Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2006-2007)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit

Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mardi 28 novembre 2006

Séance de 15 heures
32ème jour de séance, 69ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

Consulter le sommaire

La séance est ouverte à quinze heures.

Retour au haut de la page

souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le Président – Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de la Chambre des députés de la République du Chili, conduite par le président du groupe d’amitié M. Marco ENRIQUEZ-OMINAMI GUMUCIO. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent)

Retour au haut de la page

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

fusion gdf-suez

M. Daniel Paul – Je tiens tout d’abord à saluer les douaniers (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui manifestent contre le démantèlement de leurs services et les 600 suppressions de postes prévues en 2007, qui vont réduire les contrôles dans nos ports et aéroports.

Monsieur le Premier ministre, pour aboutir à la privatisation de GDF et à sa fusion avec Suez, vous n’aurez lésiné sur aucun moyen : nomination de M. Cirelli, ainsi passé de l’Élysée à Matignon, puis à la direction de GDF ; promesse bafouée que l’État ne privatiserait pas GDF ; campagne mensongère pour cacher l’opposition unanime des syndicats ; refus d’entendre les maires, inquiets du risque portant sur l’activité de distribution, comme l’opinion qui redoute une hausse des prix du gaz ; discussion en urgence, cet été, d’un texte controversé jusque dans vos rangs ; enfin, soumission aux exigences de la Commission européenne.

Le juge venant de vous rappeler au respect du droit, vous pouvez encore renoncer à votre texte. Votre obstination reviendrait à accepter que les actionnaires de Suez obtiennent, lors de leur assemblée générale, une prime de cinq milliards d’euros, outre le bonus fiscal de trois milliards.

Monsieur le Premier ministre, à la veille d’un débat électoral et citoyen dans le pays, vous pouvez encore préserver GDF des appétits privés comme le voulaient nos prédécesseurs, unanimes, en 1946.

Plusieurs députés UMP – La question !

M. Daniel Paul – Préférerez-vous céder aux pressions de ceux qui sacrifient la politique industrielle et notre service public gazier à leurs intérêts financiers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie  Nous avons eu l’occasion de débattre de ce projet important des heures durant. Si nous l’avons présenté au Parlement et s’il a été voté par la majorité, c’est qu’il était indispensable pour faire face à la situation internationale du secteur de l’énergie (Vives exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Il fallait donner à GDF les moyens de devenir une grande entreprise internationale, capable d’assurer la sécurité d’approvisionnement de notre pays. La majorité a suivi le Gouvernement en apportant toutes les améliorations qu’il fallait, pour soutenir les collectivités locales et donner des moyens supplémentaires aux entreprises grâce au régime transitoire dans le domaine de l’électricité. A contrario, la seule proposition de l’opposition aurait eu pour résultat de démanteler le parc nucléaire français ! (Dénégations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

Il appartient à présent à GDF de formuler des propositions pour un nouveau calendrier. Nous respectons, naturellement, la décision de la justice. Ceci n’enlève rien à l’importance et à l’utilité de ce projet pour notre économie et nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MORT D’UN « SUPPORTER »

M. Claude Goasguen – Nous avons vécu jeudi une journée noire pour le sport français, le football et l’image de la France à l’étranger.

Nous avons tous éprouvé de l’abattement et de l’indignation. De l’abattement, parce qu’à la sortie d’un match de football, c’est-à-dire après un moment de joie collective, un jeune de 25 ans est mort, un autre a été grièvement blessé, un policier a été obligé de couvrir un supporter en grand danger. L’indignation, également, d’entendre, en plein Paris, des cris racistes, de se trouver confronté à l’antisémitisme et à la xénophobie. C’est bien un jeudi noir pour le football français et pour le PSG.

Ces faits ont ému les Parisiens – et j’associe à ma question notre collègue Mme de Panafieu (« Ah ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Monsieur le ministre, comment empêcher qu’un tel spectacle se reproduise ?

Comment interdire l’accès aux stades pour empêcher que des gens se servent des manifestations sportives comme d’un exutoire à leur violence ? Je souhaite que les mesures soient exemplaires, car il y va de l’honneur du sport français et de l’image de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz – Le sport français coté en Bourse !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire Tout d’abord, je respecte la douleur de la famille de la victime. Quelles que soient les circonstances, on ne doit pas mourir à 25 ans à la sortie d’un match de football. Je salue en outre le courage du policier qui s’est porté au secours d’un jeune poursuivi (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Quatre décisions ont été prises, en accord avec les autorités du football professionnel et du Paris Saint-Germain. La plus importante consiste à ne plus mettre en vente de places dans la tribune Boulogne : mieux vaut des sièges vides que des sièges occupés par des spectateurs racistes, antisémites ou violents. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF) Seuls pourront donc y accéder ceux qui auront acheté leurs places par l’intermédiaire d’associations de supporters agréées, la responsabilité du club étant engagée. La tribune Boulogne sera donc partiellement vide. C’est la première fois qu’une telle mesure est prise dans notre pays.

Le préfet de police va d’autre part doubler les mesures d’interdiction administrative et judiciaire – il y en avait soixante et onze. Prenons garde cependant : il s’agit d’une nouveauté, et nous sommes ici sous le contrôle des juridictions administratives. Cette mesure est importante : il faut donc en faire une application ciblée si on veut éviter que les tribunaux ne l’annulent, car nous en avons besoin.

Les décrets d’application du texte que vous avez voté en juillet sur la dissolution des groupes de supporters seront effectifs au 1er décembre. Les associations de supporters qui ne se désolidariseront pas de mouvements racistes ou d’actions violentes seront donc immédiatement dissoutes.

Mme Maryse Joissains-Masini – Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire Dernière décision prise en accord avec M. Thiriez, dont je salue le courage et la compétence : les clubs qui ne se conformeront pas à ces obligations seront condamnés par la Ligue à faire jouer leurs matchs à huis clos. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP) Je crains que le football ne souffre aujourd’hui beaucoup de l’excès d’argent. La sanction est là. Nous voulons que le football reste un spectacle familial ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

élections professionnelles dans la police

M. Bruno Le Roux – Ma question s’adresse à M. Sarkozy. Une semaine après les élections professionnelles dans la police nationale, il convient d’en tirer quelques enseignements. Jamais, de mémoire de parlementaire comme de mémoire de syndicaliste, un ministre de l'intérieur ne s’était autant immiscé dans des élections professionnelles. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Vous avez essayé de politiser les résultats, classant les uns à droite, repoussant les autres à gauche, voyant dans les uns des soutiens et dans les autres des adversaires.

Monsieur le ministre, la police n'est ni de droite, ni de gauche : elle est républicaine, au service des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains)

C’est au moment où l’augmentation de la violence contre les personnes et les représentants des institutions démontre l'échec de votre politique que les 110 000 fonctionnaires de police, dont nous tenons à saluer le remarquable travail (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), se sont mobilisés à travers ces élections professionnelles. Les résultats sont clairs. Ils ont placé largement en tête, chez les gardiens de la paix, l’UNSA-police ; ils ont confirmé, chez les officiers, la première place du Syndicat national des officiers de police – SNOP –, affilié à l’UNSA ; ils ont vu émerger chez les commissaires un nouveau syndicat, le syndicat indépendant des commissaires de police, qui recueille près de 30 % de voix. Ce sont là des faits !

Au lieu du débat médiocre sur la politisation et de vos déclarations irrespectueuses pour les syndicats (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), interrogeons-nous plutôt sur les conséquences du démantèlement de la police de proximité, qui fragilise la relation entre la population et sa police, ou sur la signification du vote de ces jeunes commissaires nommés dans les quartiers les plus difficiles, là où les moyens manquent cruellement.

Par leur mobilisation ou les délégations dans les préfectures, les syndicats vous ont dit aussi que vous n'aviez pas respecté vos engagements, et notamment la loi de programmation. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe UMP) Que leur avez-vous répondu ? Qu’un ministre de l’intérieur qui ne respecte pas ses engagements en prend immédiatement de nouveaux : vous avez promis une loi de programmation aux syndicats ! Quand la parole n'est pas suivie d'actes, elle devient dangereuse. De ce point de vue, votre parole met souvent en danger ceux qui ont la charge de faire respecter la loi.

Les fonctionnaires de police ont exprimé un malaise général face à la politique que vous menez depuis quatre ans. La question est trop grave pour être – comme vous l’avez fait – politisée, réduite ou caricaturée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire Heureusement que vous ne vouliez pas exploiter les résultats des élections dans la police ! Les policiers de France font tous un travail remarquable, quelles que soient leurs opinions. Je les ai toujours soutenus depuis cinq ans – pas comme vous, qui après n’avoir rien fait pendant quatre ans (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), avez systématiquement refusé de voter les textes qui leur donnaient davantage de moyens ou de pouvoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Vous avez raison, Monsieur Le Roux : j’ai beaucoup d’amis et de soutiens, y compris dans les organisations de la police qu’on classe hâtivement à gauche. Mais puisque vous le demandez, que les choses soient claires !

L’UNSA-police serait, selon vous, proche du parti socialiste. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) En 2003, elle avait obtenu 48 % des suffrages ; cette année, elle en a eu 41 % ! Si c’est une victoire…

L’organisation des gardiens de la paix Alliance, que vous décrivez comme proche des idées de la droite républicaine, est passée de 33 à 37 % ! Tandis que l’organisation « de gauche » perd sept points, celle dite de droite en gagne quatre ! Le différentiel est de onze points ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) Si vous interprétez cela comme une condamnation de mon action, cela me laisse de la marge !

Chez les officiers de police, l’organisation classée – à tort – à gauche, le SNOP, a perdu trois points ; celle classée à droite, Synergie, en a gagné quatre. Ce n’est pas la première fois que je vous prends en flagrant délit d’incompétence, Monsieur Le Roux – car je ne veux pas croire que de votre part, il puisse s’agir de mensonge ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP, « Minable ! » sur les bancs du groupe socialiste)

garantie « catastrophes naturelles »

M. Philippe Folliot – Nos concitoyens sont particulièrement attachés à la solidarité par la mutualisation du risque. Depuis la loi du 13 juillet 1982, la garantie « catastrophes naturelles », a permis à de nombreuses victimes dans la détresse – particuliers, entreprises ou collectivités locales – d’obtenir une réparation avec un faible surcoût pour tous.

Or, la presse s'est faite récemment l'écho d'un projet visant à moduler ou supprimer ce système. Pourquoi changer ce qui marche ? Doit-on, au nom d'une libéralisation rampante, revenir sur ce principe ? L’UDF ne pense pas qu'il faille créer une nouvelle fracture territoriale ou sanctionner une seconde fois ceux qui ont eu la malchance d'habiter au mauvais endroit au mauvais moment. La fraternité, inscrite au fronton de nos édifices publics, doit s’exercer pleinement envers les malheureuses victimes des catastrophes naturelles.

Au nom de quoi un riverain de l’Agout, dans la région de Castres, un habitant d'une zone boisée dans le Sud-Est, une victime de la sécheresse ou de la tempête devrait-elle être pénalisée à nouveau par une surprime ?

La volonté des grandes compagnies d'assurance d’accroître leurs profits et de réduire leurs garanties doit trouver ses limites. Pouvez-vous nous rassurer sur le maintien d’un dispositif équitable et solidaire, et qui a fait ses preuves depuis un quart de siècle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie  Je souhaite rassurer nos concitoyens habitant des départements comme le Tarn, où il arrive que se produisent des catastrophes naturelles. Nous disposons d’un système d’assurance unique au monde, et si certains ajustements semblent nécessaires, il n’est pas question de revenir sur la péréquation nationale assurée par la caisse centrale de réassurance. Nous avons lancé quelques consultations pour rendre plus transparents les critères définissant l’état de catastrophe naturelle et raccourcir les délais d’indemnisation. Nous voulons également responsabiliser les acteurs en tenant compte des efforts de prévention pour calculer la surprime. En aucun cas l’État n’abandonnera le principe en vigueur ni la garantie illimitée qu’il accorde à la caisse de réassurance. Si ces consultations aboutissaient à une réforme, elle serait forcément soumise au Parlement et aurait pour objet de consolider le dispositif existant.

M. Jean-Marc Roubaud – Très bien.

Dialogue social

M. Bernard Perrut – Monsieur le ministre Larcher, vous aimez relever les défis. Le projet de loi de modernisation sociale est une étape décisive pour sortir de la logique de conflit trop présente en France au profit d’une culture de la négociation, du compromis et de la responsabilité, selon la volonté exprimée par le Président de la République. Cent ans après la création du ministère du travail, vous voulez placer l’obligation du dialogue social en tête de notre code du travail. Désormais il ne sera plus possible de le modifier sans que les partenaires sociaux aient pu négocier sur le contenu de la réforme, et aucun projet ne sera présenté au Parlement sans qu’ils aient été consultés. De plus, chaque année un rendez-vous d’information aura lieu devant la commission nationale de la négociation collective. Vous avez su rassembler l’État, les organisations patronales et les syndicats, qui apprécient cette évolution – l’un d’entre eux a même parlé de révolution. Comment envisagez-vous l’application de ce grand principe qui combine démocratie sociale et démocratie représentative dans le respect des prérogatives du Gouvernement et du Parlement ? Ne pensez-vous pas que la réussite du dialogue social repose avant tout sur la confiance et la responsabilité ? Nous sommes convaincus, comme vous l’avez bien dit, que ce texte a l’humilité des grandes ambitions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes Le projet que M. Borloo et moi-même présenterons doit changer la manière de prendre des décisions dans les relations du travail. Le Premier ministre a commandé en décembre dernier un rapport à la commission nationale de la négociation collective, et le Président de la République a posé les principes le 10 octobre : « Il ne sera plus possible de modifier le code du travail sans que les partenaires sociaux aient été mis en mesure de négocier le contenu de la réforme engagée et aucun projet de loi ne sera présenté au Parlement sans que les partenaires sociaux soient consultés sur le contenu ».

M. Patrick Roy – Le CNE est passé par là !

M. le Ministre délégué – Concertation, mais aussi information, puisque chaque année, le Premier ministre présentera aux partenaires sociaux ses projets et son calendrier, et ils informeront le Gouvernement sur leurs intentions de négocier.

Nous avons d’ailleurs élaboré le texte non à partir d’un avant-projet de loi mais, dans l’esprit de concertation que nous voulons promouvoir, à partir d’un document d’orientation, dans le cadre d’un pacte de confiance avec les partenaires sociaux. Demain, c’est ensemble que nous construirons un code du travail qui protégera les salariés et donnera aux entreprises les moyens d’être compétitives. Tel est l’esprit du dialogue social. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

création d’une cité de l’air et de l’espace

M. François Scellier – En raison de la situation économique et sociale de la plaine de France, l’État et les collectivités territoriales ont lancé un grand projet de développement. Le Gouvernement a créé en 2002 un établissement public d’aménagement et, pour la négociation du contrat de projet, donné au préfet de région mandat de traiter la plaine de France comme un territoire prioritaire au même titre que les opérations d’intérêt national.

Dans ce cadre, la création d'une cité de l'Air et de l'Espace de dimension internationale, s'appuyant sur le musée de l'Air du Bourget, et s'intégrant dans le renouvellement urbain de ce secteur, serait la preuve de l'ambition des pouvoirs publics pour ce territoire. Vitrine de l'aéronautique civile et militaire, outil de formation, vecteur de développement urbain et économique, mais aussi culturel et touristique, un tel projet présente un intérêt national et international, et concerne aussi plusieurs ministères.

Votre prédécesseur qui avait commandé le rapport Canchy–Le Mière s’était prononcé en sa faveur. Les collectivités territoriales concernées de Seine-Saint-Denis et du Val-d'Oise ont manifesté à plusieurs reprises leur soutien à ce grand projet. Comment le Gouvernement compte-t-il le lancer dans le cadre du contrat de projet 2007-2013 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer  Le musée de l’air et de l’espace peut jouer en effet un rôle dans le développement de la plaine de France. Il possède de riches collections, notamment d’avions de la première moitié du XXe siècle. Mais il doit évoluer si l’on veut en faire une vitrine de l’aéronautique et de l’espace.

Ni la France, ni l’Europe ne disposent à ce jour d’un musée comparable au musée de l’Air de Washington, qui attire des millions de visiteurs. Il y a là un moyen de développement territorial intéressant, en même temps que l’occasion de montrer ce que les technologies françaises et européennes sont capables de réaliser dans le domaine aéronautique et spatial. C’est pourquoi j’ai souhaité que le préfet de région intègre cet élément dans le contrat de projet, étant entendu, Monsieur le vice-président de l’établissement public d’aménagement de la plaine de France, qu’il ne s’agit pas seulement d’imaginer un musée moderne, mais aussi de faire du site du Bourget un pôle de développement industriel et de formation, le tout autour de l’aéronautique.

Au-delà de la négociation du contrat de projet entre l’État et la région, nous devons envisager un partenariat entre le public et le privé. Nous allons travailler dans cet esprit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

fichiers de la police

M. Arnaud Montebourg – Ma question s’adresse à M.  Sarkozy (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Le sénateur UMP qui préside la CNIL, la commission chargée de protéger les citoyens contre les abus de pouvoir en matière de fichage, vient de déclarer : « Ce qui se passe dans notre pays depuis deux ans est particulièrement grave. Je constate une dérive du fichage que je considère comme très dangereuse. » De fait, on recense 100 millions de fiches de police et de gendarmerie, soit deux par habitant. Et la CNIL voit se multiplier les recours formés par des particuliers mis en cause à tort par de telles fiches.

Un récent rapport de l’Observatoire national de la délinquance fait état de graves dysfonctionnements dans la gestion des fichiers et révèle que ceux-ci contiennent jusqu’à 30 % de noms inscrits par erreur, et ces erreurs portent gravement atteinte à l’honneur de citoyens intègres ! Par ailleurs, la CNIL vient de se déclarer en cessation de paiement, ayant été étranglée financièrement par le Gouvernement.

Pendant vos cinq années de pouvoir, vous avez fait croire aux Français que leur sécurité exigeait qu’ils renoncent à une part de leurs libertés fondamentales. Vous avez systématiquement attaqué tous les contre-pouvoirs : les magistrats indépendants, les journalistes qui vous déplaisent, les autorités administratives indépendantes qui vous résistent, les députés de l’opposition, et même certains de vos amis qui s’inquiètent de vos excès. Vous avez mis en danger la liberté de nos concitoyens, sans qu’ils soient plus en sécurité pour autant – au contraire, la délinquance a subi une hausse continue depuis 2002. Que répondez-vous à ce bilan aussi désastreux qu’inquiétant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire Je ne répondrai pas en tout cas sur le même ton. Vous êtes connu pour vos excès, je vous les laisse, car ce sont des affaires sérieuses, qu’il faut traiter sérieusement.

La police moderne doit passer de la culture de l’aveu à celle de la preuve. Pour cela, il faut donner des moyens à la police scientifique et technique. Le vecteur pour ce faire, ce sont les fichiers.

Prenons un exemple : le fichier national des empreintes génétiques. Quand je suis devenu ministre, il y a avait 4 000 empreintes. Il y en a aujourd’hui près de 400 000. Si vous vous étiez davantage soucié de l’évolution de ce fichier national, un violeur en série comme Guy Georges n’aurait pas pu commettre le massacre qu’il a commis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine David – C’est indigne !

M. le Ministre d’État – Nous avons deux désaccords, Monsieur Montebourg. Pour vous, les victimes, ce sont les délinquants. Pour moi, ce sont les Français qui se demandent chaque jour pourquoi, sur le territoire de la République, on donne la primauté à ceux qui empoisonnent la vie des autres, sans récompenser ceux qui travaillent dur pour faire vivre leur famille ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Autre désaccord : pour moi, la liberté, ce n’est pas de laisser en liberté un violeur ou un tueur en série, parce que cela déplaît à une organisation gauchiste que l’on mette des empreintes génétiques dans un fichier tel qu’en connaissent toutes les démocraties dans le monde ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Moi, je veux une police efficace ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

vaccin contre le cancer du col de l’uterus

Mme Maryvonne Briot – Monsieur le ministre de la santé, le laboratoire Sanofi Pasteur MSD a lancé, jeudi dernier, la commercialisation en France du premier vaccin pouvant prévenir le cancer du col de l'utérus, le Gardasil, qui vise à empêcher les infections virales responsables de l'apparition de ces cancers. Ce vaccin représente une avancée considérable, car cette pathologie provoque chaque année 3 500 nouveaux cas et 1 000 décès. Saluons cette bonne nouvelle sur le front du combat contre le cancer.

Toutefois, ce vaccin a été commercialisé par le laboratoire avant d'être remboursé par l'assurance maladie. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, Monsieur le ministre, et nous dire vos intentions concernant un éventuel remboursement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Le Gardasil protège contre certains virus qui peuvent provoquer le cancer du col de l’utérus. Ce vaccin a bénéficié d’une autorisation de mise sur le marché en septembre 2006, et le laboratoire a décidé de le commercialiser sans attendre les autres étapes. Je ne vous cache pas que j’aurais préféré qu’il attende la décision du comité technique de vaccination et la décision relative au remboursement.

Dans quelques semaines, un autre laboratoire va sortir le même type de vaccin et j’espère qu’il attendra ces étapes. Le vaccin aura, en tout état de cause, un effet dans quinze ou vingt ans. Il est donc tout à fait possible d’attendre un peu, sachant que si l’efficacité de ce vaccin est avérée, il importe qu’il soit remboursé par l’assurance maladie et profite ainsi au plus grand nombre.

Le comité technique de vaccination se prononcera à la mi-décembre et la décision concernant le remboursement sera prise avant la fin du premier trimestre 2007. Mais une chose est certaine : les innovations doivent bénéficier au plus grand nombre, dès lors que l’on connaît avec certitude les indications. Mais ce vaccin ne doit pas empêcher le dépistage systématique, car si nous voulons remporter des victoires en matière de santé publique, il ne faut pas se limiter à un seul outil, mais toujours chercher à compléter la réponse médicale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Note de vie scolaire

Mme Brigitte Le Brethon – Depuis la rentrée 2006, les collégiens se voient attribuer une note de vie scolaire, qui sera prise en compte pour l’obtention du brevet des collèges. Il s’agit d’évaluer et de valoriser l’attitude des élèves au long de leur scolarité en usant de critères définis dans les textes, mais que les établissements appliquent de manière diverse. Cela préoccupe les parents qui, pour certains, jugent cette note subjective. Quel est, Monsieur le ministre de l’éducation nationale, le bilan de la mesure à ce jour ? Comment dissiper les craintes des parents et des enseignants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – L’apprentissage de la responsabilité, qui n’a rien d’inné, est l’une des missions essentielles de l’éducation nationale. C’est pourquoi j’ai voulu que cette année, dès la classe de sixième, une note de vie scolaire soit attribuée à tous les collégiens. Elle apparaîtra pour la première fois sur les bulletins du premier trimestre. Qui dit « éducation » dit apprentissage de repères, qu’il s’agisse d’assiduité, de ponctualité, de respect du règlement intérieur, de comportement à l’égard des enseignants et des camarades et, le cas échéant, d’implication dans les associations. La note de vie scolaire traduit donc une éducation civique active. Une enquête conduite par les services du ministère montre que 85 % des parents et 77 % des enseignants l’estiment utile. Elle indique aussi que les deux tiers des chefs d’établissement, en dépit de leurs lourdes charges, jugent la mesure assez facile à mettre en œuvre. J’attends, pour le début 2007, un rapport complet de l’inspection générale de l’éducation nationale à ce sujet mais, comme vous pouvez le constater, le bilan connu à ce jour est très positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

mort d’un « supporter »

M. Christophe Caresche – Ma question s’adresse à Monsieur le ministre de l’intérieur dont j’ai pensé, en l’entendant répondre à M. Goasguen, qu’il n’avait sans doute pas pris la mesure exacte des événements qui se sont déroulés jeudi dernier près du stade du Parc des Princes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Un homme est mort et un autre a été blessé, et nous le regrettons tous. Mais ce drame s’est produit parce qu’auparavant s’était exprimée la volonté haineuse de poursuivre un supporter au motif qu’il était juif et de lyncher un policier parce qu’il était noir. La question n’est donc pas de savoir dans quelles conditions le spectacle va pouvoir continuer (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) ni de calmer la colère des supporters qui ont perdu l’un des leurs (« C’est indécent ! » sur les bancs du groupe UMP) mais de dire que nous n’acceptons pas que perdurent des violences racistes qui ont été trop longtemps tolérées (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP). Ce sont des sanctions immédiates que nous attendons.

À cet égard, il est inadmissible que vous ayez reçu dans votre bureau, au ministère, des représentants de clubs de supporters qui, pour certains, sont frappés d’interdiction administrative de stade. (Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP) Certaines de ces associations ne se sont jamais engagées dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, allant jusqu’à refuser de signer une charte de bonne conduite, et l’on n’a pas entendu qu’elles aient condamné, depuis jeudi, les actes qui ont conduit au drame… (« La question ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Christophe Caresche – Non, Monsieur le Président, auparavant il me faut finir… (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Monsieur Caresche, le Règlement s’applique de la même manière pour tous. Il vous faut conclure.

M. Christophe Caresche – J’attends du ministre de l’intérieur qu’il nous dise quand il compte faire appliquer la loi que nous avons votée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; huées sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire Vous ne manquez pas d’aplomb de m’interpeller ainsi, Monsieur Caresche, vous qui êtes adjoint au maire d’une municipalité qui subventionne le Paris-Saint-Germain depuis des années (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste), municipalité par ailleurs représentée au conseil d’administration de ce club. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Le ministre de l’intérieur n’est pas, lui, membre de ce conseil d’administration. Si vous considérez que ce club et les associations de supporters ne se comportent pas comme ils le doivent, tirez-en les conclusions nécessaires et coupez ces subventions, comme d’autres municipalités l’ont fait !

Pour le reste, j’estime inconcevable de procéder par amalgame, en assimilant les 46 000 supporters du PSG à quelques dizaines d’individus racistes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui, vous le savez fort bien, appartiennent à des associations de fait dites « indépendantes ». Vous n’avez pas à instrumentaliser à des fins politiciennes les paisibles supporters du PSG, eux-mêmes victimes de ces individus dont nous allons nous débarrasser. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Vous seriez mieux avisé de vous interroger sur le bilan de la municipalité de Paris que sur celui du ministère de l’intérieur ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

soutien aux entreprises innovantes

M. Louis Giscard d'Estaing – Les PME, et particulièrement les PME innovantes doivent être soutenues car, en tous points du territoire, elles sont essentielles à la création d’emplois. En annonçant le lancement du plan France investissement, le Gouvernement a indiqué que 3 milliards seraient consacrés en six ans au financement des entreprises de croissance. Quelles seront, Monsieur le ministre des petites et moyennes entreprises, les modalités précises de ce financement ?

Par ailleurs, quelle est la nature exacte du partenariat unissant la Caisse des dépôts et les partenaires privés ? Puisqu’il est toujours utile de s’inspirer de ce qui se fait autour nous, quelle comparaison peut-on dresser entre ce plan et les dispositifs qui ont déjà fait la preuve de leur efficacité à l’étranger ?

Six grands partenaires privés, la Société générale, la Caisse nationale des caisses d’épargne, les AGF, Axa, Groupama et Banque populaire Natexis, ont déjà décidé de participer à cette opération, pour un montant de 400 millions d’euros à partir de 2007. Pouvez-vous nous préciser dans quelles conditions les partenaires privés pourront participer à ce plan et quel échéancier vous avez retenu pour le lancement opérationnel de ce projet, qui répond à des objectifs que nous partageons pleinement – création d’emploi et développement des PME ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales – Afin de créer plus d’emplois dans le secteur marchand et de compenser les pertes résultant des mutations technologiques et économiques, nous devons créer plus d’entreprises et les développer davantage.

Nous avons déjà gagné le pari de la création d’entreprises : 230 000 entreprises nouvelles chaque année, contre seulement 175 000 quand la gauche était aux responsabilités – c’est un vrai changement ! Mais nous devons également développer davantage nos entreprises en remédiant aux carences du système bancaire, qui ne soutient pas la partie la plus risquée de l’économie, en particulier les entreprises à fort potentiel de croissance. Voilà pourquoi nous avons lancé France Investissement, nous inspirant des pays les plus performants dans ce domaine : Israël, les États-Unis et le Canada.

Ce dispositif a pour objectif de mêler, de façon originale et efficace, argent public et argent privé : la Caisse des dépôts et ses partenaires privés, assurances et banques, financeront ainsi près de trois milliards d’investissements sur six ans. Nous avions d’abord envisagé deux milliards sur huit ans, mais le succès de France Investissement nous a permis de mobiliser beaucoup plus de capitaux. La condition que nous avons posée, c’est que ces fonds devront servir à financer des opérations de capital risque et de capital développement, c’est-à-dire les entreprises les plus prometteuses pour le renouvellement du tissu économique de notre pays.

À ce dispositif s’ajoute le gel de l’impôt sur les sociétés, voulu par le Premier ministre pour les entreprises dont la masse salariale augmente de plus de 15 % par an et qui distribuent, pour cette raison, plus de pouvoir d’achat ou embauchent davantage. Une telle mesure permettra à ces entreprises de grandir, d’embaucher, et d’investir plus encore. Voilà ce qu’est une politique de long terme pour l’emploi ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

violence contre les femmes

M. Émile Blessig – Ma question s’adresse à Mme Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Samedi dernier a eu lieu la journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes. Je rappellerai seulement une statistique : une femme décède tous les trois jours, dans notre pays, des suites des violences conjugales.

S’il est dramatique, ce chiffre ne doit pas masquer les progrès réalisés sous l’impulsion de notre majorité, notamment grâce à la loi du 4 avril 2006, qui a renforcé la prévention et la répression des violences commises au sein du couple ou à l’encontre des mineurs, et grâce au travail continu de la délégation aux droits des femmes, présidée par notre collègue Marie-Jo Zimmermann. Nous avons ainsi installé des permanences d’aide aux victimes sur le terrain et placé des intervenants sociaux dans les commissariats pour améliorer l’accueil et l’écoute des victimes. Nous savons tous, en effet, que les dépôts de plaintes représentent une étape importante.

Le chiffre que j’ai rappelé nous impose de poursuivre notre lutte contre ces formes de violence inacceptables dans notre société et à notre époque. Quel bilan pouvez-vous donc dresser de votre action contre les violences faites aux femmes, Madame la ministre ? Quelles mesures nouvelles envisagez-vous pour briser ce qui reste encore un tabou, et continuer à éradiquer de tels actes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité  Vous avez raison, les chiffres sont terribles : une femme meurt tous les trois jours. N’oublions pas que plus de dix enfants ont également été victimes de tels drames familiaux du 1er janvier au 1er septembre dernier.

Premier axe de notre action, nous avons amélioré l’aide apportée aux victimes en créant un numéro de téléphone unique, qui permettra aux femmes de savoir où s’adresser. Les partenaires sociaux ont également accepté qu’une femme devant quitter son travail en raison de violences conjugales puisse bénéficier de l’allocation chômage. Avec le Garde des Sceaux, nous avons ensuite soutenu la loi du 4 avril dernier, votée à l’unanimité et qui aggrave les sanctions tout en les étendant aux ex-conjoints et aux pacsés, les drames familiaux touchant essentiellement le couple au moment de la séparation. Afin d’améliorer la prévention, nous avons également imposé des obligations de soins aux auteurs des violences – des hommes, mais aussi parfois des femmes.

J’étais enfin hier à Madrid pour le lancement de la campagne du Conseil de l’Europe en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes. On parle très souvent de l’exemple donné par l’Espagne, qui a adopté une loi-cadre, mais je rappelle que des textes existent aussi dans notre pays. Afin de les faire mieux appliquer et mieux connaître, j’ai proposé au Premier ministre d’élaborer un code des droits des femmes, qui permettra à chaque femme, partout en France, de connaître ses droits. Pour faire appliquer ces derniers, nous devons briser le silence : parler, c’est commencer à agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de Mme Mignon.
PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON
vice-présidente

Retour au haut de la page

projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 (cmp)

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur de la CMP – Alors que ce projet de loi de financement, le dernier de la législature, comportait à l’origine 71 articles, le Sénat a été saisi de 94 articles après l’adoption du texte par notre assemblée. Après son vote au Sénat, il en comportait 147 ! Si le Parlement a gagné à l’application du nouveau cadre organique souhaité depuis longtemps, celui-ci a conduit à l’inflation du nombre d’articles et à l’allongement de la durée d’examen du texte. En outre, le texte issu de la CMP comporte des articles qui, quel qu’en soit l’intérêt et quelle que soit d’ailleurs leur origine, sont étrangers au champ des lois de financement de la sécurité sociale. Le Conseil constitutionnel en jugera, mais un nombre aussi élevé d’articles, cela pose problème pour l’organisation des travaux du Parlement et la crédibilité de ses décisions. Le Gouvernement a en outre déposé, ou fait déposer, certains amendements particulièrement importants au Sénat : de ce fait l’Assemblée n’a pu en discuter en formation plénière, et je le regrette.

M. Jean-Luc Préel – Nous aussi.

M. le Rapporteur – Cela n’a pas non plus permis de procéder aux consultations nécessaires.

La CMP a examiné près de 90 articles. La plupart des modifications introduites par le Sénat ont été acceptées, améliorant encore des dispositifs que l'Assemblée avait elle-même précisés. Sur les autres points, la commission a trouvé un accord et le texte qui vous est soumis représente est un très bon compromis, que je vous propose d'adopter.

S’agissant des recettes et de la gestion du risque, nous étions d’accord sur la plupart des modifications introduites par le Sénat. Cependant, la CMP, sur ma proposition, est revenue à la rédaction adoptée par l'Assemblée quant à l'affectation des avoirs d'assurance vie en déshérence au Fonds de réserve pour les retraites. Le Sénat proposait, lui, que le Fonds ne soit ainsi alimenté qu’à partir de 2037...

À l'initiative des députés de la majorité et contre l'avis du Gouvernement, l'Assemblée avait introduit un article 13 bis permettant de maintenir un statut fiscal et social avantageux pour les indemnités de mise à la retraite d'office, en créant une indemnité de départ à la retraite négocié. Le Sénat, à l'unanimité, a rejeté cet article. Compte tenu des enjeux tant pour les entreprises que pour les salariés, j'ai déposé en CMP un amendement de compromis visant à ce que, de 2010 à 2016, l'indemnité soit maintenue et soumise à la CSG et à la CRDS. La CMP a repoussé cet amendement, ce que je regrette. Mais je crois savoir que le Gouvernement va y porter remède.

S'agissant de la gestion du risque, le Sénat a considérablement enrichi le texte, notamment les dispositions concernant le dossier médical personnel avec la création d'un dossier pharmaceutique. À l'article 70 bis instituant un fichier interbranches, la CMP a maintenu la disposition visant à ce que la CNIL donne un avis conforme sur le décret relatif au répertoire commun interbranches et à l'utilisation du NIR comme identifiant.

S'agissant de l’assurance maladie, la CMP est revenue sur la décision du Sénat d'exclure les soins psychiatriques du dispositif de fixation d'objectifs quantifiés de l'offre de soins exprimés en volume. En effet, s'il est légitime et souhaitable de prendre en compte les spécificités du secteur de la psychiatrie, la quantification en volume de l'hospitalisation totale est indispensable à la régulation de l'hospitalisation au niveau territorial.

En outre, l'Observatoire économique de l'hospitalisation publique et privée sera mis en place pour une durée de cinq ans, et non deux ans, comme proposé par le Sénat.

S’agissant des praticiens à diplôme hors Union européenne, M. Rolland et moi-même avons déposé un amendement modifiant le texte adopté par le Sénat, à la suite d’un amendement du sénateur Paul Blanc. Notre amendement propose que le nombre maximal des candidats susceptibles d'être reçus aux épreuves de vérification des connaissances tienne compte de l'évolution pluriannuelle du nombre d'étudiants admis, en fin de première année, à poursuivre des études médicales, odontologiques, de sages-femmes ou pharmaceutiques.

Pour ce qui est de la réforme des modalités de financement de la prévention des risques sanitaires exceptionnels, le Sénat a prévu que la contribution à la charge des régimes obligatoires de base d'assurance maladie au Fonds de prévention ne puisse excéder 50 % des dépenses effectivement constatées de ce fonds. Selon nous, cette disposition est préjudiciable à la souplesse que doit conserver le dispositif. La CMP les a néanmoins maintenues, dans un esprit de conciliation.

Enfin, à l'initiative des députés de la majorité, les modifications apportées par le Sénat à l'exercice du droit d'opposition ont été complétées par une disposition permettant d'ajouter « l’audience électorale » au nombre des critères de reconnaissance de la représentativité d'une organisation syndicale. Il convient en effet de remédier à la fragilité juridique et au risque de blocage de la situation conventionnelle actuelle, comme l'a souhaité le Sénat, mais de permettre une reconnaissance plus juste des syndicats représentatifs. Quoi qu’il en soit, il faudra lancer au plus vite une enquête de représentativité.

Pour ce qui est de la branche vieillesse, le Sénat, comme le Gouvernement, a cherché à accroître le taux d'activité des seniors, en limitant strictement les possibilités de mise à la retraite d'office. Ainsi a-t-il prévu que les accords et conventions signés ou étendus avant la publication de cette loi de financement, et prévoyant la possibilité de mettre à la retraite d'office un salarié avant 60 ans, cesseront de produire leurs effets au plus tard le 31 décembre 2007. Il a également précisé les conditions de départ à la retraite des moniteurs de ski âgés et modifié les dispositifs de rachat des années incomplètes de cotisation et des années d'études, la charge financière du rachat pesant excessivement sur les comptes de la CNAV.

Voilà donc un bon projet de loi de financement. Il assure la maîtrise des dépenses, comporte de nombreuses mesures favorables aux assurés, comme la revalorisation du plafond de l'aide à l’acquisition d’une ouverture santé complémentaire ou l’accent mis sur la prévention ; il poursuit l'effort pour moderniser la gestion, adapter notre système de santé et améliorer les relations conventionnelles. Je vous demande donc d'adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Le projet qu’il vous est proposé d’adopter dans le texte de la CMP préserve les principes républicains de notre protection sociale tout en la modernisant pour l’avenir.

L’effort de maîtrise des comptes de la sécurité sociale nous permet d'améliorer la qualité des soins en ville et à l’hôpital. Ce projet marque une nouvelle étape dans la réduction des déficits, ramenés à huit milliards. La branche maladie continue son redressement, avec un déficit contenu à 3,9 milliards, alors que sans la réforme engagée, il aurait dérivé vers 16 milliards.

Cela nous permet d’améliorer les prises en charge, telle celle des actes de prévention réalisés par les pédicures-podologues pour les diabétiques, du dépistage de l’hémochromatose, du traitement implanto-prothétique pour les patients atteints d’agénésie dentaire. De même, seront exonérés du ticket modérateur et du forfait journalier les donneurs d'organe lors de leur passage à l’hôpital. Un amendement a été adopté, qui dissocie au sein de la facture des audio-prothésistes la part relative au produit de celle relative au service, afin de garantir davantage de transparence. Un autre a autorisé les pharmaciens à délivrer certains médicaments aux patients au-delà de la durée de validité de leur ordonnance. De même, seront désormais remboursés certains produits indispensables à la survie de patients atteints de maladies rares.

Ce projet de loi de financement nous donne aussi des marges de manœuvre pour faire vivre la négociation conventionnelle avec les infirmiers, les sages-femmes, les médecins. La médecine générale sera reconnue comme une spécialité à part entière. S’agissant de la démographie médicale, je me félicite de l’adoption de l’amendement permettant aux collectivités territoriales d'accorder des aides aux étudiants en médecine et chirurgie dentaire.

La permanence et la qualité des soins de ville sont renforcées, grâce à deux amendements, dont l’un définit la compétence de la mission régionale de santé – MRS – en matière de création de maisons médicales de garde, et l’autre fusionne le Fonds d’aide à la qualité des soins de ville et la dotation nationale de développement des réseaux.

Répondant aux attentes de la profession en matière de responsabilité civile médicale, ce PLFSS impartit un délai aux négociations à l’issue duquel le Gouvernement pourra décider par voie d’ordonnance un écrêtement de l’indemnisation. Comme je m’y étais engagé, il nous sera également possible d’agir si les négociations en cours sur le secteur optionnel ne portent pas leurs fruits. Les conseils de l’UNCAM et de l’UNOCAM nous ont fait savoir leur souhait d’avancer. Je demande donc aux négociateurs de démontrer leur détermination à parvenir à un accord.

Le Gouvernement pourra régler la question de la convergence entre les dispositifs du médecin référent et du médecin traitant, en respectant l’engagement pris par les médecins référents. Nous nous félicitons qu’une issue leur soit enfin proposée, alors que la discussion conventionnelle entre le directeur général de l’UNCAM et les syndicats conventionnels n’ont pas, à ce jour, débouché sur une solution.

Ce PLFSS est aussi l’occasion de faire évoluer les pratiques : les infirmiers se voient reconnaître le droit de prescrire des dispositifs médicaux, et une délégation des tâches est organisée entre médecins ophtalmologues, orthoptistes et opticiens. D’autre part, la procédure d’autorisation d’exercice des professionnels à diplômes hors Union européenne est aménagée.

Le monde hospitalier est engagé dans un mouvement de réforme de grande ampleur, que nous soutenons par des moyens en progression de plus de deux milliards, soit une augmentation de l’ONDAM hospitalier de 3,5 %. L’accord ambitieux signé par la majorité des organisations syndicales, et qui tend à améliorer les conditions de travail dans la fonction publique hospitalière, entrera en vigueur en 2007.

La solidarité de notre système est renforcée. Le dispositif d’aide à l’acquisition d’une complémentaire est étendu de deux à trois millions de bénéficiaires, et suite à mes demandes, la CNAM a prévu un dispositif d’information. Nous remboursons encore pour plus d’un milliard de nouveaux traitements. Pour continuer à faire profiter nos concitoyens de l’innovation thérapeutique, il faut continuer à payer le médicament à son juste prix. Nous poursuivrons donc la politique de développement du générique, en clarifiant, à cet effet, la question de la propriété intellectuelle. Ce PLFSS permet une meilleure information des laboratoires sur la commercialisation de génériques et la validité des droits de propriété intellectuelle. Le comité économique des produits de santé sera compétent pour ouvrir une négociation conventionnelle sur le sujet. Par ailleurs, une suppression du tiers payant pour les assurés refusant les génériques est concentrée là où les objectifs de substitution ne sont pas atteints, dans un souci d’efficacité.

La solidarité n’allant pas sans la responsabilité, le Comité national de lutte contre les fraudes a été installé fin octobre. Le dispositif est renforcé par vos amendements qui visent notamment à mieux contrôler les ressources des demandeurs de prestations.

Les marges que avons dégagées nous permettront d’avancer sur nos priorités. En ce qui concerne les grandes priorités de santé publique, l’assurance maladie soutient nos politiques ambitieuses du handicap ainsi que notre politique de prise en charge de la dépendance. Elle apporte sa contribution aux grands plans de santé publique : cancer, sida, Alzheimer.

S’agissant de la branche vieillesse, les premiers résultats de la réforme des retraites montrent le succès de la mesure relative aux départs anticipés. Mentionnons aussi l’application des règles de liquidation en vigueur dès les 60 ans, quelle que soit la date de départ à la retraite, et l’affectation du produit des contrats d’assurance vie en déshérence au Fonds de réserve pour les retraites. La gestion des âges au travail, enjeu important, trouve sa traduction dans le plan pour l’emploi des seniors. Je vous proposerai un amendement visant à assurer la cohérence avec ce plan des indemnités de départ à la retraite, en ménageant les finances de la sécurité sociale et en préservant l’équilibre financier des entreprises signataires des accords de 2003, qui ont eu massivement recours aux mises à la retraite d’office.

Dans la branche famille, le modèle français porte ses fruits, notamment grâce à la PAJE et aux très nombreuses créations de places de crèches. Ce PLFSS prévoit également le lancement du prêt avenir jeunes et du congé de soutien familial pour s’occuper d’un parent handicapé ou dépendant. Il permet, enfin, le partage des allocations familiales en cas de résidence alternée.

En ce qui concerne la branche accidents du travail – maladies professionnelles, les efforts sont poursuivis en faveur des victimes professionnelles ; je pense notamment aux victimes de l’amiante.

Tel que vous l’avez amendé, ce PLFSS s’inscrit dans la continuité d’une politique volontariste, condition de la pérennisation et de l’amélioration de notre système. Le Gouvernement vous propose de l’adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D’irrecevabilité

Mme la Présidente – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean-Marie Le Guen – Si nous devions nous rapporter au texte tel qu’il a été présenté au Conseil des ministres, il y aurait peu de choses à dire, concernant des chiffres toujours aussi mauvais et une manière de faire qui consiste à déshabiller une branche pour en habiller une autre. Mais, entre-temps, ce PLFSS a été discuté au Sénat, et nous allons débattre aujourd’hui de certains éléments sur lesquels il nous sera impossible d’agir par voie d’amendement, ni d’interpeller le Gouvernement sur ses intentions point par point. Il y a dans cette façon de procéder un problème constitutionnel, en raison de l’absence totale de respect pour la discussion parlementaire, comme des nombreux cavaliers qui sont venus s’ajouter à un texte au départ pour le moins fade. Sans doute trouvez-vous plus habile de ne pas passer à travers le filtre de l'Assemblée nationale, davantage visible, et de contraindre ainsi les députés de l’opposition à se contenter d’un temps de parole extrêmement limité. Pourtant, votre volonté d’agir en catimini n’est pas passée inaperçue et suscite l’émoi dans l’opinion, en tout cas parmi les professionnels de santé. De telles pratiques s’apparentent à de l’autoritarisme.

Cet autoritarisme se manifeste dans le contenu de certain des amendements venant du Sénat, comme celui qui impose la question du fameux secteur optionnel. Comme le président de l’UNCAM ne cesse de le répéter, il s’agit d’une immixtion du Gouvernement dans la discussion entre les partenaires sociaux, qui va à l’encontre de vos déclarations sur la nécessité du dialogue social.

Cette volonté de brusquer, voire de ridiculiser, le dialogue est d’ailleurs manifeste dans un autre amendement en provenance du Sénat, concernant le champ conventionnel de l’assurance maladie, qui intervient après des élections malheureuses pour les parties signataires et, surtout, pour le Gouvernement. Comme dans la police, les professionnels ont massivement rejeté la politique gouvernementale.

M. Jean-Marc Roubaud – C’est faux !

M. Jean-Marie Le Guen – Pour ne pas tenir compte du résultat de ces élections, il suffisait de dissoudre le corps électoral – dissoudre le peuple, comme l’écrivait Brecht – ; eh bien, vous l’avez fait, mes chers collègues ! Et ce, alors même que M. Douste-Blazy nous expliquait, à propos de la loi de 2004, qu’il fallait une validation électorale des accords conventionnels. Cette disposition se trouve dans la loi ; qu’en avez-vous fait ? Et vous l’avez fait, j’ajouterai, en dépit des proclamations angéliques du Gouvernement depuis plusieurs mois, qui, après s’être ridiculisé avec le CPE,…

M. Jean-Marc Roubaud – Cela n’a rien à voir ! Nous ne sommes pas au café du commerce !

M. Jean-Marie Le Guen – …ne nous parle plus que de dialogue social. Dialoguez, dialoguez, il en restera toujours quelque chose ! Or, ce dialogue social est balayé. Avec vous, une page est tournée. À l’avenir, les professionnels de santé ne croiront plus à la possibilité de dialoguer avec l’assurance maladie et l’État. Il y avait un malaise : il s’est transformé en une véritable crise démocratique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Paul-Henri Cugnenc – Caricature !

M. Jean-Marie Le Guen – J’en viens au fond. À travers un texte qui n’a rien apporté à la gestion de notre assurance maladie, qui s’est contenté de constater une situation financière désolante, qui, dans la discussion à l'Assemblée nationale, avait mis des cliquets supplémentaires dans les dépenses pour distribuer de nouveaux cadeaux, nous sommes, avec l’amendement concernant le secteur optionnel, passé à un autre niveau dans l’électoralisme et les pratiques délétères vis-à-vis de l’assurance maladie.

L’affaire du secteur optionnel est très grave : c’est une page qui se tourne dans l’histoire de l’assurance maladie. Il existe depuis longtemps un secteur 1 et un secteur 2. Trop souvent la règle pour certaines spécialités, le secteur 2 n’est pas véritablement régulé. Le Gouvernement n’en a pas moins jugé utile d’ouvrir à l’ensemble des praticiens un secteur à honoraires libres, quand bien même ceux-ci seraient négociés avec les organismes complémentaires. C’est la fin des tarifs opposables. Ce que les Français doivent savoir, c’est que pour la première fois, des actes aussi importants que les actes chirurgicaux ne seront plus remboursés par la sécurité sociale. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre – C’est faux !

M. Jean-Marie Le Guen – Cela vous fait mal, mais c’est la vérité : la sécurité sociale ne remboursera plus les actes chirurgicaux au tarif réel.

M. Jean-Marc Roubaud – Un exemple !

M. Jean-Marie Le Guen – Bref, c’est la fin du tarif opposable de la sécurité sociale pour les actes chirurgicaux.

M. le Ministre – C’est faux !

M. Jean-Marie Le Guen – Pour la première fois, le « décrochage » se généralise sur des actes essentiels pour la santé des Français, ce qui pose un problème de constitutionnalité – c’est l’égalité d’accès aux soins qui est en cause. On nous opposera que les organismes complémentaires combleront la différence entre le tarif pratiqué par le chirurgien et le tarif remboursé par la sécurité sociale. Mais nous sommes loin d’avoir obtenu cet accord, et d’ailleurs les tarifs des organismes complémentaires devront bien augmenter pour pouvoir assumer cette charge supplémentaire, ce qui privera de plus en plus de Français d’une couverture complémentaire au moment même où l’accès aux soins chirurgicaux ne dépendra plus que de l’humanisme du chirurgien ! Bref, on revient à la charité d’il y a cinquante ans !

Un autre problème constitutionnel se pose : il faudra contraindre les organismes complémentaires à couvrir ce risque. On comprend pourquoi vous avez préféré introduire subrepticement cet amendement au Sénat : je vous avais interpellé sur cette question du secteur optionnel lors de notre débat.

M. le Ministre – Je vous ai répondu en séance !

M. Jean-Marie Le Guen – Vous vous en êtes tenu à des généralités ! La question que vous prétendiez résoudre est posée depuis 2004. Je m’inscris en faux contre les propositions de secteur optionnel qu’avait formulées à l’époque M. Douste-Blazy : c’est une mauvaise idée, qui ne résoudra pas la crise de la profession et ne se fonde sur rien de concret. Vous aviez demandé un rapport sur l’évolution des revenus des chirurgiens. L’un de ses auteurs estime qu’ils ont augmenté de 25 %, l’autre que l’augmentation a été bien moindre. Parce qu’il y a un malaise – que nul ne conteste – dans la profession, vous décidez d’augmenter la valeur des actes, sans même poser le problème de leur qualité ni de leur opportunité. Vous avez choisi la fuite en avant : il fallait poser le problème de la prise en charge de la chirurgie dans notre pays, ce qui suppose une évolution de la rémunération de la profession. Celle-ci doit bien sûr être élevée, compte tenu du niveau de qualification et de l’intensité de travail et de responsabilité exigés des chirurgiens. Mais il faut assurer une prise en charge globale de la profession, notamment en ce qui concerne les assurances.

Vous allez, là encore, nous proposer des amendements. Je crains que nous nous retrouvions dans la même situation que cet été, lorsque vous avez annoncé que l’assurance maladie allait financer une partie de l’assurance responsabilité civile des chirurgiens : l’assurance maladie continue à financer des pratiques en crise, et vous vous obstinez à refuser de réformer !

M. le Ministre – Le sujet a été évoqué à plusieurs reprises ici même. Ce que n’a pas dit M. Le Guen, c’est que si nous ne faisons rien aujourd’hui, il n’y aura plus aucun chirurgien en secteur 1 dans dix ans. C’est donc maintenant qu’il faut agir. Le Gouvernement a pris ses responsabilités. Le sujet est sur la table depuis plus de deux ans. Il appartient aux partenaires sociaux et au directeur général de l’UNCAM de proposer une solution. Le mandat de négociation est clair. Si rien n’est fait au 31 janvier, le Gouvernement prendra ses responsabilités – dans la concertation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur – Défavorable.

Mme la Présidente – Nous en venons aux explications de vote.

M. Jean-Pierre Door – Nous ne saurions accréditer la thèse de M. Le Guen. Le débat a occupé plus d’une semaine à l'Assemblée nationale et une semaine au Sénat. Plus de 300 amendements ont été discutés ici même et plus de 440 au Sénat. Le projet qui nous avait été soumis par le Gouvernement comportait 71 articles ; le Sénat en a examiné 94 et la CMP 90. Bref, le débat a eu lieu.

Rappelons que l’ONDAM s’est infléchi de manière effective pour la première fois depuis dix ans, et que cette tendance se poursuivra en 2007. Il faut voter ce projet de loi pour le maintenir « dans les clous ».

J’entends parler de cadeaux à la médecine libérale. Mais le secteur optionnel, à condition qu’il soit encadré, est une voie d’avenir propre à sauvegarder des spécialités en voie de disparition. Il a d’ailleurs fait l’objet de discussions dans le cadre conventionnel. L’amendement du Gouvernement vise à faire émerger plus vite des idées d’avenir.

L’aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire est également augmentée dans ce projet de loi, ce qui concernera 900 000 personnes. C’est tout de même un progrès social !

Vous dites que notre protection sociale n’est pas de haut niveau. Rappelons que plus de 77 % des dépenses de santé sont prises en charge par la sécurité sociale et près de 13 % par les organismes complémentaires, ce qui ne laisse à la charge des assurés – hors CMU – que 8,6 % de ces dépenses.

Nous ne pouvons donc accepter vos arguties. Il y a ceux qui veulent progresser et ceux qui régressent. Nous faisons partie des premiers, et nous ne voterons pas cette exception d’irrecevabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Serge Blisko – Sans revenir sur la méthode – détestable – et sur le choix de déposer des amendements devant le Sénat et la CMP, au lieu de privilégier un vrai débat à l’Assemblée, je me contenterai de démontrer l’irrecevabilité de ce texte sur trois points.

D’abord, la mise en place d’un secteur optionnel, d’abord en chirurgie, porte un véritable coup de couteau au dispositif conventionnel. La convention de 1980, qui a créé le secteur 2, avait le mérite de permettre au patient d’y voir clair. Aujourd’hui, vous prenez en otage les patients, l’assurance maladie et les organismes complémentaires – qui ne sont pas obligés de rembourser les dépassements d’honoraires. Cette mesure est inconstitutionnelle, puisqu’elle ne garantit pas l’accès de tous à la santé.

Ensuite, la chirurgie traverse bien sûr une crise. Le rapport Vallancien l’a parfaitement analysée et a ouvert quelques pistes de réflexion, comme améliorer la qualité de la formation et poser le problème du paiement à l’acte. Nous n’y sommes pas hostiles en principe, mais, pour la chirurgie, il nous semble dépassé. Il faut trouver autre chose pour sortir de la crise, car la France, berceau de la chirurgie, risque de manquer de chirurgiens.

Enfin, s’agissant du secteur optionnel, vous menez une politique de Gribouille. Nous voterons donc l’exception d’irrecevabilité.

Mme Jacqueline Fraysse – Il est choquant de créer un dispositif aussi important que le secteur optionnel au détour d’un amendement au Sénat. Il est vrai que cette méthode détestable devient une habitude, pour éviter le débat. Nous ne pouvons accepter une telle fuite en avant, un tel passage en force. Ce n’est pas ainsi que vous réglerez les difficultés du monde médical. Nous voterons la motion.

L'exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

question préalable

Mme la Présidente – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Serge Blisko – M. Le Guen nous a clairement montré qu’avec les amendements votés au Sénat, l’assurance maladie a changé de nature. Nous sommes donc totalement opposés au texte qui revient de la CMP. Il aggrave les inégalités dans l’accès aux soins. Les manœuvres et amendements de dernière minute remplacent le débat de fond.

En alignant le tarif de remboursement des actes techniques des chirurgiens de secteur 2 sur ceux des chirurgiens du secteur 1, sans contrepartie, vous introduisez une médecine à deux vitesses. Mais vous refusez la négociation sur la moralisation des dépassements de tarifs, lesquels obligent pourtant les mutuelles à augmenter leurs cotisations.

M. le Ministre – Faux ! Prouvez-le !

M. Serge Blisko – Par ailleurs, vous avez trouvé un moyen étonnant pour balayer l’opposition des syndicats médicaux hostiles à la convention et qui sont désormais majoritaires à l’issue des élections du 29 mai dernier aux URML, les unions régionales des médecins libéraux, le Parlement des médecins.

Vos amis de la CSMF, la Confédération des syndicats de médecins français, …

M. le Ministre – Vous avez des ennemis chez les médecins ?

M. Serge Blisko – …pris de panique quand ils se sont trouvés minoritaires, vous ont priés d’intervenir. Et ainsi, désormais, seuls les syndicats reconnus représentatifs par le Gouvernement compteront, au mépris du suffrage universel. Or le 29 mai dernier, les quatre syndicats de médecins libéraux hostiles à la convention, MG France, FMF, Espaces généralistes et l’UCC MSF, ont obtenu, spécialistes et généralistes confondus, 54 %.

M. le Ministre – Il y a deux collèges.

M. Serge Blisko – Ils ont décidé de s’opposer aux avenants à la convention, non de manière définitive, mais en demandant la réouverture de négociations.

Par une manipulation mesquine, vous avez fait déposer un amendement par le sénateur Vasselle,…

M. le Ministre – Respectez le Sénat !

M. Serge Blisko – …pour donner une majorité aux syndicats proches de vous et désavoués au élections. Pour paraphraser Brecht, le peuple médical n’est pas content, changez-le ! L’amendement Vasselle réserve le droit d’opposition aux organisations syndicales reconnues représentatives. Or certains des syndicats qui ont gagné les élections ne remplissent pas les critères pour l’être, car le paysage syndical est mouvant au gré des modifications que vous faites subir à la convention.

Au moment où le Conseil économique et social, malgré vos pressions intenses, essaye d’élargir les critères de représentativité, vous faites le contraire : lors d’une élection, il y aura deux catégories, ceux qui peuvent influer sur la convention, pour l’approuver, et ceux qui n’ayant pas l’heur de plaire au Gouvernement, ne serviront à rien ou presque.

Pourtant un droit de veto sur la convention avait été introduit pour les syndicats majoritaires dans la loi de réforme de l’assurance maladie. À l’époque, la CSFM y était favorable, et M. Douste-Balzy déclarait le 15 juillet 2004 que l’objectif était « d’éviter l’adoption de dispositions conventionnelles auxquelles la majorité de la profession concernée serait opposée ». Robuste bon sens !

M. Jean-Marie Le Guen – Très bien !

M. Jean-Pierre Blazy – Que ne l’avez-vous suivi dans la voie de la sagesse – sur ce point ?

M. le Ministre – Il sera sensible à votre hommage.

M. Serge Blisko – Le Conseil constitutionnel jugera si le législateur peut ainsi relativiser la démocratie, d’autant que les URML sont les seules instances élues par les seuls médecins libéraux conventionnés, ceux-là même précisément que couvre la convention : y a-t-il meilleure représentativité ?

Il est vrai que l’ineffable M. Bas aurait dit au Sénat que le résultat des élections professionnelles ne peut à lui seul fonder la représentativité. Ainsi, l’amendement corrigerait une malfaçon du texte de 2004 instaurant le droit d’opposition, qui permettrait à des syndicats non reconnus comme représentatifs d’exercer un pouvoir de nuisance.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - Poursuivez la citation.

M. Serge Blisko – Faut-il comprendre que, pour vous, l’opposition est une nuisance ?

M. René Couanau – Dans certains cas, oui ! (Rires)

M. le Ministre – Pas si opposition ne rime pas avec obstruction.

M. Serge Blisko – Je ne souhaite pas que, dans la future assemblée, où vous serez sûrement minoritaires, vous soyez considérés comme une nuisance. Mais confirmez vous ces incroyables propos ?

Il est vrai que la semaine dernière, le Gouvernement n’a pas craint de réformer la loi de 1990 sur l’hospitalisation sous contrainte en bricolant un article additionnel par amendement à un texte relatif aux diététiciens et aux pédicures podologues, lesquels seraient certainement stupéfaits d’apprendre cette manipulation.

M. le Ministre – Respectez les pédicures podologues !

M. Serge Blisko – La fin de cette législature est vraiment pénible pour ceux qui aimeraient que le Parlement ne soit pas qu’une chambre d’enregistrement à la disposition des groupes de pression, surtout quand ceux-ci voient se rapprocher avec terreur l’expression du suffrage universel au printemps 2007, qui réduira tout cela à l’état de mauvais souvenir. D’ailleurs, Monsieur Bertrand, M. Sarkozy ne rôdait pas autour de vous cette fois-là, vous n’étiez pas obligé de vous prêter à cette manœuvre.

Tout cela explique notre opposition à ce texte et à ces méthodes indignes d’un Parlement démocratique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre – Ce n’est pas parce que j’ai le sentiment que M. Le Guen a mieux dit les choses que M. Blisko que je saurais, moi, les dire autrement. J’ai donc le même avis négatif que sur la première motion.

M. le Rapporteur – Avis défavorable, compte tenu du grand travail fourni par la commission.

M. Philippe Vitel – Je vous ai entendu, Monsieur Blisko, faire une explication de vote jeudi dernier et je vous retrouve aujourd’hui porteur de la même dialectique faite d’excès, de démagogie et de contrevérités.

C’est ainsi que vous prétendez que l’assurance maladie aurait changé de nature. Soyons sérieux ! Vous criez à la médecine à deux vitesses quand nous créons le secteur optionnel, mais sans celui-ci, 100 % des chirurgiens et des spécialistes seraient en secteur 2 d’ici à quelques années, et il y aurait alors vraiment, pour le coup, risque d’une médecine à deux vitesses. La mise en place d’un système optionnel est d’ailleurs réclamée par tous les syndicats.

Votre interprétation des résultats des élections aux URML me rappelle celle que faisait l’un de vos collègues socialistes des résultats des élections dans la police. Vous faites un amalgame entre les collèges de spécialistes et de généralistes, ainsi qu’entre les syndicats qui sont représentatifs dans l’un mais pas dans l’autre. Vous en tirez évidemment la conclusion qui vous arrange, mais cela n’abuse personne !

Comparez donc, Monsieur Blisko, le système français avec ceux des pays voisins et vous comprendrez pourquoi les Français sont heureux et fiers du leur, un système dans lequel ils cotisent selon leurs moyens et qu’ils utilisent selon leurs besoins, un système de liberté, d’égalité et de responsabilité. Tel est notre système d’assurance maladie. La réforme que nous avons menée avec succès, loin de le faire changer de nature, l’a préservé ! Voilà pourquoi le groupe UMP ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Paul Bacquet – M. Blisko a exposé avec son talent habituel les raisons pour lesquelles on ne pouvait accepter ce projet, en particulier l’amendement scélérat du Sénat qui, remettant en cause une loi que la majorité a votée très récemment, vise à ce que les résultats des dernières élections professionnelles ne soient pas pris en compte ! Pourtant, le Conseil économique et social vient de proposer – après que M. de Villepin lui eut demandé de réfléchir au sujet – que la représentativité des syndicats s’apprécie essentiellement au vu des résultats obtenus aux élections.

Pour justifier cet amendement scélérat, M. Philippe Bas nous explique qu’il fallait « corriger d’une façon très responsable le texte de 2004 » afin d’éviter que des syndicats non reconnus comme représentatifs aient « un pouvoir de nuisance ». Permettez-moi donc de vous donner quelques chiffres : les syndicats dits non représentatifs ont obtenu 31,23 % des voix et les syndicats non signataires de la convention ont obtenu, chez les généralistes, 62,42 % des voix. On comprend l’inquiétude du Gouvernement face au « pouvoir de nuisance » des opposants !

Je vais vous donner des chiffres encore plus précis : un syndicat « non représentatif » généraliste a obtenu 5 057 voix, cependant qu’un syndicat « représentatif » en obtenait 346. Celui qui pourra intervenir sur les modifications conventionnelles n’est pas celui que l’on pourrait croire…Le Gouvernement protège les lobbies et refuse l’expression démocratique ! C’est pourquoi le groupe socialiste votera la question préalable.

M. Jean-Marie Le Guen – Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse – Je voudrais d’abord saluer l’attitude de nos ministres qui, en grands démocrates qu’ils sont, modifient les règles du dialogue social en fonction des résultats des élections professionnelles, dès lors que ceux-ci ne vont pas dans le sens souhaité. Cela s’est fait à la faveur d’un amendement vite rédigé, sans débat, et ce alors que le Président de la République souhaite, dit-il, relancer le dialogue social. Tout cela augure mal de la réforme que le Gouvernement va nous présenter prochainement. Le groupe communiste votera la question préalable et vous demande, Monsieur le ministre, de respecter le choix fait par les professionnels lors des dernières élections. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Serge Blisko – Nous sommes minoritaires, nous devrions donc avoir raison, selon le Gouvernement !

M. Jean-Paul Bacquet – Il y a un mois, dans cet hémicycle, je dénonçais ce PLFSS, que je ne considérais pas comme à la hauteur des enjeux ; je soulignais l’absence de proposition dans différents domaines, s’agissant en particulier des inégalités dans l’accès aux soins et du manque croissant de généralistes en zone rurale ; je m’inquiétais de votre mutisme sur le futur secteur optionnel. Je n’imaginais pas que le passage au Sénat allait aggraver encore les défauts de ce PLFSS. Et pourtant, si !

Le secteur dit « optionnel » permettra aux praticiens du secteur 1 de pratiquer des dépassements d’honoraires. Ils ne seront donc plus accessibles à tous. Bien sûr, ces dépassements pourront être pris en charge par les mutuelles et les assurances complémentaires, mais cela ne pourra que provoquer une hausse des cotisations.

Conformément à la loi de développement des territoires ruraux, les départements et les régions construisent des maisons médicales, mais quels généralistes y mettra-t-on, alors que vous refusez toujours de reconnaître la médecine générale comme une vraie spécialité universitaire ? En l’absence d’une filière organisée comme telle, les étudiants en médecine ne rencontreront jamais la médecine générale pendant le second cycle de leurs études. D’ailleurs, le collège des généralistes enseignants est aujourd’hui en grève et nous soutenons ses justes revendications.

Enfin, comment ne pas s'interroger sur l'amendement Vasselle, qui n'a pu être voté au Sénat qu'avec le soutien du gouvernement et dont le but est évidemment d'étouffer les syndicats généralistes et de les empêcher de s'exprimer sur la convention ?

La loi du 13 août 2004, portant réforme de l'assurance maladie, donnait la possibilité aux syndicats majoritaires aux élections de s'opposer aux accords conventionnels. En acceptant l'adoption de l'amendement 416 au Sénat, sans exposé des motifs d'ailleurs, vous avez choisi de limiter le droit d'opposition conventionnelle aux organisations dites « représentatives ». En soutenant publiquement ce déni de démocratie, le gouvernement a tombé le masque, car c'est bien lui qui poussait cet amendement. En donnant un droit d'opposition conventionnelle aux syndicats majoritaires aux élections, la loi du 13 août 2004 avait redonné des couleurs aux élections des unions régionales. C'est parce qu'il y a eu désaveu électoral des syndicats signataires de la convention de janvier 2005 que le gouvernement, prenant conscience des conséquences de ce nouveau droit d'opposition conventionnelle, a décidé de le limiter !

Avec de telles pratiques, il suffirait de modifier les circonscriptions électorales, après le vote des législatives du printemps prochain, pour faire gagner le perdant !

Pour justifier une telle forfaiture, M. Philippe Bas a expliqué au Sénat, que cet amendement, venait « corriger de manière très responsable une malfaçon du texte de 2004 » et ce afin d'éviter de donner un « pouvoir de nuisance » à des syndicats non reconnus comme représentatifs. En somme, Monsieur le ministre, vous vous réservez le droit de choisir vos interlocuteurs. C'est inacceptable ! D’ailleurs, le Panorama du Médecin s’interroge, sous la plume de Bruno Keller : « Est-il sain de refuser le droit d'opposition à des syndicats qui, même si certains d'entre eux n'ont pas été reconnus comme représentatifs, ont recueilli la majorité des suffrages aux élections professionnelles ? Est-il fondé de revenir, deux ans après sa création, sur les modalités du droit d'opposition, au prétexte que les orientations des syndicats majoritaires ne conviennent ni aux pouvoirs publics, ni aux autres organisations ? »

Le Gouvernement pense-t-il ainsi rendre sa dignité et son attrait à la médecine générale ? Quelle contradiction d'avoir soutenu cet amendement scélérat au moment où, à la demande du Premier ministre, le Conseil économique et social propose d’asseoir la représentativité syndicale sur les résultats des élections professionnelles ! Quelle incohérence de vitrifier dans le même temps le paysage syndical médical parce que les évolutions que souhaitent les médecins ne sont pas conformes à ce que veut le Gouvernement !

Je le redis, ce PLFSS est sans envergure, et je ne peux imaginer que le ministre, dont je reconnais le sens de l’écoute même si je ne partage pas ses opinions, maintiendra l’amendement hypocrite du Sénat. Je veux donc croire qu’il en demandera le retrait. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Luc Préel – Nous allons nous prononcer sur un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui prévoit de consacrer en 2007 la somme considérable de 402 milliards au financement des retraites du régime général, des dépenses de santé remboursées par le régime de base et de la politique familiale. Si la somme globale a très peu varié par rapport à la proposition initiale, le texte a été fortement modifié, le nombre d'articles passant de 70 à 147, ce qui le transforme en un véritable DMOS. Le Conseil constitutionnel jugera de la recevabilité de nombreux articles qui sont autant de cavaliers manifestes. Le Gouvernement a contribué à cette inflation en déposant au Sénat, souvent à la dernière minute, des amendements importants concernant le droit d'opposition des syndicats médicaux, la création d'un secteur optionnel aux contours très flous ou encore l'assurance de responsabilité civile des professionnels.

Ces amendements posent des problèmes de fond et de forme. Alors qu'il s'agit de modifications importantes, ils ne seront ni débattus ni amendés par notre assemblée du fait de l’accord qui s’est fait en CMP. Ce procédé est difficilement acceptable d'autant que les amendements en question auraient mérité une véritable discussion. En effet, ils remettent en cause les rôles respectifs de la CNAM, du Gouvernement et des syndicats professionnels et confirment, s'il en était besoin, l'étatisation de notre système de soins.

Le nouvel article qui pose le plus grave problème est celui qui tente de préciser quels syndicats pourront faire valoir le droit d'opposition à la convention. Lors de la réforme de l'assurance maladie, notre assemblée avait souhaité que soit pris en considération le principe de majorité pour qu'un syndicat minoritaire ne puisse signer seul une convention s'imposant ensuite à tous. La campagne pour les élections aux URML, au printemps 2006, a été fondée sur l'acceptation ou non de la convention. Les syndicats qui lui sont opposés ayant obtenu la majorité des voix, ont souligné qu'il fallait prendre en considération cette situation nouvelle. Dénier, a posteriori, à deux syndicats la possibilité de s'opposer à la convention n’est qu’un artifice juridique. L'amendement a certes été modifié en CMP pour qu’il soit tenu compte du résultat des élections, mais cela ne concerne que les enquêtes de représentativité future, ce qui ne règle en rien le conflit actuel, et ces articles entérinés par la CMP avec l’aval des députés et sénateurs du groupe UMP vont devenir la loi.

Quant à la loi de financement elle-même, sera-t-elle respectée ? À ce sujet, sans reprendre le débat de fond, je me limiterai à l'essentiel. Un quinquennat s'achève, au cours duquel le Gouvernement et l’UMP ont eu les pleins pouvoirs. Qu'en ont-ils fait ? Après les réformes des retraites en 2003 et de l'assurance maladie en 2004, il nous avait été annoncé que nous atteindrions l'équilibre en 2007…

M. le Ministre délégué – Non ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Marie Le Guen – Mais si ! Vous avez raison, cher collègue, mais M. Bas n’était pas là !

M. Jean-Paul Bacquet – Que l’on aille chercher M. Xavier Bertrand !

M. Jean-Luc Préel – …or, nous en sommes loin. Si le déficit 2006 a un peu diminué, c'est surtout grâce aux quelque 4,5 milliards de recettes nouvelles – dont 2,1 milliards tiennent à la mesure exceptionnelle concernant les PEL – et à la légère diminution des dépenses de l'assurance maladie, en particulier des indemnités journalières, dont je m’étonne que l’on parle si peu.

M. le Rapporteur – C’est exact.

M. Jean-Luc Préel – Le déficit, en 2007, atteindra au minimum 10,7 milliards. Comment sera-t-il financé ? Lors de la réforme de l'assurance maladie, les déficits de 2002 à 2006 ont été confiés à la CADES – c'est-à-dire qu’ils seront financés par nos enfants – mais rien n'a été prévu pour 2007. Ce nouveau déficit sera, semble-il, financé par emprunt. Le Gouvernement a d'ailleurs prévu une ligne de trésorerie pour le régime général de vingt-huit milliards. Vingt-huit milliards ! Est-ce bien raisonnable, Monsieur le rapporteur ?

Le FFIPSA présente un déficit cumulé de près de 7 milliards parce que l'État n'assure plus la subvention d'équilibre. Ne pourrait-il au minimum prendre à sa charge les intérêts de l'emprunt nécessaire pour assurer les prestations agricoles ? Par ailleurs, l'État n'honore pas ses dettes. Il doit 5 milliards à la protection sociale, ne compense pas 2,6 milliards d'exonérations de cotisations qu'il a pourtant décidées et, de plus, il demande, dans l'article 21, que de nouvelles exonérations ne soient pas compensées. Est-ce là une manière de faire sérieuse ?

Il est probable que l'objectif des dépenses d'assurance maladie sera dépassé. En dépit de demandes réitérées, l’ONDAM n'est toujours pas établi sur des bases médicales. Certes, il a été abondé de 200 millions, mais il demeure volontariste et irréaliste. Celui de 2006 sera dépassé de 740 millions malgré la forte baisse des indemnités journalières versées et les mesures de maîtrise comptable prises en septembre. Mais la diminution des dépenses d’indemnités journalières ralentit depuis quelques semaines et elles auraient même recommencé à augmenter en octobre. À supposer que la diminution se poursuive, elle sera donc bien moindre en 2007 qu’elle ne l’a été en 2006. Surtout, l’application de mesures très attendues, mais qui ont un coût important, a été promise par le ministre, qui a l'habitude de tenir ses promesses.

Les établissements connaissent des difficultés financières sérieuses, qu’il s’agisse des cliniques après la baisse de 3 % des tarifs ou des hôpitaux, qui ont un besoin de 900 millions pour finir l'exercice 2006 à l’équilibre. La tarification à l’activité était très attendue mais sa mise en œuvre est très technocratique et très complexe. Les multiples forfaits manquant de transparence et les contrats d'objectifs signés sous la contrainte font que tout le monde déchante. N'allez-vous pas tuer une bonne idée ?

Alors que notre système de soins est très orienté vers le curatif, le Gouvernement a refusé le vote d'une ligne individualisée pour la prévention et l'éducation à la santé. Or, le vote par sous-objectifs perpétue l'un des défauts majeurs de notre système de soins, les séparations artificielles entre prévention et soins, entre médecine de ville et établissements, entre sanitaire et médicosocial. L'UDF réclame, vous le savez, des enveloppes régionales.

Maintiendrez-vous le pouvoir d'achat des pensions ? Malgré la réforme des retraites de 2003, le déficit de la branche atteindra 3,5 milliards en 2007, et 5 milliards en 2009 selon les prévisions. Il faudra donc revoir cette réforme en instituant un régime par points et en mettant en extinction les régimes spéciaux. Enfin, deux amendements UDF adoptés en commission pour améliorer le sort des veuves et notamment des jeunes veuves n'ont malheureusement pas été acceptés par le Gouvernement.

En conclusion, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s'est transformé en DMOS…

M. le Ministre délégué – Mais non !

M. Jean-Luc Préel – Mais si ! On est passé de 70 à 147 articles ! C’est précisément parce que le Gouvernement a eu le tort de ne pas avoir présenté de DMOS depuis fort longtemps que les sénateurs, moins contraints que nous le sommes, en ont profité pour présenter une multitude de propositions en attente. Le Conseil constitutionnel en jugera, mais je note, pour le déplorer, que l’accord trouvé en CMP nous prive du droit de reprendre certains amendements relatifs, par exemple, aux opticiens ou au droit de dispensation par les pharmaciens.

À la fin du quinquennat et après les réformes des retraites et de l'assurance maladie, rien n'est réglé. Alors que l'équilibre avait été annoncé pour 2007, le déficit annoncé de 10,7 milliards toutes branches confondues n'est pas financé.

Notre système de santé connaît toujours une crise financière, organisationnelle et morale et la réforme du financement de notre protection sociale pour qu'il pèse moins sur le coût du travail dans une économie mondialisée n'a toujours pas été amorcée. Les débats n'ont pas permis de prendre en compte nos suggestions et nos amendements. C'est pourquoi les députés UDF ne voteront pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Jacqueline Fraysse – Lors de mon explication de vote, en première lecture, j'avais qualifié d'« inacceptable » le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Cette appréciation est largement renforcée après son passage au Sénat. Le texte va accentuer la remise en cause des principes fondateurs de la sécurité sociale. Non seulement il ne règle pas les questions budgétaires mais il hypothèque considérablement l'avenir de notre système solidaire et universel.

Il ne règle rien car le Gouvernement se satisfait de recettes de poches pour tenter d'améliorer les comptes ou de nouvelles vagues d'économies par compression de dépenses pourtant utiles ou par déremboursements, uniquement pour arrondir le déficit de l'assurance maladie. Naturellement, pas plus ici qu'au Sénat, la question de fond, la réforme du financement, qui pourtant s'impose à nous, responsables et .garants du devenir de la sécurité sociale, n’aura été abordée. Je ne reviendrai pas sur les engagements pris par le plus haut responsable de notre pays ou par les membres de ce gouvernement, sinon pour observer que, visiblement, le courage n'a pas franchi l'étape déclarative.

On regrettera que cette majorité n'éprouve aucune gêne à voter un projet de budget dont toutes les branches sont dans le rouge. La couverture de base des soins ne sera pas améliorée alors que de plus en plus nombreux sont ceux qui renoncent à se soigner faute de moyens et alors que des professionnels de santé refusent des malades en raison de leur situation sociale…

M. Jean-Paul Bacquet – Dix pour cent des médecins !

Mme Jacqueline Fraysse – Nous ne pouvons pas davantage attendre de ce gouvernement une politique familiale ambitieuse, permettant aux parents de concilier au mieux vie familiale et vie professionnelle. En dépit des nombreux rapports qui recommandent cette réparation, les accidentés du travail et les victimes de maladies professionnelles attendront encore l’amélioration de leur traitement et la reconnaissance des préjudices qu’ils ont subis. Nos régimes de retraites resteront fragiles alors que les experts tirent le signal d'alarme en soulignant l'inefficacité de la réforme Fillon, qui aura bien écorné notre système par répartition et dégradé les pensions. L'hôpital restera exsangue, et les plus vives inquiétudes s'expriment déjà sur l’exercice 2007. Dans ce secteur, vous laissez vraiment derrière vous une situation explosive.

Après le lot d’amendements scélérats déjà adoptés par notre assemblée – les amendements sur les 39 heures dans la restauration, l’hôtellerie et les cafés ou encore le problématique arsenal anti-fraude – le Sénat a mis le pied sur l’accélérateur pour finir le triste travail déjà bien engagé. Soit sur injonction du Gouvernement, soit de leur propre initiative, les sénateurs ont encore renforcé le caractère régressif de ce texte : le « bouclier social » permettra aux micro-entreprises de plafonner le montant de leurs cotisations et de leur impôt, en plus des 25,6 milliards d'exonérations déjà prévues, dont 20 % ne sont pas compensées ; le bénéfice du tiers payant en pharmacie sera subordonné à la délivrance d'un médicament générique ; si la négociation conventionnelle sur la prise en charge des primes d'assurance n’aboutit pas à bref délai, le Gouvernement légiférera par ordonnance. Et que dire de la possibilité offerte aux opticiens de renouveler les lunettes correctrices ?

Pis encore, un premier amendement maintenu par la CMP a remis en cause le droit d'opposition des syndicats de médecins sur les accords, en réservant ce droit aux seuls syndicats dits « représentatifs », qui ne sont pas majoritaires dans ce secteur : les syndicats majoritairement choisis par les professionnels ont été écartés par une nouvelle règle du jeu, car ils contestent la dernière convention.

M. Jean-Paul Bacquet – C’est un scandale !

Mme Jacqueline Fraysse – Il est effectivement scandaleux de jouer ainsi avec la démocratie sociale. La CMP a atténué les effets négatifs de cet amendement en introduisant dans le texte la notion d’« audience électorale », mais il reste à savoir si ce critère sera retenu pour la validation de la convention actuelle.

Par un autre amendement regrettable, un secteur « optionnel » est créé pour remédier au manque de professionnels en secteur 1 et aux listes d'attentes qui s'allongent pour certaines spécialités. Le Gouvernement va ainsi autoriser les chirurgiens de secteur 2 à rentrer dans le secteur 1, dont les tarifs sont normalement réglementés contre une revalorisation de 11,5 % des actes techniques, sans que la base du remboursement soit précisée. Malgré tous les avantages consentis, cet amendement n'incitera pas à la redynamisation du secteur 1 ; il frappera en revanche les ménages au portefeuille, puisque les augmentations ne seront pas prises en charge par la sécurité sociale.

À mille lieues du système universel et solidaire dont nous avons hérité, le Gouvernement et sa majorité ont donc choisi de mettre fin au remboursement intégral, pour les générations futures, et de faire de l’argent un critère d’accès aux soins. Nous voterons résolument contre ce projet de loi de financement qui remet en cause les valeurs de notre sécurité sociale. Nous n’acceptons pas vos orientations qui n’ont rien de fatales, puisque d’autres politiques pourraient être menées, sans saboter les droits des assurés, sans détériorer la prise en charge, sans sacrifier notre système de santé, en particulier le système public hospitalier, sans opposer médecine de ville et médecine hospitalière et sans stigmatiser une frange de notre population. Ne faisons pas de l’argent l’alpha et l’oméga de l’accès aux soins ! Il suffit de prendre l'argent là ou il est, en réformant l'assiette des cotisations sociales patronales dans un sens plus favorable à l'emploi et à la satisfaction des besoins sociaux collectifs. Il s’agit en somme d’avoir un peu de courage, Monsieur le ministre, afin de préserver et de régénérer notre système au lieu de le démanteler dans l’intérêt de quelques-uns, comme vous vous y employez depuis cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Pierre Door – Nos débats sur cette loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 ont été très responsables, les objectifs fixés par la réforme de 2004 ayant été atteints. Après avoir été l’architecte de cet acquis incontestable de notre législature, vous en avez été le maître d’œuvre, Monsieur le ministre, et vous avez su vous opposer à toutes les caricatures et à toutes les contrevérités. De 11 milliards en 2004, puis 8 en 2005 et 6 en 2006, le déficit serait ramené en 2007 à moins de 4 milliards. Modifier les comportements, maîtriser médicalement les dépenses, tout en maintenant un niveau élevé de protection sociale, tels sont les objectifs de ce texte.

La commission mixte paritaire, réunie il y a quelques jours, est parvenue à un accord sur un projet enrichi par des ajustements financiers, comme la contribution exceptionnelle prélevée sur les grossistes répartiteurs et l’abattement sur les dépenses de l’industrie pharmaceutique liées à la recherche et au développement ; par des simplifications, portant notamment sur le renouvellement des lunettes et des traitements de patients chroniques, ou la poursuite du développement des médicaments génériques ; et enfin, par des mesures en faveur des assurés sociaux, telles qu’une consultation gratuite de prévention pour les personnes de plus de 70 ans, une plus grande liberté de sortie en cas d’arrêt de travail et une aide à l’acquisition d’une complémentaire de santé pour 900 000 personnes supplémentaires.

La CMP a par ailleurs maintenu l’Observatoire économique de l’hospitalisation publique et privée, les dispositifs de lutte contre les abus et la fraude, de même que la création d’un répertoire commun aux organismes sociaux grâce à un numéro identifiant unique.

Si nous avons supprimé, à la demande du Sénat, l’exonération généralisée des cotisations sociales sur les indemnités versées en cas de départ décidé en commun par le salarié et l’employeur, le ministre a déposé un amendement que nous examinerons tout à l’heure.

Premier sujet qui a fait couler beaucoup d’encre, le secteur optionnel resté en suspens depuis quatre ans. Le Gouvernement a pris ses responsabilités sur ce point, et a été imité par la CMP : afin de conserver des chirurgiens en secteur 1, à honoraires opposables, et éviter que le secteur 2 devienne un secteur unique, nous devions en effet donner une bouffée d’oxygène à des spécialités délaissées par les étudiants. Voilà pourquoi nous demandons aux acteurs sociaux de réagir dans les délais fixés par la loi.

Le droit d’opposition a par ailleurs été réservé aux seuls syndicats représentatifs afin de ne pas bloquer le système conventionnel, pierre angulaire du projet de loi de financement de la sécurité sociale. La CMP a toutefois engagé le Gouvernement à effectuer, dans de brefs délais, une enquête de représentativité.

La CMP s’est enfin penchée sur la responsabilité civile professionnelle des spécialités à risques, comme les chirurgiens et les obstétriciens. Face à l’explosion des primes d’assurance, incompatible avec une activité dans le secteur 1, malgré la prise en charge d’une partie des primes par l’assurance maladie, il est impératif de trouver un nouvel équilibre entre la participation des assureurs et la solidarité nationale. Trouvons, Monsieur le ministre, une solution le plus rapidement possible afin de préserver ces spécialités à risques.

Pour la première fois depuis 1997, l’objectif de dépenses d’assurance maladie a été respecté en 2005, puis en 2006 et le sera de nouveau l’an prochain. Vous proposez un ONDAM à 2,5 %, dont 1,1 % pour les soins de ville et 3,5 % pour l’hôpital. Les faits donnent raison à cette réforme, qui marche ! La CMP a adopté plusieurs mesures d’urgence, mais elle ne s’est pas laissée prendre au piège de ceux qui tentent de nous entraîner dans une voie contraire à l’idée que le groupe UMP se fait de la santé à la française, plébiscitée par la majorité de nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, nous voterons ce texte avec détermination et enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. le Ministre délégué – Comme M. Door l’a rappelé, nous avons très notablement réduit le déficit de l’assurance maladie.

M. Jean-Marie Le Guen – C’est la méthode Coué !

M. le Ministre délégué – Faut-il le répéter ? Sans la réforme que nous avons entreprise, nous aurions enregistré un déficit de 16 milliards à la fin de 2005. Ce déficit a été ramené à 6 milliards cette année, et l’objectif est de 3,9 milliards l’an prochain. Nous avons donc démontré que nous étions capables, avec les responsables de l’assurance maladie et les syndicats de médecin, d’atteindre nos objectifs grâce à une réforme structurelle misant sur la responsabilité de chacun des acteurs du système de soins, patrimoine commun de tous les Français. Grâce à la convention des médecins, nous avons pu réduire les prescriptions de médicaments contre le cholestérol, d’antibiotiques, de psychotropes et d’arrêts de travail, tandis que les prescriptions de médicaments génériques ont augmenté : en exerçant leur droit de substitution, les pharmaciens ont fait un succès de notre politique de développement des génériques, en panne depuis des années.

M. Jean-Paul Bacquet – Votre majorité avait pourtant voté contre !

M. le Ministre délégué – C’est un grand succès pour la qualité des soins et pour l’économie générale de notre système de santé. Comme l’a fait remarquer Jean-Pierre Door, nous avons préservé dans le même temps le niveau de notre protection sociale, la prise en charge de la sécurité sociale s’élevant à 77 %, soit une hausse d’un point en dix ans, sans même compter les couvertures complémentaires dont chacun connaît l’ampleur. Le dispositif conventionnel qui a permis de diffuser cet esprit de responsabilité et de le faire partager chez les médecins et chez les patients, dont la très grande majorité a choisi un médecin traitant, explique le succès de cette réforme.

Les dispositions adoptées par le Sénat sur l’organisation de la négociation conventionnelle et les règles de représentativité applicables aux organisations syndicales de médecins s’inspirent de celles qui existent, et que nul ne conteste, pour la négociation collective entre syndicats de salariés et syndicats d’employeurs. Il n’est pas concevable qu’avec l’appoint d’organisations non représentatives, des organisations représentatives qui, il est vrai, ont obtenu de très bons résultats aux élections professionnelles, puissent bloquer un système conventionnel auquel elles ont refusé de prendre part. Certes, le droit d’opposition, qui existe depuis longtemps dans notre droit du travail et a été renforcé ces dernières années, permet que n’entre pas en vigueur un texte conventionnel auquel se serait opposée une majorité d’organisations représentatives. Mais une fois un dispositif conventionnel en place, reconnaître à des syndicats qui lui sont extérieurs, avec l’appoint de syndicats non représentatifs, la possibilité de le bloquer serait renier le principe même de la négociation conventionnelle.

M. Jean-Marie Le Guen – Et la démocratie ?

M. le Ministre délégué – Il était temps d’adapter notre dispositif en s’inspirant enfin de celui prévu dans le droit du travail et qui fonctionne parfaitement.

M. Jean-Paul Bacquet – Putschiste !

M. le Ministre délégué – Il en allait de l’intérêt général de notre dispositif conventionnel.

M. Jean-Marie Le Guen – Votre politique est rejetée, mais vous refusez de l’entendre. Minoritaires permanents, vous vous obstinez !

M. le Ministre délégué – Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte beaucoup d’autres mesures très positives, comme l’amélioration de l’accueil des personnes âgées et handicapées, ou bien encore celles issues de la Conférence de la famille de juillet dernier. Pour toutes ces raisons, j’invite votre assemblée à voter le texte qui vous est soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente – Nous en venons au texte de la CMP. Conformément à l’article 113, alinéa 3, du Règlement, j’appelle l’Assemblée à statuer d’abord sur les amendements dont je suis saisie.

M. le Ministre délégué – L’amendement 2 précise que le Gouvernement a trois mois pour déposer devant le Parlement le projet de loi de ratification de l’ordonnance prévue à l’article 38 bis et relative à la responsabilité civile des médecins. Nous souhaitons bien sûr que les négociations engagées entre médecins et assureurs aboutissent. Mais dans l’hypothèse où tel ne serait pas le cas, nous souhaitons pouvoir prendre les mesures nécessaires par ordonnance, et cela dans un délai déterminé.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

M. Jean-Marie Le Guen – Une fois de plus, devant une crise généralisée de l’exercice de certaines professions de santé, notamment les plus exposées aux risques de contentieux, le Gouvernement apporte une réponse ponctuelle, éculée et inflationniste. Au moment même où il ouvre le secteur optionnel aux chirurgiens, sans même réfléchir aux nouvelles conditions de la pratique chirurgicale, et favorise la multiplication des actes comme si c’était la seule façon d’accroître leur rémunération, le Gouvernement fait appel à l’assurance maladie pour financer les primes d’assurance des chirurgiens qui ont augmenté de manière inconsidérée – sans que l’on puisse d’ailleurs nous expliquer pourquoi. Certains justifient leur envolée par une augmentation de la sinistralité, laquelle n’est absolument pas démontrée. Le Gouvernement ouvre les vannes financières sans tenter de résoudre au fond la crise que traversent ces professions, apportant une nouvelle fois la preuve de son absence totale d’imagination, d’audace et de volonté de dialogue. La disposition qui nous est proposée ne fera qu’affaiblir notre dispositif de sécurité sociale, dont elle accroît les dépenses, sans apporter aucune réponse à moyen et long terme aux professionnels. Ces rustines ne permettront pas d’aller très loin !

M. Jean-Luc Préel – Le Gouvernement a sorti au Sénat des amendements de dernière minute lui permettant de se substituer à la CNAM en cas d’échec de certaines négociations. Or, la réforme de l’assurance maladie de 2004 distinguait clairement les rôles respectifs de la CNAM et du Gouvernement. Celui-ci a montré à plusieurs reprises qu’il tentait de reprendre la main lorsque les partenaires sociaux ne parvenaient pas à un accord.

M. Jean-Pierre Door – Cela s’appelle l’action.

M. Jean-Marie Le Guen – Non, la confusion !

M. Jean-Luc Préel – Donne-t-on ou non de l’autonomie aux partenaires ? Voilà la question.

Je souhaiterais, Monsieur le ministre, pouvoir remplacer dans votre amendement le mot « déposé » par le mot « débattu ». Il importerait en effet que le projet de loi de ratification soit débattu devant nous, et pas seulement déposé. Les ordonnances court-circuitent le Parlement…

M. Jean-Marie Le Guen – Cela, ils savent le faire et aiment le faire !

M. Jean-Luc Préel – Les projets de loi de ratification ne sont jamais débattus. On en a exhumé un la semaine dernière, qui avait été déposé en 2005, pour régler le problème que peuvent poser les malades mentaux en matière de délinquance, alors même que ce sujet, qui concerne les libertés publiques, était extrêmement important. Il faudrait que les ordonnances soient expressément ratifiées par le Parlement.

M. le Ministre délégué – Je ne peux être d’accord avec cette proposition de sous-amendement. L’article 38 de la Constitution dispose que les projets de loi de ratification d’ordonnances doivent être déposés sur le bureau des assemblées parlementaires.

Mme Jacqueline Fraysse – Cet amendement de dernière minute aborde un problème réel sans le régler au fond. D’une part, nous considérons, vous le savez, que le recours aux ordonnances n’est pas une façon de légiférer. D’autre part, nous ne pouvons tolérer que l’assurance maladie prenne en charge une partie des primes d’assurance des médecins, alors que les représentants de l’assurance maladie eux-mêmes étaient contre. Enfin, comment pourrions-nous accepter cet amendement alors que nous n’avons obtenu aucune réponse aux questions que nous avons posées en première lecture sur les raisons qui pouvaient justifier une telle hausse des primes ainsi que sur le nombre des contentieux en cours ? Pourquoi ne pas négocier avec les compagnies d’assurances pour qu’elles diminuent le montant des primes – sauf à justifier les hausses intervenues par des études étayées ?

M. Jean-Marie Le Guen – Le ministre ne peut pas répondre comme il l’a fait à M. Préel en nous renvoyant au texte de la Constitution. Nous savons tous que les projets de loi de ratification sont très rarement débattus. Ce gouvernement court-circuite le Parlement par tous les moyens possibles : multiplication des ordonnances, dépôt d’amendements au Sénat pour éviter qu’ils ne soient discutés ici… Il n’y a plus aucun contrôle démocratique. C’est une régression sans précédent.

M. Jean-Paul Bacquet – Cet amendement est inacceptable. On demande à l’assurance maladie de payer une partie des primes d’assurance des chirurgiens au moment même où on ouvre à leur profit un secteur optionnel leur permettant d’augmenter la part de leurs honoraires non remboursés. C’est une double peine pour les assurés sociaux qui vont payer à la fois les dépassements d’honoraires des chirurgiens et des cotisations plus élevées, car il faudra bien couvrir les dépenses supplémentaires mises à la charge de l’assurance maladie.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 3 corrige une erreur matérielle.

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – Les amendements 4 rectifié et 5 rectifié corrigent eux aussi une erreur matérielle.

L'amendement 4 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l’amendement 5 rectifié.

M. le Ministre délégué – L’amendement 1 vise à trancher une question qui a fait l’objet de nombreux débats tant à l’Assemblée qu’au Sénat et en CMP.

Dans le cadre du plan national d’action pour l’emploi des seniors, nous avons décidé avec les partenaires sociaux qu’à compter de 2010, l’âge où il sera possible de mettre un salarié à la retraite d’office passera de 60 à 65 ans. Cette disposition s’ajoute à d’autres visant à encourager l’emploi des seniors : retraite progressive, cumul emploi-retraite, notamment pour les salariés dont les revenus d’activité étaient les plus faibles, augmentation de 2 % à 5 % de la surcote prévue par la loi de 2003. Cette politique, qui vise à ce que l’activité soit poursuivie le plus longtemps possible, intervient alors que la France est le pays d’Europe où l’on quitte son activité le plus tôt, où le chômage des jeunes a longtemps été le plus élevé,…

M. Maxime Gremetz – Il l’est toujours !

M. le Ministre délégué – …où l’on rentre le plus tard sur le marché du travail, et où, en raisons de législations imprudentes et hasardeuses – les 35 heures –, la semaine de travail est la plus courte.

M. Maxime Gremetz – C’est faux ! Lisez le rapport de la Banque de France !

M. le Ministre délégué – Il fallait donc prendre des mesures pour allonger la durée de maintien en activité des salariés qui le souhaitent. Pour autant, nous avons, dans la loi de 2003 portant réforme des retraites, encouragé les partenaires sociaux à signer des accords de branche ou d’entreprise qui devaient permettre aux salariés de partir à la retraite à 60 ans, après mise à la retraite d’office,…

M. Maxime Gremetz – Arrêtez ! Regardez tous les licenciements !

M. le Ministre délégué – …avec la possibilité pour ces derniers de percevoir des indemnités exonérées de toute cotisation patronale et salariale. Ces entreprises et ces branches nous disent qu’elles ont besoin d’une visibilité à moyen terme pour gérer leurs effectifs et que nos mesures sont à cet égard trop rigides, qu’il fallait tenir compte des accords, de façon à ce que les nouvelles dispositions puissent entrer en vigueur progressivement pour les entreprises concernées…

M. Maxime Gremetz – Vive la précarité !

M. le Ministre délégué – Elles demandent que là où il y a des accords, là où le dialogue social s’est montré plus dynamique, on puisse en être récompensé, sans que le Parlement et le Gouvernement ne viennent tirer le tapis sous les pieds des partenaires sociaux.

Alors que le Président de la République a demandé que l’on consacre la primauté du dialogue social pour toute réforme du code du travail, ce qui a trop longtemps attendu, il serait malséant de ne pas tenir compte des accords signés en vue d’assurer des départs à la retraite dans de bonnes conditions.

Aussi, tout en maintenant la nouvelle règle, qui veut qu’à partir de 2010 soient exclues les mises à la retraite d’office avant 65 ans, nous devons réserver le cas des entreprises et des branches qui ont conclu ces accords. L’amendement 1 traduit en actes ce compromis, pour que nous fassions droit à la négociation collective et puissions en même temps mettre en œuvre notre plan concerné pour l’emploi des seniors. Il prolonge le délai d’adaptation pour les branches et entreprises signataires au-delà de 2010, jusqu’au 1er janvier 2014. L’employeur pourra ainsi maintenir le montant des indemnités de départ tel qu’il était prévu pour la période 2010-2014, ce montant étant exonéré de cotisations sociales : il pourra, comme il l’avait prévu, faire un calcul avantageux pour les salariés, le financement des indemnités demeurant possible aux niveaux prévus par les accords de 2003.

M. Maxime Gremetz – On n’y comprend rien !

M. le Ministre délégué – Telle est l’économie générale de cet amendement de compromis, qui rend compte de la diversité des débats qui ont eu lieu sur ces questions délicates et nous permet de réaliser progressivement l’ensemble de nos objectifs sans semer la perturbation.

M. Maxime Gremetz – Vous l’avez déjà semée !

M. le Rapporteur – Je donnerai mon avis personnel, car la commission n’a pas examiné cet amendement.

M. Jean-Marie Le Guen – Comme d’habitude !

M. le Rapporteur – Pas du tout. Nous avons discuté en commission d’un amendement de MM. Tian, Gilles, Baguet et Vitel, qui était tout à fait dans le même esprit que celui du Gouvernement. Les intervenants à la discussion, considérant que la proposition posait un certain nombre de problèmes, se sont opposés au ministre. Nous parvenons aujourd’hui à un heureux dénouement : les députés ont trouvé un terrain d’accord avec le ministre, qui, au départ, s’était un peu raidi... J’ai donc présenté en CMP, au nom des députés, un amendement qui allait dans le même sens que celui de M. Tian et de nos collègues…

M. Maxime Gremetz – C’est une bataille d’auteurs !

M. le Rapporteur – tout en ajoutant que ces indemnités seraient soumises à la CSG et à la CRDS. Contre toutes mes attentes, les sénateurs ont rejeté cet amendement, sans qu’il ait été possible, à mon grand regret, de trouver une voie moyenne. Heureusement, je vois que le ministre nous a entendus, et je me rallie à sa proposition.

M. Yves Bur – À titre personnel, je m’interroge sur cet amendement, qui exonère de cotisations sociales jusqu’en 2013 les branches ayant passé des accords de mise à la retraite d’office. Il y a, tout d’abord, un problème de cohérence avec la courageuse réforme des retraites que nous avons votée en 2003 et dont l’un des axes est de faire que les Français prolongent leur activité, ce pour quoi la surcote a été instituée, à titre de mécanisme incitatif.

En outre, cet amendement est-il cohérent avec le plan pour l’emploi des seniors,…

M. Maxime Gremetz – Non !

M. Yves Bur – …fruit d’un consensus avec tous les partenaires sociaux, inscrit dans l’article 55 de ce PLFSS ? Est-ce que ce n’est pas un pied de nez au dialogue social ?

C’est aussi une question de responsabilité. Cette prolongation des avantages va coûter quelques milliards d’euros, et nous continuons ainsi à financer un avantage social à crédit, par le biais de la compensation de l’État ou les prestations versées de manière anticipées par les régimes sociaux. Ce transfert de responsabilités sur les générations futures ne me plaît pas, par principe.

M. Jean-Luc Préel – Excellent principe !

M. Yves Bur – C’était déjà ma position au moment de la réforme de la sécurité sociale, à l’occasion de laquelle j’avais demandé une augmentation de la CRDS pour financer le déficit confié à la CADES.

Pourquoi maintenir ces exonérations, réservées aux salariés de certaines entreprises, généralement les plus grandes, alors que celles qui n’auront pas signé de tels accords en seront exclues ? C’est créer une inégalité, qui me gêne. C’est pourquoi, même si je comprends les difficultés que l’on cherche ainsi à résoudre, je ne voterai pas cet amendement.

M. Dominique Tian – Ce dont il est question, avant tout, c’est le respect de la parole de l’État. L’article 16 de la loi Fillon sur les retraites prévoit que ces dispositions s’appliquent dans tous les cas où des accords de branche ont été signés. Il se trouve que 124 branches professionnelles ont signé ce type d’accords. Il s’agit donc de ne pas renier la parole de l’État ; tel est le sens de l’amendement qu’avec mes collègues, nous avons déposé, et qui avait été adopté par l'Assemblée nationale. Il faut se réjouir qu’un processus de maturation ait entre-temps eu lieu, et se féliciter de l’excellent travail parlementaire réalisé. Je vous remercie donc, Monsieur le ministre, au nom des députés qui avaient voté cet amendement dans sa première version. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen – La facilité consisterait en effet pour nous tous, à la veille des échéances électorales, à adopter cet amendement qui fera plaisir au patronat tout en permettant à un certain nombre de salariés de bénéficier d’indemnités de départ exonérées d’impôts. Je partage cependant les interrogations de notre collègue Bur. Au lieu de faire des moulinets sur la durée du travail, Monsieur le ministre, vous feriez bien de reconnaître que le chômage des seniors est un problème majeur. Les conditions de travail et la formation professionnelle ne sont pas seules en cause : il y a aussi la psychologie de l’entreprise. Nous vivons dans une aberration anthropologique qui veut qu’à partir de cinquante ans, on n’ait plus rien à faire dans une entreprise. Dans le même temps, nous martelons que cela doit changer. L’allongement de la vie active est en effet une nécessité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Accoyer – Ce n’est pas ce que vous avez voté !

M. Jean-Marie Le Guen – C’est pourtant ce que je pense, Monsieur Accoyer, mais ce n’est pas ce que vous faites. Quand il faut prendre une décision délicate, cette majorité se dérobe ! Quand il s’agit de prendre une décision courageuse, le Medef disparaît ! Donner des leçons sur la situation des finances publiques et la gestion de la Sécurité sociale, vous savez faire ! Mais la vérité, c’est que le Medef n’est pas capable de maintenir en activité des salariés et de leur donner envie de travailler. Qui donc va payer ? La sécurité sociale de nos enfants ! Il est facile de voter une disposition dont le coût ne sera assumé qu’en 2012 ! Les leçons de morale sur la rigueur de gestion, commencez donc par vous les appliquer à vous-même ! Bref, cet amendement montre bien la faiblesse du Gouvernement. Je ne le voterai pas.

M. le Ministre délégué – Il y a des choses que je ne peux laisser passer. Vous n’avez pas, Monsieur Le Guen, à parler au nom de la morale et du courage.

M. Jean-Marie Le Guen – Je vais me gêner !

M. le Ministre délégué – Pendant cinq ans, vous avez refusé de réformer les retraites, et quand cette réforme vous a été soumise et qu’elle a prévu l’allongement de la durée d’activité des fonctionnaires, vous l’avez refusée ! Où est le courage ? Où est la morale ? (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen – Votre bilan est lamentable !

Mme la Présidente – Gardez votre calme, Monsieur Le Guen.

M. Maxime Gremetz – Il n’est au pouvoir de personne, Monsieur le ministre, de dire ce que l’on a ou non le droit de dire ici. Nous sommes dans une assemblée parlementaire. Sans doute ne le savez-vous pas, mais puisque vous êtes candidat, nous vous retrouverons peut-être sur ces bancs. Vous comprendrez alors ce qu’est le rôle du Parlement. Nous disons ce que nous avons à dire. Que vous soyez ému, chagriné ou en colère, soit. Mais ne dites jamais à un député qu’il n’a pas le droit de dire ce qu’il dit !

Du reste, je pourrais vous dire que vous n’avez pas le droit de présenter cet amendement, qui n’a pas été examiné en commission et nous est arrivé de nulle part. Il est d’une telle complexité que je n’y comprends goutte. Vous avez supprimé la contribution Delalande, qui pénalisait les entreprises licenciant des seniors ; et vous nous dites en même temps que les seniors ne travaillent pas assez longtemps. Mais vous laissez des patrons voyous licencier tous les jours des centaines de salariés expérimentés !

Vous dites qu’il y a eu 130 accords de branche. Mais combien d’entreprises concernent-ils ? Toutes les entreprises qui mettent en œuvre des plans de restructuration, et vous le savez bien, ou alors c’est que vous n’allez jamais sur le terrain, commencent par proposer des préretraites ! Et parce que nous sommes à la veille des élections, vous allez encourager cela ! Cela fera baisser les chiffres du chômage, à l’heure où il s’apprêtent à augmenter de nouveau. Bref, voilà un amendement de pure opportunité électorale. C’est indécent !

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

explications de vote

M. Jean-Luc Préel – Nous allons donc nous prononcer sur la somme considérable de 402 milliards d’euros. Ce PLFSS s’est mué en projet de loi portant diverses mesures d’ordre social, avec de nombreux cavaliers adoptés au Sénat avec le soutien du Gouvernement. Le Conseil constitutionnel tranchera : vous regretterez alors de ne pas avoir déposé de vrai projet de loi DMOS quand il en était encore temps.

Il est regrettable que le Gouvernement ait déposé des amendements importants au Sénat, privant ainsi notre Assemblée de la possibilité de débattre, notamment sur le droit d’opposition syndical à la convention.

Les prévisions de recettes seront-elles tenues ? Elles sont sans doute optimistes, puisqu’elles supposent une augmentation de la masse salariale de 4,6 %. Toutes les branches sont cette année déficitaires. Les déficits de la branche famille et de la branche vieillesse seront sans doute confirmés. En revanche, l’ONDAM sera probablement dépassé, puisqu’il n’est toujours pas médicalisé en dépit des promesses. Contrairement à ce qu’a dit Jean-Pierre Door, l’ONDAM 2006 – qui avait été fixé à 0,9 % – sera dépassé d’au moins 740 millions, malgré les mesures comptables prises en septembre. La diminution des indemnités journalières marque le pas – elles auraient même recommencé à augmenter en octobre.

L’ONDAM 2007 est très restrictif. La diminution des indemnités journalières sera certainement moindre qu’en 2006, et le ministre a fait de nombreuses promesses aux professionnels de santé. J’espère qu’il tiendra celles concernant le C=CS, la CCAM technique, la CCAM clinique et les établissements de santé. L’ONDAM 2007 ne sera donc sans doute pas respecté.

Surtout, rien n’est prévu pour financer le déficit de 10,7 milliards envisagé par le Gouvernement. Il faudra revoir les réformes de l’assurance maladie et des retraites, qui n’ont pas réglé les problèmes de fond. L’UDF votera contre ce texte.

M. Jean-Marie Le Guen – Ce PLFSS est le cinquième présenté par cette majorité et le cinquième qui constate un déficit de plus de 10 milliards. Cela signe l’échec de ce Gouvernement, qui a mené une politique sociale à crédit, et en particulier s’agissant de l’assurance maladie.

On nous rebat les oreilles des résultats de la branche maladie, que l’on prend soin de ne comparer qu’aux résultats cataclysmiques de la gestion de M. Mattei. On se flatte de ne faire que la moitié de son déficit, alors que ces chiffres sont obtenus pour l’essentiel en mobilisant des sommes qui sont soustraites au budget de l’État ou à d’autres branches de la sécurité sociale. On se contente de ces déficits qui se reportent d’année en année, avec des objectifs d’équilibre de plus en plus lointains – 2007, disait-on, et maintenant 2009 – encore cela tiendrait-il du miracle.

Or les décisions qui ont été prises lors de ce PLFSS – hors de cette Assemblée – marquent un véritable tournant. Désormais, la protection sociale obligatoire ne suffira pas pour assurer le remboursement des soins lourds, comme les soins chirurgicaux. Il faudra avoir une complémentaire, de plus en plus chère et que de moins en moins de gens pourront se permettre. Nous allons vers la démutualisation pour les actes les plus onéreux.

En second lieu, vous avez eu beau flatter les corporatismes, le corps médical rejette à plus de 60 % votre réforme et les syndicats qui s’y opposent sont majoritaires aux élections. Vous les avez châtiés en les excluant de la discussion sur la convention. Au malaise du corps médical, vous répondez par un déni de démocratie, et vous brutalisez l’assurance maladie.

Par ailleurs, vous ne faites rien pour répondre à la crise de la démographie médicale qui rend l’accès aux soins difficile dans certains territoires. Vous avez renoncé à la véritable réforme, qui aurait été celle de l’offre de soins, pour en garantir l’accès à tous sur l’ensemble du territoire comme nous n’avons cessé de le demander. Mais il en va de la santé comme des retraites, où vous prétendiez avoir tout réglé et sur lesquelles vous revenez dans une sorte de pirouette. Dans ces domaines, tout reste à faire. Le vote de ce texte, c’est la faillite de votre politique de la protection sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Présidente – Je suis saisie par le groupe communiste et républicain d’une demande de scrutin public sur l’ensemble du texte.

M. Philippe Vitel – Ce projet a été l’occasion de discussions fructueuses, animées, colorées même. Il respecte la feuille de route fixée lors de la réforme de l’assurance maladie en 2004. Le déficit qui aurait pu être de 16 milliards en 2005 n’a été que de 6 milliards : nous sommes sur la bonne voie, tout en préservant le système universel et solidaire auquel les Français sont attachés. Je vous remercie, Messieurs les ministres, pour le travail accompli. Le groupe UMP, avec une conviction absolue, votera ce PLFSS. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz – Le système de santé est malade et fortement mis à mal. Le droit à la santé pour tous est un rêve pour beaucoup. Partout l’hôpital est en déficit, jamais le personnel ne s’est autant plaint à nous de ne pouvoir assurer des soins de qualité pour tous, et même la sécurité des patients. Un grand professeur, qui a réalisé une grande première avec notre collègue Dubernard, me l’a dit lui-même.

Pourquoi en est-on là ? Tant qu’on n’aura pas le courage de s’attaquer à une vraie réforme du financement de la protection sociale, rien ne changera. Il faut moduler les cotisations pour faire payer ceux qui sont uniquement soucieux de rentabilité et non de l’emploi. Taxer simplement de 0,5 % les revenus financiers rapporterait 120 milliards. Mais au contraire, le Gouvernement veut imposer les critères de rentabilité du privé aux hôpitaux publics. Vous continuez à évoquer le système mis en place en 1945, mais par vos choix politiques, vous le démantelez. Nous voterons contre ce projet.

À la majorité de 87 voix contre 23 sur 110 votants et 110 suffrages exprimés, l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la CMP modifié, est adopté.

M. le Ministre délégué – Le vote de ce texte est une nouvelle étape du redressement de la sécurité sociale. J’en remercie l’Assemblée, et en particulier les rapporteurs, qui ont accompli un énorme travail. Le Gouvernement a été attentif aux propos de chacun, de l’opposition comme de la majorité, et se félicite de la qualité de ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 18 heures 55, est reprise à 19 heures 5.

Retour au haut de la page

prÉvention de la dÉlinquance (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la délinquance.

Art. 6 (précedemment reservé) (suite)

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois – Comme plusieurs dispositifs différents portent le nom d’accompagnement parental, je propose, pour éviter toute confusion, d’employer plutôt ici l’expression : « aide à l’exercice de la fonction parentale ». Tel est l’objet de l’amendement 177.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille – Favorable.

M. Jean-Pierre Blazy – M. le rapporteur a employé un mot qui nous confirme dans notre opinion sur tout ce projet : confusion ! Comment le Gouvernement a-t-il pu ne pas voir qu’il y a déjà maints dispositifs dits d’accompagnement parental, et donc un risque de confusion ?

L'amendement 177, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Cardo – Mon amendement 94 tend à ce que le conseil pour les droits et devoirs des familles ait une parfaite connaissance de l’ensemble des mesures déjà prises pour une personne ou une famille et soit à cet effet immédiatement informé de la conclusion d’un contrat de responsabilité parentale, qui est une mesure assez forte. Il convient en effet d’éviter des redondances.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement, mais si M. Cardo était d’accord pour retirer l’adverbe « immédiatement », je donnerais un avis favorable.

M. Pierre Cardo – D’accord.

M. le Rapporteur – Favorable, donc.

M. le Ministre délégué – Sagesse.

L'amendement 94 ainsi rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme Maryvonne Briot, suppléant M. Dubernard, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles – Le texte permet au conseil de proposer au maire qu’il demande à la CAF de mettre en place un dispositif d’accompagnement des familles, consistant en une aide à la gestion des prestations familiales. L’amendement 105 de notre commission tend à supprimer cette faculté. En effet l’article 12 du projet relatif à la protection de l’enfance, qui a été voté par le Sénat en juin dernier, crée déjà une mesure de ce type intitulée « accompagnement en économie sociale et familiale » et placée sous la responsabilité du département. Il y a donc un problème de coordination, de même qu’avec le contrat de responsabilité parentale, relevant aussi du président du conseil général. La commission propose donc de simplifier le dispositif en ne conservant que deux options : la mesure d’accompagnement en économie sociale et familiale ou la mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial.

M. le Rapporteur – La commission des lois est toujours d’accord avec les amendements de M. Dubernard, mais je vais devoir faire ici une exception, car cet amendement supprimerait un des outils mis à la disposition du conseil que nous venons de créer. Mieux vaut lui laisser une assez large palette.

M. le Ministre délégué – Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Blazy – Nous pensons quant à nous que l’amendement de la commission des affaires culturelles va dans le bon sens et illustre, une fois de plus, l’inutilité du dispositif imaginé par le Gouvernement, là où le droit commun suffit, et même sa dangerosité, dans la mesure où ce dispositif crée un risque de confusion.

M. Jean-Christophe Lagarde – Je soutiens l’amendement de la commission des affaires culturelles, qui a raison de vouloir éloigner le maire de l’éventuelle sanction. Si on ne le fait pas, on risque de transformer les maires – qui sont les interlocuteurs les plus proches et les plus visibles – en cibles. Je signale que le maire de Noisy-le-Grand a eu, cette semaine, son véhicule incendié en pleine nuit et que, durant les émeutes de l’an dernier, le pavillon de la mairie de Villepinte avait reçu trois cocktails molotov.

Que les maires puissent saisir le président du conseil général, très bien. Mais leur donner le rôle du père fouettard, c’est mettre en péril leur capacité de médiation, voire les mettre personnellement en danger. On n’imaginerait pas qu’un magistrat habite à côté de ceux qu’il juge ; il faut, de même, protéger les édiles, et faire que ceux qui prennent les mesures de coercition ne soient pas en toute première ligne.

M. Pierre Cardo – Les maires sont parfois agressés, comme le sont les acteurs sociaux ou les enseignants. Je pense donc également qu’il faut aussi les protéger, et éviter que les acteurs de première ligne soient ceux qui prennent les décisions de sanction. De plus, le conseil, conçu comme un outil pédagogique, une structure d’appui aux familles, vise à réduire les tensions et à rétablir le lien social. Il doit donc avoir une image positive auprès de la population. Mieux vaut donc, si des sanctions paraissent finalement nécessaires, alerter le président du conseil général, qui avisera. L’adoption de cet amendement permettrait de maintenir une gradation utile, ferait taire certaines critiques dont le texte fait parfois l’objet et montrerait l’ouverture du Gouvernement.

L'amendement 105, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente – L’amendement 95 tombe.

M. Pierre Cardo – Je propose, par l’amendement 96, de créer au sein du conseil un comité de pilotage restreint et permanent, ce qui permettrait une meilleure réactivité en cas d’urgence. Mais je puis comprendre qu’il ne soit pas nécessaire d’inscrire cette disposition dans la loi.

M. le Rapporteur – C’est pourquoi la commission n’a pas retenu l’amendement. Chaque commune sera libre d’organiser le fonctionnement du conseil comme elle l’entend, sans qu’il soit nécessaire d’imposer des modalités particulières.

M. le Ministre délégué – Même avis. Laissons un peu de souplesse aux maires, dont beaucoup, je n’en doute pas, adopteront les dispositions pratiques que vous proposez. Je vous invite, Monsieur Cardo, à bien vouloir retirer l’amendement.

M. Pierre Cardo – Je le retire volontiers, mais il me paraissait important que le sujet soit abordé. Quant à l’amendement 125, il est de cohérence.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre délégué – Avis également défavorable.

M. Jean-Pierre Blazy – Je soutiens l’amendement. Sur un plan général, l’alinéa 10 indiquant, sans plus de précisions, qu’un décret fixera la liste des représentants de l’État qui pourront siéger au conseil, le ministre pourrait-il nous donner quelques indications à ce sujet ?

M. le Ministre délégué – Les fonctionnaires habilités à représenter l’État seront principalement ceux de l’éducation nationale, des services déconcentrés des affaires sociales et de la jeunesse et des sports, ce qui n’exclut pas qu’à l’initiative du maire le préfet étudie d’autres possibilités.

M. Jean-Christophe Lagarde – Je crains que l’amendement 125 ne soit de cohérence avec l’amendement 94, qui n’a pas été adopté.

M. Pierre Cardo – L’amendement est retiré.

M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement 529 est retiré.

Mme la Présidente – Les amendements 126 rectifié et 178 peuvent faire l’objet d’une discussion commune.

M. Pierre Cardo – Le maire n’a pas à recueillir l’avis du président du conseil général sur la mise en place d’un accompagnement parental. Non seulement cela ralentirait la procédure mais cela introduirait une notion de hiérarchie inopportune entre les deux exécutifs. Par l’amendement 126 rectifié, je propose donc que président du conseil général soit informé, ce qui suffit amplement.

M. le Rapporteur – La commission a exprimé un avis défavorable, préférant à la rédaction de l’amendement 126 rectifié celle de l’amendement 178, qui tend à ce que le maire sollicite l’avis du président du conseil général. Je suggère à M. Cardo de retirer son amendement au bénéfice de celui de la commission.

M. Jean-Pierre Soisson – « Solliciter » me paraît un terme un peu fort.

M. le Ministre délégué – Je me rallierais à l’amendement 178 si M. Cardo acceptait de retirer l’amendement 126 rectifié.

M. Pierre Cardo – Je comprends le sens de la diplomatie de notre rapporteur, mais les deux termes n’ont pas la même portée. Je continue de penser que le président du conseil général doit être informé mais que le maire n’a pas à solliciter son avis. Imaginez l’alourdissement de la procédure que le respect d’une telle obligation entraînerait dans les grands départements. La confiance doit valoir dans les deux sens : que l’on fasse donc confiance aux maires !

M. Jean-Christophe Lagarde – La similitude lexicale n’est qu’apparente. Si l’on fait du maire le coordonnateur de terrain de la politique de prévention, il n’a pas à solliciter l’avis du président du conseil général – au risque, aussi, d’alourdir inutilement la procédure – mais seulement à l’informer.

M. Jean-Pierre Soisson – Je partage ce point de vue. On ne peut doter le maire d’un pouvoir pour dire ensuite qu’il devra solliciter l’avis du président du conseil général, ce qui introduit une relation hiérarchique inacceptable. Il doit l’informer, mais on ne peut aller au delà.

M. Jean-Pierre Blazy – La rédaction actuelle nous conduirait à une véritable usine à gaz. Il existe en effet deux dispositifs : d’un côté les mesures d’accompagnement parental décidées par le maire, et de l’autre le contrat de responsabilité parentale du conseil général. En demandant qu’on recueille l’avis du conseil général, le Sénat a certainement voulu établir une certaine cohérence. Je ne partage pas les orientations de cet article, mais je suis d’accord avec mes collègues sur un point : laissez au moins une certaine autonomie au maire si vous voulez qu’il prenne des mesures d’accompagnement parental. Demandez lui de « recueillir » l’avis du conseil général, mais ne lui imposez pas de le « solliciter ». Vous allez le confronter à des difficultés qui vont à l’encontre de votre propre objectif !

M. le Rapporteur – Alors que le texte initial se contentait de prévoir l’information du conseil général, le Sénat a demandé qu’on « recueille » son avis.

M. Jean-Christophe Lagarde – Naturellement ! Le Sénat ne compte que des présidents de conseils généraux !

M. le Rapporteur – À la place de cette procédure contraignante, je proposais, une simple « sollicitation ». Je m’étonne que M. Soisson y voie un terme plus fort : c’est au contraire une solution intermédiaire entre une information et le recueil d’un avis. Solliciter signifie seulement demander.

J’ajoute que ce dispositif n’est pas sans fondement, car le conseil général pourra mettre en place un contrat de responsabilité parentale si l’accompagnement parental échoue. Le conseil général intervenant plus que tous les autres acteurs dans ce domaine, il est plus que normal de le consulter !

Cela étant, je veux bien remplacer « sollicite » par « demande ». Je ne me battrai pas sur cet amendement !

M. Jean-Pierre Blazy – Consultons l’Académie française !

M. Pierre Cardo – La rédaction initiale était fondée, mais je peux comprendre la position du Sénat compte tenu des pressions exercées par l’association des présidents de conseils généraux.

Je rappelle tout d’abord que la mesure d’accompagnement familial, destinée à aider les familles, a une visée préventive et qu’il ne s’agit en rien d’un contrat, même s’il faut l’accord des parents. Il est normal d’en informer le conseil général, au même titre que l’académie et les établissements d’enseignement. Si la mesure décidée par le maire échoue, ce dernier fera en effet un rapport au président du conseil général et lui demandera de porter à sa connaissance la décision qu’il prendra de son côté.

Recueillir l’avis du conseil général ne pourrait qu’engendrer des embouteillages et des retards qui justifieront l’inaction de certains maires. Pourquoi ne pas laisser son autonomie au maire, puisqu’il n’engage que lui ? Quel sens y aurait-il d’imposer un contrôle de la part du conseil général ?

J’ajoute que la mesure sera prise au sein du conseil pour les droits et devoirs des familles, qui compte en son sein des travailleurs sociaux du département. Comment imaginer que la décision soit contraire au travail du conseil général ?

M. le Rapporteur – Mon amendement visait à faire gagner du temps en CMP, qui reviendra de toute façon à cette rédaction. Je retire mon amendement 178 au profit de celui de M. Cardo.

Plusieurs députés socialistes – Quel aveu d’impuissance !

M. Noël Mamère – Cet affrontement entre les pro-départementalistes et les pro-localistes démontre bien que nous avions raison de demander la suppression de l’article 6. Ce n’est pas au maire de présider le conseil pour les droits et devoirs des familles, et encore moins d’exercer une contrainte par le biais des mesures d’accompagnement parental. Par ailleurs, les motifs conduisant à de telles mesures restent particulièrement flous dans ce projet de loi.

Comme l’a dit M. Blazy, c’est une véritable usine à gaz que vous allez créer en superposant tous ces dispositifs. Le président du conseil général a la compétence de droit commun en matière de protection de l’enfance et d’action sociale : au nom de quoi le maire s’y substituerait-il ? Si le maire ne gagne pas de pouvoir de contrainte dans ce texte…

M. Pierre Cardo – Bien sûr que non !

M. Noël Mamère – …il pourra exercer une forme de menace sur les parents qui n’exécuteraient pas les mesures qu’il a décidées. C’est une atteinte à l’autorité parentale, champ réservé à la justice et à l’aide sociale à l’enfance.

Contrairement à ce qui a été affirmé, je ne suis pas certain du tout que les mesures d’accompagnement ne constitueront pas un doublon du contrat de responsabilité parentale.

M. Lilian Zanchi – Nous non plus !

M. Noël Mamère – Je m’oppose enfin à la remise aux parents d’une attestation contre un engagement solennel de respect de leurs obligations parentales : quelle est la légitimité du maire pour remettre cette sorte de bulletin de notes, qui stigmatisera les familles en difficulté ? Vous continuez à poser l’équation : problèmes sociaux égale délinquance.

M. Serge Grouard – Je souscris à la démonstration de notre collègue Cardo, mais je me demande si cet alinéa conserve un sens compte tenu de nos modifications : comme le ministre l’a précisé, les personnes qui seront informées par le maire seront les représentants des institutions siégeant dans le conseil pour les droits et devoirs des familles. N’est-il pas superfétatoire de les informer de mesures qu’ils ont prises eux-mêmes ?

M. Lilian Zanchi – Ce débat démontre bien que nous allons créer des dispositifs étanches, avec d’un côté les mesures prises par le maire, puis celles adoptées à l’échelon supérieur, c’est-à-dire le conseil général. Pour y remédier, la proposition faite par le Sénat – recueillir l’avis du conseil général – vise en effet à placer les collectivités dans une relation de dépendance.

Comme je le disais lors de la discussion générale, vous confondez les pouvoirs de police et les compétences des collectivités. Je comprends la logique du Sénat, car les travailleurs sociaux dépendent du département, mais il eût mieux valu placer directement les mesures d’accompagnement parental dans la compétence du conseil général, et se contenter de faire du contrat de responsabilité parentale une réponse plus forte des autorités publiques.

Que proposez-vous ? De placer sous la responsabilité du maire l’accompagnement parental. Il faudra toutefois qu’il réunisse tous les services de l’État et de l’action sociale, car il ne dispose pas de toutes les compétences nécessaires pour se prononcer seul.

Je souscris donc totalement aux propos de M. Grouard : si les services de l’État et du département sont associés à la prise de décision, il suffit de les informer. Il est inutile de recueillir leur avis, à moins de supposer qu’ils n’ont pas pour mission de travailler main dans la main avec les maires. Quelle contradiction !

M. Robert Lecou – Le maire est au cœur de la cité, où il exerce des pouvoirs de police. Ce projet de loi a pour objectif de donner au maire des armes supplémentaires pour exercer ses compétences. (Protestations de M. Blazy) Il me semble préoccupant que le maire demande l’avis du conseil général, car ce serait instaurer une hiérarchie entre les deux exécutifs. Le texte initial me semble bon : informons le président du conseil général, car il n’est pas certain qu’il compte des représentants au sein du conseil le jour où les décisions sont prises, mais ne demandons pas son avis. Contentons-nous de l’informer, au même titre que les inspecteurs d’académies.

M. Jean-Christophe Lagarde – Je regrette que Noël Mamère ait élargi le débat hors de son champ. Alors que nous parlons d’une mesure concrète, nos discussions sont une fois de plus empreintes de considérations plus politiques que législatives.

Les différents amendements déposés sur l’article 6 ont changé la nature des dispositions dont nous débattons. Comment M. Mamère peut-il évoquer une dimension « contraignante », quand l’article 6 en a été totalement vidé ? La possibilité de saisir le président de conseil général devrait donc le satisfaire.

Notre collègue demande ensuite au nom de quoi le maire intervient dans l’accompagnement parental. Mais le maire dispose de quantité de services – sociaux, éducatifs, sportifs… – au travers desquels peuvent être repérés les problèmes d’un enfant avec sa famille, alors que le président du conseil général, lui, ne dispose de rien de tel.

Autant j’étais hier troublé par le texte initial de l’article 6, autant je trouve maintenant qu’il a retrouvé sa cohérence, grâce aux amendements de notre collègue Pierre Cardo, au travers desquels nous avons mis en quelque sorte en place une fusée à étages, dont le premier est le maire. Souplesse, proximité et rapidité des interventions : tel était ce que nous souhaitions. L’article 6 tel qu’amendé le permet. Cela étant, s’il est logique que les étages de la fusée communiquent, il faut empêcher qu’ils se télescopent car entre temps, ce sont les familles qui en pâtiraient.

Je suis par ailleurs étonné que le rapporteur et président de la commission des lois ait indiqué tout à l’heure qu’il retirait le 178 et que le texte pourrait en être rétabli en CMP…

M. le Rapporteur – Ce n’était qu’une hypothèse !

M. Jean-Christophe Lagarde – Que je sache, ce projet de loi n’a pas fait l’objet d’une déclaration d’urgence. Une navette n’est donc pas exclue. Il est important que les maires puissent intervenir rapidement et si le Sénat, assemblée où les conseils généraux pèsent fortement, pour ne pas dire lourdement, n’était pas prêt à accepter ces dispositions, il conviendrait que l'Assemblée nationale ait le dernier mot.

L'amendement 178 est retiré.
L'amendement 126 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – Je demande une suspension de séance.

Mme la Présidente – Je trouve dommage que nous ne terminions pas l’examen de l’article 6 alors qu’il ne reste qu’un seul amendement.

M. le Rapporteur – Je vous avais fait part de mon souhait de lever la séance à 19 heures 45. Il est déjà 19 heures 50.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à19 heures 50.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

© Assemblée nationale