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Troisième séance du vendredi 9 juillet 2004

21e séance de la session extraordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

ASSURANCE MALADIE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie (nos 1675, 1703).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée nationale a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 7627 à l'article 11.

Article 11 (suite)

M. le président. Je suis saisi de vingt amendements, nos 7627, 7672, 7719, 6957, 6958 et 7039 à 7053, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 7039 à 7053 sont identiques.

J'indique d'ores et déjà que sur le vote des amendements nos 7627, 7672, 7719, ainsi que sur celui des amendements identiques nos 7039 à 7053, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

L'amendement n° 7627 de M. Préel n'est pas défendu.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 7672.

Mme Martine Billard. Avant de soutenir cet amendement, je souhaite revenir sur le rejet, lors de la séance précédente, de l'amendement n° 6. Je regrette, en la matière, l'attitude du Gouvernement et de la majorité, d'autant plus qu'hier, le Président de la République a salué tous ceux qui avaient refusé « l'infamie du régime de Vichy » et fait du « beau verbe résister leur étendard ». Or, parmi tous ceux qui ont fait du « beau verbe résister leur étendard » et qui ont risqué leur vie, un grand nombre a été déporté et trop peu, hélas, sont revenus. Ils sont souvent revenus avec des problèmes de santé. C'est pourquoi la République leur avait montré toute la reconnaissance qu'ils étaient en droit d'attendre en faisant bénéficier ces rescapés de la guerre, au regard de toutes les souffrances qu'ils avaient subies et de leurs séquelles, de la gratuité des soins.

Jamais cette gratuité des soins n'avait été remise en cause, par aucun gouvernement. Aujourd'hui, la majorité UMP de cette assemblée, sous l'impulsion du Gouvernement, a, pour la première fois rompu ce pacte de reconnaissance envers tous ceux qui avaient défendu notre pays et avaient eu le courage de résister. C'est une bien triste journée que nous venons de vivre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. N'importe quoi !

Mme Marie-Jo Zimmermann. C'est insupportable !

Mme Martine Billard. L'amendement n° 7672 propose d'exonérer de la contribution forfaitaire de un euro les personnes atteintes d'une affection de longue durée. J'avais cru comprendre que le Gouvernement se situait dans une démarche de responsabilisation. Or, les personnes qui sont atteintes d'une affection de longue durée, qu'on le veuille ou non sont, malheureusement pour elles, obligées d'avoir recours régulièrement à des visites médicales, à des prescriptions, et à des soins. Sanctionner ces personnes du fait qu'elles sont plus malades que la moyenne de nos concitoyens serait une étrange façon de les responsabiliser. L'instauration de la contribution de un euro supplémentaire ne doit pas être non plus liée aux fraudes éventuelles sur l'ALD, relatives au traitement des pathologies qui ne sont pas en rapport avec l'affection de longue durée. D'autres contrôlent s'imposent alors.

M. le président. Les amendements n° 7719 de M. Decool, 6957 et 6958 de M. Le Ridant ne sont pas défendus.

La parole est à M. Claude Évin pour soutenir les amendements identiques nos 7039 à 7053.

M. Claude Évin. Monsieur le secrétaire d'État à l'assurance maladie, nous avons déjà eu l'occasion de donner notre avis sur une mesure qui consiste, de fait, à augmenter le ticket modérateur. Une telle démarche - différentes études l'ont montré, notamment un rapport récent de l'OCDE - ne pourrait produire de réels effets que si la responsabilisation des assurés sociaux était envisagée dans le cadre d'une autre organisation de l'offre de soins.

La participation de l'assuré social est, de plus, particulièrement injuste lorsqu'il s'agit de personnes qui sont atteintes d'affections de longue durée. La loi a reconnu que ces personnes devaient bénéficier d'une prise en charge à 100 % pour le traitement de leur affection. Or, l'introduction du dispositif prévu à l'article 11, ne comportant aucune protection pour les personnes atteintes d'une affection de longue durée, se traduira dans les faits par une remise en cause de cette prise en charge à 100 %.

Vous me répondrez, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce n'est pas une participation de un euro qui remettra réellement en cause la prise en charge à 100 %. Certes, mais nous avons déjà eu l'occasion de vous le faire remarquer, l'acceptation aujourd'hui de ce dispositif à hauteur de un euro ouvre la porte à l'augmentation de ce forfait par voie réglementaire. On sait que les professionnels de santé doivent intervenir régulièrement, voire fréquemment, auprès d'une personne atteinte d'une affection de longue durée. Cette participation forfaitaire ne manquera pas d'augmenter rapidement, compte tenu de la lourdeur de la prise en charge de ces personnes.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé ces amendements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie, pour donner l'avis de la commission sur les amendements en discussion.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie. Avis défavorable, monsieur le président.

La commission a examiné en détail les amendements en discussion.

L'institution d'une participation n'a de sens que si elle repose sur un effort de solidarité partagé par tous. De plus, chacun le sait, les affections de longue durée représentent plus de 50 % des dépenses d'assurance maladie. Chacune de ces affections, enfin, je ne cesse de le répéter, mérite d'être considérée pour elle-même, parce qu'elles n'ont rien de commun entre elles, même lorsqu'elles appartiennent au même type de pathologie. Certaines réclament une aide plus importante, d'autres non.

Il convient également de se rappeler que les personnes atteintes d'ALD peuvent être sujettes à des affections qui ne sont pas liées à celle pour laquelle elles sont prises en charge à 100 %. Ces affections peuvent relever d'un tout autre type d'acte médical et ne sont, de ce fait, pas prises en charge à 100 %, mais l'ordonnancier bizone fonctionne de façon généralement peu satisfaisante.

M. Jean-Marie Le Guen. Rien n'interdit de le perfectionner !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. S'il convient de conserver la notion d'égalité d'accès à des soins de qualité égale, on peut suivre de la commission qui a rejeté tous les amendements en discussion.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie, pour donner l'avis du Gouvernement.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Même avis que la commission, monsieur le président.

Je souhaite apporter quelques précisions : 40 % des personnes en ALD ont des dépenses de santé inférieures à la moyenne nationale. Je tiens à le préciser, parce qu'on ne cesse, çà et là, de les désigner comme étant les assurés qui pèsent le plus lourdement sur les dépenses de santé. Ce n'est pas nécessairement vrai. Les résultats sont contrastés. Nous connaissons aujourd'hui le poids et la progression des dépenses en ALD. Mais la solidarité nationale de notre système de santé doit s'exprimer de la façon qui a été choisie.

Je tiens également à préciser que la participation de un euro ne fait obstacle en aucune façon à l'accès aux soins et que la mesure de plafonnement que le Gouvernement a proposée et qui a été adoptée par l'Assemblée me paraît constituer une garantie importante en la matière.

M. le président. Nous allons maintenant procéder aux scrutins qui ont été annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais d'abord mettre aux voix l'amendement n° 7672.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

M. le président. Le scrutin est ouvert.

...............................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'amendement n° 7672 :

              Nombre de votants 39

              Nombre de suffrages exprimés 37

              Majorité absolue 19

        Pour l'adoption 7

        Contre 30

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

L'Assemblée doit maintenant se prononcer par un seul vote sur les amendements identiques nos 7039 à 7053.

Puis-je considérer, monsieur Évin, que le résultat sera le même ?

M. Claude Évin. Oui, monsieur le président.

M. le président. Ces amendements ne sont donc pas adoptés.

Je suis saisi d'un amendement n° 7673.

Madame Billard, accepteriez-vous de présenter ensemble les amendements nos 7673, 7674, 7675, 7676 et 7677 ?

Mme Martine Billard. J'allais vous le proposer, monsieur le président, mais seulement pour les quatre premiers d'entre eux, qui sont complémentaires.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir les amendements nos 7673 à 7676.

Mme Martine Billard. Si c'est en fonction de leurs revenus que les personnes qui bénéficient de la CMU ne paient pas la contribution forfaitaire de un euro, il me semble alors logique, monsieur le secrétaire d'État, d'étendre l'exonération aux personnes qui sont bénéficiaires d'une pension d'invalidité, du minimum vieillesse, de l'AME ou de l'allocation pour adulte handicapé.

Mais si vous repoussez, monsieur le secrétaire d'État, ces amendements qui visent à étendre à ces catégories de personnes l'exonération de la contribution forfaitaire, cela signifiera clairement que l'exonération n'est pas accordée en fonction des revenus, c'est-à-dire pour venir en aide aux personnes les plus démunies de notre pays, mais en fonction de considérations purement techniques, parce qu'il n'est pas facile de recouvrer un euro auprès de personnes qui sont directement prises en charge à 100 %.

Je suis très intéressée par votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, puisqu'elle me permettra de connaître la raison véritable des exonérations que vous avez proposées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Défavorable.

Je souhaite répondre à l'interrogation de Mme Billard, notamment en ce qui concerne les personnes seules titulaires du minimum vieillesse. Ces personnes, qui se situent à 15 % de ressources au-dessus du seuil de la CMU et sont aujourd'hui exclues de l'accès à la complémentaire, pourront désormais bénéficier de l'aide prévue à cet effet.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Vous avez répondu à côté, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de vous le faire remarquer ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) L'aide à la complémentaire, si j'ai bien compris, doit représenter un quart du montant d'une complémentaire, et encore !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Même pas !

Mme Martine Billard. C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'État, je me suis permise de dire que vous aviez répondu à côté de ma question. La contribution forfaitaire de un euro ne doit précisément pas être prise en charge par les complémentaires. C'est vous-même qui l'avez expliqué à la représentation nationale et vous avez même prévu d'inscrire cette mesure dans la loi !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Il s'agit en l'occurrence de l'accès aux soins.

Mme Martine Billard. Vous ne pouvez pas me répondre dans ces conditions que les personnes titulaires du minimum vieillesse bénéficieront de l'aide pour accéder aux complémentaires. Cela n'a rien à voir avec la contribution forfaitaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7673.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7674.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7675.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7676.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7677.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Cet amendement concerne les personnes qui consultent à la suite d'un accident du travail.

Jusqu'à présent, les victimes d'accidents du travail sont prises en charge à 100 %. Il semblerait donc normal qu'elles n'aient pas à payer 1 euro dans le cadre de la visite médicale et des actes qui peuvent accompagner cette visite.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont opposés à cet amendement.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Il serait scandaleux de passer aussi rapidement là-dessus ! Une personne est victime d'un accident, dont elle n'est pas responsable, dans le cadre de son travail. Et vous allez la taxer de un euro !

Quelle régression sociale ! Vous taxez tout le monde : les victimes de guerre, les victimes d'accidents du travail...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est la solidarité !

Mme Martine Billard. Il est inadmissible d'en arriver là !

Tant qu'à faire, soyez plus clairs : dites que vous augmentez les cotisations sociales, ou que vous réduisez strictement la couverture maladie.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Je crains que le rapporteur n'ait pas encore vraiment compris à quel point la notion de solidarité fonde l'ensemble de notre système d'assurance maladie depuis 1946.

Selon ce principe, on contribue selon ses moyens et on reçoit selon ses besoins.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Exactement.

M. Claude Évin. Vous ne pouvez pas invoquer la solidarité pour justifier le paiement de un euro. Vous avez déjà invoqué un autre argument, peut-être discutable, mais au moins cohérent, à savoir : il faut faire participer financièrement l'assuré social pour bien lui montrer que le fait de se soigner à un coût, et l'amener à s'interroger.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est la responsabilisation !

M. Claude Évin. Vous ne pouvez considérer que c'est la participation, en fonction de la consommation de soins, qui fonde la solidarité. Ou alors vous dérapez complètement par rapport aux principes fondamentaux.

Nous ne sommes absolument pas d'accord pour voir dans la participation financière, par ticket modérateur hier, par le paiement de un euro aujourd'hui, un facteur de maîtrise de l'évolution des dépenses. Reste que cela peut se discuter. Mais vous ne pouvez faire référence à une quelconque solidarité.

Vous pouvez justifier le « 1 euro » en disant qu'il faut éviter que l'assuré social consomme trop de soins. Celui qui est malade ne l'a pas demandé et n'en est pas responsable. Mais à plus forte raison, la victime d'un accident du travail ne peut pas être jugée responsable d'une consommation excessive de soins. Il faut réparer l'accident du travail. Il n'est donc pas acceptable que vous demandiez cette participation de un euro.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Les personnes qui sont victimes d'un accident du travail sont exonérées de ticket modérateur pour les actes médicaux liés à cet accident.

M. Claude Évin. Elles n'ont donc pas à payer un euro !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Le « un euro » n'est pas un ticket modérateur, même si certains l'ont qualifié de ticket modérateur d'ordre public.

La branche AT-MP leur assure un niveau de prise en charge élevé et il nous semble difficilement concevable de créer une catégorie à part d'assurés sociaux. Ou alors vous introduisez une notion qui est un peu différente, relative à l'origine de l'accident et à ses suites.

Autre point, tout aussi important : vous avez clairement exprimé votre position par rapport à cette participation individuelle forfaitaire. Mais en définitive, avec les amendements successifs que vous nous présentez, vous tentez de vider de sa substance le dispositif.

Mme Martine Billard. Non !

M. Claude Évin. Parlons plutôt de cet amendement !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Mais cet amendement, tout comme les amendement précédents que Mme Billard a défendus, répond à la même logique.

C'est une question de primauté de principes. Et pour nous, la primauté revient à la responsabilisation et à l'évolution des comportements. C'est pour cela que le Gouvernement a émis un avis défavorable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine Billard. Mais vous n'avez pas à responsabiliser les victimes d'accidents du travail !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7677.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2944 à 2955.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je suis stupéfaite de la réponse du secrétaire d'État : il veut responsabiliser les accidentés du travail. On aura tout vu et tout entendu !

M. Claude Évin. Qu'il responsabilise déjà les employeurs ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Jacqueline Fraysse. En effet, responsabiliser les employeurs permettrait de faire baisser le nombre des accidents du travail. Cela coûterait moins cher, puisque telle est votre hantise.

M. Jean-Marie Le Guen. Quel cynisme !

Mme Jacqueline Fraysse. C'est tout de même invraisemblable ! C'est une honte ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Inutile de protester ! On voit bien que vous n'avez pas souvent travaillé dans des conditions difficiles...

M. Richard Mallié. Qu'est-ce qu'on fait en ce moment ? (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Jacqueline Fraysse. Vous ne risquez pas grand-chose ! (Exclamations diverses)

M. Claude Évin. Vos électeurs, monsieur Mallié, apprécieront !

M. le président. On se ressaisit !

M. Jean-Marie Le Guen. On comprend que M. Mallié proteste contre le Gouvernement et son ordre du jour...

M. le président. Monsieur Le Guen, n'en rajoutez pas ! Mme Fraysse, seule, a la parole.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à exclure de la contribution de un euro les femmes enceintes. J'avais cru comprendre que c'était là un des engagements du ministre de la santé. J'espère donc que le secrétaire d'État va nous le confirmer et donner un avis favorable à notre amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Défavorable.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est parce qu'elles sont déjà exonérées, madame Billard...

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 2944 à 2955.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2956 à 2967.

La parole est à Mme  Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, j'aurais préféré que l'on me réponde nettement, plutôt que l'on me souffle que les femmes enceintes sont déjà exonérées. Et si elles le sont, qu'on me dise comment et où.

M. le président. Madame Fraysse, nous en sommes à l'amendement n° 2956.

Mme Jacqueline Fraysse. Reste que je n'ai pas eu de réponse précise à ma question.

M. le président. Le Gouvernement est libre de répondre ou de ne pas répondre. Vous avez la parole pour soutenir l'amendement n° 2956.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement concerne les personnes de plus de soixante ans. Le Gouvernement s'est beaucoup inquiété de la situation des personnes âgées, après ce qui s'est passé l'an dernier, faute de structures suffisantes pour faire face à la canicule. Or, là, il les sanctionne. Nous proposons donc que le Gouvernement adopte une attitude cohérente, quels que soient les domaines et les textes en débat.

Je demande par ailleurs à M. le secrétaire d'État de bien vouloir me répondre s'agissant des femmes enceintes, à propos desquelles M. le rapporteur m'a indiqué à voix basse qu'il était déjà prévu qu'elles soient exonérées. Il faut clarifier le débat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements identiques.

Maintenant, madame Fraysse, je peux vous préciser que les bénéficiaires de l'assurance maternité sont d'ores et déjà exonérées de cette participation forfaitaire pour les visites et les actes médicaux liés à la grossesse : c'est l'article L 331-2 du code de la sécurité sociale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Avis défavorable sur les amendements en discussion.

Je réponds précisément à la question posée par Mme Fraysse - posée de façon d'ailleurs beaucoup plus sereine que lors de sa première intervention : le texte prévoit déjà que les femmes bénéficiant de l'assurance maternité, c'est-à-dire entre le quatrième mois de la grossesse et le douzième jour après la naissance, seront exonérées de la contribution de un euro. Il est vrai qu'entre la période qui s'étend entre le douzième jour après la naissance et la fin du congé de maternité, elles ne sont plus couvertes par l'assurance maternité, mais par l'assurance maladie classique. Dans ces conditions, elles devront acquitter cette contribution.

M. Maxime Gremetz. C'est scandaleux !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur Bertrand, vous l'avez avoué de bonne foi : les femmes concernées sont exonérées pendant un certain temps, puis elles paient 1 euro.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. On n'est pas enceinte toute sa vie !

M. Maxime Gremetz. Seulement, il ne faut pas parler que de cette contribution de un euro. Celle-ci s'ajoute à toute une série de dispositions : hausse du forfait hospitalier de 13 à 16 euros d'ici à 2007 ; hausse de la CSG sur les retraites, les jeux et les revenus du patrimoine ; extension de l'assiette de la CSG sur les salaires, de 95 à 97 % du salaire ; création du dossier médical ; contrôle des arrêts...

Un euro par acte, ce n'est pas peut-être pas beaucoup. Sauf que l'on se retrouve toujours dans la même situation : les charges s'accumulent sur les assurés sociaux. Vous faites même payer les femmes enceintes et les victimes d'accidents du travail !

Votre choix est totalement insatisfaisant. Cela dit, nous nous sommes déjà clairement prononcés contre cette contribution de un euro et ces amendements ne constituent que des amendements de repli.

Encore une fois, cette contribution est injustifiable. Vous verrez que cela suscitera de fortes réactions. J'espère que vous allez y réfléchir. On en reparlera. Une telle mesure est en effet symbolique de votre volonté de frapper tout le monde... sauf les nantis.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur Gremetz, j'ai cru comprendre que vous reprochiez au Gouvernement d'avoir fait le choix d'augmenter la CSG sur les produits financiers et les revenus du patrimoine. Me serais-je trompé ? (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. Vous les augmentez, c'est tout...

Mme Jacqueline Fraysse. M. le secrétaire d'État a la conscience tranquille !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. M. le secrétaire d'État a la conscience tranquille, certes. Mais sur les 15 milliards qu'il va falloir trouver, on prendra 14 milliards sur les assurés sociaux et 900 millions sur les entreprises. Or, si je me réfère à mes fiches et aux profits réalisés par certains, je me rends compte que le Gouvernement fait un choix de classe. Inutile de le masquer.

Mais j'ai pu constater aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous aviez la franchise de l'admettre. Merci donc pour la clarté de votre réponse.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 2956 à 2967.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, n°s 2968 à 2979.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous proposons d'exonérer du « 1 euro » les personnes privées d'emploi qui, par définition, n'ont pas beaucoup de revenus.

Pensant que les Français dépensent sans compter de façon irresponsable, vous voulez les responsabiliser, y compris les chômeurs. Vous imaginez sans doute qu'ils peuvent se permettre de dilapider leur argent dans les cabinets médicaux. Cela est très indélicat vis-à-vis de ces personnes qui rencontrent de grandes difficultés. Alors que, privées d'emploi, elles ne bénéficient pas de la médecine du travail, vous voulez les taxer pour qu'elles n'abusent surtout pas des services médicaux. Cela est très choquant et nous vous demandons de revenir sur cette décision profondément inacceptable.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je ne crois pas que, sur les bancs de la majorité actuelle - mais pas éternelle -, on sache ce que c'est que d'être au chômage.

Mme Jacqueline Fraysse. C'est sûr !

M. Maxime Gremetz. Si vous le saviez, vous n'oseriez pas faire ce que vous faites aujourd'hui. Pas seulement pour des raisons financières, mais pour des raisons de dignité. Vous n'avez pas idée du sentiment d'inutilité, d'exclusion de ces gens.

On nous parle aujourd'hui d'un plan de lutte contre l'exclusion, pour l'insertion. N'est-ce pas vous qui aviez décidé de rompre les contrats de ceux qu'on appelle les « recalculés », ce qui vous a valu d'être condamnés par les tribunaux à les rétablir dans leurs droits ? Alors que le niveau du chômage et le nombre de bénéficiaires de l'ASS ne cessent d'augmenter, vous osez encore ne pas les exonérer de cette franchise. Vous partez toujours du principe qu'il vaut mieux faire payer les pauvres, car ils sont plus nombreux que les riches.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Défavorable !

M. le président. La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Pour soutenir les amendements de nos collègues communistes, je voudrais revenir sur ce que vous appelez, monsieur le secrétaire d'État, l'effet de responsabilisation. Vous pensez sans doute que nous sommes les seuls, à gauche, à ne pas y croire. Je vous rappelle que le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, dont les conclusions ont été adoptées à l'unanimité, se prononce dans un sens tout à fait opposé au vôtre. Par ailleurs, selon l'OCDE, les sommes laissées à la charge des patients ne constituent pas en elles-mêmes un levier de responsabilisation des patients, quand bien même elles seront forfaitaires et non couvertes par l'assurance maladie complémentaire.

M. Jean-Marie Le Guen. Excellent !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Vous le voyez, nous sommes loin d'être seuls.

M. Jean-Marie Le Guen. Cela devait être rappelé !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. M. Claude Évin rappelait à juste titre cet après-midi qu'aujourd'hui il y a déjà un reste à charge puisque 76 % des dépenses sont prises en charge par l'assurance maladie, 13 % par les organismes complémentaires et 11 % par les particuliers. Relisez attentivement les conclusions du Haut conseil, vous verrez qu'y sont employés le verbe « paraître » et le conditionnel. Il en est de même pour les différentes études que vous venez d'évoquer. La France n'est pas le seul pays à s'engager dans cette voie. Édouard Landrain l'a montré dans son étude au niveau communautaire.

Nous avons recherché l'équité en exonérant les bénéficiaires de la CMU. Ce choix nous a semblé plus judicieux que les personnes privées d'emploi, car c'est un état qui recouvre des situations très différentes. Certaines personnes, vous le savez, monsieur Gremetz, sont privées d'emploi mais gagnent parfois 3 000 ou 4 000 euros par mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Vous n'avez pas peur des effets de seuil, monsieur le secrétaire d'État ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Rappel au règlement !

M. le président. Sur quel article ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Euh !... 58.

M. le président. Quel alinéa ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Vous m'en demandez trop, monsieur le président. Je n'en ai que pour quelques secondes.

M. le président. Je m'octroyais un petit plaisir. (Sourires.) Je vous donne la parole.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Monsieur le secrétaire d'État, les conclusions du Haut conseil ne sont pas rédigées au conditionnel, bien au contraire. Écoutez plutôt : « On peut considérer que cette finalité n'a plus aujourd'hui qu'une portée extrêmement limitée, compte tenu de la proportion très élevée - environ 95 % - d'assurés bénéficiaires, soit d'une couverture complémentaire, soit d'une prise en charge intégrale par l'AMO. Au demeurant, l'introduction d'un « reste à charge » systématique, c'est-à-dire automatiquement lié à chaque produit consommé ou chaque acte exécuté, sous forme de franchise, de ticket modérateur, etc., ne paraît pas un moyen pertinent pour orienter la consommation des soins. »

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Ne paraît pas !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 2968 à 2979.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, n°s 2980 à 2991.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Nous allons, avec vous, monsieur le secrétaire d'Etat, non pas de surprise en surprise, mais toujours plus haut, toujours plus fort contre les plus pauvres. Vous taxez de un euro supplémentaire même les consultations ou actes qui relèvent de la prévention, alors que M. Mattei avait reconnu notre retard considérable dans ce domaine, notamment à l'école et au travail. C'est la cause de dégâts humains terribles mais aussi de coûts extraordinaires. On sait pourtant qu'une prévention bien conduite diminue les charges de soins. Prévenir c'est guérir !

Mais vous ne prévenez rien. Il n'y a ni crédits ni grande politique de prévention, mais des intentions affichées. M. Mattei nous avait fait un grand numéro à ce sujet. J'étais d'accord avec son discours. Mais qu'y a-t-il véritablement en matière de prévention ?

Vous osez faire payer un euro pour les consultations de prévention. C'est scandaleux, inimaginable ! Mais, avec vous, tout est possible. L'État ne jouant pas son rôle en la matière, il y a beaucoup de démarches de prévention individuelles. Les campagnes publicitaires vont encourager les gens à faire de la prévention, mais ils devront payer un euro, par exemple pour obtenir une contraception ou un certificat médical d'aptitude au sport. Nombreux sont ceux qui seront découragés de se soumettre à ces visites.

Un euro, ce n'est pas cher pour vous. Mais pour les huit millions de gens qui vivent sous le seuil de pauvreté et qui doivent faire vivre leur famille, c'est beaucoup !

M. Jean-Marie Le Guen. Ils ne consulteront que lorsqu'ils seront vraiment très malades !

M. Maxime Gremetz. Il y a, aujourd'hui, des gens qui souffrent et qui ne vont pas chez le toubib.

M. Jean-Marie Le Guen. Ils ne peuvent même pas avancer les frais pour les soins !

M. Maxime Gremetz. Manifestement, vous allez de plus en plus fort et c'est l'UNCAM,...

M. Jean-Marie Le Guen. Le proconsul !

M. Maxime Gremetz. ...qui fixera le montant de la participation forfaitaire - de un euro aujourd'hui mais à combien passera-t-elle demain ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ce sera comme pour le forfait hospitalier !

M. Jean-Marie Le Guen. Et vous n'avez encore rien vu !

M. Maxime Gremetz. Le forfait hospitalier ne devait jamais augmenter : il est à 16 euros ! Nous ne pouvons pas l'accepter. C'est pourquoi nous avons déposé ces amendements, auxquels nous tenons beaucoup.

Vous continuez, avec de telles dispositions, à dévoiler votre véritable visage, qui n'est pas aussi beau que vos discours.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Le Gouvernement ne peut pas prétendre instaurer une telle mesure pour responsabiliser les gens et dire en même temps que ce n'est pas grand-chose. Si ce n'est pas grand-chose, elle n'est pas dissuasive. Supprimez-la ! Vous avez parfaitement conscience que cela représente beaucoup pour de nombreuses personnes, particulièrement pour les plus modestes. Tenez donc des propos cohérents !

Nous avons l'expérience du forfait hospitalier. Aujourd'hui, c'est déjà quelque chose pour bien des familles. Demain, ce sera certainement une belle sanction, effectivement très dissuasive. M. Gremetz a évoqué la contraception. Pensez-vous qu'une jeune fille a les moyens de payer même un euro ? Une adolescente qui ne gagne pas un sou ! Si elle est issue d'une famille nombreuse, avec des parents qui ne connaissent pas forcément sa vie privée, c'est très compliqué pour elle.

Au moins pour ces visites préventives qui s'adressent à la jeunesse, par définition peu fortunée car ne gagnant pas encore sa vie, une dérogation à cette mesure inacceptable doit être prévue.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je rappelle que le projet de loi relatif à la politique de santé publique, prévoit des consultations de santé publique, dont les conditions seront définies par la convention et répondront sans doute aux préoccupations de Mme Fraysse et de M. Gremetz. La commission a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Même avis défavorable que la commission.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo, en vertu de l'article 56, alinéa 3 du règlement, et par faveur présidentielle. (Sourires.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Grand merci, monsieur le président, pour cette faveur présidentielle !

Monsieur le secrétaire d'État, décidément, je ne comprends rien ! La semaine dernière, M. Borloo déclarait souhaiter que les observatoires sociaux nous rendent compte de l'état de santé des personnes en grande difficulté. Dans mon département, dans ma ville en particulier, nous savons que les quartiers visés par la politique de la ville, où vivent des populations en grande difficulté, composées à 40 % de chômeurs et de RMIstes, sont ceux où l'on trouve les problèmes de santé les plus importants. C'est aux habitants de ces quartiers que vous allez demander de payer un euro pour la prévention ? Cette mesure injuste va à l'encontre des souhaits exprimés par M. Borloo. Vos belles déclarations, nous saurons les expliquer demain dans les quartiers !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 2980 à 2991.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, n°s 2992 à 3003.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Toujours au chapitre de la prévention, vous prétendez maintenant taxer les abus de nos concitoyens en matière de vaccination. C'est fabuleux !

M. Jean-Marie Le Guen. Alors que les vaccinations sont obligatoires !

Mme Jacqueline Fraysse. D'une part, certaines vaccinations sont obligatoires. D'autre part, une fois qu'on est vacciné, à moins d'avoir un goût particulier pour les vaccins à répétition, on l'est une fois pour toutes et on procède aux rappels à intervalles réguliers. La procédure est codifiée du point de vue médical et je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de possibilités pour les patients d'exagérer. Votre démarche de responsabilisation est dans ce cas parfaitement caricaturale. On se demande qui réfléchit à la santé dans ce pays !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. De plus en plus, notre colère monte.

M. le président. Et gronde ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. Quand nous examinons cas par cas à qui va s'appliquer la mesure, nous ne pouvons même plus parler de non-sens. Cela relève d'un choix délibéré et intolérable.

Et l'on nous fait des discours sur la santé des Français. On déplore le manque de médecins et on nous promet d'en augmenter le nombre.

Mais, dans le même temps, on oblige les malades à payer partout. Ce n'est plus la sécurité sociale ! Il faut toujours payer.

Je rappelle qu'il est demandé aux patients de payer un euro, non remboursé, par acte ou par consultation, sauf en cas d'hospitalisation. Et cela s'applique aussi pour les vaccinations !

Prenons le cas de quelqu'un qui va à l'hôpital pour se faire vacciner.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. À l'hôpital, on paie aussi !

Mme Jacqueline Fraysse. Pour se faire vacciner sans payer, il faudra se faire hospitaliser !

M. Maxime Gremetz. Tout à fait ! Une personne qui n'a pas les moyens de payer, hésitera à y aller et, si elle y va, suppliera d'être hospitalisée pour ne pas payer.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Elle sera renvoyée !

M. Maxime Gremetz. Où croyez-vous que vont se faire soigner les gens de mon quartier ? Aux urgences de l'hôpital d'Amiens-Nord, parce qu'ils ne paient pas ! Ils ne le pourront plus ! Je parle des gens les plus pauvres. Dans ce secteur, il y a 60 % de jeunes au chômage !

C'est vraiment un retour en arrière colossal ! Le droit à la santé devient payant. Pour pouvoir se soigner, les gens et, surtout, les plus déshérités, devront payer un prix extraordinaire !

Vous vous en moquez, vous ! Les gens qui ont les moyens n'ont pas de problèmes de ce point de vue-là, d'autant qu'ils ont en général de bonnes assurances et de bonnes mutuelles.

C'est bien une médecine à deux vitesses que vous instituez et, comme toujours, vous frappez en bas. On ne peut pas dire que vous n'avez pas pensé aux gens d'en bas ! Au contraire ! Les gens d'en haut ont pensé aux gens d'en bas, non pas pour améliorer leur situation mais pour les faire payer tous azimuts !

Vous devriez au moins faire un effort et exonérer du forfait un acte normal, et qui n'est pas courant. Vous savez, de plus, que les gens n'ont pas l'habitude de se faire vacciner, ce qui représente un danger car cela favorise la transmission des maladies. Prenez vos responsabilités !

Pour aller jusqu'au bout de ma démarche, je demande, monsieur le président, un scrutin public sur ces amendements.

M. le président. Sur le vote des amendements identiques nos 2992 à 3003, je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Madame Robin-Rodrigo, monsieur Gremetz, il faut faire attention dans ce débat à ne pas se laisser emporter.

M. Jean-Marie Le Guen. Faites attention, vous-même, à ne pas mettre en cause les députés !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Ne vous inquiétez pas, monsieur Le Guen, je n'ai pas pour habitude de mettre en cause qui que ce soit. Ce n'est pas ma façon de procéder.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. C'est celle du ministre de la santé, mais pas la vôtre, c'est vrai !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Dans les propos qui ont été tenus sur les deux dernières séries d'amendements, il a été question des personnes aux faibles revenus, des RMIstes, ...

M. Jean-Marie Le Guen. Nous parlons des travailleurs pauvres !

M. Claude Évin. Et nous parlons de la vaccination !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je vous demanderai de bien vouloir me laisser terminer. Je pourrai ainsi dérouler mon argumentation et vous pourrez ensuite porter le jugement que vous voudrez.

Je voulais rappeler que les bénéficiaires de la CMU sont exonérés du paiement du forfait. Donc, pour eux, le problème ne se pose pas.

Quant aux actes de prévention, monsieur Gremetz, ils concernent à 90 % des enfants, lesquels sont également exonérés du paiement de un euro.

Mme Martine Billard. Les enfants sont exonérés jusqu'à seize ans !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Ces précisions me semblaient utiles pour remettre les choses à leur juste proportion.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Après seize ans, les jeunes ne sont plus exonérés, monsieur le secrétaire d'État. Et être adolescents dans les familles que je vous ai citées suppose de savoir se débrouiller !

Ce n'est pas M. Jardé qui me démentira. Mais c'est vrai qu'il n'est pas dans la même circonscription que moi. Il est dans celle des bobos, des gogos...

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Quel mépris pour les citoyens, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Mais, c'est vous qui avez du mépris envers les gens ! Vous voulez les responsabiliser en les faisant payer ! Cela revient à dire qu'ils sont tellement bêtes qu'il n'y a que ça qu'ils puissent comprendre !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. N'importe quoi ! Quelle caricature !

M. Maxime Gremetz. Vous pensez qu'il n'y a que ça qu'ils comprennent !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'est vous qui le dites !

M. Maxime Gremetz. C'est moi qui le dis mais c'est vous que le faites ! Voilà la réalité !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le secrétaire d'État, si la vaccination concerne en priorité les enfants, il n'en existe pas moins des vaccinations obligatoires - comme il existe des examens obligatoires - pour exercer certains métiers, notamment dans le secteur de la santé. Un étudiant en médecine, par exemple, doit, pour travailler un mois comme aide-soignant, subir une série de vaccinations et d'actes médicaux. Alors qu'ils sont obligatoires et liés à son travail, vous allez les lui faire payer ?

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix par un seul vote les amendements nos 2992 à 3003.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..............................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

...................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur les amendements nos 2992 à 3003 :

              Nombre de votants 47

              Nombre de suffrages exprimés 45

              Majorité absolue 23

        Pour l'adoption 5

        Contre 40

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 3004 à 3015.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Ces amendements tendent à exonérer du paiement du forfait les personnes atteintes de maladies chroniques. Cela nous paraît, encore une fois, une évidence. Les maladies chroniques touchent souvent les personnes âgées mais sont concernés également, entre autres, les diabétiques, les hypertendus sévères, les insuffisants rénaux qui, compte tenu de leur état de santé et de la gravité de l'affection, non guérissable, dont ils sont porteurs, doivent impérativement se faire suivre, et donc consulter à intervalles réguliers. Ce n'est pas parce que l'assurance maladie a des problèmes financiers qu'ils pourront réduire leurs soins parce que leur maladie exige un traitement permanent.

Il me paraîtrait, là encore, de bon sens de ne pas appliquer la sanction de un euro à ces personnes qui n'ont pas le choix de consulter ou non.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Il me paraît également évident qu'il faille exonérer du paiement du forfait les personnes atteintes de maladies chroniques. Mais cela n'est peut-être pas évident pour tout le monde si j'en crois ce qu'a dit le ministre de la santé sur le remboursement des actes. La brochure ministérielle est très claire. Je la cite : « La réforme changera-t-elle les modalités de remboursement des actes ? Non. La réforme ne modifie pas les remboursements. Elle prévoit simplement, pour inciter à la prise en charge coordonnée des soins, de permettre aux médecins, si les parties conventionnelles le souhaitent, de pratiquer des dépassements, dans certaines limites fixées par la convention, lorsqu'ils recevront un patient qui ne leur a pas été préalablement adressé par le médecin traitant. » C'est formidable : non seulement on fait payer aux patients un euro par consultation mais on permet aux médecins de pratiquer des dépassements !

Vous oubliez, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, certaines données scientifiques, que l'on peut trouver dans le numéro 110, relatif à l'année 2004, des Carnets statistiques de la CNAM - je vois que M. le rapporteur est en train de le consulter. Nous l'avons également. C'est ce qui nous permet de parler du sujet sans être spécialistes.

Savez-vous qu'il y a trois millions de travailleurs pauvres dans notre pays ?

M. Jean-Marie Le Guen. Trois millions de travailleurs pauvres, pas de RMIstes !

M. Maxime Gremetz. Je ne parle pas des titulaires du RMI, en effet, mais des gens qui travaillent et qui vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Savez-vous qu'on y trouve deux millions d'enfants pauvres ? Le nombre est de un million si l'on retient les critères français, de deux millions si l'on applique les normes européennes. Je croyais pourtant que la France était en Europe !

Et c'est à ces gens-là que vous osez vous attaquer !

Parmi les maladies chroniques figurent, de plus, nombre de maladies professionnelles. Celles liées à l'amiante en sont un exemple. Non seulement on vous tue au travail, non seulement vous êtes amianté, mais on vous demande encore un euro par consultation !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 3004 à 3015 ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Rejet également !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3004 à 3015.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 3016 à 3027.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Ces amendements rejoignent ceux qui concernaient les accidents du travail, que nous avons examinés précédemment. Ils tendent à exonérer de la punition de un euro les personnes atteintes de maladies professionnelles. Ces salariés, qui, déjà, sont victimes d'une maladie liée à leur travail et subissent un grave préjudice dont ils ne sont par responsables, vous allez les punir une deuxième fois !

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

Mme Jacqueline Fraysse. Alors qu'ils ont été atteints dans leur santé en raison de leur activité professionnelle, ils vont devoir, pour se soigner, verser un euro de pénalité, comme s'ils consultaient pour le plaisir dans l'irresponsabilité la plus totale ! C'est vraiment injuste ! Et c'est particulièrement désobligeant envers ces personnes.

Demander aux personnes atteintes d'un cancer à cause de l'amiante de payer un euro chaque fois qu'elles iront chez le médecin, vous pouvez le faire sans broncher ? Sans rougir ? Cela ne vous gêne pas ?

Moi, ça me gêne beaucoup !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Cela me gène tout autant. Mais je voudrais me placer du côté des personnes atteintes de maladies professionnelles, dont le nombre ne cesse de croître - et je ne comptabilise pas les accidents du travail.

De plus, on ne veut parfois pas reconnaître ces maladies professionnelles. Certains de mes amis ont dû engager des procédures judiciaires. Les tribunaux ont retenu la faute grave et sérieuse de l'employeur, mais ils ne sont pas toujours pas reconnus comme amiantés et donc victimes d'une maladie professionnelle.

Toute une série de nouvelles maladies professionnelles se développent dues à la station debout - des douleurs des bras, des coudes, du dos. Et vous voulez faire payer ces malades ! C'est incroyable !

Vous partez de l'idée suivant laquelle les dépenses de santé sont trop élevées. Nous sommes, d'après vous, le pays au monde qui dépense le plus pour la santé. C'est complètement faux, monsieur le secrétaire d'État, et vous le savez.

La part de la dépense de santé par rapport au PIB est de 13,9 % aux États-Unis, de 9,7 % au Canada, de 10,7 % en Allemagne. La France, avec 9,5 % est au même niveau que le Portugal.

J'aime bien le Portugal, mais on ne saurait prétendre que ce chiffre traduise un niveau trop élevé des dépenses de santé. Il n'y a donc pas de quoi justifier les déremboursements auxquels vous procédez et les euros par ci ou par là que vous prenez ! Vous stigmatisez ceux qui en ont le plus besoin de soins. Voilà la réalité !

Un président de la République qui avait bien réfléchi - je me souviens de son discours - disait : « mesdames et messieurs, chers concitoyens, qu'on le veuille ou non, les dépenses de santé augmenteront, pour des raisons évidentes. » Notre part de dépenses de santé nous situe derrière les États-Unis, alors même que 40 millions d'Américains sont privés de prestations sociales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Avis défavorable.

Mme Fraysse a tenu tout à l'heure des propos qui pourraient être considérés comme blessants.

Madame Fraysse, peut-on voir disparaître sans rougir et sans broncher notre système de santé ? La réponse est non ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mme Jacqueline Fraysse. Je n'ai pas dit cela !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. On peut tout dire, on peut faire les choix qu'on veut, mais, à un moment donné, il faut aussi remettre les choses à leur place. Nous savons pertinemment que si nous ne modernisons pas notre système de santé, celui-ci est voué à sa perte.

M. Maxime Gremetz. Vous savez bien que ce n'est pas vrai !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Si ! C'est vrai !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. C'est ce que nous faisons, avec le souci de respecter l'équité et la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Mais non, vous voulez faire payer ceux qui souffrent !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je ne veux blesser personne, monsieur le secrétaire d'État. Mais je vous dis, en vous regardant droit dans les yeux, qu'une telle disposition devrait vous faire rougir de honte.

Je suis médecin, comme d'autres dans cet hémicycle, Certains sont simplement des humanistes. Et je pense que taxer d'un euro les patients victimes de maladies professionnelles doit vous faire rougir de honte. C'est la stricte vérité.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Vous n'avez pas le monopole de l'humanisme !

Mme Jacqueline Fraysse. Ne nous faites pas le numéro de claquettes du sauvetage de la protection sociale mise en place par des hommes et des femmes qui, permettez-moi de vous le dire, ne partageaient pas votre philosophie.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Pardon ? Et le gaullisme, madame ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il n'y avait pas que le gaullisme !

Mme Jacqueline Fraysse. La protection telle qu'elle a été mise en place en 1945 était imprégnée d'une volonté de solidarité et de soins pour tous, que vous abandonnez consciencieusement, point par point, en matière de prévention, de vaccination, d'accidents du travail, de maladies professionnelles, etc.

M. Sébastien Huyghe. Quel mensonge !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Nous voulons sauver la sécurité sociale !

Mme Jacqueline Fraysse. Vous êtes un des plus mal placés pour en parler, monsieur le secrétaire d'État.

Nous sommes favorables à sa modernisation et nous avons fait des propositions en ce sens.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Cet échange et la réaction de M. le secrétaire d'État sont très caractéristiques de notre désaccord sur le projet de loi.

Ne nous refaites pas le coup de la responsabilisation et de la modernisation, monsieur le secrétaire d'État, alors qu'il s'agit de personnes atteintes d'affection de longue durée ou, à plus forte raison, de patients atteints de maladies professionnelles.

La question n'est même pas de leur demander un euro -cela peut se discuter.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Et alors ?

M. Claude Évin. Je veux vous interroger sur l'argument de la responsabilisation que vous invoquez.

Comment pouvez-vous justifier aux yeux des Français la nécessité de responsabiliser des malades atteints de maladie professionnelle, dont ils ne sont pas a priori responsables - c'est le cas des victimes de l'amiante -, ou des personnes victimes d'accidents du travail ? Faut-il responsabiliser ces personnes en les montrant du doigt quand elles vont voir leur médecin ? Nous sommes en désaccord profond sur ce point.

Nous pensons que la pédagogie est nécessaire pour expliquer le fonctionnement du système, que le développement de la consommation de soins ne doit pas être inconsidéré. Mais comment demander à une personne atteinte de maladie professionnelle, à chaque fois qu'elle va voir son médecin, d'être consciente de ce que cela coûte ?

On peut discuter de la recherche des responsabilités dans ces domaines. Et beaucoup d'efforts devraient être accomplis en la matière.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Plutôt !

M. Claude Evin. Ne vous prêtez pas au jeu du : « Vous êtes des archaïques, opposés à la modernisation de notre système. » Nous avons démontré le contraire avant vous, historiquement par les responsabilités que nous avons assumées avant vous. Notre débat pourrait à cet égard être assez long.

Les Français doivent prendre conscience de l'engrenage dans lequel vous engagez notre système avec les mesures que vous préconisez. Vous remettez complètement en cause la philosophie du système issu de 1945.

M. le président. Sur le vote des amendements nos 3016 à 3027, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Au point où nous en sommes sur cette affaire particulièrement choquante, pouvez-vous nous citer, monsieur le secrétaire d'État, une seule étude établissant que le nomadisme médical est un tant soit peu à l'origine des problèmes que nous connaissons ?

Citez-nous des études, qui ne seraient pas toutes à mettre au conditionnel, sur les effets du ticket modérateur ! Citez- nous des modernisations du système de santé qui répondent à des raisons autres que financières !

Défendre cette contribution financière de « un euro », passe encore ! Mais la parer des vertus de la responsabilisation devient quasiment immoral quand cela touche ces personnes-là.

Si vous nous disiez que, pour sauver le système, vous prenez l'argent où vous pouvez, nous pourrions le comprendre. Mais vous philosophez ! Vous ne prenez pas d'argent ; vous prétendez moraliser. Au moment où vous allez pénaliser les personnes atteintes de maladies professionnelles, vous vous permettez de leur faire de la morale. Vous leur dites : « Responsabilisez-vous » ! Cette attitude moralisante et hypocrite est incroyable, alors que votre véritable raison est de prendre de l'argent.

Nous disposons d'études sur l'assurance maladie. Les problèmes résident dans les affections de longue durée - traitées à l'article 3 -, pour lesquelles il faut améliorer la continuité de soins. Ils se situent aussi dans la minorité de médecins « super-prescripteurs ». Tout le monde le sait. Rien n'est prévu dans votre projet de loi !

Certains médecins, par défaut d'encadrement, de pédagogie, de formation, d'évaluation, de confraternité, et parfois par laisser-aller - cela existe dans toutes les professions -, adoptent des comportements préjudiciables à la fois à la santé publique et à l'économie de la santé. On le sait, mais on ne fait rien. Et on culpabilise tous les assurés, en leur tenant un discours moralisateur, alors qu'il s'agit simplement de ramasser les sous, là où l'on peut.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques nos 3016 à 3027.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 48

              Nombre de suffrages exprimés 48

              Majorité absolue 25

        Pour l'adoption 8

        Contre 40

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Compte tenu du coup de massue que nous venons de recevoir, nous avons besoin de nous remettre. Je demande donc une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-deux heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 7024 à 7038.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne défendrai pas longuement ces amendements, qui traitent de l'amiante, dans la mesure où la majorité vient de rejeter une série d'amendements portant sur les maladies professionnelles... Mais peut-être l'amiante a-t-elle un caractère encore plus scandaleux. Elle aura sans doute donné lieu au plus gros scandale de santé publique auquel il ait été donné d'assister depuis trente ans. Pendant toutes ces années, nous savions que l'amiante était un facteur de pathologies très lourdes et notamment de cancers ; pourtant, jamais les pouvoirs publics n'ont véritablement réagi. En ce sens, nous avons à l'égard des amiantés une dette morale encore plus lourde que ce dont nous sommes redevables vis-à-vis des autres victimes de maladies professionnelles, qui pourtant méritaient logiquement de voir leurs droits sociaux reconnus.

M. le président. Pardonnez-moi, monsieur Le Guen, mais vous êtes en train de défendre les amendements suivants, nos 7054 à 7068. Nous n'en sommes qu'aux amendements nos 7024 à 7038, qui traitent des assurés sociaux intégrés dans des réseaux.

M. Édouard Landrain. Cela ne fait rien !

M. Jean-Marie Le Guen. Excusez-moi, monsieur le président. Disons que je les ai défendus par avance...

Je reviens aux amendements nos 7024 à 7038. Les réseaux procèdent d'une philosophie radicalement inverse de celle du Gouvernement. Ce qu'il convient à nos yeux de développer, ce n'est pas la distance par rapport aux soins, mais bien le recours aux soins. On ne peut être plus opposé... Nous voulons favoriser le recours le plus rapide aux soins primaires, à travers notamment les réseaux, en éliminant tous les freins existants. Tout retard dans le recours aux soins ne peut qu'entraîner une mauvaise consommation de santé, une dégradation de l'état du patient et par le fait des dépenses supplémentaires. Il n'est que de rappeler les chiffres retraçant la consommation médicale des Français : un cadre supérieur, qui bénéficie d'un recours rapide aux soins, est à l'indice 87 - l'indice moyen de consommation des Français est de 100. Pourquoi ? Parce qu'il consomme rapidement de la médecine de ville. À l'inverse, l'ouvrier spécialisé, qui consomme avec retard, se retrouve à l'indice 113. Pourquoi ? Parce qu'il consomme d'abord de l'hôpital et non de la médecine de ville. Autrement dit, le recours est aux soins primaires est préférable pour des raisons de santé, mais également pour des raisons d'économies. Vous faites tout le contraire ; non seulement cela coûtera cher, mais ce sera tout à la fois injuste et inefficace.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Je ne peux que confirmer les propos de Jean-Marie Le Guen. Nos amendements tendent à exonérer du paiement de ce fameux euro les consultations externes pour les assurés intégrés dans des réseaux ville-hôpital. Ce serait plus cohérent. Vous souhaitez cette complémentarité, nous aussi. Mettez-la en pratique !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Contre.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 7024 à 7038.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Les amendements nos 7054 à 7068 ont été défendus par anticipation.

Sur le vote de ces amendements, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 7054 à 7068 ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements. Nous tenons à la notion de participation de tous.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie..Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Notre amie Muguette Jacquaint a évoqué tout à l'heure la question de l'amiante, particulièrement cruciale. On sait le temps qu'il faut à ces travailleurs pour prouver que le cancer dont ils souffrent est bien dû à leur métier : bien souvent, ils sont morts avant de toucher une indemnisation... Pour eux au moins, pitié ! Essayez de les exonérer du paiement de cet euro, ce serait le minimum !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques nos 7054 à 7068.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur les amendements nos 7054 à 7068 :

              Nombre de votants 46

              Nombre de suffrages exprimés 46

              Majorité absolue 24

        Pour l'adoption 6

        Contre 40

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 7069 à 7083.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Ils sont défendus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Rejet.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 7069 à 7083.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 7918 à 7932.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Ils sont défendus.

M. le président. L'avis de la commission et du Gouvernement est défavorable.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 7918 à 7932.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 7099 à 7113.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Ils sont défendus.

M. le président. L'avis de la commission et du Gouvernement est défavorable.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 7099 à 7113.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 7019 et 12, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 12 de M. Anciaux n'est pas défendu.

La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo, pour soutenir l'amendement n° 7019.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. L'amendement n° 7019, présenté par notre ami Vidalies, concerne les étudiants. Leur situation n'est guère brillante : le milieu étudiant compte 460 000 boursiers qui chaque année sont exonérés de cotisations en raison de leur situation sociale. Un étudiant sur quatre avoue reporter ses soins faute de moyens. En 1999, près de la moitié des étudiants n'avaient pas consulté de dentiste et un tiers des jeunes étudiantes n'avaient pas vu de gynécologue. Vous comprenez dans ces conditions que nous demandions de porter une attention particulière sur le monde étudiant. Différer des soins, faute de disposer de l'argent nécessaire, peut conduire par la suite à des frais de santé beaucoup plus lourds - et autrement plus dommageables pour les comptes de l'assurance maladie.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 7019, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 7019 ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté l'amendement n° 7019, toujours pour le même motif de solidarité, en rappelant le caractère somme toute modeste de la contribution demandée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Rejet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Le monde étudiant est typiquement le milieu - mais il y en a d'autres - où le pseudo-ticket modérateur d'ordre public ne sera jamais appliqué. Dans ce secteur couvert pour l'essentiel par des mutuelles, où le « 1 euro » est un élément décisif, jamais vous ne pourrez interdire aux complémentaires de prendre la franchise en charge. Comme les mutuelles ne sont ni des organismes de prévoyance ni des compagnies d'assurances, vous ne pourrez rien leur reprocher sur le plan fiscal. Nous allons assister à un transfert direct du régime obligatoire vers le régime complémentaire sans aucun effet sur le plan de la responsabilisation. Au moment d'entrer dans la vie active, la population étudiante aura pris l'habitude de ne pas payer l'euro de sa poche, puisqu'il aura été pris en charge par les mutuelles. Cela aura des conséquences sur toute la chaîne des remboursements, mais également en termes d'image. Autrement dit, cela ne marchera pas !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement, n° 7019, de M. Alain Vidalies .

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'amendement n° 7019 :

              Nombre de votants 47

              Nombre de suffrages exprimés 47

              Majorité absolue 24

        Pour l'adoption 6

        Contre 41

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 3028 à 3039.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. À ce stade du débat, je souhaite faire une projection sur l'avenir et sur l'impact de votre réforme, monsieur le secrétaire d'Etat. Non seulement vous réduisez le champ d'intervention de l'assurance maladie, mais vous ouvrez de nouveaux marchés aux assurances privées, ce dont elles sont d'ailleurs bien conscientes. La joie non dissimulée du président de la fédération française des sociétés d'assurances en dit long à cet égard !

Les tarifs de l'assurance complémentaire santé vont continuer à augmenter l'an prochain, du simple fait de la réduction du périmètre de prise en charge de l'assurance maladie. La réforme de l'assurance maladie en cours ne devrait pas, à court terme, inverser la tendance.

Depuis quelques années, les tarifs des contrats d'assurance complémentaire santé sont systématiquement revus à la hausse. La tendance devrait se poursuivre l'an prochain, et même s'accélérer, la réforme de l'assurance maladie en cours ne devant pas produire d'économies à court terme pour les organismes d'assurance complémentaire.

Cette année, les augmentations pratiquées ont été encore plus importantes que celles de l'an passé - la traditionnelle dérive de la consommation médicale a été amplifiée par un certain nombre de transferts de charges de la sécurité sociale vers les organismes complémentaires - et ont parfois dépassé 10 %.

En conséquence, certains organismes d'assurance complémentaire ont pris l'habitude, pour rendre les hausses plus supportables, de les étaler dans le temps. En juillet par exemple, les Assurances du Crédit Mutuel - ACM - vont pratiquer une augmentation de 6 %, après avoir déjà majoré leurs tarifs de 5 % en janvier. Idem dans le groupe de protection sociale Médéric, qui augmente ses prix de 5 %, après les avoir relevés de 10 % en janvier.

Mais dans le même temps, le pouvoir d'achat des Français n'augmente pas et celui des cadres a même diminué. De ce fait, seuls ceux qui en ont les moyens continueront d'être bien soignés, tant pis pour les autres. Telles sont les conséquences de votre réforme : l'instauration d'une médecine à deux vitesses.

La réforme du système de soins en cours va-t-elle permettre d'infléchir la tendance ? La réponse est non. Interrogés, la plupart des assureurs ainsi que la Fédération nationale de la mutualité interprofessionnelle - FNMI -, anticipent déjà une hausse tarifaire de 6 % au minimum l'an prochain.

Même s'il est encore trop tôt pour évaluer l'impact de la réforme sur l'assurance privée, une chose paraît déjà certaine : de nouveaux transferts de charges sont attendus.

Le texte « semble devoir entraîner des transferts de charges certains et immédiats, comme la hausse du forfait hospitalier de un euro par an pendant trois ans », explique-t-on aux AGF. D'autres transferts de charges vers l'assurance complémentaire seront plus progressifs, comme la gestion par le régime obligatoire des affections de longue durée - ALD -, ceux qui en sont atteints étant remboursés à 100 % par la sécurité sociale. En contrôlant tous azimuts les entrées dans le dispositif et les sorties, le régime obligatoire va réduire sa part de prise en charge, qui nécessairement basculera vers les régimes complémentaires et les assurances privées.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer le III de l'article 11.

Permettez-moi une dernière remarque pour conclure, monsieur le président. Si j'ai bonne mémoire, il me semble que vous avez décidé la suppression d'un jour férié afin de financer un grand projet en faveur des personnes âgées. Et bien sûr, ce sont les salariés qui paieront, un tiers pour les personnes âgées, deux tiers pour les patrons. Et maintenant, ces personnes âgées, vous leur demandez un euro, comme à ceux qui souffrent de maladies professionnelles, comme aux accidentés du travail, comme à tous les salariés. C'est incroyable ! Bref, on voit bien où vous voulez en venir.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. La franchise de un euro s'applique à tous les Français, y compris aux Alsaciens-Mosellans, contrairement à ce que votre amendement laisse entendre.

En Allemagne, où des franchises de dix euros pour les consultations médicales et de cinq euros pour les médicaments ont été appliquées, l'assurance maladie allemande est devenue excédentaire de un milliard d'euros, alors qu'elle était déficitaire de deux milliards d'euros ; les consultations ont baissé de 10 à 15 %, et la consommation de médicaments a régressé dans les mêmes proportions. Mais c'est un détail, n'est-ce pas, monsieur Gremetz !

M. Édouard Landrain. Un peu de courage !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous attendons évidemment du gouvernement français, dans les semaines qui viennent, les mêmes résultats que ceux de son homologue allemand.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Il a le soutien de son opposition, lui !

M. Jean-Marie Le Guen. Même pas !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. On vous attend en 2007 !

M. Jean-Marie Le Guen. Ces propos ne sont pas sérieux et relèvent de la désinformation. C'est bien de faire du benchmarking, encore faudrait-il s'en tenir à la réalité des faits.

Jusqu'à cette réforme, les Allemands n'avaient pas de ticket modérateur.

M. Édouard Landrain. Si !

M. Jean-Marie Le Guen. Et tous les économistes vous diront que l'effet de celui-ci se diluera.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Si j'ai bien lu les prévisions, on attend environ 700 millions, et en tout cas moins d'un milliard, de cette punition de un euro.

Quand on sait que le déficit est de 14 milliards, cela ne saurait « sauver le système ».

Si on compare ce milliard prélevé sur les assurés sociaux, y compris les plus modestes, aux vingt milliards de cadeaux accordés aux patrons sous forme d'exonérations, on comprend bien que votre préoccupation n'est pas vraiment de sauver le système.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Tout à fait !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3028 à 3039.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8286.

La parole est à M. le président de la commission spéciale, pour le soutenir.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Cet amendement est de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8286.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je vous indique d'ores et déjà que je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'article 11.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 3040 à 3051.

La parole est à Mme Geneviève Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nos amendements visent à supprimer le V de cet article scélérat.

M. Maxime Gremetz. C'est le terme qui convient !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Vous faites toujours dans la mesure !

Mme Jacqueline Fraysse. Avec vos mesures de restriction, les charges supplémentaires pour les organismes complémentaires pourraient atteindre 300 millions par an. Les cotisations seront augmentées en conséquence, ce qui obligera les familles à faire des sacrifices supplémentaires.

Les assurances privées sont les principales gagnantes de ces mesures, qui ne combleront malheureusement pas le déficit. En revanche, pour les familles, ce sera lourd, car les mutuelles devront prendre en charge des frais supplémentaires. Quant aux assurances privées, elles ont là un superbe prétexte pour augmenter leurs cotisations, comme elles l'ont d'ailleurs fait pour les chirurgiens, il n'y a pas très longtemps.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Avis défavorable.

M. le président. Je mets ...

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, tous les amendements n'ont pas été soutenus. Comme nous n'avons pas obtenu de réponse, je vais défendre l'amendement n° 3041. C'est trop facile de dire « défavorable, défavorable ».

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Vos mesures sont scélérates, comme l'a si bien dit Mme Fraysse, parce qu'elles frappent les plus pauvres, les plus démunis. Vous avez même l'audace d'y ajouter un « zeste » de morale sur le gaspillage !

J'ai toujours, monsieur le secrétaire d'État la note de Bercy ainsi que d'autres éléments qui la confirment. Cela vous dit peut-être quelque chose...

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Merci de me le rappeler !

M. Maxime Gremetz. Bercy a donné des chiffres et Bercy ne ment jamais.

M. Jean-Marie Le Guen. Il se trompe parfois !

M. Maxime Gremetz. On attend 700 millions de vos mesures. Il y a eu vingt milliards d'exonérations de cotisations patronales. Mais parlons aussi des deux milliards dus par les grandes entreprises à la sécurité sociale. Que faites-vous pour les récupérer ? Rien. Mais vous continuez tranquillement à piller les gens qui ne peuvent déjà pas se soigner.

M. Richard Mallié. Si on parlait des 16 milliards que coûtent les 35 heures ?

M. le président. Monsieur Mallié !

M. Maxime Gremetz. Vous voudriez bien faire une diversion. Le citoyen de base, on lui envoie l'huissier quand il ne paie pas ses dettes. Vous, vous traquez les pauvres gens et vous laisser courir les voleurs de la sécurité sociale ! C'est honteux !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3040 à 3051.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 42, 43, 57 et 58, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M. François Guillaume, pour les soutenir.

M. François Guillaume. Chacun reconnaît ici que l'explosion des dépenses d'assurance maladie exige une réaction rapide. Elle est certes liée au vieillissement de la population, au coût de plus en plus élevé des interventions, à la modernisation des équipements et à la mise au point de médicaments toujours plus sophistiqués, mais aussi à des dérives qu'il faut impérativement endiguer.

Tous les pays européens sont d'ailleurs confrontés au même problème. Dans un rapport d'information déposé par la délégation pour l'Union européenne sur les réformes de l'assurance maladie en Europe. Edouard Landrain montre que les pays européens industrialisés ont mis en place des procédures plus sévères que celles préconisées par le gouvernement français.

Nous approuvons quant à nous le principe d'une franchise qui ne soit pas couverte par une assurance complémentaire, ce qui se solderait par l'augmentation de son prix et ne correspondrait pas à l'objectif visé. Toutefois, le montant de un euro, qui ne figure pas dans le texte mais qui est souvent avancé dans l'hémicycle...

Mme Jacqueline Fraysse. Il se murmure !

M. François Guillaume. ...me paraît insuffisant pour avoir un effet dissuasif sur la surconsommation médicale, Un euro, c'est le prix d'un journal ou de quatre cigarettes. C'est la raison pour laquelle je propose de porter la franchise à trois euros. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Puisque mes collègues de la gauche se signalent, je leur rappellerai que ce sont eux qui, en 1983, ont inventé le forfait hospitalier...

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Vous l'avez augmenté !

M. François Guillaume. ...et accru le ticket modérateur pour les médicaments, non sans hypocrisie puisqu'ils savaient qu'il appartiendrait aux assurances complémentaires de couvrir cette augmentation, ce qui ne pouvait que renchérir leur coût.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Pourquoi n'avez-vous pas annulé ces mesures ?

M. François Guillaume. Ils n'ont donc pas de leçons à nous donner. Notre proposition est réaliste.

Les amendements nos 57 et 58 sont de repli.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Avis défavorable. J'ai déjà eu l'occasion de rappeler à M. Guillaume, lors de l'examen de son amendement n° 40 par la commission, que c'est à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie de fixer le montant de la franchise et non à la loi.

M. Jean-Marie Le Guen. Ah ! Voilà une réponse intéressante !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Nous proposons une contribution forfaitaire. Or le montant que propose M. Guillaume équivaudrait à mettre en place un autre ticket modérateur.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur Guillaume, vous gênez votre ministre !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Tel n'est pas l'esprit de notre dispositif. J'ai rappelé à plusieurs reprises que cette contribution avait vocation à rester à un euro. En outre, comme l'a dit excellemment le rapporteur, la fixation d'un montant ne relève pas du domaine législatif. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Tout avait bien commencé. M. Guillaume jouait son rôle, versant à l'évidence dans la caricature, pour que le Gouvernement paraisse modéré, et voilà que, avec sa sincérité naturelle, le rapporteur a vendu le morceau. Il lui a dit : « Un peu de patience, monsieur Guillaume, laissez faire le proconsul ! Ce que le Gouvernement n'ose faire, le proconsul le fera ! » Vous en avez rêvé, monsieur Guillaume, le proconsul le fera !

M. Maxime Gremetz. Progressivement, pas tout, tout de suite !

M. Jean-Marie Le Guen. Le petit ballet est terminé. Vous avez rempli votre fonction, monsieur Guillaume, même si la manœuvre n'a pas totalement réussi à cause de la sincérité si sympathique du rapporteur.

Concernant, le ticket modérateur d'ordre public, je rappelle que le non-remboursement par les assurances complémentaires ne sera pas appliqué au secteur étudiant, car aucune sanction n'est prévue et la concurrence ira forcément en ce sens.

M. Hervé Mariton. Pourquoi ?

M. Jean-Marie Le Guen. D'une façon générale, les sanctions prévues à l'article 32 s'appliquent aux prestations et non à une telle disposition.

De plus, le Gouvernement n'exerçant aucune coercition sur les mutuelles...

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Si !

M. Jean-Marie Le Guen. ...et comme les compagnies d'assurances ou les instituts de prévoyance disposent de vitrines en matière d'assurances complémentaires, le statut juridique de la structure qui organise la prestation ne constitue en rien une garantie. De nombreuses institutions de prévoyance et des compagnies d'assurances proposent des mutuelles régies par le code de la mutualité.

Pour aller plus loin dans le juridisme, je crois me souvenir qu'en 1981, certains, dont M. Chirac, alors candidat malheureux à l'élection présidentielle, s'étaient fortement élevés contre le ticket modérateur d'ordre public préconisé par M. Raymond Barre. En 1979, le Conseil constitutionnel lui avait d'ailleurs donné raison. Il est vrai que le temps a passé et que les hommes politiques peuvent évoluer.

M. Édouard Landrain. Oh oui !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais le droit progresse. Le droit communautaire ne permettra pas d'appliquer ce principe, car il reconnaît la liberté d'assurance. Cela ne tient donc pas, ni au plan du marché ni au plan juridique. Exit, donc, l'idée du ticket modérateur d'ordre public. D'autant que les compagnies d'assurances n'ont pas l'intention de l'appliquer. Il s'agit bien plutôt d'un coup d'épée dans l'eau, d'un prétexte vaguement habillé pour opérer un transfert vers les assurances complémentaires.

M. François Guillaume. Monsieur le président, je retire mes amendements.

M. le président. Les amendements nos 42, 43, 57 et 58 sont retirés.

M. Jean-Marie Le Guen. M. Guillaume a servi !

M. le président. L'amendement n° 7009 de M. Jacques Le Guen, n'est pas défendu.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'article 11.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'article 11 :

              Nombre de votants 53

              Nombre de suffrages exprimés 53

              Majorité absolue 27

        Pour l'adoption 47

        Contre 6

L'Assemblée nationale a adopté.

M. le président. L'amendement n° 8209 de M. Jean-Luc Warsmann, portant article additionnel après l'article 11, n'est pas défendu.

Nous en arrivons à l'article 12.

Article 12

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, premier orateur inscrit sur l'article.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet article est bancal et dangereux. Nous aurons l'occasion de le démontrer, mais je m'étais promis de revenir sur l'intervention télévisée de M. Douste-Blazy du 3 mai dernier. Je regrette d'ailleurs son absence, mais je suppose qu'elle est organisée.

Venu pour annoncer les premières mesures de réforme la sécurité sociale, il a parlé principalement de la carte Vitale. Il a brandi la carte d'un assuré de cinquante-cinq, ans, dont il n'a pas cité le nom, atteint d'un cancer et bénéficiant donc d'une prise en charge à 100 %, et il a déclaré que cette carte avait été utilisée par toute la famille. Ceux qui connaissent le statut des personnes en ALD savent que leur carte Vitale n'est en rien une carte de paiement. L'exemple relevait de l'anti-pédagogie et de la démagogie, mais il est particulièrement choquant qu'un ministre, qui plus est médecin, fasse fi, à une heure de grande écoute, sur TF1, du secret médical en révélant aux Français que tout ministre peut avoir accès à leur dossier médical. La communication qui tourne à la manipulation, c'est inacceptable.

M. Richard Mallié. Désinformation !

M. Jean-Marie Le Guen. Il faut être tombé bien bas pour en arriver là. Le lendemain, des journalistes ayant cherché à en savoir plus auprès du ministre, il est apparu que le document n'avait pas valeur de témoignage. Il restait que le trafic de cartes Vitale n'est pas une raison majeure du déficit de la sécurité sociale et que n'importe quel ministre peut avoir accès au dossier médical des Français. J'en ai été si choqué que j'ai tenu à le rappeler plus de deux mois après, d'autant que nous savons depuis que les sommes en jeu sont ridicules.

L'article 12 ne fait d'ailleurs plus état de la fraude. L'affaire a fait « pschitt ! ». Le II évoque le renouvellement de la carte Vitale, les problèmes liés aux contrôles d'identité et fait état d'une pseudo-information médicalisée. Lorsqu'on connaît les circuits informatiques de l'assurance maladie, il ne saurait être question de souscrire au I de cet article. Il vise à créer un écran de fumée en introduisant une interconnexion délirante de fichiers, qui met gravement en péril le secret médical.

M. François Guillaume. C'est n'importe quoi !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. L'article 12 a deux objets. Il vise d'abord à permettre au médecin d'accéder aux informations sur les soins dont aurait bénéficié son patient. Je ne vois vraiment pas l'intérêt de cette mesure pour les praticiens, qui sont d'abord soucieux de la santé de leur patient. Si l'objectif est d'échanger des informations, de connaître les traitements, l'accès au dossier médical que vous avez instauré à l'article 2 le permet déjà, à moins qu'il ne s'agisse une fois de plus de culpabiliser les assurés.

Cet article tend d'autre part à autoriser les établissements de santé à demander aux bénéficiaires des soins d'attester de leur identité, afin de vérifier que le détenteur de la carte en est bien le titulaire. Pourquoi pas ? Mais il ne faut pas oublier le contexte dans lequel cette disposition est prise. Dans mon intervention générale, j'ai dit combien j'étais choquée de voir un ministre de la France se livrer à un exercice aussi lamentable. C'est une manière de jeter la suspicion sur l'ensemble de nos concitoyens qui sont a priori honnêtes. Il faut respecter la présomption d'innocence des assurés. Cette disposition est particulièrement péjorative.

M. François Guillaume. N'importe quoi !

Mme Jacqueline Fraysse. C'est la raison pour laquelle nous combattrons ces deux dispositions. Elles sont inutiles et blessantes et si vous êtes, monsieur le secrétaire d'État, quelqu'un de sensible, vous ne pouvez qu'en convenir.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. « Culpabilité », du latin culpa signifiant faute. Le Petit Larousse la définit comme le fait d'être coupable, d'être celui qui a commis un crime ou un délit et qui doit être blâmé et condamné. Ce petit rappel étymologique me semble nécessaire pour éclairer l'esprit de votre texte, et tout particulièrement celui de l'article 12.

Cet article, constitué de trois parties complémentaires, ouvre à tous médecins, après accord du patient, d'une part, la possibilité d'accès aux informations relatives aux données issues des procédures de remboursement ou de prises en charge, détenues aujourd'hui par l'organisme de sécurité sociale, aux actes médicaux, produits et prestations de médecine de ville ou d'hospitalisation, ainsi qu'à leur niveau de prise en charge. D'autre part, il transfère un pouvoir de police aux établissements de santé en les autorisant à contrôler l'identité des assurés sociaux pour valider les soins.

Très concrètement, cet article propose, aux médecins et aux gestionnaires d'établissements de santé, d'exercer un contrôle social des assurés sociaux afin de vérifier la conformité de leur prise en charge socialisée et la validité de leur droit à bénéficier de soins.

Mais de quel délit, de quel crime accuse-t-on ainsi les assurés sociaux pour leur imposer une procédure de contrôle social draconien, que l'on retrouve dans chaque article depuis le début de l'examen de ce projet de loi ? Que sont-ils susceptibles de faire pour être à l'origine du changement de statut des professionnels de santé, qui passeraient du statut de bienfaiteur à celui de « gardien-contrôleur » des assurés sociaux ? Les assurés sociaux seraient-ils des fraudeurs en puissance ? Consommateurs nomades, véritables romanichels de la sécurité sociale, ils seraient la cause première des déséquilibres financiers de notre système de sécurité sociale.

Malheureusement pour votre gouvernement, cette explication simpliste ne tient pas. Dans une récente étude, la CNAMTS a évalué le niveau de ce nomadisme médical des assurés sociaux à 0,46 % ! Dans une étude à peine plus ancienne, l'IGAS évalue le résultat de la fraude à la sécurité sociale au score ridicule de un pour 100 000, soit à peu près les dettes des patrons à la sécurité sociale !

Seraient-ce alors ces fameux adeptes de l'arrêt de travail injustifié qui grèveraient les comptes de l'assurance maladie ? Ou encore ces usurpateurs de l'affection de longue durée, qui bénéficieraient injustement d'une prise en charge à 100 % par l'assurance maladie ? Là encore, la démonstration est difficile pour votre gouvernement. Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a lui-même admis dans son rapport que cet argument était mal fondé. Vous l'avez pourtant avancé dans vos discours !

Même si les indemnités journalières croissent en volume, les dépenses que cette progression entraîne pour l'assurance maladie sont faibles, à peine 7 % du total de ses dépenses. En outre, le rapport établit clairement que cette croissance résulte du vieillissement de la population active, puisqu'il fait apparaître que la fréquence et la durée des arrêts augmentent avec l'âge. Ce sont les plus de cinquante ans qui contribuent à la hausse du nombre d'arrêts de travail. Il y a donc un motif structurel à cette croissance, qui pourrait être imputable à la place de cette tranche d'âge sur le marché du travail, ainsi qu'à la gestion des carrières dans l'entreprise.

Enfin, s'il existe des arrêts de travail médicalement injustifiés, il convient de relativiser leur nombre. La CNAMTS, que l'on ne peut taxer d'être « pro-arrêts de travail », tant son président aspire à mettre en œuvre le contrôle des assurés sociaux, n'estime leur nombre qu'à 6 % du total des arrêts.

Quant à l'hypothèse qui consiste à laisser croire que des assurés sociaux peuvent se battre pour bénéficier d'une ALD, elle est tellement grotesque qu'elle ne mérite même pas que l'on s'y intéresse.

Mais alors de quel crime accuse-t-on les assurés sociaux ? Tout simplement de prétendre au bénéfice des avantages d'une société développée qui, à un moment de son histoire, a décidé de placer la santé de ses citoyens au centre de ses préoccupations, d'une société dans laquelle les progrès de la médecine ont permis des avancées sanitaires considérables.

C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, on saisit mal l'ensemble du processus de culpabilisation des assurés sociaux que vous mettez en place, tant dans votre communication gouvernementale en amont de la discussion de ce texte, que dans votre projet de loi. Alors que dans le même temps, ceux qui pourraient payer beaucoup sont dispensés de cet effort.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. L'article 12 traite d'un nouveau gadget de M. Douste-Blazy, tendant une fois de plus à cacher les responsabilités énormes du gouvernement Raffarin dans le trou, désormais abyssal, de la sécurité sociale. Il ne vise qu'à culpabiliser les Français, et les assurés sociaux en particulier qui, aux dires du ministre, seraient d'abord des fraudeurs. Tous posséderaient deux ou trois cartes Vitale, qu'ils n'hésiteraient pas à donner aux non-assurés, provoquant le trou la sécurité sociale.

Comme les Français sont également paresseux, il faut mieux contrôler les accidents du travail. Et comme ils sont aussi inconstants, la pratique du nomadisme médicalisée est courante.

Toute cette gesticulation est parfaitement inutile ! S'agissant de la carte Vitale, c'est complètement stupide : je détiens moi-même plusieurs cartes Vitale...

M. Édouard Landrain. Ce n'est pas bien !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. La carte Vitale ne mentionne pas de date de validité et il n'est pas demandé à l'assuré de restituer ses anciennes cartes. Je possède donc deux cartes Vitale, mais je ne me sers que d'une.

M. Édouard Landrain. Désormais ce ne sera plus possible !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Si l'on en croit, M. Douste-Blazy, je compte parmi les fraudeurs ! Vous voyez bien que cela ne fonctionne pas !

M. Richard Mallié. Faute avouée est à moitié pardonnée !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Je ne vous permets pas de me traiter indirectement de tricheuse !

M. Richard Mallié. Je n'ai jamais dit cela !

M. le président. Madame Robin-Rodrigo, rassurez-vous, vos propos dans l'hémicycle sont couverts par l'immunité ! (Sourires.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Immunité ou pas, je ne dis que la vérité, monsieur le président.

Autre gadget, la photo du titulaire va devoir figurer sur la carte. Savez-vous, mes chers collègues, que la carte de santé européenne ne prévoit pas de photo d'identité ? Voilà qui va coûter 20 millions d'euros, alors que nous devons faire des économies...

L'exposé des motifs évoque la nécessité d'une coordination des soins, mais rien n'est précisé dans le texte. Cette coordination passerait-elle par la carte Vitale ? Je ne le pense pas ! Par ailleurs, la carte Vitale est censée faire office de dossier médical, avant la mise en place de celui-ci. Mais, là non plus, rien n'est dit des conditions de cette utilisation, ni des garanties de confidentialité. Vous nous renvoyez à un décret !

Enfin, cet article prévoit que l'assuré doit justifier de son identité quand il se présente à l'hôpital. Voilà une grande nouveauté.

Bref, les dispositions de cet article relèvent du gadget, mais un gadget qui va coûter 20 millions d'euros aux Français. En guise d'économies vous pourriez mieux faire ! (« Très bien » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Édouard Landrain.

M. Édouard Landrain. Je comprends mal pourquoi toutes les interventions de nos collègues de l'opposition tournent autour de la fraude. Ce n'est pas le problème ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Marie Le Guen. Voilà qui est juste !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Demandez à M. Douste-Blazy !

M. Édouard Landrain. Contrairement à ce qu'affirme Mme Robin-Rodrigo, il s'agit de simplifier la vie de tous les Européens et de leur permettre de vivre avec leur temps.

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. Édouard Landrain. L'informatique aujourd'hui, vous n'y couperez pas, mais elle doit être contrôlée. De même que vous vous servez d'une carte bancaire, il faudra, en matière médicale, utiliser sa carte Vitale.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas une carte bancaire !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Et il n'y a pas de photo sur les cartes bancaires !

M. Édouard Landrain. C'est un problème de culture, à brève échéance, partout en Europe, la photo figurera sur toutes les cartes du type Vitale.

Le Royaume-Uni a prévu d'atteindre cet objectif, pour 50 millions de personnes, d'ici à 2010. C'est un renouvellement continuel. C'est exactement ce que nous voulons faire. Ne pas porter de photo sur une carte qui peut être utilisée par n'importe qui serait une ineptie !

De grâce, ne dites pas n'importe quoi ! Acceptez ce système moderne qui permet de simplifier les procédures.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. M. Landrain, mais malheureusement il n'est pas le seul, confond carte de sécurité sociale et carte de paiement !

M. Édouard Landrain. Je n'ai pas parlé de carte de paiement !

M. Claude Évin. La carte Vitale n'est pas une carte de paiement, c'est une carte d'identification des droits de l'assuré.

M. François Guillaume. Vous jouez sur les mots !

M. Édouard Landrain. Je me suis appuyé sur l'exemple anglais. J'ai d'ailleurs là un document que je peux vous donner ! (M. Landrain brandit un document. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Landrain, vous n'avez pas la parole !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous dites n'importe quoi : en Angleterre la médecine est gratuite ! Repartez faire un petit voyage, vous n'avez pas tout compris !

M. le président. Un peu de calme, je vous en prie ! Monsieur Évin, veuillez poursuivre.

M. Claude Évin. Je reconnais là votre autorité, monsieur le président.

Les exemples pris à l'étranger ne doivent pas nous induire en erreur. Dans le système français, on a choisi, pour des raisons fondées, de ne pas faire de la carte Vitale une carte de paiement : elle indique l'identité et les droits du patient.

Quant au problème des cartes en double, tant que chaque personne n'est pas identifiée par une carte et que les ayants droit peuvent figurer sur la carte de l'assuré, il est parfois inévitable, pour des raisons d'organisation familiale, d'avoir plusieurs cartes. Cette situation devrait...

M. Édouard Landrain. Être corrigée !

M. Claude Évin. ...disparaître lorsque chaque assuré social et chacun de ses ayants droit disposera d'une carte, comme ce sera le cas avec la deuxième génération de cartes Vitale.

Faut-il une photo sur ces cartes ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pour quoi faire ? Pour que le pharmacien, par exemple, puisse s'assurer qu'il délivre bien les médicaments au titulaire des droits ? Que se passe-t-il quand une personne âgée dépendante ou une personne qui ne peut pas se déplacer pour des raisons médicales envoie un tiers chercher la prescription ?

M. François Guillaume. C'est enfantin !

M. Maxime Gremetz. Il faut appeler le médecin !

M. Claude Évin. À quoi servira la photo sur la carte ? C'est une illusion complète ! Il est nécessaire qu'on puisse vérifier les droits, et nous ne nous y opposerons pas. Il nous semble utile et justifié qu'il faille présenter une pièce d'identité à l'hôpital, où des vérifications sont possibles, en cas de problème, durant l'hospitalisation du patient. En revanche, la photo n'a aucun sens pour les soins ambulatoires, et il est important de le rappeler une fois encore. Vous êtes dans l'illusion et dans l'agitation.

M. Philippe Vitel. Et vous, dans l'angélisme !

M. Édouard Landrain. Vous êtes en retard d'un siècle !

M. Claude Évin. Cette mesure va occasionner des dépenses supplémentaires, sans aucun effet.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. La carte Vitale...

M. Maxime Gremetz. Des cartes Vitale, moi, je peux en vendre ! Regardez !

M. Richard Mallié. Monsieur Gremetz, la carte que vous nous montrez permet l'ouverture des droits et la télétransmission de données. En 2006, toutes ces cartes seront remplacées par la deuxième génération des cartes Vitale.

M. Claude Évin. A quoi servira la photo ?

M. Richard Mallié. Nous souhaitons créer une pièce d'identité de santé, qui comportera une photo d'identité et une puce permettant de télétransmettre des données et d'accéder au dossier médical personnel. L'assuré ou le patient communiquera au professionnel de santé le code qui donnera à celui-ci accès aux données du patient et à son dossier médical personnel. L'esprit de cet article 12 ne me choque nullement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Presque toutes les interventions que nous avons entendues depuis le début de ce débat sont négatives. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) On n'a rien entendu de positif de la part de l'opposition !

M. Maxime Gremetz. Je ne vous permets pas de dire ça !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Le risque de fraude à la carte Vitale ne doit être ni surestimé, ni sous-estimé.

M. Jean-Marie Le Guen. Bravo ! C'est une position courageuse !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Tous les professionnels de santé connaissent des cas, même s'ils sont rares. Une étude sur le nombre d'étrangers aisés possédant une résidence secondaire en France et n'ayant aucune ressource dans ce pays, et relevant de la CMU serait intéressante - mais c'est un autre problème. La carte d'identité de santé, telle que le Gouvernement la propose, a tout son sens.

Par ailleurs, je ne suis pas choqué que les médecins ou autres professionnels de santé aient accès aux informations sur la nature des actes ou des prestations pris en charge par l'assurance maladie.

M. Jean-Marie Le Guen. Ça ne marche pas !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Selon M. Spaeth, ce dispositif sera en place à partir de janvier 2005.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est faux !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ce document, qui anticipera sur le dossier médical personnel, permettra à tous les professionnels de santé de se roder au fonctionnement de celui-ci. C'est un point important.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est faux !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. On pourra savoir, à l'aide d'un code, quelle intervention ou quel traitement a subi le patient dans les mois ou les années précédents. Le texte précise bien, en outre, que les professionnels ayant réalisé les actes codés sur le document ne seront pas identifiés. Il y a là un premier pas vers une meilleure coordination et une meilleure qualité des soins.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Plus nous avançons dans le débat, plus les choses sont claires : l'opposition est toujours d'accord sur les principes, mais jamais sur les modalités. On va finir par croire que sa position n'est, en fin de compte, pas tout à fait conforme à ses déclarations. Sans vouloir vous faire de procès d'intention, j'observe que, depuis douze articles, nous en avons la confirmation.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Cette loi est mauvaise !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur Le Guen, je le dis franchement, votre intervention relative aux propos du ministre de la santé n'était que caricature et déformation.

M. Jean-Marie Le Guen. Je suis en dessous de la vérité ! Il aurait mérité d'être poursuivi !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. C'est peut-être votre part de vérité, mais vous savez fort bien que tout ce qui est excessif devient insignifiant.

Madame Fraysse, vous demandez quel est l'intérêt de ce dispositif pour le patient et pour le médecin. Ce n'est qu'avec l'accord du patient que le médecin pourra avoir accès à ces informations mises en ligne par la CNAM.

M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas ce que dit le texte !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Si ! C'est écrit !

M. Jean-Marie Le Guen. Non !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Apprenez à lire !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. On pourra ainsi voir clairement quelle a été la consommation antérieure. Il est important de garder la mémoire des traitements antérieurs et d'éviter une forme de médication supplémentaire, voire une double médication. Ce dispositif est bon pour la santé et pour la qualité des soins. Peut-être permettra-il de réaliser des économies, mais le plus important est que l'information soit disponible au service de la qualité.

En la matière, monsieur Gremetz, il ne s'agit pas de culpabiliser les patients. Dans les deux éléments que contient cet article, c'est avant tout l'information qui est en jeu, et nullement la culpabilisation.

Monsieur Évin et Madame Robin-Rodrigo, vous ne souhaitez pas que la photo figure sur la carte Vitale.

M. Claude Evin, Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ça ne sert à rien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Votre choix est très clair, et je souhaite qu'il soit connu du plus grand nombre ! Vous êtes libres de dire que cela ne sert à rien, mais nous sommes convaincus du contraire. En effet, comme l'ont très bien dit M. Landrain et M. Mallié, cette carte doit évoluer pour devenir une véritable carte d'identité pour la santé. Or, il n'y a rien de surprenant ni d'inconvenant à ce qu'une carte d'identité porte une photo d'identité, d'autant que la carte Vitale sera la clé d'accès au dossier médical personnel.

Au Québec, cette mesure ne gêne personne, mais elle favorise l'appropriation - ce qui serait nécessaire pour la carte Vitale. J'en suis persuadé, et les parlementaires de la majorité avec moi. Les Français plébiscitent cette mesure, qui va dans le bon sens.

M. Édouard Landrain. Tous !

M. Jean-Marie Le Guen. La seule mesure sur laquelle vous pouvez vous appuyer, c'est celle qui a un relent de racisme !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Écoutez, ne serait-ce que quelques instants, monsieur Le Guen ! Au-delà de toute caricature, il faut remettre les choses en place : nous n'avons jamais dit que les dix millions de cartes Vitale en trop étaient la seule raison du déficit de l'assurance maladie. On voit bien que la carte Vitale pose de sérieux problèmes de gestion. M. Evin et Mme Robin-Rodrigo nous ont dit qu'ils avaient chacun deux cartes Vitale.

M. Maxime Gremetz. Moi aussi !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Il faut aussi préciser que 255 000 cartes Vitale déclarées perdues ou volées ont été utilisées. Je ne dis pas qu'elles font l'objet d'une utilisation frauduleuse, mais cette situation montre bien que nous devons faire évoluer le système de gestion de la carte Vitale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Chacun peut exprimer sa position, mais, encore une fois, nous pensons que nous pouvons à la fois avancer dans la lutte contre les excès, les abus et les fraudes, et mettre l'information au service du patient et de la relation entre le professionnel de santé et le patient. Voilà dans quelle direction nous avançons - nous verrons à quel rythme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président. Non, monsieur Gremetz. La discussion sur l'article est close. Vous pourrez vous exprimer sur les amendements.

M. Maxime Gremetz. Ne vous fâchez pas, monsieur le président ! Regardez comme je suis calme.

M. le président. Moi aussi, mais ça grogne et ça bout !

M. Maxime Gremetz. Et pourquoi donc ?

M. le président. Parce que vous commencez à m'énerver ! (Rires sur divers bancs.)

M. Maxime Gremetz. Je n'y peux rien : je prends pour les autres ! (Rires.)

M. le président. Je suis saisi de treize amendements identiques, nos 1060 à 1071 et 7020.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Pour répondre à propos de la carte Vitale, je n'aurai pas même besoin d'utiliser mes propres arguments.

M. le président. Je pense, monsieur Gremetz, que sur le vote de ces amendements vous allez demander un scrutin public.

M. Maxime Gremetz. Non, je ne pense pas.

M. le président. Alors, je le demande !

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

M. Maxime Gremetz. Écoutez bien cette déclaration relative à l'apposition d'une photo sur la carte Vitale : « Cette mesure aurait un coût relativement important, qui serait de l'ordre de 200 à 300 millions d'euros par an. » Vous allez me contredire, mais ce n'est pas moi qui le parle ! Je poursuis ma lecture : « Elle impliquerait également des contraintes et des délais d'organisation relativement complexes et objectivement, à la lumière des informations dont nous disposons aujourd'hui, assez disproportionnées au regard du bénéfice attendu ».

Qui dit cela, monsieur le secrétaire d'État ? Un de vos collègues, M. Jacob, au Sénat ! Je ne fais que citer le compte rendu intégral. C'est sur la base d'une étude qu'il a demandée à l'IGAS sur les fraudes - dont on a dit beaucoup de choses pas toujours sérieuses - que M. Jacob affirme que cette mesure coûterait très cher et ne rapporterait pratiquement rien. Vous avez tous les éléments : mettez-vous d'accord !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nos amendements tendent à supprimer l'article 12. Celui-ci s'inscrit dans une double démarche de culpabilisation des assurés sociaux. Il prévoit, d'une part, la divulgation aux médecins des informations relatives aux actes, aux prescriptions et aux prestations remboursés à l'assuré et, d'autre part, oblige l'assuré à attester de son identité.

Une fois de plus, vous proposez un article visant à contrôler les assurés sociaux dans leurs dépenses parce que vous considérez qu'ils sont responsables des déficits de l'assurance maladie. C'est un sous-entendu inacceptable, particulièrement de la part d'un Gouvernement qui prétend travailler pour la « France d'en bas » ! Il est d'autant plus irrecevable que, comme vous le savez, le motif de ce déficit n'incombe absolument pas aux assurés sociaux, mais bien à une logique sociale et économique qui dévalorise l'emploi et l'activité productive. Combien de fois faudra-t-il répéter que la raison essentielle des déficits vient de la hausse du chômage en France, qui génère un manque à gagner phénoménal pour l'assurance maladie ?

Mais cet article ne se contente pas de participer au concert de culpabilisation des usagers de soins que votre texte organise.

Il offre la possibilité aux médecins d'avoir accès à une information qui n'a pas de valeur médicale. Je vous le redis, monsieur le secrétaire d'État : je ne vois pas du tout ce qu'un professionnel de la santé peut recueillir comme information médicale, dans l'intérêt de son patient, en apprenant quelles sont les prestations remboursables dont celui-ci a bénéficié. Dès lors qu'il y a le dossier médical personnel et le fameux médecin traitant pour coordonner les traitements en cours, il n'est nul besoin de placer le médecin dans une position qui n'a rien à voir avec son activité professionnelle. Il ne faut pas confondre l'accès à l'information sur les pathologies et les traitements des patients, laquelle est nécessaire au diagnostic médical et à la prescription, avec l'accès à l'information sur les prestations remboursées par la sécurité sociale, qui n'a rien à voir avec ce dont le médecin a besoin. Cela place le médecin dans une logique policière. J'ose à peine le dire, mais c'est vrai.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas une exagération que de le dire !

Mme Jacqueline Fraysse. Pourquoi le médecin devrait-il connaître ce que le patient a dépensé le mois dernier ? Cela ne le regarde pas !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Le relevé de données ne concerne pas les dépenses, mais les actes !

Mme Jacqueline Fraysse. C'est une information actuellement détenue par les seules caisses primaires d'assurance maladie, dans le cadre du remboursement des soins aux malades.

N'y aurait-il pas autre chose en vue dans cette démarche ? Allez-vous transformer le médecin en technicien de la sécurité sociale, en gendarme de ses patients pour le compte de l'assurance maladie ou pour le compte des complémentaires de santé ayant passé avec lui une convention ? Faut-il établir un lien entre l'objet de ce texte et votre volonté implicite de forfaitiser la prise en charge des malades par l'assurance maladie ? Autant de questions que nous nous posons très légitimement.

Enfin, votre texte établit l'obligation de rendre compte de son identité pour bénéficier de soins. Cette dernière proposition, pour aussi policière qu'elle soit, n'en est pas pour autant surprenante étant donné le contexte dans lequel elle est émise. Comme l'essentiel des patients sont pour vous des escrocs potentiels, je me demande, monsieur le secrétaire d'État, si vous ne devriez pas donner des pouvoirs de police aux établissements de santé et de soins. Cela faciliterait votre démarche et vous permettrait de mieux contrôler. Il faudrait aussi donner une formation complémentaire aux médecins en matière de police car, pour le moment, je peux témoigner, en tant que médecin, que nous ne sommes pas formés pour ça.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Notre amendement n° 7020 tend à supprimer l'article 12. Celui-ci est inacceptable en l'état.

Monsieur le secrétaire d'État, vous nous dites que la carte Vitale doit devenir, à terme, la carte d'identité santé. Mais où se trouve cette disposition législative dans le projet de loi ? C'est quoi, la carte d'identité santé ?

L'article 2 a mis en place le dossier médical personnel, document détenu par un hébergeur et qui contient des données médicales. Nous avons indiqué les conditions de sécurité, au regard de la protection des personnes, qu'il fallait introduire à cet article.

À l'article 12, il s'agit d'avoir accès à des informations administratives concernant la consommation de soins, à des actes codifiés de manière anonyme, compte tenu de l'information médicale qu'ils peuvent contenir. Il sera possible d'avoir accès à des actes codifiés selon la nomenclature, mais non au résultat de l'acte lui-même. Ainsi vous saurez qu'il y a eu un acte d'imagerie médicale, ou de biologie, mais vous ne pourrez pas avoir accès à l'information obtenue par un tel acte.

Je crois qu'il est bien que cela ne soit pas possible. Mais quand vous allez plus loin et que d'autres collègues de la majorité, tel M. Mallié, envisagent une carte d'identité de santé, je tiens à préciser que c'est de l'ordre du fantasme, peut-être du rêve, car je ne l'ai pas vu dans le texte. J'aimerais que vous m'apportiez des explications. Car si c'est ce que vous envisagez à l'article 12, il vaudrait mieux éclairer la représentation nationale et les Français sur ce point.

Pour le moment, j'ai cru comprendre qu'il ne s'agissait que de pouvoir accéder à une connaissance de la consommation d'actes dans le cadre de l'assurance maladie, sous réserve des doutes émis par M. Le Guen quant à la mise en marche du dispositif. Cela tempère considérablement les propos de M. Mallié et de M. Landrain sur l'utilité de la photo qui serait apposée sur cette carte.

Sur ce point, monsieur le secrétaire d'État, pas de faux procès : je vous ai dit que nous étions tout à fait favorables à un certain nombre de contrôles.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Oui, mais pas trop ! Vous êtes d'éternels laxistes !

M. Claude Évin. Messieurs, tout le débat que vous lancez sur la fraude à la carte Vitale n'est pas arrivé par hasard. M. Douste-Blazy a utilisé le plus grand média qui existe, le journal télévisé de vingt heures, pour pouvoir stigmatiser cette fraude. Ne venez donc pas nous dire aujourd'hui que c'était secondaire. Si l'enjeu n'était pas aussi important, pourquoi l'a-t-il brandi de la sorte ?

Mme Jacqueline Fraysse. Bien sûr !

M. Claude Évin. Vous pouvez toujours instaurer la carte d'identité santé, mais la photo ne servira à rien. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Arrêtez de nous divertir avec l'histoire de la photo, ce n'est pas cela qui va régler quoi que ce soit.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, comme vous avez tenu à dire que je vous avais informé, en aparté, que je détenais deux cartes Vitale,...

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Moi aussi, monsieur Évin !

M. Claude Évin. ...je tiens d'abord à vous signaler que je ne vous l'avais pas dit pour que ce soit publié au Journal officiel. Je peux me permettre à mon tour de révéler que vous m'aviez confié en avoir deux.

M. Édouard Landrain. Il vaut mieux en avoir deux que pas du tout !

M. Richard Mallié. Moi aussi, j'en ai deux !

M. Claude Évin. J'ai un enfant qui est ayant droit de mon inscription à l'assurance maladie. En tant que parlementaire, je suis malheureusement plus souvent à Paris que dans ma circonscription où vit cet enfant avec mon épouse. J'ai donc deux cartes Vitale pour des raisons de commodité.

Chacun voit bien que tout ce débat lancé par le ministre, sur une situation qui serait scandaleuse, avec je ne sais combien de milliers de doublons de cartes Vitale, se dégonfle comme une baudruche lorsqu'on examine attentivement les faits.

Mme Jacqueline Fraysse. Et vous, monsieur Bur, vous en avez combien ?

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Une seule !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. L'avis du Gouvernement est défavorable.

L'intervention de M. Évin est un plaidoyer en faveur du dossier médical personnel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Claude Évin. Nous n'avons jamais été contre !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Mais vous avez voté contre !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur Évin, vous vous êtes demandé à quoi servira le dispositif prévu à l'article 12. Je vais vous donner deux exemples. Il réduira les risques liés aux doubles prescriptions médicamenteuses et aux surprescriptions. Cela me semble important pour un professionnel de santé. Il permettra aussi au médecin de mieux connaître le parcours de soins du patient, et notamment les consultations de spécialistes. Ce dispositif va simplifier l'accès à ces informations.

Par ailleurs, je voudrais rappeler l'utilité d'apposer une photo sur cette carte Vitale.

Vous qui avez plaidé comme nous pour une plus grande sécurisation et pour une plus grande confidentialité, reconnaissez qu'il vaut mieux avoir une photo pour être sûr que la personne qui présente une carte pour avoir accès au DMP, dont elle est la clé d'accès, en est bien la détentrice légitime.

Par ailleurs, monsieur Gremetz, je tiens à votre disposition le rapport de l'IGAS, en date du 27 avril 2004. Il montre qu'il y a différentes possibilités pour apposer la photo sur la carte Vitale. S'agissant du coût de cette opération, des chiffres avaient été avancés à l'époque, dont une proposition à 300 millions d'euros. Je sais que c'est un sujet qui tient particulièrement à cœur au président de la commission spéciale, M. Yves Bur, qui avait déjà lancé ce débat dans le cadre du dernier PLFSS. Il y avait mis tout son cœur et toute sa ténacité. Il existe aussi une proposition à 160 millions d'euros. Le Gouvernement a retenu celle à 35 millions d'euros. Je me méfie parfois des évaluations ou des estimations car je sais que le mieux peut être l'ennemi du bien. À 35 millions d'euros, le jeu en vaut la chandelle. Il faut donc la photo sur la carte Vitale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Je livre à nos collègues de l'opposition deux sujets de réflexion.

Dans ma région, des cartes Vitale se louent 250 euros par jour. Je soumets cette information à votre sagacité.

En outre, quand vous étiez au gouvernement, n'aviez-vous pas décidé de la gratuité de la carte nationale d'identité ? Nous ferons la même chose pour la carte d'identité de santé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Le I de l'article 12 ne concerne en rien la fraude, seul le II peut s'y rapporter.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Tout à fait, nous y reviendrons.

M. Jean-Marie Le Guen. Dans sa rédaction actuelle, ce II ne nous pose pas de problème. Mais nous considérons que le Gouvernement, en acceptant l'idée de la photo, est en train de développer, pour des raisons inutiles, le fantasme, déjà soigneusement orchestré, selon lequel un certain nombre d'étrangers - car c'est bien ce que sous-entendait M. Mallié - se feraient indûment soigner en France.

Mes chers collègues, il peut y avoir des trafics, mais s'il y en a, ce n'est pas une photo qui y mettra fin. Car s'ils sont aussi importants que le dit M. Mallié - qui ne nous a d'ailleurs pas dit à combien se louait la carte de l'UMP (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) -, et si la carte Vitale se loue vraiment au prix qu'il nous a indiqué, nous aurons tout autant de fausses cartes qu'avant. Car de toute façon, si jamais c'était une carte de paiement - comme vous le pensez, bien que ce ne soit pas le cas -, à un tarif aussi élevé, il y aurait des fausses cartes, et l'on se retrouverait dans la même situation.

Les résidents constituent 97 ou 98 % des personnes présentes sur le territoire national. Car combien y a-t-il de personnes en situation irrégulière ? Quelques-unes, sans aucun doute, mais peu par rapport aux 60 millions de résidents qui bénéficient depuis 1997 d'une égalité d'accès aux soins, avec la couverture maladie universelle. On a donc affaire à un pur fantasme.

On veut nous faire croire que tout le monde n'a pas les mêmes droits. Si, nous avons tous les mêmes droits.

On va demander à tous ces Français de mettre leur photo sur leur carte Vitale. Cela va avoir un coût, qui n'est même pas évalué dans le plan. Peu importe si c'est 35 millions, nous y reviendrons en temps et en heure. Mais le problème n'est pas là. Le problème, c'est qu'il va falloir demander à 60 millions de Français - et je dis bien à 60 millions, c'est-à-dire y compris aux enfants - de se rendre dans un lieu particulier pour aller faire vérifier leur photo. Eh oui ! Parce que vous n'allez tout de même pas laisser n'importe qui mettre sa photo sur une carte Vitale, n'est-ce pas ?

M. Yves Bur, président de la commission. Ils pourront se rendre chez les buralistes, par exemple. (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Chez les buralistes, très bien ! Oui, voilà un bon lieu d'éducation à la santé.

M. le président. Merci, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Les buralistes sont, comme chacun sait, des officiers de police judiciaire ayant vocation à vérifier l'identité des personnes ! En fait on enverra 60 millions de personnes faire la queue dans les commissariats...

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. C'est grave, ce que nous a dit le secrétaire d'État. Il nous a dit qu'il ne faut jamais tenir compte des études qui sont faites. On a parlé de 300 millions, mais le Gouvernement, lui, il va réussir à abaisser le coût à 35 millions. C'est formidable ! Ne tenons pas compte des études de faisabilité et de mise en place !

Je vous fais observer, monsieur le secrétaire d'État, que vous venez de contredire, et vous contredisez toujours, deux ministres. Le premier est M. Mattei. Comme il n'est plus membre du Gouvernement, je comprends que vous puissiez le mettre en cause. Mais le deuxième est M. Jacob, qui est toujours ministre, et qui dit exactement l'inverse de ce que vous dites. Il dit quelque chose que vous oubliez. Car il n'y a pas que le coût qui fait problème. Trois cents millions, c'est cher, mais en plus, il dit qu'au vu de l'étude qui a été faite, cette mesure ne rapporterait pratiquement rien. Et vous, combien vous dites que cela va rapporter ?

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques nos 1060 à 1071 et 7020, tendant à la suppression de l'article 12.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur les amendements identiques nos 1060 à 1071 et 7020 :

              Nombre de votants 48

              Nombre de suffrages exprimés 48

              Majorité absolue 25

        Pour l'adoption 6

        Contre 42

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1675, relatif à l'assurance maladie :

Rapport, n° 1703, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission spéciale.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le samedi 10 juillet 2004, à zéro heure vingt.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot