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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 20 décembre 2006

Séance de 15 heures
44ème jour de séance, 101ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

ouverture des magasins le dimanche

M. François Rochebloine – Ma question s'adresse au ministre des petites et moyennes entreprises. Depuis plusieurs mois, le débat sur l'ouverture dominicale des grandes surfaces s'est ravivé, avec une succession de déclarations contradictoires, les avis sur le sujet étant partagés et les positions particulièrement tranchées, surtout en cette période de fêtes de fin d'année. Pour les uns, il faut faire évoluer la loi pour tenir compte des nouveaux modes de vie et des nouveaux besoins des consommateurs. Pour les autres, il convient au contraire de maintenir la situation en vigueur, un équilibre ayant été trouvé grâce à un dispositif dérogatoire permettant d’éviter les dérives ; telle est, je crois, la position de Christian Jacob.

Or, dans le système actuel, le principe du repos dominical est déjà largement battu en brèche. La loi est parfois difficile à appliquer et, de l'aveu même de représentants de la grande distribution, souvent contournée. Une déréglementation inspirée par les seules considérations consuméristes serait une grave erreur, propre à mettre en péril le commerce de proximité, qui fait l'animation de nos centres-villes et de nos villages. Voulons-nous encore, oui ou non, un commerce de proximité ?

Il ne fait aucun doute non plus que la déréglementation remettrait en cause des rythmes de travail qui favorisent la vie en famille, mais aussi la vie culturelle, associative et sportive. Monsieur le ministre, si des aménagements s'imposent, pensez-vous qu'il soit pour autant nécessaire de rompre l'équilibre actuel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes L’ouverture dominicale est un sujet sensible, que la médiatisation actuelle de décisions de justice contribue à rendre plus aigu encore. C’est un sujet qui touche à la vie économique, à l’équilibre entre les grands commerces et les commerces indépendants, à la vie sociale et familiale, aux attentes des consommateurs. Les intervenants sont multiples – partenaires sociaux, entreprises, compagnies consulaires, mairies –, et les situations très hétérogènes, qu’il s’agisse des dérogations ou des contrôles. C’est ce qui explique l’hétérogénéité des décisions de justice elles-mêmes.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a demandé aux préfets de recenser les pratiques en vigueur. En outre, le Premier ministre a, le mois dernier, demandé au Conseil économique et social un avis sur les conditions d’ouverture dominicale dans le respect de la diversité des commerces et des conditions de vie des salariés. En cette période de fêtes, les préfets, avec les maires, ont pu apporter un certain nombre de solutions. Le Conseil rendra son avis en février 2007 ; ce sera l’occasion d’un grand débat sur le rôle du commerce dans la vie sociale de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

réforme fiscale

M. Jean-Claude Sandrier – Maintes fois évoquée par les gouvernements successifs, la retenue à la source de l'impôt sur le revenu revient sur le devant de la scène dans un contexte purement électoraliste, exemple même du faux débat. Pour nos concitoyens, le problème n'est pas tant de savoir si leur impôt va être prélevé à la source que de payer un impôt juste, tous les revenus financiers et boursiers étant taxés. Priorité doit être donnée à la justice fiscale, à une juste progressivité de l'impôt, et non à une réforme dont vous oubliez de dire qu'elle aura pour effet d'exclure du calcul de l'impôt certains revenus du patrimoine.

Car c'est bien là que le bât blesse ! En cinq ans, vous avez consenti 23 milliards de cadeaux fiscaux, dont l'essentiel bénéficie aux 10 % des contribuables les plus riches. Vous avez multiplié les cadeaux sur l'ISF, maintenu la sous-fiscalisation des revenus boursiers et refusé de taxer les actifs financiers, qui ont augmenté de 107 % en dix ans.

Alors que le président de l'UMP tente de rejouer le célèbre coup de la fracture sociale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), vous feriez mieux de rémunérer davantage le travail plutôt que d'alimenter le puits sans fond des dividendes, dont 80 % ne sont pas réinvestis dans la production et l'emploi. Votre gesticulation sert à masquer le vrai combat, celui de la justice fiscale, avec un impôt sur le revenu plus juste, des exonérations de TVA sur les produits de première nécessité, une taxation des revenus boursiers.

Un député UMP - C’est du blabla !

M. Jean-Claude Sandrier - Que comptez-vous faire, Monsieur le ministre, pour orienter les revenus financiers parasites vers le travail, l'emploi, le pouvoir d'achat et la recherche, pour permettre une autre répartition des richesses source d’une efficacité économique, dont notre pays à tant besoin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État - Je regrette que l’opposition soit, en France, organisée de telle façon que, lorsqu’une réforme est bonne pour tous les Français, elle ne parvienne pas à faire l’unanimité au Parlement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Cette réforme fiscale, avec le projet de retenue à la source, simplifie la vie des Français.

Cette nuit, au Sénat, nous avons réduit de quatre milliards les impôts des Français qui gagnent entre 1 000 et 3 500 euros par mois. De même, nous augmentons la prime pour l’emploi, jusqu’à l’équivalent d’un treizième mois, pour neuf millions de Français, et nous instaurons un bouclier fiscal qui profitera à 80 % aux plus modestes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Bien entendu, vous êtes contre !

Regardons chez nos voisins : les socialistes espagnols, les socialistes allemands, les socialistes britanniques et portugais, les socialistes et communistes italiens ont tous accompli une réforme fiscale. C’est pour cela que nous avons accompli la nôtre !

On entend souvent que les communistes sont « archéos », mais ce n’est rien à côté des vrais « archéos » comme François Hollande, expliquant que, si la gauche revenait au pouvoir dans six mois, elle abrogerait toutes nos baisses d’impôts. La gauche annonce donc 20 milliards d’impôts supplémentaires pour les Français et la suppression du bouclier fiscal. Nous ferons tout ce qu’il faut pour empêcher cela, car ce serait une catastrophe pour la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

aides au logement

M. Yves Simon – Ma question s'adresse au ministre de l'emploi. La crise du logement que connaissent de nombreuses régions de France a conduit le Gouvernement à engager des actions très volontaristes, alors que ce secteur avait été laissé en jachère par le gouvernement Jospin : il y a ceux qui disent et ceux qui font !

Les retards accumulés au cours de la précédente décennie sont tels que cette crise appelle une politique globale du logement, avec une relance vigoureuse de la construction et des mesures adaptées pour la location et l'accès à la propriété.

Les actions engagées ont donné de premiers résultats extrêmement encourageants en 2005. En trois ans, la construction de logements sociaux, le nombre de permis de construire déposés et l'accession à la propriété ont doublé, pendant que l'accession populaire à la propriété a triplé.

La semaine dernière, le Premier ministre a annoncé une augmentation des aides au logement et l’institution d'un nouveau dispositif de garantie du paiement des loyers pour inciter les propriétaires à louer leurs appartements et maisons.

Qu’en est-il de ces deux mesures que vous préparez dans la concertation depuis plusieurs mois ? Pouvez-vous également nous détailler le dispositif d’achat en deux temps que vous vous apprêtez à contractualiser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés socialistes – Allô ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement  Oui, la majorité précédente nous a laissé une grave crise du logement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Oui, nous avons triplé l’offre de logement social en quatre ans et doublé l’accession à la propriété.

Mme Annick Lepetit – C’est faux !

M. le Ministre – Néanmoins, la crise dont nous avons hérité a provoqué une tension sur les loyers. C’est pourquoi le Premier ministre a décidé d’augmenter de 2,8 % l’aide personnalisée au logement, qui concerne plus de six millions de foyers.

Mme Annick Lepetit – Vous aviez quatre ans pour le faire !

M. le Ministre – Dans le même temps, nous avons demandé aux bailleurs sociaux de limiter la hausse des loyers à 1,8 %. En cas de désaccord, une nouvelle délibération pourra avoir lieu à la demande du préfet.

Mme Annick Lepetit – Promesse électoraliste !

M. le Ministre – Enfin, le Premier ministre a signé ce matin un accord de modération de 1,8 % avec le parc privé. Voilà de quoi garantir que l’aide au logement augmente plus que les loyers.

Mme Annick Lepetit – Ou de quoi commencer un gouvernement…

M. Jean-Pierre Kucheida – Et de quoi compenser les autres augmentations !

M. le Ministre – Chacun sait qu’il y a depuis longtemps des centaines de milliers de logements vides. Pourtant, il y a encore beaucoup d’étudiants, de demandeurs d’emploi, de travailleurs en CDD ou en CNE, voire en CDI, qui ne disposent pas des garanties suffisantes pour y accéder.

Grâce à une longue négociation avec les partenaires sociaux qui porte ses fruits aujourd’hui même, une garantie publique de paiement des loyers pendant vingt-quatre mois sera instituée dès le 1er janvier. Ouvrir l’accès de logements vides à des personnes qui en cherchent : c’est une mesure de détente du marché, de justice sociale et de lutte contre les discriminations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

expulsion de la famille raba

Mme Paulette Guinchard – Votre circulaire du 13 juin dernier, Monsieur le ministre d’État, limite à 6 000 – sur 25 000 recevables – le nombre de demandes de régularisation devant être acceptées. Nous venons, en Franche-Comté, d’en vivre une conséquence dramatique qui m’a beaucoup heurtée, comme nombre de nos concitoyens.

Il y a quinze jours, M. et Mme Raba ont été expulsés avec leurs trois enfants dans des conditions indignes, et alors même qu’ils remplissaient les critères imposés par votre circulaire. La violence les a forcés à quitter le Kosovo en 2001, suite à leur refus de participer à des expéditions antiserbes. Ils se sont très bien intégrés en Haute-Saône, ou deux de leurs enfants sont nés et scolarisés. L’asile politique leur a été refusé sans explication, malgré le danger que présentait leur retour au pays, et alors même que les deux frères de M. Raba ont, eux, été régularisés.

Les enfants ont été arrachés à l’école et ont dû passer trois semaines dans un centre de rétention. Et que dire des moyens énormes consacrés à leur expulsion : vingt-deux gendarmes sont venus les chercher à leur domicile afin qu’ils prennent un avion pour Lyon, puis pour Paris, où le pilote du vol spécialement affrété pour Pristina refusa de les embarquer ; il fallut donc reprendre l’avion pour Lyon, puis pour Toulouse, d’où ils embarquèrent pour Tirana avant de prendre un dernier vol pour Pristina ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Aucun membre de votre cabinet n’a souhaité répondre à mes nombreux appels à ce sujet. Pouvez-vous faire toute la lumière sur le refus de régularisation de cette famille et les circonstances de son expulsion, faute de quoi vous reconnaîtrez implicitement que le dispositif est arbitraire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire Votre humanisme vous honore, Madame Guinchard…

M. Jean-Pierre Brard – Ce n’est pas votre cas !

M. le Ministre d’État – …mais l’honnêteté que je vous connais vous conduira sans aucun doute à reconnaître la justesse des arguments de la République.

Ne faisons pas de la famille Raba un enjeu politique ; examinons plutôt sa situation en détail. Elle a déposé trois demandes d’asile à l’OFPRA, toutes refusées.

Plusieurs députés socialistes – Pourquoi ? Et que dire des frais ?

M. le Ministre d’État – La question de Mme Guinchard n’était pas polémique : permettez-moi d’y répondre par les faits. Il s’agit d’êtres humains, et non d’une plaisanterie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

À trois reprises, la famille Raba a porté sa demande devant la commission de recours : en vain. En vertu de ces décisions indépendantes, le préfet a pris un arrêté de reconduite à la frontière. M. et Mme Raba en ont contesté la légalité devant le tribunal administratif de Besançon, qui leur a donné tort en confirmant l’arrêté préfectoral. Et ce n’est pas tout : les autorités de l’ONU au Kosovo leur ont délivré un laissez-passer, arguant que leur retour ne présentait aucun risque. De surcroît, pendant leur détention au centre de rétention administrative de Lyon, ils ont saisi le juge de la détention qui en a maintenu la validité ! Devant ce refus, les Raba ont fait appel devant la cour d’appel de Lyon, qui a, comme en première instance, confirmé la rétention.

L’OFPRA, la commission des recours, le tribunal administratif, le juge de la détention et la cour d’appel de Lyon, tous ont refusé la demande de cette famille. Vous voudriez que le ministre de l’intérieur leur donne tort ? La justice est indépendante, Madame Guinchard. La famille Raba a été raccompagnée chez elle, comme tous ceux qui n’ont pas de papiers et dont la justice décide le rapatriement. La loi doit être appliquée, et c’est mon devoir d’y veiller ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Les fonctionnaires et les magistrats n’ont fait que leur devoir.

M. Pierre Cohen – Et votre circulaire ?

M. le Ministre d’État – Une députée de la nation aussi honnête que vous n’aurait pas dû se permettre de les présenter comme des sans-cœur qui bafouent les principes de la République : ils en ont appliqué les règles, qui s’imposent à vous comme elles s’imposent à moi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Chèque-repas pour les bénévoles

M. Daniel Prevost – Ma question s’adresse au ministre de la jeunesse et des sports. Le chèque-restaurant est un véritable avantage social pour 2 500 000 salariés qui peuvent ainsi fréquenter chaque jour un des 155 000 établissements affiliés. C’est aussi un complément de pouvoir d’achat puisque le salarié ne paye que 40 % ou 50 % de la valeur du titre, le reste étant pris en charge par l’employeur. La loi sur le volontariat a créé deux nouveaux titres, le chèque-repas du bénévole et le titre-repas du volontaire. Les associations et les fondations reconnues d’utilité publique pourront désormais les proposer. Pouvez-vous faire le point sur les modalités et la mise en œuvre de cette mesure très attendue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative - Grâce à cette avancée, les chèques-repas donnés par certaines associations à des bénévoles ne risquent plus d’être requalifiés comme avantages en nature ou en salaire. Le 23 janvier dernier, le Premier ministre a annoncé 25 mesures en faveur des associations à l’occasion de la conférence nationale de la vie associative, que Mme Greef et M. Decool, entre autres, ont contribué à préparer.

Le bénévole qui fait un geste pour les autres ou pour l’intérêt général ne sera donc plus taxé. Près de 160 000 établissements acceptent ces chèques-repas. Au-delà des conventions pluriannuelles d’objectifs et de la création du volontariat associatif, il était normal que nous reconnaissions cette volonté de servir les autres. Le chèque-repas du bénévole en est un moyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

condamnations en Libye

M. Jean-Claude Mignon – Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Nous venons d’apprendre avec effroi et indignation la condamnation à mort des cinq infirmières bulgares et du médecin palestinien injustement accusés d’avoir inoculé le virus du sida à 393 enfants dont 23 sont décédés. Ils sont incarcérés dans des conditions épouvantables et, depuis 1999, des voix s’élèvent un peu partout dans le monde pour demander leur libération. L’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, où je siège, est intervenue dans ce sens. Dernièrement, vous avez exigé, en Libye, de pouvoir rencontrer ces infirmières et ce médecin. Aujourd’hui, après leur condamnation, qu’entendez-vous faire pour que ces six personnes soient libérées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères  Les infirmières et le médecin détenus depuis sept ans viennent d’être condamnés à mort. Le Président de la République a immédiatement dénoncé le caractère choquant de ce verdict. Nous nous sommes beaucoup mobilisés dans cette affaire. Nous avons été en contact avec les autorités et avec les familles des victimes. À l’hôpital de Bengazi, nous avons mis en œuvre un plan de formation des médecins, des infirmières et des personnels de laboratoire. Nous avons aussi reçu en France des enfants parmi les plus gravement touchés, grâce à des fonds libyens.

La France et l’Union européenne n’acceptent pas la peine de mort. Nous demandons la clémence des autorités libyennes.

M. Gérard Bapt – La justice !

M. le Ministre – Les accusés vont faire appel devant la cour suprême, laquelle avait déjà annulé la précédente décision de condamnation à mort. La diplomatie française fera tout pour obtenir cette clémence et pour que le médecin et ces infirmières puissent sortir de prison le plus vite possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Indemnisation de l’amiante

M. Patrick Roy – Les deux missions parlementaires sur l'amiante avaient donné un espoir aux cent mille victimes d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Mais il a laissé place à une déception et une colère profondes.

Aucune discussion parlementaire n’a été organisée, le groupe d'étude ne s’est pas réuni depuis un an, et lors du débat sur le PLFSS 2007, le Gouvernement est allé jusqu'à refuser la discussion de nos amendements sur l'amiante !

Au-delà des drames familiaux et collectifs, de l’insuffisance des réparations, se pose aujourd’hui une question précise, grave, urgente. Les victimes de l'amiante peuvent être indemnisées, sous certaines conditions, par un fonds spécial, le FIVA. Or le délai pour déposer un dossier auprès de ce fonds pour toutes les personnes atteintes d'une fibrose décelée avant 2003 expire dans onze jours. Des milliers de malades seront alors victimes d'une injustice de plus.

Avec Jean Le Garrec et Michel Delebarre, depuis l'automne je vous demande de repousser ce délai, et d’appliquer au FIVA, qui se substitue aux juridictions civiles, une prescription trentenaire. À plusieurs reprises, vous m'avez fait part de votre volonté d'écoute. Je veux vous croire, mais les semaines passent ; il reste onze jours.

Pour ces milliers de victimes, allez-vous refuser que l'injustice s'ajoute au drame et repousser la date butoir au-delà du 31 décembre 2006 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la familleJe voudrais d’abord rendre hommage à Jacques Barrot et au gouvernement Juppé qui ont pris l’initiative, en 1996, d’interdire l’amiante : la France fut ainsi le premier pays à le faire ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

Après avoir pris connaissance des rapports que vous avez mentionnés, le Gouvernement a décidé de prolonger après le 31 décembre 2006 le délai imparti pour déposer une demande d’indemnisation, et ce jusqu’à ce que les partenaires sociaux, qui discutent actuellement des améliorations à apporter au régime des accidents du travail et des maladies professionnelles, aient conclu leurs négociations.

Par ailleurs, lors de la discussion du PLFSS pour 2007, il a été décidé de renforcer considérablement les moyens du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, dont les effectifs vont ainsi augmenter de 15 %, ce qui est essentiel pour indemniser plus rapidement les victimes. En outre, sa dotation a été portée à 1,6 milliard d’euros, ce qui en fait le fonds d’indemnisation le plus important d’Europe. La France est certainement le pays qui fait le plus pour les victimes de l’amiante. Nous pouvons en être fiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

maisons de l’emploi

M. Franck Gilard – L’amélioration du service public de l’emploi figure en tête des priorités du plan de cohésion sociale, que nous avons voté. C’est dans cet esprit, Monsieur le ministre de l’emploi et de la cohésion sociale, que vous avez créé les maisons de l’emploi, qui ont vocation à rendre un meilleur service tant aux employeurs qu'aux demandeurs d'emplois. À terme, 300 Maisons de l’emploi devront couvrir le territoire.

L'objectif de ces nouvelles structures est d'assurer sur le terrain une meilleure coopération entre tous les acteurs : collectivités locales, ANPE, UNEDIC. Elles agissent dans trois directions principales : le diagnostic local, l'accès et le retour à l’emploi des publics qui en sont les plus éloignés, le développement de l'emploi et la création d'entreprise.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en est leur mise en place et nous dresser le bilan de leur activité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement  Il n’était plus acceptable que l’ANPE, les Assedic, les missions locales, les organismes de formation professionnelle et autres ne fonctionnent pas en réseau, de même qu’il n’était plus acceptable que les demandeurs d’emploi ne soient vus qu’une fois par an, de façon administrative.

Les maisons de l’emploi ont donc été créées pour coordonner leur action, ainsi que celle des collectivités locales. Elles évaluent les besoins ; elles reçoivent les demandeurs d’emploi, tous les mois, avec un référent unique ; elles rapprochent l’offre et la demande. Nous avions prévu d’en créer 300 en cinq ans, une par grand bassin. 227 sont déjà labellisées et une vingtaine d’autres l’ont été le 5 décembre. Nous atteindrons donc notre objectif dans le courant de 2007, soit avec trois années d’avance.

Cette gestion coordonnée des ressources humaines était indispensable. Elle se met en place avec une très forte mobilisation de tous les acteurs et une implication exemplaire des collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

grands équipements scientifiques

M. Pierre Lasbordes – Ma question s’adresse au ministre de la recherche. La France peut s'enorgueillir de posséder de grands équipements de recherche, qui témoignent de la vitalité de notre territoire et de nos entreprises ainsi que de l'excellence scientifique de nos centres de recherche, publics ou privés, et de nos chercheurs.

La recherche française, c'est d'abord une qualité scientifique et un savoir-faire reconnu mondialement. C'est aussi un « savoir-être » et une certaine idée de la science, qui puise sa source dans un passé prestigieux.

Lundi dernier, le Président de la République inaugurait sur le plateau de Saclay – dont je suis l’élu – le synchrotron SOLEIL, un accélérateur de particules de dernière génération ouvrant de grandes perspectives, en physique bien sûr, mais aussi en chimie, en sciences des matériaux et du vivant... Tout récemment encore, toujours à Saclay, le Premier ministre inaugurait le centre NEUROSPIN.

Il y a un peu plus d'un an, la décision était prise d'implanter à Cadarache ITER, ce réacteur du futur destiné à démontrer la possibilité de production – inépuisable et sans impact sur l’environnement – d'énergie par fusion des atomes. L’accord international pour l'énergie de fusion ITER a d’ailleurs été signé dernièrement au palais de l'Élysée.

Cette succession d'événements traduit un fort positionnement de la France en Europe pour les très grands investissements scientifiques. De quelle façon cette politique bénéficie-t-elle à la recherche française et comment s'intègre-t-elle, Monsieur le ministre, dans la nouvelle organisation prévue par le pacte pour la recherche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche Vous soulignez à juste titre la succession de décisions extrêmement positives pour la recherche française : SOLEIL, NEUROSPIN, ITER… L’impact pour la science française est considérable, car ce sont des outils d’accroissement des connaissances, qui concernent tant la recherche fondamentale qu’appliquée. Mais il y aura aussi des retombées pour les entreprises, à la fois pour celles qui concourent à ces grands équipements et pour celles qui bénéficieront des applications industrielles.

Comment cette politique des grands équipements s’intègre-t-elle dans notre politique de la recherche ? Je dirais d’abord que ces grands équipements ne sont possibles que parce que nous y mettons les moyens : une augmentation de 6 milliards en trois ans, c’est beaucoup plus que par le passé ! Les grands équipements nous coûtent en moyenne 1 milliard par an.

Ces grands équipements doivent ensuite s’inscrire dans une stratégie. C’est dans ce souci que nous avons créé le Haut conseil pour la science et la technologie.

L’évaluation est également un aspect très important de notre politique de la recherche. Il faut pouvoir évaluer les résultats des équipes si l’on veut optimiser l’utilisation de ces grands équipements. Ce sera le rôle de l’Agence de l’évaluation.

Enfin, il n’échappe à personne que ces grands équipements ont parfois une vocation européenne ou internationale, qui impose une coordination étroite. Nous l’avons désormais au niveau européen avec le Forum stratégique. Nous l’avons aussi au niveau international : ITER et le CERN en fournissent d’excellents exemples.

Toutes ces bonnes nouvelles sont la concrétisation des efforts que nous consentons pour cette priorité essentielle pour l’avenir du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

logement des sdf

M. Jean Glavany – Le Gouvernement se flatte d'avoir relancé la construction de logements, avec 437 000 mises en chantier cette année. C’est incontestable (« Ah ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Mais à y regarder de plus près, on découvre avec stupeur que beaucoup de ces logements neufs sont vides. Leurs loyers sont trop élevés : c’est en effet, pour beaucoup d’entre eux, dans un but de défiscalisation qu’ils ont été construits, pour donner un avantage aux propriétaires et non pour répondre aux besoins des locataires. Or, ces mesures de défiscalisation ont un coût exorbitant pour les finances publiques : selon l’association Emmaüs, le coût d’un dispositif de Robien, pour le budget de l’État, était, ces dernières années, supérieur au coût d’un logement social ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Cette comparaison est choquante (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Elle éclaire d'une lumière cruelle le scandale du nombre des SDF que nous voyons dans nos rues, un nombre jamais égalé pour un début d’hiver. C’est le signe dramatique de l’échec de votre politique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés UMP – Que fait Delanoë ?

M. Jean Glavany – Une société comme la nôtre, un pays civilisé, celui des droits de l’homme, peut-il dépenser plus pour accroître le patrimoine immobilier des plus riches que pour loger les plus pauvres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; huées sur les bancs du groupe UMP)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité  Au début de votre question, Monsieur Glavany, votre ton n’était pas polémique, et c’est celui que je voudrais retenir pour parler d’un tel sujet. Les 437 000 mises en chantier que vous avez évoquées sont historiques : il faut revenir aux années 1980 – certains, dans cet hémicycle, étaient tout juste nés ! – pour voir un tel effort.

Plusieurs députés socialistes – À quoi servent-elles ?

Mme la Ministre déléguée – Vous avez en revanche omis de parler de nos efforts en matière sociale : 95 000 logements sociaux ont été financés cette année, contre 39 000 en 2000 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Quant à l’accès au logement et à l’hébergement d’urgence, je suis heureuse de vous faire savoir que 30 000 nouvelles places ont été créées depuis 2002, ce qui représente un effort budgétaire de plus d’un milliard. Chaque nuit, l’État consacre trois millions à l’hébergement des plus démunis, comme c’est le devoir de la République. Mais nous sommes allés plus loin, car il ne suffit pas de mettre à l’abri : il faut aussi développer des programmes d’insertion pour que ceux qui ont été victimes d’un accident de la vie puissent s’en sortir. C’est l’objet de l’hébergement de stabilisation que nous avons créé avec les associations cet été : 800 places fonctionnent aujourd’hui, et il y en aura 1 100 à la fin de l’hiver pour traiter ce problème avec dignité et avec efficacité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

équipement nucléaire

M. Claude Birraux – Notre développement économique sera, dans les prochaines années, largement conditionné par la disponibilité et le prix de l’énergie. Jamais une majorité n’a pris autant de décisions que celle-ci dans ce domaine, avec par exemple la loi d’orientation sur l’énergie – qui s’intéresse à la fois aux économies d’énergie, aux énergies renouvelables et au nucléaire, avec le lancement de l’EPR – le changement de statut des opérateurs ou les lois sur la transparence et la sécurité nucléaire ou encore celle sur la gestion durable des déchets, dont j’ai eu l’honneur d’être rapporteur. Le Parlement, par l’intermédiaire de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, a pesé d’un poids considérable tant dans la préparation de ce dernier texte que dans sa discussion. Cette loi trace le chemin à parcourir pour les différents acteurs et leur fixe des rendez-vous, dont celui de 2040 pour la mise en service des réacteurs de quatrième génération – il y aura d’ici là sept élections nationales : la politique énergétique est une politique de long terme. En vertu des prérogatives confiées aux rapporteurs pour suivre l’application des lois, je voudrais connaître la feuille de route qui a été décidée par le Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie  Nous souhaitons en effet développer de façon durable l’industrie nucléaire, qui est une grande force de notre pays mais qui est confrontée à un certain nombre de préoccupations. Les problèmes de sûreté, sont au cœur de la loi sur la transparence et la sécurité nucléaire. Quant à ceux de l’affectation et de la gestion durable des déchets, la loi dont vous avez été le rapporteur fixe un calendrier et engage la procédure. Reste le problème de la disponibilité de l’uranium qui, comme les hydrocarbures, n’excédera pas quelques dizaines d’années si l’on continue à l’utiliser au rythme – exponentiel – actuel.

Ces trois préoccupations esquissent le cahier des charges de la nouvelle génération de réacteurs. Pour disposer d’une tête de série en 2040, donc d’un prototype en 2020, la décision sur le type de réacteur doit être prise en 2012. Les priorités de notre recherche sont donc connues dès aujourd’hui : il faut travailler sur des réacteurs à neutrons rapides dont les fluides caloporteurs sont soit le sodium, soit le gaz. Pour le sodium, la France a déjà de l’expérience, mais il faut désormais résoudre toutes les difficultés technologiques et améliorer encore la sûreté. Pour le gaz, nous ne sommes pas aussi avancés et il faut travailler sur les verrous technologiques. Tout au long de cette étape, à laquelle nombre de nos chercheurs travaillent depuis déjà longtemps, nous aurons à cœur de ne pas nous occuper uniquement du réacteur : il faut traiter en même temps l’ensemble de la filière, c’est-à-dire les problèmes de la matière première, du déchet et de tout le système de traitement et de stockage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Bilan du contrat nouvelles embauches

M. Jean-Claude Mathis - Ma question s‘adresse à M. le ministre délégué à l’emploi. La baisse du chômage (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) depuis plus d’un an, n’est pas le fruit du hasard. Elle résulte de la mobilisation de tout le Gouvernement, depuis 2002, en faveur de l’emploi. Plan de cohésion sociale, relance de l’apprentissage et développement des aides à la personne sont autant de contributions à ce combat. La création, en août 2005, du contrat nouvelles embauches – le CNE – a fortement influé sur ces résultats, en offrant aux entreprises qui emploient jusqu’à vingt salariés et qui sont parfois réticentes à embaucher une plus grande souplesse. Dans sa dernière estimation mensuelle, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale fait état de plus de 36 900 intentions d’embauche pour le seul mois de novembre. Pourriez-vous, Monsieur le ministre, dresser le bilan global du CNE depuis sa création ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes Depuis qu’en août 2005 le CNE a été créé, les entreprises ont fait état de 746 000 intentions d’embauche dans le cadre de ce dispositif. Ces intentions se traduisent par des embauches effectives qui sont à ce jour à l’origine de 8,2 % des contrats signés par les PME. Quatre-vingt mille emplois au bas mot ont été créés grâce au CNE, qui participe donc fortement, vous l‘avez dit, à la reconquête de l’emploi, et contribue à une situation inédite : jamais, avant novembre 2006, la France n’avait compté 16,2 millions de salariés cotisant à l’UNEDIC. Deux cent mille emplois ont été créés en onze mois dans le secteur marchand, et les PME y ont grandement contribué, comme elles ont massivement eu recours au contrat de professionnalisation. Je salue l’engagement de tous ces chefs d’entreprise qui prennent des risques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L’effort du Gouvernement est tendu vers l’amélioration de l’emploi, vous l’avez souligné, et la réduction du chômage, qui est forte. Pour autant, il ne néglige pas la sécurité juridique. Je rappelle à cet égard que le Conseil d’État a jugé que l’ordonnance du 2 août 2005 créant le CNE ne méconnaissait pas les dispositions de la convention 158 de l’Organisation internationale du travail. J’attends donc avec sérénité la décision de l’OIT sur le recours déposé à ce sujet contre le CNE devant le Bureau international du travail. D’autre part, plusieurs conseils des prud’hommes ont pris des décisions parfaitement légitimes, car tout abus doit être sanctionné. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Dosière.
PRÉSIDENCE de M. René DOSIÈRE
vice-président

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eau et milieux aquatiques (cmp)

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques.

M. André Flajolet, rapporteur de la CMP – Un marathon législatif s'achève par la volonté des uns, malgré le scepticisme des autres, avec un contenu audacieux et raisonnable. Je me dois en premier lieu d'exprimer mes remerciements, à vous, Madame la Ministre, pour votre ténacité souriante agrémentée de quelques moments forts, et à vos services pour la qualité de leurs documents et la promptitude de leur réponses ; aux membres du cabinet de votre collègue ministre de l'agriculture, pour l'excellence de leur collaboration ; à Patrick Ollier, pour sa totale confiance et aux quatre mousquetaires commis sur cette loi, dont j'ai apprécié la compétence, le dévouement et ce petit plus qui donne à l'administration un visage humain des plus appréciables ; à Bernard Accoyer, ainsi qu’à tous les élus du groupe et ses services, qui ont excellemment travaillé sous la houlette de Marie Michèle. Au terme de discussions franches, de grande qualité, toujours placées sous le sceau de l’intérêt général et éclairées des réalités locales, nous sommes parvenus à un texte équilibré où prévalent bon sens et souci de l'avenir. Je dois remercier également Philippe Rouault, rapporteur pour avis, qui a toujours été de bon conseil ; mes collègues des autres groupes politiques qui ont contribué par une discussion critique, profonde sur le fond mais courtoise sur la forme, à enrichir ce texte devenu, pour une part, partagé ; Bruno Sido, rapporteur du texte au Sénat avec qui la préparation de la CMP fut un plaisir et un moment de convivialité ; tous mes collègues de la CMP pour leur active participation et leur soutien ; les services de l'Assemblée enfin pour la qualité de leur travail.

Ce texte, dans sa version définitive, est le résultat d'une aventure intellectuelle, enrichie de multiples auditions de professionnels ou d’associations et de nombreuses réunions de terrain en province, évaluée à Mexico au regard de l'insuffisance quantitative et qualitative de l’accès à l’eau pour de nombreuses populations, mesurée à l'aune des directives européennes, éclairée par les principes fondamentaux de la Charte de l'environnement.

À son élaboration, j’ai, pour ma part, beaucoup appris. J’ai notamment acquis la certitude que l'optimisme et l'engagement sont présents à tous les niveaux de responsabilité en matière de politique de l’eau. Nous devons mobiliser ces valeurs sur ce texte multiple, à la fois complexe et unique sur le fond.

Nous donne-t-il les moyens d'atteindre les objectifs de la directive-cadre ? À en croire quelques discours vengeurs de représentants d'intérêts particuliers ou certains rousseauistes, nostalgiques du paradis terrestre et ignorant l'intérêt général, la réponse est non. À entendre les professionnels de la critique dont les certitudes ont commencé de tintinnabuler avant même que soit connue la version définitive du texte, mais ne dureront pas plus que châteaux de sable, on pourrait douter de la volonté de la représentation nationale. Au catastrophisme des pythies autoproclamées et des censeurs permanents, je veux opposer le volontarisme des représentants de la nation. Nous avons voulu que cette loi, après celles de 1964 et de 1992, permette aux agences de l’eau d’atteindre les objectifs de la directive-cadre, soit, pour l'essentiel, un bon état écologique des eaux en 2015.

Quelles sont les principales dispositions à retenir après cette CMP ? Tout d'abord, les élus ont réaffirmé le principe d'une gouvernance centrale des agences de l'eau afin d’optimiser les contributions financières, ainsi que celui de lieux de partenariats de proximité. A la confirmation du rôle de véritables parlements de l'eau que sont les comités de bassin, s'ajoutent la reconnaissance explicite du rôle des SAGE et des EPTB comme outils de réflexion et d'aménagement des bassins versants, la place donnée aux commissions géographiques pour répartir de façon équilibrée les efforts financiers entre zones rurales et zones urbaines, la reconnaissance du rôle irremplaçable des SATESE comme outils de conseil et d'aide à la décision pour les communes rurales, la possibilité d’un conventionnement par les départements en reconnaissance de leurs efforts exemplaires pour l'amélioration de la qualité des réseaux d'eau et la lutte contre les pollutions diffuses, l'inscription dans le marbre de la loi d'une dotation spécifique pour les communes rurales.

Il conviendra d’évaluer ces principes à l’aune des moyens nouveaux accordés aux agences. Tous les acteurs de l'eau sont appelés à l'animation et à la protection des territoires. Je les cite par ordre alphabétique.

A comme agriculteurs. Nous avons voulu qu'ils soient des acteurs à part entière de la politique de l’eau et non plus des boucs émissaires. Nous avons conçu avec eux et leurs organisations professionnelles, une redevance « élevage » fondée sur la confiance, prévu une contribution financière sur la consommation de substances phytosanitaires qui tienne compte des possibilités économiques réelles et dont le produit sera affecté exclusivement à la réduction des pollutions, imaginé des collaborations dans la gestion collective de l'irrigation et la promotion de bonnes pratiques en gardant toujours présent à l'esprit que l’agriculture est d'abord une activité économique. Les discussions furent rudes, franches et courtoises, respectueuses des personnes et des idées, et les ministères concernés apportèrent toute leur collaboration de façon que nous disposions de données chiffrées exactes.

A également comme associations : en élargissant le rôle des commissions consultatives des services publics locaux, en associant les associations utilisatrices d'eau pour des usages sportifs et de loisirs, en sensibilisant davantage chacun à la problématique de l’eau, le projet de loi permet une réelle appropriation par chacun des acteurs des enjeux de la directive-cadre.

C comme collectivités. Elles sont les acteurs-clés pour garantir de manière solidaire un droit à l’eau effectif pour les familles en difficulté et des co-investisseurs directs, indispensables pour assurer la qualité des réseaux et un maillage interconnecté de tout le territoire. Le projet de loi renforce ce rôle en reconnaissant l'assainissement non collectif comme une technique de réduction des pollutions diffuses sous le contrôle des SPANC, confirmés comme outils publics de plein exercice. Il place tous les auteurs de pollutions domestiques sur un plan d'égalité, donne la possibilité d'affecter une taxe sur l'imperméabilisation à la prévention des inondations urbaines et crée des outils de lutte contre les pollutions de ruissellement.

E comme énergie et I comme industriels. Nous sommes tous concernés par la lutte contre le réchauffement climatique et la loi confirme le rôle irremplaçable à cet égard de l'énergie hydroélectrique en même temps qu'elle redit la nécessité absolue de respecter les intérêts fondamentaux de la vie piscicole et des milieux aquatiques. La loi de 1964 concernait en priorité la réduction des pollutions industrielles, et les industriels restent des acteurs incontournables dans l’application de la directive cadre sur l’eau. Si, en dernier lieu, nous avons maintenu le principe selon lequel le silence de l'administration, en cas de demande de déversement d'eaux usées, vaut rejet, c'est dans un souci de protection juridique des industriels eux-mêmes.

« P » comme « pêcheurs ». Nous avons rencontré un monde d'une très grande diversité d'intérêts, mais aussi très soucieux de la qualité environnementale de nos rivières et milieux aquatiques. La loi, en confirmant la pêche de loisir et la pêche professionnelle comme interlocuteurs officiels, en les associant à la protection des milieux aquatiques, en organisant au mieux le Conseil supérieur de la pêche, en renforçant la législation sur le braconnage, confirme la place éminente du monde de la pêche. En outre, la loi met fin aux interminables discussions sur les eaux libres et les eaux closes, et offre les moyens d’un développement économique alliant qualité culinaire, emplois durables non délocalisables et redynamisation du monde associatif.

Enfin, je dirai « V » comme « vision ». Ce texte – et ceci est encore trop passé sous silence – est porteur d’une vision éducative et d’une vision solidaire. L'article 36 définit la feuille de route des agences ; les missions 10 et 12 de celles-ci indiquent que l'eau est le patrimoine commun de la nation, et que chacun doit être acteur, tant ici, pour un partage des connaissances, qu'à l'international, par des solidarités construites, des savoirs transférés, l'accès réel à la dignité.

J'espère, Madame la ministre, parce que je crois aux vertus de l'éducation, de l'effort et de l'ouverture aux autres, que nos écoles et nos collèges renforceront la connaissance de l'eau et de son milieu récepteur. Je souhaite que le thème soit réellement intégré dans les programmes. J'attends des partenariats exemplaires à destination des pays moins avantagés, pour que l'accès à l'eau devienne une réalité.

Chers collègues, le temps presse. L'avenir de certains est en jeu, les bonnes volontés sont prêtes à l’action, les urgences environnementales commandent. C'est pourquoi, sans plus tarder, je vous invite à voter ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable Cette loi était attendue par tous depuis près de dix ans. Il ne s’agit pas d’une loi idéologique, car l’eau est un sujet trop sensible pour que quiconque soit laissé au bord de la route. Il nous fallait donc rechercher les équilibres acceptables par tous et faire avancer l’intérêt général.

Je tiens à vous dire ma satisfaction devant le texte issu de la CMP, et je salue le travail accompli par le rapporteur de l’Assemblée, M. Flajolet, et celui du Sénat, M. Sido. Je suis très fière de voir inscrit le droit à l’eau dans le droit français. Certains estiment que nous aurions pu aller plus loin dans la dimension sociale de ce droit, mais ce projet amène de nouvelles avancées : interdiction des cautions et des garanties, remboursement sous trois ans de celles perçues, plafonnement de la part fixe, sauf dans les communes touristiques où cela créerait des inégalités entre les habitants permanents et les autres. Ces avancées complètent les mesures prévues par la loi portant engagement national pour le logement.

Par votre vote, vous allez donner à notre pays les moyens d’assurer le bon état écologique des eaux, dont l’objectif a été fixé par la directive cadre. Pour répondre aux nouvelles problématiques apparues depuis 1964, les agences de l’eau en étaient arrivées à l’extrême limite de ce que la loi autorisait, et leur redevance n’était pas sans poser des problèmes de constitutionnalité. Cette loi leur permettra de démarrer leur neuvième programme sur des bases solides. Il prévoit également un plafond de 14 milliards en six ans, qui leur laissera des marges de manœuvre importantes. Le nouveau système de redevance me paraît équilibré.

Vous fournirez au ministère, par l’intermédiaire du Fonds Barnier, les moyens de relancer une véritable politique de prévention des inondations. Nous allons ainsi, dans les prochaines semaines, signer cinq plans grands fleuves et une quinzaine de nouveaux plans d’action.

Cette loi renforcera notre efficacité dans trois domaines. L’entretien des milieux aquatiques sera facilité par des simplifications administratives et l’instauration de plans de gestion pluriannuels à l’échelle des bassins versants. Une meilleure gestion de la rareté de l’eau sera possible grâce au règlement du SAGE opposable aux tiers, aux mesures de gestion collective des prélèvements d’irrigation et à l’incitation fiscale pour la récupération de l’eau de pluie. Enfin, une maîtrise des pollutions diffuses sera recherchée, notamment à travers le contrôle des pulvérisateurs de pesticides ou les plans de lutte contre les pollutions diffuses dans les aires de captage, sans parler de la nouvelle redevance sur les phytosanitaires, différenciée selon la dangerosité du produit.

Le texte prévoit également une action de solidarité des agences de l’eau vis-à-vis des communes rurales, qui va bien au-delà de ce que fournissait le Fonds national pour le développement des adductions d’eau, puisque le montant sera d’un milliard sur la période 2007-2013. Il conforte également l’action des SATESE dans un cadre conforme à la réglementation européenne.

Le fonctionnement des services publics de l’assainissement non collectif est renforcé. Le texte affirme la compétence des communes, tout en préservant les différentes organisations qui existent. Les délégations de service public sont mieux encadrées, notamment en ce qui concerne les provisions pour travaux. La création d’une taxe pour la collecte des eaux pluviales donnera aux communes qui le souhaitent la possibilité de créer une ressource appropriée pour le financement des réseaux d’évacuation de ces eaux, tout en incitant les propriétaires à les retenir.

La filière de l’épandage des boues et des stations d’épuration est confortée avec la création du Fonds de garantie.

Par ailleurs, le texte donne aux pêcheurs, amateurs comme professionnels, une organisation nationale conforme à l’importance de leur rôle dans la préservation des milieux aquatiques. Il crée une nouvelle définition des eaux closes, mettant un terme à un conflit de vingt ans entre fédérations de pêche et propriétaires d’étangs.

L’adaptation au changement climatique sera inscrite au cœur des objectifs de la politique nationale de l’eau. Ce défi doit faire partie de nos priorités.

M. Jean Dionis du Séjour – Très bien !

Mme la Ministre déléguée – Les politiques que j’ai lancées pour préparer cette adaptation – plans de gestion de la rareté de l’eau et relance de la prévention des inondations – s’en trouvent ainsi confortées.

Ce texte fait de la politique de l’eau une politique du développement durable au plein sens du terme. Avec le droit à l’eau, il y ajoute un volet social. La politique environnementale de la France est confortée autour des deux axes du changement climatique et de la biodiversité, intégrée aux objectifs du bon état écologique.

Je salue la qualité du travail des deux assemblées et de la CMP, et tiens à rendre à nouveau hommage à votre rapporteur,…

M. Guy Geoffroy – Excellent rapporteur !

Mme la Ministre déléguée – …qui s’est beaucoup investi, ainsi qu’au rapporteur du Sénat, M. Sido. J’ai eu la chance de travailler avec deux rapporteurs extraordinaires, qui ont permis de faire avancer cette loi (Applaudissements). La qualité de nos travaux est aussi due à l’ambiance consensuelle qui a prévalu, sans masquer l’existence de désaccords avec l’opposition. La qualité de ce dialogue honore l'Assemblée nationale et le monde politique tout entier. Cette loi est particulièrement importante pour les générations à venir, et elle fera honneur aux parlementaires.

Je vous présenterai enfin un amendement de coordination à l’article 23, visant à supprimer une disposition qui a été incluse hier dans la loi de finances pour 2007 (Applaudissements).

M. Jean Launay – Permettez-moi de commencer par évoquer avec émotion et gravité le souvenir de Nathalie Gautier, qui devait être la voix de notre groupe sur ce texte.

Ce débat nous a procuré quelques satisfactions, certains de nos amendements ayant été adoptés, et nos avis convergeant sur plusieurs points. Mais d’autres sujets sont restés dans l’ombre. Et nous avons enfin quelques regrets.

Ainsi, M. Peiro et moi-même nous réjouissons de vous avoir convaincus qu’il fallait offrir au piéton la possibilité de marcher au bord des cours d’eau domaniaux, qu’il fallait mieux reconnaître les loisirs nautiques en dressant par décret la liste des ouvrages à aménager, qu’il fallait instituer un crédit d’impôt sur les citernes et qu’il fallait inclure dans le texte les établissements publics de têtes de bassin.

De même, nous sommes d’accord sur la gouvernance et le rôle pivot des agences de l’eau, et sur leur nécessaire coordination avec les collectivités territoriales qui, souvent, soutiennent de leur propre initiative les petites communes rurales. Celles-ci ne seront pas abandonnées par les départements, même si les fonds départementaux sur l’eau et l’assainissement n’ont pas été créés. Trop limitée, peu lisible, la taxe n’aurait pas produit la recette attendue.

Au-delà de leur simple représentation à 40 %, il faut consolider l’implication réelle des élus dans les agences de l’eau, y compris dans les comités de bassin et les nouvelles instances telles que les commissions territoriales. Leur participation est essentielle à la bonne qualité de l’eau, cet enjeu sanitaire et environnemental. Les élus locaux savent en effet que seuls un plus grand volontarisme et une meilleure coordination des politiques publiques donneront leur pleine mesure aux différentes directives-cadres sur l’eau. À ce titre, l’État doit nous informer sans tarder des résultats obtenus par les missions interministérielles des services de l’eau sur les eaux résiduaires urbaines, ainsi que ceux des DRASS et des DDASS pour les eaux de baignade. Le dialogue noué avec les collectivités territoriales en préparation des programmes des agences portera ses fruits, pourvu que l’action des services de l’eau soit coordonnée. Nous aboutirons ainsi à des conventions efficaces qui profiteront aux milieux aquatiques. De même, l’ouverture du plafond des dépenses des agences de l’eau de douze à quatorze milliards nous permettra de mieux gérer la ressource et anticiper les besoins, compte tenu du renouvellement des canalisations d’eau potable qui ne manquera pas de s’imposer bientôt. Enfin, l’écriture finale du texte illustre le consensus atteint sur les services d’assistance technique aux exploitants de stations d’épuration et les services publics d’assainissement non collectif.

J’en viens aux trois points qu’il faut approfondir. M. Dosé a soulevé la question des forages privés, mais vous l’avez esquivée, par facilité ou par manque de courage politique. Plus de trente mille collectivités locales sont pourtant confrontées à la multiplication de ces puits, déclarés ou sauvages, dont les faibles normes sanitaires et le moindre coût mettent en péril les réseaux collectifs. Il aurait fallu permettre aux maîtres d’ouvrage de décider si l’autorisation de forer prévalait sur la simple déclaration.

D’autre part, les ouvrages hydroélectriques affectent beaucoup leur milieu : les poissons migrateurs, telle l’anguille, sont souvent plus menacés par les barrages et autres centrales que par le braconnage – que je ne cautionne évidemment pas. Il aurait fallu sanctionner cet impact plus clairement dans les cahiers des charges préalables au renouvellement des concessions.

Enfin, je ne reviens pas sur la redevance des GAEC qu’évoquera certainement M. Dionis du Séjour, avec qui nous étions d’accord.

M. Jean Dionis du Séjour – C’est vrai.

M. Jean Launay – Il me reste donc à évoquer avec regret les cinq sujets qui nous posent problème. Tout d’abord, ce texte permettra à la future entité GDF-Suez de fournir en contrat unique les services de l’énergie, mais aussi de l’eau, de l’assainissement et des déchets. C’est donc en situation de monopole local que cette entreprise privée pourra fournir des services qui relèvent pourtant du domaine public.

À l’approche de Noël, vous multipliez d’ailleurs les cadeaux en interdisant la modulation d’aides financières de collectivités au bénéfice de la gestion publique de l’eau. Votre choix idéologique est clair : sous prétexte de garantir une concurrence sans entrave, vous portez une nouvelle fois un mauvais coup au service public et ramenez une ressource naturelle indispensable à une simple marchandise. En favorisant la gestion d’un bien commun par des actionnaires privés, en dépit de l’intérêt public, vous ouvrez la voie à une expansion du mercantilisme dans d’autres domaines tels que les services à la personne. Quel grand jour pour les actionnaires de Veolia, de la Société Lyonnaise et, demain, pour ceux de Sodexho.

D’autre part, le principe pollueur-payeur est trop faiblement appliqué. Auriez-vous donc peur d’appliquer le principe constitutionnel selon lequel toute personne doit participer à la réparation des dommages qu’elle cause ? Je sais, comme vous, qu’il ne faut pas stigmatiser les agriculteurs – avec qui je travaille d’ailleurs souvent dans les instances de bassin. Pourtant, il fallait rééquilibrer le financement de la dépollution, qui est encore pour 80 % à la charge des consommateurs.

Ensuite, bien que cette loi fût attendue depuis plus de dix ans, le Gouvernement a encore perdu cinq ans – même si la faute ne vous en incombe pas directement, Madame la ministre. En effet, Mme Bachelot a préféré bouleverser l’équilibre auquel nous étions parvenus dans la loi de février 2002, au terme d’une longue concertation.

Enfin, cette loi ne garantit pas suffisamment le droit à l’eau. Vous avez refusé d’autoriser les collectivités distributrices à instaurer une tarification sociale, bien que le Sénat l’ait évoquée. Comment peut-on parler d’un droit sans dire comment il sera exercé ? Le texte laisse, sur ce sujet, un goût amer d’inachevé : la consécration de l’accès à l’eau potable comme droit fondamental reste à écrire.

C’est pour ces raisons que le groupe socialiste ne s’associera pas au vote de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean Dionis du Séjour – Avant tout, je tiens à féliciter Mme la ministre et M. le rapporteur d’avoir su mener à bien une réforme tant attendue. La loi entrera en vigueur avant le 1er janvier prochain, promettiez-vous : promesse tenue – pour autant que les décrets d’application suivent sans tarder. Évitez que les efforts louables et nombreux que vous avez consentis pour apaiser les conflits et surmonter les obstacles ne se perdent dans les méandres de l’administration.

Au terme d’une discussion difficile, mais toujours digne, nous sommes parvenus à un texte certes imparfait, mais qui comporte des avancées. Il le fallait, car l’environnement se dégrade, le climat change. Désormais, nous avons un cap, atteindre le bon état écologique des eaux d’ici 2015, et ce texte fournit des outils pour aller dans cette direction.

C’est en saluant très sincèrement la qualité du travail du rapporteur,…

M. Jean Lassalle – À juste titre.

M. Jean Dionis du Séjour – …que nous soutenons une nouvelle gouvernance autour des agences de l’eau. Le système de redevances concerne toutes les formes d’atteinte à la ressource ; la lutte sera menée contre les pollutions diffuses et la création de ressources est encouragée. Des mesures sont prises pour les pêcheurs, la part fixe du prix de l’eau n’est plus plafonnée ; la police de l’eau est renforcée, de même que l’assainissement non collectif avec le crédit d’impôt.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous avez bien voulu écouter les propositions de l’UDF sur des points importants. Vous avez écouté M. Sauvadet qui insistait sur une redevance élevage équilibrée qui ne pénalise pas les régions allaitantes et d’élevage extensif. Il est également à l’origine, avec d’autres, du seuil d’exonération pour les élevages inférieurs à 1,4 UGB par hectare. Vous l’avez entendu également sur le déplafonnement de la part fixe du prix de l’eau, reconnaissant ainsi une autonomie des communes qui nous importe. Vous avez de même entendu André Santini qui plaidait pour la reconnaissance de la compétence municipale en matière d’eau. Merci d’avoir clarifié ce point de doctrine.

Même si l’on peut comprendre le compromis qui est intervenu, nous estimons cependant dommage que vous n’ayez pas poussé la confiance envers les acteurs territoriaux jusqu’à accepter les fonds départementaux d’eau et d’assainissement. Nous vérifierons si vous avez raison de faire confiance aux agences de l’eau pour aider les communes rurales.

Vous avez également écouté la voix des départements du Sud, traumatisés par la fréquence accrue des incidents de sécheresse. Ce texte marque enfin le changement de doctrine en matière de gestion des ressources en eau. Il faut effectivement intensifier les efforts pour économiser une eau devenue rare et précieuse, et cela par tous les moyens – techniques d’irrigation et modifications d’assolement par exemple. Il était temps aussi de travailler à la création de ressources nouvelles, comme les lacs collinaires et les retenues sur les rivières. Merci de l’avoir clairement affirmé, notamment à l’article 14.

Reste néanmoins un arrière-goût un peu désagréable, dont il nous faut bien parler, car il est proche de l’amertume. Il s’agit des GAEC. Nous avons fait des propositions tardivement certes, mais elles étaient de bon sens et de bonne volonté. Elles ont été repoussées au motif qu’on avait déjà trouvé un compromis avec des organisations d’ailleurs respectables. Mais c’est ici que l’on fait la loi. Nous approuvons une grande partie de votre travail, mais sur ce point, vous avez eu tort. Les représentants des GAEC se mobilisent. Je vous demande instamment de trouver une solution, par décret, par circulaire, pour ne pas aller contre le principe fondateur de la transparence des GAEC, qui est celui d’une agriculture humaine.

M. Jean Lassalle – Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour – À un moindre degré, le problème des compteurs d’eau était également symbolique. Le ministère de l’environnement est aussi celui des agriculteurs. Pour dissiper la méfiance qu’ils éprouvent envers lui, il a manqué quelques votes symboliques. En affirmant une nouvelle doctrine, vous aviez l’occasion de leur tendre la main. Je vous demande instamment d’y revenir.

M. Jean Lassalle – Il faudra 500 ans !

M. Jean Dionis du Séjour – Non, je suis plus optimiste.

Mais que l’arbre ne cache pas la forêt. Ce que vous avez fait était difficile, et marque une transition historique, disons-le, d’un système de consommateur-payeur à celui du pollueur-payeur. Certes, la pollution ayant des formes diverses, le système de taxes est complexe. Mais il ne faut pas sous-estimer l’importance de ce qui est la naissance de la fiscalité écologique que nous soutenons, même si le système reste partiel et un peu confus.

Ce travail difficile, vous l’avez donc accompli, quand d’autres avaient échoué. Le groupe UDF votera ce texte, à l’exception de Jean Lassalle, homme libre – mais celui qui gérera Jean Lassalle n’est pas encore né ! (Sourires)

M. Jean Lassalle – Très bien !

M. André Chassaigne – Je salue d’abord le fait que les discussions concernant les réseaux d'eau ont permis de tenir compte des conditions spécifiques liées à l'habitat isolé. Comme je le proposais par amendement, pour les petits réseaux d'eau potable des zones rurales ou montagneuses, alimentés par captage, et ne pouvant être raccordés au réseau communal à des conditions techniques ou économiques acceptables, les obligations d'analyses et de contrôle effectués par les services de l'État, actuellement trop lourdes financièrement, vont être assouplies. La CMP a en effet accepté que l'article L. 1321-4 du code de la santé publique ne s'applique plus aux eaux destinées à la consommation humaine provenant d'une source individuelle fournissant moins de 10 mètres cubes par jour en moyenne ou approvisionnant moins de 50 personnes.

Finalement, cette exception n'est pas en opposition avec la directive européenne du 6 novembre 1998. Comme quoi, l'argument massue de « l’euro-incompatibilité », asséné en première lecture contre mon amendement, le fut un peu vite, comme souvent d'ailleurs !

Nous nous félicitons également de ce que la redevance élevage soit à un niveau qui sauvegarde la spécificité de l’élevage extensif en montagne, après une large concertation entre les parlementaires mobilisés sur ce sujet et les organisations agricoles.

Mais nous pouvons avoir un regret partagé : en ce qui concerne la pollution agricole, le texte ne tient pas compte des bonnes pratiques et des efforts accomplis par les éleveurs, puisqu’il est, comme l’a dit le rapporteur, fondé seulement sur la confiance. Pour aller plus loin, il aurait fallu inscrire dans la loi que les redevances et taxes collectées au titre de la lutte cotre la pollution agricole seraient mobilisées pour développer un autre type d’agriculture plus respectueuse de l’environnement et non vouée à la productivité à outrance.

Par ailleurs, le texte comporte des avancées. Ainsi, il conforte les services publics d’assainissement non collectif. Mais sur les sujets essentiels du droit à l’eau et de la maîtrise publique, aucun progrès notable n'a été accompli.

L'eau est, avec l'énergie et le téléphone, l'un des trois biens essentiels auxquels chacun devrait avoir accès, comme l'a affirmé la loi de 1998 relative à la lutte contre l'exclusion. Le droit à l'eau est aussi consacré depuis 2002 comme un droit fondamental par le pacte international pour les droits économiques, sociaux et culturels. En signant ce texte, la France s'est engagée à ce que l'eau soit accessible à tous, dans des conditions abordables et avec un souci d'équité. Certes, il sera inscrit dans le droit français, et vous pouvez en être fière. De plus en plus de foyers ont des difficultés à régler leur facture d'eau : avec l’augmentation constante des prix, la facture approche pour une famille moyenne 500 euros par an, alors que sept millions de personnes vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Or, à la différence de l’énergie, l’eau est encore considérée comme une marchandise comme les autres, et le texte est donc insuffisant pour rendre concret le droit à l’eau.

Le recours au Fonds de solidarité logement n'est pas à cet égard une réponse suffisante. C'est pourquoi nous proposions qu'un volume minimum d'eau soit garanti chaque jour pour chaque habitant. Malheureusement, cette proposition n’a pas été retenue.

L'application effective du droit à l'eau passe également par la réduction des inégalités face au prix et au traitement de l’eau. Pour y parvenir, il faut une maîtrise publique de la distribution de ce bien. Or, la maîtrise publique de l'eau régresse depuis plus de vingt ans, et les deux multinationales que sont Veolia et Suez-Lyonnaise des Eaux totalisent à elles seules près de 80 % des contrats de délégation de service public.

M. Maurice Giro – Ne passez donc pas de contrats avec elles !

M. André Chassaigne – Cette quasi-privatisation de la gestion de l'eau se solde par des tarifs très élevés, que les opérateurs justifient par différents tours de passe-passe comptables. Exemple : le matériel n'est le plus souvent changé qu'au bout de vingt-cinq ans, alors qu’il est amorti sur dix ans. Ou encore : les opérateurs imputent aux collectivités des dépenses de personnel qui ne correspondent pas toujours à la réalité des frais engagés. De fortes surfacturations sont ainsi opérées sur le dos du contribuable. Il y a aussi les fameuses « provisions pour travaux », qui contribuent pour moitié au prix de l'eau. À peine un tiers des travaux provisionnés étant effectivement exécutés, on imagine aisément les sommes considérables qui sont indûment retenues.

M. Philippe Rouault – Il appartient aux élus de contrôler !

M. André Chassaigne – Il faut se rendre à l'évidence : les multinationales de l'eau prospèrent grâce à des pratiques condamnables – car les marges bénéficiaires sont bel et bien au rendez-vous, malgré les déclarations des unes et des autres !

Pourquoi les collectivités acceptent-elles de payer plus cher une prestation déléguée qui n'apporte rien de plus, voire une qualité moindre que celle obtenue en régie ?

M. Maurice Giro – Parce que ce n’est pas leur métier que de distribuer l’eau.

M. André Chassaigne – La raison n'est pas idéologique, puisque les collectivités qui optent pour la délégation sont de toutes sensibilités. Si elles renoncent à la régie, c’est plutôt à cause de la complexité et de la technicité des tâches, ainsi qu’à cause de l'absence de soutien financier à la prise en charge directe de la gestion de l'eau. C’est pourquoi nous proposions de confier à une structure nationale le soutien à la gestion publique de l'eau par les collectivités. Nous n'avons malheureusement pas été entendus.

Nos propositions n'étaient pourtant pas maximalistes. Nous ne proposions pas de nationaliser purement et simplement la gestion de l'eau, solution qui n’aurait au demeurant rien pour me déplaire. Fidèles à cette tradition issue de la Révolution française qui veut que la compétence de distribution de l'eau soit réservée au maire, nous proposions simplement – sans remettre en cause le rôle des comités de bassin, des agences de l’eau ou des SAGE – que l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, l'ONEMA, soit chargé de cette mission de soutien technique et scientifique. Il aurait pu aussi être chargé d’assurer une compensation entre les collectivités pour permettre le développement harmonieux des réseaux et aller vers une péréquation des tarifs.

Mais nos propositions en matière de droit à l'eau et de maîtrise publique n'ont pas été retenues. Dans ces conditions, les députés communistes et républicains se voient contraints, Madame la ministre, de voter contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président – Sur l’ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe UDF d’une demande de scrutin public.

M. Claude Gaillard – Je salue tout d’abord la sagesse – sénatoriale, sans doute – et la patience dont a fait preuve Mme la ministre. Ces qualités nous ont permis de discuter de ce texte dans de bonnes conditions. Je salue aussi l’implication du rapporteur, sa compétence et son écoute. Je l’en remercie au nom de mon groupe et, j’en suis sûr, au nom de tous. (« Très bien ! » sur divers bancs ) Je rends également hommage à la qualité des contributions de tous les collègues qui sont intervenus sur ce projet, car ils nous ont permis d’aller au fond des choses. Ayant moi-même travaillé depuis des années sur ces sujets, je vous sais gré, Madame la ministre, d’être celle qui aura enfin permis à la loi sur l’eau d’aboutir.

Ce texte renforce le rôle pivot des agences de l’eau, ce qui met fin à une forme de centralisation rampante qui était de nature à remettre en cause les agences de l’eau et les comités de bassin. Nous arrivons désormais à un bon équilibre et à une simplification du paysage.

À partir de maintenant, il sera possible de travailler intelligemment ensemble : comité, agences, conseils généraux, petites communes… La solidarité est territoriale, mais aussi sociale, avec l’affirmation du droit à l’eau. Nous marquons aussi notre solidarité avec les agriculteurs, via un fonds de garantie qui leur permettra d’utiliser dans de bonnes conditions ces sous-produits de la vie urbaine que sont les boues et ainsi de rendre service à l’ensemble de la collectivité, étant entendu que 80 % des Français vivent en ville.

Je voudrais dire un mot des délégations de service public. Il est trop facile de critiquer à la tribune les grands groupes et de faire comme s’il y avait d’un côté ceux qui les soutiennent, de l’autre ceux qui les combattent. Que je sache, il y a des collectivités locales de gauche comme de droite qui font le choix de la délégation de service public.

M. André Chassaigne – Je l’ai dit.

M. Claude Gaillard – C’est aux élus locaux de décider s’ils préfèrent la régie ou la délégation, c’est également à eux, s’ils choisissent la délégation, d’exercer un contrôle. Personnellement, j’ai plaidé dans ma collectivité pour la régie, mais il n’y a pas à critiquer les élus qui choisissent un mode de gestion plutôt qu’un autre. Les choses ne sont pas toutes blanches ou toutes noires…

Un député UMP – Ni toutes rouges !

M. André Chassaigne – Je n’ai jamais dit le contraire.

M. Claude Gaillard – Il faudra continuer à avancer. Je me bats par exemple depuis dix ans pour faire des agences de l’eau des centres de ressources et des lieux de compétences, qui puissent notamment aider les collectivités territoriales à négocier au mieux avec les grands groupes. Il faudra y réfléchir.

Quoi qu’il en soit, le groupe UMP se réjouit des conditions paisibles et sereines dans lesquelles nous avons examiné ce texte, qu’il votera également avec joie. Tout n’y est pas parfait, mais il représente néanmoins une avancée dont nous pouvons être fiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Nous en arrivons au texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l’article 113 alinéa 3 du Règlement, je vais appeler l’Assemblée à statuer d’abord sur l’amendement dont je suis saisi.

Mme la Ministre – L’amendement 1 du Gouvernement est un amendement de coordination, qui supprime un dispositif identique introduit à l’article 73 de la loi de finances pour 2007.

M. le Rapporteur – Favorable.

M. Marc Le Fur – Cet amendement nous donne l’occasion de lever une dernière ambiguïté sur la question du financement de l’assainissement individuel. L’Assemblée avait envisagé la solution du crédit d’impôt, qui n’a pas été retenue par la commission mixte paritaire. La solution que vous proposez est, elle, de nature budgétaire : l’assainissement individuel serait financé dans le cadre du fameux milliard alloué aux agences de bassin et réservé aux communes rurales – qui constitue en quelque sorte la suite du FNDAE, mais pour des montants plus importants. Nous n’avons rien contre cette solution, mais à la double condition que ce milliard ne soit pas obéré par le premier gel budgétaire, en janvier ou février, et qu’une fraction significative en soit affectée à l’assainissement individuel, sachant que les fonds sont adressés aux communes rurales et peuvent donc également servir à des travaux d’adduction d’eau ou d’assainissement collectif. Il me semble que le système du crédit d’impôt était plus simple, puisque les crédits étaient directement affectés aux particuliers – je rappelle que la mise aux normes représente une dépense d’environ six à huit mille euros pour une maison individuelle.

Mme la Ministre – Je vous confirme que les agences de l’eau aideront l’assainissement non collectif, notamment dans le cadre du milliard prévu à l’article 36. J’y veillerai en rédigeant les textes d’application et les instructions données aux agences de l’eau (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.
À la majorité de 50 voix contre 8, sur 58 votants et 58 suffrages exprimés, l’ensemble du projet de loi, modifié, est adopté.
Prochaine séance demain, jeudi 21 décembre, à 15 heures.
La séance est levée à 17 h 35.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
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