Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2006-2007)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit

Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mercredi 22 novembre 2006

Séance de 21 heures 30
28ème jour de séance, 61ème séance

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann
Vice-Président

Consulter le sommaire

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

Retour au haut de la page

prévention de la délinquance (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance.

M. Julien Dray – Malgré mon envie, je ne suis pas ici pour me faire plaisir en vous accablant, chers collègues de la majorité, à propos de votre bilan : les faits et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Je suis ici pour discuter de votre texte sur la prévention de la délinquance. Or, la vraie prévention est bien autre chose que ce que vous nous proposez, Monsieur le ministre. L’intervention de Nicolas Sarkozy, tout à l’heure, est d’ailleurs révélatrice, puisqu’il a concédé qu’il avait du mal à définir le concept de prévention.

La prévention, dont il n’est pas question dans le texte, c’est d’abord la précocité de la réponse éducative et de la sanction. Tant que notre société attendra qu’une faute grave et impardonnable soit commise pour prendre en charge son auteur, elle agira toujours trop tard. Les signes de violence, les prémisses de comportements dangereux doivent être traités dès le plus jeune âge, avant de relever du droit pénal. Agir en amont de la délinquance, le plus tôt possible, à la première alerte, telle est la vraie politique de prévention à laquelle aucun gouvernement n’a jusqu’à présent donné sa chance.

La précocité de l’action, socle sans lequel rien ne peut être érigé, ne vaut toutefois que si l’action elle-même est intense et continue : intense, c’est-à-dire mobilisant tous les moyens et tous les acteurs en même temps pour que chaque situation soit gérée de manière coordonnée ; continue, c’est-à-dire inscrite dans la durée, afin d’éviter échec et récidive. Un jeune délinquant ne verrait ainsi plus son cas soldé par le prononcé d’une peine. Au contraire, un jeune sur le chemin de la délinquance se verrait immédiatement pris en charge, entouré par un collectif de personnes proches : parents, amis, enseignants,… réunis autour d’un éducateur professionnel nommé par le juge des enfants. Ces personnes seraient associées au parcours du jeune jusqu’à ce qu’il soit définitivement tiré d’affaire. Ce qui revient à dire que la précocité de la prise en charge n’est pas la précocité du passage devant le juge. Les procédures expéditives, par l’iniquité mécanique des décisions qu’elles amènent, sont destructrices du lien qu’il s’agit de reconstruire entre ces individus et la société.

Il existe un problème de justice pour les mineurs, qui tient principalement à la faible exécution des décisions prononcées : travaux d’intérêt général non exécutés faute de personnel d’encadrement, suivis socio-judiciaires non assurés faute d’éducateurs, séjours en centres éducatifs fermés non réalisés faute de structures d’accueil alors même que vous aviez annoncé leur mise en chantier. Avant d’inventer de nouvelles infractions ou de remonter les bretelles aux juges, faisons en sorte que les décisions de justice soient exécutées !

L’enfermement, il faut le dire, est toujours un échec. Si les alternatives à la prison – peines de réparation, travaux d’intérêt général, séjours en centres éducatifs fermés ou renforcés… – existent, ces dispositifs sont confidentiels ou moribonds. Il faut les multiplier et les diversifier, en ouvrant, par exemple, des chantiers d’apprentissage pour créer les conditions d’une insertion professionnelle.

M. Éric Raoult - C’est dans le texte !

M. Julien Dray - Le traitement précoce de la délinquance peut sauver un jeune, avant qu’il ne soit livré aux caïds dans une maison d’arrêt. Le prononcé d’une peine n’a jamais été, et ne sera jamais, qu’un début. En nous lavant les mains de ce qu’il peut advenir d’un jeune après le prononcé d’une peine, nous n’offrons pas le visage d’une société responsable.

Voilà pourquoi ce texte n’est pas un texte de prévention de la délinquance, mais tout le contraire. Vous avez échoué dans le principal mandat issu des élections de 2002, qui était de rétablir les conditions d’une sécurité de proximité ; et vous avez multiplié les textes pour faire illusion.

M. Michel Herbillon - Pour obtenir des résultats !

M. Pierre Cohen - Il n’y a eu aucun résultat !

M. Julien Dray – Le ministre, tout à l’heure, nous a expliqué que la seule chose qui l’intéressait était de combattre le mal, pas de lui chercher des explications, parce que l’explication serait déjà une faiblesse. Là est l’erreur !

M. François Grosdidier - Caricature !

M. Julien Dray - Et la différence entre la droite et la gauche en matière de prévention de la délinquance réside bien là ! Pour éradiquer le mal, nous cherchons, en effet, à en comprendre les causes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), pour pouvoir apporter des réponses. C’est le travail de la prévention, que vous n’avez pas su mener ! Et vos chahuts ne peuvent masquer la réalité. Écoutez ce que disent les organisations syndicales policières, unanimes…

M. François Grosdidier - Et l’UNSA ?

M. Julien Dray – Elles font savoir qu’elles ne peuvent plus soutenir aujourd’hui un ministre qu’elles adulaient à son arrivée. Si ceux dont vous vous revendiquiez ne sont plus vos soutiens, il ne vous reste qu’à attendre, dans les prochains mois, la sanction qui viendra du peuple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Bur – L’action du Gouvernement, et en particulier celle du ministre de l’intérieur, se traduit dans de nombreux territoires par une baisse notable de la délinquance de voie publique. Dans ma commune de 17 000 habitants, en banlieue de Strasbourg, le nombre de ces actes est passé de 930 en 2001 à 563 fin octobre 2006, soit une diminution de 32 %. Un tel résultat est apprécié à sa juste valeur par les habitants, en dépit d’épisodes de recrudescence souvent liés à l’activisme de quelques mineurs récidivistes, qui profitent de l’impuissance publique pour troubler une évolution positive.

M. Julien Dray – Qui profitent de votre impuissance !

M. Yves Bur - Parce que nous partageons le sentiment que la délinquance est une violence faite à des innocents, mais aussi un immense gâchis pour les jeunes mineurs eux-mêmes, nous ne pouvons nous y résigner en refusant d’explorer de nouvelles voies pour prévenir ces dérives. Face à la délinquance de voie publique, les retours d’expériences des maires font trop souvent état de leur impuissance face à la multiplicité des interventions, de nature policière, judiciaire ou sociale. Il convient donc de mieux coordonner les actions de prévention, autour des jeunes en danger et de leur famille.

Oui, face à l'impuissance publique liée au cloisonnement des interventions, il faut oser briser les tabous pour redonner de l’efficacité à la prévention, aujourd’hui accaparée par quelques pseudo-spécialistes qui aimeraient bien continuer à s'autogérer sans rendre de comptes. Ce sont les mêmes qui s'étaient déjà élevés contre les centres éducatifs fermés,…

M. Julien Dray - C’est nous qui les avons créés !

M. Yves Bur - …dont tout le monde reconnaît pourtant aujourd’hui l'utilité. Maire, combien de fois ai-je dû subir les refus de dialoguer, à propos de la situation d'un jeune mineur en dérive, refus opposés par un juge pour enfant, par un service d'action éducative en milieu ouvert, par un responsable de la police ou de services sociaux. Mon seul souci était pourtant d’éviter qu'un adolescent en rupture de ban ne poursuive un parcours destructeur pour lui-même et dangereux pour la communauté, et de répondre au désarroi des acteurs de terrains face à l'hermétisme institutionnel.

Heureusement, à force de volonté et de persévérance, j'ai pu obtenir que même le centre médico-social départemental participe aux cellules de veille, aux côtés d'acteurs de terrain comme les principaux de collège, le directeur du centre socio-culturel ou des logeurs sociaux. Et heureusement aussi, j’ai pu, confronté à l'activisme de mineurs multirécidivistes ayant chacun plus de quarante interpellations à leur actif, obtenir lors d'un récent CLSPD qu'une juge pour enfants accepte désormais de dialoguer avec un référent communal, en l'occurrence la directrice générale des services de la ville.

Ces expériences locales montrent que le travail en partenariat reste trop dépendant du bon vouloir de certains, cependant que d’autres préfèrent continuer de s’abriter derrière le paravent institutionnel. Aussi, je suis persuadé que nous devons poursuivre nos efforts pour en finir avec le cloisonnement des démarches de prévention, et donc suivre la voie de bon sens que nous propose le ministre de l'intérieur pour que cesse ce gâchis.

Un travail de prévention global et coordonné ne peut réussir que si tous les acteurs sont tenus d'y apporter leur connaissance des situations difficiles, dans l'intérêt même des jeunes et des familles. Les démarches de soutien aux familles et d'encadrement des jeunes ne réussiront qu'au prix d'un véritable travail en commun, dans le respect d’un secret professionnel bien compris. Aux professionnels qui s'interrogent, je voudrais dire que le maire ne menace en rien la qualité de leur intervention. Au contraire, il doit être perçu comme un soutien et un facteur d'efficacité à leurs côtés.

Ce qui doit nous rassembler, c'est le constat d'une évolution préoccupante de la délinquance juvénile et celui d’une difficulté croissante des familles à assumer leur parentalité. Dans un département comme le Bas-Rhin, en six ans, le nombre d'enfants et de jeunes placés sous la protection départementale est passé de 4 000 à 6 000.

Au regard de ces difficultés et de cette souffrance sociale, il est temps de bousculer des pratiques à bout de souffle pour, enfin, réussir là où nous avons si longtemps échoué. Nous le devons aux jeunes délinquants, parce que nous refusons de les voir s'enfermer dans l'impasse de la violence. Nous le devons aussi aux honnêtes gens, au nom du droit de vivre dans une société paisible (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Herbillon - La baisse de la délinquance est sans conteste l’un des points forts de l’action gouvernementale depuis 2002. Alors que, sous le gouvernement Jospin, le nombre des crimes et délits n’avait cessé de croître, la délinquance faisant un bond de 14 % en cinq ans (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), les mesures prises à l’initiative du ministre d’État et sa détermination à obtenir des résultats concrets ont porté leurs fruits. Depuis quatre ans, la délinquance a globalement baissé de 9 %, la délinquance de voie publique de 25 % et le taux d’élucidation des affaires est passé de 25 à 33 %. Le bilan est donc très positif.

Bien entendu, tout n’est pas réglé et chacun voit bien que la violence s’est diffusée dans notre société sous différentes formes et qu’elle se radicalise. La multiplication des actes de violence gratuite envers les personnes, souvent perpétrés par des individus de plus en plus jeunes, inquiète et révolte nos concitoyens. C’est pourquoi le Gouvernement peut être certain que les nouvelles mesures inscrites dans le présent texte rencontrent un écho très favorable chez la majorité des Français, par delà les clivages politiques habituels.

Le premier mérite de ce projet, c’est de mettre les pendules à l’heure. En effet, dans bien des domaines, notre arsenal juridique est dépassé par l’évolution rapide des formes de délinquance. Cela vaut tout particulièrement pour la délinquance des mineurs, les adolescents d’aujourd’hui n’étant pas comparables à ceux d’il y a soixante ans. Chacun peut notamment constater le très préoccupant rajeunissement des primo-délinquants.

Dès lors, l’ordonnance de 1945 n’est plus adaptée, et le décalage entre les réponses apportées et la réalité des faits a pu créer un sentiment d’impunité, dangereux pour les mineurs eux-mêmes comme pour notre société. Le projet de loi fait montre de la fermeté nécessaire, mais aussi de pragmatisme pour éteindre ce sentiment d’impunité, en accélérant – dans des conditions bien encadrées – les procédures judiciaires pour les mineurs de plus de 16 ans, en développant les solutions alternatives aux poursuites afin d’éviter les classements « secs » et en instituant de nouvelles sanctions éducatives. Il tend également à faciliter la réinsertion sociale par le travail des jeunes déscolarisés.

La volonté du Gouvernement d’adapter notre législation aux nouvelles formes de violence se vérifie aussi dans la proposition de réforme de la loi de 1970 sur l’usage et le trafic de stupéfiants, ainsi que dans les mesures de prévention de la délinquance sur Internet – laquelle connaît une croissance exponentielle.

Le second grand apport de ce texte, c’est de définir une méthode de bon sens pour prévenir la délinquance. Vers qui se tournent les Français lorsque se posent des problèmes de délinquance ? À qui demande-t-on quotidiennement de régler les troubles du voisinage et les atteintes à l’ordre public ?

Plusieurs députés UMP - Aux maires !

M. Michel Herbillon - Bien sûr ! Le maire est l’acteur de terrain par excellence et il est bon d’en faire, comme le prévoit le texte, le pivot de l’action de prévention de la délinquance.

Le maire n’a pas pour autant vocation à se substituer aux policiers ou aux juges. Par contre, il n’est que temps de lui donner les moyens de répondre aux sollicitations de ses administrés. Combien de fois, en tant que maire d’une commune de 55 000 habitants près de Paris, me suis-je senti quelque peu démuni face aux préoccupations de mes concitoyens ?

En instaurant un conseil des droits et devoirs des familles, en conférant au maire le droit à un rappel à l’ordre, en lui permettant de proposer aux parents un accompagnement, le texte offre toute une palette d’instruments juridiques innovants. Il renforce également le droit du maire d’être informé, en instaurant, dans un cadre précis et sécurisé, le partage d’informations confidentielles avec les professionnels de l’action sociale, lorsque la situation de certaines personnes ou de certaines familles l’exige.

Toutes ces évolutions sont indispensables. Notre pays a besoin d’une véritable politique de prévention de la délinquance car la sécurité est, tout à la fois, la première des libertés et la première préoccupation de nos compatriotes. Le Gouvernement mène une action concrète et efficace pour répondre au besoin des Français d’être mieux protégés. Il peut donc compter sur notre soutien actif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Éric Raoult - En matière de délinquance, le département de la Seine-Saint-Denis pourrait figurer dans le livre des records…

M. Jean-Pierre Blazy - C’est bien ce qu’a écrit le préfet !

M. Éric Raoult - Record, d’abord, des lieux concernés, où les chiffres 9-3…

M. Patrick Braouezec - 9 au cube !

M. Éric Raoult - …brossent la caricature de quartiers stigmatisés, où certains se sont mis à préférer Joey Starr à Maurice Thorez…

M. Jean-Marie Le Guen - On vous laisse Doc Gynéco !

M. Éric Raoult - Dans ce département, aucune des quarante communes n’échappe à la propagation de la violence. Y être maire…

M. Patrick Braouezec - Au Raincy !

M. Éric Raoult - …et député, de Clichy, permet de mesurer à quel point la sécurité nous concerne tous. Du cambriolage à l’attroupement, du deal à l’agression, aucun phénomène ne nous est étranger et chaque ville a besoin d’une réponse adaptée. Et s’il n’était qu’une raison d’agir, la note du préfet alertant sur les situations de Bobigny et de Bondy nous l’aurait donnée !

Pour que la France entière ne connaisse jamais les difficultés de la Seine-Saint-Denis, il fallait ce nouveau texte Sarkozy. Dans ce département populaire, aux couleurs du monde, les gens sont pauvres, mais fiers. La Seine-Saint-Denis, c’est un échantillon vivant des années Mitterrand, qui ont marqué l’échec du socialisme urbain et du communisme municipal…(Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Pierre Cohen - On fait dans la légèreté !

M. Éric Raoult - La situation de notre département traduit la difficulté de la gauche gestionnaire à affronter la situation…

M. Patrick Braouezec - Rappelez-nous qui gère Marseille, Toulouse et Strasbourg ?

M. Éric Raoult - Nombre de mes collègues du 93 ont oublié que notre ancien collègue, Gilbert Bonnemaison, avait fort sagement intitulé son rapport : Prévention, répression, solidarité

M. Pierre Cohen - C’est ce que nous défendons depuis trente ans !

M. Éric Raoult - Les trois vont de pair, et le Gouvernement l’a bien compris. Au reste, pouvait-il en être autrement, M. Estrosi ayant présidé le groupe d’études sur la sécurité intérieure avec un brio que nul n’a oublié ?

Le projet de loi qui nous est soumis a été préparé par un travail et une concertation remarquables. Depuis trois ans, il a été négocié sous la férule du préfet Hagelsteen, de Mme Rachida Dati – qui allie charme et compétence – et de notre excellent collègue Bénisti. La méthode a été la bonne, et M. Estrosi y a largement contribué.

N’en déplaise à certains, ce texte ne fait pas du maire un shérif, bien que, face aux nouveaux Dalton, je préfère être du côté de Lucky Luke plutôt qu’avec Calamity Jane…

M. Jean-Marie Le Guen - Et qui fait Ran-tan-plan ?

M. Éric Raoult - Oui, ce texte répond à l’attente des maires. Dire le contraire, c'est oublier que lorsqu'un drame se produit, on respecte davantage une écharpe tricolore qu'un cordon de CRS. En novembre 2005, les maires utilisaient les extincteurs de l'apaisement ; en novembre 2006, ils ne doivent pas souffler sur les braises d'un nouveau corporatisme, mais choisir l'efficacité que vous leur proposez.

Nicolas Sarkozy a rappelé avec raison que, quand on excuse la violence, il faut hélas s'attendre à de la barbarie. On commence par un tag, une insulte, une pierre,…

M. Jean-Marie Le Guen - On finit par tuer sa grand-mère ?

M. Éric Raoult - …on finit par torturer et tuer Ilan Halimi (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). On commence par brûler une poubelle, on finit par incendier un bus avec une jeune femme à l'intérieur (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Avec ce texte de prévention, Monsieur le ministre, vous apportez une réponse à la fois ferme, rapide et diverse à la délinquance des mineurs et vous donnez un rôle pivot aux maires, qui disposeront désormais d’instruments gradués. Vous choisissez la responsabilité partagée pour écarter la violence, vous continuez à faire le pari de l'intelligence contre ceux qui n'ont à la bouche que la clémence, car ils ne comprennent plus les débordements de la délinquance. Vous faites le choix du courage populaire plutôt que celui du double langage spectaculaire, qui sous-entend qu'entre l'uniforme des militaires et l'approche des travailleurs sociaux, il n'y aurait rien. En fait, entre la facilité du laxisme et le risque de l'extrémisme, il y a le pragmatisme de votre projet.

« Allez-y et défendez-nous ! » : ils étaient huit jeunes policiers à me lancer cet appel quand je suis parti de ma ville du Raincy, hier soir, avec mes collègues Xavier Lemoine, maire de Montfermeil, Raymond Coenne, maire de Coubron, Michel Duhau, maire de Vaujours et Ludovic Toro, conseiller général de Clichy-sous-Bois. …

M. Jean-Marie Le Guen – On dirait qu’ils n’ont pas confiance en leur ministre ! C’est la panique à bord !

M. Éric Raoult - …« Allez-y et défendez-nous », c'est aussi ce que pense la population avec laquelle nous avons débattu du projet.

Cela fait en effet trois ans que ce projet est en gestation et qu'un dialogue s'est établi. On vous avait légué l'impunité des cités et vous avez affronté les émeutes, alors que, face à la prévention de la délinquance, les adorateurs de Rousseau deviennent les contemplateurs de « Ségo » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Nous aussi, nous voulons une société apaisée dans une France rassurée, nous voulons une société qui rende le pouvoir aux pères et qui garde ses repères. Nous aussi, nous vous disons « défendez-nous », et depuis quatre ans, les habitants de Seine-Saint-Denis vous disent merci.

Encadrement militaire, mise des familles au carré... Ce n'est pas avec des mots forts que l'on fait une politique ferme. Pour la sécurité, la voie « royale », ce n'est pas être martiale ! On est vraiment loyal avec la population quand on connaît mieux la lutte contre les voyous que la défense du chabichou (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marie Le Guen - Oh là là !

M. Éric Raoult - Avec ce texte, les maires ne seront plus seuls dans leur combat contre la délinquance des mineurs. Quand le maire de Montfermeil est confronté aux bandes et aux attroupements, quand son domicile est caillassé, quand ses enfants sont menacés, quand les maires de Coubron et Vaujours doivent lutter contre les cambriolages et les agressions de gamins de 15 ans, quand le conseiller général de Clichy doit prouver que la destruction n'est pas une solution et que rien ne peut justifier de brûler un gymnase et de lancer des pierres contre les policiers,... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Patrick Braouezec - On dirait que c’est plus calme à Saint-Denis !

M. Éric Raoult - …ce projet permettra de faire respecter la loi et tout un chacun, il affirmera des règles sans interdire de tendre la main. Alors, oui, Monsieur le ministre, votre texte est le bienvenu pour guérir ce pays de la délinquance des mineurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Georges Fenech - Il faut se rappeler qu’en France, un crime ou un délit sur cinq est commis par un mineur. Pour que nous comprenions bien ensemble le problème, je propose que nous entrions ensemble dans un tribunal pour enfants, car je pense que peu d’entre vous ont eu cette expérience, puisque les audiences ont lieu à huis clos.

Prenons le cas d’un mineur de 13 ans qui vole un autoradio. Il comparaît devant un tribunal qui est composé d’un juge pour enfants et de deux assesseurs, choisis généralement parmi des personnes qui ont montré un intérêt pour les questions de l’enfance. Le président du tribunal explique à ce jeune que ce qu’il a fait est contraire à la loi, mais, comme il ne s’agit que d’une première infraction, il ne lui adresse qu’une « admonestation ». Le mineur ne comprend pas ce dont il s’agit et reste à la barre. Le président lui dit qu’il peut partir. Ce gamin rentre dans son quartier. Là, ses copains lui demandent ce qui s’est passé et le gamin répond : « rien ».

Quelques mois plus tard, ce même mineur vole une voiture. Il comparaît devant le même tribunal pour enfants. Le président lui dit : « Nous t’avons déjà vu ici et nous t’avons déjà adressé une admonestation, tu n’as pas tenu compte de cet avertissement, c’est grave. » Et il le condamne… à une remise à parents. Le jeune retourne dans son quartier, où ses amis lui demandent : alors ? Et il répond : « rien ».

Puis l’adolescent qui grandit se rend compte que sa délinquance lui rapporte et il se lance dans le petit trafic de drogue. Il comparaît devant le tribunal pour enfants, dont le président lui dit : « C’est la troisième fois que nous te voyons et cette fois, tu t’en prends à la santé publique, c’est grave, nous perdons patience et nous te condamnons à la liberté surveillée préjudicielle. » Cela veut dire qu’il sera suivi par un éducateur jusqu’à sa majorité. Le jeune retourne dans son quartier. Et alors ? lui demandent ses copains. Alors, « rien ! » répond le mineur.

De fil en aiguille, nous en arrivons à la trentième présentation devant le tribunal. Le mineur est passé à une délinquance plus grave…

M. Jean-Marie Le Guen - Quelle histoire !

M. Georges Fenech - Non, c’est la réalité. Je la connais, j’ai été substitut des mineurs et je ne fais que raconter ce que j’ai vécu pendant des années. À la trentième fois, le président du tribunal condamne le jeune délinquant à huit jours d’emprisonnement. Avec sursis. Le jeune retourne dans son quartier, récidive, revient devant le tribunal et reçoit en guise de sanction une peine d’un mois d’emprisonnement avec sursis, cette fois avec mise à l’épreuve.

Mais un jour, le jeune atteint 18 ans. Et il commet un vol à main armée. Ce n’est plus alors le tribunal pour enfants qui s’occupe de son cas, mais la cour d’assises, avec des jurés qui ne sont pas passés par l’École nationale de la magistrature et qui ne sont donc pas imprégnés de l’idéologie selon laquelle il faut d’abord s’attaquer aux causes du crime, etc. Les jurés trouvent qu’un vol à main armée, c’est grave, et ils condamnent donc ce jeune à dix ans de réclusion criminelle. Vous voyez alors le jeune s’enfoncer dans le box des accusés, accablé, comme s’il se disait : dix ans, ce n’est pas du jeu !

C’est parce que nous aimons notre jeunesse, que nous avons confiance dans la capacité de réflexion des mineurs et dans leur aptitude à distinguer le bien du mal que nous voulons rendre dès le départ la sanction plus lisible. C’est pourquoi le projet prévoit une admonestation par an au maximum, c’est pourquoi aussi nous avions voté en 2004 qu’il ne pouvait pas y avoir plus d’un sursis avec mise à l’épreuve. À un moment, la loi doit s’appliquer dans sa rigueur, car la sanction a un sens.

Ce projet est un bon projet. Avec les lois que nous avons votées et avec celle que nous allons voter, nous allons, maison par maison, quartier par quartier, pâté de maisons par pâté de maisons, rétablir l’ordre dans nos villes et dans nos banlieues. Et nous triompherons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Élisabeth Guigou - Il y a un an, des émeutes urbaines ont éclaté, d'abord en Seine-Saint-Denis, puis dans 300 villes partout en France : 10 000 voitures brûlées, des autobus incendiés avec des passagers à l'intérieur, une femme handicapée qui a failli être brûlée vive, des écoles et des gymnases détruits… Personne, Monsieur le ministre, personne sur ces bancs n'a excusé ces violences. Et pourtant, trois mois après, nous avons eu la barbarie : Ilan Halimi a été torturé et assassiné. À Épinay, un père de famille a été tué en plein jour sous les yeux de sa femme et de sa fille alors qu'il photographiait un abribus. À Épinay encore, le mois dernier, des policiers agressés ont sorti leur arme, ce qui ne s’était jamais vu, y compris pendant les émeutes urbaines…

M. Éric Raoult - Bravo.

Mme Élisabeth Guigou – À Marseille enfin, une jeune fille, brûlée vive dans un autobus, lutte toujours contre la mort.

Insurrection des cités, faits divers atroces, oui, il faut agir et obtenir des résultats. Il faut mettre un terme à la progression inexorable de la délinquance et en finir avec l’impuissance des politiques de sécurité. Il est de notre responsabilité à tous, élus de la nation, de trouver les moyens d’enrayer la montée de l’insécurité qui frappe durement les plus démunis et mine les valeurs de la République.

La sécurité de nos concitoyens mérite mieux que des caricatures grossières et des critiques outrancières. Contrairement à ce que ne cesse de répéter M. Sarkozy depuis plus de quatre ans, personne n’excuse les violences ni ne prône l’impunité.

M. François Grosdidier - Vous ne vous contentiez pas de la prôner, vous l’organisiez !

M. Yves Bur – Vous vous réveillez enfin !

Mme Élisabeth Guigou – Tous, nous voulons des résultats et refusons que les violences à l’encontre des personnes continuent d’augmenter de près de 7% par an – de 27 % depuis quatre ans. S’il est vrai que la délinquance générale a globalement diminué en France, ce n’est, hélas, pas le cas en Seine-Saint-Denis où, pour le seul mois de mai 2006, elle a augmenté de 13,7 %.

M. Éric Raoult - Faut-il donc ne rien faire ?

Mme Élisabeth Guigou - Ce texte est le sixième sur la délinquance depuis le début de la législature, aucun des cinq précédents n’ayant d’ailleurs fait l’objet d’une évaluation, et comporte la quatrième révision de l'ordonnance de 1945 depuis 2002. Mobilisant cinq ministres, et traitant de sujets aussi divers que le rôle du maire et des acteurs publics en matière de prévention, les chiens dangereux ou les gens du voyage, va-t-il enfin, six mois avant la fin de la législature, apporter les réponses que nos concitoyens attendent ? Je crains, hélas, que vous ne fassiez fausse route sur au moins deux questions majeures – la nécessaire coordination des acteurs de la lutte contre la délinquance et la justice des mineurs – et que vous ne soyez passés à côté de l’essentiel, à savoir les moyens de lutter contre la délinquance et ses causes.

Votre projet de loi vise à placer le maire au centre des dispositifs de prévention : c’est l’un des objectifs de tous les gouvernements depuis le colloque de Villepinte en 1997. C’est d’ailleurs ce qu'avaient organisé les contrats locaux de sécurité, institués en 1998, devenus depuis les contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, et dont l’élaboration donne lieu à d’utiles échanges, sous l'égide du maire et en présence des représentants du parquet et de la police. Si le maire est le mieux à même de coordonner ces échanges d'information entre tous ces acteurs d’un territoire, il n'a pas vocation à devenir un acteur de la chaîne pénale et à se transformer en délégué du procureur. L’interdit la séparation des pouvoirs politique et judiciaire, mais surtout, s’il prononçait des sanctions, il ne pourrait plus jouer son rôle de médiateur, essentiel comme on l’a vu lors des violences urbaines de l'an dernier. Si celles-ci n'ont pas été plus graves encore, c'est en effet aux maires que nous le devons, qui avaient la confiance à la fois de la police et des jeunes.

Il serait indispensable en revanche de leur donner davantage de moyens. La suppression des emplois-jeunes, la réduction des moyens financiers des associations et des entreprises locales d'insertion et pour couronner le tout, la suppression de la police de proximité…

M. Pierre Cardo - C’était un leurre !

M. Yves Bur – Le temps de la nostalgie n’est plus.

Mme Élisabeth Guigou - …ne favorisent pas l’action des maires. Il faudrait généraliser les maisons de la justice et du droit pour prévenir précocement la délinquance. Nous n’en avons que six en Seine-Saint-Denis…

M. Éric Raoult - Sept !

Mme Élisabeth Guigou - …alors que chacune des quarante villes devrait en avoir une.

M. Jean-Christophe Lagarde - C’est vrai.

Mme Élisabeth Guigou – Les maires devraient pouvoir compter sur des forces de police suffisamment nombreuses et présentes dans les quartiers. Or, des quartiers entiers sont complètement abandonnés. L’antenne de police, distincte du commissariat, ouverte à Bondy en 2002, a dû fermer moins d’un an plus tard faute d’effectifs suffisants.

M. Julien Dray - Et encore c’est le conseil régional qui en avait financé l’ouverture !

Mme Élisabeth Guigou - En Seine-Saint-Denis, le nombre de policiers par habitant est trois à quatre fois moins élevé qu'à Paris, alors même que la police y est chargée d’assurer la sécurité du Stade de France et que c’est le département qui reçoit le plus de visites de ministres, tant il est gratifiant pour eux de s’y faire photographier !

La police effectue dans nos quartiers un travail extrêmement difficile. Hélas, outre que ses effectifs sont insuffisants, on affecte en Seine-Saint-Denis les fonctionnaires les plus jeunes, qui ont pour seul objectif de repartir en province tant leurs conditions de vie et de travail sont peu attrayantes. Or, rétablir des relations de confiance entre la police et la population est un travail de longue haleine qui exige des moyens, des effectifs…

M. Éric Raoult - Du respect aussi !

Mme Élisabeth Guigou - ...et que les fonctionnaires restent assez longtemps.

Il faudrait rétablir la police de proximité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) sans le faire au détriment de la police judiciaire qui doit elle aussi être renforcée pour améliorer le taux d’élucidation des affaires. Nous avons besoin de toutes les formes de police.

M. François Grosdidier - Alors, il fallait voter la LOPSI !

M. Jean-Pierre Brard - Qui a réduit de 20 % les moyens déployés à Montreuil !

Mme Élisabeth Guigou – Il faudrait organiser le travail de la police en partenariat avec les principaux acteurs de la prévention. C’est en tout cas ce que me réclament les policiers de ma circonscription que j’ai rencontrés avant ce débat. On n’obtiendra aucun résultat si on oppose la police et la justice.

J’en viens précisément à la justice. Le ministre de l'intérieur s'insurge contre l’impunité dont bénéficient les mineurs. Mais contrairement à ce qu’il prétend, aucun élu, aucun magistrat, aucun enseignant, aucun responsable d'association ne veut l’impunité.

M. François Grosdidier - Alors pourquoi la pratiquent-ils ?

Mme Élisabeth Guigou - Si tant d'actes de délinquance demeurent, hélas, impunis, c'est tout d’abord parce que le taux d’élucidation, même s’il s’est amélioré, demeure trop faible – je ne critique pas le travail des policiers dont je pense qu’ils ne disposent pas des moyens de faire mieux. C’est aussi que la justice n’a pas non plus les moyens de faire appliquer ses décisions. Au tribunal de Bobigny, le poste de chef du greffe est resté vacant pendant dix-huit mois ! Résultat : les jugements prononcés ne sont pas exécutés, tout simplement parce qu’ils ne sont pas notifiés. Pour accueillir les jeunes délinquants multi-réitérants, il n'existe pas un seul centre éducatif fermé dans le département, mais seulement deux centres éducatifs renforcés.

M. Yves Bur – On envoie les jeunes ailleurs !

Mme Élisabeth Guigou – En effet. Nous aurions besoin de beaucoup plus de structures. Les magistrats se plaignent de passer un temps considérable à trouver des places d’accueil.

Malgré ces carences et des conditions de travail très difficiles, le tribunal de Bobigny fait bien son travail. Le taux de réponse pénale pour les mineurs délinquants y était en juin 2006 de 88 % et le taux de réponse global pour le premier semestre de 76 %. J'ai donc été particulièrement choquée par les propos du ministre de l'intérieur sur les magistrats.

S’agissant de la justice des mineurs, ne perdons pas de vue ici les principes des conventions internationales ratifiées par la France, non plus que ceux de notre droit. Le mineur délinquant n'est pas un adulte délinquant en miniature. Un enfant ou un adolescent évolue, peut se transformer…

M. François Grosdidier - Un adulte aussi !

Mme Élisabeth Guigou - …et, pour cette raison, on doit toujours privilégier la prévention et l’éducation, ce qui ne signifie d’ailleurs pas ne pas sanctionner. Ces principes retenus par l'ordonnance de 1945 sont d'ordre constitutionnel, et le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises que « les mineurs doivent relever d'un traitement pénal différent de celui des majeurs, dont l'objectif principal doit être éducatif et moral. Les enfants délinquants doivent bénéficier de mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées. » Ces principes, jamais remis en cause depuis l’origine, ne signifient bien sûr pas que l'ordonnance de 1945 soit intouchable. Elle a d’ailleurs été modifiée une trentaine de fois.

Les instruments juridiques de lutte contre la délinquance existent. Ce dont nous avons besoin, c'est d’un partenariat entre tous les services publics chargés de la prévention. C’est aussi de faire revenir les services publics dans les cités et ne plus opposer de façon stérile prévention et répression, mais au contraire articuler prévention, sanction et réinsertion – dont nous avons trop peu entendu parler jusqu’à présent dans ce débat.

Au total, nous récusons un texte qui n'est qu'un leurre, une fuite en avant législative pour masquer le grave échec du Gouvernement en matière de lutte contre la délinquance, en particulier des mineurs, et esquiver le vrai problème, celui des moyens de la police, de la justice et de l’action sociale pour en finir avec les ghettos et l'apartheid social (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Bur – Jamais les moyens n’ont autant augmenté que depuis 2002. Vous n’aviez rien fait pendant que vous étiez aux affaires !

Mme Chantal Brunel - En matière de lutte contre la délinquance, la prévention et la sanction sont complémentaires. En tant que femme, je donne la préférence à la prévention.

M. Jean-Pierre Brard - En quoi la qualité de femme intervient-elle ?

Mme Chantal Brunel - Mais lorsque la prévention a échoué, la sanction doit être ferme.

Le ministre d’État a mené une politique active de sécurité. Les chiffres en attestent et je puis témoigner, pour m’être rendue à de multiples reprises sur le terrain dans ma circonscription, que les forces de police adhèrent à cette politique, qu’elles accomplissent leur métier avec cœur et que c’est grâce à elles que le taux d’affaires élucidées a beaucoup augmenté.

Mais notre pays connaît, hélas, depuis quelques mois, une recrudescence des violences contre les personnes – parmi lesquelles, il faut le souligner, les violences intra-familiales, aujourd’hui mieux connues. Mais nous avons aussi affaire à une violence de plus en plus barbare, qui nous laisse particulièrement désemparés lorsqu’elle est le fait de mineurs. De 1995 à 2005, le nombre de mineurs mis en cause a augmenté de plus de 53 %. Ces mineurs sont de plus en plus jeunes, de plus en plus violents. N’ayant bien souvent plus aucun repère, ils cherchent à faire la une de l’actualité. La violence est même devenue une mode dans certains quartiers où elle est un moyen d’être reconnu.

Face à une telle situation où la prévention n’a plus d’efficacité, l’État doit adresser un signal fort pour se protéger et mettre fin à un dangereux sentiment d’impunité. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement précisant que les juges pourront écarter l’excuse de minorité pour les mineurs âgés de 16 et 18 ans si ceux-ci ont commis des faits portant atteinte à la vie ou à l’intégrité physique de personnes, et ce en situation de récidive légale. Si elle est votée, cette disposition complètera celles de la loi du 9 septembre 2002, comme la possibilité de prononcer des sanctions éducatives à l'encontre des mineurs âgés de plus de 10 ans, la création de centres éducatifs fermés, les procédures de jugement à délai rapproché ou encore la responsabilisation des parents au travers d’amendes civiles en cas de non-réponse aux convocations des magistrats.

Certes, il n'y a pas que la sanction et il faut se féliciter du développement des alternatives aux .poursuites, comme de la recherche d’une meilleure coordination entre les services compétents. Une des causes des violences étant trop souvent la peur de ne pas trouver sa place dans la société, il est nécessaire en effet de proposer des sanctions éducatives et des formations professionnalisantes. Celles-ci devraient inclure un module de formation civique qui permette de rappeler à ces jeunes les principes de notre société. J'ai aussi déposé un amendement en ce sens.

À l’évidence, la vidéosurveillance a un effet dissuasif. Ne faudrait-il pas que le ministère de l'intérieur labellise des matériels et référence des prestataires, ce qui permettrait de réduire les coûts et d'assurer la qualité du dispositif ?

M. Julien Dray - C’est vrai.

Mme Chantal Brunel - Ne faudrait-il pas que l'État aide les communes à s’équiper ?

Plusieurs députés socialistes – Cela dépend des endroits.

Mme Élisabeth Guigou - Dans les gares.

Mme Chantal Brunel – La vidéosurveillance a donné des résultats.

M. Éric Raoult - À Épinay !

M. Julien Dray - Bien sûr, je l’utilise chez moi.

Mme Chantal Brunel – Les articles 12 ter et 12 quater concernant la possibilité de faire partir de terrains publics ou privés les gens du voyage constituent un progrès : la procédure sera moins coûteuse et plus rapide pour les communes de moins de 5 000 habitants et je remercie le ministère de l'intérieur d'avoir enfin, par circulaire, allégé les normes de construction des aires d’accueil.

M. Yves Bur – Très bien.

Mme Chantal Brunel – En tant que rapporteure de la délégation aux droits des femmes sur le texte relatif aux violences conjugales, je me félicite des nouvelles avancées dans ce domaine. À ma permanence, je reçois des femmes auxquelles on n’a pas tendu la main et qui vivent dans la solitude, ou la honte.

Enfin, la consommation de drogues a tellement de conséquences néfastes comme l'échec scolaire, la perte de repères, l'agressivité, les risques d'accident, qu'un gouvernement responsable doit absolument s'y attaquer. Vous le faites et je vous soutiens car il y a urgence.

Ce projet répond à l'attente de beaucoup. Je le voterai car c’est un progrès pour notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Béatrice Vernaudon - En raison de la spécificité législative de la Polynésie française, ne lui seront étendus que les articles modifiant le code de procédure pénale, le code pénal, le code de l’éducation, la loi pour la sécurité intérieure de 2003 qui crée le service volontaire citoyen de la police nationale et les modifications de l’ordonnance du 2 février 1945 qui permettront de diversifier et adapter les sanctions et de lutter contre la récidive.

M. Jean-Pierre Brard - Même en Polynésie française ?

Mme Béatrice Vernaudon - Enfin, l’article 49 modifie le code des communes applicable en Polynésie pour que le maire anime et coordonne la politique de prévention. Dans les huit communes de plus de 10 000 habitants sur 48 communes, le maire présidera donc le conseil local de sécurité et de prévention, dont les conditions de mise en œuvre seront fixées par décret. Il pourra aussi rappeler verbalement à l’ordre les fauteurs de troubles, y compris les mineurs.

En revanche, les dispositions relatives au code de la santé publique, au code de l’action sociale, au code rural, au code de l’urbanisme ne seront pas étendues à la collectivité.

Je souhaite ardemment que l’application du texte soit l’occasion de renouveler le partenariat entre les services de l’État, responsables de la sécurité et de la justice, ceux du pays, compétents pour l’éducation, la jeunesse, l’action sociale et sanitaire, et les communes, qui, compte tenu de l’étendue de la collectivité, sont souvent la seule autorité pour les populations.

M. Jean-Christophe Lagarde - Très bien.

Mme Béatrice Vernaudon - Seule une action coordonnée combinant prévention et répression pourra inverser la tendance à l’augmentation de la délinquance.

M. Jean-Pierre Brard - Vous avez des îles, ce sont des centres fermés.

Mme Béatrice Vernaudon – De 2004 à 2005, le nombre de mineurs mis en cause dans des procédures pénales a augmenté de 14,6 % et ils représentent 19 % des personnes mises en cause. La délinquance trouve son origine dans une consommation importante d’alcool et de cannabis. L’échec scolaire a pris de l’ampleur – un tiers d’une classe d’âge parvient au baccalauréat – et l’urbanisation rapide de Papeete a créé de véritables favelas où règnent délinquance et insécurité.

M. Jean-Pierre Brard - C’est quand même moins dangereux que la bombe.

Mme Béatrice Vernaudon - Dans certains quartiers, un enfant ne va pas à l’école pour empêcher que la maison ne soit dépouillée quand les parents s’absentent. Enfin la violence à l’intérieur des familles est plus importante qu’en métropole, en raison de l’insuffisance criante de logements sociaux,…

M. Jean-Christophe Lagarde - Eh oui.

Mme Béatrice Vernaudon - …du chômage,…

M. Jean-Pierre Blazy - Mais que fait le Gouvernement ?

Mme Béatrice Vernaudon - …de la société de consommation et des pièges du crédit.

MM. Éric Raoult et François Grosdidier - C’est Temaru !

M. Julien Dray - Parlons de Gaston !

Mme Béatrice Vernaudon – Le service de protection judiciaire de la jeunesse créé en 2005 ne fonctionne que depuis mars 2006. Il doit assurer le suivi de 30 mineurs, mais son efficacité est limitée par la faiblesse de son budget de fonctionnement. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) Les travailleurs sociaux ne peuvent se rendre sur les autres îles ni les juges envisager des placements de rupture.

M. Jean-Pierre Blazy - Cela prouve que le problème, ce sont les moyens, pas la loi.

Mme Béatrice Vernaudon – Nous fondions beaucoup d’espoir sur la PJJ. Je souhaite donc que le Garde des Sceaux lui donne les moyens de remplir sa mission.

Dans l’agglomération de Papeete, le contrat de ville a permis d’expérimenter des actions de prévention et d’insertion. Il arrive à échéance le 31 décembre 2006. Nous espérons qu’il sera renouvelé en intégrant deux nouvelles communes et en incluant les actions de l’Agence nationale de rénovation urbaine et de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances. Un contrat local de sécurité est aussi en cours de définition.

Pour terminer, la question la plus préoccupante à mes yeux est le désengagement de l’État en matière de logement. Le contrat de développement qui finançait la construction du logement social n’a pas été renouvelé et même les programmes de résorption de l’habitat insalubre sont arrêtés. Il faudrait se tourner vers la défiscalisation, mais les loyers des logements construits dans ce cadre ne sont pas accessibles aux familles modestes.

M. Jean-Christophe Lagarde - Ce ne sont pas des logements sociaux.

Mme Béatrice Vernaudon - Je l’ai dit au ministre de l’outre-mer, ce n’est pas acceptable. La loi de cohésion sociale, qui a permis un gros effort dans les DOM comme en métropole, n’a pas été étendue aux collectivités du Pacifique. Or, sans logement, pas de politique sociale. Sortir les familles de la promiscuité et de l’insalubrité, c’est réduire l’échec scolaire et donc prévenir la délinquance.

M. Jean-Christophe Lagarde - Très bien !

Mme Béatrice Vernaudon – Cette loi étend à la Polynésie des dispositions adaptées à la métropole. Ce dont notre territoire a besoin, c’est de la pérennité de l’action de l’État pour améliorer la situation sociale et mieux prévenir la délinquance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Lilian Zanchi – Il n’y a pas que la Polynésie qui en a besoin !

La discussion générale est close.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire  Je remercie tous les intervenants pour la qualité de leurs contributions. Les tempéraments peuvent jouer leur rôle, mais en tout cas notre façon d’aborder le problème de la délinquance ne laisse personne insensible.

M. Jean-Pierre Brard - Vous êtes bien modéré dans vos propos.

M. Julien Dray - Policé !

M. le Ministre délégué – Comme sur tous les textes présentés par Nicolas Sarkozy depuis dix-huit mois, le Gouvernement, le ministre d’État et moi-même considérons qu’il faut laisser tout le temps nécessaire au débat parlementaire, qui doit être aussi ouvert que possible. Les contributions, en provenance de tous les groupes, seront les bienvenues…

M. Julien Dray - Cela veut dire qu’on n’est pas d’accord dans la majorité.

M. le Ministre délégué - …pourvu qu’on ne s’enferme pas dans l’idéologie. Nous accepterons de discuter de tout amendement pragmatique et inspiré par la recherche de l’efficacité.

Je salue le travail des deux rapporteurs, et avant de répondre à chacun, je veux dire un mot des contrevérités avancées par les parlementaires de l’opposition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Éric Raoult - Surtout par M. Dray !

M. le Ministre délégué – Manifestement, tous n’ont pas lu le texte.

M. Xavier de Roux - Aucun ne l’a lu !

M. le Ministre délégué - Monsieur Blazy, ce texte vise à apporter une réponse globale à la délinquance, en particulier des jeunes. Non, Messieurs Le Bouillonnec et Ayrault, ce texte ne remet pas en cause les fondements de l’ordonnance de 1945, et ce n’est pas le texte uniquement répressif que vous dénoncez. Il ne comporte, malgré ce qu’a asséné notamment M. Cohen, aucune mesure de privation de liberté supplémentaire à l’encontre des mineurs…

M. Pierre Cohen - Le ministre en a parlé une demi-heure !

M. le Ministre délégué - …mais un ensemble de réponses pénales nouvelles, adaptées, Madame Guigou, à chaque tranche d’âge et fondées sur une démarche éducative.

Non, Madame Fraysse, Monsieur Zanchi, ce n’est pas un texte de stigmatisation : vous n’y trouverez pas la moindre confusion entre les populations en difficulté et la délinquance. Un certain nombre d’orateurs de l’opposition n’ont cessé de faire l’amalgame entre délinquance et jeunesse. C’est très loin de notre propre vision.

M. Julien Dray - Et quelle est la vision de Mme Alliot-Marie ?

M. le Ministre délégué – Comme le dit Mme Fraysse, on ne naît pas délinquant, on le devient.

M. Éric Raoult - C’est comme le socialisme !

M. le Ministre délégué – C’est bien pour cela que nous souhaitons agir en amont, avant le passage à la délinquance, en facilitant le dialogue entre travailleurs sociaux et en permettant la désignation d’un coordonnateur. Si nous proposons d’instituer un conseil des droits et devoirs de familles, ce n’est pas parce que certaines personnes seraient par nature délinquantes, c’est parce que nous savons que la délinquance est souvent le produit d’une dérive.

M. Éric Raoult - Comme Georges Frêche !

M. le Ministre délégué – Notre espoir, c’est d’y mettre un terme avant que les choses ne deviennent graves.

Selon Mme Adam, deux conceptions de la société s’opposent : l’une fondée sur le défi et la violence, l’autre sur l’humanisme et le droit. C’est vrai, et l’heure de vérité a sonné il y a un an : lors de l’embrasement des banlieues, la loi des bandes a défié la loi de la République, et nous avons rétabli l’ordre sans qu’il y ait de victime. Aucune autre démocratie ne peut en dire autant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Lisez le texte en conscience, Madame Adam : vous y trouverez un vrai souci d’humanisme, un vrai respect du droit, mais avec, à la différence de vous, une volonté de pragmatisme et d’efficacité.

Mme Lebranchu refuse l’angélisme : j’en suis heureux, mais je n’ai pas oublié que le Premier ministre dont elle a été le Garde des Sceaux s’était lui-même déclaré « naïf » face à l’insécurité galopante que sa gestion calamiteuse avait engendrée. Elle a toujours dit que la sanction était indispensable pour les mineurs et je lui en donne acte : la création de centres de placement immédiat pour les mineurs de 13 à 18 ans, voire parfois à partir de 10 ans, allait dans ce sens. Mais elle nous fait aussi le reproche des moyens. Or, si le Gouvernement compte bien sûr renforcer ceux des maires, comme il s’y était engagé, il ne veut surtout pas se cacher derrière ce leitmotiv. La prévention de la délinquance est moins une question de moyens que de méthodes : c’est tout l’enjeu de la coordination des interventions.

Nous avons persévéré dans la voie que Mme Lebranchu avait tracée, en créant des centres éducatifs fermés. Elle nous a reproché de ne pas en avoir assez fait, mais il en existe déjà 18…

M. Julien Dray - Ce qui fait 63 places !

M. le Ministre délégué - …et nous en escomptons 47 d’ici à la fin 2007, pour 500 places. Les mesures d’éloignement que nous proposons devraient donc rencontrer votre assentiment ! Et quand vous dites qu’il n’y a pas de places d’internat, l’éducation nationale, elle, estime que 41 % du parc est inoccupé dans les collèges et 35 % dans les lycées… Il y a donc moyen de développer ces mesures.

Notre méthode a été le pragmatisme. Nous sommes allés sur le terrain pour comprendre ce qui se passe et recenser les meilleures initiatives. Le texte reprend par ailleurs 14 des 24 propositions faites par Jacques-Alain Bénisti – et nous discuterons des autres, même si toutes ne relèvent pas de la loi. Mme Grosskost, elle, a évoqué le plan « 25 quartiers » et M. Grouard les expériences qu’il a menées à Orléans. Alors certes, les orateurs de l’opposition ont évoqué le temps qu’a pris l’élaboration du projet, ou ont fait mention de discordances au sein du Gouvernement… Mais tout le monde sait que la prévention de la délinquance est un sujet complexe ! Si complexe qu’aucune majorité avant la nôtre n’avait osé s’y attaquer… Cela méritait bien que les huit ministères concernés prennent le temps de la concertation. Allez-vous nous reprocher de proposer à la représentation nationale un projet mûri dans la concertation et l’expérimentation ?

Vous avez été nombreux à vous arrêter sur le rôle confié aux maires. Quinze des députés qui se sont succédé à la tribune le sont d’ailleurs – dont deux seulement appartiennent au parti socialiste et un au parti communiste : doit-on y voir la preuve que les maires de gauche approuvent dans leur majorité ce projet, et n’ont donc pas voulu être ici ce soir ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ça, c’est de l’argument !

M. le Ministre délégué – L’intervention du président de l’Association des maires de France, Jacques Pélissard, tout comme les amendements dont elle est à l’initiative, montrent que la grande majorité des maires adhèrent au projet et veulent participer à cette démarche (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés socialistes – C’est faux !

M. le Ministre délégué - Vous avez souhaité que les maires se voient reconnaître une capacité d’appréciation pour désigner le coordonnateur ; que le conseil municipal débatte de la création du conseil des droits et devoirs des familles afin que les élus s’approprient la possibilité qui leur est ainsi offerte ; que les rôles respectifs du maire et de l’autorité judiciaire soient plus clairement délimités. Le Gouvernement soutiendra ces propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Je remercie tous ceux qui, sans être maires, ont également manifesté leur approbation sur ce point.

Les représentants de l’outre-mer ont rappelé que les maires étaient confrontés aux mêmes enjeux partout sur le territoire de la République, et ont partout les mêmes besoins car ils sont toujours en première ligne. Ils peuvent être confrontés à des difficultés particulières, comme aux problèmes de l’alcool et des stupéfiants. J’observe également que M. Grouard, maire d’Orléans, a rappelé en leur nom que les maires des grandes villes de France, toutes tendances confondues, s’étaient réunis pour travailler sur le sujet et formuler des propositions, qui ont pour la plupart été reprises dans ce texte. Vous me permettrez de regretter que le maire de Nantes, M. Ayrault, soit le seul à ne pas avoir participé à cette réunion.

Plusieurs députés UMP - Il a autre chose à faire !

M. le Ministre délégué – MM. Vitel, Martin, Bur et Herbillon ont par ailleurs souligné la nécessité de bien articuler le rôle des maires et celui des présidents de conseils généraux – dont la qualité de chef de file en matière sociale n’est nullement remise en cause. Nous avons veillé à ce point.

Venons-en à la réforme de l’ordonnance de 1945. MM. Thomas et Fenech ont dit aussi clairement que simplement qu’aucune prévention ne peut porter ses fruits sans des sanctions adaptées. Peut-on parler de sanction adaptée quand elle tarde plusieurs mois, ou quand les admonestations se succèdent ? Qui gagne à ces pratiques dilatoires ? Pas les mineurs, qui continuent à s’enfoncer, ni la justice, qui perd en crédibilité ! Les mineurs ont besoin de repères. Les mineurs de 2006 ne sont pas ceux de 1945 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marie Le Guen - Bravo !

M. Jean-Pierre Brard - La Palisse est dépassé !

M. le Ministre délégué – Les repères d’aujourd’hui ne peuvent être les mêmes qu’en 1945. Nous aurons l‘occasion de débattre plus avant de la réforme de l’ordonnance de 1945, des mesures éducatives et de l’excuse de minorité, que nos concitoyens ne comprennent plus, mais ce qui est sûr, c’est que ceux qui accusent ce texte de rompre avec les principes fondateurs de l’ordonnance ou de vouloir enfermer les mineurs délinquants au mieux se trompent, au pire veulent tromper les autres.

M. Diefenbacher a souligné, avec l’humour qu’on lui connaît, que ce texte avait au moins le mérite d’exister. J’espère que la discussion permettra à chacun de s’apercevoir, en toute honnêteté intellectuelle…

Plusieurs députés UMP - Ils ne savent pas ce que c’est !

M. le Ministre délégué - … qu’il comporte des avancées, ainsi que des mesures pragmatiques. Mais surtout, il existe. Personne ne peut contester à Nicolas Sarkozy d’avoir été le premier à préparer un texte d’une telle ambition sur un sujet aussi difficile (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - Ça sent le ralliement !

M. le Ministre délégué – M. Marie-Jeanne a prononcé une allocution remarquable. Il a évoqué bien sûr la situation spécifique de la Martinique. Il sait que le Gouvernement lutte pour que nos compatriote de l’outre-mer puissent vivre en paix, parce que la sécurité est la première des libertés. En Martinique, au cours des neuf premiers mois de 2006, la délinquance générale s’est stabilisée, même si elle est encore beaucoup trop élevée. La délinquance de voie publique, elle, a baissé de 10 %. La mobilisation des forces de l’ordre a permis d’améliorer fortement le taux d’élucidation.

M. Julien Dray - Allez le dire à nos concitoyens !

M. le Ministre délégué – La présence sans relâche de policiers et de gendarmes fait sentir ses effets : le nombre de personnes placées en garde à vue a augmenté de 22 %. Mais je veux surtout retenir de son intervention le souhait qu’il a de voir la représentation nationale s’inscrire aux frontières de l’humanité et de l’autorité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Je tiens à rendre hommage à M. Raoult…

M. Jean-Marie Le Guen - Un grand penseur !

M. Jean-Pierre Blazy - Et poète, de surcroît !

M. le Ministre délégué - …pour le combat quotidien qu’il mène avec courage pour dénoncer des faits inacceptables en Seine-Saint-Denis.

M. Julien Dray - Il attend généralement la dernière minute !

M. le Ministre délégué – Nous consacrons à ce département dont on a tant parlé dans l’hémicycle un effort particulier et nécessaire.

M. Jean-Pierre Brard - Moins 20 % de policiers à Montreuil !

M. le Ministre délégué – Ne me forcez pas à rappeler certains souvenirs fâcheux de la mandature précédente !

MM. Éric Raoult et François Grosdidier – Des chiffres !

M. Jean-Marie Le Guen - Et les émeutes ?

M. le Ministre délégué – Il est vrai que Mme Guigou se préoccupait alors beaucoup plus du Vaucluse… En 2001, 143 000 crimes et délits furent constatés en Seine-Saint-Denis. En 2005, les services de police n’en ont dénombré que 136 000 !

M. Julien Dray - Ils ont déserté ! M. Raoult n’ose même plus aller à Montfermeil ou à Clichy !

M. Éric Raoult – Et vous, qui avez été parachuté dans l’Essonne ?

M. le Ministre délégué – Après trois années de baisse consécutive, la délinquance s’est stabilisée en 2005.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Le rapport du préfet Cordet est pourtant clair : 7,64 % de hausse !

M. Julien Dray - Il ne l’a pas lu !

M. le Ministre délégué – Face à la légère dégradation de la situation ces derniers mois, nous avons décidé d’agir sans attendre, forts des leçons tirées de la coordination efficace qui fut mise en place lors des violences de novembre 2005 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Ainsi, depuis le 1er janvier, les trois compagnies de CRS qui quadrillent le département à l’appui des effectifs de sécurité publique ont permis d’interpeller 3 536 individus. Des renforts supplémentaires sont mobilisés lors de manifestations ponctuelles, notamment au Stade de France.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ou contre le CPE ?

M. le Ministre délégué – Depuis le mois d’août, nous menons des expérimentations afin d’améliorer encore le dispositif.

M. Jean-Pierre Brard - Rendez-nous nos effectifs !

M. le Ministre délégué – En outre, le ministre d’État a décidé d’affecter dans ce département trois cents policiers supplémentaires en renfort.

M. Jean-Pierre Blazy - Et combien dans le Val-d’Oise ? Combien dans l’Essonne ?

M. le Ministre délégué – L’encadrement intermédiaire a également été renforcé : le nombre de gradés est passé de 413 en 2004 à 873 en 2006. La brigade de répression des agressions violentes mène un travail de fond pour renforcer la lutte contre les violences aux personnes, et un service départemental sera spécialement créé pour traiter la délinquance nocturne. Les policiers de Seine-Saint-Denis effectuent un remarquable travail, et je tiens à leur rendre hommage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Nous allons redoubler ces efforts grâce au projet de loi qui permettra de renforcer la chaîne de la prévention.

M. Jean-Pierre Brard - Je vous propose une tournée en Seine-Saint-Denis dès la fin de la séance !

M. le Ministre délégué – Je remercie M. Raoult d’avoir réaffirmé le rôle du maire. Il est en effet au carrefour des interventions de l’État et de la population, car il est en un sens le représentant de l’un et de l’autre. Quel meilleur pivot que le maire ? Il ne s’agit en aucun cas d’en faire un shérif ou un éducateur : son rôle s’arrête là où commence celui des travailleurs sociaux. Le texte ne lui confie aucun pouvoir de sanction ou de coercition.

M. Pierre Cohen - Qu’est-ce qui change, alors ?

M. le Ministre délégué – Grâce à cette loi, Madame Brunel, les intercommunalités pourront financer la vidéosurveillance.

M. Jean-Pierre Blazy - L’État, lui, n’y contribuera pas !

M. le Ministre délégué – Les dépenses que les communes consacreront à de tels dispositifs seront éligibles au FCTVA, et les communes de moins de 20 000 habitants pourront recevoir des subventions prises sur la DGE.

Votre diagnostic vous honore, Madame Guigou, et nous le partageons, en toute modestie. Loin de l’aveuglement qui vous accablait au pouvoir, vos yeux enfin dessillés reconnaissent aujourd’hui la réalité des violences urbaines.

Mme Élisabeth Guigou - Qu’est-ce que vous racontez ?

M. le Ministre délégué – Pourtant, à peine passé cet instant de lucidité, vous vous abandonnez de nouveau au souvenir nostalgique de vos années de pouvoir. Non, le texte ne fait pas du maire un acteur de la chaîne pénale !

Mme Élisabeth Guigou - Si : il peut faire des rappels à la loi !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Et établir des rapports à l’attention du procureur général de la République !

M. le Ministre délégué – Il ne fait que consacrer son rôle quotidien de médiateur. Vous avez raison de souhaiter la création de nouvelles maisons de la justice et du droit.

Mme Élisabeth Guigou - Pourquoi n’en avez-vous pas créé depuis cinq ans ?

M. le Ministre délégué – Vous prétendez par ailleurs que l’ordonnance de 1945 serait remise en cause. C’est faux : toutes les mesures prévues par ce projet de loi seront prononcées par les juridictions pour mineurs, dans le respect des tranches d’âge. Rien n’a donc changé.

Vous saluez le travail du tribunal de Bobigny où, selon vous, le taux de réponse pénale atteindrait 88%.

Mme Élisabeth Guigou - Ce sont les chiffres du Parquet !

M. le Ministre délégué – Vous oubliez de préciser que ce taux inclut les classements sans suite. Par ailleurs, vous déplorez le manque de moyens de ce tribunal : je veux bien concevoir qu’il n’y ait jamais assez de moyens mais, en l’occurrence, le Gouvernement y a créé 34 postes de magistrat, 35 postes de fonctionnaire et six postes de substitut.

Mme Élisabeth Guigou - Tout va donc très bien : pourquoi M. Sarkozy s’acharne-t-il à stigmatiser ce tribunal ?

M. le Ministre délégué – Voilà les efforts que le Gouvernement a dû consentir pour rétablir la situation calamiteuse que vous avez laissée dans ce tribunal en 2002 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Éric Raoult - Tout à fait !

M. le Ministre délégué – Comment, Madame Guigou, pouvez-vous réclamer plus de moyens pour la police nationale et, dans le même temps, dénoncer et voter contre tous les textes que nous vous avons présentés pour en renforcer l’organisation ?

Mme Élisabeth Guigou - Ce sont des textes sans moyens !

M. le Ministre délégué – Ce n’est pas nous qui, avec les 35 heures, avons fait baisser les effectifs de la police d’au moins neuf mille postes ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Richard Mallié – Comme pour les infirmières !

M. François Grosdidier – Ségolène est d’accord : tout va bien !

M. le Ministre délégué – Ce n’est pas non plus nous qui déposons systématiquement des recours devant le Conseil constitutionnel pour nous empêcher d’utiliser au mieux les fichiers d’empreintes de la police scientifique et d’imposer aux opérateurs la conservation des données. Le meurtre d’Ilan Halimi que vous évoquiez a eu lieu juste après le vote de la loi relative à la lutte contre le terrorisme.

M. Julien Dray - Cela n’a rien à voir !

M. le Ministre délégué – Souvenez-vous que cette loi prévoyait entre autres dispositions d’assurer la transparence dans les lieux publics d’échange de données électroniques. Or, les tortionnaires d’Ilan Halimi ont utilisé un cybercafé pour s’adresser à la police. Hélas, le recours que vous avez déposé devant le Conseil constitutionnel nous a empêché de prendre les décrets d’application à temps pour éviter ce drame ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Marie Le Guen - Est-ce grâce à la loi que vous auriez fait cela ? Rendez-vous compte de ce que vous dites ! Vous risquez de mettre l’enquête en cause !

M. Julien Dray - Il n’y connaît rien !

M. Éric Raoult - Calmez-vous : nous ne sommes pas aux Jeunesses socialistes, ici !

M. le Ministre délégué – En somme, depuis 2002, vous n’avez cessé, par votre opposition systématique, de priver certains territoires de France des moyens que nous souhaitions leur donner.

Enfin, je remercie M. Dray d’avoir esquissé un diagnostic semblable à celui du Gouvernement. Oui, il faut agir en amont…

M. Julien Dray - Ce n’est pas ce que vous faites !

M. le Ministre délégué - …et le traitement individualisé d’un mineur ne se limite pas au prononcé d’une peine. Pourtant, vous refusez de reconnaître les avancées concrètes qu’offre ce texte : la coordination du travail social permettant de détecter les problèmes en amont de la délinquance, la diversification de la réponse pénale – de la composition pénale aux centres éducatifs fermés – et son accélération avec la prévention immédiate.

Un mot sur la police de proximité, puisque vous l’avez évoquée. Le ministre d’État a rappelé son taux d’élucidation (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - C’est un critère bidon !

M. le Ministre délégué – Elle ne résolvait qu’un crime sur quatre environ. Aujourd’hui, nous sommes passé à 34 %.

M. Pierre Cohen - Ce raisonnement est fallacieux !

M. le Ministre délégué – Certes, on peut toujours contester les pourcentages. Ainsi, ce matin, devant la commission des lois du Sénat, certains sénateurs socialistes contestaient le taux d’élucidation, qui, ne portant que sur les faits constatés, serait faussé, en raison du nombre inférieur de ces derniers – ce qui est tout à l’honneur du ministre de l’intérieur. Eh bien, c’est vrai ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Il y a aujourd’hui 8 % de faits constatés en moins.

M. Julien Dray – Vous les avez fait passer en mains courantes !

M. François Grosdidier - C’est ce que vous faisiez, vous !

M. le Ministre délégué – Donc, 34 % de taux d’élucidation sur 8 % de faits constatés de moins, cela ne fait pas forcément un nombre d’élucidations plus important. Je vous donnerai donc le chiffre en volume (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) : cela représente 175 000 faits élucidés en plus (Même mouvement).

La police de proximité, pour vous, c’était une police de politesse : on passait à côté des territoires de non-droit en faisant semblant de ne pas savoir ce qui s’y passe. Nous avons, quant à nous, cherché à investir ces cités, pour démanteler les réseaux, les trafics, les caïdats qui rendent impossible la vie de milliers d’honnêtes gens (Même mouvement). Nous savons que 5 % des délinquants commettent 50 % des actes délictueux. Ces 5 % doivent être mis hors d’état de nuire…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Et les 95 % restants ?

M. le Ministre délégué - …pour assurer la paix de nos concitoyens, qui attendent une véritable politique de sécurité de proximité telle que nous la conduisons.

Monsieur Dray, vous faisiez référence aux syndicats de la police. Permettez-moi donc de les citer ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Synergie : « Nicolas Sarkozy a tenu tous ses engagements dans la LOPSI. C’est la première fois qu’un gouvernement respecte ce contrat qui garantit des moyens matériels et humains aux policiers. Il a mis le doigt où cela fait mal en demandant aux flics de rentrer dans certains quartiers. On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Avant de parler de police de proximité, il faut reconquérir les territoires ». Alliance : « Le bilan de Nicolas Sarkozy est extrêmement positif. Il a marqué son attachement au travail de la police et l’a soutenu. Si nous sommes agressés, c’est parce que nous sommes présents partout dans les quartiers ». Le syndicat des commissaires : « Il faut mettre au crédit de Nicolas Sarkozy la reconquête des territoires par la police. » Voilà ce qui fait la différence entre votre police de proximité et notre politique de sécurité de proximité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Ce texte exprime notre volonté…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Votre constat d’échec !

M. le Ministre délégué - …d’une politique plus juste, en même temps que ferme, pour que nos concitoyens puissent vivre en paix, car la sécurité est la première des libertés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Julien Dray - Beau texte posthume !

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J’ai reçu de M. Jean-Marie Le Guen et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Jean-Marie Le Guen - Je comprends que Nicolas Sarkozy…

M. Julien Dray – Délinquant majeur !

M. Jean-Marie Le Guen - …ne puisse être en permanence présent dans l’hémicycle. J’imagine qu’il nous rejoindra lorsque nous entamerons la discussion des articles. Je regrette seulement qu’il ne soit pas là pour donner une bonne note au modeste débutant que je suis.

M. Richard Mallié - La modestie n’est pas ce qui vous étouffe !

M. Jean-Marie Le Guen - J’ai été tellement sensible aux cadeaux qu’il a distribués dans l’hémicycle !

Monsieur le ministre, le groupe socialiste est tout à fait disposé à ce que vous retiriez du compte rendu de séance ce que vous avez dit au sujet de l’enquête sur Ilan Halimi, laissant entendre que la police avait agi dans le cadre d’une loi antiterroriste pour mener des écoutes. Nous ne souhaitons pas que cette enquête soit fragilisée au plan juridique.

M. le Ministre délégué – Merci de me donner cette occasion supplémentaire de m’exprimer. Au lendemain du 11 septembre 2001, M. Vaillant est venu présenter ici une loi de sécurité quotidienne. La France faisait face à certaines menaces, d’ailleurs toujours présentes aujourd’hui. Nous avions estimé que certaines dispositions restreignant les libertés individuelles, comme l’autorisation pour la police de fouiller les coffres de voiture, étaient importantes pour la sécurité des Français face aux menaces terroristes, et nous n’avons à aucun moment polémiqué.

M. Éric Raoult - Eh oui, c’est cela, la responsabilité !

M. le Ministre délégué – Nous avons été unanimes à voter ces dispositions, dans l’intérêt de la nation.

À la suite des événements de Londres, nous avons proposé un texte de lutte contre le terrorisme. Ceux qui considèrent que nous légiférons trop doivent comprendre que les technologies évoluent à une cadence effrénée, et que le terrorisme, le monde du crime et les délinquants renouvellent sans cesse leurs méthodes, ce qui nous obligera encore à légiférer souvent à l’avenir, quels que soient les gouvernements, pour nous adapter à ces réalités. Ainsi, notre texte imposait aux opérateurs de conserver pendant au moins deux ans l’ensemble des données électroniques concernant le lieu, la date et le moyen des communications, mais en aucun cas leur contenu. J’ai, depuis lors, défendu cette mesure avec le ministre de l’intérieur pour qu’elle soit validée au niveau européen, et nous y sommes parvenus. Or, contrairement à l’attitude responsable de l’opposition en 2001, vous vous êtes empressés de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel.

M. Éric Raoult - Quelle honte !

M. Jean-Marie Le Guen - Un peu de respect pour le Conseil constitutionnel !

M. le Ministre délégué – Alors, je ne dis pas que nous aurions pu sauver Ilan Halimi, mais étant donné l’utilisation par ses ravisseurs des communications électroniques depuis des lieux publics comme les cybercafés, nous aurions pu, sans ce recours devant le Conseil constitutionnel, publier les décrets dans des délais qui auraient peut-être permis à la police d’utiliser ces nouvelles dispositions (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen - Nous n’avons eu aucun problème à discuter de la législation antiterroriste, dont vous avez d’ailleurs rappelé que le gouvernement Jospin en avait pris l’initiative. Monsieur le ministre, vous avez raison de dire qu’il y aura besoin de revenir sur la législation, notamment en matière d’écoutes, car les dispositifs actuellement en vigueur ne fonctionnent pas parfaitement. Mais le pire qui puisse arriver dans une démocratie, c’est que l’on étende les cadres particuliers de la lutte contre le terrorisme à l’ensemble des problèmes de cette société. Si nous pouvons nous accorder sur le durcissement de la législation antiterroriste, il faut toutefois que celle-ci reste une spécificité à l’intérieur de notre ordre juridique, parce qu’autrement, nous ferons peur à nos concitoyens, qui ne nous suivront plus dans la nécessaire lutte contre le terrorisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

J’en viens à la motion de renvoi, que j’aurais aimé commencer par des félicitations à notre collègue Jean-Michel Dubernard pour avoir soustrait de la présente discussion les articles relatifs à la santé mentale. Malheureusement, nous allons nous enfoncer dans un imbroglio parlementaire grotesque et sans précédent. Notre assemblée va, en effet, discuter, amender et voter des articles dont elle se dessaisira pour confier la rédaction de la future législation au Gouvernement par le biais d’ordonnances qui – comble du ridicule ! – seront autorisées par une loi d’initiative parlementaire. Il aurait été plus simple de ne pas imposer ces articles dans un texte où ils n’ont rien à faire.

En refusant d’écouter l’opposition au Sénat qui vous demandait de les retirer, vous allez nous contraindre à débattre, sans le sérieux nécessaire et à contre-emploi, d’un texte fondamental. Pour la première fois, des sujets aussi sensibles, touchant aux libertés publiques, échapperont au Parlement et s’écriront sous la dictée du ministère de l’intérieur. Votre intention est d’écrire un texte d’ordre public sous la caution du ministre de la santé. Il s’agit d’obliger les acteurs de la santé mentale à accepter, sous la contrainte, une législation d’office à la demande d’un tiers.

Ce ridicule n’est pourtant rien à côté de la honte d’avoir introduit des questions de santé mentale dans un texte sur la délinquance. Faire l’amalgame entre délinquants et malades mentaux n’est pas seulement insultant pour ces derniers et leurs familles ; c’est aussi faire offense à la déontologie des professionnels de santé et porter atteinte aux libertés fondamentales, privilège que se réservaient jusqu’à présent les régimes totalitaires. Enfin, c’est une stupidité, au regard de la santé publique et de la prévention des troubles.

Si l’OMS a mis la lutte contre la stigmatisation des malades atteints de pathologies mentales au premier rang de ses priorités de santé publique, ce n’est pas – comme vous semblez le penser – par faiblesse, mais parce que la stigmatisation, outre les dégâts qu’elle provoque chez le patient, éloigne du soin et accroît de fait la dangerosité du sujet, pour lui-même comme pour son entourage.

Pis encore, par cette politique, loin de créer du lien, vous allez renforcer la distance et les préventions existantes entre les différents acteurs sociaux, lesquels ne pourront qu’à raison vous soupçonner d’asservir leur travail à une finalité qui ignore le patient, alors que leur déontologie leur commande de chercher d’abord à alléger ses souffrances.

Vous allez légitimer – comme vous l’avez du reste déjà fait par certains propos, tenus en d’autres occasions – la révolte de la souffrance contre l’ordre, ce qui revient à introduire encore plus de désordre.

Votre projet témoigne d’une vision incroyablement obscurantiste et délétère de notre société. Non seulement vous tournez le dos à la vision humaniste qui transcende le clivage droite-gauche, mais vous niez aussi – de façon déraisonnable – l’apport des sciences sociales.

Vous le disiez encore toute à l'heure : « comprendre, chercher des explications, c'est déjà faiblir ». Quelle désolation ! Comprendre ce n'est pas excuser, c'est donner plus de force à une stratégie qui ne se borne pas à réagir, mais, justement, veut prévenir pour éviter le trouble.

M. Frédéric Dutoit - Très bien !

M. Jean-Marie Le Guen - La compassion est certes un beau sentiment, mais éviter que les violences ne se produisent est préférable, d’abord pour les victimes.

Vous prétendez protéger les victimes, en oubliant que les malades sont aussi et d'abord des victimes, et que ce peut être chacun de nous ; que les toxicomanes, ce peut être chacun de nos enfants. Par ignorance et par goût du simplisme, vous développez une vision de la psychiatrie bien éloignée de sa réalité et de ses valeurs. Au risque de vous décevoir, il faut que vous sachiez qu'il n'existe pas de diagnostic médical, et encore moins en psychiatrie, qui puisse prédire, pour chacun de nous, que nous serons ou non malade, que nous serons ou pas dangereux pour nous-mêmes ou pour autrui.

M. Éric Raoult – Frêche !

M. Jean-Marie Le Guen - Pas plus qu'il n'existe de traitement d'injonction – ou d'injection d’un remède miracle, comme le suggère la sémantique – qui nous libère de nos pulsions ou de nos addictions. Si le ministère de la santé avait été à l'origine de la réflexion sur cette loi, si l'on avait seulement entendu les médecins, les psychiatres, les associations de malades, peut-être auriez vous compris le non-sens de nombre de vos propositions.

N’en déplaise à M. Bénisti, ce n'est pas en enfermant préventivement cinquante malades que vous éviterez que, pour un autre, le drame se réalise. Par contre, en créant des procédures qui conduisent au renforcement de l'enfermement de ces malades, vous recréez un monde asilaire, dont nous avons mis deux siècles à nous libérer pour mettre fin à la honte et à la souffrance des victimes abusivement retenues.

M. Frédéric Dutoit - C’est une véritable régression !

M. Jean-Marie Le Guen - Vous voulez séparer le mal du bien, en reprenant, sans le dire, une rhétorique simpliste et terriblement dangereuse venue d'ailleurs. Vous voulez séparer, au risque de déchirer.

J'ai parlé, à l'instant, des jeunes consommateurs de drogues illicites. Aujourd'hui, un jeune sur deux a fumé du cannabis ; plus de 18 % des garçons et 8 % des filles sont des consommateurs réguliers. Cette réalité signe la faillite des dispositifs que nous avons adoptés depuis plus de trente ans. Elle témoigne de l'échec de la voie répressive au détriment de la santé publique. La loi de 1970, vous l'avez d'ailleurs vous-même reconnu, est un fiasco : sur-répressive, elle n'est, en général, pas appliquée, sauf quand, localement, les services de police ont besoin de faire du chiffre. Elle est donc inefficace pour enrayer le phénomène, elle installe le non-respect de la loi comme culture de la jeunesse, elle favorise les trafics illicites. Elle fragilise parfois des personnes qui sont seulement en demande de soins.

Surtout, cette loi a failli en se montrant incapable de lutter contre ce fléau : on aurait pu penser que vous auriez donc la volonté d'agir. Las, vous avez renoncé. Aussi, il n'est pas étonnant que vous renforciez les sanctions applicables à des délits que vos services n'ont même plus ordre de poursuivre.

J'ai parlé de santé, et, malheureusement, votre approche n’est pas meilleure pour ce qui concerne l'action sociale. Alors que la loi sur la protection de l'enfance à réuni un certain consensus et constitue la base de toute politique de prévention de la délinquance, la plupart des jeunes délinquants ayant subi des violences dans l’enfance, vous en repoussez l’adoption, et vous la bafouez même, dans l'article 7. Comme l’action sanitaire, comme l’action sociale, vous cherchez à soumettre la protection de l'enfance à l'appareil répressif. Vous vous occupez moins de la protection des personnes que de celle l'ordre public, et moins de celui-ci que du spectacle de sa mise en œuvre.

Car c'est bien le problème : le projet de loi que vous nous présentez est moins un texte de prévention que de renforcement des sanctions et de l'exécution des peines. Son caractère fourre-tout le fait ressembler – et sans doute est-ce l’effet recherché – à une compilation des succès de l'audimat des journaux télévisés.

M. Frédéric Dutoit - Campagne électorale oblige !

M. Jean-Marie Le Guen - Pour vous, la prévention repose sur deux piliers : la sanction et la prévention ; et cette dernière repose sur deux principes : la sanction et la sanction ! Pourtant vous le savez, et ce texte en est l’aveu, la sanction ne peut pas tout. Votre bilan, depuis quatre ans, l’atteste.

Nous pouvons nous retrouver sur le constat que le système gagnerait en efficacité si la justice avait plus de moyens, mais les solutions qui vous mettez en œuvre depuis quatre ans sont inopérantes. Et c'est pour échapper à la médiocrité de vos résultats que vous vous défaussez sur les juges, les éducateurs sociaux, et, demain, sans doute, sur les maires et les psychiatres qui ne feront pas le travail que vous attendez d’eux.

Ce texte – y compris dans ses mesures les plus inacceptables relatives à la santé ou au social – traduit aussi votre inquiétude. Il faut, pensez-vous, dépister pour exclure les malades et les cas sociaux, selon vous, pourvoyeurs de délinquance, quitte à reprendre paradoxalement à votre compte le déterminisme social, que vous condamnez par ailleurs.

Mais vous oubliez que la montée de la délinquance n'est qu'un aspect d'un phénomène beaucoup plus inquiétant et plus nouveau : la montée de la violence. L'accroissement de cette violence ne peut se réduire à la seule question de la délinquance. Il y a une erreur de diagnostic et de stratégie du ministre d’État, pour peu que nous convenions – et il est vrai que l’on peut parfois en douter – que son objectif est la recherche de la paix civile et de la sécurité des biens et des personnes.

Le terreau de la délinquance, c’est la diffusion de la violence dans la société. La violence est, certes, une dimension naturelle de l'être humain. Mais ce qui est aujourd'hui en cause dans les transformations sociales, c'est le défaut d'apprentissage de sa maîtrise et la banalisation de son expression, y compris dans ses formes extrêmes. La montée de cette violence est encore trop peu étudiée dans notre pays, à la différence de ce qui se fait au Royaume Uni, aux États-Unis ou en Europe du Nord. Le jeune violent a été le plus souvent lui-même la victime de maltraitances dans son enfance. Cette violence s'exprime, en effet, d'abord dans les relations quotidiennes, que ce soit à l'école, dans les cités, ou dans les familles, en particulier en direction des femmes. La violence n'est pas une forme d'expression face à une injustice, car ce sont les plus fragiles qui en sont les premières victimes. Avant même la délinquance, c'est la violence comme forme de relations humaines qui doit être combattue.

Par ce texte, vous reconnaissez vous-même, au moins implicitement, les insuffisances de la logique policière et judiciaire. Dans le projet de loi qui nous occupe, vous prétendez prendre en compte les troubles du comportement, mais uniquement pour en rechercher le caractère pseudo prédictif et embrigader soignants et professionnels de l'enfance dans une logique répressive.

Vous avez refusé d'inclure les dispositions consensuelles du projet de loi sur la modernisation et le renforcement de la protection de l'enfance, qui auraient pu constituer la première pierre d'une politique de lutte contre la violence.

Il est temps de passer à une autre stratégie, de mobilisation de la société contre la diffusion et l'aggravation de la violence. Cette orientation doit être conçue comme une priorité de politique sociale. C'est une stratégie à mener à tous les niveaux, par tous les moyens : dès le plus jeune âge, par la prise en compte des problématiques de la santé mentale juvénile, non pour la mettre sous la coupe répressive, mais pour lui donner les moyens de dépister et d'agir dès que les premières souffrances s'expriment ; par la relance de la politique de protection de l'enfance ; par une politique efficace de lutte contre les addictions qui dépasse largement le seul volet répressif ; par l'éducation et le soutien familial et scolaire – et à cet égard, le présent texte n’apporte rien de nouveau ; par l'apprentissage, via le sport, du contrôle de sa propre violence. Une stratégie, enfin, qui inclue des campagnes contre la violence faite aux femmes, question toujours aussi alarmante et décisive.

Cette stratégie devrait aussi tenir compte de l’impact des images violentes et pornographiques que diffuse notre société. Pour le cinéma, la commission du CNC fonctionne de façon à peu près satisfaisante ; le CSA aussi pour la télévision ; en revanche, pour l’internet comme pour les jeux vidéos, les dispositifs sont très insuffisants. Le ministre de l’intérieur ne s’est pas donné les moyens de traiter ces problèmes, alors qu’ils sont sous sa responsabilité directe. On a d’ailleurs vu aujourd’hui des distributeurs se flatter de pouvoir diffuser sur internet un film qui allait être classé X en raison de son caractère violent. Où est le ministre sur tous ces sujets ? Où est le texte moderne dont nous aurions besoin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Nous ferons, nous, des propositions sur ces sujets, car la prévention de la délinquance suppose d’agir aussi sur des facteurs tels que les violences faites aux femmes, l’impact des images, l’influence du cannabis, ce fléau social… Sur tous ces sujets, il n’y a rien dans ce projet ! C’est pourquoi je vous invite à le renvoyer en commission. Mais comme je doute que la majorité me suive à l’heure où elle doit plutôt songer au bilan, peut-être est-il surtout temps de retourner devant les urnes et devant ce juge qu’est le peuple français, un juge qui n’écoute pas les contes merveilleux mais qui vit la violence au quotidien et qui veut une société plus juste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois - Je vous ai écouté attentivement, Monsieur Le Guen, et puisque vous avez commencé votre intervention en évoquant la difficulté du diagnostic en matière médicale, je dirai qu’en matière juridique, le diagnostic est plus facile : il n’y avait rien dans votre intervention qui se rapporte de près ou de loin à une motion de renvoi en commission, telle que la définit l’article 91 de notre Règlement. C’était totalement hors sujet !

Mme Christiane Taubira - Non !

M. le Rapporteur – Je comprends que vous ayez utilisé cet article pour disposer d’une tribune, mais, pour reprendre votre propre formule, comprendre n’est pas excuser, et nous aurions pu, je crois, faire l’économie de cette fausse motion de procédure. Rejoignez-nous en commission des lois, Monsieur Le Guen, et vous verrez le travail qu’elle accomplit. Nous avons passé beaucoup de temps sur ce texte, en auditions et en travail législatif…

M. Serge Blisko - Pour un résultat bien mince !

M. le Rapporteur – J’invite donc l’Assemblée à repousser cette demande de renvoi en commission.

M. Patrick Delnatte - M. Le Guen a fait son exercice habituel, mais il n’en reste pas moins que le travail préparatoire sur ce texte a été important, à la fois au Sénat et en commission. Cela nous a permis d’avoir un débat approfondi tant ici que dans la société (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous semblez regretter, Monsieur Le Guen, l’absence d’un volet protection de l’enfance, mais vous savez bien qu’un texte est en cours sur le sujet et qu’il forme un tout avec celui-ci, même s’il n’est pas possible de tout faire en même temps. Nous pourrons être fiers du travail accompli durant cette mandature. Le groupe UMP votera évidemment contre la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Frédéric Dutoit - Nous voterons bien sûr cette motion de renvoi, mais permettez-moi de profiter de cette explication de vote pour évoquer les dispositions du chapitre 5 relatives aux personnes atteintes de souffrances psychologiques nécessitant l’hospitalisation en service de psychiatrie.

Était-il nécessaire, était-il acceptable de traiter de ces questions dans un texte relatif à la prévention de la délinquance ? À l’évidence, non, sauf à remettre en cause le long processus de déstigmatisation de la maladie mentale.

Vous l’avez tardivement compris, chers collègues de la majorité, et vous allez vous livrer à un tour de passe-passe législatif pour sortir de ce projet de loi les articles 18 à 24, qui en composent le volet « santé mentale », et tenter du même coup de sortir le Gouvernement d'une impasse. Ce tour de passe-passe reste cependant compliqué : si j'ai bien compris, on discuterait ces articles dans le cadre de ce projet mais vous adopteriez un amendement habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur la question. L’amalgame entre troubles mentaux et délinquance n’en demeurera pas moins. Simplement, cette habilitation à légiférer par ordonnance privera la représentation nationale de la possibilité de discuter du fond.

Par la voix de leurs syndicats, les psychiatres n'ont cessé de demander, depuis le dépôt de ce texte, un véritable débat, sous l’égide du ministre de la santé, avec les partenaires concernés par la loi de 1990. Ils n'ont pas été entendus. Selon eux, c’est instrumentaliser la psychiatrie que de lui assigner un rôle de contrôle des libertés et de régulation des conflits sociaux, et cette conception d'un autre âge rompt avec un demi-siècle de pratiques sanitaires fondées sur la clinique, le partenariat et la confiance.

Leur demande pressante d'ouverture de discussions sur un projet sanitaire global de réforme de la loi du 27 juin 1990 est parfaitement légitime. Tant que ces discussions n'auront pas eu lieu, nous ne pourrons pas discuter utilement des dispositions proposées par ce texte. Le renvoi en commission de ce texte s'impose donc, afin que celle-ci puisse remettre un nouveau rapport prenant en compte les discussions avec les professionnels concernés. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

Mme Christiane Taubira – Jean-Marie Le Guen a fort bien démontré que nous devions approfondir en commission le travail parlementaire sur ce texte composite – formule indulgente pour dire qu’il est hétéroclite et incohérent. Mêler la comparution immédiate des mineurs avec la sanction infligée à des propriétaires de chiens dangereux, brasser avec équanimité des problématiques à caractère social, éducatif, culturel, médical, judiciaire et même territorial pour les fondre dans une même optique sécuritaire relève en effet pour le moins d’une audace philosophique déroutante et à coup sûr d’une frénésie législative inquiétante.

Les maires que vous voulez mettre au cœur du dispositif de surveillance et de répression – au secours, Michel Foucault ! – sont nombreux à être réticents au partage nominatif du secret professionnel, partage qui les conduira à encercler et à cerner leurs administrés.

Vous voulez leur faire pister les délinquants multi-réitérants, mais 80 % des personnes interpellées, y compris pendant les émeutes de l’an dernier, ne sont pas connues des services de police. Ces réalités, vous ne pouvez pas les ignorer. Même s’ils représentent infiniment peu par rapport à ceux consacrés au ministre d’État, quelques reportages en ont fait état, en tout cas assez pour remettre en cause votre vision simpliste selon laquelle il suffirait de « bunkériser » la société, avec d’un côté d’honnêtes gens claquemurés derrière des grilles, protégés par des alarmes et des caméras de vidéosurveillance, et de l’autre des délinquants, potentiels ou réels, enfermés, internés, dans des internats, des centres fermés, des prisons ou des hôpitaux psychiatriques. Il faut avoir singulièrement renoncé au pacte républicain, c’est-à-dire à l’idéal de faire société ensemble, et se méfier infiniment de la jeunesse de notre pays pour raisonner ainsi.

M. Yves Bur – Caricature !

Mme Christiane Taubira – Vous ne visez d’ailleurs pas n’importe quelle jeunesse, pas la jeunesse dorée qui commet pourtant elle aussi des délits, des bizutages interdits au tapage nocturne en passant par la consommation de stupéfiants.

Vous prenez en chasse la jeunesse de notre pays… (Vives interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés UMP - Nous souhaitons au contraire la protéger !

Mme Christiane Taubira - …visant surtout ceux qui ont des difficultés sociales, éducatives, financières (Mêmes mouvements). Comment expliquez-vous que le taux de chômage soit dix fois supérieur dans certains quartiers et que leurs habitants aient jusqu’à cent fois moins de chances d’obtenir un entretien d’embauche à diplôme égal ? La ségrégation urbaine est-elle fortuite ou considérez-vous que nous avons des ennemis intérieurs ?

L’autorité de l’État, qu’il convient en effet de restaurer, suppose que celui-ci soit exemplaire, ce qui est loin d’être le cas. Il jouit d’une totale impunité pour ses carences en matière d’égalité d’accès à l’éducation, à la santé, au logement, aux services publics. Il s’absout généreusement, convaincu qu’il pourra réussir par des démonstrations de force, quelques arrestations-westerns et des lois de circonstance (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Ce texte doit revenir devant la commission. Vous-mêmes en apportez la preuve en ayant cédé votre niche parlementaire de demain au Gouvernement pour que soit ratifiée l’ordonnance relative à certaines professions de santé, au motif d’une concertation avec ces professionnels. Cette concertation aurait dû avoir lieu avant l’examen du texte au Parlement. Rarement aura-t-on vu telle allégeance du pouvoir législatif au pouvoir exécutif, pour ne pas dire telle collusion (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Pour nous éviter d’avoir à défaire dans quelques mois ce texte et à le reprendre entièrement, nous voterons le renvoi en commission et vous invitons en conscience à faire de même. (Même mouvement)

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.
La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.
Prochaine séance ce matin, jeudi 23 novembre 2006, à 9 heures 30.
La séance est levée à 0 heure 5.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

© Assemblée nationale