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Première séance du mercredi 2 juin 2004

238e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

M. le président. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à une délégation du Congrès national équatorien, conduite par M. Clemente Vazquez, président du groupe d'amitié Équateur-France. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

    2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions sont réservées à des thèmes européens.

Nous commençons par une question du groupe socialiste.

STATUT D'EDF ET DE GDF

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les mots « service national » et « établissement public national » sont remplacés par le mot « société » lorsqu'ils désignent Électricité de France et Gaz de France, tel est en substance le contenu de l'article 29 de votre projet de loi sur la privatisation d'EDF et de GDF.

Au nom d'une Europe, qui ne vous l'a jamais demandé, vous changez fondamentalement le statut de nos entreprises de service public. Au nom d'une ouverture à la concurrence, qui devait se cantonner aux consommateurs autres que les ménages, et notamment les entreprises, comme le stipulait le point n° 34 des conclusions du sommet de Barcelone de mars 2002 auquel vous faites souvent référence, monsieur le ministre, comme pour vous dédouaner, au nom d'une idéologie anti-secteur public, vous en conviendrez (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vous vous apprêtez à commettre un énorme gâchis avec cette privatisation menée à grands renforts de publicité, à la hussarde et à la faveur de l'été.

Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, ce que vont gagner les Français dans cette affaire, alors que d'ores et déjà chacun sait que les tarifs vont augmenter ? Pouvez-vous nous dire ce que vont gagner les salariés alors que, sous couvert d'annonces de circonstance, des pans entiers de leur statut risquent d'être démantelés, une fois la privatisation réalisée bien sûr ? Pouvez-vous nous dire enfin ce que va gagner la France alors que la sécurité et l'entretien de son parc de production d'électricité et de son réseau de transport vont faire l'objet de toutes les spéculations ?

Bref, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si, dans cette affaire, vous êtes prêt à réfléchir un peu avant de commettre l'irréparable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, je ne vous ferai pas le reproche de ne pas attacher de l'importance à ces grandes entreprises que sont EDF et GDF.

M. Yves Nicolin. Ils n'ont rien fait !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais si vous souhaitez protéger notre patrimoine industriel, alors, de grâce, ne politisez pas un dossier qui mérite mieux. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier. Absolument !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les employés d'EDF et de GDF qui nous écoutent ont le droit que nous parlions sereinement et de manière transparente de leur avenir, sans que nous en fassions l'objet d'un règlement de comptes politique et partisan. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Vous m'avez posé des questions. Permettez-moi de vous répondre en vous posant à mon tour deux questions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Il ne connaît pas le règlement !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Qui était le premier ministre de la France à Barcelone, quand la décision a été prise d'ouvrir le marché de l'électricité à la concurrence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. S'il vous plaît !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce premier ministre s'appelait Lionel Jospin. Vous l'avez peut-être oublié. Pas nous !

M. Jean Glavany. Ça n'a rien à voir !

M. Christian Bataille. Répondez à la question !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous dites - et pourquoi ne pas vous croire ? - que vous attachez du prix à EDF. Alors, j'ai une autre question à vous poser. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Pourquoi, alors que, depuis 1981, les gouvernements socialistes ont eu à plusieurs reprises le pouvoir, jamais un seul de ces gouvernements n'a donné un centime à EDF ou à GDF pour leur développement et leur projet industriel ?

M. Jean-Pierre Balligand. Ce n'est pas à vous de poser des questions !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui est prêt à doter EDF de 500 millions d'euros pour porter son projet industriel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Il y a ceux qui parlent, vous. Et il y a ceux qui agissent, nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Vous ne voulez pas de la privatisation d'EDF. Vous avez raison. Il n'y aura pas de privatisation.

Vous ne voulez pas de changement du statut des gaziers et des électriciens. Vous avez raison. Il n'y en aura pas.

Mais je vous pose une dernière question. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Puisque les agents d'EDF et de GDF aiment profondément leur entreprise, pourquoi leur interdire d'en devenir propriétaires, eux aussi, et de participer à ses bénéfices ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Oui, monsieur le député, vous avez raison, nous avons une grande ambition industrielle car nous, nous ne voulons pas que la France devienne un désert industriel. Vous nous avez laissé tellement à faire. Et je vous donne rendez-vous cet après-midi en commission : c'est d'un bon texte que nous discuterons ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

ÉLECTIONS EUROPÉENNES

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Yvan Lachaud. Le 13 juin prochain, les Français vont élire leurs représentants au Parlement européen.

Ce scrutin est extrêmement important non seulement pour l'avenir de l'Union mais également pour tous nos concitoyens. Malheureusement, beaucoup en ignorent encore les véritables enjeux. Ils ne connaissent pas les compétences du Parlement européen, ils ne savent qui fait quoi au sein de l'Union.

Tout le monde se plaint que les Français ne se sentent pas concernés par la campagne électorale. Mais qu'a fait le Gouvernement pour les intéresser à cette élection ? Rien, pour l'instant, n'a été fait par exemple pour expliquer aux ressortissants européens qu'ils pouvaient voter et être élus en France.

L'UDF a été le premier parti à regretter ce manque d'information, qui est pourtant le premier devoir d'un gouvernement et la condition même de la démocratie.

Vous le savez bien, ce ne sont ni les affiches ni les encarts dans les journaux qui suffiront à faire prendre conscience de l'importance de cette élection. Qui mieux que vous, monsieur le ministre des affaires étrangères, connaît l'importance de l'enjeu ?

Ma question est donc simple : que compte faire le Gouvernement d'ici au 13 juin pour inciter les Français à aller voter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. François Sauvadet. Excellente question.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, vous avez raison, la question de la participation aux prochaines élections européennes est un sujet de préoccupation, non seulement en France mais aussi dans les autres États de l'Union. Cette question doit être traitée sans esprit partisan, en considérant à la fois les enjeux européens et la place de la France en Europe.

Il est faux, monsieur le député, de dire que le Gouvernement n'a rien fait sur ce thème.

La semaine dernière, nous avons lancé une campagne d'incitation au vote prévue de longue date qui s'appuie sur de nombreux supports : 22 000 affiches, Internet, presse régionale. Le Parlement européen s'est mobilisé et, sur le terrain, associations et fondations font un travail excellent.

Dès notre prise de fonctions, avec Michel Barnier, nous avons parcouru la France pour expliquer, dialoguer, inciter au vote.

Aujourd'hui même, je lance avec mes collègues des vingt-cinq États membres un appel au vote, qui sera publié dans tous les journaux des vingt-cinq États membres le même jour.

Les Français doivent se mobiliser pour faire entendre leur voix parmi les 348 millions de citoyens européens et nous permettre de répondre à deux questions majeures.

D'une part, le déficit démocratique de l'Europe que vous soulignez. En votant, les Français ont la possibilité de peser sur des décisions qui influent sur leur vie quotidienne.

D'autre part, le déficit d'influence de la France au niveau de l'Union européenne. En votant massivement, les Français donneront à leurs représentants plus de légitimité, plus de poids, et donc plus d'influence, à l'image de ce que savent très bien faire leurs collègues allemands, britanniques ou italiens.

Nous devons tous, au-delà de nos clivages politiques, et je m'adresse à l'ensemble d'entre vous, adresser aux Français ce même message de mobilisation pour les élections européennes du 13 juin. Les élus, les formations politiques ont bien sûr un rôle essentiel à jouer au travers de leurs projets pour l'Europe. C'est en votant que nous aurons les moyens de décider de l'Europe, de choisir l'avenir européen et non de le subir. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CONFLIT ISRAÉLO-PALESTINIEN

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lefort, pour le groupe communiste.

M. Jean-Claude Lefort. La feuille de route conclue en 2003 pour le Proche-Orient devait déboucher sur la création d'un État palestinien en 2005. Nous sommes en juin 2004 et, force est de le constater, celle-ci n'a pas avancé d'un millimètre. Sur place, la situation se dégrade tragiquement, ainsi qu'en témoignent les récents et effroyables événements de Rafah.

Combien de temps encore ce drame, où le malheur au malheur succède, va-t-il encore durer ? Personne ne nie le rôle des États-Unis dans cette région, mais l'Europe, qui est partie prenante de la feuille de route, ne peut plus se résoudre au suivisme ou à l'inaction. Qui lui interdit de jouer un rôle propre, un rôle spécifique ? Rien, ni personne. C'est d'ailleurs son ambition affirmée. Alors que brûle le Proche-Orient et qu'on s'y habitue dangereusement, l'Union européenne doit prendre des initiatives concrètes afin que la paix ne soit plus l'otage des extrêmes.

Le projet unilatéral d'Ariel Sharon pour Gaza ne consacre ni le retrait de tous les territoires occupés, ni la suspension de la construction du mur d'expansion, pas plus qu'il n'envisage la présence indispensable d'une force internationale.

À l'inverse, des Palestiniens et des Israéliens de courage, comme M. Rabbo et M. Beilin, nous montrent à voir ce que pourrait être une finalisation de la mise en œuvre de la feuille de route. Mais, jusqu'à présent, tout a échoué, précisément par manque d'Europe. Tant que des mères palestiniennes pleureront, des mères israéliennes pleureront, et inversement. Cela n'a que trop duré. (« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Lefort, pouvez-vous poser votre question ?

M. Jean-Claude Lefort. L'Union européenne doit sans plus attendre faire preuve de courage et porter secours et assistance à ces peuples en danger. Voilà ce que nous demandons, et nous ne sommes pas les seuls, monsieur le ministre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Oui, monsieur le député, il y a urgence à stopper cette spirale de sang, de terreur, de violence, qui touche là-bas, si près de nous, aussi bien les enfants d'Israël que les enfants de Palestine. J'ai même parlé, à propos de cette région, d'un « trou noir » qui peut emporter le monde. Nous savons en effet que le terrorisme international se nourrit partout et toujours de ces humiliations et de cette désespérance.

Comment en sortir ?

Il y a un objectif sur lequel nous sommes tous d'accord, c'est celui de deux États vivant côte à côte, un État d'Israël dans la sécurité, et la France ne transigera jamais avec la sécurité d'Israël, et un État palestinien viable.

Il y a un chemin pour y parvenir, cette fameuse feuille de route que vous avez évoquée, et qui exige la négociation entre Israéliens et Palestiniens.

Monsieur le député, puisque vous appelez l'Europe à agir, et j'en suis heureux, sachez que nous ne baisserons pas les bras, ni les Français ni nos collègues européens. Il n'y a pas de fatalité. Nous voulons atteindre cet objectif. Nous voulons mettre en œuvre cette feuille de route, étape par étape. Nous sommes prêts à accompagner l'étape du retrait de Gaza que vous avez citée, à condition que Gaza n'ait pas été détruite avant.

Voilà, monsieur Lefort, ce que nous disons, au sein du Quartet, et nos partenaires, Américains, Russes et Nations unies, sont aujourd'hui d'accord avec nous.

Voilà ce que j'ai rappelé l'autre jour dans mon bureau en recevant MM. Beilin et Rabbo qui ont fait un formidable travail, courageux et utile, avec le plan de Genève. Et voilà ce que je répèterai avec beaucoup de force, monsieur Lefort, dans quelques jours en me rendant dans cette région, aussi bien en Israël qu'en Palestine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

EUROPE DE LA DÉFENSE

M. le président. La parole est à M. Georges Siffredi, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Georges Siffredi. Madame la ministre de la défense, depuis maintenant deux années vous menez une action déterminée en faveur de la construction d'une Europe de la défense forte et autonome. Les réalisations sont nombreuses.

Dans la conduite d'opérations autonomes, tout d'abord : Concordia en Macédoine et plus encore Artémis au Congo attestent des compétences des forces armées européennes pour remplir des missions humanitaires ou de maintien de la paix.

Dans la conduite de programmes en coopération, ensuite. Le plus emblématique est l'avion de transport A-400M, décidé à l'été 2003, qui permettra d'équiper les armées européennes de matériels identiques. Je pourrais citer aussi les programmes d'hélicoptères Tigre ou de missiles Meteor.

Dans les restructurations industrielles du secteur de l'armement, également, et il s'agit par là de constituer des groupes industriels capables d'équiper nos armées et compétitifs dans la concurrence internationale. Les progrès sont lents, car les intérêts nationaux sont forts, mais le mouvement est en marche et il ne doit pas s'arrêter.

Dans le domaine institutionnel, enfin, le résultat le plus concret du Conseil européen du 12 décembre 2003 de Bruxelles réside dans l'adoption du document proposé par M. Solana sur la détermination d'une stratégie européenne de sécurité et de défense. Il faut aussi souligner la mise en place d'un élément précurseur de l'Agence européenne de l'armement, dont la création a été décidée au précédent Conseil de Thessalonique.

Par ailleurs, le projet de traité constitutionnel de l'Union contient des dispositions très importantes pour la défense européenne, comme la possibilité de constituer des coopérations structurées ou la clause d'assistance mutuelle.

Madame la ministre, quelles sont les prochaines étapes qui vont marquer la lente et difficile réalisation de la grande ambition que constitue l'édification de l'Europe de la défense ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le député, vous avez souligné à juste titre les progrès faits par l'Europe de la défense depuis deux ans.

Forte d'une crédibilité retrouvée grâce à la loi de programmation militaire, la France a joué un rôle essentiel dans ces avancées, mais il convient de poursuivre l'effort. Quelles sont les prochaines étapes ?

Dans le domaine opérationnel, l'Union européenne va relever l'OTAN en Bosnie à la fin de l'année 2004. Cette année verra aussi l'engagement de l'état-major de l'Eurocorps et de la brigade franco-allemande en Afghanistan.

S'agissant des capacités militaires, la cellule autonome de planification et de conduite des opérations monte en puissance et sera opérationnelle à la fin 2005. Les premiers groupements tactiques français et britanniques de 1 500 hommes seront déployables dès 2005 et ils seront au nombre de sept d'ici deux ou trois ans. La force de gendarmerie européenne aura son état-major installé en Italie dès la fin de cette année et sera opérationnelle à partir de janvier 2005.

Sur le plan institutionnel, que vous avez également mentionné, l'Agence européenne de l'armement verra ses statuts officiellement adoptés au prochain Conseil européen et elle fonctionnera effectivement avant la fin de l'année 2004.

Autre initiative française, le collège européen de défense et de sécurité voit sa première session programmée pour cet automne.

Telles sont, mesdames, messieurs les députés, les prochaines étapes pour 2004, 2005 et 2006. Vous constatez que la France joue un rôle déterminant dans la construction de cette Europe de la défense indispensable à notre protection et à celle des citoyens et des intérêts européens dans le monde. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

« MARIAGE » ENTRE PERSONNES DE MÊME SEXE

M. le président. La parole est à M. Pascal Clément, pour le groupe UMP.

M. Pascal Clément. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le maire de Bègles s'apprête à célébrer, samedi prochain, un « mariage » entre deux personnes de même sexe. (Huées sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Paul. Vous lui donnez de l'importance !

M. Pascal Clément. Le procureur de la République lui a fait savoir que cette décision contrevenait gravement à la loi. Si M. le maire de Bègles persiste dans son intention de célébrer ce « mariage », quelles conséquences en tirerez-vous, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany. Enfin un vrai sujet ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président de la commission des lois, en ma qualité de chef du Gouvernement, je me place exclusivement sur le terrain du droit pour répondre à votre question.

Je défends l'État de droit. (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Le code civil ne permet ni n'autorise le mariage de deux personnes de même sexe. Donc, si un tel événement avait lieu, il ne pourrait être qualifié de « mariage ». Il s'agirait d'une manifestation illégale, nulle en droit et de nul effet.

M. Jean Glavany. Les trois millions de chômeurs peuvent être rassurés !

M. le Premier ministre. Je précise que le maire, agent de l'État, officier d'état civil,...

M. Richard Mallié. Exactement !

M. le Premier ministre. ...ne peut que se conformer strictement à la loi.

M. Guy Geoffroy. Bravo !

M. le Premier ministre. Or, dans l'hypothèse que vous évoquez, la loi serait enfreinte. Ma réponse est donc claire, nette et précise : tout élu ne respectant pas le code civil encourt les sanctions prévues par la loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Ma responsabilité, celle de mon gouvernement, est de faire respecter l'État de droit, donc la loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti, pour le groupe UMP.

M. Jacques-Alain Bénisti. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, dans les années 70 un acte de délinquance sur dix était le fait de mineurs. Aujourd'hui, cette proportion a hélas doublé. Elu du Val-de-Marne, j'ai, dans ma circonscription, deux quartiers sensibles dans lesquels vivent plus de 10 000 habitants. Aussi puis-je attester cet état de fait et vous dire que ces actes sont commis par des adolescents de plus en plus jeunes. Bien sûr, ceux - ils sont une centaine - qui assistent aujourd'hui à notre séance, tout comme la majorité de nos jeunes, ne sont pas concernés par mes propos.

Tout le monde s'accorde à dire qu'après les mesures découlant de la loi de sécurité intérieure de Nicolas Sarkozy, certes efficaces, le temps est venu de lancer une véritable politique de prévention. En effet, depuis plus de vingt ans, les différentes politiques menées en la matière ont toutes échoué par manque de moyens et de réelle volonté politique.

Elus de terrain, nous sommes plusieurs parlementaires, membres de la commission « prévention » du groupe d'études sur la sécurité intérieure que j'ai l'honneur de présider, à proposer des pistes d'orientation, certaines urgentes à prendre et d'autres qui devront s'inscrire dans un plan d'action à moyen et long terme afin de les pérenniser pour les générations à venir. En tout cas, toutes devront être engagées en partenariat avec l'ensemble des acteurs éducatifs, sans oublier les collectivités qui devront jouer un rôle primordial dans ce dispositif.

Monsieur le ministre, vous avez entamé une tournée des quartiers dits sensibles, signe de votre engagement dans la lutte contre la délinquance. Pouvez-vous exposer devant la représentation nationale les objectifs qui vous guident et, surtout, le calendrier selon lequel vous comptez avancer sur ces indispensables chantiers ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Il peut le faire !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, c'est vrai, nous assistons, dans les quartiers difficiles, à une augmentation de la délinquance des plus jeunes, à des actions plus nombreuses et plus violentes. Plusieurs facteurs se conjuguent pour expliquer cela : la drogue, la constitution de bandes organisées, la perte de repères personnels et familiaux.

La première réponse face à ce phénomène, le point de départ, c'est la réaffirmation de l'autorité de l'État. C'est l'action que nous menons depuis deux ans et que je suis déterminé à poursuivre, dans la continuité de Nicolas Sarkozy, avec davantage de présence policière, en particulier la nuit, davantage d'interpellations en flagrant délit pour faciliter le travail de la justice, avec des moyens adaptés pour lutter contre la drogue et le crime organisé. C'est l'objectif prioritaire que j'ai fixé aux groupements d'intervention régionaux.

Parallèlement, il faut engager un travail en profondeur et c'est tout le sens du projet de loi relatif à la prévention qui sera discuté au Parlement avant la fin de cette année. A cet effet, nous avons engagé une démarche interministérielle associant François Fillon, Jean-Louis Borloo, Dominique Perben et Jean-François Lamour. C'est une démarche ambitieuse et pragmatique, puisque nous voulons partir de l'expérience acquise à partir des vingt-quatre quartiers qui ont été retenus.

Je me suis rendu dans le quartier Drouot à Mulhouse, dans le quartier de la Bourgogne à Tourcoing, et nous avons fixé une mission précise et un calendrier précis aux préfets. Ils auront pour tâche, dans chacun de ces vingt-quatre quartiers, d'organiser une réunion hebdomadaire et ils devront en présider personnellement une par mois. Place Beauvau, une cellule sera chargée de collecter l'ensemble des observations et une meilleure information sur les outils que nous pourrons mettre en œuvre.

La démarche que nous avons retenue est volontaire. Nous voulons assurer une meilleure coordination avec le maire et le conseil général.

M. François Hollande. Ce n'est plus une réponse, mais une circulaire !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locale. Nous voulons nous attaquer à la récidive et offrir des solutions alternatives au juge pour enfants. Nous voulons prendre davantage en compte la sécurité dans les projets d'urbanisme et dans les transports publics, grâce notamment au développement de la vidéosurveillance.

M. le président. Monsieur le ministre, veuillez conclure, je vous prie !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Enfin, nous voulons rappeler la règle aux plus jeunes pour aider les parents, pour lutter contre l'absentéisme dans les écoles et contre les violences scolaires. Nous voulons redonner espoir à la jeunesse par des recrutements alternatifs et le volontariat, par une meilleure égalité des chances. Tel est l'objet du comité interministériel qui se réunira tout à l'heure à Matignon sous l'égide du Premier ministre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)


RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler, pour le groupe socialiste.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Je veux d'abord m'adresser à vous, monsieur le président. J'aimerais savoir si, pour nos questions d'actualité, le règlement de l'Assemblée nationale a changé. Je remarque en effet que M. le ministre de l'économie refuse systématiquement de répondre aux questions de l'opposition et s'en tire en posant d'autres questions. Cette attitude traduit sans doute sa manière de concevoir le débat démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Gest. Ce n'est pas une question !

M. le président. Venez-en à votre question au Gouvernement, madame.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Elle s'adresse à M. le Premier ministre. Samedi, l'ensemble des organisations syndicales de salariés appelle à manifester pour demander le retrait du projet de loi sur l'assurance maladie. Celui-ci ne permettra pas, monsieur le Premier ministre, de combler le déficit que vous avez creusé (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et, surtout, il ne permettra pas les évolutions nécessaires qu'attendent les malades comme les professionnels de santé.

J'aimerais, si vous le permettez, revenir sur un point particulier. Sous couvert de responsabiliser les malades, vous leur demandez de verser un euro par consultation médicale. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Regardez l'expérience allemande : vous comprendrez que c'est l'exemple même de la fausse bonne idée.

M. Richard Mallié. C'est dingue !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. C'est en effet une mesure inégalitaire. Tous les malades l'ont bien compris : plus on est malade, plus on paiera. Si on a la malchance d'être gravement malade, on sera obligé d'aller régulièrement chez le médecin et on paiera plusieurs fois un euro.

M. Philippe Briand. La France est malade du socialisme et elle le paie très cher !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Si, au contraire, on a la chance d'être bien portant, on ne paiera rien. Nous voilà est très loin de la solidarité collective, portée par tous, qu'avaient imaginée les créateurs de l'assurance maladie !

Le problème est le même pour l'augmentation annoncée du forfait hospitalier. En réalité, vous proposez purement et simplement un déremboursement... (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Édouard Landrain. N'importe quoi !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Où est la question ?

M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. ...qui pèsera sur les ménages modestes et sur les malades. Et, comme pour le forfait hospitalier, si un euro est déremboursé aujourd'hui, combien seront déremboursés demain ?

Plus concrètement, chaque Français devra-t-il payer son euro en entrant chez le médecin ou en en sortant ? Le médecin le reversera-t-il à l'assurance maladie ? Dans ce cas, il deviendra un véritable percepteur. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Teissier. Démago !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ma question est simple, monsieur le Premier ministre, comment pouvez-vous croire que, en taxant les seuls malades, vous faites appel à la responsabilité de tous ? Chacun le sait ici : depuis des années, le déremboursement des soins n'a jamais permis la réduction des dépenses de santé. Il n'a fait, au contraire, que creuser les inégalités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Madame la députée, M. le ministre d'État vous a parfaitement répondu tout à l'heure : il y a ceux qui parlent - c'est vous - et ceux qui agissent - c'est nous. Et c'est particulièrement vrai en ce qui concerne l'assurance maladie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il faut bien que vous le compreniez : la réforme de l'assurance maladie est rendue nécessaire par les déficits qu'elle connaît.

Mme Martine David. Le déficit, c'est vous !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. En termes de déficit, 23 000 euros par minute et 10 milliards d'euros par an, c'est beaucoup. En termes de dette, 32 milliards, c'est énorme. Vous souhaiteriez peut-être attendre. Pas nous !

M. Philippe Vuilque. Répondez à la question !

M. Jean-Marc Ayrault. La dette, c'est vous !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Notre réforme est responsable, car il faut aujourd'hui responsabiliser les malades. J'ai constaté, non sans surprise, que vous critiquiez le gouvernement social-démocrate allemand...

M. Maxime Gremetz. Restons français !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je vous assure que la responsabilisation des malades peut porter ses fruits. Au demeurant, il ne sera prélevé qu'un euro par consultation et cette mesure épargnera les enfants de moins de seize ans et les bénéficiaires de la CMU.

Notre réforme est équitable...

M. Jean-Marc Ayrault. C'est faux !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...puisque l'effort est parfaitement réparti entre les entreprises, les retraités imposables, les actifs, les professionnels de santé et les usagers, sans oublier la mise à contribution des revenus financiers et la taxation des jeux.

Je le répète : nous avons voulu faire une réforme équitable.

M. Henri Emmanuelli. C'est faux !

M. Jean-Claude Perez. Rien n'est financé !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je ne l'oublie pas, madame la députée : vous avez été ministre d'un gouvernement qui a vu les dépenses d'assurance maladie augmenter de 5 % à 6 % par an. Alors que vous bénéficiiez de la croissance, vous n'avez pas lancé la moindre réforme. N'avoir rien fait dans ce domaine au cours d'une telle période, ce n'est pas une erreur, c'est une faute grave. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

OVINS ET LOUPS

M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez, pour le groupe UMP.

Mme Henriette Martinez. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, à l'approche de la saison d'estive, les éleveurs ovins du massif alpin et tous ceux qui pratiquent le pastoralisme sont inquiets des attaques que vont de nouveau subir leurs troupeaux dans les alpages.

À titre d'exemple, dans mon département des Hautes-Alpes, on a dénombré, en 2003, 70 attaques de troupeaux et 240 bêtes ont été égorgées par des loups.

M. Jean Glavany. Et les ours ?

Mme Henriette Martinez. Pour faire suite à la commission d'enquête parlementaire sur les conditions de la présence du loup en France et de l'exercice du pastoralisme dans les zones de montagne, vous venez d'élaborer, en collaboration avec M. le ministre de l'écologie et du développement durable, un plan de gestion du loup pour la période 2004-2008.

Les éleveurs ont pris acte avec satisfaction de la volonté de l'État de mieux protéger leurs troupeaux. Cependant, ils s'inquiètent du coût que représenteront pour eux ces mesures, si elles ne sont pas entièrement financées par l'État.

Par ailleurs, compte tenu de l'augmentation de la colonisation et de la progression géographique de ce grand prédateur, ils s'inquiètent de sa présence nouvelle dans des zones où il n'est pas établi de façon permanente et où, de ce fait, les mesures de prévention ne peuvent s'appliquer. En cas d'attaque dans ces nouvelles zones d'occupation, il faudra dans l'urgence disposer des moyens financiers nécessaires pour protéger les troupeaux.

Monsieur le ministre, associant à ma question mes collègues députés des départements du massif alpin, je vous demande de rassurer les éleveurs sur ces deux points, afin que la pratique du pastoralisme, indispensable au maintien de l'agriculture dans nos départements de montagne ainsi qu'à la protection du milieu naturel, puisse se poursuivre dans des conditions acceptables pour tous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Vous avez raison, madame la députée : dans nos alpages, les éleveurs vivent dans l'angoisse du loup.

La commission d'enquête parlementaire, présidée par Christian Estrosi et dont le rapporteur était Daniel Spagnou, a bien mis en évidence les mesures à prendre.

M. Jean-Pierre Brard. Le loup, c'est M. Estrosi !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Il faut protéger les éleveurs. Je vous confirme que l'État mettra 2 millions d'euros sur la table pour remplacer l'aide du programme européen arrivé à échéance le 31 décembre dernier. Ces crédits s'appliqueront aussi aux nouvelles zones concernées. J'ai demandé aux préfets d'adapter le dispositif, département par département, pour qu'il corresponde aux besoins des éleveurs, en prenant en compte la taille du troupeau, la dispersion des alpages, ainsi que de l'ampleur du travail nécessaire pour assurer protection des bêtes. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Par ailleurs, se pose la question centrale du plan de gestion du loup, qui, comme vous le savez, est sous la responsabilité de Serge Lepeltier, mon collègue en charge de l'écologie et du développement durable. Nous aurons très prochainement l'occasion d'annoncer les mesures envisagées pour le contrôle de ces animaux qui angoissent tant nos éleveurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

LUNDI FÉRIÉ DE PENTECÔTE

M. le président. La parole est à M. Jean Auclair, pour le groupe UMP.

M. Jean Auclair. Monsieur le ministre délégué aux personnes âgées, deux jours après le week-end de la Pentecôte, des rumeurs persistantes - naturellement malveillantes - continuent d'être colportées pour faire croire que ce lundi de Pentecôte serait le dernier férié. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

La majorité de nos concitoyens trouvent légitime que s'exerce une solidarité en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées. Mais, si les Français savent se mobiliser pour les causes nobles, ils estiment que le choix d'un autre jour devrait être possible.

Le long week-end de Pentecôte, souvent consacré à la famille, est aussi celui du lancement de la saison touristique estivale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Aussi, dans de nombreuses villes - par exemple, Nîmes ou Vic-Fezensac, dont les ferias traditionnelles accueillent une foule très importante d'aficionados - et dans nos villages, il offre l'occasion au tissu associatif d'organiser des manifestations sportives ou culturelles de grande envergure. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Augustin Bonrepaux. Vous vous en apercevez maintenant ? C'est un peu tard !

M. François Hollande. Elle est belle, la majorité !

M. Jean Auclair. Toutes ces manifestations ont des retombées économiques importantes.

Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous nous précisiez la position du Gouvernement au sujet de la journée de solidarité nationale au bénéfice des personnes âgées ou handicapées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux personnes âgées.

M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées. Monsieur Jean Auclair, je crois que l'on ne devrait pas opposer la solidarité et la liberté. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous avons voulu effectivement laisser une grande liberté, dans le public comme dans le privé, pour le choix de cette journée de solidarité. Celle-ci sera fixée librement avec les instances paritaires, et c'est faute d'avoir trouvé un accord que le lundi de Pentecôte s'imposera. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) La feria de Nîmes et les autres manifestations du lundi de Pentecôte ont donc encore de beaux jours devant elles !

M. Jérôme Lambert. C'est pitoyable !

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Nous avons voulu bâtir une véritable politique d'accompagnement de la révolution sociale qu'est le vieillissement. La journée de solidarité nous mettra en position de créer, dès l'année 2004, 160 000 lits médicalisés supplémentaires. Elle nous permettra également de financer et de pérenniser l'APA, ce que n'avaient pas fait nos collègues de gauche, ainsi que de créer 15 000 postes de soignants en établissement et 10 000 postes de soignants à domicile. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) En un mot, elle va nous permettre d'agir, alors que d'autres n'ont su que parler. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

POLYNÉSIE FRANÇAISE

M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour le groupe socialiste.

M. René Dosière. Monsieur le président, n'étant pas député de la majorité, je ne parlerai ni du loup ni de la corrida, mais de la Polynésie.

M. Arnaud Montebourg. Girardin, démission !

M. René Dosière. Madame la ministre de l'outre-mer, quand allez-vous reconnaître l'alternance en Polynésie ? Les partisans de votre ami Gaston Flosse ont obtenu 54 000 voix et ses adversaires 64 000, soit 10 000 de plus. Mardi dernier, vous m'avez répondu que le processus électoral n'était pas terminé. Les nombreux appels téléphoniques que vous passez personnellement à certains responsables polynésiens pour leur demander de se rallier à votre ami Gaston font-ils partie de ce processus ? (« Girardin démission ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Hier, ce même Gaston Flosse déclarait dans tous les médias locaux : « La ministre m'a dit que si Oscar Temaru devenait président, le gouvernement français fermerait les robinets. » À d'autres interlocuteurs, vous précisez : « Nous couperons les vivres. » (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Ces déclarations sont indignes d'un ministre de la République française, qui n'a pas à se comporter comme un ministre des colonies. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. Scandaleux !

M. René Dosière. Allez-vous enfin respecter le vote populaire qui a placé Oscar Temaru en situation d'être élu président de la Polynésie, le 10 juin ? Allez-vous considérer la Polynésie comme un pays d'outre-mer dont la dignité des habitants et l'autonomie des institutions doivent être reconnues ? Pourquoi avez-vous décidé d'envoyer deux escadrons de gendarmes mobiles, alors que le calme règne ? Quel mauvais coup préparez-vous ?

M. Philippe Briand. Vous regardez trop la télévision ! (Sourires.)

M. René Dosière. Nous sommes ici à l'Assemblée nationale. Pour tous les démocrates, face au suffrage populaire, le comportement républicain est simple : se soumettre ou se démettre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Arnaud Montebourg. Girardin, démission !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer. (« Démission ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Il ne sert à rien de crier.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le député Dosière (« Démission ! » sur les bancs du groupe socialiste.),...

M. le président. Écoutez au moins la réponse !

M. Arnaud Montebourg. Elle n'a pas à répondre !

Mme la ministre de l'outre-mer. Si vous ne voulez pas que je réponde, je peux me taire.

Monsieur Dosière, la Polynésie, c'est encore la France. Or, là-bas comme sur n'importe quelle partie du territoire national, l'État doit assumer sa mission régalienne de sécurité (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et adapter en permanence ses moyens à cette fin. Du reste, en cas d'incidents, vous seriez sans doute le premier à reprocher au Gouvernement de n'avoir pas pris les moyens d'y parer. La démocratie requiert la paix publique et la sérénité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je comprends que cette mission essentielle de l'État, qui bénéficie à tous nos compatriotes de Polynésie, ne soit pas l'une de vos préoccupations majeures,...

M. Arnaud Montebourg. Démission !

M. Robert Lamy. Taisez-vous !

Mme la ministre de l'outre-mer. ...puisque, avec vos partenaires et amis indépendantistes, vous souhaitez que la Polynésie soit séparée de la France. (Mêmes mouvements.)

S'agissant de l'avenir économique de cette collectivité française, vous savez, monsieur Dosière, que la confiance des investisseurs ne se décrète pas. Or, si elle venait à faire défaut, les investissements, qu'ils soient défiscalisés ou non, se tariraient d'eux-mêmes et l'État ne pourrait pas, à lui seul, remédier à leur disparition. (« C'est honteux ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. C'est grave ! Faites attention !

Mme la ministre de l'outre-mer. Quant aux propos que vous m'avez prêtés concernant les aides de l'Etat, je suis assez agréablement surprise de vous entendre vous préoccuper de leur pérennité, après n'avoir eu de cesse que de critiquer la prétendue manne financière déversée sur la Polynésie. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Votre discours est plein de contradictions.

Enfin, je veux, à mon tour, vous appeler au respect des Polynésiens et à un peu plus de retenue (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), car personne, aujourd'hui, ne peut dire quelle majorité politique se dégagera de l'assemblée et du gouvernement de Polynésie. Il est tout de même étonnant que vous vous substituiez aux élus polynésiens (Mêmes mouvements), qui ont reçu un mandat, le 23 mai dernier,...

M. le président. Merci, madame.

Mme la ministre de l'outre-mer. ...et qui n'ont encore élu ni le président de leur assemblée territoriale ni leur gouvernement. Par pitié, laissez-les décider eux-mêmes : ils ne vous ont pas mandaté pour le faire à leur place ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. Vous dites n'importe quoi et vous êtes dangereuse !

INITIATIVES LOCALES
EN FAVEUR DE LA RÉFORME DE L'ÉTAT

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié, pour le groupe UMP.

M. Jean-Paul Charié. Monsieur le secrétaire d'État à la réforme de l'État, on dit souvent que la réforme de l'État est impossible. Or la sous-préfecture de Pithiviers vient de prouver le contraire. Après avoir associé tous les agents et avoir réuni à plusieurs reprises un comité des usagers, celle-ci a signé une charte comprenant quinze engagements.

Les résultats sont éloquents. Alors que l'activité a progressé de 10 % pour les cartes grises, de 17 % pour les cartes d'identité et de 27 % pour les passeports, le nombre d'erreurs a diminué de 35 %, les délais ont été considérablement réduits - les réponses données par téléphone le sont après moins de quatre minutes -, les documents sont tous remis dans la journée, cependant que le budget de fonctionnement a diminué de 41 % et que l'absentéisme a cessé.

Faire mieux au profit des usagers, avec moins d'argent et des fonctionnaires plus motivés : oui, la réforme de l'Etat est possible, monsieur le secrétaire d'État ! Que comptez-vous faire pour que tous les arrondissements en bénéficient ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État.

M. Éric Woerth, secrétaire d'État à la réforme de l'État. Monsieur Charié, dès mon entrée en fonctions, j'ai souhaité aller sur le terrain à la rencontre de l'administration à laquelle nos concitoyens ont affaire tous les jours. Je me suis donc rendu à Pithiviers le 10 mai dernier, pour saluer le travail remarquable qui est accompli par les services de l'État dans cet arrondissement, et en Côte-d'Or, la semaine dernière, pour visiter une agence de l'ANPE et y vérifier la qualité du travail, en étroite collaboration avec les ministères concernés. À chaque fois, j'ai constaté que des initiatives étaient prises par les agents de l'État pour améliorer la qualité du service public et qu'elles transformaient de manière très positive les relations entre les usagers et l'administration.

Les expériences réussies et les démarches de qualité foisonnent : Pithiviers, Dijon et bien d'autres sont là pour le prouver. Or, trop souvent, elles sont méconnues des autres administrations et des usagers, qui ont une image injuste du service public. C'est pourquoi, tout à l'heure, nous remettrons, avec Renaud Dutreil, les Trophées de la qualité du service public, afin de rendre hommage aux nouvelles pratiques et de distinguer les services administratifs qui méritent d'être reconnus et dont les expériences méritent d'être partagées. Cette année, ces trophées récompenseront la qualité de l'accueil, qui est à la base de la réforme de l'État. Il s'agit, en effet, de la vitrine du service public.

Mais nous avons l'intention d'aller plus loin en faisant de la démarche « qualité » une priorité de toutes les administrations. D'ici à la fin de l'année, la charte Marianne, que le Président de la République et le Premier ministre ont appelée de leurs vœux, sera mise en œuvre dans l'ensemble des services publics. Cette charte fixe un tronc commun d'engagements qui correspondent à ce que les usagers sont en droit de souhaiter : des files d'attente plus courtes, un accueil plus courtois, des réponses plus rapides, bref, tout ce qui contribue à la qualité de l'administration au jour le jour.

Plus globalement, nous essaierons de mesurer la qualité des services publics en publiant rapidement un « baromètre ». C'est ainsi que nous inciterons l'administration à passer d'une culture trop souvent procédurière à une véritable démarche d'engagement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

AVENIR DE DEUX ENTREPRISES DU GARD

M. le président. La parole est à M. Étienne Mourrut, pour le groupe UMP.

M. Étienne Mourrut. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué aux relations du travail et concerne le conflit social que vivent, depuis plusieurs semaines, les sociétés Source Perrier et Verrerie du Languedoc, entreprises du groupe Nestlé Water France, dont les dirigeants ont proposé un plan de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences qui prévoit le départ en préretraite de 1 046 personnes, dont 356 chez Perrier. Ces départs, qui seraient volontaires et s'étaleraient sur quatre ans, ne seraient remplacés que dans la proportion de 6 %.

Malgré de multiples réunions paritaires, les syndicats et la direction ne parviennent pas à un accord. La semaine dernière, un ultimatum a été adressé aux syndicats de Perrier aux termes duquel si l'accord n'était pas signé au 30 juin prochain, il serait question de filialiser l'entreprise pour la faire sortir du groupe Nestlé Water France ou pire, de vendre purement et simplement ce fleuron de l'économie gardoise.

Premier employeur dans le Gard, Perrier est une entreprise de notoriété internationale qui tire ses ressources de notre sol national. Nous ne pouvons rester insensibles à l'émoi des salariés, de la population gardoise et des élus locaux. Une fois de plus, notre département se trouve être le théâtre de difficultés. Après les inondations qui ont provoqué les drames humains que l'on sait et ravagé l'économie du Gard, après la fermeture de l'usine Pipe Life à Saint-Gilles et celle d'une filiale de l'entreprise Le Cabanon à Lédenon, voilà l'usine Perrier en difficulté - et je ne parle que de ma circonscription.

Compte tenu des enjeux socio-économiques de ce dossier, pourriez-vous, monsieur le ministre, m'indiquer quels moyens le Gouvernement pourrait mettre en œuvre afin qu'une solution acceptable soit trouvée dans les meilleurs délais ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur Mourrut, le Gouvernement est bien conscient que le conflit social en cours chez Perrier, à Vergèze, s'inscrit dans un contexte déjà difficile pour votre département, dont vous avez rappelé combien il a été éprouvé.

Le groupe Nestlé Water France négocie effectivement avec les organisations syndicales un accord visant à faire bénéficier environ un quart des salariés de l'entreprise d'un départ dans le cadre du dispositif de cessation d'activité des travailleurs salariés - CAATS. Je rappelle que ce dispositif est conçu pour permettre la modernisation des entreprises non seulement en évitant de recourir aux licenciements, mais aussi en favorisant le remplacement de certains départs par des embauches. Il permet à certains salariés qui ont été confrontés à des conditions de travail pénibles de partir en préretraite totale à la faveur d'une convention signée avec l'État. Il repose sur une logique de responsabilisation des partenaires sociaux, qui ont l'initiative de sa mise en œuvre et de son cadrage. C'est bien dans cet esprit que nous travaillerons avec les partenaires sociaux et l'entreprise.

Plus généralement, monsieur le député, les services du ministère de la cohésion sociale et du travail suivent avec une très grande attention la situation des entreprises de votre département, tout particulièrement celles qui se réorganisent. Ils veillent notamment à la mise en place des mesures de revitalisation des bassins d'emploi. Ce fut fait, en 2003, à Bagnols-sur-Cèze ; c'est fait actuellement au Vigan, avec l'entreprise Well.

Voilà comment nous traitons concrètement les problèmes, sur le terrain, avec les entreprises et les partenaires sociaux. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Yves Bur.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    3

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Avant la reprise de nos débats sur les droits des personnes handicapées, je voudrais revenir sur les propos tenus ce matin dans la cour de l'Élysée par M. Devedjian, à la sortie du conseil des ministres.

Les membres du groupe socialiste - Didier Migaud et moi-même, notamment - sont intervenus à plusieurs reprises pour demander que, compte tenu de la flambée du prix du baril de pétrole, le mécanisme de régulation du prix du carburant à la pompe, mis en place par la précédente majorité et connu sous le nom de TIPP flottante, soit réactivé. Cela nous a été refusé jusqu'à présent.

Si j'évoque ce sujet maintenant, ce n'est pas pour ouvrir un débat sous le couvert d'un rappel au règlement, mais pour souligner qu'il est grave qu'un ministre de la République puisse tenir des propos mensongers dans la cour de l'Élysée, à l'issue d'un conseil des ministres. C'est une attitude inacceptable vis-à-vis de la représentation nationale, et la démonstration que le Gouvernement n'assume pas ses responsabilités. Affirmer que le rétablissement de la TIPP flottante est impossible au regard de la réglementation européenne est totalement inexact, et Didier Migaud a parlé à juste titre de mensonge.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ce n'est pas un rappel au règlement !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous ne pouvons pas accepter ce type de comportement, non seulement vis-à-vis de la représentation nationale, mais aussi vis-à-vis des Français...

M. Patrice Martin-Lalande. Cela n'a aucun rapport avec un rappel au règlement !

M. Jean-Marc Ayrault. ...car au moment où les Français vont être appelés à voter pour désigner leurs représentants au Parlement européen...

M. Pierre-Louis Fagniez. C'est pour la salle des quatre colonnes, cette intervention !

M. Jean-Marc Ayrault. ...une fois de plus, on essaie de stigmatiser l'Union européenne, de la rendre responsable de toutes les difficultés. « Le Gouvernement n'y peut rien, c'est la faute de Bruxelles » : telle est l'excuse perpétuellement invoquée. Ce comportement est dangereux pour le bon fonctionnement de la démocratie, notamment de la démocratie européenne.

Le 1er janvier dernier est entrée en vigueur une directive européenne sur la fiscalité de l'énergie, qui autorise explicitement les Etats membres à appliquer des exonérations ou des taux réduits d'imposition.

M. Jean-Marie Geveaux. C'est une question d'actualité !

M. Jean-Marc Ayrault. C'est ce que nous demandons au Gouvernement. Nous n'acceptons pas qu'il fuie ses responsabilités en s'en déchargeant sur d'autres. Nous voulons qu'il réponde par oui ou par non à notre question.

M. Jean-Marie Geveaux. Il fallait la lui poser en début de séance !

M. Guy Geoffroy. Ce n'est plus l'heure des questions au Gouvernement !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous avons cru comprendre qu'il voulait dire non. Mais si tel est le cas, qu'il assume cette décision !

Le but de mon intervention est aussi et surtout de réaffirmer notre souhait que l'Assemblée nationale soit respectée. J'ai écrit au président Debré, pour lui faire part de notre mécontentement au sujet d'une pratique qui tend à se généraliser.

M. Patrice Martin-Lalande. C'est un faux rappel au règlement !

M. Jean-Marc Ayrault. À chaque fois que nous posons une question au Gouvernement, celui-ci répond par une autre question, sachant parfaitement que pendant la séance des questions d'actualité, le règlement interdit à l'opposition de répondre à son tour. Nous demandons par conséquent que le Parlement soit respecté...

M. Patrice Martin-Lalande . Cela a toujours été le cas !

M. Jean-Marc Ayrault. ...car si ses prérogatives sont déjà limitées par notre constitution, le gouvernement actuel s'emploie à les réduire davantage.

Je terminerai par un deuxième exemple...

M. Patrice Martin-Lalande. Non, ça suffit !

M. Jean-Marc Ayrault. ...à savoir la décision annoncée par M. Sarkozy de modifier les conditions de cession du patrimoine des parents et grands-parents à leurs enfants et petits-enfants.

M. Patrice Martin-Lalande. C'est un détournement du règlement, monsieur le président !

M. Jean-Marc Ayrault. Le ministre de l'économie et des finances a annoncé que cette décision était d'application immédiate...

M. Guy Geoffroy. Arrêtez !

M. Jean-Marc Ayrault. ...alors que le Parlement ne s'est même pas prononcé. J'attire votre attention sur l'illégalité et l'anticonstitutionnalité de cette décision.

Nous demandons que l'Assemblée nationale serve à quelque chose, et ne voie pas son rôle réduit à celui d'une simple chambre d'enregistrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur le président Ayrault, vous avez eu l'occasion de vous exprimer...

M. Patrice Martin-Lalande. Indûment !

M. le président. ...sur un sujet assez éloigné de l'ordre du jour. Il est temps à présent d'en revenir à cet ordre du jour.

    4

DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES

Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (nos 1465, 1599).

Discussion générale (suite)

M. le président. Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Alain Ferry.

M. Alain Ferry. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État aux personnes handicapées, monsieur le rapporteur, chers collègues, je me félicite de la discussion de ce projet de loi voulu par le Président de la République, qui a fait de l'intégration des personnes handicapées, l'une des trois priorités de son quinquennat.

La loi d'orientation du 30 juin 1975 formulait pour la première fois le droit pour les personnes handicapées d'exister dans notre société. Elle a permis des acquis importants en imposant une obligation nationale de solidarité. Mais il faut bien reconnaître qu'elle n'a pas toujours atteint son but essentiel d'intégration. Trente ans après, elle doit donc être réformée pour répondre aux évolutions et aux aspirations légitimes des personnes handicapées et de leurs familles.

Intégrer une personne handicapée dans notre société, c'est avant tout la considérer comme un être à part entière, et lui donner la possibilité de choisir son mode de vie. C'est lui permettre d'accéder à l'éducation, aux lieux publics, à l'emploi, à la culture et aux loisirs.

Ainsi, le présent projet de loi repose sur deux principes fondamentaux : le libre choix du projet de vie, et la participation des personnes handicapées à la vie sociale. Le libre choix du projet de vie est garanti par la création de la prestation de compensation. Il serait souhaitable, dans la mesure du possible, de supprimer les conditions de ressources pour réaffirmer la compensation intégrale des dépenses liées au handicap. Les modifications votées par le Sénat sur les conditions d'attribution de l'AAH, l'allocation aux adultes handicapés, vont sans aucun doute dans le bon sens pour faciliter la reprise d'une activité professionnelle pour les titulaires de cette prestation et de son complément, puisque désormais le cumul avec des revenus provenant d'activités professionnelles est autorisé. J'avais d'ailleurs déposé à cet effet, en décembre 2003, une proposition de loi visant à permettre le cumul de l'AAH avec des revenus du travail à temps partiel.

Les personnes souffrant d'un handicap ne peuvent être véritablement intégrées que si elles ont accès à tout. Accès à l'école, en premier lieu : l'obligation de l'éducation nationale d'accueillir tous les enfants, de préférence en milieu ordinaire, est réaffirmée. Mais il sera nécessaire de disposer d'un nombre suffisant d'auxiliaires de vie scolaire, faute de quoi les beaux principes de la loi resteront lettre morte. Par ailleurs, il faudra mettre en place d'avantage de passerelles entre le milieu ordinaire et les institutions éducatives à caractère médico-social.

S'agissant de l'insertion professionnelle, il est inadmissible que 26 % des personnes handicapées soient sans emploi. La plupart d'entre elles ont une formation très limitée : 17 % ont un niveau supérieur ou égal au baccalauréat, contre 37 % de l'ensemble des demandeurs d'emploi. La formation continue est un outil indispensable pour remédier à cette situation. Les entreprises seront amenées à embaucher des personnes handicapées, sous peine d'être sanctionnées plus sévèrement. Il faut que la sanction financière infligée aux employeurs récalcitrants soit suffisamment forte. C'est une demande de la commission des affaires sociales, qui a déposé un amendement dans ce sens. Les entreprises pourront bénéficier d'une aide à l'aménagement au poste de travail. Mais il est aussi indispensable de permettre aux personnes handicapées qui souhaitent créer leur entreprise ou qui veulent se mettre à leur compte de bénéficier d'une aide spécifique.

En outre, la création d'un fonds pour les trois fonctions publiques va rendre la situation plus équitable par rapport aux entreprises. Jusqu'à maintenant, il n'existait pas pour les employeurs publics de sanction financière en cas de non-respect de l'obligation d'emploi. Ce projet de loi instaure cette sanction, ce qui est tout à fait logique car l'Etat doit être exemplaire en la matière.

L'accès à l'école et à l'emploi ne peut se faire que si la cité tout entière est accessible. Le projet de loi impose un délai de six ans pour rendre complète l'accessibilité du cadre bâti et des transports. Les dérogations seront plus difficilement attribuées.

En ce qui concerne la mise en place des contrôles par la commission communale et intercommunale d'accessibilité, j'estime que le dispositif doit être intransigeant et parfaitement appliqué.

Un mot sur le chapitre concernant la citoyenneté et la participation à la vie sociale. Je me réjouis de cet ajout introduit par le Sénat. Une pleine citoyenneté suppose des bureaux de vote accessibles. À ce sujet, ne pourrait-on pas aller encore plus loin et compléter ce dispositif, en autorisant par exemple le vote par Internet ? J'ai d'ailleurs déjà déposé, en 2001, une proposition de loi allant dans ce sens.

Madame la secrétaire d'État, les mesures que vous nous soumettez sont globalement positives mais quelques interrogations demeurent.

En premier lieu, les dispositifs proposés ne prennent pas suffisamment en compte la diversité des handicaps. Des programmes d'action spécifiques aux déficiences auraient peut-être été plus judicieux.

En second lieu, je voudrais soulever un point qui me paraît important et qui est, je le sais, une de vos préoccupations majeures : les cinquante-deux renvois aux textes réglementaires présents dans le projet voté par le Sénat. C'est beaucoup trop ! Il faut être vigilant quant à la publication des décrets.

L'amendement adopté en commission visant à faire en sorte que les textes réglementaires soient publiés dans les six mois suivant la promulgation de la loi est essentiel. Il répond à une demande très forte des personnes handicapées et des associations.

En conclusion, madame la secrétaire d'État, je soutiendrai bien sûr votre projet de loi, que notre assemblée peut encore améliorer, mais qui, d'ores et déjà, va offrir aux personnes handicapées des chances supplémentaires d'épanouissement. Il était temps, car, à mes yeux, une société se juge en fonction du sort qu'elle réserve aux êtres les plus fragiles.(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Hugon.

M. Jean-Yves Hugon. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, notre débat d'aujourd'hui est important, chacun de nous l'a bien compris. Ce projet de loi « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » relève tout autant d'un principe fondamental de notre république que d'un devoir moral absolu pour chacun d'entre nous.

Le chef de l'État l'a affirmé solennellement : la lutte contre le handicap est, avec la lutte contre le cancer et l'insécurité routière, l'une des trois priorités du quinquennat.

Au-delà de notre position sur les bancs de cette assemblée et de nos appartenances politiques et philosophiques, la lutte contre le handicap doit être le mieux possible, le plus rapidement possible et le plus durablement possible engagée.

Le 30 juin 1975 déjà, Jacques Chirac, alors Premier ministre, avait fait voter une loi importante qui avait consacré des avancées notoires en faveur des personnes handicapées. C'est l'honneur de ce gouvernement que de reprendre, vingt-neuf ans après, ce chantier. Aujourd'hui, notre devoir est d'aller beaucoup plus loin et d'élaborer ensemble un texte novateur et ambitieux.

Le projet de loi qui nous est soumis répond à cet objectif et ouvre de nouvelles voies. J'en retiendrai trois :

D'abord, ce texte vise à assurer aux personnes handicapées la compensation des conséquences de leur handicap. Elle doit permettre la prise en charge, au nom de la solidarité, et non de l'assistance, des dépenses liées à cette situation. Je citerai simplement à titre d'exemple l'acquisition de livres en braille, de chiens d'aveugles, de fauteuils spécialisés, qui peuvent changer la vie d'une personne handicapée et qui sont indispensables à leur mieux-être et à leur dignité.

Le principe du droit à la compensation doit être une priorité et ne peut être assujetti ni à l'âge ni au revenu si l'on veut lui conférer son caractère universel. Qu'il me soit permis de me faire l'interprète des associations de non- voyants, notamment ceux qui relèvent du critère « cécité étoile verte », correspondant à un degré de cécité supérieur à 80 %, pour qui l'aspect forfaitaire de l'allocation compensatrice est une priorité.

Ensuite, ce projet de loi vise à permettre une participation effective des personnes handicapées à la vie sociale. En clair, il s'agit d'obliger l'ensemble des services publics à rendre les lieux accessibles aux personnes handicapées. Madame la secrétaire d'État, si je n'étais pas valide, je n'aurais pas accès à cette tribune ! (« C'est vrai ! » sur divers bancs.)

Ce principe d'accessibilité relève du principe de l'égalité des chances et des droits. Il est inscrit dans notre devise. Il est le fondement de notre république, il ne doit souffrir aucun atermoiement.

Il en va ainsi de la scolarisation des enfants handicapés dans l'établissement le plus proche de leur domicile et de la possibilité pour les étudiants handicapés de poursuivre leurs études supérieures dans les conditions matérielles les meilleures.

Le droit à l'éducation, à la formation professionnelle et à l'emploi des personnes handicapées constitue l'essence de cette loi.

Elle privilégie en effet l'emploi en milieu ordinaire, chaque fois que c'est possible.

Elle va contribuer à responsabiliser plus fortement les employeurs, alors que 37 % des entreprises n'emploient aucun travailleur handicapé. Mais si les entreprises sont mises justement à contribution, l'administration se doit aussi de faire les efforts nécessaires et de montrer l'exemple en la matière, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.

Par ailleurs, les collectivités publiques participeront à la création d'un fonds pour l'insertion professionnelle dans la fonction publique, signe manifeste d'un effort partagé exemplaire.

Enfin, et c'est le troisième objectif de cette loi, il s'agit de mettre en place dans chaque département un lieu unique appelé « Maison départementale des personnes handicapées », destiné à accueillir, informer, conseiller et à faciliter les démarches des personnes concernées.

Ces principes simples et inspirés par le bon sens traduisent la volonté de rendre plus accessibles les lieux publics, la volonté de rompre l'indifférence dans laquelle les personnes handicapées ont été trop longtemps maintenues par les pouvoirs publics, et, enfin, la volonté du Gouvernement de s'engager dans une démarche nouvelle, visant à prendre en charge les dépenses liées au handicap pour faire reculer les conséquences insupportables de celui-ci.

Madame la secrétaire d'État, les déclarations du Président de la République et la volonté affichée du Gouvernement ont suscité un immense espoir chez les personnes handicapées. Permettez-moi à mon tour de rendre hommage à toutes les associations que nous connaissons bien les uns et les autres dans nos circonscriptions et qui, jour après jour, se battent pour faire reconnaître leurs droits légitimes. Je tiens à les remercier pour l'inestimable contribution qu'elles ont apportée à l'élaboration de ce texte.

Peut-être considèrent-elles que nous ne sommes pas encore allés assez loin dans certains domaines ? Je leur demande en tout cas de ne pas douter de notre détermination, déjà concrétisée dans ce projet de loi, à prendre enfin en compte leurs difficultés quotidiennes. Les mesures que nous allons prendre ne peuvent constituer qu'un nouveau départ et doivent être très rapidement suivies d'autres dispositions, notamment en ce qui concerne la création de structures d'accueil permettant aux citoyens handicapés ou polyhandicapés de vivre à côté de leur famille, ce qui n'est hélas ! qu'exceptionnel aujourd'hui.

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, voter une loi c'est bien, l'appliquer effectivement c'est mieux. Je souscris donc pleinement à la proposition de notre rapporteur et je ferai partie des parlementaires qui veilleront scrupuleusement à ce que les décrets d'application soient pris rapidement et mis en œuvre sur le terrain afin que les personnes concernées en ressentent les effets concrets dans leur vie quotidienne. J'aurai alors la fierté, madame la secrétaire d'État, d'avoir soutenu votre action et d'avoir voté cette loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Madame la secrétaire d'État, alors même que s'engage notre discussion, la majorité des associations s'accordent à reconnaître le manque cruel d'audace du texte gouvernemental. Hier encore, ces dernières ont dénoncé un projet de loi a minima, sans ambition et aux moyens financiers décevants. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il faut reconnaître à ces associations le mérite de la franchise.

De fait, comment pourraient-elles comprendre qu'au moment ou plusieurs milliards d'euros vont être consentis aux restaurateurs et aux buralistes, et alors que l'impôt sur la fortune a enregistré une baisse scandaleuse, l'attention portée aux personnes en situation de handicap va se traduire par une aide de 40 centime d'euros par handicapé ?

Où est le grand chantier prioritaire du quinquennat du Président de la République ? Votre texte, madame la secrétaire d'État, est entouré d'un verbiage à faire pâlir plus d'un professeur de sémantique ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les six millions de personnes handicapées ont pourtant largement dépassé le stade de la compassion ou de la complaisance.

D'ailleurs, le rapporteur l'a compris et il a eu le courage d'accepter des amendements à forte valeur opérationnelle. Il y a du reste une sorte de fil d'Ariane entre M. Chossy, M. Couanau et le président Bur qui suivent ce dossier depuis de nombreuses années. Il était de tradition dans cet hémicycle de trouver sur ce sujet des points d'appui dans la majorité et dans l'opposition. Mais il semble qu'en l'occurrence le Gouvernement se soit opposé à certains amendements de la majorité examinés dans le cadre de l'article 88 du règlement.

Bien que certains amendements visant à prévoir des accompagnements financiers complémentaires soient légitimement frappés par l'article 40 de la Constitution, il faut, madame la secrétaire d'État, développer avec audace et courage l'engagement financier. Vous avez ainsi les moyens de lever les gages budgétaires concernant notamment les revenus d'existence. Il s'agira, à propos de cette demande portée par de nombreuses associations, de vérifier votre volonté politique.

M. Jean-François Chossy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Soyez-en assuré, elle existe !

M. Pascal Terrasse. Ce revenu d'existence s'inscrit dans la logique de la prestation de compensation du handicap, dont la modalité d'application, va avoir, et vous le savez, de lourdes conséquences sur les ressources des personnes en situation de handicap, en raison des modalités de la grille d'évaluation, dont on a, à mon goût, trop peu parlé. Il faut d'ores et déjà dire à la représentation nationale que des personnes en situation de handicap, ayant une pathologie identique - je pense ici à la trisomie, à l'autisme, aux polyhandicaps - bénéficieront d'une aide différentielle qui entraînera inévitablement une baisse de l'allocation de ressources pour certains et des inégalités accrues pour d'autres. C'est le propre du principe de la grille d'évaluation.

En vérité, le droit de tous pour tous et le plein accès à l'autonomie est loin d'être retenu parmi vos priorités. Là encore, comment redonner espoir à tous ces salariés du secteur associatif et public qui, sans relâche, sont aux côtés des plus fragiles de notre société ?

Ainsi, on ne trouve pratiquement rien sur les professionnels du secteur du handicap et du secteur médico-social à l'exception de la validation des acquis de l'expérience - VAE - déjà inscrite dans le dispositif législatif.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Grâce à nous !

M. Pascal Terrasse. Les professionnels du secteur du handicap souhaitent, eux aussi, une meilleure reconnaissance de leur travail, une meilleure articulation entre les champs institutionnels et celui de l'intégration de plein exercice. Quelle déception ! Encore un rendez-vous manqué !

Rendez-vous manqué, aussi, lorsqu'il s'agit de favoriser l'intégration en milieu scolaire des élèves. Là encore, madame la secrétaire d'État, le verbiage technocratique n'a d'égal que la faiblesse des engagements de l'éducation nationale. Lors des commissions départementales de l'éducation nationale, allez-vous demander des priorités aux inspecteurs d'académie pour la création de CLIS, de CLAD ou de postes G ? Je n'en suis pas certain et j'aimerais vous entendre sur ce sujet. Aurez-vous le courage de revoir le système des contrats d'intégration dont on connaît aujourd'hui les limites ? Avez-vous vu à quoi cela ressemblait ? Je vous propose de demander à vos collaborateurs de vous en montrer un.

Êtes-vous prête à engager une véritable politique de dépistage précoce de certaines pathologies en renforçant les moyens humains dans les établissements scolaires et au sein des académies ? Rien, en tout cas, n'apparaît en ce sens dans le texte et nous le regrettons !

Enfin, est-il normal, et M. Chossy y a fait allusion, que l'État applique une fiscalité si lourde aux matériels d'aide technique, je pense aux fauteuils, aux lève- malades, ou aux protections contre l'incontinence ? Là encore, on aurait pu imaginer un taux de TVA différent.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. On y vient !

M. Pascal Terrasse. Parce que le monde du handicap ne veut plus être stigmatisé, de nombreuses associations ont bien du mal à comprendre les modalités de financement du texte. Seule une partie de la population sera appelée à contribuer au financement de cette loi, comme pour mieux pointer du doigt celles et ceux de nos concitoyens qui entrent dans le champ du handicap.

M. Guy Geoffroy. Les socialistes n'ont rien fait !

M. Pascal Terrasse. N'y a-t-il pas là, madame la secrétaire d'État, dichotomie entre la justesse de votre diagnostic et la réalité d'un texte que vous avez pris en cours de route, comme pour mieux laisser les handicapés au bord du chemin... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.- Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. René Couanau. Quelle mauvaise chute !

M. Guy Geoffroy. Quelle honte !

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, « la solidarité de la Nation à l'égard de tous ses enfants est un des piliers de notre pacte républicain. Fort de ce principe, le législateur de 1975 est intervenu pour affirmer les droits fondamentaux des personnes handicapées avec lesquelles notre société devait réapprendre à vivre. Cette législation a permis de poser un regard nouveau sur nos compatriotes victimes de l'injustice de la nature. Aujourd'hui, la société française accueille la différence et reconnaît ses richesses ».

Tel est le bilan que tirait le Chef de l'État en décembre 2003, Année européenne des personnes handicapées.

Pour le Chef de l'État, la conception de la citoyenneté qui est la nôtre nous engage à donner à nos concitoyens handicapés toute leur place au cœur de la cité, afin qu'ils jouissent des droits fondamentaux, se soumettent aux devoirs qui s'imposent à tous et participent à l'élaboration des choix publics. Il ajoutait que la prise en charge de la dépendance due au handicap serait la même sur tout le territoire.

Je suis heureux de constater que le projet de loi qui nous est soumis apporte des réponses substantielles à la préoccupation de nos concitoyens victimes des injustices de la nature. Je pense au principe de non-discrimination dans l'accès à l'emploi, à la prestation de compensation, aux allocations spécifiques, à l'intégration des handicapés dans les milieux universitaires et aux mesures visant à améliorer l'accueil et l'information.

En revanche, ce projet de loi ne se préoccupe pas suffisamment des populations des collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution et soumises au principe de la spécialité législative - je pense à la collectivité départementale de Mayotte.

Madame la secrétaire d'État, si je comprends aisément que le législateur de 1975, dans une période agitée, n'ait pas cru devoir étendre la première loi d'orientation aux personnes handicapées de Mayotte, il en va différemment en 2004, après l'inscription de Mayotte dans la Constitution.

La loi injuste du handicap frappe des Français, à Mayotte comme en métropole. J'ajoute que Mayotte concentre proportionnellement sur son sol la plus forte population des enfants dits « de la lune », qui ne peuvent sortir pendant le jour car ils doivent éviter d'être au contact des rayons du soleil.

La population handicapée de l'île est d'environ 2 000 personnes, qui pendant très longtemps sont restées totalement ignorées des pouvoirs publics.

Heureusement, des acteurs associatifs se sont organisés et accomplissent aujourd'hui un travail remarquable qui mérite d'être reconnu et salué, notamment ceux qui travaillent à l'insertion des enfants handicapés. Leur engagement au service des handicapés est remarquable, mais il se fait dans un contexte particulier : Mayotte manque cruellement d'infrastructures et nos moyens, souvent, ne sont pas à la hauteur de nos espérances.

J'insiste sur l'insuffisance du montant des aides allouées : 96 euros pour l'allocation aux adultes handicapés, 150 euros pour l'aide aux personnes âgées ou encore 24 euros pour un enfant handicapé. Qui peut raisonnablement penser qu'on peut, avec des aides d'un tel montant, garantir une autonomie digne de ce nom sur une île où le coût de la vie est très élevé ?

Cette situation est aggravée par le fait qu'il n'existe aucun organisme pour la prise en charge des enfants. La création d'un tel organisme est urgente. Par ailleurs, il est indispensable d'agréer l'association Toioussi, l'une des principales associations de l'île. Pour ce faire, il faut étendre à Mayotte la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.

Parallèlement, Mayotte ne peut faire l'économie d'un institut médico-éducatif comprenant un institut médico-pédagogique, un institut médico-professionnel et comportant un service d'éducation spécialisé et de soins à domicile.

Pour les handicapés moteurs, un centre d'éducation motrice s'impose, et nous ne pourrons nous passer encore longtemps d'un hôpital de jour pour les maladies psychiatriques.

Les adultes ne sont pas mieux lotis que les enfants. Leur situation est même plus que préoccupante puisque rien n'existe pour eux. Lorsqu'elle atteint sa majorité, une personne handicapée se retrouve livrée à elle-même. Les efforts entrepris en direction des plus jeunes seront vains si rien n'est mis en place pour les adultes dans les meilleurs délais.

L'ouverture de maisons d'accueil spécialisées, de foyers occupationnels sur le modèle métropolitain pour les plus handicapés ou encore de structures comme les centres d'aide par le travail, pour l'intégration des plus autonomes, est devenue vitale dans le contexte que je viens de vous décrire.

En février dernier, lors du débat sur la laïcité, la plupart des intervenants ont dénoncé l'injustice pour les gens de nos régions que représente un ascenseur social fondé sur la consonance du nom et sur l'origine.

Le présent texte nous offre l'occasion d'offrir à nos compatriotes mahorais l'égalité des chances devant le mauvais sort dont ils sont l'objet. En un mot, madame la secrétaire d'État, c'est le droit des handicapés à Mayotte que je vous invite à construire.

Une nation évoluée et développée comme la nôtre se juge à la place qu'elle accorde aux plus fragiles, aux plus démunis, à ceux qui souffrent dans leur chair. C'est l'honneur du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, à qui je vous demande de transmettre toute notre gratitude, d'avoir présenté ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Béatrice Vernaudon. Merci, monsieur Kamardine !

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Madame la secrétaire d'État, dans un contexte financier qui n'est pas favorable, le projet de loi que vous défendez, après Mme Marie-Thérèse Boisseau, représente une avancée considérable dans la reconnaissance des difficultés des personnes handicapées.

L'élément essentiel de ce projet de loi est bien sûr le droit à la compensation, une compensation fondée sur la diversité des handicaps, des besoins mais aussi des projets des personnes handicapées.

De nombreuses barrières ont été levées durant la phase d'élaboration de ce texte : l'âge de la personne handicapée, son taux d'incapacité, ses revenus d'origine professionnelle. Ce sont des avancées substantielles, même si elles ne peuvent satisfaire la totalité des attentes.

A propos de compensation, madame la secrétaire d'État, j'aimerais connaître vos intentions sur la prise en compte des handicaps psychiques. Pour ces derniers, en effet, les mesures nécessaires en matière d'accueil et d'accompagnement sont plus difficiles à définir.

Ce projet de loi contient également des avancées très importantes en ce qui concerne la scolarité et l'emploi. Certes, l'éducation nationale a été longtemps réticente à l'égard des enfants handicapés, mais elle a accompli depuis quelques années des progrès considérables, notamment la possibilité donnée aux parents d'inscrire leur enfant handicapé dans l'établissement scolaire le plus proche.

Pourtant de nombreuses familles sont confrontées à un autre problème : après avoir suivi une scolarité normale, leur enfant handicapé doit s'intégrer dans la société ou se tourner vers les institutions spécialisées. Cela pose la question de plus en plus cruciale de la préparation d'une personne handicapée à la vie active, que ce soit dans le milieu ordinaire ou dans un établissement spécialisé.

Une autre question mérite d'être approfondie. Il s'agit de la formation à la vie professionnelle sous différentes formes, notamment par le biais de l'apprentissage.

Concernant le principe d'accessibilité, ce projet de loi est très exigeant, et il a raison de l'être, mais c'est aux collectivités locales qu'il appartiendra de livrer bataille pour le faire respecter.

Je voudrais vous dire, me faisant l'écho de plusieurs associations de personnes handicapées, que l'alternative proposée entre l'accessibilité aux transports publics et le transport adapté n'est pas une véritable alternative. Nous souhaitons que les villes d'une certaine importance aient l'obligation de satisfaire à ces deux aspects de l'accessibilité, qui répondent à des besoins différents.

La création de la maison départementale des personnes handicapées est également une mesure importante et positive de ce projet de loi. Le guichet unique est un lieu clairement identifié de concentration des ressources. Toutefois cette maison départementale risque fort d'être implantée dans le chef-lieu du département. Il serait peut-être opportun de veiller à ce que des antennes soient mises en place dans le cadre communal, intercommunal ou cantonal. Dans certains départements, les personnes handicapées ont quelques appréhensions sur ce point.

Enfin, ce texte est important car il répond aux exigences légitimes des personnes handicapées et de leurs proches. Il doit aussi refléter l'ambition de l'ensemble des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Nesme.

M. Jean-Marc Nesme. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, chacun le sait bien, aucune loi ne peut supprimer la souffrance des personnes handicapées et de leurs familles, mais il est de la responsabilité du Gouvernement et du Parlement d'atténuer cette souffrance et d'amener la société, dans le cadre de la solidarité nationale, à être plus humaine et plus juste à l'égard des personnes handicapées et de leurs familles.

Le texte que vous nous présentez, madame la secrétaire d'État, prolonge la loi de 1975, inspirée et voulue par la majorité de l'époque - la même qu'aujourd'hui - par M. Giscard d'Estaing et M. Chirac, respectivement Président de la République et Premier ministre. Il représente une nouvelle avancée car il vise à garantir aux personnes handicapées le libre choix de leur projet de vie en améliorant leur participation à la vie sociale et en les plaçant au cœur des dispositifs qui les concernent directement.

Je limiterai mon propos à quatre questions issues des consultations que j'ai menées auprès d'établissements et d'associations, locales et nationales, regroupant des personnes handicapées.

Le premier point concerne le revenu d'existence des personnes handicapées et la revalorisation de l'AAH. L'article 3 du projet de loi modifie les règles relatives à cette allocation et propose qu'une partie des revenus d'activité soit exclue des ressources prises en compte pour l'attribution de l'AAH tout en autorisant le maintien d'un complément d'AAH pour les personnes exerçant une activité professionnelle. C'est une avancée incontestable, mais je souhaite que toutes les garanties soient apportées sur le plan fiscal.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. C'est déjà le cas !

M. Jean-Marc Nesme. La revalorisation de l'AAH, qui doit atteindre le niveau du SMIC, la prestation de compensation venant en complément, est une nécessité si l'on veut que les personnes handicapées aient les moyens d'une vie décente.

Le deuxième point concerne la prise en compte à tout âge du handicap, du polyhandicap et de l'altération psychique et cognitive. L'article 1er du projet de loi propose - c'est la première fois dans notre droit - une définition globale et légale du handicap et intègre ainsi dans le droit français la classification internationale définie par l'Organisation mondiale de la santé. Selon cette définition, le handicap doit être compris comme résultant d'une interaction entre toutes les déficiences, quelles qu'en soient la nature et la cause.

Nous pourrons ainsi sortir de la logique de catégorisation des handicaps et des effets de seuil liés à la prise en compte de taux d'invalidité. Ainsi la compensation des incapacités deviendra universelle, sans limite d'âge ni de ressources extérieures.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Marc Nesme. Ce projet de loi indique une direction très significative, qui mérite d'être confirmée lors de l'examen des amendements, tout particulièrement au travers des mesures en direction des enfants et des adultes gravement handicapés, notamment les personnes polyhandicapées, leurs parents et les soutiens familiaux.

Concernant l'obligation d'intégration scolaire en milieu ordinaire, qui est inscrite dans le texte, il me semble nécessaire d'organiser des formations spécifiques pour les enseignants accueillant des enfants handicapés dans leur classe.

Votre texte le confirme, l'intégration professionnelle des personnes handicapées et des accidentés de la vie est une priorité légale, notamment au sein des entreprises, publiques et privées. Ne serait-il pas possible de créer, au sein de chaque comité d'entreprise et d'établissement, une commission chargée d'examiner le reclassement des accidentés du travail et des personnes handicapées à l'intérieur de l'entreprise ?

Il est effectivement intolérable que des personnes devenues handicapées puissent être licenciées pour inaptitude, sans aucun espoir de retrouver un emploi hors de leur entreprise. Et je crains que, même aggravée de façon significative, la sanction financière ne reste inopérante : l'expérience ne nous le prouve malheureusement que trop.

Mon troisième point concerne les aides à domicile et les auxiliaires de vie. Le Sénat a introduit un article permettant leur recrutement en dehors des associations d'aide, en prévoyant la possibilité, pour celles et ceux qui le désirent, d'opter pour un statut d'auxiliaire de vie sociale à titre indépendant. Compte tenu de la professionnalisation et du caractère particulièrement sensible de ces fonctions, qui requièrent de savoir faire preuve auprès des personnes handicapées dépendantes de qualités humaines et relationnelles particulières, je m'interroge, madame la secrétaire d'État, sur la pertinence d'une telle proposition. Les structures prestataires d'aide assurent aujourd'hui des services de qualité grâce à l'encadrement et à la professionnalisation de leurs auxiliaires de vie. Elles représentent ainsi une garantie de « bien traitance » pour la personne handicapée et dépendante. Il est important de préserver à ces métiers d'aide aux personnes toute leur valeur et leur noblesse.

Mon quatrième et dernier point a trait à la réduction des inégalités dans l'accompagnement et la prise en charge, qui devra être un objectif permanent de l'application de cette nouvelle loi fondatrice. Le nombre de places en établissement et de services proposés aux personnes handicapées varie considérablement d'un département à l'autre. Il en est de même pour les inégalités de financement des établissements d'accompagnement et de service, les écarts variant de 1 à 2,8. Ces inégalités territoriales sont amplifiées par l'insuffisance de l'offre de places, les besoins étant estimés actuellement à 40 000, avec des distorsions considérables d'un département à l'autre. La solidarité nationale, dont le principe est réaffirmé dans ce projet de loi, et la création d'un droit à compensation universelle du handicap doivent s'accompagner d'une réduction des inégalités territoriales et de la mise en place d'un observatoire permanent chargé du suivi, qui ferait état des carences constatées et qui proposerait des solutions appropriées.

Je veux affirmer en conclusion que ce texte est un bon projet de loi, qui redonne l'espérance à tous ceux qui attendent depuis trente ans une meilleure prise en compte du handicap. Il pose les fondations d'une nouvelle architecture normative, plus humaine et plus respectueuse des personnes vulnérables. Il nous reste à présent à construire l'édifice, dans les meilleurs délais et avec les financements appropriés : ce projet de loi nous y invite : je le voterai donc. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, si je n'ai pas pu être présente hier soir, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt l'ensemble de vos propos, madame, ainsi que ceux des collègues qui sont intervenus dans le débat. Il se dégageait de la discussion un sentiment d'impréparation.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes trop bonne, madame ! C'est du bricolage !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Le débat en commission m'a d'ailleurs confirmée dans ce sentiment. Si par ailleurs on examine les réponses qui sont apportées depuis quelques mois, on se rend compte qu'elles diffèrent profondément d'un texte à l'autre. Ainsi le texte relatif à la décentralisation a confié aux départements l'ensemble des compétences relatives aux personnes âgées et aux personnes handicapées - je me souviens que ce transfert a été débattu tardivement, vers onze heures du soir, et que nous étions très peu nombreux en séance : je crois que vous étiez présente, madame Comparini. Or, si je m'en tiens à ce que vous nous dites à présent, madame la secrétaire d'État, la situation n'est pas claire en fin de compte : nous ne savons pas ce qu'on transfère réellement aux départements et ce qui reste sous la responsabilité de la sécurité sociale ou de l'État.

M. Gérard Bapt. Et où sont les crédits ?

M. Jean-Marie Le Guen. Dans la poche du contribuable local !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Vous nous avez annoncé hier que les maisons départementales du handicap seraient pour le moment confiées à l'État. La majorité a pourtant voté une loi qui dit clairement que tout ce qui concerne le handicap ou les personnes âgées est transféré aux départements. Il est grand temps aujourd'hui, madame la secrétaire d'État, de nous faire clairement savoir ce qui est transféré, et plus généralement quelle est la cohérence entre la loi de décentralisation, ce qui est décidé ici et ce que vous nous avez annoncé tout à l'heure.

M. Pascal Terrasse. Aucune !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ma deuxième remarque concerne la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, dont a été votée la mise en place après un débat très important. Mais là encore vous ne nous avez pas dit clairement ce que cette caisse allait financer. Devra-t-elle financer le droit à compensation, les services de soins à domicile, les centres d'aide par le travail, les établissements d'accueil des handicapés lourds ? Nous n'avons aucune réponse à ces questions. Vous nous dites que vous installerez des groupes de travail dès que le rapport de M. Briet et de M. Jamet sera publié. Mais il semble en fin de compte - et cela nous a été confirmé ce matin par certains responsables d'associations - que vous prenez très nettement vos distances avec les conclusions de ce rapport.

Pouvez-vous nous dire ce qu'est concrètement le droit à compensation, et si cette caisse va financer ce droit ? Je rappelle, au passage, que ce droit à compensation avait déjà été mis en place dans le cadre de la loi de modernisation sociale, comme vous l'avez reconnu vous-même, madame la secrétaire d'État.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Mais il n'était pas financé !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Nous mesurons tous, dans nos circonscriptions, combien ces incertitudes suscitent des inquiétudes profondes chez les acteurs du secteur du handicap ou de celui des personnes âgées : ils voudraient savoir ce que recouvre concrètement ce droit à compensation, et ce qui sera finalement pris en charge. Y aura-t-il un transfert de l'assurance maladie vers cette caisse, un transfert aux départements ? Là encore les intervenants dans ces secteurs n'ont aucune réponse. Si tout est transféré au département, une infirmière intervenant dans une structure chargée des personnes âgées ou des personnes handicapées ne sera plus prise en charge par l'assurance maladie. Qu'en sera-t-il des soins de toilette d'une personne âgée effectués à domicile par une infirmière libérale, qui intervient dans le cadre d'un travail pris en charge par l'assurance maladie ? On voit bien le risque qu'il y a à remettre en cause des dispositifs universels, sans parler des dangers de stigmatisation. Ou bien alors, madame la secrétaire d'État, dites-nous clairement que les soins paramédicaux apportés aux personnes âgées, tels les soins de toilette, ne sont plus considérés comme relevant de l'assurance maladie, mais uniquement comme des soins du handicap. Si vous laissez cette question des compétences dans le flou, les acteurs de terrain devront faire face à des difficultés insolubles.

Je vous répète ce que j'avais déjà dit lors du débat sur la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie : vous devez prendre le temps d'écouter ce que disent, par exemple, les représentants de la Mutualité sociale agricole. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais oui, madame Tharin ! Vous connaissez aussi bien que moi la présidente de la MSA !

Mme Irène Tharin. Mais nous les écoutons !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Elle dit clairement que si on sépare les dispositifs, ces questions seront laissées dans un flou extrême qui risque de provoquer une cassure très profonde.

M. Pascal Terrasse. Absolument ! Voilà quelqu'un qui connaît le dossier !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Je ne vous accuse pas de quoi que ce soit ! Je veux simplement que ce débat ait lieu, parce qu'il est essentiel, et que c'est la condition de la création d'un vrai droit à compensation, attendu par tous les intervenants dans le champ du handicap.

M. Pascal Terrasse. Voilà une vraie ministre !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Un autre point manifeste votre état d'impréparation, puisqu'il est encore discuté, lui aussi, en commission, c'est la question de la barrière d'âge.

M. le président. Il est temps de conclure, madame.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. J'ai bientôt terminé, monsieur le président.

M. Gérard Bapt. Laissez la parler, c'est intéressant !

M. Jean-Marie Le Guen. C'est un vrai débat !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Vous avez annoncé hier soir que finalement vous étiez favorable à la levée de la barrière d'âge. Vous avez pourtant déposé des amendements visant à la suppression du dispositif adopté par la commission à l'unanimité, et qui constituait un premier pas dans ce sens. Voilà ce que j'appelle de l'impréparation, sur un dossier qui, en termes de financement, aurait, me semble-t-il, toute sa place dans le débat sur l'assurance maladie. Il devrait faire l'objet d'une large concertation avec les conseils généraux. La mise en place d'un droit à compensation était l'occasion d'engager une réflexion approfondie autour de la question du nouveau risque que nous sommes obligés de prendre en compte. Or cette réflexion me semble totalement absente du projet de loi que vous nous présentez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bravo !

M. Pascal Terrasse. Attendez avant d'applaudir ! Ne vous réjouissez pas trop vite ! Voilà quelqu'un de lucide !

M. le président. C'est Mme Boutin qui a la parole, et non vous, monsieur Terrasse.

Mme Christine Boutin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, vous connaissez mon souci de transparence et ma liberté de ton. Malgré toute l'amitié que je vous porte, madame la secrétaire d'État, ...

M. Pascal Terrasse. Ça commence très mal pour vous, madame la secrétaire d'État !

Mme Christine Boutin. ... j'ose vous dire que, trente ans après la première loi sur le handicap, le présent texte n'est à la hauteur, ni de l'attente des personnes concernées, ni du regard nouveau que nous devrions poser sur elles au seuil de ce XXIsiècle.

M. Pascal Terrasse. Voilà une belle parole !

Mme Christine Boutin. Le travail sérieux du rapporteur ...

M. Jean-Marie Geveaux. Excellent travail !

Mme Christine Boutin. ... ainsi que les très nombreux amendements qui ont été examinés en commission ont certes permis d'améliorer le fond de ce projet de loi. Mais cela n'a pas suffi pour sortir d'une vision vieille de trente ans.

Combien nous aurions progressé en termes de dignité et d'égalité de toute personne si ce texte avait proposé de considérer le handicap comme la confrontation entre une personne souffrant de limitations fonctionnelles et la réalité d'un environnement physique, social et culturel. Dans une telle approche, serait déclaré « handicap » le fait de rencontrer, à un moment donné, un obstacle partiel ou total à l'accomplissement des activités de la vie courante, dans le domaine familial, des loisirs, de l'éducation, dans le travail, par exemple.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Exactement !

Mme Christine Boutin. Je prendrai, pour bien me faire comprendre, l'exemple de l'accessibilité. Dans une telle conception, abaisser un trottoir ne serait plus un service rendu aux seules personnes handicapées, mais une facilité accordée à la mère de famille avec sa poussette, à la personne âgée qui pousse son chariot de courses, au handicapé dans son fauteuil roulant, au jeune en rollers. Désigner l'accessibilité comme un droit nous aurait ainsi permis d'accomplir de véritables progrès en matière d'égalité de tous devant le droit d'aller et venir librement.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bien !

Mme Christine Boutin. Liberté, égalité, fraternité, accessibilité : telle devrait être la devise républicaine d'une véritable loi sur l'autonomie des personnes, handicapées ou non.

M. Pascal Terrasse. Malheureusement ce n'est pas le cas !

Mme Christine Boutin. Élargir la problématique du handicap à celle de la dignité et des droits de la personne aurait permis de dépasser la distinction entre handicapés et valides, qui, non seulement est inopérante, mais s'avère très souvent stigmatisante. Cela nous aurait aidé également à prendre conscience que le handicap nous concerne tous, et qu'en résolvant les problèmes que rencontrent les personnes handicapées, c'est la société tout entière qui voit ses conditions de vie améliorées.

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est clair !

Mme Christine Boutin. Ce n'est qu'un exemple, et j'aurais pu en citer beaucoup d'autres, en particulier dans le monde du travail : plutôt que d'instaurer l'obligation d'un quota, toujours discriminatoire, l'application du principe que je vous propose permettrait de concevoir une entreprise accueillante pour tous. Cela est beaucoup plus simple qu'il n'y paraît : encore faut-il exprimer une volonté. Avec ce texte, nous ne changeons pas le regard que nous portons sur le handicap.

Je ne pourrais qu'applaudir des deux mains à la création d'un droit à compensation universel, sans aucune condition : ce serait la véritable nouveauté de ce texte, car il n'est pas nouveau de lier la reconnaissance de la dignité de la personne à l'allocation d'un revenu universel. C'est précisément le sens de la proposition que j'ai formulée en septembre dernier dans mon rapport au Premier ministre sur l'isolement et la cohésion sociale.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bon rapport !

Mme Christine Boutin. Il s'agissait alors de prévenir et limiter l'exclusion sociale. La création d'un revenu d'existence accordé à tous, sans condition d'âge ni de ressources, est la déclinaison d'un droit à compensation du handicap. C'est la raison pour laquelle, madame la secrétaire d'État, l'allocation d'un tel revenu ne peut être suspendue à une quelconque condition.

Seule une loi fondée sur une conception moderne de la personne et de son insertion dans la vie sociale serait à la hauteur d'enjeux qui concernent au quotidien toutes les personnes à l'autonomie réduite et leur entourage. C'est le sens des amendements que je défendrai. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

M. le président. La parole est à M. Robert Lecou.

M. Robert Lecou. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis l'adoption de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'homme et son projet de vie sont au cœur de notre société. C'est cette noble exigence, déclinée dans le préambule de la Constitution de 1946 et dans notre constitution, qui a initié bon nombre de textes de lois qui règlent souvent notre vie quotidienne, lois motivées par de bonnes intentions, malheureusement pas toujours suivies des effets attendus et parfois même accompagnées d'effets pervers bien souvent dérangeants.

Faut-il légiférer ou pas ? Tel est souvent notre dilemme ! Oui, nous nous interrogeons ; oui, nous sommes interrogés sur le bien-fondé de nos nombreuses lois.

Aujourd'hui, devons-nous nous interroger à propos de ce projet de loi sur l'égalité des droits et des chances, sur la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ? Oui, nous pouvons nous interroger mais nous ne devons pas douter, mes chers collègues.

Depuis bientôt trente ans, depuis la loi fondatrice de 1975, que de changements dans notre monde et dans notre société, que d'évolutions dans nos mentalités ! Aussi cette loi de 1975, que personne aujourd'hui ne peut contester dans son utilité d'alors, a-t-elle besoin d'être refondue.

C'est l'honneur de notre société que de favoriser l'accompagnement des personnes handicapées. C'est aussi le devoir de chaque citoyen que de favoriser la reconnaissance mutuelle. Ce sera l'utilité de cette loi qui nous propose réflexion, débat, de mettre en place de nouvelles dispositions et d'amplifier l'évolution des mentalités pour que les regards changent.

Député d'une circonscription où l'on recense plusieurs centres d'aides par le travail, instituts médico-éducatifs et de rééducation, où a été conçu et réalisé, à Fabrègues, un collège pilote en termes d'accueil et d'accessibilité, j'ai souhaité m'appuyer sur ces expériences de terrain, consulter les personnes et les associations qui s'investissent dans les problèmes du handicap et concerter avec elles. Ma participation dans le débat sur ce projet de loi important est, bien entendue, inspirée par ces expériences et je voudrais saluer celles et ceux qui ont bien voulu m'apporter leurs réflexions et contributions.

Ce projet de loi, mes chers collègues, est donc utile. Il définit le handicap, ouvre de nouveaux droits et favorise l'évolution des mentalités. Il améliore les conditions de vie des personnes handicapées et va dans le sens de la dignité de la personne handicapée et de sa participation à la vie quotidienne.

Incontestablement, il permettra des progrès. La reconnaissance du handicap avec l'instauration d'un droit à compensation est un grand pas en avant. L'instauration des maisons départementales des personnes handicapées, véritables guichets uniques, permettra de disposer de vrais lieux de coordination et de concertation et simplifiera les démarches. L'alignement des administrations sur les entreprises privées en matière d'embauche mettra fin à une situation inéquitable et anormale. Sans entrer dans l'énumération exhaustive de l'ensemble des avancées que ce texte permet et que nous aurons l'occasion d'examiner lors de nos futurs débats, ces progrès sont déjà notables et répondent d'ailleurs à la demande des associations.

Toutefois, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ces avancées méritent des améliorations que de nombreux amendements nous permettront d'étudier. Tel est l'intérêt de notre futur débat pour lequel, d'ores et déjà, je veux proposer quelques évolutions qui me paraissent souhaitables.

Si la reconnaissance du handicap constitue, comme je le disais, un grand pas en avant que traduit bien l'instauration d'un droit à compensation, il est nécessaire d'aller jusqu'au bout de ce principe que nous acceptons de reconnaître. Pour cela, nous devons supprimer les barrières d'âge et de revenu. L'universalité du droit à la compensation doit être reconnue par cette loi.

M. Jean-François Chossy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C'est bien ! On va y arriver !

M. Robert Lecou. La fusion des commissions, COTOREP et CDES, en commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées va dans le sens de la simplification, donc de l'efficacité. Le Sénat a déjà apporté sa contribution en précisant leur composition. Il me paraît indispensable que, lors de l'examen par la commission, le médecin traitant de la personne handicapée soit présent afin de garantir la meilleure orientation possible.

La scolarisation des enfants handicapés doit être au cœur des conditions d'accueil et d'accessibilité. Il faut que cette volonté s'exprime concrètement et, pour cela, l'accueil en milieu scolaire ordinaire doit être la règle, sauf nécessité médicale contraire. Une telle démarche favorise l'épanouissement de l'enfant handicapé. Permettez-moi, pour étayer cette affirmation, de me référer au témoignage poignant d'un habitant de ma circonscription, parent d'un enfant autiste d'une dizaine d'années, qui me faisait part des importants progrès réalisés par son enfant grâce à l'immersion dans l'école.

Une telle démarche bénéficie aussi à l'ensemble de la classe...

M. Jean-François Chossy, rapporteur. C'est vrai !

M. Robert Lecou. ...et permet la perception de la personne handicapée comme partie intégrante de la richesse de cette classe. Néanmoins sa mise en œuvre nécessite, à mon sens, les accords préalables des parents, des médecins, de l'enseignant ou de l'équipe éducative. Cet accord est en effet le garant de la réussite du projet éducatif personnalisé. Formation des maîtres et mesures d'accompagnement sont aussi le corollaire nécessaire à cette scolarisation.

Celle-ci ne doit cependant pas avoir pour conséquence de réduire les nécessaires efforts de créations de postes et d'établissements adaptés qui, parfois, restent la seule solution d'accueil scolaire. Actuellement, le manque en ce domaine est criant. Au 1er novembre 2003, 417 demandes d'admission non satisfaites étaient recensées dans le département de l'Hérault qui compte 17 établissements spécialisés.

Enfin, madame la secrétaire d'État, vous devrez veiller, nous devrons veiller à une publication rapide des décrets d'application, car il n'est pas pensable d'attendre des années pour que la mise en œuvre de la loi soit effective.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Vous avez raison !

M. Robert Lecou. Mes chers collègues, ce texte, qui a le mérite, après la loi de 1975, de faire avancer la cause des handicapés, va dans le bon sens et sera une grande loi si nous pouvons l'améliorer par voie d'amendements.

En témoignage de cette note d'espoir, je voudrais simplement faire référence aux attentes d'Yvan, de Noëlle, de Max et d'Eliot, et aux propositions de Pierre qui, par un courrier électronique venant de Ganges, rappelle qu'une petite modification permet de grandes choses. Puisse cette loi, au-delà des droits nouveaux qu'elle créera, permettre de rompre des solitudes, de favoriser l'évolution des mentalités et l'épanouissement des qualités aptes à dépasser le handicap. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff.

Mme Claude Greff. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes devant un texte ambitieux qui s'inscrit dans la droite ligne du grand chantier du quinquennat du Président de la République, Jacques Chirac.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous alignez les cathédrales ! C'est merveilleux !

Mme Claude Greff. Je me félicite de pouvoir voter ce projet de loi, tant il apporte une réponse digne et pertinente au problème du handicap en France, qui, depuis la loi de 1975, n'avait pas connu d'évolution.

Dès 2002, le Président de la République a souhaité faire du handicap l'un des trois grands chantiers de son quinquennat.

Garantir l'autonomie des personnes handicapées, c'est leur donner toutes les chances de participer à notre société et d'y exercer pleinement leur citoyenneté ; c'est leur permettre d'être comme vous, comme moi, des acteurs de leur destin.

Je tiens à souligner le pas immense qu'accomplit ce texte en matière de reconnaissance des droits fondamentaux des personnes handicapées. Ces dernières et leurs familles attendaient cela depuis trop longtemps pour que satisfaction ne leur soit pas donnée. Avec le droit à compensation des conséquences du handicap, les personnes handicapées auront la capacité de voir leur projet de vie garanti. Comme vous l'avez rappelé à maintes reprises au cours des débats, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, c'est une question de solidarité nationale que de permettre aux personnes handicapées d'être des citoyens à part entière.

M. Ghislain Bray. Très bien !

Mme Claude Greff. La prestation de compensation traduit cette ferme volonté de prendre en charge les surcoûts liés au handicap, quelle qu'en soit l'origine, bien au-delà de l'actuelle allocation compensatrice qui n'assure qu'un besoin en termes d'aide humaine.

L'article 4 permet de faire progresser également la condition des personnes travaillant dans les centres d'aide par le travail, les CAT, en leur garantissant le droit à la rémunération de leur période d'essai, comme cela se fait pour chaque salarié en France. Cela traduit parfaitement l'ambition de la loi proclamée en son titre : « égalité des droits ».

Malheureusement, le handicap ne touche pas uniquement les personnes adultes, et il était essentiel que la loi éclaire aussi le sort des enfants atteints d'un handicap. Ainsi que l'expérience le montre, l'accès à l'école est un facteur déterminant de la participation à la vie sociale. De nombreux enfants handicapés échappant à toute forme de scolarisation, la loi de 1975 devait être améliorée afin que l'obligation d'intégration scolaire en milieu ordinaire soit une réalité. Des efforts ont été faits et seront faits en ce sens pour que chaque enfant soit suivi dans le cadre d'un projet individualisé et élaboré avec ses parents et les enseignants. Par ailleurs, les enseignants devront être formés à l'accueil des élèves handicapés car, chaque fois que cela sera possible, les enfants devront pouvoir intégrer une classe en milieu ordinaire. L'article 8 va en ce sens, et nous ne pouvons que nous en féliciter.

Comment préparer l'avenir d'un enfant handicapé ? Il est un adulte en devenir, un adulte comme les autres. L'éducation nationale a un rôle important à jouer. Marie-Thérèse Boisseau, dont je salue l'action, avait favorisé le développement des assistants de vie scolaire, les AVS. Il faut encore s'interroger sur l'intégration des étudiants handicapés dans notre système scolaire. D'ailleurs, mon collègue Pierre Cardo avait déposé une proposition de loi allant dans ce sens. Aux difficultés physiques et morales qui peuvent naître du handicap, il ne faut pas ajouter des barrières invisibles et pernicieuses. C'est bien là l'objet de ce projet de loi.

Que ce grand chantier présidentiel ait été lancé fait qu'aujourd'hui la présence des enfants handicapés dans nos classes est considérée comme naturelle. C'est un signe fort, le signe même d'une société fraternelle et solidaire.

Le projet de loi insiste aussi sur une autre question essentielle, plus concrète que celle des droits fondamentaux. Il s'agit de l'accessibilité effective à tous les lieux publics. Combien de difficultés rencontrées lorsque l'on se déplace en fauteuil roulant : seuils de porte, trottoirs trop hauts, escaliers... Les personnes handicapées apprécient que le principe de « l'accès de tous à tout » inscrit dans la loi de 1975 prenne enfin une dimension effective. Certes, des efforts devront être menés par les communes pour faire en sorte que les ERP, les établissements recevant du public, soient tous accessibles aux handicapés. Néanmoins, comme je l'ai souligné au début de mon propos, il s'agit là de solidarité nationale. Tous les coûts induits doivent devenir acceptables par chacun d'entre nous au regard du prix d'une vie vécue avec un handicap.

Mes chers collègues, nous vivons aujourd'hui une avancée majeure. Nous tous, ici réunis, devons être solidaires des personnes handicapées, de leurs familles, de leurs associations. Nous devons faire pour eux une grande loi de solidarité, afin que nous puissions tous mieux vivre ensemble demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Mes chers collègues, à ce stade du débat, chacun d'entre nous doit reconnaître le retard et les insuffisances que connaît notre pays en matière d'égalité des chances et d'insertion des handicapés.

Mme Claude Greff. Vous avez été au pouvoir pendant des années ! Qu'avez-vous fait ?

M. Jean-Marie Le Guen. Je sais bien qu'il y a des années que vous voulez oublier, notamment celles où le Président de la République occupait déjà cette fonction ! Je vous rappelle qu'il en est à son deuxième mandat !

Mme Claude Greff. Vous auriez dû agir plus tôt !

M. Jean-Marie Le Guen. Par ailleurs, le président - pour quelques semaines encore - de votre parti était Premier ministre il y a quelques années ! Je comprends donc que vous vouliez oublier cette période !

M. Ghislain Bray. Non !

M. Jean-Marie Le Guen. Cela dit, je ne tenais pas du tout à polémiquer sur le sujet.

Mme Claude Greff. Moi non plus !

M. Jean-Marie Le Guen. Je souhaitais simplement reconnaître l'existence du retard de notre pays. Je pense d'ailleurs que nous devrions tous être interpellés sur les raisons de ce retard. Les formations politiques et les groupes qui composent cette assemblée devront mener cette réflexion, et, peut-être, chacun trouvera-t-il des raisons différentes.

Le projet de loi pour l'égalité des personnes handicapées dont nous sommes saisis était particulièrement attendu des intéressés eux-mêmes, de leurs familles, des professionnels et des associations, mais aussi de nos concitoyens, pour qui le handicap est devenu un sujet de préoccupation réel. Ce droit à l'égalité n'est plus un droit isolé dans la société. Il est attendu par nos concitoyens qui, chaque fois que leur sont donnés les moyens de s'exprimer, partagent cette volonté de permettre l'insertion des personnes handicapées dans la cité. Par conséquent, nous devons avoir la volonté politique et la capacité de porter le handicap, comme ils nous le demandent.

Ce projet entend satisfaire une demande sociale de plus en plus forte, que le Président de la République a exprimée le 14 juillet 2002, lorsqu'il a fait de l'intégration des personnes handicapées l'un des trois chantiers présidentiels du quinquennat. Malheureusement − et je ne serai pas le seul à l'avoir dit à cette tribune −, ce projet de loi manque cruellement d'ambition. Il n'est pas − loin s'en faut − la réforme radicale que tous espéraient pour traiter la question du handicap. On peut même affirmer que, dans certains domaines, il va se traduire par une régression du droit des handicapés.

M. Ghislain Bray. Mais non !

M. Jean-Marie Le Guen. Ainsi, la définition qu'il donne du principe de compensation est plus restreinte que celle qui figurait dans la loi de modernisation sociale de janvier 2002. Elle aurait pourtant dû être large et universelle, pour que la prestation de compensation soit versée à chaque personne handicapée, sans condition d'âge ni de nature de handicap. Or la prestation qui est prévue par ce texte ne concerne ni les jeunes de moins de vingt ans,...

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Cela va venir !

M. Jean-Marie Geveaux. On va vous arranger ça !

M. Jean-Marie Le Guen. ...qui sont couverts par l'allocation spéciale d'éducation, ni les personnes âgées, qui sont renvoyées vers l'allocation personnalisée d'autonomie.

La loi est également insuffisante en matière d'accueil et d'information des personnes handicapées. Comme le financement de la prestation de compensation, celui des maisons d'accueil est renvoyé aux missions encore incertaines de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

En matière d'insertion professionnelle, nous nous contentons aujourd'hui de politiques incitatives, essayant d'évoluer au niveau des taxations. Cela, nous le savons tous, n'est aucunement de nature à nous satisfaire. Dans le même temps, nous entendons le président du MEDEF, récemment auditionné par la mission d'information sur la problématique de l'assurance maladie, déclarer que les questions de santé ne concernent plus les entreprises − en tout cas pas le MEDEF −, mais uniquement l'État. Il en tire d'ailleurs certaines conclusions ; je pense que nous devrions aussi en tirer les nôtres.

Dans notre pays, la question du handicap n'a pas été traitée aussi heureusement que dans d'autres : nous avons privilégié une certaine forme de concertation et nous avons accepté la vision un peu paternaliste qu'avaient les entreprises. Nous devons à présent réfléchir sur la façon de sortir de cette culture et de reprendre au bond la balle que nous a lancée M. Ernest-Antoine Seillière.

Selon lui ces questions relèvent de la responsabilité de l'État. Soit ! Et, puisque le Président de la République veut mettre en place − ce qui est plutôt une bonne idée − une haute autorité indépendante de lutte contre les discriminations, je propose que nous réfléchissions à la possibilité de diligenter les attaques juridiques nécessaires contre les entreprises qui pratiquent des discriminations vis-à-vis du handicap.

La culture de l'exigence doit se substituer à celle de la compensation. Pourquoi refuserions-nous cette évolution, dès lors que le président du MEDEF nous incite à revaloriser le rôle de l'État − du moins est-ce ainsi que nous l'avons compris, et pas seulement sur les bancs de l'opposition ?

La maison départementale des personnes handicapées regroupera les différentes commissions existantes. Sans entrer dans le détail, puisque mon temps de parole est presque épuisé, je rappelle simplement que le budget de 2003 a éliminé de nombreux crédits, notamment pour le renforcement des COTOREP. On ne peut donc que s'interroger sur les véritables intentions du Gouvernement.

Par ailleurs, le polyhandicap est le grand oublié de ce projet de loi. L'effort prévu pour les personnes concernées n'est à la hauteur ni de leurs espérances ni de celles des familles. Un article de la loi relative aux droits des malades laisse entendre que les parents peuvent demander réparation au titre de leur seul préjudice et que les charges découlant du handicap de l'enfant relèvent exclusivement de la solidarité nationale ; chacun se souvient du débat qui s'était déroulé à ce sujet dans notre hémicycle.

C'est également la solidarité nationale qui a décidé de prendre en charge, après le décès des parents, l'avenir des enfants nés handicapés. Or le financement par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie n'est pas fait pour les rassurer.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Bien d'autres points mériteraient d'être abordés, mais je conclurai simplement en disant que, si l'intitulé du projet de loi éveille de nombreux espoirs − non seulement en matière d'égalité des droits et des chances, mais aussi pour ce qui touche à la participation et à la citoyenneté des personnes handicapées −, le texte lui-même ne correspond pas vraiment à son titre et ne traduit guère ces aspirations. Plus grave, il ne paraît pas à la hauteur de l'enjeu.

Le Gouvernement souhaite-t-il vraiment que les citoyens en situation de handicap puissent participer à la vie de la société ? Ce projet de loi a beau afficher de bonnes intentions, ce n'est qu'une coquille vide. Nous ne sommes qu'au début de la réflexion. J'ai tenté de tracer quelques pistes, afin que notre action soit plus résolue. Chaque jour, nous répétons que, en matière d'emploi, l'insertion professionnelle est le point de départ de toute insertion dans la société...

M. Jean-François Chossy, rapporteur. La scolarisation, d'abord !

M. Jean-Marie Le Guen. ...après l'école, bien sûr, pour les enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Geveaux.

M. Jean-Marie Geveaux. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, près de trente ans après la loi fondatrice de 1975, un Président de la République et un gouvernement ont considéré que les personnes handicapées étaient une préoccupation majeure pour la nation.

Ce projet de loi est le point d'orgue du troisième grand chantier lancé par le chef de l'État. Le texte qui nous est proposé est porteur d'espoirs qu'il ne faudrait pas décevoir. Trop souvent, en effet, les personnes handicapées ont été oubliées, écartées de nos vies quotidiennes. On ne s'est pas soucié de leurs proches, de leurs parents, de leurs frères et sœurs, qui s'occupaient d'elles et devaient lutter, seuls, contre les difficultés de toute nature qu'entraîne le handicap, en particulier l'autisme ou le polyhandicap.

Comme le rappellent avec raison les familles et les associations concernées, beaucoup reste à faire pour que la personne handicapée ne se sente pas seulement le sujet de la solidarité, mais l'égale de tous. C'est pourquoi ce texte est porteur d'autant d'espoirs.

Des avancées certaines ont été proposées et adoptées, d'abord par nos collègues sénateurs, puis par la commission animée par notre excellent rapporteur, Jean-François Chossy. Je note ainsi avec satisfaction des progrès en matière de redéfinition du handicap, de scolarisation, d'accessibilité. J'espère, madame la secrétaire d'État, que vous accepterez notre proposition de suppression de la barrière d'âge pour l'attribution de la prestation de compensation, car elle constitue un élément discriminatoire qui ne repose sur aucun fondement. Il est temps de donner à la prestation compensatoire un caractère universel : elle doit être attribuée indépendamment de l'âge, des ressources ou du type de handicap.

L'un des principaux problèmes reste toutefois l'accès à l'emploi, que ce soit dans les entreprises ou en milieu protégé. Quelques suggestions ont été faites par mes collègues, ici même ou lors des réunions de la commission. Je souhaite que cette question soit abordée avec sérieux.

Le handicap peut survenir dans chaque famille ; il peut toucher chacun d'entre nous. Soyons donc attentifs à tout ce qui est de nature à améliorer la vie des personnes handicapées. Elles nous donnent souvent des leçons de ténacité, de courage, de lucidité. Ce faisant, elles se transforment elles-mêmes et grandissent. Si nous sommes attentifs, nous nous transformerons peu à peu à notre tour, notre vision du monde changera et, en élargissant notre regard et notre cœur, nous grandirons nous aussi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Alain Marty.

M. Alain Marty. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nombreux ont été, au cours de l'année 2003, les débats sur la question du handicap et de la personne handicapée. Je les ai relayés dans ma circonscription, organisant des rencontres qui avaient pour double objectif, d'une part, de présenter les expériences menées sur le territoire et de favoriser la mise en réseau des acteurs, d'autre part, de permettre un lieu d'échange entre les familles handicapées et les professionnels. Ces rencontres étaient présidées par M. Patrick Gohet, délégué interministériel aux personnes handicapées.

En ces occasions, j'ai eu connaissance de deux témoignages, que je souhaite à présent vous rapporter.

Le premier concerne Tina, une petite fille de trois ans et demi, handicapée dès la naissance à la suite d'un accident vasculaire cérébral survenu au cours de la grossesse. Ses parents ont fait le choix de s'occuper d'elle, et c'est alors qu'ont commencé les ennuis. Ils se sont ainsi heurtés à des difficultés matérielles : un seul siège était pris en charge, alors qu'il en fallait un autre pour le véhicule, ainsi qu'un appareil pour faciliter la locomotion. De même, avant de pouvoir réaliser, dans leur logement, les aménagements indispensables, ils durent constituer d'innombrables dossiers, relancer sans cesse l'administration. Enfin, cette famille modeste doit effectuer de multiples déplacements auprès des professionnels de santé, souvent pendant les heures de travail. Cette situation n'est pas satisfaisante.

M. Ghislain Bray. C'est vrai !

M. Alain Marty. Le deuxième témoignage est celui d'une maman. Son fils de dix-sept ans est accueilli dans un établissement spécialisé situé à 140 kilomètres de son domicile. Il lui est en effet extrêmement difficile de garder son enfant chez elle, non seulement parce que le handicap est lourd et qu'elle travaille, mais aussi en raison de conflits avec l'établissement. Elle regrette que des parents motivés ne puissent élaborer un projet faisant alterner la garde en famille et l'accueil en établissement. Là aussi, il y a des insuffisances.

On le voit, il était nécessaire d'apporter des solutions. Votre projet de loi, madame la secrétaire d'État, présente des avancées importantes pour placer la personne handicapée au cœur du dispositif.

Je vais insister sur trois aspects du projet de loi.

En premier lieu, l'article 1er affirme que « toute personne handicapée a droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale ». Nous devons tous être mobilisés autour de cette idée et je suis choqué par le ton polémique qu'emploient parfois certains et qui me paraît indigne.

M. Ghislain Bray. Très juste !

M. Alain Marty. Si, sur un tel sujet, on peut avoir des différences d'appréciation, il ne doit pas être l'objet de polémiques.

Comme nombre de mes collègues, j'estime que l'honneur de la politique est de protéger les plus fragiles, mais cela ne peut se faire que si le principe est universel. Une fois de plus, je me permets de répéter qu'il ne faut pas prévoir de conditions de ressources.

Le deuxième aspect du texte dont je veux traiter est celui relatif aux simplifications administratives. Nous savons en effet que, au-delà de la souffrance, les familles doivent accomplir des parcours compliqués avant d'obtenir des aides. Les COTOREP ont souvent été présentés comme les tribunaux du handicap. Veillons à ce que le guichet unique que l'on veut mettre en place ne se transforme pas en un système bureaucratique. L'accueil doit être humanisé. Dans la mise en œuvre de ce guichet unique, vous aurez, madame la secrétaire d'État, à jouer un rôle important.

Le troisième point est l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans le monde ordinaire du travail. Cet accueil vous préoccupe, je le sais, mais nous ne pouvons pas demander à l'entreprise privée de continuer à consentir des efforts pour accueillir les personnes handicapées si la fonction publique ne donne pas l'exemple.

Mme Béatrice Vernaudon. C'est vrai !

M. Alain Marty. Or la fonction publique a beaucoup à faire avant d'accueillir les personnes handicapées de façon satisfaisante. C'est pourquoi je suggère qu'on prélève une partie de la DGF des collectivités qui n'accomplissent pas d'efforts en ce domaine et de l'utiliser pour des actions en faveur de l'accueil des personnes handicapées dans la fonction publique. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En conclusion, je veux souligner que ce projet de loi sur l'égalité des chances présente de nombreuses avancées et répond aux préoccupations énoncées par le Président de la République. Je voterai ce texte avec beaucoup d'espoir, mais sa mise en œuvre sera déterminante, et vous aurez, madame la secrétaire d'État, à jouer un rôle considérable dans son application. Pour ma part, je vous fais entièrement confiance.

Mme Muriel Marland-Militello. Nous aussi !

M. Alain Marty. L'enjeu est important : il s'agit de remettre la personne handicapée au cœur d'un projet de vie, en tenant compte de ses potentialités et de ses projets personnels. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott, dernier orateur inscrit.

M. Michel Liebgott. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, M. Jean-Marc Ayrault regrettait tout à l'heure le peu de considération que le Gouvernement accordait au Parlement.(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Dominique Richard. Ça commence mal !

M. Michel Liebgott. Sur un sujet aussi important que celui du handicap, et qui aurait pu nous rassembler, nous aurions en effet souhaité être mieux considérés : ne venons-nous pas, lors d'une réunion de la commission, de découvrir que le Gouvernement avait déposé des amendements de dernière minute ...

Mme Martine David. Eh oui !

M. Michel Liebgott. ...que nous n'avons pu examiner faute de temps alors que, pour la plupart, ils ne semblaient pas satisfaisants, loin s'en faut ? Ne s'agissait-il pas ainsi, dans un domaine aussi essentiel que celui de la compensation, de déterminer un plafond de ressources fixé par décret ?

Mme Martine David. Tout à fait !

M. Michel Liebgott. Une fois de plus, même si M. Chossy en a fait la critique avec raison, la technostructure triomphe, y compris sur des sujets aussi importants que celui du handicap. Et je ne parlerai même pas de l'article 40 !

Plusieurs d'entre nous ont rappelé l'origine de la loi de 1975. Je soulignerai simplement pour ma part qu'elle avait été adoptée, pour l'essentiel, sous la pression des associations. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage ici à ces parents et à tous ces gens responsables qui, à l'époque, ont poussé la classe politique à prendre ses responsabilités. Soyons très attentifs à ne pas nous approprier ce qui est issu du mouvement social et de la mobilisation de ceux qui souffrent.

Nous étions, avec ce texte, confrontés à deux enjeux majeurs.

Le premier était de sortir le handicap d'une définition simplement thérapeutique. Il convient en effet de le replacer dans un environnement accessible et accueillant, répondant à des normes sociales, politiques et culturelles que l'OMS a fort bien définies et que le Conseil économique et social a rappelées dans certains de ses travaux. Sur ce point le projet de loi est insuffisant.

Sans doute renvoie-t-il aux collectivités territoriales le soin de prendre des mesures sur le plan pratique, mais cela revient à poser la question des moyens : aucune mesure d'ordre technique n'est en effet envisageable si les moyens financiers ne suivent pas.

Le second enjeu avait trait au droit à compensation. Réfléchissons un instant, chers collègues : imagine-t-on un salarié entrant dans une fonction quelconque sans aucune perspective de progression de carrière durant trente ans, puisque tel aura été, à peu de choses près, le temps d'application de la loi de 1975 ? Or, nous le verrons au cours de l'examen du texte, le droit à compensation n'est pas universel. C'est particulièrement regrettable.

Il convient également de déplorer un certain dysfonctionnement - malheureusement assez fréquent dans le cadre de nos institutions -, je veux parler du recours excessif au règlement. J'en ai déjà dit un mot et je n'y reviendrai que pour m'interroger : la loi est-elle à ce point dévaluée qu'il faille constamment s'en remettre au règlement ? Ne sommes-nous donc pas capables, ici, de changer la vie quotidienne ?

Je le demande avec amitié au rapporteur, M. Chossy,...

M. Dominique Richard. Un excellent rapporteur !

M. Michel Liebgott. ...qui s'est beaucoup impliqué dans la préparation de ce texte : comment pouvez-vous continuer à vous battre alors même que le Gouvernement, que vous soutenez, renvoie systématiquement au décret ce qu'il ne veut pas accorder ?

Les associations qui, aujourd'hui, nous écoutent et nous regardent, ne seront pas présentes lorsqu'un fonctionnaire lambda écrira tel ou tel décret.

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Nous nous battrons également sur les décrets !

M. Michel Liebgott. Nous serons mis devant le fait accompli, comme cela est systématiquement le cas. De nombreux exemples le prouvent malheureusement, en particulier dans le domaine social. Je prendrai celui des populations défavorisées dans nos quartiers difficiles - même si ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui -, de ces populations qui sont en mal d'insertion. Bien sûr on nous a assuré, ici et là, que les adultes relais, les CEC ou encore les CES seraient maintenus. Cependant on finit toujours par nous opposer que « Bercy ne veut pas » ! Ne restent alors que les effets d'annonce.

Telle est bien notre crainte en l'espèce alors que nous sommes confrontés sur le terrain à la fois à un manque de places dans les maisons d'accueil et à l'engorgement des CDES et des COTOREP. Certes, vous créez un guichet unique pour ces dernières, mais encore faudra-t-il accorder des moyens afin que le désengorgement puisse se faire.

Il en va de même dans l'éducation nationale. On compte aujourd'hui 52 000 enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire. Il faut, bien entendu, aller au-delà. Parallèlement, on constate toutefois, jour après jour, que vous supprimez des postes de surveillant et d'enseignant et que vous remettez en cause la carte scolaire. Comment dans ces conditions, alors que l'accueil des enfants qui ne sont pas atteints de handicap est déjà difficile, peut-on, a fortiori, faire mieux, avec moins de personnels, pour des enfants atteints de handicaps moteurs ou sensoriels ? Je rends ici hommage aux éducateurs et aux enseignants, mais cela ne suffira pas !

Nous aurions souhaité qu'une grande loi sur le handicap soit une oasis dans le désert social qu'organise le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela ne semble pas être le cas.

M. René Couanau. Tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. Michel Liebgott. J'espère du moins que la contribution du Parlement permettra de faire progresser un petit peu le texte, mais nous ne croyons pas qu'il offrira de vraies solutions aux drames vécus par les handicapés et par leurs familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi d'abord de remercier tous ceux qui ont participé à cet échange nourri et dense sur le texte dont nous débattons. Je tiens à souligner combien j'ai été touchée par la qualité des propos qui ont été tenus par les orateurs qui se sont succédé.

Nombre d'entre vous ont choisi d'illustrer la diversité de situation des personnes handicapées par des témoignages issus du terrain, au contact des associations, dont vous avez tous salué l'implication. Je citerai plus particulièrement les interventions de Jean-Marc Nesme, d'Alain Marty, qui a évoqué des exemples particulièrement touchants, et d'Arlette Grosskost.

Louis Cosyns a, pour sa part, insisté sur le cas des traumatisés crâniens, souvent oubliés dans les dispositifs de prise en charge, et la contribution très riche de Daniel Garrigue a précédé celle de Jean-Marie Geveaux sur l'autisme. Quant à Mansour Kamardine, il a évoqué la question si particulière, à Mayotte, des « enfants de la lune », et Catherine Génisson nous a longuement parlé des enfants malentendants et des problèmes posés par leur éducation.

J'ai bien conscience de ne pas évoquer toutes les contributions, mais sachez que je salue leur qualité et leur densité. Permettez-moi encore d'accorder une mention particulière à Christine Boutin qui a souligné, avec le cœur qu'on lui connaît, tout l'enjeu que ce texte représente.

Certains d'entre vous ont choisi de se placer sur un terrain plus polémique, voire politicien en évoquant les financements, mais en oubliant qu'un texte précédemment voté par cette même assemblée, avait prévu le financement du droit à compensation.

Nous avons parfois ressenti le propre doute éprouvé par certains d'entre vous, qui développaient des argumentations d'ordre sémantique, usant de périphrases pour ne pas désigner par son nom le handicap. Alors que notre pays devrait avoir une attitude particulièrement offensive pour combler certains retards et pour faciliter certaines avancées, vous faites des choix tactiques, préférant nous renvoyer davantage à nos interrogations qu'à notre volonté d'action.

Mieux vaut nous référer à des expériences de terrain où nous nous retrouvons côte à côte pour tenter de résoudre des difficultés, pour faire face à des situations brûlantes sans avoir, pour premier réflexe, à nous demander si nous sommes de gauche ou de droite. Là, c'est l'action qui guide nos pas.

Ne voulant pas refaire une présentation générale du chantier présidentiel, je vais me borner à revenir sur certains des thèmes qui ont été abordés.

Vous avez été nombreux à traiter de la recherche, de l'accès aux soins et de l'articulation du projet avec la loi de santé publique. Tel a été le cas de Claude Leteurtre et de Louis Cosyns, qui a souligné la nécessité d'une étude épidémiologique concernant les accidentés de la route. Il s'agit évidemment d'une préoccupation que je partage. Il nous faut avoir un regard prospectif sur le handicap et ne pas s'en tenir à l'arrêt sur image que j'évoquais hier. C'est tout un champ d'investigation qu'il nous faut explorer.

Au-delà de ces questions, vous avez centré vos propos sur le droit à compensation. Ce point du dispositif est crucial, et nous devrons y travailler au cours de nos débats. Sachez, d'ores et déjà, que je vous ai entendus et que le texte répondra à vos attentes sur la suppression des barrières d'âge. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Merci, madame la secrétaire d'État.

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je ne peux pas être plus explicite dans ma réponse à Daniel Paul, Jean-Yves Hugon, Daniel Garrigue, Geneviève Levy, Emmanuel Hamelin, Yvan Lachaud, Arlette Grosskost, Ghislain Bray - je crains d'en oublier - dont les interventions ont porté sur ce sujet.

Je salue, pour ce qui concerne l'accessibilité, la contribution de Geneviève Levy, qui connaît très bien cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Elle nous a ainsi éclairés sur la notion fondamentale de chaîne d'accessibilité. Il est cohérent de poser la question de l'accès. Celle-ci est en effet centrale.

Mme Muriel Marland-Militello et Mme Béatrice Vernaudon. Très bien !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Je n'oublie évidemment pas l'accès au système éducatif. Marie-Renée Oget a évoqué cette question en parlant du plan Handiscol. Mais peut-être faudrait-il aussi s'interroger sur les raisons de son piétinement. Quand un dispositif, même pourvu de vertus, ne fonctionne pas aussi bien qu'on l'aurait voulu, il convient certainement de se poser des questions !

Mme Anne-Marie Comparini. Exactement !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Yvan Lachaud a abordé le sujet, qu'il connaît parfaitement, de la scolarisation des enfants handicapés et son enjeu. Celui-ci est double : il concerne d'abord l'enfant, au moment de ses débuts dans le système éducatif, à travers son projet de vie ; mais il intéresse aussi toute la société qui doit apprendre à porter un regard différent sur le handicap, notamment avec la confrontation de leurs différences par les enfants.

Catherine Génisson a également présenté d'intéressantes remarques sur la question des temps scolaires pour les enfants malentendants. L'école a tout à apprendre d'une telle expérience. Elle y trouvera sans doute des solutions à l'échec scolaire qu'elle ne sait pas encore traiter convenablement aujourd'hui.

Outre la question de l'éducation et de l'accès à l'école, qui sont des thèmes forts du texte dont nous allons débattre, vous avez été nombreux à évoquer la question de l'emploi.

Vous avez tous souligné la nécessité pour le secteur public, singulièrement pour les collectivités territoriales et locales, d'être offensif et de s'engager résolument dans la voie de l'embauche.

M. Daniel Paul. Et aussi pour l'État !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Sans aucun doute.

Dans ce domaine le projet de loi propose des avancées importantes. Au-delà, il faudra agir, et nous aurons beaucoup à nous dire bien après le vote de ce texte.

Je partage l'analyse de Daniel Paul selon laquelle cumuler chômage et handicap est une discrimination supplémentaire. Le taux de chômage de longue durée pour les personnes handicapées est particulièrement scandaleux dans notre pays. Là encore, une action ciblée doit nous permettre de dépasser cet échec collectif.

M. Ghislain Bray. Très bien !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Pierre Morel-A-L'Huissier, Claude Greff, à propos du travail en atelier protégé, Jean-Marie Geveaux, Alain Marty, pour l'emploi public, ont, de même qu'Alain Ferry, évoqué les questions liées à l'accueil en entreprise.

Les maisons du handicap constituent un axe majeur du projet de loi. Jean-Pierre Dupont, qui est député de la Corrèze, nous a proposé d'aller voir les expériences qui y sont menées à cet égard et qui pourraient nous éclairer sur leur devenir. Outre que l'idée d'un voyage en Corrèze est séduisante (Sourires),...

M. Jean-Louis Idiart. Ce sera plutôt un pèlerinage ! Et profitez-en pour visiter Tulle : c'est une belle ville !

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. ...il est indispensable de confronter les expériences de terrain si nous voulons favoriser une nouvelle vision du handicap et répondre aux besoins de proximité, d'accès unique et de simplification que vous avez rappelés dans vos interventions.

La concertation avec les départements, quant à elle, est en cours, et ceux qui m'ont reproché, à tort, de n'avoir pas rencontré M. Cazeaux ne sont pas informés que nous avons participé ensemble à une réunion. J'ignore en tout cas ce à quoi ils voulaient faire allusion. Certes, nous ne disposons pas encore de la version définitive du rapport de MM. Raoul Briet et Pierre Jamet, mais je n'ai pas attendu une configuration hypothétique pour entrer en contact avec les départements qui sont, évidemment, concernés par le projet de loi.

Je ne reviendrai pas sur la question du financement.

Madame Bello, vous avez posé des questions précises relatives à l'effort que le Gouvernement entend fournir en faveur de La Réunion. Le retard pris par ce département, je le sais, est considérable. Je tiens à votre disposition la programmation des places, qui comporte les chiffres que vous attendez. Vous devez être tout à fait convaincue de la volonté pleine et entière du Gouvernement d'accompagner le rattrapage d'un retard que personne ne conteste.

De même, j'assure M. Mansour Kamardine que nous ne manquerons pas de faire également appliquer la loi à Mayotte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi d'orientation du 30 juin 1975 est considérée comme fondatrice en matière de solidarité nationale à l'égard des personnes en situation de handicap. Dans un esprit empreint d'humanisme, elle a en effet créé des droits, des services, des prestations et des institutions concernant divers aspects de la vie de ces personnes.

Cette loi de 1975 a été complétée afin de faciliter l'accès des personnes en situation de handicap à l'emploi, à l'éducation, aux lieux publics et à leurs habitations. L'obligation de solidarité nationale s'est vue renforcée avec l'affirmation d'un droit à compensation du handicap dans la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002.

Depuis de nombreuses années, les personnes en situation de handicap, leurs familles et le mouvement associatif qui les représente ne cessent de le répéter : il appartient à la représentation et à l'action sociales, sous leurs diverses formes, d'aider les personnes en situation de handicap à surmonter l'ensemble des difficultés auxquelles elles doivent toujours faire face.

Toutes les évaluations de la loi d'orientation de 1975 ont montré non seulement que l'effort de la collectivité restait davantage orienté vers la protection et l'assistance que vers l'intégration professionnelle et sociale, mais également que le dispositif administratif et financier était gravement déficient et ne répondait pas d'une manière adéquate aux intentions du législateur.

C'est pourquoi, au seuil de l'examen d'un projet de loi attendu depuis presque trente ans, de nombreuses questions se posent avec force. Quelle est aujourd'hui la situation des personnes en situation de handicap ? De quels moyens disposons-nous afin d'évaluer cette situation ? Des progrès ont-ils été effectués et, surtout, quelles améliorations cette nouvelle loi apportera-t-elle afin que les objectifs fixés, notamment par les textes internationaux, soient mieux atteints et les moyens mieux adaptés aux buts recherchés ?

Les constats les plus généraux sont aujourd'hui les suivants : l'accès à l'emploi reste un objectif très imparfaitement atteint, l'intégration des personnes en situation de handicap dans la société demeure largement insuffisante et les politiques prévues en leur faveur reposent sur des moyens administratifs et financiers inadaptés et insuffisants.

Revenir aux concepts nous aidera à mieux comprendre les raisons pour lesquelles je réclame le renvoi en commission du présent projet de loi.

À l'échelon européen, toute politique en direction des personnes en situation de handicap est aujourd'hui dominée par la notion d'égalité des chances. Celle-ci s'appuie sur la Déclaration des droits des personnes handicapées de 1975 et sur la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies de 1993.

Dans sa communication du 30 juillet 1996, la Commission européenne énonçait : « La valeur fondamentale de l'égalité est à présent perçue comme le point de référence auquel toute autre chose doit être rapportée et elle constitue l'essence du mouvement fondé sur les droits pour les personnes handicapées ».

Dans la résolution adoptée le 20 décembre 1996, le Conseil de l'Union européenne invitait les États membres à promouvoir dans leurs politiques cette égalité des chances. Au terme de cette résolution, les États membres ont été invités « à examiner si leurs politiques tiennent compte notamment des orientations suivantes : permettre aux personnes en situation de handicap, y compris aux personnes gravement handicapées, de participer à la vie sociale, en tenant dûment compte des besoins et des intérêts de leurs familles et des personnes qui prennent soin de ces handicapés ; supprimer les obstacles à la pleine participation des handicapés et ouvrir tous les aspects de la vie sociale à cette participation ; [...] apprendre à l'opinion publique à devenir réceptive aux capacités de ces personnes et à l'égard des stratégies fondées sur l'égalité des chances ».

Le 3 décembre 2001, le Conseil de l'Union européenne a approuvé la décision de faire de 2003 l'année européenne des personnes handicapées. Parmi les objectifs énoncés figure la sensibilisation aux droits des personnes handicapées et la recherche d'initiatives visant à les promouvoir.

La conférence sur la politique des personnes handicapées, tenue à Madrid en mars 2002, a adopté la déclaration dite de Madrid qui a créé un cadre conceptuel pour l'année européenne des personnes handicapées et comporte un programme visant à en atteindre les principaux objectifs ainsi que des propositions concrètes d'actions à entreprendre par l'ensemble des acteurs concernés.

Afin de permettre l'intégration sociale des personnes handicapées, une approche sur la base de la lutte contre la discrimination a alors été proposée. Il s'agit de reconnaître explicitement les droits des personnes en situation de handicap et d'assurer leur autonomie, leur intégration sociale et professionnelle et leur participation à la vie sociale, culturelle et économique.

En toute logique, de telles orientations internationales auraient dû aboutir à la présence, dans le projet de loi que nous sommes amenés à examiner aujourd'hui, de plusieurs grandes mesures visant à servir ces objectifs. Pourtant, le décalage est important entre les principes ambitieux affichés dans l'exposé des motifs et sa traduction concrète, article après article.

D'ailleurs, les associations, les instances consultatives et les organismes de protection sociale continuent avec ténacité à nous faire part de leur déception devant le manque d'envergure du texte.

Dès le premier article, madame la secrétaire d'État, votre définition dépassée du handicap, qui prend pour référence prééminente la « déficience » - formule euphémique de l'infirmité -, est inacceptable. Une telle définition du handicap repose sur une conception médicale aujourd'hui scientifiquement erronée et nous ne comprenons pas l'obstination du Gouvernement sur un point aussi essentiel.

Vous vous affranchissez arbitrairement de la classification de l'Organisation mondiale de la santé qui mentionne que le handicap est le résultat d'une interaction entre les déficiences physiques, sensorielles, mentales ou psychiques entraînant des incapacités plus ou moins importantes, et un environnement inadapté ou inaccessible qui les renforce.

Le texte devrait absolument faire mention du concept de l'OMS qui établit l'interaction entre la déficience et l'environnement, car il permet de sortir de la logique de la catégorisation et de l'aide sociale, dont les effets pervers sont la stigmatisation et la marginalisation. Seule cette acception universelle permettrait d'éviter les effets de seuil liés à la prise en compte des taux d'invalidité, de l'âge ou des conditions de ressources.

Non, madame la secrétaire d'État, ce texte ne permettra pas de restaurer la dignité et d'assurer la participation à la vie sociale des personnes en situation de handicap vivant dans la pauvreté, la dépendance, voire la réclusion. Comment cela serait-il possible avec des revenus encore inférieurs au SMIC ?

Si le respect de la dignité a pour corollaire le libre choix, notamment dans la définition d'un projet individuel de vie, l'absence d'autonomie financière ne permettra jamais de réaliser un tel projet et les plus pauvres resteront toujours les plus marginalisés.

Non, ce texte ne permettra pas non plus l'accessibilité aux lieux essentiels ni la participation à la vie sociale et économique. N'oubliez pas qu'il y a discrimination dès lors qu'une personne handicapée est traitée, pour un motif lié à son handicap, sans justification, moins favorablement qu'une autre personne. Désormais, les notions de discrimination directe, par traitement défavorable de la personne, et de discrimination indirecte, lorsqu'une condition apparemment générale affecte plus qu'une autre une catégorie de personnes, sont communément admises.

Or le présent projet de loi ne met pas fin au traitement moins favorable puisqu'il ne prend pas les mesures auxquelles on aurait pu raisonnablement s'attendre en vue de surmonter les obstacles ou les désavantages que crée le handicap considéré. Des amendements - espérons-le - viendront peut-être corriger le texte en la matière.

Le principe de non-discrimination doit conduire à y inclure les notions d'aménagement ou d'adaptation raisonnable et de compensations - qui sont autant de cas particuliers - sans que le caractère raisonnable soit conçu au détriment de la personne concernée par la situation de handicap.

De façon corrélative, le droit à compensation doit être universel. Afin de pouvoir exercer sa pleine citoyenneté, dont on lui reconnaît explicitement le droit dans l'exposé des motifs, toute personne en situation de handicap doit pouvoir compenser les déficiences et les limitations de ses capacités. Ce principe a de nombreux corollaires.

Il implique en effet non seulement le droit à l'aménagement de l'environnement quotidien, domestique, scolaire, professionnel et urbain, en vue de le rendre accessible, mais aussi le droit d'aller et venir, avec la possibilité d'utiliser les moyens de transport et de communication ordinaires, le droit d'accéder aux aides techniques nécessaires en termes de mobilité, de manipulation ou de communication, le droit de disposer des aides humaines indispensables, ainsi que la prise en compte des besoins des familles et des aidants comme des charges qu'ils supportent.

Certes, dans le détail, le projet impose une obligation d'accessibilité plus stricte pour les constructions neuves et pour les travaux dans les bâtiments et les établissements recevant du public. Cependant, les possibilités de dérogations pour des motifs techniques, architecturaux et économiques laissent à penser que l'accessibilité deviendra davantage facultative encore, pour les nouvelles constructions, que maintenant. Pis encore, n'allons-nous pas donner une base légale à l'absence de mise en accessibilité ?

Certes, le texte renforce la responsabilité de l'État et des collectivités territoriales en matière d'insertion professionnelle des travailleurs handicapés, et il s'agit d'une avancée. Toutefois, il n'est pas conforme à la directive européenne relative à l'emploi et demeure insuffisamment coercitif. Le fait de ne pas prévoir d'aménagements raisonnables du poste de travail en fonction des besoins concrets de la personne n'est pas considéré expressément comme une discrimination indirecte.

De même, aucun article particulier n'est consacré à la formation continue des personnes en situation de handicap. Sans l'accès à une qualification professionnelle reconnue, l'insertion restera pour ces personnes un vain mot. Cela semble avoir été oublié dans ce texte.

La mise en place d'un guichet unique constitue également une avancée dont nous prenons acte. Aujourd'hui, la multiplicité des interlocuteurs représente un véritable parcours du combattant pour les personnes en situation de handicap. Pourtant, il est à craindre qu'une seule équipe pluridisciplinaire par département soit insuffisante pour évaluer l'ensemble des besoins, si l'on considère par exemple la question du traitement des dossiers COTOREP ou la mise à disposition de moyens de placement pour les personnes handicapées.

Nous craignons aussi que l'évaluation des besoins de compensation ne se fasse d'une façon tout à fait déshumanisée, à l'opposé d'une prise en compte du choix de vie, de l'environnement et des spécificités de la personne en situation de handicap.

Pour soutenir l'ambition d'une promotion réelle de l'égalité des chances, le plan de la loi devrait, comme le demandent de nombreuses associations, être révisé afin de mieux articuler le préambule et les dispositions générales. Une définition acceptable du handicap, l'affirmation du principe d'accessibilité puis du principe de compensation, la reconnaissance des droits des personnes en situation de handicap et, enfin, les modalités de mise en œuvre et de programmation des actions : voilà qui aurait constitué un plan cohérent.

Le Président de la République avait défini, le 14 juillet 2002, l'insertion des personnes en situation de handicap comme l'un des trois grands chantiers du quinquennat, avec la sécurité routière et la lutte contre le cancer. Or ce projet de loi, madame la secrétaire d'État, n'est pas à la hauteur de cette ambition. Au regard de tous les arguments que j'ai évoqués, il mériterait d'être renvoyé pour examen en commission. Au cours de sa dernière réunion, celle-ci n'a-t-elle pas soulevé de nouveau la question des barrières d'âge ou de ressources à propos de la compensation ? Vous nous avez annoncé que le Gouvernement apporterait des garanties, mais cette question primordiale reste en suspens. C'est un argument supplémentaire pour voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. La question des minima sociaux que vous avez évoquée dans votre intervention, madame la députée, est d'importance, mais elle ne relève pas de la logique de notre texte. J'entends bien vos arguments sur les ressources des personnes handicapées, mais je ne puis vous suivre.

Mme Muguette Jacquaint. Je vous ai demandé quels moyens vous comptiez engager. Quelles seront les ressources ?

Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées. Vous avez également évoqué à juste titre le problème du libre choix de la personne et de son projet de vie. Toute l'articulation du droit à compensation prévu dans ce texte vise à prendre en compte les questions que la personne handicapée se pose et les décisions qu'elle souhaite prendre pour conduire elle-même sa vie. Les deux aspects sont corrélés, comme vous l'avez relevé, mais nous nous trouvons à deux niveaux différents de préoccupation. Le droit à compensation constitue une avancée considérable par rapport à la situation actuelle, dans la mesure où il vient s'ajouter aux revenus et ressources dont la personne handicapée dispose déjà. Il serait regrettable de ne pas prendre en compte cet aspect.

Vous avez invoqué des motifs et des arguments forts sur la situation des personnes handicapées. Nous les comprenons et nous sommes là pour en débattre. Néanmoins cela ne saurait justifier un renvoi en commission, alors même que le temps presse pour faire évoluer ces sujets et que les personnes handicapées et les associations elles-mêmes nous demandent d'agir.

Mme Muguette Jacquaint. Il faudrait pourtant commencer par donner une définition du handicap !

M. Daniel Paul. Oui : c'est aussi une demande des associations !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-François Chossy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. J'ai eu l'impression, en écoutant l'opposition, que nous n'avons pas vu les mêmes choses, ni lu les mêmes textes.

Mme Muguette Jacquaint. Mais si ! Et les associations ont lu la même chose que nous !

M. Jean-François Chossy, rapporteur. La commission a travaillé de façon consciencieuse et dans une excellente ambiance.

M. François Vannson. Elle a fait un excellent travail !

M. Daniel Paul. Là n'est pas le problème !

M. Jean-François Chossy, rapporteur. Elle s'est réunie sept fois et a examiné, pendant onze heures, les 850 amendements qui ont été déposés. Elle en a accepté et voté 312 dont 237 proposés par votre rapporteur, 32 par le groupe UMP, 14 par le groupe socialiste, 13 par le groupe communiste et républicain et 5 par le groupe UDF. Elle a adopté en outre 11 amendements du Gouvernement.

Parmi les amendements de votre rapporteur, 28 ont été cosignés par un ou plusieurs membres du groupe socialiste, 50 par des membres du groupe UMP, 16 ont été repris par un membre du groupe communiste et républicain, 3 par un membre du groupe UDF.

Ce soir, à vingt et une heures, une autre réunion de commission se déroulera,...

Mme Hélène Mignon. C'est bien cela qui n'est pas sérieux !

M. Jean-François Chossy, rapporteur. ...durant laquelle nous étudierons notamment un amendement du Gouvernement qui explicite les modalités et les délais de la suppression des barrières d'âge. (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) J'y insiste, car l'opposition nous a souvent fait, sur cette question, des reproches bien inutiles.

Mme la secrétaire d'État a affirmé à cette tribune que ce verrou devait sauter. Il faudra du temps, et on le comprend : cela ne saurait se faire d'un coup de baguette magique. Nous étudierons les modalités ce soir lors d'une réunion supplémentaire. Je ne vois donc pas pourquoi vous souhaitez que ce texte soit de nouveau examiné dans son intégralité par la commission. Il a été suffisamment travaillé, épluché, amendé,...

Mme Muguette Jacquaint. Mais la commission va tout de même le réexaminer tout à l'heure !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est absurde, en effet !

M. Jean-François Chossy, rapporteur... la commission l'a suffisamment fait évoluer. Il est inutile de le renvoyer dans son ensemble. Je vous demande donc de repousser cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour le groupe UMP.

M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'orateur du groupe communiste et républicain a annoncé cette nuit qu'il n'était pas favorable à ce projet de loi.

M. Daniel Paul et Mme Muguette Jacquaint. En son état actuel !

M. Patrice Martin-Lalande. Cette motion de renvoi en commission que les députés de ce groupe ont déposée après avoir voté en faveur des deux autres motions, est donc tout à fait logique : tout ce qui peut, dans la procédure parlementaire, retarder ou empêcher l'adoption de ce texte sera utilisé.

Daniel Paul affirmait cette nuit : « Notre ambition devrait être de franchir de nouvelles étapes, de répondre aux aspirations et de faire entrer de plein droit les personnes en situation de handicap dans tous les aspects de la vie économique et sociale. » Étant d'accord sur cet objectif, nous ne comprenons pas pourquoi vous refusez de prendre acte dès maintenant des avancées considérables que permet ce projet de loi.

Mme Muguette Jacquaint. J'en ai pris acte !

M. Patrice Martin-Lalande. Les parlementaires ont reçu beaucoup de documents intéressants émanant des associations. Permettez-moi de vous citer les avancées que l'une des plus grandes d'entre elles a recensées, sans cacher du reste qu'il y a également, comme dans tout projet de réforme, des améliorations attendues.

Le document qu'elle a publié cite d'abord l'accès à tout pour tous, notamment l'accessibilité des lieux publics et des transports. On peut en effet y lire : « L'attribution des aides publiques sera subordonnée au respect de l'accessibilité. Tous les établissements recevant du public devront être rendus accessibles. Les bâtiments d'habitation collectifs existants faisant l'objet de travaux devront être rendus accessibles. 

« D'ici six ans les transports collectifs devront être accessibles. Le prix demandé à l'usager du service de transport adapté devra être identique à celui du transport en commun. Les bureaux et les techniques de vote devront être accessibles. »

En matière de scolarité, cette association note également des avancées : « Le projet de loi affirme le droit à une scolarisation en milieu ordinaire : les enfants en situation de handicap seront désormais inscrits dans l'école la plus proche de leur domicile, qui constituera leur établissement de référence. Ils y recevront leur formation, au besoin dans le cadre de dispositifs adaptés. Lorsque leurs besoins particuliers le justifient, elle leur sera dispensée dans des établissements spécialisés.

« Lorsque l'intégration dans l'école de proximité n'est pas possible pour des raisons de conditions d'accès, les surcoûts imputables à la scolarisation dans un établissement plus éloigné sont à la charge de la mairie, du conseil général ou régional.

« Une formation spécifique sur l'accueil et l'éducation des élèves en situation de handicap sera dispensée aux enseignants et à tout le personnel.

« En matière d'emploi, les aidants familiaux et les proches pourront bénéficier d'aménagements d'horaires individualisés.

« Un fonds pour l'insertion dans les trois fonctions publiques, à l'instar de l'AGEFIPH, sera créé.

« Comme les salariés du secteur privé, les fonctionnaires ayant trente ans d'activité et une incapacité égale ou supérieure à 80 % pourront bénéficier d'une retraite à taux plein dès cinquante-cinq ans.

« Les partenaires sociaux sont désormais obligés de prendre en compte la formation et la promotion interne des personnes en situation de handicap dans leurs négociations annuelles.

« Il n'existe plus que deux orientations possibles : le secteur médico-social avec les CAT et le marché du travail.

Mme Muguette Jacquaint. Ce n'est pas une explication de vote !

M. Patrice Martin-Lalande. « Les ateliers protégés deviennent des entreprises adaptées et occupent une place particulière mais entière dans le milieu ordinaire du travail. »

En matière de « CAT, les personnes bénéficient de nouveaux, droits : congés, validation des acquis et de l'expérience, droit au retour... »

Le droit à compensation, toujours selon ce document, est également une avancée majeure :

« Création d'une prestation de compensation des surcoûts liés au handicap :

- aide humaine : la prestation pourra également servir à rémunérer ou à dédommager les aidants familiaux ;

- aides techniques, pour la partie non prise en charge par la sécurité sociale ;

- aménagements du logement et du véhicule ;

- aides spécifiques ou exceptionnelles - animalières, etc.

Elle ne sera soumise à aucun recours en récupération. » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Muguette Jacquaint. Ce n'est pas une explication de vote !

Mme Hélène Mignon. C'est une intervention de discussion générale !

M. Patrice Martin-Lalande. Autre avancée soulignée par ce document : l'amélioration des conditions de cumul entre revenu professionnel et l'AAH.

Mme Martine David. La discussion générale est close !

M. Patrice Martin-Lalande. Les personnes qui travaillent à taux réduit pourront percevoir le complément de l'AAH.

Enfin, souligne ce document d'une grande association, « chaque maison départementale des personnes handicapées organisera l'information et l'accès aux droits et aux prestations de la personne en situation de handicap. » (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Cela vous ennuie donc, chers collègues du groupe socialiste et du groupe communiste, d'entendre rappeler les avancées de ce texte, que les associations elles-mêmes tiennent à souligner dans les documents qu'elles nous ont envoyés ?

M. le président. Il faut conclure !

M. Patrice Martin-Lalande. Les auteurs de la motion de renvoi appuient leur demande sur le fait que le projet ne répond pas à tous les problèmes. J'ai envie de demander à Mme Jacquaint et à son groupe si elle connaît une loi qui ne comporte pas de limites. Aurait-elle déjà voté un texte de loi réglant tous les problèmes ?

Mme Muguette Jacquaint. Voilà trente ans que les handicapés attendent !

M. Patrice Martin-Lalande. La commission présidée par Jean-Michel Dubernard a longuement travaillé sur ce texte, comme l'a rappelé Jean-François Chossy. Elle a examiné de nombreux amendements, dont une partie a été adoptée. Le Sénat a lui-même apporté une contribution importante en première lecture.

L'examen de ce texte ayant été reporté de quelques semaines, selon la volonté du Gouvernement, Mme la secrétaire d'État a pu apporter sa propre réflexion et manifesté sa propre volonté de concertation, qui ont permis certaines avancées majeures, comme une meilleure définition du handicap et la levée des barrières d'âges qui a déjà été rappelée. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Muguette Jacquaint. Mais où va-t-on ?

M. le président. Il faut terminer, monsieur Martin-Lalande !

M. Patrice Martin-Lalande. La gravité et l'injustice des situations vécues par les handicapés et leurs familles, l'importance des avancées qui seront acquises lorsque ce texte aura été voté, l'urgence d'agir vingt-neuf ans après la loi fondatrice de 1975 sont autant de raisons pour lesquelles le groupe UMP s'opposera à cette motion et se prononcera pour la poursuite de notre travail législatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Daniel Paul. Je relève une certaine contradiction dans l'attitude consistant à refuser le renvoi en commission et à proposer, immédiatement après, que la commission se réunisse ce soir avant vingt et une heures.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Argument imparable !

M. Jean-Marie Geveaux. Le cas est assez fréquent !

M. Daniel Paul. Il est une autre contradiction, monsieur Martin-Lalande. Bien sûr nous avons reçu, nous aussi, des personnes en situation de handicap et les représentants de leurs associations. Cependant ce n'est pas vouer ce texte aux gémonies que de reconnaître l'immense insatisfaction qu'éprouvent ces associations à son égard.

Bien sûr, l'examen en commission a duré de nombreuses heures, mais cela ne signifie pas pour autant que l'on a apporté au texte toutes les améliorations attendues. De même, si nous obtenons cette nuit ou demain la suppression des barrières d'âges, cela ne signifiera pas pour autant que les personnes en situation de handicap ou leurs associations obtiendront les moyens devant accompagner un tel droit.

J'ai posé hier la question à Mme la secrétaire d'État, qui ne m'a pas répondu : la suppression de la barrière d'âge de vingt ans permettra-t-elle de donner à l'allocation d'éducation spéciale les compléments nécessaires, afin que la compensation soit intégrale ? Sinon, ce sera du pipeau !

Mme Muguette Jacquaint. Voilà !

M. Daniel Paul. Je pourrais faire la même démonstration pour la suppression de la limite des soixante ans.

Il s'agit non pas de supprimer les barrières d'âges pour le plaisir, mais d'assurer aux personnes en situation de handicap une égalité de traitement, du début à la fin. Voilà l'obstacle que, pour le moment, vous n'êtes pas près de franchir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très juste !

M. Daniel Paul. Retourner en commission n'aboutirait pas à retarder le texte : voilà vingt-neuf ans que nous attendons !

Certes, depuis, des textes ont été votés par des majorités de droite ou de gauche ; ces textes, qui ne sont pas toujours suffisants, se sont appuyés sur la loi de 1975 et l'ont enrichie. Mais aujourd'hui, ce que nous souhaitons et que les associations souhaitent, ce n'est pas un toilettage de cette loi : c'est aller plus loin pour franchir un cap.

Retourner en commission, permettrait que le texte qui sortira de nos travaux réponde un peu mieux et, si possible, beaucoup mieux aux attentes des personnes en situation de handicap. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Martine David, pour le groupe socialiste.

Mme Martine David. J'ai écouté attentivement l'intervention de Muguette Jacquaint, et je l'ai beaucoup appréciée. Après la clôture de la discussion générale, notre collègue a refait le panorama des interrogations et des préoccupations qui sont les nôtres et qui sont également celles - malgré quelques manifestations d'autosatisfaction - que l'on perçoit sur tous les bancs.

Ce soir encore, plusieurs collègues, comme Mme Boutin, en ont évoqué certaines. Mme Jacquaint, quant à elle, les a rappelées en totalité et, si j'en crois la longueur des explications de vote de notre collègue Martin-Lalande, il nous faut assurément retourner travailler sur ce texte.

Notre collègue a cru bon de procéder à de nombreux rappels, qui s'adressaient tout autant aux personnes en situation de handicap et à leurs associations. Le fait que cela lui ait pris tant de temps, montre que nous n'avons sans doute pas su répondre entièrement aux très fortes préoccupations exprimées par ces dernières.

Certes, il était prévisible que le projet de loi qui allait nous être présenté ne serait pas parfait. Cependant, avant même que ne commence ce débat, nous avions annoncé avec objectivité et impartialité que nous étions prêts à travailler et à l'améliorer avec vous pour envisager un vote commun. Donnons-nous en les moyens !

Nous - le Gouvernement, qui a proposé ce texte, et nous-mêmes, qui avons prouvé que nous pouvons travailler ensemble - tirerions une certaine fierté en allant jusqu'au bout de nos réflexions et de nos travaux, en répondant jusqu'au bout aux attentes exprimées depuis quarante-huit heures et, depuis bien plus longtemps encore, par les associations.

Dans un certain nombre de domaines comme la scolarisation ou l'insertion professionnelle et sur tout ce qui touche au financement, nous n'avons aucune assurance pour l'avenir. Comment ce texte pourra-t-il s'appliquer ? Quelques heures de réflexion supplémentaires ne seraient donc pas de trop.

Par ailleurs, même amélioré au cours de ce débat, le texte auquel nous allons aboutir risque fort d'être très mal situé dans le panorama européen. Il faut que nous en prenions conscience. Le moment n'est-il pas venu de travailler encore un peu, pour rejoindre certains objectifs communs à nos amis européens ? Cela relève de notre responsabilité et il en va de notre dignité.

Comme Daniel Paul vient de le souligner, d'importantes améliorations législatives et réglementaires sont déjà intervenues. Reste que nous attendons depuis près de trente ans la refonte de la loi de 1975. Quelques heures de travail de plus ne nous feraient pas perdre la face et nous permettraient de mieux répondre aux préoccupations des associations.

Je vous fais enfin remarquer que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales va se réunir en urgence pour la troisième fois. Cela démontre que ce texte est mal ficelé et il serait tout à notre honneur de travailler autrement.

Le groupe socialiste votera donc cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe UDF.

M. Yvan Lachaud. Je ne reviendrai pas sur le fond.

Depuis 1975, aucun gouvernement n'a osé présenter un texte d'une telle ampleur. Il ne s'agit pas d'un replâtrage. Il tend à répondre à un enjeu de société : changer notre regard sur les situations de handicap.

Bien sûr, ce texte n'est pas parfait et nous en sommes tous conscients. Cependant Mme la secrétaire d'État a pris des engagements sur plusieurs points. Nous lui faisons confiance pour accepter certains amendements déposés par notre groupe.

Au nom du groupe UDF je souhaite que, au-delà des clivages politiques, nous nous retrouvions sur l'essentiel, c'est-à-dire sur l'humain. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Christine Boutin. Absolument !

M. Yvan Lachaud. L'essentiel est constitué par celles et ceux qui souffrent d'un handicap et qui n'ont pas la chance d'être valides comme nous le sommes.

Pour celles et ceux qui, comme moi, vivent et travaillent avec des handicapés, il est grand temps d'avancer vite et bien, et dans la sérénité. C'est pour cette raison que le groupe UDF ne votera pas cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Discussion des articles

M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, premier orateur inscrit sur cet article.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la politique en direction des personnes en situation de handicap s'est construite progressivement au cours du XXe siècle. Il n'est plus question aujourd'hui d'assistance charitable mais bien de solidarité nationale. Après le droit à réparation, puis le droit à rééducation, le principe de non-discrimination se substitue aujourd'hui à celui de réadaptation.

L'article 1er introduit, pour la première fois, la définition du handicap dans la loi et reconnaît explicitement le handicap lié à une altération psychique ainsi que le polyhandicap. Nous ne pouvons que saluer cette avancée, mais nous aurions souhaité une définition moins restrictive.

C'est le Britannique Philip Wood qui a introduit, à partir de 1980, une clarification conceptuelle déterminante dans la définition du handicap. Il le définit comme la conséquence des maladies sur la personne, en les analysant sur trois plans : la déficience, correspondant à l'altération d'une structure ou d'une fonction psychologique, physiologique ou anatomique ; l'incapacité, qui est une réduction partielle ou totale de la capacité d'accomplir de façon normale une activité ; le désavantage, comme conséquence de la déficience ou de l'incapacité sur les conditions d'insertion sociale, scolaire ou professionnelle. Le désavantage est la résultante de l'interaction entre la personne porteuse de déficience ou d'incapacité et son environnement. Son importance est étroitement liée à la qualité de l'environnement, qui peut soit le minimiser, soit l'amplifier.

Les travaux de Philip Wood ont constitué le fondement de la classification internationale des handicaps, élaborée à l'initiative de l'Organisation mondiale de la santé et adoptée par la France en 1988 comme référence des nomenclatures statistiques sur le handicap.

Limiter la définition du handicap à la seule déficience, autrement dit à l'altération d'une fonction physique, mentale, sensorielle ou psychique, est une conception archaïque, non fondée scientifiquement. En reprenant a minima la définition de la classification internationale du handicap, le Gouvernement veut faire admettre que le handicap est consubstantiel à la personne.

Certes, le handicap suppose toujours une altération anatomique ou fonctionnelle pour diverses causes - anomalie congénitale, trouble de développement de l'enfance, maladie ou traumatisme - mais il est désormais appréhendé en fonction des difficultés qu'éprouvent les personnes handicapées à participer à la vie sociale et du rôle que peut jouer l'environnement dans l'aggravation ou l'atténuation de ces difficultés. Plus qu'à des personnes handicapées en raison de leurs déficiences, nous aurions à faire à une société foncièrement handicapante, de laquelle il est essentiel - sous peine d'échec - d'éliminer les facteurs qui les empêchent d'y participer pleinement. C'est pourquoi la formule « personne en situation de handicap », exprimant plus nettement l'interaction entre les facteurs individuels et les facteurs sociaux, culturels et environnementaux, apparaît préférable à la locution « personnes handicapées ».

En défendant avec véhémence cette définition opérationnelle, nous ne jouons pas avec les mots. Le handicap n'est pas un état mais un résultat. L'obstination du Gouvernement à ne pas vouloir accepter cette définition et l'étroitesse de sa conception minimaliste ne laissent rien augurer de bon pour la suite de l'examen de ce projet de loi.

De même, sa conception de la compensation est tout aussi restrictive. Pour notre part, nous sommes favorables à la mise en place d'un droit à compensation pour toute personne en situation de handicap, quel que soit son âge, dans le respect des particularités de chacun, à partir d'une évaluation personnalisée des besoins et des attentes s'appuyant sur l'histoire et le projet de vie de chacun.

Nous avons déposé de nombreux amendements à l'article 1er et nous mesurerons votre aptitude à faire évoluer positivement ce texte à l'aune des modifications que vous accepterez d'y apporter.

J'ai dit hier soir, monsieur Martin-Lalande, que nous voterions contre ce texte en l'état, mais il va de soi que nous nous prononcerions favorablement si l'Assemblée retenait de tels amendements.

Mme Muguette Jacquaint. C'est le droit du Parlement !

M. Patrice Martin-Lalande. Je n'ai pas dit autre chose !

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie le Gouvernement d'avoir inscrit à notre ordre du jour ce texte relatif à une grande cause nationale, dans laquelle il était temps que nous nous investissions. Il appartient à la nation tout entière d'exprimer sa solidarité à l'égard de nos concitoyens handicapés. Il faut traiter ces hommes et ces femmes sur un pied d'égalité, leur donner le sentiment qu'ils sont des citoyens comme les autres, qu'ils peuvent s'épanouir par le travail ou une activité et bénéficier de la solidarité nationale, que leur handicap soit de naissance ou consécutif à un accident de la vie.

En 2001, les prestations sociales versées au titre du handicap ne représentaient qu'un peu plus de 6 % de l'ensemble des dépenses de protection sociale dans notre pays. C'est dire l'importance du chemin qui nous reste à parcourir. Nous devons savoir profiter du texte que vous nous présentez, madame la secrétaire d'État, pour arriver au bout.

Si l'article 1er du projet de loi apparaît symbolique en donnant une définition du handicap intégrant enfin le polyhandicap et le handicap psychique, il reste des progrès à accomplir. Il me semblerait notamment plus juste qu'il prévoie un droit à compensation pour chaque personne handicapée, indépendamment de l'origine ou de la nature de sa déficience, de son âge, de son mode de vie ou de ses ressources.

En tant que président d'un exécutif départemental, qui s'investit bien au-delà des compétences qui lui sont transférées par la loi, je tiens à traiter brièvement des futures maisons du handicap.

Leur rôle correspondra bien à l'accompagnement, à l'écoute, au conseil, à l'information, en un mot à la gestion de proximité qui caractérise si bien l'échelon départemental. Demain, les parents d'un enfant handicapé ou un adulte handicapé lui-même pourront se rendre à la maison du handicap de leur département pour y rencontrer un responsable unique, qui suivra de bout en bout leur dossier personnel. Cette simplification des démarches assortie de la mise en place d'une logique de service plutôt qu'administrative était attendue depuis longtemps. J'en remercie le Gouvernement.

Je n'ai aucun doute sur la capacité des départements à apporter des réponses pertinentes dans ces domaines. D'ailleurs, je suis de ceux qui considèrent que l'action sociale dans sa globalité, depuis le moment où l'on est conçu dans le ventre de sa mère jusqu'à celui où l'on quitte cette terre, devrait être transférée aux départements pour une gestion plus cohérente. C'est une bonne chose que vous introduisiez ces maisons du handicap en les confiant aux départements. Pour autant, je ne sous-estime pas les aspects financiers, loin de là. Mes services m'ont d'ailleurs alerté sur ce sujet. Nous attendons davantage d'éclaircissements, tant sur le financement des mesures envisagées que sur les moyens et missions des futures maisons départementales.

Aujourd'hui, les structures d'accueil médicalisées pour adultes, les centres d'aide par le travail, ainsi que les établissements d'éducation spéciale et professionnelle de l'enfance sont, partout en France, en nombre insuffisant. Ce retard devra être comblé rapidement, essentiellement par les conseils généraux. Dans mon département, je sais d'ores et déjà que le nombre des CAT va devoir très vite augmenter et que celui des maisons d'accueil spécialisé, des foyers médicalisés devra plus que doubler. De même, le coût croissant de l'APA a dépassé toutes les prévisions établies. Alors que nous estimions, sur notre budget primitif, avoir déjà atteint des sommets, je vais devoir prendre une décision modificative de 16 millions d'euros supplémentaires pour la seule APA ! Ce sont des dépenses que nous devrons savoir anticiper.

Les conseils généraux viennent aussi de se voir transférer la responsabilité totale de l'insertion, dans le cadre de la réforme du RMI et de la création du RMA. Ils doivent donc être assurés d'obtenir, au-delà des garanties constitutionnelles en matière de transfert de ressources, des clauses précises et concrètes d'évaluation des besoins et un calendrier de réalisation à respecter. Les sénateurs l'ont très bien analysé, il y a quelques jours à peine. Je voulais, moi aussi, attirer l'attention du Gouvernement sur ce point. Puissions-nous être entendus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Georges Colombier.

M. Georges Colombier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la célébration de l'année du handicap en 2003 marqua un geste symbolique fort en direction des personnes touchées par le handicap, mais insuffisant au regard des attentes légitimes des personnes handicapées et, ne l'oublions pas, de leurs familles. Aujourd'hui, en examinant ce projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, nous honorons une promesse faite de longue date. À cet égard, je salue la volonté politique forte du Président de la République, qui a souhaité que l'amélioration de la participation à la vie sociale des personnes handicapées dans la société française constitue une priorité de l'action gouvernementale.

L'urgence est bien réelle car, depuis 1975, notre société a connu des bouleversements sans précédent de ses valeurs. De surcroît, les évolutions de la science et des techniques ont ouvert aux personnes handicapées de nouvelles perspectives de vie et de nouveaux espaces de liberté qu'elles sont en droit d'exercer pleinement. Les besoins naissants chez les personnes handicapées appellent désormais de nouvelles réponses. C'est tout l'enjeu du texte que nous examinons aujourd'hui.

Appréhender le handicap sous toutes ses facettes n'est pas chose aisée. C'est pourquoi, devant la complexité de la tâche, il était nécessaire d'impulser une nouvelle dimension dans la prise en charge du handicap.

L'article 1er donne une nouvelle définition du handicap, qui constitue une véritable avancée en ce qu'elle prend en compte la diversité des handicaps. À ce titre, je considère comme un acquis certain les amendements votés en commission tendant à intégrer dans la définition du handicap l'altération des fonctions cognitives et le polyhandicap, amendements d'ailleurs repris par le Gouvernement.

Force est de constater que le handicap est une réalité plurielle, chaque famille de handicap rencontrant des difficultés bien spécifiques. Je me réjouis que ce texte nous donne les moyens d'enrichir nos approches et nos possibilités d'action par une conception à la fois ouverte et globale du handicap et des souffrances qu'il engendre.

De nombreuses associations insistent sur l'importance de prendre en compte les conditions de vie d'une personne handicapée pour mettre en œuvre les solutions les plus adaptées possible à la promotion de son autonomie. Elles souhaitent remplacer la notion de « personnes handicapées » par celle de « personnes en situation de handicap ». Certes, la notion de handicap est relative et l'environnement de vie peut s'avérer source de handicap. Néanmoins, une définition aux contours flous pourrait susciter des abus. Comme l'a suggéré en commission Jean-François Chossy, que je félicite pour le travail accompli, je suis d'avis de conserver une définition objective du handicap.

J'approuve également la perspective de non-discrimination qu'ouvre ce texte en proposant une interprétation souple des droits fondamentaux des personnes handicapées. Celles-ci aspirent désormais à un droit à l'épanouissement personnel, social et professionnel au sens le plus large du terme. Il ne faut pas les priver de cette possibilité en limitant le champ d'application du texte, d'autant qu'énumérer précisément leurs droits reviendrait à les distinguer des citoyens ordinaires, ce qui, selon moi, n'est pas satisfaisant. De même, les personnes handicapées doivent rester actrices de leur conquête d'autonomie. Il était donc préférable de parler de participation et non d'intégration.

Je tiens plus particulièrement à souligner le fait que ce texte entérine une logique de droit et non d'aide. En se positionnant en faveur d'une prise en charge globale et dynamique du handicap, l'article 1er de ce texte rend effectif le caractère universel du droit à la compensation.

Les personnes handicapées et leur famille ont aujourd'hui besoin de garanties.

C'est pourquoi il était nécessaire de donner un contenu au principe du droit à compensation que la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 n'avait fait que poser. Au nom du respect du choix de vie de chacun, ce droit permettra, je l'espère, d'adapter au mieux la loi aux projets et aux trajectoires personnels.

Toutefois, j'appelle le Gouvernement à la plus grande vigilance afin que ce principe généreux entre en application dans les six mois suivant le vote du texte, tel que l'a préconisé Jean-François Chossy en commission.

M. René Couanau. Très bien !

M. Georges Colombier. Je compte sur vous, madame la secrétaire d'État, pour que le Gouvernement respecte ses engagements à cet égard.

Mme Christine Boutin. Très bien !

M. Georges Colombier. Le texte que nous examinons a pour objectif de mettre en place une nouvelle solidarité envers les personnes handicapées. Il suscite en conséquence de nombreux espoirs. Veillons à ne pas les décevoir et assurons-nous que les différentes mesures annoncées bénéficieront du financement adéquat.

J'insiste enfin sur la nécessité de développer, en amont, une politique de prévention du handicap à la hauteur des ambitions du présent texte. A cet égard, la création d'un institut de recherche sur les différents types de handicaps me paraît être une première étape. Nous devons cependant aller au-delà.

En 1975, le législateur donnait corps au principe d'obligation de solidarité nationale envers les personnes handicapées. Nous devons désormais œuvrer ensemble en faveur d'une dynamique du résultat afin que les personnes handicapées ne se sentent plus jamais exclues des étapes essentielles qui rythment la vie de tous les citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.

Mme Muriel Marland-Militello. Je me ferai l'interprète des nombreuses associations de personnes en situation de handicap qui, depuis que j'ai été élue députée, me demandent de militer, sans jamais lâcher prise, en leur faveur. Je vais donc vous donner trois arguments à mes yeux essentiels pour effecteur une vraie avancée symbolique en ce domaine.

Malgré les réticences du rapporteur et de Mme la secrétaire d'État, dont je tiens à saluer le travail courageux et novateur, je persiste à penser que l'adoption de l'expression « personnes en situation de handicap » permettrait une véritable avancée symbolique en faveur des personnes qui subissent des altérations physiques, sensorielles, mentales ou psychiques qui les invalident dans leur vie personnelle et sociale. Les gains seraient de trois ordres.

Sur le plan philosophique, la qualification de « personne handicapée » dénature l'essence même de l'homme, de son humanité qui est le fondement des droits de l'homme, en le définissant exclusivement par référence à l'un des multiples aspects de sa personne.

Mme Christine Boutin. Tout à fait !

Mme Muguette Jacquaint. Très juste !

Mme Muriel Marland-Militello. Les altérations dont je parlais qui, contrairement à l'humanité qui est immuable, évoluent, peuvent disparaître ou, au contraire, s'aggraver, sont partielles. On ne saurait donc réduire une personne à une seule de ses caractéristiques.

Mme Christine Boutin et M. René Couanau. Très bien !

Mme Muriel Marland-Militello. L'expression « personne handicapée » est réductrice de la personne humaine atteinte d'une incapacité.

Mme Christine Boutin. Absolument !

Mme Martine David. Tout à fait !

Mme Muriel Marland-Militello. Sur le plan psychologique, si l'on met en avant le handicap pour définir ces personnes, on entretient - et j'insiste sur ce point car je sais, monsieur le rapporteur, que vous avez vécu également de telles situations - une culture du passé faite, il est vrai, de compassion et de sollicitude, mais aussi parfois - il faut oser le dire - d'un brin de condescendance et d'agacement ...

Mme Muguette Jacquaint. Très juste !

M. René Couanau. C'est vrai !

Mme Muriel Marland-Militello. ...envers des personnes qui coûtent. (Applaudissements sur tous les bancs.) On freine ainsi l'émergence d'un nouveau regard sur ces personnes.

« L'enfer, c'est les autres », disait Sartre. Pour nombre de personnes en situation de handicap, l'enfer est moins la situation qu'elles vivent que le regard des autres. Or l'émergence d'un nouveau regard ne peut se faire sans une révolution culturelle.

Mme Christine Boutin. Absolument !

Mme Muriel Marland-Militello. Nous sommes une nation du verbe, donc du symbole. C'est le propre même des civilisations. Le symbole influence la vie en société.

Mme Christine Boutin. Très bien !

Mme Muriel Marland-Militello. Sans symbole, qui devance la psychologie des gens, il n'y a pas d'évolution. Donc, sans cette révolution culturelle, il y aura toujours un frein à la solidarité nationale, laquelle ne peut vraiment être assurée sans la volonté de tous. Toutefois une révolution culturelle ne peut elle-même se réaliser sans changement de langage.

Mme Christine Boutin. Tout cela est parfaitement juste !

Mme Muriel Marland-Militello. Enfin, le projet gouvernemental, qui me séduit infiniment, même si j'ai l'air de le critiquer sur un point qui peut paraître de détail - mais les symboles ne sont jamais des détails : ils sont l'essence même de nos progrès - ...

M. Dominique Richard. Très juste !

Mme Muriel Marland-Militello. ...vise à permettre un bond qualitatif en matière d'intégration sociale. Dans nombre d'amendements, il est vrai, nous avons insisté sur l'importance de la recherche mais l'on doit tout de même avouer que les progrès médicaux en matière de handicap ont avancé plus vite - et c'est très bien - que l'intégration sociale.

Mme Christine Boutin. Exact !

Mme Muriel Marland-Militello. Néanmoins elle n'en est, il faut bien le reconnaître, qu'à ses prémisses.

Si ce bond qualitatif est l'un des fers de lance de votre projet, madame le secrétaire d'État, cela signifie que vous avez décidé d'adapter l'environnement social - scolaire, professionnel, et même ludique, dont il ne faut pas sous-estimer l'importance - aux différentes incapacités et pas le contraire, comme cela était le cas jusqu'à présent.

Mme Christine Boutin. Absolument !

Mme Muriel Marland-Militello. Il convient donc de mettre l'accent sur la situation sociale de la personne qui subit une incapacité de façon à concevoir nos programmes en conséquence. Si la notion sociale du handicap n'est pas développée de la même manière, elle paraîtra toujours comme aléatoire et non comme fondamentale.

Sur le plan symbolique, les quatre expressions employées successivement pour parler des personnes en situation de handicap montrent une évolution.

On a d'abord parlé de handicap, « chosifiant » les personnes qui étaient atteintes d'un handicap. Puis, on a dit les « handicapés », ce qui revenait à ne pas les reconnaître comme des personnes. Ensuite, on les a désignées comme « personnes handicapées ». Eh bien, j'affirme qu'il est fondamental de distinguer la personne, avec son humanité, du handicap qui peut advenir à tout moment à chacun d'entre nous et qui ne fait pas entrer dans un autre monde.

Mme Christine Boutin et M. René Couanau. Absolument !

Mme Muriel Marland-Militello. Il n'y a rien de plus affreux que de parler du monde du handicap,...

Mme Christine Boutin. Comme si ce n'était pas le nôtre !

Mme Muriel Marland-Militello. ... car cela sous-entend qu'il n'est pas celui des personnes qui n'ont pas encore de handicap, lesquelles ne s'en rendront compte que quand elles l'auront vécu dans leur propre chair.

Mme Christine Boutin. Formidable intervention !

Mme Muriel Marland-Militello. On m'a opposé que l'expression « personne en situation de handicap » ne permettrait pas d'établir la différence entre quelqu'un qui s'est cassé la jambe, par exemple, et une personne qui subit véritablement un handicap. Je ne pense pas que ce soit un vrai problème car l'article 1er définit très bien la notion de handicap. Il suffit de s'y référer pour considérer qu'une personne répondant aux critères si bien définis dans cet article est une personne en situation de handicap.

Mme Martine David. Très bien !

M. Patrice Martin-Lalande. Excellent plaidoyer !

Mme Muriel Marland-Militello. Ce changement de terminologie est important parce qu'il va vous permettre, madame la secrétaire d'État, d'évoluer vers ce que vous voulez instituer, par étapes sans doute, à savoir la distinction entre le remboursement des surcoûts occasionnés par le handicap et ce qui relève du patrimoine et des ressources. Or cela n'est pas possible si l'on ne distingue pas la personne de son handicap. Ce n'est pas logique. Et, comme je suis très logique, je demanderai, à l'article 2, que les personnes en situation de handicap soient soumises au droit commun et que les ressources soient totalement distinguées des soins. (Applaudissements soutenus sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Il est difficile d'intervenir après notre collègue car je ne puis que me rallier à la splendide intervention qu'elle vient de faire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'article 1er, qui définit la philosophie du projet de loi, présente malheureusement les limites dénoncées par l'ensemble des associations de personnes en situation de handicap. Comme vient de le démontrer Mme Marland-Militello, les mots et les symboles ont une importance fondamentale. Nous devons passer d'une politique de charité envers les personnes vivant un handicap à une lutte effective contre toutes les discriminations, dont celle vécue par les personnes en situation de handicap.

L'article 1er a justement pour objectif d'en finir avec la conception limitée et archaïque qui réduit le handicap à une altération d'une fonction physique, mentale, sensorielle ou psychique. Les facteurs environnementaux, légaux et réglementaires doivent être pris en compte car nous savons aujourd'hui à quel point ils peuvent participer à l'exclusion des personnes en situation de handicap. C'est pourquoi, au nom des députés verts, je défendrai, moi aussi, l'amendement tendant à remplacer l'expression « personne handicapée » par celle de « personne en situation de handicap ». D'ailleurs nous ne ferons en cela que nous inspirer des orientations définies par l'Organisation mondiale de la santé dans la classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé que la France a approuvée. J'espère donc que nous saurons, le moment venu, trouver un accord à ce sujet.

Je regrette que le Gouvernement n'ait pas retenu le principe d'un revenu d'existence équivalent au SMIC.

Mme Christine Boutin. Cela viendra !

Mme Muguette Jacquaint. Je l'espère !

Mme Martine Billard. Comment peut-on vivre avec une allocation d'adulte handicapé de 587 euros par mois ? En lui conservant ce niveau, on maintiendrait ces personnes dans une situation de dépendance. Si on veut les en sortir, il faut leur donner les moyens de vivre dignement et la seule façon de le faire est de leur assurer un revenu d'existence du niveau du SMIC, puisque c'est ce qui est considéré aujourd'hui en France comme le salaire minimum.

Mme Muguette Jacquaint. Très juste !

Mme Martine Billard. Beaucoup de discussions portent - et pour cause ! - sur la réintroduction du droit à compensation qui, inscrit dans la loi dite de modernisation sociale, n'a jamais été concrétisé.

Je regrette que, après avoir suscité beaucoup d'espoir, madame la secrétaire d'État, s'agissant de la suppression des barrières d'âge, vous n'en donniez aujourd'hui qu'une définition mi-chèvre, mi-chou. J'espère que, sur cette importante question, nous enregistrerons aussi une avancée d'ici à la fin du débat et que l'on cessera enfin de saucissonner la vie des personnes en situation de handicap.

Je déplore également le manque d'attention porté au développement de la citoyenneté à part entière des personnes en situation de handicap, en particulier à leur participation aux élections qui en sont l'expression par excellence. Ne pourrait-on garantir, en l'inscrivant noir sur blanc dans cette loi, l'accessibilité de tous les bureaux de vote, l'édition de bulletins en braille ou en gros caractères, la diffusion obligatoire des professions de foi à toutes les personnes sourdes ou malentendantes ? Tant que la possibilité de participer à l'expression universelle de la nation sera limitée par la situation de handicap de la personne, il y aura, dans notre pays, des citoyens qui ne seront pas égaux en droit.

De la même manière, que sont devenues les propositions des sénateurs About et Blanc tendant à créer un statut d'association représentative de personnes en situation de handicap distinct de celui des associations gestionnaires des établissements ou des services sociaux et médico-sociaux dont nombre de citoyens en situation de handicap cherchent à s'émanciper ?

Nous ne sommes plus, comme dans les années d'après-guerre, pris par l'urgence. Nous vivons une époque dans laquelle tous les citoyens de notre pays veulent prendre leurs responsabilités et participer. Dans ce cadre, il faut que tout citoyen, quelle que soit sa situation de handicap, puisse bénéficier pleinement des droits reconnus par la Constitution et par la Déclaration universelle des droits de l'homme. Nul ne peut être obligé de faire partie d'une association et il nous semble nécessaire de différencier les associations chargées de la gestion, de celles qui représentent les personnes en situation de handicap.

Il est vrai que cette proposition ne recueille pas le consensus de l'ensemble des associations, mais il est fondamental d'avoir un débat à ce sujet et d'avancer afin que toutes les personnes en situation de handicap puissent participer aux différents dispositifs détaillés dans ce projet de loi, élire leurs représentants pour discuter de la mise en application de ces dispositifs et se faire représenter par des associations librement choisies.

M. le président. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Madame la secrétaire d'État, j'ai tenu, avant de défendre mon premier amendement, à m'exprimer sur l'économie générale du texte qui nous est soumis.

Je souscris totalement à la brillante intervention de notre collègue Muriel Marland-Militello. Le choix des mots a une importance toute particulière et est de nature à créer une pulsion nécessaire pour pallier le choc des situations que rencontrent toutes les personnes handicapées.

Ce texte contient de grandes avancées pour les personnes handicapées, je tiens à le dire très clairement. De ce fait, il nourrit des espoirs non moins grands qu'il s'agit de ne pas décevoir. Là réside l'enjeu de la discussion.

Le Gouvernement a fait preuve d'esprit d'ouverture lors de la discussion devant le Sénat. Je ne doute pas qu'il en sera de même devant notre assemblée. Nous ne devons pas craindre d'être ambitieux sur ce dossier. Ainsi le droit à la compensation doit s'appliquer de façon universelle, sans discrimination liée à l'âge notamment. Vos propos à ce sujet, madame la secrétaire d'État, à l'issue de la discussion générale, sont de nature à nous rassurer. Vous pourrez naturellement compter sur notre soutien.

Il me paraît également important de mieux reconnaître les aidants, notamment familiaux, qui font preuve d'un dévouement et d'une présence exceptionnels dans les bons moments mais aussi, et surtout, dans les moments les plus difficiles. Leur rôle doit être mieux reconnu par les pouvoirs publics. Il s'agit d'un enjeu de taille auquel nous devons répondre à l'occasion de l'examen de ce texte.

Il faudra également accomplir un effort afin que le montant de l'AAH permette aux personnes en situation de handicap de mieux vivre et de vivre dignement. La prestation de compensation ne contribuera pas à une amélioration des ressources, puisqu'elle correspondra à la prise en charge de dépenses effectives liées au handicap.

Des familles de personnes lourdement handicapées m'ont alerté sur une mission quasiment impossible qui leur incombe : chercher des établissements susceptibles d'accueillir ces personnes après soixante ans. Ces familles comptent sur le Gouvernement pour que soient ouverts plus d'établissements susceptibles de prendre en charge des personnes âgées lourdement handicapées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. Les propos de notre collègue Muriel Marland-Militello nous ont tous convaincus, si nous ne l'étions pas déjà. Les élus du groupe socialiste faisaient partie de ceux qui étaient convaincus et nous avons approuvé ses propos.

L'essentiel des conditions de vie de plus de 5 millions de nos concitoyens en situation de handicap dépendra de cette future loi. Il faut leur permettre d'accéder aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens en mettant en place un véritable dispositif d'égalisation des chances, permettant de gommer les conséquences de ces handicaps. Nous en avons aujourd'hui l'occasion.

Tout à l'heure, certains propos m'ont étonnée, sinon choquée. Permettez-moi de vous dire, mes chers collègues, que vous n'avez pas le monopole du cœur. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Vannson. J'ai déjà entendu cela !

Mme Hélène Mignon. Pour vous, comme pour nous, derrière les mots abrupts, il y a des hommes, des femmes, des enfants, des jeunes et des moins jeunes qui ont besoin qu'on se penche sur leur avenir et qu'on les aide à accéder à la citoyenneté, à toute la citoyenneté.

Nous voulons pour eux des droits qui leur permettent, dans toute la mesure du possible, d'être comme nous des citoyens, bien entendu avec ce qui les différencie. Nous devons tout faire pour gommer ces différences. Ne nous contentons pas de demi-mesures qui ne satisferont finalement personne et qui nous laisseront le sentiment désagréable de n'être pas allés au bout de la reconnaissance de leur situation, de cet accès à la citoyenneté à laquelle ils tiennent tant.

C'est pour cela, madame la secrétaire d'État, que j'ai indiqué hier que ce texte avait peut-être été soumis à notre examen un peu trop tôt.

Ce n'est pas trop tôt pour ce que nous voulons faire, mais trop tôt parce que nous ne parvenons pas à le remettre - comme nous aurions souhaité et comme nous aurions pu le faire - dans un ensemble global. Effectivement les lois de décentralisation, l'aménagement ou la refonte de la sécurité sociale, de l'assurance maladie, le rapport Briet - Jamet, sont des éléments qui peuvent faire évoluer notre pensée au cours des semaines à venir.

Je n'ai pas défendu l'exception d'irrecevabilité pour le plaisir de retarder l'examen de ce projet de loi, mais pour parvenir à un texte meilleur pour nos concitoyens qui l'attendent.

M. le président. La parole est à Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Madame le secrétaire d'État, l'article 1er doit marquer le sens du texte dont nous allons débattre. Tous les orateurs ont reconnu qu'il était très attendu et qu'il avait suscité d'immenses espoirs qu'il nous appartient aujourd'hui de ne pas décevoir.

Cet article qui recouvre des avancées dans tous les domaines touchant au handicap va nous permettre de franchir le plus grand pas de ces dernières années.

Le handicap - nous le savons depuis les travaux de l'Organisation mondiale de la santé - est la résultante de l'incapacité née d'une déficience d'une personne et des facteurs environnementaux. Or la définition que vous nous proposez et dont nous avons débattu de façon parfois animée, mais que nous avons toujours voulue constructive en commission, ne met pas l'accent sur l'interaction entre la société et la personne. Votre conception, je le répète, reste personnaliste et non environnementaliste. Nous attendons sur ce point une forte inflexion, car c'est un enjeu majeur pour les années à venir.

Le titre de votre projet de loi ne met l'accent que sur la définition médicale. En parlant de « personnes handicapées » et non en « situation de handicap », il limite la portée du texte. Si l'on ne donne pas aux personnes concernées la chance de participer à la citoyenneté, elles resteront largement tributaires de leur cadre de vie. Ce postulat est primordial pour que soient prises toutes les mesures visant à supprimer, à réduire et à compenser les situations de handicap.

Nous attendions que soient pris en considération les récents travaux de l'Organisation mondiale de la santé, ceux du Conseil économique et social, qu'il soit tenu compte des évolutions de notre société et des attentes, d'une part, des personnes touchées par des handicaps et, d'autre part, des associations. A ce sujet nous devons faire une avancée dans le cadre de ce projet et je défendrai l'amendement qui ira dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. L'article 1er que nous allons examiner précise, pour la première fois, la notion de handicap de la manière la plus objective possible : altérations d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales ou psychiques, mais aussi altération des fonctions cognitives qui permet la prise en compte des traumatisés crâniens, des autistes ou des polyhandicapés.

Certes, la loi fondatrice de 1975 a posé les jalons pour favoriser l'intégration des personnes handicapées. Après le brillant plaidoyer de notre collègue Muriel Marland-Militello, je devrais parler des « personnes en situation de handicap. » Mais, pendant trop longtemps, les personnes handicapées et leurs familles ont été livrées à elles-mêmes, devant mener un combat quotidien pour faire reconnaître par notre société les besoins liés aux handicaps.

Ce projet de loi, voulu par le Président de la République, renouvelle notre vision à tous sur l'égalité des droits et des chances quant à la participation et à la citoyenneté des « personnes handicapées ». C'est indéniablement une avancée dans le bon sens : celui de la solidarité et du respect mutuel des uns et des autres.

Permettez-moi d'exprimer ma déception, voire mon amertume lorsque j'ai pris connaissance de la lettre ouverte aux députés signée par vingt-deux associations - qui se reconnaîtront -...

Mme Muguette Jacquaint. C'est le droit des associations !

M. Frédéric Reiss.... dans laquelle était affirmé avec force : « Le projet actuel ne nous convient pas. Le texte [...] ne correspond pas aux attentes aux personnes en situation de handicaps, de leurs familles et de leurs associations. »

Mme Muguette Jacquaint. Heureusement qu'elles existent !

M. Frédéric Reiss. Je crois sincèrement que ce texte est bon. Il doit, en ce début du xxie siècle, prendre en compte, dans un contexte de mondialisation, l'augmentation de l'espérance de vie pour nos populations en général et pour les personnes handicapées en particulier.

Je me réjouis que Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées ait proposé de mettre l'accent sur la santé des personnes handicapées, en insistant sur la formation des professionnels de santé.

Ce texte propose la simplification des démarches administratives des personnes handicapées et de leur famille, veille à la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire, innove en matière de formation professionnelle, préconise de nombreuses mesures qui facilitent l'accessibilité de nos bâtiments publics et le déplacement dans nos villes et villages, ou encore instaure une prestation personnalisée de compensation.

Depuis 1975, il a fallu le renouvellement d'une génération pour proposer cette réforme majeure, dont la mise en action nécessite la synergie de différents ministères. Au-delà de ce projet de loi, des mesures immédiates, des décrets d'application rapides et des évaluations régulières donneront un souffle neuf pour une plus grande solidarité dans notre société et pour une plus grande dignité de ces personnes fragiles que sont celles et ceux qui connaissent une situation de handicap. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

    5

DÉCLARATION DE L'URGENCE D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi relatif à l'octroi de mer (n° 1518).

Acte est donné de cette communication.

    6

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 1465, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées :

Rapport, n° 1599, de M. Jean-François Chossy, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot