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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du jeudi 11 janvier 2007

Séance de 9 heures 30
48ème jour de séance, 108ème séance

Présidence de Mme Hélène Mignon
Vice-Présidente

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative – Nous sommes réunis pour examiner le projet de loi autorisant la ratification de la convention contre le dopage dans le sport, adoptée à l’unanimité, le 19 octobre 2005, par les délégués de la 33ème conférence générale de l'UNESCO. La France, qui était à l'origine de cette proposition de convention, devrait être le 31ème pays à la ratifier, après le Luxembourg qui l’a fait le 11 décembre dernier, ce qui permettra à ce texte d'entrer en vigueur.

Instrument nécessaire à une action mondiale efficace, cette convention permettra aux sportifs d'évoluer dans un environnement juridique cohérent et équitable, quel que soit le lieu de la compétition ou de la pratique. S’achèvera ainsi un processus de convergence entre les Etats et le mouvement sportif international, processus engagé dès 1999, un an après l'affaire « Festina ». Depuis 2003, les fédérations internationales, les comités nationaux olympiques et le CIO ont tour à tour transposé dans leur ordre juridique le code et les standards internationaux qui y sont annexés.

Cette convention doit conduire l'ensemble de la communauté internationale à adopter, comme la France s’y est déjà employée pour l'essentiel, des mesures pour réduire la possibilité de se procurer et d'utiliser des substances interdites, notamment grâce à une liste de référence de ces substances, dont le réexamen périodique sera confié à un groupe de suivi chargé de suivre l'application de la Convention ; pour établir un lien entre l'application stricte de la réglementation antidopage et l'octroi d'aides aux organisations sportives ainsi qu'aux sportifs ; pour instaurer des contrôles antidopage réguliers, au cours mais aussi en dehors des compétitions ; pour soutenir, concevoir et appliquer des programmes d'éducation et de formation à la lutte contre le dopage ; enfin, pour informer le sportif sur ses droits et ses devoirs, s’agissant en particulier des procédures de contrôle.

L'adoption de cette convention viendra compléter votre action pour la préservation de l'éthique sportive et de la santé des sportifs, dont le dernier exemple est l’adoption de la loi du 5 avril 2006, qui a conduit à la création de l'Agence française de lutte contre le dopage – AFLD –tout en clarifiant les responsabilités des acteurs internationaux et nationaux sur la base de principes conformes au code mondial. Ainsi, le contrôle de la loyauté des compétitions internationales relève désormais des instances internationales qui ont autorité sur leur organisation, tandis que le contrôle de la loyauté des compétitions nationales relève des autorités nationales – fédérations et AFLD. Ces dispositions sont compatibles avec les principes généraux que la ratification de la convention contre le dopage nous fait obligation de transposer dans notre droit interne.

Cette répartition des compétences entre les autorités sportives internationales et les autorités nationales a été admise et n'a soulevé aucune objection juridique à l'occasion des procédures consultatives préalables à l'adoption de la loi du 5 avril 2006.

Ce point méritait d’être précisé en réponse au débat ouvert sur la compatibilité entre notre droit et l’une des dispositions du code mondial, relative à l'appel d'une sanction disciplinaire devant le tribunal arbitral du sport, le TAS. Ainsi, selon une interprétation erronée, les sanctions visant les sportifs de niveau international ne pourraient faire l’objet d’un appel que devant le seul TAS, même lorsqu’elles auraient été infligées par une autorité nationale.

Levons toute ambiguïté : la convention ne prévoit pas la transposition littérale du code mondial, ce texte n'étant pas juridiquement intégré à la convention, mais seulement annexé à cette dernière. Aux termes de la convention, les États parties s'engagent seulement à respecter les principes de ce code, ce qui exclut toute application automatique en droit interne. Les États conservent ainsi une marge d'interprétation et de transposition, faculté clairement rappelée par le Conseil d'État lors de son examen du projet de loi. Le code lui-même précise d’ailleurs que ses propres dispositions ne remettent pas en cause les prérogatives des autorités nationales, quand elles existent.

Ainsi, lorsqu'une sanction nationale est prononcée contre un sportif français, soit par une fédération nationale, soit par l'AFLD, ce sportif pourra épuiser toutes les procédures nationales d'appel et de contestation devant le juge administratif français. La sanction encourue ne s’applique alors qu’aux compétitions nationales, ses conséquences pour les sportifs de niveau international relevant d’une décision implicite ou explicite des fédérations internationales. Une telle transposition des sanctions nationales, dont la portée se limite au seul champ sportif international, n’est quant à elle susceptible d'appel que devant le tribunal arbitral du sport. C’est donc un principe simple qui prévaut : à compétitions nationales, compétences nationales ; et à compétitions internationales, compétences internationales.

La portée respective des sanctions nationales et internationales est donc respectée, de même que leurs procédures d'appel, conformément aux dispositions de notre droit interne et sans la moindre atteinte à notre souveraineté nationale. Voilà l’interprétation qu'il convient de donner, dans le respect des principes du code, à cette disposition parfois contestée. C’est d’ailleurs sur ce fondement que la loi du 5 avril 2006, puis les décrets d’application, ont précisé les compétences respectives des fédérations et de l'agence française en matière de contrôles antidopage.

Certains ont en outre prétendu que les sanctions prévues par le code seraient automatiques, ce qui priverait les sportifs des garanties offertes par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l'homme. Or, comme l’a explicitement rappelé le Conseil d'État, ce projet de loi de ratification ne contrevient ni à nos principes constitutionnels, ni aux obligations résultant de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme en matière de nécessité et de proportionnalité des peines. Les sportifs peuvent en effet être entendus et faire valoir, dans l'examen de leur dossier, les circonstances de la faute qui leur est reprochée.

J’ajoute que les travaux du groupe de réflexion, chargé d’actualiser le code en vue de la conférence de Madrid, permettront d’expliciter cette interprétation du code, et que j’aurai la possibilité de m’exprimer à ce sujet au titre de mes responsabilités au sein de l’AMA.

Par la ratification de cette convention, vous allez confirmer la détermination de notre pays à lutter contre le dopage à l’échelle internationale. Le dopage nie les principes moraux et éthiques au fondement du sport, ruine la santé des athlètes et cause des dommages irréparables à la nécessaire exemplarité de l'exploit sportif. Seule une prise de conscience collective et une action véritablement mondiale permettent de lutter efficacement contre ce phénomène, dont l'impact ne se limite pas aux sportifs concernés ou au sport en tant que tel, mais touche également toute la société, par ses effets de plus en plus insidieux.

Compte tenu de sa nature et de la portée de ses objectifs, il est temps que nous introduisions dans notre édifice normatif cette convention. Je remercie, une fois encore, l'Assemblée pour son soutien indéfectible à la lutte contre le dopage, déjà manifesté par son vote unanime et solennel, en première lecture, de la loi d'avril 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Axel Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires étrangères – Ce projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale contre le dopage est un texte important, car il symbolise les immenses progrès accomplis en quelques années par le mouvement sportif international. Il a fallu les faits graves qui ont entaché le Tour de France 1998 pour que l’on passe enfin de la velléité au volontarisme : il existe désormais une structure internationale, l'Agence mondiale antidopage, qui a élaboré un code mondial, destiné à servir de cadre aux politiques, règles et règlements adoptés par les différentes organisations sportives et les autorités publiques.

Entré en vigueur le 1er janvier 2004, ce code est un document quasi universel, reconnu par 163 gouvernements, mais l'AMA ne dispose ni de la légitimité ni de la compétence pour édicter des normes obligatoires pour les États, en raison de son statut de droit privé. C’est pourquoi l'UNESCO a été saisie d'une proposition visant à élaborer une convention internationale contre le dopage sportif, adoptée le 19 octobre 2005.

Cette convention permet de donner une portée contraignante aux principes du code mondial antidopage, les articles 3 et 4 consacrant l'engagement des États à « adopter des mesures conformes aux principes énoncés dans le code » et à les respecter, même s’il est précisé que le code ne fait pas partie intégrante de la convention.

L'article 37 de la convention dispose qu'elle entrera en vigueur lorsque trente États l'auront ratifiée, approuvée, acceptée ou y auront adhéré. C'est chose faite depuis le 12 décembre 2006, ce qui permet d'envisager cette entrée en vigueur à compter du 1er février 2007.

Il faut toutefois s'interroger sur la conformité du droit français aux dispositions de la convention. En premier lieu, le code prévoit qu'en cas d'usage de substances ou méthodes interdites, la période de suspension du sportif incriminé sera de deux années lors de la première violation, et définitive en cas de récidive. Or, une telle automaticité des sanctions est contraire aux principes de proportionnalité et de personnalisation des peines prévalant en droit français. Il résulte toutefois des dispositions du code lui-même que le strict principe énoncé par le code peut être modulé ; le droit français ne sera donc pas modifié et répond d'ores et déjà aux objectifs recherchés par les rédacteurs du code : fermeté et possibilité de moduler les sanctions d'un côté, respect des droits de la défense de l'autre.

Une seconde interrogation porte sur la compatibilité entre le code et le droit français en matière de contentieux des sanctions pour dopage, point qui a fait l'objet de nombreux débats au sein de la commission des affaires étrangères.

Le code prévoit en effet que les décisions sanctionnant, pour violation des règles antidopage, des sportifs de niveau international ou des violations intervenues lors d'une manifestation sportive internationale, peuvent être portées en appel « uniquement devant le tribunal arbitral du sport ». S'agissant des infractions commises par un sportif de niveau international lors de compétitions nationales ou locales, la disposition du code peut sembler poser problème, notamment au regard du principe de la souveraineté nationale : elle reviendrait en effet à faire réformer par une instance étrangère la décision prise par un organisme français à l’encontre d'un sportif français, pour une infraction commise sur le territoire français. Cette interprétation stricte est problématique, car il n'existe pas de définition du « sportif de niveau international », ni en droit interne, ni en droit international. En outre, l'existence du tribunal arbitral du sport, établi à Lausanne, n'est pas reconnue par une convention internationale.

Selon le Gouvernement, une autre lecture doit être faite du code : au nom du principe selon lequel « chacun est maître chez soi », les sanctions prises par les fédérations nationales contre un sportif participant à une compétition nationale seront, le cas échéant, frappées d'appel, voire d'un recours en cassation, devant le juge français, selon les règles ordinaires du contentieux administratif. Si la fédération internationale décide à son tour de prendre une sanction contre le sportif incriminé, au motif que ce dernier a participé à une compétition qui, bien que nationale, détermine sa participation à des compétitions internationales, c'est la chaîne de sanction internationale qui entrera en jeu, ce que notre droit reconnaît depuis l’adoption de la loi du 5 avril 2006. Les deux chaînes de décision étant autonomes, il n'existe pas, selon cette interprétation, de risque de télescopage des décisions.

En conclusion, je veux rappeler que la France a toujours joué un rôle moteur dans la lutte internationale contre le dopage, rôle qu'elle a confirmé en étant à la pointe du mouvement, s’agissant de la rédaction et de la conclusion de la convention internationale. Il est par conséquent indispensable qu'elle s’assure toute sa place dans le suivi de cette convention, alors que l'entrée en vigueur de celle-ci est imminente.

Au cours de sa réunion du 9 janvier dernier, la commission des affaires étrangères a donc donné un avis favorable à l'adoption du présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Jacqueline Fraysse - Selon une enquête du ministère de la jeunesse et des sports de 2002, 26,5 millions de Français âgés de 15 à 75 ans pratiquent une activité physique ou sportive au moins une fois par semaine. Dans leur immense majorité, ils le font en amateurs et n’emploient pour tous produits dopants que des morceaux de sucre ou une orange. Ils sont donc totalement étrangers à notre discussion de ce matin. Je tenais à le redire et à saluer ces millions de sportifs amateurs et tous ces bénévoles qui font vivre les clubs, les amicales vélocipédistes, les associations de boulistes et les équipes amateurs de football, de handball ou de basket.

L’Union cycliste internationale et la Fédération internationale de football ont été parmi les premières à effectuer des contrôles anti-dopage pendant leurs championnats du monde de 1966. Les coureurs du Tour de France manifestèrent alors leur mécontentement en mettant pied à terre : la lutte contre le dopage n’est pas toujours bien reçue par les sportifs.

À cette époque, le dopage restait cependant « artisanal » – ce qui ne retirait d’ailleurs rien à la réalité du problème. Si les produits chimiques avaient déjà fait leur apparition, l'usage qui en était fait demeurait empirique. Le pire était à venir.

À la confluence des progrès des biotechnologies et de la marchandisation du sport, devenu une véritable industrie du spectacle, le dopage se généralise dès la fin des années 1960 en devenant « scientifique ». Les industriels qui investissent dans le sport ne le font plus par amour de l'effort : bien souvent, ils en espèrent avant tout des bénéfices. Ils attendent donc des sportifs qu'ils soient «rentables» – c'est-à-dire disponibles toute la saison à leur meilleur niveau – et du sport qu'il soit moins aléatoire. La victoire est d’abord un retour sur investissement.

Après avoir longtemps attendu que les instances sportives règlent le problème, les pouvoirs publics ont enfin réagi. Je voudrais ici rendre hommage à Marie-George Buffet…

M. Jean Le Garrec - Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse - La loi contre le dopage de 1999 a été une étape majeure. Elle a créé une autorité administrative et renforcé les sanctions à l'encontre des tricheurs, mais elle comportait aussi des dispositions en faveur de la prévention du dopage et de la prise en charge médicale des sportifs dopés. La même année a été créée à Lausanne l'Agence mondiale antidopage, qui donne une dimension internationale à la lutte contre le dopage.

Nous avons voté en 2006 un nouveau texte, déplorant pour notre part la faible part accordée à la prévention, ainsi que l’absence de pouvoir de contrôle ou de sanction de la nouvelle Agence française de lutte contre le dopage, pour les compétitions internationales organisées en France. Pouvez-vous nous dresser un premier bilan de cette loi ?

Notre groupe avait également regretté que les médecins généralistes ne soient pas davantage impliqués dans ce combat qui ne fait que commencer. EPO, hormones de croissance, stéroïdes laissent redouter l’avènement d'un monde dans lequel le dopage sportif ne sera qu'une application parmi d'autres des progrès biotechnologiques. Voulons-nous de ce monde-là ? Allons-nous accepter qu'au nom de la seule performance, les sportifs soient les cobayes sur lesquels seront expérimentées des dérives qui contamineront bientôt d'autres activités humaines comme le travail ? Déjà, les exigences de rentabilité s’expriment au détriment de la santé des salariés : un récent article du Monde a révélé la généralisation de la cocaïne au travail – et pas seulement chez les cadres supérieurs.

Parce que nous condamnons ces dérives, nous approuverons cette convention. Gardons cependant à l'esprit que le combat contre le dopage est un combat de tous les instants, qui dépasse le domaine du sport et que l'on ne gagnera qu’au prix d’une réelle réflexion sur les valeurs qui fondent notre société.

Permettez-moi de finir par ces mots qu’Henri Serandour, président du Comité national sportif français, a prononcés lors de ses vœux : « C'est vrai, le sport n'est pas éducatif en soi. Il l'est parce que nous le voulons ainsi. Il l’est par les valeurs humaines que son organisation entend promouvoir dans le respect de l'éthique et par la maîtrise de son histoire. » Il nous faut, en effet, définir les principes moraux et éthiques sur lesquels nous voulons fonder notre société.

M. Jean Le Garrec - Très bien !

Mme Martine Aurillac - Ce projet de loi concerne un sujet majeur pour la vie du sport, la lutte contre le dopage, qui requiert un engagement de tous les acteurs tant au niveau national qu’au plan international. L’éradication de ce fléau fait d’ailleurs l’objet d’une mobilisation sans précédent. En novembre 1999 a ainsi été créée, à l'initiative du Comité international olympique et de certains États – parmi lesquels la France a joué un rôle déterminant –, l'Agence mondiale antidopage, chargée de promouvoir et de coordonner la lutte contre le dopage dans le sport. L’Agence est à l'origine du code mondial antidopage qui, adopté le 6 mars 2003 à Copenhague par 164 États, est le premier document visant à harmoniser les règles antidopage entre les États comme entre les diverses disciplines sportives.

La convention internationale contre le dopage dans le sport, élaborée très rapidement sous l'égide de l'UNESCO et adoptée à l'unanimité en octobre 2005, sera la base de la coopération intergouvernementale dans ce domaine. Sa ratification par notre pays n'est pas en contradiction avec les engagements que nous avons pris dans le cadre de la convention européenne adoptée par le Conseil de l'Europe en 1989.

Je ne reviens pas sur les débats suscités par l'examen de ce texte devant la commission des affaires étrangères le 13 décembre et le 9 janvier derniers. M. le ministre et notre rapporteur se sont exprimés sur la compatibilité de la convention avec l'exercice de la souveraineté nationale et avec la Convention internationale des droits de l’Homme. Le comité de suivi de la convention sera bientôt mis en place. À l'instar du président de notre commission, j’estime donc qu'en dépit des ambiguïtés du droit international du sport, la France se doit de ratifier ce texte, ce qui la mettra d’ailleurs en meilleure position pour demander une clarification. C’est pourquoi le groupe UMP est favorable au projet.

M. Jean Le Garrec – Je regrette que ce débat se tienne dans une telle précipitation : le sujet méritait mieux, comme l’a d’ailleurs estimé le président Balladur. Je viens seulement de recevoir le rapport ! C’est vraiment dommage s’agissant d’une question aussi grave – on a pu le mesurer récemment avec l’affaire Balco ou ce qui s’est passé en Espagne. Rappelons qu’il existe déjà des centres de désintoxication de sportifs…

Non seulement le sujet est d’une importance considérable, mais – de l’aveu même du président Balladur – la convention est compliquée sur le plan juridique. La commission des affaires sociales, qui a beaucoup travaillé sur les lois de 1990 et de 1999, dont le rapporteur était dans les deux cas Alain Néri, et sur votre loi de 2006, n’a même pas été saisie pour avis ! Je le répète, cette précipitation est déplorable.

J’ai lu avec attention les débats de la commission des affaires étrangères. Le rapporteur a fait au mieux pour éclairer la situation sur le plan juridique, et le président Balladur a considéré qu’il y était parvenu. Il n’empêche qu’il demeure des incertitudes. L’important est bien sûr que le phénomène soit désormais appréhendé à l’échelle mondiale. Je rends hommage à cet égard à Mme Buffet, qui fut la première à engager ce combat devant le Conseil de l’Europe. Le rapporteur en a rappelé les étapes : création de l’AMA en 1999, code mondial anti-dopage – hélas trop peu contraignant, convention de l’UNESCO dont nous débattons ce matin.

Je ne reviendrai pas sur le débat juridique, en effet utilement éclairé par notre rapporteur, mais dans les mois à venir, il conviendra de préciser plusieurs points, dont la situation du tribunal international de Lausanne, lequel n’est pas soumis à convention internationale. Je gage que la délégation française aura à cœur d’éclaircir ce point.

Il était important que le présent texte soit adopté avant le 1er février, de sorte qu’une délégation française puisse participer à la conférence qui se tiendra du 5 au 7 février prochains. Malgré les remarques que je viens de faire, le groupe socialiste le votera donc sans hésitation.

M. le Rapporteur – Très bien.

M. Jean Le Garrec - Merci, Monsieur le ministre, d’être tout de même porteur de nos remarques. Qu’en est-il par ailleurs de la participation de la France au fonds pour l’élimination du dopage dans le sport ? Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

Le débat est, je l’ai dit, de la plus haute importance dans la mesure où, dans nos sociétés, le sport occupe une place de plus en plus importante. En outre, comme l’a très justement rappelé Mme Fraysse, les techniques de dopage deviennent de plus en plus scientifiques. Dès lors, la lutte contre le dopage prend plus que jamais une dimension éthique : quelle est la valeur symbolique et éducative du sport ? Quelles images véhicule l’acte sportif ? Mais elle répond aussi à une exigence de santé publique et met en cause des enjeux de société.

Le sport représente aujourd’hui un marché de plusieurs milliards, aux retombées commerciales et financières difficilement calculables. Cela concerne aussi bien les équipements sportifs que le spectacle de masse ou la publicité. Du reste, l’on assiste à la constitution de véritables écuries sportives, pilotées par des financiers – sans doute amateurs de sports mais mus, en premier lieu, par des motivations financières… Peut-être la comparaison semblera-t-elle un peu excessive, mais s’agit-il de recréer des écoles de gladiateurs ?

M. Gérard Bapt - On se le demande !

M. le Ministre – Dites-nous à quelle collectivité locale vous pensez en priorité !

M. Jean Le Garrec - Oh, si les collectivités sont entraînées dans cette démarche, c’est souvent à cause de problèmes financiers qu’elles ont, je le reconnais volontiers, de plus en plus de mal à maîtriser. Et je ne crois pas que l’introduction en Bourse des clubs de football ait contribué à la prévention de cette dérive financière que nous déplorons.

Déjà, en 1998, un éminent professeur de médecine, le Pr Saillant, pouvait se demander si le corps des sportifs n’était pas devenu une machine, dont l’hôpital serait le garage ! Et j’ai aussi en mémoire la réflexion de ce célèbre joueur de rugby, Michel Crauste, qui, au soir d’un match un peu « viril » avec l’Angleterre, avait lâché : « on fera de vilains vieux ! » Pour avoir très longtemps joué au rugby, je me pose un peu la question…

M. Gérard Bapt - Allons, vous êtes un parfait contre-exemple !

M. Jean Le Garrec - En tout cas, j’ai parfois du mal à reconnaître, dans les spectacles modernes, ce sport que j’aime tant ! Alors, bien sûr, il y a parfois quelques miracles et l’on peut voir la modeste équipe de Calais accéder à une finale, mais ce sont des contes de fées rarissimes, et force est d’admettre que le sport est aujourd’hui dominé par des enjeux financiers considérables.

Monsieur le ministre, vous savez mieux que personne que la question qui se pose aujourd’hui est de savoir si nous sommes en mesure de protéger les sportifs et de préserver l’esprit sportif auquel nous sommes si profondément attachés. C’est pourquoi le présent débat eût mérité une plus large audience. Il ne s’agit pas simplement de protéger la beauté du geste sportif, mais aussi de s’interroger collectivement sur l’image que nous voulons donner de notre société. Je me félicite que la France, souvent pionnière dans ce domaine, ne renonce pas à jouer un rôle moteur et je gage, Monsieur le ministre, que vous conduirez la délégation française, mais je répète une dernière fois que notre assemblée aurait dû donner plus de retentissement à ce projet.

Un mot de Coubertin pour conclure, qui relevait qu’en 322 avant notre ère, déjà, Callipus l’Athénien acheta ses adversaires pour qu’ils le laissent gagner aux Jeux. Dès lors, l’opinion se détourna et la religion athlétique perdit ses fidèles et n’eut plus que des clients.

Attachons-nous, mes chers collègues, à ce que les amoureux du sport ne soient pas demain que des « clients » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Luc Préel - Bien que demeurent certaines ambiguïtés juridiques – sur lesquelles je ne reviens pas car les orateurs précédents les ont bien décrites –, cette ratification est nécessaire. À l’instar de Jean Le Garrec, je déplore que la commission des affaires culturelles n’ait pas été saisie pour avis car ses membres s’intéressent beaucoup à tout ce qui a trait au sport…

M. Jean Le Garrec - Tout à fait.

M. Jean-Luc Préel - Le sport tient en effet une place importante dans notre société : il contribue à la cohésion sociale, participe de l’éducation de nos jeunes à la vie en commun, améliore l’hygiène de vie et permet de porter haut les couleurs de la France dans le monde, grâce à l’excellence de certains grands champions.

S’agissant du respect des règles et de la lutte contre le dopage, beaucoup reste à faire. Depuis quelques années, l’actualité est régulièrement émaillée d’affaires tendant à discréditer les performances sportives et à éclabousser la réputation de nombre de champions. Cela a commencé par les cyclistes, les haltérophiles et les sprinters, mais nous savons désormais que tous les sports sont touchés et qu’il existe de véritables usines à dopage, qui emploient des préparateurs aguerris à toutes les techniques. Les affaires de dopage sont particulièrement consternantes en ce qu’elles salissent l’image de certaines disciplines et qu’elles portent atteinte à la santé – voire à la vie – des sportifs de haut niveau. Compte tenu de l’influence que les champions exercent sur notre jeunesse, il est impératif de se préoccuper de ce fléau, tout en sachant que l’imagination toujours plus féconde des tricheurs rend le combat difficile et que les enjeux financiers sont énormes.

Depuis plusieurs années, nous assistons à une mobilisation sans précédent de l'ensemble des acteurs concernés par l'éradication du dopage. D’abord au niveau national, puisque notre pays s'est doté de longue date d'une législation anti-dopage. En effet, la première définition légale du dopage date de la loi Herzog du 1er juin 1965, suivie de la loi Bambuck du 28 juin 1989, de la loi Buffet du 23 mars 1999 et, tout dernièrement, en avril 2006, de celle qui a donné un nouveau statut à l'Agence de lutte contre le dopage en renforçant ses missions. Mais la mobilisation est effective aussi au niveau international : se sont ainsi succédé la charte de l'UNESCO de 1978, relative à l'éducation physique et au sport, la charte européenne contre le dopage dans le sport de 1984, la Convention européenne de 1989, le code antidopage du Conseil des Communautés européennes de 1992 et la convention mondiale sur le dopage de 1999. Cette dernière a créé l'Agence mondiale anti-dopage qui, chargée d'harmoniser les actions de lutte, a élaboré dès 2004 un code mondial, certes non contraignant juridiquement mais signé par 163 gouvernements.

Pour donner un effet contraignant aux dispositions de ce code, l’Unesco a proposé la convention qu’il nous est proposé de ratifier ce matin. Adoptée à l'unanimité en octobre 2005, cet instrument est conforme aux engagements internationaux de la France dans la lutte contre le dopage et à une démarche largement soutenue par le mouvement sportif français, en particulier par le Comité national olympique et sportif français. Il permettra d'agir de manière coordonnée et met en place un instrument de coopération intergouvernementale, indispensable en ce domaine.

Cette ratification est nécessaire non seulement pour poursuivre une action volontariste, mais aussi pour satisfaire à nos engagements internationaux. Elle est urgente, puisque déjà 41 pays ont ratifié la convention, permettant son entrée en vigueur avant les Jeux olympiques d'hiver à Turin et leur donnant ainsi la possibilité de participer au comité de suivi qui sera mis en place au sein de l'Unesco. Il serait regrettable que la voix de la France, pionnière en la matière, manque à l’appel et que notre pays ne soit pas représenté dans les instances qui appliqueront les règles anti-dopage.

Ce texte, consensuel comme l’a montré son examen en commission, a néanmoins posé quelques difficultés de coordination avec notre législation, s’agissant du contentieux des sanctions pour dopage, mais ces incertitudes sont aujourd'hui levées. La portée du dispositif est clarifiée. Rien ne s'oppose donc plus à la ratification. Ce texte renforcera la lutte contre le dopage et permettra donc de préserver la santé des sportifs, qu’il s’agisse des sportifs de haut niveau ou des jeunes citoyens, qui doivent être mis en garde contre les conséquences souvent méconnues, ou mésestimées, de l'usage des produits dopants. Il confortera le respect de l'éthique sportive et le rôle pionnier de la France dans la lutte contre le dopage et confirmera notre motivation pour accueillir les prochains événements sportifs. Le groupe UDF votera donc bien volontiers ce texte.

La discussion générale est close.

M. le Ministre - La France a en effet toujours été pionnière dans la lutte anti-dopage, à commencer par la loi Herzog de 1965, qui faisait suite à l’affaire Simpson – le cyclisme déjà ! J’insiste sur le fait que le sport-business n’est pas seul en cause, même s’il faut veiller à protéger les sportifs d’une pression économique toujours croissante : il a existé aussi un dopage d’État, organisé. Trois mille sportifs de l’ex-Allemagne de l’Est, comme l’a montré un récent procès, ont dû l’accepter pour faire partie de l’équipe nationale ! Il s’agit là d’une contrainte politique. Le code ne devra donc pas s’appliquer aux seules instances sportives internationales, mais aussi aux États, car il n’est pas exclu de voir réapparaître de ces « paradis du dopage » qui institutionnalisent la prise de médicaments.

En ce qui concerne l’application de la loi de 2006, l’AFLD est désormais en état de marche. Les décrets d’application ont tous été pris, en particulier en ce qui concerne l’organisation des contrôles anti-dopages sur le sol français, tant pour les compétitions nationales que pour les contrôles inopinés. Quant au nombre de contrôles, il est encore trop tôt pour dresser un bilan, puisque la loi n’est appliquée que depuis quelques semaines. Lorsqu’elle viendra devant vous faire son rapport, l’AFLD, autorité indépendante, vous donnera plus de détails, qu’il s’agisse des contrôles organisés de sa propre initiative ou de ceux des fédérations internationales, dont elle peut être d’ailleurs l’opérateur sur notre sol. Enfin, en matière de prévention – et au-delà des 20 millions dont dispose le ministère –, la loi de 2006 comporte des avancées très importantes. En particulier, si le médecin fédéral, lors de chacun des examens médicaux réguliers que doit subir le sportif, s’aperçoit qu’un des paramètres est perturbé, il peut interdire à l’intéressé de participer à des compétitions. C’est un grand progrès. Il y en a eu d’autres en matière d’information et de pédagogie, sans parler du numéro vert Écoute Dopage ou des antennes médicales de lutte contre le dopage, que la loi de 2006 a renforcées.

Quant aux chiffres, 20 millions sont, comme je l’ai dit, inscrits au budget du sport. La subvention à l’Agence mondiale anti-dopage est de 600 000 euros, et le budget de l’AFLD de 7 millions. Enfin, les États parties à la convention de l’UNESCO vont discuter, début février, du fonds qui doit être mis en place. Nous établirons alors notre participation.

Il est vrai que tout cela a été compliqué, mais pouvez-vous, vous qui êtes rompus à l’art des conventions internationales, en citer une seule dont l’élaboration ait été aussi rapide ? L’affaire Festina du Tour de France a eu lieu en 1999 et l’Agence mondiale a été créée la même année. En 2003, le code était rédigé et accepté tant par les grands organismes sportifs internationaux que par les États. La convention de l’UNESCO va être appliquée à partir de février. Il n’y a pas d’exemple équivalent ! Certes, la jurisprudence reste à établir : cela appartiendra au tribunal arbitral du sport, qui existe depuis de nombreuses années et remplit remarquablement son rôle. Avec cette jurisprudence, la convergence des différents dispositifs réglementaires et législatifs nationaux et l’application du code – à laquelle je veillerai, en tant que vice-président de l’Agence mondiale –, nous franchirons un nouveau pas dans la lutte anti-dopage, au niveau international cette fois. C’est ce qui manquait, permettant à des sportifs et à leur entourage de tricher. Or le dopage, c’est l’anti-sport.

Mme la Présidente - J’appelle maintenant l’article unique du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

L'article unique, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - Le projet de loi est adopté à l’unanimité.

La séance, suspendue à 10 heures 25, est reprise à 10 heures 35.

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adaptation au droit communautaire
dans le domaine du médicament

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités  Ce projet de loi est plus qu’un texte technique et va améliorer la qualité de la mise sur le marché et de la fabrication des médicaments, et garantir les conditions de leur bon usage ainsi que la transparence dans le fonctionnement de l’AFSSAPS. Son principal objet est de transposer la directive communautaire du 31 mars 2004, qui a modifié la directive de 2001 instituant un code communautaire relatifs aux médicaments à usage humain. Mais ce texte s’inscrit aussi dans une démarche plus globale, de révision du champ pharmaceutique. Après son vote, un second volet portera, par voie d’ordonnance, sur la révision des règles s’appliquant aux médicaments vétérinaires.

Ce texte est l’aboutissement d’une large concertation avec les professionnels, les associations de patients et les industriels. Il améliore d’abord l’accès à certains traitements ainsi que les conditions de leur utilisation. Il élargit ainsi les possibilités de traitement des personnes malades dont le pronostic vital est engagé, en étendant les conditions de délivrance d’autorisations temporaires d’utilisation nominatives, dans les situations où aucun traitement approprié n’est disponible. Il facilite l’arrivée des génériques sur le marché. Il définit la notion de médicaments biologiques similaires et précise celle du médicament homéopathique. Il vise également à limiter l’influence de l’industrie pharmaceutique en réglementant la publicité pour les médicaments et en assurant l’indépendance des professionnels de santé.

Il permet en second lieu d’améliorer la sécurité sanitaire des produits. Il impose, notamment, l’obligation de n’utiliser que des matières premières fabriquées selon de bonnes pratiques, et modifie le régime juridique des autorisations de mise sur le marché en accroissant les exigences de sécurité sanitaire.

Il vise également à rendre plus transparent le fonctionnement de l’AFSSAPS, qui a d’ailleurs anticipé les exigences de la directive en rendant publics les comptes rendus des deux commissions évaluant les médicaments : la commission d’autorisation de mise sur le marché et la commission nationale de pharmacovigilance. Par ailleurs, depuis juin 2004, elle publie des rapports publics d’évaluation pour chaque AMM. Le projet de loi prévoit l’adoption par voie réglementaire des conditions dans lesquelles l’AFSSAPS rend publics les débats scientifiques concernant ces évaluations.

M. Yves Bur – Très bien !

M. le Ministre – Il étend également à l’ensemble des agents de l’AFSSAPS l’obligation de fournir une déclaration d’intérêts. L’ensemble du personnel de l’Agence a d’ores et déjà satisfait à cette exigence en ce début d’année 2007.

L’article 29 du projet autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions de transposition de directives communautaires sur des sujets techniques. Une disposition de cet article traite cependant d’une question qui doit être développée devant cette assemblée : je veux parler des programmes d’accompagnement des patients prenant des traitements médicamenteux.

M. Yves Bur – Sujet sensible !

M. le Ministre – Sur ce sujet, je veux être clair : il ne doit pas y avoir d’interférence entre le professionnel de santé et le patient ; personne ne doit s’immiscer dans cette relation. Ces programmes existent aujourd’hui en dehors de tout encadrement. Ils sont parfois exigés par les autorités européennes lors de la délivrance de l’AMM dans le cadre des plans de gestion de risques. Ils peuvent répondre à un besoin réel dans les maladies chroniques ou pour des produits de maniement difficile. Ne rien faire est exclu. Interdire les interventions des entreprises dans ces programmes n’est pas non plus possible, ne serait-ce que parce que les AMM européennes – sur lesquelles il y aurait à dire par ailleurs – les exigent parfois. Il convient donc d’encadrer ces programmes afin d’apporter toutes les garanties nécessaires aux patients et de prévenir les dérives promotionnelles. Je pense qu’avant tout autre acteur, c’est à la puissance publique et à l’assurance maladie d’organiser l’accompagnement des patients et leur éducation thérapeutique.

M. Yves Bur – Très bien !

M. le Ministre – Si un laboratoire estime pouvoir apporter une plus-value en termes de bon usage des produits avec un programme de ce type, il faudra qu’il le démontre auprès des professionnels de santé, qui resteront les prescripteurs dans tous les cas.

Le projet de loi prévoyait de renvoyer à une ordonnance la définition des garanties à apporter sur ces programmes, mais je suis prêt à ouvrir le débat au Parlement. Votre rapporteure a d’ailleurs déposé des amendements pour tenir compte de vos préoccupations. J’en ai déposé un moi-même pour préciser les principes d’encadrement que suivra l’ordonnance – ainsi chaque programme sera soumis à une autorisation préalable de l’AFSSAPS, qui se prononcera sur son opportunité et son contenu. Des critères permettant de garantir que le programme vise uniquement le renforcement du bon usage des médicaments sont prévus : conformité aux recommandations, conception en cohérence avec les actions programmées par les autorités sanitaires, avis des associations compétentes… En outre, le médecin devra avoir prescrit le programme et le patient l’avoir accepté, le second pouvant se retirer à tout moment ; aucun contact direct entre le laboratoire et le patient ne sera autorisé. L’autorisation de l’Agence pourra prévoir une évaluation externe à la charge de l’entreprise ; si des dérives sont constatées, le programme sera suspendu. Tel est l’esprit de cet amendement.

J’en ai déposé un autre qui vise à mettre fin à la collecte des médicaments non utilisés, comme l’a recommandé l’IGAS dans son rapport de janvier 2005. Aujourd’hui, moins de 5 % des médicaments non utilisés collectés auprès du public sont redistribués dans un but humanitaire, en France ou dans les pays en développement. Cette activité s'effectue en dehors de tout cadre réglementaire et présente plusieurs inconvénients majeurs, dénoncés par l'IGAS : la qualité et la traçabilité de ces médicaments ne peuvent être garanties ; ils ne sont pas adaptés aux besoins des populations destinataires ; ce sont en grande partie des médicaments de confort – peu sont des génériques, ce qui va à l'encontre des recommandations de l'OMS – ; enfin, leur expédition dans les pays en voie de développement perturbe les politiques pharmaceutiques locales.

L'intérêt humanitaire de ce recyclage est très clairement contesté par l'OMS, le HCR, la Banque mondiale, les ONG, le ministère des affaires étrangères, l'ordre des pharmaciens et l'Académie nationale de pharmacie. Comme tous les autres pays européens, notre pays doit donc cesser de recycler les médicaments non utilisés et les remplacer par des médicaments neufs, issus de dons de l'industrie ou achetés à des génériqueurs. Afin de ne pas priver les organisations humanitaires de cette source d’approvisionnement, l'amendement que je vous propose ménage une période de transition de dix huit mois, pendant laquelle je m’engage à examiner les besoins et à trouver de nouvelles sources.

Au-delà de ces aspects techniques, il s’agit d’un texte important, qui nous permettra d'améliorer la qualité et la sécurité des produits de santé ainsi que les conditions de leur bon usage. Au final, c’est bien l'accès aux soins qui est concerné, accès dont l’amélioration aura été l’objectif constant de notre travail commun sous cette législature (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Cécile Gallez, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Il y a urgence à légiférer, le délai de transposition dans notre droit de la directive 2004/27/CE, fixé au 30 octobre 2005, étant largement dépassé. Le champ de la politique européenne en matière de médicament est devenu de plus en plus large, et trois textes, adoptés le 31 mars 2004, ont institué un code communautaire relatif aux médicaments à usages humain et vétérinaire. Les dispositions initiales, datant de 1965, étaient en effet obsolètes : le niveau toujours plus élevé de protection de la santé humaine, les exigences des patients-consommateurs, le progrès technique et l'élargissement de l’Union imposaient une harmonisation des réglementations nationales. Les scandales du Vioxx, du Celebrex et des molécules anticholestérol, qui ont provoqué une crise de confiance mondiale, ont aussi rendu nécessaire la gestion des risques liés aux médicaments.

En outre, la France présente des particularités qui ajoutent encore à la nécessité de transposer la directive 2004/27 : surconsommation de médicaments – antibiotiques, tranquillisants et hypnotiques, notamment –, utilisation des génériques toujours inférieure au taux de 65 % souhaité par les pouvoirs publics ; moindre recours aux solutions alternatives, telles que la psychothérapie ou la phytothérapie ; automédication, sans doute encouragée par les déremboursements, et qui devra faire l'objet d'une très grande vigilance, tant à l’égard du consommateur que du rôle du pharmacien.

M. le Ministre – C’est ma priorité !

Mme la Rapporteure - Enfin, ce projet répond aux souhaits émis dans son rapport par Mme Marie-Thérèse Hermange, sénatrice, chargée d'une mission d'information sur le médicament.

Outre qu’il transpose la directive 2004/27/CE, ce texte tend à habiliter le Gouvernement à adopter par voie d'ordonnance plusieurs mesures. Celles-ci transposent ou complètent la transposition d'autres directives relatives aux produits de santé et adaptent le code de la santé publique au droit communautaire. Le Gouvernement a entamé le processus de transposition dès 2004 : vote de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, étendant la définition des génériques aux différents dérivés cliniques du même principe actif ; introduction par décret de la notion d'autorisation de mise sur le marché globale et transparence des travaux de l'AFSSAPS.

Ce texte ne transpose pas stricto sensu les dispositions des textes communautaires : il faut savoir que le traité européen, confirmé par une jurisprudence constante, stipule que la directive lie tout État membre quant au résultat à atteindre, mais laisse aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Par ailleurs, la directive étant particulièrement importante et technique, il est envisagé que le Gouvernement soit habilité à transposer certaines dispositions par voie d'ordonnance, comme cela a été le cas sous d'autres législatures.

Je remercie ici les collaborateurs et les services du ministère pour les informations apportées sur ce sujet complexe.

Le présent projet propose trois grandes orientations : la promotion équilibrée des génériques ; l’instauration d'un contrôle accru des médicaments ; le renforcement de l'information des patients sur les médicaments et le fonctionnement de l'AFSSAPS.

Certaines dispositions méritent d’être relevées. La promotion des génériques est assurée, tout en protégeant l'innovation : les conditions d'autorisation des génériques sont assouplies, la période de protection des données étant réduite de dix à huit ans ; la notion d'AMM globale est confirmée et permet de ne pas demander une autre AMM pour toute extension de gamme ; la notion de médicaments biologiques similaires – non substituables aux médicaments de référence – est introduite. Parallèlement, les médicaments innovants sont davantage protégés.

Il est prévu de faciliter l’accès aux médicaments en cas de menace sanitaire grave, par exemple. L'article 12 étend les conditions de délivrance des autorisations temporaires d'utilisation nominatives, c'est-à-dire l'accès à des traitements encore en phase d'expérimentation clinique, pour répondre aux situations dans lesquelles des personnes atteintes de maladies graves sont confrontées à un risque létal, alors qu'aucun traitement approprié n'est disponible.

Afin de renforcer la sécurité sanitaire, la délivrance de l'AMM sera recentrée sur l'évaluation de la balance bénéfice-risque. À cet égard, la commission a adopté un amendement précisant que l'AMM doit être retirée ou suspendue s'il apparaît que le rapport bénéfice-risque du médicament n'est plus favorable. De même, le suivi et la pharmacovigilance seront renforcés.

J'ai tenu à ce que le nom du médicament soit en DCI pour qu'une même molécule ait le même nom dans tous les pays de l'Union.

M. Yves Bur – Enfin !

M. Richard Mallié - C’est une bonne chose !

Mme la Rapporteure - L'article 28 du projet de loi renforce considérablement l'obligation de déclaration d'intérêts des personnes travaillant pour l'AFSSAPS. En outre, la commission a adopté à mon initiative un amendement renforçant la transparence du fonctionnement interne de l’Agence. Enfin, le projet comporte des mesures relatives à la publicité pour les médicaments et aux efforts de promotion des laboratoires : elles vont toutes dans le sens d’une protection accrue du consommateur-patient.

Je souhaite également appeler votre attention sur la question des médicaments dérivés du sang. La France, pour des raisons éthiques, n’autorise l'importation de MDS provenant de pays où le don du sang est rémunéré qu'à la condition que le médicament apporte une amélioration en termes de sécurité ou d'efficacité thérapeutique, ou en cas de pénurie, et uniquement pour une durée de deux ans. Afin de sécuriser l'approvisionnement du marché français en ces produits indispensables au traitement de maladies rares et graves telles que l'hémophilie ou les déficits immunitaires, j’ai proposé un amendement qui porte à trois ans la durée de l'AMM de ces MDS.

Ce texte fait l'objet d'un relatif consensus, tant des pouvoirs publics que des professionnels de santé et des associations représentant les patients. Un point, cependant, suscite de vives discussions : le dixième alinéa de l'article 29 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions visant à régir les programmes d'accompagnement. Si les programmes de « disease management » développés aux États-Unis sous l'impulsion des assureurs ont pu donner lieu à des excès, je suis convaincue que procéder à un encadrement des programmes d'accompagnement est préférable au vide juridique. De plus, certains médicaments exigent que le patient soit accompagné. L’amendement adopté par la commission, soumettant ces actions d'accompagnement à une autorisation préalable de l'AFSSAPS, devrait lever les inquiétudes.

Ce projet de loi est un texte important, qui concerne la santé publique. Il est bien évidemment susceptible d'être amélioré, dans la mesure où il reste conforme aux objectifs fixés par la directive (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Door - Ce projet de loi est, comme l’a souligné Mme la rapporteure, un texte important. Nul n’ignore les dysfonctionnements dans les processus d’AMM et le suivi des médicaments : ils ont été mis en lumière par un rapport de Mme Marie-Thérèse Hermange, sénatrice. Grâce à ce projet, des incidents d’origine médicamenteuse, médiatisés à tort ou à raison, ne devraient plus se répéter.

L’instauration d’un contrôle accru des médicaments était indispensable, tout comme le renforcement de la sécurité sanitaire des produits. Les articles détaillent les critères de refus de l’AMM, le dispositif de l’AMM « exceptionnelle », le refus de l’AMM lorsque le rapport bénéfice-risque est défavorable, une réglementation plus protectrice pour les consommateurs. Enfin, le fait de renforcer les pouvoirs de l’Agence en ce qui concerne l’analyse des matières premières à usage pharmaceutique est tout à fait légitime.

Monsieur le ministre, je souhaite évoquer avec vous le principe de la traçabilité du médicament, notamment au travers d’un amendement. Dans le cas de contrefaçon par exemple, il importe de pouvoir identifier la source d’un problème de qualité, l’origine, les moyens de distribution et les destinataires du médicament, afin de les informer. La traçabilité doit couvrir tous les stades de la chaîne pharmaceutique. Les Etats-Unis et la Belgique l’appliquent déjà ; nous l’utilisons pour les produits vétérinaires. Je vous sais gré de mettre votre volonté politique au service de ce principe essentiel sans lequel nous ne pourrons retrouver l’origine de médicaments dont la production s’éparpille dans les vingt-sept pays de l’Union.

D’autre part, nous facilitons l’accès aux médicaments dans certaines circonstances exceptionnelles telles qu’une épidémie de H5N1 ou d’un autre virus similaire : il faut alors pouvoir obtenir les produits même si leur autorisation administrative n’a pas encore été délivrée ou s’ils ne sont pas disponibles sur le marché national.

Ensuite, le renforcement de la transparence de l’AFSSAPS était attendu : trop de sous-entendus méritaient d’être envoyés aux oubliettes. Les comptes rendus doivent être communiqués aux fabricants, et l’information des patients améliorée. La publicité des médicaments a toujours suscité un débat que M. Evin fut l’un des premiers à ouvrir. À ce titre, l’article 17 rappelle certaines règles d’éthique, et le projet confirme l’équilibre de la relation qui lie les producteurs aux prescripteurs.

Il habilite également le Gouvernement à transposer d’autres directives par voie d’ordonnance. C’est souhaitable pour celles qui font consensus. S’agissant des actions d’accompagnement de patients atteints de maladies chroniques, qui font, encore l’objet d’un débat, c’est à raison, Monsieur le ministre, que vous voulez les encadrer en y associant obligatoirement le médecin, et éventuellement le pharmacien. Pour de nombreuses pathologies, de l’angor coronarien au diabète, le moindre défaut d’observance peut être dramatique, voire fatal : le médecin doit être a l’affût de tout dysfonctionnement thérapeutique. Cessons de considérer le laboratoire pharmaceutique comme le méchant loup. Encadrer ses relations avec le reste du réseau de soins par ordonnance se justifie pleinement.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Claude Evin – La transposition que vous nous proposez aujourd’hui a tardé.

M. le Ministre – Oui, mais elle est là !

M. Claude Evin - Elle aurait dû avoir lieu avant le 30 octobre 2005.

M. Richard Mallié - Mieux vaut tard que jamais !

M. Claude Evin - Certaines dispositions ont déjà été transposées – la définition des génériques ou les règles d’AMM, par exemple – et la modification du règlement intérieur de l’AFSSAPS en satisfait certaines exigences, mais de nombreuses mesures restent à prendre, sans parler de l’urgence qu’il y a à transposer les autres textes du « paquet médicament ».

Globalement, la transposition que vous nous proposez ne pose pas de problème, sous réserve de quelques détails. C’est un progrès pour la santé publique, pour la compétitivité de notre industrie pharmaceutique et pour l’information des patients – un point sur lequel plusieurs mesures, comme le formatage des notices pour les personnes aveugles, sont de nature règlementaire : j’espère que les textes paraîtront sans tarder.

L’article 29, en revanche, nécessite un débat plus approfondi. Le recours aux ordonnances, justifié sur des questions techniques, est inacceptable lorsqu’il s’agit de questions de principe telles que les actions d’accompagnement des patients. Monsieur le ministre, qui se dit ouvert au débat, a déposé in extremis un amendement à ce sujet, que la commission n’a pu examiner que ce matin et alors que cette dernière réunion ne fait pas l’objet d’un rapport : conditions peu propices à un débat argumenté !

M. Gérard Bapt - C’était une réunion clandestine !

M. Claude Evin - La question des actions d’accompagnement doit être abordée sans manichéisme : les laboratoires pharmaceutiques ne sont pas le diable. Ces actions sont nécessaires dans l’intérêt du patient avant tout.

Plusieurs députés UMP - Nous sommes d’accord !

M. Claude Evin - Elles couvrent des situations très diverses. Pour certaines pathologies qui exigent des traitements complexes, le personnel paramédical – ou même le patient, au cas où il s’administre lui-même le traitement – doit être spécialement formé. Certaines autorisations de mise sur le marché comportent du reste des recommandations d’administration. Or, ces actions nécessaires sont menées sans aucun encadrement législatif ou règlementaire. Pourtant, qui d’autre qu’un prestataire spécifique peut les mener lorsque les patients se comptent par centaines, voire par dizaines comme pour certaines maladies orphelines ?

Monsieur le ministre nous dit que personne ne doit s’immiscer dans la relation entre médecin et patient : c’est de moins en moins vrai.

M. le Ministre – J’ai dit « compliquer », et non « s’immiscer ».

M. Claude Evin - Le médecin, naturellement, conserve sa mission à l’égard du patient ; mais d’autres intervenants sont appelés à s’immiscer dans cette relation.

M. le Ministre – Je n’ai pas employé ce terme.

M. Claude Evin - Nous n’aurions pas eu cette discussion à la tribune si la commission avait pu mieux faire son travail… Quoi qu’il en soit, l’intervention de personnels paramédicaux sera de plus en plus nécessaire, notamment pour certaines maladies chroniques dont l’arrêt du traitement expose à un véritable risque. Ainsi, la cessation d’un traitement antihypertenseur peut entraîner un effet rebond et exacerber la pathologie : le suivi de l’observance est donc indispensable, et la seule recommandation du médecin ne peut suffire.

Pour des raisons tenant à la maîtrise des dépenses, mais surtout à l'amélioration de la qualité des soins, c’est la question même de la prise en charge des maladies chroniques dans notre pays qui se pose : seule une organisation spécifique permettrait en effet d’intégrer les actions d'éducation thérapeutique et d’améliorer la coordination des soins et le suivi des patients.

C’est pourquoi nous devrions encourager le développement des réseaux de santé, qui peinent à progresser sur le terrain, faute, peut-être, d’une sans une volonté politique forte. Il serait également nécessaire de se pencher sur le « disease management », démarche engagée notamment aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Allemagne, et qui a fait l’objet d’une mission de l'Inspection générale des affaires sociales.

Des études ont ainsi démontré qu’il existe, aux États-Unis, des écarts importants entre les recommandations professionnelles et les soins reçus. Or, il n’y aucune raison de penser que cet écart n’est pas aussi important dans notre pays… Par exemple, un médecin consulté pour un épisode aigu concentre souvent son intervention sur cet épisode et n’assure pas le suivi du patient, que ce soit pour des raisons de temps ou d’absence de rémunération à ce titre. Dans ces pays, l’accompagnement des patients est donc assuré tantôt par des sociétés spécialisées, tantôt par des infirmières seniors, qui se concentrent sur des tâches que le médecin ne peut assurer lui-même.

Nous devrions adapter ce type de démarche dans notre pays, tout en expérimentant d’autres modalités de prise en charge et de suivi des malades chroniques. Comme nous ne disposons pas aujourd'hui d'opérateurs à même de remplir ces missions, il faudrait que tous les acteurs – ministère, assurance maladie, syndicats professionnels –, acceptent d'imaginer de nouvelles formes de prise en charge des patients.

À défaut, il ne faut pas s'étonner que certains acteurs essaient aujourd’hui de se positionner, comme l’ont fait certaines entreprises pharmaceutiques, qui ont bien compris l’intérêt du sujet pour les patients et pour elles-mêmes. Si leur accompagnement correspond à un besoin réel, l’organisation de ce service par des entreprises pharmaceutiques n’est pas sans conséquences…

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Le ministre n’a pas dit le contraire…

M. Claude Evin – Je l’invite donc à lancer au plus vite une réflexion ambitieuse sur l'organisation et le financement du suivi des maladies chroniques.

Plusieurs solutions sont en effet envisageables : l’assurance maladie pourrait assurer le suivi des patients, même si cela me semble difficile compte tenu de l’organisation actuelle des caisses. Si les régimes d’assurance maladie n’ont plus réellement vocation à négocier les conventions avec les professionnels de santé, de telles missions pourraient en revanche leur être confiées dans le cadre d’une réflexion d’ensemble sur le pilotage de notre système de santé. En cas de recours à des opérateurs spécifiques, il serait bon d’exiger que ces derniers remplissent des conditions précises, à l’image des réseaux de santé, et qu’ils fassent l'objet d'un agrément délivré soit par le ministère, soit par la Haute autorité de santé.

En tout état de cause, les actions d’accompagnement des patients devraient rester limitées à des pathologies et des prises en charge spécifiques. Elles ne devraient être, en outre, proposées au patient que par le médecin prescripteur et à la condition d’une autorisation préalablement délivrée par l’AFSSAPS, qui serait chargée d’exercer tous les contrôles nécessaires. Il faudrait également veiller au respect des droits des patients, notamment des règles relatives à leur information et à leur consentement. Il serait de même interdit aux intervenants d'utiliser les coordonnées du patient à d'autres fins que les actions d'accompagnement.

Je regrette en dernier lieu, Monsieur le ministre, les mauvaises conditions de ce débat, qui résultent du recours à une simple loi d'habilitation. Mais – sauf si l’amendement de suppression était adopté… – j'espère que nous aurons l'occasion de revenir en détail ces dispositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Luc Préel – Ce projet de loi, pour être technique, n’en est pas moins important. S’il concerne essentiellement le médicament et tend à transposer en droit français la directive européenne du 31 mars 2004, son l’article 29 autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur un sujet très sensible, celui de l'observance.

Nous aurions dû effectuer cette transposition juridique avant le 30 octobre 2005 : la France a décidément du mal à rejoindre les bons élèves de l'Union européenne !

Cette directive a fait l'objet de nombreux débats au Parlement européen, avant l’adoption d’un texte équilibré et consensuel, aussi est-il étonnant que ce projet de loi diffère de la directive sur quelques points, et ce, non pour apporter des précisions utiles, mais au contraire pour y introduire des imprécisions ! Le plus simple serait donc d'en revenir au texte de la directive…

Le médicament n'est pas un produit comme les autres : il a en effet pour vocation de soigner et de prévenir des pathologies plus ou moins invalidantes. Des progrès considérables ont été réalisés dans le traitement de nombreuses maladies, certaines ayant quasiment disparu, tandis que d’autres n’ont plus des conséquences aussi redoutables qu’autrefois. Il en est résulté des économies – non quantifiées – en terme de mortalité, mais aussi de durée d'hospitalisation et d'arrêt de travail. Songeons seulement à la poliomyélite, au tétanos, aux ulcères digestifs, aux leucémies de l'enfant…

Il reste toutefois à accomplir des progrès considérables contre certaines maladies fréquentes et invalidantes, y compris dans les pays développés, contre les maladies orphelines, mais aussi et surtout contre les maladies dites tropicales, qui affectent des millions de personnes chaque année – paludisme, maladies du sommeil, bilharziose, leishmaniose… Nous devons donc développer la recherche en favorisant les coopérations publiques et privées et en laissant à l'industrie pharmaceutique les moyens de financer le développement des molécules innovantes ou des thérapies géniques, hélas de plus en plus coûteuses.

Vous souhaitez, Monsieur le ministre, promouvoir les médicaments génériques, dont l’unique intérêt est d'être moins coûteux que le princeps. Or, le générique n’améliore ni la santé publique, ni la qualité des soins et ses fabricants ne participent en aucune manière à la recherche : ils ne découvriront jamais les molécules innovantes que nous attendons.

M. le Ministre Est-ce une remise en cause du médicament générique ?

M. Jean-Luc Préel - Son seul intérêt est d’être moins cher… Il faut que nous aidions l'industrie qui cherche et innove, en veillant à la protection des brevets et en prévoyant des prix suffisamment rémunérateurs pour les molécules réellement innovantes.

J'ai longtemps défendu l'idée qu’il fallait, dans l'idéal, baisser le prix du princeps au moment où le brevet tombe dans le domaine public, afin de réaliser des économies tout en garantissant la qualité du produit, fabriqué par le laboratoire qui détient la maîtrise du process de production. Puisque nous nous sommes, à l’inverse, engagés dans une politique de développement du générique, il faut tout de même faire en sorte que les économies réalisées servent à mieux financer la recherche et les molécules innovantes. C'est votre souhait, Monsieur le ministre, mais encore faut-il le mettre en œuvre…

L'industrie pharmaceutique est un partenaire, que nous devons reconnaître comme tel, sans renoncer pour autant à contrôler la publicité et le marketing. S’agissant de la protection des brevets, vous n'avez pas souhaité légiférer, Monsieur le ministre, préférant laisser aux discussions conventionnelles le soin d’y veiller, même si la directive évoque cette question, de même que le projet de loi.

Alors que l'article 8 prévoit que le titulaire de l'AMM du générique informe le directeur général de l'AFSSAPS des indications, formes et dosages pour lesquels les droits de propriété intellectuelles n'ont pas expiré, il serait logique que le titulaire des droits de propriété intellectuelle soit également informé. En effet, l'AFSSAPS n'est pas chargée de vérifier les droits de propriété intellectuelle.

Nous disposons aujourd’hui de molécules efficaces, qui ont des effets bénéfiques mais également des effets pervers : le risque zéro n'existant pas, nous devons évaluer les bénéfices et les risques avec la plus grande exactitude lors de la mise sur le marché, tout en veillant à une actualisation très régulière. Malgré toutes les précautions prises initialement et quelles que soient la qualité et l'indépendance des experts, ce n'est souvent qu'après la mise sur le marché et l'utilisation du médicament en corrélation avec d'autres produits qu'apparaissent les complications, souvent par induction enzymatique. Voilà pourquoi le renforcement de la pharmacovigilance et des études post-AMM sont indispensables.

L'article 15 prévoit à juste titre que le signalement incombe aux professionnels de santé et aux entreprises, avec obligation d'enregistrer tous les effets indésirables et de les transmettre aux agences sanitaires. Il s'agit d'une priorité de santé publique : la protection du patient justifie le renforcement du rôle des agences.

Si l'industrie pharmaceutique se décrit volontiers comme un partenaire de la santé, au service des professionnels et des patients, et si elle joue effectivement un rôle important dans la formation continue des professionnels, intervenant de plus en plus souvent à l’appui des associations de malades, ne soyons pas naïfs : sans mettre en doute ses intentions altruistes, il faut reconnaître que le rôle premier d'une entreprise est de vendre son produit. Il n’est donc pas inutile que ce projet de loi interdise toute publicité directe, renforce le dispositif anti-cadeaux et réglemente la distribution des échantillons.

L'article 29, relatif à l'observance du traitement, est plus contestable. Dans le cas d'une maladie grave ou chronique, le traitement doit être suivi régulièrement malgré ses éventuels désagréments. Ce problème concerne d'abord le patient : c'est donc au médecin d'expliquer les raisons du traitement, la stratégie thérapeutique et ses éventuels effets pervers.

Je conçois que l'industrie souhaite intervenir auprès du patient, mais ce n'est pas son rôle principal. Il appartient aux professionnels de santé – médecins, infirmières, pharmaciens – de veiller à l'adhésion au traitement en instaurant une relation de confiance.

Ce sujet important mérite un vrai débat. Il est donc choquant que le Gouvernement envisage de recourir à une ordonnance – bien qu’il l’ait souvent fait.

M. le Ministre – Dans le domaine de la santé, ce n’est pas incongru. (Sourires)

M. Jean-Luc Préel – Cela prive les parlementaires de la possibilité de discuter et d'amender le texte. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement de suppression de cet article 29. Pour le reste, ce projet de loi est équilibré et consensuel. La directive qu’il s’agit de transposer a en outre fait l'objet de nombreuses discussions au Parlement européen. Enfin, ce texte permettra de mieux protéger le patient et d’améliorer l’organisation de la chaîne du médicament. L’UDF le votera donc si l’article 29 est supprimé.

M. Gérard Bapt - Vous placez la barre très haut !

Mme Jacqueline Fraysse - D'apparence technique, la directive qu'il nous est demandé de transposer opère de vraies avancées, mais soulève aussi des interrogations sur des points fondamentaux, auxquelles j'espère que nos débats permettront de répondre. Je pense aux dispositions relatives à la délivrance d’AMM – notamment au contrôle de l'apport thérapeutique d'un nouveau médicament – et à la pharmacovigilance, mais aussi à la possibilité offerte au Gouvernement de prendre certaines dispositions par ordonnance.

Favoriser le développement de médicaments et en assurer la commercialisation rapide autour du triptyque sécurité-qualité-efficacité, notamment pour ce qui concerne les nouvelles thérapies, tels sont les objectifs de la directive. Rien n'est cependant proposé en matière de prise en charge collective, d'amélioration de l'accès aux soins, de recherche ou de contrôle de la « valeur thérapeutique ajoutée » pour la délivrance d'AMM.

Les aspects positifs de la directive soulèvent également des questions. Si elle tend à encourager le développement des génériques dans toute l’Union, les réglementations restent diverses selon les États. La transposition permettra de réduire le délai de commercialisation en France, mais sous réserve du sens qui sera donné à l'allongement de la protection de l'AMM initiale en cas d'amélioration thérapeutique. Il est donc impératif d'éclaircir ce point.

En l’absence de garanties suffisantes, les mesures d'assouplissement prises en matière d’AMM – AMM illimitée après cinq ans ou délivrance provisoire – semblent plus favorables à l'industrie pharmaceutique qu'à la santé publique. Si vous transposez toutes les dispositions relatives à l'allégement des procédures, il n'en va en effet pas de même sur la politique de pharmacovigilance, ce que nous regrettons à l'instar de nombreux professionnels de santé.

Nous défendrons donc plusieurs amendements pour assurer un meilleur équilibre entre allégement des procédures de mise sur le marché et principe de précaution, notamment par un renforcement de la pharmacovigilance.

Concernant les nouvelles définitions du médicament et les conditions d'attribution d'AMM, la nouveauté est le rapport bénéfice-risque. Malheureusement, le texte reste trop timoré sur ce point. L’article 6 prévoit en effet que l’AMM pourra être refusée si la balance bénéfice-risque est considérée comme défavorable. Cette obligation devrait être étendue à toutes les demandes initiales ou de reconduction. Il faudrait même en faire un motif de retrait d'autorisation.

Dans le même esprit, il conviendrait d’introduire à l'article 8 la notion – nouvelle en droit français, mais reconnue à l'échelle européenne – : de « valeur thérapeutique ajoutée», propre à encourager la recherche et la nouveauté. Cela pourrait être fait dans le cadre de la procédure « 8+2+1 ». Êtes-vous prêts à nous suivre sur ce point comme sur l'exigence d'études comparatives dans le dossier d'instruction d'AMM, Monsieur le ministre ? N’avez-vous pas dit, lors de la discussion du PLFSS, que vous étiez lassé de voir les « mee too » se propager ?

M. le Ministre – Je l’ai dit au niveau européen tout à l’heure.

Mme Jacqueline Fraysse - Nous le sommes aussi, et nous n'avons de cesse de dénoncer cette profusion de médicaments bénéficiant d'AMM injustifiées, que de nombreuses spécialités existent dans la même classe thérapeutique ou qu'ils ne préservent aucune vertu thérapeutique nouvelle. Nous voulons être entendus sur ce point qui préoccupe aussi les associations de malades et de consommateurs.

La directive vise enfin à introduire davantage de transparence dans les instances décisionnelles. Chaque décision des Agences – agence européenne ou AFSSAPS – doit faire l'objet d'une communication publique. La transposition reste là encore incomplète. La commission l'a reconnu en adoptant nos amendements. Il est cependant possible d’aller plus loin, et nous ferons de nouvelles propositions en ce sens.

J’évoquerai pour conclure l'automédication et les programmes d'observance.

L’allégement des procédures en échange d'un renforcement des principes de pharmacovigilance peut aboutir à favoriser l'automédication. Certains le souhaitent ; pour ma part, j'y suis fermement opposée. Cette question resurgit dans un rapport co-rédigé par le Professeur Alain Baumelou qui sera publié prochainement. Cette vision dangereuse de la santé est plus propice à des déremboursements massifs qu'à une amélioration de la santé publique.

M. le Ministre – C’est le contraire !

Mme Jacqueline Fraysse - Il ne s’agit pas seulement de savoir – comme vous avez tenté de le faire croire, Monsieur le ministre – si certains médicaments seront en vente dans les grandes surfaces…

M. le Ministre – J’ai été très clair.

Mme Jacqueline Fraysse - …mais s'il est opportun d'élargir l’accès aux médicaments sans avis médical préalable.

Certains groupes pharmaceutiques vous y invitent, en annonçant dans la presse qu'il suffirait que 5 % des médicaments prescrits passent à l'automédication pour réaliser 2,5 milliards d'euros d'économies sur les consultations médicales et les médicaments. C’est inadmissible et dangereux. Ou bien un médicament est prescrit et remboursé, ou bien c'est un produit inefficace et non un médicament et il peut être en vente ailleurs qu’en pharmacie.

Selon le Professeur Baumelou, « il faut promouvoir les médicaments qui sont déjà accessibles sans ordonnance. Actuellement, les deux tiers d'entre eux sont remboursés. Les patients ont donc plus intérêt à aller chez le médecin pour se les faire prescrire qu'à les acheter directement en pharmacie. Une proposition est le déremboursement de certaines classes thérapeutiques. » Une fois de plus, l’économie prime sur la santé publique. Nous ne partageons pas cette approche.

Les firmes pharmaceutiques rêvent de banaliser la consommation pharmaceutique et de faire des médicaments un produit marchand. C'est cet « esprit du Malin » qui guide les « programmes d'aide à l'observance ». De façon très subtile, l’article 29 prévoit donc d'autoriser le Gouvernement à légaliser « des actions d'accompagnement des patients soumis à des traitements médicamenteux, conduites par les établissements pharmaceutiques » – et ce par voie d'ordonnance ! Nous ne pouvons accepter cette dérive. La boucle serait ainsi bouclée : implication dans la formation des professionnels de santé – avec lobbying – et « l'information des patients », influence déterminante dans le processus d'autorisation de mise sur le marché des médicaments, et enfin contrôle, par l'observance, de l'utilisation et du suivi du traitement médical sans passer par le médecin.

Cette disposition est d’ailleurs contraire aux conclusions de la mission sénatoriale sur le médicament, qui souligne la difficulté que constituent l'omniprésence des conflits d'intérêt et la confusion des genres qui empoisonnent le monde médico-pharmaceutique.

Le Parlement doit débattre du sujet au fond, ce qui exclut le recours à l'ordonnance. J'y reviendrai à l'article 29. Vous avez donné des assurances sur ce point, Monsieur le ministre. Si votre amendement va bien dans ce sens, je m’en félicite. Mais il faudra aller plus loin, y compris à l’échelle internationale. les actions d’accompagnement sont nécessaires, mais elles incombent aux réseaux de santé, non aux laboratoires. Il ne s’agit pas de diaboliser ces derniers, mais de protéger la santé de nos concitoyens.

Au-delà de dispositions techniques, ce texte ouvre donc un débat de fond. La transparence, la pharmacovigilance et l'introduction d’études comparatives ou de notions comme la valeur thérapeutique ajoutée ou la balance bénéfice-risque à tous les niveaux de l'AMM sont au cœur du sujet. La commission nous a laissé espérer certaines avancées. C'est à la lumière des orientations prises lors du débat que nous déterminerons notre vote. Nous ne pouvons soutenir ce texte en l’état.

M. Yves Bur – Dans les systèmes de santé évolués, le médicament est devenu un élément majeur dans la prise en charge des maladies. Il a contribué, de manière souvent déterminante, à l'amélioration de l'état de santé de nos concitoyens et à l'allongement de notre espérance de vie. Personne n'oublie cette contribution essentielle, mais aucun responsable public ne peut ignorer que cet apport s'accompagne aussi de risques, indissociables de l'activité thérapeutique des molécules et devant être appréciés dans une balance bénéfice-risque qui doit être suffisamment positive pour prétendre à l'utilisation médicale.

Sans contester l'apport du médicament à la santé ou méconnaître sa contribution au dynamisme économique de la France, nul responsable public ne peut méconnaître qu'il est aussi un poste de plus en plus coûteux, qu'il convient d'apprécier au regard du bénéfice thérapeutique. Cela est d'autant plus vrai en France, où nous sommes de gros consommateurs de médicaments, par rapport à nos voisins européens.

Cet environnement nous conduit à analyser avec d'autant plus d'intérêt la transposition de la directive n° 2004/27 relative aux médicaments à usage humain. L'adoption de cette directive a fait l'objet d'un large débat, auquel ont participé de nombreuses organisations de patients, de consommateurs, d'assurance maladie primaire ou complémentaire, en mettant en œuvre le principe du « Never about us without us », c'est à dire ne jamais parler de ce qui nous concerne sans nous.

La directive vise à promouvoir un marché intérieur pour le médicament, tout en assurant un niveau élevé de qualité, de sécurité et d'efficacité, ainsi que la protection de la santé humaine. Améliorer les procédures d'autorisation de mise sur le marché – notamment la procédure de reconnaissance mutuelle et la procédure décentralisée, clarifier la place du générique dans la pharmacopée européenne pour faciliter son accès au marché tout en protégeant les brevets des molécules princeps, préciser la nature et le contenu des informations sur les médicaments – y compris sur la notice, organiser encore mieux une véritable pharmacovigilance à l'échelle européenne : voilà autant de sujets clés pour garantir au mieux la sécurité des consommateurs européens.

Cette transposition ne pose donc pas de problème particulier. Cependant, certains articles du projet de loi appellent remarques et précisions, de portée limitée quand elles concernent des différences avec le texte même de la directive, d'importance quand cela concerne la question de l'accompagnement thérapeutique que vous souhaitez réglementer par ordonnance.

La question des études post-AMM est intéressante. Elles peuvent être demandées par l'AFSSAPS, lorsqu’un médicament présente un profil de risque qu'il convient d'étudier dans le cadre de la gestion du risque, ainsi que par l'UNCAM, en sa qualité d'acheteur de soins. Elles sont de la compétence du CEPS, conformément à l'article 61 de la LFSS pour 2007, mais sera-ce suffisant pour qu'elles soient effectivement réalisées par les laboratoires pharmaceutiques, alors que la HAS souligne que seulement 7 % des études ont été menées à leur terme ? En raison de leur intérêt sanitaire, et à moins que le CEPS ne dispose des moyens pour améliorer cette situation, il serait peut être utile d’instituer un dispositif plus contraignant, afin d’inciter plus fermement les laboratoires à réaliser ces études de suivi.

J’en viens à la transparence des décisions relatives au médicament. Alors qu'ils sont de grands consommateurs de médicaments, les Français, comme tous leurs voisins européens, ont besoin d'être pleinement rassurés sur la qualité des molécules mises sur le marché et sur les risques encourus. Au reste, il ne faut jamais cesser de rappeler aux malades qu'un médicament n'est jamais un produit anodin et que son action comporte des effets secondaires qui doivent être appréciés en fonction de son bénéfice thérapeutique.

Cependant, nous ne pouvons ignorer cette attente de transparence, d’ailleurs bien prise en compte dans la directive. Heureusement, l'AFSSAPS est très sensible à la demande de transparence et elle a beaucoup progressé sur ce point. L’agence se situe même souvent à l'avant-garde européenne sur cette question sensible. Aussi, je m'étonne que le texte de la directive – au demeurant très clair et suffisant – ne soit pas simplement repris et que l'on renvoie la définition des conditions de transparence au règlement.

M. Gérard Bapt - Bonne remarque.

M. Yves Bur - Je défendrai donc un amendement tendant à reprendre le texte de la directive, dans un souci de simplicité . J’appelle aussi l’attention sur le fait que la généralisation de la transparence exige des moyens conséquents. À la FDA, 150 personnes sont occupées par ce sujet. Il faudra donner à l'AFSSAPS les moyens de garantir cette transparence à laquelle l'industrie pharmaceutique a tout intérêt.

Enfin, je souhaiterais que l’exigence de transparence s'applique aux relations qu'entretiennent les associations de patients avec les laboratoires – notamment quand ces derniers les subventionnent – et j'ai déposé un amendement en ce sens.

M. Gérard Bapt - Bonne initiative.

M. Yves Bur - J'en viens maintenant à l'article 29, lequel autorise le Gouvernement à réglementer les actions d'accompagnement des patients soumis à des traitements médicamenteux, menées par les établissements pharmaceutiques. Je partage les inquiétudes et les réticences de nombreux acteurs de la santé sur les intentions du Gouvernement en la matière. Certes, seuls une quinzaine de programmes ont été proposés en dehors de tout cadre réglementaire, dont plus de la moitié ont été refusés ou soumis à des changements. Soyons clairs : nous sommes nombreux à partager les réticences de l'IGAS dans son rapport sur le « disease management », dans lequel l’Inspection relève que « dès lors qu'un programme est initié par un laboratoire, quelles que soient les précautions prises, il ne pourra échapper au soupçon de biais en faveur des produits du promoteur ».

Le problème naît peut-être d’un malentendu tenant aux limites de ces programmes : s'il s'agit pour les laboratoires de devenir, par le biais de ce soutien à l'administration d'un de leur produit, des promoteurs de « disease management », c'est à dire du soutien à la prise en charge thérapeutique des patients atteints de maladie chronique où la France est encore peu engagée, nous devons clairement refuser, car ce n'est pas leur rôle. Que cet accompagnement thérapeutique global soit utile pour aider le malade à gérer sa maladie, personne ne peut le nier, et, avec l'expertise de la HAS, l'assurance maladie pourrait promouvoir cette approche fort pertinente, tant du point de vue thérapeutique qu’en terme d'économie de santé. Mais ce n'est pas aux laboratoires de s'y spécialiser.

M. Gérard Bapt - C’est juste.

M. Yves Bur - Il ne faudrait pas que ces programmes s'apparentent à un accompagnement thérapeutique, lequel ne peut être que plus global. Si le médecin le juge nécessaire, ces programmes devraient être strictement limités à l'appropriation de gestes techniques. S'il s'agit de soutien à l'observance, ces actions ne peuvent être exigées que par les autorités de santé : AFSSAPS, ministère de la santé ou HAS, car cela fait partie plus globalement de l'ensemble des missions de la HAS en matière de bon usage du médicament, de prise en charge des affections de longue durée et de qualité de l'information de santé. En tout état de cause, l'encadrement législatif devra éviter toute confusion avec toute forme insidieuse de publicité.

Nous aurons le débat, et je ne doute pas, Monsieur le ministre, que vous saurez prendre en compte ces fortes réticences largement partagées. Je souhaite en tout cas que la rédaction finale de l’ordonnance évolue par rapport à la version qui avait été rédigée le 14 décembre 2005. Cela fait déjà un an que cette ordonnance circule…

M. Richard Mallié – Ah bon, vous l’avez eue ?

M. Yves Bur – C’est un pharmacien qui me l’a communiquée ! (Murmures)

M. Jean-Luc Préel – Il est vrai que notre assemblée gagne toujours à écouter les pharmaciens ! (Sourires)

M. Yves Bur - Pour autant, je voterai ce projet de loi car cette transposition apporte des clarifications utiles dans de nombreux domaines concernant le médicament. Ainsi, j'espère que, sur la question des génériques, que nous devons activement promouvoir, comme tous nos voisins, les précisions apportées par la directive en matière de protection des brevets mettront un terme aux actions récurrentes des laboratoires pour protéger les molécules tombées dans le domaine public et retarder l'introduction des génériques sur le marché français. Les économies ainsi réalisées par l'assurance maladie et les assureurs complémentaires permettront de financer les médicaments innovants et les traitements du futur, toujours plus coûteux.

C'est bien parce que le médicament n'est pas un produit ou une marchandise comme les autres qu’il incombe aux responsables politique de déterminer la politique du médicament pour notre pays. Il s’agit d’un enjeu central de toute politique de santé, et nous sommes heureux d'y apporter notre contribution ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Bapt - Cette transposition tardive est bienvenue, si, grâce à ce débat, elle fait progresser la santé publique. Alors, bien sûr, l’article 29 pose problème, et nous n’avons pas été les seuls à le relever.

Autre disposition qui nous interpelle, la décision, tout à fait « raide » – bien qu’elle soit, si je vous ai bien entendu à l’instant, Monsieur le ministre, reportée à dix-huit mois – concernant Cyclamed. Il est difficile d’accepter l’idée selon laquelle des médicaments dont la date de péremption est encore lointaine doivent être détruits. Seront-ils véritablement recyclés sur le marché intérieur ? J’en doute. Il est plus vraisemblable qu’ils seront détruits. Dès lors, pourquoi, après s’être assuré que la collecte est opérée dans de bonnes conditions, ne pas faire en sorte que les médicaments dont la date de péremption se rapproche puissent être distribués, en prenant toutes les précautions utiles, aux populations qui en ont le plus besoin ?

L’information fait désormais partie intégrante de la prévention et des soins. Or, de très grands efforts restent à accomplir pour parfaire l’éducation sanitaire des assurés sociaux et promouvoir la santé.

La publicité directe auprès des consommateurs, les campagnes de sensibilisation aux maladies, les programmes d’observance et le soutien financier des firmes pharmaceutiques à des organisations de patients ont brouillé la frontière entre publicité et information sur la santé. Si l’objectif est d’éclairer les choix du patient, une distinction claire est indispensable. Pour être pertinente, l’information doit répondre à des critères simples : fiabilité, comparaison entre les bénéfices et les risques de chaque option thérapeutique, adaptation au public – elle doit être compréhensible et facilement accessible… Le rôle qu’y jouent les firmes pharmaceutiques doit être strictement limité, en raison des conflits d’intérêts inhérents. En matière d’information, chacun a sa place et doit y rester. Au centre se trouvent des malades, qui doivent conserver leur capacité à décider de leur traitement et sont conseillés par les soignants. Les firmes sont entre les mains des soignants et à la disposition des patients, en proposant des médicaments dont la balance bénéfice-risques est bien établie et les modalités d’utilisation sécurisées.

Nous regrettons donc que la transposition ne soit pas complète dans ce domaine essentiel de l’information. Ainsi, si la directive prévoit qu’une balance bénéfices-risques défavorable doit pouvoir entraîner une décision de retrait du médicament, cela n’apparaît pas clairement dans le projet de loi. L'article 6 utilise la notion comme motif de refus d'une autorisation de mise sur le marché, mais pas comme motif de retrait. Par ailleurs, les dispositions sur l’étiquetage en braille des médicaments et l'évaluation des notices par des groupes de patients devraient faire l'objet d'un décret de transposition, mais aucun projet n’a encore été rendu public. Enfin, la directive consacre quatre articles à une avancée essentielle : elle impose aux agences du médicament une obligation de transparence, à l'égard des patients comme des professionnels de santé. Ainsi, les autorités doivent sans retard publier l’autorisation de mise sur le marché, assortie du rapport d’évaluation du médicament et de la motivation de leur décision. L’autorisation peut être octroyée sous certaines conditions, qui sont également rendues publiques. Les décisions d'accorder ou de retirer une autorisation de mise sur le marché sont mises à la disposition du public, de même que le règlement interne de l’autorité compétente et, entre autres, l'ordre du jour et les comptes rendus de ses réunions. Il est très regrettable que le projet ne reprenne pas intégralement ces dispositions. Un certain nombre d’amendements ont été déjà adoptés par la commission pour y remédier, mais en l’état, il reste en recul par rapport à la directive.

Nous serons donc très attentifs à cet article 29, et notre vote en dépendra. Mais si l’on peut aider à limiter la confusion entre firmes pharmaceutiques et autres acteurs, si l’on peut faire appliquer complètement la réglementation européenne sur la publicité des médicaments, même si ce n’est qu’en fin de législature, l’on aura bien agi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Martine Billard – Le présent projet de loi ne transpose pas intégralement la directive. Deux éléments fondamentaux en ont notamment disparu : les dispositions relatives à l'information sur les décisions d'autorisation de mise sur le marché et à l'impact environnemental des spécialités pharmaceutiques. La directive est pourtant très claire sur ces deux questions. Les article 125 et 126 ter entendent garantir une information transparente à l'attention du public et précisent que les autorités compétentes de chaque pays – l’AFSSAPS pour la France – doivent rendre publics leur règlement interne, l'ordre du jour et les comptes rendus de leurs réunions, les décisions prises et l’ensemble des explications de vote. Une part de ces questions relève certes du pouvoir réglementaire – à ce propos, où en sont donc les décrets sur l’étiquetage en braille et sur les conflits d’intérêt individuel des professionnels de santé ? – mais la rédaction actuelle de l'article 6 ferme la porte à la transparence, en prévoyant la publication d'une synthèse. Nous retrouvons là l’habitude française de considérer que les patients n’ont qu’un faible discernement, ce qui est d’ailleurs en contradiction avec la campagne que vous avez lancée en faveur de l'automédication. Vous avez aussi fait disparaître les dispositions concernant l'impact environnemental des produits de santé, alors même que le Président de la République a introduit le droit à l’environnement dans la Constitution. Dans la directive, cet impact environnemental fait partie des éléments qui conditionnent une autorisation de mise sur le marché, et j’ai donc déposé un amendement pour réintroduire cet élément.

Mais il est tout aussi surprenant de trouver dans ce texte un article supplémentaire, le fameux article 29, qui reprend une disposition qui avait été proposée par la Commission européenne et rejetée par les députés européens rien moins qu’à 494 voix contre 42. L'alinéa 10 de l’article, qui autorise « les actions d'accompagnement des patients soumis à des traitements médicamenteux, conduites par les établissements pharmaceutiques », a soulevé beaucoup d’émoi parmi les associations de patients et les professionnels. En clair, les firmes pourront contacter directement des personnes, chez elles, pour mettre en place des programmes dits « d'observance » des traitements médicamenteux. Cette pratique, qui est très répandue aux États-Unis, permet à l'industrie pharmaceutique d'entretenir des liens privilégiés avec les patients, avec pour objectif de pousser à la consommation sans contrôle du médecin. Son inscription dans la loi française montre que les lobbies pharmaceutiques ont eu plus de chance en France qu’auprès du législateur européen. Pourtant, l'observance conduit de fait à une publicité directe auprès des patients – ce qui, soit dit en passant, est interdit par la loi française – dont les effets pervers ne sont plus à démontrer. Aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande, où cette pratique est courante, les budgets publicitaires croissent de manière considérable. L'accompagnement ne cible évidemment que les spécialités très rentables pour les laboratoires. On ne peut d’ailleurs pas reprocher à un industriel qui engage des dépenses considérables de publicité de chercher à les rentabiliser !

C’est pourquoi il faut maintenir la séparation entre laboratoires et patients. Le laboratoire peut effectuer un suivi du médicament, et même de la pathologie, mais pas du patient lui-même. Il est certes prévu que l'AFSSAPS valide ces programmes d'observance, mais c’est aussi inquiétant que rassurant, puisque cela leur donnera une certaine crédibilité scientifique. Les études postérieures à l’autorisation de mise sur le marché présentent certes un intérêt majeur, mais elles doivent être faites par des équipes indépendantes, constituées de professionnels en coordination avec les réseaux de santé. Si une formation à un geste précis est nécessaire, il est préférable de la donner à des professionnels, qui pourront ensuite former leurs patients. En laissant jouer un rôle prépondérant aux firmes pharmaceutiques, on fait perdre toute crédibilité à ces études. Il est également absurde de mettre en place un système qui pousse à la consommation alors que les autorités ne cessent d'appeler à la diminution du volume des prescriptions. Nous sommes donc en pleine contradiction. L’amendement du Gouvernement ne lève pas les ambiguïtés de cet article, puisque la notion de prestataire permet tout simplement de réintroduire les laboratoires pharmaceutiques. Le vote des députés Verts dépendra donc du sort qui sera réservé à l’article 29 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Marie Le Guen - Je voudrais d’abord féliciter le Gouvernement pour son sens de l’opportunité : c’était en effet la bonne semaine pour solder les problèmes de santé ! Et je parle sur la forme comme sur le fond, car le Gouvernement a aussi bradé le débat parlementaire. Nous allons en effet discuter aujourd’hui de sujets très divers – dopage tout à l’heure, organisation des professions de santé plus tard – et pour certains essentiels : le secteur optionnel, l’industrie du médicament, l’information, la gestion des malades de longue durée – c’est-à-dire le fameux « disease management »… Vous comprendrez que nous regrettions que le débat se passe ainsi.

Cette discussion aurait dû avoir lieu bien plus tôt, puisque la directive aurait dû être transposée avant le 30 octobre 2005 d’abord, mais aussi parce que le groupe socialiste avait demandé la constitution d’une mission d’information dans ce domaine, à la suite de l’affaire du Vioxx et du Celebrex d’août 2005 qui a profondément marqué les relations entre patients, pouvoirs publics et professionnels et l’industrie pharmaceutique. La question n’a pas été traitée à l’époque et nous allons donc devoir la régler en quelques minutes. Elle est pourtant essentielle. Le médicament n’est pas un produit anodin et la France connaît un problème particulier de surconsommation et de mauvaise consommation, qui pose des difficultés majeures de santé publique. L’information sur le médicament est donc un élément majeur de la politique de santé publique.

Les réponses doivent être apportées dans la transparence. Or, si les réponses de ce projet ne sont pas complètement négligeables, elles ne sont pas suffisamment discutées ni entendues.

J’en viens à l’article 29. Nous abordons une question essentielle pour l’avenir de notre système de soins, à savoir la prise en charge des maladies chroniques, par un biais anecdotique et dans des conditions insatisfaisantes. Alors que notre pays n’a quasiment jamais réfléchi ni discuté sur le sujet, qu’il n’a pratiquement rien publié, excepté le protocole de l’assurance maladie sur les affections de longue durée, et qu’il n’est pas organisé, alors que cette question sera au cœur des problèmes de santé que nous aurons à gérer à l’avenir, en raison de l’évolution de la démographie et des pathologies, sans pour autant – et c’est regrettable – qu’elle ait été traitée dans la loi sur l’assurance maladie de 2004, nous l’abordons aujourd’hui par le biais d’une ordonnance et en mettant en première ligne l’industrie pharmaceutique. Est-il adroit de traiter cette question, nouvelle pour notre pays, sur le plan de l’intrusion de l’industrie pharmaceutique ? Ne vous étonnez pas des craintes et de l’incompréhension qui s’expriment dans l’opinion publique ! Si les autres acteurs, l’assurance maladie, les complémentaires, les système de soin, avaient déjà pris leurs marques, ces appréhensions auraient été levées.

Faute de nous être véritablement appropriés le sujet, par des débats scientifiques mais aussi politiques, nous allons légiférer sans réelle capacité de nous projeter dans l’avenir.

M. Gérard Bapt - C’est très dommage !

M. Jean-Marie Le Guen - Monsieur le ministre, je ne vous prête pas l’intention de vouloir laisser le monopole de l’accompagnement des maladies chroniques à l’industrie pharmaceutique. Vous avez dit que cette dernière ne saurait se substituer au colloque singulier entre le médecin et le patient. Or, demain, les substituts à ce colloque seront légion, des médias et de l’information spécialisée aux diverses plateformes de services qui fonctionneront selon des protocoles et dans des cadres juridiques et financiers qui n’ont pas encore été établis dans notre pays. Et la seule proposition présentée aujourd’hui, c’est l’intrusion brutale et monopolistique de l’industrie pharmaceutique. Certes, cette dernière a un rôle à jouer – je ne suis pas de ceux qui le nient –, mais les garde-fous paraissent absents, et les autres structures de soins ne sont pas en mesure de concurrencer cette industrie dans la prise en charge des maladies chroniques. Il est bien dommage d’aborder la discussion de l’article 29 dans de telles conditions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. le Ministre – Je ne peux que soutenir l’exigence, exprimée par les uns et les autres, de qualité des médicaments.

Mmes Gallez et Fraysse, notamment, ont exprimé des inquiétudes quant à l’automédication. J’ai reçu hier le rapport d’Alain Coulomb et Alain Baumelou sur l’automédication et publié un communiqué dans lequel j’expose ma philosophie sur le sujet. L’automédication existe : un médicament sur dix est aujourd’hui vendu hors de toute prescription par un médecin. Dès lors que le phénomène existe, que faire, sinon mieux l’encadrer ? Les réponses passent d’abord par une meilleure information des patients. Ensuite, il faut bien voir que le prix des médicaments non remboursés à tendance à augmenter, avec des variations du simple au double ou du simple au triple tant incompréhensibles qu’inacceptables. Le préalable à mes yeux était donc des engagements clairs et durables de la part des industriels. J’ajoute qu’il n’y a pas de déremboursement prévu dans ce cadre ; il n’est pas question d’associer l’automédication au déremboursement.

Il y a quelques mois, au Forum pharmaceutique européen, un représentant de l’automédication indiquait aux ministres réunis que le transfert de la charge des régimes de santé vers les patients occasionnerait une économie (Rires sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marie Le Guen - Quel génie de l’économie !

M. le Ministre – J’ai alors tenu à reprendre la parole, car ce génie, Monsieur Le Guen, n’avait pas compris que l’enjeu n’est pas de transférer la charge des régimes aux patients, mais de maîtriser l’évolution de la part de la santé dans la richesse nationale. Il faut organiser notre système et favoriser la responsabilisation de façon à ce que cette évolution soit compatible avec nos autres priorités en matière de protection sociale, de retraites, d’éducation, de recherche.

Et nous n’avons pas besoin des déremboursements pour réussir la réforme de l’assurance maladie. Les industriels sont venus nous voir avec leurs chiffres sur un déremboursement de 5 %. Je m’étonne qu’ils ne soient pas venus avec un autre chiffre : celui d’un déremboursement à 100 %, qui procurerait une économie de 26 milliards ! Laissons certains à leurs fantasmes et assumons nos responsabilités. En tout état de cause, l’engagement sur les prix est, à mes yeux, un préalable à toute évolution.

Je partage le point de vue de Jean-Pierre Door sur la traçabilité. Mes services y travaillent. Nous avons pour cela besoin de l’aide de tous les organismes concernés, des industriels et des officines.

MM. Préel et Bur ont évoqué les génériques. Certes, le générique ne finance pas la recherche, mais il permet de dégager des marges pour financer les innovations. Si nous pouvons, chaque année, rembourser à concurrence d’un milliard des médicaments nouveaux et innovants, c’est grâce aux économies que nous réalisons sur les génériques. Il ne s’agit cependant pas pour moi de favoriser les producteurs de génériques au détriment des industriels qui investissent dans la recherche, et il n’y a d’ailleurs pas de raison de favoriser le générique lorsque le prix du princeps s’est aligné dessus. Chacun doit jouer son rôle dans notre système.

La transposition de la directive sera complétée par des décrets, que je soumettrai à la concertation, comme je l’ai fait à chaque fois qu’un texte adopté à l’Assemblée avait besoin d’être suivi. C’est le Conseil d’État qui m’a conduit à opérer cette répartition entre la loi et le règlement.

Je vois, enfin, que le débat sur les programmes d’accompagnement est déjà lancé et que nous partageons le souci de ne pas permettre aux industriels de réaliser des opérations promotionnelles auprès des patients atteints de maladies chroniques, donc, le souci d’encadrer plutôt que de laisser faire. Monsieur Le Guen, je le répète : il n’est pas question de laisser les industriels en première ligne.

M. Jean-Marie Le Guen - Il n’y a qu’eux !

M. le Ministre – Ce qui est en première ligne, c’est le dialogue entre le médecin et le patient, et il n’est pas question de permettre à quiconque de s’immiscer là-dedans ; c’est un principe fondamental.

Le développement de l’éducation thérapeutique sera certainement l’un des enjeux majeurs de notre système de santé à l’avenir, avec l’augmentation des maladies chroniques. Il faut donc préciser les conditions dans lesquelles ces programmes d’accompagnement sont réputés apporter une réelle plus-value, et trouver le moyen de nous assurer que celle-ci est effectivement apportée aux patients (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

Mme la Présidente - J’appelle les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

article premier

Mme la Rapporteure - Les amendements 72 et 73 sont rédactionnels.

Les amendements 72 et 73, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'article premier, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

art. 2

Mme la Rapporteure - Il est nécessaire de préserver le critère du « niveau raisonnable » des avantages, lesquels doivent en outre poursuivre des intérêts professionnels scientifiques. Tel est l’objet de l’amendement 1.

M. Claude Evin - L’amendement 31, identique, précise que la prise en charge de l’hébergement lors d’événements organisés par les firmes pharmaceutiques doit être d’un niveau raisonnable, et limitée à l’intérêt scientifique de la manifestation.

Les amendements 1 et 31 acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.
L'article 2 est ainsi rédigé.

après l’art.2

Mme Jacqueline Fraysse - L’amendement 16 propose la création d’un Conseil national du médicament. Celui-ci constituerait une réponse aux graves problèmes éthiques et économiques soulevés par l’autonomie de décision de l’industrie pharmaceutique en matière de recherche ou de fabrication des médicaments. Comment en effet justifier l’abandon de la recherche concernant des pans entiers de la médecine ? A-t-on le droit de refuser aux personnes atteintes de maladies orphelines, ou encore aux populations de pays pauvres les moyens de se soigner ?

La complexité de la réglementation relative aux AMM laisse en effet beaucoup de latitude à l’industrie pharmaceutique, qui a exploité habilement les failles du système. Du fait de l’existence concomitante d’un comité économique des produits de santé – qui décide de l’AMM – et de la commission de transparence de l’AFSSAPS – qui classe les médicaments en fonction de leur efficacité après commercialisation – les firmes peuvent faire entrer dans les officines des produits dénommés « médicaments », mais qui peuvent être ensuite classés comme produits à service médical rendu très faible. Il conviendrait donc de se montrer plus exigeant à l’égard de l’industrie pharmaceutique, à laquelle, en outre, une plus grande liberté en matière de fixation des prix a été octroyée récemment. L’objectif poursuivi par cet amendement est de prendre des dispositions davantage centrées sur les besoins des patients. Le médicament n’est pas une marchandise comme les autres !

Mme la Rapporteure - Ces missions sont déjà confiées au Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie. Cette instance d’analyse et de dialogue a publié un rapport complet sur le médicament en juillet 2006. Par ailleurs, la loi du 13 septembre 2004 a permis une réforme ambitieuse dans ce domaine. Avis défavorable.

M. le Ministre – Même avis. Divers organismes existent déjà, qui régissent ce type de sujet.

L'amendement 16, mis aux voix, n'est pas adopté.

art.3

Mme la Rapporteure - L’amendement 51 est rédactionnel.

L'amendement 51, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 3, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

art.4

M. Jean-Luc Préel - L’amendement 39 tend à reprendre les termes simples utilisés par la directive pour définir la spécialité de référence. La rédaction actuelle est en effet ambiguë.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable. Le contenu détaillé du dossier de demande d’AMM est défini par voie réglementaire.

M. le Ministre – Je précise que cette rédaction suit les recommandations du Conseil d’État.

L'amendement 39, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Evin - L’amendement 32 est rédactionnel.

Mme la Rapporteure – Avis défavorable. La rédaction actuelle reprend très précisément les termes de l’article 10 de la directive 2001/83.

M. le Ministre – Cet amendement n’est pas tout à fait rédactionnel. Plus restrictif, il introduit en outre une notion différente sur le plan scientifique.

L'amendement 32, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - L’amendement 52 vise à transposer les dispositions prévues par le paragraphe 2 de l’article 10 de la directive 2001/83.

M. Jean-Luc Préel - L’amendement 40 rectifié est quasiment identique. Le texte n’est pas conforme aux dispositions claires et précises de la directive, qui prévoient de manière détaillée les conditions de fourniture de données supplémentaires pour établir la similitude ou l’absence de similitude d’une spécialité générique.

M. Jean-Pierre Door - L’amendement 100 propose lui aussi que des informations supplémentaires fournissant la preuve de la sécurité et de l’efficacité des sels, esters ou dérivés d’une substance active soient données par le demandeur.

M. Yves Bur – L’amendement 82 est défendu.

M. le Rapporteur – Avis défavorable aux amendements 40 rectifié, 100 et 82. L’amendement 52, de la commission, est plus précis.

M. le Ministre – Même avis.

Les amendements 40 rectifié, 100 et 82, sont retirés.
L'amendement 52, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L’amendement 53 est rédactionnel.

L'amendement 53, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L’amendement 2 est rédactionnel.

L'amendement 2, accepté par le Gouvernement , mis aux voix, est adopté.
L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

après l’art. 4

M. Jean-Pierre Door - L’amendement 26, deuxième rectification, propose une nouvelle rédaction qui permet de tenir compte du fait que l’insertion proposée par l’amendement ne concerne pas les préparations de thérapies géniques et celles de thérapie cellulaire xénogénique. Il s’agit de modifier l’article en évoquant la dispensation des médicaments qui seraient réalisée en conformité avec des bonnes pratiques.

Mme la Rapporteure - Avis favorable. L’amendement renforce la sécurité sanitaire et introduit la notion de traçabilité.

L'amendement 26, deuxième rectification, mis aux voix, est adopté.

art. 5

Mme la Rapporteure - L’amendement 54 vise à clarifier la rédaction de l’alinéa 3 de cet article en substituant aux mots « d’une autorisation préalable » les mots « avant sa mise sur le marché ou sa distribution à titre gratuit d’une autorisation ».

L'amendement 54, accepté par le Gouvernement , mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteure - L’amendement 3 fixe la durée de l’AMM initiale à cinq ans.

Mme Martine Billard - L’amendement 74, identique, permet de mettre en cohérence le texte avec le code de santé publique.

M. Yves Bur – Je comprends que le ministre tienne compte des remarques du Conseil d’État, mais je défends l’amendement 83, identique aux deux précédents : nos homologues européens se prononcent sur la durée des AMM. Pourquoi le Parlement français laisserait-il cette prérogative dans le champ règlementaire ?

Mme la Rapporteure - Avis favorable sur ces amendements identiques.

M. le Ministre – Avis défavorable : le Gouvernement s’est engagé à mieux respecter le domaine de la loi, parfois trop bavarde.

M. Yves Bur – Ce n’est pas le cas de celle-ci !

M. Claude Evin – L’adoption de ces amendements n’est pas souhaitable. L’allongement de l’AMM de trois à cinq ans pose problème pour les médicaments dérivés du sang. Certains industriels étrangers y sont très favorables, mais cette mesure nuira aux laboratoires français.

Mme la Rapporteure - Je défendrai un amendement concernant précisément les produits dérivés du sang, portant leur AMM de deux à trois ans, et non cinq.

M. le Ministre – En effet, le délai de cinq ans ne s’appliquera pas aux médicaments dérivés du sang.

M. Claude Evin - Je prends acte de cette précision.

Les amendements identiques 3, 74 et 83, mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Rapporteure - L’amendement 4 vise à transposer une mesure de surveillance liée au bénéfice d’une AMM à durée illimitée en donnant à l’AFSSAPS le pouvoir de la reconduire pour cinq ans.

Mme Jacqueline Fraysse - L’amendement 11, identique, est défendu.

M. le Ministre – Avis favorable, sous réserve de remplacer le terme « quinquennal » par supplémentaire, car l’AMM devient illimitée après le renouvellement.

Mme la Rapporteure - D’accord.

Mme la Présidente - Je vous suggère d’enlever l’adjectif « nouveau ». Les amendements ainsi modifiés se liraient donc comme suit : « …de procéder à un renouvellement supplémentaire ».

M. le Ministre – Parfait. Quel travail d’équipe !

Les amendements 4 et 11 ainsi rectifiés, mis aux voix, sont adoptés.

M. Yves Bur – L’amendement 84 vise à imposer une réévaluation du rapport bénéfice-risque d’un médicament si la pharmacovigilance a signalé un quelconque problème au cours de la première AMM.

Mme la Rapporteure - Avis défavorable : la notion de rapport bénéfice-risque ne figure ni dans le projet de loi, ni dans le code de la santé publique.

M. Yves Bur – Il serait peut-être temps de l’y introduire !

M. le Ministre – Sagesse. Il vaudrait mieux remplacer cette notion par celle d’effets thérapeutiques positifs du produit au regard des risques, comme le précise le code de la santé publique. Néanmoins, je suis favorable à l’esprit de cet amendement. Peut-être convient-il de le sous-amender, ou de s’en remettre au Sénat ?

M. Yves Bur – Tout à fait d’accord.

M. Jean-Marie Le Guen - Il est dangereux de s’en remettre au Sénat : le rapport bénéfice-risque n’est jamais garanti (Rires sur divers bancs) !

Mme la Présidente - Compte tenu de l’heure, je vous propose de lever la séance. Vous pourrez ainsi présenter votre sous-amendement au début de la prochaine séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 12 heures 55.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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