage, qui aboutissent au conflit et au refus.

Si nous voulons une meilleure intégration des gens du voyage, respectueuse des différences mais intransigeante sur les valeurs et les règles républicaines, il nous faudra aussi rapidement progresser sur la scolarisation des enfants et sur la transparence des revenus économiques et sociaux. On n’est pas au bout du voyage ! Mais la nouvelle loi constitue un progrès qu’il faut saluer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Vitel - Il était nécessaire de prendre à bras-le-corps ce fléau qui empoisonne au quotidien la vie de nos compatriotes. Ce texte permettra de mettre en place une politique novatrice et hardie de prévention de la délinquance, et nous sommes nombreux à le considérer comme l’aboutissement du travail réalisé autour de Jacques-Alain Bénisti. Ce texte nous propose les dispositions législatives nécessaires pour endiguer la dégradation de notre environnement social. Notre rapporteur propose, à juste titre, de séparer la prévention primaire, secondaire et tertiaire. J'y superposerai les notions d'éducation, de prévention spécialisée et de répression.

Pourquoi cette distinction ? Parce que nous avons constaté que souvent, tout commençait dans des cabinets d’orthophonistes, de psychologues ou de pédopsychiatres, qui ont à examiner des enfants présentant toutes sortes de symptômes témoignant de leur mal-être, et aussi de leur absence d'éducation. Retards dans la parole, le développement ou l'apprentissage, troubles du caractère, difficultés relationnelles sont l'expression de ce mal qui les ronge. C’est déjà le début d’un désastre annoncé. Alors, grâce au labeur formidable des travailleurs sociaux, on découvre des conditions de vie catastrophiques dans une famille confrontée à des problèmes économiques insurmontables, à la marginalisation ou à l’exclusion sociale, et l’on voit que non seulement l'enfant n'y trouve aucun repère, mais qu’il est déjà exposé à l'exemple de la délinquance. Quelque temps plus tard, l'échec scolaire pointant inexorablement à l'horizon, on essaye, grâce à l'intervention du directeur de l'école et de la psychologue scolaire, de convaincre les parents de la nécessité d’un suivi comportemental de leur enfant. Bien souvent, pourtant, ces parents ne dépassent par le stade de la première consultation, inconscients qu’ils sont de la souffrance de leur enfant, voire de la leur. À bout d’arguments, l’école se tourne alors vers la justice, en vain, car les familles n’accordent que peu de confiance aux éducateurs chargés d’appliquer les mesures d’observation. Le désastre annoncé se produit donc : à 12 ou 13 ans, l’enfant se retrouve avec d’autres à brûler des voitures, des gymnases et des bus.

Angélique, amnésique même, la société s’interroge sur les causes de cette violence. Comment la sanctionner ? Faute d’analyser le problème, on en vient parfois à considérer que certains jeunes sont délinquants de naissance, et cette forme de racisme, même involontaire, est insupportable.

Cette situation quotidienne confirme que la protection de l’enfance et la prévention de la délinquance sont certes différentes, mais intimement liées. En cela votre texte constitue une avancée majeure, car il permet la transmission d’informations au maire et en fait ainsi le pivot de la prévention. L’information devient la clef de voûte du dispositif, dans un cadre légal, simple et sécurisant.

J’en viens à la prévention spécialisée : depuis dix ans, le conseil général de mon département a, en partenariat avec cinq associations spécialisées, tenté une expérience dynamique dont le succès laisse penser que le cadre juridique actuel permet, au prix d’un important investissement humain et financier, d’obtenir d’intéressants résultats dans le pays. En effet, cinq équipes entièrement coordonnées tentent en permanence de répondre aux besoins des populations les plus fragiles : besoin de reconnaissance, de repères, de mobilisation et d’accompagnement dans l’organisation du temps libre ; besoin aussi de soutien scolaire dès le plus jeune âge et d’accession au logement ; besoin enfin d’ouverture envers les adultes.

M. Lilian Zanchi – Il n’y a rien de tout cela dans le texte !

M. Philippe Vitel – En somme, ce texte complète utilement l’arsenal législatif que nous avons adopté pour promouvoir l’égalité des chances et lutter contre la récidive des infractions pénales. Il permet enfin de mettre en œuvre la politique volontariste que réclament nos concitoyens, exaspérés par le déchaînement d’incivilités et d’actes répréhensibles. C’est donc avec honneur et fierté que nous l’adopterons en toute responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Henriette Martinez - Les territoires ruraux ne sont pas à l’abri de la délinquance, bien au contraire. Interpellés par une population exaspérée, eux-mêmes découragés par la faiblesse de leurs moyens d’action, les élus luttent comme ils peuvent pour enrayer cette dérive, parfois même au-delà de leurs compétences légales. Je me suis souvent interrogée sur la légitimité de mon action face aux jeunes délinquants que je reçois dans ma permanence. Souvent, pourtant, ils demandent pardon pour leurs forfaits et ne récidivent pas ! Je souhaiterais que la loi nous donne les moyens adéquats pour poursuivre en toute légalité notre action en la matière.

Le texte que vous nous présentez a un mérite : il définit de bonnes pratiques. Non, les maires ne vont pas devenir des shérifs ; ceux qui le prétendent ignorent qu’ils sont déjà officiers de police judiciaire. Au cœur de la vie sociale, le maire gère l’ensemble des services aux familles, des crèches aux centres de loisirs, où l’on peut d’emblée repérer les enfants à problèmes et prendre leur difficultés en compte de manière individualisée. Notre responsabilité est en effet de capter ces signaux dès l’enfance. Ainsi, je me souviens avoir été alertée par une maîtresse d’école maternelle au sujet d’un enfant qui, à trois ans, agressait ses camarades à coups de ciseaux. Un suivi de la famille fut engagé, mais dix ans plus tard, cet enfant souffre toujours, et sa prise en charge, dans une famille à problèmes, n’a pas été adaptée.

Il est de notre responsabilité de prévenir et de guérir.

Pour mieux prévenir, il faut comprendre la gravité du laisser-faire bien-pensant – une autre forme de lâcheté et de déni de la réalité – qui a longtemps conduit à ne rien faire sous couvert de respect de la liberté.

M. Éric Raoult - Eh oui !

Mme Henriette Martinez – Les pédopsychiatres qui travaillent aux quotidien avec les jeunes délinquants et les caïds savent que la propension à la violence naît souvent dès la petite enfance, entre 15 mois et 3 ans, et qu’elle est généralement irréversible si elle n’est pas traitée avant l’âge de 2 ans. Je vous parle là de cas extrêmes – cinq à huit mille enfants en France – mais dont les causes sont bien identifiées, d’une famille désorganisée à une trop faible estime de soi.

Pour mieux guérir, il faut un diagnostic lucide qui doit conduire à proposer une meilleure aide à la parentalité, sous forme de cours d’alphabétisation aux mères d’origine immigrée, par exemple, qui leur permettent de parler à la maîtresse de leurs enfants et d’en suivre les devoirs. Parfois, des mesures plus lourdes s’imposent, telles que l’éloignement de l’enfant, provisoire ou définitif, ou la sanction de l’enfant, voire des familles qui n’assument pas leur responsabilité parentale. Les parents eux-mêmes nous le demandent ! J’ai moi-même reçu un père de deux jeunes gens de dix et douze ans qui, ne sachant plus que faire, me demandait leur placement par le juge ! Quinze plus tard, ce sont des délinquants multirécidivistes. Or, l’appel venait de la famille même !

Reconnaissons donc les réalités : le suivi de la scolarité est indispensable, les enfants qui ne peuvent travailler chez eux doivent disposer d’études, la scolarisation en dernière année de maternelle est nécessaire aux apprentissages fondamentaux, les enfants doivent être régulièrement évalués au niveau scolaire, mais aussi affectif et social.

Plusieurs députés socialistes – C’est hors sujet !

Mme Henriette Martinez - Pas du tout : tout est lié ! Le texte lève par ailleurs utilement le tabou du secret partagé.

Vous avez, Monsieur le ministre, la lucidité et le courage de prendre à bras-le-corps le douloureux problème de la délinquance – qui est pourtant aussi du ressort des ministres de la justice et de la santé. Protéger la société de la délinquance, c’est d’abord protéger les enfants de leur environnement et d’eux-mêmes en assumant nos responsabilités à leur égard. C’est ce que nous faisons en votant en faveur de ce projet de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à 19 heures 10.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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