Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2003-2004)

 

Troisième séance du mardi 2 mars 2004

176e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

RESPONSABILITÉS LOCALES

Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux responsabilités locales (n°s 1218, 1435).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 53.

Article 53

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 801 et 1130.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour soutenir l'amendement n° 801.

M. Michel Vaxès. Monsieur le président, il y avait un inscrit l'article !

M. le président. Mais Mme Fraysse est absente.

M. Michel Vaxès. Je remplace Mme Fraysse !

M. le président. Je ne pouvais pas le savoir !

M. Michel Vaxès. J'ai fait procéder à la modification !

M. le président. Je n'ai pas été prévenu. Vous vous exprimerez lorsque vous présenterez votre amendement de suppression. Je n'ai pas quant à moi été prévenu et, pour moi, Mme Fraysse était toujours inscrite.

M. Michel Vaxès. J'avais fait faire la modification !

M. le président. Elle n'est pas parvenue jusqu'à moi,...

M. Michel Vaxès. C'est un des projets les plus importants de la législature !

M. le président. ...sinon je vous aurais donné la parole ! Ce n'est pas le genre de la maison !

Je rappelle que je suis saisi de deux amendements identiques n°s 801 et 1130.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour soutenir l'amendement n° 801.

M. Philippe Vuilque. Monsieur le ministre délégué aux libertés locales, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales, et sociales, nous abordons un chapitre fondamental qui concerne la santé.

Cet amendement vise à supprimer cet article pour deux raisons. Tout d'abord, il nous paraît quelque peu prématuré de prévoir la présence de représentants du conseil régional dans les conseils exécutifs des ARH tant que n'a pas été définie la véritable organisation des représentations de gestion du système de santé au niveau régional. Cela se justifie d'autant plus que l'article 54 prévoit une expérimentation afin de permettre aux régions qui le souhaitent de participer notablement au financement d'équipements sanitaires. En outre, l'article 53 prévoit la présence de deux représentants de la région désignés par le conseil régional, mais qui ne sont pas forcément des conseillers régionaux.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n° 1130 et, par la même occasion, s'exprimer sur l'article 53.

M. Michel Vaxès. Vous me permettrez, monsieur le président, de regretter qu'après avoir entendu un de vos amis à la tribune indiquer, cet après-midi, que le Parlement se réduisait à une chambre d'enregistrement, nous ne puissions pas apporter les corrections nécessaires avant le début de la séance.

M. le président. Monsieur Vaxès, je ne pouvais vous confondre avec Mme Fraysse.

M. Michel Vaxès. Je l'ai bien compris.

M. le président. J'apprends à l'instant que vous représentiez Mme Fraysse. Vous aurez donc la parole, si vous le souhaitez, sur chacun des articles en lieu et place de celle-ci.

M. Michel Vaxès. Cette décision a été prise hier soir par Mme Fraysse.

M. le président. Je n'ai pas eu l'information, je le regrette.

M. Michel Vaxès. La séance a été levée à minuit au lieu de se poursuivre jusqu'à une heure et demie.

Anodin dans la masse des propositions du présent projet, l'article 53 nous paraît particulièrement révélateur de l'esprit du Gouvernement quant à l'ambition de libéralisation du secteur de la santé contenue dans ce projet de loi relatif aux responsabilités locales.

En effet, cet article lapidaire prétend offrir aux élus de la région une place décisive dans le fonctionnement de l'organe de décision des agences régionales de l'hospitalisation. Ceux-ci seraient ainsi généreusement dotés de deux places, avec voix consultative, au sein de la commission exécutive des ARH.

On pourrait s'étonner d'une telle démarche d'ouverture, mais une lecture attentive de la proposition montre clairement qu'il ne s'agit pas ici d'un premier pas vers l'intégration des conseils régionaux dans la politique sanitaire définie au niveau national. L'apparence est trompeuse.

En fait, pour bien saisir la logique du Gouvernement dans cet article, il ne faut pas hésiter à revenir sur la mission dévolue aux ARH. Aux termes de l'article 710-18 du code de la santé publique « Les agences régionales d'hospitalisation ont pour mission de définir et de mettre en œuvre la politique régionale d'offre de soins hospitaliers, d'analyser et de coordonner l'activité des établissements de santé publics et privés et de déterminer leurs ressources. » Dotées des moyens de leurs missions, elles ont donc pour fonction de conduire la politique régionale de la santé à partir des objectifs définis par le Gouvernement.

Puisque nous parlons de décentralisation, examinons dans nos régions la réalité de la pratique de ces institutions pour saisir leur pertinence. Elles élaborent la planification hospitalière selon les objectifs nationaux de couverture du territoire en établissements de santé. Elles affectent les financements aux structures de soins, en termes de personnels et de moyens de fonctionnement, selon les objectifs nationaux et régionaux de dépenses de santé. Ces actions locales se traduisent par la fermeture de centaines de lits et d'établissements sur l'ensemble du territoire national ! Véritables bras armés de l'Etat et de l'assurance maladie, elles ne sont, ni plus ni moins, qu'un outil local de la politique nationale de restriction de l'offre de soins et de rationalisation comptable de l'offre hospitalière.

Il ne faudrait pas mettre la charrue avant les bœufs, monsieur le ministre ! Une réforme du fonctionnement des ARH n'aurait de sens qu'au regard de la détermination des objectifs de santé qui lui sont fixés et dont nous devons encore discuter le contenu dans le projet de loi relatif à la santé publique que nous examinerons en deuxième lecture au mois d'avril.

Pourquoi, alors, vouloir introduire dans le fonctionnement de ces institutions la représentation régionale ? Serait-ce parce que de très nombreux élus, toutes tendances confondues, se plaignent de la manière dont les décisions régionales sont prises et dont les schémas régionaux d'organisation sanitaire sont déterminés ? Un décret ou un arrêté ministériel aurait suffi pour régler ce problème de fonctionnement autoritaire. Nous devons nous rendre à l'évidence : introduire dans l'exécutif des ARH les représentants de la région, qui plus est sans voix délibérative, n'est qu'un effet d'annonce. S'il ne renforce pas, par ailleurs, le pouvoir discrétionnaire des ARH et les inégalités au sein d'une même région entre communes et entre départements, intégrer les élus sans leur donner le pouvoir de décision, ou du moins sans le leur faire partager, c'est tenter de leur faire valider la politique nationale de restriction.

Tout en faisant croire à l'ouverture démocratique de ces organes régionaux de la politique de santé nationale, vous refusez une réelle possibilité d'intervention des élus, donc des citoyens, dans les décisions sanitaires touchant leur région.

Le pouvoir central aura tout loisir de faire porter par les élus locaux la responsabilité implicite de la politique nationale de restriction de l'offre de soins au motif qu'ils sont membres de l'exécutif de ces agences. Quant aux élus régionaux, de votre majorité ou non, favorables à cette restriction de la couverture de soins, ils pourront toujours invoquer qu'ils n'ont pas de voix délibérative, mais qu'ils siègent seulement à titre consultatif.

En proposant de déresponsabiliser les élus devant les citoyens, vous ouvrez en grand le champ d'action aux technocrates de la politique de la santé. Non seulement votre proposition n'est pas démocratique, mais elle est dangereuse pour nos concitoyens et les décisions qui concernent leur santé.

C'est la raison pour laquelle nous avons proposé la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur Vaxès, votre position est quelque peu paradoxale. En effet, les élus se plaignent toujours, et la population parfois, d'un manque de transparence des décisions et des délibérations des ARH. Cet article propose la participation des représentants des régions avec voix consultative. Un amendement proposera tout à l'heure que des conseillers régionaux soient associés avec voix délibérative. Le débat et la transparence y gagneront. Il est très difficile d'argumenter comme vous le faites. Il est certain que la région doit être représentée dans les ARH.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur ces deux amendements.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois constitutionnelle, de la législation et de l'administration générale de la République. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales pour donner l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Egalement défavorable. Le Gouvernement sera, en revanche, favorable à un amendement spécifiant que ce sont des conseillers régionaux qui représenteront le conseil général.

M. Philippe Vuilque. Très bien ! C'est une précision utile !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 801 et 1130.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis de l'amendement n° 1526 rectifié.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le soutenir.

M. Michel Vaxès. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement y est défavorable parce qu'il lui paraît mal rédigé. Il lui préfère l'amendement suivant.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1526 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 802 et 490 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour soutenir l'amendement n° 802.

M. Philippe Vuilque. Nous avons entendu la position du ministre.

L'amendement vise à préciser que ce sont bien les conseillers régionaux qui seront représentés au sein des ARH, le texte du Gouvernement s'avérant quelque peu imprécis.

M. Jean-Marie Le Guen. Le ministre était imprécis aussi au Sénat !

M. Philippe Vuilque. Il est vrai, monsieur le ministre, que vous n'avez pas donné au Sénat l'information que vous nous avez communiquée ce soir.

M. Jean-Marie Le Guen. Il avait même dit le contraire !

M. Philippe Vuilque. Il nous semble effectivement normal, monsieur le ministre, et vous en convenez ce soir, qu'il revienne aux conseillers régionaux de représenter la région d'autant que l'article 54, je le précisais tout à l'heure, permettra à la région de participer au financement des équipements sanitaires. Donc, la position du ministre nous satisfait. Nous maintenons évidemment cet amendement de précision.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour soutenir l'amendement n° 490 rectifié.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. L'amendement précise que des conseillers régionaux siégeront aux sein des ARH.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Favorable à l'amendement de M. Tian.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement est favorable aux deux amendements.

M. le président. Vous devrez toutefois vous prononcer sur l'un des deux parce que ces amendements ne sont pas identiques. L'un précise «...de la région désignés en son sein par le conseil régional. » et l'autre «...de la région désignés par le conseil régional en son sein. » Cela signifie exactement la même chose, mais l'emplacement n'est pas le même.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. On peut donner la préférence à l'amendement de M. Renucci ! Je retire donc l'amendement n° 490 rectifié.

M. le président. L'amendement n° 490 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 802.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de l'amendement n° 803 rectifié.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour le soutenir.

M. Philippe Vuilque. Cet amendement complète l'article par l'alinéa suivant : « Le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation informe annuellement le conseil régional réuni en séance plénière des orientations prises par la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation. »

Nous avons déposé cet amendement dans un souci de transparence. Lorsque les conseillers régionaux participent à l'instance, il est normal que le président de l'ARH les informe annuellement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Sagesse !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 803 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 53, modifié par l'amendement n° 802.

(L'article 53, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 53

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 804.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour le soutenir.

M. Philippe Vuilque. Nous demandons que les régions soient « obligatoirement consultées lors de la phase d'élaboration des schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale ». C'est la logique même, dès lors que les articles 53 et 54 prévoient une intervention des régions, notamment pour ce qui concerne les équipements sanitaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Les élus régionaux siégeront dorénavant avec voix consultative - nous venons de voter cette disposition - à la commission exécutive des ARH ; ils seront donc consultés sur l'ensemble des orientations des agences. En outre, les régions mèneront leur politique de santé en liaison directe avec les ARH. Conformément à la jurisprudence constante de nos travaux, c'est une complication inutile. L'avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Permettez-moi de vous dire que votre position est quelque peu contradictoire.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Au contraire, elle est parfaitement cohérente.

M. Philippe Vuilque. Lorsqu'une région, dans le cadre de l'expérimentation prévue à l'article 54, participera au financement de l'équipement sanitaire, pour des montants vraisemblablement très importants, il nous semble normal qu'elle soit « obligatoirement consultée » à propos du schéma régional. Je ne vois pas en quoi cet amendement vous gêne.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Je souhaite intervenir pour répondre au Gouvernement et abonder dans le sens de notre collègue Philippe Vuilque.

L'article 54 prévoit effectivement que les conseils régionaux puissent participer à l'investissement, en particulier dans le domaine hospitalier.

M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est autre chose !

Mme Catherine Génisson. C'est ce que fait déjà, d'ailleurs, la région Nord-Pas-de-Calais.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La région la moins bien gérée de France !

Mme Catherine Génisson. Dès lors, nous ne voyons pas comment il serait possible d'éviter la consultation obligatoire de la région en amont de la phase d'élaboration du schéma régional d'organisation sanitaire et sociale. En quoi serait-elle gênante ? C'est de la pure logique.

D'autant, monsieur le rapporteur, que vous avez fait référence à la jurisprudence. Autant conforter la jurisprudence dans la loi. Franchement, je ne pense pas que ce soit un problème politique existentiel ; c'est plutôt un problème de logique, tout simplement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Logique pour logique, dès lors que le conseil régional est représenté à l'ARH par des élus, il nous paraît que l'information est faite.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 804.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 54

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, premier orateur inscrit sur l'article.

M. Michel Vaxès. L'article 54 me donne l'occasion d'intervenir sur l'économie générale du texte, qu'illustre parfaitement son volet santé.

En effet, au moyen d'une représentation, au sein des ARH, équivalente à celles de l'Etat et de l'assurance maladie, vous voulez encourager les conseils régionaux à participer au financement, sur leur territoire, des investissements en équipements à caractère sanitaire, notamment dans les hôpitaux.

Fort de cette fausse logique du donnant, donnant, vous introduisez, monsieur le ministre, un article aux conséquences lourdes de risques et de dangers pour notre population.

Malgré ses faiblesses et ses imperfections, notre système hospitalier et notre système de soins assument aujourd'hui les principes d'universalité et d'égalité qui prévalent pour la santé publique. Ces principes font droit à chaque citoyen de notre pays de bénéficier d'une couverture sanitaire de qualité. Compte tenu du caractère national de leur application, ils interdisent la distinction entre régions, selon qu'elles sont richement dotées ou pauvres.

Or il est clair qu'une région pauvre, c'est-à-dire une région qui vit le dépeuplement, la désindustrialisation, le chômage, les difficultés sociales, ne pourra tirer parti des conditions de sa participation aux décisions de l'ARH. Vous ouvrez ainsi la porte à toutes les inégalités régionales en matière de santé. Pire, plutôt que de résoudre les déséquilibres interrégionaux déjà existants dans notre système de santé, vous les amplifiez avec soin.

Mais vous ne vous arrêtez pas là : sous prétexte de vouloir engager les régions dans la politique de santé en faveur de leur population, vous leur imposez, dans le même temps, d'en passer par le financement partiel du plan Hôpital 2007, dont l'objectif implicite est pourtant de réduire considérablement l'offre hospitalière publique régionale. C'est inacceptable.

Le fil conducteur de vos ambitions sanitaires n'aura échappé à personne : si l'engagement des régions dans la politique de santé intéresse autant le Gouvernement, c'est tout bonnement pour inciter à la responsabilité financière en matière de santé, au grand bénéfice de l'Etat. Même les régions ont marqué leur désapprobation face à cette perspective, dont ils ont souligné les dangers.

Mais vous persévérez. Comme pour l'ensemble des dispositions du texte, votre visée, monsieur le ministre, est idéologique. Vous voulez concentrer l'intervention publique sur les missions de l'Etat dites « régaliennes », les responsabilités d'autorité, la police, la justice, la défense. Au moyen de cette décentralisation forcée, au nom d'un libéralisme archaïque, pour le coup, vous délestez la puissance publique de toute intervention à caractère social. En sacrifiant deux cents ans d'histoire de la nation française sur l'autel de l'idéologie, votre gouvernement, accompagné d'une partie de sa majorité, sacrifie la cohésion économique et sociale de la nation. Pour notre part, nous estimons que c'est grave.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. L'article 54 est évidemment plus important que le précédent, sur lequel je n'ai pu m'exprimer. Cette série d'articles, qui vise à restructurer, en quelque sorte, les responsabilités respectives de l'Etat et des régions en matière d'organisation de la politique de santé, me semble très symbolique de la volonté de l'Etat de se délester d'un certain nombre de charges sur les collectivités locales, en l'occurrence les régions, mais plus encore parfaitement incohérente avec la politique que le Gouvernement prétend mener par ailleurs. En effet, dans ces quelques articles, on trouve des éléments relevant d'au moins trois ou quatre réformes du Gouvernement, quand ils ne les contredisent pas.

Premier exemple, comment parler de l'organisation régionale de l'action de santé, que ce soit en matière hospitalière ou en matière de politique de prévention, lorsque, dans le même temps, on prétend mener une négociation avec les partenaires sociaux sur la question de la gouvernance ? Le ministre ne cesse d'affirmer que l'assurance maladie ne sera ni étatisée ni privatisée, mais, texte de loi après texte de loi, on constate que l'étatisation progresse, sous une forme centralisée ou décentralisée. Alors que le Gouvernement prétend mettre les partenaires sociaux des assurances sociales en situation de responsabilité pour organiser notre système de soins, à aucun stade il n'est prévu que les structures de l'assurance maladie soient consultées ou impliquées, même lorsqu'on leur prend de l'argent.

Deuxième exemple, ce texte n'aborde absolument pas la réforme en cours des formations aux professions de santé. Lorsqu'il est question des sages-femmes, on oublie qu'il existe une volonté croissante d'unification des formations aux professions paramédicales, qui, pour nombre d'entre elles, devraient intégrer le cursus universitaire.

Troisième exemple, la loi de santé publique, tout aussi connue, est à la fois, par plusieurs aspects, relativement incompatible avec la réforme de la gouvernance que je viens d'évoquer et redondante ou contradictoire avec les articles dont nous débattons ce soir.

Avec cette somme d'incohérences, au mieux, première hypothèse, en étant optimiste, je dirai que nous allons légiférer pour rien car, à l'issue de la réforme de la gouvernance de l'assurance maladie, nous serons obligés de reformuler complètement l'organisation des structures responsables de l'offre de soins en région. L'autre hypothèse, la plus vraisemblable, c'est que, derrière un discours de façade sur la nécessité de responsabiliser à nouveau les partenaires sociaux, on se contente en fait très largement d'un processus d'étatisation de l'assurance maladie, parfaitement complémentaire, on le sait, du processus de privatisation souhaité en réalité par ce gouvernement.

Pour revenir plus précisément à l'article 54, nous nous trouvons face à une évidence symbolique : vous voulez faire intervenir les régions dans le financement des équipements sanitaires, et singulièrement dans le plan Hôpital 2007, dont on ne cesse de nous rebattre les oreilles pour nous expliquer qu'il constitue un effort tout à fait considérable, quand bien même celui-ci est essentiellement demandé à l'assurance maladie, aux collectivités locales et aux établissements eux-mêmes, par le biais des emprunts.

Tout cela est typique de votre conception de la politique de santé : il y a un décalage constant entre ceux qui annoncent les décisions et ceux qui prennent les responsabilités, tant et si bien, comme l'a dénoncé le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, qu'il n'existe plus de vision crédible de la gestion et du pilotage de notre système de santé. Ce texte de loi, très précisément, outre qu'il ouvre les vannes à un transfert de financements massif sur les collectivités locales, contribue à accroître la confusion totale entre les responsabilités et les financements de l'assurance maladie et de l'Etat.

C'est pourquoi nous nous prononcerons évidemment contre l'article 54, sur lequel nous avons déposé un amendement de suppression et plusieurs amendements de repli. C'est un très mauvais travail, qui va désorganiser largement les structures concernées et compliquer la tâche d'organisation de notre système de santé.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 805, 1131 et 1527.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour soutenir l'amendement n° 805.

M. Philippe Vuilque. Comme vient de l'indiquer mon collègue Jean-Marie Le Guen, c'est un amendement de suppression.

Permettez-moi de lire la première partie de l'article 54 : « Une expérimentation est engagée dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, pour une durée de quatre ans, afin de permettre aux régions qui en font la demande de participer au financement et à la réalisation d'équipements sanitaires. »

C'est un piège car les régions, en fait, n'auront pas vraiment le choix. Elles seront contraintes à intervenir, forcées par l'opinion publique régionale. Selon les régions, on le sait, la situation est contrastée. Prenez le cas de la Champagne-Ardenne :...

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La région la mieux gérée de France ! (Sourires.)

M. Philippe Vuilque. ... certains de ses territoires, monsieur le ministre, sont en situation de sous-équipement sanitaire. Pensez-vous que la région Champagne-Ardenne aura le choix d'expérimenter ou non ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Bien sûr !

M. Philippe Vuilque. Les Champardennais demanderont au président de la région d'intervenir...

M. le ministre délégué aux libertés locales. Il ne faut pas écouter le peuple ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez une conception un peu particulière de la démocratie...

M. Pierre Goldberg. Voilà qui résume bien la politique de ce gouvernement !

M. Philippe Vuilque. ...et le conseil régional, contraint et forcé, interviendra.

Dans l'article 54, il est question d'« équipements sanitaires », expression très imprécise. Tellement imprécise que M. Daubresse, notre rapporteur, dans un amendement à venir, souhaite la préciser en la restreignant au matériel lourd.

Mais on connaît les capacités financières de nos régions : la mienne, Champagne-Ardenne, n'a pas les mêmes moyens que la région parisienne, par exemple. Jean-Marie Le Guen l'a montré, vous allez obliger les régions à intervenir dans le domaine des équipements sanitaires et à le faire au-delà de leurs capacités financières.

C'est un double piège que vous leur tendez en leur créant cette obligation, d'abord, et par l'imprécision des termes « équipements sanitaires », à moins que l'amendement de M. le rapporteur ne soit adopté. Cela dit, « matériels lourds » : l'expression est claire. Cela coûte très cher.

Or il faudra bien que chaque région équipe l'ensemble de ses territoires pour respecter l'égalité d'accès aux soins pour tous les citoyens. Monsieur le ministre, cela va coûter très cher aux régions. Nous sommes en train de mettre le doigt dans un engrenage redoutable. Où tout cela s'arrêtera-t-il ?

Voilà pourquoi le groupe socialiste souhaite la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès pour soutenir l'amendement n° 1131.

M. Michel Vaxès. Par cet amendement, nous nous opposons à toute expérimentation de financement d'équipements sanitaires par les régions, au travers de conventions signées avec les ARH, telle qu'elle est définie à l'article 54 du présent projet de loi.

En effet, cet article stipule que les régions peuvent conclure avec les ARH une convention définissant les objectifs et les moyens d'un financement régional des infrastructures hospitalières, la signature d'une telle convention modifiant en conséquence la représentativité du conseil régional dans la commission exécutive de l'ARH, à part égale avec l'Etat et l'assurance maladie.

Or, donner aux conseils régionaux les moyens d'une intervention dans les décisions des ARH au motif qu'ils participent au financement de l'offre de soins hospitaliers, crée une double difficulté : non seulement, une intervention du conseil régional pour la couverture santé de la population régionale selon le principe « celui qui paie, décide » est contraire à une politique de santé concertée qui supposerait une participation inconditionnelle des élus régionaux à la définition de la stratégie sanitaire régionale, mais surtout, implique un accord préalable sur les orientations des ARH, qui résultent elles-mêmes d'un plan national pré-établi ne tenant compte ni de la nécessaire adéquation au niveau national entre l'offre et les besoins de santé, ni de l'amplification actuelle des inégalités inter et intrarégionales en matière de santé, mais seulement de la contrainte financière qui pèse sur l'assurance maladie. Il apparaît que cette expérimentation de la représentativité régionale n'offre pas les moyens de s'opposer à la volonté des ARH.

Par ailleurs, une telle expérimentation qui incite au financement régional des infrastructures hospitalières, ne tient absolument pas compte de la réalité de l'offre hospitalière actuelle, qu'il s'agisse de la vétusté des bâtis ou du coût réel des moyens médicaux à mettre en œuvre pour assurer une prise en charge médicale maximale.

En engageant les régions dans cette voie, vous contribuez à renforcer les inégalités régionales en matière de couverture sanitaire. Les régions financièrement bien dotées assumeront sans difficultés, ou presque, ce coût, tandis que les régions les plus démunies en seront exclues.

Enfin, pratiquer pareil mode de conventionnement est aussi une façon de rejeter sur les régions le financement de l'activité des ARH, dans la mesure où les régions devront allouer à ces dernières les moyens humains, techniques et financiers de ces investissements. Or, il est inconcevable de financer les ARH, organe émanant de l'Etat central et de l'assurance maladie, par des dotations des collectivités locales.

Plus qu'à une expérimentation, cet article, qui promeut l'investissement hospitalier sur fonds régionaux, ouvre paradoxalement la voie à une décentralisation généralisée des financements de l'hôpital et à une privatisation de l'offre hospitalière de bâtiments sanitaires.

Voilà pourquoi nous désirons sa suppression.

M. le président. L'amendement n° 1527 n'est pas défendu.

Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements de suppression.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. L'argumentation du groupe communiste est parfaitement cohérente avec ses conceptions habituelles : elle est recentralisatrice, ce qui ne nous surprend pas.

En revanche, celle du groupe socialiste m'étonne. C'est à une expérimentation que nous nous livrons, et non à un transfert de compétences, expérimentation définie par une loi organique, laquelle précise que l'opération est réversible, et que, en cas de succès, après évaluation, elle est généralisable. Il n'est donc pas porté atteinte au principe d'égalité.

Vous adoptez, chers collègues socialistes, depuis le début de ce débat, une attitude de méfiance vis-à-vis des élus locaux qui est en contradiction flagrante avec celle du groupe socialiste lorsque nous avons discuté, sous le gouvernement précédent, de la proposition de loi Méhaignerie sur l'expérimentation. J'y étais !

Je trouve votre attitude incohérente, contrairement à celle du groupe communiste, même si nous ne partageons pas la même philosophie.

M. Jean-Pierre Brard. C'est rassurant !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. De telles marques de méfiance sont inacceptables, d'autant que l'expérimentation offre précisément l'occasion de valider un certain nombre de choses, de procéder à une évaluation et, en cas de problème, permet de revenir en arrière ou, au contraire, en cas de succès de généraliser, et ainsi d'assurer le principe d'égalité.

Vous avez vraiment une attitude de jacobins !

Avis défavorable aux amendements de suppression.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement a le même avis que le rapporteur, qui l'a fort bien motivé.

J'ajoute, à l'intention du groupe communiste, que lorsque l'on parle de « puissance publique », la région en est partie prenante et que ce n'est pas privatiser que de lui confier une responsabilité. La République est le fait de tous les élus.

Et, à l'intention du groupe socialiste, je répète, après Marc-Philippe Daubresse, qu'il s'agit d'une expérimentation à l'issue de laquelle est prévue une évaluation. On en tirera toutes les conséquences. Son raisonnement, constant dans ce débat, est assez étonnant. D'abord, il faudrait protéger contre eux mêmes les élus, ces malheureux qui sont si faibles qu'ils sont capables de faire n'importe quoi ; il faudrait donc leur interdire de prendre des responsabilités parce qu'on ne peut pas leur faire confiance ! En outre, il faudrait les protéger contre les citoyens aux demandes desquels ils ne sauraient pas résister ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Vuilque. Ce n'est pas ce que nous avons dit !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Voilà une bien singulière conception de la démocratie, a fortiori quand on défend celle de la démocratie participative, comme vous le faites avec tant d'insistance ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.-Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Dumont. Caricature !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne pense pas que, sous prétexte que nous discutons de transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités locales,...

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. D'expérimentation !

M. Jean-Marie Le Guen....ni les parlementaires, ni le ministre, ni le rapporteur n'ont d'avis sur le problème de la gestion de l'assurance maladie. Tout le monde sait que, depuis 1945, la sécurité sociale existe.

Or, en ce moment, nous discutons ici de la politique de santé, comme si les partenaires sociaux et l'assurance maladie n'existaient pas et comme si le débat se déroulait entre de méchants jacobins, étatistes, et de gentils décentralisateurs qui font confiance aux élus !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. C'est bien cela !

M. Jean-Marie Le Guen. Dans ce cas, allez jusqu'au bout de la démarche et acceptez les propositions de notre collègue Préel de l'UDF qui, lui, est pour une étatisation, d'une part, et une décentralisation, d'autre part, de la gestion de notre système de santé.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il a beaucoup varié !

M. Jean-Marie Le Guen. Comme on parle de questions de santé et qu'on envisage d'attribuer aux collectivités locales des responsabilités qui ne sont pas traditionnellement les leurs, pas plus que celles de l'Etat d'ailleurs, ce n'est pas de leur répartition entre l'Etat et les collectivités locales qu'il est question, mais entre les assurances sociales et l'Etat.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Mais non !

M. Jean-Marie Le Guen. Et si je vous interpelle sur cette question, c'est parce que dans le même temps, on entend le ministre chargé de la réforme de l'assurance maladie affirmer qu'il n'y aura ni étatisation, ni privatisation.

Or, que réalisons-nous là ? D'une part, une étatisation, certes décentralisée, mais, comme vous le disiez, monsieur le ministre, la région fait partie de la puissance publique ; elle n'a rien à voir avec le système d'assurance sociale. Nous sommes donc en train de glisser tranquillement, par opportunisme financier, dans un autre système que notre système traditionnel.

Que beaucoup de nos collègues, et sur différents bancs, pensent que nous devrions aller vers une forme d'étatisation de la protection sociale, pourquoi pas ? C'est un débat politique légitime. Mais qu'on ne prétende pas que le Gouvernement respecte les partenaires sociaux et veut maintenir, voire renforcer la responsabilité de l'assurance maladie alors que toutes les propositions qu'il nous fait aujourd'hui en nient même l'existence !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Ce n'est qu'une expérimentation !

M. Jean-Marie Le Guen. Certes, mais ce que l'on va expérimenter, c'est l'étatisation régionale de la politique de santé.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Quel jacobinisme !

M. Jean-Marie Le Guen. Je le conçois et je connais, même dans ma formation politique, des élus qui suggèrent de gérer, au niveau régional, la politique de santé.

Mais si c'est là, la politique de santé du Gouvernement, qu'on nous le dise !

La question est bien là et ne débattons pas entre Etat et région, quoique ce débat soit légitime, mais il ne saurait être résolu comme vous le pensez, monsieur le ministre : toute demande adressée à une collectivité peut ne pas être totalement légitime, si elle sort de son champ de compétences. A moins que vous ne suggériez que, chaque collectivité locale, lorsqu'il y aura une demande de la population, s'autoproclame compétente au nom de cette demande parfois parfaitement légitime...

M. le ministre délégué aux libertés locales. Au nom de la loi !

M. Jean-Marie Le Guen. Pas du tout ! Vous estimez, avant même que la loi n'existe d'une façon générale, que les élus, par principe, doivent écouter la demande, pour y répondre, quel que soit leur niveau de compétence. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce n'est plus de l'expérimentation. Vous essayez de faire sauter le bouchon ! Mais c'est un autre sujet.

Je vous demande d'intervenir à nouveau pour nous dire si, oui ou non, vous êtes en faveur de l'étatisation de notre système de santé. Oui ou non, entendez-vous défendre le principe des assurances sociales tel que le proclame, semaine après semaine, mais avec si peu de crédibilité, le ministre de la santé de votre gouvernement, théoriquement chargé de la réforme de l'assurance maladie ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Dès que M. Devedjian a un problème : « Expérimentation, vous dis-je ! ». Il me fait penser à Molière !

M. Pierre Albertini. C'est plutôt flatteur !

M. Jean-Pierre Brard. Mais, comme disait Marx : quand l'histoire se répète, c'est en farce.

Nous voici plutôt dans le cadre de la farce, et nous glissons vers les fourberies...

M. Gérard Léonard. Culture bourgeoise !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Pourquoi ne joueriez-vous pas les Précieuses ridicules, monsieur Brard ?

M. Jean-Pierre Brard. Attendez, monsieur Daubresse, votre tour viendra !

M. le ministre délégué aux libertés locales. La culture, c'est comme la confiture...

M. Jean-Pierre Brard. Je ne suis pas sûr que vous en connaissiez bien la recette !

Dans son expérimentation, M. le ministre prend les Français pour cobayes. En effet, selon que vous serez riches ou pauvres, vous aurez ou non les moyens d'expérimenter. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Gest. Le contraire est démontré depuis longtemps !

M. Jean-Pierre Brard. Mais non, et votre réaction en témoigne : vous ne supportez pas qu'on éclaire le débat et qu'on dise ce qu'est la réalité.

Par ailleurs, je trouve choquant, monsieur Daubresse, que vous traitiez les jacobins et le jacobinisme sur un tel ton. C'est notre héritage commun...

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Historique !

M. Jean-Pierre Brard....issu de la Révolution. Il est vrai, monsieur le rapporteur, qu'il y a une grande différence entre vous et les jacobins : eux croyaient à la devise que la Révolution a gravée sur le fronton de nos édifices publics, « liberté, égalité, fraternité » ! Vous, c'est ce que vous êtes en train de démolir. Et je comprends que vous poursuiviez les jacobins de ce que, autrefois, on aurait appelé une « haine de classe ». (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 805 et 1131.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1543.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Compte tenu de ce que nous venons d'entendre, et après en avoir longuement discuté avec le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, je vais retirer l'amendement. Nous étions d'ailleurs, en commission des lois, très partagés à son sujet. Après tout, nous nous situons dans le cadre d'une expérimentation, au terme de laquelle nous pourrons vérifier la nature des équipements sanitaires qui doivent faire l'objet de cette mesure.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 1543 est retiré.

M. Jean-Marie Le Guen. Je le reprends !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je comprends parfaitement que M. le rapporteur ait retiré cet amendement, très significatif de la politique de marketing à laquelle le Gouvernement doit recourir pour vendre son expérimentation.

Nous le savons tous, ce qui manque dans certaines de nos régions, c'est moins les bâtiments que certaines installations importantes pour établir le diagnostic et qui sont particulièrement symboliques aux yeux des Français. Quelle région, en effet, ne voudrait pas se doter d'un Pet scan - ou d'un second exemplaire si elle en possède déjà un ? A cet égard, l'expression « matériels lourds » était très éclairante : l'objectif est en fait de passer, d'une façon extrêmement pernicieuse, de l'expérimentation au chantage permanent.

Ce que révèlent les termes de l'amendement, c'est que la disposition proposée par l'article, loin d'être complémentaire d'une politique de santé, en devient un élément structurant. En effet, on demande à la région de se substituer à l'Etat pour remplir un devoir d'offre de soins qui, jusqu'à présent, relevait de la solidarité nationale et non de l'expérimentation régionale.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Sur le plan des principes, monsieur Le Guen, on peut parfaitement défendre votre point de vue, mais il n'en est pas de même si nous songeons aux administrés - et je pense particulièrement aux vôtres, puisque vous êtes maire - : d'ores et déjà, sans parler d'expérimentation, pour financer certains équipements lourds ou des opérations de réhabilitation d'hôpital, les services de médecine ou de chirurgie n'ont aucun complexe à solliciter le département - pour parler de ce que je connais - afin d'obtenir une subvention !

M. Jean-Marie Le Guen. Quand on est dans la misère...

M. Pascal Clément, président de la commission. Et elle est accordée, d'ailleurs.

M. Jean-Marie Le Guen. Est-ce légal ?

M. Pierre Albertini. Tout ce qui n'est pas interdit est permis, cher collègue !

M. Pascal Clément, président de la commission. On peut faire de grandes déclarations de principe sur le jacobinisme, mais s'agissant d'un équipement de type IRM, comme j'ai eu plusieurs fois l'occasion d'en subventionner, ...

M. Jean-Marie Le Guen. Subventionner est une chose ; financer en est une autre !

M. Pascal Clément, président de la commission. ...aurez-vous le culot de déclarer aux patients de votre commune ou de votre département : « J'interdis la subvention de la collectivité territoriale » ?

M. Jean-Marie Le Guen. Que leur direz-vous au mois de juillet ?

M. Pierre Goldberg. Et si la collectivité n'a pas les moyens ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Ils veulent mourir dans l'égalité !

M. Pascal Clément, président de la commission. En fait, l'expérimentation n'est ni plus ni moins qu'une tentative d'officialiser ce qui existe déjà. Je ne prétends pas que cela soit parfait, et sur le plan des principes, je serais plutôt, non pas réservé, mais favorable à ce que l'on ne s'en mêle point.

M. Pierre Albertini. Cela revient au même !

M. Pascal Clément, président de la commission. Mais la réalité économique étant ce qu'elle est, la pratique existe déjà. Nous voulons simplement l'accorder avec le droit. Vous refusez le droit et vous laisseriez la pratique se poursuivre ? Quelle hypocrisie ! Très honnêtement, ce débat n'a pas de fondement.

M. Pierre Goldberg. Alors, il n'y aura jamais d'équipement médical en Creuse !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 1543, repris par M. Le Guen ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Tout à fait défavorable.

M. Jean-Marie Le Guen. On se demande comment une telle idée a pu nous venir à l'esprit ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. L'intervention de M. Clément est très intéressante : elle apporte en fait de l'eau à notre moulin.

M. Jean-Pierre Brard. Évidemment !

M. Philippe Vuilque. Elle montre que l'expérimentation n'est en fait qu'un marché de dupes. Il parle de réversibilité, mais dans la pratique, on le sait bien, l'expérimentation deviendra une obligation, et il sera d'autant moins possible de revenir dessus que la pratique existe déjà, comme le président de la commission l'admet d'ailleurs lui-même.

M. Pascal Clément, président de la commission. Justement !

M. Philippe Vuilque. Elle sera devenue inévitable, et certainement pas réversible.

M. le ministre disait tout à l'heure, en caricaturant nos propos, que nous étions méfiants à l'égard des élus. Non, monsieur le ministre, notre méfiance concerne les financements.

M. Jean-Marie Le Guen. Elle concerne les impôts locaux !

M. Philippe Vuilque. Oui et cela n'a donc rien à voir.

Je m'étonne que M. Daubresse retire son amendement. Nous avons eu ce débat en commission, et il était d'ailleurs intéressant. Le rapporteur considérait lui-même que l'expression « équipements sanitaires » ouvrait la porte à toutes les interventions possibles et imaginables. Que met-on derrière ce terme ? De manière prudente, M. Daubresse voulait le remplacer par « matériels lourds ». A la suite de l'intervention du ministre, il fait maintenant semblant de découvrir qu'il s'agit d'une expérimentation et en conclut qu'aucun problème ne se pose. Soyons sérieux ! Le problème existe, monsieur le rapporteur, vous l'avez admis, et il est essentiellement financier. C'est la raison pour laquelle nous sommes plus que réservés sur l'article 54 et que nous en demandons depuis le début la suppression.

M. le président. La parole est à M. Alain Gest.

M. Alain Gest. Je suis très étonné par le discours que nous venons d'entendre. Il est en effet la négation de ce qui se passe au quotidien sur le terrain, et traduit une méconnaissance de ses réalités. Je vous ai même entendu dire, monsieur Le Guen, que la subvention était une chose, et le financement une autre.

M. Jean-Marie Le Guen. L'exception est une chose, la règle en est une autre !

M. Alain Gest. Je me rappelle du plan Université 2000, qui ne relevait certes pas de la compétence des collectivités territoriales. (« Un bon exemple ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le Gouvernement de l'époque, dont le ministre de l'éducation était, me semble-t-il, Lionel Jospin, n'a pourtant pas reculé devant l'idée de faire très largement participer les collectivités territoriales...

M. Pierre Albertini. À 50 % !

M. Alain Gest. ...au financement d'équipements universitaires indispensables aux régions concernées. Chaque collectivité y est allée de sa propre participation, allant quelquefois - c'est le cas dans notre région - jusqu'à se consacrer exclusivement à la réalisation d'un équipement.

C'est peut-être une habitude fâcheuse, mais elle oblige les élus locaux à faire un choix. Si un vrai besoin existe, peuvent-ils refuser obstinément toute participation sous prétexte que cela ne relève pas de leurs compétences propres, ou doivent-ils estimer, s'agissant de ce qui constitue un service à rendre à leur population, et à partir du moment où, comme le disait M. Albertini, ce n'est pas interdit, qu'ils peuvent parfaitement intervenir dans le financement ?

Il s'agit là d'une expérimentation, et seule votre mémoire défaillante et une mauvaise connaissance du terrain ont pu vous conduire à reprendre l'amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Que faisons-nous ici ? Nous élaborons la loi au nom de la nation tout entière. Nous n'avons pas vocation à faire de vice vertu. Ce que décrit le président de la commission est le résultat d'une situation de fait, la pénurie, ...

M. Jean-Marie Le Guen. Voilà !

M. Jean-Pierre Brard. ...qui entraîne une rupture d'égalité. Certains départements, qui en ont les moyens, prennent en effet des mesures de compensation.

M. Alain Gest. Mais non ! Regardez ce qui se passe pour les lycées et les collèges !

M. Jean-Pierre Brard. Nous pouvons en effet en parler : dans ce domaine, y a-t-il égalité entre les régions riches et les régions pauvres ?

M. Alain Gest. Oui ! (« Non ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Brard. Bien sûr que non !

M. Alain Gest. Venez voir en Picardie ! Ce n'est sûrement pas la région la plus riche !

M. Jean-Pierre Brard. Soit, nous irons voir du côté de Longueau pour comparer la situation avec celle de Neuilly-sur-Seine ou d'Antony !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Ou à Montreuil, où la taxe professionnelle est supérieure à celle d'Antony !

M. Jean-Pierre Brard. Évidemment, parce que nous, nous faisons payer ceux qui peuvent contribuer, et non pas les ménages ! (« Il recommence ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mais puisque vous abordez la question de la taxe professionnelle, qui n'est pourtant pas vraiment à l'ordre du jour, je rappelle que vous êtes à nouveau sur le point d'alléger les charges des entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Or je ne connais pas une seule entreprise dont la défaillance soit véritablement due à la taxe professionnelle. C'est de la propagande, monsieur le ministre, vous êtes dans le champ de l'idéologie !

M. Philippe Vitel. C'est vous qui parlez d'idéologie !

M. le président. Revenons à l'amendement, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Puisque vous montrez la direction à suivre, monsieur le président...

M. le président. C'est bien sur l'amendement que vous avez demandé à répondre.

M. Jean-Pierre Brard. Justement. Il ne s'agit pas de nier ce qui se passe sur le terrain mais, comme pour la laïcité, de remettre les pendules à l'heure. S'agissant de la laïcité, en effet, nous avions perdu de vue les balises posées par la jurisprudence du Conseil d'Etat.

Sous la pression de la pénurie, les collectivités territoriales sont amenées à se substituer à l'Etat pour essayer de préserver nos concitoyens. Notre rôle, ici, est de revenir au principe d'égalité. Avec votre système, entre les réserves à bourgeois (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) que sont Rueil, Neuilly et d'autres communes comparables, et d'autre part Guéret ou la Souterraine, il n'y aura évidemment pas d'égalité. Au nom de votre nouveau gri-gri, l'expérimentation, vous tracez définitivement une croix sur l'égalité, qui inspire depuis si longtemps nos institutions.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. C'est le sorcier de Montreuil ! Allez-vous nous jeter un sort, vous qui parlez de gri-gri ? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Au contraire, c'est vous qui jetez un mauvais sort aux Français ! Mais ils sauront se délivrer de l'envoûtement dans lequel vous voulez les tenir !

Je terminerai, monsieur le président, en appelant simplement à reconnaître l'égalité d'accès à la santé, et donc à ne pas suivre le ministre dans son argumentation frelatée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1543.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 806.

La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le soutenir.

Mme Catherine Génisson. L'article 54, nous insistons sur ce point, propose une politique de substitution à la politique gouvernementale concernant l'organisation de notre système de santé et de l'offre de soins. Il est d'ailleurs prématuré, dans la mesure où nous sommes en pleine réflexion sur l'avenir de l'assurance maladie - le ministre de la santé nous le répète à chaque fois que nous l'interrogeons pendant les questions d'actualité.

Nous allons assister à ce paradoxe : ce sont les régions les plus pauvres, ...

M. Alain Gest. Arrêtez !

Mme Catherine Génisson. ...celles qui disposent des équipements hospitaliers ou relatifs à l'organisation de santé les moins performants, qui seront d'abord candidates à l'expérimentation. C'est d'autant plus vrai que l'on a supprimé la dotation de rattrapage, c'est-à-dire le principe de la péréquation concernant le fonctionnement des établissements hospitaliers, qui permettait aux établissements situés dans les régions les plus pauvres de bénéficier de subventions supplémentaires. Dans cette situation infernale, ce sont ces régions qui devront le plus financer les équipements.

Dès lors, il nous a semblé important, si l'article 54 était maintenu, de faire en sorte que l'Etat « s'engage à mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour que cette expérimentation n'introduise pas d'inégalités dans le financement des établissements de santé et dans l'accès aux soins ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel PironJe devine que nous allons entendre répéter en permanence les arguments fondés sur l'inégalité ou l'absence de péréquation.

Mme Catherine Génisson et M. Daniel Paul. C'est une réalité !

M. Michel Piron. Dès lors, permettez-moi d'avancer quelques éléments de réponse - ou plutôt de questionnement.

Première question : acceptez-vous l'idée selon laquelle la solidarité a aussi besoin d'efficacité ? Car c'est aussi cela, l'enjeu du terrain et de la proximité : la rapidité de la réponse à la question posée.

Deuxièmement, acceptez-vous l'idée que la solidarité peut s'exercer à plusieurs niveaux et que les collectivités territoriales peuvent être des outils de solidarité, voire en être responsables ? Et la question est d'autant plus importante qu'elle sous-tend tout le débat général.

Nous parlons beaucoup de la solidarité de manière abstraite. Mais ce qui est en jeu ici, c'est la solidarité concrète. Et celle-ci a besoin de proximité.

J'entends également parler de péréquation. Faut-il donc le rappeler une fois encore : celle-ci est devenue constitutionnelle grâce à nous !

M. le président. La parole est à M. Pierre Albertini.


M. Pierre Albertini
. L'égalité d'accès aux soins, une répartition équitable sur le territoire des moyens alloués sont des questions très importantes. Mais il ne faut pas perdre de vue qu'il existe de très profondes disparités aujourd'hui entre les régions. Je ne veux pas être caricatural mais il n'est, pour s'en convaincre que de comparer, par exemple, l'Ile-de-France, la région PACA et la région Rhône-Alpes, qui conjuguent une densité médicale plus forte et des équipements sanitaires plus généreux qu'ailleurs, au triangle constitué par le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie, la Haute-Normandie et la Basse-Normandie, qui est très fortement défavorisé sur ce plan. L'expérimentation va-t-elle fossiliser ces disparités ou va-t-elle, au contraire, permettre de les atténuer ? Une évaluation est prévue au terme du processus : vous avez donc toutes les garanties. S'il apparaissait que la faculté laissée aux régions candidates aboutissait à aggraver les inégalités déjà existantes, je suppose que le Parlement interromprait immédiatement celle-ci.

Le propre d'une expérimentation est de laisser celle-ci se dérouler avant de tirer des conclusions,...

M. le ministre délégué aux libertés locales. Eh oui !

M. Pierre Albertini. ...à la différence de l'idéologie, qui, comme l'a dit Althusser, consiste à répondre avant d'avoir démontré.

Il n'est proposé rien d'autre qu'une expérimentation. Les collectivités locales sont adultes, majeures et vaccinées. Nous ferons le bilan ensemble. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je pense pouvoir rassembler tout le monde sur cette proposition. Monsieur Le Guen, puis-je vous rappeler la proposition n° 36 du rapport Mauroy ?

M. Jean-Marie Le Guen. Je vous en prie.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Elle préconisait de « reconnaître la compétence des régions pour réaliser des investissements en matière d'équipement sanitaire dans le cadre de l'aménagement du territoire et conformément au schéma régional d'organisation sanitaire et social. »

M. Bernard Derosier. Pas de problème !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Eh oui, un jour, vous êtes pour, et, le lendemain, vous ne l'êtes plus ! Vous êtes difficiles à suivre !

M. Philippe Vuilque. Cette disposition ne vaut qu'accompagnée de l'égalité financière, vous le savez très bien, monsieur le ministre !

M. Bernard Derosier. Appliquez donc le rapport Mauroy, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Nous allons appliquer la proposition n° 36, monsieur Derosier !

M. Bernard Derosier. Appliquez tout le rapport !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour répondre au Gouvernement.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, nous avons l'intention d'aller au fond des choses et de débattre raisonnablement et non de jouer la montre.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ah bon ?

M. le président. Chacun s'exprime librement, monsieur Le Guen, mais il ne faudrait pas exagérer non plus ! Vous avez la parole pour répondre au Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, j'ai dit que nous avions l'intention d'aller au fond du débat. Celui-ci est particulièrement important : quand nos compatriotes s'interrogent sur l'avenir de leur système de santé, il est légitime de répondre à un certain nombre de questions restées en suspens.

M. le président. C'est pourquoi vous avez la parole, monsieur Le Guen.

M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le président, vous n'êtes pas chargé de faire des commentaires !

M. le président. Monsieur Balligand, laissez parler M. Le Guen !

M. Jean-Pierre Balligand. C'est vous qui n'êtes pas correct, monsieur le président !

M. le président. Monsieur Balligand, je vous en prie. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen et à lui seul !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous soutenez qu'il faut que les régions prennent leurs responsabilités dans l'organisation du système de santé et d'offre de soins. C'est une position parfaitement légitime, que vous avez le droit de défendre,...

M. Michel Piron. Merci !

M. Jean-Marie Le Guen. ...mais, si c'est celle du Gouvernement et de la majorité, il faut le dire plus fortement parce qu'elle est contraire à ce que dit, de son côté, M. Mattei.

Reprenons les choses calmement.

Oui, Lionel Jospin, constatant que les moyens financiers de l'Etat ne lui permettaient pas de couvrir l'ensemble des besoins de l'enseignement supérieur, avait proposé une complémentation. Ce faisant, toutefois, il avait admis avec franchise l'insuffisance des moyens de l'Etat.

M. le ministre délégué aux libertés locales. L'Etat ne peut pas tout !

M. Jean-Marie Le Guen. Je fais un parallèle avec aujourd'hui. Vous venez de nous dire que vous estimiez que le budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale ne sont plus à même de fournir une offre de soins suffisante et qu'il est important de mobiliser les collectivités locales pour complémenter celle-ci.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Nous proposons une expérimentation !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez le droit d'avoir cette position.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Merci !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. On peut donc voter...

M. Jean-Marie Le Guen. Mais ce n'est pas la position officielle actuelle. En dehors de l'UDF, que je mets à part,...

M. Pierre Albertini. Je vais m'expliquer tout à l'heure !

M. Jean-Marie Le Guen. ...vous considérez encore que les problèmes de santé sont de la compétence de l'Etat nation et que l'organisation des soins, la politique de la santé ainsi que les moyens affectés ressortissent de la solidarité nationale.

Les arguments que vous avancez comme ceux de M. Piron - à savoir que la prise de décision au plus près du terrain est mieux et moins bureaucratique -...

M. Michel Piron. Vous êtes d'un avis contraire ?

M. Jean-Marie Le Guen. ...justifient une politique qui n'est pas celle officiellement défendue par le Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué aux libertés locales. Vous n'êtes pas un porte-parole, monsieur Le Guen !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Vous n'êtes plus au gouvernement, monsieur Le Guen. Mettez-vous à jour !

M. Jean-Marie Le Guen. Par le biais d'amendements, vous ouvrez la voie à un système de santé à plusieurs vitesses. Selon que les régions seront riches ou misérables, elles auront une politique de santé différente. C'est cela que nous combattons. Nous pensons que le système de santé ressortit pleinement de la solidarité nationale et que vos expérimentations conduisent au démantèlement de celle-ci. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Piron. C'est caricatural. Vous avez vraiment une idée abstraite de la solidarité !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 806.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 807.

La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le soutenir.

Mme Catherine Génisson. L'amendement n° 807 est de même inspiration que le précédent. Si la péréquation est inscrite dans la Constitution, elle ne vaut pas pour les budgets des hôpitaux, qui dépendent de l'ONDAM. Ce principe n'y est en effet pas repris alors que nous avions déposé un amendement en ce sens lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale.

Nous maintenons que, si l'article 54 est adopté, ce sont les régions les plus pauvres qui se porteront candidates à l'expérimentation puisque ce sont les moins équipées. Cet amendement vise à préciser que, en plus des modalités de la participation volontaire, le montant de celle-ci sera fixé dans les conventions passées entre les ARH et les régions, afin de garantir l'égalité dans la dotation des différents territoires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Sauf erreur de ma part, Mme Génisson est candidate aux élections régionales. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Elle doit donc savoir que, dans toute convention entre l'Etat et une région, sont fixés les modalités et les montants de ce qui est transféré ou expérimenté. Ce qu'elle demande est déjà la règle.

M. Bernard Derosier. L'Etat ne la respecte pas !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 807.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1363.

La parole est à M. Pierre Albertini, pour le soutenir.

M. Pierre Albertini. Je profite de l'occasion pour rappeler notre position sur la réforme du système de santé puisque M. Le Guen y a fait référence à plusieurs reprises. Après tout, il n'est pas notre porte parole...

M. Émile Blessig. Pas encore !

M. Pierre Albertini. Tout le monde conviendra que les principes sur lesquels notre système de santé est fondé doivent être non seulement respectés mais confortés.

Quels sont-ils ?

Il importe tout d'abord de bien fixer le socle de la solidarité, c'est-à-dire les domaines de la santé pris en charge par la solidarité nationale : cela concerne bien évidemment l'allocation des moyens et la correction des inégalités qui existent déjà et qui sont très importantes. Si le système fonctionnait convenablement, nous n'aurions pas besoin d'envisager une correction des disparités qui, au rythme où nous procédons aujourd'hui, va demander cinquante ans pour remettre les régions les plus pauvres au même niveau que les plus favorisées.

M. Jean Lassalle. Absolument !

M. Pierre Albertini. Le système actuel a aussi ses limites.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est vrai !

M. Pierre Albertini. Quand on voit l'état des hôpitaux, la densité médicale et paramédicale et les indices de mortalité précoce dans certaines régions, on est saisi par l'inefficacité de ce système.

M. Michel Piron. Voilà !

M. Pierre Albertini. L'Etat restant garant de la solidarité nationale, nous sommes partisans d'une gestion régionale dans le cadre des objectifs et des moyens fixés par l'Etat. Pourquoi ? Parce que la région est le bon échelon pour impliquer non seulement les élus mais surtout les professionnels de la santé. Les acteurs se sentent davantage responsables dans un cadre identifié...

M. Michel Piron. Exactement !

M. Pierre Albertini. ...qu'au sein d'une administration que personne ne pilote. Entre le ministère de la santé, la caisse nationale d'assurance maladie et les agences régionales de l'hospitalisation, qui n'interviennent que sur une partie du champ de la santé, à savoir l'hospitalisation, il y a une véritable atomisation des responsabilités.

M. Michel Piron. Tout à fait !

M. Pierre Albertini. Le système actuel, en outre, n'est pas financé : le déficit cumulé de l'assurance maladie s'élève à plus de 20 milliards d'euros.

M. Jean-Marie Le Guen. 31 milliards !

M. Pierre Albertini. Et même à 31 milliards aujourd'hui. Il faut donc réfléchir à un nouveau financement, et c'est l'objet de l'amendement n° 1363.

Actuellement, le financement des dépenses de santé est assuré pour environ 75 % par la sécurité sociale. Dans ce système, il est assis pour l'essentiel sur le travail alors que les dépenses de santé concernent toute la vie, de la naissance jusqu'à la mort. Nous souhaitons que les organismes complémentaires soient associés à la gestion ainsi qu'à la définition de la politique de remboursement des soins et des médicaments.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Pierre Albertini. Depuis quelques années, en effet, on ne cesse de transférer des charges de l'assurance maladie à ces organismes - mutuelles, sociétés d'assurances et institutions de prévoyance - qui financent déjà plus de 13 % des dépenses de santé - et cette tendance va s'accentuer. Il paraît donc logique et de bonne politique d'associer ces organismes à la gestion de l'assurance maladie. Ce serait également une manière de les responsabiliser. Tout le monde en parle depuis plusieurs années. Il n'y a qu'à le faire !

M. Jean Lassalle. Excellent !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Les intentions de M. Albertini sont tout à fait louables, mais son amendement n'a pas sa place dans le présent projet de loi. Nous prenons en compte tout ce qui ressortit à l'expérimentation. Toute réforme des ARH et du mode de financement est à proposer dans le cadre du projet de loi sur la santé publique.

La commission est donc défavorable à cet amendement, non pas sur le fond mais en raison de sa place.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Les positions des uns et des autres commencent à se clarifier. Depuis le début du débat, je m'emploie à démontrer que la majorité UMP est en train de s'aligner sur la position de l'UDF concernant la réforme de l'assurance maladie. Le dernier point à préciser était justement le rôle des organismes complémentaires. La commission vient de répondre que les associer au financement de l'assurance maladie ne lui pose aucun problème de fond mais que cette réforme a davantage sa place dans le projet de loi sur la santé publique. Je ferai remarquer au passage que cela me semble être le cas de toutes les autres mesures dont nous débattons en ce moment. Mais c'est un détail. La majorité fait la démonstration aujourd'hui qu'elle cherche à étatiser de façon régionale la politique de santé.

Je ne suis pas, personnellement, opposé à la régionalisation du pilotage de cette politique...

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur, et M. Michel Piron. Ah !

M. Jean-Marie Le Guen. ...mais à celle de son financement.


Au reste, à l'échelon régional, il n'y a pas que la région. Il y a aussi les URCAM, que vous n'avez peut-être pas l'habitude de fréquenter.

M. Michel Piron. Pas de procès d'intention !

M. Alain Gest. C'est insupportable !

M. Jean-Marie Le Guen. Si vous connaissez le rôle des URCAM, j'aimerais connaître les compétences que vous leur laissez, après avoir fait passer le rouleau compresseur de vos amendements, qui consiste à les marginaliser d'une façon définitive, voire à les ignorer totalement. En fait, vous ne voulez plus d'assurance-maladie, mais un système étatisé, comme le réclame l'UDF.

A la veille des discussions sur l'assurance maladie, il faut que les Français sachent que votre objectif est de supprimer la sécurité sociale (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) au profit d'une gestion étatique de l'offre de soins.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je suis un peu choqué de m'entendre dire en permanence : « Vous dites, vous pensez, vous supposez, vous choisissez ... » J'assume le rôle de porte-parole du groupe UMP, mais je n'ai pas la prétention d'être le porte-parole du groupe socialiste. J'aimerais que ce soit réciproque.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1363.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1364.

La parole est à M. Pierre Albertini, pour le soutenir.

M. Pierre Albertini. J'ai eu l'occasion d'expliquer les raisons sur lesquelles se fondait notre analyse. Je serai donc bref.

Nous sommes effectivement pour un pilotage régional de la gestion, sachant que le cadre doit rester un cadre de solidarité nationale.

Dans cette perspective, il nous paraît intéressant que tous les acteurs soient représentés : les élus régionaux, certes ? mais aussi les professionnels de santé et les patients, notamment les associations de malades. Pourquoi pas les URCAM ? Je n'ai rien contre elles, contrairement à ce que vous pourriez laisser penser.

L'objet de cet amendement est donc d'attirer l'attention de l'Assemblée sur le débat à venir et sur notre intérêt à créer un système de responsabilisation le plus large possible, qui se substitue à l'émiettement qui caractérise aujourd'hui notre système de santé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Même avis que précédemment : défavorable !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1364.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n ° 808.

La parole est à  M. Philippe Vuilque, pour le soutenir.

M. Philippe Vuilque. Cet amendement est complémentaire de celui que M. Daubresse a retiré et que nous avons repris.

Il serait utile qu'une annexe détaille la liste des équipements sanitaires concernés et la participation correspondante de la région pour chacun d'entre eux.

Il nous semble tout à fait légitime de limiter l'intervention des régions à une liste d'équipements sanitaires discutée entre la région et l'ARH. C'est une garantie supplémentaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Avis défavorable, évidemment.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°808.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 54.

(L'article 54 est adopté.)

Article 55

M. le président. Le Sénat a supprimé l'article 55.

Article 56

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, inscrit sur l'article.

M. Daniel Paul. Cet article 56, monsieur le ministre, est « curieux » au milieu d'un texte consacré à la décentralisation des compétences. Il entend en effet centraliser certaines compétences sanitaires dans le domaine de la prévention, détenues jusqu'alors par les départements et les communes.

Si nous ne sommes certainement pas défavorables à la centralisation de certaines compétences sanitaires au niveau de l'Etat, nous ne pouvons qu'être sensibles aux motifs invoqués pour justifier ce recentrage. En effet, vouloir « assurer une mise en œuvre locale homogène des priorités définies au plan national » nous semble une raison parfaitement justifiée.

C'est d'ailleurs, je le rappelle, la position du groupe des député-e-s communistes et républicains, que j'ai soutenue dans le cadre de l'étude en première lecture du texte relatif à la loi de santé publique. Le champ de la prévention doit être intégralement assumé par l'Etat, afin de faciliter la cohérence de la politique menée au niveau national et déclinée au niveau régional, mais aussi afin d'éviter tout éclatement de l'homogénéité du traitement sanitaire de tous nos concitoyens.

Il s'agit là d'un principe républicain qui ne saurait souffrir d'exception. Compte tenu des inégalités devant la santé, la maladie et la mort observées sur l'ensemble du territoire, je crois nécessaire d'engager plus avant la volonté politique du pays.

Mais est-ce vraiment cette motivation qui incite le Gouvernement à proposer un texte de concentration des actions de prévention face à un certain nombre de maladies ?

Cet article, qui propose un mouvement ascendant des compétences là où l'ensemble du texte formule un mouvement descendant, est tout à fait révélateur de la manière dont vous masquez, monsieur le ministre, la réalité de vos intentions.

Plutôt que de vouloir rapprocher les citoyens des lieux de décision, le Gouvernement s'attache, avant tout, à modifier l'architecture institutionnelle de la nation et la répartition des responsabilités et des financements qui en découlent.

En effet, l'intention de centralisation serait louable, s'il s'agissait effectivement d'améliorer la gestion et la coordination de l'action sanitaire de prévention locale. Mais pour s'engager dans cette voie, il faudrait introduire une dose de financement supplémentaire dans la mécanique sanitaire ! Ce que vous ne faites pas. A aucun moment de ce long article, vous ne précisez que le financement de ces activités sera intégralement assumé par l'Etat.

Cela ne me surprend pas, puisque, lors des discussions sur le projet de loi de santé publique, nous avons eu l'occasion de faire au Gouvernement la même remarque. La question des financements est absente des préoccupations de votre gouvernement, et pour cause puisqu'ils seront, selon toute vraisemblance, toujours à la charge des collectivités locales.

Ce n'est pas la promesse du ministre de l'intérieur d'un transfert de la taxe sur les produits pétroliers, pour assurer la péréquation financière, qui peut nous rassurer ! Vous savez comme nous que cette source financière est totalement instable.

En bref, monsieur le ministre, la réforme de l'action sanitaire de prévention, même lorsqu'elle centralise au lieu de décentraliser, n'a pas pour objectif explicite d'améliorer la prise en charge de la santé des Françaises et des Français. Elle reste dans cette logique qui anime la stratégie gouvernementale : réduire les dépenses de l'Etat suite aux exigences de Bruxelles.

C'est la raison pour laquelle, finalement, cette re-centralisation des prérogatives sanitaires de prévention ne sort pas du cadre de ce texte.

Vous ne concevez la décentralisation que comme un transfert des charges financières sur les collectivités locales, ce qui aura des conséquences catastrophiques pour la couverture sanitaire de la population.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. On a parlé, jusqu'à présent, des organismes chargés de mener une politique. L'article 56 traite des politiques à mettre en œuvre.

J'ai pu noter une grande confusion entre les compétences, aujourd'hui allouées aux différentes structures : l'Etat, l'assurance maladie, le niveau national et les niveaux régionaux. Cette fois-ci c'est au niveau des politiques que la confusion va s'instaurer, avec l'éventualité que nous en revenions au texte initial du Gouvernement.

Face à ces maladies, à ces épidémies, le discours du Gouvernement, lors de la première lecture du projet de loi de santé publique, comportait un argument clair : il y aura enfin un interlocuteur clairement identifié : l'Etat. Ce fut le leitmotiv du Gouvernement.

Ce projet de loi de santé publique n'a pas encore été examiné en seconde lecture à l'Assemblée que d'ores et déjà, le gouvernement et la majorité organisent une confusion généralisée des responsabilités dans le domaine de la santé. Je n'y vois aucun dessein particulier, si ce n'est de la part des concepteurs de la politique de santé dans notre pays, une certaine mollesse dans la façon de tenir les concepts qu'ils ont eux-mêmes avancés.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1132.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le soutenir.

M. Michel Vaxès. Cet amendement vise à supprimer les dispositions visant à centraliser, au profit de l'Etat, des compétences départementales ou régionales en matière de prévention sanitaire, aujourd'hui correctement assumées , mais en laissant aux départements et aux régions la charge financière de cette compétence.

Apparemment incohérent avec l'esprit du présent projet de loi, bien que très conséquent avec le projet de loi de santé publique toujours en discussion, cet article prétend centraliser, pour assurer la mise en œuvre homogène au niveau local de priorités sanitaires définies au plan national, sans avancer de moyens supplémentaires pour cette mise en œuvre.

Par ailleurs, en limitant l'éventail des compétences centralisées à la seule prévention contre le cancer, la tuberculose, les maladies vénériennes, la lèpre et le VIH, et en laissant la prévention maternelle, infantile et familiale à la compétence des départements, cet article brouille la définition d'une politique de santé publique. Enfin, la centralisation de ces compétences sanitaires, telle qu'envisagée par cet article, ne dit rien des dispositifs actuellement à l'œuvre dans les départements. Que vont devenir les structures et leurs personnels dans ce vaste chantier ?

Le Gouvernement a répondu au Sénat qu'ils seraient à la charge de l'Etat. Est-ce à dire qu'ils intégreront la fonction publique ?

Cet article, non seulement ne règle aucun des problèmes posés, mais en crée de nouveaux.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de supprimer l'article 56.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1132.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements n°s 1550 rectifié et 376, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour soutenir l'amendement n° 1150 rectifié.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. Il convient de préciser que les objectifs de santé publique et les programmes à mettre en œuvre pour les atteindre relèvent de l'Etat. Cela a été précisé dans le texte sur la santé publique. Mais il doit être possible aux collectivités locales de passer des conventions avec l'Etat. Le Sénat avait supprimé cette possibilité que nous proposons de rétablir, parce que nous estimons qu'il est allé un peu vite.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 376.


M. Marc-Philippe Daubresse
, rapporteur. Ce débat n'est pas simple. Ou bien nous suivons ce qu'a proposé le Sénat et nous consacrons l'Etat comme responsable de l'ensemble des politiques de prévention sanitaire, ce qui revient, comme vient de le dire le rapporteur pour avis, à tirer un trait sur toutes les initiatives conduites par les départements en la matière, ou bien nous acceptons l'idée d'une décentralisation à la demande au risque, puisque nous ne sommes plus dans le cadre d'une expérimentation, d'aboutir à une France à deux vitesses. Ou bien alors, comme le suggère notre collègue Tian, nous tenons compte de l'action très importante qu'ont menée les départements dans ce domaine depuis des années et de leur proximité avec les usagers pour agir le plus efficacement possible.

Nous avons eu un long débat en commission des lois sur cette question. Le meilleur chemin n'est pas aisé à trouver. L'amendement de M. Tian n'a pas été examiné par la commission mais, après avoir entendu son argumentation, j'y suis, à titre personnel, favorable. En conséquence, je retire l'amendement n° 376.

M. le président. L'amendement n° 376 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1550 rectifié ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Après avoir passé les deux amendements au scanner (Sourires), le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 1550 rectifié.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1550 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 56 est ainsi rédigé.

Article 57

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1133.

La parole est à M. Pierre Goldberg, pour le soutenir.

M. Pierre Goldberg. L'amendement n° 1133, en proposant de supprimer l'article 57, vise à empêcher tout désengagement financier de l'Etat dans les actions de lutte contre les insectes volants ou rampants vecteurs de maladies et de dangers pour la santé, visés dans le paragraphe I. Nous nous opposons également à l'idée de constituer des zones « ciblées » en collaboration avec les départements.

S'il est pertinent que l'Etat absorbe la compétence des départements en matière de lutte contre les insectes dits vectoriels afin d'élaborer une politique nationale cohérente, il est beaucoup plus inquiétant de le voir se délester, ici comme ailleurs, de la charge financière que représente une politique nationale en la matière. La prise en charge d'une politique nationale de prévention ou de contrôle sanitaire environnemental doit continuer de relever de l'Etat.

Par ailleurs, la lutte contre les insectes vectoriels doit prendre en compte de multiples paramètres, qui vont de la surveillance sanitaire des transporteurs susceptibles de disséminer ces insectes à l'analyse des changements climatiques qui, en modifiant le milieu, peuvent favoriser la prolifération de certaines espèces, voire l'apparition de souches nouvelles. Le coût de cette adaptation régulière aux évolutions - en termes de recherche-expérimentation ou de modifications environnementales - ne peut être du seul ressort des départements.

Enfin, les bouleversements environnementaux ou climatiques touchant toute la planète, de même que les modes de dissémination singuliers, sont des éléments déterminants de la prolifération des insectes vectoriels directement ou indirectement dangereux pour la santé des hommes. De fait, n'importe quelle zone géographique est susceptible de devenir une zone infectée par un foyer viral ou microbien dangereux.

Il n'apparaît donc pas opportun de définir préalablement et arbitrairement, par référence à des pathologies prédéterminées, des zones ciblées d'intervention publique de protection sanitaire. Le territoire national doit être couvert dans son intégralité et, à ce titre, l'Etat doit prendre en charge l'ensemble du coût de cette prévention.

A la lumière de ces données - convaincantes, j'en suis persuadé -, je vous invite, mes chers collègues, à adopter notre amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1133.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1460 présenté par M. Tian tend à corriger une erreur matérielle.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. En effet, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1460.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1606 du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Amendement de clarification.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1606.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1456 présenté par M. Tian tend à corriger une erreur matérielle.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. Effectivement, monsieur le président. Il s'agit simplement de substituer au mot « insectes » le mot « moustiques ». (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1456.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 57, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 57, ainsi modifié, est adopté.)

Article 58

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, inscrit sur l'article.

M. Daniel Paul. Nous abordons avec l'article 58 un point important du volet santé de ce projet de loi. II traite en effet des compétences respectives de l'Etat et de la région en matière de formation et de structures de formation des professions paramédicales. On touche ainsi à un élément capital de la capacité de notre système de santé à répondre aux besoins de santé de la population.

Actuellement, l'essentiel de ces formations est assuré par des écoles ou instituts sous tutelle du ministère de la santé. L'article 58 tend à transférer aux régions la responsabilité de la gestion des écoles de formation des professions paramédicales. Toutefois, l'Etat conserverait la maîtrise du processus de formation. Il garderait la mainmise sur les conditions d'accès à la formation, la délivrance des diplômes, ainsi que sur la détermination du numerus clausus de ces professions. Autrement dit, et dans la même logique que les articles précédents, la maîtrise de l'offre de soins reste de la prérogative de l'Etat, mais la charge financière et gestionnaire est transférée aux régions.

Il me semble nécessaire de replacer cet article dans le contexte de pénurie de l'offre de soins et de le rapporter à la réforme de l'assurance maladie et au plan Hôpital 2007 pour en saisir toute la portée.

Le rapport Berland commandité par le Gouvernement a mis en lumière un certain nombre d'éléments relatifs aux enjeux de formation des professions paramédicales. Il a notamment révélé que les professions paramédicales étaient, tout comme les médecins, touchées par le rationnement et la pénurie.

Nous savions tous que l'effectif infirmier subit une baisse tendancielle. Mais nous savons sans doute moins que les projections démographiques à cinq ou dix ans sont du même ordre pour les chirurgiens-dentistes - baisse de leurs effectifs à partir de 2005 -, les psychomotriciens, les orthophonistes dont les effectifs sont appelés à chuter dès 2005, les orthoptistes, les manipulateurs en électroradiologie médicale, etc.

Il ne faut donc pas s'étonner du mouvement de protestation générale qui touche aujourd'hui les professionnels de santé, ceux-ci revendiquant le droit d'exercer leur mission dans des conditions décentes, au bénéfice des malades.

Le transfert de compétences que vous proposez permettra-t-il de répondre efficacement à cette situation ?

M. Christian Cabal. Oui !

M. Daniel Paul. La nécessité de former des personnels de santé se verra-t-elle mieux appréhendée ?

M. Christian Cabal. Oui !

M. Daniel Paul. Les « oui » timides et un peu isolés que je crois entendre...

M. le ministre délégué aux libertés locales. Pas du tout !

M. Daniel Paul. ...ne sauraient dissiper mes doutes, monsieur le ministre, tant le partage des rôles est explicite : à l'Etat le contrôle de l'offre de soins par numerus clausus interposé pour limiter les dépenses de santé, aux régions la charge financière des dépenses de fonctionnement et d'investissement des centres de formation ainsi que celle des bourses attribuées aux élèves dans le cadre de leur formation. Quelle place leur laissez-vous pour mener une politique de santé en rapport avec les besoins de la population ? Manifestement aucune, si ce n'est celle de financeur-vache à lait de l'Etat central.

De surcroît, l'offre de formation ne peut être appréhendée sans faire référence aux niveaux de richesse respectifs des départements. Il est évident qu'une région comme l'Ile-de-France aura des possibilités financières sans commune mesure avec celles de la région Limousin, alors que les besoins en auxiliaires médicaux restent pour toutes deux extrêmement importants eu égard aux besoins de leurs populations. Dès lors, les régions les plus pauvres ne seront pas à l'abri d'un captage de ces futurs professionnels par les plus riches. Qu'en sera-t-il alors de la satisfaction des besoins de santé de la population française ? Le risque est grand de voir s'approfondir les inégalités et les déséquilibres régionaux.

Cette situation est d'autant plus préoccupante pour les régions que le coût de ces formations est pour l'heure impossible à évaluer.

Monsieur le ministre, avec cet article, comme d'ailleurs avec l'ensemble du texte, vous faites courir un risque financier aux régions et un risque sanitaire à la population de notre pays. Plutôt que de rechercher des économies pour l'Etat, comme le réclame une commission européenne inféodée à une idéologie ultra-libérale, la décentralisation devrait avant et par-dessus tout travailler à rendre le service public plus juste, plus efficace et plus proche des besoins des citoyens. Ce n'est, hélas ! pas le sens de la démarche que vous préconisez.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Indépendamment de nos divergences politiques sur la réforme maladie ou sur l'organisation de notre système de santé, j'ai vraiment l'impression que l'on nous propose dans ce texte de loi des choses que jamais le ministère de la santé n'aurait envisagées.

Premièrement, chacun sait qu'une réforme de la formation des professionnels de santé est en cours pour créer des corps universitaires, des troncs communs les plus larges possibles. C'est du reste souhaitable, même si les frontières peuvent prêter à discussion : seront concernées à l'évidence les sages-femmes, vraisemblablement les kinésithérapeutes et les infirmières ; doit-on englober les podologues, etc. ? Non, sans doute, mais on peut en débattre. Quoi qu'il en soit, on réfléchit dans les ministères de la santé et de l'éducation à faire entrer l'ensemble de ces professions médicales et paramédicales et les professions de santé dans un socle, un premier cycle universitaire commun. Or, dans le même temps, voilà que l'on nous propose une politique qui consisterait à confier aux régions l'organisation de ces formations, à tout le moins leur financement et, pour partie, l'attribution des bourses d'études ! C'est totalement aberrant. Si ces étudiants se retrouvent demain dans un premier cycle commun avec les futurs médecins, comment les distinguera-t-on, comment les organisera-t-on, comment tout cela sera-t-il structuré ? Je ne comprends franchement pas que l'on persiste dans ce projet de loi à opérer des transferts qui, au-delà de leurs motivations financières évidentes, sont en totale contradiction avec la politique que l'Etat mène par ailleurs.

Deuxièmement, se pose la question, majeure, de la démographie des professions de santé. Les quotas, nous dit-on, seront fixés par l'Etat. Mais une des responsabilités que nous aurions tout intérêt à confier à la région, c'est précisément celle de renforcer une formation à tel ou tel niveau, dès lors qu'elle en ressent plus particulièrement le besoin ! Du reste, lorsque nous avons débattu du projet de loi relatif à l'aménagement des territoires ruraux, nous avons pris conscience des problèmes que posait l'offre de professions de santé dans certaines régions, et plusieurs de nos collègues ont avancé des propositions - il s'agissait en l'occurrence des médecins, mais il en sera de même pour les infirmières - tendant à attribuer des bourses en fonction des choix d'installation futurs. Une telle mesure mérite certes d'être discutée. Reste qu'elle est totalement à l'opposé de la logique défendue dans ce projet de loi, qui tend à laisser toute latitude dans ce domaine aux conseils régionaux. Autrement dit, nous sommes en train de fabriquer de la décentralisation pour la décentralisation, sans aucune cohérence avec les politiques conduites par ailleurs et sans autre objectif que d'opérer des transferts financiers, au risque d'entraîner des inégalités parfaitement dommageables.

M. le président. Sur l'article 58, je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 810 et 1134.

La parole est à Mme Catherine Génisson pour soutenir l'amendement n° 810.

Mme Catherine Génisson. Cet article confie aux régions la responsabilité de la gestion des écoles de formation des professions paramédicales, l'Etat restant compétent pour délivrer les diplômes, fixer les conditions d'accès à la formation, déterminer le programme de formation - ce qui est normal - et fixer le numerus clausus d'étudiants, ce qui peut se discuter.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Le numerus clausus, c'est l'Etat.

Mme Catherine Génisson. C'est bien ce que je conteste, car l'article 58 ne prévoit pas de dispositions permettant à la région d'adapter son offre de formations en fonction des besoins sanitaires.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Vous êtes contradictoire.

Mme Catherine Génisson. La région n'a que le droit de payer, sans qu'au préalable, il y ait une évaluation correcte du coût de cet important transfert de charges sur les collectivités locales. Tout cela, alors que nous sommes en pleine réflexion sur la modification de la formation des professions paramédicales, qui doit relever de l'Etat.

Cet article est donc totalement incohérent, à moins que sa seule justification soit de transférer des charges supplémentaires aux régions !

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour défendre l'amendement n° 1134.

M. Michel Vaxès. Cet amendement vise à s'opposer au désengagement de l'Etat des formations des professionnels de santé paramédicaux codifiés ou non par le code de la santé publique.

En effet, l'article 58 institue une nouvelle compétence des régions en matière de formation des professions paramédicales. La région sera compétente sur les conditions de formation de ces professions. Elle prendra la responsabilité des structures de formations - bâtis et matériels pédagogiques et médicaux - ainsi que des bourses de formation des étudiants.

Toutefois, l'Etat gardera le pouvoir de déterminer le numerus clausus de ces professions. Il conservera de la sorte le choix des volumes de formation régionaux de ces professions. Ainsi, les régions seront confrontées à l'obligation de financement de ces formations sans pouvoir les intégrer dans leur politique locale de santé.

Les régions n'auront donc pas la possibilité de définir une réelle politique de formation des professions paramédicales capable de répondre aux besoins de santé de leur population. Il n'y a donc pas de décentralisation effective de la formation de ces professions. Ce transfert de compétences en matière de formation ne constitue ainsi qu'un délestage financier de l'Etat vers les régions, dont le risque est de renforcer les inégalités régionales d'offre de soins sur l'ensemble du territoire.

C'est la raison pour laquelle nous souhaitons supprimer l'article 58.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. A mes yeux, cet article présente un autre risque. Il prévoit que « la nature, le niveau et les conditions d'attribution des aides sont fixés par délibération du conseil régional ». A cela, vous allez me répondre que c'est déjà le cas pour un certain nombre de domaines. Mais sur un secteur aussi sensible, on peut craindre qu'une telle disposition crée une concurrence entre les régions, d'autant qu'aucune condition de résidence n'est exigée de la part des élèves ou des étudiants. Les régions pourront se livrer à un véritable dumping. Qu'est-ce qui les empêchera de proposer des aides à l'installation pour garder les étudiants qui auront été formés par elles ?

Ce dispositif est dangereux. Il y a des régions, on l'a dit pendant la discussion de la motion de censure, qui souffrent un déficit de professions médicales et paramédicales. L'article 58 est facteur d'inégalités car il ne prévoit aucun garde-fou à d'éventuels dérapages.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 810 et 1134.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 377.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cet amendement est rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 377.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 194 et 815.

La parole est à M. Pierre Albertini pour défendre l'amendement n° 194.

M. Pierre Albertini. Nous allons attribuer aux régions des compétences nouvelles en matière de fonctionnement des écoles et des instituts de formation paramédicale, et, d'aides aux élèves et étudiants. La liste est suffisamment importante pour qu'on s'y attarde quelques instants.

L'une des justifications de ce transfert est une meilleure adaptation aux besoins sanitaires des régions et des territoires concernés. Dans cette perspective, la fixation du nombre des élèves est un élément tout à fait important. Dans le dispositif qui nous est présenté, les régions sont consultées, mais il ne leur est demandé qu'un avis simple. Compte tenu de l'importance des missions qui seront celles des régions désormais, nous souhaiterions que cet avis soit un avis conforme afin que cette procédure de consultation ne soit pas de pure forme, mais que les régions aient véritablement leur mot à dire en la matière.

On sait que les décisions prises par l'Etat depuis vingt ans en matière de professions médicales n'ont pas, hélas ! été d'une pertinence absolue, et l'on paie aujourd'hui très lourdement les limitations du nombre des médecins, alors que chacun savait que la démographie médicale évoluerait défavorablement.

C'est la raison pour laquelle nous souhaitons un avis conforme qui renforcerait le rôle des régions dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier, pour défendre l'amendement n° 815.

M. Bernard Derosier. Je vois avec plaisir que M. Albertini a fait un grand pas en direction de la position du groupe socialiste. Qu'il continue donc ainsi ! Je ne reprendrai pas la démonstration de notre collègue et me placerai plutôt sous l'angle juridique, encore qu'il aurait été mieux placé que moi pour le faire.

Je demande au Gouvernement et à la majorité de témoigner de leur réelle volonté décentralisatrice, et de montrer qu'ils veulent que les collectivités territoriales puissent effectivement exercer une responsabilité de haut niveau. A partir du moment où l'on confie une décision au conseil régional par le biais d'un avis conforme, on fait en sorte que le point de vue du conseil régional soit réellement pris en considération. On ne se situe pas dans un contexte où l'Etat ferait ce que bon lui semble, l'avis de la région important peu.

Je suggère fortement à nos collègues de voter ces amendements pour démontrer leur réel attachement à la décentralisation !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Que de paradoxes !

M. le ministre délégué aux libertés locales. En effet !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Que M. Albertini, dans une vision décentralisatrice parfaitement cohérente, propose un tel amendement, c'est normal. Mais que le groupe socialiste, après nous avoir dit qu'il fallait rétablir le rôle de l'Etat garant,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. ...et exiger que l'Etat continue à assurer la péréquation au niveau national pour les professions à numerus clausus, expose, dix minutes plus tard, un raisonnement totalement inverse, est pour le moins paradoxal ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur Derosier, vous me rappelez Woody Allen dans une interview de l'Express répondant à un journaliste : « La réponse est non mais, au fait, quelle était la question ? » (Rires.)

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Par ailleurs, je vous signale que dans l'exposé des motifs, il faudrait remplacer « conseils généraux » par « régionaux ». C'est bien aux régions qu'on transfère et pas aux départements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Avis défavorable.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Bravo ! Brillantissime !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je partage tout à fait l'indignation du rapporteur. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le groupe socialiste a sans cesse soutenu le point de vue inverse de l'Etat garant des exigences nationales. C'est un avis d'opportunité qui nous amuse tous, mais seul M. Albertini s'est montré cohérent.

M. Bernard Derosier. Vous le rattrapez !

M. Jean-Pierre Brard. C'est un appel du pied à Bayrou !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Non, il est dans sa cohérence, même si celle-ci n'est pas partagée par le Gouvernement sur ce point. Et le Gouvernement le lui dit, mais, M. Albertini reste dans la logique de son discours.

M. Jean-Pierre Brard. Débauchage !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Mais non !

M. Jean-Pierre Brard. C'est une session de rattrapage après la motion de censure.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Ce n'est plus Scapin, c'est Turlupin, monsieur Brard. (Sourires.)

Monsieur Albertini, ce qui me déplaît dans votre amendement, c'est que vous instituez un système de blocage. Si vous alliez au bout de votre logique, vous pourriez demander la décentralisation de la décision, ce à quoi s'oppose le Gouvernement. Mais là, nous choisissons l'Etat, vous le reconnaissez vous-même. Or l'avis conforme revient finalement à un droit de veto. Ce serait pire que la cogestion. C'est la raison de fond pour laquelle le Gouvernement y est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier. Le rapporteur a tourné la présentation de l'amendement à laquelle je me suis livré en dérision.

M. Alain Gest. Mais non ! Ce n'est pas le genre du rapporteur.

M. Bernard Derosier. Il est allé jusqu'à citer Woody Allen comme si ce grand homme avait quelque chose à voir dans notre débat ! Sauf qu'il aurait sans doute mieux compris mes arguments que le rapporteur.

Nous pouvons avoir un avis plus que réservé sur votre conception du transfert qui montre une volonté d'abandonner la responsabilité de l'Etat et néanmoins souhaiter que les régions puissent réellement faire entendre leur point de vue.

Tel est le sens de cet amendement.

Apparemment, le rapporteur s'inscrit dans une autre logique, celle du « cause toujours, tu m'intéresses » !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Pas du tout !

M. Bernard Derosier. Vous auriez là une occasion de montrer votre attachement à la décentralisation, mais vous ne la saisissez pas.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 194 et 815.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 811.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour le défendre.

M. Philippe Vuilque. Pour l'application de l'article L.4382-3, il est prévu que les conditions dans lesquelles sont délivrés les autorisations et les agréments par la région sont fixées par voie réglementaire.

Cet amendement a pour objet de préciser que le président du conseil régional pourra s'appuyer sur les services extérieurs compétents de l'Etat, en tant que service instructeur, pour l'aider dans sa compétence d'autorisation des établissements de formation.

Cela nous semble être le minimum.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je me perds dans les zigzags du groupe socialiste. Tantôt, il veut enlever un peu d'Etat, tantôt en remettre ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous ne pouvons pas encourager les enchevêtrements de compétences, alors que nous voulons tous une clarification dans le cadre de cette loi.

Avis défavorable !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 811.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 812.

La parole est à M. Philippe Vuilque pour le soutenir.

M. Philippe Vuilque. Les besoins de formation des professions paramédicales dépendent en grande partie de l'évolution des besoins sanitaires de la population et des réponses qui leur sont apportées. C'est pourquoi il est important que le projet régional des formations sanitaires et sociales soit soumis pour avis par le président du conseil régional aux comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 812.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 813.

La parole est à M. Philippe Vuilque pour le soutenir.

M. Philippe Vuilque. Cet amendement a pour but de garantir une égalité de traitement sur l'ensemble du territoire. Il se justifie par son texte même.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 813.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 814.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour le soutenir.

M. Philippe Vuilque. Monsieur le président, je ne m'étendrai pas sur cet amendement. Nous avons, depuis le début, mis en garde le Gouvernement contre le risque que les transferts financiers ne suivent pas les transferts de compétences. C'est pourquoi nous souhaitons qu'un audit financier soit réalisé avant tout transfert.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 814.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 58, modifié par l'amendement n° 377.

(L'article 58, ainsi modifié, est adopté.)

Article 59

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, inscrit sur l'article.

M. Jean-Pierre Brard. La lutte contre le saturnisme est une priorité sanitaire dans certaines villes, notamment en Seine-Saint-Denis. Ma ville de Montreuil s'est dotée d'une mission « saturnisme » au sein des services municipaux.

Le dispositif actuel repose sur la complémentarité et la coordination des actions des communes disposant d'un service communal de l'hygiène et de la santé, et des services préfectoraux. Mis en place grâce à la loi de 1998, ce mécanisme nouveau est maintenant rodé et permet une lutte efficace contre ce fléau qui frappe durement les enfants, en particulier ceux des milieux les plus modestes.

Certes, des moyens financiers complémentaires seraient nécessaires, notamment pour les hébergements transitoires et les relogements d'urgence mais, à l'évidence, cet article 59 n'a pas pour but de les mobiliser. L'expérimentation qu'il prévoit mettrait fin à la complémentarité actuelle, dans laquelle les arrêtés préfectoraux ont une grande efficacité. Il serait dangereux de s'en priver face à des intérêts économiques puissants qui recourent sans scrupule à des pratiques délictueuses et à des pressions sur les locataires pour préserver des profits réalisés sur le dos de familles qui payent des fortunes pour occuper des bouges pollués par le plomb.

L'intervention des services préfectoraux est aussi très utile en cas de contentieux. Leurs moyens d'y faire face sont naturellement bien supérieurs à ceux des communes, alors que les propriétaires bailleurs des immeubles pollués au plomb ont généralement les moyens de se faire assister par des avocats spécialisés et d'user de tous les recours et détours de procédures judiciaires, tant devant les juridictions civiles qu'administratives.

Cet article risque donc d'affaiblir dangereusement les moyens d'action de la puissance publique face à un risque permanent de santé publique. Le caractère facultatif et expérimental du dispositif incitera les préfectures, face aux restrictions de leurs moyens, à presser les maires d'accepter le nouveau dispositif, permettant ainsi à l'Etat de se retirer d'un combat difficile mais nécessaire. Son intervention, soutenue par l'ensemble de ses moyens administratifs, financiers et contentieux, est indispensable pour ces actions qui relèvent de la solidarité nationale et s'adressent à des familles pauvres.

Il convient en outre d'éviter que l'Etat complique l'action des collectivités, comme il le fait aujourd'hui par une circulaire de la direction générale de la santé de mai 2002, qui modifie les classes de plombémie. Il n'y a plus de différence entre classe II.a et Il.b, : les taux compris entre 100 et 249 microgrammes par litre sont désormais tous en classe II. Cette décision est très discutable, parce qu'on ne différencie plus les enfants faiblement intoxiqués, disons jusqu'à 110 microgrammes par litre, pour lesquels une action publique est certes nécessaire, mais moins urgente que pour ceux qui sont à l'autre bout de la catégorie, pour lesquels la question d'une éventuelle hospitalisation se pose déjà. Il aurait mieux valu redécouper la classe I, en signalant de façon particulière les enfants entre 70 et 99 microgrammes par litre qui sont manifestement exposés à une source qui dépasse l'imprégnation moyenne de la population générale que l'INSERM situe à 36 microgrammes par litre pour les enfants.

Il faut savoir que les toxicologues estiment encore à plus ou moins 40 microgrammes par litre la marge de fiabilité des analyses sanguines, même si quelques laboratoires prétendent la réduire à 10 microgrammes.

En tout état de cause, l'effet immédiat de cette décision pour la commune est d'invalider l'ancien protocole de définition des urgences de relogement qui adaptait les mesures de relogement en fonction de chaque classe de plombémie.

Ce type de problème ne sera pas résolu par l'article qui nous est proposé. Il ouvre la porte à un affaiblissement de la mobilisation globale contre le saturnisme dans toute sa complexité de problème de santé environnementale, avec une très forte composante sociale.

Monsieur le ministre, comme je n'imagine pas que l'on ait voulu, avec cet article, donner une prime à des propriétaires voyous, il faut le supprimer pour en rester à la situation actuelle et abroger le texte de 2002 que j'ai évoqué.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 1135 et 1528.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour les soutenir.

M. Jean-Pierre Brard. L'amendement n°1135 du groupe communiste, ainsi que mon propre amendement n° 1528, tendent à supprimer l'article 59. Nous sommes opposés à toute expérimentation décentralisée d'une lutte communale contre l'insalubrité et le saturnisme, qui réduirait la capacité d'action des pouvoirs publics. Il s'agit ainsi de refuser le risque énorme de voir s'amoindrir la force coercitive et active des pouvoirs publics face aux obstacles concrets et pratiques qui s'opposent à la remise aux normes des immeubles. Par exemple, alors que l'absence de logements sociaux rend difficile le relogement des familles à l'échelle de la région, comment une commune seule pourrait-elle répondre à cette nécessité ?

Par ailleurs, cet article du projet de loi de décentralisation, relatif aux responsabilités locales, renvoie pour sa mise en œuvre, à un ensemble de dispositions émanant du projet de loi de santé publique encore en discussion. Il n'est pas concevable d'anticiper le résultat de la discussion de la représentation nationale sur ce texte.

M. Alain Néri. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.

M. Didier Migaud. Ce n'est pas sérieux !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 1135 et 1528.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

(Protestations sur les bancs des députés socialistes.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, nous avons entendu développer une argumentation mais, du côté de la commission des lois et du Gouvernement, c'est le silence total. Cela pose un problème. Si le rapporteur est fatigué, qu'il le dise, et nous pourrons suspendre les travaux. Le ministre aussi a le droit d'être fatigué.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je suis en pleine forme !

M. Didier Migaud. Vous n'en avez pas l'air, monsieur le ministre.

J'ai été intéressé par l'argumentation de notre collègue Jean-Pierre Brard.

M. Pascal Clément, président de la commission. Provocateur !

M. Didier Migaud. Il a posé des questions importantes qui méritent réponse. Si on débat au fond la commission des lois et le Gouvernement doivent nous répondre. Ou alors, ne serions-nous, comme le disait François Bayrou cet après-midi, qu'une chambre d'enregistrement. Monsieur le président, nous ne pourrions accepter que la discussion se poursuive ainsi.

M. le président. Monsieur Migaud, depuis tout à l'heure, le débat se déroule...

M. Pascal Clément, président de la commission. Très lentement !

M. le président. ...peut-être trop lentement aux yeux du président de la commission des lois, mais normalement aux yeux de tous les autres parlementaires, puisque chacun s'exprime dans le temps qui lui est imparti.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Néri. Ah !

M. Augustin Bonrepaux. Il était temps !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur, Monsieur le président, une jurisprudence s'est établie au Sénat comme à l'Assemblée sur les amendements de suppression. Puisqu'ils vont à l'encontre du projet soutenu par la commission, nous disons que nous y sommes défavorables. Toutefois, chaque fois que vous le demandez, nous vous fournissons des explications

M. Jean-Pierre Brard. Apportez-les !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je vais le faire, monsieur Brard. Pourquoi l'article 59 prévoit-il cette expérimentation ? Vous le savez, le maire a des pouvoirs en matière de lutte contre l'insalubrité, ainsi que d'autres pouvoirs que lui confère le code de la construction. Vous dites que le préfet sera plus prompt à réagir et aura plus de pouvoir coercitif. Je suis maire aussi et, sur le terrain, ce n'est pas ainsi que les choses se passent.

Par ailleurs, 208 communes exactement sont concernées par l'expérimentation, puisque celle-ci ne peut s'appliquer qu'aux communes qui avaient déjà un service de l'hygiène et de la santé au 1er janvier 1984. Son champ est donc limité à des communes qui sont déjà dotées des services municipaux correspondants. Elle est cohérente avec les pouvoirs des maires en matière de lutte contre l'insalubrité, puisque lorsque ces communes disposent d'un service de l'hygiène et de la santé, elles instruisent elles-mêmes les demandes. Il y a donc une certaine cohérence. Vous avez le droit de ne pas y adhérer, mais nous sommes défavorables à vos amendements parce qu'ils vont à l'encontre de l'esprit du texte proposé par le Gouvernement.

M. Michel Piron. C'est évident !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président. Monsieur Brard, le vote est intervenu. Les deux amendements ont été repoussés.

M. Pascal Clément, président de la commission. C'est terminé !

M. le président. Monsieur Clément, nous ne sommes pas à la commission des lois, mais dans l'hémicycle, et c'est moi qui préside.

M. Pascal Clément, président de la commission. Je le regrette !

M. le président. Monsieur Brard, le rapporteur a apporté les réponses que vous demandiez. Par conséquent, la discussion est close.

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, le rapporteur est enfin intervenu pour répondre à mes propos fondés sur l'expérience, car ma ville est en pointe dans le combat contre le saturnisme, par du juridisme à la petite semaine.

M. le président. Monsieur Brard, ce n'est pas un rappel au règlement. Vous ne pouvez pas répondre au rapporteur.

M. Jean-Pierre Brard. Vous m'avez interrompu avant que je n'arrive au cœur du sujet !

M. le président. Ce n'est pas un rappel au règlement.

Je mets aux voix l'article 59.

(L'article 59 est adopté.)

Après l'article 59

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1518.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Brard. Nous évoquons des sujets concrets. M. Daubresse a rappelé qu'il était maire aussi, mais nous ne devons pas voir les problèmes de la même manière car le problème du saturnisme, je le vis au quotidien. Le saturnisme, ce sont des lésions irréversibles à partir d'un certain point. La loi de 1998 fonctionnait bien. Elle a été affaiblie par une circulaire du deuxième semestre 2002. Pire, vous proposez aujourd'hui de réduire les effets de coercition sur les propriétaires voyous.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Ce n'est pas l'objet de votre amendement !

M. Jean-Pierre Brard. Comme vous n'avez pas accepté que le débat se déroule normalement tout à l'heure, je dis ce qui me semble devoir être dit, parce que derrière, il y a la vie, celle des enfants, qui sont sacrifiés.

C'est ce que vous acceptez en donnant des réponses indignes d'un parlementaire. Si le débat prend cette tournure, je ne vois pas l'intérêt de continuer à défendre des amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. M. Brard n'a pas défendu son amendement, mais j'y suis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1518.

(L'amendement n'est pas adopté.)


M. le président
. L'amendement n° 551 n'est pas défendu.

Avant l'article 60

M. le président. Avant l'article 60, je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 378 et 491, tendant à modifier l'intitulé du titre IV.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 378.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cet amendement de coordination vise à modifier l'intitulé du titre IV, afin d'introduire dans celui-ci le sport aux côtés de l'éducation et de la culture. Du reste, nous examinerons tout à l'heure un amendement important qui concerne les sports de nature.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. On ne peut que se féliciter de voir modifier enfin l'intitulé du titre IV pour y faire figurer le sport. Car, une fois de plus, nous avions été amenés à constater que le sport était le grand oublié. D'ailleurs, on se demande à quel niveau serait la pratique du sport en France sans l'action des collectivités locales, étant donné le misérabilisme du budget des sports.

Je regrette vivement que le Gouvernement n'y ait pas pensé. Cela dit, il a enfin écouté la représentation nationale qui a demandé que le volet sport soit introduit, d'une façon certes superficielle, mais qui constitue tout de même un progrès dont nous prenons acte.

Toutefois, nous disons : « Peut mieux faire et beaucoup mieux faire, et doit faire beaucoup mieux. »

M. Michel Piron. C'est encourageant, tout de même !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 378 et 491.

(Ces amendements sont adoptés.)

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Balligand. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Balligand. Comme nous attaquons un volet de la loi qui concerne les techniciens, ouvriers et de service, je demande, au nom du groupe socialiste, que le ministre de l'éducation nationale vienne devant la représentation nationale. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. C'est la moindre des choses !

M. Jean-Pierre Brard. Surtout que c'est l'une de ses dernières séances ! (Sourires.)

M. Bernard Derosier. Il faut que M. Sarkozy vienne aussi !

M. Jean-Pierre Balligand. Le cadre d'emploi des personnels TOS n'a pas été négocié avec les organisations syndicales : elles ont seulement été informées, alors qu'il s'agit d'un sujet assez fondamental pour l'avenir de l'éducation nationale et la communauté éducative.

Si le ministre de l'éducation nationale a besoin d'être aidé, M. Sarkozy, qui intervient sur tous les sujets, pourrait aussi venir devant nous. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud. Très bien !

M. Alain Néri. Qui peut le plus, peut le moins !

M. Jean-Pierre Balligand. Très sincèrement, nous souhaitons la présence du ministre de l'éducation -ou du ministre délégué à l'enseignement scolaire- afin qu'il réponde à des questions assez fondamentales.

Je demande donc une suspension de séance, le temps que le ministre puisse nous rejoindre.

On traite l'Assemblée nationale de manière fort curieuse. Je le rappelle, cela ne s'est pas passé de la sorte au Sénat.

M. Didier Migaud. Eh oui !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Balligand, vous n'êtes pas l'organisateur du travail gouvernemental ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Mais on peut tout de même souhaiter la présence du ministre de l'éducation nationale ! On se moque du Parlement !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, laissez le ministre répondre !

M. Michel Piron. Ce n'est plus de l'amour, c'est de la rage !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Par ailleurs, le ministre de l'éducation est actuellement occupé à d'autres tâches.

Enfin, monsieur Balligand, j'y vois une attaque personnelle contre mon insuffisance, qui, j'en conviens volontiers, est grande, mais je vais essayer, ...

M. Alain Néri. Vous n'allez pas y arriver !

M. Jean-Pierre Decool. Insolent !

M. le ministre délégué aux libertés locales. ... bien que ce soit certainement au-dessus de mes possibilités, de faire face seul au débat parlementaire.

M. Bernard Derosier. On veut le ministre de l'éducation nationale !

M. Alain Néri. A-t-il déjà été licencié ?

M. le président. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. Alain Néri. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour un rappel au règlement.

M. Alain Néri. Nous constatons avec regret que la suspension de séance n'a pas permis à M. Ferry de nous rejoindre. Peut-être le débat au Sénat est-il sur le point de s'achever, à moins qu'il ne soit terminé auquel cas, le Palais du Luxembourg n'étant pas si loin de l'Assemblée nationale, le ministre de l'éducation va pouvoir nous rejoindre dans les meilleurs délais. Toutefois, nous ne voudrions pas priver les sénateurs de sa présence, d'autant que nous ne savons pas pendant encore combien de temps M. Ferry pourra exercer la plénitude de ses fonctions.

Vous conviendrez avec nous, monsieur le président, que nous abordons l'un des sujets les plus importants, et l'un des chapitres les plus difficiles du texte, puisqu'il s'agit de l'éducation. C'est donc tout l'avenir du pays qui est en jeu. Il se trouve que le Gouvernement a prévu, peut-être à juste titre, qu'il y ait...

M. Didier Migaud. Une doublure !

M. Alain Néri. Le terme est excessif, je parlerai plutôt d'un remplaçant. En l'occurrence, il s'agit de M. Darcos, que l'on sait être un grand connaisseur des questions d'éducation. Il s'en préoccupe beaucoup en Dordogne et dans la région Aquitaine. Ce débat serait une occasion pour lui de nous faire bénéficier de ses lumières. Et je souhaite donc, si M. Ferry devait être retenu au Sénat, que M. Darcos nous rejoigne le plus rapidement possible. C'est pourquoi je demande, au nom du groupe socialiste, une suspension de séance de dix minutes.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Et ça, ce n'est pas de l'obstruction, sans doute !

M. Augustin Bonrepaux. Absolument pas !

M. le président. Votre demande est de droit, monsieur Néri. Je tiens néanmoins à vous signaler que le Gouvernement est représenté par M. Devedjian à qui je donne la parole.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le président, devant ces manœuvres d'obstruction, le Gouvernement saura faire preuve de patience, et je préviens d'ores et déjà l'assemblée que je souhaite que les travaux se poursuivent pour examiner le plus d'articles possible, nonobstant ce qui avait été prévu. Comme de telles manœuvres d'obstruction risquent de durer, je souhaite aller jusqu'à sept heures du matin.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Je suis quelque peu choqué par les propos de M. le ministre. Il ne nous a pas habitués à perdre son sang froid aussi rapidement.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je suis très calme, au contraire.

M. Alain Néri. Nous sommes ici pour débattre.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Et vous avez un ministre pour ça !

M. Alain Néri. Nous ne sommes pas une chambre d'enregistrement. Le sujet est suffisamment sérieux pour vouloir, sans mettre en doute les qualités de M. Devedjian, respecter la spécialisation ministérielle et faire venir devant la représentation nationale les ministres qui sont concernés. Nous pourrions croire, sinon, que nous sommes victimes d'un certain mépris de la part du Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, l'expérience a montré que depuis vingt et une heures trente nous débattons de façon responsable. Il me paraît tout aussi responsable d'exiger, monsieur le ministre, que, sur une question aussi importante et controversée, sur laquelle le Gouvernement ne tient pas ses engagements - il s'était engagé à ne pas décentraliser la médecine scolaire et finalement le fait -, un représentant du ministère de l'éducation nationale soit présent.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Puis-je vous interrompre ?

M. Augustin Bonrepaux. Or, au lieu de cela, monsieur le ministre, vous menacez l'Assemblée nationale.

M. Didier Migaud. Ce n'est pas beau !

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, c'est la conférence des présidents qui fixe l'ordre du jour. Ce n'est pas à vous qu'il appartient de le modifier.

M. Didier Migaud. Exactement !

M. Augustin Bonrepaux. Si une modification doit y être apportée, nous demandons, monsieur le président, la réunion de la conférence des présidents. Mais il n'est pas question que la représentation nationale soit soumise à la mauvaise volonté - même passagère - de M. le ministre.

En tout cas, la présence du ministre de l'éducation nationale me paraît indispensable. Ou alors, que l'on nous annonce immédiatement qu'il ne sert plus à rien, qu'il n'y a plus de ministre de l'éducation nationale et qu'il est d'ores et déjà congédié.

M. Serge Poignant, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Le ministre chargé du logement n'est pas venu lorsque nous avons débattu du logement.

M. Didier Migaud. Il aurait dû être là.

M. Augustin Bonrepaux. Il aurait dû être là, en effet.

En d'autres temps, sous un gouvernement de droite - M. Balladur était alors Premier ministre -, le ministre du logement de l'époque, M. Périssol, avait eu le courage de venir devant l'Assemblée lorsque celle-ci avait débattu des questions relevant de son ministère. Il était revenu de sa commune, témoignant ainsi de son sens des responsabilités.

Aujourd'hui, M. Ferry semble se défiler face à une question certes difficile, mais qui engage l'avenir de l'éducation nationale. Monsieur le ministre, en dépit de toutes les qualités que nous vous connaissons et de toutes les compétences qui sont les vôtres, vous ne pouvez tout de même pas prétendre représenter tous les ministres.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Mais si ! Il a un potentiel extraordinaire.

M. Augustin Bonrepaux. Certains y prétendent, nous le savons. Peut-être vous reste-t-il, monsieur le ministre, des progrès à faire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le ministre de l'intérieur, nous le savons, peut représenter tous ses collègues mais M. Devedjian n'est pas encore ministre de l'intérieur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il n'en est pas loin.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je suis à bonne école.

M. Augustin Bonrepaux. Je lui souhaite de le devenir.

Pour l'heure, nous demandons avec insistance la présence du ministre de l'éducation nationale ou de son représentant.

M. le président. Monsieur Bonrepaux, avant de laisser la parole à M. le ministre, je souhaiterais vous répondre en ce qui concerne l'ordonnancement de nos travaux.

Nous lèverons la séance aux alentours d'une heure du matin, entre minuit et demi et une heure et quart, en fonction de l'avancement de nos travaux. Demain matin, le bureau se réunira à dix heures. Nous ne pouvons donc pas siéger exceptionnellement jusqu'à sept heures du matin.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Trois heures, peut-être ?

M. le président. Le président Debré, chacun le sait, est très strict sur les horaires de l'Assemblée nationale.

M. Augustin Bonrepaux. Il a raison.

M. le président. Cela étant dit, nous en resterons là pour les suspensions de séance. Je n'en accepterai plus. Chacun s'est exprimé sur le sujet.

M. Didier Migaud. Mais ce n'est pas à un ministre de dire à l'Assemblée la façon dont elle doit travailler.

M. le président. Le Gouvernement est représenté par M. Devedjian, depuis le début de ce débat.

M. Michel Piron. Très bien représenté !

M. le président. Le rapporteur est également présent au banc de la commission. Nous pouvons donc délibérer.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Naturellement, la conférence des présidents est maître de l'ordre des travaux.

M. Didier Migaud. Tout de même !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Mais elle est également soucieuse de lutter contre l'obstruction.

M. Augustin Bonrepaux et M. Alain Néri. Nous ne faisons aucune obstruction !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Une loi de décentralisation, par définition, peut justifier la présence de chaque ministre du Gouvernement puisque le propre d'une loi de ce type est de concerner l'ensemble des ministères. Vous pourriez demander à tous les ministres de comparaître, et c'est une chance que vous n'exigiez pas qu'ils viennent tous à la fois !

M. Didier Migaud. Si vous nous le suggérez vous-même, monsieur le ministre ! (Sourires.)

M. Augustin Bonrepaux. Lorsque l'on est un ministre sérieux, on se sent concerné par la discussion des articles qui relèvent de sa compétence !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Il n'y a pas de raison de réserver un sort particulier à tel ou tel ministre. En ce qui concerne mes modestes compétences, j'ai encore un grand nombre de choses à apprendre. Je ne suis pas encore ministre de l'intérieur, loin de là, mais je suis à bonne école.

M. Alain Néri. Il ne faut pas désespérer.

M. le ministre délégué aux libertés locales. La bonne école a consisté pour moi à apprendre mon texte avant d'oser comparaître sous vos yeux vigilants.

Si vous aviez été un peu plus vigilant, monsieur Bonrepaux, vous auriez pu constater qu'au Sénat l'amendement sur la médecine scolaire a été voté contre l'avis du Gouvernement. Si vous aviez été encore plus vigilant, vous vous seriez aperçu que le Gouvernement a déposé un amendement de suppression de la disposition adoptée par le Sénat visant à décentraliser la médecine scolaire.

Le Gouvernement tient sa parole. Vous êtes libre de dire qu'il a été battu ou qu'il a été mauvais et peu convaincant.

M. Didier Migaud. Il peut encore l'être ici ce soir.

M. Augustin Bonrepaux. Nous avons été battus en commission sur le sujet.

M. le ministre délégué aux libertés locales. J'assume d'ailleurs toute la responsabilité du vote du Sénat. Mais l'honnêteté intellectuelle, monsieur Bonrepaux - qualité que vous partagez, je n'en doute pas - consiste à reconnaître que le Gouvernement tient sa parole puisqu'il propose un amendement de suppression de la disposition adoptée par le Sénat.

Le Gouvernement a pris un engagement. Il le tient. Le Parlement est souverain, mais la position du Gouvernement est très claire sur ce point. Ayez la courtoisie de ne pas me faire un mauvais procès.

M. Alain Néri. Je souhaite répondre au Gouvernement, monsieur le président.

M. le président. Non, monsieur Néri.

Je vous renvoie à l'en-tête du projet de loi qui stipule clairement que le Premier ministre décrète le présent projet de loi relatif aux responsabilités locales. Délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, il « sera présenté au Sénat par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion. »

M. Devedjian est ministre délégué aux libertés locales auprès du ministre de l'intérieur. Il est donc tout à fait habilité à représenter le Gouvernement ici ce soir. Nous allons donc poursuivre la discussion.

Article 60

M. le président. Nous en venons à l'article  60. Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Michel Vaxès, premier orateur inscrit.

M. Michel Vaxès. L'article 60 précise le partage des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales en matière d'éducation ainsi que les missions de l'Etat dans ce domaine.

La décentralisation est d'abord pour le Gouvernement, monsieur le ministre, une mesure budgétaire visant à réduire les dépenses de l'Etat, en diminuant le nombre de fonctionnaires. Elle s'est déjà traduite par le licenciement de 20 000 aides éducateurs, la suppression du statut des MI-SE, le recours croissant à la précarité - vacataires, contractuels, CES et CEC font une entrée en force dans un domaine où il conviendrait de recruter des personnels permanents -, la programmation du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ou la fermeture de classes. J'en passe et des meilleures.

Votre décentralisation répond surtout à un projet politique, comme en témoigne la baisse des impôts, qui ne profitera qu'aux plus nantis et qui s'accompagnera d'une réduction des recettes qui permettaient jusqu'à maintenant de mieux garantir l'expression de la solidarité nationale.

L'Etat supprimera peu à peu toutes ses missions sociales et ne conservera que ses compétences régaliennes d'autorité : police, armée et justice.

Votre objectif ne consiste pas en une simple opération de transfert de charges vers des collectivités locales. Ce qui était à la charge de l'Etat incombera désormais aux collectivités locales. Celles-ci auront le choix entre augmenter les impôts locaux pour faire face à ces charges nouvelles ou privatiser les services.

Vos ambitions suscitent à juste titre la colère des personnels éducatifs. Les enseignants et l'ensemble des personnels ne comprennent plus comment l'action solidaire de la République pourra désormais s'effectuer.

Ils ont raison car c'est le service public de l'éducation nationale que vous maltraitez. Les personnels le refusent. L'explosion de la communauté éducative et la mise en concurrence des territoires ne sont pas acceptables. Les enjeux sont graves. De plus, vous ne respectez pas les engagements pris au printemps dernier.

Tel est le cadre dans lequel s'inscriront les amendements que défendra mon ami Daniel Paul.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Monsieur le ministre, pour quelques minutes encore, nous sommes le 2 mars. Eh bien, il y a vingt-deux ans aujourd'hui était promulguée la loi du 2 mars 1982, dite loi de décentralisation, mais que je préfère appeler de son titre officiel : « loi relative aux droits et libertés des communes, départements et régions ».

Monsieur le ministre, si vous avez la curiosité de vous reporter aux débats de l'époque, vous constaterez que ces derniers avaient lieu dans l'hémicycle en présence de M. Pierre Mauroy, de M. Gaston Defferre et des ministres concernés.

Les débats ont été longs - vous pouvez le vérifier - mais à l'époque personne n'a contesté leur nécessité. Dans le gouvernement de Pierre Mauroy, ni Gaston Defferre, ni aucun autre ministre concerné, n'a parlé d'obstruction lorsque vos amis, notamment M. Toubon, s'arc-boutaient, jusqu'à deux, trois ou quatre heures du matin, dans la défense d'amendements nombreux, divers et variés.

M. Pierre Albertini. Ce n'est pas ce que M. Toubon a fait de mieux.

M. Alain Néri. Monsieur le ministre, il convient parfois de faire attention aux propos que l'on tient. Plutôt que d'accuser les autres d'obstructions, un retour en arrière vous aurait permis de vous rappeler qu'il y a vingt-deux ans - ce qui n'est pas si lointain -, lorsque François Mitterrand avait demandé au gouvernement de Pierre Mauroy d'engager la décentralisation, véritable révolution dans l'organisation de notre pays, le projet avait donné lieu à des discussions aussi longues que passionnées.

Monsieur le ministre, nous abordons aujourd'hui le volet éducation du projet de loi. Nous sommes néanmoins bien obligés de constater que ce projet de décentralisation que vous nous proposez est un faux projet de décentralisation. Il vise en réalité au démantèlement de l'Etat ...

M. Michel Piron. Il y avait longtemps !

M. Didier Migaud. Eh oui !

M. Alain Néri. ...et, tel qu'il est, le projet de loi relatif aux responsabilités locales institue le transfert des compétences sans les moyens financiers, ce qui conduira inéluctablement à la hausse des impôts locaux et à l'abandon de politiques publiques dont bénéficie l'ensemble de nos concitoyens.

M. Michel Piron. C'est le thème de l'éternel retour.

M. Alain Néri. Ce n'est pas faire œuvre d'égalité de traitement entre les territoires.

J'avais pensé que, sur tous les bancs de notre assemblée, nous restions attachés à travers la décentralisation à une solidarité entre les territoires et entre les hommes. C'est exactement le contraire que vous nous proposez, notamment dans le domaine très important de l'éducation.

Il est des compétences régaliennes de l'Etat qui ne peuvent pas être discutées : la défense, la santé, la justice, la police et l'éducation nationale. Sur ces plans-là, l'Etat a nécessairement un rôle propre de régulateur à jouer.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Néri.

M. Alain Néri. Nous ne pouvons pas accepter le démantèlement du service public de l'éducation nationale et la marche vers la privatisation possible de ce service public qu'annoncent les conditions inacceptables - et non acceptées par les intéressés - dans lesquelles se fait le transfert des TOS. Il s'agit d'un transfert à la hussarde, qui voit un ministre dire blanc un jour et un autre ministre dire noir le lendemain.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.


M. Marc-Philippe Daubresse
, rapporteur. Nous sommes le 3 mars depuis quelques instants, monsieur Bonrepaux ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le rapporteur, je souhaite vous parler des travaux de la commission et non de questions de date !

J'ai pris connaissance avec intérêt des travaux de la commission des lois, dont je ne suis pas membre. J'ai constaté que l'amendement déposé par notre collègue Bernard Derosier, qui visait à supprimer l'article 67 bis, avait été rejeté après voir reçu un avis défavorable du rapporteur, malgré un certain nombre d'intervention pertinentes de membres de la majorité.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. Non !

M. Augustin Bonrepaux. Cela figure pourtant au compte rendu, monsieur Tian !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. C'est vrai, je le confirme.

M. Augustin Bonrepaux. J'avais donc, monsieur le ministre, des raisons de m'inquiéter, d'autant que je n'ai trouvé nulle part, ni dans le compte rendu des travaux de la commission, ni dans les liasses d'amendements qui nous ont été distribuées, l'amendement proposé par Gouvernement. Je me réjouis de son existence, que je viens d'apprendre, et puis vous assurer que nous le soutiendrons. Mais vous ne pouvez me faire reproche de l'ignorer.

Voilà pourquoi je m'inquiétais de cette mesure qui pourrait se traduire, comme l'a souligné René Dosière, par un coût important à la charge des départements.

Cela dit, l'absence du ministre de l'éducation nationale est incompréhensible au moment où nous discutons d'un article qui définit les compétences de l'Etat en matière d'éducation. C'est une quasi-démission ! Peut-être ne fait-il qu'anticiper, d'ailleurs... Ne devrait-il pas être ici pour nous parler des compétences en question, et surtout des moyens qu'il compte mobiliser pour les exercer ? Car force est de constater, à la suite d'Alain Néri, que nous nous acheminons aujourd'hui vers le démantèlement de l'éducation nationale et de la responsabilité de l'Etat.

Il en va bien de la responsabilité de l'Etat, en effet, lorsque l'on diminue le nombre de postes de professeurs ou lorsque l'on supprime les maîtres d'internat ou les emplois- jeunes.

Avec la décentralisation, on va transférer aux départements, comme on le fait déjà, un certain nombre de moyens pédagogiques alors que la loi prévoit que ceux-ci, pour les collèges et les lycées, restent de la compétence de l'Etat. De plus, comment mettre en œuvre ces moyens alors que l'on supprime des postes ? Il est inutile de mettre à la disposition des collèges ou des écoles du matériel informatique si l'on ne dispose pas des assistants d'éducation pour en assurer la bonne utilisation. La dépense départementale sera mal employée, et ce au détriment de la formation des enfants.

Vraiment, la présence du ministre de l'éducation nationale est indispensable. Peut-être le ministre délégué est-il retenu au Sénat, mais il aurait aussi bien pu venir ici pour s'expliquer !

Pourquoi les très jeunes enfants ne sont-ils plus acceptés dans les classes maternelles comme autrefois et détournés vers les haltes-garderies ou les crèches, qui sont, elles, à la charge des collectivités locales ? C'est, là aussi, un important transfert de charges.

Comment la décentralisation des TOS sera-t-elle organisée ? Qu'en sera-t-il pour les collèges ? Ce n'est pas vous, monsieur le ministre, qui allez vous charger de tout cela à la rentrée prochaine !

M. le président. Concluez, s'il vous plaît.

M. Augustin Bonrepaux. Excusez-moi, monsieur le président, mais c'est un point important.

M. le président. Soit, mais votre temps de parole est écoulé.

M. Pascal Clément, président de la commission. Oui, c'est terminé !

M. Augustin Bonrepaux. Je le répète, la présence du ministre de l'éducation nationale était indispensable ce soir.

M. le président. Vous l'avez déjà dit dans votre rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Nous prenons note de sa démission anticipée ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Très bien !

M. le président. Sur l'article 60, je suis saisi d'un amendement n° 1136.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Une fois n'est pas coutume, je suis entièrement d'accord avec les propos M. Bonrepaux.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. « Une fois n'est pas coutume » ?...

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. Vous vous détestez à ce point ? (Sourires.)

M. Daniel Paul. Non, mais il est normal de faire la part des choses. Le fait que nous ne soyons pas d'accord sur tout donne au contraire plus de relief à notre accord sur cette question.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Comme c'est beau !

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, il faut garantir à chacun des élèves une chance égale de réussir sa scolarité et de s'épanouir dans sa vie professionnelle future. Or cette égalité n'est garantie que par une organisation du système éducatif d'ampleur nationale, ce qui suppose des programmes décidés au niveau national, des concours et des diplômes nationaux, des crédits, des horaires et des moyens d'information et d'orientation répartis selon les besoins.

Malheureusement, cet article nous éclaire sur la politique de votre gouvernement en matière d'éducation nationale.

Jusqu'à présent, les compétences attribuées à l'Etat reposaient sur un fondement de nature constitutionnelle : aussi peut-on se demander si le présent article était bien nécessaire. Ce fondement constitutionnel attribue à l'Etat la responsabilité de la politique de l'éducation, des orientations pédagogiques, du contenu des enseignements et des diplômes, des formations dispensées. Il revient également à l'Etat de gérer les questions posées par le recrutement, l'affectation, la formation et la rémunération de tous les personnels rattachés à l'éducation nationale. Il prend aussi en charge certaines dépenses pédagogiques.

Dans ce domaine, une collaboration étroite existe depuis longtemps avec les collectivités locales, qui assurent la construction, la reconstruction, l'équipement et le fonctionnement des écoles, des collèges et des lycées. Les collectivités sont également consultées pour ce qui est de l'implantation et des aménagements des établissements d'enseignement supérieur sur leur territoire. La planification scolaire donne lieu à une concertation entre différents niveaux nationaux, régionaux et locaux. C'est une réalité de terrain, comme tous les rapporteurs en conviennent.

A moins que le Gouvernement n'envisage le démantèlement du service public de l'éducation nationale et le renforcement des inégalités sur le territoire, il nous paraît parfaitement inutile de faire figurer l'éducation et les enseignements dans la loi relative aux responsabilités locales.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. Je suis étonné car, au rebours de ce que vient de dire M. Paul, le Gouvernement a tenu à mentionner de façon extrêmement précise, voire quelque peu fastidieuse, l'ensemble des missions publiques en matière d'éducation.

M. Bernard Accoyer. Très juste !

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. Ce rappel nous avait même un peu surpris en commission, car cela nous semblait aller de soi. Si l'on a tenu à répéter ce qu'est le rôle de l'Etat, c'est pour qu'il n'y ait pas la moindre ambiguïté.

Vraiment, monsieur Paul, votre démarche intellectuelle est stupéfiante : que n'aurions-nous pas entendu s'il n'avait pas été procédé à ce simple rappel !

Pour ce qui est de la médecine scolaire, monsieur Bonrepaux, vos collègues du groupe socialiste qui siègent à la commission n'ont pas pu ignorer l'existence d'un amendement visant à ce que la médecine scolaire reste de la compétence de l'Etat. Il est étonnant que vous ne vous parliez pas plus, entre membres de commissions différentes !

M. Bernard Accoyer. C'est l'autisme bien connu des socialistes !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 1136 ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Si vraiment je tenais à faire preuve de malice envers l'opposition, je donnerais un avis favorable. Il faut savoir en effet que cet article, qui rappelle les missions de l'Etat en matière d'éducation nationale, a été rédigé à la demande expresse des partenaires sociaux. Il représente l'engagement du Gouvernement à leur égard.

Je suis, pour cette raison, défavorable à cet amendement, mais il est amusant, monsieur Paul, que vous vous mettiez ainsi en contradiction avec les partenaires sociaux.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le rapporteur pour avis, je vous rappelle que le rapport de la commission des lois, qui est saisie au fond, précise bien que l'amendement relatif à la médecine scolaire a été repoussé.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je le confirme.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1136.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement, n° 816.

La parole est à M. Alain Néri, pour le soutenir.

M. Alain Néri. Nous demandons par cet amendement la suppression du I de l'article, qui complète le code de l'éducation et énumère les compétences de l'Etat en matière d'éducation.

Sauf erreur de ma part, l'objet principal de ce projet de loi est le transfert de compétences de l'Etat aux collectivités locales. C'est donc dans le souci de préserver la cohérence du texte que nous proposons la suppression de ce paragraphe. Il est inutile de préciser, dans un texte sur la décentralisation, que l'Etat assume des missions qui comprennent la fixation des programmes nationaux, la définition et la délivrance des diplômes nationaux, entre autres : ce sont ses missions par essence, ses missions régaliennes. Sur l'ensemble du territoire, l'école doit être celle de l'égalisation des chances ; elle doit viser à donner à tous les petits Français et à toutes les petites Françaises la possibilité de développer au maximum leurs possibilités et de s'épanouir pleinement. Pour cela, il faut que la même règle s'applique dans tout le pays.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. C'est précisément ce qui est écrit dans le texte que vous voulez supprimer !

M. Alain Néri. Il est faux de dire, monsieur Tian, que nous ne sommes pas intervenus en commission des affaires culturelles : relisez le compte rendu de nos travaux. Nous sommes intervenus longuement sur les articles relatifs à l'éducation car nous estimons que le sujet mérite d'être approfondi.

Il est inutile, selon nous, de préciser de nouveau des choses qui sont parfaitement naturelles,...

M. le ministre délégué aux libertés locales. Dites-le donc à la FSU !

M. Alain Néri. ...à moins, peut-être, que l'on ne veuille introduire dans la loi une forme de co-responsabilité de l'Etat et de la collectivité territoriale dans ce domaine, ce qui trahirait un début de démission de l'Etat.

Ces précisions cacheraient-elles de mauvaises intentions ? Le Gouvernement veut-il que l'éducation ne dépende plus de l'Etat ? Veut-il s'en délester sur les collectivités locales ? Ce serait un grave recul.

L'ensemble de la gauche est d'accord sur ce point - et sans doute la droite pourrait-elle nous rejoindre : l'éducation doit être nationale.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. Elle l'est !

M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est ce que vous voulez supprimer dans le texte, monsieur Néri !

M. Alain Néri. Si elle est nationale, nous considérons qu'il n'est pas nécessaire de le répéter dans ce texte. L'enfer étant pavé de bonnes intentions, prenons nos précautions, monsieur le ministre !

M. Pascal Clément, président de la commission. Vous ne croyez même pas à ce que vous dites !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Comme vient de le dire le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelle, le I de l'article 60 vise justement à répondre à une demande des syndicats de l'éducation nationale, à la suite d'une concertation organisée par le ministre de l'intérieur, le ministre de l'éducation nationale et le ministre délégué aux libertés locales. Il s'agit de réaffirmer que l'éducation est un service public de l'Etat, sous réserve des compétences qui sont transférées aux collectivités territoriales.

Je suis très surpris, monsieur Néri, que cet amendement ait été cosigné par Yves Durand que je connais bien - nous sommes élus dans le même département. Il a développé exactement le contraire de votre argumentation, en ma présence, devant les syndicats de l'éducation nationale - il a d'ailleurs fait partie de l'un d'entre eux à une époque.

Nous affirmons dans ce premier paragraphe que l'éducation est un service public de l'Etat, et nous en énumérons les missions. Vous voulez le supprimer ? Je vais en informer tous les syndicats ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous nous dites que les collectivités vont se voir transférer des compétences dans certains domaines. En ce qui concerne la médecine scolaire, je confirme ce qu'a dit M. Bonrepaux. Mais qui a proposé de transférer les personnels TOS de l'éducation nationale ? La commission Mauroy. Et pas par un consensus mou : M. Mauroy lui-même, que je vois toutes les semaines et qui, auditionné par la commission des lois, a confirmé qu'il était pour la décentralisation des personnels TOS, bien que certains de ses amis ne soient pas d'accord.

Ainsi, cet article commence par confirmer que l'éducation est un service public de l'Etat et continue en mettant en œuvre une proposition, tout à fait fondée, de Pierre Mauroy. Je suis donc très surpris de votre attitude. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est vraiment un dialogue de sourds, et il n'y a pire sourd que celui qui ne veut entendre...

Monsieur Néri, je vous ai rappelé à l'occasion de l'amendement précédent que nous avions pris ces dispositions dans le cadre d'une concertation avec les partenaires sociaux, et en particulier avec la FSU, qui n'est pas encore adhérente de l'UMP.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Cela va venir !

M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est une garantie que les syndicats de l'éducation nationale nous ont demandé d'inscrire dans la loi. Nous l'avons fait, par respect des engagements que nous avons pris envers eux dans le cadre de cette concertation.

Vous venez de nous dire qu'il y a un point sur lequel toute la gauche - et la droite aussi, espérez-vous - est d'accord : l'éducation est un service public national. Or c'est ce que vous voulez supprimer du texte ! Je n'y comprends plus rien.

Les propos de M. Daubresse sur les TOS sont frappés au coin du bon sens. Et je ne résiste pas au plaisir de vous citer le rapport Mauroy : « La logique implique maintenant que les 95 000 personnels affectés aux tâches d'entretien et de maintenance soient mis à disposition des collectivités territoriales. Les collectivités gèrent et entretiennent ces bâtiments, alors que les personnels compétents ne sont pas placés sous leur autorité. Cette situation est incohérente. »

M. Bernard Accoyer. C'est clair !

M. le ministre délégué aux libertés locales. M. Mauroy propose donc - c'est la proposition n° 22 - que l'ensemble des personnels techniciens, ouvriers et agents de service, soient mis à la disposition des régions et départements pour l'exercice de leurs compétences.

La seule différence qu'il y a entre nous est la suivante : vous proposez une mise à disposition, tandis que nous proposons de laisser à l'agent la possibilité d'opter pour un détachement de longue durée, tout en conservant son statut, ou d'être intégré. C'est tout !

M. Augustin Bonrepaux. Mais non !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Cet amendement ne me semble pas très sérieux, et je ne pense pas que Luc Ferry aurait dit autre chose.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Bernard Accoyer. Il n'y a plus rien à dire !

M. Alain Néri. Il est aujourd'hui écrit dans le code de l'éducation que celle-ci est nationale. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous n'avons pas en vous une confiance extraordinaire.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Et nous, nous n'avons pas confiance en vous !

M. Bernard Accoyer. C'est un procès d'intention, Monsieur Néri !

M. Alain Néri. Nous avons déjà entendu des ministres se contredire.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est une proposition Mauroy !

M. Alain Néri. En tout cas, nous considérons que s'il n'y a pas de mauvaises intentions cachées derrière vos propos et vos propositions, il n'y a aucune raison de réécrire ce qui est déjà dans le code.

M. Daniel Paul. Très bien !

M. Alain Néri. Sur ce point, notre position est claire. Quant à vous, monsieur Daubresse, si vous avez une remarque à faire à M. Durand, il serait plus correct de la faire en sa présence.

Enfin, monsieur le ministre, nous aurons l'occasion de revenir sur le transfert des TOS lorsque nous examinerons les amendements. Inutile de brouiller les cartes en multipliant les discours. Je vous ferai néanmoins remarquer que vous étiez tellement d'accord avec le rapport Mauroy que vous avez quitté la commission, M. Raffarin en tête !

M. Bernard Accoyer. C'est vous qui contredisez Mauroy !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. C'était pour des raisons de recentralisation !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Déjà, si l'Etat assumait correctement ses compétences et accordait les moyens nécessaires, il ne serait pas la peine de préciser tout cela. Mais les crédits diminuent, et ce n'est pas parce que vous aurez écrit, par exemple, que le recrutement et la gestion des personnels relèvent de la responsabilité de l'Etat, qu'il y aura suffisamment de personnels.

Monsieur le ministre, à propos des TOS, vous dites que la seule différence qu'il y a entre nous relève, en réalité, de l'interprétation. Non ! Le fond du problème, c'est que depuis le début de la décentralisation, nous constatons que les charges ne sont pas compensées. C'est le cas, par exemple, pour le RMI et le RMA.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Faites venir tout de suite M. Fillon ! (Sourires.)

M. Augustin Bonrepaux. S'agissant du fonds de solidarité logement, vous avez avoué hier que la compensation serait inférieure au niveau de 2002, qui était de 68 millions ; on est passé à 56, pour remonter à 70, mais la moyenne ne fait que 63. Il y a donc une perte de ressources pour les collectivités locales.

S'agissant de la compensation des transferts, qu'indique la Constitution ? Que la compensation porte sur les crédits inscrits au budget de l'année précédente. Croyez-vous vraiment que les charges de gestion des départements seront compensées ? Je prends le cas de l'Ariège : vous n'allez pas me dire qu'on « balance » 85 personnels dans la nature sans prévoir leur gestion ? Comment ces charges seront-elles évaluées ? Et puis, comme je ne cesse de le répéter, dans les collèges, il n'y a pas que des agents de l'éducation nationale. Que nous avez-vous répondu à ce propos ? L'autre soir, le rapporteur de la commission des lois a semblé nous donner quelques précisions ; j'en attends la confirmation.

Notre inquiétude est que vous n'avez pas voulu définir les conditions financières du transfert avant que celui-ci ait lieu. On décide maintenant du transfert, mais nous ignorons comment seront faites les compensations.

Les parlementaires et les membres de la commission des finances ont de quoi être préoccupés : quelles seront les charges transférées, comment seront-elles compensées ? Cette compensation sera-t-elle même effectuée ? Sera-t-elle évolutive ? Les charges de personnel augmentent chaque année de 3 % ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voilà des questions auxquelles il serait bon de répondre.

M. le président. La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini. Comme nous sommes en plein dialogue de sourds, je ne voudrais pas que mon silence soit mal interprété et je tiens à préciser la position de mon groupe.

M. Bernard Accoyer. Cet après-midi, avec Bayrou, ce n'était pas très clair.

M. Pierre Albertini. On m'a présenté comme un décentralisateur. Je l'assume, mais je considère comme un principe intangible que l'éducation doit rester nationale.

M. Alain Néri. Très bien !

M. Pierre Albertini. J'ai participé à la révision du code de l'éducation lorsque je faisais partie de la commission supérieure de codification. Il ne m'avait pas échappé, ainsi qu'aux autres, que, sur le plan des principes, ce code était assez bref. Au moment où des compétences supplémentaires, même marginales, sont transférées aux collectivités locales, il me semble normal de remettre le code à jour. Il n'y a rien de scandaleux à réactualiser ainsi les compétences majeures de l'Etat en matière d'éducation.

Le transfert des TOS a déjà été proposé par la commission Mauroy. J'ajoute que tout le système de l'enseignement primaire, maternel et élémentaire, en France repose aujourd'hui sur une association qu'aucun directeur ou directrice d'école ne voudrait modifier : la compétence des maîtres, sous l'autorité de l'Etat, et les moyens mis à la disposition par les communes. C'est un vieux principe républicain !

M. le ministre délégué aux libertés locales. De Jules Ferry, voulez-vous qu'on le fasse venir ? (Sourires.)

M. Pierre Albertini. Je ne comprends pas le procès d'intention selon lequel le transfert des TOS menacerait le socle sur lequel repose notre système depuis le début de la IIIRépublique.

La réaffirmation des principes est nécessaire. Mais pourquoi suspecter des arrière-pensées ? Pourquoi de telles inquiétudes ? Il ne s'agit que d'une mise à jour et d'un rappel solennel. En réalité, vous allez chercher au-delà du texte lui-même. D'où un dialogue de sourds qui pourrait continuer pendant des heures !

Je regrette qu'on ait placé le débat sur ce terrain. D'autant que nous sommes tous d'accord, à mon avis, pour considérer que, pour assurer l'égalité des chances, l'éducation est et doit rester nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. La dialectique de M. Bonrepaux est pour moi un sujet de perpétuel étonnement : il proclame une thèse, n'entend jamais l'antithèse et ignore totalement la synthèse, ce qui ne nuit nullement à sa capacité de développement ...

Dans ce dialogue de sourds, force est de répéter que dans ce projet, le transfert des charges de matériel comme de personnel a été clairement défini et assis sur les bases les plus loyales. Un titre entier définit le transfert des charges de personnel, des articles 77 à 87.

Si de temps en temps, dans le cadre du dialogue entre majorité et opposition, on pouvait prendre en compte tous les éléments, cela nous permettrait d'avancer.

M. André Chassaigne. Je demande la parole. 

M. le président. Je considère que le débat sur cet amendement est terminé.

M. André Chassaigne. Je proteste !

M. le président. Ce n'est pas un droit absolu que de s'exprimer sur un amendement.

Je mets aux voix l'amendement n° 816.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 69 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 1137.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre souci de préciser que l'éducation est un service public national. Si tel est vraiment le cas, vous ne verrez pas d'inconvénient à notre amendement, qui tend à ajouter, dans le cinquième alinéa de l'article, après le mot « personnels », les mots « enseignants, ingénieurs, administratifs, techniciens ouvriers de santé et de service, vacataires et assistants d'éducation ».

M. Michel Piron. Et concierges !

M. Daniel Paul. De cette façon, la variété des personnels qui interviennent dans l'acte éducatif sera bien signifiée. Car, dans un établissement scolaire, le personnel enseignant assure la fonction pédagogique, mais il est entouré d'une équipe éducative qui comprend au moins des techniciens ou des techniciennes, parfois des ingénieurs. En outre, vos intentions apparaîtront clairement.

Derrière votre projet se profile le risque d'externalisation de certains services. M. Albertini a indiqué que les écoles du premier degré fonctionnent très bien avec les personnels de service, de nettoyage, éventuellement de cantine. Toutefois, on a pu constater des cas de privatisation. On peut craindre, au même titre, que votre loi ne favorise la privatisation de services tels que le nettoyage et la restauration...

M. Alain Gest. C'est déjà le cas !

M. Daniel Paul. ...qui, relevant aujourd'hui de l'Etat, sont moins soumis à cette tendance. Notre souci est de voir maintenues les missions de service public. C'est pourquoi nous demandons que soient répertoriés de façon très exhaustive, dans le présent texte de loi, tous les métiers de l'éducation nationale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Sous prétexte de donner une liste détaillée, vous rendez les techniciens, ouvriers de santé et de service, autrement dit les TOS, à la compétence de l'Etat. Avis défavorable.

M. Daniel Paul. Vous pouvez sous-amender !

M. le ministre délégué aux libertés locales. S'agissant des risques de privatisation, notamment de la restauration scolaire, vous auriez dû en parler avec M. Brard qui a privatisé la restauration scolaire de Montreuil. (« Quelle honte ! » et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pire encore, il se fournit à Antony !

M. Yves Simon. Faites ce que je dis, pas ce que je fais !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1137.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1138.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1138.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1140.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Par cet amendement, nous proposons de réaffirmer le rôle de l'Etat en matière de développement des outils et des méthodes pédagogiques à travers les établissements nationaux de recherche pédagogique dont fait partie le CNDP, le Centre national de documentation pédagogique.

En ce qui concerne les outils et les méthodes pédagogiques, nous estimons qu'ils doivent rester du seul ressort d'un service public d'édition. Or l'annonce récente de la délocalisation du CNDP et les différentes orientations données sur son évolution et celle de ses centres régionaux, les CRDP, nous font craindre que ce domaine ne soit bientôt évacué vers le secteur marchand, avec toutes les dérives que cela suppose. Certaines lettres de cadrage et diverses déclarations laissent présager le pire, notamment s'agissant des technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement, ce qu'on appelle dans le jargon les TICE.

La mission de service public circonscrite par l'Etat permet d'offrir un service adapté et de qualité. Il faut refuser toute dénaturation et toute détérioration dans ce domaine. Les conséquences seraient, en effet, désastreuses pour le monde éducatif dans son ensemble si les outils et les méthodes pédagogiques faisaient l'objet d'une marchandisation. Voulons-nous d'une école dans laquelle des « packs » pédagogiques préétablis seraient distribués à des enseignants dont la seule marge de manœuvre serait de les régurgiter aux élèves sans aucune autonomie personnelle ? Ne le nions pas, cela existe. Voulons-nous d'une école à l'américaine, dans laquelle les entreprises privées se battraient à coup de millions pour obtenir les marchés de l'édition, avec pour seul but le profit au détriment du contenu de l'enseignement, des enseignants, des documentalistes et, bien sûr, des enfants ? Le risque existe de voir proposer aux élèves des exercices de mathématiques mentionnant une marque de lait ou de lessive !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable. L'Etat définit, on le sait, le contenu des formations et les méthodes pédagogiques. Faut-il pour autant lui donner le monopole de l'édition et de la diffusion des outils et méthodes pédagogiques ? Ce serait un formidable retour en arrière, car il ne le détient plus depuis longtemps.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Très juste !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Quant à l'éventuelle délocalisation du CNDP en Poitou-Charentes, je ne vois pas où est le problème. Le CNED, qui est un outil majeur de l'éducation nationale, a été décentralisé de la même manière il y a quelques années. Cela se passe aujourd'hui très bien.

M. Daniel Paul. C'est autre chose !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Sans doute, mais cela montre qu'il n'y a rien de scandaleux dans une délocalisation. Au contraire, elle participe à la régénération du tissu régional. Du reste, c'est ce que vos élus de province demandent sur le terrain. Or, à l'Assemblée nationale, ils disent le contraire. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1140.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1139.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Pour défendre cet amendement, je vais évoquer la journée de Sophie, élève au collège en 2004, sous votre gouvernement. (« On a déjà entendu ça quelque part ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

A huit heures, Sophie arrive à l'entrée du collège. Elle est accueillie par un vigile, qui surveillait un parking avant d'être engagé comme assistant d'éducation, car il n'y a plus de surveillant.

M. Yves Simon. C'est le résultat de votre politique !

M. Pierre Lequiller. C'est n'importe quoi, monsieur Paul !

M. Daniel Paul. Dois-je vous rappeler, chers collègues, qu'il y a quelques semaines, dans un département voisin, il était fortement envisagé de faire venir un officier de police à l'intérieur d'un collège ?

M. Michel Piron. Un seul collège !

M. Daniel Paul. A huit heures trente, son professeur de mathématiques, en congé de maternité, n'est toujours pas remplacée depuis plusieurs mois.

M. le président. La journée est longue, monsieur Paul ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est un roman-feuilleton !

M. Daniel Paul. Sophie veut aller au CDI, mais le conseil général n'a pas engagé de personnel pour le faire fonctionner ce jour-là.

M. Yves Simon. Dans quel département ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. En Seine-Saint-Denis !

M. Yves Simon. Ah, le 9-3 !

M. Daniel Paul. A neuf heures, dans l'escalier, tagué depuis des mois, Sophie évite les détritus et les crachats. La société privée qui assure le nettoyage, engagée depuis que les agents de service ont été supprimés, ne fait que le minimum.

A neuf heures deux, elle arrive dans une salle glaciale et doit écrire avec des moufles : l'entreprise de chauffage a augmenté ses tarifs.

M. Yves Simon. C'est du Zola !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Cela dépasse même Zola !

M. le président. Monsieur Paul, tout cela ne figure pas dans l'amendement n° 1139.

M. Daniel Paul. Le conseil général, dont les obligations ont été multipliées, ne peut plus financer l'entretien de la chaudière.

A dix heures cinq,...

M. le président. Monsieur Paul, présentez, je vous prie, l'amendement n° 1139.

M. André Chassaigne. C'est ce qu'il est en train de faire !

M. le président. Non, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne. Cela devient une obsession chez vous d'empêcher les communistes de parler !

M. le président. Je vous dispense de vos commentaires. Je n'empêche personne de s'exprimer. Je demande simplement à M. Paul de bien vouloir présenter l'amendement n° 1139.

M. André Chassaigne. Ce n'est pas la première fois, c'est systématique !

M. le président. Monsieur Chassaigne, je me passerai de vos commentaires obsessionnels !

Poursuivez, monsieur Paul.

M. Alain Néri. D'autant que c'est très intéressant.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Ce n'est même plus du Zola, c'est du Dickens !

M. Christian Cabal. Cette histoire se passe en Union Soviétique ?

M. Daniel Paul. L'amendement que je défends indique que l'Etat assure l'accueil, la restauration, l'hébergement, ainsi que l'entretien général et technique des établissements dont il a la charge.

M. le président. Voilà.

M. Michel Piron. On revient au sujet !

M. Daniel Paul. J'illustre la défense de cet amendement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Vous n'êtes pas obligé d'aller jusqu'au bout de votre démonstration.

M. Daniel Paul. Pourquoi ?

M. le président. Parce que je ne vois pas très bien le rapport avec votre amendement.

M. Daniel Paul. Si justement.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas à vous d'apprécier, monsieur le président. La parole est libre !

M. le président. C'est vrai, monsieur Bonrepaux.

Poursuivez, monsieur Paul.

M. Daniel Paul. A douze heures dix, à la cantine,...

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Sophie est écrasée par une étagère ! (Sourires.)

M. Daniel Paul. ...Sophie découvre toujours le même plateau-repas surgelé, livré par l'entreprise de restauration depuis que les agents de cuisine n'existent plus.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. En plus, la nourriture est avariée ! (Sourires.)

M. Daniel Paul. Les tarifs ayant beaucoup augmenté, la moitié des élèves ne peut plus manger à la cantine.

M. Pierre Lequiller. Et vous êtes en dessous de la vérité : elle s'est même cassé le bras, Sophie !

M. Daniel Paul. A treize heures, elle n'a rien à faire : il n'y a plus d'activité au foyer depuis que les aides-éducateurs ont été renvoyés.

A quatorze heures trente, Sophie a un peu mal au ventre. (Rires.) Que faire ? Le conseil général a bien rénové l'infirmerie, mais il n'y a plus d'infirmière en poste dans l'établissement.

M. Pierre Lequiller. A ce moment-là, elle se tord le pied dans l'escalier !

M. le président. Monsieur Lequiller, laissez terminer M. Paul, ne rallongez pas le débat !

M. Pierre Lequiller. C'est n'importe quoi !

M. Daniel Paul. A quinze heures cinquante, Sophie montre à ses meilleures amies la lettre de sa copine Mélanie, qui habite dans la ville voisine, mais dans une autre région.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Ce sont Les malheurs de Sophie !

M. Daniel Paul. Alors que Sophie a cinq heures de français par semaine, Mélanie n'en a que trois. Dans chaque région, les priorités sont différentes. Mélanie s'inquiète : elle doit déménager l'année prochaine. Pourra-t-elle suivre en classe en ayant suivi un programme différent ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Ne serait-ce pas plutôt Svetlana ?

M. Daniel Paul. Cela peut faire sourire, monsieur le ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Gest. C'est plutôt affligeant !

M. Daniel Paul. Sauf que la loi que vous nous proposez, qui sera sans doute votée, est susceptible d'exposer notre système éducatif à ce genre de dysfonctionnements, pour ne pas dire de dangers.

M. Christian Cabal. On ne parle pas de cannabis dans votre histoire ?

M. Daniel Paul. Ce beau mot de « nationale » que vous avez voulu garder après « éducation », souhait que je partage,...

M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est pourquoi vous en avez demandé la suppression ?

M. Daniel Paul. ... je crains fort que de tels dysfonctionnements ne le fassent disparaître dans les prochaines années.

M. Michel Piron. Il y a de meilleurs romanciers !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 1139 ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je ne sais pas si M. Paul nous a réécrit Les malheurs de Sophie ou Les deux orphelines. En tout cas, nous venons d'être témoins de la même démarche de désinformation que celle entreprise l'année dernière, au moment de la réforme des retraites. On sait que vous êtes coutumiers du fait. La seule chose que vous n'avez pas dite, monsieur Paul, c'est dans quel pays se passaient Les malheurs de Sophie. Dans un pays de l'Est, peut-être ?

M. Yves Simon. C'était à Moscou !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Les communistes ont effectivement gardé leurs bonnes vieilles méthodes. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Nous nous étions inquiétés il y a quelques heures de l'état de fatigue éventuel du ministre, je m'aperçois que c'est surtout de l'excitation (« C'est à cause de Sophie ! » sur plusieurs bancs) que nous devons déplorer.

Nous sommes favorables à cet amendement...

M. Michel Piron. C'est du roman, du mauvais roman !

M. Alain Néri. Je ne vous parle pas de l'intervention de M. Paul, je vous parle du contenu de l'amendement. (Exclamations.)

M. le président. Poursuivez, monsieur Néri !

M. Alain Néri. Je rassurais mes collègues qui ne suivaient pas.

M. le président. Tout le monde suit !

M. Alain Néri. C'est une vieille méthode pédagogique que de s'arrêter pour voir si les auditeurs ont compris.

Effectivement, il est de la responsabilité de l'Etat d'assurer l'accueil, la restauration, l'hébergement, ainsi que l'entretien général et technique des établissements dont il a la charge, dans un souci d'égalité de traitement et d'équité. Qui pourra, en effet, empêcher un président de conseil général ou de conseil régional de refuser de prendre en charge une compétence qui a été transférée à sa collectivité sans que ce transfert s'accompagne de l'octroi par l'Etat des ressources correspondantes ? Cette éventualité risque d'autant plus de se concrétiser qu'il y a un manque de personnels TOS dû aux retards que le gouvernement de M. Raffarin accumule depuis deux ans en matière de recrutement.

M. Augustin Bonrepaux. C'est ça le vrai problème !

M. Alain Néri. Alors que le gouvernement de Lionel Jospin avait enclenché une véritable politique de rattrapage pour le recrutement des TOS (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), le gouvernement actuel a stoppé toute nouvelle création de postes dans ce domaine, sans doute en prévision du transfert puisqu'on calculera le montant des crédits transférés à partir de la situation actuelle, sans prendre en compte les besoins indispensables sur le terrain et variables en fonction des départements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1139.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 60.

(L'article 60 est adopté.)

Après l'article 60

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1141, qui tend à insérer un article additionnel après l'article 60.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le défendre.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, un incident comme celui de tout à l'heure s'était déjà produit avec moi alors que vous présidiez la séance ! Déjà vous m'aviez refusé la parole.

M. le président. Je n'en ai aucun souvenir !

M. André Chassaigne. Moi, j'en ai des souvenirs très précis !

L'amendement n° 1141 tend à préciser les missions du CNDP et des CRDP.

L'annonce de la délocalisation du Centre national de documentation pédagogique, le CNDP, à Chasseneuil-du-Poitou...

M. Alain Néri. Ça aurait pu être à Beauregard-l'Evêque !

M. André Chassaigne. C'est le fait du prince ! Vous n'êtes pas encore prince, monsieur Néri !

Cette délocalisation, disais-je, suscite de graves inquiétudes concernant tant la mission même de cet organisme que le sort de ses employés et de leurs familles.

Cette décision se révèle être étroitement liée à la décentralisation mise en œuvre par le Gouvernement. C'est ce qui nous a conduits à déposer cet amendement, qui vise à préciser dans la loi les missions du CNDP énoncées dans l'article 12 de la loi du 10 avril 1954, selon lequel le Centre exerce auprès des établissements d'enseignement supérieur, des lycées, des collèges, des écoles et des communautés universitaires et éducatives une mission de documentation, d'édition et d'ingénierie éducatives et coordonne l'activité des centres régionaux de documentation pédagogique, les CRDP.

Notre amendement s'appuie sur un décret de 2002 qui définit la mission de service public du réseau CNDP-CRDP et réaffirme son rôle d'éditeur et de producteur publics de l'éducation nationale, en élargissant le champ d'une circulaire de 1998 de l'édition papier à l'ensemble des supports.

Le CNDP coordonne actuellement un réseau décentralisé de trente et un centres régionaux et de quatre-vingt-trois centres départementaux, auxquels s'ajoutent une centaine de librairies et médiathèques. C'est dire son importance et la nécessité de conforter sa mission, mission qu'il ne pourra mener à bien qu'en restant au plus près des centres décisionnels de l'Etat, c'est-à-dire dans la région parisienne.

Le CNDP est un acteur majeur de l'éducation nationale en matière de production pédagogique, et il apparaît primordial que ce rôle soit reconnu dans la loi.

Qui plus est, cela permettrait que tous les supports soient traités de façon égalitaire. Il ne faut pas qu'une priorité soit donnée, comme on peut le craindre, aux technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement, les TICE - avec, à terme, le développement de partenariats privés - au détriment de l'édition écrite et audiovisuelle.

Le CNDP est un organe de l'Etat au service du monde éducatif, des enseignants, des élèves et des parents. Il est aujourd'hui menacé, et notre amendement a pour objectif d'éviter des dérives aux conséquences gravissimes pour son avenir et pour celui de ses centres régionaux.

M. Pierre Goldberg. Tout à fait !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. C'est hors sujet, cela relève du domaine réglementaire. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. C'était passionnant mais cela n'a rien à voir avec le texte. Défavorable.

M. Pierre Goldberg. Nous passons de l'excitation au mépris !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Même si cela relève du domaine réglementaire, il me semble normal qu'au moment où l'on parle de décentralisation, de répartition des compétences, nous demandions au ministre si le CNDP et les CRDP resteront de la compétence de l'Etat ou si les collectivités devront en assumer la charge. Ce n'est pas retarder les débats ...

M. le ministre délégué aux libertés locales. Oh non !

M. Augustin Bonrepaux. ...que d'exiger une réponse sur ce point, d'autant que ces centres disposent de moins en moins de moyens.

Par ailleurs, on ne peut qu'être inquiet de la décentralisation du CNDP sur un tel site. Nous sommes pour les délocalisations, mais à condition que cela ne porte pas préjudice au service, et je ne vois pas comment les relations entre l'Ariège et Chasseneuil-du-Poitou seront facilitées par cette décentralisation.

Ces centres resteront-ils de la compétence de l'Etat, monsieur le ministre ? Si nous ne pouvons pas avoir de réponse, je ne suis pas sûr que cette décentralisation se fasse dans les meilleures conditions, et nous pouvons avoir des inquiétudes.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Comme tous mes collègues de l'opposition, je suis choqué par le mépris dont vous faites preuve à notre égard, monsieur le ministre, lorsque nous intervenons.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Votre amendement n'a rien à voir avec le texte !

M. André Chassaigne. Votre conception de ce qui relève de l'ordre réglementaire évolue. Il n'y a qu'à voir toute la série de précisions qui ont été apportées tout à l'heure à l'article 60. Selon le code de l'éducation, l'éducation est un service public de l'Etat, sous réserve des compétences attribuées aux collectivités territoriales. C'est très clair ! Or, dans le projet de loi, il est désormais question d'un service public national. Vous n'avez pas précisé tout à l'heure qu'il y avait un glissement de vocabulaire. Toutes les précisions que vous apportez ensuite, soi-disant à la demande des syndicats enseignants, relevaient auparavant de l'ordre réglementaire ; pourtant, vous les avez inscrites dans le projet. Nous vérifierons d'ailleurs si les syndicats ont demandé qu'il en soit ainsi.

L'amendement que je présente permet lui aussi d'apporter des précisions, à la demande de syndicats qui s'inquiètent de l'avenir du CNDP et des CRDP. Si vous ne voulez pas les inscrire dans le projet, c'est parce qu'il y a anguille sous roche et qu'il y a derrière tout ça une volonté de privatisation.

Votre mépris, monsieur le ministre, vous pouvez le garder pour vous !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1141.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 61

M. le président. Sur l'article 61, je suis saisi de plusieurs amendements.

Je vous annonce d'ores et déjà que, sur l'amendement n° 1143, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je suis saisi de l'amendement n° 1142.

La parole est à M. Pierre Goldberg, pour le défendre.

M. Pierre Goldberg. Cet amendement tend à supprimer l'article 61. Pourquoi, en effet, encore une fois, multiplier de manière excessive les instances de consultation, de concertation et de décision ? Pourquoi ne pas plutôt améliorer le fonctionnement des structures existantes ? La création du conseil territorial de l'éducation nationale confirme la dimension dogmatique de votre projet. Vous cherchez à tout prix à faire passer l'idée du partage, de l'éclatement des compétences au sein d'une institution. La simplification administrative n'est-elle pas un objectif, certes démagogique mais en tout cas prioritaire du Gouvernement ? Vous êtes en pleine contradiction ! Après avoir supprimé des instances au niveau local, le Gouvernement propose la création d'une lourde super-structure au niveau central. En matière de déconcentration, il me semble qu'il est possible de faire mieux ! La suppression de l'article 61 est donc pleinement justifiée, et nous vous demandons de vous associer à cette demande afin de combattre une complexité accrue des mécanismes et de favoriser l'amélioration du dialogue au sein de l'éducation nationale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Le groupe socialiste votera l'amendement présenté par nos collègues communistes.

J'en profite pour vous demander, monsieur le président, puisqu'il n'est pas loin d'une heure et que vous envisagiez de lever la séance entre une heure moins le quart et une heure et quart, jusqu'où nous irons dans la discussion.

M. le président. Nous terminons l'examen de l'article 61.

M. Alain Néri. Merci.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1142.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 1 143 et 812, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour défendre l'amendement n° 1143.

M. Michel Vaxès. C'est un amendement de repli, car on se doutait bien que l'Assemblée n'adopterait pas l'amendement de suppression de l'article. Par cet amendement, nous exprimons notre scepticisme devant votre conception de la démocratie locale, monsieur le ministre.

Il est nécessaire d'associer au sein du conseil territorial de l'éducation, en tant que membres permanents, les représentants des personnels, des parents et des étudiants, qui sont membres à part entière de la communauté éducative et qui sont donc concernés au premier chef par les problèmes que sera appelée à traiter cette instance.

Il est certes prévu qu'ils pourront y être invités, mais aucune garantie n'est apportée quant à la fréquence de ces invitations, ni aucune précision sur les modalités de cette participation.

Nous demandons donc tout simplement que les représentants des personnels, des parents d'élèves et des étudiants puissent siéger ès qualité au conseil territorial de l'éducation nationale. J'ai la conviction qu'ils n'apprécieraient pas d'être exclus de cette instance, même si cette exclusion est relative.

Créer aujourd'hui des organismes qui réduisent la démocratie, c'est tout de même un comble, surtout quand votre projet de décentralisation est censé, comme vous le répétez souvent, monsieur le ministre, renforcer la proximité et la concertation.

C'est la raison pour laquelle nous proposons à l'Assemblée d'adopter cet amendement sur lequel nous avons demandé un scrutin public.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour soutenir l'amendement n° 817.

M. Alain Néri. L'amendement n° 817 a le même objet que celui que vient de défendre M. Vaxès.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Le groupe communiste n'est pas à une contradiction près ! Après avoir proposé un amendement tendant à supprimer cette instance de concertation au motif qu'il en existerait déjà trop, il nous dit maintenant qu'il faut la renforcer en y associant les parents d'élèves.

Vous demandez en outre un scrutin public, monsieur Vaxès. Je comprends votre dessein : vous allez expliquer dans vos provinces que l'Assemblée nationale n'a pas voulu associer les parents d'élèves.

M. Daniel Paul. Pas l'Assemblée, la droite !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. C'est l'Assemblée nationale qui, si elle le décide, monsieur Paul, repoussera votre amendement ! Il y a une majorité et une minorité, c'est la loi de la démocratie.

M. Alain Néri. Nous dirons, dans nos provinces, ce que nous avons envie de dire et nous ne vous demanderons pas votre avis !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Dites ce que vous avez envie de dire, mais comptez sur nous pour expliquer par exemple que vous voulez supprimer ce qui dans l'article concerne les missions de l'éducation nationale !

M. Alain Néri. Vous pouvez aussi compter sur nous !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Monsieur Vaxès, la position constante de la commission des lois - et cela ne concerne pas seulement l'éducation nationale - a toujours été de simplifier. On l'a fait par exemple pour la région en ne créant pas une nouvelle instance de concertation alors qu'existait déjà le conseil économique et social régional. On l'a fait également pour le département.

Il existe déjà un conseil supérieur de l'éducation auquel les parents d'élèves sont associés. Nous ne voyons pas l'intérêt de multiplier, comme vous le disiez très justement dans votre premier amendement, les instances de concertation. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Avis défavorable pour les raisons excellemment données par M. le rapporteur.

Outre que la contradiction entre les amendements n°s 1142 et 1143 est manifeste...

M. André Chassaigne. Quelle contradiction ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. L'un propose de supprimer le conseil territorial de l'éducation nationale que nous souhaitons créer et l'autre propose d'en compléter la composition. C'est donc tout à fait contradictoire.

M. André Chassaigne. Ce n'est pas contradictoire !

M. Michel Vaxès. C'est un amendement de repli !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Les deux amendements s'excluent mutuellement, c'est évident.

Le texte du Gouvernement prévoit que le conseil doit - et non peut - inviter à ses travaux des représentants des personnels et des usagers. Votre deuxième amendement est donc satisfait.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Il est courant de prévoir un amendement de repli.

Notre argumentation sur l'amendement de suppression reste entière. Cela dit, nous avons été battus. Puisque l'organisme de concertation sera mis en place autant le faire de manière correcte en associant les principaux intéressés, c'est-à-dire des représentants des parents d'élèves, des enseignants et des étudiants. Ainsi, nous aurons un organisme un peu moins technocratique, un plus efficace en matière de concertation sur les questions d'éducation.

C'est cela que nous proposons. Ce n'est pas un jeu politique, comme vous sembliez l'indiquer tout à l'heure. Il n'y a là aucune préoccupation électoraliste ! (« Oh non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Aujourd'hui, dans le monde de l'éducation et de l'école en général, les difficultés sont nombreuses.

M. Pierre Lequiller. Les malheurs de Sophie !

M. Michel Vaxès. Ne plaisantez pas ! Les malheurs de Sophie risquent bien d'arriver ici ! Je peux vous citer des exemples réels !

M. Pierre Lequiller. Celui de Sophie n'est pas réel !

M. le ministre délégué aux libertés locales. En effet, ce n'était pas un exemple mais du roman !

M. Michel Vaxès. Aujourd'hui, le monde de l'éducation doit travailler de plus en plus souvent en concertation avec les représentants des parents pour régler les graves problèmes auxquels il est confronté.

L'objet de notre amendement de repli est de mener à son terme un fonctionnement démocratique.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Cet article démontre bien que le Gouvernement craint un manque de cohérence au plan national.

Le reproche que nous adressons à cette loi de décentralisation, c'est qu'elle casse la cohérence nationale. Ce risque, vous l'avez jusqu'à présent rejeté.

Prévoir que le conseil « est tenu informé des initiatives prises par les collectivités territoriales et il formule toutes recommandations destinées à favoriser l'égalité des usagers devant le service public de l'éducation » signifie que la loi porte en elle un risque grave, celui de briser la cohérence nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Aussi, monsieur le ministre, vous êtes obligé de prévoir un garde-fou sous la forme d'un conseil territorial.

Monsieur le ministre, dans votre réponse il y a une contradiction. Vous dites que le texte prévoit que le conseil invite à ses travaux des représentants du personnel et des usagers. Pourquoi, dans ce cas, ne pas décider qu'ils participeront au conseil territorial de l'éducation nationale aux côtés de représentants de l'Etat, des régions, des départements, des communes et, le cas échéant, des établissements publics de coopération intercommunale ?

Pourquoi, puisque la présence des personnels et des usagers ne pose aucun problème, ne pas prévoir leur participation pleine et entière au conseil territorial, comme le propose notre amendement ? A moins que vous ne préfériez les laisser participer à titre d'invités ?

Il y a là une contradiction à moins que ne se cache derrière tout cela quelque idée, (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Chassaigne, c'est pourtant très simple. J'adore votre argumentation...

M. André Chassaigne. Elle est bolchevique, n'est-ce pas ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est vous-même qui la qualifiez, je me garderai de vous contredire ! Vous avez l'air de bien savoir de quoi vous parlez. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pour ma part, je n'aurais pas employé cette formule.

Il est vrai que le petit roman que vous nous avez infligé tout à l'heure ne s'appuyait sur aucun fait réel.

M. Daniel Paul. Si !

M. le ministre délégué aux libertés locales. L'histoire que vous venez de raconter n'est arrivée à personne. Elle est inventée. Et l'invention de petites histoires à caractère prétendument pédagogique s'appelle de la propagande et mérite la qualification que vous avez l'air de bien connaître, monsieur Chassaigne. (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce que j'apprécie dans votre raisonnement, c'est qu'on ne peut lui échapper. C'est aussi le propre d'une certaine pratique.

Soit l'on ne prévoit pas un dispositif qui assure l'égalité et la cohérence et, dans ce cas, on est gravement coupable ; soit on l'a prévu et cela prouve qu'en envisageant une précaution, on est en train de camoufler un projet. C'est extraordinaire !

Sur les deux amendements en contradiction, je comprends votre raisonnement, monsieur Vaxès, mais comme disent les avocats, l'accessoire nuit au principal. Votre amendement de repli nuit à votre amendement principal.

M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je mets aux voix l'amendement n° 1143, sur lequel, je le rappelle, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

      Nombre de votants 50

      Nombre de suffrages exprimés 49

      Majorité absolue 25

    Pour l'adoption 17

    Contre 32

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 817.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 818.

La parole est à M. Alain Néri, pour soutenir cet amendement.

M. Alain Néri. L'amendement n° 818 est également un amendement de repli qui pourrait être voté par tous. En effet, il ressort des explications des uns et des autres que nous sommes tous convaincus de l'utilité d'associer tous les usagers de l'éducation nationale.

Cet amendement vise donc à supprimer la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 61 afin que les représentants du personnel et des usagers participent de plein droit au conseil territorial de l'éducation nationale au lieu d'être des invités qui ne seraient peut-être qu'occasionnels.

En acceptant cet amendement, monsieur le ministre, vous aurez l'occasion de montrer votre volonté d'œuvrer pour une bonne gestion de l'éducation nationale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Avis défavorable. Le conseil supérieur de l'éducation nationale remplit déjà cette fonction. Le conseil territorial a une autre finalité : il est l'instance de régulation, de cohérence, d'égalité entre les collectivités locales et l'Etat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 818.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 61.

(L'article 61 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique :

Questions au gouvernement (1) ;

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 1218, relatif aux responsabilités locales :

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 1435) ;

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis n° 1434) ;

M. Serge Poignant, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (avis n° 1423) ;

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 1432).

A vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social :

M. Claude Gaillard, rapporteur (rapport n° 1457) ;

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 3 mars 2004, à une heure quinze.)

    Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

    jean pinchot

(1) Les quatre premières questions porteront sur des thèmes européens.