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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du jeudi 23 novembre 2006

Séance de 15 heures

29ème jour de séance, 63ème séance

Présidence de M. Maurice Leroy
Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

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Organisation de certaines professionS de santé (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance du 26 août 2005 relative à l’organisation de certaines professions de santé et à la répression de l’usurpation de titres et de l’exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen – Je vous remercie, Monsieur le président et, ayant appris que cette séance sera la dernière que vous présiderez pendant cette législature, je saisis l’occasion qui m’est offerte de vous féliciter pour la manière pleine de tact avec laquelle vous avez exercé la présidence de nos travaux.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Voilà qui est très adroit !

M. le Président – Je vous remercie, Monsieur Jean-Marie Le Guen, pour vos aimables propos.

M. Jean-Marie Le Guen – La philosophie du texte que nous examinons aujourd’hui n’étant pas celle qui régit le projet sur la prévention de la délinquance, mon intention n’est pas de le critiquer en bloc. Il contient en effet des dispositions qui nous semblent constructives (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). Je traiterai de celles-là en premier.

M. le Ministre – Prenez garde, vous pourriez ainsi épuiser votre temps de parole… (Sourires)

M. Jean-Marie Le Guen – N’ayez crainte, Monsieur le ministre… Dans ce texte quelque peu fourre-tout, nous apprécions les mesures relatives aux diététiciens. Tout ce qui concourt à préciser leur titre et la définition de leur rôle est très utile. Utile pour eux, bien sûr, mais aussi, plus largement, parce que cela contribue à l’amélioration de la politique de santé publique. Nous devrons en effet, au cours des années à venir, avoir bien davantage recours aux diététiciens et à d’autres professionnels de santé que nous ne le faisons actuellement. J’observe à cet égard que nous ne formons pas suffisamment de nutritionnistes. Pour l’instant, ils exercent, dans leur immense majorité, dans un cadre institutionnel, mais si l’on veut inverser la courbe ascendante de l’obésité, le conseil diététique devra, à l’avenir, s’exercer de plus en plus en ambulatoire. Encore faudra-t-il revoir l’offre de soins, en y intégrant les diététiciens et les autres professionnels de santé qualifiés. Voilà qui pose la question de l’organisation générale des soins et de la relation des ces professions entre elles. Rien ne serait pire que de voir se juxtaposer les différents auxiliaires des professions de santé, sans qu’une organisation les coordonne. Et c’est cette absolue nécessité de définir des interfaces et des réseaux de soins qui m’amène à être beaucoup plus critique sur le volet du texte qui tend à confirmer l’existence d’un certain nombre d’ordres professionnels. Je pense que l’on va à l’encontre de ce qui serait souhaitable en matière d’organisation des professions de santé.

S’il s’agissait d’affirmer l’identité professionnelle des infirmiers et de leur reconnaître des droits trop longtemps méconnus du fait de l’organisation du système autour des seuls médecins, l’on ne pourrait que souscrire à la démarche. Il est tout à fait opportun de reconnaître aujourd’hui l’ensemble des professions de santé. Mais cela ne passe pas, selon nous, par la constitution d’ordres successifs comme autant de filières. Nos collègues de la majorité font preuve à cet égard d’une imagination sans limites, en proposant de créer autant d’ordres qu’il y a de qualifications particulières, mais je ne crois pas que ces propositions soient propices à une bonne organisation.

Nous avons, au contraire, besoin de partager de plus en plus les compétences et les réflexions éthiques. Il sera sans doute nécessaire, le moment venu, de rassembler dans une dimension éthique collective l’ensemble des professionnels de santé, ordre des médecins compris. Celui-ci est, du reste, d’ores et déjà interrogé par l’affirmation des syndicats professionnels, des unions régionales des médecins libéraux, de la Haute autorité de santé, ainsi que par la justice ordinaire, lorsqu’il s’agit de trancher des litiges entre les professionnels de santé entre eux ou entre patients et médecins.

Cette évolution de la société doit nous conduire à renforcer la prise en compte des préoccupations déontologiques dans une approche globale. Dès lors, l’idée d’organiser les professions en filières me semble dépassée. Sans doute flatte-t-elle des professions trop longtemps négligées, mais elle ne permet pas de répondre aux défis du moment.

Ce texte vise aussi à renforcer la garantie donnée aux patients que le monopole de l’exercice de certaines professions appartient bien à des professionnels dont la formation peut être dûment vérifiée. Les malades doivent disposer de garanties sur la qualité des personnes auxquelles ils ont recours. L’idée de sanctionner tous ceux qui font un usage abusif de certaines appellations professionnelles va évidemment dans le bon sens.

Cependant, les garanties de formation initiale sont aujourd’hui insuffisantes. S’agissant des médecins, il a été difficile de faire admettre que des garanties sur leur formation continue pouvaient aussi être demandées, même si des avancées ont été obtenues dans l’évaluation des pratiques professionnelles. La démarche d’évaluation permanente de la qualité des soins dispensés doit du reste s’appliquer aussi bien aux structures qu’aux personnes, mais la démarche d’accréditation et de mesure des performances des établissements reste nettement insuffisante. Les initiatives qui sont à l’œuvre à cet égard sont trop timides et n’avancent pas assez vite.

À côté de la formation initiale, les patients sont en droit d’obtenir des garanties sur la qualité des pratiques professionnelles. Le respect des droits des assurés sociaux commande de laisser circuler librement les informations sur les pratiques médicales. À cet égard, le présent texte reste très incomplet, en ne proposant qu’un socle de garanties minimales.

Mais ce qui pose vraiment problème, dans ce texte, c’est l’arrivée impromptue d’un amendement gouvernemental tendant à légiférer par ordonnance sur la santé mentale. Par principe, nous nous opposons à voir figurer dans le projet de loi de prévention de la délinquance des éléments touchant à la santé mentale. Nous aurons du reste l’occasion, malgré votre présente proposition, d’en débattre ici, à l’occasion de l’examen des articles 18 à 24 du texte de M. Sarkozy.

Je déplore que l’enjeu considérable de la santé mentale soit abordé de manière aussi biaisée et restrictive. Nous le savons, notre pays est plus que d’autres concerné par la maladie mentale. Les Français sont parmi les premiers consommateurs de psychotropes – sans parler de la toxicomanie –, les taux de suicide restent anormalement élevés et, dans les affections de longue durée, les pathologies mentales représentent le deuxième poste de dépense et de personnes concernées, juste derrière les affections cardiovasculaires. On sait par ailleurs que 10 % des Français auront, à un moment de leur vie, recours à une consultation de type psychiatrique. Au-delà de ces quelques indicateurs, la souffrance psychologique s’exprime aussi au travail, en famille, lorsque l’on entre dans le grand âge ou dès la petite enfance, ce qui pose – je le signale au passage – le problème de l’adaptation de notre gériatrie et de notre pédopsychiatrie.

Cette question concerne donc la société française tout entière et il faut la traiter avec modestie. Lorsque nous étions aux responsabilités, des initiatives positives ont été prises sous l’impulsion de Bernard Kouchner, mais nous sommes loin d’avoir tout résolu !

Permettez-moi cependant de constater que la manière dont la majorité actuelle aborde la santé mentale est pour le moins singulière. Après avoir déclenché la polémique que l’on sait sur le statut des psychothérapeutes – par un amendement fameux à la loi de santé publique qui continue de poser problème –, la question est abordée dans un texte relatif à la prévention de la délinquance. C’est la pire entrée que l’on puisse imaginer dans une question qui devrait plutôt faire consensus.

M. le ministre se plaît à rappeler qu’il y a eu un plan santé mentale : les chiffres afférents continuent de nous interroger, car faut-il croire M. Bertrand ou son prédécesseur ? Cela étant, ce n’est pas qu’une question de moyens financiers. Le problème est d’abord culturel. Puis il tient à l’organisation des soins et à la qualité de la prévention.

Marylise Lebranchu a témoigné ce matin de la difficulté qu’éprouve toujours notre société à accepter les maladies mentales comme des pathologies ordinaires, justifiant des soins dans un environnement respectueux des droits des malades. Les patients revendiquent légitimement un droit à la banalisation des pathologies qu’ils présentent. Las, la stigmatisation dont ils sont l’objet reste très importante. Je pense notamment aux discriminations à l’embauche des personnes qui souffrent – ou ont souffert – de troubles mentaux.

La première des choses à faire, c’est de combattre résolument tous les phénomènes de stigmatisation dont sont victimes les malades mentaux. Le temps est venu de dédiaboliser ces maladies et de les aborder en toute transparence.

Il faut, à cet effet, diffuser une certaine culture de la psychiatrie et faire appréhender ses limites aux non initiés. De ce point de vue, les parlementaires que nous sommes ont, à plusieurs reprises, commis des abus de langage. S’agissant par exemple du permis de porter une arme, nous avons cru accomplir un progrès remarquable en exigeant la consultation préalable d’un psychiatre. Mais c’est un faux-semblant ! Sauf exception, il est pratiquement impossible de détecter la survenue probable d’épisodes maniaques potentiellement dangereux. Et va-t-on interdire à un policier d’exercer son métier parce qu’il a, à un moment de sa vie, cinq ans ou dix ans auparavant, connu un épisode dépressif grave ? Ne serait-ce pas commettre une injustice que de barrer son avenir professionnel pour ce motif ? C’est par faiblesse que nous n’avons pas voulu admettre que seul un suivi personnalisé et régulier permet de prévenir le passage à l’acte d’une personne potentiellement dangereuse.

Bien au-delà du cadre tracé par le Gouvernement avec ce texte, mais aussi de la loi de santé mentale que chacun d’entre nous pourrait appeler de ses vœux, notre société doit avoir le courage de se poser certaines questions en face et de réfléchir sur elle-même s’agissant de la santé mentale. Pourquoi pas en organisant des états généraux qui permettraient de traiter de ces questions avec le calme et la sérénité nécessaires ?

Il nous faudra revoir l’organisation des soins. Nous manquons cruellement de thérapeutes. La psychiatrie publique est fort malmenée et sa situation risque de s’aggraver encore si nous ne faisons rien. Mais le problème n’est pas tant le nombre global des psychiatres : pour des raisons parfaitement compréhensibles d’opportunité, de facilité, de qualité de travail, et peut-être aussi de revenus, beaucoup d’entre eux se sont majoritairement orientés vers la psychiatrie de ville.

M. Richard Mallié – Monsieur le Président, si vous n’interrompez pas M. Le Guen, il parlera encore à 19 heures !

M. le Président – Même s’il s’agit de la dernière séance que je préside, comme M. Le Guen a eu la gentillesse de le rappeler en début de séance, laissez-moi la présider. M. Le Guen a pour l’instant parlé 22 minutes, hors arrêts de jeu… (Sourires)

M. Jean-Marie Le Guen – Il faudra, disais-je, réfléchir aux moyens de réorienter les psychiatres – dans la formation desquels la collectivité a investi –, vers la psychiatrie publique ou en tout cas le traitement des cas les plus lourds. La psychiatrie elle-même ne pourra faire l’économie d’une remise en question. S’il est légitime que les psychiatres demandent plus de moyens et plus de reconnaissance, ils doivent aussi s’interroger sur leurs pratiques. Nous, élus, avons en effet parfois le sentiment que les préoccupations de santé publique leur sont étrangères – leur pratique étant d’abord axée sur le colloque singulier entre le médecin et le malade –, et qu’ils ne perçoivent pas bien les difficultés auxquelles est confrontée notre société.

Mme Marylise Lebranchu – Ce n’est pas le cas de tous.

M. Jean-Marie Le Guen – En effet. Qu’ils défendent avant tout leurs patients ne doit pas les empêcher de tenir compte des enjeux de santé publique.

Les pouvoirs publics ont aussi leur part de responsabilité dans la situation actuelle. Ainsi la fermeture des lits d’hôpitaux psychiatriques, qui était demandée par les professionnels eux-mêmes, ne s’est pas accompagnée de l’ouverture des services de ville prévus en contrepartie. Trop de personnes gravement malades sur le plan mental ne sont pas aujourd’hui prises en charge sur le plan médical : c’est notamment le cas des SDF, très nombreux à Paris, dont la souffrance psychique lourde est encore aggravée par des poly-addictions. On renvoie ce problème à la société, sans se demander comment ces gens sont accueillis au plan médical. Il y a des maillons qui manquent dans notre prise en charge sociale, mais aussi dans la perception du problème par les professionnels de santé.

Pour apporter des solutions réelles, les pouvoirs publics doivent bien entendu ne plus faire de « gaffes » comme ils les ont accumulées ces dernières années, mais notre société tout entière doit aussi se mobiliser. À cet égard, les associations de malades comme de proches de malades constituent un premier pas. Les professionnels aussi doivent ouvrir la voie à une prise en charge collective, et donc politique, de ces questions. Il faudra faire appel à la médecine bien sûr, mais aussi à l’ensemble des sciences sociales – ce qui n’est pas le réflexe premier de certains de nos collègues de la majorité. Le défi à relever est pourtant considérable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président – Merci, Monsieur Le Guen, d’avoir veillé à ne pas dépasser votre temps de parole. Vous avez parlé 28 minutes.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales À mon tour, je souhaite vous saluer, Monsieur le président, et vous remercier pour la façon, toujours efficace et courtoise, dont vous avez présidé tant de nos séances (Applaudissements sur tous les bancs).

Cette motion de renvoi en commission a permis à M. Le Guen d’exposer avec brio diverses propositions en matière de psychiatrie et de santé mentale. Des états généraux, pourquoi pas ? Les évolutions de ces dernières années ont sans doute été trop brutales, d’où les dangers qui ont pu en résulter pour notre société.

Pour le reste, le rapporteur de ce texte a été désigné en juillet dernier, la commission a tenu deux réunions alors même qu’il n’y a que dix articles. Le renvoi en commission ne se justifie donc absolument pas. Pour ce qui est des mesures concernant l’hospitalisation sans consentement, elles relèvent désormais de l’artefact : je ne vois donc pas pourquoi elles seraient renvoyées en commission.

M. le Ministre – Vu la qualité même de votre exposé, Monsieur Le Guen, le renvoi du texte en commission constituerait un retour en arrière. Une fois écartées les polémiques, sur un sujet comme celui de la santé mentale, nous ne sommes pas loin d’être d’accord sur tous les bancs. Il n’y a pas là une approche de droite, et une autre de gauche. D’une manière plus générale d’ailleurs, les questions de santé échappent ou devraient échapper à une logique partisane.

Pour ce qui concerne la santé mentale, je souscris à la proposition faite ce matin par le président de la commission d’associer les parlementaires. Tout ce qui était prévu dans le plan Santé mentale a été fait ou est en train de l’être, tant en matière de fonctionnement, avec 41 % de crédits délégués, que d’investissement. Je vous indique par ailleurs, puisque vous me l’avez demandé, que 342 opérations ont été retenues. Les équipes mobiles d’intervention auprès des SDF prévues en 2005 et en 2006 ont été au rendez-vous. Pour autant, bien imprudent serait celui qui oserait prétendre que le travail est terminé car sur un sujet comme celui-là, il nous faut en permanence renforcer et adapter nos réponses. Monsieur Le Guen, si nous vous écoutons toujours, il est des moments où nous vous entendons plus qu’à d’autres…

M. Jean-Marie Rolland – La commission a examiné ce texte qu’elle a enrichi de ses amendements. Il est urgent de réformer la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux, en privilégiant une approche globale. Il n’y a donc pas lieu de renvoyer ce texte en commission. Je vous invite donc à rejeter cette motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Vaxès – Je m’associe aux félicitations qui ont été adressées à M. le président.

Très favorables à l’article 7 du projet, nous aurions pu émettre sur ce texte un avis moins radicalement négatif s’il n’était perverti par l’amendement que M. le ministre de l’intérieur vous a contraint d’accepter, Monsieur le ministre de la santé. Cela est détestable, et sur la forme, puisque le Gouvernement s’apprête à dessaisir l'Assemblée nationale de ses prérogatives, et sur le fond puisque d’une part c’est faire injure aux psychiatres et aux familles des patients de traiter de la réforme du texte de 1990 sur la base d’un artifice procédural indigne et que, d’autre part, le thème dont nous débattons mérite un examen beaucoup plus large : alors que les besoins augmentent et que de nouveaux moyens sont nécessaires, il est inacceptable de refuser tout débat de fond. Plutôt que de légiférer par ordonnance, un texte spécifique aurait dû nous être soumis.

Le groupe communiste et républicain votera cette motion de renvoi en commission.

M. Gérard Bapt – Ma tâche est facile, la brillante démonstration de M. Le Guen ayant sans aucun doute convaincu l’ensemble de nos collègues (Sourires). J’admire l’habileté dialectique de M. le ministre, mais si M. le rapporteur a beaucoup travaillé depuis le mois de juillet, il n’a pu travailler sur l’amendement qui soulève tant de problèmes. Le message sécuritaire du Gouvernement et du ministre de l’intérieur en particulier ne fait aucun doute puisqu’il s’agit de confondre les questions liées à la délinquance avec celles de la santé mentale.

Certes, ce texte comporte des éléments positifs, s’agissant notamment de la lutte contre l’obésité ou de la validation de statuts médicaux ou paramédicaux. À ce propos, je vous ai récemment écrit, Monsieur le ministre, en ma qualité de rapporteur spécial du budget de la santé, afin que nous puissions accéder aux projets de décrets envoyés au Conseil d’État quant à la publicité télévisuelle et à l’information nutritionnelle.

M. le Ministre – Votre lettre est arrivée lundi et je vous ferai parvenir une réponse dans la journée.

M. Gérard Bapt – M. Le Guen vous aura également convaincu sur les questions que pose l’organisation en ordres des professions médicales ou paramédicales. Je m’interroge d’ailleurs sur l’absence de réaction du conseil national de l’ordre des médecins lorsque certains praticiens refusent de soigner des bénéficiaires de l’aide médicale d’État ou de la CMU complémentaire.

Enfin, un rapport d’étape devrait être présenté s’agissant du plan de santé mentale.

Organisons des états généraux de la santé mentale pour que ces maladies ne soient plus stigmatisées !

Le groupe socialiste votera bien entendu cette motion.

M. Jean-Christophe Lagarde – Tout le monde est d’accord : il faut réformer la loi de 1990. Néanmoins, il convient d’organiser avant toute réforme une large concertation, surtout sur un sujet aussi essentiel sur le plan sanitaire et sur celui des libertés publiques.

Porte-parole du groupe UDF sur le projet relatif à la prévention de la délinquance, il ne m’a pas échappé que celui-ci contient – contenait ? contiendrait ? – des dispositions concernant l’hospitalisation d’office. En commission, j’avais eu l’occasion de dire que le véhicule législatif ne m’importait guère en l’occurrence, mais il en va tout autrement dès lors que nous autoriserions le Gouvernement à légiférer par ordonnance tout en rediscutant néanmoins de cette question dans le cadre de l’examen de la loi sur la prévention de la délinquance ! C’est ridicule, et c’est une première !

M. Jean-Marie Le Guen – En effet.

M. Jean-Christophe Lagarde – De plus – et c’est une autre première – c’est d’une initiative parlementaire que provient la proposition de dessaisissement alors que le Gouvernement a saisi le Parlement pour débattre précisément d’un texte partiellement identique ! C’est le comble du ridicule !

Dans ces conditions, le groupe UDF votera cette motion.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Ministre – Je remettrai à M. Bapt un rapport sur le bilan d’étape du plan de santé mentale.

M. le Président – J’appelle les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

ARTICLE PREMIER

M. Pascal Ménage, rapporteur de la commission des affaires culturelles – L’amendement 3 vise à ne pas mêler dans un même article la ratification de l’ordonnance relative à l’organisation de certaines professions de santé et l’adoption des modifications ponctuelles définies dans les autres articles.

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article premier ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

après l’article premier

M. le Rapporteur – L’amendement 4 de la commission insère un article additionnel après l’article premier afin d’accélérer et de simplifier certaines procédures de décision des chambres disciplinaires ordinales, en permettant notamment à leurs présidents, à l’instar de leurs homologues des juridictions administratives, de prendre seuls des décisions sur certains types de situations.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 5 de la commission a pour objet de dispenser la commission de conciliation instituée au sein des conseils départementaux des ordres de l’obligation de réunir au moins trois membres pour procéder à des actions de conciliation.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Préel – J’avais déjà déposé l’amendement 13 lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais il a été considéré comme un cavalier – soit dit en passant, il y en a eu bien d’autres. Il s’agit de permettre aux chambres de discipline des ordres, et plus particulièrement à celle de l’Ordre des pharmaciens, de fonctionner. En effet, l’article 2 de l’ordonnance du 26 août 2005 a prévu que les magistrats de l’ordre judiciaire présidant les chambres de discipline de première instance de l’Ordre national des pharmaciens seraient remplacés par des magistrats de l’ordre administratif. Cette réforme devait entrer en vigueur au 1er mars 2006 mais, en l’absence de décret d’application, les magistrats de l’ordre administratif n’ont pu être désignés. Il n’est pas sûr qu’ils puissent l’être rapidement une fois le décret publié, étant donné le nombre requis : plusieurs centaines pour les six ordres concernés, dont 54 pour le seul Ordre des pharmaciens. En attendant, ses juridictions de première instance sont paralysées : contrairement à celles des autres ordres, elles ne bénéficient pas d’une disposition transitoire leur permettant de continuer à fonctionner. Certaines accumulent déjà un grand retard, et le nombre des affaires qui leur sont soumises est en progression constante. Cette situation est incompatible avec une bonne administration de la justice et peut susciter des dérives chez les professionnels indélicats. Il importe donc que ces chambres de discipline puissent continuer à fonctionner.

M. Jean-Marie Rolland – L’amendement 16 rectifié est presque identique, mais il utilise le présent au lieu du futur. Compte tenu de l’urgence, la rédaction que je propose me paraît préférable.

M. le Rapporteur – La commission a donné un avis favorable à l’amendement 13, mais la rédaction de M. Rolland me paraît plus précise. J’invite donc M. Préel à s’y rallier.

M. le Ministre – Même avis que la commission.

L'amendement 13 est retiré.
L'amendement 16 rectifié, mis aux voix, est adopté.

art. 2 à 5

L'article 2, mis aux voix, est adopté, de même que les articles 3, 4 et 5.

après l’art. 5

M. Richard Mallié – 20 % des chirurgiens-dentistes français sont inscrits aux tableaux de la région Île-de-France. L’amendement 14 vise donc à porter de 8 à 12 le nombre des membres titulaires et celui des membres remplaçants de la chambre disciplinaire de l’ordre.

L'amendement 14, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Richard Mallié – L’ordonnance reprend les deux derniers alinéas de l’article L. 4142-4-1 du code de la santé publique, qui sont du domaine réglementaire. L’amendement 15 tend donc à les supprimer : cela fera plaisir au président de notre Assemblée !

M. le Président – Il y sera en effet sensible.

M. le Rapporteur – La commission a accepté cet amendement qui opère une clarification bienvenue.

L'amendement 15, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 6 est un amendement de précision relatif à la composition des chambres disciplinaires nationales des ordres des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures podologues.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

art. 6

M. le Rapporteur – L’amendement 7 vise à préciser que les conseillers des ordres des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures podologues sont élus à la majorité des membres présents ou ayant voté par correspondance ou par voie électronique, selon des modalités qui seront fixées par décret après avis de la CNIL, comme pour les autres professions médicales.

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 6 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

après l’art. 6

M. le Rapporteur – Les orthophonistes et les orthoptistes ne souhaitent pas la mise en place d’un ordre professionnel. Ils doivent cependant respecter les règles professionnelles fixées par décret en Conseil d’État. Tel est l’objet de l’amendement 8.

L'amendement 8, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

art. 7

M. Michel Vaxès – Ce texte très controversé en raison de la manœuvre qui le pollue apporte au moins un motif de satisfaction avec cet article 7, qui clarifie les conditions d’exercice des diététiciens – mesure très attendue.

Confortés par le rapport du professeur Krempf sur l’évolution du métier de diététicien, les pouvoirs publics se devaient de prendre des mesures pour mieux encadrer la pratique des conseils nutritionnels et l’éducation à l’hygiène alimentaire par la reconnaissance des diététiciens comme profession de santé. Environ 4 000 diplômés en activité se mobilisent pour que leur discipline soit réglementée : le titre ne suffit pas à les protéger au regard de leurs responsabilités en matière de santé publique. Cette démarche participe de la reconnaissance du rôle important que jouent la nutrition dans nos sociétés contemporaines et l’alimentation dans le traitement ou la prévention de pathologies de plus en plus fréquentes. Des liens ont été mis en évidence entre l’alimentation et certains cancers – cancer du côlon, cancer du sein – ou les maladies cardiovasculaires, première cause de mortalité en France avec 170 000 décès par an. Une alimentation saine ou de l’exercice physique peuvent réduire de plus de 50 % l’apparition du diabète chez les sujets prédisposés. Enfin, l’obésité représente un risque considérable : en trois ans, la proportion d’obèses dans la population adulte de notre pays est passée de 8 % à 10 %. Au rythme de progression actuel, nous atteindrons le niveau des États-Unis – 20 % – dans moins de dix ans. La progression est encore plus rapide chez les enfants et chez les adolescents.

Compte tenu de ces enjeux, on ne pouvait rester plus longtemps dans la situation actuelle. En définissant mieux les conditions d’exercice de la profession de diététicien, cet article rend applicables à la profession les dispositions relatives à l’exercice illégal, comme l’usurpation du titre, ce qui était indispensable. Nous espérons que cela endiguera l’expansion des boutiques conseils en diététique. L’exercice des diététiciens sera aussi facilité dans les réseaux de santé et auprès des collectivités, ce qui élargira les possibilités d’accès aux conseils nutritionnels.

Enfin, la réforme des études garantira l’objectif de mettre en adéquation la formation et les besoins recensés, afin d’harmoniser les programmes et de limiter l’émergence des centres de formation. Nous attirons toutefois votre attention sur les conditions de validation des titres et formations déjà obtenus, afin qu’ils ne soient pas transformés en certificats.

Cette mesure positive tranche avec le reste du texte. Si nous sommes hostiles aux articles autorisant le recours aux ordonnances et à ceux relatifs aux structures ordinales, nous soutenons l’article 7. Pour éviter toute interprétation erronée du vote final négatif auquel le Gouvernement nous contraint et manifester clairement notre adhésion à cet article, nous demandons d’ailleurs un scrutin public sur celui-ci.

M. le Rapporteur – L’amendement 9 est un amendement de clarification.

L'amendement 9, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 10 vise à combler le vide juridique qui existait pour les personnes autorisées, par dérogation, à continuer à exercer la profession de diététicien et à en porter le titre sans pour autant être titulaires du nouveau diplôme d’État ni de l’autorisation spécifique donnée aux ressortissants d’autres États. La situation de ces personnes n’était en effet réglée qu’à compter de la date d’entrée en vigueur de l’acte réglementaire fixant le programme de formation du diplôme d’État, mais rien n’était prévu pour la période comprise entre la promulgation de la loi et cette entrée en vigueur. Cet amendement permet d’assurer la sécurité juridique de cette situation.

M. le Ministre – Il évite en effet un vide juridique. Avis favorable.

L'amendement 10, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Sur l’article 7, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d’une demande de scrutin public.

M. le Rapporteur – L’amendement 11 apporte une précision rédactionnelle.

L'amendement 11, accepté par le Gouvernement, est adopté.
À la majorité de 49 voix contre 4, sur 53 votants et 53 suffrages exprimés, l’article 7 est adopté.

M. le Ministre – Je suis très étonné de ce résultat : il me semble que les orateurs avaient été unanimes, mais il y a des votes contre cet article.

M. Jean-Marie Le Guen – Il y a eu des erreurs !

M. le Président – Il peut y avoir eu des erreurs matérielles. Nous veillerons à les corriger.

Art. 8

L'article 8, mis aux voix, est adopté.

Art. 9

M. le Rapporteur – L’amendement 12 corrige une erreur matérielle.

L'amendement 12, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 9, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 10

L'article 10, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 10

M. Richard Mallié – Certaines professions, telles que celle d’ambulancier ou d’aide-soignant, sont considérées comme des professions de santé, mais pas celle d’assistant dentaire. C’est un anachronisme. L’amendement 2 vise donc à faire dépendre les assistants dentaires du ministère de la santé plutôt que de celui du travail.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement, car il lui a semblé préférable, dans un premier temps, de définir le champ de la profession. À titre personnel, je considère qu’il va dans la bonne direction, mais je suis l’avis de la commission.

M. le Ministre – Il faut en effet commencer par définir le contour de la profession et ses conditions d’exercice, avant de traiter des questions de formation. Nous y travaillons et vous savez, Monsieur le député, en tant que président du groupe d’études sur les professions de santé, dans quel sens nous nous orientons. La réflexion sur les conditions d’exercice et de formation des assistants dentaires est en cours avec l’ensemble des professionnels. Je prends l’engagement de la mener rapidement à son terme, mais en attendant, avis défavorable.

M. Richard Mallié – Je reste surpris de cette position. Lorsque le ministère a voulu que les professions d’ambulancier, d’aide-soignant ou de technicien de laboratoire d’analyses médicales deviennent des professions de santé, cela n’a posé aucun problème, mais quand c’est nous qui proposons la même chose, il faut faire autrement !

M. Jean-Marie Le Guen – Ça ne fait rien, vous aimez bien les ordonnances !

M. Richard Mallié – Le livre premier du code de la santé ne définit que quelques professions – médecin, chirurgien-dentiste ou sage-femme. Ce n’est donc pas la peine de créer un titre supplémentaire pour les assistants dentaires : ce sont tout simplement des auxiliaires médicaux. Cette disposition répondrait à l’attente de la profession, qui n’est pas rassemblée au sein d’un syndicat spécifique parce qu’elle n’est pas définie. Il n’y a aucune raison de ne pas agir pour cette profession comme pour les autres.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre – L’amendement 1 répond au souhait exprimé par l’ensemble des parlementaires, des professionnels de santé et des associations. Il permettra, comme nous nous y étions engagés, de disjoindre les articles 18 à 24 du texte sur la prévention de la délinquance.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

Plusieurs députés socialistes – Quel enthousiasme !

M. le Rapporteur – En tant que neurologue, je connais bien les psychiatres et je sais que cette ordonnance va permettre de régler bien des problèmes, pour eux comme pour les malades.

M. Jean-Marie Le Guen – Elle va aussi bafouer les droits du Parlement !

M. le Président – Sur cet amendement, je suis saisi de deux demandes de scrutin public, de la part du groupe communiste et républicain et du groupe socialiste.

M. Jean-Marie Le Guen – Je voudrais rappeler à mes collègues qu’il leur est toujours loisible de faire respecter les droits du Parlement. Ils viennent de le faire pour les assistants dentaires, ils le feront peut-être pour la santé mentale. En effet, à peine ce texte voté, nous allons reprendre l’examen d’un autre qui aborde, dans ses articles 18 à 24, les même sujets, pour lesquels il est confié au Gouvernement le soin de légiférer par ordonnance… La mascarade continue. Le Gouvernement fait une mauvaise manière au Parlement et compromet le traitement des problèmes de la santé mentale dans ce pays.

M. Michel Vaxès – Nous sommes bien d’accord : les articles 18 à 24 qui figurent dans le projet de loi de prévention de la délinquance sont relatifs à la santé mentale et ne relèvent donc ni de la prévention, ni de la délinquance. Mais nous ne pouvons pas accepter qu’ils soient examinés à la sauvette, après une manœuvre qui ne grandit ni le Parlement, ni le Gouvernement. La réforme de la loi de 1990 était nécessaire. Elle appelle un débat, au Parlement, sur un projet de loi spécifique. Or, nous allons discuter dans quelques instants de dispositions qui seront finalement prises par ordonnance ! En bref, nous discuterons pour rien, si ce n’est pour rassurer le ministre de l’intérieur et prouver qu’il faut bien, au titre de la délinquance, se préoccuper des malades mentaux.

Ces dispositions sont dangereuses. Le sujet aurait mérité d’être mis au cœur de la réflexion sur la santé publique et sorti définitivement du sujet de la délinquance. Ce procédé est indigne du Parlement. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement et avons demandé un scrutin public.

M. Jean-Luc Préel – Sans cet amendement, nous aurions voté cette loi de ratification sans difficulté, car elle contient quelques avancées – en particulier en ce qui concerne les diététiciens. Je m’étonnais que, pour une fois, on ratifie une ordonnance, qui plus est avec plusieurs mois de retard. Il fallait surtout, semble-t-il, trouver un alibi pour réparer une maladresse faite dans la loi de prévention de la délinquance.

M. Richard Mallié – Ce n’est jamais bien fait, avec vous !

M. Jean-Luc Préel – M. Mallié sait que j’ai raison. Dans la loi de prévention de la délinquance, des articles ont été introduits pour réformer la loi de 1990, ce qui revenait à assimiler, de façon inacceptable, les malades mentaux à des délinquants, suscitant l’émotion des professionnels et des associations. Le Gouvernement n’a pas complètement réparé cette erreur puisque les articles en question sont maintenus et seront discutés demain, tandis qu’on nous demande aujourd’hui de valider une nouvelle ordonnance, qui plus est dans une loi de ratification d’ordonnance : une première !

M. Jean-Marie Le Guen – Nous verrons ce qu’en pense le Conseil constitutionnel !

M. Jean-Luc Préel – Les ordonnances sont faites pour contourner les droits du Parlement. Sur un texte touchant aux libertés publiques, cela n’est pas acceptable. C’est pourquoi nous voterons contre cet amendement, de même que, tout à l’heure, nous voterons contre le texte, à cause de l’amendement.

À la majorité de 38 voix contre 18, sur 56 votants et 56 suffrages exprimés, l’amendement 1 est adopté.

M. le Président – Nous en arrivons aux explication de vote sur l’ensemble du texte.

M. Michel Vaxès – Nous venons de vivre une bien triste séance – non parce qu’elle n’aurait pas été intéressante ou que les sujets traités n’auraient pas été importants, mais parce que, avec une proposition de loi inscrite à l’ordre du jour mardi, examinée en commission mercredi et discutée en séance publique jeudi, elle n’a guère contribué à grandir le Parlement. Au terme de cette séance, j’ai une pensée pour les diététiciens, qui auront vu ce débat pollué par une acrobatie inacceptable du Gouvernement…

M. le Ministre – C’est de votre faute !

M. Gérard Bapt – C’est de la faute de Sarkozy !

M. Michel Vaxès – …qui n’avait d’autre but que de le sortir de l’impasse dans laquelle il se trouvait enfermé en raison de son projet de loi sur la prévention de la délinquance. Ce projet de loi avait été examiné en Conseil des ministres en juin, débattu au Sénat en septembre, sans que la partie du texte sur la santé mentale ne vous pose aucun problème avant aujourd’hui, malgré les alertes répétées des professionnels et des associations. Pour vous en sortir, vous ne trouvez rien de mieux que de soumettre en urgence à l’approbation des députés un projet de loi relatif aux professions de santé, prétexte à cette sortie ubuesque d’un amendement gouvernemental vous autorisant à légiférer par voie d’ordonnance sur l’hospitalisation sans consentement. Il y aurait maintenant urgence, alors que cinq mois viennent de s’écouler !

C’est faire bien peu de cas des dispositions relatives aux diététiciens. Nul n’ignore que les pathologies impliquant l’alimentation, comme le diabète, l’obésité ou les maladies cardiovasculaires, se répandent et seront une cause importante de mortalité. Si nous soutenons ces dispositions, le recours aux ordonnances, comme la manœuvre du Gouvernement, nous empêchent de voter ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Préel – Ce projet de loi comporte deux parties inégales, dont la première, sur la ratification de l’ordonnance de 2005, ne pose aucun problème, au contraire, même si cette ratification est très inhabituelle. Les ordonnances servent à contourner le Parlement. On a beau nous expliquez que les lois de ratification permettent au Parlement de retrouver ses pouvoirs de discussion et d’amendement, ce n’est pas ainsi que sont vécues les ordonnances sous la Ve République.

Monsieur le Président, je sais que vous présidez pour la dernière fois et je tiens à vous saluer. En ce qui concerne l’affaire qui nous occupe, pourriez-vous obtenir que nous soit communiqué le nombre d’ordonnances que le Gouvernement a prises depuis cinq ans, et celui des lois de ratification effectivement discutées ? Ce serait intéressant. Cela étant, nous approuvons certains points du projet, notamment celui relatif aux diététiciens.

Le problème vient de l’amendement du Gouvernement. Dans une loi de ratification d’ordonnance, le Gouvernement nous demande de l’autoriser à légiférer de nouveau par ordonnance sur des articles en cours de discussion dans un autre projet de loi. C’est une incongruité qui saute aux yeux, et il est incroyable que nos collègues de l’UMP n’aient pas proposé de supprimer ces articles dans la loi de prévention de la délinquance – cela aurait au moins clarifié la situation.

Si assimiler les malades psychiatriques à des délinquants est effectivement inacceptable, le Parlement consent en outre à se dessaisir de son pouvoir de discussion sur un point touchant aux libertés publiques. Il est certes nécessaire de modifier la loi de 1990. Toutefois, l’hospitalisation d’office concernant des problèmes fondamentaux qui touchent à la liberté de l’individu, il est inadmissible de le faire par voie d’ordonnance. Il convient, au contraire, de légiférer avec prudence et précaution, en discutant avec tous les acteurs. Refuser ce débat parlementaire, c’est nier la démocratie représentative ! (Applaudissements sur divers bancs)

M. Richard Mallié – Monsieur le Président, je vous salue à mon tour, à l’occasion de votre dernière séance au perchoir.

Notre collègue a dit que, pour grandir le Parlement, il fallait se passer des ordonnances. Au nom de l’UMP, je tiens à dire que chacun a pu s’exprimer largement depuis ce matin et que, pour grandir le Parlement, il faudrait s’abstenir de répéter sans cesse les mêmes choses. Je serai donc très bref : nous voterons ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marie Le Guen – Nous avons essayé de convaincre nos collègues de la majorité de ne pas aller plus avant dans cet imbroglio constitutionnel et politique. Face à leur obstination, nous saisirons le Conseil constitutionnel de cette méthode ahurissante et sans précédent – que nous espérons ne jamais revoir.

Les partenaires sociaux, dont nous comprenons qu’ils souhaitent préserver le cadre dans lequel ils exercent, ne doivent pas travailler sous la contrainte que vous semblez vouloir leur imposer, Monsieur le ministre ; il s’agirait, dit-on, de parvenir à un accord avant que la CMP se réunisse, de façon à ce les textes que nous allons voter tout à l’heure ne soient pas retirés. J’espère que vous démentirez cette vision des choses et que ce travail ne se fera, en aucune façon, sous une contrainte de calendrier liée à l’évolution d’un autre texte.

Cette question a malheureusement occulté toutes les autres, notamment la reconnaissance de la profession des nutritionnistes, à laquelle nous sommes évidemment favorables. Désapprouvant les méthodes du Gouvernement, nous voterons contre l’ensemble du texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Président – Je suis saisi par le groupe UDF d’une demande de scrutin public sur l’ensemble du projet de loi.

À la majorité de 36 voix contre 22, sur 58 votants et 58 suffrages exprimés, l’ensemble du projet de loi est adopté.

M. le Ministre – Je remercie tous les orateurs. Nous n’avons pas, c’est vrai, suffisamment parlé du progrès remarquable que constituent les dispositions relatives à la reconnaissance du titre de diététicien. Dans un autre domaine, chacun a souligné qu’il ne fallait, en matière de santé mentale, faire aucun amalgame : M. Schreiner, qui n’est pas médecin, a donné à ce sujet un témoignage d’élu particulièrement intéressant.

Je tiens enfin à remercier M. Maurice Leroy, vice-président de votre Assemblée, et à lui dire combien j’ai apprécié, au fil des débats, de travailler sous son autorité.

M. le Président – Je vous remercie, Monsieur le ministre.

La séance, suspendue à 16 heures 50, est reprise à 17 heures 5.

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PRéVENTION DE LA DéLINQUANCE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance.

M. Jean-Pierre Blazy – Rappel au Règlement, au titre de l’article 58-1. Nous aurions aimé, à la reprise de nos débats, que le ministre d’État soit présent, même si nous ne mettons pas en doute la capacité de M. Estrosi à siéger au banc du Gouvernement. En ce moment même, M. Sarkozy s’exprime sur le sujet dont nous délibérons devant le congrès de maires. Nous demandons qu’il vienne devant le Parlement…

M. Claude Goasguen – Il est déjà venu !

M. Jean-Pierre Blazy – Il est vrai que nous n’en sommes plus à une bizarrerie près, notre Assemblée ayant été priée de se dessaisir ce matin d’une partie du texte, dont il semble bien que nous aurons tout de même à débattre… Puisque le ministre d’État préfère réserver ses explications aux maires, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Peut-être devrait-on retransmettre LCI dans l’hémicycle pour que la représentation nationale soit informée ?

La séance, suspendue à 17 heures 10, est reprise à 17 heures 20.

M. le Président – J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

avant l'Article premier

M. le Président – J’indique dès à présent que je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public sur l’amendement 376.

M. Jean-Pierre Blazy – Cet amendement est en effet essentiel pour nous. Contrairement à ce qu’a prétendu hier le ministre d’État – hélas aujourd’hui absent– , en répondant au président Ayrault, le démantèlement de la police de proximité a bel et bien été une erreur, comme les émeutes urbaines de l’automne dernier l’ont d’ailleurs démontré. L’opinion publique l’a bien compris et le Premier ministre lui-même appelle maintenant à créer une « police de tranquillité publique ».

En matière de sécurité comme de chômage, le Gouvernement manipule les chiffres pour faire croire que son bilan est bon. Nous avons demandé la création d’une commission d’enquête sur ses résultats en matière de lutte contre la délinquance.

Le taux moyen d’élucidation des affaires a certes augmenté, mais il existe de fortes disparités entre l’Île-de-France et la province, entre les régions elles-mêmes, et bien sûr en fonction des crimes et délits selon leur nature. Le taux d’élucidation des cambriolages reste très faible. L’amélioration dont vous vous prévalez résulte pour l’essentiel de l’augmentation des infractions pour lesquelles le constat vaut élucidation, comme celles relatives aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers ou à la consommation de stupéfiants. Mais les violences à l’encontre des personnes ont augmenté de 27 %, et cela continue.

Dans ma commune de la banlieue nord, un jeune mineur de 17 ans a récemment tiré dans le dos d’un autre mineur, aujourd’hui toujours hospitalisé, la balle n’ayant pu être extraite. L’auteur du tir a été interpellé, il faut s’en féliciter, mais l’important serait de prévenir de tels actes. À cet égard, le démantèlement de la police de proximité a été une grave erreur. Nous ne cessons dans le Val d’Oise, comme dans bien d’autres départements, de réclamer davantage d’effectifs pour cette police qui joue un véritable rôle de dissuasion.

Mme Nadine Morano et M. Claude Goasguen – Mais non !

M. Jean-Pierre Blazy – Peut-être la police de proximité avait-elle été généralisée trop rapidement mais sa doctrine d’emploi demeure parfaitement valide et ses objectifs pertinents. Si les effectifs étaient vraiment répartis en fonction de la réalité de la délinquance et de la criminalité sur le terrain, les résultats ne se feraient pas attendre.

Alors qu’en cinq ans, 6 200 fonctionnaires de police de plus ont été recrutés, nous dit-on, on en est réduit à envoyer dans les quartiers des compagnies de CRS ! C’est que les nouvelles recrues n’ont pas toutes été affectées dans la police de sécurité publique, tant s’en faut. Il a fallu compter avec les nouveaux services créés par le ministre, comme la police ferroviaire. Mais chacun sait que les CRS ne peuvent pas assurer une police de proximité.

Il faut donc rompre avec cette logique et affecter durablement la police nationale à la protection de nos concitoyens. Pour que l’État ne se dérobe pas, nous proposons par notre amendement que ses moyens fassent l’objet d’un contrat avec les communes et que des engagements soient pris pour les territoires prioritaires. Les maires ne peuvent pas être les pivots de la politique de prévention de la délinquance et de sécurité publique sans engagements fermes, clairs et chiffrés de l’État, en matière de police, de gendarmerie et de justice.

M. le Président – Je rappelle que le Règlement prévoit que s’expriment sur chaque amendement, après le rapporteur et le ministre, un orateur pour et un orateur contre. Lorsqu’il s’agit d’un débat important comme sur cet amendement, je veux bien faire preuve de souplesse dans l’application du Règlement, mais dans certaines limites tout de même.

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois – La commission n’a pas examiné cet amendement, auquel je suis personnellement défavorable. Tout d’abord, on a l’impression qu’il réinvente les contrats locaux de sécurité et leurs héritiers, les contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Il serait plus simple pour nos collègues de voter tout à l’heure l’article premier qui leur donnera satisfaction de ce point de vue.

Par ailleurs, cet amendement prévoit d’affecter des effectifs de police ou de gendarmerie par commune (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste). Permettez-moi de vous relire le second alinéa : « Cette convention détermine les effectifs de sécurité publique ou des brigades territoriales ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont affectés à ces communes. » D’une part, la dimension intercommunale est totalement ignorée ; d’autre part, les effectifs se trouveraient figés par commune, ce qui aboutirait à terme à une sorte de municipalisation des forces de police et de gendarmerie (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Enfin, une telle disposition serait bien sûr contre-productive car la flexibilité est indispensable dans l’utilisation des forces de sécurité.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire – Je suis d’accord avec M. le rapporteur et je m’étonne de votre point de vue, Monsieur Blazy, vous qui vous êtes toujours opposé à la municipalisation de la police. Le caractère national des forces de l’ordre implique précisément leur mobilité en fonction des situations. Une négociation est en cours dans le cadre des CLSPD entre le maire, le préfet et les autorités chargées de la sécurité intérieure. Ce texte tend à renforcer ces possibilités de discussion afin d’adapter les effectifs au mieux. J’ajoute que la police judiciaire, notamment, peut désormais intervenir au-delà des limites de ses circonscriptions. Nous sommes donc très attachés à cette mobilité et ne souhaitons pas rigidifier le système.

Enfin, comment prétendre vouloir affecter encore plus de policiers dans tel ou tel secteur alors que vous vous êtes opposé à la LOPSI, à la LSI et aux 6 500 postes de policiers et 7 500 postes de gendarmes qui seront créés au terme de cette législature ?

M. Manuel Valls – Cela n’est pas exact.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Ce sont des postes insuffisants et inadaptés.

M. le Ministre délégué – Avis défavorable, donc.

M. Christophe Caresche – Ce projet évoque fort peu l’essentiel, qui est la stratégie du ministère de l’intérieur à l’endroit des élus. Deux aspects fondamentaux ont été négligés pendant ces dernières années : la police de proximité et les contrats locaux de sécurité. Quel recul ! Le Sénat vous a interpellé d’ailleurs quant à l’abandon de la police de proximité, de même que M. le Premier ministre qui a affirmé vouloir revenir à une police de tranquillité publique. En outre, un décret ou une circulaire serait en cours d’élaboration, s’agissant des contrats locaux de sécurité. Le Gouvernement serait bien inspiré de nous en donner les éléments.

M. Pierre Cardo – Je suis surpris d’entendre mes collègues socialistes considérer la police comme un élément essentiel de la prévention.

M. Christophe Caresche – C’est une de ses missions.

M. Pierre Cardo – La police de proximité, c’est un peu l’Arlésienne. Notre discussion me rappelle les débats de 1991, lorsque nous nous interrogions sur l’origine des émeutes. Je note d’ailleurs que la première réponse du Gouvernement socialiste, à l’époque, avait été les CRS. Drôle de police de proximité ! Nous avions alors constaté, par ailleurs, que l’on comptait à Paris quatre fois plus de policiers par habitant que dans la grande couronne. Cela n’a guère changé, même si nous avons renforcé les effectifs autour de la capitale.

Je n’ai pas voulu quant à moi signer les contrats locaux de sécurité car on demandait aux maires beaucoup d’engagements quand l’État n’en prenait aucun. Et vous voudriez que le Gouvernement fasse aujourd’hui ce que vous n’avez jamais voulu faire ! Je suis perplexe !

M. Noël Mamère – Je soutiens l’amendement, comme parlementaire, mais également comme maire. La police de proximité joue un rôle de prévention non négligeable. Tant que je serai maire, il n’y aura pas dans ma commune de police municipale car j’estime que l’ordre public et la prévention relèvent de l’État. Je note d’ailleurs que depuis 2002, les effectifs de police ont diminué à Bègles.

M. le rapporteur a utilisé un argument spécieux en prétendant que nous voudrions « localiser » la police, alors qu’il sait fort bien que les effectifs sont déterminés dans les communes à partir des circonscriptions de police.

Si aujourd’hui certains quartiers sont abandonnés par la République, les forces de sécurité, elles, ne les abandonnent pas, au contraire : ils sont même quadrillés avec un seul objectif : réprimer. Des jeunes sont ainsi contrôlés quatre ou cinq fois par jour ; faute d’aucun autre service public, la police est la seule institution de l’État qu’ils connaissent. Mais la police, hélas, n’a pas été formée à la prévention.

M. Pierre Cardo – Il y a d’autres acteurs pour cela.

Mme Nadine Morano – Ce n’est pas son rôle.

M. Noël Mamère – En prétendant que la seule prévention, c’est la sanction, on se livre à une vaste arnaque.

M. Pierre Cardo – Mais c’est vous qui parlez sans cesse de la police !

M. Noël Mamère – Les contrats locaux de sécurité fonctionnent bien dans certaines communes. Vous voulez les remettre en cause alors qu’ils contribuent à la prévention.

Mme Nadine Morano – N’importe quoi !

M. Noël Mamère – Oui, une police de proximité est nécessaire et il faut renforcer la formation des forces de l’ordre. Je ne suis pas nostalgique : la police de proximité a permis d’éviter bien des drames.

Mme Nadine Morano – Mais non !

M. Noël Mamère – Son grand défaut : l’absence de formation des adjoints de sécurité, je le reconnais.

Enfin, selon Le Monde de cet après-midi, 6,9 millions de Français vivent avec moins de 800 euros mensuels alors que le seuil de pauvreté monétaire est de 788 euros. Et l’on nous vend de façon démagogique et populiste un projet censé améliorer la prévention ! Mais la véritable insécurité, c’est l’insécurité sociale ! En 1991, 6 % de salariés vivaient avec moins que le SMIC ; ils sont aujourd’hui 17 %.

Mme Nadine Morano – Arrêtez donc !

M. Noël Mamère – Environ 2,7 millions d’enfants vivent dans des familles qui sont au-dessous du seuil de pauvreté.

M. Jacques-Alain Bénisti – Vous êtes hors sujet !

M. Noël Mamère – La priorité des priorités, c’est de lutter pour améliorer leurs conditions de vie.

M. Michel Vaxès – Le groupe communiste et républicain soutient cet amendement : c’est dans cette direction qu’il faut chercher les réponses aux questions qui se posent en matière de prévention. Nos communes se ressemblent, Monsieur Cardo. Il n’est pas acceptable que le sens de cet amendement soit dénaturé : discutons sur le fond !

En quoi la police présente auprès de la population est-elle importante ? Le premier acte est celui qui rapproche la police de la nation, et cela ne peut se faire à distance. Voilà trente-cinq ans que je suis élu local, et j’ai été maire pendant quinze ans. Que s’est-il passé depuis 1995 ? Il nous a d’abord fallu trois ou quatre ans pour réconcilier la population avec sa police. Le préfet de police est venu en personne discuter avec les habitants et entendre ce qu’ils avaient à lui dire. Nous avons alors pu commencer à travailler sérieusement : entre 1995 et 2001, la délinquance a diminué de 16 % dans ma commune. Ces dernières années, la tendance s’est inversée. Le délitement du lien entre la police nationale et la population est de nature à envenimer la situation.

M. Pierre Cardo – Bien sûr.

M. Michel Vaxès – Il ne faut pas opposer l’intervention, qui peut être nécessaire pour ramener certains groupes de jeunes à la raison, et la police présente dans les quartiers, qui rassure la population et entretient le dialogue avec elle.

Les dispositions que vous proposez ne pourront être que contre-productives. Vous êtes en train d’allumer une bombe qui explosera au cœur de la République. L’histoire tranchera. Vous lancez des défis aux jeunes, en particulier à ceux qui vivent dans des quartiers en difficulté : ils finiront par les relever ! M. Goasguen observait en commission qu’entre 2001 et 2006, nous étions passés d’une forme de délinquance dispersée et anarchique – qu’il était encore possible de contrôler –…

M. Claude Goasguen – Cela, vous l’avez rajouté !

M. Michel Vaxès – …à une forme organisée et structurée. Cela n’a rien d’étonnant : la situation sociale s’est aggravée. Les orientations que vous prenez en matière de prévention ne régleront rien. Pire, elles se retourneront contre l’intérêt de la nation. Votre texte sera contre-productif, j’en ai la conviction – j’aimerais me tromper…

Il est médiocre et inconvenant de se servir des drames bien réels qui se produisent ici ou là pour justifier votre projet de loi. Peut-être y en a-t-il davantage que dans la période précédente. Mais pensez-vous que c’est en durcissant la répression…

M. Claude Goasguen – On ne durcit pas la répression !

M. Michel Vaxès – …et en multipliant les interventions que l’on fera reculer la délinquance ? Bien sûr que non ! C’est le contraire qui se produira.

Mme Nadine Morano – On verra !

M. Michel Vaxès – Je suis donc de ceux qui plaident pour le rétablissement des dispositifs qui permettent de rapprocher la police de la population.

M. Jean-Christophe Lagarde – Lors de la discussion de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et de la loi pour la sécurité intérieure, l’UDF avait plaidé pour que la police nationale en tenue puisse passer sous l’autorité du maire. Vous y étiez opposé, Monsieur Blazy. Depuis, vous avez fait du chemin (M. Blazy proteste). Vous demandez désormais que le maire ait plus de capacité d’intervention : il n’y a pas de honte à évoluer en démocratie ! M. Ayrault ne disait-il pas hier à la tribune que, sur ces sujets, opposition et majorité élaborent les textes ensemble ? Le Gouvernement n’a pas encore fait ce chemin, même si le texte va dans le sens d’une plus grande responsabilisation et d’une extension des capacités d’action des maires. Je m’en réjouis. Les maires sont tenus pour responsables de ce qui se passe dans leurs communes : autant qu’ils y soient pour quelque chose ! Vous ne vous étonnerez donc pas que le groupe UDF soutienne cet amendement.

Vous avez parlé des négociations du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, Monsieur le ministre. Mais celles-ci ne portent que sur les actions que nous entendons mener avec les différents partenaires que sont la SNCF, la RATP ou l’éducation nationale, jamais sur la police – sauf lorsqu’il s’agit de payer les vélos ou les chaussettes ou de prendre en charge les cartes d’identité, cher Pierre Cardo qui avez refusé de signer pour ces raisons ! Il serait légitime que l’État nous assure en retour une présence régulière et stable de la police nationale. On peut discuter de la rédaction, Monsieur le président de la commission. Mais il serait bon qu’il y ait une contractualisation entre les maires et l’État sur l’intervention des forces de police. Dans la perspective de l’élection présidentielle, le débat risque de se focaliser sur la police de proximité. Dès que le ministre de l’intérieur prend position, l’autre côté s’empresse de dire le contraire ! J’ai été élu maire au moment de la création de la police de proximité. Il n’est pas sûr, soit dit en passant, qu’elle ait été mise en place dans toutes les communes. Dans la mienne, elle a surtout consisté à envoyer arpenter quelques quartiers de la ville – pas nécessairement ceux qui en avaient le plus besoin – des policiers jusqu’à 18 heures…

Mme Nadine Morano – Tout à fait !

M. Jean-Christophe Lagarde – …pour qu’on « voie du bleu ». Chez moi, c’était inadapté. Cela convient peut-être à Clichy-sous-Bois, ville dense et ramassée. Dans ma ville – 120 kilomètres de rues, 65 000 habitants, six cités HLM – ce n’est pas possible. Ce n’est pas la police de proximité qui offrira une solution, mais la possibilité d’adapter l’emploi des forces à la ville. Si la police de proximité pouvait avoir une utilité, elle ne l’aurait d’ailleurs qu’à condition que les fonctionnaires de police connaissent les quartiers et leur population. Ce dont nous avons besoin, c’est de policiers qui passent plus de 18 ou 24 mois dans les commissariats ! J’ai une police municipale depuis cinq ans : il n’y a aucun incident, car ils connaissent les gens. Cela, c’est de la police ! Bref, de proximité ou non, la police doit être adaptée et fidélisée. C’est pourquoi le groupe UDF votera cet amendement. Cela n’aurait peut-être pas été le cas si les arbitrages territoriaux rendus à la suite du vote de la LOPSI et de la LSI avaient été plus favorables à la Seine-Saint-Denis et à ma ville.

En mars 2001, j’avais une police de proximité : entre 18 heures et 7 heures du matin, il n’y avait plus personne dans la rue. (M. Blazy s’exclame)

M. le Président – Il faut conclure.

M. Jean-Christophe Lagarde – M. Blazy considère peut-être l’intervention de la brigade anti-criminalité comme une police de proximité. Ce n’est pas mon cas. En 2003-2004, trois véhicules de police circulaient la nuit dans la ville. Depuis plusieurs mois, je n’en ai plus qu’un ! Pour mener une politique de proximité, j’aurais besoin de stabilité et de contractualisation : l’État doit s’engager.

M. Jacques-Alain Bénisti – Nous entrons dans le fond du débat. J’aimerais que le ton soit le même que celui que nous avons employé pendant trois ans au sein de la commission de prévention de la délinquance, où nous avons essayé de trouver des solutions à chaque problème. À l’évidence, et malheureusement, la police de proximité n’a pas fonctionné dans nos quartiers (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). La raison en est simple : elle n’avait pas assez de crédibilité vis-à-vis des jeunes pour pouvoir se transformer en assistance sociale. Et si les maires qui ont des quartiers sensibles n’en voulaient plus, c’est aussi parce que ses effectifs étaient pris sur la police nationale, celle qui est chargée d’élucider les affaires et de donner une réponse aux victimes.

M. Jean-Marie Le Guen – Vous êtes tout seul à penser cela !

M. Jacques-Alain Bénisti – On leur a retiré leurs affaires pour qu’ils puissent se promener et « mettre du bleu » dans les villes ! Il faut que M. Caresche sache qu’il y a un policier pour deux cents habitants à Paris, et un pour deux mille une fois franchi le boulevard périphérique !

M. Jean-Marie Le Guen – Mais nous sommes d’accord !

M. Jacques-Alain Bénisti – Non seulement les banlieues manquent de policiers, mais en plus, vous voudriez les envoyer se balader dans les zones pavillonnaires ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Claude Goasguen – Ils veulent plus de police à Paris !

M. le Président – Je vous rappelle que nous ne sommes pas au Conseil de Paris, mais à l'Assemblée nationale.

M. Jacques-Alain Bénisti – Si nous voulons plus d’effectifs, c’est pour que la police se consacre à élucider les faits délictueux qui surviennent tous les jours dans nos communes.

Enfin, il faut arrêter de dire que la pauvreté crée de la délinquance. Sauf peut-être à Bègles, qui est toujours à part, je peux vous assurer que les enfants de beaucoup de familles en grande difficulté, loin d’être des délinquants, vont jusqu’à bac + 5, cependant que les délinquants se trouvent quelquefois dans les quartiers aisés !

Plusieurs députés socialistes – Vous ne traitez pas de la délinquance financière !

M. Jacques-Alain Bénisti – Ne dites donc pas que la délinquance vient des familles en difficulté.

M. François Grosdidier – Cet amalgame est scandaleux !

M. le Président – Je vous vois tous très en forme, mais nous n’en sommes encore qu’aux amendements avant l’article premier et je vous prie de retrouver votre calme.

M. Patrick Delnatte – Et de respecter les temps de parole prévus par le Règlement.

M. le Président – Si la présidence ne vous convient pas, vous n’êtes pas obligé de rester en séance. J’ai expliqué qu’il s’agissait d’un débat extrêmement important. Chaque groupe doit pouvoir s’exprimer.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Cet amendement vise tout simplement à ce que les maires des communes qui comprennent des ZUS conviennent avec le représentant de l’État des modalités selon lesquelles la police intervient. Rien d’autre.

Sur les ZUS, il existe un rapport de l’Observatoire national des ZUS, en désaccord avec les propos de M. Borloo qui se félicitait, il y a deux semaines, de la reconquête de ces territoires, et un rapport du Sénat, déposé il y a quelques jours et qui fait état d’évolutions bien différentes de celles que décrit le Gouvernement. Or je pense qu’on peut se fier à ces documents : l’Observatoire est politiquement neutre et le rapport du Sénat est issu d’un travail collégial. D’autre part, puisque vous nous accusez de vouloir confier au maire une autorité de police d’intervention, je rappellerai qu’en 2001, une proposition de loi, présentée par l’opposition d’alors, visait à la création d’une police territoriale de proximité et au renforcement du pouvoir de police des maires et que son premier signataire était M. Estrosi !

M. Manuel Valls – Il voulait démanteler le pouvoir de police de l’État, à cette époque…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – À ce moment là, notre ministre se posait donc bien la question. Je ne veux toutefois en aucun cas laisser entendre que nous voulons assumer le pouvoir de police de l’État. La République, c’est une police nationale, sous l’autorité du Gouvernement et sous le contrôle des juridictions.

M. François Grosdidier – C’est Pétain qui a étatisé la police urbaine, cela n’a rien à voir avec la République !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Lorsque l’État est venu demander aux villes de s’occuper des passeports, il a signé des conventions pour leur donner plus de policiers en contrepartie. Lorsque, il y a un an et demi, il nous a dit qu’il ne serait plus présent aux sorties d’école, il a fait de même. Mais nous n’avons rien vu venir. La technique de l’accord, entre le maire et l’État, sur les modalités des interventions de la police est donc totalement irréaliste. La plupart du temps, lorsque l’État passe des conventions avec les villes, c’est pour très vite ne plus remplir ses engagements et que les villes se substituent à lui.

Pourquoi l’amendement est-il centré sur les ZUS ? Parce que, pour l’ensemble des 28 catégories d’infractions sélectionnées, on y a constaté une moyenne de 69 faits pour mille habitants en 2005, sensiblement supérieure à celle du reste des circonscriptions. Selon l’Observatoire, il y a une progression des agressions et violences aux personnes – y compris des violences faites aux femmes. Tout le monde, législateur, maires et État, doit combattre cette situation. Nos collègues sénateurs, pour leur part, disent que la diminution des moyens consacrés à l’action sociale et les nouvelles méthodes d’intervention ont éloigné la police de la population et qu’un rééquilibrage paraît indispensable, de même qu’une relance des partenariats avec tous les acteurs de la prévention. C’est donc exactement le même constat que l’Observatoire. Plus loin, les sénateurs…

Plusieurs députés UMP – On n’est pas au Sénat !

M. Manuel Valls – Il vous gêne, ce rapport !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – …demandent le rétablissement de la police de proximité, qui doit être organisée de façon négociée et dans le cadre des compétences du maire.

Cet amendement est donc très exactement dans la ligne de ces deux rapports. Les interventions qui ont lieu dans les quartiers ne sont que des opérations d’affichage, qui n’ont pour effet, comme l’a dit très justement Marylise Lebranchu hier, que de pousser la population à répondre au défi par le défi.

M. Yves Bur – Ce sont les voyous qui lancent le défi, pas les populations !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Le maire peut aider l’État, grâce à sa connaissance du terrain, à définir ses modalités d’intervention. C’est l’objet de cet amendement, qui sert aussi les objectifs de proximité qui figuraient dans le rapport d’orientation sur la police et la sécurité publique.

M. le Ministre délégué – À mon tour, Monsieur le président, je voudrais vous rendre hommage pour la manière remarquable avec laquelle vous avez présidé nos séances au cours de ces deux dernières années. Mais je ne doute pas un instant que vous trouviez en Jean-Christophe Lagarde un digne successeur (Applaudissements).

Pour ma part, je me réjouis que tous les points de vue puissent s’exprimer le plus largement possible sur un sujet si sérieux. C’est aussi le souhait du ministre d’État. On ne peut, sur ces questions, défendre des positions idéologiques : chacun réagit avec son expérience et son approche personnelles. Je sais, par exemple, que la commune de M. Valls a obtenu d’excellents résultats en matière de baisse de la délinquance et qu’il n’hésite pas à demander au ministre de l’intérieur de mettre des CRS à sa disposition. D’autres maires socialistes ne souhaitent pas, eux, en voir sur leur territoire. M. Valls mène, parallèlement à l’intervention de la police, une politique de la ville qui donne de réels résultats. Cela démontre bien que ce n’est pas une affaire de dogme.

Je regrette simplement que, d’entrée de jeu, alors que vous reprochez à ce texte d’être répressif et alors que son article premier consacre les responsabilités du maire en matière de prévention – et non de police –, vous ayez voulu déposer des amendements relatifs à l’organisation et à l’intervention de la police. C’est vous qui dénaturez l’esprit de ce projet consacré à la prévention.

Le groupe socialiste entend donc renforcer la position de la police, tandis qu’en mettant l’accent sur la seule prévention, nous voulons, nous, éviter que la police n’ait à intervenir, de manière répressive, davantage qu’aujourd’hui.

Les interventions de MM. Vaxès et Mamère sont très intéressantes, car elles démontrent l’importance du rôle de prévention des maires. Monsieur Vaxès, pendant les trente années que vous avez été élu local, vous nous avez dit avoir parfois fait face à des situations d’incompréhension entre la police, les associations, les populations. Vous vous êtes donc efforcé de jouer un rôle de médiateur, réussissant ainsi, par votre volontarisme et le dialogue avec les différents intervenants, à concilier les uns et les autres. Mais, précisément, c’est le fruit de votre volonté et tout aurait pu se passer autrement car, aujourd’hui, la loi ne vous reconnaît pas ce rôle. Monsieur Mamère, votre expérience est sensiblement la même. La loi a consacré une responsabilité de police du maire. L’article premier de ce projet vise à y adjoindre une responsabilité dans la prévention, en vous instituant en interlocuteurs incontestables auprès des autres partenaires, autorités judiciaires, acteurs sociaux, forces de police, responsables de l’État. Cette double responsabilité, de police et de prévention, vous confortera, et confortera tous les maires, dans leur rôle de médiateur.

Il n’est donc pas judicieux de reculer la discussion de cet article premier. Vous devriez plutôt faire des propositions sur le rôle du maire dans la politique de prévention, plutôt que de chercher à donner une dimension policière supplémentaire à ce texte, ce qui n’est pas l’esprit, ni la démarche, du ministre de l’intérieur. Le défi à relever n’est-il de pouvoir régler par la prévention les problèmes que nous ne pouvons traiter aujourd’hui que de manière policière et judiciaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

À la majorité de 34 voix contre 22, sur 56 votants et 56 suffrages exprimés, l’amendement 376 n’est pas adopté.

M. Jean-Pierre Blazy – Rappel au Règlement. Monsieur le président, notre collègue Zanchi n’a pu s’exprimer sur l’amendement 376, que je présentais avec les membres du groupe socialiste, alors qu’il était en droit de le faire et qu’il avait demandé à le faire. Je souhaiterais qu’il en soit tenu compte dans la suite de nos débats.

Monsieur le ministre, vous voudriez que nous ayons un débat constructif, mais vous caricaturez nos positions. Vous avez même dit que le groupe socialiste n’avait pas voté les crédits de la LOPSI, alors que nous les avons votés. Toujours est-il que, pour un débat constructif sur des questions qui touchent à la doctrine d’emploi de la police nationale, la présence du ministre d’État s’imposerait. Elle manque cruellement. Mais sans doute est-il retardé par les embouteillages entre la porte de Versailles et l’Assemblée ! Pour lui laisser le temps d’arriver, je demande une suspension de séance.

M. le Président – Monsieur Blazy, si vous pouviez organiser la prise de parole au sein de votre groupe, cela faciliterait le travail de la présidence. Deux orateurs de l’UMP s’étant exprimés, j’ai laissé trois orateurs de votre groupe le faire, plus MM. Vaxès et Mamère. J’ai donc outrepassé ce qu’autorise le Règlement. Si je n’ai pas donné la parole à M. Zanchi, c’est qu’étant l’auteur de l’amendement 593, qui doit bientôt venir en discussion, il aura l’occasion de s’exprimer. Si vous avez des propositions pour améliorer encore l’organisation de nos débats, elles sont naturellement les bienvenues.

M. Noël Mamère – Monsieur le président, je salue à mon tour la qualité de votre présidence. Vu la manière dont le ministre d’État a associé son nom à cette loi, il aurait été conforme aux règles de la République qu’il soit présent à ce débat, autrement que par le bref passage dont il nous a gratifié hier soir, quelques minutes avant le journal de 20 heures.

Monsieur le ministre délégué, nous ne nous laisserons pas prendre à votre piège. Nous ne souhaitons nullement de pouvoirs de police supplémentaires pour le maire. Vous prétendez que ce projet est consacré à la prévention, mais c’est là tromper les Français. Loin d’être un texte de prévention, cette loi ne vise en fait qu’à deux choses : à surveiller et à punir ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) C’est une loi de sanction. Pis, elle institue une société de méfiance…

Mme Nadine Morano – C’est le contraire !

M. Noël Mamère – …alors que la prévention ne peut reposer que sur la confiance entre tous les partenaires.

M. François Grosdidier – La confiance, c’est le 21 avril 2002 !

M. Noël Mamère – En voulant faire jouer au maire le rôle de shérif, d’« indic », de substitut du procureur – on pourrait trouver bien d’autres noms…

M. François Grosdidier – Caricature !

Mme Nadine Morano – Ce sont les maires de gauche qui disent cela !

M. Noël Mamère – Chers collègues, le simplisme, dont vous êtes les ardents défenseurs, conduit toujours au populisme !

Nous refuserons de nous laisser imposer des pouvoirs qui ne sont pas les nôtres. Le rôle du maire est d’être un médiateur. Votre texte lui interdirait de le jouer, en l’obligeant à s’occuper choses qui ne sont pas de sa responsabilité.

M. François Grosdidier – Il faut le lire le projet, non le fantasmer !

M. le Ministre délégué – Certains d’entre vous sont membres de l’Association des maires Ville et banlieue de France. Je vous lis le communiqué que vous avez signé : « Ville et banlieue est favorable à ce que le maire anime et coordonne la prévention de la délinquance sur le territoire de sa commune… »

M. Pierre Cardo – C’est l’article premier du projet de loi !

M. le Ministre délégué – « …Garant de l’intérêt général sur son territoire, le maire est bien placé pour rappeler aux contrevenants en quoi leurs attitudes ou leurs gestes portent atteinte à l’intérêt général. Il est également bien placé pour veiller à ce qu’une réponse effective soit apportée aux faits de délinquance par les différentes institutions compétentes. À ce titre, le maire est capable d’organiser et de faire vivre sur le terrain le travail en réseau des institutions, en rappelant à chacun sa responsabilité dans l’action collective de prévention ».

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Le communiqué ne s’arrête pas là !

M. le Ministre délégué – Je remercie les maires membres de cette association pour l’approbation qu’ils donnent ainsi à ce projet ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Car ce texte répond à leurs demandes. Le mieux serait donc que vous en veniez, vite, à l’examen de son article premier.

M. le Président – Madame Adam, vous avez la parole pour défendre l’amendement 589.

M. Jean-Pierre Blazy – Puis-je vous rappeler, Monsieur le président, que j’avais demandé une suspension de séance avant que le ministre n’intervienne ?

M. le Président – Le débat doit avancer. Êtes-vous certain de vouloir la maintenir ?

M. Jean-Pierre Blazy – Le ministre a une attitude très négative. Ne vient-il pas d’instrumentaliser, sans hésiter à le tronquer, le communiqué de Ville et banlieue de France, pour faire croire que le projet répondrait à la demande des maires membres de l’association ? Décidément, nous n’avons sans doute pas le bon ministre comme interlocuteur (Protestations sur les bancs du groupe UMP). La présence du ministre d’État serait nécessaire. Je maintiens donc ma demande de suspension de séance.

La séance, suspendue à 18 heures 35, est reprise à 18 heures 40.

Mme Patricia Adam – L’examen de l’amendement 589 donnera l’occasion du débat constructif que le ministre de l’intérieur a appelé de ses vœux. Nous traitons depuis deux jours de politique de prévention de la délinquance sans savoir de quoi nous parlons. Nous en proposons donc une définition qui dit la nécessité de privilégier une approche graduée et coordonnée, respectant tous les maillons de la chaîne : prévention primaire, prévention secondaire, enfin réponse pénale.

M. le Rapporteur – C’est incantatoire.

Mme Patricia Adam – Cette définition devrait faire l’unanimité, car elle convient à tous.

M. Jean-Pierre Blazy – L’amendement 590 est défendu.

M. Lilian Zanchi – L’amendement 593 l’est également.

M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné ces amendements identiques. À titre personnel, je ne puis être contre l’idée que la politique de prévention de la délinquance doive être « élaborée en tenant compte des causes profondes de la délinquance », même si cela tient de la lapalissade. Cependant, je crois comprendre que l’objectif est de dresser un catalogue des différentes formes de prévention, et vous ne pouvez ignorer que de telles assertions sont dépourvues de tout caractère normatif et que le Conseil constitutionnel les écarte systématiquement, pour ce motif. J’invite par conséquent notre assemblée à repousser ces amendements.

M. le Ministre délégué – Madame Adam, je souscris pleinement aux objectifs que vous fixez à la politique de prévention, tels que les retrace cet amendement. Au reste, cela va bien au-delà de ce que vous évoquez, puisqu’il faudrait citer aussi les intervenants transversaux…

M. Claude Goasguen – Ces amendements, c’est du baratin ! C’est un tract !

M. le Ministre délégué – Madame Adam, je vous invite à retirer cet amendement, car je ne veux pas donner l’impression que je le rejette alors que, dans le fond, nous ne sommes pas très éloignés. Comme l’a rappelé le président Houillon, il ne peut simplement pas trouver sa place dans ce texte.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’argument, Monsieur le président Houillon, du caractère normatif de telle ou telle proposition est à géométrie variable, et j’ai pour ma part le sentiment, que, depuis quatre ans – et singulièrement pour ce qui concerne les trois textes relatifs à la sécurité intérieure –, votre majorité a plus volontiers versé dans la déclaration d’intention que dans l’édiction de normes d’application directe.

Par ce projet, vous proposez, pour la première fois, d’inscrire dans la loi que le maire coordonne les actions de prévention sur le territoire de sa commune. Une telle formulation est inédite, et commande une définition précise de la notion de prévention. Dans la mesure où sont en jeu les compétences et les responsabilités de chacun, il faut, au préalable, préciser les enjeux, de sorte que la confrontation ne se transforme pas en contradiction.

Si le Gouvernement acceptait que l’on pose une définition précise de la prévention – quitte à l’enrichir, si elle vous semble, Monsieur Estrosi, incomplète –, nous ne pourrions plus le soupçonner d’arrière-pensées. Compte tenu de l’intitulé de votre projet, il est impératif de préciser ce que vous entendez par « prévention de la délinquance ».

M. Jacques-Alain Bénisti – Je voudrais d’abord dire à M. Le Bouillonnec qu’il n’a pas à prendre un ton professoral car nous ne sommes pas ses élèves…

M. Michel Vaxès – Appliquez-vous ce reproche à vous-même !

M. Jacques-Alain Bénisti – En tant que maires, nous traitons chaque jour des problèmes de délinquance et nous n’avons guère besoin que l’on nous explique en quoi consiste la prévention ! Les acteurs de terrain ont appelé notre attention sur la nécessité de ne pas confondre la protection infantile et la prévention juvénile. Comme vient de le dire le ministre, il y a, dans ces amendements, des éléments de définition pertinents. Mais, à l’évidence, certains seront à revoir dans le cadre du futur projet de loi sur la protection de l’enfance.

Merci, en tout cas, chers collègues de l’opposition, pour cette leçon sur la prévention. (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mais nous sommes des élus responsables, et nous n’avons pas besoin que vous nous dictiez ce que nous avons à faire en matière de prévention, puisque nous le faisons déjà !

M. Noël Mamère – Les députés Verts soutiennent l’amendement de Mme Adam. Lorsqu’il était parmi nous, le ministre d’État a expliqué en long et en large qu’il était très difficile de définir la prévention. Pourtant, cela ne l’empêche pas d’intituler son projet de loi : « prévention de la délinquance ». Au reste, le texte qui nous est soumis est exclusivement répressif, et il ne faut donc pas espérer trouver un peu de cohérence dans tout cela ! Il ne s’agit pas, par cet amendement, de dresser un inventaire à la Prévert des différentes formes de prévention, mais de tracer très clairement le périmètre de l’action préventive, sans exclure personne. S’agissant, par exemple, des cellules de veille éducative, tous les maires ici présents savent qu’elles peuvent, lorsqu’elles travaillent dans un climat de confiance, jouer un rôle important.

Puisque M. Bénisti nous indique qu’il est aussi maire, je voudrais lui rappeler au passage que tout ce qui concerne la protection de l’enfance relève du conseil général.

En réalité, il semble tout à fait essentiel de mieux préciser les choses, afin de rendre le texte plus complet et plus direct que vous ne l’avez prévu. Votre objectif, même si vous ne le dites pas clairement, c’est de travestir la fonction de maire en le transformant en supplétif des forces de l’ordre et de la justice, en l’invitant à s’immiscer dans la vie des gens et à piétiner la confidentialité…

M. François Grosdidier – En tant que présidents des CCAS, les maires sont rompus au maniement de données confidentielles !

M. Jacques-Alain Bénisti – Bien sûr ! Nous sommes capables de garder un secret !

M. Noël Mamère – Une fois de plus, le ministre-candidat vient braconner sur les terres de l’extrême droite… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. François Grosdidier – Vous devez parler de Georges Frêche !

M. Noël Mamère – Mais la politique sécuritaire qu’il conduit depuis quatre ans est à la fois vaine, dangereuse et inefficace…

M. Jacques-Alain Bénisti – Mensonge !

M. Noël Mamère – Les violences contre les personnes augmentent, et, en réalité, la vraie violence, c’est la montée continue de la pauvreté…

M. François Grosdidier – Et le deal ? Et les agressions ?

M. Noël Mamère – Oui, l’insécurité qui frappe le pays est d’abord une insécurité sociale…

M. François Grosdidier – Quand allez-vous renoncer à l’angélisme ? N’avez-vous rien retenu des mésaventures de M. Jospin ?

M. Michel Vaxès – Je soutiens sans réserve l’excellent amendement de nos collègues, qui tend à définir de manière précise la politique de prévention de la délinquance. J’ai du mal à trouver cohérente la position du Gouvernement : en commission, puis avant-hier, en séance, le ministre de l’intérieur a dit et redit qu’il était difficile de définir le concept de prévention. Or voilà que la majorité refuse l’excellente définition qu’en propose cet amendement, après que le ministre délégué à l’aménagement du territoire eut dit qu’il approuvait les objectifs visés… M. Bénisti, lui, nous déclare qu’il n’a pas besoin qu’on lui précise les choses. Faut-il comprendre qu’il maîtrise mieux le sujet que le ministre d’État ?

M. Jacques-Alain Bénisti – Je n’ai jamais dit cela.

M. Michel Vaxès – La vérité, c’est que tous les travailleurs de terrain qui agissent concrètement pour prévenir la délinquance condamnent ce texte…

M. François Grosdidier – C’est faux !

M. Jacques-Alain Bénisti – L’avez-vous simplement lu ?

M. Michel Vaxès – Non seulement je l’ai lu, mais j’ai même organisé un colloque sur la prévention de la délinquance, réunissant de très nombreux professionnels qui l’ont tous très sévèrement critiqué.

M. Jacques-Alain Bénisti – Vous parlez des syndicats de gauche ! Ce ne sont pas les professionnels !

M. Michel Vaxès – Votre projet de loi, en dépit de son intitulé, ne traite pas de la prévention de la délinquance. Cet amendement, que nous soutenons sans réserve, aurait permis qu’il en dise un mot !

M. Pierre Cardo – Le contenu de cet amendement ne soulève aucune objection : il aurait parfaitement sa place dans un cours à l’intention des travailleurs sociaux. Mais nous faisons ici œuvre législative, et non pédagogique.

Vous prétendez que tous les acteurs de la profession critiquent le projet de loi. Ce n’est pas vrai. Pour ma part, en tant que maire, je suis heureux qu’enfin, un texte insiste sur la mission de prévention, et pas seulement de répression, des maires (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Les contours de la politique de prévention sont très flous, et chacun peut les définir plus précisément en fonction de ses convictions, tant sont nombreux les éléments qui y concourent. Toute définition trop précise est nécessairement limitative. L’important ici est de savoir quel rôle on donne au maire. Beaucoup se reposent sur la police nationale pour assurer la prévention, d’autres considèrent que la police municipale peut suppléer la police nationale dans cette tâche. L’intérêt de ce texte est de faire expressément du maire le pivot de la politique de prévention.

M. Jean-Pierre Blazy – Personne ne souhaite ici donner de leçons à personne, Monsieur Bénisti, ni en recevoir de personne. Nous avons le devoir collectif de trouver des réponses à la délinquance et à la violence.

M. Jacques-Alain Bénisti – Tout à fait d’accord.

M. Jean-Pierre Blazy – Le ministre a jugé étrange que notre premier amendement venant en discussion soit consacré à la police de proximité…

M. le Ministre délégué – À la police.

M. Jean-Pierre Blazy – Il s’agissait en l’occurrence de la police de proximité, c’est-à-dire d’une doctrine d’emploi de la police.

Cet amendement-ci, que nous avions d’ailleurs déposé en premier et dont je ne sais pourquoi le service de la séance a fait qu’il soit examiné en deuxième, vise à définir la prévention de la délinquance car il faut bien commencer par là. On nous objecte que non seulement cette définition n’a pas de portée normative mais qu’elle conforterait la prétendue culture de l’excuse sociale de la gauche. Or, nous ne faisons qu’énoncer les axes de toute politique de prévention et n’évoquons que dans le dernier alinéa la nécessité, s’il faut être dur avec le crime, de l’être également avec ses causes. Notre définition de la prévention est d’ailleurs conforme à celle retenue par les conventions internationales, notamment celles des Nations Unies, et par les instances européennes. Reprocheriez-vous à celles-ci une culture de l’excuse nationale ? Cet amendement devrait faire consensus.

M. Pierre Cardo – Il ne le peut pas, car dans votre liste, nécessairement limitative, vous avez oublié par exemple la prévention spécialisée.

Les amendements identiques 589, 590 et 593, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Pierre Blazy – C’est vraiment dommage.

Mme Patricia Adam – En effet, car cet amendement, outre qu’il distinguait clairement ce qui relève de la prévention et ce qui relève d’un traitement pénal, donnait à l’ensemble des acteurs de la prévention – procureurs, juges, maires, présidents de conseils généraux, responsables d’associations, police, gendarmerie… – une définition précise de ce sur quoi ils ont à se coordonner et à passer contrat. J’ai entendu trop de critiques, parfaitement abusives, de l’excellent travail effectué par les juges des enfants. Ceux-ci souhaiteraient d’abord que la prévention soit assurée par ceux qui en ont la compétence et n’avoir, eux, à intervenir pour prononcer une sanction éducative que lorsque cette prévention a échoué. La définition de la prévention que nous donnions dans cet amendement aurait permis de clarifier la place et le rôle respectifs de chacun.

Notre amendement 594, que vous ne voterez sans doute pas…

M. Jacques-Alain Bénisti – Cela dépend !

Mme Patricia Adam – Surprenez-nous ! Cet amendement, disais-je, précise les compétences respectives de l’État et de chaque collectivité. Il rassurerait l’ensemble des acteurs – que votre texte inquiète –, leur permettant de travailler dans de bonnes conditions et de pouvoir s’entendre et s’écouter. Pour que la politique de prévention soit efficace, il faut que, dans tous les départements et toutes les communes, les présidents de conseils généraux et les maires parviennent à travailler ensemble de façon territorialisée, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui, et qu’ils coordonnent leurs interventions. Les dispositifs sont aujourd’hui si nombreux qu’on finit par ne plus rien y comprendre. J’avoue que j’ai par exemple du mal à distinguer le contrat de l’accompagnement de réussite éducative. Les incohérences sont nombreuses. Cet amendement, au moins, permettra de clarifier le rôle de chacun.

M. Jean-Pierre Blazy – Mon amendement 595 est identique. Il importe en effet de préciser l’architecture institutionnelle de la prévention de la délinquance. M. Cardo a raison s’agissant du conseil national des villes, qui a été fort peu consulté, et dont la prévention de la délinquance fait pourtant partie des missions – de même d’ailleurs que de celles des CUCS. La sécurité est une mission régalienne, comme le rappelait la loi sécurité quotidienne de 2001, et il en est de même s’agissant de la prévention de la délinquance. La politique doit en l’occurrence être interministérielle et contractualisée avec les maires sur des territoires prioritaires, mais il faut également compter avec cet autre acteur qu’est le président du conseil général. Il ne s’agit pas de se défausser sur le maire, seul « pivot » de la lutte contre la délinquance…

M. Jacques-Alain Bénisti – Mais non !

M. Jean-Pierre Blazy – …non plus que de confondre les compétences.

Enfin, nous n’avons jamais eu l’intention de municipaliser la police mais, au contraire, nous voulions définir par voie de convention la manière dont celle-ci peut accomplir ses missions.

M. Lilian Zanchi – Mon amendement 598 est identique. Il était en effet d’autant plus essentiel de définir la prévention que nombre de critiques ont été adressées à ce texte, en particulier s’agissant de la confusion entre prévention et répression. Nos amendements avant l’article premier visent précisément à lever ces ambiguïtés. Cette loi confuse mélange les compétences de l’État et des collectivités, mais également celles des collectivités entre elles. Les stratégies locales de prévention de la délinquance doivent d’ailleurs reposer sur des évaluations et des statistiques qui, trop souvent, sont interprétées de façon tendancieuse. M. le ministre ignore ainsi les enquêtes de victimation qui ont pourtant été lancées par l’INS et l’Observatoire national de la délinquance. Leurs résultats font parfois l’objet d’analyses sectorielles et non complémentaires entre, par exemple, les données de l’état 4001 et le taux des affaires poursuivables ou non, le taux de réponse pénale ou le taux d’effectivité des peines prononcées. Remédier à cela éviterait d’avoir à entendre des contrevérités sur le travail des parquets des mineurs alors que ceux-ci ont répondu à 82,1 % des affaires poursuivables.

M. Claude Goasguen – Ce n’est pas le sujet.

M. Lilian Zanchi – Le groupe socialiste a également proposé, dans un amendement qui n’a pas été retenu, la création d’un conseil national de politique pénale et de criminologie afin de déterminer les compétences respectives de chacun.

M. le Rapporteur – Ces amendements n’ont pas été examinés et s’ils sont certes intéressants, c’est uniquement dans le cadre de travaux préparatoires. J’y suis à titre personnel défavorable car ils sont d’une part partiellement satisfaits par le projet – puisque celui-ci définit le rôle du maire dans la prévention de la délinquance – et, d’autre part, parce qu’ils fonctionnent selon une logique binaire – à l’État la sécurité publique, au maire les missions de prévention de la délinquance –, alors que c’est plus complexe que cela. L’article 2211 du code général des collectivités territoriales dispose par exemple que le maire, par ses pouvoirs de police, concourt aux missions de sécurité publique.

M. le Ministre délégué – Ces amendements relevant d’un exposé des motifs concernant des dispositions incluses dans ce texte, on ne peut évidemment les adopter. Allons donc rapidement à l’essentiel ! Avis défavorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – C’est votre méthode qui, ces dernières semaines, a été contestée. Vous voulez définir dans la loi la manière dont le maire doit intervenir dans la prévention de la délinquance. Or, voilà plus de 25 ans que ceux qui veulent faire de la prévention en font ! Il n’y a pas eu besoin de loi !

Durant ces vingt-cinq années, tout le débat a été de savoir qui faisait quoi. Des maires n’ont pas voulu avancer parce qu’ils craignaient d’endosser en lieu et place de l’État la responsabilité de la sécurité publique. Nous reviendrons sur la contradiction entre votre texte et la loi Perben II, car il y a eu des débats sur le maire et le procureur. Il faudra aussi parler des compétences du préfet : votre loi introduit là encore une confrontation de compétences, et j’attends de savoir si elle nous dira qui arbitre entre les différents objectifs de prévention de la délinquance. Si je développe les centres socioculturels dans ma commune et que je considère que le soutien scolaire doit s’effectuer dans ce cadre, et non dans celui des établissements scolaires, et que le département et l’éducation nationale imposent de procéder autrement, que se passera-t-il ?

M. Jacques-Alain Bénisti – C’est le maire qui décidera !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Ce n’est certainement pas ce que dira le ministre ! Le problème de fond est que cela n’a pas été formalisé par la loi : la politique de prévention de la délinquance s’est construite avec la justice, la police, les services sociaux et les réseaux et la prévention spécialisée – compétence de l’État déléguée aux conseils généraux. Cela suppose des accords préalables sur les différents intervenants et le rôle de chacun d’eux.

M. Jacques-Alain Bénisti – C’est le texte !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Le problème de ce texte est qu’il ne définit pas, si bien qu’il demeure un doute sur vos intentions. Les maires ne vous ont pas dit autre chose lorsqu’ils vous ont dit qu’ils ne voulaient pas être des shérifs. Les intervenants sociaux nourrissent eux aussi une suspicion, et refusent que leurs compétences et le secret professionnel soient entamés. Ces critiques viennent de ce que vous n’avez pas apporté les précisions préalables qui permettraient d’ouvrir le débat sur les conditions de mise en œuvre de la politique de prévention et sur les responsabilités des différents acteurs.

Le premier problème du maire, c’est en effet que chacun reste à sa place et respecte celle de l’autre. Il ne suffit pas de dire que le maire coordonnera la politique de prévention pour construire celle-ci : il faut reconnaître les responsabilités propres de chacun. En ne définissant ni la prévention de la délinquance, ni les conditions dans lesquelles le maire la mettra en œuvre dans sa commune, vous entretenez la suspicion des différents acteurs sur votre loi.

M. Jacques-Alain Bénisti – M. Zanchi et Mme Adam regrettent que l’on n’ait pas écouté les professionnels. On aurait aimé qu’ils soient à nos côtés lorsqu’a été créé, il y a trois ans, le groupe d’études sur la sécurité intérieure…

M. Lilian Zanchi – Je n’étais pas député, Monsieur.

M. Jacques-Alain Bénisti – …qui a été piloté par Christian Estrosi. Ses différentes commissions, notamment la commission prévention, ont associé des parlementaires de tous bords. M. Blazy a été l’un de ses membres les plus assidus. Nous avons entendu un certain nombre de professionnels. Il est vrai, Monsieur Vaxès, que nous n’avons pas accueilli les syndicalistes qui ne représentent qu’eux-mêmes – je parle des syndicalistes gauchistes. Nous avons préféré travailler avec les professionnels de terrain, comme Marcel Rufo, qui est une référence en matière de pédopsychiatrie. La définition de la prévention que vous proposez dans cet amendement est dans le rapport de cette commission ! Vous ne pouvez donc rien reprocher à Nicolas Sarkozy et à Christian Estrosi : le débat a eu lieu, 14 de nos 24 propositions sont reprises par le texte et quatre autres le seront par le projet de loi relatif à la protection de l‘enfance. Nous n’avons pas fait comme M. Vaxès, qui a organisé une réunion contre le rapport Bénisti avec de nombreux intervenants, sans même m’inviter ! C’est la démocratie telle qu’on la connaît chez les communistes…

M. Noël Mamère – Cher collègue Bénisti, vous voyez des gauchistes et des communistes partout. Il faut vous calmer : le mur de Berlin est tombé depuis longtemps, et il y a dans ce pays des hommes et des femmes qui croient sincèrement aux valeurs de la République.

Mon collègue Le Bouillonnec a défini de manière très claire la fonction du maire, et le rôle difficile qu’il assume en s’appuyant sur les deux piliers que sont le respect et la confiance. C’est en ce sens que le maire est à la fois un médiateur et un coordinateur des politiques territoriales, qui prend en général soin de respecter le territoire des autres. Vous supprimez cette fonction de médiateur et de coordinateur pour obliger le maire à aller sur le territoire des autres, à entrer dans l’intimité des familles en difficulté. Bref, il devient juge et partie. Vous l’exposez à des situations de conflit qu’il ne pourra pas assumer. Vous êtes en train de fragiliser la démocratie. Les maires sont les seuls élus qui conservent aujourd’hui le respect et la confiance des Français, pour leur travail de terrain et le rôle qu’ils remplissent au service de tous. Cet amendement précise leur rôle et reprend les propositions faites en 2004 par le Conseil national des villes, que vous vous êtes empressé d’oublier dans votre rapport, Monsieur Bénisti, qui charge un peu plus la barque du maire, mais sans lui donner de moyens. Ne fragilisons pas le dernier rempart de la démocratie !

Le ministre de l’intérieur fonctionne « en faisceaux » : il cloisonne les domaines. Mais lorsqu’on met bout à bout toutes ses propositions, on arrive à un résultat antidémocratique. On nous dit aujourd’hui que le maire devra être un substitut du procureur, un shérif, un délateur. Dans la loi sur l’immigration – la troisième proposée par le ministre –, on lui demandait déjà de désigner les « bons » et les « mauvais » immigrés. Avec la loi Perben II, la loi sur l’immigration et celle sur la prévention de la délinquance, nous sommes bien dans une logique de sanction, de répression et de surveillance.

Les amendements 594,595 et 598, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Ministre délégué – Si la commission des lois n’y voit pas d’obstacle, le Gouvernement souhaite que soit appelé en priorité, à la reprise, son amendement 293 après l’article 12, relatif au permis à points, afin que le ministre des transports puisse le présenter.

M. le Président – C’est de droit, mais nous achèverons auparavant l’examen des amendements qui ont été déposés avant l’article premier.

Puisque c’est la dernière séance que je préside, je voudrais remercier le ministre et l’ensemble de mes collègues pour leurs propos sympathiques, et leur dire le plaisir qui a été le mien à présider nos séances, même les plus difficiles. Je remercie également du fond du cœur l’ensemble des personnels de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur tous les bancs)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à 19 heures 45.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 1ère séance du mercredi 22 novembre 2006.

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- À la neuvième ligne, lire « 4 millions en 2002 ».

- Rétablir ainsi le dernier paragraphe :

« Dans la ville dont j’ai l’honneur d’être maire, la délinquance de voie publique, celle qui empoisonne le plus la vie de nos concitoyens, a régressé de plus de 50 % en cinq ans. Non que nous ayons versé dans le tout-sécuritaire, mais parce que nous avons engagé des actions de prévention : mise en place de « carrefours des parents », actions de prévention-médiation dans les quartiers, service de veille éducative… Et ce texte nous permettra de faire encore davantage »… (le reste sans changement).

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