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Première séance du mercredi 3 mars 2004

177e séance de la session ordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions seront en principe réservées à des thèmes européens.

FONDS STRUCTURELS EUROPÉENS

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste.

M. Christian Paul. Monsieur le Premier ministre, au moment où les déficits publics de la France explosent, atteignant le taux sans précédent de 4,1 % du produit intérieur brut, au moment où vous transférez aux départements et aux régions la charge du déficit de l'Etat en dévoyant la décentralisation, vous avez entrepris de piller les fonds européens (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) pour compenser l'absence, la défaillance des financements de l'Etat.

M. Jean-Claude Lenoir. Il faut bien payer les dettes que vous nous avez laissées !

M. Christian Paul. Ces fonds européens sont pourtant indispensables à la solidarité en faveur des bassins industriels en crise et des territoires ruraux.

Je donnerai simplement deux exemples.

Dans la région Midi-Pyrénées, sur 340 millions prévus, 112 millions sont détournés vers des projets que l'Etat ne sait plus comment financer.

En Bourgogne, là où l'Etat s'était engagé à intervenir à hauteur de 30 % avec les fonds européens, il peine aujourd'hui à le faire à hauteur de 15 %.

Bilan : des engagements non tenus, des collectivités non consultées, des projets en panne.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous cesser de faire les fins de mois du budget de la France avec les fonds européens, alors qu'en plafonnant le budget de l'Union à 1 % du revenu européen vous avez eu l'imprévoyance de programmer la fin des fonds structurels et la fin d'une solidarité européenne dont nos territoires en crise ont chaque jour davantage besoin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.

Un député du groupe socialiste. Il n'y connaît rien !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, je vous remercie de l'intérêt que vous portez aux fonds structurels européens car, sur le programme dont vous aviez la charge, nous avons perdu 1 milliard d'euros parce que nous n'avons pas été capables de les consommer de 1994 à 1999. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons reçu une lettre d'observation du commissaire Michel Barnier en septembre 2002 nous indiquant que, si nous ne prenions pas les mesures qui s'imposaient, nous risquions de perdre à nouveau 1 milliard d'euros sur un programme de 16 milliards d'euros.

M. Christian Paul. Répondez à ma question !

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Grâce aux mesures prises par le Gouvernement, sous l'autorité de Jean-Pierre Raffarin, nous sommes passés en six mois d'un taux de consommation des crédits de 15 % à 55 %. Aujourd'hui, la totalité des régions échappent ainsi à la procédure du dégagement d'office.

Mme Martine David. La question !

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. A cet égard, la région qui vous intéresse, monsieur Paul, la Bourgogne, est l'une des plus performantes en matière de consommation des fonds structurels, et elle disposera donc de réserves importantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. La question !

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. S'agissant de l'avenir des fonds structurels européens, nous avons, le 27 février dernier, à Portlaoise en Irlande, confirmé le soutien de la France aux propositions de Michel Barnier en indiquant que nous adhérions aux trois priorités qu'il a définies : la convergence, la compétitivité et l'emploi, la coopération. Et notre position a recueilli le soutien d'un très grand nombre de pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

LOGEMENT EN ILE-DE-FRANCE

M. le président. La parole est à M. André Santini, pour le groupe Union pour la démocratie française.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Les « Grosses têtes » !

M. André Santini. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, la crise du logement, ce n'est un secret pour personne, reste une préoccupation majeure en Ile-de-France. Elle met gravement en péril l'attractivité de notre région dans la compétition qui l'oppose aux principales métropoles européennes, je le dis à l'intention de ceux qui pourraient s'interroger sur le caractère européen de ma question. (Sourires.)

Longtemps, la qualité de vie francilienne, et notamment la possibilité d'y trouver un logement de qualité à un coût raisonnable, a été l'un des meilleurs atouts de notre région pour attirer les investissements et créer des emplois. Mais aujourd'hui, ce sont des centaines de milliers de nos concitoyens qui vivent dans des conditions inacceptables : on construit aujourd'hui moins de logements qu'à l'hiver 1954, au moment de l'appel de l'abbé Pierre !

Je crois savoir, monsieur le ministre, que des chiffres très récents sont en votre possession et qu'ils confirment l'ampleur du problème : plusieurs centaines de milliers de personnes attendent un logement social sur l'ensemble de la région.

Malgré les efforts constants des élus de terrain en matière de construction, notamment de logements sociaux, je constate tous les jours avec eux les difficultés auxquelles les Franciliens sont confrontés. Les prix de l'immobilier ne cessent de croître, repoussant au-delà des frontières d'Ile-de-France nos concitoyens les plus modestes qui souhaitent devenir propriétaires de leur logement. (« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

La situation à Paris est particulièrement dramatique ; en témoignent les mesures sans doute insuffisantes annoncées par son maire. Nos concitoyens qui auraient les moyens de se loger dans le parc privé sont contraints de se reporter sur le parc social, gonflant ainsi la liste des demandeurs de logements.

Un toit, un emploi : la vie commence par là. La crise du logement menace aujourd'hui l'équilibre social, économique et humain de notre région.

Monsieur le ministre, face à cette situation de crise, que peuvent faire ceux qui aiment Paris et les Parisiens, l'Ile-de-France et les Franciliens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, vous avez raison : la France ne construit pas assez de logements. Et cela fait des années qu'il en va ainsi. Comme je l'ai indiqué hier en répondant à M. Ollier, l'INSEE recommande de construire 320 000 logements par an ; or, depuis douze mois, la France a mis en chantier 318 500 logements.

Aujourd'hui, je vous donnerai de nouveaux chiffres : au cours des douze derniers mois, 386 500 permis de construire ont été délivrés, soit une augmentation de 11 %. Cela montre qu'une politique dynamique en faveur des logements donne aussitôt des résultats. Les permis de construire d'aujourd'hui sont non seulement les logements mais aussi les emplois de demain.

Restent deux ombres au tableau :

Premièrement, les services de la région Ile-de-France indiquent qu'il faudrait construire 50 000 logements par an. Or il ne s'en construit que 30 000 chaque année. Pire encore : au cours de la dernière année, on a constaté une diminution de 3 %, soit 1 000 logements en moins.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Quel rapport avec l'Europe !

M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Deuxièmement, dans Paris intra muros, le nombre de logements construits chaque année était de 5 600. Or depuis deux ans, il n'est que de 2 500.

M. Pierre Lellouche. Eh oui !

M. Patrick Bloche et M. Christophe Caresche. C'est honteux !

M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Alors, que faut-il faire, monsieur le député ? A celles et ceux qui aiment les Franciliennes et les Franciliens, je dirai qu'il faut construire des logements, construire des logements et encore construire des logements. Il n'y a aucune excuse pour ne pas le faire. Il y a toujours du foncier disponible lorsqu'on mène une politique foncière. Les services de mon ministère se tiennent à la disposition du président du conseil régional d'Ile-de-France, actuel ou futur, et du maire de Paris pour les aider à construire des logements et à répondre à l'attente. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, j'ai souhaité qu'une fois par mois les quatre premières questions soient consacrées à des thèmes européens mais je ne peux aller jusqu'à les rédiger et à préparer les réponses !

BUDGET DE L'UNION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le Premier ministre, le 1er mai prochain, l'élargissement de l'Union européenne deviendra effectif.

M. François Goulard. Voilà une question pertinente : le parti communiste est un parti plus européen que l'UDF !

Mme Marie-George Buffet. Les négociations viennent de commencer pour définir ce que sera le budget pluriannuel pour la période de 2007 à 2013.

Comment la France inaugure-t-elle ces négociations et cette nouvelle phase de l'histoire européenne ? Hélas ! en affichant l'ambition, ici comme ailleurs, de diminuer à tout prix les dépenses publiques. En effet, six pays dont la France viennent d'adresser une lettre au président de la Commission européenne pour proposer de geler les dépenses à hauteur de 1 % du PIB. En somme, vous voulez faire l'élargissement à moyens constants, la faiblesse de l'augmentation du PIB consécutive à l'élargissement étant connue de tous.

Mais si cette menace devait peser dans les négociations et être mise à exécution, la mise en concurrence entre les peuples en serait exacerbée et les conséquences sociales seraient dramatiques. Dramatiques pour les nouveaux adhérents, dont les besoins sont importants puisque le revenu moyen par habitant est inférieur de moitié à celui des Quinze. Dramatiques aussi pour notre pays et nos régions, qui verront fondre comme neige au soleil les fonds structurels par un effet mécanique.

Or ces fonds, vous le savez, servent à l'insertion et au retour à l'emploi des personnes les plus en difficulté, à la mise en place dans certains départements d'ateliers santé-ville pour les personnes au RMI, à la requalification des sites, donc à l'emploi, et à de grosses opérations de rénovation urbaine.

La question n'est pas d'entrer dans une logique inflationniste mais tout simplement de lutter contre les inégalités sociales et territoriales et de mettre les moyens au niveau des besoins et des ambitions affichés.

Monsieur le Premier ministre, quelles explications autres que le fonctionnement comptable pouvez-vous fournir à la représentation nationale quant à cette attitude ? Comptez-vous poursuivre dans cette direction ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Madame la députée, comme vous, nous voulons pour l'Europe un budget ambitieux. Un budget qui traduise notre solidarité, en particulier à l'égard des nouveaux adhérents, mais qui marque aussi notre fidélité à l'égard des politiques communes de l'Europe, et d'abord, bien sûr, notre attachement à la défense de la politique agricole commune. Un budget qui exprime la priorité que nous donnons à la relance de l'emploi et de l'innovation afin de permettre à l'économie européenne de trouver les chemins d'une croissance durable.

Ce budget doit, bien sûr, prendre en compte les réalités d'aujourd'hui. Pas plus que les Etats membres, l'Europe ne peut échapper aux exigences d'une saine gestion budgétaire. C'est pourquoi les dépenses européennes doivent rester en ligne avec l'évolution de notre revenu national. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Dans ce cadre, nous voulons faire prévaloir un budget de responsabilité, qui fasse des choix clairs autour de quelques priorités : un soutien résolu aux nouveaux Etats membres, compte tenu de leur retard de développement, sans pénaliser pour autant les régions les plus défavorisées de l'actuelle Union ; un effort soutenu en faveur de la modernisation de l'économie européenne, à travers les grandes infrastructures, la recherche, et une action de formation au service de l'égalité des chances.

Dans la négociation qui s'ouvre, la France est portée par une double exigence : réussir l'élargissement et marquer notre solidarité avec les peuples qui nous rejoignent ; préparer l'avenir, en confortant la croissance, l'emploi et le modèle social européen. Pour cela, il faut de l'ambition, de la volonté et de l'imagination. Tous ensemble, nous n'en manquons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ACTION DU G5

M. le président. La parole est à M. Loïc Bouvard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Loïc Bouvard. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, conscient qu'une concertation internationale, à tout le moins entre Européens, est indispensable pour enrayer l'immigration clandestine et lutter contre le terrorisme, vous avez, voici un an, créé le G5, groupe réunissant les ministres de l'intérieur des cinq grands pays européens - Espagne, France, Allemagne, Italie et Grande-Bretagne -, dont l'ambition est, vous l'avez dit, d'établir un modèle et un espace de sécurité européen.

Il s'est réuni une première fois en Espagne en mai 2003, puis à La Baule en octobre dernier, et enfin, il y a deux semaines, à Garmisch-Partenkirchen, en Allemagne.

Les deux premières réunions ont permis d'élaborer une politique concertée et de mettre en œuvre une coopération renforcée entre les autorités politiques et financières de nos cinq pays. Les résultats ont été probants, puisque les activités terroristes de l'ETA, notamment, ont été enrayées, et que des mesures de prévention du terrorisme, islamiste ou autre, ont été mises au point, telles que la surveillance des aéroports et des vols commerciaux et le recours à la biométrie lors de la délivrance des visas.

Le 11 février dernier, vous avez fourni à la commission des affaires étrangères de notre assemblée des précisions et des chiffres éloquents à cet égard.

Quant à la lutte contre l'immigration illégale et certaines filières criminelles, vous avez agi dans deux directions : en vous rendant dans les pays sources de cette immigration, notamment dans ceux de l'Est européen et des Balkans - car mieux vaut prévenir que subir -, et en proposant une structure de concertation « 3 + 3 », réunissant d'une part la France, l'Italie et l'Espagne et, d'autre part, l'Algérie, le Maroc et la Tunisie.

Quelles sont les nouvelles propositions que vous avez faites à vos collègues, notamment pour la réforme d'Europol ? Qu'avez-vous décidé entre vous pour parachever cet espace de sécurité européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le Grand Vizir !

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, l'un des plus grands risques pour l'Europe serait de donner aux citoyens le sentiment qu'elle est immobile,...

M. Jean-Pierre Brard. Avec Nicolas, ce n'est pas possible !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ...et qu'elle ne peut pas décider.

Tous les Européens en sont convaincus, l'Europe doit être un « plus », elle ne doit pas être condamnée à l'immobilisme. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Telle est l'idée qui a présidé à la réunion G5, qui réunit les ministres de l'intérieur des cinq plus grands pays d'Europe. Ces pays représentent 80 % de la population de l'Europe à quinze, et deux tiers de celle de l'Europe à vingt-cinq. Nous ne voulons antagoniser personne, ...

M. Jean-Pierre Brard. Quel néologisme !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ...exclure personne : si d'autres pays veulent nous rejoindre, ils le peuvent.

Du reste, je ne vois pas à quel titre nous devrions nous excuser de vouloir aller plus vite. Quand le Benelux se réunit, la France ne fait pas de commentaires, et quand se réunissent les pays nordiques ou le Groupe de Salzbourg, qui rassemble l'Autriche et cinq nouveaux Etats membres, elle ne s'en trouve pas froissée !

Il se trouve que les cinq membres du G5 sont confrontés aux mêmes problèmes et s'efforcent d'y consacrer les mêmes moyens.

En matière d'immigration, les décisions doivent être prises à l'unanimité. Ainsi, la moindre décision exige un consensus total, y compris de la part de pays qui ne connaissent pas nos problèmes d'immigration. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la France soutient la nouvelle Constitution, qui prévoit l'abandon de la règle de l'unanimité.

Lors de la dernière réunion, nous nous sommes mis d'accord, notamment, sur la somme qu'il faut à un touriste pour venir dans chacun de nos pays, sur une réponse commune aux Etats-Unis à propos des sky marshalls ou sur la réforme d'Europol, en vue de rendre cet organisme enfin opérationnel.

Nous voulons démontrer que l'Europe peut être efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

DÉLAIS DE JUGEMENT

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Guibal.

M. Jean-Claude Guibal. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. Les Français recourent de plus en plus aux tribunaux. Les causes en sont multiples : à nos penchants naturels pour la procédure s'ajoutent l'influence des pratiques anglo-saxonnes, la complexité croissante de nos sociétés et le rôle qu'y joue la règle de droit.

Il en résulte que les tribunaux croulent sous les contentieux et que les délais de jugement s'allongent. En ce domaine comme en d'autres, les Français sont de plus en plus impatients et acceptent de plus en plus mal ces délais.

Monsieur le garde des sceaux, en adoptant, le 9 septembre 2002, la loi d'orientation et de programmation pour la justice, le Parlement vous a donné des moyens considérables, qui doivent permettre, entre autres, de réduire les délais de jugement. Ainsi, le budget de votre ministère a augmenté de 7 % en 2003 et de 5 % en 2004, et les recrutements programmés sur les cinq années que couvre la loi concernent 950 magistrats et 3 500 fonctionnaires de justice.

Quels instruments avez-vous mis en place et, plus généralement, quelles initiatives avez-vous prises pour que ces moyens importants servent à réduire effectivement les délais de jugement et répondent ainsi aux souhaits de nos concitoyens ?

M. Jean-Pierre Brard. Pierre Mazeaud président du Conseil constitutionnel !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, lors du débat sur la loi d'orientation et de programmation de la justice, au cours de l'été 2002, vous avez à juste titre insisté sur le fait qu'à la progression des moyens accordés à l'institution judiciaire devaient correspondre des progrès en termes notamment d'accessibilité de la justice, et donc d'humanisation de celle-ci.

Les premiers résultats pour l'année 2003 font en effet apparaître une substantielle amélioration de la situation. En matière pénale, le nombre de dossiers traités a augmenté de 6 % en correctionnelle, ce qui est une évolution importante, et celui des dossiers classés sans suite a diminué de 6 %, tombant enfin sous la barre des 30 % du nombre total de dossiers. En matière civile, le délai de traitement a été réduit d'un demi-mois sur douze mois.

Mais il nous faut un système de mesure plus efficace, car nous n'avions, jusqu'à présent, que des statistiques annuelles et largement globalisées. A partir de mai prochain, je disposerai de statistiques trimestrielles pour chaque tribunal de grande instance. Nous pourrons ainsi réagir plus rapidement quand nous constaterons une difficulté, et affecter les moyens qui permettront de maintenir la qualité du service de la justice.

Enfin, l'année 2004 sera celle de la généralisation des contrats d'objectifs entre le ministère et chaque cour d'appel, contrepartie d'une déconcentration des budgets de fonctionnement auprès des chefs de cour.

Voilà, monsieur le député, la méthode mise en place, qui doit permettre de dire au Parlement : « Voilà ce que les crédits que vous avez votés ont permis de faire ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ACTION DE LA FRANCE DANS LA CRISE HAÏTIENNE

M. le président. La parole est à M. Édouard Landrain.

M. Édouard Landrain. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, Haïti est en proie au chaos. La communauté internationale, et en premier lieu la France, doit aider ce pays à retrouver le chemin de la paix et de la démocratie. La situation d'insurrection qui a secoué Haïti depuis plus d'un mois s'est accélérée le week-end dernier avec le départ du président Aristide, réclamé par l'opposition et les rebelles.

Ces derniers jours, Port-au-Prince a basculé dans l'anarchie, les partisans d'Aristide multipliant les violences, tandis que le port était livré aux pillards.

Dès la semaine dernière, vous avez proposé l'envoi d'une force internationale pour permettre un retour rapide à la paix, en précisant que la France était prête à prendre toute sa part dans la mobilisation de la communauté internationale, qui doit désormais soutenir Haïti et œuvrer à un retour à l'ordre constitutionnel et à la mise en place d'une union nationale.

La France a déjà décidé d'envoyer un détachement militaire en Haïti pour assurer la sécurité de ses ressortissants. Pouvez-vous, monsieur le ministre, informer la représentation nationale de l'évolution de la crise sur place, et notamment de la situation des ressortissants français ?

Pouvez-vous, par ailleurs, nous dire comment la France entend poursuivre ses efforts pour mobiliser la communauté internationale en vue d'une solution de réconciliation nationale en Haïti ?

Le groupe d'amitié France-Haïti souhaite de tout cœur que le bonheur revienne enfin dans cette malheureuse île. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Vous l'avez dit, monsieur Landrain : face au chaos, la France s'est mobilisée pour appuyer le retour de la démocratie et de la paix en Haïti, en respectant le droit.

Ce chaos, il faut le rappeler, a précédé le départ du président Aristide, qui n'était que la conséquence de l'impasse dans laquelle se trouvait le pays.

Nous avons contribué à respecter l'ordre constitutionnel : un président par intérim a été investi selon les termes mêmes de la Constitution, un gouvernement d'union nationale est aujourd'hui en préparation. Nous travaillons, dans le même temps, à rétablir l'ordre et la sécurité dans tout le pays, au moyen de la force multinationale décidée par la résolution 1529 du Conseil de sécurité des Nations unies. La France y apporte déjà une contribution importante, avec plus de 300 soldats à pied d'œuvre et d'autres forces en cours de déploiement.

Nous apportons, enfin, une aide humanitaire d'urgence, pour répondre aux besoins d'une population particulièrement éprouvée par la crise. Cet engagement est mené en étroite concertation avec l'ensemble de nos partenaires : les Etats-Unis, avec lesquels nous avons une coopération de tous les instants, les principaux pays de la région, l'Afrique du Sud et bien d'autres pays encore.

Nous ne devons pas en rester là. Il faut aujourd'hui aider Haïti à se reconstruire, au moyen d'une coopération qui doit être exemplaire dans tous les domaines où Haïti a besoin de l'aide internationale - santé publique, développement agricole et rural, éducation - et en mobilisant les grands bailleurs de fonds internationaux pour donner à l'économie et à la société haïtiennes des bases solides et durables.

La communauté française en Haïti, qui, comme vous le savez, est importante, fait l'objet de toute notre attention. Nous avons voulu déployer rapidement une force supplémentaire pour en garantir la protection.

Haïti représente un immense enjeu et il est du devoir de la France et de la communauté internationale d'être mobilisées comme elles le sont. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CHÔMAGE DES JEUNES

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, pour le groupe socialiste.

Mme Patricia Adam. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Depuis le 1er janvier 2004, 230 000 personnes ont été exclues des ASSEDIC et de l'ASS. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Voici le témoignage écrit d'Aurélien : « J'ai appris la nouvelle par l'ASSEDIC que ma demande d'indemnisation était rejetée, ne pouvant justifier de cinq années salariées. Quand on quitte l'école à vingt et un ans, il est difficile, à vingt-quatre ans, de rentrer dans ce cadre. Je me retrouve donc sans ressources, sans travail, malgré des recherches effectuées tous azimuts. C'est encore les moins de vingt-cinq ans qui sont exclus de cette société où l'injustice est de plus en plus présente. »

Ce témoignage résume parfaitement votre politique : la suppression des emplois jeunes, du dispositif TRACE, des contrats de qualification et peut-être, bientôt, la diminution du fonds d'aide aux jeunes, une mesure qui laissera les missions locales seules face à l'afflux des jeunes chômeurs. C'est bien votre politique qui bloque purement et simplement l'ascenseur social.

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La motion de censure, c'était hier !

Mme Patricia Adam. Dans le Finistère, 6 374 jeunes sont au chômage, ce qui représente environ 20 % des demandeurs d'emploi, soit une augmentation de 2,4 % l'année dernière. C'est pourquoi nous avons créé un contrat d'autonomie pour les moins de vingt-cinq ans, plus de 2 400 emplois jeunes et contrats TRACE, alors qu'il y a à peine un millier de contrats jeunes en entreprise. Eh oui, vous avez bien entendu ! Il est vrai que le département est à gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) De surcroît, ces contrats jeunes en entreprise ne prévoient qu'une rémunération au SMIC, et aucune obligation de formation. Quant aux contrats CIVIS tant attendus, il n'y en a qu'un seul !

Dans le même temps, vous allongez de quatre à six mois la durée de cotisation UNEDIC ouvrant droit à indemnisation, alors que plus de 50 % des offres d'emploi proposées par l'ANPE sont des CDD de moins de six mois. Par-delà tous vos discours, nos concitoyens savent que la réalité, c'est la précarité du travail.

Votre politique consiste à faire sortir les chômeurs des statistiques, sans malheureusement les faire sortir du chômage. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, quand cesserez-vous de tromper nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Madame la députée, vous avez raison : notre politique est parfaitement en rupture avec la vôtre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En effet, nous refusons d'enfermer les jeunes dans des dispositifs d'assistance. Nous n'avons pas changé les règles d'indemnisation mais nous ouvrons de vraies perspectives professionnelles, avec de véritables emplois. Nous rompons ainsi avec les solutions de facilité trop utilisées par le passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Goulard. Très bien !

Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Au nom de François Fillon, retenu au Sénat cet après-midi, je tiens à réaffirmer l'engagement du Gouvernement pour l'emploi des jeunes, en vous rappelant les actions que nous entreprenons : tout d'abord, les contrats jeunes en entreprise, qui passeront de 150 000 aujourd'hui à 250 000 à la fin de l'année (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ; ensuite, le développement de la formation en alternance, décidé par les partenaires sociaux et transposé dans la loi ; puis la réforme de l'apprentissage, à l'ordre du jour puisqu'elle est prévue dans le projet de loi relatif à la mobilisation pour l'emploi qui sera présentée à l'Assemblée au printemps prochain .

Mme Martine David. Ça ne marche pas, vos trucs !

Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Je tiens également à vous rappeler que nous avons engagé, avec détermination, le renforcement et la coordination des moyens nécessaires pour offrir une deuxième chance à tous ceux, notamment les jeunes, que l'école a mal préparés à l'emploi.

De plus, je souligne que le contrat CIVIS, contrairement à ce que vous dites, constitue un engagement important et prometteur.

Mme Martine David. Pour la précarité !

Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Les régions joueront un rôle majeur dans la mise en œuvre de ce dispositif, qui illustre d'ailleurs parfaitement l'approche active et positive que nous développons particulièrement en ce domaine.

La méthode du Gouvernement comme son engagement sont clairs. Et j'espère, madame la députée, que vous vous réjouissez avec moi que le chômage des jeunes ait baissé, en janvier, de 1,8 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

AIDE DE LA FRANCE AUX SINISTRÉS DU MAROC

M. le président. La parole est à M. Patrick Beaudouin.

Mme Martine David. Raffariné !

M. Patrick Beaudouin. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État aux affaires étrangères.

Le Maroc a subi, la semaine dernière, un terrible tremblement de terre qui a fait des centaines de victimes. Nous avons tous vu ces images de villages entièrement détruits, de désolation pour l'ensemble de la population, de familles déchirées. L'ampleur du désastre est d'autant plus grande que la région touchée est difficile d'accès pour les secours.

La France, chacun le sait, a un grand savoir-faire en matière d'aide humanitaire. Vous vous êtes d'ailleurs attaché à en améliorer encore l'efficacité et à en renforcer la rapidité d'intervention.

M. François Hollande. Propagande électorale !

M. Patrick Beaudouin. Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous informer des conditions dans lesquelles la France est venue en aide à la population marocaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux affaires étrangères.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Allo !

M. Renaud Muselier, secrétaire d'État aux affaires étrangères. Monsieur le député, le Maroc a en effet été gravement touché dans la zone d'Al Hoceima : 572 morts, 400 blessés, plus de 30 000 sinistrés traumatisés.

Je vous rappelle la chronologie des faits.

Ce drame s'est passé le 24 février . Nous sommes arrivés sur place le lendemain, avec une vingtaine de spécialistes de la sécurité civile. L'efficacité de nos hommes a permis de coordonner l'organisation des secours d'urgence internationaux, et notamment européens. Entre le 26 et le 29 février, quelque vingt tonnes de matériel ont été acheminées par des vols militaires ou de la Croix-Rouge : une centaine de groupes électrogènes, plusieurs centaines de tentes, plus de 30 000 couvertures, des réservoirs d'eau. Cela a permis d'apporter aide, secours et assistance aux victimes du drame.

M. Jean-Pierre Kucheida. Vous ne nous informez pas, il suffit de lire le journal !

M. le secrétaire d'État aux affaires étrangères. Je tiens aussi à souligner l'efficacité des ONG qui étaient sur place, notamment Telecom sans Frontières et ELISA, qui ont accompli un travail remarquable au cours de cette aide d'urgence internationale.

Cette année, nous avons beaucoup œuvré pour améliorer les secours d'urgence humanitaires. Et la coordination entre les institutions et les ONG a permis de secourir et de réconforter nombre de personnes à travers le monde.

Comme le Président de la République et le Premier ministre, je tiens à mon tour à saluer le gouvernement marocain dans cette épreuve et à le remercier pour sa collaboration. La France a été très efficace avec un pays ami. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

AGRÉGATION DE SCIENCES ÉCONOMIQUES

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.

M. David Habib. Un grand progressiste !

M. Hervé Novelli. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale. (« Il n'est pas là ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Elle porte sur les épreuves de l'agrégation d'économie.

M. Jean-Pierre Brard. Le ministre est en recyclage !

M. Hervé Novelli. Alors que celles-ci ont commencé à la fin du mois de novembre 2003, que le jury avait été composé deux mois plus tôt et que les épreuves se termineront en mai 2004, une attaque médiocre, injustifiée et déstabilisante pour les candidats, a été lancée. Elle vise à mettre en cause la composition de ce jury, ainsi que les conditions de nomination et la personnalité de son président.

M. Christian Paul. Vous aggravez le cas !

M. Hervé Novelli. Or ces nominations ont résulté de l'application de règles traditionnelles, suivies depuis près d'un siècle. Le tableau officiel récapitulant l'ancienneté et les mérites des professeurs, publié par l'éducation nationale, a conduit à nommer M. Pascal Salin à la présidence du jury. Il ne s'agit donc pas d'une nomination politique, mais d'une décision technique fondée sur la personnalité et les compétences de M. Salin.

Plus généralement, un véritable terrorisme intellectuel se développe depuis plusieurs semaines dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Il succède au terrorisme physique des années 1970 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et affecte des pans entiers de notre société.

Il consiste à diviser la société en deux classes, et ce n'est pas nouveau.

M. Michel Lefait et M. Jean-Pierre Kucheida. Occident ! Occident !

M. Hervé Novelli. La nouveauté, c'est que la majorité et le Gouvernement sont aujourd'hui accusés de mener une guerre contre l'intelligence, la recherche, la culture, l'éducation. Comme toujours en pareils cas, le paradoxe, c'est que cette guerre touche des intellectuels éminents. Il est vrai que ceux-ci sont coupables, puisqu'ils sont indépendants. En l'occurrence, ce sont des économistes qui ne sont ni marxistes, ni keynésiens.

Comment comptez-vous réagir, monsieur le ministre, face à des pratiques que l'on croyait disparues,...

M. Michel Lefait et M. Jean-Pierre Kucheida. Occident ! Occident !

M. Hervé Novelli. ...et qui sont, particulièrement dans ce cas, en contradiction avec l'esprit de tolérance et de liberté intellectuelle manifesté traditionnellement par le monde universitaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. (« Où est Ferry ? » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Mesdames, messieurs les députés, je répondrai d'abord sur le jury de l'agrégation de sciences économiques et sociales.

Chacun sait fort bien comment sont nommés les présidents de jury. Comme ils changent tous les ans, c'est une garantie de rotation, à tous les points de vue : opinions, engagements, travaux. De surcroît, ils sont choisis après consultation des présidents des jurys des années précédentes et de l'ensemble de la communauté universitaire, notamment des doyens des universités spécialisées dans les disciplines concernées.

J'ajoute qu'il serait bien étrange de considérer un jury capable, alors qu'il est sous le regard de la communauté scientifique, d'imposer telle option ou telle opinion lors du choix des reçus à l'agrégation.

Je conclurai sur ce point en soulignant qu'il est dérisoire, absurde et même scandaleux de considérer qu'il faudrait rechercher les diverses idéologies qu'aurait pratiquées tel ou tel membre de jury ! J'ai été membre de jury d'agrégation et je me suis efforcé d'ignorer les opinions de ceux qui siégeaient à mes côtés. Nous ne sommes pas, quant à nous, en train de faire une police idéologique qui jugerait l'opinion des uns et des autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mais chacun sait bien ce que recouvre cette polémique ridicule.(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est une petite attaque qui procède d'une offensive plus générale, d'une guerre qui consiste à faire croire que, dans notre pays, il y aurait une volonté d'imposer à tout prix tel point de vue ou telle idéologie contre d'autres.

M. David Habib. N'est-ce pas vrai ?

M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Cette guerre vise à faire croire que nous ne serions pas des hommes de liberté !

Mais je vais répondre à ceux qui la mènent : quand vous êtes aux affaires, mesdames, messieurs, vous manquez de souffle ! Mais quand vous êtes dans l'opposition, vous ne manquez pas d'air ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs du groupe Union pour la démocratie française.)

AIDES AU LOGEMENT

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ma question s'adresse à M. le ministre du logement.

Hier matin, le Conseil national de l'habitat a rendu un avis historique : l'ensemble de ses membres - à l'exception de vos représentants - a rejeté votre proposition d'actualisation des aides aux locataires.

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En effet, cette actualisation entraînera de graves diminutions de ressources pour des millions d'entre eux. A l'automne dernier, le Gouvernement a déjà baissé de 3,4 % le montant des aides au paiement locatif.

Aujourd'hui, tous les locataires sont mis à contribution pour assumer les conséquences financières de votre décision : aucun d'entre eux ne bénéficiera d'une revalorisation du forfait des charges, que vous aviez pourtant promise ! 200 000 ne toucheront même aucune aide puisque vous majorez à 24 euros le seuil de versement, sous le prétexte, hypocrite et honteux, d'un ajustement technique ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous réalisez des économies mesquines et indécentes ! Vous élargissez l'assiette du revenu des allocataires, et diminuez ainsi l'allocation logement des mères de trois enfants qui vont partir en retraite ; vous supprimez l'abattement pour les frais de garde et réduisez donc l'allocation des familles ; vous supprimez le mois de rappel et amputez l'allocation des chômeurs.

M. François Brottes. C'est le social à la Raffarin !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La Caisse nationale d'allocations familiales, qui n'est pas soupçonnable de parti-pris, estime à 171 millions d'euros ces coupes claires.

Vous affichez, à des fins électorales, une augmentation des allocations de 1,2 % en province et de 2,5 % à Paris, mais cela ne trompe personne, à commencer par les associations de locataires, qui ont exprimé leur indignation devant vos décisions, qu'elles jugent scandaleuses ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, vous pouvez ignorer leur jugement et l'avis défavorable du Conseil national de l'habitat, mais pourrez-vous ignorer la détresse des six millions d'allocataires qui, passés le premier mois de versement de l'arriéré, découvriront, stupéfaits, que le Gouvernement décide à nouveau de ponctionner les ressources des plus modestes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, je vous remercie beaucoup de votre question. Elle me permet de dire à la représentation nationale que, oui, l'aide personnalisée au logement va être revalorisée, avec effet rétroactif au 1er juillet 2003. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Le paramètre ressource va être augmenté de 1,8 %. Le plafond des loyers va être revalorisé de 1,2 %.

M. François Hollande. Alors, pourquoi tout le monde est contre ?

M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Enfin, nous allons donner un coup de pouce particulier pour la région parisienne, de 2,5 %, afin justement d'aider les ménages qui occupent des logements dont le loyer augmente en raison de votre incapacité à créer de nouveaux logements sociaux, comme je l'ai démontré tout à l'heure, c'est-à-dire en raison d'une tension sur les loyers dont vous êtes responsables, mesdames, messieurs les députés de l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) L'ensemble de ces mesures représentent un effort supplémentaire de 220 millions d'euros.

D'autre part, l'ensemble de l'aide personnalisée au logement, tous concours confondus, c'est-à-dire l'aide de la nation, représente aujourd'hui 12 milliards d'euros, somme qui n'a jamais été atteinte dans le passé.

M. Alain Néri. Répondez à la question !

M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. J'ajoute que nous avons décidé de prendre des mesures d'ajustement, qui sont des mesures d'équité, des mesures de justice sociale.

M. Alain Néri. Vous ne répondez pas !

M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ainsi, nous allons enfin caler l'aide personnalisée au logement sur les revenus réels des ménages. Autre exemple : lorsque des ménages ont les mêmes revenus, l'aide personnalisée au logement sera la même, ce que vous n'avez pas su faire.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas vrai !

Mme Martine David. Ce que ce gouvernement a su faire, c'est augmenter la précarité !

M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. En respectant les principes d'équité et de solidarité, en donnant un coup de pouce à l'aide personnalisée au logement, nous faisons davantage que vous, qui avez laissé trop longtemps la politique du logement à l'abandon. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ADOPTION INTERNATIONALE

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Christ.

M. Jean-Louis Christ. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la famille.

Chaque année, environ 8 000 personnes obtiennent un agrément en vue de l'adoption d'un enfant. Par ailleurs, près de 5 000 enfants sont adoptés, dont 4 000 nés à l'étranger. L'existence d'un tel décalage implique malheureusement qu'un grand nombre de personnes titulaires d'un agrément attendent de pouvoir réaliser leur projet et d'accueillir un enfant dans leur foyer.

Le Premier ministre a annoncé qu'il voulait améliorer le dispositif et augmenter le nombre d'adoptions. Il vous a demandé de lui présenter des propositions dans ce sens.

Par ailleurs, vous venez d'effectuer un déplacement au Vietnam et en Chine, qui sont des pays importants dans le domaine de l'adoption internationale.

Je souhaiterais savoir quelles sont les perspectives envisageables en matière d'adoption dans ces deux pays, et, plus généralement, les actions qui pourront être mises en œuvre pour atteindre l'objectif fixé par le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la famille.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le député, les chiffres de l'adoption sont les suivants : à peu près 20 000 demandes par an ; 8 000 agréments ; et environ 5 000 enfants adoptés, dont les trois quarts sont nés à l'étranger.

Au vu de ces chiffres, le Premier ministre m'a en effet demandé de lui faire des propositions très concrètes visant à améliorer nos procédures d'adoption, ce à quoi Jean-François Mattei et moi-même nous employons, avec l'ensemble du milieu associatif, dans au moins trois directions.

Tout d'abord, il faut réformer la procédure d'agrément.

Au-delà de l'agrément, qui est de la responsabilité des départements, nous travaillons aussi sur le suivi des enfants, notamment en ce qui concerne les pathologies dont ils peuvent être victimes.

Troisièmement, nous renforçons l'accompagnement des parents, mais aussi leur préparation à l'adoption, car une mauvaise préparation est parfois une cause d'échec.

Comme vous l'avez dit, je reviens de Chine et du Vietnam, où nous avons fait un travail très important avec le ministère des affaires étrangères, et en particulier avec Renaud Muselier. Nous sommes en train de faire avancer les choses.

Pour ce qui est du Vietnam, on constate une baisse importante du nombre d'enfants mis à l'adoption internationale, qui est passé, en l'espace de quatre ans, de 2 000 à 800. Sur ces 800 dossiers, 600 étaient bloqués en attente. A la suite de ma visite et des démarches communes que nous avons entreprises avec le ministère des affaires étrangères, nous avons obtenu la semaine dernière le déblocage de 240 dossiers : les futurs parents adoptifs vont être informés dans les meilleurs délais.

En ce qui concerne la Chine, nous avons obtenu l'agrément d'une nouvelle organisation, ce qui va nous permettre, je pense, d'augmenter de manière significative les possibilités d'adoption d'enfants nés dans ce pays.

Voilà, monsieur le député, les premières pistes de travail que nous avons explorées, avec Jean-François Mattei et Renaud Muselier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

SIMPLIFICATION DES PROCÉDURES

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Gorges.

M. Jean-Pierre Gorges. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.

Monsieur le secrétaire d'Etat, nos compatriotes, mais aussi les élus, les associations et les entreprises se plaignent sans cesse de la lourdeur des procédures administratives et de la complexité des règles juridiques. Le Premier ministre a fait part à plusieurs reprises de sa volonté de simplifier la vie des Français et de libérer...

M. Christian Paul. Les énergies.

M. Jean-Pierre Gorges. ...les énergies des entreprises.

La tâche n'est pas simple : on sait que nos compatriotes veulent à la fois que les règles soient plus simples et que leurs droits et garanties soient mieux protégés. Tous les pays développés sont confrontés à cette contradiction.

La loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit a été préparée sous votre responsabilité. Elle devait déboucher sur une trentaine d'ordonnances de simplification et de codification. Alors qu'un nouveau projet de loi est annoncé, où en est l'application du premier ? Combien d'ordonnances ont été prises à ce jour ? Y a-t-il des blocages ? Et, en particulier, quel est le travail du Conseil d'orientation pour la simplification, créé par l'article 1er de la loi grâce à un amendement adopté par l'Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le député, vous avez raison d'être vigilant, car il ne suffit pas de voter une loi pour que la simplification entre concrètement dans la vie des Français.

M. François Hollande. Voilà de fortes paroles !

M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. C'est d'ailleurs la vocation, puisque vous m'avez interrogé sur ce point, du Conseil d'orientation pour la simplification, dont le Premier ministre a souhaité qu'il soit composé d'élus de toutes sensibilités, et qui sera chargé de suivre sur le terrain le devenir du programme de simplification.

Ce que je peux vous dire aujourd'hui, c'est que grâce à l'engagement de tout le Gouvernement, le contrat pris devant la représentation nationale sera tenu.

M. François Hollande. Diantre !

M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. L'essentiel des dispositions visant à simplifier la vie des Français ont d'ores et déjà été prises. J'en citerai une, symbolique, et sur laquelle je crois que nous pouvons tous nous rassembler : dès les prochaines élections, tous nos compatriotes qui souhaitent voter par procuration pourront le faire sans être obligés de produire des justificatifs s'ils ne sont pas dans leur commune de résidence le jour du vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je citerai également le titre emploi simplifié, qui était très attendu par les petites entreprises, les associations et tous ceux qui veulent simplifier l'embauche. Il est d'ores et déjà expérimenté.

En ce qui concerne la dynamisation des collectivités locales et de leurs projets d'investissements, la réforme du code des marchés publics et l'essor du partenariat public-privé sont d'ores et déjà décidés.

M. François Hollande. Quel changement ! Quelle révolution ! Quelle ambition !

M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Tout cela m'amène à vous confirmer que, dans les semaines qui viennent, je présenterai en conseil des ministres une deuxième loi pour simplifier la vie des Français.

M. Jean-Claude Perez. Quel homme !

M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Naturellement, la réduction des formalités juridiques ne suffit pas. C'est pourquoi le Premier ministre, à Lyon, a présenté le plan stratégique pour l'administration électronique, pour s'appuyer sur le levier des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

M. Jean-Pierre Brard. C'est dangereux de s'appuyer sur un levier !

M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Et, avec Jean-Paul Delevoye, je m'efforce de responsabiliser les services publics (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste) pour changer la culture administrative et faire en sorte de réduire les délais. Il faut adopter une approche plus personnelle des administrés, avec un seul mot d'ordre : simplifier la vie des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. François Baroin.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

2

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le président. J'informe l'Assemblée que la commission des finances, de l'économie générale et du Plan a décidé de se saisir pour avis du projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales (n° 1155).

3

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour un rappel au règlement.

M. Christophe Caresche. Mon intervention, qui se fonde sur l'article 58, alinéa 2, sera brève. Je veux dénoncer solennellement la réponse du ministre du logement qui, lors des questions au Gouvernement, a très gravement mis en cause la collectivité parisienne.

M. René Dosière. Propos électoral !

M. Christophe Caresche. Puisque nous n'avons pas la possibilité de lui répondre directement, je me permettrai de souligner qu'il est parfaitement inadmissible, surtout alors que nous allons examiner un texte sur la décentralisation, qu'un membre du Gouvernement puisse mettre en cause une collectivité locale, comme l'a fait M. de Robien, en s'appuyant sur des chiffres et des informations erronés. Il a en effet indiqué que Paris ne construisait plus de logements. Or une convention signée entre la ville et l'Etat, à laquelle M. de Robien est partie, prévoit la création de 3 500 logements sociaux par an.

M. Jean Tiberi. Vous ne les faites pas !

M. Christophe Caresche. Alors, que l'Etat dénonce cette convention ! Ce n'est pas le cas ! Je tenais donc très solennellement à m'opposer à la réponse proprement scandaleuse du ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Tiberi. Ce sont des promesses fallacieuses !

M. le président. Vous avez fait référence à l'article 58, alinéa 2, de notre règlement pour pouvoir vous exprimer. Le ministre du logement n'est pas là pour vous répondre. Je rappelle que les rappels au règlement doivent s'inscrire dans le sujet du débat, en l'occurrence, cet après-midi, les responsabilités locales. Or le point que vous soulevez a été abordé lors des questions au Gouvernement.

4

RESPONSABILITÉS LOCALES

Suite de la discussion d'un projet de loi
adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux responsabilités locales (n°s 1218, 1435).

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Balligand. Comme responsable du groupe socialiste pour ce débat, monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement fondé sur l'article 58, alinéa 1er, qui concerne l'organisation de nos travaux.

M. le président. C'est déjà plus intéressant !

M. Jean-Pierre Balligand. L'examen du projet de loi relatif aux responsabilités locales que nous avons commencé il y a huit jours se poursuit selon un calendrier invraisemblable. Alors que nous vivons un débat fondamental, sur un texte complexe, nos échanges sont proprement saucissonnés par l'insertion à l'ordre du jour de notre assemblée de différents textes : une CMP qui sera examinée ce soir, deux propositions de loi, une communication du Médiateur et un texte du Sénat sur les directives européennes qui rendent nos débats illisibles et les ralentissent.

M. René Dosière. Que fait le Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Balligand. Je ne compte pas, au nombre de ces obstacles, le débat sur la motion de censure déposée par le groupe socialiste, puisque le retard qui en résultait a été intégralement compensé, monsieur Daubresse, après accord entre le président de notre groupe et le président de l'Assemblée par l'ajout, que nous avons accepté sans aucun problème, d'une séance le lundi 1er mars au soir. Le résultat, c'est qu'au rythme où nous allons, et c'est la question fondamentale, l'article 88 de votre projet de loi, le plus important puisqu'il aborde la compensations financière des transferts de compétences, sera examiné nuitamment, en catimini et à la veille d'une interruption de session pour cause électorale, donc sans personne en séance ou presque. Cette situation est inadmissible pour la qualité de nos débats. Elle contraste étonnamment avec l'ambition affichée par le Gouvernement de conduire une réforme historique et trahit un mépris constant envers la représentation nationale, majorité et opposition confondues. Dans ces conditions, je demande solennellement au Gouvernement, qui est maître de l'ordre du jour, de réserver l'examen de l'ensemble des articles du projet de loi jusqu'après l'article 88, afin que nous puissions débattre dans la clarté et dans la sérénité de l'avenir financier de nos collectivités, qui intéresse les élus de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Bapt. C'est raisonnable !

M. le président. Monsieur Balligand, je m'étonne que ce propos, parfaitement respectable - je ne vous ai d'ailleurs pas interrompu - se tienne ici. C'est le genre de débat que nous avons chaque mardi en Conférence des présidents, sous l'autorité du président de l'Assemblée nationale. Les messages y sont relayés par les présidents de groupe. Votre président de groupe, M. Ayrault, est ès qualités habilité à dire ce qu'il a à dire sur la maîtrise de l'ordre du jour et l'éventuelle surcharge du calendrier.

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est ce qu'il a fait !

M. le président. Vous avez tenu vos propos. Je vous réponds sur la pratique de notre honorable institution. Je vous propose, si vous en êtes d'accord, de poursuivre l'examen des articles et des amendements.

M. Philippe Vuilque. Le ministre pourrait répondre, au moins !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Cela a été fait en Conférence des présidents !

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l'assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 62.

Article 62

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1144.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre délégué aux libertés locales, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, comme nombre d'entre nous, hier soir, je regrette que, pour examiner ces articles portant sur les questions de formation et d'éducation, vous ne puissiez avoir à vos côtés l'un des deux ministres chargés de l'éducation nationale. Ce serait tout de même la moindre des choses !

M. Augustin Bonrepaux. Il y en a un qui fait ses valises : il ne peut pas être là !

M. Daniel Paul. Nous proposons, par cet amendement, la suppression de l'article 62.

Si cet article est adopté, le conseil régional aura à charge d'établir le schéma prévisionnel des formations des collèges et des établissements d'éducation spéciale, ainsi que des lycées professionnels maritimes et des établissements préparant à certaines formations sanitaires, sociales et agricoles.

C'est sur la base de ce schéma que la région et les départements établiront le programme prévisionnel des investissements nécessaires dans les établissements relevant de leurs compétences respectives, lycées ou collèges.

Or il existe aujourd'hui de grandes disparités entre régions. Aussi, dès lors que votre projet concerne les formations professionnelles sanitaires, sociales et agricoles, le rôle régulateur de l'Etat risque d'être sérieusement remis en question.

Cette régulation est pourtant nécessaire pour assurer la création, l'existence, la cohérence et la pérennité de nombreuses filières dans toutes les régions. Elle permet aussi de préserver une vision à long terme pour des formations de qualité et d'assurer l'égalité entre les territoires.

Nous nous opposons à cet article parce qu'il instaure une dépendance des formations par rapport aux besoins locaux du marché du travail, avec le risque d'une mainmise du patronat sur les formations professionnelles. Le patronat peut, certes, apporter sa contribution au sein de l'enseignement professionnel ; pour autant, l'entreprise n'est en aucun cas un lieu éducatif, mais bien un lieu de recherche de rentabilité.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons la suppression de cet article.

Quant à l'amendement n° 1145, il tend à simplifier et à clarifier l'énoncé du texte, en regroupant sous la formule « second degré » l'ensemble des établissements concernés. Les relations entre l'Etat et les établissements du second degré ne doivent pas différer selon la spécialisation ou le profil des établissements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 1144.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à le ministre délégué aux libertés locales pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1144.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1144.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 819.

La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Avant d'intervenir sur cet amendement, je soulignerai que nous avons à nouveau constaté, cet après-midi, l'absence d'un représentant du ministère de l'éducation nationale. Hier soir, M. Ferry était excusé parce qu'il présentait au Sénat le projet de loi relatif à la laïcité. Ce débat est terminé. Je m'interroge donc sur les véritables raisons de son absence aujourd'hui. Nous avions demandé, hier soir, que M. Darcos soit présent. On nous a répondu que c'était impossible. Or nous avons constaté sa présence lors des questions d'actualité. Reprenant les propos qu'il a tenus tout à l'heure, lors des questions d'actualité, j'ai le sentiment que le ministère de l'éducation nationale, à bout de souffle, ne manque pourtant pas d'air en faisant preuve d'un tel mépris à l'égard de la représentation nationale et des sujets fondamentaux dont nous débattons aujourd'hui.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. J'ai déjà entendu cela quelque part !

M. Daniel Paul. C'est de bonne guerre !

M. le président. Je vous rappelle que vous défendez l'amendement n° 819, monsieur Néri.

M. Alain Néri. C'est une constatation, monsieur le président. Sur un sujet aussi essentiel qui engage l'avenir,...

M. le président. Nous nous écartons de ce sujet.

M. Alain Néri. ...je ne comprends pas que le ministère de l'éducation nationale brille, si j'ose dire, par son absence ! D'ailleurs, c'est bien la seule façon qu'il ait de briller actuellement !

Au dernier alinéa de l'article 62, nous proposons d'insérer, après les mots : « relevant de leurs compétences, », les mots : « ou après leur avis pour les autres établissements situés sur leur territoire, ». Les conseillers généraux pourraient ainsi donner leur avis, dans le cadre de l'élaboration du schéma prévisionnel, pour tous les établissements scolaires situés sur le territoire du département. Cela nous paraît une nécessité absolue car les conseillers généraux, vous le comprenez, sont concernés par la situation scolaire sur l'ensemble du territoire qu'ils administrent.

Nous espérons donc vivement que l'amendement n° 819 recueillera un avis favorable de la commission et de M. le ministre Devedjian, qui supplée le ministre de l'éducation nationale, défaillant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. L'article 62, monsieur Paul, est de pure coordination, puisque nous avons adopté, aux articles 6 et 7, les règles relatives aux schémas prévisionnels des formations.

M. Daniel Paul. Mais nous avons le droit de continuer à défendre notre point de vue !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous ne faisons là qu'en tirer les conséquences pour le code de l'éducation. Il est tout de même souhaitable que la rédaction de l'article 62 soit cohérente avec celle des articles 6 et 7.

Du reste, il paraît difficile de demander l'avis des conseils généraux pour les lycées, dans la mesure où ceux-ci relèvent de la compétence de la région. Les conseillers généraux sont déjà représentés - nous en avons débattu hier - au conseil académique de l'éducation nationale et, d'autre part, ils siègent dans les conseils d'administration des collèges, tandis que les conseillers régionaux siègent dans les conseils d'administration des lycées. Voilà qui est cohérent et clair.

L'avis de la commission est donc défavorable.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 819.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1145.

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1145.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 62.

(L'article 62 est adopté.)

Article 63

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1146.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1146.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 63.

(L'article 63 est adopté.)

Article 64

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 379.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Un amendement adopté par le Sénat rend automatique le transfert des biens immobiliers des collèges et lycées à la collectivité de rattachement, dès lors que celle-ci effectue certains travaux, sans quoi une convention est nécessaire. Pour éviter tout contentieux sur la notion de « grosses réparations », nous proposons de limiter le transfert de plein droit aux biens faisant l'objet d'une construction, d'une reconstruction ou d'une extension.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Avis favorable. C'est une précision utile.

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 960.

La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Il s'agit d'un sous-amendement de précision. D'après l'exposé des motifs de l'amendement n° 379, la commission souhaite « limiter le transfert de plein droit aux biens faisant l'objet d'une construction, d'une reconstruction ou d'une extension ». La rédaction de l'amendement, en limitant le transfert aux extensions, ne traduit que partiellement cette motivation. Il est donc nécessaire de le sous-amender.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 960.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 379.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 380.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de cohérence avec les votes émis antérieurement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 380.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 64, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 64, ainsi modifié, est adopté.)

Article 65

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1147.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. La sectorisation des écoles maternelles et élémentaires publiques, instituée en 1963, se caractérise par un découpage du territoire en zones de recrutement correspondant à chaque établissement : les élèves sont rattachés à la zone de leur lieu de domiciliation et n'ont donc pas le choix de leur établissement.

Etablir la carte scolaire d'après une délibération du conseil municipal, et non plus dans le cadre d'une concertation entre élus locaux et services académiques, comme c'est le cas aujourd'hui, laisserait libre cours, dans les faits, à des dysfonctionnements, à moins que la notion de « délibération du conseil municipal » ne soit précisée.

Des inégalités et des discriminations sociales fortes, nous le savons tous, affectent la population de certains quartiers, en particulier à la périphérie des villes et dans les banlieues. Ce n'est pas sans conséquences sur les pratiques des parents en matière d'inscription scolaire : ils adoptent souvent des stratégies d'évitement des établissements plus ou moins bien réputés.

Nous avons tous l'obligation, me semble-t-il, de promouvoir la mixité sociale par la sectorisation, les classes hétérogènes étant plus que jamais nécessaires pour éviter que ne se creusent les inégalités résultant des ghettos socioéconomiques et culturels. D'où notre inquiétude à propos de la rédaction du texte : si la sectorisation procède d'une décision du conseil municipal, sans concertation aucune avec les autorités académiques, sans prise en compte de la nécessaire mixité sociale, nous allons créer des difficultés et aggraver celles qui existent déjà.

Nous sommes convaincus, évidemment, de la nécessité de la sectorisation, mais les élus ne doivent pas imposer leur appréciation. Une mixité - le mot vaut aussi en l'espèce - des arguments et des analyses est de nature à favoriser l'égalité d'accès à l'éducation et au savoir.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Le problème est très concret. D'après la loi, vous le savez, c'est le maire qui inscrit les enfants dans les établissements de sa commune, pas les directeurs d'école - même s'il est d'usage de leur faire confiance pour prendre les inscriptions -, et la sectorisation est déjà déterminée par le maire, en sa qualité de représentant de l'Etat.

Les communes assument aussi la propriété immobilière des écoles, et ce sont le maire et le conseil municipal, en vertu du principe de liberté des collectivités locales, qui décident de construire de nouvelles classes et lèvent des impôts locaux à cet effet.

Pour réguler tout cela, la solution de bon sens est effectivement que le maire, avec son conseil municipal, en qualité non pas de représentant de l'Etat, cette fois-ci, mais d'exécutif municipal, décide de la sectorisation de sa commune,...

M. le ministre délégué aux libertés locales. Bien sûr !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. ...qui a des répercussions sur l'ensemble des écoles. La commission est donc défavorable à l'amendement n° 1147.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. L'avis du Gouvernement est également défavorable puisque les conséquences de la décision, en réalité, sont supportées par la commune et ses contribuables ; il est donc normal que ce soient eux qui la prennent.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Je le répète, monsieur le ministre, je ne suis pas opposé à la sectorisation. Pour avoir occupé, pendant plusieurs mandats, les fonctions d'adjoint au maire chargé des questions scolaires dans une grande ville de 200 000 habitants, je sais l'importance de cette opération. Il n'en reste pas moins que le système, pendant longtemps, a aussi fonctionné sans sectorisation.

Je crains cependant que la sectorisation ne prenne, dirai-je, un caractère politique, et que, dans certains quartiers, ne soit favorisé le départ d'élèves non pas vers d'autres établissements publics, mais tout bonnement vers des établissements privés, lesquels, vous le savez bien, ne sont pas soumis à la sectorisation, quand bien même ils vivent des crédits accordés par l'Etat et les collectivités locales. Il y a là inégalité de traitement, en particulier dans les zones périphériques que je viens d'évoquer, ces quartiers dits « en difficulté », dans lesquels on constate, en maternelle, dans le primaire comme au collège, une fuite des enfants des familles qui en ont les moyens financiers, les moyens matériels.

Ma proposition ne consiste pas à empêcher ces mouvements, mais à instituer une approche plus large de la sectorisation, à traiter la question du périmètre scolaire en prenant en compte la situation des différents quartiers, afin d'améliorer ou au moins de maintenir le niveau de mixité sociale dans les écoles.

Je doute que votre commune compte beaucoup de quartiers en grand projet de ville ou en zone urbaine sensible, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Détrompez-vous !

M. Daniel Paul. Si je me trompe, tant mieux, ou plutôt je le regrette pour vous. Quoi qu'il en soit, ma circonscription est intégralement située en zone d'éducation prioritaire et en zone urbaine sensible, trois de ses quartiers sont classés en grand projet de ville et elle comprend une zone franche urbaine. Alors, souffrez que je vous parle de ces problèmes, auxquels je suis confronté tous les jours sans exception.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Faites confiance aux maires !

M. Daniel Paul. Je souhaiterais donc, et c'est le sens de mon amendement de suppression, que ces questions soient abordées d'une autre façon et que, pour les écoles en très grande difficulté, on trouve d'autres solutions que la fixation d'une sectorisation municipale. Il faut évidemment tenir compte de l'analyse de l'éducation nationale et des structures qui travaillent dans les quartiers. Lorsqu'il existe un grand projet de ville, par exemple, pourquoi ne pas utiliser cet outil pour apprécier la sectorisation des écoles ?

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. M. Paul a pu développer ses arguments, mais l'on ne saurait y souscrire, pour une raison tout à fait simple et évidente. Il a assuré que le texte portait en germe une détérioration de la mixité sociale dans l'ensemble des collectivités. Je m'inscris en faux contre cette assertion, mon cher collègue, car l'Etat n'est assurément pas le seul garant de la mixité sociale. Au demeurant, si le système actuel avait bien fonctionné, nous ne serions certainement pas là à parler de ce problème.

Conférer davantage de responsabilités aux collectivités concernées au premier chef, c'est-à-dire, comme l'a très justement indiqué M. le rapporteur, aux communes ou groupements de communes, est une très bonne idée, qui va dans le sens de la responsabilité des élus. Il n'y donc pas lieu d'adopter cet amendement de suppression.

M. le président. L'Assemblée est suffisamment informée.

Je mets aux voix l'amendement n° 1147.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 65.

(L'article 65 est adopté.)

Article 66

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1148.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. L'amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1148.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 820.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour le soutenir.

M. Philippe Vuilque. La localisation des établissements, leur capacité d'accueil, leur secteur de recrutement, le mode d'hébergement des élèves ne peuvent relever de la seule décision du conseil général. Pour conserver à l'éducation un caractère national, les décisions sur ces questions doivent relever également du rectorat. Si une décision de localisation d'établissement ne respecte pas les critères d'équilibre démographique, économique et social, le préfet doit pouvoir s'y opposer.

C'est une sécurité pratique qui nous semble non négligeable. Ce n'est pas faire preuve de défiance à l'endroit des élus départementaux mais simplement essayer de garantir le respect de l'intérêt général.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Avis défavorable aussi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 820.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 381, 494 et 195.

La parole est à M. le rapporteur pour défendre l'amendement n° 381.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cet amendement vise à clarifier les choses s'agissant des compétences en matière d'établissements scolaires et d'autorités organisatrices du transport scolaire. La discussion au Sénat a abouti, nous semble-t-il, à une rédaction complexe et qui manque de clarté. C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer le II de l'article 66.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour soutenir l'amendement n° 494.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. Il est identique au précédent.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot pour défendre l'amendement n° 195.

M. Philippe Folliot. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 381, 494 et 195.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 66, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 66, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Monsieur le président, je souhaiterais une suspension de séance pour réunir mon groupe.

M. le président. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Après l'article 66

M. le président. L'amendement n° 16 portant article additionnel après l'article 66 n'est pas défendu.

A la demande de la commission des lois, l'article 67 est réservé jusqu'après l'article 67 bis.

Article 67 bis

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, inscrit sur l'article.

M. Daniel Paul. Le Sénat a adopté, contre l'avis du Gouvernement, un article additionnel visant à introduire dans le code de l'éducation une section relative à la médecine scolaire et à en transférer la charge aux départements. Il s'agirait de faire participer les médecins scolaires à la vaste mission assumée par les conseils généraux en matière de protection de l'enfance.

Ce brutal revirement est le signe de votre mépris pour l'engagement des médecins et de l'éducation nationale (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) dans l'élaboration et la mise en œuvre d'une politique de santé et de prévention dans les établissements et les écoles. Vous refusez de reconnaître leur rôle dans l'éducation à la santé et leur intégration dans les projets pédagogiques.

Pourtant, les médecins scolaires sont profondément attachés à leur mode d'exercice, si cohérent car placé au cœur même d'une institution qui intègre tous les aspects de la santé de l'élève, quel que soit son âge : aspects physiques, psychologiques, familiaux, professionnels, ergonomiques, collectifs, individuels, éducatifs. Il est vrai que c'est sous ce gouvernement que l'on a décidé de ne plus placer l'élève au centre du système éducatif. On pourrait même parler de déshumanisation de l'école.

Nous sommes vigoureusement opposés à ce transfert et doutons de la pertinence de vos arguments. Quelle efficacité peut-on espérer d'une telle décentralisation, alors que la moitié des départements ne respectent déjà pas les obligations fixées par la loi en matière de protection maternelle et infantile ? Quels progrès seraient apportés aux élèves et à leurs familles dans le domaine de la proximité si une partie des professionnels de santé qui travaillent à l'école étaient rattachés à des tutelles différentes ? L'équipe éducative serait totalement fragmentée par des logiques et des politiques institutionnelles séparées.

Les budgets des conseils généraux sont très variables, ce qui engendre des inégalités.

M. Alain Gest. Et c'est reparti !

M. Daniel Paul. L'enfant en situation de handicap sera-t-il accueilli dans une école des Hauts-de-Seine avec la même coordination pour prise en charge médicale et éducative que dans le Pas-de-Calais ?

M. Alain Gest. Oui !

M. Daniel Paul. Nous espérons que cette assemblée fera preuve de la même sagesse que la commission des affaires culturelles et votera la suppression de l'article. Nous demanderons d'ailleurs un scrutin public.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Nous avions constaté avec une grande inquiétude que la volonté de transférer aux départements la responsabilité de la médecine scolaire était en passe de se concrétiser. Nous prenons donc acte du retour en arrière - pour ne pas dire du recul - annoncé à ce sujet : la médecine scolaire restera de compétence nationale.

M. Jean-Pierre Balligand. Seuls les imbéciles ne changent pas d'avis !

M. Alain Néri. Nous avions déposé un amendement de suppression de l'article et obtenu son adoption par la commission des affaires sociales. En revanche, nous avons assisté avec étonnement à son rejet par la commission des lois. C'est pourquoi nous nous félicitons de voir que le bon sens a finalement prévalu.

Le transfert de la médecine scolaire était en contradiction avec la volonté d'assurer à tous les enfants de ce pays un égal accès au suivi médical. Nos collègues l'ont dit tout à l'heure : il serait inadmissible que, dans les départements les moins riches, les enfants issus de milieux modestes ne puissent bénéficier d'un suivi médical, alors que ce sont souvent eux qui en ont le plus besoin. Partant du principe que l'égalité c'est donner plus à ceux qui ont moins, nous pensons que seul l'Etat est en mesure de réguler les actions de protection médicale et sociale.

C'est pourquoi nous sommes d'accord pour supprimer l'article. Nous regrettons toutefois que cette idée de transférer aux départements la responsabilité de la médecine scolaire ait pu germer dans l'esprit de représentants de la nation.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Nous avions déposé en commission des lois un amendement de suppression qui a été rejeté mais, hier, M. le ministre délégué nous a assuré qu'il défendrait un amendement identique. Nous allons en discuter tout à l'heure. En ce qui nous concerne, nous le voterons. La cohérence exige en effet que l'Etat assume complètement ses compétences au moment où il engage un nouveau processus de décentralisation.

Hier, l'article 56 a transféré à l'Etat la responsabilité des campagnes de prévention et de lutte contre les grandes maladies. Il est donc normal qu'il conserve également la responsabilité de la médecine scolaire, d'autant que le Gouvernement s'y était engagé. J'espère donc, mes chers collègues, que nous serons unanimes, tout à l'heure, à voter en faveur de l'amendement de suppression.

Cependant, monsieur le ministre, je voudrais souligner qu'il ne suffit pas que l'Etat garde sa compétence en la matière ; il faut aussi qu'il y mette les moyens. Et c'est bien cet aspect qui nous inquiète.

Aujourd'hui, les moyens consacrés à la médecine scolaire sont très insuffisants. Il aurait d'ailleurs été préférable que M. Mattei soit présent.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Il est avec M. Ferry. (Sourires.)

M. Augustin Bonrepaux. L'Etat n'assume pas concrètement et correctement ses compétences.

M. Jean-Marie Geveaux. Cela ne date pas d'aujourd'hui !

M. Augustin Bonrepaux. Est-ce une raison pour ne pas corriger la situation, mon cher collègue ? Il est indispensable que les moyens nécessaires soient mis en œuvre.

Quoi qu'il en soit, je voudrais remercier le rapporteur de la commission des lois pour son objectivité : il a bien voulu confirmer ce que j'affirmais hier. J'ai pour habitude de lire les rapports et je reconnais que celui de notre collègue Marc-Philippe Daubresse est très instructif.

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Plusieurs raisons plaident en faveur du maintien de la médecine scolaire au sein de l'éducation nationale. Permettez-moi de souligner deux d'entre elles.

Par leur action de prévention et de dépistage, les médecins de l'éducation nationale participent à l'équilibre et à la réussite des élèves. Le travail de proximité qu'ils accomplissent au sein des établissements comme membres de l'équipe éducative leur permet d'agir efficacement au plus près des jeunes scolarisés.

Transférer la médecine scolaire aux départements, qui n'ont aucune compétence dans la définition des politiques éducatives, reviendrait en fait à écarter ces personnels de leur mission éducative, alors que leur rattachement au ministère de l'éducation nationale, effectué en 1991, s'est révélé très positif. Il a permis l'intégration de la santé dans la politique éducative, tandis que l'appartenance des médecins à l'équipe pédagogique donnait une plus grande efficacité à leur action. La disposition adoptée par le Sénat risque de remettre en cause ces résultats et de provoquer une véritable régression dont les principales victimes seront les enfants.

Il convient de noter la forte opposition des personnels concernés à ce transfert, selon un scénario identique à celui des TOS. Très peu de départements sont d'ailleurs demandeurs. C'est en fait la survie même de la médecine scolaire qui se joue ici. C'est pourquoi la sagesse impose la suppression pure et simple de l'article.

M. Daniel Paul. Très bien !

M. le président. Sur les amendements de suppression de l'article 67 bis, je suis saisi par le groupe socialiste et par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je suis saisi de six amendements de suppression, n°s 1269, 496, 822, 1158, 1448 et 1481.

La parole est à M. le ministre délégué, pour défendre l'amendement n° 1269 du Gouvernement.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement n'a qu'une parole. Il s'est engagé devant les partenaires sociaux à ne pas transférer aux collectivités territoriales la médecine scolaire. Or le Sénat a adopté, contre son avis, un article additionnel visant à opérer ce transfert. Le Sénat est souverain, et il a parfaitement le droit de prendre une telle décision, mais le Gouvernement a aussi le droit de défendre sa position. C'est pourquoi il défend aujourd'hui un amendement tendant à supprimer cet article.

Le Gouvernement souhaite que tout le monde sache que, lorsqu'il donne sa parole, il prend les moyens nécessaires à son respect. C'est d'ailleurs à mon avis la condition même d'un bon dialogue social. En effet, si les partenaires sociaux sont amenés à considérer qu'un engagement du Gouvernement peut ne pas être respecté, c'est la crédibilité même du dialogue social qui est en cause. C'est pourquoi, je le dis clairement, le Gouvernement tient à l'adoption de son amendement.

M. Jean-Pierre Balligand. Vous avez compris comment il faut voter, à droite ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Cela dit, il est vrai que le texte initial avait prévu le transfert de la médecine scolaire.

M. Daniel Paul. C'est donc bien un recul !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement a été amené à y renoncer dans le cadre de ses discussions avec les partenaires sociaux.

Sur le fond, cependant, il ne change pas d'avis. Il pense que ce transfert aurait été de bonne gestion. Jusqu'à l'âge de six ans, en effet, les enfants relèvent de l'autorité de la protection maternelle et infantile, c'est-à-dire de la médecine départementale. Dès l'âge de six ans, ils relèvent de la médecine d'Etat. C'est pour le moins paradoxal.

J'ai écouté ce que vous avez dit les uns et les autres de ce transfert. Et je me suis souvenu d'avoir entendu, hier - mais peut-être me suis-je trompé - les députés de gauche scander : « faux-cul ! », pas à l'adresse du Gouvernement, d'ailleurs.

Or, si je me reporte, une fois de plus, au rapport Mauroy - car c'est ma bible, il s'agit d'un rapport très important en matière de décentralisation - je lis, à la page 69, au sujet de la santé scolaire : « Dès lors que la prévention est une compétence du département, il paraît normal que la médecine scolaire et les assistantes sociales qui y concourent soient confiées à cette collectivité dans le cadre d'un partenariat avec l'éducation nationale. Il s'agit d'assurer une réelle continuité entre la protection maternelle et infantile, l'aide sociale à l'enfance et la médecine scolaire. » D'où, cher monsieur Balligand, la proposition n° 41.

M. Jean-Pierre Balligand. Ce n'est pas ma bible à moi !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Celle-ci consiste à transférer au département - je dis bien transférer, il n'est même pas question de déléguer - la médecine scolaire et les assistantes sociales qui y concourent, et à permettre une délégation aux intercommunalités conformément au principe de subsidiarité.

J'ajoute que ce rapport a été adopté sans le concours de Jean-Pierre Raffarin, puisqu'il avait quitté la commission, comme vous ne manquez pas de le souligner, d'ailleurs.

M. Michel Piron. Cela reste un excellent rapport !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Il n'engage donc que la gauche.

M. Jean-Pierre Balligand. Non, ce n'est pas vrai !

M. Daniel Paul. Il ne l'engage absolument pas !

M. Jean-Pierre Balligand. C'est de la pure mauvaise foi, monsieur le ministre !

M. Pascal Clément, président de la commission. Une telle réflexion ne vous grandit pas, monsieur Balligand !

M. Jean-Pierre Balligand. Une telle mauvaise foi ne grandit pas M. Devedjian !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour soutenir l'amendement n° 496.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je le retire au profit de l'amendement du Gouvernement. Ce dernier est pleinement satisfaisant, puisqu'il maintient la responsabilité de l'Etat en matière de médecine scolaire, ce que notre commission réclamait à travers son amendement.

M. Jean-Pierre Balligand. C'est une commission éclairée, contrairement à celle des lois !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque, pour soutenir l'amendement n° 822.

M. Philippe Vuilque. Je dirai d'abord au ministre que M. Mauroy s'exprimait au nom du groupe qu'il présidait. Lui, c'est lui, et nous, c'est nous !

M. Alain Gest. Ce n'est pas gentil de renier ainsi son ancien Premier ministre ! Il sera déçu !

M. Philippe Vuilque. Nous ne renions rien. Comme M. le rapporteur est le porte-parole de la commission des lois, M. Mauroy était celui de la commission pour l'avenir de la décentralisation, dans laquelle l'ensemble des forces politiques étaient représentées.

M. Pascal Clément, président de la commission. Non, puisque la droite n'y siégeait plus !

M. Philippe Vuilque. Ensuite, je prolongerai en quelques mots ce que disait tout à l'heure M. Bonrepaux. La médecine scolaire, en France, n'est pas digne d'un pays comme le nôtre.

Nous n'avons pas à en être fiers, ni les uns ni les autres. Il faudra impérativement faire un effort budgétaire pour la mettre à niveau, elle mérite beaucoup mieux que l'état dans lequel elle est aujourd'hui.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Confiez-la aux départements, vous serez tranquilles ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Balligand. Le problème, c'est que ce n'est pas très sûr !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est la réflexion d'un président de conseil général qui connaît le sujet !

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour défendre l'amendement n° 1158.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, je constate avec plaisir que vous avez reculé, mais vous êtes toujours à l'affût, et je vous remercie de votre franchise. Vous auriez très bien pu expliquer que le Gouvernement, fidèle à sa promesse, était défavorable à l'amendement introduit par le Sénat. Mais vous avez ajouté que vous mainteniez votre position. Raison de plus pour que, dans nos circonscriptions, on avertisse les parents d'élèves, les professionnels de santé scolaire, médecins, infirmières, etc., qu'ils n'ont pas intérêt à relâcher la pression. Vous êtes décidé à aller de l'avant dans ce domaine.

Pour ma part, je suis très attaché à ces médecins, à ces infirmières qui viennent dans les écoles pour vacciner, observer,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Que feront-ils demain ?

M. Daniel Paul. Laissez-moi terminer !

Leur rareté va de pair avec la réapparition de problèmes sanitaires dans certaines écoles. C'est préoccupant, mais c'est sans doute tout simplement la conséquence de la crise, qui entraîne des situations difficiles dans un certain nombre de quartiers et d'établissements. On va plus facilement aux urgences que chez son médecin ou chez un médecin de quartier. De la même façon, en l'absence de médecin scolaire, les enfants ne voient plus assez souvent un médecin.

Par ailleurs, il y a actuellement environ un médecin pour 3 000 élèves dans notre pays. Est-ce sur ces bases, monsieur le ministre, que vous aviez envisagé de transférer la médecine scolaire aux collectivités locales ? Si j'ai bien compris l'essence de votre texte, il s'agissait de donner aux départements les moyens que l'Etat y consacrait. Vous auriez donc laissé aux départements le soin de la mettre à niveau. Selon nous, c'est à vous qu'il appartient de faire en sorte qu'elle réponde aux besoins recensés dans notre pays.

M. le président. L'amendement n° 1448 n'est pas défendu.

La parole est à Mme Huguette Bello, pour défendre l'amendement n° 1481.

Mme Huguette Bello. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 1269, 822, 1158 et 1481 ?

M. Marc-Philippe Daubresse rapporteur. Nous avons un débat intéressant et il doit se dérouler avec objectivité. C'est d'ailleurs le sens des propos que vient de tenir M. le ministre.

La commission des lois avait émis un avis défavorable à ces amendements de suppression, souhaitant plutôt que la médecine scolaire reste du ressort des départements, mais, le rapporteur devant être objectif, je vais vous rendre compte de notre débat.

Pour une bonne partie d'entre nous, la médecine scolaire devait être transférée aux départements pour des raisons de cohérence, parce que, de la petite enfance jusqu'à la terminale, l'ensemble des enfants qui sont dans le cursus scolaire pourraient être ainsi suivis le plus près possible du terrain.

Deuxième argument, l'efficacité. Il y a peu de médecins scolaires en France, un pour 5 760 enfants, et cela permettait de donner au département toute sa responsabilité en la matière sans grandes difficultés.

Troisième argument, la proximité ; nous continuons à dire - c'est d'ailleurs l'esprit de la décentralisation - que, en particulier lorsqu'elle émane des parents d'élèves sur le terrain, la demande est mieux satisfaite quand elle est traitée de la manière la plus proche possible.

Enfin, et il y a des présidents de conseil général ici, il existe déjà des PMI et tout cela se passe très bien, pour le bien-être des enfants, qui doit tout de même être notre principale préoccupation.

Je confirme donc que la commission est majoritairement favorable à cette thèse.

Cela étant, le président de la commission, Pascal Clément, avait appelé l'attention sur le fait qu'une négociation avait été menée avec les partenaires sociaux, en particulier par le ministre de l'intérieur et le ministre des libertés locales. Devions-nous en tenir compte ? Les avis étaient très partagés.

Le Gouvernement a choisi une méthode fondée sur la concertation, comme il l'a fait l'année dernière pour le régime des retraites. Il a organisé une concertation avec l'ensemble des syndicats concernés. Je vous rapporte ce qui s'est passé en commission. Après ce que je viens d'entendre, je souhaite à titre personnel que nous adoptions ces amendements de suppression.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand. C'est un honnête homme, Daubresse !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Absolument ! Mais ce n'est pas une découverte !

M. le président. La parole est à M. Alain Gest.

M. Alain Gest. Ce projet de loi a comme vocation principale et comme qualité principale de clarifier les compétences des différents niveaux de collectivités territoriales. C'est sans doute l'une des raisons majeures pour lesquelles vous avez suivi l'avis du rapport Mauroy mais, plus justement encore, considéré qu'il était logique de confier aux conseils généraux, qui sont déjà chargés de la PMI, la médecine scolaire et les assistantes sociales.

A l'évidence, une telle décision était cohérente. Nous sommes un certain nombre à être aussi conseillers généraux. Qui n'est pas persuadé qu'il est plus cohérent d'avoir des assistantes sociales qui travaillent dans le domaine scolaire en parfaite synergie avec celles qui connaissent parfaitement les secteurs territoriaux qui leur sont affectés par les assemblées départementales ? Qui trouverait incohérent le fait de faire travailler ensemble des services concernés par la santé des enfants ?

C'était donc parfaitement cohérent, et vous avez bien fait, monsieur le ministre, comme le rapporteur de la commission des lois à l'instant, de le rappeler.

Depuis, une négociation a eu lieu, après toute une campagne de désinformation comme nous en avons rarement connu depuis 1968, campagne relayée depuis quelques jours par nos collègues de l'opposition.

Que reprochent de manière générale à la décentralisation nos collègues communistes et, malheureusement, souvent, nos collègues socialistes ?

Ils craignent d'abord que cela ne provoque des inégalités. Nous avons déjà eu l'occasion de démontrer que les textes qu'ils ont fait voter en 1982, dont ils se sont légitimement glorifiés - voyez, je vais jusqu'au bout de ma logique -, avaient au contraire permis d'améliorer le service rendu à la population. C'était l'objectif recherché, comme c'est celui du texte dont nous discutons aujourd'hui.

On pourrait multiplier les exemples démontrant qu'ils ont été loin de provoquer des inégalités supplémentaires. Pour les collèges et les lycées par exemple, les régions et les départements parmi les plus pauvres, pleinement conscients de l'importance d'élever le niveau de culture et d'éducation des enfants, ont fait un effort considérable sur le plan financier, dépassant sans doute très largement, si l'on considère le nombre d'euros par habitant, celui consenti par des départements et des régions plus riches.

C'est la démonstration que donner la responsabilité au plus près permet de rendre un meilleur service. Ce premier argument ne tient donc pas.

Par ailleurs, j'entends dire régulièrement que les départements ne sont pas compétents dans le domaine de la politique éducative. C'est faire selon moi une lecture extrêmement étroite des lois de décentralisation de 1982, et je trouve ça à la limite insultant...

Mme Huguette Bello. Ne parlez pas d'insultes !

M. Alain Gest. ...pour les personnels des conseils généraux - mettons de côté les élus -, pour les médecins de PMI, pour les assistantes sociales qui travaillent dans les départements. Ils constituent une fonction publique qui rend un service public égal à celui que rendent les services de l'Etat. C'est particulièrement déplaisant pour eux.

Mme Huguette Bello. C'est vous qui êtes déplaisant !

M. Alain Gest. Ils se sont sentis profondément insultés par ce qui s'est dit dans les rues aux mois de mai et juin, et ils ont légitimement considéré qu'on les prenait pour une sous-fonction publique, ce qu'ils ne sont nullement. Vous ne devez pas être fiers !

Troisième élément : vous avez parlé les uns et les autres de la rareté des médecins scolaires et expliqué que la médecine scolaire n'était pas digne de ce qu'on a le droit d'en attendre aujourd'hui. Ne changeons surtout rien, en concluez-vous, continuons à laisser l'Etat s'en occuper. Nous, nous disons le contraire.

Monsieur le ministre, certes il y a eu une négociation avec les partenaires sociaux, mais nous sommes ici à l'Assemblée nationale. Les parlementaires doivent-ils être au garde-à-vous et voter ce que souhaitent les partenaires sociaux, ou doivent-ils considérer en leur âme et conscience que, dans l'intérêt des familles et des enfants, la médecine scolaire doit être confiée aux départements pour être mieux assurée demain qu'elle ne l'est aujourd'hui ? C'est la seconde solution qui me semble la meilleure. C'est la raison pour laquelle, à titre personnel, je suis au regret de le dire, je ne suivrai pas votre avis et je ne voterai pas cet amendement

M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez. Il est bon de réfléchir à ce sujet et d'échanger des points de vue, et il me paraît nécessaire de s'exprimer franchement.

C'est un problème de fond, pas un problème d'argent. L'Etat a une responsabilité à l'égard de tous les enfants qui naissent en France, auxquels il doit, selon la loi, assurer une éducation, un épanouissement intellectuel et physique.

Que des missions soient confiées à des instances territoriales, nous y sommes tout à fait favorables et nous avons œuvré en ce sens depuis quinze ou vingt ans dans cet hémicycle. Que l'on répartisse certaines fonctions matérielles entre le département et la région, nous l'avons souhaité. Mais il était entendu que l'Etat conservait la responsabilité de l'éducation intellectuelle et physique de l'enfant. Dans ces conditions, il est logique que la médecine scolaire reste dans son domaine de compétence, comme le préconise le Gouvernement au terme de la réflexion et de la négociation. C'est une question d'égalité. La vie d'un enfant, c'est le bien le plus précieux au monde. Il est normal que ce soit l'Etat qui assume une telle responsabilité.

M. Daniel Paul. C'est la sagesse !

M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Nous allons maintenant procéder au scrutin, précédemment annoncé, sur les amendements de suppression de l'article 67 bis.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

      Nombre de votants 54

      Nombre de suffrages exprimés 54

      Majorité absolue 28

    Pour l'adoption 52

    Contre 2

L'Assemblée nationale a adopté.

En conséquence, l'article 67 bis est supprimé et les amendements n°s 384 de la commission des lois, 1159 de M. Liberti et 1439 de M. Mancel tombent.

Article 67 (précédemment réservé)

M. le président. Nous en revenons à l'article 67.

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. La question du transfert massif de personnels de l'Etat vers les collectivités locales a constitué un élément majeur du mouvement social du mois de juin dernier à l'éducation nationale. La force de cette mobilisation a poussé le Gouvernement et sa majorité à reculer.

Lors du comité technique paritaire du 2 décembre 2002, le ministre de l'éducation nationale avait affirmé qu'il n'était pas demandeur d'un tel transfert. C'est la raison pour laquelle nous souhaitions qu'il vienne nous confirmer ses propos d'alors et éventuellement ses réflexions d'aujourd'hui. Le cas échéant, la réalisation de ce transfert devrait se faire à titre expérimental et avec l'accord des personnels concernés.

M. Jean Puech, président de l'Assemblée des départements de France, affirmait, le 16 septembre dernier, devant M. Nicolas Sarkozy, à l'occasion du congrès national de l'ADF : « Je rappelle que le transfert des TOS n'a jamais été souhaité par les départements. Nous ne sommes plus demandeurs. Mais, s'il devait se faire, la cogestion est à proscrire. » Pourtant, l'article 67 ouvre la voie à une subordination directe des TOS aux élus locaux.

Rappelez-vous qu'hier soir, monsieur le ministre, j'ai présenté un amendement tendant à préciser ce que signifie le mot « personnels », qui recouvre à la fois les enseignants, les techniciens, les ouvriers et les agents de service, c'est-à-dire tous ceux qui concourent, dans une équipe éducative, au fonctionnement cohérent d'un établissement.

Pour les TOS, ces femmes et ces hommes qui constituent des éléments si importants de la vie quotidienne des établissements scolaires, l'application de la loi a été repoussée au 1er janvier 2005.

L'article 67 prévoit la décentralisation de près de 100 000 salariés de la fonction publique d'Etat, 96 282 exactement, sans aucun respect de vos engagements. Les TOS sont majoritairement des femmes et représentent environ 20 % des personnels des lycées et des collèges. Ce sont aujourd'hui les catégories les plus mal payées et les moins bien considérées de la fonction publique d'Etat.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. Justement, ça va changer pour eux !

M. Daniel Paul. Ça va changer pour eux, en effet, quand vous aurez privatisé un certain nombre de leurs activités !

Outre la question fondamentale du devenir d'une conception nationale de la mission de service public qui s'exprime par l'intermédiaire d'un corps comme celui des TOS, quel sera le devenir des fonctionnaires détachés de l'Etat ou nouvellement territoriaux ? Les personnels sont très inquiets pour leur avenir et ils perçoivent que, au-delà de leur propre situation, c'est la cohésion de la communauté éducative, garante de l'unicité du service public de l'éducation nationale, qui est en jeu.

Je vous rappelle que les TOS sont recrutés pour exercer des fonctions permettant de garantir à tous les élèves et étudiants l'égalité du droit à l'instruction, à l'éducation, à la formation, à la santé ainsi qu'aux droits sociaux sur l'ensemble du territoire. Le risque majeur est l'éclatement du service public éducatif par la négation de l'engagement de ces personnels auprès des élèves. Les TOS, qui ont bien vu ce danger, font actuellement circuler une pétition au sein de leur profession, laquelle a déjà recueilli plusieurs milliers de signatures.

Notre vote aura un impact sur ces personnes et leurs familles. Je demande donc, monsieur le président, un scrutin public sur l'article 67.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Monsieur le ministre, nous abordons un article essentiel du volet éducatif. Vous ne proposez rien moins que le démantèlement de l'équipe éducative, qui rassemble personnels enseignants et personnels non enseignants.

J'éprouve quelques craintes après avoir lu le livre de M. Ferry Lettre à tous ceux qui aiment l'école : je ne suis pas sûr que ce soit son cas !

M. Alain Gest. Ça suffit !

M. Alain Néri. J'ai l'impression d'un formidable retour en arrière : M. Ferry semble vouloir limiter l'école à son rôle d'instruction publique en oubliant sa mission éducative.

Autrefois, les ministres chargés de la jeunesse et de l'école étaient ministres de l'instruction publique. Ensuite, ils sont devenus ministres de l'éducation nationale, titre qui revêt une tout autre dimension recouvrant la volonté de dispenser aux enfants de notre pays une formation générale qui leur permette non seulement de s'instruire, mais de bénéficier d'une éducation de qualité incluant l'apprentissage du mieux-vivre ensemble. En classe, mais aussi dans la cour de récréation ou dans les réfectoires, ils apprennent à partager des moments importants.

Monsieur le ministre, vous voulez transférer les TOS aux départements. Vous qui êtes si prompt à nous parler de concertation avec les partenaires sociaux, nous constatons que votre proposition a soulevé de vives protestations des personnels de la communauté éducative.

M. Alain Gest. C'est faux !

M. Alain Néri. Vous maintenez le transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service de l'éducation nationale aux départements et régions alors que nous aurions pu croire, après le bon sens dont vous venez de faire preuve pour la médecine scolaire, que vous alliez continuer dans la même direction et supprimer le transfert des TOS.

Les personnels TOS font partie intégrante de l'équipe éducative. Nous y sommes profondément attachés, eux aussi, de même que les parents d'élèves qui savent que l'école est un facteur essentiel de l'épanouissement de leurs enfants puisqu'ils y passent souvent plus de temps que dans leur famille.

Il est incohérent, monsieur le ministre, que les personnels enseignants restent de la compétence de l'Etat alors que les personnels non enseignants seraient transférés aux départements.

Du reste, en décembre 2002, M. Ferry avait déclaré qu'il n'était pas demandeur de ce transfert de personnels. Pourtant, quelques mois plus, tard le Premier ministre en a fait l'annonce lors d'une réunion des assises nationales dites des libertés locales, à Rouen.

Ainsi, des catégories entières de personnels seraient transférées sans que l'ont en ait préalablement analysé les conséquences sur le fonctionnement des services et surtout sur les moyens. Nous avons constaté que depuis deux ans aucun poste de TOS n'avait été créé. Le transfert des TOS correspond ainsi à un délestage en direction des départements, sans accompagnement des crédits. Non seulement vous organisez le démantèlement du service public de l'éducation nationale, mais vous vous défaussez des déficits qui résulteront immédiatement de ce transfert.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Néri.

M. Alain Néri. Les besoins sont très importants et les collectivités locales devront donc créer des postes. Ces charges nouvelles ne seront pas compensées puisque la compensation sera calculée au moment du transfert et non sur les postes à créer.

M. Philippe Vuilque. Bien sûr !

M. Alain Néri. Plus grave encore :...

M. le président. Très brièvement, monsieur Néri.

M. Alain Néri. ...que se passera-t-il demain si un président de conseil général ou régional considère que l'entretien ou le service de restauration des collèges ou des lycées est une charge trop lourde et transfère cette activité à des sociétés privées ?

M. Alain Gest. Quelle horreur !

M. Alain Néri. Reconnaissez avec nous qu'il s'agirait bel et bien d'un démantèlement du service public !

M. le président. Merci, monsieur Néri !

M. Alain Néri. Certains départements, en particulier le mien, celui du Puy-de-Dôme, ont fait un effort important pour améliorer la qualité de la restauration scolaire. Nous avons fait en sorte qu'une nourriture de qualité, une nourriture biologique soit servie dans les collèges...

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. Vous voyez bien : c'est vous qui l'avez fait !

M. Michel Piron. Vous avez décentralisé !

M. Alain Néri. ...en pensant surtout aux enfants défavorisés, ceux qui en ont le plus besoin. Mais nous n'avons pu le faire que grâce au maintien de la communauté éducative.

Monsieur le ministre, si par malheur vous transfériez ces tâches au service privé, qui assurerait la qualité des repas ?

M. Michel Piron. Quel mélange ! C'est une salade niçoise !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, puisque vous ne cessez d'invoquer le rapport Mauroy, je vous ferai remarquer que le précédent gouvernement aurait pu mettre en œuvre ses conclusions dans le cadre de la loi relative à la démocratie de proximité : or il ne l'a pas fait. Et s'il ne l'a pas fait, c'est parce que nous n'étions pas d'accord.

M. Alain Gest. Voilà ! Parce que vous n'êtes pas décentralisateurs !

M. Augustin Bonrepaux. Il est donc inutile d'invoquer sans cesse ce rapport, qui n'en est qu'un parmi d'autres. Vous-même d'ailleurs ne mettez pas en œuvre les conclusions de tous les rapports qui vous sont remis.

Je veux souligner tout d'abord votre manque de cohérence. M. Gest nous a expliqué que la cohérence exigeait que la médecine scolaire relève du département. Vous y avez renoncé. Maintenant, l'article 67 affirme, dans ses paragraphes II et IV, que les TOS, bien que transférés, resteront membres à part entière de la communauté éducative et continueront de concourir directement aux missions du service public de l'éducation nationale.

M. Philippe Vuilque. On nous mène en bateau !

M. Augustin Bonrepaux. On nous dit que ces personnels restent membres de la communauté éducative, alors qu'en réalité on divise cette communauté. Il faudra nous expliquer comment c'est possible.

M. Alain Gest. On va le faire !

M. Augustin Bonrepaux. M. Daubresse nous explique dans son rapport - et je l'en remercie car pour l'instant le ministre ne nous a encore rien expliqué - qu'ils continueront de relever de l'autorité fonctionnelle du chef d'établissement. Alors pourquoi changer ? Où est le changement, s'ils restent sous l'autorité du chef d'établissement, sinon qu'ils seront payés par les départements et les régions ? Votre motivation est donc bien uniquement financière. Et c'est surtout cela qui nous inquiète, au-delà de la complexité que ces dispositions introduiront dans les relations entre le chef d'établissement et la collectivité de rattachement.

Autre problème : celui des effectifs. Vous l'avez peut-être déjà oublié, mais en 2003 on a commencé à réduire les crédits affectés aux TOS et ils ont encore été réduits en 2004.

M. Philippe Vuilque. Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux. Je viens d'en mesurer les conséquences concrètes pour le collège de ma ville d'Ax-les-Thermes, où on supprime un poste cette année.

On nous explique ensuite que le montant de la compensation financière sera déterminé en fonction de la moyenne des dépenses constatées les trois dernières années précédant le transfert de compétences. Or si l'année 2002 a été bonne, les crédits ont diminué en 2003, et ils continueront à diminuer en 2004.

M. Philippe Vuilque. Voilà une bonne moyenne !

M. Augustin Bonrepaux. De la même façon, on nous a dit hier, à propos du Fonds de solidarité pour le logement, que la compensation serait calculée en remontant à l'année 2002. Mais cela ne signifie pas que l'on retrouvera le niveau de 2002, puisqu'il y a eu une forte diminution en 2003.

Il s'agit donc, là encore, d'un subterfuge...

M. Philippe Vuilque. Un attrape-nigaud !

M. Augustin Bonrepaux. ...visant à transférer des charges sur les collectivités locales. Et je ne cesse de le dire :...

M. Michel Piron. Ça, vous ne craignez pas les redites !

M. Augustin Bonrepaux. ...c'est quand même le principal motif d'inquiétude des présidents de conseils généraux et de conseils régionaux.

M. Alain Gest. Des présidents socialistes !

M. Augustin Bonrepaux. Ils se rendent compte qu'il s'agit de faire supporter par le département la charge de tous ces transferts.

Et la lecture du rapport de la commission des lois ne me rassure pas. Vous y expliquez en effet, monsieur Daubresse, que la part des crédits de suppléances et de chômage destinés au recrutement des personnels contractuels « pourrait » s'ajouter à la compensation. Ce n'est donc pas sûr.

M. Philippe Vuilque. C'est très hypothétique !

M. Augustin Bonrepaux. Ce conditionnel est lourd de sous-entendus. Vous comprenez notre inquiétude face à tant d'imprécision, étant donné que ces établissements comptent un grand nombre de contractuels, recrutés dans le cadre de contrats emploi-solidarité ou de contrats emploi consolidé. On en pense ce qu'on veut ; pour ma part je ne trouve pas ça normal, car si ces emplois sont justifiés, il faut recruter des fonctionnaires de l'éducation nationale pour les occuper.

M. Alain Gest. Que ne l'avez-vous fait !

M. Augustin Bonrepaux. Or il s'agira désormais d'emplois relevant de la fonction publique territoriale. Et c'est bien là le problème, puisque les crédits affectés à ces emplois ne seront pas compensés. Il n'y a pas en effet que les emplois relevant de l'éducation nationale ; il y a aussi les contrats financés sur des crédits du ministère des affaires sociales. Ainsi l'éducation nationale n'apporte qu'un complément au financement de contrats du type CES ou CEC.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Non ! Elle finance la base : 20 %.

M. Augustin Bonrepaux. Certes, mais les 80 % restants seront-ils aussi compensés ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Oui.

M. Augustin Bonrepaux. Voilà une question importante, à laquelle nous n'avions pas eu de réponse jusqu'à présent, sinon conditionnelle dans le rapport.

Enfin, mes chers collègues, il y a le risque de privatisation. (« Nous y voilà ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Vuilque. Mais oui !

M. Alain Gest. Quel gros mot !

M. Augustin Bonrepaux. Ce risque est d'ailleurs mis en exergue par notre collègue Michel Piron,...

M. Michel Piron. Voilà une bonne citation ! (Sourires.)

M. Augustin Bonrepaux. ...lequel nous a expliqué en commission que, dans l'hypothèse où le président de la collectivité territoriale compétente ne serait pas satisfait de l'entretien des locaux scolaires, il lui serait désormais loisible de le confier à des entreprises privées.

M. le ministre délégué aux libertés locales. L'adverbe « désormais » est de trop, puisqu'il pouvait déjà le faire !

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas moi qui le dis ! On ne peut pas nier ce risque, voire cette volonté de privatisation.

M. Alain Gest. C'est reparti !

M. Augustin Bonrepaux. Nous avons d'autant plus de raisons d'être inquiets, monsieur le ministre, que nous ne savons pas quelle forme prendra la compensation aux collectivités locales. S'agira-t-il, comme pour le RMI, du transfert d'une fraction du produit de la TIPP ? Or on se rend compte que ce transfert ne suffit même pas dans le cas du RMI, faute de recettes de TIPP suffisantes, et qu'il s'agit en réalité d'une dotation non évolutive. Les collectivités locales pourront-elles faire évoluer les taux de cette compensation ? C'est bien là le fond du problème. Je l'ai déjà dit et répété à propos de la compensation financière de la décentralisation du RMI et de la création du RMA. Et pour l'instant personne ne m'a contredit.

M. le président. Monsieur Bonrepaux...

M. Augustin Bonrepaux. L'avenir malheureusement me donnera raison : il s'agira bien d'un transfert de charges sur les collectivités territoriales, même si vous vous refusez à le reconnaître, tout en l'avouant à la marge. Seules les modalités de ces compensations nous permettront de savoir si elles seront véritablement objectives et transparentes...

M. le président. Il faut conclure.

M. Augustin Bonrepaux. ...et surtout - car c'est la préoccupation principale des contribuables locaux - si les impôts locaux n'augmenteront pas fortement à la suite de tous ces transferts.

M. Alain Néri. Voilà !

M. Philippe Vuilque. Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand. Excellente intervention !

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous délibérons coup sur coup sur deux sujets emblématiques qui ont embrasé la fin du printemps dernier et le début de l'été. Si sur le premier, à savoir la médecine scolaire, le message a été bien reçu, je crains qu'il n'ait pas été compris en ce qui concerne les TOS.

Si j'en crois ce que je ressens actuellement de la réalité du terrain, nos concitoyens sont en train de devenir hostiles à la décentralisation, pour deux raisons. La première est qu'à leurs yeux, et faute sans doute qu'on leur ait apporté les explications nécessaires, elle a toutes les apparences d'un désengagement des services publics.

Mme Catherine Génisson. Ils ont raison !

M. Philippe Vuilque. C'est très vrai !

M. Jean Lassalle. C'est assez dramatique. Je pense, pour ma part, que s'il faut effectivement décentraliser, il faut affirmer dans le même temps que l'État reste l'État, et qu'il est là pour rétablir l'égalité des chances là où elle a besoin d'être rétablie.

Si nos concitoyens sont en train de devenir de plus en plus méfiants, c'est aussi parce qu'ils ont le sentiment que la décentralisation entraîne la disparition des services publics et que le tout est dû au progrès de la construction européenne. Cela est très inquiétant, parce que ces craintes très fortes touchent deux éléments fondateurs de la politique menée par notre pays depuis une trentaine d'années.

Compte tenu des événements passés, qui ont révélé ce manque de confiance de nos concitoyens, je pense qu'il faut attendre les conclusions du travail engagé par M. Ferry sur le devenir de l'éducation nationale...

M. Jean-Louis Idiart. Il sera déjà parti !

M. Jean Lassalle. ...et mettre tout à plat avant d'entreprendre le transfert de ces 96 000 agents : on a bien vu que c'est à l'occasion de ces deux dossiers que tout s'est enflammé.

Comme vous, monsieur le ministre, je pense que, lorsqu'on s'engage dans le dialogue social, la parole donnée a un sens, même si trop souvent, malheureusement, et en particulier sous la majorité précédente, elle n'a pas été tenue. Certes nous n'avons pas pris d'engagement officiel en ce qui concerne les TOS, mais c'est tout comme. En transférant brutalement ces 96 000 agents, on risque de brouiller le message porté par ce texte.

Voilà pourquoi je voterai, à titre personnel, comme au nom de mon groupe, la suppression de cet article 67, ainsi que des articles 77 à 82.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je formulerai simplement deux petites observations, si vous le voulez bien, monsieur le président, en réponse à M. Bonrepaux.

S'agissant de l'entretien des établissements - sa citation à ce propos était excellente (Sourires) - la question est simple : il s'agit de savoir ce qui importe le plus : qu'il soit assuré par des agents de l'éducation nationale plutôt que par des entreprises privées, ou qu'il soit correctement assuré et au meilleur coût pour la collectivité ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. Ça, ils s'en moquent !

M. Michel Piron. Ce qui m'importe le plus, à moi, c'est que ces travaux soient bien faits, au meilleur coût pour la collectivité et dans l'intérêt des élèves, et disant cela, je défends les collectivités locales beaucoup mieux que ne le fait M. Bonrepaux.

S'agissant ensuite des contractuels, ma question est encore plus simple : qui les a recrutés ? C'est quand même extraordinaire de vous entendre dénoncer leur grand nombre, alors que, pour la plupart, c'est bien le gouvernement que vous souteniez qui les a recrutés. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Excusez-moi, ils n'ont pas tous été recrutés depuis deux ans ! Soyons sérieux !

M. Jean-Pierre Balligand. Beaucoup l'ont été de 1993 à 1997 !

M. Michel Piron. Permettez-moi, là encore, monsieur Bonrepaux, de vous renvoyer, sous forme d'interrogations, des affirmations quand même un peu sommaires !

M. le président. Je suis saisi de trois amendements de suppression, n°s 821, 1149 et 1480.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir l'amendement n° 821, à moins qu'il ne l'ait déjà fait dans son intervention sur l'article...

M. Augustin Bonrepaux. Je veux défendre cet amendement, monsieur le président, parce que je ne peux pas laisser dire, d'un côté, que ces agents continueront à faire partie de la communauté éducative et, de l'autre, que les collèges seront mieux gérés, pour les tâches techniques, par des entreprises. Les entreprises ne me semblent pas faire partie de la communauté éducative ! Ou alors on change de système, et il y a privatisation de la communauté éducative.

M. Philippe Vuilque. On nous raconte des salades !

M. Augustin Bonrepaux. Il faudrait opposer des arguments autrement plus sérieux aux nôtres, qui justifient suffisamment que nous proposions la suppression de cet article.

M. Alain Néri. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour défendre l'amendement n° 1149. A moins, monsieur Paul, que vous n'estimiez l'avoir suffisamment défendu dans le cadre de la discussion sur l'article.

M. Daniel Paul. Je veux ajouter quelques arguments supplémentaires, monsieur le président. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je serai rapide.

L'éducation nationale est probablement déjà l'administration la plus décentralisée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances, et M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. En URSS ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Daniel Paul. Vous retardez, chers collègues !

M. Jean-Louis Idiart. Parlez-nous de Pinochet !

M. Daniel Paul. Prenez donc le train et allez à Moscou ! Vous verrez ce qu'il en est.

Je veux dire par là qu'actuellement ce sont les inspections académiques et les rectorats qui gèrent l'intégralité de ces personnels.

M. Alain Gest. C'est de la déconcentration, pas de la décentralisation !

M. Daniel Paul. Qu'est ce que ça changerait qu'ils passent tout à coup de l'autorité de l'inspecteur d'académie ou du recteur à celle du président du conseil général ou du conseil régional, dont les services se trouvent parfois dans la même rue ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances. Et le suffrage universel, c'est un détail ?

M. Daniel Paul. Comment nier par ailleurs que le transfert de ces responsabilités vers les collectivités locales risquerait d'ouvrir la voie à la privatisation ? La raison en est très simple : accablés par le poids financier des compétences qu'ils exercent, à quoi s'ajoutera celui des nouveaux transferts que vous leur promettez, bon nombre de responsables de collectivités locales pourraient céder aux offres que leur feraient miroiter de grandes entreprises de restauration, dont la décence m'empêche de citer les noms, ou de grandes entreprises de nettoyage, que je ne citerai pas davantage, mais dont on sait qu'elles coûtent moins cher. La tentation serait grande.

Mais je ne vous ferai pas l'injure de faire de cet aspect de la question mon argument principal. Je pense, comme Augustin Bonrepaux, que ces personnels ont un rôle essentiel au sein de la communauté éducative et que la division que vous êtes en train d'opérer portera atteinte à la cohérence et à la cohésion de cette communauté éducative. C'est la raison fondamentale de notre demande de suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour soutenir l'amendement n° 1480.

Mme Huguette Bello. En demandant la suppression du transfert des personnels TOS des collèges et des lycées aux départements et aux régions, je souhaite faire entendre la voix de tous les Réunionnais.

Cette réforme a en effet rencontré, à la Réunion, une très vive opposition au sein de la communauté éducative, mais aussi auprès des parents d'élèves. Elle a donné lieu à un mouvement social d'une ampleur et d'une durée sans précédent, qui a bénéficié du soutien de l'ensemble de la population.

Il est vrai que ce projet de transfert soulève de multiples questions, notamment celle de l'unité du service public de l'éducation nationale et celle de la cohésion de la communauté éducative. Il inquiète également les collectivités locales concernées, qui craignent une explosion de leurs dépenses de fonctionnement, d'autant plus que, à la Réunion, en raison d'une démographie scolaire toujours en augmentation, le département doit chaque année construire deux collèges, et la région un lycée.

On doit enfin déplorer qu'aucune concertation n'ait précédé l'élaboration de cette réforme et le fait que les personnels TOS soient mis devant le fait accompli.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. On nous fait des procès d'intention assez extraordinaires.

M. Daniel Paul. Mais non : c'est que nous avons de l'expérience !

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Permettez-moi quelques mots de logique. Les maternelles et les écoles primaires sont toutes placées sous la responsabilité des maires.

M. Gérard Charasse. C'est une grave erreur !

M. Alain Gest. C'est Jules Ferry qui l'a voulu !

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Les personnels sont des personnels municipaux, les cantinières sont des cantinières municipales, et, que je sache, ils ne sont pas exploités...

M. Daniel Paul. Ça vaudrait le coup d'aller voir comment ça se passe sur le terrain !

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Ça se passe peut-être mal dans les mairies communistes, mais ailleurs, ça se passe assez bien. Les personnels sont plutôt contents de leur sort et ne se posent aucune question existentielle. Pourquoi devraient-ils s'en poser davantage dans les collèges et les lycées ?

Ce qu'il est important de rappeler, c'est que les 96 000 TOS concernés auront le choix. Ils pourront rester fonctionnaires d'Etat. Il est vrai que M. Paul disait que ceux-ci sont les moins bien payés et les moins bien considérés des fonctionnaires.

M. Daniel Paul. Ceux des collectivités locales sont tout aussi mal payés !

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. C'est d'ailleurs là un remarquable contre-argument, que nous ne nous priverons pas d'utiliser. M. Jospin, qui a été ministre de l'éducation, n'a guère fait changer le statut des TOS.

Mais ils pourront également rejoindre les collectivités locales, où on leur offrira des plans de carrière beaucoup plus intéressants et des possibilités professionnelles infiniment plus importantes. Le choix leur est laissé : je ne vois donc pas où est le problème.

En fait, ces débats sont très révélateurs. M. Néri disait tout à l'heure que son grand bonheur, c'est de faire servir de la nourriture biologique dans les cantines. Je suppose qu'il n'est pas recteur et que, s'il peut faire cela, c'est en tant que responsable d'une collectivité locale, président de conseil général ou régional, ou maire, ce qui prouve bien qu'il dit le contraire de ce qu'il fait sur le terrain.

M. Alain Néri. Pas du tout !

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Mais c'est le cas d'à peu près tout le monde ici.

M. Alain Gest. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. L'avenir serait plein de toutes les incertitudes si le passé n'y projetait déjà son histoire. (« Oh ! » sur de nombreux bancs.)

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. C'est de qui ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Sur une musique d'André Gide, c'est du Daubresse. (Rires.)

Depuis 1982, quelque 20 000 fonctionnaires sont passés sous l'autorité des conseils généraux. A-t-on noté qu'ils aient massivement demandé à être réintégrés dans la fonction publique d'Etat ?

M. Alain Gest. Jamais !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Depuis des années, comme vient de le rappeler M. Tian, des agents municipaux travaillent dans les maternelles et dans les écoles primaires. En 1989, M. Jospin a même fait voter une loi d'orientation précisant explicitement que la communauté éducative comprend non seulement ceux qui concourent directement à la formation des élèves, mais aussi tous les personnels qui travaillent dans les établissements, écoles, collèges et lycées, qu'ils dépendent d'un conseil général ou de la fonction publique d'Etat.

Les procès d'intention qu'on nous fait sont démentis par tout ce qui s'est passé depuis le vote de la première loi de décentralisation. M. Paul nous a relaté hier soir les malheurs de la petite Sophie.

M. Daniel Paul. Ça vous a marqué, avouez-le !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je pourrais à mon tour vous raconter les bonheurs du petit Daniel. (Sourires.)

M. Daniel Paul. Le petit Daniel, il est allé à l'école de la République !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. M. Pierre Mauroy (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), alors président de la commission pour l'avenir de la décentralisation, dans laquelle siégeait M. Mercier, sénateur et membre d'un parti politique − dommage que M. Lassalle ne soit plus là − que j'ai beaucoup fréquenté et qui, à ma connaissance, était jusqu'ici très décentralisateur,...

M. le ministre délégué aux libertés locales. Jusqu'ici !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. ...a bel et bien prononcé la phrase que vous a lue M. le ministre, sur la nécessité de transférer les TOS pour des raisons de cohérence, de proximité, d'efficacité et, surtout, pour le bien-être des enfants.

M. Michel Piron. Évidemment !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je vois M. Mauroy toutes les semaines, et bien que le gouvernement ait changé, je vous confirme que M. Mauroy, lui, n'a pas changé d'avis. Lorsque je l'ai auditionné, il m'a dit qu'il savait que certains de ses amis désapprouvaient le transfert des TOS, mais qu'il maintenait cette ligne. En novembre 2000, à Lille, M. Lionel Jospin a annoncé publiquement une loi de décentralisation. On ne l'a pas vue venir. On a eu la petite loi relative à la démocratie de proximité de M. Vaillant, mais on a attendu les transferts de compétences. Sans doute y avait-il des élections en vue. Mais nous aussi, nous avons des élections en vue, et cela ne nous empêche pas de faire cette loi. M. Pierre Mauroy avait directement inspiré toutes les propositions contenues dans le projet de décentralisation exposé par M. Jospin à Lille. Aujourd'hui, le parti socialiste a changé d'avis sur cette question, pour des raisons purement électoralistes.

M. Philippe Vuilque. M. Mauroy, c'est M. Mauroy ! Le parti socialiste, c'est le parti socialiste !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Le parti communiste, lui, ne varie pas. Il a sa cohérence. Pour autant, on ne comprend pas très bien sa démonstration.

M. Bonrepaux a parlé des transferts financiers. Les personnels peuvent opter pour le statut qu'ils souhaitent : ce sont des conditions très confortables pour eux. Selon leurs préférences, ils resteront dans la fonction publique d'Etat ou rejoindront la fonction publique territoriale, qui n'est pas une fonction de deuxième zone − tous les maires, tous les présidents de conseil général ou de conseil régional vous diront au contraire qu'elle concourt activement à réaliser ses objectifs dans l'intérêt général et qu'elle a toute sa place à côté de la fonction publique d'Etat ou de la fonction publique hospitalière. Les articles 76, 77 et suivants expliquent dans quelles conditions peut se faire ce choix. On a l'impression que ceux qui nous font des procès d'intention n'ont pas lu le titre V de la loi, où tout cela est détaillé.

Mme Catherine Génisson. Si !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. J'entends bien ce que vous dites, monsieur Bonrepaux, mais les articles 88 et suivants déterminent dans quelles conditions financières vont se faire ces transferts. Ces conditions sont très précises, beaucoup plus que ne l'était la loi de 1982 - n'y revenons pas, ce sera l'objet d'un autre débat. Vous ne pouvez pas nous dire que, l'Etat n'ayant pas fait son travail pendant des années, il n'y a pas assez de TOS et qu'il faut en prévoir deux, trois ou trois fois et demie plus. On ne peut pas attendre de la décentralisation qu'elle rattrape les années de retard qu'a accumulées un Etat qui, étant trop éloigné des préoccupations des citoyens et n'étant pas rappelé à l'ordre par eux, a mal fait son travail.

C'est ainsi que notre proposition de décentraliser les personnels TOS prend tout son sens. Pour ces raisons, la commission émettra un avis défavorable à tous les amendements qui tendent à recentraliser.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est par cohérence que nous voulons transférer les personnels TOS. Quelle est la situation actuelle ? Les collectivités locales, la région et le département, ont la responsabilité de la maintenance des lycées et des collèges. Or les personnels chargés de cet entretien ne sont pas placés sous leur autorité. C'est une absurdité : on leur impose une obligation de résultat, mais on leur refuse les moyens. C'est ce qu'a constaté M. Mauroy. On n'est pas dans l'idéologie. Je sais que c'est dérangeant et je me doute que vous allez bientôt nous expliquer que M. Mauroy n'est pas socialiste.

M. Michel Piron. M. Mauroy est au PS ce que saint Luc est à l'Évangile ! (Sourires.)

M. le ministre délégué aux libertés locales. Mais il n'était seul de son avis. Il est vrai que vous avez reproché à la droite d'avoir déserté les travaux de la commission. Mais ainsi, on est sûr que les positions de la commission étaient vraiment celles de la gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Ça fait quatre ans que vous nous répétez cela !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Dans cette commission siégeait aussi M. Laignel, qui n'est pas un adepte échevelé de la décentralisation − c'est le moins qu'on puisse dire − mais qui était convaincu de l'intérêt de cette mesure. Parmi ses autres membres, on comptait aussi Mme Jacqueline Fraysse,...

M. Daniel Paul. Je ne pense pas qu'elle ait approuvé cela !

M. le ministre délégué aux libertés locales. ...M. Auroux et M. Malvy. Vos amis politiques étaient donc représentés.

Ce qu'a dit Pierre Mauroy est simplement frappé au coin du bon sens et n'a rien d'idéologique. Tous ceux qui sont de bonne foi peuvent s'accorder là-dessus. M. Mauroy, observant ce qui s'était passé les vingt dernières années, écrivait : « Les collectivités locales ont donc assumé pleinement leur responsabilité en matière de construction, entretien et maintenance des locaux. Elles ont su agir avec célérité et efficience, là où l'État avait tardé. » C'est un constat : l'Etat n'a pas fait son devoir. « La logique implique maintenant que les 95 000 personnels affectés aux tâches d'entretien et de maintenance soient mis à disposition des collectivités territoriales. Les collectivités gèrent et entretiennent ces bâtiments alors que les personnels compétents ne sont pas placés sous leur autorité. Cette situation est incohérente. » « Incohérente » : c'est le mot.

M. Augustin Bonrepaux. C'est le rapport qui est incohérent !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Cette mise à disposition faisait l'objet de la proposition n° 22. Le Gouvernement s'est contenté de la reprendre, car c'est une disposition de bon sens. Aujourd'hui, je ne comprends pas l'attitude du Gouvernement... (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Augustin Bonrepaux. Nous non plus !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je veux dire que je ne comprendrais pas l'attitude d'un Gouvernement qui se laisserait intimider par une opposition aussi incohérente. (Sourires.) Il aurait tort de prendre vos arguments au sérieux, et c'est pourquoi il n'en fait rien.

La seule différence entre la proposition de M. Mauroy et la nôtre porte sur le concept de  mise à disposition. J'en ai parlé très loyalement avec M. Mauroy. Il m'a dit qu'il privilégiait la mise à disposition. Nous, nous laissons au personnel la possibilité de choisir entre l'intégration et le détachement. Si nous n'avions prévu que le détachement avec conservation du statut, nous serions pratiquement dans la situation de mise à disposition. Il n'y a donc presque pas de différence entre la position que vous avez soutenue pendant des années et la nôtre. Ce que disait le Premier ministre de l'époque, M. Jospin, est en parfaite cohérence avec les conclusions de ce rapport. Dans sa lettre de mission, M. Jospin explique...

M. Philippe Vuilque. Monsieur le ministre, vous faites du remplissage ! Serait-ce parce que les députés de la majorité ne sont pas assez nombreux pour le vote ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Mais non, il y a une forte majorité !

M. Jospin explique donc... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Êtes-vous gênés que je rappelle les paroles de M. Jospin ? Depuis le début de l'examen des articles concernant l'éducation, nous ne cessons de vous montrer que vous êtes en contradiction permanente avec ce que vous affirmiez quand vous étiez la majorité. Quand vous êtes la majorité, vous dites une chose ; quand vous êtes l'opposition, vous dites son contraire.

M. Jean-Louis Idiart. Et vous, que disiez-vous ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Permettez simplement qu'on vous le fasse remarquer.

Vous nous avez souvent reproché d'avoir voté contre les lois de décentralisation de 1982. Aujourd'hui, nous reconnaissons que nous avons eu tort ou du moins - puisque la plupart d'entre nous ne siégeaient pas alors sur ces bancs - que nos amis avaient eu tort...

M. Jean Le Garrec. Très bien !

M. le ministre délégué aux libertés locales. ...et nous en tirons les conséquences en ne reproduisant pas la même erreur.

Vous, en revanche, vous persistez dans l'erreur. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le Gouvernement tient particulièrement au transfert des TOS, qui permettra une gestion bien plus efficace de nos lycées et de nos collèges. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gest.

M. Alain Gest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,...

Mme Catherine Génisson. Où sont les vôtres ? Au salon de l'agriculture ?

M. Alain Gest. ...si nous avions besoin d'être convaincus de ne pas voter ces amendements, écouter M. Néri nous aurait suffi.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Tout à fait !

M. Alain Gest. Notre collègue nous a en effet montré lui-même, en citant l'exemple de son département, pourquoi il fallait transférer les personnels TOS aux conseils généraux ou régionaux. A ma connaissance, monsieur Néri, le Puy-de-Dôme n'est pas l'un des départements les plus riches de France, ce que vous devez être le premier à regretter.

M. Gaëtan Gorce. Tiens ! Voilà encore un de vos collègues qui arrive !

M. Alain Gest. Pourtant, le conseil général a jugé nécessaire d'assurer lui-même la qualité de la nourriture fournie aux élèves. C'est pourquoi votre propre discours ne pouvait, comme l'a souligné le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, que nous donner les meilleures raisons du monde de ne pas voter ces amendements de suppression.

M. Jean-Pierre Balligand. Saluons encore l'arrivée d'un nouveau membre de l'UMP !

M. Alain Gest. Par ailleurs, vous prétendez, de façon récurrente depuis le début du débat, que la décentralisation - des personnels TOS, cette fois - creuserait les inégalités. Mais avez-vous poussé la curiosité jusqu'à vous pencher sur le tarif que les parents d'élèves payaient pour la cantine dans les différents collèges ou lycées de votre département ? Je vous engage à le faire. Je me suis en effet livré à cet examen dans mon propre département. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que la situation des élèves était très différente d'un établissement à l'autre et que le système étatisé ne garantissait donc pas l'égalité. Dans certains établissements, la cantine était jusqu'à deux ou trois fois plus chère que dans d'autres. Votre système égalitaire ne fonctionne donc pas et c'est la raison pour laquelle nous souhaitons décentraliser.

Vous en cherchiez l'explication, monsieur Bonrepaux. Elle ressort de la simple logique : les personnels chargés du fonctionnement des établissements doivent relever des autorités qui en assurent la construction, la réhabilitation et l'équipement. Et je vous fais confiance : je ne doute pas que vous saurez, dans l'Ariège, renforcer les équipes si vous le jugez nécessaire.

Voilà pourquoi ces amendements doivent être rejetés.

M. Gaëtan Gorce. Bravo, monsieur Gest ! C'est cela les bons soldats !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais maintenant, on vote !

M. le président. La parole est à M. Michel Piron. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec et M. Jean-Pierre Balligand. Pour répondre à qui ?

M. Michel Piron. Mes chers collègues, la parole, que je sache, est encore libre ! Vous m'obligeriez sinon à considérer votre réaction comme un encouragement à m'exprimer plus longuement.

Une fois de plus, nous venons d'entendre toute une série d'arguments pour le moins paradoxaux.

D'un côté, on nous fait l'apologie de la décentralisation en nous montrant la capacité d'initiative des départements, tel celui du Puy-de-Dôme qui, indiscutablement, a été créatif en la matière, et de l'autre côté, on dénonce les dangers de cette même décentralisation vis-à-vis du principe d'égalité !

Par ailleurs, on nous démontre surabondamment que les transferts de personnels ne seraient pas couverts alors qu'un titre entier du projet de loi traite, avec une transparence exemplaire, des conditions de ces transferts !

Il est dommage que les slogans veuillent tenir lieu de vérité. Je me contenterai donc de redire que ce n'est pas parce qu'on répète cent fois une erreur qu'elle devient vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Néri, il me semble que vous aviez demandé la parole.

M. Alain Néri. J'y renonce, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous l'aviez également demandée ?

M. Augustin Bonrepaux. J'y renonce moi aussi.

M. Philippe Vuilque. Bien essayé, monsieur le président ! (Sourires.)

M. le président. Je n'ai rien essayé du tout ! J'avais pris note de ces demandes de parole et je constate qu'elles sont retirées. Mais je n'y vois aucune difficulté.

M. Jean-Pierre Balligand. On peut donc voter !

M. le président. Je mets aux voix ces amendements de...

M. Michel Piron. Monsieur le président...

M. le président. Oui, monsieur Piron.

M. Michel Piron. Je demande une suspension de séance. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Philippe Vuilque. Trop tard !

M. Augustin Bonrepaux. Le vote est commencé !

M. le président. La suspension est de droit. (Protestations sur les mêmes bancs.) C'est curieux, cette manie de pousser des cris d'orfraie lorsque l'application du règlement est demandée par le représentant d'un certain groupe !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, en sa qualité de président du groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je veux faire un rappel au règlement. Vous avez dit que nous allions procéder au vote - après avoir annoncé le scrutin dans le palais.

M. le président. Non, justement.

M. Jean-Marc Ayrault. Le vote doit donc avoir lieu. Il ne faut pas manœuvrer avec le règlement.

Je sais que vous êtes très sensible au bon fonctionnement de l'Assemblée nationale. Vous avez là une occasion de le démontrer une fois de plus. La suspension de séance est de droit, mais elle ne doit intervenir qu'après le vote. C'est ainsi qu'il doit être procédé.

La vérité, pour parler franchement, est que la majorité se trouve en ce moment minoritaire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Francis Delattre. Fantasme !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce n'est pas dramatique. Elle peut en effet être à l'aise : le vote définitif lui permettra de se rattraper.

En attendant, il ne faut pas manœuvrer plus longtemps.

M. le président. Monsieur le président Ayrault, permettez-moi à mon tour quelques rappels.

Premièrement, l'annonce d'un scrutin ne vaut pas ouverture.

Deuxièmement, et vous le savez bien, deux demandes l'emportent sur toute autre considération : le rappel au règlement, tel celui que vous venez de faire, et la demande de suspension de séance, comme celle de M. Piron. Je vais donc suspendre la séance. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

La suspension est de droit et nous reprendrons nos travaux dans les meilleurs délais. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Balligand. La majorité était battue !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Demande de suspension de séance

M. le président. La parole est à M. le président Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole.

Le groupe socialiste est profondément choqué de ce qui vient de se passer. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Fourgous. Vous vous en remettrez !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Commediante !

M. Jean-Michel Fourgous. Pensez plutôt aux Français qui sont choqués de vos milliards de dettes !

M. Jean-Marc Ayrault. Le rôle de la majorité est de soutenir le Gouvernement mais, depuis que nous avons commencé à examiner ce texte, les bancs de l'UMP sont particulièrement dégarnis. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François-Michel Gonnot. Nous n'avons pas de leçons à recevoir !

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

M. Jean-Marc Ayrault. C'est certainement le reflet de l'embarras de la majorité face à une réforme mal préparée, qui fait courir des risques au pays.

M. Alain Gest. Oh !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez fait quelque chose de tout à fait inédit, monsieur le président.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Mais non !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez accepté la suspension de séance, qui était de droit, mais vous n'avez pas donné d'indication sur sa durée. Vous avez décidé, de façon arbitraire, qu'elle durerait aussi longtemps que nécessaire pour aller chercher les députés de l'UMP qui permettraient d'atteindre la majorité dans cet hémicycle.

M. Léonce Deprez. Ce n'est pas la première fois que cela se produit. Rappelez-vous le projet de loi relatif à la chasse !

M. Jean-Marc Ayrault. Je tiens à émettre, au nom du groupe socialiste, la plus vive protestation à l'encontre de cette décision. Ce n'est pas une affaire banale, et je demande donc, monsieur le président, une suspension de séance d'une heure pour réunir mon groupe. J'espère que vous répondrez positivement à cette requête. Et je ne me satisferai pas d'une réponse du style « on verra quand on reprendra » ; je veux une réponse précise quant à la durée de cette suspension de séance, qui ne doit pas être simplement symbolique mais doit nous donner le temps de réfléchir à la manière dont nous allons intervenir dans la suite du débat.

Vous pouviez parfaitement procéder au vote. Nous aurions simplement constaté que les députés de la majorité étaient largement minoritaires dans l'hémicycle. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Fourgous. Vous ne savez pas compter !

M. Jean-Marc Ayrault. Je le répète, il ne s'agissait pas pour nous de faire un coup, qui n'aurait eu aucun sens. La majorité serait restée la majorité, car vous savez très bien qu'au moment du vote solennel, le 6 ou le 7 avril, elle aurait eu le dernier mot, forte de ses 365 députés.

Pour l'heure, monsieur le président, je trouve que vous avez fait quelque chose d'inélégant, qui montre l'embarras de la majorité.

M. Jean-Michel Fourgous. C'est de la désinformation !

M. Jean-Marc Ayrault. Je tenais à le souligner parce que la décentralisation n'est pas un sujet secondaire, elle mérite d'être examinée avec sérieux. C'est ce que le groupe socialiste fait depuis le début. Pour la suite de nos travaux, je demande le temps nécessaire pour réunir mon groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président Barrot.

M. Jacques Barrot. Monsieur le président, je trouve que le président Ayrault est en train de nous donner une leçon...

M. Augustin Bonrepaux. Eh oui !

M. Jacques Barrot. ...vraiment disproportionnée. Il y a eu une petite interruption de séance d'un quart d'heure.

M. Augustin Bonrepaux. Qui vous a permis d'arriver !

M. Jacques Barrot. Cette procédure a toujours été utilisée quelle que soit la majorité, quelle que soit l'opposition.

M. Philippe Vuilque. Mais la durée n'a pas été fixée !

M. Jacques Barrot. Je voudrais qu'on retrouve un climat plus serein. Vous vous posez moins de questions lorsque vous demandez un quorum ou que vous utilisez d'autres méthodes de retardement.

M. Alain Néri. Prêchi-prêcha !

M. Jacques Barrot. Monsieur Néri, j'ai écouté M. Ayrault sans l'interrompre. J'attends la même attitude à mon égard, surtout de la part d'un collègue auvergnat. Vous pourriez au moins respecter notre appartenance commune, dont nous sommes fiers, vous comme moi. (Sourires.)

Bien sûr, la suspension de séance demandée par M. Ayrault est de droit, mais je pense, monsieur le président, que, compte tenu des positions qu'il développe dans ce débat, la consultation de ses collègues devrait pouvoir être courte et même rapide, à moins qu'il n'évolue très sensiblement et qu'il n'ait l'intention de formuler des propositions constructives, auquel cas il faudrait lui laisser un peu plus de temps.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous pouvez aussi fixer la durée de la suspension tant que vous y êtes !

M. Jacques Barrot. En tout cas, j'observe qu'en un quart d'heure, beaucoup de députés, qui assistaient à diverses réunions de commission, ont rejoint l'hémicycle. Je trouve dommage, pour notre assemblée, de ne pas respecter ce minimum de liberté dans l'organisation de notre temps de travail. Nous le respectons lorsqu'il s'agit des besoins de l'opposition, je ne vois pas pourquoi la majorité ne pourrait pas, elle aussi, disposer de cette latitude. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. René Dosière. Quel galimatias !

M. Philippe Vuilque. Nous voulons une suspension d'une heure !

M. le président. Maintenant que les présidents des deux groupes se sont exprimés, permettez-moi de rappeler quelques points de méthode.

Vous avez, monsieur le président Ayrault, cité la présidence de séance. Or, selon l'usage parlementaire, celle-ci ne saurait être contestée, ni sur la forme ni sur le fond.

Une prise de position au moment du vote eût pu être contestée, mais tel n'a pas été le cas. En effet, ce qui prime sur tout autre engagement, vous le savez bien, ce sont les rappels au règlement, sur lesquels vous vous appuyez les uns et les autres avec un certain bonheur, et les demandes de suspension de séance.

C'est ainsi que votre rappel au règlement, monsieur Ayrault, et la demande de suspension de M. Piron, qui était fondé à effectuer cette démarche au nom du groupe UMP, ont primé sur l'annonce du vote. C'est dans cet esprit que la séance a été suspendue. Et c'est dans ce même esprit que je déclare recevable votre demande de suspension de séance.

Pour ce qui est de sa durée, je vous propose une demi-heure. Cela devrait vous laisser le temps de pousser votre réflexion et de nourrir votre raisonnement à partir des arguments qui ont été développés.

Je terminerai en rappelant que la demande de scrutin public ne portait pas sur les amendements de suppression de l'article 67 mais sur l'article lui-même.

Avant de suspendre, je donne la parole à M. le président de la commission des lois.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Monsieur le président, je voudrais simplement vous interroger sur l'organisation de nos travaux.

Il est dix-huit heures quarante-cinq. Une demi-heure de suspension nous amène à dix-neuf heures quinze. Cela ne vaudrait pas le coup de reprendre la séance si nous devions lever à dix-neuf heures trente. Il faudrait donc continuer jusqu'à vingt heures, sachant qu'à vingt et une heures trente, nous ne reprendrons pas directement ce texte puisque nous devons auparavant examiner une CMP. Je crois qu'il serait utile que la présidence indique à l'Assemblée la chronologie exacte de ses travaux.

M. le président. Le président Ayrault a demandé une suspension d'une heure. La suspension est de droit. La fixation de la durée dépend de la présidence de séance.

Pour que l'Assemblée retrouve sa sérénité dans ce débat essentiel pour l'organisation de notre territoire, et qui jusqu'à présent a été de qualité, il me semble utile que le groupe socialiste puisse disposer d'un certain temps pour réfléchir. Une demi-heure me semble équilibré. Cela nous laisse trois quarts d'heure pour essayer d'achever, avant vingt heures, heure normale de la levée de séance, l'examen des amendements portant sur l'article 67.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Reprise de la discussion

M. le président. Nous reprenons l'examen de l'article 67.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements de suppression n°s 821, 1149 et 1480.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1150.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le soutenir.

M. Michel Vaxès. Nous rejetons le principe des transferts de personnels de l'éducation nationale. En accord avec ce qu'ont traduit les mouvements sociaux du printemps et de l'été, nous estimons que les agents non enseignants de l'éducation nationale font partie de la communauté éducative. Du reste, cela est inscrit dans le code de l'éducation - article L. 111-3 - et confirmé par la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989. Cet argument correspond à la réalité d'un service public de l'Etat très particulier en ce qu'il touche à l'enfance et à la jeunesse.

Des difficultés ne manqueront pas d'apparaître s'il y a coexistence, dans les établissements publics locaux d'enseignement, de deux catégories de personnels relevant de tutelles différentes : des personnels d'Etat - enseignants, personnels d'éducation et administratifs - et des personnels soit de la fonction publique territoriale, soit de la fonction publique d'Etat mis à la disposition de la collectivité de rattachement de l'établissement d'enseignement. Une telle coexistence de statuts différents ne sera pas de nature à améliorer l'action des équipes éducatives. Il aurait sans doute été plus efficace de renforcer les missions des TOS dans le processus de l'action éducative.

L'accueil, la restauration et l'hébergement dans le cadre scolaire ne sont pas des services comme les autres. Ils supposent souvent que les TOS, personnels non enseignants, encadrent la jeunesse et l'accompagnent dans l'apprentissage des règles de comportement, d'hygiène et de cohabitation. Il nous faudrait donc renforcer les missions de ces personnels plutôt que les exclure de fait de l'action éducative à laquelle ils participent aujourd'hui. Décentraliser ces trois fonctions vers le département est une grave erreur. Cela fera courir des risques d'externalisation, de privatisation de ces services et de suppression de la dimension éducative de ces missions. C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de supprimer le I de l'article 67.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1150.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 143 n'est pas soutenu.

Je suis saisi de l'amendement n° 1151.

La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. En prévoyant que les missions de l'éducation nationale ne doivent pas être externalisées, cet amendement pose la question de principe de l'unicité des corps de métier dans le service public, en particulier celui de l'éducation nationale.

L'une des grandes revendications du MEDEF reste la diminution de la pression fiscale locale sur les entreprises et la baisse du nombre de fonctionnaires, en particulier au niveau territorial. Pour le Gouvernement et pour le patronat, la décentralisation est surtout affaire d'économies. Le « local » est considéré comme le domaine par excellence où il conviendrait d'externaliser les missions d'intérêt général vers les associations et les entreprises privées.

Vous poursuivez la logique selon laquelle la concurrence systématique entre privé et public jouerait comme un levier pour élever la productivité du secteur public. Xavier Darcos avait ainsi affirmé au mois de mars 2003, dans le journal La Croix : « Que le département ou la région puisse faire appel à des médecins libéraux pour les visites médicales ou à des entreprises privées pour la restauration scolaire ne me choque pas. Je suis ministre des élèves de l'enseignement scolaire et non ministre des structures. »

Séparer l'élève des structures qui l'accueillent est sans aucun doute la plus mauvaise façon de procéder. Monsieur le ministre, nous vous demandons de ne pas externaliser les services auxquels sont rattachés les TOS, car ce serait marquer la fin du rôle de cohésion sociale de l'école de la République.

M. Alain Néri. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Avis défavorable : une telle disposition serait inconstitutionnelle.

M. Alain Néri. M. Daubresse décide de ce qui est constitutionnel ? Il veut remplacer M. Mazeaud ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1151.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous poursuivons avec votre amendement n° 1152, monsieur Vaxès.

M. Michel Vaxès. Cet amendement vise à supprimer le II de l'article 67, qui tend à ajouter, dans le code de l'éducation nationale, un article L. 231-2-1 dont l'importance est telle que je vais vous le lire : « Le département assure le recrutement et la gestion des personnels techniciens, ouvriers et de service exerçant leurs missions dans les collèges. Ces personnels sont membres de la communauté éducative et concourent directement aux missions du service public de l'éducation nationale dans les conditions fixées à l'article L. 421-23 et à l'article L. 913-1. »

La cohésion de la communauté éducative n'est plus maintenue ; elle est même minée. Cette menace, qui concerne un personnel chargé de l'éducation de l'enfance et de la jeunesse de notre pays, est nourrie par l'éclatement croissant des statuts qui sont juxtaposés au sein d'un même établissement.

Avec l'article 67, un cap est passé en matière d'émiettement des responsabilités et, à terme, cela suscitera des disparités de traitement considérables selon les départements ou les régions.

Le nouvel article L. 421-23 contredit, à notre sens, les dispositions générales de ce paragraphe II. Le fait que le président du conseil général ou du conseil régional puisse s'adresser directement au chef d'établissement pour l'exercice des compétences incombant au département ou à la région porte un coup à l'idée même de « communauté éducative », à la conception nationale d'une mission de service public. Il est, en effet, évident que des disparités importantes, des différences d'approche se manifesteront selon les départements concernés.

Les dispositions du paragraphe II pourraient apparaître comme une concession au mouvement social du mois de juin, mais ne nous leurrons pas ! La réalité du texte est tout autre. La notion de communauté éducative, déjà mise à mal, pourrait devenir, à terme, virtuelle, avec un tiraillement dommageable entre une politique à visée nationale et des intérêts locaux. Aussi proposons-nous de supprimer ce paragraphe II qui permettrait de justifier de réelles régressions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1152.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 1153 et 151, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n° 1153.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il est défendu !

M. Michel Vaxès. C'est ce que je m'apprêtais à dire mais, puisque vous le prenez comme ça, je vais le soutenir ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je note que ni le ministre, ni le rapporteur, ni le président de la commission ne répondent aux questions importantes que posent ces amendements de repli. Si vous aviez accepté de supprimer l'article 67, le problème serait résolu ! (Rires.)

Un cadre spécifique d'emploi des personnels TOS décentralisés - nous en proposons la création par cet amendement de repli, tout en maintenant notre refus de l'abandon du statut de fonctionnaire d'Etat - constituerait une garantie minimale pour ces personnels. Quelles garanties pouvez-vous en effet leur apporter en matière de recrutement, d'obligations de service, de congés, de droits à mutation, de rémunération, de promotion et d'exercice du droit syndical ? Ces questions mettent d'ores et déjà en exergue les contradictions qui ne manqueront pas d'apparaître entre la mission de service public, nationale par excellence, et les intérêts locaux.

Mes chers collègues, faut-il, comme le propose 1e Gouvernement, sacrifier la notion de communauté éducative en bafouant les engagements pris après le mouvement du printemps dernier par le ministre de l'éducation nationale vis-à-vis des TOS, au seul motif de réduire les dépenses publiques et de faciliter ce que certains d'entre vous appellent « la rationalisation de la gestion du personnel », c'est-à-dire la mobilité totale et la précarisation absolue sur le poste de travail ?

Du reste, ces appréciations rendent compte de l'économie générale de ce texte qui décentralise les compétences, mais pas les moyens financiers, et qui fera porter aux collectivités et à leurs populations le poids du désengagement de l'Etat.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour soutenir l'amendement n° 151.

M. Michel Piron. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Avis défavorable aux deux amendements, mais pour des raisons différentes.

L'amendement n° 1153 est en contradiction avec l'amendement de suppression de l'article qui a par ailleurs été déposé par les membres du groupe communiste. Mais n'insistons pas sur ce point et admettons qu'il s'agisse d'un amendement de repli.

M. Michel Vaxès. Je l'ai présenté comme tel.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. L'amendement n° 1153 propose d'introduire dans ce texte une mesure qui serait moins favorable aux personnels TOS de l'éducation nationale qui vont être transférés aux collectivités locales : le projet de loi leur offre en effet la possibilité de choisir de rester fonctionnaires d'Etat ou d'intégrer la fonction publique territoriale. En outre, l'amendement propose une mesure qui relève du cadre réglementaire. La commission y est donc doublement défavorable.

L'amendement n° 151 de M. Gest est bien différent.

M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est même l'inverse du précédent.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Mais puisque nous sommes à la recherche d'un équilibre, mieux vaut tendre à l'équilibre qu'à la perfection, car c'est déjà une perfection que d'atteindre l'équilibre. (Sourires.)

Nous avons noté que le Gouvernement s'était engagé à créer des cadres d'emploi spécifiques, ce qui ne préjuge en rien de l'avenir. Pour l'heure, il n'est question que d'intégrer les personnels existants dans ces cadres.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. L'amendement n° 1153 offre la particularité d'être en contradiction avec les autres demandes du groupe communiste. Il obligerait ceux auxquels le projet de loi laisse la possibilité de rester agents de l'Etat, à devenir tous agents des collectivités territoriales. Le projet de loi nous paraît plus généreux.

En outre, dans le cadre des négociations menées avec les partenaires sociaux de l'éducation nationale, nous avons pris l'engagement de créer un cadre d'emploi spécifique qui définira les missions exercées par ces personnels en même temps que leur affectation dans l'établissement. Mais il va de soi que la création de ce cadre d'emploi ne relève pas de la loi et qu'elle est d'ordre réglementaire. C'est donc un décret qui y pourvoira, conformément aux engagements du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Les arguments du rapporteur ou du ministre ne me convainquent pas. Du reste, si nous avions fait une erreur d'appréciation sur le statut des personnels TOS, menacé d'éclatement, ceux-ci n'auraient pas manqué de nous le faire savoir, puisque nous avons préparé nos amendements avec eux.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Vous voulez dire : « avec quelques-uns d'entre eux » !

M. Michel Vaxès. Non, avec leurs représentants !

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Mais quels représentants ?

M. Michel Vaxès. Contesteriez-vous, monsieur le rapporteur pour avis, la légitimité de la démocratie syndicale ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Cette démocratie, nous la souhaitons, au contraire !

M. Michel Vaxès. Vous la souhaitez ; nous la mettons en œuvre. Nous avons en effet préparé nos amendements avec les représentants de ces personnels. Certains d'entre eux écoutent d'ailleurs notre débat, depuis les tribunes. Ils viendront probablement nous dire quelle est, entre votre solution ou la nôtre, celle qui leur paraît la plus adaptée à leur situation.

Au reste, tous nos amendements sont portés par la même motivation : la volonté de ne pas séparer telle ou telle catégorie de l'ensemble de l'équipe éducative, alors que l'article 67, comme bien d'autres, remet en cause l'unité de l'action éducative.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Nous ne le croyons pas.

M. Michel Vaxès. Ne me dites pas non, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Ces personnels continueront à faire le même travail au même endroit et avec la même hiérarchie. En quoi seraient-ils exclus de l'action éducative ?

M. Michel Vaxès. Lorsque, dans certains établissements, des services seront privatisés - conformément à votre souhait ou à celui de vos amis - la fonction éducative et la part qu'en assument les TOS se trouvera éclatée.

La réalité, pour qui a observé la vie dans les établissements, notamment au cours de la dernière décennie, est que l'ensemble des personnels TOS y joue un rôle de plus en plus important, et qui l'est beaucoup plus, en tout cas, que celui que, sur les bancs de la majorité, vous leur prêtez généralement. Voilà pourquoi je maintiens cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur Vaxès, il y a quelques instants, M. Daniel Paul, qui appartient à votre groupe, indiquait que les fonctionnaires de l'Etat étaient mal payés et mal considérés. Nous leur offrons justement le choix de conserver un statut que vous décrivez ainsi ou de rejoindre la fonction publique territoriale, qui leur offrira peut-être des plans de carrière plus avantageux.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Beaucoup plus !

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Quoi qu'il en soit, nous leur laissons le choix. La position du groupe communiste est donc réellement incompréhensible.

M. Francis Delattre. Elle est monolithique !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Ce sont les propos du rapporteur pour avis qui sont incompréhensibles.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Brard répond au nom du groupe communiste, maintenant ? C'est nouveau !

M. Jean-Pierre Brard. Je parle en mon nom, fort de la légitimité que me donnent mes électeurs, ne vous en déplaise, monsieur le ministre !

M. Francis Delattre. Cette légitimité, nous l'avons tous !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous propose volontiers, d'ailleurs, de venir vous confronter au suffrage des électeurs de Montreuil.

M. Francis Delattre. Pourquoi pas ?

M. Jean-Pierre Brard. J'apprécie que M. le rapporteur pour avis fasse siens les propos de mon collègue Daniel Paul, qui soulignait que les fonctionnaires de l'Etat étaient aussi mal payés que mal considérés.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Je ne faisais que les rapporter.

M. Jean-Pierre Brard. Vous y avez adhéré pour les besoins de votre démonstration. Vous en avez profité pour souligner que les personnels TOS, s'ils changent de fonction publique, seront mieux considérés, ce qui est probable, et sans doute mieux payés. Est-ce à dire que vous voulez démanteler le statut de la fonction publique ?

Vous ne répondez pas ? Peut-être vous ai-je ouvert un champ de réflexion que vous n'aviez pas prévu...

M. le ministre délégué aux libertés locales. Vous ne voulez pas qu'on les paie mieux ? Est-ce cela qu'il faut comprendre ?

M. Jean-Pierre Brard. Pas du tout ! Ce qui nous étonne c'est que vous ne vouliez pas que l'Etat les paie mieux.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Dois-je rappeler que l'opposition actuelle était au pouvoir il n'y a pas deux ans ? Etes-vous amnésique, monsieur Brard ?

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président de la commission, vous voyez les autres à votre image ! Pour ma part, je ne puis être tenu pour responsable de toute la politique d'un gouvernement, même si je l'ai soutenu fidèlement, parce que les 35 heures, la CMU et les emplois-jeunes étaient, à mon sens, des mesures importantes, parce que la solidarité et la responsabilité sont pour moi des valeurs qui comptent.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Pourriez-vous revenir au sujet, monsieur Brard ?

M. Jean-Pierre Brard. Avec plaisir. Ce que le Gouvernement veut faire, c'est avant tout démanteler le statut de la fonction publique et l'atomiser en autant de statuts qu'il y a de collectivités dans notre pays.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances. Voire en autant de statuts qu'il y a de fonctionnaires... (Sourires.)

M. Francis Delattre. Le statut auquel vous êtes si attaché, monsieur Brard, les personnels concernés n'en veulent pas !

M. Jean-Pierre Brard. Vous initiez un processus de démantèlement des statuts et de privatisation. Or, comme M. Daubresse aime à le souligner, je suis jacobin : je suis attaché à l'égalité que nous avons héritée de la Révolution.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1153.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, n°s 895 de Mme Boutin, 90 de M. Lequiller et 1308 de Mme Pecresse, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 895 n'est pas défendu.

La parole est à M. Pierre Lequiller, pour soutenir l'amendement n° 90.

M. Pierre Lequiller. J'insiste sur le fait qu'il peut y avoir des situations très injustes au moment où va s'effectuer le transfert des personnels TOS.

En Ile-de-France, l'académie de Versailles - je le sais en tant que conseiller général et vice-président du conseil général, chargé des affaires scolaires - est au dernier rang des académies en ce qui concerne le nombre des personnels TOS.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Les Yvelines sont pourtant plus riches que les Hauts-de-Seine !

M. Pierre Lequiller. Notre académie est ainsi la moins dotée des trois qui composent l'Ile-de-France. Et à l'heure du transfert des postes de personnels TOS, dont on sait déjà qu'ils ne couvriront pas les besoins réels des établissements, l'équité imposerait pour le moins de rétablir l'équilibre entre chacun des départements franciliens, en prenant pour référence les effectifs et le nombre des établissements.

Tel est l'objet de notre amendement.

M. le président. Sur cet amendement, je suis saisi d'un sous-amendement n° 1615, de M. Bonrepaux.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Une nouvelle fois, je regrette l'absence du ministre de l'éducation nationale. M. le ministre délégué aux libertés locales nous a montré en effet que ses connaissances en matière d'éducation étaient pour le moins limitées.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Que voulez-vous ? Je ne suis pas instituteur ! (Sourires.)

M. Augustin Bonrepaux. Mais, monsieur le ministre, pour participer à ce débat, il vaudrait mieux connaître les problèmes. Quand nous avons réclamé la présence du ministre de l'éducation nationale, vous auriez mieux fait de nous dire qu'il était retenu ailleurs ou sur le départ, plutôt que de vous vanter de pouvoir répondre à sa place !

M. Christian Vanneste. Sur le départ, il l'est sûrement !

M. Augustin Bonrepaux. Vous confondez en effet entretien et maintenance. Or, si la maintenance - les gros travaux - est souvent assurée par des entreprises, l'entretien, lui, est effectué par les personnels TOS, qui appartiennent de ce fait à la communauté éducative. Ils assurent également la restauration, tout comme le balayage et l'accueil. De même, les agents de laboratoire, à propos desquels je vous ai interrogé, contribuent manifestement à l'éducation.

Tout à l'heure, vous avez justifié le transfert en prétendant qu'il permettrait d'améliorer l'entretien. Mais l'entretien, c'est seulement le balayage et le nettoyage.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Non !

M. Augustin Bonrepaux. Je sais tout de même ce qui se passe dans les collèges, monsieur le ministre ! Vous n'êtes pas conseiller général, du moins pas encore, ni ministre de l'éducation nationale. Et votre appréciation de la réalité est quelque peu erronée.

Tout à l'heure, vous nous avez fait entendre que le Gouvernement allait prévoir un grand nombre d'agents dans les établissements. Mais, depuis 2002, nous avons constaté une réduction des effectifs de personnels TOS - je vous renvoie aux budgets 2003 et 2004 - qui va se répercuter sur les collèges, puis les départements.

Quant à l'idée de la péréquation, elle est excellente. Mais pourquoi, dans ce cas, se limiter à l'Ile-de-France ?

M. Philippe Vuilque. Bonne question !

M. Augustin Bonrepaux. Je propose par conséquent de supprimer les mots « dans la région Ile-de-France », afin d'aboutir, par la péréquation, à une plus juste répartition des moyens. Ce sous-amendement me paraît particulièrement important et justifie l'amendement n° 90 de M. Lequiller.

M. Philippe Vuilque. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 1308 n'est pas défendu.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 90 et le sous-amendement n° 1615 ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. M. Lequiller pose une vraie question...

M. Jean-Pierre Brard. Cela présage mal de la suite !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. ...et il nous faut clarifier les conditions du transfert. Quant à la proposition de M. Bonrepaux, elle est justifiée, car si l'on envisage d'appliquer un système de péréquation à l'Ile-de-France, il n'y a pas de raison de ne pas l'étendre à l'ensemble du pays.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui, pourquoi Lambersart n'en bénéficierait-elle pas ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Toutefois, le dispositif que vous proposez, monsieur Lequiller, manque de précision. En effet, il concerne des emplois futurs - ce qui est assez inhabituel dans un texte de loi - et nous ne pouvons donc pas savoir à compter de quelle date doit s'appliquer la mesure. Par ailleurs, la péréquation consiste-t-elle en un redéploiement des effectifs avant transfert ou en une compensation financière liée à un déficit en personnels TOS ? Et dans ce dernier cas, comment calcule-t-on la moyenne par rapport au nombre d'élèves ?

Une telle disposition causerait donc quelques difficultés d'application. Toutefois, nous sommes d'accord sur l'intention. Aussi vais-je vous suggèrer, monsieur Lequiller, de retirer votre amendement au bénéfice de l'amendement n° 617 rectifié, que nous avons rédigé ensemble et qui prévoit qu'un rapport retracera la répartition et l'évolution annuelle, sur les cinq dernières années, des effectifs des personnels concernés, avant la publication de la convention qui régira les rapports entre la collectivité et l'Etat. Ainsi, nous pourrons tenir compte de la péréquation au moment du transfert. Cette rédaction me semble plus appropriée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je souhaiterais apporter une réponse de fond aux questions relatives à la péréquation, qui reviennent de manière récurrente chaque fois qu'un transfert est évoqué. Paraphrasant une expression bien connue, je serais tenté de dire que trop de péréquation tue la péréquation.

M. Philippe Vuilque. On ne nous l'avait jamais faite, celle-là !

M. le ministre délégué aux libertés locales. En effet, à force de multiplier les péréquations sectorisées, on ne parvient plus à en distinguer le résultat global. Le Gouvernement tient particulièrement au principe de la péréquation : il l'a inscrit dans la Constitution et il est en train de mettre en place un véritable outil de péréquation, dont les critères seront définis dans le cadre de la prochaine loi de finances et qui permettra de faire face aux inégalités entre les territoires.

M. Bonrepaux me dira - je le sais pour avoir eu de nombreux échanges avec lui à ce sujet,...

M. Augustin Bonrepaux. Vous en parlez très bien ! (Sourires.)

M. le ministre délégué aux libertés locales. ...qu'il n'y croit pas et que la péréquation est insuffisante en 2004.

M. Jean-Pierre Brard. Il est comme saint Thomas, Augustin ! (Rires.)

M. le ministre délégué aux libertés locales. J'ai déjà eu l'occasion de lui répondre qu'elle avait augmenté de 25 % pour les régions - ce dont il est lui-même convenu -, mais il estime que nous aurions dû faire beaucoup mieux pour les communes. Quoi qu'il en soit, je ne souhaite pas relancer une nouvelle fois la polémique, car cela va lasser tout le monde. Je veux répondre sur le fond.

Nous voulons mettre en place un outil de péréquation puissant plutôt que de pratiquer une péréquation dispersée. La tentation est grande pour les élus de souhaiter qu'elle se fasse sujet par sujet, et il est vrai que, d'une manière générale, il y a de graves inégalités dans les interventions de l'Etat sur l'ensemble du territoire. Chaque transfert, notamment, donnait lieu à une répartition très inéquitable. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la décentralisation a toute son utilité, puisqu'elle permet de corriger ces inégalités. Il suffit d'observer la configuration des transports en France pour comprendre que l'Etat central, jacobin, a organisé et entretenu l'inégalité dans ce pays.

M. Jean-Pierre Brard. Pas du tout !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Toutes les autoroutes, toutes les voies de chemin de fer, toutes les lignes aériennes convergent vers Paris, laissant en déshérence des pans entiers du territoire !

Qu'elle permette aux acteurs locaux de prendre en charge leurs propres problèmes ou qu'elle s'accompagne d'un outil puissant de péréquation tel que celui que nous voulons construire, la décentralisation permettra de rétablir ces inégalités que, encore une fois, l'Etat a organisées.

M. Jean-Pierre Brard. Rétablir ?... Lapsus révélateur !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Si l'utilisation des arrière-pensées ou des lapsus de vos contradicteurs...

M. Jean-Pierre Brard. Vos arrière-pensées : c'est vous qui le dites !

M. le ministre délégué aux libertés locales. ...est votre seul argument, votre dialectique est bien faible !

Le Gouvernement est très hostile à la dispersion de la péréquation. Il veut la concentrer pour qu'elle soit utile.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. J'ai écouté avec beaucoup d'attention,...

M. Jean-Pierre Brard. Et de délectation !

M. Alain Néri. ...et de délectation, en effet, les arguments que vient de développer Pierre Lequiller et qui figurent également dans l'exposé sommaire de l'amendement n° 895 de Mme Boutin.

Je ne regrette absolument pas d'avoir demandé la suppression du transfert du recrutement et de la gestion des TOS, dont je souhaite qu'ils continuent de relever de l'éducation nationale. Mais lorsque nous vous avons alerté, monsieur le ministre, sur les risques financiers encourus par les collectivités, conseils généraux ou régionaux, vous avez balayé nos arguments du revers de la main. Or Mme Boutin, qui ne siège ni sur les bancs du parti socialiste ni sur ceux du parti communiste,...

M. Michel Piron. C'est un appel ?

M. Jean-Pierre Brard. Du ciel ! (Sourires.)

M. Alain Néri. ...mais sur ceux de la majorité, estime - je cite l'exposé sommaire de son amendement : « A l'heure des transferts des postes TOS, dont on sait déjà qu'ils ne couvriront pas les besoins effectifs des établissements, l'équité impose pour le moins de rétablir l'équilibre entre chacun des départements franciliens. » C'est bien l'aveu du transfert des déficits vers les collectivités territoriales !

Moi, monsieur le ministre, je suis, comme Augustin Bonrepaux, pour la répartition, mais pas pour la répartition de la pénurie ! On peut certes étudier l'évolution des postes en France au cours des cinq dernières années, mais il serait peut-être bon d'évaluer le nombre de postes nécessaires au bon fonctionnement des établissements et de calculer le transfert des crédits en tenant compte de cette donnée, plutôt que de vous défausser de votre déficit sur les collectivités, qui seront contraintes d'augmenter les impôts locaux parce que vous n'avez pas le courage d'assumer vos responsabilités.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller. Je souhaitais attirer l'attention du ministre sur la situation critique, difficile, qui est la nôtre. Je le remercie, ainsi que le rapporteur, pour leur réponse, et je retire mon amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.).

M. Jean-Pierre Brard. Je le reprends !

M. le ministre délégué aux libertés locales. La Seine-Saint-Denis défend les Yvelines ! On aura tout vu !

M. Pierre Lequiller. Mais je compte sur l'amendement n° 617 rectifié que M. le rapporteur a annoncé.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je reprends également l'amendement n° 90,...

M. le ministre délégué aux libertés locales. On se le dispute !

M. Augustin Bonrepaux. ...ne serait-ce que pour pouvoir vous répondre, monsieur le ministre. Vous parlez très bien de la péréquation, mais il ne suffit pas d'en parler : il faut la faire. Nous, nous n'avons pas eu besoin d'en inscrire le principe dans la Constitution,...

M. Michel Piron. Pour ne pas la faire !

M. Augustin Bonrepaux. ...pour mettre en œuvre des dispositifs dont vous feriez bien de vous inspirer. Qu'il s'agisse de la correction des déséquilibres régionaux, de la dotation minimale des départements les plus défavorisés, de la DSR ou de la DSU, vous pouvez prendre exemple sur nous.

Vous nous dites que vous faites de la péréquation, mais lorsque, dans les départements, nous faisons le bilan pour l'année 2004, nous nous apercevons qu'elle ne progresse pas. Cela s'explique d'ailleurs par une raison très simple : vous avez notamment inclus dans la péréquation la compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle qui, alors qu'elle évoluait autrefois au même rythme que la DGF, n'augmente plus désormais que de 0, 8 à 0, 9 %. Pour nous convaincre que vous faites de la péréquation, il faudra donc y mettre les moyens, monsieur le ministre.

Du reste, dans quelque temps, vous serez bien placé pour agir dans ce domaine, car il me semble que le département des Hauts-de-Seine peut contribuer fortement à la péréquation entre départements. Je compte donc sur votre compréhension et, surtout, sur votre volonté de mieux répartir les moyens entre ces collectivités.

S'agissant de l'amendement de M. Lequiller, pourquoi réserver la péréquation à la région Ile-de-France ? Celle-ci doit être effectuée sur tout le territoire,...

M. le ministre délégué aux libertés locales. Nous sommes d'accord !

M. Augustin Bonrepaux. ...et c'est l'objet de mon sous-amendement. Je dois néanmoins reconnaître que l'amendement du rapporteur de la commission des lois me donne presque satisfaction. Je comprends donc que M. Lequiller ait retiré le sien, et je le retire à mon tour.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je reprends, je l'ai dit, l'amendement n° 90.

Monsieur le ministre, vous nous avez fait observer que vous n'étiez pas instituteur. En effet, vous n'êtes pas dans le champ de la pédagogie, mais dans celui de l'illusion. Vous êtes avocat, donc maître de la parole, et vous pourriez même être président du barreau, car en matière d'illusionnisme, vous surpassez nombre de vos confrères. Il faut en effet avoir un sacré aplomb pour soutenir que tout converge vers Paris. Notre collègue Augustin Bonrepaux, qui défend pourtant les territoires, a-t-il proposé que les lignes aériennes convergent vers Ax-les-Thermes ou Foix ? Ou bien vers Troyes, monsieur le président ? Ou encore vers Bergerac, monsieur Garrigue ? Il faut rester sérieux et savoir raison garder.

M. Daubresse nous a dit que la péréquation devait avoir lieu avant le transfert, mais il est d'accord avec M. Lequiller sur l'intention. Or vous savez bien, monsieur Lequiller - vous êtes un spécialiste en la matière - que l'enfer est pavé de bonnes intentions. Vous déposez un amendement, puis vous le retirez subrepticement, et vous pensez vous en tirer avec deux pater et trois ave ? (Sourires.)

En réalité, vous avez fait de la pédagogie sans le savoir, en montrant que le Gouvernement est en train d'arnaquer votre département. Vous savez que celui-ci n'est pas suffisamment doté, mais que, comme élu local, vous allez vous retrouver face à vos concitoyens et que vous devrez faire ce que l'Etat n'a pas fait convenablement. Comment ? En augmentant le nombre de postes, bien sûr, c'est-à-dire en augmentant la fiscalité locale ! N'est-ce pas, monsieur Lequiller ?

M. Pierre Lequiller. Notamment à cause du gouvernement socialiste !

M. Jean-Pierre Brard. Que je sache, M. Devedjian est membre de l'UMP, pas du PS ! Et moi, je suis neutre, car je n'appartiens ni à l'une ni à l'autre !

M. Francis Delattre. Ni au PCF d'ailleurs !

M. Jean-Pierre Brard. Restons sur le plan du réel.

J'en reviens à ma démonstration. M. Lequiller a déposé l'amendement n° 90 parce qu'il est conscient que, dans le cadre du transfert des personnels TOS, son département ne sera pas suffisamment doté et devra inévitablement augmenter la fiscalité locale. Si j'ai repris cet amendement, monsieur le président, c'était pour faire cette démonstration et pour montrer à quel point le Gouvernement fait preuve de duplicité, car après nous avoir affirmé qu'il « tenait particulièrement au principe de la péréquation pour faire face aux inégalités du territoire » et qu'il fallait « un outil de péréquation puissant pour éviter la dispersion », M. le ministre nous dit qu'il ne faut pas trop de péréquation.

Vos actes ne concordent pas avec vos paroles. Or, monsieur le ministre, les hommes politiques - comme les femmes, car le principe de parité doit s'appliquer aussi dans ce domaine -...

M. Pierre Lequiller. Il faut procéder à la péréquation entre les hommes et les femmes ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. ...doivent être jugés en fonction de leurs actes, et non en fonction de leurs déclarations. Juger votre gouvernement à ses actes revient à constater qu'après avoir vidé les caisses de l'Etat, il veut maintenant faire payer aux collectivités locales, aux contribuables locaux, les charges que l'Etat ne veut plus assumer.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Vous confondez avec M. Jospin, que vous avez soutenu !

M. Jean-Pierre Brard. Si j'ai repris cet amendement, vous l'aurez compris, monsieur le président,...

M. le président. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Brard. ...c'était uniquement pour faire œuvre de pédagogie. Espérant vous avoir convaincus de la perversion des dispositions proposées, je le retire.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Peut-être quelqu'un veut-il encore le reprendre, monsieur le président ? (Sourires.)

M. le président. Chacun en a la faculté, et je vois d'ailleurs que M. Bonrepaux, dans un nouvel élan, me demande la parole.

M. Augustin Bonrepaux. Je souhaite en effet, monsieur le président, obtenir quelques précisions sur le déroulement de nos travaux. Dans la mesure où nous commencerons la prochaine séance avec un autre texte, est-il possible de savoir combien de temps nous lui consacrerons, et à quelle heure il est prévu de reprendre la discussion du projet relatif aux responsabilités locales ?

M. Daniel Garrigue. Si c'est vous qui animez les débats, on aura du mal à savoir combien de temps ils vont durer !

M. Augustin Bonrepaux. La même question se pose d'ailleurs pour la séance de demain matin.

Ce que je dis, monsieur Garrigue, est en relation avec le texte, et dans l'intérêt de tout le monde, notamment de ceux qui seront obligés de payer les impôts correspondant aux charges que vous transférez. Je ne pense donc pas retarder les débats ; bien au contraire, les précisions que je demande ont pour but de nous permettre de travailler dans les meilleures conditions.

M. le président. Du point de vue de la présidence, la seule question qui se pose à notre assemblée n'est pas de savoir si les débats seront trop longs ou trop courts, mais s'ils seront de qualité. (« Très bien ! » sur divers bancs.)

Je rappelle qu'un intervalle d'une heure et demie sépare la fin d'une séance du début de la suivante. Nous reprendrons donc nos débats à vingt et une heures trente, à moins que nous ne prolongions cet échange, ce qui, de l'avis général, ne paraît pas souhaitable.

La prochaine séance commencera effectivement par l'examen d'un autre texte, qui devrait durer une heure. On peut donc raisonnablement penser que le débat sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales reprendra aux alentours de vingt-deux heures trente.

L'amendement n° 90 et le sous-amendement n° 1615 sont retirés. Puisque personne ne semble plus vouloir les reprendre, il n'y a pas lieu de procéder à un vote, et la suite de la discussion est renvoyée, comme je l'ai dit, à la prochaine séance.

5

PUBLICATION DU RAPPORT D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

M. le président. Le mercredi 25 février 2004, j'ai informé l'Assemblée du dépôt du rapport de la commission d'enquête sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule.

Je n'ai été saisi, dans le délai prévu à l'article 143, alinéa 3, du règlement, d'aucune demande tendant à la constitution de l'Assemblée en comité secret afin de décider de ne pas publier tout ou partie du rapport.

En conséquence, celui-ci, imprimé sous le n° 1455, a été distribué.

6

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social :

M. Claude Gaillard, rapporteur (rapport n° 1457) ;

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 1218, relatif aux responsabilités locales :

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 1435),

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis n° 1434),

M. Serge Poignant, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (avis n° 1423),

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 1432).

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

    Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

    jean pinchot