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Première séance du samedi 10 juillet 2004

22e séance de la session extraordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

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ASSURANCE MALADIE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie (nos 1675, 1703).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée aux amendements identiques nos 3052 à 3063 à l'article 12.

Article 12 (suite)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir ces amendements.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, monsieur le secrétaire d'État à l'assurance maladie, mes chers collègues, ces amendements visent à supprimer la première partie de l'article 12, qui est assez peu compréhensible.

Quel intérêt y a-t-il à faire connaître au médecin le taux de remboursement des soins qu'il prodigue à son patient, si ce n'est pour le culpabiliser ? Il n'est pas question ici de coordination, comme le prétend le Gouvernement, ni de qualité ou d'efficacité de soins, mais bel et bien de pure comptabilité. S'il était question de coordination des soins, le DMP devrait suffire et le Gouvernement ne rédigerait pas son projet en demandant « que le patient rende accessible à un médecin le relevé de l'ensemble des opérations de paiement effectuées pour son compte par l'assurance maladie ». Je vous rappelle que, hier, au cours de la discussion, on nous a objecté que tel n'était pas l'objet de cet article.

D'une façon générale, celui-ci participe d'une même logique d'ensemble : culpabiliser le patient pour mieux le faire payer.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission spéciale, pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 3052 à 3063.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 3052 à 3063.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3052 à 3063.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 7568 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 59.

La parole est à M. François Guillaume, pour le soutenir.

M. François Guillaume. Puisque la fraude à la carte Vitale existe, n'en déplaise aux membres de l'opposition, il faut lutter contre elle. Les médecins hospitaliers, le personnel des hôpitaux et les médecins de ville le reconnaissent : ils sont involontairement complices de la fraude, puisqu'ils ne peuvent pas demander à leurs patients de prouver leur identité.

M. Claude Évin. C'est extraordinaire !

M. Jean-Marie Le Guen. Ils sont docteurs en médecine, ils ont bac plus douze, et ils sont complices de la fraude ? Bravo !

M. Richard Mallié. C'est malin, monsieur Le Guen !

M. Philippe Vitel. Il commence fort !

M. François Guillaume. C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que les médecins puissent vérifier l'identité de leurs patients.

Certes, les médecins sont les premiers à nous dire que ce n'est pas leur rôle. Mais, puisqu'ils distribuent des soins, par conséquent des services, ils sont, à ce titre, sûrs d'être rémunérés. En contrepartie de cet avantage, ne peut-on leur demander qu'ils vérifient la carte d'identité de leurs malades, en attendant que la carte Vitale comporte une photo, comme certains de nos collègues l'ont réclamé hier soir ?

M. le ministre nous a d'ailleurs indiqué que cette mesure ne coûterait pas autant que le prétendait l'opposition.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

M. Guillaume l'a dit lui-même : conformément à une disposition que nous avons votée, la carte Vitale comportera une photo à partir de 2006.

En outre, les médecins refuseraient d'opérer ce contrôle auquel ils ne sont pas préparés et pour lequel, actuellement du moins, ils ne sont pas assermentés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Je trouve l'intervention de M. Guillaume très caractéristique de la manière dont certains parlementaires de la majorité abordent ce sujet. Sans reprendre chacun de ses propos, je relèverai dans son intervention deux clichés qu'il importe de battre en brèche.

M. Guillaume nous explique d'abord que les médecins hospitaliers ou libéraux sont nombreux à se dire complices malgré eux de certaines fraudes à la carte Vitale. Je trouve cette affirmation extraordinaire ! Si les médecins sont témoins de fraude à la carte Vitale, que ne saisissent-ils les caisses de sécurité sociale ?

M. Hervé Mariton. Vous savez bien que ça ne se fait pas !

M. Jean-Marie Le Guen. Ils sont complices de leur plein gré, alors ! (Sourires.)

M. Claude Évin. M. Guillaume nous dit ensuite que les médecins sont sûrs d'être rémunérés. Je rappelle que la carte Vitale n'est pas une carte de paiement.

M. François Guillaume. On en a déjà parlé hier !

M. Claude Évin. Tant que les assurés sociaux paient d'abord les professionnels de santé et se font ensuite rembourser par la sécurité sociale, les professionnels de santé n'ont aucune crainte à avoir en ce qui concerne leur rémunération.

M. Guillaume nous ferait gagner du temps en sériant ses arguments !

M. le président. Autant que je me souvienne de ma carrière de magistrat, un article du code de procédure pénale dispose que « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit, est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. » Il s'agit là d'une obligation légale.

M. Claude Évin. Parfaitement !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Certes, monsieur le président, mais le serment d'Hippocrate, également très présent au cœur de tous les médecins, leur fait obligation de soigner tous les patients, quelle que soit leur identité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 3064 à 3075.

Ces amendements tendent à la suppression du deuxième alinéa de l'article 12. Peut-on considérer qu'ils sont défendus ?

M. François Liberti. Non, monsieur le président, nous souhaitons les défendre.

M. le président. La parole est à M. François Liberti pour soutenir ces amendements.

M. François Liberti. Il s'agit de supprimer le deuxième alinéa de cet article qui procède à la réécriture du deuxième paragraphe de l'article L. 161-31 du code de la sécurité sociale, lequel prévoit que, dans l'intérêt de la santé du patient, la carte Vitale comporte un volet santé destiné à recevoir les seules informations nécessaires aux interventions urgentes ainsi qu'à la continuité et à la coordination des soins.

Ainsi, monsieur le ministre, après avoir instauré au paragraphe précédent le principe d'une information des médecins sur le niveau de prise en charge de leurs patients par l'assurance maladie, vous faites semblant de restreindre le périmètre de connaissance de cette information. Sur un plan médical, quel serait l'intérêt pour le médecin d'avoir connaissance des données issues de la procédure de remboursement ou de la prise en charge dont bénéficient les patients ? Certainement aucun. Sur le plan de la qualité et de la coordination des soins ? Aucun non plus. La connaissance du niveau de prise en charge des patients n'améliore pas la qualité des soins qui leur sont dispensés, non plus que la coordination des praticiens, et ce d'autant moins que le Gouvernement a instauré le recours au médecin référent et tient en embuscade le dossier médical partagé.

En revanche, cette information est très utile si l'on veut mettre en œuvre une politique de rationnement de la prise en charge des soins actée et organisée par les médecins eux-mêmes, bien que je doute de leur volonté de la mettre en place. Par cet article, vous semblez avoir l'ambition de faire du médecin référent - « passage obligé » des patients, selon les termes de votre réforme - le « contrôleur sécurité sociale » du périmètre de prise en charge socialisé, malade par malade.

Comment ne pas penser un instant que l'information que vous comptez porter à leur connaissance, qui aujourd'hui relève uniquement de la maîtrise des caisses primaires de sécurité sociale et sert à la pratique de la médicalisation des dépenses de santé, servira au bout du compte au contrôle des assurés sociaux ?

En fait, dans le cadre d'une grande réorganisation de notre système d'assurance maladie, vous donnez aux médecins de nouvelles prérogatives n'ayant rien à voir avec l'exercice de leur métier, afin d'assurer la maîtrise médicalisée des assurés et de renforcer le rationnement comptable des prestations.

Telle est au fond la logique principale qui sous-tend le texte proposé. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d'en supprimer le deuxième alinéa.

M. Maxime Gremetz. Très bien !

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables aux amendements nos 3064 à 3075. Ils se sont largement exprimés sur ce point.

M. François Liberti et M. Maxime Gremetz. Non, monsieur le président. Ils n'ont rien dit à ce sujet.

M. le président. Ils se sont exprimés hier soir.

M. François Liberti. Non, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Liberti, vous n'étiez pas présent hier soir ; moi, si !

M. François Liberti. Je n'étais pas présent, mais je sais ce qui s'est dit !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3064 à 3075.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 7569 n'est pas défendu.

Je suis saisi de deux amendements, nos 99 et 7717, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 99.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'amendement propose que les principaux éléments des protocoles de soins des affections de longue durée puissent être consultés en ligne par les médecins. Il s'agit, là encore, d'assurer la coordination des soins et d'améliorer leur qualité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je serai bref, car j'espère une réponse du Gouvernement.

J'aimerais que M. le ministre nous explique comment seront appliquées toutes les mesures de protection, notamment en ce qui concerne le secret médical et la confidentialité, que nous avons mises en œuvre pour le DMP.

En outre, nous aimerions connaître la nature du logiciel qui sera utilisé par les praticiens, la banque de données qu'ils consulteront et les consignes qui leur seront données. Il serait normal que nous en soyons informés, alors que l'on propose aujourd'hui d'ouvrir certaines informations à des personnes indéterminées, comme par exemple les médecins du travail.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Nous souhaitons, nous aussi, poser ces questions. Mais je voudrais également prolonger un échange.

Monsieur le ministre, je vous ai donné l'avis d'un ministre qui n'était pas de votre bord. Vous m'avez répondu par l'avis d'un autre ministre. Pour compléter le tableau, je voudrais vous citer l'opinion de M. Mattei, lorsqu'il était ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, au sujet de la présence d'une photo sur la carte Vitale : « le Gouvernement a donné des instructions pour qu'une photo et la liste des ayants droit puissent figurer sur les attestations de CMU. Pour la carte Vitale, le problème est beaucoup plus complexe. Tout d'abord, la photographie des titulaires ne suffirait pas. Il faut aussi penser aux ayants droit. Ensuite, la gestion d'un tel dispositif coûterait très cher. »

On ne peut pas dire, je pense, que M. Mattei ne connaissait pas son dossier. Mais le ministre actuel, lui, semble avoir complètement oublié le problème des ayants droit !

Si cette mesure devait passer, messieurs les ministres, je vous suggérerais de créer des brigades de contrôle des cartes Vitale dans les pharmacies et les hôpitaux. Au moins, cela créerait de l'emploi !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Les dispositifs qui permettent de garantir la confidentialité sur Internet existent déjà. La consultation des comptes bancaires ou la déclaration de l'impôt sur le revenu, par exemple, sont sécurisées. M. Le Guen serait bien le seul à ignorer l'existence de ces procédures.

Quant au fichier de données, il existe déjà et il est consultable par les assurés : c'est le fichier de données de remboursement de la CNAM.

M. Jean-Marie Le Guen. Comment s'appelle-t-il ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ameli. fr, monsieur Le Guen.

Par ailleurs, je veux dire à M. Gremetz - et j'en profite pour répondre également à M. Guillaume - que nous souhaitons mettre en place un dispositif qui permette de s'assurer que le porteur de la carte Vitale en est également le propriétaire. Certes, des notes - il y a toujours des notes qui traînent - ont évalué le coût de cette mesure à 600 millions, mais l'ensemble des cartes Vitale doivent être renouvelées d'ici à un an et demi. C'est l'occasion ou jamais de les transformer en cartes d'identité de santé comprenant des données biométriques, c'est-à-dire non seulement la photo du propriétaire, mais également ses empreintes.

M. Jean-Marie Le Guen. Les empreintes ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Tout le monde sait quels sont les éléments de base de la biométrie, monsieur Le Guen ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Enfin, monsieur Gremetz, cette carte sera individuelle, et le Conseil d'État sera très clair sur ce point. Chaque assuré, y compris les enfants, disposera de sa propre carte. Pour ces derniers, elle sera confiée à leurs parents jusqu'à l'âge de leur majorité.

M. Maxime Gremetz. Cela fera beaucoup de cartes par famille, et on pourra tricher plus facilement !

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Monsieur le ministre, il serait utile que vous nous apportiez des précisions sur l'information que vous venez de nous donner selon laquelle la carte Vitale comprendrait non seulement la photo de son titulaire - nous avons déjà dit ce que nous en pensons -, mais aussi ses empreintes. Il ne suffit pas de nous renvoyer à la définition de la biométrie.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est pourtant de cela qu'il s'agit !

M. Claude Évin. Nous faisons la loi, monsieur le ministre. J'aimerais donc que vous indiquiez sur quelle base législative vous envisagez de prendre cette mesure et de quelles empreintes il s'agit, car dans le domaine de la santé, il en existe plusieurs types. Vous m'accorderez, monsieur le président, qu'il s'agit d'une question très importante sur laquelle l'Assemblée a besoin d'être éclairée.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Avec quelle énergie nos collègues socialistes s'opposent à tout contrôle opérant de la carte Vitale ! Là encore, il faut savoir ce que l'on veut. Cette carte doit être contrôlée dans le respect des libertés publiques. À cet égard, il me paraît indispensable - nous avons évoqué ce point lors de l'examen de l'article 2 - que la carte soit accompagnée d'un code qui permette à son titulaire d'en maîtriser l'usage, car le dispositif de la double entrée ne suffit pas dans l'hypothèse où la carte aurait été perdue ou volée. Mais il convient également de mettre en place, dans le respect des libertés publiques, les outils qui permettent de contrôler le dispositif de la carte Vitale. Il est tout de même très curieux que, lorsqu'une proposition est faite en ce sens, nos collègues socialistes crient : « Haro ! ». À l'évidence, ils ne souhaitent pas qu'un tel contrôle voie le jour. En langage plus direct, ils justifient et légitiment les abus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. C'est de la provocation !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur Évin, nous avons décidé que la carte Vitale comporterait des données biométriques...

M. Claude Évin. Sur quelle base législative ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ... et nous sommes en train d'étudier lesquelles. Vous serez mis au courant en temps voulu.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est incroyable !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je vous rassure : le dispositif ne portera atteinte à aucune liberté individuelle. En tout cas, il est important qu'il soit mis en place. Du reste, il existe déjà dans de nombreux pays.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Je rappelle, sous réserve d'une expertise précise des textes, qu'il existe une législation relative aux empreintes en matière de santé. Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, sur quel fondement juridique vous avez décidé d'introduire les empreintes dans la carte Vitale. Vous n'avez pas répondu sur ce point. Nous y reviendrons, mais je constate que vous nous annoncez qu'une décision a été prise alors qu'elle devrait avoir un fondement législatif.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce que dit le ministre relève du mythe. Les fichiers de la sécurité sociale sont, Dieu merci, anonymes, et quand ils ne le sont pas, ils ne mentionnent pas la pathologie mais la codification de l'acte, de sorte que l'on est incapable de savoir de quoi il s'agit. Quoi qu'il en soit, le site ameli. fr n'y donne pas accès. En revanche, dans dix-huit mois, les médecins pourraient accéder à ces informations par l'intermédiaire du fichier Image. Or, celui-ci ne recense que les ressortissants du régime général. Il y aurait donc une rupture d'égalité devant la loi. Je le précise, car, bien entendu, nous saisirons le Conseil constitutionnel. En outre, le détenteur de la carte Vitale pourrait avoir accès aux informations médicales des membres de sa famille, notamment de ses ayants droit mineurs.

Monsieur le président, nous pourrions consacrer la matinée à débattre de ce sujet. La proposition du Gouvernement est une insulte aux libertés individuelles. On se croirait aux frontières des États-Unis, questionné par la CIA. C'est un système de surveillance grotesque dénué de tout fondement juridique. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour clôturer ce débat.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je me conterai de citer l'article L. 161-31 du code la sécurité sociale, monsieur le président : « Le contenu de la carte, les modalités d'identification de son titulaire et ses modes de délivrance, de renouvellement, de mise à jour et d'utilisation sont fixés par décret en Conseil d'État. »

M. le président. L'amendement n° 7717 n'est pas défendu.

Je mets aux voix l'amendement n° 99.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 100 et 7 601.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 100.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. L'amendement n° 7601 n'est pas défendu.

Je mets aux voix l'amendement n° 100.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8118.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. Le Gouvernement est en train de mettre en place un dispositif sans aucune précaution, alors que nous avons consacré un long moment à verrouiller le DMP. Cet amendement permettrait d'assurer un minimum de sécurité juridique et de respect des libertés publiques, puisque nous proposons que le Conseil d'État et la CNIL soient saisis pour expertise de ce dispositif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable, car cela est déjà prévu dans le projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le projet de loi prévoit, en effet, qu'un décret sera pris en Conseil d'État, après avis de la CNIL. Je suggère donc à ses auteurs de retirer cet amendement.

M. Jean-Marie Le Guen. Je le maintiens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8118.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 101.

La parole est à M. le président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie, pour le soutenir.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie. Nous abordons la question de la présence de la photographie sur la carte Vitale, proposition dont je suis à l'initiative. Il me semble, en effet, que la carte Vitale de deuxième génération doit devenir une carte personnelle de santé donnant accès au dossier médical personnel. J'ai fait cette proposition l'an dernier, pour renforcer la personnalisation de la carte. Par son impact symbolique, cette mesure permettra de mieux responsabiliser les assurés et, accessoirement, de lutter contre les utilisations frauduleuses. La culture du contrôle n'a jamais été le fort de l'assurance maladie. C'est pourquoi nous sommes obligés de mettre en place de telles procédures.

J'ajoute que nous examinerons ultérieurement un amendement qui m'a été proposé par l'association des directeurs de caisses d'assurance maladie et qui tend à permettre au service du contrôle médical de s'assurer de l'identité de l'assuré contrôlé. Une telle suggestion de la part de l'assurance maladie révèle bien qu'il y a un problème qu'elle a longtemps nié.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la carte Vitale donne également accès au remboursement par les complémentaires. Celles-ci sont donc également victimes de la fraude, en particulier dans le secteur dentaire et dans celui de l'optique. Ainsi, mes anciens associés m'ont rapporté que certains patients demandaient que leurs soins dentaires soient pris en charge par la carte Vitale de leur compagne, pour bénéficier d'un meilleur remboursement complémentaire.

En ce qui concerne le coût de la mesure, je confirme les estimations que Xavier Bertrand vous a données hier, soit un montant de 30 à 35 millions d'euros.

Selon les fabricants que j'ai consultés, ce coût serait de l'ordre de 50 centimes d'euros par carte, ce qui, pour 10 millions d'assurés, représenterait une dépense globale de 20 millions d'euros.

M. Maxime Gremetz. Oh là là !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Sur la base de ces chiffres, qui sont acceptables, je propose l'apposition de la photographie sur la carte Vitale.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. C'est extraordinaire. Il y a un instant, le ministre nous annonçait, ex abrupto, que la carte Vitale allait être assortie de données biométriques - peut-être d'empreintes génétiques, ou que sais-je encore, comme si la décision était déjà prise. Et lorsqu'on lui demande sur quel fondement légal il s'appuie pour faire cette annonce, il répond que c'est un article du code de la sécurité sociale qui lui permettra de prendre cette mesure par décret.

Or, maintenant, on soumet à notre assemblée la proposition consistant à doter la carte Vitale d'une photographie. Si la sécurisation par empreintes biométrique peut être introduite par décret, je ne vois pas l'utilité de demander au législateur son accord pour une simple photographie. C'est une incohérence - une de plus, suis-je tenté de dire. Ne confondez pas, monsieur le ministre, le relevé de vos incohérences avec un désaccord sur la nécessité de maintenir un système d'assurance maladie fondé sur la solidarité nationale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. J'insiste sur le fait que le site Ameli ne permet d'accéder à aucune information médicalisée. C'est un site ouvert, qui ne comporte aucune protection, et j'en prends à témoin tous ceux qui le consultent. Sur ce point, je conteste donc formellement les propos de M. le ministre.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Il ne faut pas dire une chose et son contraire,...

M. Hervé Mariton. On ne vous le fait pas dire !

M. Maxime Gremetz. ...comme l'a démontré M. Évin il y a quelques instants. Si vous n'avez pas besoin d'inscrire dans la loi l'apposition d'une photographie, pourquoi le faites-vous ?

M. Claude Évin. C'est pour faire de la gymnastique !

M. Maxime Gremetz. Je suis très étonné qu'un simple changement de ministre - le Gouvernement étant toujours le même - se traduise par des appréciations totalement opposées sur la nécessité de faire figurer une photographie sur la carte Vitale. Aujourd'hui, on nous annonce les empreintes biométriques, et demain, ce sera quoi ? Il faudra faire appel à la police ? Comme le dit fort justement M. Mattei, d'une part la fraude - que l'on est incapable de quantifier - n'explique pas tout et,...

M. François Liberti. Ce n'est pas l'aspect essentiel !

M. Maxime Gremetz. ...d'autre part, l'apposition d'une photographie sur la carte Vitale ne saurait tout résoudre, car le problème est beaucoup plus complexe. En effet, la photographie du titulaire ne suffirait pas : il faut également penser aux ayants droit. Selon vous, chaque assuré disposera de sa propre carte. Imaginez-vous ce que cela peut donner pour une famille neuf enfants : onze cartes Vitale en tout ! Est-ce ainsi que vous comptez lutter contre la fraude ?

Pour ce qui est du coût de l'opération, de 300 millions, on est tombé à 35 millions.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'était de la désinformation !

M. Maxime Gremetz. Traitez-vous M. Mattei de menteur ?

M. Mattei a ajouté qu'indépendamment de sa création, la gestion d'un tel dispositif coûterait également très cher.

M. Jean-Marie Le Guen. Et le président de la CNAM, c'est un menteur, lui aussi ?

M. Maxime Gremetz. Le fait, pour un ministre, de critiquer et de remettre en question tout ce qu'a fait son prédécesseur, je trouve que ce n'est pas sérieux. Par ailleurs, cette annonce montre bien que votre objectif est d'aller vers un Etat policier.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Mais non !

M. Maxime Gremetz. Quel mépris pour M. Mattei !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. M. Bertrand a déjà largement répondu à M. Gremetz. Quant au site Ameli, je propose que nous allions tous le consulter après la levée de la séance. Chacun pourra ainsi vérifier que tout assuré peut, avec un code personnel, consulter ses relevés de remboursement des deux dernières années.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Il a été dit - et cela sera consigné au compte rendu des débats - que le président de la CNAM est un menteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Toujours aussi modéré, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Je veux également insister sur le fait que M. le ministre a essayé de faire financer cette mesure par la Caisse nationale d'assurance maladie.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 101.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 102 rectifié, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 8647.

La parole est à M. le rapporteur de la commission spéciale, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cet amendement, adopté par la commission à l'initiative de Mme Claude Greff, vise à rapprocher la carte Vitale de cette carte d'identité-santé que nous souhaitons tous.

M. le président. La parole est à M. le ministre pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 102 rectifié et pour présenter le sous-amendement n° 8647.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable à l'amendement, sous réserve que soit adopté le sous-amendement rédactionnel n° 8467 du Gouvernement, visant à lever toute ambiguïté entre les conditions d'ouverture du droit des prestations et la bonne gestion des cartes utilisables.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 8467.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102 rectifié, modifié par le sous-amendement n° 8467.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 3076 à 3087.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je suis très troublé que l'on puisse ainsi mettre en cause des personnes sérieuses et responsables ...

M. le président. Allons, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. J'ai tout de même le droit de dire ce que je veux ! Certes, je ne partageais pas toutes les opinions de M. Mattei, mais au moins, ce ministre de la santé connaissait son sujet, et je suis choqué qu'on le traite comme un vulgaire menteur et qu'on le mette plus bas que terre.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Mais non !

M. Maxime Gremetz. Vous prenez le contre-pied de tout ce qu'il a dit ! Je vous en laisse la responsabilité, mais sachez que vous ne vous grandissez pas, à agir ainsi.

Ces amendements visent à supprimer le II de l'article 12, peu compréhensible. Plus la discussion se prolonge, plus les arguments bancals et les contradictions se multiplient. Ainsi, vous hésitez entre la loi et le décret pour les mesures que vous proposez et vous prenez des décisions qui ne tiennent aucun compte des orientations précédemment définies, allant jusqu'à annoncer de nouvelles mesures au dernier moment, comme celle concernant les empreintes biométriques.

J'estime que tout cela est extrêmement grave. Nous ne pouvons pas accepter cette proposition qui en dit long sur vos arrière-pensées. Votre projet, qui compromet la confidentialité des données médicales, menace les libertés publiques. C'est pourquoi nous demandons un scrutin public sur ces amendements.

M. le président. Sur le vote des amendements nos 3076 à 3087, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements pour les mêmes raisons que celles exposés précédemment.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements nos 3076 à 3087.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

...................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

...................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur les amendements nos 3076 à 3087 :

              Nombre de votants 33

              Nombre de suffrages exprimés 33

              Majorité absolue 17

        Pour l'adoption 9

        Contre 24

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 3088 à 3099.

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Ces amendements proposent, au dernier alinéa du II de l'article 12, de substituer aux mots « cette carte », les mots « la carte électronique individuelle interrégime ». Cette précision rédactionnelle vise à la mise en cohérence avec la partie législative du code de la sécurité sociale modifiée par le présent article qui a deux objets : d'une part, il ouvre la possibilité aux médecins de vérifier par la carte Vitale l'étendue des prescriptions dont aurait bénéficié son patient ; d'autre part il autorise les hôpitaux à demander une pièce d'identité pour vérifier si le détenteur de la carte en est bien le propriétaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement - déposé douze fois -, la précision rédactionnelle proposée n'apportant rien au texte.

M. François Liberti. C'est incroyable !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3088 à 3099.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8287.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cet amendement est de précision, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8287.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de treize amendements identiques, nos 3100 à 3111 et n° 7619.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Les amendements nos 3100 à 3111 visent à supprimer le paragraphe III de l'article 12. Dans la continuité des déclarations que vous avez formulées, monsieur le ministre, notamment celle relative aux 10 millions de fausses cartes Vitale en circulation, le projet prévoit d'accorder aux établissements de soins la possibilité de demander à un patient une pièce d'identité comportant sa photographie.

Si le lien entre identité et accès aux soins n'est pas, en soi, condamnable, la loi ne doit en revanche aboutir ni à un contrôle de type policier, ni à un refus d'accès aux soins. Or, la lecture attentive des amendements déposés par M. le président et M. le rapporteur de la commission spéciale nous apprend que ce contrôle s'accompagnera de l'apposition d'une photographie sur la carte Vitale lors de son renouvellement, ainsi que d'empreintes biométriques, comme vient de l'annoncer M. le ministre. Cette dernière mesure, annoncée oralement et ne figurant pas dans le projet, fait courir de grands risques aux libertés individuelles.

La photo sur la carte Vitale, marotte de la majorité, répond à la manie du contrôle de ce Gouvernement. L'IGAS estime pourtant que les fraudes ne représentent qu'un cas d'utilisation de la carte Vitale sur 100 000. Par ailleurs, le coût informatique de la photo sur la carte Vitale est très élevé : 20 millions d'euros pour M. le rapporteur, ce qui est déjà considérable, voire plus selon M. Mattei. Le coût de cette mesure, qui n'apporte rien à l'efficacité, ni des soins, ni de la prise en charge des malades, doit s'apprécier dans le cadre d'un déficit de l'assurance maladie que vous avez vous-même qualifié d'abyssal.

M. Richard Mallié. Si nous passions au vote ?

M. Jacques Brunhes. Je propose donc la suppression du paragraphe III de l'article 12.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Au-delà de l'atmosphère de révélations permanentes qui règne dans cet hémicycle, les nouvelles en provenance de l'extérieur ne font que renforcer nos craintes sur vos objectifs réels. Ainsi, le Sénat a voté hier un amendement visant à placer Francis Mer à la tête d'EDF. C'est une première provocation.

M. Hervé Mariton. C'est de l'encouragement aux carrières longues !

M. Maxime Gremetz. C'est sans doute en permettant de travailler au-delà de soixante-cinq ans qu'on favorisera le renouvellement des cadres !

Dans la revue Espace social, on apprend encore que le super-directeur de la CNAM serait prochainement le conseiller social de M. Raffarin. Ça, c'est pour la deuxième provocation.

M. François Liberti. Comme par hasard !

M. Maxime Gremetz. Eh oui, voilà ce qu'on apprend quand on sort de notre bulle !

Quant à la fameuse brochure jaune, elle explique déjà la loi avant même qu'elle soit discutée et, encore moins, votée - troisième provocation.

Enfin, un article dans la presse évoque la volonté de Matignon d'accélérer nos débats. Mais là, je n'ai aucune crainte car je sais que notre président ne se laisse pas bousculer (Sourires) et qu'il est attaché au rôle de la représentation nationale.

M. le président. Je vous remercie, monsieur Gremetz. J'ai d'ailleurs fait observer qu'il n'y avait ni blocage, ni obstruction, notamment de votre part. (Sourires.)

L'amendement n° 7619 n'est pas défendu.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Rejet.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Avec toutes les précautions nécessaires en termes de liberté, je fais observer que l'objection de nos collègues communistes et socialistes est curieuse. Ils parlent en effet de culpabilisation du patient. Or dans toutes ces affaires où il s'agit d'éviter la fraude, si le patient est innocent, il n'est pas coupable. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Liberti. Parlez-vous de santé ou de sécurité intérieure ?

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3100 à 3111.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. J'indique d'ores et déjà que, sur l'article 12 , je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Je suis saisi d'un amendement n° 103 de la commission.

La parole est à M. Philippe Vitel, pour le soutenir.

M. Philippe Vitel. Il nous semble indispensable de prévoir que, lors de leur admission dans les établissements de santé, on puisse demander à chaque patient d'attester de son identité auprès des services administratifs. Alors que des actes chirurgicaux ou des diagnostics invasifs vont être effectués, il est en effet de la plus haute importance, compte tenu des risques de contamination et de la nécessité d'assurer la traçabilité des actes, de bloquer toute substitution d'identité dès l'entrée dans l'établissement de soins.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est un peu court !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. L'amendement qui nous est soumis entend limiter la possibilité de contrôler l'identité dans les établissements de santé aux seuls services administratifs. Cette solution présente, c'est vrai, certains inconvénients. Elle entend tout d'abord régler au niveau de la loi des modalités de contrôle qui relèvent d'un dispositif d'application permettant d'adapter au mieux la mise en œuvre de ce principe.

S'il est certainement possible de confier, dans la majorité des situations, cette opération aux services administratifs, il est des cas pour lesquels il faut aussi permettre aux médecins de pouvoir le faire. Or l'amendement que vous proposez revient à les en empêcher totalement, ce qui peut soulever des problèmes. Par ailleurs, cette solution ne favorise pas nécessairement une bonne organisation et une bonne gestion au sein des établissements. Concentrer ces tâches sur les services administratifs peut alourdir les charges de travail de ces services, voire générer des frais de gestion supplémentaires.

C'est pourquoi j'en appelle à la sagesse de l'Assemblée pour permettre aux établissements d'adapter les modalités de contrôle à leur contexte d'organisation et de fonctionnement pour la mise en place de cette mesure.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Monsieur le ministre, je précise que l'amendement prévoit simplement la possibilité de demander à l'assuré d'attester de son identité auprès des services administratifs. En outre, les médecins n'accepteront pas - voire jamais - de procéder directement à ce contrôle.

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui !

M. le président. « Ce contrôle ne peut être mis à la charge du médecin » est-il indiqué dans l'exposé des motifs.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nos collègues de la majorité ont mis le doigt sur un problème déontologique majeur qu'emporté par sa fougue contrôleuse, le ministre avait tout simplement oublié. Il proposait en effet aux médecins - il les obligeait même, en quelque sorte - de devenir des sortes d'auxiliaires chargés du contrôle d'identité. Voilà une nouvelle fonction, fort intéressante et tout à fait conforme à la déontologie et aux valeurs médicales !

M. Maxime Gremetz. Oh ça oui !

M. Jean-Marie Le Guen. L'amendement de nos collègues nous paraît donc, pour le coup, de bon aloi. L'exposé des motifs nous surprend cependant car il fait référence à des problèmes médicaux et non administratifs. On peut ainsi supposer que le contrôle administratif serait doublé d'un contrôle sur l'identité sanitaire des personnes, puisque vous avez parlé, monsieur Vitel, de traçabilité et d'identité.

Il est donc clair que, depuis l'article 2, la majorité veut faire en sorte que le dossier du patient puisse être très largement contrôlé à tout moment, y compris par des personnels administratifs.

De fait, monsieur Vitel, vous souhaitez à la fois que des personnels administratifs, à l'exclusion de tout médecin, effectuent les contrôles et que ceux-ci puissent aussi être d'ordre sanitaires.

M. le président. Les services administratifs ne pourront vérifier l'identité des patients que s'ils sont assermentés.

M. Jean-Marie Le Guen. Si vous commencez à faire du droit, monsieur le président, on va demander une suspension de séance.

M. le président. Laissez-moi me distraire de temps en temps !

La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Un amendement visant à permettre au médecin de contrôler l'identité du patient, dans le cadre de la consultation, a été tout à l'heure repoussé. En l'occurrence, nous nous situons dans le cadre de l'hospitalisation qui peut conduire à des actes invasifs. Songez à la responsabilité de l'établissement et du médecin qui interviendront sur quelqu'un qui dissimule son identité et prend celle d'un autre ! À l'heure où les problèmes de contamination et d'infections nosocomiales dans les établissements sont majeurs, on ne peut pas se soustraire à cette obligation de contrôle.

M. Jean-Marie Le Guen. Doit-on demander une suspension de séance pour permettre au Gouvernement de s'y retrouver ?

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz. Encore que tout ait été dit, me semble-t-il...

M. Maxime Gremetz. Tout a peut-être été dit, mais rien n'est clair. Je dirai même que le brouillard s'épaissit.

M. Jean-Marie Le Guen. Le Gouvernement nous fait perdre du temps !

M. Maxime Gremetz. Le Gouvernement nous fait perdre beaucoup de temps, en effet, parce qu'il n'est pas précis. Apparemment, il ne sait plus où il en est. Quand je disais tout à l'heure qu'il fallait créer des brigades de contrôle, je ne me trompais pas.

M. Jean-Marie Le Guen. Et il faudra des brigades pour contrôler les brigades !

M. Maxime Gremetz. On ne va tout de même pas demander aux médecins de faire tout cela ! Moi, je trouve que l'amendement présenté par M. Vitel est excellent. J'espère qu'il ne va pas le retirer. Si tel était le cas, je le reprendrais.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 103.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. J'espère que vous êtes content, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je suis très satisfait, monsieur le président.

M. le président. Du fait de l'adoption de l'amendement n° 103, l'amendement n° 8233 de M. Tian, les amendements nos 7599 et 7600 de M. Préel, l'amendement n° 7021 de M. Évin et l'amendement n° 7865 de M. Jean-Marie Le Guen n'ont plus d'objet.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je précise que le fichier Ameli auquel M. le ministre a fait allusion à trois reprises ne propose aujourd'hui sur Internet que le double du décompte envoyé au patient et n'a donc rien de médical. Contrairement à ce qu'il a dit, ce dispositif ne peut, par conséquent, être considéré comme opérationnel.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8128.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. Compte tenu de la confusion juridique dans laquelle nous nous trouvons, il faut rappeler dans la loi certains principes déontologiques. Cet amendement tend donc à préciser qu'on ne peut pas refuser de soigner quelqu'un. Il ne faudrait pas en effet qu'avec tous ces contrôles, certains médecins s'imaginent - et c'est déjà un peu le cas avec la législation existante - qu'ils pourraient être amenés à refuser des soins.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, le considérant comme inutile. J'ai déjà évoqué le serment d'Hippocrate, à ce propos.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il est évident qu'il y a une petite différence entre le malade qui aurait fait 6 000 kilomètres pour venir se faire poser une double prothèse de hanches dans le cadre d'une opération programmée, et celui qui est porteur du VIH ou qui souffre d'une tuberculose ou d'une miliaire tuberculeuse et qui se présenterait aux urgences. Monsieur Le Guen, vous devriez savoir, vous qui êtes médecin, qu'il faut faire la différence entre ce qui relève des urgences et le reste.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Le but de notre amendement est de cibler les soins d'urgence et non les opérations programmées. Nous accepterions volontiers une rectification de notre amendement afin de rappeler dans la loi la nécessité d'assurer les soins d'urgence. La confusion est telle que les services administratifs, voire les services médicaux de l'hôpital, ne sauront plus que faire !

M. le président. Monsieur Le Guen, vous pouvez rectifier l'amendement vous-même.

M. Jean-Marie Le Guen. Il suffit d'ajouter après le mots « soins » les mots « lorsque l'urgence le requiert ».

M. le président. Qu'en pense la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je ne voudrais pas imposer la lecture de l'article 7 du code de déontologie médicale, mais il faut savoir que toutes les circonstances y sont prévues. Une telle précision me paraît inutile et je maintiens mon avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette rectification ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je répète que nous sommes dans la confusion la plus totale. En effet, nous venons à l'instant de décider le contraire. Par ailleurs, à l'hôpital, ce sont les services administratifs qui sont chargés de l'admission des patients. Le principe de la délivrance de soins doit donc s'imposer à l'institution hospitalière et pas seulement aux médecins, faute de quoi les patients risquent de ne pouvoir accéder aux médecins. C'est un point fondamental !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ce qui est fondamental, c'est de ne pas caricaturer la situation ni injurier les personnels administratifs et ceux des urgences !

M. Philippe Vitel. Tout à fait !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Aujourd'hui, en France, lorsqu'une personne se présente pour une urgence vitale, elle est soignée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Votre projet de loi, monsieur le ministre, en dressant des barrières et en mettant en place des contrôles va dissuader les équipes médicales. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'est une caricature !

M. Jean-Marie Le Guen. C'est vous qui insultez le personnel administratif en le plaçant dans une situation contradictoire !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est de la provocation !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8128, tel qu'il vient d'être rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7720.

La parole est à M. Jacques Houssin, pour le soutenir.

M. Jacques Houssin. Il est défendu.

M. Maxime Gremetz. Ils n'osent plus rien dire, les pauvres !

M. le président. Monsieur Gremetz, pouvez-vous vous abstenir de faire des commentaires ?

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a accepté cet amendement, mais, à titre personnel, j'ai quelques réticences, compte tenu des difficultés techniques qu'il y aura à établir un relevé annuel récapitulant l'ensemble des prestations médicales dont un patient a bénéficié. Dans la mesure où des amendements similaires de M. Domergue et de Mme Tabarot ont été rejetés par l'Assemblée, je pense que le Gouvernement devrait « affiner » sa réflexion sur cette question de bon sens posée par la commission. Il est certain que les bénéficiaires de l'assurance maladie devraient avoir connaissance des sommes qui leur ont été remboursées, mais ce que propose cet amendement ne me semble pas être la méthode idéale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Ce que propose M. le rapporteur est très juste : le Gouvernement doit affiner son projet de loi. Cela confirme bien que celui-ci n'est pas bon !

Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance pour permettre au Gouvernement d'affiner son projet de loi, car nous ne savons pas de quoi nous débattons !

M. le président. Monsieur Gremetz, je suspendrai la séance après le vote de l'article 12 !

M. Maxime Gremetz. Demandez au Gouvernement d'affiner son projet de loi, comme le propose M. Dubernard !

M. le président. Nous allons l'affiner tous ensemble !

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. S'il y a un moment où l'on peut responsabiliser chaque assuré, c'est bien quand il paie avec la carte Vitale, en lui rappelant le coût global des soins qu'il a reçus. Nous sommes favorables à ce procédé, qui transmet une information minimale mais pas culpabilisante. Eh bien, le Gouvernement n'en veut pas. C'est extraordinaire ! Le Gouvernement dit oui à la pénalisation, mais pas à l'information ! Cette suggestion pour responsabiliser les patients est intéressante, mais elle ne vous intéresse pas parce qu'elle ne vous permet pas de diminuer les remboursements !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7720.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'article 12, modifié par les amendements adoptés.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'article 12 :

              Nombre de votants 38

              Nombre de suffrages exprimés 38

              Majorité absolue 20

        Pour l'adoption 27

        Contre 11

L'Assemblée nationale a adopté.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures trente-cinq, est reprise à dix heures quarante-cinq.)

Après l'article 12

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d'un amendement n° 104 rectifié, portant article additionnel après l'article 12.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cet amendement va dans le sens de l'amendement précédent. Le patient doit pouvoir être informé par le pharmacien du coût des médicaments qui lui ont été prescrits.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 104 rectifié.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. le Gouvernement a accepté cet amendement. Il nous semble important en effet que les assurés soient informés du montant des prescriptions pharmaceutiques. Après concertation avec les professionnels concernés, nous avons mis au point une procédure très simple : l'assuré social devra signer la facturette qui accompagnera les médicaments.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Article 13

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 13.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, premier orateur inscrit.

M. Jean-Marie Le Guen. L'article 13 s'inscrit dans la logique des articles précédents, singulièrement de l'article 10, puisqu'il introduit un dispositif de sanctions liées aux prescriptions. En effet, le Gouvernement propose désormais que l'assuré, non seulement ne voie plus sa prescription remboursée, mais puisse être sanctionné.

Le dispositif de l'article 13 instaure une fausse symétrie, puisqu'il est prévu que les praticiens pourront être également sanctionnés. Le Gouvernement feint de mettre sur le même plan celui qui va prescrire l'acte « condamnable » - on reviendra sur cette notion - et celui qui en est la victime.

Je ne veux pas débattre encore une fois de questions déjà largement abordées au moment de l'examen de l'article 10, mais j'observe que le Gouvernement s'obstine à vouloir faire payer les assurés pour des fautes qu'ils n'ont pas commises.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il s'obstine à vouloir faire payer les fraudeurs !

M. Jean-Marie Le Guen. Après avoir fait voter cet article, qui prévoit explicitement la possibilité de telles sanctions, l'article 13 organise les modalités de ces sanctions. Les coups tombent toujours plus fort sur le dos des assurés.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est faux !

M. Jean-Marie Le Guen. Il est cependant intéressant de se pencher sur les modalités de ces sanctions, car l'injustice y est toujours présente. On va toujours plus loin dans le déséquilibre organisé au détriment du patient.

L'injustice se trouve d'abord dans la définition des inobservations - il ne convient pas de parler de fraude, puisque celle-ci est, comme le rappelait à l'instant M. le président, d'ores et déjà punissable - qui pourront faire l'objet de sanctions. Or ces inobservations ne sont pas explicitement définies par la loi, puisque celle-ci en renvoie le soin à un décret. Comment le législateur pourrait-il se prononcer sur cette possibilité de sanctionner sans en connaître les motifs ? Ceci nous paraît contraire à la répartition des compétences : c'est à loi qu'il revient de fixer la base juridique du recours à la pénalité, et non à la réglementation.

On peut se demander ensuite quel sens peut avoir une pénalisation des établissements, sous prétexte d'une politique de « responsabilisation ». Comment pénaliser en effet des personnes morales indéterminées ? Ou bien les praticiens hospitaliers sont-ils concernés à titre individuel par ce dispositif, comme les médecins de ville ? Il y a là aussi des germes de déséquilibre.

Mais l'injustice frappe surtout l'assuré. Lorsqu'un médecin encourt une sanction, la pénalité est prononcée après avis d'une commission mixte, comportant des représentants des professionnels de santé, qui sont là pour le défendre. En revanche l'assuré n'a droit à rien.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il a le droit de payer, et c'est tout !

M. Jean-Marie Le Guen. Il n'a personne pour le défendre, et l'assurance maladie lui applique immédiatement la sanction. Il lui reste peut-être la possibilité de se défendre à titre individuel. Mais pourquoi ne bénéficie-t-il pas d'une représentation dans une commission de conciliation ? Le texte ne prévoit rien de tel, alors que les associations d'usagers du système de soins demandent aujourd'hui la création d'une commission de ce type, chargée de défendre les assurés dans un tel cas.

Ce dispositif est organisé de bout en bout pour assurer la mise en œuvre d'une politique de pénalisation, voire de répression des assurés...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. De la fraude organisée !

M. Jean-Marie Le Guen. ...dont le champ est sans limite.

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. L'article 13 est bien l'article de la punition.

Après avoir osé instaurer un système de contrôle des assurés sociaux par les professionnels de santé eux-mêmes, après avoir accru la culpabilisation des assurés sociaux, sous prétexte de les informer du coût réel des actes et prestations que leur maladie génère, et sans jamais leur rappeler que ces actes et prestations sont financés par les prélèvements opérés sur le revenu de leur travail, votre gouvernement met en place, par une série d'articles de ce texte, un dispositif de sanction des assurés sociaux, des établissements de santé et des professionnels de santé : votre objectif est donc clair.

Les « auteurs de ces fraudes à l'assurance maladie », comme aime à les appeler le rapporteur, se verraient infliger une pénalité financière par le directeur de la caisse locale d'assurance maladie, lorsque les règles fixées par le code et les décrets d'application n'auraient pas été observées scrupuleusement, ou lorsque des dépenses de remboursement indues auraient été engagées par les caisses. Enfin - cerise sur le gâteau ou volonté purement démocratique, je ne sais -, votre texte, monsieur le ministre, prévoit qu'il leur sera désormais impossible de contester cette sanction devant les tribunaux compétents pour le règlements des litiges de la sécurité sociale.

Comment considérer que le contrôle et les sanctions qui vont être mis en œuvre suite à cet article ne visent pas principalement les assurés sociaux et les professionnels de santé ?

S'agissant des assurés sociaux, vos dispositions visent principalement, à en croire le rapporteur, ceux qui ont présenté une demande d'entente préalable ou d'admission au régime d'affection longue durée. Les ententes préalables sont des demandes que les assurés sociaux doivent faire auprès d'une caisse de sécurité sociale, afin que cette dernière finance des soins sans avance de frais de leur part et au-dessus de la prise en charge habituelle conventionnelle. Il peut s'agir par exemple, dans le cadre de soins dentaires, de la demande de prise en charge d'opérations chirurgicales dont le coût est particulièrement élevé, visant à implanter des dents à une personne qui n'en a plus afin, d'une part, de lui laisser la possibilité d'en avoir et, d'autre part, d'éviter les pathologies digestives et les soins qui pourraient en découler du fait de leur absence.

Quant à la demande d'admission au régime en ALD, il s'agit principalement d'une demande de prise en charge à 100 % pour les trente maladies répertoriées au tableau des ALD, tel le SIDA, le diabète, la mucoviscidose, entre autres.

Pour ce qui est des professionnels de santé, ils seront passibles de sanctions au cas où ils auront commis une demande non justifiée d'entente préalable ou d'ALD pour leurs patients. On a du mal, monsieur le ministre, à imaginer qu'un médecin, qui est un professionnel responsable, déclare que son patient est atteint de mucoviscidose alors qu'il ne l'est pas ; mais puisque vous le croyez, advienne que pourra.

En fait vous accréditez une fois encore l'idée que la croissance des dépenses de santé est due aux comportements antisociaux des assurés sociaux. Il est vrai que c'est votre fonds de commerce. Mais puisque votre projet de loi les considère comme totalement irresponsables, pourquoi ne pas en faire carrément des mineurs du point de vue juridique, eux qui semblent être selon vous congénitalement tricheurs, mesquins, vils : tant il est vrai que les classes laborieuses, celles qui risquent le plus d'être frappées par la maladie, sont, selon vous, des classes dangereuses, source des déséquilibres financiers de l'assurance maladie. Contre ce que nous enseignent toutes les études, contre les faits eux-mêmes, vous persistez à proférer ici que le déficit de l'assurance maladie provient d'un excès des dépenses de santé des assurés sociaux. Monsieur le Ministre, nous le répéterons autant de fois qu'il le faudra pour faire enfin pénétrer cette idée dans les cervelets rétifs de la majorité - mais vous savez comme moi que la répétition est la mamelle de la pédagogie : le déficit de l'assurance maladie n'est pas du à un excès de dépenses mais à une insuffisance des recettes. Là est le nœud du problème. Si vous en voulez la preuve, vous n'avez qu'à observer le niveau des dépenses de santé des autres pays européens ou des autres pays développés. La France se situe en septième position, derrière tous les pays que vous citez en modèle de votre réforme.

Mais qu'à cela ne tienne ! Faisant fi de la vérité des faits, vous persistez dans votre démagogie falsificatrice et culpabilisante. D'ailleurs, vous n'êtes plus à cela près puisque, comme l'a rappelé Jacqueline Fraysse au moment de la discussion générale, vous avez osé exhiber sur un plateau de télévision de prétendues fausses cartes vitales.

M. le président. Monsieur Liberti.

M. François Liberti. J'en termine, monsieur le président.

Vous en avez même estimé le nombre à dix millions d'unités, laissant entendre que près d'un de nos concitoyens sur six serait malhonnête. Sauf à considérer les badges à l'effigie des cartes Vitale portés par des manifestants de la CGT comme des fraudes, vous savez tout comme moi que la fraude à l'assurance maladie par les assurés sociaux et les professionnels de santé est marginale.

En conclusion, monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que ce ne sont pas nos concitoyens qui sont malhonnêtes, mais votre démarche à leur égard. En effet votre insistance a décrire la situation de façon aussi fantasmatique vise à expliquer ainsi à vos électeurs les problèmes actuels de l'assurance maladie : Telles sont les explications que vous n'avez pas eu honte de formuler publiquement.

L'article 13 n'appelle qu'une réponse : demander sa suppression, comme le fait le groupe des député-e-s communistes et républicains par ses amendements.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. M. Le Guen a posé la question de la nécessité de mettre en place une procédure visant à sanctionner l'inobservation des règles édictées par le code de la sécurité sociale. Je ne m'étendrai donc pas davantage sur ce point, mais je voudrais simplement revenir sur les modalités de cette pénalisation.

L'article 13 prévoit de sanctionner, soit les assurés sociaux qui n'auraient pas respecté les règles de la sécurité sociale, soit les professionnels de santé, soit les établissements de santé. À ce propos, et même si nous voterons contre l'article, j'attire l'attention du Gouvernement sur un fait que j'ai déjà évoqué à propos d'un autre article : si vous souhaitez mettre en place une procédure de sanction à l'encontre des assurés sociaux, votre texte doit nécessairement leur ouvrir des voies de recours.

M. François Liberti. Il n'y en a pas !

M. Claude Évin. Or le texte ne prévoit rien de tel. On ne sait même pas s'il y aura une possibilité de recours amiable. Vous allez peut-être m'opposer que c'est le tribunal des affaires de sécurité sociale qui sera compétent en l'occurrence. Mais il ne s'agit pas du tout là de la question du versement indu de prestations : en ce cas, d'après les réponses que nous a faites hier M. Bertrand, il y aurait possibilité d'exercer un recours amiable, voire d'une saisine du médiateur. Admettons, quoique je n'ai pas très bien compris s'il s'agissait du médiateur de la République, ou d'un autre. Quoi qu'il en soit, après ce recours amiable, l'assuré social aurait la possibilité d'exercer un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Mais avec l'article 13, nous sommes au-delà, puisqu'il s'agit d'une pénalité décidée par le directeur de l'organisme d'assurance maladie. Il est donc nécessaire de prévoir des procédures spécifiques de recours.

Mais avant même de parler de voies de recours, pourquoi ne pas avoir prévu pour les assurés sociaux un dispositif symétrique de celui qui est prévu en ce qui concerne les professionnels de santé ?

Je voudrais également vous interpeller à propos des établissements de santé, notamment des établissements publics, dont les litiges relèvent du droit administratif. Je prendrai l'exemple d'un praticien dont une prescription fait l'objet d'une procédure de pénalisation engagée par le directeur de la caisse. Si ce praticien opère dans le cadre d'un hôpital public, ce n'est pas lui qui sera sanctionné, mais l'établissement public - c'est peut-être, par parenthèse, la raison pour laquelle l'article parle d'« établissements ».

Je pose une première question, renvoyant d'ailleurs à un sujet que j'ai déjà abordé ici à deux reprises. Comment cela va-t-il se passer en la matière, compte tenu des rapports hiérarchiques à l'intérieur des hôpitaux publics, dans la mesure où, vous en conviendrez, le lien de dépendance entre le praticien et le directeur de l'établissement, responsable juridique, n'est pas très clair dans le cadre de votre procédure ? Faudra-t-il saisir le ministre dans la mesure où c'est lui qui nomme les praticiens hospitaliers ?

Deuxième question : si vous envisagez de maintenir cette pénalisation à l'égard des établissements de santé, prévoyez-vous une procédure permettant à un établissement de santé public d'être entendu ? Cela me semble en effet nécessaire. Pour un établissement privé, c'est moins évident, puisque les praticiens exercent à titre libéral.

J'avais présenté en commission un amendement sur ce sujet, mais je ne le retrouve pas dans la liasse des amendements. J'espère qu'il sera repris au Sénat. En effet, si vous maintenez la pénalisation à l'encontre des établissements de santé, il sera nécessaire de prévoir une procédure permettant aux établissements publics de santé d'être entendus, pour qu'au moins un contradictoire soit garanti.

En tout cas, le contradictoire ne sera pas garanti pour les assurés sociaux, et c'est particulièrement dommage !

M. le président. Je suis saisi de treize amendements, nos 1072 à 1083 et n° 8385, tendant à supprimer l'article 13.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Les amendements nos 1072 à 1083 visent à supprimer l'article 13, lequel ne vise qu'à culpabiliser les assurés sociaux et les professionnels de santé sur le déficit de l'assurance maladie, alors qu'ils n'en sont pas responsables.

En effet, monsieur le ministre, votre article vise à faire supporter aux assurés sociaux les plus en difficulté - ceux relevant d'une ALD et donc d'une prise en charge à 100 % par l'assurance maladie, et ceux qui, n'ayant pas les moyens d'assumer une dépense importante pour leur santé, se voient contraints à une demande préalable auprès de l'assurance maladie - le poids moral et psychologique des déficits successifs de la sécurité sociale.

Après avoir martelé les têtes avec l'idée - je reprends vos propos - que notre système de santé est devenu fou et qu'il perd 23 000 euros par minute, quoi de plus facile que d'imputer ces pseudo désastres au comportement des malades ? Quoi de plus simple, pour ne pas dire simpliste, que d'affirmer, comme vous le faites, que les dépenses augmentent parce que les malades se comportent comme des opportunistes ? Vous voudriez faire croire que les individus sont des calculateurs, allant jusqu'à se comporter en toute illégalité et contre l'intérêt général. En fin de compte, vous voudriez nous faire admettre que les déficits se résument à des comportements antisociaux non sanctionnés.

Votre hypothèse est ridicule : les faits prouvent le contraire. Vous dites vouloir sauver l'assurance maladie, mais celle-ci sert principalement à ceux qui n'ont pas les moyens de se soigner sur leurs fonds propres. Vous dites vouloir lutter contre les comportements abusifs, mais les comportements abusifs dont vous parlez sont ceux des malades désirant se soigner. À quoi servira alors l'assurance maladie lorsque vous aurez empêché ceux qui en ont le plus besoin de l'utiliser ?

Au fond, vous condamnez les plus faibles : les assurés sociaux malades qui veulent se soigner, mais n'en ont pas les moyens. En effet, cet article prévoit implicitement que les règles d'obtention pour les malades ou les médecins du bénéfice d'une prise en charge à 100 % par l'assurance maladie sont appelées à se durcir et que le périmètre de prise en charge socialisée est appelé à se réduire, au nom des équilibres financiers de la sécurité sociale.

Le lien qui peut être fait entre cet article et les suivants réside, sans aucun doute, dans votre volonté de faire économiser des remboursements à l'assurance maladie, laquelle, je le rappelle une fois encore, appartient aux assurés sociaux et est alimentée par leur financement.

Ce que vous mettez en place, monsieur le ministre, est particulièrement inique : vous préparez le terrain au déremboursement des prestations et prises en charge des assurés sociaux qui sont le plus dans le besoin, à savoir les plus malades et ceux nécessitant de grosses interventions. Cette méthode, qui s'appuie en outre, on l'a vu tout à l'heure, sur une systématisation de la culpabilité des assurés et des professionnels de santé, va à l'encontre de l'esprit de solidarité et d'universalisme de la sécurité sociale. Il va à l'encontre de ce que vous avez déclaré en préambule de ces débats. C'est pourquoi nous avons déposé ces amendements de suppression de l'article 13.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 8385.

M. Jean-Marie Le Guen. Nos protestations et nos interrogations sont les mêmes : nous ne comprenons pas pourquoi l'assuré sera pénalisé et ne savons pas quel sera son recours. Que l'on nous donne ne serait-ce qu'un cas précis où l'assuré serait considéré comme responsable ! Non content de lui supprimer ses remboursements, vous allez encore le poursuivre et le pénaliser !

Par ailleurs, pour reprendre le problème soulevé par Claude Évin, il y a une rupture d'égalité s'agissant des établissements hospitaliers. En effet, pourquoi un médecin coupable dans le cadre de la médecine libérale ne le serait pas dans le cadre des établissements publics ou privés ? Ce serait tout fait anormal ! La responsabilité n'est pas celle de l'établissement, elle est bien celle du médecin qui, commettant une erreur de prescription, doit être sanctionné ! Je ne vois pas pourquoi une sanction - de quelle nature, d'ailleurs ? - frapperait une personne morale et pas une personne physique !

Le Gouvernement, en essayant d'éviter un grand nombre d'inconvénients, n'assure pas du tout l'égalité devant la loi, ni entre les praticiens entre eux, ni entre les praticiens et les assurés. L'article est une pure construction formelle.

Nous attendons donc les réponses du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'intervention de Claude Évin était pleine de bon sens, et je vous indique que la commission avait accepté l'amendement dont il a parlé et qui sera certainement rétabli au Sénat.

Quant aux amendements que vous avez défendus, monsieur Brunhes, il faudrait cesser ce jeu quasiment obsessionnel de culpabilisation des assurés et des patients ! (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Liberti. C'est vous qui les culpabilisez !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'ensemble des acteurs sont concernés, et je ne vous rappellerai pas les éléments de l'excellent rapport de la mission parlementaire d'information sur l'assurance maladie, présidée par M. Debré, qui a abordé ce problème de façon précise, comme celui des médecins !

M. Jean-Marie Le Guen. Donnez-nous un exemple !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. L'article 13 vise à combler le vide existant aujourd'hui en matière de sanctions à l'encontre des professionnels, des établissements de santé et des assurés. Il propose de mettre en place un dispositif simple d'amendes administratives qui permettrait aux caisses locales d'assurance maladie de sanctionner les auteurs de divers abus ou fraudes, qu'ils soient le fait des assurés sociaux, des professionnels de santé ou des établissements de santé. Sont concernées les usurpations de cartes Vitale, les fausses déclarations ou les cotations d'actes fictifs.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais c'est déjà pénalement répréhensible !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ce dispositif a pour but de sanctionner l'inobservation de règles fixées par le code de la sécurité sociale - et en aucun cas, s'agissant des professionnels de santé, de prévoir des sanctions d'obligations non réglementaires, prévues spécifiquement par les conventions entre les professionnels et les caisses d'assurance maladie. Cette sanction ne pourra être prise qu'après avis d'une commission composée de membres du conseil de la caisse locale et de professions de santé.

Et quand vous affirmez, monsieur Le Guen, que les usagers ne seront pas représentés, c'est faire peu de cas des syndicats !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais ils ne sont pas dans votre procédure !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Bien sûr que si ! Ils y seront !

M. Jean-Marie Le Guen. Dans quel cadre ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je vais vous répondre.

Enfin, un décret en Conseil d'État définira les règles dont l'inobservation est susceptible d'être sanctionnée.

M. Jean-Marie Le Guen. Lesquelles !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il précisera également le barème des amendes, qui seront graduées en fonction de la gravité des faits et ne pourront dépasser deux fois le montant du plafond mensuel de la sécurité sociale.

Dans tous les cas, la personne sanctionnée pourra faire appel devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.

M. Liberti et M. Le Guen contestent le principe des sanctions et estiment qu'elles visent exclusivement le patient, mais le fondement de l'article est différent : il ne vise que les cas d'abus et de fraudes, et la procédure de sanction est entourée de toutes les garanties nécessaires, avec notamment une commission paritaire qui examine chaque cas et où les assurés sociaux sont représentés par les syndicats de salariés.

À aucun moment il n'est question de pénalisation ou de répression : il s'agit de donner à l'assurance maladie les moyens de mettre un terme aux cas d'abus les plus graves. Ces sanctions seront progressives : avertissement, puis sanction financière et, enfin, déconventionnement.

M. Évin a posé la question, importante, du recours : ce sera le recours habituel de droit commun - recours amiable auprès de la caisse, puis recours devant le tribunal administratif.

Ensuite, il a posé une question tout aussi importante sur les établissements de santé. Rien n'est prévu, c'est vrai. Je confirme donc que le texte sera corrigé au Sénat afin de l'améliorer dans le sens qu'il propose.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne suis pas membre de la commission des lois, mais prendre la carte Vitale d'autrui pour obtenir un remboursement indu n'est pas une faute que l'on peut traduire au travers d'une sanction de la caisse primaire d'assurance maladie, c'est beaucoup plus grave : il s'agit d'une fraude ! Il y a sans doute eu vol ou usurpation d'identité, ce qui est très grave ! Et cette fraude est pénalement répréhensible !

De la même manière, un de nos collègues parlait hier de location, pour des sommes très importantes, de cartes Vitale ! Mais c'est un trafic, pénalement répréhensible ! Et d'ailleurs, en quoi la caisse primaire serait-elle concernée par une personne qui n'est pas assurée, puisque, par définition, si elle a fraudé à la carte Vitale, c'est qu'elle n'est pas assurée ? C'est ridicule !

En fait, avec votre dispositif, il serait demandé aux caisses primaires de mettre une amende à la personne qui aurait donné sa carte Vitale ! Mais de quoi parlons-nous ? Il s'agit d'un trafic, et vous nous parlez d'amendes de caisses primaires, alors qu'il faudrait porter plainte devant le procureur ! Franchement, je me demande quelle est la valeur constitutionnelle de ce dispositif ! Il témoigne d'un véritable mépris pour le code pénal !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. N'importe quoi !

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. M. le rapporteur a une fâcheuse tendance à inverser la donne.

Ce n'est pas nous qui cherchons à culpabiliser les assurés sociaux, c'est l'ensemble du texte qu'il rapporte. Et c'est bien le Gouvernement et ce texte qui visent à culpabiliser les professionnels de santé, et pas l'inverse !

L'affirmation du rapporteur est très défensive et témoigne simplement de la faiblesse de son argumentation et de celle du Gouvernement.

M. le président. Le Gouvernement a le même avis.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1072 à 1083 et 8385.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 3112 à 3123.

La parole est à M. François Liberti, pour les soutenir.

M. François Liberti. Dans son paragraphe I, l'article 13 institue un dispositif visant à combler un vide en matière de sanctions. Le Gouvernement a choisi de remettre ce pouvoir de sanction entre les mains du directeur de la caisse locale d'assurance maladie, qui pourra infliger une pénalité financière aux assurés sociaux, aux professionnels de santé et aux établissements. Seront donc déclarés fraudeurs ceux qui ne respecteront pas les règles définies par le code de la sécurité sociale et par les décrets du Conseil d'État, et qui auront occasionné des dépenses de santé indues, même si les demandes de remboursement n'ont pas été acceptées, mais simplement formulées.

Cette dernière clause constitue une régression. Si personne ne conteste que celui qui enfreint la loi doit être puni, dans les termes définis par la loi et conformément au principe de proportionnalité des peines, votre volonté d'intégrer dans l'échelle des sanctions la seule intention d'enfreindre la loi est un peu dure à avaler. C'est pourtant bien ce que vous faites.

Sur un plan strictement démocratique, et alors que vous avez plusieurs fois invoqué la liberté à propos des différents articles de votre texte - notamment l'article 2 −, vous n'hésitez pas à liquider ce principe lorsqu'il s'agit de sanctionner le tout-venant, et surtout lorsque c'est un assuré social. Dorénavant, une simple intention est condamnable. Il suffira juste d'y penser pour être sanctionné.

Sur un plan pratique, vous avez négligé de préciser les modalités de mise en œuvre des procédures de sanction. En effet, comment juger de l'intention des assurés sociaux, médecins ou établissements, lorsqu'ils présenteront une demande de remboursement ou de prise en charge des dépenses relatives à leur santé ?

Avec cette mesure, monsieur le ministre, vous avez fait le choix de condamner les futurs assurés sociaux malades de longue durée ou nécessitant une intervention lourde et chère à ne pouvoir bénéficier de ce à quoi ils ont légitimement droit en tant que financeurs principaux de l'assurance maladie. Vous entrez de plain-pied dans une logique de criminalisation.

C'est pourquoi nous demandons la suppression du I de l'article 13.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Le rapport de la mission d'information présidée par le président de l'Assemblée nationale mettait en évidence la nécessité d'instaurer un dispositif gradué de sanctions pour les professionnels de santé et pour les médecins, les caisses n'ayant aujourd'hui le choix qu'entre un pistolet à eau et l'arme atomique du déconventionnement, disait l'une des personnes que nous avons auditionnées. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Rejet.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas dire cela !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je citais le rapport !

M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas parce que vous êtes très mal préparé qu'il faut répondre n'importe quoi !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je suis très bien préparé. Je connais tous vos amendements par cœur : « Suppression », « Suppression », « Suppression » !

M. Maxime Gremetz. Ce projet de loi présente bien des zones d'ombre et nous posons des questions pour tenter de les éclaircir. Vous-même avez d'ailleurs conseillé tout à l'heure au Gouvernement d'affiner sa proposition. C'est bien la preuve que tout n'a pas été suffisamment préparé. Vous prétendez que tout est mis en place pour réprimer les fraudes, quels qu'en soient les responsables. Mais, les fraudeurs, pour vous, ce sont forcément les salariés les plus pauvres, et vous ne voyez aucun fraudeur chez les riches, chez les patrons ou dans les classes supérieures.

M. François Liberti. Ceux-là, on les absout !

M. Maxime Gremetz. Les autres, on les attaque bille en tête. On dit qu'il y a un déficit, mais on se garde bien d'en dire les causes. Les causes, nous les connaissons, nous. Vous ne parlez même pas de réduire les exonérations de cotisation patronale pour les entreprises qui délocalisent ou qui licencient.

Pourtant, ceux qui trichent ne sont pas ceux que vous croyez. La fraude, ça existe, mais c'est au pénal qu'il faut la réprimer. Plus ça va, plus il faut de contrôleurs et plus il faut de policiers : le système que vous mettez en place est incroyable et dangereux.

M. le président. Il faut en effet toujours tout contrôler, monsieur Gremetz, pour que les gens respectent les règlements, comme vous qui avez parlé plus de cinq minutes.

M. Maxime Gremetz. Je n'ai même pas parlé cinq minutes !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3112 à 3123.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 3124 à 3135.

La parole est à M. Jacques Brunhes, pour les soutenir.

M. Jacques Brunhes. Avec ces amendements, nous souhaitons sortir les professionnels de santé du dispositif de sanctions instauré par l'article 13. En effet, alors que les besoins de santé vont grandissant, vous voulez restreindre le niveau de prise en charge socialisée des dépenses de santé relatives aux soins lourds et de longue durée. Dans votre dispositif, les professionnels de santé, considérés comme a priori peu scrupuleux, se verront infliger une sanction même s'ils ne font qu'une demande de prise en charge ou de remboursement en faveur de leur patient.

Hormis le caractère culpabilisant de cette démarche, qui reporte sur une seule catégorie de professionnels les causes des déficits, l'attitude policière du Gouvernement masque en fait une volonté de faire retomber sur les professionnels de santé les conséquences de la réduction du périmètre de prise en charge des dépenses de santé par l'assurance maladie obligatoire.

En procédant de la sorte, le Gouvernement fait preuve d'un grand courage : d'une part, il se cache derrière les directions des caisses primaires d'assurance maladie pour imposer des sanctions financières aux professionnels accusés ; d'autre part, il fait porter la responsabilité d'une politique de santé qui veut absolument restreindre la prise en charge socialisée des dépenses de santé, pour ouvrir la porte aux grands acteurs privés de la santé, sur les professionnels de santé qui, au nom du déséquilibre financier, devront décider de ne pas faire prendre en charge leurs patients par l'assurance maladie.

Monsieur le ministre, les médecins et autres professionnels de santé ne doivent pas être les dindons de votre farce.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est toujours la même obsession, mais inversée !

M. Jacques Brunhes. Les prétendus comportements fraudeurs que vous fustigez et qui justifient votre dispositif de sanction sont marginaux. Les professionnels de santé − notamment les professionnels conventionnés − sont, comme tout un chacun, des gens responsables, et leur pratique est dictée tout autant par le souci de la santé de leurs patients que par des exigences d'efficacité. C'est la raison pour laquelle nous proposons ces amendements au vote de l'Assemblée.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3124 à 3135.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 3136 à 3147.

La parole est à M. François Liberti, pour les soutenir.

M. François Liberti. Il s'agit de supprimer, dans la première phrase du premier alinéa de cet article, les mots : « les établissements de santé ».

L'article 13 autorise le directeur d'une caisse à sanctionner financièrement les médecins, les hôpitaux et les patients − surtout les patients − qui présenteraient une demande de remboursement abusive ou injustifiée. En réalité, cette sanction ne s'appliquera qu'aux patients, car aucun directeur n'osera s'attaquer à un médecin ou à un hôpital qui prescrit trop, d'autant qu'il devra prendre sa décision après consultation d'une commission composée de professionnels. On voit donc bien qui est visé par cet article. Encore une fois, c'est le patient, le salarié, l'usager. C'est extrêmement grave.

Avec cet amendement, nous proposons donc d'écarter, pour les établissements de santé, tout risque de sanction lié à la philosophie inique qui inspire ce projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La logique du groupe communiste est fort difficile à comprendre. Il ne cesse de répéter que seuls les assurés sont visés...

M. Maxime Gremetz. Absolument !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. ...et qu'on cherche à les culpabiliser, et, en même temps, il veut que les professionnels de santé ou les établissements ne soient plus cités dans l'article 13. Rejet.

M. le président. Le Gouvernement est également défavorable.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Vous dénoncez les fraudeurs, mais vous en oubliez : L'Oréal, Michelin, Carrefour, Vinci, Société générale, Aventis, TF1, Total, Bouygues et Danone, par exemple. La rémunération brute des PDG de ces grandes entreprises du CAC 40 se monte à 6 576 193 euros pour L'Oréal, à 4 268 926 euros pour Édouard Michelin, à 3 049 025 euros pour Daniel Bernard de Carrefour. Mais ceux-là, vous ne les touchez pas.

M. Richard Mallié. Quel rapport avec l'article 13 ?

M. Maxime Gremetz. Vous vous en prenez toujours aux salariés, aux retraités et aux personnes âgées. Mais ces PDG, qui doivent beaucoup d'argent à la sécurité sociale, vous ne levez pas le petit doigt pour les attaquer, parce qu'ils sont trop gros. D'ailleurs, comme vous êtes au service du MEDEF, on comprend que vous vouliez les laisser tranquilles.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3136 à 3147.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8221.

La parole est à M. Yves Bur, pour le soutenir.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Cet amendement va satisfaire nos amis communistes. Il s'agit en effet d'étendre le dispositif de sanction non seulement aux professionnels de santé, aux assurés et aux établissements, mais aussi aux employeurs qui auraient des comportements frauduleux. En effet, les études ont montré que, si la croissance des indemnités journalières est certainement due à des abus de la part des salariés, les employeurs en commettent aussi, notamment pour contourner l'impossibilité de mettre des salariés en préretraite. Il faut responsabiliser les employeurs en cas d'abus.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. J'ignore si cet amendement relève de l'amateurisme législatif ou d'un effet d'affichage. Je ne vois pas sur quelle base juridique ou constitutionnelle l'assurance maladie pourrait mener sa propre enquête, décider qu'un tiers − qui n'est ni un assuré ni un praticien − a mal agi à son égard et le sanctionner de façon automatique.

Bien évidemment, ce que dit notre collègue Bur est exact. Mais le problème de la fraude doit ressortir au droit pénal et non à une espèce de droit interne à la sécurité sociale, qui déciderait d'aller alpaguer tel ou tel. Le droit pénal ne doit pas seulement récupérer le dol, mais sanctionner. Nos collègues de la majorité approuvent, mais ce que je viens de dire n'est pas seulement vrai pour les employeurs, ça l'est aussi pour les assurés ou les professionnels de santé. On reste confondu face à ce mélange des genres permanent qu'instaure le texte gouvernemental. C'est une construction juridique inédite et ahurissante.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Vous tentez de donner le change en disant que vous sanctionnez également tout le monde. Mais des dispositions permettent déjà de recouvrer les dettes des grosses entreprises, lesquelles doivent quelque 2 milliards d'euros à la sécurité sociale.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Ce n'est pas la même chose !

M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas la même chose, mais moi, j'en parle. Il y a 2 milliards d'euros à récupérer immédiatement. Ne vous gênez pas, allez-y ! Mais combien votre mesure va-t-elle rapporter ?

Je ne comprends rien à ces systèmes qui contredisent la loi et le système de sécurité sociale. Vous dites : « Regardez, monsieur Gremetz, vous pouvez être content, nous allons nous en prendre aux employeurs. » On sait ce que ça va donner. Ce qu'il faudrait, c'est avoir la volonté d'agir.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8221.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 3148 à 3159.

La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Ces amendements visent à préserver les assurés sociaux des sanctions que pourrait prendre le Gouvernement du fait de l'article 13.

En effet, considérant que la meilleure gestion de la couverture socialisée des dépenses de santé passait par le renforcement des normes de sanction et par l'élargissement de celles-ci à des catégories d'usagers du système de santé considérés comme fraudeurs, le Gouvernement a décidé d'englober dans le cadre de ces sanctions renforcées tous les assurés sociaux susceptibles d'être bénéficiaires d'une prise en charge pour cause d'ALD ou d'une entente préalable. Il suffira que ces assurés fassent une demande injustifiée, sans pour autant que l'on sache précisément les critères de refus, pour qu'ils soient sanctionnés.

Hormis le fait qu'il s'agit d'un nouvel instrument de rationnement des dépenses socialisées de santé et surtout d'une tentative de faire basculer le coût de cette prise en charge collective sur les seuls ménages consommateurs de soins, c'est-à-dire les malades, on veut, une fois de plus, faire retomber la responsabilité des déficits sociaux sur le dos des assurés.

En effet, bien que vous vous en défendiez en séance, la procédure que vous mettez en place ne sera destinée qu'aux assurés sociaux, et non aux professionnels de santé et aux établissements comme vous le prétendez par ailleurs. La procédure de sanction des professionnels de santé sera sans aucun doute inefficace. Quant aux établissements de soins, ils n'apparaissent même pas dans le programme de sanctions de cet article.

Enfin, afin d'organiser la procédure de sanction, le Gouvernement prévoit la mise en place d'une commission dans laquelle il installe des professionnels de santé pour juger leurs pairs aux côtés des directeurs de CNAM. Un amendement de notre collègue rapporteur de la commission spéciale escompte même que ces professionnels appartiendront au corps de spécialité du professionnel incriminé. La proposition en est presque comique : quel professionnel de santé ira juger son pair pour une demande de prise en charge en ALD critiquée par un technocrate de l'assurance maladie parce qu'elle lui apparaît injustifiée ?

Non, décidément, même si vous voulez jeter l'opprobre sur les professionnels de santé afin de les décrédibiliser auprès de la population, votre procédure ne touchera, au bout du compte, que les assurés sociaux, pourtant dans le besoin. Monsieur le ministre, le choix qui est le vôtre revient à jouer la santé des Françaises et des Français, notamment celle des plus pauvres d'entre nous, contre les équilibres comptables et la rentabilité financière des institutions financières. Ce n'est pas notre conception. C'est pourquoi nous proposons ces amendements.

M. Maxime Gremetz. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3148 à 3159.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 8119 et 8222, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 8119.

M. Jean-Marie Le Guen. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Bur, pour soutenir l'amendement n° 8222.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable à l'amendement n° 8222 et défavorable à l'amendement n° 8119.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement n° 8119 et a accepté l'amendement n° 8222.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8119.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8222.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 105, 7629 et 8196.

La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. L'article 13 met en place un dispositif de sanctions financières à l'encontre des usagers, des établissements et des professionnels de santé, en cas d'inobservation des règles du code de la sécurité sociale. Lorsque la pénalité est prononcée à l'encontre d'un professionnel de santé, l'article prévoit que des professionnels de santé participent à la commission. Il vous est proposé que ce soit des représentants de la même profession que le prescripteur incriminé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 105, 7629 et 8196.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je vous informe qu'il nous reste exactement 4 000 amendements à examiner.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Nous sommes à la mi-temps !

M. le président. Nous en avons examiné 3 799, avec une moyenne de 55,7 amendements à l'heure.

M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas mal !

M. le président. Certes, mais on pourrait faire mieux.

M. Jean-Marie Le Guen. Je sens que cela va freiner ! (Sourires.)

M. le président. C'est pour dire que ceux qui considèrent qu'il y a obstruction ne savent pas ce qu'est l'obstruction.

M. Maxime Gremetz. Voilà !

M. le président. Les vieux parlementaires comme moi savent que l'on n'avance pas à ce rythme lorsque l'on veut faire de l'obstruction. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Marie Le Guen. Nous sommes d'accord avec tout ce que vous dites, monsieur le président, sauf sur le fait que vous soyez un vieux parlementaire. (Sourires.)

M. le président. Je suis un vieux parlementaire, et je sais que la gauche, comme la droite, sait faire de l'obstruction. Cette réflexion me trottait dans la tête depuis ce matin.

Maintenant, nous allons continuer sereinement. Et je compte sur M. Gremetz, sur M. Mariton, et sur l'ensemble des députés socialistes pour accélérer un peu le rythme. Ce serait bien pour un samedi.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 8197 et 8383.

L'amendement n° 8197 n'est pas défendu.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 8383.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous proposons que des représentants des associations des usagers du système de santé soient associés à la commission chargée de prononcer une sanction à l'encontre d'un usager.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet. La commission comprend déjà des représentants des assurés sociaux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Monsieur le président, j'aimerais sous-amender l'amendement de M. Le Guen. Je ne sais pas ce qu'implique exactement le fait d'être « associés ». Les représentants des associations seront-ils par exemple simplement prévenus que la commission se réunit ? Je crois qu'il serait préférable d'écrire, comme pour les professions de santé, que les représentants des associations des usagers du système de santé « participent » à la commission.

M. le président. Vous proposez donc un sous-amendement oral à l'amendement n° 8383 pour remplacer les termes « sont associés » par le mot « participent ». Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement oral ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je préfère la formulation « sont associés ». Mais je reste défavorable à l'amendement, pour la bonne et simple raison que les représentants des assurés sociaux font déjà partie de la commission. En effet, le code de la sécurité sociale prévoit huit représentants des assurés sociaux au sein du conseil.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Il serait intéressant de connaître la position du Conseil constitutionnel. Dans le dispositif proposé, les représentants des caisses sont à la fois juges et parties. Si vous prévoyez des procédures contradictoires pour les professionnels de santé, et, demain, je l'espère, pour les établissements de santé, vous êtes obligé de faire la même chose pour les assurés, ne serait-ce que parce que, dans la loi du 4 mars 2002, nous avons reconnu une certaine légitimité aux associations d'usagers, aux associations de malades.

M. Jean-Marie Le Guen. On la connaît l'appréciation du Conseil constitutionnel.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement oral de M. Évin.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8383.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 106.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cet amendement, qui a été adopté par la commission, précise que l'assuré aura la garantie de ne pas être sanctionné sans que soient pris en compte les éléments susceptibles d'atténuer sa propre responsabilité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 106 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 7540 n'est pas défendu.

Je suis saisi de trois amendements, nos 107, 8198 et 8384, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 8198 n'est pas défendu.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 8384.

M. Jean-Marie Le Guen. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 107.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable à l'amendement n° 107, défavorable à l'amendement n° 8384.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Cela veut dire, monsieur le ministre, que le recours est possible devant le tribunal administratif, et non pas devant le TASS.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est cela.

M. Claude Évin. Tout à l'heure, vous avez affirmé, monsieur le ministre, que le recours pourrait avoir lieu devant le TASS. Relisez le compte rendu. Maintenant, vous dites que ce recours se fera devant le tribunal administratif. Il faudrait vous mettre d'accord.

M. Jean-Marie Le Guen. Avec vous-même, ce qui n'est pas facile.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je suis d'accord avec moi-même. J'ai dit que la procédure suivrait le « droit commun ». Relisez le procès-verbal.

M. Jean-Marie Le Guen. Le droit commun, c'est le TASS.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 107.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 8384 n'a plus d'objet.

Sur le vote de l'article 13, je vous indique que suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 3160 à 3171.

La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Ces amendements sont cohérents avec notre position sur l'article 13.

Cet article vise à instaurer des sanctions à l'égard des assurés sociaux, des professionnels de santé et des établissements de santé pour lesquels l'inobservation des règles du code de la sécurité sociale a abouti à une demande de remboursement ou de prise en charge indue.

À cet effet, l'article prévoit que l'organisme de sécurité sociale chargé de sanctionner met en œuvre les procédures de recouvrement des cotisations et majorations de retard prévues aux articles L.244-3 et L.244-9 du code de la sécurité sociale et à l'article L.725-3 du code rural. En fait, par la mise en œuvre de ces sanctions particulières à l'égard des professionnels de santé, le Gouvernement entend mettre au pas les professionnels de santé considérés comme fraudeurs et conventionnés, dans la mesure où ces trois articles imposent des contraintes sur le paiement des cotisations.

Nous sommes contre le principe de sanction, mais plus encore contre le principe de la sanction des médecins conventionnés. C'est pourquoi nous proposons la suppression de l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article L.162-1-14 du code de la sécurité sociale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3160 à 3171.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8220.

La parole est à M. le président de la commission spéciale, pour le soutenir.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Aux termes d'une jurisprudence du 14 décembre 2000, les caisses primaires ne sont pas des organismes de recouvrement et ne peuvent donc appliquer les majorations de retard.

En conséquence, il conviendrait de reprendre directement dans le projet de loi les dispositions qu'appliquent les URSSAF et dont les caisses auront besoin pour optimiser le recouvrement des pénalités.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Là nous allons retourner devant le TASS ?

M. Jean-Marie Le Guen. C'est un slalom !

M. Claude Évin. Le recours est devant le tribunal administratif, avec une prescription de deux ans, et lorsque la mise en demeure est restée sans effet le directeur de l'organisme « peut délivrer une contrainte, qui à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, » comporte tous les effets d'un jugement. Comment va-t-on s'y retrouver dans cette procédure ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Le tribunal administratif est compétent sur le fond, tandis que le TASS l'est en matière de recouvrement.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il va falloir donner un décodeur aux assurés sociaux !

M. Claude Évin. C'est d'une clarté !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8220.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 108.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'éviter la mise en œuvre simultanée par l'organisme de sécurité sociale de plusieurs procédures conventionnelles visant à sanctionner une même inobservation des règles du présent code par un professionnel de santé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. D'accord.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. S'il s'agissait d'interdire qu'un professionnel soit condamné deux fois de suite pour des actes identiques, je comprendrais, mais lorsqu'un praticien a multiplié les actes fictifs, on peut, me semble-t-il, le sanctionner à ce titre et, parallèlement, engager une procédure de déconventionnement. L'amendement va-t-il changer cela ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous avez très bien compris ce que je voulais dire, monsieur Le Guen. Il n'est pas question de déconventionnement. L'objectif de l'amendement est de faire en sorte que l'on ne puisse engager deux procédures simultanées à l'encontre de ces praticiens.

M. Jean-Marie Le Guen. Je suppose que, par souci de symétrie, vous présenterez la même disposition pour les assurés !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Affirmatif ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La procédure de déconventionnement ne peut leur être appliquée, que je sache !

M. Jean-Marie Le Guen. C'est donc bien d'une procédure de déconventionnement qu'il est question, pas d'une procédure de sanction pour fraude !

M. Claude Évin. Même la majorité a des doutes !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8468.

La parole est à M. le secrétaire d'État, pour le soutenir.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Cet amendement fait suite à une discussion que nous avons eue à l'article 8. Il faut en effet prévoir un mécanisme complémentaire si le médecin ne satisfait pas à l'obligation prévue par cet article. Ainsi, le médecin serait passible d'une pénalité qui pourrait être suspendue s'il décidait de s'engager dans des actions d'évaluation et d'amélioration de la qualité de sa pratique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Bien sûr, il vaut mieux essayer de convaincre plutôt que pénaliser, mais, là aussi, je suppose que le Gouvernement va proposer une disposition symétrique pour les assurés. Je rappelle en effet qu'ils ne sont pas responsables des prescriptions et devraient donc bénéficier au moins des mêmes droits que les praticiens !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je ne sais pas si vous avez lu l'amendement jusqu'au bout, monsieur Le Guen ! Il y est question d'évaluation et de formation du professionnel de santé. Voudriez-vous obliger les patients à s'évaluer et à se former ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. J'ai simplement proposé un schéma similaire pour l'assuré, c'est-à-dire qu'un sursis lui soit accordé pour la pénalité s'il acquiert une meilleure connaissance du code de la sécurité sociale, de ses droits et, éventuellement, des bonnes pratiques sanitaires. Il n'est pas interdit d'expliquer ce qu'il faut faire aux assurés qui ont commis une faute.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8468.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 3172 à 3183.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Ces amendements visent à supprimer le renvoi à un décret pour l'application d'un article qui, encore une fois, ordonne des éléments de sanction en autorisant le directeur d'une caisse à sanctionner financièrement les médecins, les hôpitaux, ou même les patients, dont la pratique ou le comportement constituerait une demande de remboursement abusive ou un remboursement injustifié. Mais surtout, cette sanction ne s'appliquera qu'aux patients.

Le législateur doit pouvoir dire le droit. Il n'y a donc aucune raison qu'il n'ait pas l'entière maîtrise de l'application de l'article. C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale qui renvoie à un décret en Conseil d'État pour l'application de cette disposition tendancieuse.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Rejet.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3172 à 3183.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 73 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 7620.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Il tombe, monsieur le président.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 109.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est un amendement de cohérence.

M. Jean-Marie Le Guen. Le seul amendement de cohérence serait un amendement de suppression !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'article 13, modifié par les amendements adoptés.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 41

              Nombre de suffrages exprimés 41

              Majorité absolue 21

        Pour l'adoption 30

        Contre 11

L'Assemblée nationale a adopté.

Après l'article 13

M. le président. L'amendement n° 7541 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 8386.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous allons en venir, avec les deux articles suivants, à un sujet sur lequel se focalise la volonté répressive du Gouvernement : les arrêts de travail. Il importe de rappeler que les fraudes les plus importantes résident dans la sous-déclaration massive des maladies professionnelles et des accidents du travail, laquelle coûte probablement 3 milliards d'euros par an à la sécurité sociale ! Toutes les études récentes - je pense notamment à une étude comparative sur les systèmes de santé au travail et d'assurance maladie en France et aux Etats-Unis - montrent que nous disposons là d'une marge de progression. Nous y reviendrons, car c'est une question majeure de santé publique et d'approche des problèmes de santé.

Quant aux indemnités journalières, si l'augmentation des montants versés à ce titre est préoccupante, c'est autant pour des raisons sanitaires et sociales que pour des raisons financières. Elle est en effet liée à l'accroissement du nombre des arrêts de travail de plus de trois mois, au bénéfice de travailleurs de plus de cinquante ans. Cela est directement lié au problème d'employabilité que rencontrent ces derniers. Le Sénat vient, certes, de permettre aux ministres de poursuivre leur carrière au-delà de soixante-cinq ans, mais la question n'est pas réglée pour le reste de nos concitoyens. Le Gouvernement préfère allonger la durée du travail en retardant l'âge de la retraite.

Notre politique sociale a renoncé à mettre en place, peut-être à juste titre d'ailleurs, des plans de départ anticipé à la retraite, mais n'a pas parallèlement convaincu les entrepreneurs qui considèrent, comme M. Seillière, que la santé des Français ne les concerne en rien. Il nous faut donc nous attaquer à ce vaste chantier de l'employabilité et de la santé au travail des plus de cinquante ans ! C'est d'ailleurs ce que nous ferions si vous ne vous attachiez pas à diminuer les droits des assurés au lieu de chercher les moyens d'améliorer la santé tout en faisant progresser les finances de notre régime d'assurance maladie. Si nous nous attachions à résoudre les difficultés rencontrées par nos régimes de retraite, nous parlerions non pas d'allongement de la durée légale du travail et de retard de l'âge de départ en retraite, mais de la façon d'assurer un travail aux personnes de plus de cinquante ans. Or, le Gouvernement n'aborde pas cet énorme chantier. Cet amendement avance une première proposition : le médecin du travail pourrait aider ceux qui ont du mal à retrouver du travail après un arrêt de plus de trois mois.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Même si la procédure suggérée est complexe, elle présente des avantages. La commission a donc accepté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Le Gouvernement demande le rejet de cet amendement. Même si nous comprenons l'intérêt de cette mesure, l'article R. 241-51 du code du travail prévoit déjà une visite de préreprise qui peut être demandée par le médecin-conseil de la sécurité sociale, le médecin traitant ou le salarié lui-même. Il nous semble donc plus judicieux de développer cette procédure que d'en créer une nouvelle.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8386.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8252.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement se situe dans la continuité du précédent, puisqu'il s'agit, au-delà de la question sanitaire, d'amorcer une politique sociale de formation et de suivi destinée aux travailleurs âgés. En l'occurrence, il vise à favoriser la formation et l'adaptation continue au poste de travail de ces populations.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement car, contrairement au précédent, il n'a aucun lien direct avec la réforme de l'assurance maladie.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8252.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8253.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement demande au Gouvernement un rapport sur l'« employabilité » des travailleurs âgés. Après les trois amendements précédents qui concernaient le suivi social et médical des personnes de plus de cinquante ans, il convient d'envisager la question de façon plus générale. Mais je constate que le Gouvernement n'a rien à dire sur ce sujet.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Amendement rejeté. M. Le Guen sait ce que je pense de l'accumulation des rapports.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Défavorable.

J'ajoute que, en ce qui concerne l'emploi des plus de cinquante ans, c'est-à-dire des seniors, une négociation est prévue dans le cadre du plan de cohésion sociale. Nous considérons qu'il appartient en priorité aux partenaires sociaux de traiter la question.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8253.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8376.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous demandons au Gouvernement de se pencher sur les conditions d'indemnisation, insuffisante dans bien des cas, des incapacités temporaires de travail, afin qu'il l'améliore.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8376.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 14

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Malgré les questions de portée générale que nous avons posées, nous n'avons pas eu d'informations sur l'analyse que fait le Gouvernement de la situation préoccupante de la santé au travail des plus de cinquante ans. Il s'est contenté de dénoncer, à coup de communiqués de presse, les salariés coupables, une fois de plus, d'abuser des indemnités journalières.

Pour notre part, nous avons essayé de démontrer que ce sont la sous-déclaration et la sous-prise en charge des maladies professionnelles qui constituent un enjeu majeur pour la santé, et en termes financiers. Nous avons donc fait des propositions, sur le plan sanitaire et social, et dans le domaine de la formation, pour individualiser et améliorer la prise en charge des plus de cinquante ans. Mais le ministre de la santé et de la protection sociale, quant à lui, n'a toujours pas émis la moindre suggestion. Pourtant, les comptes de l'assurance maladie sont gravement détériorés et la santé des travailleurs est en jeu.

D'autres collègues reviendront sur les conséquences de l'évolution sur quinze ou vingt ans des processus de travail. Contrairement aux idées reçues, des problèmes nouveaux se posent. Ils sont certes différents de ceux rencontrés au début du xxè siècle, et qui sont à l'origine des premières caisses de sécurité sociale. Aujourd'hui, la problématique a changé, mais les contraintes sont tout aussi pesantes. Je pense au stress subi y compris dans le secteur des services, même si le contexte est bien différent de la mine, de la sidérurgie ou de l'industrie chimique. Les pathologies prennent des formes nouvelles, mais elles frappent durement les plus de cinquante ans.

L'article 14 sonne la chasse à l'assuré. Rien n'ayant été fait pour la prévention collective, c'est l'individu isolé qui est pris pour cible. Les articles 14 et 15 sont choquants, dans la conception des arrêts de travail et des indemnités journalières qu'ils révèlent.

Deux approches sont possibles. Jusqu'à présent, les arrêts de travail, donc les indemnités auxquelles ils donnent lieu, font partie de la prescription médicale. Ils ne correspondent pas à un droit social, mais ils sont la conséquence d'un acte médical. Or la conception du Gouvernement est bien différente, puisqu'il cherche à isoler la prescription des indemnités journalières, pour en faire un droit social qu'accorderait le médecin. En tant que tel, il s'agit forcément, aux yeux du Gouvernement, d'un droit exorbitant, abusif et perverti ! La conséquence à tirer, c'est que les médecins libéraux de ce pays n'auront plus à prescrire les arrêts de travail. Il faudra que ce soient d'autres médecins, payés par la puissance publique - l'assurance maladie, l'État, ou autre - qui s'en chargent. En revanche, si l'on considère que la décision d'accorder les indemnités journalières découle de la prescription des médecins, il n'y pas de raison de les traiter autrement qu'aujourd'hui.

C'est un choix important, dont les conséquences seront lourdes, y compris financièrement. Les médecins ne sont pas demandeurs, mais, s'ils sont sanctionnés pour la façon dont ils accordent les droits sociaux, alors qu'ils considèrent que la situation sanitaire de leurs patients justifie un arrêt de travail, ils refuseront la logique de répression. Ils demanderont alors aux pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités et de décider par eux-mêmes !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Au motif que les arrêts de travail, et leur corollaire, les indemnités journalières, ainsi que les prescriptions de transport explosent, il faudrait voter les articles 14 et 15 pour renforcer le contrôle et la répression.

Pourtant, la dégradation des conditions de travail explique aisément l'accroissement des arrêts de travail. Il s'agit surtout, les rapports de l'IGAS et de la CNAM le soulignent, de ceux de plus de trois mois. Il se trouve que ce sont ceux qui sont les plus contrôlés puisqu'il est par définition plus difficile de vérifier les arrêts de courte durée. Si les contrôles sont insuffisants, cela signifie qu'on manque des médecins, auquel cas, il est inutile de changer la loi, il suffit d'embaucher.

Vous continuez à refuser, comme vous l'avez fait au cours de la discussion du projet de loi relatif à la politique de santé publique, tous les amendements déposés par les Verts, les socialistes ou les communistes, pour améliorer la prévention dans les entreprises, et vous nous annoncez pour la rentrée un plan consacré à la santé au travail. Il est pour le moins surprenant de commencer par débattre de la santé publique, puis de réformer l'assurance maladie, avant d'en finir, on ne sait pas trop quand, par la prévention !

À propos des accidents du travail - qui sont loin d'être tous déclarés, ils le sont même de moins en moins -, les victimes types sont des jeunes en intérim. Il s'agit donc surtout de salariés peu protégés qui, compte tenu de la précarité de leur emploi, peuvent difficilement abuser des arrêts de travail.

Quant aux prescriptions de transport, toutes les études, notamment le rapport de l'IGAS, mettent également en cause les entreprises de transport. Mais il est plus délicat de s'attaquer à elles. D'ailleurs, le projet est muet en ce qui les concerne. Vous proposez seulement de calculer les écarts à la moyenne. Il est pourtant très facile de pister les abus - ils existent, j'en conviens - et les caisses d'assurance maladie connaissent les prescripteurs abusifs et les assurés concernés.

L'article 14 tel que vous le proposez est d'autant plus surprenant qu'il complique le traitement des abus. On peut même se demander si, au fond, vous ne craignez pas de vous attaquer aux prescripteurs fautifs.

Je crois savoir que la Caisse régionale d'assurance maladie de Loire-Atlantique a mené une politique très positive de lutte contre les abus. Il suffirait de généraliser ses bonnes pratiques à l'ensemble du territoire national pour obtenir des résultats. Ce serait mieux que de légiférer.

De plus, le système mis en place à l'article 14 est aberrant. Il sera interdit au médecin reconnu coupable de prescrire soit des arrêts de travail, soit des prescriptions de transport pendant six mois. Comme nous avons, auparavant, introduit le médecin traitant, cela signifie que, pendant six mois, des patients, s'ils ont besoin d'arrêts de maladie, ou de prescriptions de transport, risquent de devoir changer de médecin traitant, même s'ils ne sont pas fautifs. Il est en outre impossible de planifier de tels besoins, si bien que la personne qui arrivera en catastrophe chez le médecin pour un arrêt de travail, sera renvoyée au médecin-conseil ou à un autre médecin. Elle devra en plus informer sa caisse qu'elle change provisoirement de médecin traitant. Quelle paperasse ! Quelle gabegie !

Les articles 14 et 15 sont véritablement absurdes !

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Monsieur le président, l'article 14, comme les articles 13 à 16, comporte toute une batterie de sanctions frappant principalement les patients en cas d'arrêts maladie ou de remboursements de frais de transport abusifs.

Il est prévu d'infliger des amendes administratives aux professionnels de santé, aux établissements de soins ou aux assurés sociaux si leurs comportements ont abouti à des remboursements indus. La sanction, qui serait décidée par le directeur de la CPAM, après avis d'une commission, pourrait faire l'objet d'un appel devant le tribunal de la sécurité sociale. La procédure employée serait vraisemblablement identique à celle employée par les URSSAF en cas de redressement de cotisations.

En outre, un médecin prescrivant des arrêts maladie non médicalement justifiés, ou prescrivant un nombre d'arrêts maladie anormal par rapport à la moyenne régionale, pourra être mis sous surveillance pour une durée de six mois maximum par le contrôle médical. Les arrêts maladie qu'il aura prescrits devront alors obtenir l'accord préalable du contrôle médical. Le directeur de la caisse pourra même décider qu'ils ne seront plus pris en charge par l'assurance maladie.

Dans le cas d'arrêts maladie injustifiés, la caisse informera l'employeur de la suspension du versement des indemnités journalières.

En cas d'arrêts maladie non médicalement justifiés, la caisse pourra demander le remboursement des indemnités déjà perçues !

Actuellement, seuls les arrêts maladie de plus de six mois sont systématiquement contrôlés. À l'avenir, les arrêts maladie de moins de six mois, mais fréquemment renouvelés, feront également l'objet d'un contrôle systématique. L'examen de l'ensemble de ces données nous permet de mesurer combien nous entrons résolument dans un système policier !

L'ensemble de ces dispositions appelle plusieurs remarques. Cette partie du projet de loi accrédite l'idée que la croissance des dépenses s'explique avant tout par la fraude des assurés sociaux. Cela rejoint la question de la carte Vitale et le débat que nous avons eu sur l'article précédent.

S'il est incontestable que des comportements de fraude existent, toutes les études montrent qu'ils constituent une cause marginale de croissance des dépenses.

Le projet de loi paraît faire une fixation sur les arrêts maladie. Or, si les indemnités journalières connaissent une croissance rapide, concentrée sur les travailleurs âgés de plus de cinquante ans, et surtout de plus de cinquante-cinq ans, elles représentent une proportion modeste des dépenses d'assurance maladie : en 2002, ces indemnités représentaient environ 7 % des dépenses de la CNAM. Il conviendrait, monsieur le secrétaire d'État, que vous présentiez des arguments sérieux et des justifications crédibles.

La CNAM estime à 6 % le nombre d'arrêts de travail non médicalement justifiés. De son côté, le cabinet du ministre estime, dans l'un des documents remis lors de la concertation avec les partenaires sociaux, à 800 000 euros les gains qui seraient réalisés par une augmentation des contrôles, ce qui représente plus de 10 % des indemnités journalières actuelles de l'ensemble des régimes d'assurance maladie. Cela représenterait donc un doublement, voire un triplement des arrêts maladie injustifiés.

Il s'agit là d'une vision manifestement inflationniste. Les arguments avancés par le Gouvernement sont donc injustifiés, voire fallacieux. Telle est la raison pour laquelle nous nous opposerons, tout au long de sa discussion, à l'article 14.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. L'article 14 - mes collègues viennent de le rappeler - vise à changer les comportements en matière d'indemnités journalières.

Il conviendrait peut-être de commencer par s'attaquer tout particulièrement à la pénibilité du travail en entreprise, au stress lié à la fixation sur le rendement ou au harcèlement, qui suscite dans les entreprises des problèmes récurrents. Le Gouvernement de Lionel Jospin a fait voter une loi condamnant le harcèlement au travail, qui pèse lourdement sur les assurés sociaux.

En vue de sortir l'assurance maladie de l'ornière, nous réclamons la mise en place d'un véritable service de santé publique et de prévention : je pense notamment à la prévention dans le milieu scolaire. Mais encore faudrait-il que la prévention en milieu scolaire existe véritablement. À l'heure actuelle, le nombre des visites médicales dans les établissements primaires ou secondaires est très faible. Il n'y a plus d'infirmières attitrées dans les collèges et les lycées. Cinq ou six établissements se partagent l'emploi du temps d'une seule infirmière. Dans un département comme les Hautes-Pyrénées, qui est relativement grand et dont les zones de montagne accroissent les temps de déplacement, le nombre d'infirmières scolaires doit être d'une douzaine tout au plus ! Il n'existe plus à l'heure actuelle de prévention médicale en milieu scolaire.

Il en est de même dans le milieu professionnel. En dix ans, l'accroissement de la pénibilité du travail a conduit à une augmentation du nombre des accidents du travail. La France est un des pays qui connaît le plus grand nombre d'accidents du travail au monde. C'est pourquoi les propositions que nous ferons sur l'article 14 viseront non pas à culpabiliser les assurés sociaux mais à améliorer leur état de santé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. Nous aurons l'occasion de revenir en détail sur l'article 14, dont nombre de dispositions appellent le débat, notamment la référence à des indemnités journalières versées pour des arrêts de travail prescrits par un même médecin et dont le nombre ou la durée seraient « significativement supérieurs aux données moyennes constatées pour une activité comparable ». Tout un programme !

M. François Liberti. Effectivement !

M. Jean-Claude Viollet. Aborder l'augmentation du volume des indemnités journalières - les prestations dont bénéficient les assurés sociaux lors d'un arrêt de travail - implique de choisir une approche. Une première approche, celle du Gouvernement, consiste à dissuader les médecins et les assurés sociaux en les menaçant de sanctions. Une seconde approche, que je qualifierais de santé, consisterait à chercher, dans les conditions de vie et de travail, l'explication de l'augmentation actuelle du nombre des arrêts maladie. Certaines pathologies sont emblématiques des formes nouvelles d'organisation de notre société, dans l'économie notamment, lesquelles occasionnent la recrudescence des arrêts de travail - au nombre de 2 000 par jour, à l'heure actuelle, dans nos entreprises !

Une premier facteur tient à la fatigue psychique et au stress que subissent de nombreux travailleurs. La forme de notre organisation économique moderne, dont les injonctions sont paradoxales, laisse les travailleurs mal armés pour y répondre. Ils doivent sans cesse rendre le meilleur service au meilleur prix dans le minimum de temps ! L'ensemble formé par ces injonctions se révèle incompatible avec l'être humain que nous sommes ! Un autre facteur d'anxiété réside dans le fait que le salarié se trouve contraint non pas de prendre mais d'assumer des responsabilités, sans avoir pour autant de responsabilités effectives dans la définition et l'organisation de son travail. Selon l'OCDE, le pourcentage des maladies mentales chez les bénéficiaires d'allocations d'incapacité est passé de 17 % à 28 % en dix ans.

Les facteurs d'ordre physique sont tout aussi essentiels pour expliquer l'augmentation du nombre d'arrêts de travail. Les troubles musculo-squelettiques sont une des principales causes des accidents du travail recensés. Les nouvelles formes d'organisation du travail sont, pour une bonne part, indiscutablement responsables de l'augmentation du nombre d'arrêts de travail. Le cumul des fatigues physiques et des tensions psychiques mériterait d'être analysé.

La modalité de gestion des personnels de plus de cinquante ans, quant à elle, a déjà été évoquée dans le cadre de la pénibilité du travail. Il est tellement plus simple de conseiller la mise en arrêt maladie que de procéder aux ruptures de contrat avec les conséquences que l'on connaît pour les salariés les plus âgés ! Là encore, il conviendrait de regarder d'un plus près la réalité des choses.

C'est vrai, monsieur le secrétaire d'État, notre approche est différente de la vôtre. La nôtre prend en compte les conditions de travail, l'information publique sur la réalité des conditions de travail et leurs incidences sur les maladies et les accidents du travail en entreprises. Sans doute conviendrait-il de réfléchir sur l'internationalisation au sein des entreprises du coût social et des pratiques sociales, y compris en matière d'arrêts maladie ou d'accidents du travail. Il conviendrait également de réfléchir sur les politiques de l'emploi. En période de plein-emploi, comme il est plus difficile de trouver des salariés, l'entreprise fait davantage d'efforts pour garantir de meilleures conditions de travail, de santé et de sécurité.

Les problèmes de retraite et de santé que nous abordons depuis plusieurs mois dans cette assemblée sont dépendants de problèmes qui ne sont pas encore réglés, en matière de crise de l'emploi et de crise du travail. Nous souhaitons nous inscrire dans une démarche de promotion de la santé et changer de modèle, notamment ne plus évoquer la question du remboursement des dépenses de l'assurance maladie sans la lier, sur un pied d'égalité, à celle de la prévention des risques. Il convient d'anticiper et de réfléchir à la notion de santé durable, qui implique une véritable politique de prévention en milieu scolaire et en milieu professionnel. Nous l'affirmons bien haut : la santé au travail relève de politiques publiques.

Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais que le Gouvernement nous tienne informés de l'état d'avancement du projet de décret du ministère du travail relatif à la réforme de l'exercice médical de la médecine du travail. Je crois savoir que ce texte suscitait une opposition de la part des organisations syndicales, y compris des syndicats professionnels de médecine du travail, et des réserves de la part d'organisations patronales, notamment de l'UPA. Voilà qui relève également des questions de santé !

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. Je souhaite, à mon tour, exprimer toutes les réserves que m'inspirent les articles 14 et 15.

Il est clair, dans l'esprit des membres du groupe socialiste comme dans le mien, que les abus éventuels doivent être identifiés et sanctionnés. Mais les contrôles exigent des moyens. Or, en la matière, nous ne pouvons qu'être inquiets de constater que les moyens des caisses d'assurance maladie diminuent et que les médecins contrôleurs et les médecins du travail sont en nombre insuffisant. Nous ne formulons donc aucune objection de principe quant au contrôle des abus éventuels.

Mais il convient avant tout de s'interroger sur les raisons pour lesquelles le nombre des indemnités journalières connaît une telle augmentation.

En premier lieu, toutes les études révèlent que les abus sont marginaux. Chacun le sait, et la Caisse nationale d'assurance maladie l'a établi, seul un tout petit nombre de médecins, qui peuvent se compter, dans les ressorts des caisses, sur les doigts des deux mains, voire d'une seule, sont responsables de la majorité de la délivrance des arrêts de travail. Ces médecins sont donc connus et identifiés et, je le répète, leur nombre est infime par rapport à la grande masse de leurs confrères qui fait scrupuleusement son travail.

Nous savons également que les arrêts de travail sont concentrés sur ceux de plus de trois mois et concernent les travailleurs les plus âgés. Selon les chiffres de la CNAM - M. Liberti l'a rappelé -, les abus ne concernent que 6 % des arrêts. Sur la base de ces chiffres, la lutte contre les abus, dont nous ne contestons pas la nécessité, vous permettrait de réaliser non pas, comme vous le prétendez, monsieur le secrétaire d'État, 1 milliard d'économies, mais tout au plus 300 millions.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Non.

Mme Élisabeth Guigou. Ce sujet ne peut donc pas être regardé par le petit bout de la lorgnette, comme vous le faites, monsieur le secrétaire d'État, en mettant en évidence des abus et en diabolisant un petit nombre de médecins ou d'assurés.

Le vrai problème réside dans la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail, dans le traitement de la pénibilité du travail et dans l'évolution du travail au sein de nos sociétés. Plusieurs de mes collègues l'ont rappelé, nos efforts en matière de prévention des risques et des maladies professionnels sont encore insuffisants. La transformation du travail dans nos sociétés - Mme Robin-Rodrigo l'a évoquée - accroît la fatigue psychique et la fatigue morale. C'est la raison pour laquelle nous avons fait voter une loi, visant à lutter contre le harcèlement moral dans les entreprises, et qui renverse la charge de la preuve au bénéfice du salarié : c'est au chef d'entreprise d'apporter désormais la preuve que le salarié n'est pas soumis au harcèlement moral. Des études montrent - M. Viollet y a fait référence - que la pénibilité s'est considérablement accrue, ce que révèle l'augmentation des troubles musculo-squelettiques. Le nombre des maladies liées à ces troubles a considérablement augmenté, comme l'indiquent les chiffres de l'OCDE. Il convient d'en tirer toutes les conséquences.

Il ne faut pas non plus oublier la question de la gestion des âges, puisque la très grande majorité des arrêts de travail concerne les populations de plus de cinquante-cinq ans, voire de plus de cinquante ans. Pourquoi ne pas s'interroger sur la gestion des deuxièmes carrières dans les entreprises ou dans la fonction publique ? J'avais engagé ce travail comme ministre, au travers de négociations avec les partenaires sociaux. Il a été interrompu depuis deux ans et demi.

Une fois de plus, le Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État, se focalise sur la tête d'épingles des abus, lesquels existent mais sont marginaux et ne sont le fait que d'une minorité d'assurés et de médecins, pour mieux esquiver les vrais sujets, ceux de la prévention, du travail dans les entreprises et du plein-emploi.

Vous allez me rétorquer que ces problèmes ne sont pas de votre responsabilité, mais de celle de M. Borloo. Les membres d'un gouvernement se doivent d'aborder les problèmes de façon globale et solidaire. Mais puisque la question de la pénibilité du travail relève autant de la crise de l'emploi que de celle du travail, M. Borloo devrait se trouver effectivement à vos côtés, comme M. Douste-Blazy d'ailleurs, que nous avons fort peu vu ce matin. Les pathologies liées au travail concernent tout autant M. Borloo que vous. Aussi devrait-il venir nous éclairer sur les mesures qu'il compte mettre en œuvre pour lutter contre ce nouveau fléau social.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Nous ne nions pas l'existence d'arrêts médicalement injustifiés. Mais il faut noter que la sanction de ces abus pèse, pour l'essentiel, sur les assurés sociaux. Une telle situation est aggravée par le projet de loi, comme vient de le démontrer François Liberti.

Dans ce cadre, le mécanisme de mise sous contrôle des médecins gros prescripteurs d'arrêts de travail peut générer des effets pervers.

Le texte fait référence à des médecins prescrivant un nombre ou une durée d'arrêts de travail donnant lieu au versement d'indemnités journalières significativement supérieures aux données moyennes constatées. Que faut-il entendre par là ?

Le risque est que la moyenne devienne une norme que chaque médecin s'efforcera se suivre, alors que, précisément, la population qu'il suit présente des caractéristiques différentes de la moyenne régionale.

Qu'adviendra-t-il, par exemple, des médecins qui travaillent dans des zones socialement défavorisées ? Autant d'interrogations et d'inquiétudes, qui fondent notre opposition résolue à cet article 14.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. La position de l'opposition est à la fois très naïve lorsqu'il s'agit de contrôle, et carrément apocalyptique, à la Zola, quand ses représentants décrivent la situation de notre pays.

M. François Liberti. Nous décrivons la réalité !

M. Hervé Mariton. Ainsi serions-nous dispensés de toute action !

    2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1675, relatif à l'assurance maladie :

Rapport, n° 1703, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission spéciale.

A vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures trente.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot