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Première séance du jeudi 26 février 2004

167e séance de la session ordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

RESPONSABILITÉS LOCALES

Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux responsabilités locales (n°s 1218, 1435).

Discussion des articles

M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Avant le titre Ier

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l'amendement n° 1445.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué aux libertés locales, mes chers collègues, dans les communes rurales et les villes moyennes, plus que partout ailleurs sans doute, les services publics de proximité constituent l'un des facteurs essentiels de cohésion sociale. En ce sens, ils structurent l'aménagement du territoire.

Dans une période récente, l'Etat s'est singulièrement désengagé. Ainsi a été annoncé un projet de restructuration de la Banque de France, qui pourrait se traduire par la fermeture d'un grand nombre de succursales. On peut également évoquer la suppression de bureaux de poste, la diminution du nombre de boîtes aux lettres et la réduction de l'offre en matière de cabines téléphoniques publiques. Comment ne pas penser, par ailleurs, à des fermetures de maternités ou d'hôpitaux, dont on a pu mesurer les conséquences ? Chaque jour, les capacités à faire face à des situations de crise semblent s'amenuiser. Est-il besoin de mentionner les tragiques conséquences de la canicule de l'été dernier ?

Les exemples de disparition de services publics sont légion, et montrent à quel point notre culture de service public est gangrenée par la culture d'entreprise. Les objectifs de rentabilité et les considérations comptables tiennent désormais lieu de politique d'aménagement : c'est une véritable régression. Le développement exponentiel de la valeur marchande est tenu pour une fin en soi. Toute considération pour les valeurs d'usage, qui impliquerait que l'on s'interroge sur la capacité de notre société à assurer l'adéquation de l'effort collectif à l'impératif de satisfaction des besoins sociaux, est dramatiquement reléguée au second rang.

Il suffit pourtant de relire le préambule de la Constitution de 1946, dont la hauteur de vues procédait du programme du Conseil national de la Résistance, pour mesurer à quel point, à force de renoncements, notre pays est en train de tourner le dos aux objectifs les plus nobles qu'il s'était donné pour ambition d'atteindre.

Les services publics de proximité, qui sont l'objet d'attaques d'une ampleur sans précédent, revêtent une telle importance qu'il convient dès à présent, ici et maintenant, de suspendre toute décision de fermeture. Par cet amendement, nous proposons donc d'imposer un moratoire. Cela paraît d'autant plus urgent que le projet de loi relatif aux responsabilités locales présente de grands risques d'externalisation, voire de privatisation, d'un plus large éventail de services publics, qu'il s'agisse des prestations fournies pour les cantines scolaires, de la gestion et de l'entretien d'aérodromes ou d'infrastructures autoroutières ou portuaires, qui pourraient à moyen terme passer dans le giron du privé, ou de nombreuses tâches effectuées par les DDE.

On dit souvent qu'il est nécessaire de considérer un texte par rapport au contexte dans lequel il s'inscrit. Force est de constater que ce projet de loi de décentralisation opportuniste vient couronner le projet gouvernemental de mise en cause de notre pacte républicain en matière de services publics.

Aussi, est-ce bien la moindre exigence que d'imposer l'organisation d'une consultation des acteurs concernés avant de poursuivre cette course à la suppression des services publics de proximité. Lorsqu'il est question de fermer des classes, des réseaux de concertation locale sont mis en place. Ne serait-il pas bon de généraliser cette pratique, voire d'aller plus loin et de ne pas se contenter d'informer les acteurs locaux, mais de prendre le parti de les consulter, de les écouter, de les entendre ?

Ce genre de considération remettrait à l'ordre du jour ce que votre monstre législatif a manifestement occulté, un volet − voire le volet − sans lequel il n'y a pas de décentralisation véritable : une profonde démocratisation des processus de prise de décision politique.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. La commission est défavorable à cet amendement, qui s'apparente davantage à une pétition de principe et dont on peut se demander quelle portée normative il pourrait avoir.

M. Daniel Paul. Allez le dire dans les régions où l'on ferme des services publics !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cela dit, lors de l'examen de la loi sur la ruralité, le Gouvernement avait donné des assurances précises à ce sujet : elles me semblent plus importantes que les déclarations de principe.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales, pour donner l'avis du Gouvernement.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1445.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour défendre l'amendement n° 627.

M. Augustin Bonrepaux. Cet amendement n'a rien d'une pétition de principe, monsieur le rapporteur, car, avant d'entrer dans le vif du débat, il est essentiel de préciser les conditions dans lesquelles certains services seront décentralisés. C'est d'ailleurs ce que nous demandons depuis le début. Puisque vous refusez que nous examinions la loi organique avant la loi ordinaire, autant apporter des précisions avant d'aborder concrètement la décentralisation.

Notre amendement a pour but premier de préciser à cet égard le contenu de la Constitution car, contrairement à ce que l'on nous dit, elle ne garantit rien en la matière. Elle est même confuse et doit être précisée par la loi organique. Or, monsieur le ministre, la rédaction de votre projet de loi organique ne nous rassure pas du tout.

M. Michel Piron. Vous rassurer est impossible !

M. Augustin Bonrepaux. Nous ne sommes d'ailleurs pas davantage rassurés par la façon dont vous avez appliqué, jusqu'à présent, la décentralisation et certaines réformes.

En effet, l'article 2 de ce projet de loi organique qui énumère les ressources propres ne mentionne pas les compensations de l'Etat. Or vous engagez une réforme de la taxe professionnelle en indiquant que l'Etat compensera sa baisse par un dégrèvement. Déjà, en agissant ainsi, vous ne respectez plus la Constitution et la définition des ressources propres. N'y a-t-il pas, d'ailleurs, une contradiction entre les propos du ministre de l'aménagement du territoire qui, lors du débat sur le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, nous a expliqué que, après la réforme de la Constitution, il était impossible de compenser la diminution de la taxe professionnelle, et vous-même, monsieur Devedjian, qui nous dites que, grâce au dégrèvement, il n'y aura aucun risque ? C'est la première confusion.

La seconde tient au fait que la part qualifiée de « déterminante » ne détermine rien. L'expression est d'ailleurs tellement vague que le Conseil constitutionnel a demandé qu'elle soit précisée dans la loi organique. Or, pour cela, vous dites, après avoir réformé la Constitution, que vous allez utiliser l'ancienne rédaction pour préciser la nouvelle. C'est de la tartuferie ! Faut-il vraiment réunir le Parlement à Versailles pour entériner une telle manipulation ?

Par ailleurs, les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales sont de moins en moins claires et la plupart des engagements de l'Etat ne sont pas tenus. Je pense, par exemple, à la réduction drastique des dotations du Fonds national de développement des adductions d'eau, alimenté par les consommateurs et qui est désormais utilisé, en partie, pour la dépollution agricole. Que devient le principe « pollueur-payeur » ? Et comment vont s'équiper les communes rurales qui ne bénéficieront plus des crédits de ce fonds ?

Nous aurons certainement l'occasion de revenir sur la péréquation, et je ne voudrais pas vous torturer inutilement. (Sourires.)

M. le ministre délégué aux libertés locales. Vous y prenez plaisir !

M. Augustin Bonrepaux. Cela étant, monsieur le ministre, je vous ai posé une question très importante : que devient la décentralisation quand l'Etat confisque aux régions et aux territoires ruraux les crédits européens contractualisés pour favoriser le développement territorial ?

M. Jean-Louis Dumont. Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux. J'ai évoqué l'exemple de la région Midi-Pyrénées, mais le rapporteur spécial du budget des crédits européens...

M. Jean-Pierre Balligand. M. Dumont !

M. Augustin Bonrepaux. ...pourrait citer d'autres cas. Je crois d'ailleurs savoir, mes chers collègues, que chacun de vous a les mêmes inquiétudes. On nous répond en effet que les crédits européens sont consommés, mais on ne sait comment.

Monsieur le ministre, ne faut-il pas éclaircir les relations entre l'Etat et les collectivités locales car, non seulement l'Etat réduit ses subventions, mais il va, ensuite, prélever dans les régions les crédits qui leur étaient destinés ?

M. le président. Merci, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Est-ce cela, la décentralisation ?

Enfin, la réforme de la taxe professionnelle...

M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous avez terminé.

M. Augustin Bonrepaux. ...est extrêmement importante et nous aurons l'occasion de l'aborder plus tard.

M. le président. Justement, nous y reviendrons. Vous n'aviez droit qu'à cinq minutes pour défendre votre amendement.

M. Augustin Bonrepaux. Je vous remercie de votre compréhension, monsieur le président.

Toutes ces raisons justifient l'amendement que nous avons déposé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

M. Augustin Bonrepaux. C'est vous qui ne répondez pas !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je vais vous répondre, monsieur Bonrepaux. Ne vous énervez pas dès le matin, c'est mauvais pour votre santé. (Sourires.)

M. Augustin Bonrepaux. Oh, ça va très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Jusqu'ici !

M. Jean-Pierre Gorges. C'est mauvais pour le cœur !

M. Jean-Pierre Balligand. Ne vous faites pas de souci pour lui !

M. Augustin Bonrepaux. Jusqu'à présent tout va très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Par des explications successives et répétées, le ministre de l'intérieur, le ministre délégué aux libertés locales et, hier, à cette tribune, le rapporteur général du budget ont exposé les conditions financières prévues par la loi. Il y a un calendrier précis. La Constitution encadre ce processus, et vous vous souvenez sans doute, monsieur Bonrepaux − à moins que vous ne soyez amnésique −, de la loi organique du 1er août 2001 qui a été votée sous la précédente majorité.

M. Augustin Bonrepaux. Je ne suis pas amnésique : j'ai, moi aussi, certains souvenirs !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. On commence par déterminer le périmètre des transferts de compétences, de manière à pouvoir, ensuite, les évaluer en toute transparence, sous l'égide d'une commission qui, désormais, sera présidée par un élu local. Enfin, une loi de finances dégagera les moyens nécessaires et la loi pourra entrer en vigueur le 1er janvier 2005, conformément à l'article 126 du projet de loi. Vous le voyez, le calendrier est précis, la méthode est parfaitement encadrée, loyale et transparente.

S'agissant du projet de loi organique, le texte qui a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale explique, vous le savez, ce qu'est la part déterminante.

M. Augustin Bonrepaux. Non !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Si !

Certes, ce texte n'est pas encore voté et le Parlement décidera. Néanmoins vous avez d'ores et déjà pu le lire, et vous savez donc exactement ce que le Gouvernement propose.

Le ministre a d'ailleurs pris l'engagement que le vote de cette loi organique interviendra pendant les diverses navettes à venir puisque l'urgence n'a pas été déclarée sur le projet en discussion. Lors de la dernière lecture, les parlementaires pourront donc voter en toute connaissance de cause.

S'agissant de la taxe professionnelle, pourquoi, monsieur Bonrepaux, le rapporteur général du budget a-t-il proposé un dégrèvement pour la période d'exonération - provisoire, je le rappelle - de dix-huit mois ? Puisque vous appartenez à la commission des finances - cela a également été mon cas - et que vous vous y connaissez tout de même un peu en matière financière, vous savez que le dégrèvement est un mécanisme qui permet de compenser à l'euro près, à la fois sur le taux et sur l'assiette, ce que les collectivités territoriales ou leurs groupements auraient touché sans cette réforme qui, je le rappelle, est destinée à encourager l'investissement, donc à faciliter la reprise de la croissance.

Vous avez ainsi réponse à toutes vos interrogations.

Il n'est pire sourd, je le répète, que celui qui ne veut pas entendre, et vous ne voulez pas entendre. Pourtant, jamais une réforme de cette nature et de cette ampleur n'aura été aussi bien encadrée financièrement et n'aura été aussi loyale et transparente.

L'avis de la commission sur cet amendement est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Si le débat s'engage de cette façon, il risque de ne pas se dérouler dans de bonnes conditions.

M. Michel Piron. C'est bien vrai !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Ne soyez pas malhonnête !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je vous ai répondu, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, je vous ai posé hier une question sur les crédits européens. J'aimerais bien avoir une réponse.

Vous disposez d'un cabinet et l'un de vos collègues est chargé plus spécialement de l'aménagement du territoire. Vous pourriez tout de même nous dire - et cela n'intéresse pas que nous mais certainement aussi beaucoup de vos amis - comment les projets territoriaux, c'est-à-dire les contrats de pays, seront financés. Les relations entre l'Etat et les collectivités ne sont en effet pas claires.

Monsieur le rapporteur, le ministre de l'intérieur m'a répondu voilà quelque temps qu'il n'y avait pas de baisse des dotations du fonds national de développement des adductions d'eau. Pour ma part, j'ai constaté l'année dernière une diminution de 74 % de ses crédits pour le département de l'Ariège et je relève que, cette année, elle sera encore supérieure à 50 % !

Vous trouvez que les relations entre l'Etat et les collectivités locales concernant la péréquation sont claires. Lisez donc attentivement le projet de loi organique. Il précise que les ressources propres « sont constituées des redevances pour services rendus, des produits du domaine, des participations d'urbanisme, des produits financiers et des dons et legs ». Il ne mentionne pas les compensations versées par l'Etat. Le dégrèvement n'est donc pas une ressource propre.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. J'ai lu tout cela, bien sûr !

M. Augustin Bonrepaux. Dites-moi alors si je me trompe, mais en présentant tout de même quelques arguments !

Le projet de loi organique précise par ailleurs que la part des ressources propres est déterminante « lorsqu'elle garantit la libre administration des collectivités territoriales [...] compte tenu des compétences qui leur sont confiées. » Même pour le rapporteur pour avis de la commission des finances, cela n'est pas clair. En fait, il s'agit d'un retour à la rédaction antérieure de la Constitution. N'affirmez donc pas que tout est explicite dans le projet de loi organique !

Je sais bien que, pour vous, il faut avancer dans la discussion de ce texte. Mais nous aurions aimé savoir, arguments à l'appui, si le produit de la TIPP, dont les départements ne maîtrisent pas le taux, était une ressource évolutive.

Je vous ai invité hier à retourner en commission pour relire les rapports de Mme Boutin, de M. Carrez, de M. Lambert. Mme Boutin montre en effet, dans son rapport que je tiens à votre disposition, que la progression du produit de la TIPP est inférieure au taux de l'inflation et qu'il aurait été préférable de recourir à la DGF. Quant à M. Carrez, il explique que la consommation de carburants est en baisse depuis 2002 ; et je ne veux pas faire le rapprochement avec votre arrivée au Gouvernement à ce moment-là, mais c'est un fait ! (Sourires.) Et M. Alain Lambert, ministre du budget, a confirmé cette diminution.

Vous prétendez que ce que vous transférez est compensé par une ressource évolutive. Cela n'est pas vrai et j'attends que vous me prouviez le contraire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 627.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Avant l'article 1er

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour soutenir l'amendement n° 628.

M. Jean-Pierre Balligand. Cet amendement a pour objet de bien spécifier que « toute création, diminution ou modification des recettes d'origine fiscale d'un niveau de collectivités ayant pour conséquence de modifier la structure de ces recettes ou de diminuer leur autonomie fiscale doit, après concertation avec les collectivités concernées, faire l'objet de mesures adaptées au maintien de leur degré préalable d'autonomie fiscale ».

Le Président de la République a décidé de faire réformer la taxe professionnelle avec pour conséquence, comme M. Daubresse l'a rappelé, de geler pendant dix-huit mois les investissements. Il faut donc assurer une autonomie fiscale réelle aux collectivités territoriales, au moment où l'Etat va leur transférer la charge de plus de 11 milliards d'euros correspondant à des coûts aujourd'hui assumés surtout en fonctionnement et quelquefois en investissement.

Il faut lever l'inquiétude qui règne à cet égard et qui n'est d'ailleurs pas seulement la nôtre. Ne faisons pas semblant, en effet, dans cet hémicycle, de ne pas savoir qu'elle est partagée dans de nombreux départements, dans de nombreuses régions et dans de nombreux groupements de collectivités.

Est-il besoin de rappeler que la taxe professionnelle pose problème aux élus locaux qui assument les responsabilités, par exemple, dans les communautés d'agglomération ? Je rappelle en effet que la taxe professionnelle unique est consubstantielle de l'existence de ces communautés d'agglomération, ce qui signifie qu'il y a eu décommunalisation de cette taxe. Et comme les groupements ont souvent opté pour le modèle de la communauté de communes, on peut dire que 30 % des communautés de communes ont opté pour la TPU, en fondant exclusivement l'impôt sur cette dernière.

Aujourd'hui, on leur annonce que l'on va supprimer la taxe professionnelle unique et qu'elle serait compensée par un autre dispositif. Quelle assurance ont ces groupements de garder un même niveau d'autonomie fiscale ? Aucune !

C'est pourquoi nous demandons par cet amendement n° 628 que la garantie de leurs ressources soit inscrite dans la loi, ce qui ne dévoierait celle-ci en aucune manière.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Monsieur Balligand, votre préoccupation est partagée par la commission des lois et par la commission des finances et elle sera satisfaite par deux amendements qu'elles ont adoptés. Nous avons simplement préféré, au cours de l'examen en commission, que ces deux amendements ne se situent pas avant l'article 1er mais plus loin dans le texte.

Un premier amendement, présenté à l'article 88, consiste à inscrire dans la loi la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui a suivi l'examen par celui-ci de la loi sur le RMI et le RMA.

S'agissant plus spécifiquement de la taxe professionnelle, la commission des lois, ainsi que je viens de le rappeler à M. Bonrepaux, a adopté un amendement tendant à assurer la compensation intégrale du dégrèvement. Vous savez bien, monsieur Balligand, vous qui présidez l'Institut de la décentralisation, que cela donnera aux collectivités et à leurs groupements la meilleure garantie possible puisque la compensation sera ainsi versée à l'euro près et qu'elle tiendra compte à la fois de l'assiette et du taux.

J'émets donc un avis défavorable à votre amendement, non pas sur le fond, car nous sommes d'accord, mais sur la forme, puisque, je le répète, la préoccupation que vous avez exprimée sera prise en compte à l'article 88 par ces deux amendements, l'un que j'ai co-signé avec M. Dosière, ayant trait au dégrèvement, l'autre intégrant la jurisprudence du Conseil constitutionnel.


M. le président
. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Compte tenu des explications du rapporteur, M. Balligand devrait retirer son amendement puisque la proposition qu'il porte recevra sans doute l'avis favorable du Gouvernement plus tard dans la discussion.

M. le président. Monsieur Balligand, voulez-vous dire quelque chose ?

M. Jean-Pierre Balligand. Non, non !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, pourquoi, concernant la taxe professionnelle, élaborer un dispositif contraire à la Constitution - puisque sa compensation ne sera pas une ressource propre - alors qu'il est possible de réformer autrement cette taxe d'une manière qui correspond exactement à ce que vous souhaitez ?

Conformément à une proposition que j'ai défendue sous forme d'amendement lors de l'examen de la loi de finances et que je défendrai à nouveau plus tard, il suffit de prévoir un élargissement du plafonnement et, en matière de valeur ajoutée, de le compenser par le relèvement de la cotisation minimale. Ainsi, vous ne toucheriez pas au produit perçu par les collectivités locales et vous compenseriez l'allégement que vous organisez pour les investissements par un prélèvement plus élevé sur ceux qui bénéficient d'une valeur ajoutée bien supérieure à la taxe professionnelle qu'ils payent.

Cette solution est celle qui serait la plus efficace tout en suscitant le moins de perturbations. Je vous ferai d'ailleurs une confidence à son propos : elle m'a été suggérée par M. Guillaume Sarkozy. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Vous le connaissez donc ?

M. Augustin Bonrepaux. Ce dernier, que vous connaissez aussi certainement et qui est le président de l'Union des industries textiles, a eu l'occasion de me féliciter pour la façon dont j'avais défendu cet amendement.

M. Michel Piron. Voilà un argument d'autorité !

M. Augustin Bonrepaux. Cette solution est également la plus vertueuse parce qu'elle répond également à la préoccupation de défendre les entreprises de main d'œuvre.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Bonrepaux, la voix du MEDEF !

M. Augustin Bonrepaux. En effet, la meilleure façon de défendre ces entreprises est de transférer une partie de la taxe professionnelle sur la valeur ajoutée.

Monsieur le ministre, réfléchissez-y bien car il s'agit de la façon la plus intelligente de procéder, d'autant que cette idée vient directement des industriels. Plutôt que de proposer un dispositif contraire à la Constitution, suivez donc nos conseils !

M. le président. Je vous informe que, sur l'amendement n° 628, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

.......................................................................

M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je mets aux voix l'amendement n° 628.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

      Nombre de votants 51

      Nombre de suffrages exprimés 51

      Majorité absolue 26

    Pour l'adoption 15

    Contre 36

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je vous informe d'ores et déjà que, sur l'amendement n° 636, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Nous en venons à l'amendement n° 635, présenté par Mme Claude Darciaux à laquelle je donne la parole pour le défendre.

Mme Claude Darciaux. Le code de l'urbanisme permet la création d'établissements publics fonciers locaux - les EPFL - afin de doter les collectivités locales d'un outil facilitant la mise en œuvre de stratégies foncières. Parmi les ressources dont il dispose, un EPFL peut percevoir chaque année une taxe spécifique d'équipement - la TSE - lui assurant un financement pérenne et une réelle capacité d'action. Cependant, aux termes du code général des impôts, cette taxe ne peut être instituée que si un plafond a été voté en loi de finances. Or nous avons pu constater que pour les EPFL créés ou en cours de constitution, la fixation d'un tel plafond constituait une difficulté.

Cet amendement vise donc à modifier l'article 1607 bis du code général des impôts en instituant un plafond général pour la taxe spécifique d'équipement, valable pour tous les EPFL, existants ou futurs. Aujourd'hui, il est en effet indispensable qu'une solution globale soit appliquée afin que tous les EPFL soient dotés de réels moyens de financement.

Notre amendement s'inscrit dans le cadre de l'autonomie financière des collectivités territoriales et respecte le principe constitutionnel de leur libre administration. Il trouve ainsi toute sa place dans ce projet de loi relatif aux libertés locales.

En outre, il apporte une simplification administrative en mettant fin à la nécessaire intervention du législateur qui doit actuellement fixer le plafond de la taxe chaque fois qu'un EPFL est créé. Toutes les communautés d'agglomération sont d'ailleurs intéressées par la disposition que nous proposons.

Enfin, il propose un outil contre la spéculation, un outil créé par les communes au service des communes, exemplaire de la décentralisation. C'est une sorte de PME gérée par des élus.

Cet amendement fixe un plafond maximal de 45 euros par habitant, bien supérieur aux montants actuels, marqués par une très grande disparité puisqu'ils vont de 5 euros à 30 euros par habitant. La commission des finances, lors de sa réunion du 11 février, a donné un avis favorable à un plafond abaissé à 30 euros par habitant, montant retenu dans notre amendement de repli n° 636. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Madame, si je voulais vous répondre de manière simpliste, après avoir entendu certains arguments, je vous dirais que cet amendement risque d'accroître la pression fiscale, mais je ne le ferai pas, ayant moi-même été en charge d'une grande politique foncière dans une agglomération et connaissant les problématiques que vous évoquez.

Sur la forme, la commission estime que cet amendement ne trouve pas sa place avant l'article 1er. Comme vous avez déposé un autre amendement, l'amendement n° 636, qui a fait l'objet d'un consensus au sein de la commission des finances et qui a été adopté par la commission des lois hier, je vous propose de retirer l'amendement n° 635 en m'engageant à soutenir l'amendement portant le plafond à 30 euros par habitant s'il était présenté à l'article 88 ou sur un autre article du texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Pourquoi ?

M. Philippe Vuilque. Donnez-nous des explications au lieu de nous dire : « Circulez, y a rien à voir » !

M. Michel Piron. Du calme !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Nudant.

M. Jean-Marc Nudant. Madame la députée, je comprends les raisons qui ont motivé le dépôt de cet amendement comme je suis conscient de l'habileté qui consiste à préciser dans l'exposé sommaire qu'il s'agit d'une spécialisation fiscale et non d'un surcoût fiscal : 30 euros par habitant, c'est naturellement une bricole !

Vous indiquez qu'il s'agit d'un outil mis à la disposition des collectivités pour constituer des réserves afin de mener une politique d'urbanisme. Or de nombreuses communautés d'agglomération disposent déjà d'un pareil outil. Celle de Dijon, pour prendre un exemple que je connais bien, s'est dotée d'un plan d'action foncier, financé par le budget général. La taxe proposée serait donc une levée d'impôt supplémentaire. Au-delà de son habilité, votre démarche me paraît donc sournoise.

Par ailleurs, vous affirmez que votre amendement va dans le sens de la libre administration des collectivités locales. Mais cet outil, qui serait certes géré par les élus comme une PME, ainsi que vous l'avez dit, empêcherait les maires d'avoir une prise directe sur les actions menées par un organisme, qui plus est, totalement opaque.

C'est la raison pour laquelle je suis contre cette augmentation d'impôt. J'estime même que cette proposition constitue un cavalier puisqu'un amendement similaire avait été présenté dans la discussion du projet de loi de finances rectificative de 2003. Notre assemblée l'avait d'ailleurs repoussé.

M. le président. La parole est à Mme Claude Darciaux.

Mme Claude Darciaux. Monsieur le député, vous prétendez que la disposition que nous proposons empêcherait les maires de mener une politique en matière d'urbanisme, mais je ne peux accepter de tels propos.

Vous avez également souligné qu'il existait un outil analogue, le plan d'action foncière. Or tout le monde sait que, dans les communautés d'agglomération, ce dernier ne donne la possibilité d'intervenir que sur le foncier non bâti et ne permet pas d'avoir une réelle stratégie foncière en matière de friches industrielles. L'outil que nous voulons créer permettrait au contraire à la communauté d'agglomération d'acquérir des friches industrielles pour les convertir en zones d'activités et créer ainsi des emplois. Je le vois bien dans ma circonscription.

En refusant cet amendement, vous bafouez la volonté décentralisatrice affichée par le Gouvernement. Je trouve dommage que, du fait de contingences locales partisanes, on fasse ainsi obstacle à la libre administration des collectivités locales. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Nudant. Il n'y a rien de partisan dans mes arguments ! Il ne faut pas dire n'importe quoi !

M. Augustin Bonrepaux. Elle a raison : où est l'égalité ?

Mme Claude Darciaux. En outre, je conteste le qualificatif de « sournois » que vous avez employé. Je ne pense pas que cet amendement soit fait pour une seule collectivité. Il intéresse bien au contraire de nombreuses communautés d'agglomération.

M. Jean-Pierre Balligand. Bien sûr !

M. Gérard Bapt. Toulouse !

Mme Claude Darciaux. Demain, lorsque les communautés d'agglomération de Bordeaux, de Toulouse, de Biarritz-Anglet verront le jour, leurs établissements publics fonciers ne seront-ils pas désireux de se doter de cet outil financier qu'est la taxe spéciale d'équipement ?

Il a été fait allusion à un établissement public foncier qui s'est vu opposer un refus au mois de décembre. Précisons qu'il avait fixé un plafond à 6,22 euros par habitant. Quand nous proposons 30 euros, il s'agit d'un maximum. Les élus, forts de leur autonomie, pourront choisir aussi bien ce plafond qu'un montant inférieur.

Nous proposons une fiscalité raisonnable, en vue d'enrayer une pénurie foncière qui handicape terriblement les collectivités, en particulier dans le domaine du logement social. Nombre de maires sont d'ailleurs venus me dire leur intérêt pour notre disposition.

M. Jean-Marc Nudant. Mais les maires ne pourront s'opposer à rien avec ça !

Mme Claude Darciaux. Si ! Cela leur donnera la capacité d'acheter des logements dégradés et de les transformer en logements sociaux, conformes au plan local d'habitat adopté par les établissements publics fonciers.

Ajoutons que, s'ils le veulent, les établissements publics fonciers pourront ne mettre à profit la taxe spéciale d'équipement que la première année afin d'augmenter leurs capacités financières et se reposer par la suite sur les fonds propres constitués grâce aux produits des rétrocessions des biens acquis. L'utilisation de cet instrument est susceptible d'être provisoire . Cela sera laissé à la liberté des élus et des collectivités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Les propositions de Mme Darciaux, auxquelles le rapporteur n'a pas été insensible, méritent une autre réponse que le mépris du ministre qui nous dit : « Circulez, y a rien à voir ! »

Mme Darciaux a démontré avec talent l'utilité de cet outil pour les collectivités locales. M. le ministre peut certes avoir un autre avis mais qu'il nous donne au moins des explications. Si le débat commence ainsi alors que nous avons à examiner plusieurs centaines d'amendements, autant arrêter tout de suite.

Nous sommes opposés à votre projet de loi.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Et moi je suis opposé à l'amendement !

M. Philippe Vuilque. Il n'en reste pas moins que ces amendements concernent l'ensemble des collectivités locales et les outils qu'elles utilisent. Alors, répondez-nous ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jean-Pierre Balligand. Voilà quelqu'un de raisonnable !

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Sur cet amendement, je formulerai trois remarques.

D'abord, nous sommes tous conscients, au sein tant de la commission des finances que de la commission des lois, de l'utilité des EPFL, dont le nombre s'accroît.

Ensuite, le but de l'amendement était la simplification. Les membres de la commission des finances, quel que soit leur groupe, ont eu le souci d'éviter le recours à la loi de finances pour chaque établissement, chaque année. Il faut un cadre général s'appliquant à tous, d'où le choix d'un montant adéquat et modéré : plutôt 30 euros que 45 euros par habitant.

Enfin, cet amendement a recueilli un consensus en commission des finances après que toutes les sensibilités se sont exprimées. Puis, notre collègue Marc-Philippe Daubresse, après en avoir discuté avec la commission des finances, a bien voulu défendre l'amendement en commission des lois. Nous sommes donc dans un contexte favorable, dans lequel les commissions et les différentes sensibilités se sont rapprochées.

Toutefois, cet amendement de la commission des finances, qui a été accepté à l'unanimité et qui est soutenu par la commission des lois, est rattaché à un article ultérieur.

Je propose donc que les amendements n°s 635 et 636 soient retirés et que nous défendions, ensemble, le moment venu, l'amendement de la commission.

M. Philippe Vuilque. Le ministre va nous refaire le coup de s'y opposer !

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Cela ne changera rien à notre accord.

M. Jean-Louis Dumont. C'est tout de même le Parlement qui vote la loi !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Pour éviter que notre discussion ne dégénère, je demande, en tant que porte-parole du groupe socialiste dans ce débat, une suspension de séance. Nous devrions arriver à nous mettre d'accord puisque, je le rappelle, cette proposition a été acceptée par la commission des finances, après une longue discussion, avant d'être adoptée par la commission des lois, ainsi que M. Daubresse l'a souligné.

Nous avons demandé un scrutin public parce que nous voulons savoir si vous êtes d'accord pour adopter l'amendement n° 636, même si la fixation d'un plafond à 30 euros doit être discutée ultérieurement.

A ce stade, je crois qu'il serait préférable, dans un souci d'efficacité, de suspendre la séance quelques instants de façon à pouvoir nous entretenir avec le ministre et avec les rapporteurs. Sinon nous allons nous engager, plusieurs amendements venant en cascade, dans une bataille de procédure qui nous fera perdre du temps.

M. le président. Monsieur Balligand, la suspension est de droit. Je rappelle simplement que le scrutin public a été demandé non pas sur l'amendement n° 635 actuellement en discussion mais sur l'amendement n° 636, même si je reconnais qu'ils sont liés.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures trente, est reprise à dix heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le ministre, nous souhaitons intervenir de nouveau sur cet amendement que j'ai eu l'occasion de défendre, au nom de Mme Darciaux, à deux reprises : lors de la dernière discussion du projet de loi de finances et, récemment, devant la commission des finances. Par deux fois d'ailleurs - et j'en remercie nos collègues - cet amendement a été adopté par cette dernière.

Mais en séance, alors même, monsieur le ministre, que le ministre du budget s'en était remis à la sagesse de l'Assemblée, un député est intervenu pour remettre en cause le vote acquis en commission des finances, pour un certain nombre de raisons que je préfère ne pas qualifier.

Ce genre d'intervention remet gravement en cause le fonctionnement même de nos institutions puisque cela revient à considérer qu'un élu, minoritaire dans une collectivité, peut avoir, devant l'Assemblée nationale, une légitimité plus grande que ladite collectivité.

Cette situation n'était pas à l'honneur de notre assemblée. Malheureusement, la loi de la majorité avait alors joué.

Nous sommes revenus devant la commission des finances pour reposer le problème tant cela nous paraissait choquant. En effet, si, comme vous, monsieur le ministre, nous croyons que les collectivités locales s'administrent librement, il nous semble pour le moins curieux de voir l'Assemblée nationale, le Parlement, remettre en cause ce principe et revenir sur une décision prise à la majorité, toutes sensibilités politiques confondues.

La commission des finances a parfaitement réagi. Nous avons trouvé une formule qui pose la question de principe et évite justement à notre assemblée, ainsi qu'à la commission des finances, de raisonner au coup par coup. J'ai proposé cette formule générale qui a été amendée par le rapporteur pour avis Laurent Hénart et par le rapporteur général, puis la commission a adopté cette proposition qui me paraît conforme à notre façon de fonctionner, à l'esprit de nos institutions et à certains principes de notre Constitution.

Si vous prenez l'engagement formel, mes chers collègues rapporteurs, de défendre devant notre assemblée les amendements votés en commission des finances et en commission des lois - je remercie d'ailleurs le rapporteur de cette dernière qui a été convaincu par notre argumentation -, nous retirerons les nôtres et nous reprendrons la discussion à l'article 88, où se situent les amendements des commissions des lois et des finances.

Nous souhaitons que M. le ministre accepte d'ouvrir la discussion, comme l'avait d'ailleurs fait le ministre du budget, je le répète. On nous dit en effet aujourd'hui que le Gouvernement serait opposé à une telle disposition pour des raisons de pression fiscale, mais cela me surprend, car cet argument n'a même pas été avancé par le ministre du budget lui-même. Ne soyons donc pas plus royalistes que le roi ! A supposer que le ministre du budget soit le roi, ce que je ne dis pas ! (Sourires.) Il s'en était remis à la sagesse de l'Assemblée.

Nous souhaitons que cet incident désagréable pour tout le monde, tant pour la majorité que pour l'opposition, soit clos.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Marc-Philippe Daubresse et moi-même prenons l'engagement de défendre la position adoptée par nos deux commissions, que nous avons d'ailleurs retracée dans nos rapports respectifs, sachant que l'amendement en question a aussi été déposé par des députés issus d'autres groupes de l'Assemblée, je tiens à le préciser.

M. Didier Migaud. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Balligand. Il n'y a pas de problème de paternité !

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Nous avons essayé, en commission des finances, de dégager une position médiane qui recueille l'accord de tout le monde. Pour des raisons de cohérence, cet amendement sera examiné après l'article 125 quater...

M. Didier Migaud. Pas de problème !

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. ...mais cela ne change rien aux positions exprimées par les rapporteurs des commissions des lois et des finances.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. J'ai déjà proposé, avant la suspension de séance, que cet amendement soit retiré pour que nous puissions avoir un dialogue dans la suite de la discussion. Je maintiens cette position. Le Gouvernement est tout à fait d'accord pour discuter de cette question avec l'opposition après l'article 125 quater.

M. Philippe Vuilque. Pas seulement avec l'opposition !

M. Didier Migaud. Et avec la majorité ! M. Pélissard a aussi défendu l'amendement, et je l'en remercie !

M. Jean-Louis Dumont. Et avec les commissions !

Mme Claude Darciaux. Tout à fait !

M. le ministre délégué aux libertés locales. J'en discuterai avec tout le monde, bien entendu, monsieur Migaud, mais vous êtes particulièrement demandeur et c'est vous qui venez de parler, donc je vous réponds !

M. Didier Migaud. Tout à fait !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je ne peux pas vous dire mieux !

M. Didier Migaud. C'est une question de principe !

M. le ministre délégué aux libertés locales. En attendant, je vous propose de retirer ces trois amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Dans ces conditions, nous retirons les amendements n°s 635, 636 et 634.

M. le président. Les amendements n°s 635, 636 et 634 sont retirés.

J'en viens donc à l'amendement n° 631 corrigé.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Il est question de liberté des communes, de décentralisation, mais il faut maintenant que cette liberté soit traduite dans les faits. Nous proposons donc que les collectivités locales puissent augmenter librement leur taux de taxe professionnelle par rapport à l'année précédente. Plusieurs raisons justifient maintenant une telle décision.

La première tient à la liberté même reconnue aux collectivités locales.

La deuxième, c'est que la décentralisation va alourdir les charges pesant sur les collectivités locales, sur la coopération intercommunale. Par conséquent si l'on veut que celle-ci puisse se développer, il faut que les moyens suivent.

Enfin, troisième raison, la réforme de la taxe professionnelle suscite beaucoup d'inquiétudes et il faut rassurer les élus. En effet, si tel n'est pas le cas, ils auront l'impression qu'on leur supprime une ressource, mais qu'ils restent enserrés par des dispositions qui étaient peut-être justifiées autrefois mais qui ne le sont plus. Il faudrait que la réforme de la Constitution serve à quelque chose. Nous avons montré qu'elle ne permettait pas de garantir les transferts de ressources. Il faudrait au moins qu'elle serve à ce que la liberté des collectivités locales soit une réalité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je relève que, pour la deuxième fois, le groupe socialiste soutient un amendement dont l'adoption aboutirait à augmenter la fiscalité locale.

M. Jean-Marc Nudant. Eh oui !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. En l'occurrence il nous propose un mécanisme de déliaison des taux que le précédent gouvernement avait refusé d'examiner, mais qui a été engagé dans la loi de finances de 2003. La commission des finances a d'ailleurs accepté un assouplissement du dispositif qui était prévu par la loi Chevènement.

Reste que nous sommes en pleine réforme de la taxe professionnelle, puisque M. le Premier ministre installe en ce moment un groupe de travail sur la question. Il ne me semble donc pas opportun d'examiner, dans le cadre de ce projet de loi, cet amendement, qui aurait davantage sa place dans la discussion du projet de loi de finances pour 2005, lorsque nous connaîtrons les axes de la réforme de la taxe professionnelle.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Bonrepaux, sur le principe, vous avez raison.

M. Augustin Bonrepaux. Merci !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je vous en donne volontiers acte ! La libre administration des communes implique en effet leur responsabilité en matière fiscale. Le malheur est que cet amendement constitue un véritable permis de chasse ! La chasse aux canards est ouverte ! C'est l'Etat qui paiera.

M. Xavier de Roux. Ce serait un hold-up !

M. Augustin Bonrepaux. Pas du tout !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Le dégrèvement...

M. Augustin Bonrepaux. Il ne fallait pas prévoir le dégrèvement !

M. le ministre délégué aux libertés locales. ...est bien une ressource propre, puisque l'Etat paie à la place des entreprises et au bénéfice des collectivités territoriales, qui fixent librement leurs taux. Si votre amendement était adopté, celles-ci pourraient augmenter le taux de la taxe professionnelle sans limite, partant du principe que, de toute façon, ce ne seraient pas leurs contribuables qui paieraient, mais l'Etat. Nous serions alors dans un mécanisme de totale irresponsabilité...

M. Augustin Bonrepaux. Mais non !

M. le ministre délégué aux libertés locales. ...qui mettrait en péril les finances publiques. Comme l'a dit Marc-Philippe Daubresse, le Premier ministre a installé, ce matin à dix heures, le groupe de travail sur la réforme de la taxe professionnelle.

M. Augustin Bonrepaux. Cela ne sert à rien ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué aux libertés locales. Mais si cela sert à quelque chose ! Vous allez voir !

Dans quelque temps, interviendra donc une réforme de la taxe professionnelle. Vous demandez la liberté fiscale pour les collectivités territoriales, et c'est légitime, mais je vous rappelle que le gouvernement que vous avez soutenu pendant cinq ans ne l'a surtout pas instaurée.

M. Augustin Bonrepaux. C'est maintenant que l'on parle de la décentralisation !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Il a même fait le contraire, puisqu'il a confisqué aux collectivités 15 milliards d'impôts locaux ! Je suis ravi de voir que vous vous ralliez à ce principe d'autonomie fiscale que vous avez si longuement et si constamment combattu. C'est une vraie chance et je vous en félicite, monsieur Bonrepaux ! C'est pourquoi je vous disais que vous aviez raison de soutenir ce principe : c'est le nôtre et vous l'avez toujours combattu !

Cela étant, il y a plus de joie dans le ciel pour un pécheur qui se repent ! (Sourires.) Le problème tient au fait que, en l'occurrence, ce n'est pas une liberté locale que vous voulez instaurer, mais un droit de tirage sur le compte de l'Etat, et sans limites. Je ne peux donc pas vous laisser faire !

M. Michel Piron. C'est du libertinage financier !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Si les pécheurs repentis étaient récompensés au paradis, vous seriez remarquablement bien placé, monsieur le ministre ! (Sourires.)

M. le ministre délégué aux libertés locales. J'ai bon espoir ! (Sourires.)

M. Didier Migaud. Je n'aurai pas la cruauté de relire certains de vos propos, ou ceux de membres de la majorité actuelle...

M. Xavier de Roux. Si on commençait à se relire réciproquement, on n'en finirait plus !

M. Didier Migaud. ...tenus lorsque Dominique Strauss-Kahn a présenté sa réforme de la taxe professionnelle. Vous la jugez sévèrement aujourd'hui, vous en dites pis que pendre, mais vous lui reprochiez alors seulement de ne pas aller suffisamment loin. Vous pourriez donc faire preuve d'un peu de pudeur, de réserve dans l'expression.

M. Christian Paul. De modestie, tout simplement !

M. Didier Migaud. Et puis, je crois que vous n'avez pas du tout compris le sens de notre amendement.

Il ne concerne nullement le dispositif transitoire de réduction de la taxe professionnelle pour les investissements réalisés par les entreprises pendant les dix-huit premiers mois. Nous demandons simplement d'appliquer, en matière fiscale, le principe de libre administration des collectivités locales, qui sont gérées, de l'avis général, par des élus responsables. Si vous considérez qu'ils sont effectivement responsables, vous devez leur laisser la capacité de fixer les taux. Ou alors vous estimez qu'ils sont des démagogues ou des irresponsables. En ce cas, dites clairement que vous êtes hostile à la libre fixation des taux. Ne répondez pas à côté ! Soyez franc !

En effet ce n'est pas sur l'Etat que pèserait une hausse de la taxe professionnelle, mais sur les entreprises qui l'acquittent. Donc, une fois de plus, monsieur le ministre, votre argumentation n'est pas bonne. Si vous ne répondez pas précisément aux questions précises que nous posons, la discussion va devenir difficile.

M. Philippe Vuilque. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Follliot.

M. Philippe Folliot. J'entends bien les arguments de l'opposition et, en tout état de cause, je crois que l'on ne peut que souscrire au principe de la libre administration des collectivités locales, laquelle implique que les élus aient la responsabilité de fixer les taux.

Pour autant, nous avons un devoir de cohérence. Et quand j'observe que l'on trouve, parmi les signataires de cet amendement, un président d'exécutif local qui, il y a quelques mois, lors de la présentation du budget, soutenait une position radicalement inverse à celle qu'il défend aujourd'hui, je reste pantois et j'en viens à m'interroger sur ses motivations réelles.

A tout le moins, il convient de rester prudent. C'est pourquoi, en ce qui me concerne, je souscris tout à fait aux propos de M. le ministre.

M. Christian Paul. M. Balligand est désespéré !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. A en croire l'opposition, « Vérité en deçà de la majorité, mensonge au-delà » c'est du moins ce que l'on pourrait dire en paraphrasant Richelieu. (Exclamations sur plusieurs bancs.)

M. Michel Piron. Non ! Pascal !

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Autant pour moi !

Quoi qu'il en soit, la question de l'assouplissement de la liaison entre les taux a été examinée de manière positive lors du vote de la loi de finances pour 2003, alors qu'elle avait été soulevée entre 1997 et 2002 sans que l'on puisse jamais aboutir.

M. Didier Migaud. Il faut croire que vous nous avez convaincus !

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Dans ce cas, vous manifestez, en la matière, l'ardeur des convertis !

Je tiens cependant à vous donner une information. On a pu observer quels étaient ceux qui recouraient au dispositif prévu par la loi de finances initiale pour 2003 et quels étaient ceux qui ne s'en servaient pas, ce qui permet de déterminer si la déliaison répond à un réel besoin d'accroissement des recettes fiscales des collectivités ou à une simple demande conjoncturelle du groupe socialiste. Cette précision n'est-elle pas de nature à éclairer notre discussion ?

M. Didier Migaud. A ceci près que ce n'est pas parce qu'on laisse une liberté à quelqu'un qu'il en use nécessairement !

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Or il s'avère que, depuis le vote de la loi de finances initiale pour 2003, aucune région n'a fait usage de cette faculté et que seulement 16 % des départements l'ont utilisée, alors même que près des trois quarts d'entre eux - du fait de transferts de charges ou de l'apparition des charges nouvelles dont nous avons parlé, comme l'APA - ont augmenté leurs taux.

M. Didier Migaud. Les élus ont donc fait preuve de responsabilité.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Ils se placent en effet dans une logique de modération de l'augmentation et le dispositif ne leur a pas été d'une grande utilité.

M. Didier Migaud. Vous confortez notre argumentation !

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Enfin, seulement 13 % des communes ont eu recours à la possibilité de la déliaison des taux.

M. Augustin Bonrepaux. Il n'y aurait donc aucun risque à adopter notre amendement !

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Au moment où, par ce texte, nous proposons de modifier la loi de décentralisation, vous voulez soudain aller beaucoup plus loin que vous ne l'avez jamais fait.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est vrai !

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. De plus, vous proposez cette mesure au moment où nous menons une discussion difficile sur la baisse de la TP, par le biais du dégrèvement. Or, vous le savez fort bien, la mesure que vous proposez menace la garantie du dégrèvement, car elle risquerait, si les collectivités augmentaient la TP et laissaient à l'Etat le soin de compenser les déficits, euro pour euro, par le biais du dégrèvement, de déstabiliser les finances.

M. Xavier de Roux. C'est bien pour cela que nos collègues de l'opposition le demandent ! (Sourires.)

M. Didier Migaud. Pas du tout !

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Est-il prudent de jouer avec le feu sur un sujet aussi sensible que celui des finances locales, dont je pensais, au regard des interventions réitérées de notre collègue Augustin Bonrepaux, notamment sur la dynamique de la TIPP, que leur stabilité préoccupait davantage nos collègues socialistes ?

Je vous le rappelle : nous avons mis en œuvre une déliaison partielle que vous avez toujours refusée et que les collectivités n'utilisent quasiment pas, parce qu'elles sont, comme nous, soucieuses de modération fiscale. Si votre amendement était adopté, il aurait pour seul effet de menacer la réforme de la TP par le biais de dégrèvements que nous essayons de faire valoir et qui, elle, protège réellement les finances locales.

Pour ces deux raisons, il me paraîtrait judicieux de retirer l'amendement ou, à défaut, de le rejeter.

M. Xavier de Roux. Que nos collègues socialistes, pionniers de la fiscalité locale, se montrent un peu raisonnables !

M. le président. M. Augustin Bonrepaux demande la parole. Il me semblait pourtant que tout avait été dit.

M. Augustin Bonrepaux. Un mot, monsieur le président, car je ne suis pas tout à fait convaincu par l'argumentation de M. le rapporteur pour avis.

M. le président. D'accord, mais brièvement.

M. Augustin Bonrepaux. Tout d'abord, si mes souvenirs sont exacts, il me semble que c'est la majorité actuelle qui a pris l'initiative de la liaison des taux. Il n'est donc pas anormal qu'elle ait ensuite corrigé le tir.

Cela étant, quand vous dites, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, que l'application de cette mesure interviendra en 2004, vous faites erreur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Elle interviendra aussi en 2005 !

M. Augustin Bonrepaux. L'allégement sur les investissements concerne surtout 2004. L'argument selon lequel l'Etat risque d'avoir à payer davantage ne tient pas, puisque le Président de la République s'est engagé à alléger les investissements en 2004 et, le cas échéant, au premier semestre de 2005. Puisque le ministre des finances est venu nous expliquer que la réforme de la taxe professionnelle n'interviendrait qu'en 2005, il n'y a aucun risque en la matière.

Je vous mets donc en garde : la déliaison des taux est indispensable, voire vitale pour les formes de coopération intercommunale, puisque leurs charges s'accroissent.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Dans ce cas, que ne l'avez-vous mise en place plus tôt ?

M. Augustin Bonrepaux. Il s'agit d'un cercle vertueux, puisque, vous le savez, les intercommunalités ne peuvent augmenter leurs taux que si les communes augmentent les leurs. Et comme celles-ci ne le font que modérément,...

M. Xavier de Roux. Heureusement !

M. Augustin Bonrepaux. ...cette déliaison est indispensable. Il est faux de prétendre que l'Etat devra payer davantage, puisque le dégrèvement ne comptera que pour 2004.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Et pour 2005 !

M. Xavier de Roux. Nous sommes en plein hold-up ! (Sourires.)

M. Augustin Bonrepaux. Pour l'année 2004, les taux ont été votés : ils figurent dans la loi de finances. Il n'y aura donc aucune modification à cet égard. C'est sur l'année 2005 que porte la disposition que nous proposons.

M. Michel Piron. Quel imbroglio ! Tout est dans tout et inversement !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 631 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de l'amendement n° 632.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le défendre.

M. Augustin Bonrepaux. Nous avons déjà insisté sur la nécessité de clarifier les relations entre l'Etat et les collectivités locales. Le moment n'est-il pas venu de s'y employer ?

Jusqu'à présent, l'Etat ponctionnait les collectivités en prélevant 0,4 % des impositions locales, et cela de manière injustifiée, faute d'une réforme des bases. Ne serait-il pas judicieux, dans ce débat sur la décentralisation portant sur le transfert des charges et des ressources, de clarifier la position de l'Etat ?

Une réforme des bases d'imposition des collectivités locales est-elle en cours ? Non ! Dès lors, il est anormal que l'Etat conserve une telle ressource.

L'adoption de notre amendement serait un signe de bonne volonté de la part du Gouvernement, monsieur le ministre, même si nous ne demandons pas que cette mesure intervienne pour l'année 2004. En 2005, la décentralisation sera en marche. Pour que chacun exerce ses compétences et dispose de ressources correspondant à ses attributions, il importe de prendre une mesure de clarification et de justice. Pourquoi, dans le but d'assumer des compétences qui ne relèvent que de lui seul, l'Etat prélèverait-il des ressources aux collectivités locales ? Il n'y a en effet aucune raison pour qu'il perçoive une surtaxe sur les collectivités locales, puisqu'il dispose, pour assumer ses missions, de prélèvements qui lui sont propres, comme l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés ou TVA.

Cette fois, je pense qu'on ne pourra pas nous répondre que notre amendement n'est pas justifié : ou bien on veut la transparence et c'est le moment de la mettre en place, ou bien on y renonce. Et que l'on ne nous objecte pas que cette disposition aurait pu être mise en œuvre plus tôt : lorsque nous étions aux affaires, la question de la clarification ou celle du transfert des compétences et des moyens, n'étaient pas encore à l'ordre du jour.

Je le répète : il n'y a aucune raison d'aller puiser dans les crédits de l'Europe pour financer certaines compétences. Quand on y a recours pour l'entretien d'une route nationale (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Notre débat ne porte pas sur l'Europe, monsieur Bonrepaux !

M. Michel Piron. C'est une fixation !

M. Augustin Bonrepaux. Il ne porte peut-être pas sur l'Europe, mais aujourd'hui, monsieur le rapporteur, les routes nationales relèvent encore de la compétence de l'Etat. Est-il normal que celui-ci prélève sur les fonds européens des crédits destinés aux collectivités locales et à leur développement, pour financer des travaux routiers ? Est-ce cela, la nouvelle clarification que vous entendez apporter ? Est-ce cela, votre décentralisation ?

M. Michel Piron. C'est décidément une fixation obsessionnelle !

M. Augustin Bonrepaux. C'est pourquoi je demande qu'on laisse aux collectivités locales les moyens qui leur sont destinés, afin qu'elles puissent exercer leurs compétences.

M. Jean-Marc Nudant. Arrêtez !

M. Jacques Le Guen. Il vaut mieux que ces crédits soient utilisés ainsi !

M. Augustin Bonrepaux. Dans le cas inverse, en effet, c'est-à-dire si vous ne votiez pas notre amendement, il y aurait manifestement un détournement de crédits, puisque l'Etat ponctionnerait les collectivités locales pour financer des compétences qui sont de son ressort.

M. Philippe Vuilque. Très bien !

M. Daniel Mach. N'importe quoi !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je trouve intéressant que, à tout propos, M. Bonrepaux parvienne à nous resservir ce refrain sur les fonds européens et même, en l'occurrence, à propos du recensement. Cela relève tout de même de la haute voltige ! (Sourires.)

M. Daniel Mach. Tout à fait !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Il mélange tout !

M. Augustin Bonrepaux. Répondez tout de même à ma question !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Monsieur Bonrepaux, nous n'allons pas entreprendre de réformer toute la fiscalité locale par petits bouts. Vous nous présentez en ce moment une série d'amendements qui vont dans ce sens, mais vous savez vous-même qu'ils n'ont pas leur place dans ce projet de loi.

M. Jean-Marc Nudant. Bien entendu !

M. Augustin Bonrepaux. Pas du tout : ils sont justifiés !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Lorsqu'une loi a instauré le recensement à l'initiative du gouvernement précédent, pourquoi n'avez-vous pas pris la décision que vous nous proposez aujourd'hui ?

M. Augustin Bonrepaux. Parce que nous ne nous inscrivions pas dans une démarche de décentralisation !

M. Daniel Mach. Ils n'ont sans doute pas eu assez de temps !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il ne faut jamais mettre des convertis de fraîche date à la tête de la procession !

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Bonrepaux, ce débat revient chaque année et je pense que la plupart des élus locaux considèrent qu'il est justifié.  

M. Augustin Bonrepaux. Tout à fait !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Cependant, vous le savez bien, c'est M. Charasse qui a augmenté de 0,4 % les frais de prélèvements.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Eh oui !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Au reste, je reconnais, dans un souci d'honnêteté, que cette mesure a été prorogée par le gouvernement Juppé.

M. Augustin Bonrepaux. C'est exact. Vous avez de la mémoire ; moi aussi. (Sourires.)

M. Michel Bouvard. Et tout cela pour une réforme qui n'a jamais vu le jour !

M. le ministre délégué aux libertés locales. En effet !

Toutefois, nous sommes aujourd'hui en train de réformer le système. Certes, la demande des élus locaux n'est pas sans pertinence, mais elle ne se justifie qu'en vue d'une réforme qui n'a pas été mise en œuvre.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas de notre faute !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Par ailleurs, le poids des dégrèvements que subit l'Etat augmente lui aussi.

Enfin, cet amendement ne me semble pas avoir sa place dans notre discussion. Il s'inscrirait mieux dans le cadre d'une loi de finances. J'espère que, quand la prochaine viendra en discussion, nous aurons avancé sur la réforme de la fiscalité locale.

Au reste, je vous le concède : c'est un vrai sujet.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le ministre, votre réponse montre combien nous avions raison, dès l'origine, de souhaiter, comme nous l'avons fait au cours de nos débats sur la révision de la Constitution, que la loi organique vienne en discussion avant la loi ordinaire.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Sur ces questions, la loi organique ne changera rien !

M. Didier Migaud. En effet, soit on considère que le projet de loi dont nous débattons n'a strictement aucune importance - ce qui n'est pas du tout notre point de vue -, soit on pense qu'il mérite d'être pris en compte et, dans ce cas, dès lors qu'on transfère des responsabilités, on est obligé de traiter de la fiscalité locale,...

M. Philippe Vuilque. Bien sûr !

M. Didier Migaud. ...car il faut bien poser le problème des moyens.

Votre argumentation ne tient pas : on ne peut pas prendre en considération les dépenses sans les recettes ni traiter des premières sans examiner les secondes. Tous ceux qui ont établi un budget le savent : on ne peut les isoler. Ce serait du jamais vu.

M. Christian Paul. Ce serait irresponsable !

M. Didier Migaud. Le raisonnement est vraiment bizarre. Il révèle que l'on est vraiment en train de marcher sur la tête !

M. Michel Piron. Cela vous est parfois arrivé  !

M. Didier Migaud. Parce que nous préférerions que vous marchiez sur vos jambes, nous essayons, par nos propositions, de répondre à un certain nombre de questions fort légitimes.

Par ailleurs, j'ai entendu tout à l'heure, pendant l'intervention d'Augustin Bonrepaux, notre collègue M. de Roux plaider en faveur de la liberté, pour les élus locaux. Il a alors qualifié le dispositif que nous proposons de hold-up.

Je trouve le terme désagréable.

M. Xavier de Roux. Il est peut-être un peu fort.

M. Didier Migaud. Il est même totalement inadapté, car les auteurs de ce dispositif sont des élus. Considérez-vous que ce sont des gangsters ?

Je confirme donc que le terme est totalement inapproprié, surtout dans cet hémicycle.

M. Xavier de Roux. Sur ce point, je préfère rester neutre.

M. Didier Migaud. Comment qualifieriez-vous donc la situation dans laquelle l'Etat perçoit une recette sans offrir en contrepartie la moindre prestation ?

M. Christian Paul. Voilà le véritable hold-up !

M. Didier Migaud. N'est-ce pas dans ces conditions que, depuis des années, l'Etat demande aux collectivités locales d'acquitter une taxe, ce qui est évidemment contraire à toute règle ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Dans ce cas, comment avez-vous pu laisser perdurer cet état de fait pendant cinq ans ?

M. Xavier de Roux. Il faut croire que cela ne vous gênait pas beaucoup !

M. Didier Migaud. Je préférerais que vous nous répondiez avec franchise que vous n'avez pas les moyens de nous donner satisfaction parce que l'Etat doit faire face à un certain nombre de besoins : nous pourrions en débattre. De toute façon, nous constatons que l'Etat se désengage de nombreux secteurs et que toutes vos politiques publiques sont remises en cause.

Par ailleurs, Augustin Bonrepaux n'est pas hors sujet lorsqu'il évoque un « détournement de fonds » d'une ligne à une autre. En effet, si les crédits européens ne sont pas forcément utilisés comme ils devraient l'être, c'est précisément parce qu'un certain nombre de politiques publiques sont remises en cause. Nous en revenons donc toujours au même point. En revanche, vous n'avez pas de difficulté à trouver 1,5 milliard pour alléger les charges des restaurateurs ou 2,5 milliards pour supprimer la taxe professionnelle. Il y a donc vraiment deux poids, deux mesures.

Nous ne sommes pas convaincus par votre réponse, monsieur le ministre. Nous estimons que ces 0,4 % représentent une somme importante, qui est prélevée sur les collectivités locales sans que celles-ci bénéficient en contrepartie d'une prestation de la part des services de l'Etat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 632 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 630.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Nous apprenons aujourd'hui la mise en place de la commission Fouquet sur l' « après taxe professionnelle », qui dispose de quatre mois pour présenter ses propositions. Chacun de nous s'interroge sur ce qui peut bien en sortir. Soit cette taxe demeure un impôt local payé par l'entreprise, soit elle disparaît.

M. Michel Piron. C'est un raisonnement binaire !

M. Augustin Bonrepaux. Et si elle est maintenue, elle doit tenir compte soit des investissements et de la valeur ajoutée soit d'autres facteurs, mais lesquels ?

Aussi, je vous propose de simplifier le travail de la commission Fouquet en adoptant l'amendement n° 630. Je précise que l'article 40 m'a obligé de prévoir une compensation de la part de l'Etat alors que j'envisageais une autre solution. Cette proposition, qui émane des entreprises de main-d'œuvre et que j'ai eu l'occasion de défendre devant la commission des finances, a pour objet d'améliorer la définition du plafonnement de la taxe professionnelle actuelle - qui est assise sur les valeurs locatives et les investissements - en fonction de la valeur ajoutée. Le gouvernement Juppé avait en effet réintroduit les loyers dans le calcul de la taxe professionnelle, ce qui a eu pour effet de gonfler artificiellement cette dernière et de modifier le plafonnement qui, par ailleurs, a été calculé en fonction du taux de 1995. Je propose donc que ce plafonnement soit actualisé et amélioré, de sorte que les entreprises de main-d'œuvre paient moins, la compensation n'étant pas - je le précise - assurée par l'Etat, mais par un relèvement de la cotisation minimale sur la valeur ajoutée.

Si j'ai bien compris, l'objectif actuel est de transférer les valeurs locatives et les investissements vers la valeur ajoutée. Or, non seulement celle-ci est malheureusement difficile à localiser, mais cette mesure entraînerait des transferts de localisation de la taxe professionnelle d'une collectivité vers une autre. Vous savez en effet que les grands centres d'activité, qui paient une taxe professionnelle faible par rapport à la valeur ajoutée, se trouvent plutôt dans les grandes villes. Dès lors, si vous transférez la taxe professionnelle sur la valeur ajoutée, ce sont les zones où sont implantés les centres bancaires et d'assurances qui bénéficieront des recettes de la taxe professionnelle au détriment de celles où se font les investissements et où se situent les entreprises à valeurs locatives. Un tel transfert enrichirait davantage des collectivités locales qui ont déjà beaucoup de moyens et appauvrirait celles qui en ont peu. Il faut donc être attentif à ce problème.

Ma proposition ne modifie pas la répartition du produit de la taxe sur le territoire. Elle allège la taxe professionnelle acquittée par les entreprises de main-d'œuvre et celles qui investissent et fait payer un peu plus celles qui ont beaucoup de valeur ajoutée et ne paient pas de taxe professionnelle.

M. le président. Monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. Si vous voulez asseoir la taxe professionnelle sur la valeur ajoutée, il vous faut réfléchir à cette méthode, monsieur le ministre, car c'est la plus intelligente. Je l'ai dit, elle a été proposée par les entreprises.

M. le président. En effet, vous l'avez dit, monsieur Bonrepaux, et vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Augustin Bonrepaux. J'essaie de convaincre, monsieur le président, le sujet est tellement important !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. M. Bonrepaux veut réformer la taxe professionnelle le jour même où le Premier ministre met en place une grande commission de concertation avec tous les élus concernés.

M. Augustin Bonrepaux. Nous n'avons pas besoin d'une commission !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Avis défavorable également, mais les idées de M. Bonrepaux sont intéressantes.

M. Augustin Bonrepaux. Merci, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Réformer la taxe professionnelle n'est pas chose facile.

M. Augustin Bonrepaux. J'essaie de vous aider !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Toutes les idées doivent donc être prises en compte, et l'objet de la commission qui est installée aujourd'hui par le Premier ministre est précisément de les étudier.

M. Augustin Bonrepaux. Elle ne sert à rien !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Si ! Il est nécessaire d'analyser et d'expérimenter les différentes propositions, et je pense que la commission aura l'occasion d'examiner la vôtre. Vous devriez donc vous intéresser à ses travaux.

M. Michel Bouvard. Très bien ! C'est effectivement une piste intéressante !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 630.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 638.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour le soutenir.

M. Philippe Vuilque. L'amendement a pour objet de veiller à ne pas amplifier les inégalités entre l'outre-mer et la métropole, sujet sur lequel le groupe socialiste, et notamment Victorin Lurel, sont particulièrement vigilants.

En termes de PIB par habitant, la Guadeloupe est la dernière des 211 régions d'Europe. Les collectivités d'outre-mer ont du mal, faute de moyens publics suffisants, à exercer les compétences qui leur sont dévolues. La loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003, dans la première partie de son article 47, a prévu le principe d'un nouveau mode de calcul des dotations de l'Etat à ces collectivités en précisant qu'elles devront désormais « tenir compte de leurs caractères spécifiques ». Or, compte tenu des charges nouvelles résultant du projet de loi relatif aux responsabilités locales, il y a lieu de prévoir que cette réforme du calcul des dotations devra également tenir compte de ces nouveaux transferts de charges.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il n'existe aucune contradiction entre la loi de programme sur l'outre-mer, qui prévoit de prendre en compte les spécificités de l'outre-mer dans le calcul des dotations et le projet de loi sur la décentralisation dont les articles 88 et suivants, relatifs à l'ensemble des dispositifs financiers, notamment au calcul des transferts de charges, s'appliquent à l'outre-mer. Par conséquent, l'amendement de M. Lurel est déjà satisfait. C'est pourquoi la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je soutiens totalement l'amendement de M. Lurel, qui attire l'attention de l'Assemblée nationale sur la situation des collectivités locales d'outre mer, notamment de la Guadeloupe dont il est l'élu. Ces collectivités ont en effet un potentiel fiscal faible et des moyens d'investissement souvent très limités. M. Lurel le sait bien d'ailleurs, puisque, en 2001, il a été élu maire d'une commune de Guadeloupe dont il a su redresser avec beaucoup de courage la situation financière catastrophique.

Vous allez un peu vite en besogne, monsieur le rapporteur, en affirmant que la loi de programme pour l'outre-mer répond à toutes les questions soulevées par cet amendement.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je n'ai pas dit cela !

M. Christian Paul. Certes, cette loi propose de tenir compte du caractère spécifique des collectivités d'outre-mer pour abonder leurs dotations, mais le projet dont nous débattons va transférer un certain nombre de charges nouvelles qui auront sur les collectivités d'outre-mer un impact différent de celui qu'elles auront sur les départements métropolitains. Ainsi, la Guyane, dont la superficie équivaut à celle d'une vingtaine de départements métropolitains - c'est dire son étendue et les difficultés que rencontre son conseil général pour exercer l'ensemble de ses compétences - va se voir transférer la gestion de ses routes nationales.

M. Xavier de Roux. Il n'y en a qu'une !

M. Christian Paul. Non, il y a celle qui mène au Surinam et une autre, en cours de réalisation, vers le Brésil. Or, on ne peut pas transférer des routes transamazoniennes comme on transfère des routes dans le Nord ou la Nièvre.

L'amendement n° 638 de M. Lurel, comme son amendement n° 637, ont le mérite d'attirer l'attention de l'Assemblée sur ce type de problèmes, et ce serait faire preuve de sagesse et de précaution que de retenir la rédaction qu'il a proposée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 638.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 637.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour le soutenir.

M. Philippe Vuilque. L'amendement n° 637 complète l'amendement précédent, puisque M. Lurel propose que le transfert de compétences nouvelles prévu par la présente loi ne soit mis en œuvre dans les départements et régions d'outre-mer qu'après la remise du rapport prévu par la loi du 21 juillet 2003 qui doit examiner la situation financière des collectivités d'outre-mer.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Même avis que pour l'amendement précédent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je suis surpris que le ministre se contente d'une réponse aussi sommaire, car nous demandons simplement que soit appliqué un principe de précaution élémentaire. Du reste, je suis persuadé que si l'on interrogeait nos collègues de l'outre-mer appartenant à la majorité - qui, hélas ! sont absents ce matin -, ils confirmeraient leur souhait qu'avant de procéder à ces transferts, le Gouvernement transmette au Parlement un rapport qui réaliserait une véritable étude sur le choc financier que les lois de décentralisation vont provoquer dans des collectivités dont nous connaissons la situation budgétaire. Mais peut-être êtes-vous en train de découvrir cette situation, monsieur le ministre. Vos déplacements outre-mer, notamment à la Réunion, ont été parfois un peu chahutés, et vous n'avez peut-être pas eu le temps d'entrer dans le détail de la gestion des collectivités locales. Quoi qu'il en soit, j'invite nos collègues de la majorité à être plus attentifs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 637.

(L'amendement n'est pas adopté.)


M. le président
. Je suis saisi d'un amendement n° 629.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour le soutenir.

M. Philippe Vuilque. Nous proposons qu'à compter de la mise en œuvre de la loi relative au dispositif de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, la dotation globale de fonctionnement des communes, départements et régions, soit majorée d'un montant équivalant à 0,3 % de leur masse salariale.

Prétendant ne pas vouloir augmenter les prélèvements obligatoires, le Gouvernement a imaginé de substituer à l'impôt une forme insidieuse de taxation en nature du travail des citoyens : la suppression d'un jour férié, qui s'accompagnera de la mise en place d'une contribution de 0,3 % acquittée par tous les employeurs privés et publics.

Cette mesure entraînant un coût pour les collectivités locales, il est à craindre que les ménages ne soient appelés à contribuer une seconde fois à ce que le Gouvernement présente comme un effort de solidarité. Pour éviter cette nouvelle imposition, il est proposé de compenser, à travers la dotation globale de fonctionnement, le prélèvement opéré sur les finances des collectivités locales résultant de la mise en place d'une journée de solidarité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Avis défavorable. D'une part, le groupe socialiste voudrait qu'il y ait une différence de traitement entre les employeurs publics et les employeurs privés. D'autre part, il nous semble plus opportun de discuter de cette question lorsque la loi en question sera présentée, afin de disposer d'une vision globale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Ce prélèvement destiné à financer le handicap s'inscrit dans le cadre du grand projet d'amélioration de la situation des personnes handicapées. Contrairement à ce qu'avait fait le gouvernement précédent pour l'APA, nous ne légiférons pas à crédit.

M. Xavier de Roux. Très bien !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Nous voulons réaliser le grand projet du Président de la République consistant à améliorer sérieusement la situation des handicapés, et nous en prévoyons le financement. Nous ne pouvons être d'accord avec vous lorsque, fidèles à votre méthode habituelle, vous proposez de supprimer ce financement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Les socialistes auraient au moins pu compenser les 35 heures !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Monsieur le ministre, je regrette que votre réponse soit lapidaire. Vous ne répondez pas sur le fait que les citoyens vont se trouver doublement imposés, en leur nom propre, et du fait de la mise à contribution des collectivités locales ...

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Pas forcément, il y a des collectivités locales bien gérées, monsieur Vuilque !

M. Philippe Vuilque. Nous savons comment cela se passe dans la réalité. Des recettes en moins pour les collectivités, cela se traduit par une hausse des impôts locaux ...

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Non, pas automatiquement !

M. Philippe Vuilque. Le citoyen fera bel et bien l'objet d'une double imposition : par l'Etat, et par les collectivités locales. C'est la justification de notre amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 629.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 633.

La parole est à M. Christian Paul, pour le soutenir.

M. Christian Paul. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 633.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 979 rectifié.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Cet amendement a pour but de rappeler qu'à l'horizon de nos débats sur ce texte, il y a la nécessité d'améliorer la situation de l'emploi sur l'ensemble de nos territoires. Si la décentralisation a pour objectif de faire en sorte que les liens entre les citoyens et les collectivités locales s'améliorent, l'emploi doit rester au centre de nos préoccupations.

Alors que nous connaissons actuellement une grande vague de licenciements économiques, avec des conséquences dramatiques pour les salariés et leur famille, le Gouvernement continue d'appliquer sa politique libérale d'aide aux entreprises, sans contrepartie, et sans qu'aucun contrôle ne leur soit appliqué. Or, chacun sait que ces aides sont bien souvent versées à des entreprises qui disposent de moyens financiers largement suffisants pour faire face à leurs investissements.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Mais quel est le rapport avec le projet de loi ?

M. Daniel Paul. Ainsi, le groupe Total vient d'annoncer un bénéfice de 7,03 milliards d'euros, soit environ 45 milliards de francs, pour l'année 2003. Cette somme est supérieure à la masse salariale que représentent les 120 000 salariés de Total à travers le monde. Au même moment, Total décide de filialiser, avant de la mettre sur le marché, une partie de sa branche chimie. C'est une partie des activités de l'ancienne société Elf, absorbée par Total il y a quatre ans, qui va faire l'objet de cette opération. En effet, ces activités rapportent, mais pas assez pour assurer une nouvelle augmentation de bénéfices dans les prochaines années.

Cela n'empêche pas le groupe Total d'obliger les collectivités locales sur le territoire desquelles il investit à lui accorder des exonérations fiscales et des aides diverses.

Notre amendement, qui vise ces entreprises qui réalisent des profits - toutes les entreprises ne réalisent peut-être pas des profits, mais certaines d'entre elles réalisent des profits extrêmement importants - ...

M. Xavier de Roux. C'est leur objet !

M. Daniel Paul. ... tend à ce que les suppressions d'emplois, et les réductions de périmètre d'entreprises, qui s'apparentent à des opérations boursières, puissent faire l'objet d'un contrôle, de façon à éviter que l'argent public ne serve à améliorer la rentabilité au profit des actionnaires, au lieu de favoriser les investissements.

M. le président. Il me semble, monsieur Paul, que votre amendement était un peu hors sujet. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s'agit d'un amendement anti-licenciements. On connaît l'argumentation du groupe communiste sur ce point, qui n'est d'ailleurs pas la même que celle d'autres groupes de la gauche plurielle. Pour autant, cette disposition n'a pas sa place dans ce texte. L'avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Ce n'était pas un cavalier, mais un véritable régiment de cavalerie ! (Sourires.) Avis défavorable.

M. Xavier de Roux. C'est un amendement Laguiller ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 979 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Daniel Paul. Si les aides publiques versées par les collectivités locales ne sont pas d'actualité dans un projet sur la décentralisation, où va-t-on ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Ce n'était pas le sujet de votre amendement !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 978.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Les lois de décentralisation votées en 1982 et 1983 ont constitué une véritable avancée, en permettant un rapprochement des citoyens avec les lieux de décision. Elles ont également consacré la pleine reconnaissance de l'indépendance des élus locaux.

En effet, dans le volet relatif à la démocratie, la limitation des pouvoirs du préfet et la prééminence du suffrage universel constituent indéniablement de grands acquis, qu'il n'est pas question de remettre en cause aujourd'hui.

Toutefois, il convient de nuancer le bilan de ces lois de décentralisation. Si nous ne contestons pas forcément le principe de la décentralisation et les transferts de certaines compétences, force est de constater qu'ils ont été à l'origine d'un certain nombre d'inégalités, ou du moins qu'ils ne les ont pas remises en cause.

Certaines de ces inégalités se sont même accrues avec le temps et n'ont pas été corrigées par les lois de décentralisation suivantes, de 1995 ou de 1999. Or, notre pays ne se trouve plus dans les conditions de 1982 et traverse depuis plus de vingt ans une crise économique profonde, marquée par une mutation du secteur industriel, mais aussi par une envolée du chômage et par l'émergence de nouveaux bassins d'emploi.

Nous ne cesserons de répéter, durant les débats sur ce texte, que celui-ci est loin de corriger toutes les inégalités entre les régions et entre les départements. Pis, il risque fort de les aggraver. Or, voir émerger des régions et des départements tout-puissants face à d'autres de plus en plus pauvres ne correspond pas à notre conception de la décentralisation et de la démocratie.

Un bilan des différentes lois de décentralisation votées jusqu'à ce jour nous semble donc nécessaire, afin de rectifier de trop nombreuses inégalités entre les territoires.

C'est pourquoi je vous invite vivement à adopter notre amendement avant de donner carte blanche à des transferts de compétences, alors que leur financement n'est pas assuré. Il est de notre responsabilité de ne pas creuser encore davantage le fossé entre nos régions et nos départements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cet amendement propose un rapport de plus, alors que nous disposons déjà de tous les rapports possibles et imaginables, qu'il s'agisse des rapports de la commission des lois et des trois rapporteurs pour avis, ou du bilan en grandeur nature effectué à l'occasion des Assises des libertés locales ...

M. Daniel Paul et M. Christian Paul. Simulacre !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. ... qui nous fournit toutes les données que nous pouvons souhaiter. L'avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Les Assises des libertés locales, qui ont réuni 55 000 personnes, ont effectivement permis d'établir un bilan. Vous n'avez jamais organisé une telle consultation, surtout pas en 1982. L'avis du Gouvernement est tout à fait défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 978.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 600.

La parole est à M. Jacques Le Guen, pour le soutenir.

M. Jacques Le Guen. L'amendement de M. Deprez a pour objectif de substituer, pour le chapitre Ier bis du titre Ier, aux mots : « Le tourisme », les mots « L'organisation territoriale de l'économie touristique ». Ainsi serait traduite la volonté gouvernementale de développer l'économie touristique à partir des attraits diversifiés du territoire français dont la responsabilité de base revient aux collectivités locales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. M. Deprez a défendu par avance cet amendement au cours de la discussion générale. La commission a souscrit à son argumentation, car si le titre ne gagne pas en concision, il gagne en précision, et je crois qu'il donne un sens à la territorialisation de l'économie touristique. Pour autant, je précise d'ores et déjà que nous ne retiendrons pas les autres amendements de M. Deprez car, comme il l'a indiqué lui-même, ses propositions trouveront leur place dans la loi en préparation sur ce sujet.

L'avis de la commission est donc favorable, mais uniquement sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement émet un avis défavorable. Puisque les dispositions proposées par M. Deprez vont trouver leur place dans une autre loi, il est absurde de changer l'intitulé du titre premier de ce projet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 600.

(L'amendement est adopté.)

M. Christian Paul. Enfin, une percée conceptuelle ! (Sourires.)

M. le ministre délégué aux libertés locales. Allons, c'est absurde !

Article 1er

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.

La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Je vous prie de bien vouloir excuser notre collègue Pierre Albertini, dont je vais essayer de retranscrire la pensée le plus fidèlement possible.

Cet article premier a pour objectif de clarifier les compétences respectives des collectivités locales en donnant à la région un rôle de chef de file. Certes, le régime des aides aux entreprises, qui date d'une vingtaine d'années, mérite d'être réorganisé, et la distinction entre les aides directes et indirectes est particulièrement fragile et aléatoire. En outre, l'Europe a tendance à restreindre de plus en plus les possibilités d'intervention des collectivités locales.

Un nouveau cadre juridique est donc nécessaire. Mais l'objectif est-il atteint ? La rédaction de cet article est relativement lourde, et les amendements retenus par la commission risquent de le compliquer encore. Faut-il imposer à la région, par exemple, de communiquer chaque année aux représentants de l'Etat un rapport sur les aides mises en œuvre ? N'est-ce pas un signe de défiance à l'égard de la région, et à coup sûr une formalité supplémentaire ?


Prévoir une concertation avec les autres collectivités territoriales lorsque l'économie est menacée et qu'on est dans une situation de crise relève-t-il vraiment de la loi ? Il y a là un droit mou qui n'apporte rien sur le plan de la clarté et de l'efficacité.

Enfin, faut-il rappeler dans la loi l'obligation de respecter et d'exécuter les décisions de la Commission européenne ou les arrêts de la Cour européenne de justice ? Cela me semble aller de soi.

Monsieur le ministre, une loi a surtout pour objet d'affirmer un certain nombre de grands principes. A trop vouloir entrer dans le détail, on risque d'alourdir les procédures et d'engendrer de grandes difficultés d'interprétation.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Comme l'ensemble des dispositions du projet de loi, l'article 1er vise à affaiblir le rôle de l'Etat et à réduire comme peau de chagrin son champ d'intervention. Il contribue à transférer aux régions des axes forts de la politique économique et sociale.

Avec cet article, qui, comme l'indique l'intitulé du chapitre, concerne le développement économique, c'est toute la politique d'aide aux entreprises qui est bouleversée et, à travers elle, il faut le souligner, la politique de l'emploi de l'Etat qui est remise en cause.

Les dispositions de l'article 1er tendent en effet à faire de la région une instance souveraine de décision en matière d'intervention et d'attribution des aides pour le développement économique. La responsabilité de la région en matière de développement économique est ainsi affirmée, en même temps que son rôle de coordination et de contrôle des actions économiques des collectivités territoriales.

D'un côté, à travers la suppression de la distinction entre aides directes et aides indirectes, on soumet l'octroi de toute aide des départements, communes et groupements de collectivités territoriales à une convention passée avec la région. On place ainsi l'intervention dans le domaine de l'emploi des instances les plus proches du terrain sous la coupe de la région.

D'un autre côté, c'est une conception particulièrement appauvrie du développement économique qui est déployée et qui passe, sous prétexte de conformité avec le droit communautaire, par la suppression des politiques de l'emploi.

On peut craindre que les aides aux entreprises ne se réduisent à la mise en place de fonds communs de placements à risque, à vocation régionale ou interrégionale, dont on a pu récemment observer les difficultés en phase avec les crises des marchés financiers. Les fonds d'investissement de proximité, créés par la loi pour l'initiative économique afin de soutenir le développement des PME et qui bénéficient d'avantages fiscaux colossaux, montrent que la politique économique est réduite à des mesures d'incitation fiscale. Il n'y a pas de réelle politique de l'emploi.

Cet article cherche donc à affaiblir les prérogatives de l'Etat dans la conduite de politiques globales et nationales de l'emploi. Les autres collectivités territoriales, communes comme départements, se trouvent quant à elles, dépossédées de l'essentiel de leurs prérogatives en matière de politique économique.

Cet affaiblissement de l'Etat ne peut qu'éveiller des craintes dans les régions les plus pauvres. Avec cet article 1er, vous inscrivez dans le marbre de la loi l'appauvrissement des régions périphériques comme la croissance des inégalités régionales en France.

Ces objectifs visent également à amputer les collectivités élues de tout pouvoir en matière économique, histoire de protéger les multinationales contre toute possibilité d'intervention publique dans les affaires.

Il est d'ailleurs clair que les interventions des régions en matière économique seront, elles aussi, entièrement soumises à un contrôle tatillon par Bruxelles du respect du prétendu droit de la concurrence.

Il s'agit donc, avec cet article, de soumettre la politique économique de la France aux diktats des marchés financiers et des théoriciens du néolibéralisme.

Or la France a besoin d'une véritable politique de l'emploi, fondée sur la coopération entre les territoires et non sur leur concurrence.

Pour mener une autre politique, nous revendiquons la constitution d'un pôle financier public et décentralisé regroupant la Caisse des dépôts et consignations, La Poste et les Caisses d'épargne. Un tel pôle financier public devrait permettre de rompre avec la logique de financiarisation de nos économies, par le biais d'une politique de crédit sélective favorisant la création d'emplois.

Ce pôle public national et décentralisé aurait en effet pour mission de gérer l'épargne et le crédit afin de financer les entreprises qui ont un réel projet à long terme et qui, dans cette perspective, sont susceptibles de créer des emplois et de miser sur la formation. Il s'agirait, d'une part, d'alimenter les fonds régionaux de développement par des prélèvements sur les revenus financiers et, d'autre part, d'accorder des prêts bonifiés aux entreprises qui font le choix de l'emploi.

C'est donc bien parce que nos conceptions du développement économique local sont à l'opposé des vôtres que nous proposerons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le ministre, l'article 1er illustre bien l'ensemble du texte. Contrairement à Daniel Paul, le groupe socialiste considère que confier à la région la responsabilité du développement économique donne une meilleure lisibilité du dispositif. Cela revient surtout à réaffirmer l'esprit des lois Defferre de 1982 et 1983 qui, contrairement à ce que vous et M. Goasguen avez prétendu hier de façon polémique, ne sont pas passées en force. Je peux en témoigner car je fais partie des jeunes - nous étions 300 ou 400 - qui ont participé à leur élaboration dès 1979. Nous venions travailler toutes les semaines à l'Assemblée nationale. Et nous appliquions déjà nos conceptions sur les délégations de pouvoir dans des réunions décentralisées. A l'époque, ce n'était pas évident et cela a impliqué de sérieuses négociations.

Nous avions donc décidé dès le départ que la région aurait la responsabilité en matière de développement économique.

M. le ministre délégué aux libertés locales. C'était qui exactement « nous » ?

M. Jean-Pierre Balligand. Quant à l'opposition d'alors - majorité d'aujourd'hui -, elle était absente du débat. Michel Debré, défendant une mémorable question préalable, s'était en effet opposé à la philosophie même de la décentralisation.

Aujourd'hui, il faut tirer le bilan de vingt ans de pratique. Et je crois pouvoir le faire car c'est un des domaines que je connais le mieux, ayant présidé le CNER et étant toujours président d'une agence de développement et d'une société d'économie mixte départementale. Je considère donc que donner une force à la région tout en améliorant la lisibilité de l'action est une bonne chose. De ce point de vue, l'article 1er part d'un bon pied. Malheureusement, plus on avance dans la lecture du texte, et plus les choses se complexifient.

Cela nous ramène au problème d'origine, celui de la compétence générale, que les lois de 1982 et 1983 ont attribuée à chaque collectivité. Cettte compétence est indispensable pour les communes, mais l'est-elle pour les autres niveaux de collectivité ? Pour répondre à cette question, il faut déjà ne pas se soucier de la « tambouille » des élus. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je suis opposé au cumul d'un mandat parlementaire et d'un mandat local important - présidence de conseil régional ou général. Je suis de ceux qui ont gagné des départements et qui ont cédé leur place à des collègues qui ne cumulent pas. Cela me permet de parler librement dans cette enceinte. Il est indécent, selon moi, qu'un parlementaire vienne défendre son bout de gras à l'Assemblée ou au Sénat.

Quelques députés du groupe socialiste. Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand. Il est indécent d'être juge et partie quand on fait la loi.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il ne suffit pas de le dire !

M. Jean-Pierre Balligand. Etait-il bon, donc, de donner la compétence générale à toutes les collectivités ? Après vingt ans, on s'aperçoit que, de ce fait, les départements qui avaient des moyens financiers ont été amenés à assumer des actions de développement économique destinées à l'origine à la région. Les communes, quant à elles, avaient la compétence générale et la maîtrise des POS, le contrôle des sols étant indispensable pour agir en matière économique.

Puis, sont intervenues les lois Joxe et Chevènement de 1992 et 1999 qui ont donné un pouvoir économique aux établissements publics de coopération intercommunale.

Que résulte-t-il de tout cela aujourd'hui ? Une grande complexité. Beaucoup de concurrence. Et un gaspillage d'argent et d'énergie.

M. Jean Le Garrec. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Balligand. Les départements n'hésitent pas à faire de la surenchère et vont même jusqu'à se piquer les dossiers industriels.

On pouvait donc espérer que le présent texte s'attacherait à économiser les deniers publics, bien sûr, mais aussi à simplifier les choses. Or, et j'en suis désolé, il n'en est rien. Et cet article 1er, long de quelque quatre pages devient vite incompréhensible s'agissant notamment des aides et du partenariat avec les collectivités infrarégionales. Cela est dû au fait que vous n'avez pas voulu vous attaquer à la notion de compétence spécifique. Il aurait fallu préciser qu'à tel niveau de collectivité, correspondait telle compétence. Ainsi, les électeurs auraient su qui était responsable de telle ou telle action publique territoriale et qui ils devaient sanctionner, le cas échéant, à l'occasion d'un vote.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Balligand. Vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Jean Le Garrec. Le sujet est important, monsieur le président !

M. le président. M. Balligand sera amené à intervenir de nouveau lors de l'examen des amendements.

M. Jean-Pierre Balligand. J'interviendrai moins dans la suite, mais je conclus, monsieur le président.

Aujourd'hui, monter un dossier est d'une complexité incroyable. Il faut en effet composer avec la politique communale, la taxe professionnelle intercommunale, la taxe professionnelle unique ou la taxe professionnelle de zone, les zones du FEDER et le niveau d'implication de chaque acteur. Voilà à quoi nous passons notre temps ! Quel gaspillage d'argent et d'énergie !

M. Christian Paul. C'est l'enfer !

M. Jean-Pierre Balligand. Et surtout, c'est illisible pour le citoyen. Malheureusement, cet article 1er, qui part d'un bon pied en confiant le développement économique à la région, se perd dans une complexité peut-être supérieure encore à ce qui existe aujourd'hui. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un réel progrès, même si l'intention était bonne, je le répète, de confier le développement économique à la région.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Balligand, j'aime bien débattre avec vous, parce que nous pouvons aborder des sujets de fond.

Tout d'abord, si j'ai bien compris votre propos, vous constatez que tous les gouvernements, depuis vingt ans, ont maintenu et développé la compétence générale et que c'est encore le cas avec ce texte. Vous avez sans doute raison, mais si vous n'avez pas, lorsque vous étiez dans la majorité, encouragé la compétence spécialisée que vous proposez aujourd'hui, c'est sans doute pour les mêmes raisons que nous. Votre idée est très intéressante, mais il me semble qu'elle est parfaitement contraire à la tradition française...

M. Jean-Pierre Balligand. Pourquoi ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. ...et à notre organisation constitutionnelle. C'est un vrai sujet de débat, que je ne veux pas balayer d'un revers de main, mais il me semble que vous proposez une véritable révision constitutionnelle.

Si notre constitution ne prévoit ni tutelle ni hiérarchie entre les collectivités, c'est que la compétence est générale. Si les compétences étaient spécialisées, au moins dans certains domaines, il y aurait une véritable tutelle. Ce serait une révolution pour nos institutions. J'ajoute que cette généralisation des compétences est une spécialité française. En effet, dans les autres pays d'Europe, les compétences sont beaucoup plus spécialisées.

La réforme que vous nous proposez serait très difficile à mettre en œuvre et représenterait un réel bouleversement des mentalités. D'ailleurs, vous-même n'y avez jamais pensé sérieusement, même quand vous étiez aux responsabilités.

M. Jean-Pierre Balligand. J'y ai pensé !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Mais vous vous êtes bien gardé d'avancer sur la voie de la spécialité. Au contraire, vous le rappeliez très honnêtement, vous avez développé la généralité.

Par ailleurs, vous nous dites que notre texte est complexe. J'en conviens volontiers. Si vous aviez déposé des amendements rédactionnels de simplification ou de clarification, cela m'aurait beaucoup intéressé. Je vous rappelle qu'au Sénat, c'est une trentaine d'amendements du groupe socialiste qui ont été adoptés, et ils ont vraiment amélioré le texte.

M. Philippe Vuilque. Nous n'avons pas pu déposer d'amendements compte tenu de la rédaction de l'article !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Le groupe socialiste a déposé très peu d'amendements sur cet article 1er et je n'en vois aucun signé de M. Balligand. C'est dommage. On ne peut vouloir améliorer un texte sans faire la moindre proposition.

Enfin, monsieur Balligand, comme vous l'avez vous-même souligné, l'articulation des compétences dans notre pays est extrêmement complexe. Cette complexité est telle qu'il est très difficile de la réduire, autant que de démêler une pelote de laine très enchevêtrée. D'une certaine manière, avec ce projet de loi de décentralisation, nous essayons de démêler un enchevêtrement de compétences. Ce n'est pas simple.

M. Michel Piron. Très juste !

M. le président. Mes chers collègues, je vous indique que la conférence des présidents va se réunir.

A la demande du Gouvernement, je vais suspendre la séance pendant la tenue de cette réunion.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à douze heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 1er

Nous en venons à l'examen des amendements à l'article 1er.

Les amendements n°s 980 de M. Chassaigne et 128 de M. Goulard ne sont pas défendus.

Je suis saisi de deux amendements, n°s 1316 corrigé et 202, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour défendre l'amendement n° 1316 corrigé.

M. Francis Vercamer. Le II de l'article 1er associe les collectivités territoriales à l'élaboration du schéma régional de développement économique, dans le cadre d'une concertation, et prévoit que les chambres consulaires soient saisies pour avis. Or il me semble tout aussi important de connaître l'avis du conseil économique et social régional. C'est pourquoi cet amendement propose de rendre obligatoire la consultation du conseil économique et social régional.

M. le président. L'amendement n° 202 est-il défendu ?

M. Francis Vercamer. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Votre amendement n° 1316 corrigé est partiellement satisfait, monsieur Vercamer, puisque, comme vous le savez, selon l'article 4241-1 du code général des collectivités territoriales, les CESR sont systématiquement consultés sur tout projet de plan ou de schéma .

Pour aller plus loin, j'ai déposé un amendement après l'article 2, prévoyant que les chambres consulaires régionales soient associées au développement économique de la région dans le cadre de contrats d'objectifs. Vous voyez donc que je partage vos intentions, et je pense que vous pouvez, au bénéfice de ces explications, retirer votre amendement.

Quant à l'amendement n° 202, j'y suis défavorable pour la même raison : l'article 4241-1 du CGCT rendant obligatoire l'avis du CESR, il n'y a pas lieu d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que la commission. Je pense que M. Vercamer pourrait les retirer.

M. le président. Monsieur Vercamer, retirez-vous ces deux amendements ?

M. Francis Vercamer. Je retire volontiers le n° 1316 corrigé, mais je ne peux pas le faire pour l'amendement n° 202, puisque je n'en suis pas l'auteur.

M. le président. L'amendement n° 1316 corrigé est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 202.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 943.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. Cet article confirme la compétence régionale en matière de développement économique. Cela étant, il faut que les décisions que les régions seront amenées à prendre soient des décisions éclairées, notamment - et vous l'avez reconnu vous-même hier, monsieur le ministre - au regard de la diversité des situations et des spécificités territoriales.

S'agissant des territoires de montagne, je ne demande ni plus ni moins que la transcription dans le droit français d'un principe reconnu par la Cour de justice des communautés européennes. En effet, selon l'arrêt Wagner, on peut générer des inégalités, non seulement en traitant de manière différente des situations identiques, mais aussi en traitant de manière identique des situations différentes. Or, s'agissant du développement économique, il s'agit de prendre en compte la spécificité de la montagne. Ainsi, réaliser un bâtiment industriel sur la zone industrielle de Modane coûte 35 % plus cher qu'à Chambéry. Si on applique le même régime d'autorisation des concours publics à deux situations si diverses, nous n'aurons plus personne en montagne, parce que le différentiel sera toujours en notre défaveur.

M. Michel Piron. Tout à fait !

M. Michel Bouvard. De même, en ce qui concerne les plans de formation, on doit prendre en compte des éléments tels que la nécessité de formations biqualifiantes, seules susceptibles de répondre à la forte saisonnalité de l'activité en montagne, si on veut réellement favoriser le développement de la pluriactivité. Je pourrais multiplier les exemples dans ce sens.

C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que soit consulté sur ces schémas le comité de massif dont la compétence a été étendue par la loi relative à la démocratie de proximité, le rôle confirmé à l'issue de la première lecture du projet de loi sur le développement des territoires ruraux, et qui a vocation à approuver la convention interrégionale de massif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je comprends bien l'intention de M. Bouvard dont tout le monde connaît l'ardeur à défendre la montagne dans notre hémicycle. Mais, mon cher collègue, indépendamment du fait que cet amendement pose un problème rédactionnel, je vous rappelle qu'en vertu du principe de libre administration, les régions ont toute latitude pour consulter qui elles souhaitent dans le cadre de l'élaboration des schémas. On voit mal que, dans les régions de montagne, les comités de massif ne soient pas consultés.

M. Michel Bouvard. Ah ! ça...

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Pour ces deux raisons, nous avons émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que la commission. Il y a un réel problème rédactionnel, monsieur Bouvard. Peut-être pourriez-vous améliorer votre amendement en vue de la deuxième lecture.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je vais suivre la recommandation de M. le ministre et retirer mon amendement, ce qui laissera sans doute à la commission le temps de réexaminer la question ou au Sénat d'adopter une disposition similaire.

M. le président. L'amendement n° 943 est retiré.

Je suis saisi de huit amendements identiques, n°s 1, 70, 97, 189, 953, 982, 1262 et 1315.

La parole est à M. Michel Bouvard pour défendre l'amendement n° 1.

M. Michel Bouvard. Je défends cet amendement au nom de M. Goulard qui est retenu en commission des finances en tant que rapporteur de la proposition de résolution sur l'affaire Executive Life.

M. le président. La parole est à M. Bruno Bourg-Broc, pour défendre l'amendement n° 70.

M. Bruno Bourg-Broc. Tous ces amendements ont pour but de remédier à ce qui apparaît à nos yeux comme un oubli. Elaborer un schéma régional de développement économique, c'est bien ; le faire en concertation avec l'ensemble des acteurs économiques, c'est encore mieux ; mais il ne faudrait pas écarter un secteur qui représente tout de même près de deux millions d'emplois, celui de l'économie sociale. Or, il n'est pas représenté en tant que tel dans les consultations qui seront organisées pour élaborer le schéma régional de développement économique. L'économie sociale fait le lien entre l'emploi et l'insertion. Comme elle est représentée par les chambres régionales de l'économie sociale, les auteurs de ces amendements souhaitent que ces dernières soient consultées au même titre que les assemblées consulaires.

M. le président. L'amendement n° 90 est défendu.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand pour soutenir l'amendement n° 189.

M. Jean-Pierre Balligand. Je me sens tenu de défendre l'amendement de Jean-Louis Dumont qui est, pour ainsi dire, un des chantres de l'économie sociale dans cet hémicycle.

Je vais donc, comme M. Bourg-Broc, souligner que ce secteur occupe suffisamment de monde pour que les chambres régionales de l'économie sociale soient associées au schéma régional de développement économique. Il est d'autant plus important qu'elles le soient que les entreprises qu'elles représentent participent très activement, en coopération avec les directions régionales du travail et de la formation professionnelle et la Caisse des dépôts et consignations, aux politiques régionales de l'emploi.

M. le président. L'amendement n° 953 de Mme des Esgaulx est défendu.

La parole est à M. Daniel Paul pour soutenir l'amendement n° 982.

M. Daniel Paul. Au fil des années, l'économie sociale est devenue un secteur extrêmement important. Ainsi, en décembre 2002, les syndicats employeurs de l'économie sociale qui présentaient pour la première fois des candidats aux élections prud'homales, ont obtenu 34 % des voix et près de 300 élus. Les mutuelles, les coopératives, les associations et les fondations regroupent 750 000 entreprises dans notre pays et emploient 2 millions de personnes. Il est donc tout à fait légitime de les consulter sur le schéma régional de développement économique.

M. le président. L'amendement n° 1262 de M. Novelli est défendu.

La parole est à M. Philippe Folliot pour soutenir l'amendement n° 1315.

M. Philippe Folliot. Très rapidement, car les orateurs précédents l'ont fort bien dit, l'économie sociale tient une place privilégiée dans ce qu'on appelle le tiers secteur et elle est essentielle pour le lien social. La consulter ne peut être qu'une bonne chose.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces huit amendements ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je ferai d'abord remarquer que les chambres régionales de l'économie sociale n'ont pas d'existence légale.

M. Daniel Paul. Elles sont pourtant constituées !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. C'est un objet juridique non identifié. Il n'en demeure pas moins que j'ai le plus grand respect pour les associations qui concourent à l'économie sociale, je les ai d'ailleurs reçues. Mais j'attire votre attention sur le risque de paralysie. Il faut que le schéma régional de développement économique soit opérationnel rapidement.

Je vous rappelle ensuite que le CGCT prévoit de consulter obligatoirement un organisme, le conseil économique et social régional, qui comprend des représentants de l'économie sociale. Si vous ouvrez la boîte de Pandore, les demandes vont se multiplier. Pourquoi ne pas consulter les associations de consommateurs qui représentent des millions de personnes ?

M. Alain Gest. Tout à fait ! C'est pour ça que je voterai contre.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. M. Morel-A-L'Huissier va vous proposer tout à l'heure de consulter les professions libérales, et ainsi de suite.

M. Jacques Le Guen. Pourquoi pas les plombiers ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission a proposé de respecter un équilibre en consultant les chambres consulaires et, sur proposition de notre collègue communiste Chassaigne, les organisations syndicales représentatives...

M. Alain Gest. C'est pareil, elles siègent au CESR !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. L'amendement a été adopté par la commission.

Elles sont, elles, visées par la loi et reconnues par la Constitution. Je vous propose de vous en tenir là.

Pour toutes ces raisons, avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Depuis quatre ou cinq mois, j'ai vu défiler au ministère une bonne vingtaine de lobbies demandant à être obligatoirement consultés pour l'élaboration du schéma régional. C'est sans fin ! Leur donner satisfaction aboutirait fatalement à la dévitalisation du CESR.

M. Alain Gest et M. Michel Piron. Tout à fait !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Plus on multipliera les consultations, moins celle du CESR aura de signification. Ce serait d'autant plus absurde que tous ces gens-là sont déjà représentés au CESR. Il faudrait donc les consulter deux fois ! Une fois en propre, une autre dans le cadre du CESR.

De plus, en dressant une liste des consultations obligatoires, vous risquez un vice de procédure dès qu'il en manquera une. M. Balligand devrait comprendre, lui qui nous disait tout à l'heure que ce texte commençait bien mais qu'il finissait mal en quelque sorte, parce qu'il allait en se complexifiant ! D'amendement en amendement, chacun veut ajouter sur la liste le cousin, la bicyclette, etc.

M. Christian Paul. La bicyclette appréciera !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Mais oui ! J'ai vu vingt lobbies défiler pour me demander à être obligatoirement consultés. Je ne vise pas les chambres régionales de l'économie sociale en particulier mais j'en ai vu, croyez-moi, qui n'étaient pas très représentatifs ! Tout le monde veut en être ! Et petit à petit, on lâche, parce que les élections arrivent et qu'il faut bien faire plaisir - on ne veut pas se les mettre à dos -, et qu'on préférerait que ce soit un autre qui refuse. A la fin, on aura une immense usine à gaz et il ne faudra pas se plaindre d'avoir perdu la lisibilité réclamée par M. Balligand au nom du groupe socialiste !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le ministre, vous avez entendu l'argumentation développée sur tous les bancs de l'assemblée. L'économie sociale représente dans ce pays, en particulier dans nos départements ruraux, une force économique, sociale, voire culturelle, d'importance. En milieu rural, les associations, les mutuelles et les coopératives sont souvent les seuls à offrir des emplois.

Ce mouvement est en cours de restructuration pour renforcer sa capacité d'innovation et de proposition. Dans ce but, les chambres régionales de l'économie sociale ont été mises en place, relancées et réorganisées. Certes, certains organismes sont effectivement représentés dans les CESR, mais ils le sont de façon aléatoire.

Depuis dix ou quinze ans, nous sommes quelques-uns à réclamer un rééquilibrage, ou à défaut une réflexion, tant dans les CESR où une légère évolution s'est produite lors du dernier renouvellement, qu'au Conseil économique et social de la place d'Iéna. Mais c'est pratiquement impossible tant les équilibres sont délicats. Alors, oui, l'économie sociale demande à être prise en compte pour ce qu'elle représente sur le terrain ! Ce qui m'inquiète le plus, c'est de voir les ministres, les uns après les autres, persister à l'ignorer dans leurs projets de loi. Pourtant, M. le Premier ministre, quant à lui, sait ce que représente l'économie sociale puisque sa famille en est issue. Votre Premier ministre, lui, n'oublie jamais l'attachement qu'il porte à l'économie sociale.

M. Alain Gest. C'est le vôtre aussi, c'est celui de la France !

M. Jean-Louis Dumont. Il sort de vos rangs ! Ne le reniez pas déjà ! Je lançais un appel à la majorité.

Monsieur le ministre, je me permets d'insister auprès de vous, afin que vous ne réduisiez pas l'économie sociale à un petit lobby venant de je ne sais où et ne représentant rien du tout ! Il s'agit de millions d'emplois. C'est parfois la seule forme d'organisation qui résiste encore dans un contexte où les disparitions se sont banalisées ! N'oubliez pas ce que représente l'économie sociale, par exemple dans les domaines agricole et agro-alimentaire.

N'oubliez pas, monsieur le ministre, que des lois ont été votées, certes sous l'ancienne majorité, mais avec l'accord de membres de l'opposition de l'époque qui, aujourd'hui, siègent dans la majorité. Ces lois concernent les sociétés coopératives d'intérêt collectif qui connaissent un intérêt très fort et permettent de clarifier la gouvernance des entreprises de l'économie sociale. Ne percevez pas ces amendements, monsieur le ministre, comme une expression ponctuelle ou conjoncturelle relevant d'une simple envie d'exister à la veille d'un débat électoral.

Il s'agit d'un mouvement de fond. Je vous garantis que nous ferons tomber votre résistance et celle de ceux qui vous soutiennent parce que notre pays a besoin d'emplois, de capacités d'innovation et d'entreprises qui ne soient pas l'objet d'OPA. Dans les entreprises de l'économie sociale, l'homme trouve complètement sa place : il y est acteur de la production et de la gouvernance.

Demandez leur avis aux chambres régionales de l'économie sociale ou, sinon, restructurez complètement les organismes que vous avez choisis pour donner un avis sur le schéma régional. Le faire serait donner un signe fort en direction des hommes et des femmes qui font l'économie de ce pays.

M. Jean-Pierre Balligand et M. Christian Paul. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je ne peux pas laisser supposer qu'en rejetant ces amendements nous serions contre les représentants de l'économie sociale. C'est exactement le contraire.

M. Alain Gest. Evidemment.

M. Michel Piron. Nous souhaitons en premier lieu défendre et promouvoir le rôle de ceux qui sont représentés au sein des CESR. Si l'on cherche à affaiblir, voire à faire disparaître les CESR, il n'y a qu'à voter de tels amendements. En quoi l'agroalimentaire n'est-il pas représenté dans les CESR ? Les chambres consulaires sont représentées. Les syndicats sont représentés. Seraient-ils non représentatifs du social ? C'est parce que nous faisons confiance aux CESR que nous ne souhaitons pas pulvériser sa représentativité en acceptant, sur des critères mal définis, des personnes qui ne représenteraient peut-être qu'elles-mêmes, ...

M. Christian Paul. Vous ne pouvez pas dire cela.

M. Daniel Paul. Elles ne représentent pas qu'elles-mêmes !

M. Michel Piron. ...ou, tout au moins, fort peu de monde.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour une courte intervention, car chacun a déjà eu le loisir de s'exprimer sur ces amendements.

M. Jean-Louis Dumont. Je serai bref, monsieur le président.

Si quelqu'un, au sein de cette assemblée, défend le Conseil économique et social, et les conseils économiques et sociaux régionaux, c'est bien moi, y compris au sein de la commission des finances !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Tout à fait.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 1, 70, 97, 189, 953, 982, 1262 et 1315.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 290 et 981. L'amendement n° 290 fait l'objet d'un sous-amendement n° 1562.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 290.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je laisse M. Daniel Paul soutenir les amendements identiques n°s 290 et 981.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Ces amendements s'inscrivent dans la suite de la discussion que nous venons d'avoir. Il s'agit de rompre avec le déséquilibre initial du texte qui ne prévoyait que de consulter les chambres consulaires, représentatives des seuls chefs d'entreprise, pour l'élaboration du schéma régional de développement économique. Bien évidemment, ainsi rédigé, cet alinéa est inacceptable.

On aurait pu imaginer que la région consulte, pour l'élaboration de ce schéma, le CESR, où sont représentés les salariés, par l'intermédiaire de leurs syndicats, et les chefs d'entreprise, par le biais des chambres consulaires. Le projet de loi a préféré occulter cette disposition et consulter directement les acteurs économiques. Dans ce cas, à moins de considérer que les salariés ne sont que de simples marchandises ou des ressources comme les autres - ce que personne évidemment n'oserait ici affirmer -, il est impensable de ne consulter que les seules chambres consulaires et de ne même pas solliciter les opinions des représentants des salariés - qui représentent 90 % des actifs au travail.

Cet amendement, qui a été adopté par la commission des lois - je veux ici remercier, au nom de mon collègue Chassaigne, le rapporteur qui a accepté cet amendement - vise donc à corriger ce déséquilibre. Je souhaite que l'Assemblée fasse preuve de la même sagesse que la commission des lois.

M. le président. La parole est à M. Pierre Albertini, pour soutenir le sous-amendement n° 1562.

M. Pierre Albertini. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 1562 ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable. Ce sous-amendement ajoute une précision inutile.

Avec les amendements identiques, la commission s'est efforcée d'atteindre un équilibre pour associer directement, sur un schéma de développement économique, les chambres consulaires et les représentants des organisations syndicales.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 1562 et les amendements identiques n°s 290 et 981 ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Un même avis défavorable, pour les raisons que j'ai développées à propos des amendements précédents. Si ces amendements étaient adoptés, il serait alors logique que les syndicats ne disposent plus de représentants au sein des CESR.

M. Daniel Paul. Cela n'a rien à voir !

M. le ministre délégué aux libertés locales. On ne peut pas être consulté deux fois !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Et les chambres consulaires ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. De mon point de vue, c'est la même chose pour les chambres consulaires.

On ne peut pas être consulté deux fois. Ou l'on est représenté au CESR en tant qu'organisation syndicale - ce qui est souhaitable - ou on l'est à l'extérieur. Mais il ne saurait être question d'être représenté deux fois. Cela n'a pas de sens !

M. Daniel Paul. Les chambres consulaires le sont bien !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je sais que les chambres consulaires font pression pour être consultées deux fois. Mais elles sont déjà représentées dans les CESR. L'adoption de vos amendements réduirait le rôle des CESR et entraînerait à terme leur disparition.

M. Michel Piron. Tout à fait.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Ce qui serait très grave. L'enfer, chacun le sait, est pavé de bonnes intentions. Afin de développer la consultation sociale - ce qui est effectivement souhaitable - vous êtes en train de casser l'outil qui existe à cette fin.

M. le président. La parole est à M. Alain Gest.

M. Alain Gest. Ces amendements, comme les précédents et les suivants, partent tous d'un bon sentiment : associer le plus grand nombre d'interlocuteurs participant à la vie économique de nos régions avant l'établissement d'un schéma régional économique.

J'ai, durant plusieurs années, présidé la commission des finances d'un conseil régional. Je n'ai jamais manqué de recueillir l'avis du rapporteur du conseil économique et social régional. De plus, nous bénéficions régulièrement des avis des différents syndicats professionnels par l'intermédiaire du rapport de ce conseil.

Comme M. le ministre l'a indiqué, permettre à certaines instances déjà parfaitement représentées comme les syndicats et qui savent se faire entendre - c'est très bien ainsi - ...

M. Daniel Paul. Ah !

M. Alain Gest. ...d'être consultées une seconde fois sur un sujet sur lequel elles s'exprimeront nécessairement dans le cadre de la saisine du conseil économique et social, serait anormal. C'est d'ailleurs encore plus vrai pour ces instances que pour les chambres régionales d'économie sociale dont je n'avais jamais autant entendu parler que ce matin, car je n'ai pas la chance d'en avoir en Picardie.

Un grand nombre d'entre nous se sont opposés pour ces raisons aux amendements concernant les chambres de l'économie sociale. De la même façon, je ne serai pas personnellement favorable à ce que les professions libérales ou les chambres consulaires soient traitées d'une façon particulière dès lors qu'une organisation a été prévue pour qu'elles puissent s'exprimer et concourir à la réflexion générale et à l'établissement du schéma régional.

Ces amendements, même s'ils partent d'un bon sentiment que chacun reconnaîtra, instaureraient un dispositif superfétatoire. Il n'y a aucune raison d'entendre les syndicats deux fois, une fois au travers de l'organisation dans laquelle ils siègent naturellement, une seconde sous prétexte d'un rôle particulier. Ils n'ont pas plus de rôle particulier à jouer que les chambres consulaires ou les professions libérales. Il convient de s'en tenir au rôle que joue naturellement le conseil économique et social régional.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Je ne partage pas cet avis.

M. Michel Piron. C'est votre droit.

M. Philippe Vuilque. La consultation des organisations syndicales ne saurait être considérée comme un obstacle.

M. Alain Gest. Je n'ai jamais affirmé une chose pareille ! Ni le ministre d'ailleurs. Mais il est assez grand pour se défendre tout seul.

M. Philippe Vuilque. Si, le ministre l'a affirmé. Selon lui, des consultations multiples seraient un obstacle à l'efficacité. Au contraire, de telles consultations seraient positives.

Les actions que le conseil régional mettra en œuvre dans les bassins d'emploi particulièrement en difficulté seront d'autant plus pertinentes que les organisations syndicales représentatives auront été largement consultées.

M. Michel Piron. et M. Alain Gest. Mais elles s'expriment déjà !

M. Philippe Vuilque. Certes, me rétorquerez-vous, les organisations syndicales sont représentées au CESR. Ce n'est pas suffisant. Je prends le cas de ma circonscription où sont installées des usines métallurgiques. Lorsque le conseil régional, en vue d'élaborer le schéma régional, se penche sur les difficultés précises des différents bassins d'emploi, il est important pour lui, afin de ne pas se tromper, de consulter les organisations syndicales représentatives et de recueillir leur avis sur les possibilités d'intervention.

M. Alain Gest. Les conseils régionaux le font naturellement. Faites donc un peu confiance aux élus !

M. Philippe Vuilque. C'est la raison pour laquelle nous nous associerons à ces amendements, comme l'a déjà fait le rapporteur, M. Daubresse, parce que ces amendements, loin de faire doublon avec les consultations du CESR, les complètent.

M. le président. La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini. J'interviens un peu tard dans la discussion, mais il est vrai que, sur la question, nous sommes pris entre deux feux.

M. Christian Paul. C'est le destin du centrisme !

M. Pierre Albertini. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que le CESR est l'outil privilégié du rassemblement des forces vives économiques, sociales et culturelles.

M. Alain Gest. Tout à fait.

M. Pierre Albertini. Cela étant, dans la pratique, la désignation des représentants au CESR et leur pondération ne relèvent pas toujours d'une extrême habileté ni d'une grande pertinence.

M. Jean Le Garrec et M. Philippe Vuilque. Exactement !

M. Pierre Albertini. Je pense notamment à l'économie sociale dont nous avons parlé. Il n'est pas absolument certain que les préfets, lorsqu'ils réalisent l'équilibre au sein du CESR, soient toujours sensibles à l'émergence de forces sociales nouvelles. Or, l'économie sociale est une force qui n'avait sans doute pas, dans le pays, la même importance il y a quinze, vingt ou trente ans qu'à l'heure actuelle. Nous devons en tenir compte.

Il est vrai que, s'agissant des organisations syndicales, ces amendements risquent d'affaiblir la finalité des CESR. Mais, la commission des lois nous ayant proposé un certain équilibre, il me paraît logique de nous y conformer.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.


M. Daniel Paul
. Je maintiens mon amendement. Il faut se référer précisément au texte initial, où il n'est pas fait mention du CESR. Tous les mots sont importants, monsieur le ministre : « A cet effet, le conseil régional adopte un schéma régional de développement économique, après avoir organisé une concertation avec les autres collectivités territoriales et leurs groupements, puis recueilli l'avis des chambres consulaire. » Point final !

C'est bien la raison pour laquelle la commission des lois a souhaité rétablir l'équilibre en plaçant les représentants des salariés face aux chambres consulaires - c'est-à-dire face aux représentants du patronat, qui apparaissent dans cette rédaction comme l'unique interlocuteur valable.

M. Pierre Albertini. C'est en effet une solution d'équilibre !

M. Daniel Paul. Cette disposition, au demeurant, prouve la validité de l'amendement relatif à l'économie sociale que nous avons examiné tout à l'heure. En effet, nulle part dans le texte il n'est fait mention des partenaires sociaux ou du CESR. Dès lors, comme l'a souligné à juste titre M. Dumont, on laisse de côté un secteur qui est en émergence : songez par exemple à toutes ces personnes âgées pour l'accompagnement desquelles il va falloir créer des emplois.

M. Alain Gest. On a déjà commencé à le faire !

M. Daniel Paul. Certes ! Mais, compte tenu de ce qui s'est passé l'été dernier, je suis persuadé que cela va considérablement augmenter.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Paul.

M. Daniel Paul. Je maintiens donc mon amendement et souhaite que l'Assemblée se range à la sagesse de la commission des lois en l'adoptant.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Votre argumentation, monsieur Paul, ignore l'article 4241-1 du code général des collectivités territoriales, lequel dispose que : « Préalablement à leur examen par le conseil régional, le conseil économique et social régional est obligatoirement saisi pour avis des documents relatifs [...] aux schémas et aux programmes prévus », etc.

M. Daniel Paul. Pourquoi cela n'apparaît-il pas clairement dans votre texte ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Ne cédant pas à la tentation du psittacisme juridique, le Gouvernement n'a pas cru nécessaire de répéter à l'infini des dispositions déjà inscrites dans la loi.

M. Daniel Paul. Sauf quand il s'agit des patrons !

M. le président. Monsieur Paul, s'il vous plaît !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je serais donc favorable, pour répondre à votre objection, à un amendement qui supprimerait la référence aux chambres consulaires. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cela ne me trouble aucunement : je souhaite simplement valoriser le CESR, qui est un instrument privilégié de consultation sociale et où chacun doit pouvoir trouver sa place. Attachons-nous à le consolider en améliorant sa représentativité, au lieu de le détruire en imposant des consultations extérieures qui réduisent la portée de ses avis. Cet argument, dans mon esprit, vaut pour tout le monde ! (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe socialiste. - « Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. La commission des lois ayant adopté un amendement sur lequel, manifestement, nous n'arrivons pas à trouver un consensus, elle se doit de proposer une synthèse.

Lorsque nous avons accepté l'amendement déposé conjointement par le groupe communiste et républicain et par le rapporteur, nous n'avions pas en tête l'article du code général des collectivités territoriales que vous avez mentionné, monsieur le ministre.

M. Philippe Vuilque. Vous n'allez pas nous faire croire cela, monsieur Clément !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Vous la connaissez par cœur, vous, cette petite chose qui fait 800 pages sur papier bible ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Louis Dumont. Sait-on seulement s'il est appliqué partout, cet article ?

M. le président. Monsieur Vuilque, monsieur Dumont, vous avez déjà eu l'occasion de vous exprimer !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. A vous qui savez tout, monsieur Vuilque, je confesse que je ne sais pas tout !

Seules les chambres consulaires figuraient dans le projet de loi - et vous conviendrez, monsieur le ministre, que c'est bien cela qui prête à discussion -, aussi avons-nous souhaité, tout naturellement, équilibrer le texte. Mais dès lors que l'on se réfère au « non-dit », un non-dit connu de tous, et surtout de M. Vuilque, mais ignoré par le rapporteur et le président de la commission des lois, comme je dois le confesser de nouveau...

M. Michel Piron. Felix culpa !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Dès lors, donc, que l'on se réfère à cet article sur le CESR - et nous tenons tous à ce que cette institution soit considérée comme le partenaire à consulter obligatoirement quand le conseil régional lance un schéma régional -, je propose de supprimer la référence à l'avis des chambres consulaires, afin d'éviter toute ambiguïté sur les interlocuteurs.

M. Jean Le Garrec. Evidemment !

M. Pierre Albertini. C'est une très bonne idée !

M. Alain Gest. Cela convient parfaitement !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ainsi, nous nous en tiendrons au non-dit, bien que celui-ci ne soit pas connu par les ignorants de ma sorte : le CESR est consulté de droit, comme il est prévu par le code général des collectivités territoriales.

M. Alain Gest. Quel merveilleux esprit de synthèse !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Pour être précis, nous proposons de supprimer, dans le texte qui nous vient du Sénat, les mots : « puis recueilli l'avis des chambres consulaires »...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. ...ainsi que la phrase suivante, qui concerne cet avis.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement, n° 1573, ainsi rédigé :

« I. - Après les mots :

"leurs groupements",

supprimer la fin de la troisième phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales.

« II. - En conséquence, supprimer l'avant-dernière phrase du même alinéa. »

Je mets aux voix cet amendement.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements n°s 290 et 981 n'ont plus d'objet, de même que les amendements n° 885, de M. Morel-A-L'Huissier, n° 1297, de Mme Pecresse, et n° 291, de la commission des lois.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. La conférence des présidents, qui s'est réunie ce matin, a fixé au mardi 2 mars, après les questions au Gouvernement, la discussion et le vote d'une motion de censure présentée en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution.

Par ailleurs, l'Assemblée tiendra séance lundi 1er mars, à vingt et une heures, pour poursuivre la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux responsabilités locales.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 1218, relatif aux responsabilités locales :

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 1435) ;

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis n° 1434) ;

M. Serge Poignant, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (avis n° 1423) ;

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 1432).

A vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures dix.)

    Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

    jean pinchot