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Première séance du vendredi 11 juin 2004

253e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

    1

RECONNAISSANCE DE LA NATION
POUR LES RAPATRIÉS

Discussion d'un projet de loi

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés (nos 1499, 1660).

La parole est à M. le ministre délégué aux anciens combattants.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants. Madame la présidente, monsieur le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mesdames et messieurs les députés, c'est le destin des grands peuples et des grands pays que de conserver la mémoire de maints événements, glorieux ou tragiques.

Force est de constater que le souffle de l'histoire n'a guère épargné notre pays, lui infligeant drames et souffrances. Voici moins d'une semaine, nous étions en Normandie pour célébrer le soixantième anniversaire du Débarquement. Hier, nous étions réunis dans l'émotion à Oradour-sur-Glane. Le 15 août, nous commémorerons le débarquement de Provence et l'épopée glorieuse de l'armée d'Afrique.

Aujourd'hui, votre assemblée est invitée à légiférer sur certaines des conséquences les plus douloureuses de la guerre d'Algérie et de la décolonisation.

À chaque fois, ce regard porté vers le passé se veut aussi promesse d'un avenir meilleur. Telle est, mesdames et messieurs les députés, l'ambition du projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter. Il se veut autant réparation des conséquences des drames de l'histoire que gage d'espérance pour celles et ceux à qui il s'adresse.

Vous le savez, ce texte est le point d'orgue d'une politique résolue et volontariste engagée en 1987 et 1994 et reprise dès après les élections de 2002.

Le débat organisé ici le 2 décembre dernier a montré l'attention que vous portez aux attentes de nos compatriotes rapatriés, dont, bien entendu, les harkis.

M. Gérard Bapt. Le Gouvernement n'a que trop attendu !

M. Jean-Pierre Grand. Qu'avez-vous fait pendant des années ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Il m'a permis de vous exposer en détail les principes de notre action et les mesures prises pour rétablir la confiance et répondre aux situations d'urgence.

Je ne reviendrai donc pas sur la création de la mission interministérielle et du Haut conseil aux rapatriés, non plus que sur l'important rapport que votre collègue M. Diefenbacher a remis au Premier ministre.

M. Jean-Pierre Grand. Excellent rapport !

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Les nombreuses avancées déjà réalisées en deux ans sont connues.

Mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement vous propose aujourd'hui de rendre justice à la beauté et la grandeur de ce que nos compatriotes rapatriés ont bâti hors de métropole, mais aussi, à tant de souffrances endurées, d'épreuves surmontées, de sang versé et de fidélité à la patrie et à la République. Tel est le sens, fort et émouvant, de l'article 1er du projet de loi.

Souvent caricaturée, parfois même calomniée, l'œuvre des Français outre-mer peut et doit objectivement être une source de fierté, non seulement pour les acteurs de cette immense aventure et pour leurs enfants, mais aussi pour la nation tout entière.

Oui, je le dis avec force dans cette enceinte, ce que nous avons construit avec passion et courage loin de nos frontières est connu et doit être de plus en plus reconnu, tout comme les conditions dramatiques, parfois tragiques, de séparation avec ces territoires tant aimés et tant servis.

Après l'article 1er de la loi Romani du 11 juin 1994, promulguée il y a dix ans jour pour jour et qui reconnaissait, pour la première fois, le sacrifice consenti par les harkis, après l'instauration, exceptionnelle, par le Président Jacques Chirac, d'une journée nationale d'hommage aux harkis le 25 septembre de chaque année, le temps est venu de graver dans la loi, expression de la volonté nationale, que les rapatriés, tous les rapatriés, méritent la gratitude, la compassion et la solidarité du pays, la solidarité de la France.

Nous le ferons sans nous substituer aux historiens et dans des termes sur lesquels le Gouvernement est très ouvert à la discussion.

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi répond aussi aux attentes légitimes des rapatriés en matière de réparation matérielle.

À cet égard, je veux souligner les trois innovations qui le caractérisent.

D'abord, pour la première fois, dans une démarche de cohésion au sein de la collectivité nationale, l'ensemble des rapatriés d'Algérie, du Maroc et de Tunisie est concerné.

Ensuite, il s'adresse aussi bien aux rapatriés d'origine européenne qu'aux harkis et aux membres des formations supplétives ou assimilées.

Enfin, il vise à apurer le contentieux du passé, à solder les injustices, à dépasser les incompréhensions.

Les harkis, du fait de la tragédie subie et des conditions extrêmement dures de leur accueil en métropole, connaissent des difficultés qui appellent des réponses fortes. Ces stigmates sont les suites d'un parcours difficile, voire tragique.

Nous avons voulu que les premiers articles du projet de loi leur soient consacrés.

Mise en place le 1er janvier 2003 par le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, l'allocation de reconnaissance, qui, contrairement à la rente viagère, est versée à l'ensemble des 11 200 harkis ou de leurs veuves, a déjà augmenté de 30 % le 1er janvier 2004. Le projet prévoit de la porter de 1 800 euros à 2 800 euros par an, soit 700 euros par trimestre, dès le 1er janvier 2005.

M. Roland Chassain. Très bien !

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Le texte innove en proposant à ceux qui le souhaitent - je dis bien à ceux qui en font librement le choix - d'opter pour le versement d'un capital de 30 000 euros.

Votre rapporteur et plusieurs d'entre vous ont proposé une troisième voie, combinant rente et capital. Je vous indique d'ores et déjà que cette suggestion, dont nous reparlerons, mérite d'être retenue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Toujours en faveur des harkis, le projet de loi prolonge jusqu'en 2009 les effets de la loi Romani en matière de logement avec une prime d'accession à la propriété de 12 196 euros pour ceux qui ne sont pas propriétaires de leur résidence principale - mais je me réjouis d'ailleurs de constater que plus de la moitié des harkis en sont déjà propriétaires. En outre, il propose une aide à l'amélioration de l'habitat pouvant atteindre 7 622 euros pour ceux qui possèdent déjà une résidence principale. Cette aide permet d'en améliorer le confort. Depuis 1995, près de 6 000 foyers en ont bénéficié.

Enfin, avec une aide exceptionnelle affectée à la résorption du surendettement immobilier - cette plaie sociale que vous connaissez -, le montant moyen de chacune des aides ainsi attribuées se chiffre à environ 25 000 euros.

Le dispositif mis en place en 1995 pour aider ceux qui ont tout perdu en Algérie, notamment leur habitation, a bien fonctionné. Il doit être parachevé, car nous savons combien est grande et légitime leur aspiration à posséder un toit, source d'enracinement sur notre sol. C'est aussi un moyen pour les harkis de se constituer tout naturellement un patrimoine, qu'ils transmettront en héritage à leurs enfants.

Le projet de loi prévoit enfin un système dérogatoire pour les quelques centaines de harkis ou de veuves qui, par méconnaissance des textes en vigueur, n'ont pas acquis la nationalité française avant le 10 janvier 1973, date limite prévue par les lois de 1987 et 1994. Pour eux, la date limite sera donc exceptionnellement portée au 1er janvier 1995.

Globalement, nous nous proposons d'engager un effort de 660 millions d'euros pour les harkis, soit 50 % de plus que ce qui était prévu par la loi de 1994.

Mesdames et messieurs les députés, je le dis avec force et une certaine gravité : nous n'oublions pas non plus les enfants des harkis. Beaucoup souffrent des conditions de vie difficiles nées du rapatriement de leurs parents. Ils ont subi douloureusement leur arrivée, tant sur le plan matériel que sur le plan social.

Les mesures les concernant sont d'ordre réglementaire. Elles seront prises car nous voulons disposer des moyens nécessaires à leur insertion sociale et professionnelle. Il y a déjà plusieurs mois, nous avons lancé une démarche volontariste d'accompagnement renforcé vers l'emploi et la formation professionnelle. Ce dispositif, piloté par les préfectures, a déjà donné des résultats positifs. Près de 4 000 demandes d'aide ont été recensées à ce jour. Un premier bilan partiel a permis de constater que plus de 22 % des demandeurs avaient trouvé ou retrouvé un emploi permanent. Ce chiffre est encourageant et nos efforts - je m'y engage solennellement devant vous - seront activement poursuivis.

Cette action en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle est pour nous une priorité. Nous avons mobilisé et sensibilisé sur ces sujets les grands employeurs publics que sont, par exemple, la police, l'armée ou encore les services hospitaliers.

M. Gérard Bapt. Avec quel résultat ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement vous propose également de mettre un terme définitif aux iniquités nées de l'application des différentes lois d'indemnisation concernant en particulier les rapatriés d'Algérie, du Maroc et de Tunisie.

À cet égard, je rappelle que la loi du 16 juillet 1987, dite « loi Santini », sur l'indemnisation a été votée après une large concertation avec les associations de rapatriés et, par conséquent, du public rapatrié. Il ne s'agissait plus de légiférer comme en 1970 ou en 1978, pour attribuer des avances sur créances détenues par des nationaux à l'encontre d'États étrangers, mais bien de procéder à une indemnisation des rapatriés. Et 30 milliards de francs y ont été consacrés.

Toutefois, cette dernière loi d'indemnisation a laissé subsister un sentiment d'injustice parmi les rapatriés. Certains ont bénéficié des mesures d'effacement des dettes de réinstallation prévues par la loi du 30 décembre 1986.

D'autres ont vu leur indemnisation réduite du remboursement anticipé du montant de ces mêmes prêts par l'effet de l'article 46 de la loi de 1970 et de la loi de 1978.

Ces exigences de remboursement anticipé ont conduit, dans un tiers des cas, à amputer les certificats d'indemnisation de la totalité des sommes inscrites. Pour les deux tiers restants, ils l'ont été de 50 % en moyenne.

Il était donc légitime que les pouvoirs publics fassent droit à une demande présentée avec constance par leurs représentants aux différents gouvernements depuis 1995.

Le nombre des bénéficiaires de ces restitutions, qui concernent à la fois l'Algérie, le Maroc et la Tunisie, est estimé à 90 000 rapatriés et ayants droit, pour un coût global d'environ 311 millions d'euros. Les remboursements seront échelonnés sur plusieurs années, en tenant compte de l'âge des bénéficiaires.

Enfin, toujours dans le souci d'apurer les contentieux du passé, l'article 6 propose de régler la situation des personnes de nationalité française ayant dû cesser leur activité professionnelle à la suite de condamnations liées aux événements d'Algérie. Ces faits ont été amnistiés, mais le préjudice matériel subi n'a pas été pris en compte.

Cette mesure ne concerne qu'une centaine de personnes, désormais âgées et ne disposant bien souvent que de très faibles moyens d'existence.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, au terme d'une intense concertation avec les parlementaires et les associations, le Gouvernement vous propose d'apporter une réponse forte et juste aux attentes de nos compatriotes rapatriés. Il vous invite à aider ceux qui sont en difficulté à solder les imperfections des lois antérieures et, par-dessus tout, à leur manifester notre respect et notre reconnaissance.

Je crois, en conscience, que ce projet de loi n'est donc pas dénué d'une certaine portée historique. C'est à vous qu'il appartient désormais, en adoptant ce texte, de sceller, par la loi, les efforts que la nation tout entière se doit de consentir envers ses rapatriés - rapatriés victimes de la marche inexorable, faut-il le rappeler, de l'histoire, qui, trop souvent, s'écrit avec le sang et les larmes de ceux qu'elle a oubliés.

Mesdames et messieurs les députés, je vais maintenant vous écouter avec une grande attention, comme je pense l'avoir fait depuis plusieurs mois et comme l'a fait M. Marc Dubordieu, président de la mission interministérielle aux rapatriés, avec l'aide et l'appui de Mme Alliot-Marie, ministre de la défense.

Chacun est animé par le souci de réussir l'action que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a entreprise. La discussion des amendements va nous permettre d'améliorer encore ce dispositif. Le Gouvernement y est pleinement disposé.

Je ne saurais conclure cette intervention sans saluer très sincèrement le remarquable travail accompli par votre commission des affaires culturelles et par son rapporteur, Christian Kert. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce soir, à l'issue de nos travaux, nous aurons tenu plus que l'intégralité des engagements pris par le Président de la République et la majorité.

Par-delà les clivages habituels, nous aurons répondu ensemble aux principales préoccupations des rapatriés et nous leur aurons adressé un message très attendu. Nous le leur devions bien.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, c'est la raison pour laquelle je soumets avec émotion à votre discussion et à votre approbation ce projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Kert, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Christian Kert, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, mesdames, messieurs, permettez-moi tout d'abord de remercier Mme la ministre de la défense d'être présente pour ce débat.

Le texte que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre délégué aux anciens combattants, intervient, jour pour jour, dix ans après la promulgation de la loi du 11 juin 1994 présentée par l'un de vos prédécesseurs, Roger Romani, et qui était déjà réellement novatrice en matière de droit à réparation.

Le fait que ce soit vous, monsieur Mékachéra, qui nous le présentiez aujourd'hui, donne à ce nouveau texte une résonance singulière : votre passé, la place que vous occupez dans le Gouvernement et, enfin, le lien que vous entretenez avec la double communauté rapatriée confèrent à l'auteur de ce projet, que vous êtes, une incontestable autorité morale.

Nous avons, en décembre dernier, réalisé - élus de droite, du centre et de gauche, - que notre esprit de révolte contre l'oubli et contre l'injustice était intact. Peut-être nous sommes-nous même pris à rêver d'être les auteurs collectifs d'un texte qui corrigerait enfin ce sentiment d'avoir laissé une communauté entière dans un nœud de l'histoire et d'en être tous un peu complices.

Ce projet de loi, monsieur le ministre, est né de cet esprit de révolte républicaine. Nous vous remercions de l'avoir entendu.

Le texte que j'ai l'honneur de rapporter ce matin reprend trois idées fondamentales exprimées ici le 2 décembre dernier et déjà amorcées dans les préconisations du rapport de notre collègue Michel Diefenbacher.

Tout d'abord, reconnaître l'œuvre française outre-mer et les souffrances éprouvées par nos rapatriés lors de l'indépendance de ces départements d'Afrique du Nord où des centaines de milliers d'entre eux ont laissé leurs biens, certains des leurs, et les souvenirs ensoleillés de leur enfance. Leur vie là-bas, commencée dans la plénitude, s'achevait dans le déchirement.

Certains auraient aimé que l'on parlât de « responsabilité » plutôt que de reconnaissance. Vous avez, monsieur le ministre, écarté cette solution et la commission des affaires sociales, familiales et culturelles vous a suivi. Comme vous, en effet, nous avons estimé que, malgré le recul de quarante ans, le temps de la définition des responsabilités n'était pas venu.

Trop de zones d'ombre, trop de malentendus méritent encore d'être observés au prisme de l'histoire. Ce sera le rôle, la mission de la fondation nationale dont vous évoquez la création dans l'exposé des motifs et que plusieurs de nos collègues veulent voir « entrer dans la loi » dès aujourd'hui. Je sais, monsieur le ministre, que vous nous rejoignez sur ce point. Nous attachons en effet une réelle importance à la création à Marseille d'un mémorial de la France d'outre-mer car sa mission nous paraît essentielle : expliquer aux générations qui arrivent ce que fut l'œuvre accomplie outre-mer par la France et les Français.

Ce texte se doit enfin d'être pédagogique et nous exprimons le souci que les manuels scolaires tiennent compte de cette aventure humaine et l'inscrivent dans l'histoire de notre pays. En politique et en histoire, il est des héritages auxquels il ne faut pas renoncer : l'œuvre française outre-mer est de ceux-là.

Le deuxième objectif de votre projet de loi, c'est de rétablir l'équité entre les rapatriés métropolitains ou européens, on pourrait dire entre pieds-noirs, nul ne nous le reprochera. Soyons clairs : il ne s'agit pas d'une quatrième loi d'indemnisation ! Autant le reconnaître avant d'admettre que les dispositions du texte étaient attendues autant que l'est la clôture de l'indemnisation, qui représenterait un engagement de 12 milliards d'euros environ. Les rapatriés ont bien compris que le temps économique n'était pas propice à de tels engagements. Mais ils attendent de nous que nous ne fermions pas la porte à l'idée de clore un jour ce dossier.

Aussi préconisons-nous de « réveiller » l'esprit des accords d'Évian dont il est sans doute inutile que je rappelle qu'ils faisaient de l'Algérie le partenaire principal de la réparation matérielle. Même si nous ne pouvons donner visage de réalité à nos vieux rêves, nous voudrions inciter le Gouvernement, la MIR et le Haut conseil aux rapatriés à imaginer des solutions qui ne laissent pas l'État français seul face à cette exigence de l'histoire.

Pour le reste, votre texte fait faire un véritable bond à l'esprit d'équité entre les rapatriés métropolitains. S'il est une revendication qui s'exprime avec force depuis tant d'années chez nos concitoyens rapatriés, c'est bien celle relative à l'application de l'article 46 de la loi de 1970 qui prévoyait qu'avant tout paiement, la contribution nationale à l'indemnisation, créée par la loi, était affectée au remboursement des prêts qui avaient été consentis par l'État ou par un organisme de crédit au rapatrié au moment de sa réinstallation. L'enfer, dit-on, est pavé de bonnes intentions. C'en était une.

Par son article 5, le présent projet remédie à cette iniquité. Il étend par ailleurs ces droits nouveaux aux rapatriés de Tunisie. Certains rapatriés n'y croyaient plus. Leurs fédérations sont unanimes à penser que c'était là une disposition essentielle.

Il reste une préconisation qui ne concerne pas directement le texte mais à laquelle nos rapatriés sont particulièrement attachés : il nous faut veiller à ce que la Commission nationale d'aide au désendettement des rapatriés réinstallés, la CONAIR,...

M. Gérard Bapt. Elle a été oubliée !

M. Christian Kert, rapporteur. ...termine rapidement l'examen des dossiers en suspens en veillant en permanence à respecter les orientations données au préalable par les CODAIR sur chaque cas individuel et à prendre en compte les drames humains dont les dossiers sont les témoignages comptables.

Quant à l'article 6, il vient également corriger l'une de ces injustices dont l'histoire a le secret : il prévoit que les droits à la retraite des exilés politiques salariés du secteur privé seront reconstitués sur le modèle des mesures adoptées dès 1982 pour les personnes relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite. Au-delà de l'aspect matériel de cette disposition, votre rapporteur y voit une façon de délivrer enfin cette catégorie de personnes de la situation de paria dans laquelle les textes les avaient jusqu'à présent confinées.

Outre l'indemnisation, il reste à traiter la situation d'une poignée de médecins rapatriés qui, n'ayant pas cotisé à temps pour leur retraite, s'en voient privés partiellement. Le texte laisse également entier le problème des enfants de rapatriés étrangers pour lesquels les parlementaires ne sont pas parvenus à suggérer une solution qui permette d'éviter le couperet de l'article 40.

M. Gérard Bapt. Ils sont pourtant nombreux !

M. Christian Kert, rapporteur. Le troisième objectif, et ce n'est pas le moindre, c'est de poursuivre l'effort de solidarité envers les harkis. Disons-le également avec netteté ici : le texte s'adresse prioritairement à la première génération car c'est la génération du sacrifice, de l'honneur et de la dignité.

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. Christian Kert, rapporteur. Ne le perdons jamais de vue.

Deux de nos collègues, Jean-Pierre Soisson et Francis Vercamer, sont l'un et l'autre l'auteur de propositions de loi qui cherchent à provoquer le sentiment de solidarité nationale. Ils sont allés loin...

M. Gérard Bapt. Trop loin pour le Gouvernement !

M. Christian Kert, rapporteur. ...mais ils ont eu raison, tant on voit bien aujourd'hui que l'on a eu besoin d'« éveilleurs de conscience » pour parvenir à ce texte qui consacrera 660 millions d'euros à cette action de réparation matérielle. Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous étiez favorable à l'hypothèse d'une troisième voie et, bien entendu, nous nous rangeons à cette solution que nous avons préconisée dans le rapport.

Ensuite, le texte n'oublie pas la deuxième génération des familles harkis : non pour les traiter en assistés - à quelques exceptions près, ils refuseraient -, mais pour dire à ces jeunes hommes et à ces jeunes femmes que, conscients des difficultés qu'ils ont rencontrées, nous voulons poursuivre à leur égard une politique fondée non sur la discrimination mais sur le volontarisme. Qu'il s'agisse de formation, d'octroi de bourses ou de recherche d'emploi, nous avons emprunté la voie de la dignité, celle qui ne marginalise pas. La discussion des articles en témoignera.

Parce qu'il répond à de vraies préoccupations, ce texte, monsieur le ministre, est de nature à nous rassembler. On l'a bien vu au cours des débats en commission où nous avons mis en commun nos doutes et nos certitudes.

Je remercie notre collègue Alain Néri, porte-parole du groupe socialiste, qui a bien voulu apporter une franche contribution à nos travaux, ainsi que Francis Vercamer, qui a défendu avec conviction ses amendements tout en reconnaissant les avancées du texte tel qu'il nous est présenté. Mes remerciements vont bien entendu à tous mes collègues du groupe UMP pour le soutien qu'ils m'ont accordé. Notre ancien collègue, Philippe Douste-Blazy, et notre actuel collègue Jean Leonetti ont également joué le rôle de « passeur de message » avec leur proposition de loi sur la mémoire.

Je voudrais également remercier solennellement Marc Dubourdieu, président de la MIR, la Mission interministérielle aux rapatriés, et son équipe, qui m'ont apporté l'éclairage de l'histoire et de leur expérience, sans oublier Alain Vauthier, directeur de l'ANIFOM, l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer, et président du Haut conseil aux rapatriés, pour son assistance amicale. J'aimerais dire aux présidents des associations des deux communautés rapatriées combien nous avons aimé nous confronter à leurs idées, leurs convictions, leurs colères, parfois feintes mais le plus souvent très sincères !

Nous avons aimé les côtoyer parce que ceux qu'ils représentent font aujourd'hui pleinement partie de notre géographie patrimoniale.

Nous avons appris à leurs côtés ce que pouvaient être dans la vie d'un homme le sentiment de l'exil, l'effroi d'avoir dû quitter un territoire, une enfance, un lieu, des soleils, pour aller vers l'inconnu. J'ai appris leurs doutes dans leur quête de vérité face aux 3 000 disparitions, qui sont autant d'interrogations, dont fait état désormais la Croix-Rouge Internationale, et dont parlent aussi les dossiers personnels que les familles peuvent désormais consulter à Nantes ou à Paris. J'ai appris que, quarante ans après, on pouvait encore faire des cauchemars en revoyant le corps d'une mère ou d'une sœur, fauchée par les balles perdues d'une armée déchirée.

Comme vous tous ici, nous avons appris de cette communauté, le sens de la renaissance et de la vie. Je rappelle souvent à mes amis cette phrase de Camus qui les rassemble tous, rapatriés et harkis : « On ne vit pas toujours de lutte, il y a l'histoire, il y a autre chose, le simple bonheur, la passion des êtres, la beauté naturelle. » À quoi l'un d'entre eux, rapatrié métropolitain, présent dans les tribunes aujourd'hui, ajoutait : « Nous et les harkis, nous partageons l'amour pour le sol, pour les fleurs, pour l'odeur d'herbe, pour la sueur et l'eau fraîche, pour tout ce qui jaillit, remue, s'apaise, vibre et décline. »

Monsieur le ministre, je vous livre ces propos en guise de conclusion car cet hymne à la vie, c'est peut-être aussi une façon pour nous tous ici de dire que nous avons raison d'écrire, d'amender et de voter des textes de cette nature.

Bien entendu, la commission des affaires sociales, familiales et culturelles dont je suis le rapporteur a donné un avis favorable à votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais tout d'abord excuser l'absence dans l'hémicycle de plusieurs de nos collègues, notamment de M. Néri, cité par M. le rapporteur, et de M. Bacquet, qui avaient, au nom de notre groupe, conduit les audiences et les travaux sur ce texte après avoir noué les contacts avec les associations de rapatriés.

M. Jean-Pierre Grand. Il n'y a que trois députés socialistes en séance ! Il faut que cela se sache !

M. Gérard Bapt. C'est pour cette raison, mon cher collègue, que je vous demande d'excuser nommément deux d'entre eux, députés du Puy-de-Dôme.

M. Pierre-Louis Fagniez. Le Puy-de-Dôme est tout de même représenté. Et très bien !

M. Gérard Bapt. Certes, mais pas par un membre du groupe socialiste.

M. Pierre-Louis Fagniez. L'important, c'est qu'il soit représenté !

Mme la présidente. Il est dommage que la polémique s'installe. Mes chers collègues, écoutez M. Bapt et faites en sorte que les débats se poursuivent dans la sérénité !

M. Gérard Bapt. Je rappelle à l'intention de mon collègue Jean-Pierre Grand que la discussion de ce projet était initialement prévue le lundi 14 et que ce n'est qu'au début de la semaine qu'il a été décidé de l'avancer à aujourd'hui.

Polémique pour polémique, je fais remarquer que le texte a été adopté en conseil des ministres la semaine précédant les élections régionales et que c'est très opportunément que sa discussion a été avancée l'avant-veille des élections européennes.

M. Patrick Delnatte. C'est une remarque mesquine !

M. Gérard Bapt. Il est donc pour le moins déplacé de s'en prendre à des absents qui ont amplement participé aux travaux préparatoires.

Initialement, le projet de loi, présenté comme un texte de cohésion nationale, monsieur le ministre, prétendait solder le contentieux. À cet égard, j'ai pu noter quelques évolutions dans le langage de M. le rapporteur, qui a précisé qu'il s'agissait d'« avancées », et non plus du « solde de tout compte » qui était affiché à l'origine.

Le premier problème qui ne sera réglé que très partiellement, compte tenu du vote de la commission des affaires sociales, reste celui de la mémoire, celui de la dette morale envers les rapatriés de souche européenne ou algérienne. Le groupe socialiste estime qu'il est possible dès aujourd'hui de l'apurer définitivement en votant notre proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête sur les responsabilités dans le massacre de nombreuses victimes civiles, rapatriées et harkis, après la date officielle du cessez-le-feu en Algérie.

Il aura fallu attendre la loi du 18 octobre 1999 pour que le Parlement reconnaisse comme telle la guerre d'Algérie : 1954-1962, huit années d'une guerre sanglante qui ont laissé des cicatrices ineffaçables. Quarante-deux ans après, il est temps d'avoir une vision objective de l'histoire. Pourtant, nos compatriotes rapatriés sont toujours dans l'attente d'une véritable et totale reconnaissance de la responsabilité de l'État. Quarante-deux après, ils attendent que la France reconnaisse les préjudices qu'ils ont subis, ou qu'elle les a laissés subir sans garantir leur protection, et qu'elle répare les spoliations.

Au-delà d'une disposition législative qui doit définitivement et solennellement reconnaître les responsabilités de la France dans le tragique et sanglant abandon de cette population française de toutes confessions, l'État français doit faire un travail de mémoire et de vérité sur les événements. Vous-même l'avez évoqué, monsieur le ministre, mais vous le laissez aux historiens.

Il faut d'abord parler du sort des harkis, pire que l'abandon. La France a mené une politique d'entrave à leur sauvetage. Parmi les ordres donnés, le télégramme du 16 mai 1962, émanant du ministre des armées de l'époque, M. Pierre Messmer, demande des sanctions contre les officiers qui avaient désobéi, mais agi dans l'honneur, en aidant à partir des harkis dont l'installation en métropole avait été interdite. Ainsi, 150 000 d'entre eux, désarmés, sans protection, furent arrêtés par l'armée algérienne, au mieux condamnés aux travaux forcés, au pire exécutés.

Les historiens estiment à 70 000, mais il y en eut plus, le nombre de victimes, souvent tuées dans des conditions horribles. Quant à ceux qui purent se faire rapatrier, ils furent parqués dans des camps, avec fils de fer barbelés et régime disciplinaire. Pour ces Français, le devoir de réparation autant matérielle et morale s'impose.

Sur ce dernier point, ce texte est l'occasion d'avancer. Voilà pourquoi nous avions proposé un amendement à l'article 1er. Il n'a pas été adopté mais M. le rapporteur a fait des ouvertures et nous apprécierons au cours de la discussion des articles. De même, nous avons proposé de créer une fondation pour la mémoire, à même de mener une politique ambitieuse - en travaillant sur la contribution des forces supplétives, les harkis et les rapatriés - en direction du grand public, de la jeunesse surtout, à qui il faut transmettre leur histoire.

Enfin, subsiste le douloureux problème des 3 000 disparus soulevé par notre rapporteur et auquel on ne peut rester insensible. Il serait juste d'étendre à leurs familles, après celles des victimes de la Shoah, l'indemnisation instituée par le gouvernement Jospin, et étendue à juste titre par le Gouvernement aux victimes de la déportation, pour la même réhabilitation morale.

La question de l'indemnisation est traitée partiellement, mais à bon escient, s'agissant de l'injustice créée par les prélèvements sur les indemnisations au titre de l'article 46 de la loi du 15 juillet 1970 et de l'article 3 de la loi du 2 janvier 1978. Il reste à espérer que les dispositifs seront rapidement mis en place et que les crédits seront au rendez-vous car il ne nous a pas échappé qu'au cours de deux dernières années les gels et les annulations n'avaient pas épargné les budgets affectés aux rapatriés.

Le traitement de l'indemnisation aurait dû imposer, dès aujourd'hui, la prise en compte des ventes forcées et à vil prix, qu'il s'agisse de biens immobiliers ou de parts de sociétés. Nous vous proposons que, dans un délai d'un an, le Haut conseil des rapatriés fasse des propositions visant à apporter réparation et que la situation des rapatriés initialement venus d'Espagne ou d'Italie et ayant conservé leur nationalité d'origine soit reconsidérée.

La grande lacune de votre texte, c'est qu'il ignore la situation des rapatriés réinstallés dans une activité non salariée et surendettés. Nous ne pouvons que déplorer le blocage actuel du fonctionnement de la CONAIR, qui n'a traité que quelques dizaines de dossiers, alors que des milliers sont en attente. À cet égard, monsieur le ministre, nous attendons que vous nous fassiez le point exact de la situation des dossiers en instance. Nous souhaitons connaître la façon dont ont pu être définitivement apurés les dossiers traités par la CONAIR et leur nombre. Je me suis laissé dire qu'ils n'étaient pas plus d'une trentaine, un nombre ridicule eu égard au nombre de dossiers en attente.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements, visant tous à régler enfin des situations souvent douloureuses. Certains se sont heurtés à l'article 40.

Lors de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2004, j'avais incité mes collègues de la majorité à adopter un dispositif rapide et raisonnable, inspiré de celui que Pierre Bérégovoy, en 1992, avait mis en place pour utiliser les dispositions de droit commun relatives aux entreprises en difficulté, de sorte que les créanciers soient conduits à renoncer à l'ensemble des pénalités et des frais. Dans le même esprit, Pierre Bérégovoy incitait à l'époque les préfets et les trésoriers-payeurs généraux à user du système du crédit d'impôt pour les sommes restant dues aux créanciers. Un tel mécanisme permettait à l'État de n'avoir à supporter aucune inscription budgétaire, ce qui est à retenir dans la situation actuelle, mais au contraire à bénéficier de rentrées fiscales calculées sur les sommes que les établissements bancaires créanciers ne passeraient plus en profits et pertes. C'est la raison pour laquelle j'avais proposé un amendement, qui reprenait la proposition des associations de rapatriés d'une remise automatique de dettes, consentie à hauteur de 106 000 euros. Mais il s'est heurté à l'article 40. J'engage mes collègues de la majorité à le reprendre car, je le sais, le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire sera plus attentif à une proposition émanant de leurs bancs que des nôtres. Un dispositif de remise automatique permettrait de désengorger la CONAIR, qui est submergée par les dossiers.

Monsieur le ministre, la question de la situation des anciens harkis et de leurs familles nous interpelle toujours : je ne pense pas seulement à la dette morale, que j'ai déjà évoquée, mais également à leur situation matérielle. À cet égard, sur le plan des ressources, de l'acquisition et de l'amélioration de l'habitation principale, de l'emploi et de la formation, le texte offre des avancées. De nombreux amendements visant à l'améliorer se sont vu opposer l'article 40, mais, je tiens à le noter, monsieur le rapporteur, d'autres amendements ont pu franchir l'obstacle.

La situation des orphelins de parents anciens harkis doit être reconsidérée au titre de l'allocation de reconnaissance, notamment quand la situation sociale est difficile. Notre présidente de séance, députée de Haute-Garonne, Mme Mignon, y est particulièrement attachée. L'amendement de la commission répond en partie à cette préoccupation.

De même, monsieur le ministre, il serait nécessaire de prendre en considération la situation des Français rapatriés d'Indochine en 1956 et installés dans les camps de Sainte-Livrade dans le Lot-et-Garonne et de Noyant, dans l'Allier. Ils y ont vécu, pour certains, plus de trente ans. Ils y sont arrivés démunis de tout, y compris de papiers. Ces Français d'Indochine sont, eux aussi, toujours victimes de leur attachement à la France. Ils ont vécu et vivent encore parfois dans des conditions semblables à celles de trop nombreuses familles d'anciens harkis. Ils ne méritent pas de rester dans l'oubli alors même que l'anniversaire de la catastrophe militaire et humanitaire de Diên Biên Phu a récemment rappelé leurs sacrifices et leur drame.

Monsieur le ministre, votre texte a le mérite d'offrir des avancées. Il ne règle que partiellement les questions en suspens et laisse dans l'ombre la situation la plus obscure, celle faite à nos compatriotes réinstallés et surendettés. Le groupe socialiste, comme il a déjà pu le montrer en commission, aborde la discussion dans un d'état esprit constructif et ouvert. Il jugera la portée de votre texte à l'aune des améliorations qui pourront y être apportées durant la discussion. Toutefois, je ne me fais guère d'illusions, compte tenu des contraintes budgétaires qui pèsent sur l'ensemble des ministères, notamment sur celui de Mme Alliot-Marie, qui est aussi le vôtre.

Je le répète : c'est, dans un état d'esprit positif, à la lumière de la discussion, que le groupe socialiste se déterminera sur votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Je vous remercie d'avoir respecté votre temps de parole, monsieur Bapt. Je demande à tous nos collègues inscrits dans la discussion générale de faire de même.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas surpris de mon intervention sur ce projet de loi, car vous connaissez mon attachement et celui du groupe UDF à la cause des rapatriés et l'attention particulière que mon groupe porte à leur situation. Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, André Santini est à l'origine de la première loi d'indemnisation.

Le texte que le Gouvernement nous propose aujourd'hui était attendu avec impatience par la communauté pied-noire, dont nous avons entendu les aspirations. Mes collègues Yvan Lachaud et Rudy Salles, très sensibles à ces attentes, ont eu à cœur de déposer plusieurs amendements visant à y répondre.

Cette communauté nourrit deux espérances majeures.

La première concerne l'expression officielle de la reconnaissance profonde de la nation pour l'action de développement entreprise par les Français établis outre-mer, une œuvre qui a contribué au rayonnement de la France. Elle concerne également la reconnaissance officielle des conditions dramatiques dans lesquelles ont eu lieu le départ des Français de leur terre natale et de leur installation en métropole. Elle concerne enfin la reconnaissance officielle des drames et des crimes qui se sont déroulés en Algérie, après le 19 mars 1962.

La deuxième espérance porte sur le règlement de l'indemnisation, question non résolue à ce jour, de ceux que l'on appelle les « harkis blancs », les supplétifs de souche européenne.

Le groupe UDF souhaite enfin que l'État français engage des négociations avec le Maroc et la Tunisie, tout comme il l'a déjà fait en 2003 avec l'Algérie, afin de trouver un accord permettant la restauration et l'entretien des cimetières européens sur leurs sols respectifs.

La communauté rapatriée, dans son ensemble, sera très attentive à la réponse qui sera apportée à ces questions, et nous ne doutons pas que le Gouvernement y donnera une suite favorable.

J'en viens aux problèmes spécifiques qui concernent les harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives.

C'est une communauté à laquelle je suis très attaché. Je suis en effet le député d'une agglomération qui ne compte pas moins de 8 000 de ses membres. Je sais quelle est leur souffrance et quels sont leurs espoirs.

C'est pourquoi j'avais déposé, en son temps, une proposition de loi visant à résoudre les problèmes qu'ils ont rencontrés et qu'ils rencontrent encore. M. Kert, notre rapporteur, l'a évoquée. Je salue, à cette occasion, le travail qu'il a réalisé et je le remercie d'avoir retenu, dans ses amendements, certains éléments de ma proposition de loi. J'ai néanmoins déposé quelques sous-amendements.

La commission - je le constate - a amorcé une réelle avancée en faveur de la première génération. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que vous étiez ouvert à une avancée encore plus importante.

Je souhaite sincèrement que ce débat soit le dernier...

M. Kléber Mesquida. Ce n'est pas possible !

M. Francis Vercamer. ...et que nous apportions, enfin, à nos compatriotes harkis et rapatriés, les réponses qu'ils sont en droit d'attendre.

Je ne doute pas de la bonne volonté de tous : beaucoup, dans le passé comme aujourd'hui, se sont prononcés sur le drame des harkis et ont ardemment défendu leur cause. Je pense notamment à mes amis Christian Vanneste et Patrick Delnatte, qui sont députés de l'agglomération tourcainoise et avec lesquels j'entretiens de nombreuses relations sur le problème harki.

Le temps n'est plus aux discours, il est aux actes. De même que nous avons honoré, il y a quelques jours, les combattants qui ont sacrifié leurs vies le 6 juin 1944 pour que la liberté et la démocratie ne demeurent pas de vains mots, de même que nous voulons transmettre ce magnifique héritage à notre jeunesse, de même que nous voulons que l'histoire, parfois cruelle, serve à construire un avenir meilleur, c'est-à-dire de paix, de même je souhaite que nous honorions ces hommes et ces femmes qui ont combattu, avec courage et fierté, pour leur patrie, sous son drapeau, sur tous les fronts où la France était engagée.

Ce sont ces héros, anonymes et modestes, que nous évoquons aujourd'hui : ceux qui ont servi dans les tranchées sanglantes de Verdun, ceux qui ont défendu, pied à pied, vie à vie, les pentes de Monte Cassino en Italie, ceux qui ont participé, après la campagne d'Italie, à la libération du sud de notre pays, ceux qui ont vécu les affres de la cuvette infernale de Diên Biên Phu, ceux qui étaient dans les rangs de notre armée, dans les Aurès, les villes et les villages de l'Algérie encore française, ceux qui, en un mot, ont cru en notre patrie et son drapeau et ont, souvent, fait le sacrifice de leur vie.

Ils ont payé tragiquement leur bravoure. La guerre d'Algérie, en changeant le cours de notre histoire, a changé dramatiquement le cours de la leur et brisé leurs destins. Comme l'a rappelé le Président de la République, la France « n'a pas su sauver ses enfants ». Elle en porte aujourd'hui la lourde et triste responsabilité.

Aucune indemnisation ne leur fera oublier les assassinats, les proches disparus, le sentiment d'abandon et d'humiliation, l'honneur perdu, la relégation et l'oubli.

M. Christian Vanneste. Très juste !

M. Francis Vercamer. Pour qu'ils puissent enfin croire à la reconnaissance de la nation, il faut la leur prouver par des actes forts, qui tenteront d'effacer le traumatisme qu'ils ont subi.

En voici la trame, telle que je l'avais développée dans ma proposition de loi.

Avant toute réparation matérielle du préjudice subi, les harkis et les rapatriés attendent de leur pays qu'il assume, en priorité, sa part de responsabilité dans leur drame et son devoir de mémoire.

Cela passe par deux axes primordiaux : l'affirmation claire de la faute commise, qui nécessite réparation et justice, et la création d'une fondation, qui permettra de conduire une politique pédagogique vis-à-vis du grand public et de revoir la relation de l'histoire de la guerre d'Algérie dans les programmes scolaires.

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. Francis Vercamer. Pour que les aînés puissent profiter au plus vite de la mise en œuvre de nos décisions, il nous faut également décider rapidement du versement à la première génération, qui a été la plus spoliée, d'une prime significative et digne de ce nom, en plus de l'allocation de reconnaissance tout aussi légitime.

L'indemnisation doit également toucher les enfants de la deuxième génération, qui ont vécu avec leurs parents l'horreur et les atrocités de la guerre, l'évacuation, l'exode, la relégation, voire l'exclusion de notre société.

Cette aide, volontariste et efficace, doit permettre de redonner à cette génération une deuxième chance d'insertion, par le rétablissement du droit républicain à l'égalité des chances, notamment en matière d'emploi, de formation et de logement.

L'État français doit également leur garantir, comme à chacun de ses ressortissants, la libre circulation, notamment vers l'Algérie. Il doit enfin sanctionner sévèrement tous ceux qui pratiquent le négationnisme ou le révisionnisme du drame harki.

Je ne l'ignore pas : certains de mes amendements ont subi le couperet de l'article 40.

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Ce ne sont pas les seuls !

M. Francis Vercamer. J'ose espérer que le Gouvernement en reprendra quelques-uns. Je reviendrai sur la question lors de l'examen des articles.

Les harkis sont français, non seulement par choix, mais également par la naissance. Ils souhaitent pouvoir être inhumés sur le sol de leur patrie, c'est-à-dire en France. Notre devoir est de le leur permettre en respectant leur croyance : c'est un geste simple, pour un acte fort. Je ne doute pas que vous serez sensible à cette demande, monsieur le ministre, et que vous comprendrez combien elle est signe de citoyenneté française. Alors que nous luttons contre la ségrégation et la discrimination dans la vie de tous les jours, nous avons, ici, l'occasion d'en abolir une dans la mort.

Monsieur le ministre, chers collègues, il y aurait encore beaucoup à dire, mais d'autres l'ont fait avant et mieux que moi. J'espère surtout que personne n'aura plus à le faire après nous.

Nous devons décider, ensemble, de briser enfin la chape de plomb qui était tombée sur la communauté harkie, de lui rendre justice et de réparer nos fautes passées, afin de dessiner un avenir commun. Le temps est venu de prendre nos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quarante deux ans se terminait la dernière guerre coloniale, menée par la France. Après les accords d'Évian, signés le 18 mars 1962 par le gouvernement français et le gouvernement provisoire de la République algérienne, le cessez-le-feu était proclamé le 19 mars de la même année.

Le souvenir et la mémoire de tous ceux qui ont péri avant et après cette date, de tous ceux que l'on a appelés les pieds-noirs et les harkis, de ces hommes et de ces femmes qui ont vécu un véritable drame, de ce million de Français d'origine européenne qui sont devenus des repliés et des rapatriés, doivent nous aider à leur rendre hommage et à leur adresser la reconnaissance qui leur est due, à eux et au travail considérable qu'ils ont accompli durant cent trente-deux ans sur des terres ingrates.

M. Jean-Pierre Grand. Les communistes, eux, soutenaient le FLN !

M. François Liberti. Madame la présidente, pourriez-vous faire taire le perturbateur de service ? (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Continuez, monsieur Liberti.

M. François Liberti. L'État français a des responsabilités à l'égard de ces personnes et de leurs descendants.

Les Françaises et les Français nés en Algérie, leurs enfants, les orphelins de guerre, les veuves de guerre, qui résident en France, ne demandent pas la charité, ni la repentance, mais simplement l'application de leurs droits, comme pour tout citoyen à part entière, et une condamnation de la politique qui a plongé un peuple entier dans le malheur.

La France a envers eux, toutes confessions confondues, un devoir de mémoire.

La politique de la sélection, menée pour raison d'État, a conduit la France à ne pas assumer ses responsabilités vis-à-vis des rapatriés, des harkis et des supplétifs...

M. Jean-Pierre Grand. Vous ne manquez pas de culot !

M. François Liberti. ... qui, dans des circonstances tragiques, sont arrivés en France dans le plus grand désarroi, dans un dénuement complet et le plus souvent dans l'indifférence totale.

Le dossier des rapatriés d'Afrique du Nord a été instruit avec beaucoup de retard et beaucoup d'injustice depuis 1962.

M. Jean-Pierre Grand. Quel scandale d'entendre cela !

Mme la présidente. Laissez parler M. Liberti, monsieur Grand ! Vous vous exprimerez ensuite !

M. Kléber Mesquida. Gardez la tête froide, monsieur Grand !

M. François Liberti. Aujourd'hui, rapatriés comme harkis doivent être reconnus pour ce qu'ils sont : des victimes de guerre auxquelles doit être appliquée la législation en vigueur. Il est grand temps que la France assume toutes ses responsabilités, ce qu'elle n'a pas su ou voulu faire jusqu'à présent, et présente un projet de loi de réparation enfin définitive.

M. Jean-Pierre Grand. Un communiste ne peut pas dire ça !

Mme la présidente. S'il vous plaît, monsieur Grand !

M. François Liberti. Tel était le vœu que j'exprimais déjà, au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, lors du débat parlementaire du 2 décembre 2003 sur les rapatriés. J'avais demandé au Gouvernement une loi forte qui complète les dispositions déjà prises en faveur des rapatriés et des harkis, et surtout qui corrige les inégalités et les injustices dénoncées par toutes leurs associations.

Car ce sont les petites gens, ouvriers, artisans, commerçants, salariés, agriculteurs, pêcheurs, petits fonctionnaires, qui ont été les moins bien indemnisés : en moyenne, 22 % des pertes en principal, c'est-à-dire 10 % à peine si l'on tient compte de l'absence de compensation de la perte de jouissance des biens pendant un tiers de siècle.

Les précédentes lois d'indemnisation, à application différée et étalée dans le temps, n'ont pas été suffisamment volontaristes et n'ont rempli que partiellement les objectifs, contribuant même parfois à créer des situations d'injustice entre rapatriés.

Il importe surtout que la responsabilité de l'État soit reconnue expressément dans la tragédie des pieds-noirs et des harkis, et que le droit à réparation qui en découle permette une juste indemnisation à la hauteur des préjudices subis.

Actuellement, la plupart des spoliés directs ne sont plus là, et les survivants disparaissent à la cadence de 20 000 par an. Une ultime indemnisation est donc devenue une nécessité absolue et immédiate...

M. Jean-Pierre Grand. C'est surréaliste !

M. François Liberti. ...pour ces survivants dont beaucoup sont maintenant au seuil du quatrième âge et bien souvent dans une situation matérielle et morale très préoccupante.

Votre projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés comprend quelques mesures ponctuelles positives, quoique sous-évaluées, monsieur le ministre : ainsi la possibilité de bénéficier de l'allocation de reconnaissance à son niveau actuel ou de se voir verser un capital de 20 000 euros - ce montant ayant donné lieu, d'ailleurs, à un débat en commission, car les associations de rapatriés souhaitent qu'il soit porté à 50 000 euros.

Le texte demeure cependant totalement vide en ce qui concerne une indemnisation complémentaire ultime, mesure qui intéresse pourtant l'immense majorité des rapatriés d'Algérie et d'outre-mer. Il ne prend pas en compte les nécessaires valorisations des indemnisations actualisées au 1er janvier 2004 en euros et ne comporte pas d'échéancier d'application n'excédant pas 2006.

M. Roland Chassain. Que ne l'avez-vous fait lorsque vous étiez au pouvoir !

M. Jean-Pierre Grand. Oui : qu'avez-vous fait ?

Mme la présidente. Laissez parler M. Liberti ! C'est un sujet suffisamment important pour qu'on s'écoute dans le silence et le respect mutuel !

M. François Liberti. Ils ne savent que polémiquer !

M. Jean-Pierre Grand. Les communistes ont soutenu le FLN, ils n'ont rien fait pour les rapatriés quand ils étaient au pouvoir, et maintenant ils nous donnent des leçons !

Mme la présidente. Ce n'est pas le sujet ! Si vous voulez vous expliquer là-dessus, faites-le hors de l'hémicycle !

M. Kléber Mesquida. Du sang-froid et de la dignité, monsieur Grand !

M. Jean-Pierre Grand. Quelle indécence !

M. François Liberti. Tout le monde aura compris de quel côté se trouve l'indécence !

Je poursuis, madame la présidente.

Le principe même de la réinstallation qui est due aux rapatriés fait cruellement défaut dans ce texte.

Lors de la réunion de la commission du 8 juin, M. Christian Kert, rapporteur, reconnaissait que les dispositions contenues dans ce texte n'avaient pas vocation à renouveler les principes du droit à réparation en faveur des rapatriés et ne constituaient pas une quatrième loi d'indemnisation. Je le regrette.

M. Jean-Pierre Grand. Quel culot !

M. François Liberti. La plupart des amendements qui tendent à instaurer une réparation juste et équitable en élargissant l'ouverture de droits à d'autres victimes et à la deuxième génération pour les harkis - notamment à l'article 3 pour l'acquisition et le logement social et à l'article 4 - ont été rejetés, à l'exception de celui que j'ai soutenu avec quelques collègues et qui vise à allonger de quelques mois les délais de demande de dérogation. On est donc bien loin du compte !

Votre projet n'aborde la question de l'indemnisation que par le biais des dispositions qui pourront être prises en faveur des bénéficiaires des trois premières lois auxquels ont été retenues les annuités d'emprunt de réinstallation. Le versement des sommes prélevées dans des conditions très discutables est en effet envisagé. Cette mesure répare, certes, une inégalité de traitement entre rapatriés, mais elle en introduit une autre : l'absence de toute mesure pour corriger l'insuffisance des sommes allouées par les lois précédentes.

Comme je vous l'indiquais dans mon intervention du mois de décembre 2003, les lacunes de ces lois, tant dénoncées par les associations de rapatriés, sont loin d'être comblées. Les principales revendications des associations ne sont même pas abordées dans votre texte : je citerai, à titre d'exemple, les propositions relatives à l'application d'un coefficient correcteur équitable et loyal aux sommes antérieurement liquidées, à la modification du dispositif pluriannuel pour régler plus rapidement les situations en attente, aux règles de plafonnement, aux parts sociales détenues par les petits porteurs, aux ventes forcées, à l'indemnisation des biens spoliés ou perdus pour raison d'État et par la volonté du gouvernement de l'époque, au cas des enfants français nés de parents étrangers et non indemnisés.

À l'épouvantable traumatisme de l'exode et de la perte de tous les patrimoines - sans parler de la douleur morale de l'abandon de la terre natale et des cimetières, celle de la disparition des familles, voire des conséquences tragiques des exactions, des attentats et des enlèvements - s'ajoute depuis quarante-deux ans, hélas ! un autre traumatisme provoqué par le refus de l'État français de procéder à l'indemnisation, sous prétexte que le plus urgent était la réinstallation des rapatriés en métropole.

Pourtant, la cause de l'indemnisation des rapatriés est une cause juste, tant au regard du droit français qu'au regard de l'équité. Son enjeu dépasse les seuls rapatriés : le déni de justice dont ces derniers sont victimes met en évidence l'absence de droit en la matière depuis plus de quarante-deux ans. J'avais soulevé ce sujet dans une question écrite adressée au Gouvernement le 23 mars 2004. La réponse qu'y apporte ce texte est loin d'être satisfaisante.

En défendant nos amendements, nous ne faisons que soutenir les propositions défendues par le Comité de liaison des associations nationales de rapatriés, celles de la Confédération des Français musulmans et rapatriés d'Algérie, ou encore de l'Union syndicale de défense des intérêts des Français repliés d'Algérie, qui souhaitent que d'autres articles, bien plus ambitieux et volontaires, soient intégrés au projet de loi afin de l'enrichir.

Comme nous l'avons déjà dit en commission, nous trouvons dommage, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas voulu intégrer ces propositions dans le projet que vous nous présentez. En commission, les amendements sur la question de l'indemnisation se sont vu opposer massivement l'article 40 de la Constitution. Allez-vous, monsieur le ministre, donner votre accord à ces propositions au cours de ce débat ? En tout état de cause, c'est ce qui déterminera notre vote sur ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Diefenbacher.

M. Michel Diefenbacher. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tous ceux qui restent fidèles à la grande aventure conduite outre-mer par la France attendaient ce débat avec impatience.

Le projet de loi que vous présentez, monsieur le ministre, comporte des avancées majeures qu'il convient de saluer : d'abord l'affirmation claire et forte de la reconnaissance de la nation à ceux qui ont porté haut, pendant des générations, les couleurs de notre drapeau ; un effort supplémentaire de solidarité envers les harkis et leurs familles, plus important encore que ceux qui avaient été faits en 1987 et 1994 et dont chacun, à l'époque, soulignait déjà l'ampleur et la générosité ; une réparation juste et nécessaire pour les rapatriés dont l'indemnisation avait été amputée du montant des prêts de réinstallation ; enfin, la prise en compte de la situation particulière des exilés.

Ces avancées substantielles sont-elles, pour autant, suffisantes ? La réponse à cette question est nécessairement subjective. Ce qui est sûr, malheureusement, c'est qu'aucune loi ne pourra jamais réparer les atrocités de la haine, les violences de la guerre, la douleur du départ, le sentiment de l'incompréhension et de l'oubli.

Quoi qu'il en soit, le dispositif qui nous est présenté aujourd'hui peut sans doute être encore amélioré. Des amendements seront proposés : je ne doute pas, monsieur le ministre, qu'ils seront examinés dans l'esprit le plus constructif et je vous en remercie d'avance.

Il s'agit d'abord d'évoquer clairement, dans la loi elle-même, ce qui a si longtemps été occulté : la tragédie des disparus, celle des victimes civiles et militaires, la souffrance des familles, auxquelles il nous revient aujourd'hui de rendre un solennel hommage.

Il s'agit ensuite d'affirmer la ferme volonté de la représentation nationale que l'histoire enseignée à nos enfants dans nos écoles garde intact le souvenir de l'épopée de la plus grande France et qu'elle dise la vérité sur ces hommes et ces femmes qui, partis les mains nues, avaient au fond du cœur la confiance et l'espérance des peuples qui n'avaient pas encore appris à douter d'eux-mêmes.

Il s'agit enfin de donner aux enfants des harkis toutes leurs chances d'entrer de plain-pied, non pas dans de nouveaux dispositifs d'assistance, mais, la tête haute, dans la vie professionnelle de ce pays que leurs pères ont si généreusement et si courageusement servi.

Je ne doute pas, monsieur le ministre, que nous soyons entendus.

Reste la question - peut-être la plus difficile - qu'évoquait tout à l'heure M. le rapporteur : celle de la responsabilité.

Comment ne pas respecter la souffrance de tous ceux qui soulèvent aujourd'hui cette question ? Mais comment imaginer que cette souffrance si légitime et si profonde puisse être apaisée par ce qui, faute d'un recul historique suffisant, risquerait de se transformer en mauvais procès ?

À Évian, tout avait été prévu. Sur le terrain, rien n'a été respecté.

Souvenons-nous qu'arrachés de haute lutte après tant de jours et de nuits de discussion, les accords comportaient un ensemble très complet, très détaillé, très précis de mesures destinées à assurer non seulement la protection des personnes et des biens, mais aussi la participation de tous ceux, européens ou musulmans, qui avaient servi la France, à la vie politique, économique, administrative, sociale, syndicale de l'Algérie devenue indépendante. Il s'agissait d'assurer le maintien, sur place, du plus grand nombre de ceux qui avaient construit l'Algérie et de jeter ainsi les bases d'une coopération entre les deux pays.

De tout cela, rien n'a été respecté. Faut-il incriminer les hommes ? Et si oui, lesquels ? Ceux qui avaient donné leur parole, ou ceux qui n'ont pas voulu ou pas pu la tenir ?

Plutôt que d'ouvrir de nouvelles déchirures, le temps est sans doute venu de constater que nous sommes en présence d'un de ces processus inexorables dont l'histoire a parfois le triste et douloureux secret.

Face à la tragédie des harkis, à celle des disparus, à la fusillade de la rue d'Isly, au massacre d'Oran, à toutes les blessures anonymes dont le souvenir disparaît chaque jour avec ceux qui les ont subies, la modestie et le silence ne constituent-ils pas aujourd'hui l'attitude la plus conforme à l'image que nous ont donnée les vrais pionniers : celle de la grandeur d'âme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bascou.

M. Jacques Bascou. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué aux anciens combattants, mes chers collègues, le week-end dernier a été marqué par les cérémonies célébrant le soixantième anniversaire du débarquement des troupes alliées en Normandie. A cette occasion, un hommage fort et unanime a été rendu à tous les anciens combattants, américains, britanniques, canadiens, polonais, français, qui ont permis la libération de notre pays. Un autre moment fort a été la présence du chancelier Schröder, qui, dans son discours, a reconnu la responsabilité de l'Allemagne devant l'histoire.

Si je commence mes propos par cette double évocation, alors que nous allons examiner un projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, c'est d'abord pour rappeler que la libération de la France, notamment celle du Sud, dont je suis l'élu, c'est aussi à l'Armée d'Afrique que nous la devons : une armée trop souvent oubliée de l'histoire composée d'Africains du Maghreb, d'Afrique noire, de pieds-noirs qui ont payé un lourd tribut lors des combats de Tunisie, de la campagne d'Italie, de la libération de la Corse ou du débarquement en Provence. Cette Armée d'Afrique, mal reconnue, mérite d'être placée aux tous premiers rangs pour sa contribution à la chute de l'Allemagne nazie.

La réconciliation franco-allemande fut très vite engagée sous le signe de la construction européenne. Le temps passé depuis l'indépendance algérienne n'a pas aussi bien fait son œuvre. Il a fallu attendre trente-sept ans pour rompre un simple tabou de vocabulaire : pour que, par la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999, la République reconnaisse enfin qu'il y avait eu une guerre en Algérie.

M. Gérard Bapt. Eh oui !

M. Jacques Bascou. D'autres tabous restent à lever.

Quarante-deux ans après, notre pays s'honorerait à reconnaître les épreuves, les souffrances, les drames vécus, mais surtout sa responsabilité envers les Français rapatriés, sa responsabilité dans l'abandon des supplétifs, dans les conditions d'accueil et de vie en métropole des rapatriés d'Algérie comme d'Indochine.

Notre pays s'honorerait s'il faisait toute la lumière sur les épisodes les plus sombres de la guerre d'Algérie.

Ce projet de loi, dont l'intention de réhabiliter l'œuvre de la France outre-mer est louable, doit aller plus loin en reconnaissant la responsabilité de l'État français dans les événements qui ont suivi le cessez-le-feu. Nous avons présenté un amendement en ce sens à l'article 1er, mais il a été repoussé par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Aussi, nous demandons que soit créée une commission d'enquête sur les responsabilités dans l'abandon des supplétifs et des harkis, dans les massacres et les enlèvements des civils et des harkis après le cessez-le-feu. Il convient, notamment, de connaître ce qui s'est passé le 26 mars 1962 dans la rue d'Isly à Alger, ou le 15 juillet de la même année à Oran.

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. Jacques Bascou. Autre insuffisance du projet de loi : la non-reconnaissance des spoliations et des pertes matérielles subies par les rapatriés, et du bien-fondé des indemnisations qui en découlent.

Les associations de rapatriés ne perçoivent pas, dans ce texte, des réponses à leurs attentes qui, depuis quarante-deux ans, demeurent en souffrance.

Cette déception est à la mesure de l'espoir que les débats du 2 décembre à l'Assemblée et du 17 décembre derniers au Sénat avaient fait naître.

Je pourrais citer les propos de nombreux parlementaires, notamment de la majorité, réclamant une loi complémentaire d'indemnisation ou soutenant des demandes d'associations de rapatriés, propos qui ont pu faire croire que le Gouvernement répondrait à l'ensemble de ces revendications en inscrivant des mesures dans son projet de loi, pour enfin tourner la page.

Votre façon de laisser croire que la plupart de leurs problèmes seraient discutés et réglés par ce projet de loi a également donné de faux espoirs.

Vous avez mis en place le Haut conseil des rapatriés, qui a proposé vingt-neuf sujets d'études. Vous avez demandé à notre collègue Michel Diefenbacher de faire un rapport pour « parachever l'effort de solidarité nationale envers les rapatriés », qui a débouché sur vingt-six propositions.

Des parlementaires vont ont interpellé, monsieur le ministre, sur plusieurs sujets auxquels sont attachés les rapatriés. Vous leur avez répondu que ces sujets seraient abordés lors de l'examen de ce projet de loi.

S'agissant des problèmes de l'indemnisation et du surendettement, vous avez déclaré : « II faut aussi parfaire les dispositifs des différentes lois d'indemnisation et, en particulier, réparer un certain nombre d'injustices qui subsistent et que nous connaissons. Par ailleurs, il convient de clore avec équité le traitement des dossiers de surendettement des rapatriés. »

Concernant le projet de loi, vous avez répondu à un parlementaire que « le problème de l'indemnisation, qui reste au cœur des revendications matérielles, sera bien entendu largement évoqué ».

M. Dubourdieu, président de la mission interministérielle aux rapatriés, a lui-même indiqué que les mesures proposées par les associations seraient étudiées dans le cadre du débat organisé au Parlement.

Dès lors, comment s'étonner que les associations de rapatriés soient déçues de voir que leurs propositions ne figurent pas dans ce projet de loi et ne seront donc pas débattues aujourd'hui ?

Pour notre part, nous avons présenté un certain nombre d'amendements afin d'enrichir ce projet. Ils ont été repoussés par la commission des affaires sociales, alors que, j'en suis persuadé, nombreux sont ceux qui, sur tous les bancs, les soutiennent.

Car c'est là l'ambiguïté qui a été relevée par notre collègue Christian Kert, dont on connaît l'action en faveur des rapatriés : ce projet de loi ne constitue pas une quatrième loi d'indemnisation. Or, depuis deux ans, vous avez présenté les choses de telle façon qu'il semblait que nous pourrions, par cette loi, clôturer le dossier des rapatriés, en faisant œuvre de mémoire, en traitant le problème de l'indemnisation des rapatriés et des harkis, en réhabilitant l'œuvre collective de la France en outre-mer.

Vous indiquez vous-même dans l'exposé des motifs que cette loi « vient parachever l'édifice législatif édifié depuis plus de quarante ans » en faveur de nos compatriotes rapatriés. Or, si ce texte est voté en l'état, les injustices demeureront, des préjudices subsisteront, des lacunes resteront.

Je ne rappellerai pas, au risque d'allonger le débat, ce qu'ont dit fort justement un certain nombre de nos collègues : les efforts réels des trois lois d'indemnisation n'ont pas permis d'assurer une réparation intégrale des préjudices subis. L'ensemble des problèmes liés au surendettement ne sont pas aujourd'hui totalement pris en compte. Sur ce sujet, nous défendrons des amendements en séance, bien qu'ils aient été rejetés en commission.

En ce qui concerne les harkis, des mesures ont été prises. Nous proposerons, par voie d'amendement, qu'elles soient élargies. Nous souhaitons ainsi permettre de mieux indemniser les sacrifices consentis par les familles harkies grâce au cumul de l'allocation et de la rente. La question a évoquée à cette tribune.

Pour les membres des unités supplétives, leurs veuves ou leurs ex-épouses qui n'ont pas pu prétendre à leurs droits par le passé, nous souhaitons que soient levés les délais de forclusion.

Nous souhaitons que soit étendus les bénéfices du dispositif dérogatoire aux populations civiles rapatriées qui ont transité par les camps d'accueil.

A propos de ces camps, je souhaiterais appeler votre attention, monsieur le ministre, sur d'autres oubliés de l'histoire : les rapatriés eurasiens d'Indochine. Nos compatriotes d'Extrême-Orient rapatriés en métropole depuis les accords de Genève de 1954 ont été regroupés notamment dans les camps de Sainte-Livrade-sur-Lot et Noyant-d'Allier. Depuis 1961 ils semblent avoir été laissés à l'écart de la communauté nationale et des mesures d'intégration en faveur des rapatriés d'Algérie. Cette loi, qui pourrait permettre de leur rendre justice sur les plans matériel et moral, ne les mentionne pas.

Vous jugerez sans doute sévère mon analyse de votre texte. Je dois dire, par souci d'objectivité, qu'il comporte des avancées et que des amendements comme celui interdisant toute allégation injurieuse envers une personne en raison de sa qualité de harki, ou celui créant une fondation pour l'histoire et la mémoire des Français rapatriés, adoptés par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, recueilleront notre adhésion car ils amélioreront votre texte.

Il est vrai également qu'un certain nombre de demandes des associations ne relèvent pas du domaine de la loi, comme la libre circulation des citoyens français harkis en Algérie, l'entretien des cimetières ou encore la création de centres d'insertion ou de formation professionnelle pour les jeunes de la deuxième et de la troisième génération. Au-delà de ce débat, il conviendra d'y répondre.

Ce projet de loi est donc une avancée, mais pour qu'il devienne « l'acte de cohésion nationale très attendu par un million et demi de rapatriés », selon les termes du Premier ministre, il ne faut laisser personne au bord du chemin. Cela suppose qu'il soit enrichi par des amendements qui peuvent être votés sur tous les bancs de l'Assemblée. Quarante-deux ans après, ce n'est pas la responsabilité de tel ou tel gouvernement qui est en question, c'est la responsabilité de la France dont nous sommes les représentants.

Quarante-deux ans après la fin de cette guerre que certains ressentent comme un abandon et un reniement, alors que d'autres la considèrent comme une résultante de l'histoire, les Français rapatriés d'Algérie, pieds-noirs et harkis, attendent la reconnaissance de la responsabilité de l'État qui n'a pas protégé ses ressortissants des massacres, des enlèvements, des disparitions qui ont suivi le cessez-le-feu. Il est temps que la France reconnaisse ces préjudices et assume leur réparation morale et matérielle.

Ce texte, s'il est amendé et donc enrichi, pourra largement y contribuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Lecou.

M. Robert Lecou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite commencer mon intervention par une citation : « On parlait de reconnaissance il y a vingt ans, mais il me semble aujourd'hui que c'est par la connaissance qu'il faut commencer, pour ne pas laisser persister et s'aggraver le malaise. »

De quel malaise s'agit-il ? De celui d'un fils de harki qui m'a écrit récemment que des jeunes de la deuxième et de la troisième génération de harkis étaient parfois obligés de mentir en se présentant comme enfants d'immigrés algériens ou marocains !

Il est en effet nécessaire aujourd'hui d'agir et de légiférer. D'autant que certaines autorités algériennes tiennent publiquement, lors de voyages officiels ou de grands débats à la télévision, des propos traduisant une interprétation de l'histoire de France.

Monsieur le ministre, votre projet de loi est utile. J'ai tenu à participer au débat en m'inspirant du vécu d'une circonscription où les rapatriés sont venus nombreux s'installer en participant au renouveau d'une région, et en m'inspirant du vécu de la ville dont je suis le maire, Lodève. De nombreux harkis s'y sont fixés et ils contribuent aujourd'hui, avec leurs enfants et leurs petits-enfants, à sa diversité et donc à sa richesse.

Oui, cette loi doit encourager la recherche historique afin de favoriser une meilleure connaissance de notre histoire ; oui, cette loi doit exprimer la réhabilitation de ceux qui ont été calomniés ; oui, cette loi doit exprimer la reconnaissance de la nation envers celles et ceux qui ont accompagné la France dans son action dans les anciens départements français d'Algérie, au Maroc et en Tunisie, ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française.

Oui, la reconnaissance des souffrances éprouvées et des sacrifices endurés par celles et ceux qui ont été victimes des événements sanglants de la France d'outre-mer est un devoir de notre pays, qui justifie cette loi.

L'histoire de France doit rappeler l'œuvre de la France d'outre-mer, où des générations de toutes conditions et de toutes religions ont participé avec courage au développement de territoires.

Si ces gens ont contribué au rayonnement de la France dans le monde, ils ont aussi participé à la modernisation de ses territoires, ils y ont construit des routes, des ports, des aéroports, des écoles, des hôpitaux et bien d'autres équipements utiles au développement, au savoir ou à la santé.

Il faut le dire à nos enfants dans nos écoles, une grande œuvre a été accomplie et elle mérite le respect.

Cette reconnaissance rappellera l'action des Français partis s'installer outre-mer et entraînera le respect pour celles et ceux qui avaient choisi la modernisation de leur pays. Je pense aux rapatriés, qui ont dû laisser leur bien et une part de leur vie. Je pense à ceux qui, à l'époque, ont fait confiance à la France en agissant à ses côtés, ont fait confiance à cette œuvre pour défendre des valeurs de progrès et d'humanité, et qui ont dû quitter leur terre.

C'est par le biais de la mémoire et du travail de mémoire vraie que la reconnaissance de l'œuvre perdurera, œuvre qui sera inscrite dans le patrimoine de la République française. À cet égard, je salue les initiatives qui ont permis d'instaurer une journée nationale d'hommage aux harkis le 25 septembre ainsi qu'une commémoration officielle des morts pour la France pour les combattants d'Afrique du Nord le 5 décembre et qui, bientôt, permettront l'édification, à Marseille, d'un mémorial national dédié à l'œuvre de la France d'outre-mer.

C'est par cette mise en valeur de la mémoire que les enfants de harkis retrouveront leur fierté d'être des Français à part entière. C'est aussi grâce à des efforts concrets pour la formation nécessaire préalable à l'emploi que l'on aidera ces enfants qui connaissent des difficultés issues de leur malaise.

Ainsi reconnus et accompagnés, ils seront plus enclins à prendre toute leur part dans le devoir de construction de la France d'aujourd'hui et de demain.

C'est dans cet esprit que je défendrai, à l'article 1er, des amendements tendant à exprimer cette reconnaissance et à favoriser la réhabilitation de la présence française en outre-mer, en lui donnant la place qu'elle mérite dans les programmes scolaires et en promouvant des programmes de recherche historique. Je soutiendrai également la mesure, proposée par le rapporteur, d'interdiction de toute allégation injurieuse envers une personne en raison de sa qualité, vraie ou supposée, d'ancien supplétif ou de parent de supplétif de l'armée française ou assimilé.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, prévoit un régime d'indemnisation des harkis. S'ajoutant aux lois de 1987 et 1994, adoptées sous les gouvernements Balladur et Juppé, il devrait inciter à plus de modestie ceux de nos collègues qui ont soutenu, pendant vingt-trois ans, des gouvernements de gauche restés, eux, inactifs.

M. Kléber Mesquida. Nous verrons ce que vous ferez tout à l'heure !

M. Robert Lecou. Il faut tenir compte, pour l'indemnisation de réparation, des situations d'âge et de famille des futurs bénéficiaires. C'est pourquoi le maintien de l'allocation de reconnaissance jusqu'à la fin de vie, ainsi que le versement d'un capital en complément, constituent une juste mesure.

En appelant à honorer notre devoir de mémoire et de réparation à travers plusieurs amendements que je défendrai, j'ai souhaité participer à l'amélioration d'un texte de progrès qui va dans le bon sens. La France sortira grandie de cette œuvre de reconnaissance. Puissions-nous, tous ensemble avancer ainsi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la première fois, un texte visant à l'indemnisation de nos compatriotes d'Afrique du Nord évoque clairement la reconnaissance de la nation et la contribution de celle-ci en leur faveur. Plus de quarante ans après l'exode tragique, vécu dans l'indifférence et l'incompréhension de la métropole, nous affirmons enfin qu'il n'était pas honteux d'avoir été présent sur cette terre, de l'avoir travaillée, de s'y être enraciné et de l'avoir fait prospérer.

Après l'institution, par le Président de la République, du 25 septembre comme journée nationale d'hommage aux harkis, puis, par vous-même, monsieur le ministre, du 5 décembre pour la célébration du souvenir de nos morts, ce texte fera date chez nos compatriotes, enfin reconnus comme Français à part entière et non plus comme Français entièrement à part.

Mais des progrès restent à accomplir, ne serait-ce que pour reconnaître ce que nous leur devons dans la libération de notre territoire. Après les imposantes et dignes célébrations du 6 juin 1944, on regrettera la relative discrétion de la commémoration des combats menés par l'armée française en Italie, sous le commandement du général Juin, il y a également soixante ans presque jour pour jour. Après la déroute de 1940, ces premiers combats d'une armée française forte de 175 000 hommes, ont été menés glorieusement, ensemble, par nos 130 000 compatriotes d'Algérie, mais aussi ceux du Maroc, de Tunisie et les populations de souche. En mai et juin 1944, là où l'armée américaine avait échoué et piétinait depuis un an devant la capitale italienne, c'est « l'Armée d'Afrique », comme on l'a appelée, qui ouvrit la route de Rome, avec les batailles victorieuses du Garigliano et de Monte Cassino. Le 15 août, c'est encore cette armée qui s'illustra lors du débarquement sur les côtes de Provence, en libérant Marseille et Toulon, avant Colmar.

Nous comptons, monsieur le ministre, que vous célébriez avec autant d'éclat que celui de Normandie le débarquement de Provence, accompli avec la participation très majoritaire des armées françaises. L'annonce de la venue du Président de la République va dans ce sens. Il conviendrait, cependant, de ne pas ternir cet hommage de la nation par des présences indésirables, comme celle du Président algérien, dont la rumeur indique qu'il serait invité. Ce serait un geste inopportun et provocateur, car celui-ci, à la différence du Chancelier allemand, n'a jamais exprimé ni regret ni repentance pour les massacres et exactions commises à l'encontre des civils français, encore moins de nos soldats et des harkis qui, il n'y a pas si longtemps encore - et sur notre sol ! - étaient qualifiés de collaborateurs.

En rappelant cette page d'histoire, largement oubliée dans les manuels et donc jamais apprise à l'école par nos enfants, je veux exprimer ici que la France allait bien de Dunkerque à Tamanrasset, que les populations qui la composaient étaient rassemblées sous un même drapeau et qu'elles avaient ensemble versé leur sang pour la libération de la patrie. Quelles qu'aient été les erreurs, ou même les fautes, commises par les gouvernements qui se sont succédé, la France n'a jamais asservi les peuples qu'elle a dirigés et l'armée française n'a jamais été une armée de tortionnaires, comme certains, complaisamment, veulent le faire croire.

Au-delà des nouvelles mesures financières importantes, complémentaires et indispensables que vous nous proposez, il nous faut surtout exprimer notre reconnaissance à nos compatriotes qui ont travaillé, bâti, éduqué, soigné, développé les peuples de ces territoires où flottait notre drapeau. Ils ont été les meilleurs ambassadeurs des valeurs de notre République et la France le leur a bien trop mal rendu jusqu'à présent.

Nous devons donc, sans plus tarder, ériger le mémorial de la France d'outre-mer à Marseille. Plus encore, il faut que toutes les communes de France comptent une place, une rue, un boulevard, un carrefour de la France d'outre-mer, qui rappelle ce qu'a été l'œuvre de la France. Il nous faut écrire l'histoire et l'enseigner pour que les enfants de notre pays sachent que la France n'a pas été colonialiste mais colonisatrice, qu'elle a transmis aux peuples les valeurs républicaines et formé leurs élites dirigeantes, dont certaines ont siégé dans cette enceinte avant d'être parfois admises à l'Académie française. La colonisation française a fait œuvre d'intégration et l'armée française s'est comportée de manière telle que les enfants et petits-enfants de ceux qui l'ont si bien servie et sont morts pour elle n'ont pas à en rougir.

Pour cela, il faut que les archives s'ouvrent aux historiens, qui doivent pouvoir y trouver les éléments nécessaires à l'écriture de la véritable histoire de la présence française outre-mer. Il faut en particulier exiger l'accès aux archives du Gouvernement algérien pour que ceux qui ont été portés disparus ne le restent pas à jamais.

Certains de nos amendements ont été frappés de l'article 40. Mais il faudra bien un jour, et le moins tard possible, reconnaître que les gouvernements de la IVe et de la Ve République n'ont pas fait tout ce qu'il fallait pour protéger nos concitoyens livrés à la barbarie et au génocide. Il nous faudra bien l'assumer avec humilité et dignité.

Votre texte, monsieur le ministre, est un premier pas important dans l'hommage que doit la nation à nos compatriotes, que l'histoire a si maltraités. Le paradoxe veut que cet hommage ait d'abord été rendu par les peuples que nous avons dirigés, à travers la francophonie dont la colonisation est le socle. Les quelque cinquante États qui aujourd'hui y participent affirment qu'ils se reconnaissent dans nos valeurs, à travers notre langue, notre culture, notre histoire, qu'ils veulent continuer avec nous dans l'indépendance. Voilà pourquoi il n'est que temps d'affirmer à notre tour notre fierté de l'œuvre accomplie pour nos compatriotes en outre-mer. Le temps de la mauvaise conscience et de la repentance à quatre sous est terminé.

Comme l'exprime si bien le Chant des Africains, qui, comme La Marseillaise, est un hymne d'amour à la patrie, nos compatriotes déracinés ont porté haut et fier le beau drapeau de notre France entière. Ils en ont été dignes, plus que bien d'autres. À eux tous, nous disons merci. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pendant plus de deux ans, j'ai commandé en Algérie la harka du 3e régiment de chasseurs d'Afrique, sous les ordres du colonel Argoud, puis du colonel Bocquet. J'ai démissionné de l'École nationale d'administration pour m'engager dans l'armée.

M. Lionnel Luca. Bravo !

M. Jean-Pierre Soisson. En 1962, mes hommes, qui avaient choisi la France, ont été massacrés, retrouvés égorgés dans la haute vallée de l'oued Harrache, le plus souvent avec leurs parties génitales dans la bouche. J'ai encore ce souvenir présent dans ma mémoire. Comme pour de nombreux jeunes Français qui avaient vingt ans alors, quelque chose en moi a été cassé, comme l'a très bien écrit notre rapporteur Christian Kert.

J'ai toujours éprouvé un sentiment de révolte devant l'abandon des harkis par la France. Je me suis promis de lutter, jusqu'à la fin de ma vie publique, pour réparer cette injustice, cette humiliation.

C'est la raison pour laquelle j'ai déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, en décembre 2002, une proposition de loi d'indemnisation de la communauté harkie, signée par cent quatre-vingts députés. Elle a eu le mérite de contribuer, avec d'autres initiatives, à ouvrir le débat. Je l'ai élaborée en liaison avec les associations de harkis, qui ont tenu, en juin 2003, leur congrès annuel à Dijon. J'ai été élu président d'honneur de l'Union nationale des harkis, que préside M. Salah Kerbadou, présent dans les tribunes. Ma proposition demeure, pour les associations, une base de discussion. Tout ce qui s'en rapproche me paraît devoir être retenu.

Nous avons souhaité créer trois types d'allocation répondant aux besoins et aux préoccupations de chaque génération. Nous devons en priorité donner aux 9 000 harkis de la première génération l'indemnisation qu'ils réclament. Le Gouvernement propose de porter l'allocation de reconnaissance à 2 800 euros par an, à compter du 1er janvier 2005, ou d'attribuer un capital de 30 000 euros. J'étais allé plus loin dans la proposition de loi, évaluant à 50 000 euros l'indemnisation nécessaire. Je ne ferai pas aujourd'hui de surenchère. Je souhaite simplement qu'un progrès puisse être réalisé à la faveur d'un accord de toute l'Assemblée.

J'ai noté les réserves du rapporteur, écrites et verbales, ainsi que l'ouverture dont a témoigné le ministre. Nous devrons examiner si un régime plus souple, combinant à la fois l'allocation de reconnaissance et le capital, ne pourrait être instauré, laissant à chacun, à ceux qui restent, le soin de se déterminer.

Pour les harkis de la deuxième génération, le rapporteur a posé à juste raison le véritable problème : faut-il maintenir un régime dérogatoire ou mettre en œuvre une politique volontaire leur permettant, à travers l'emploi et la formation professionnelle, une intégration plus rapide dans la communauté nationale ? Je crois que c'est la bonne façon de poser le problème et je suis reconnaissant à Christian Kert des propositions qu'il a avancées à ce sujet.

Les petits-enfants, eux, ne connaissent l'Algérie que par les récits de leurs grands-mères. Il faut voir, dans les congrès, ces femmes qui ne parlent toujours pas français pour comprendre ce qu'est la communauté harkie, ses difficultés, ses peurs, et aussi sa volonté d'intégration pour les enfants.

Enfin, l'article additionnel à l'article 1er qui a été voté par la commission revêt pour nous une grande importance. Il manifeste l'exigence de respect dû aux hommes et à leur famille qui ont fait le choix de la France. L'injure envers les harkis ne peut être tolérée.

Le service du pays - nous devons l'affirmer dans cette enceinte - n'est pas une honte. Personnellement, je n'ai jamais accepté les propos tenus ici même par le président de la République algérienne et je ne suis jamais retourné là-bas.

Le service de la France est un honneur, et l'honneur de ma vie est d'avoir commandé les harkis d'Algérie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, élu de l'agglomération tourquennoise où la communauté harkie est très représentée, j'ai toujours été impressionné par leur patriotisme et leur fidélité à la France malgré les souffrances endurées, leurs témoignages sur les massacres en Algérie après le cessez-le-feu et leurs conditions de rapatriement.

Je me suis fait un devoir d'être à leurs côtés pour défendre leur cause et les aider, dans le plus grand respect de leur dignité, dignité qui doit être celle de la France. Si leur accueil dans le Nord, après un court passage dans des camps du Sud de la France s'est, malgré leur déracinement, plutôt bien passé, grâce à la solidarité des anciens combattants, en particulier ceux d'Afrique du Nord, et à la mobilisation des élus locaux, les crises successives de l'industrie textile les ont plongés dans la précarité. Celles-ci ont surtout affecté la deuxième génération. Ils connaissent une véritable crise d'identité et supportent mal cette situation d'exclusion et les difficultés qu'ils rencontrent pour accéder à l'emploi. Ces dernières sont souvent liées à un amalgame avec la population issue de l'immigration. Ils sont, d'ailleurs, eux aussi, victimes de comportements inadmissibles qui stigmatisent leur nom, leur faciès ou leur quartier d'origine.

Les différentes lois d'indemnisation et de reconnaissance adoptées à ce jour ont permis d'apporter des réponses utiles mais elles sont souvent considérées comme partielles et insuffisantes. Je rappellerai, sans être exhaustif, celles de 1970 du gouvernement Chaban-Delmas, de 1978 sous le gouvernement Barre, de 1987 sous le gouvernement Chirac, de 1994 du gouvernement Balladur, la proposition de loi du groupe socialiste votée à l'unanimité en 1999 qui a reconnu l'état de guerre en Algérie ; l'initiative du Président Chirac qui a fait du 25 septembre 2001 la première journée nationale d'hommage aux harkis ; le décret du 31 mars 2003, pris à votre initiative, monsieur le ministre, qui a instauré le 5 décembre comme journée du souvenir pour les combattants morts dans les combats en Afrique du Nord.

Aujourd'hui, malgré une conjoncture économique et financière difficile, le Gouvernement a le mérite de présenter un nouveau projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

Pour les harkis, la reconnaissance des souffrances vécues, l'hommage solennel de la nation, le devoir de mémoire, la connaissance objective de leur histoire, la condamnation de toute allégation injurieuse sont les bienvenus et les confortent dans leur dignité, et même dans leur grandeur. Ces rappels doivent être également compris comme un message fort adressé à l'Algérie. Ce n'est qu'ensemble que nous pourrons écrire notre histoire commune, avec ses zones d'ombre et de lumière, mener à bien la réconciliation et nous engager résolument dans la voie du progrès et du développement en profitant de toutes les opportunités qu'offre l'espace euro-méditerranéen. Cela passe évidemment, pour les Français d'origine harkie, par la liberté d'accès à leur terre d'origine.

Les mesures de réparation seront améliorées par le débat parlementaire. Les députés UMP ont souhaité introduire une solution mixte en permettant le cumul de l'allocation de reconnaissance et d'un capital. Nous vous remercions, monsieur le ministre, pour votre esprit de dialogue et votre soutien.

Les sommes retenues pour cette réparation ne répondent peut-être pas tout à fait aux attentes des harkis. Mais ils acceptent cette dernière. Elle sécurise leurs vieux jours, compte de leur âge. Certains, souhaitant tourner définitivement la page de la réparation, parlent même d'un « solde de tout compte ».

À signaler toutefois la situation des femmes de harkis divorcées ou abandonnées et vivant seules. Leur nombre est certes très limité. Mais, d'une façon ou d'une autre, il faudra, monsieur le ministre, trouver une solution pour réparer l'injustice de leur situation. Elles n'ont droit à rien au titre de la réparation.

Par-delà la réparation et la reconnaissance, la préoccupation majeure des harkis est la situation de leurs enfants et petits-enfants, qui sont encore beaucoup trop nombreux à vivre dans la précarité et l'exclusion.

Ceux qui sont nés en Algérie et ont vécu les affres de la fin de la guerre d'Algérie et du rapatriement ressentent un sentiment d'injustice que je comprends et respecte. Toute mesure de réparation qui améliore leur vie quotidienne est la bienvenue. Le texte que nous examinons en prévoit.

Mais, pour eux, l'essentiel, à mon sens, n'est pas la réparation, mais la compensation des handicaps vécus dans leur jeunesse, qui les ont privés d'une formation et d'un accès normal à l'emploi.

Sans aller jusqu'à parler de discrimination positive, difficilement compatible avec notre Constitution, il est important que les pouvoirs publics se mobilisent et prennent des mesures spécifiques d'aide et d'accompagnement en faveur de la formation et de l'accès à l'emploi, leur permettant de rattraper leurs handicaps d'origine.

Dans ce domaine, le projet de loi et les amendements déposés par les députés UMP ouvrent des perspectives. Mais beaucoup reste à faire. Notre vigilance doit être totale et nous ne devons pas décevoir. Nous comptons sur la détermination du Gouvernement, d'autant que, dans ce domaine, nombre de mesures relèvent du domaine réglementaire.

Dans la société d'aujourd'hui, la réussite de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes d'origine harkie doit avoir valeur d'exemple. Ils pourront ainsi conserver ou retrouver la fierté des choix de vie et des sacrifices de leurs parents. Tous les jeunes Français, quelle que soit leur origine, pourront écrire ensemble une nouvelle page de l'histoire de France, une France riche de ses diversités, fidèle à ses idéaux républicains et forte de sa cohésion sociale. Dans cette perspective, le projet de loi - que le groupe UMP votera - et nos débats sont importants. Mais ils ne sont qu'une étape car notre attention pour les jeunes d'origine harkie ne doit pas retomber. Nous comptons sur l'engagement et la détermination du Gouvernement. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Giran.

M. Jean-Pierre Giran. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le drame des harkis est survenu il y a plus de quarante ans. Il est donc temps de leur rendre un hommage solennel et de satisfaire aux obligations de la nation. C'est l'honneur du Gouvernement, c'est votre mérite, monsieur le ministre, d'accomplir ce devoir et de compléter les mesures qui ont été prises il y a déjà dix ans dans le cadre de la loi Romani.

Mais, bien que nécessaires et vertueuses, ces mesures sont bien tardives. Beaucoup de harkis ont disparu, et beaucoup de ceux qui sont encore en vie ont su prendre spontanément leur place dans la communauté nationale et y jouer pleinement leur rôle.

Nous adhérons aux principales propositions de votre texte, monsieur le ministre, notamment le devoir de mémoire, l'hommage rendu à l'œuvre de la France outre-mer ainsi que les choix offerts en matière d'allocation de reconnaissance et/ou de versement d'un capital. Aussi ferai-je porter mon intervention essentiellement sur les harkis des deuxième et troisième générations.

Je les rencontre dans le département du Var. Ils sont nés ou ont grandi dans des camps et n'ont pu suivre une scolarité normale. Ils ont vu leurs parents souffrir, connaître le chômage et les humiliations. Aujourd'hui, malgré leur volonté, je dirais même leur bonne volonté, ils continuent de subir de plein fouet cette propension à l'exclusion qui frappe ceux qui, par leur patronyme, leur origine ou leur religion, manifestent une différence.

S'il est un groupe qui a été desservi dans l'histoire de notre pays, c'est bien celui des harkis et, si la discrimination positive devait s'appliquer à une communauté, c'est bien à celle des harkis des deuxième et troisième générations. Si elle apparaît souhaitable à certains pour les Français issus de l'immigration, comment ne le serait-elle pas pour les fils de harkis dont les parents ont versé leur sang pour la France ?

Il ne suffit pas de dire que les discriminations dont ils ont été l'objet doivent cesser. Il faut, dès maintenant, les compenser. C'est un droit pour eux et un devoir pour nous.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je suis heureux que les aides au logement prévues pour les harkis soient étendues aux nouvelles générations. J'avais également demandé, comme mon collègue, Jean-Marc Roubaud, qu'ils puissent obtenir, de façon organisée et privilégiée, des emplois dans le secteur public et les collectivités territoriales. Il m'a été répondu que d'autres drames ont eu lieu sur notre sol et qu'il ne fallait pas prendre le risque de créer un précédent pouvant faire jurisprudence. Si je respecte les drames intimes subis par d'autres Français, force est de reconnaître que, dans la durée, dans l'intensité comme dans la responsabilité de l'État, celui des harkis n'a pas d'équivalent contemporain.

Si on veut intégrer ceux qui le méritent et ceux qui le souhaitent, il faut oser encore davantage. Comment douter, par ailleurs, que ce qui compte le plus désormais pour les harkis de la première génération, davantage encore que leur situation personnelle, c'est celle de leurs enfants et de leurs petits-enfants ?

M. François Liberti. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Giran. Or, monsieur le ministre, l'emploi et la formation ne sont pas présents dans ce projet de loi. On nous dit qu'ils ne relèvent pas du domaine de la loi. Nous en prenons acte. Mais il faut alors que les amendements que nous avons déposés en commission et qui ont été rejetés ne restent pas lettre morte et soient repris au niveau réglementaire. Il faut, par exemple, que de nouvelles circulaires renforcent celle de juillet 2003 afin que les préfets et les services publics de l'emploi proposent davantage que des actions de promotion. En d'autres termes, l'État comme les collectivités locales doivent faire preuve en la matière d'un volontarisme républicain digne de l'attente légitime des jeunes harkis.

Nous avons noté, monsieur le ministre, votre engagement solennel en la matière et nous nous en félicitons. Cela permettra d'éviter les dérives politiciennes qui président trop souvent à certaines embauches locales, dérives qui, justement, portent atteinte à la dignité des fils de harkis.

Monsieur le ministre, vous avez fait l'essentiel du chemin, dans un contexte financier très difficile. Nous vous en remercions. Je suis convaincu que cette loi et les textes réglementaires qui devront obligatoirement la compléter nous permettront enfin de toucher au but. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Spagnou.

M. Daniel Spagnou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en décembre 2003 était organisé pour la première fois un grand débat sur la situation des rapatriés, faisant suite aux engagements forts du Président de la République, du Premier ministre et du Gouvernement. Il débouche aujourd'hui sur la présentation en première lecture d'un projet de loi qui érige en priorités le devoir de mémoire et la solidarité envers les rapatriés.

Je m'en réjouis d'autant plus qu'une fois encore, c'est à l'initiative d'un gouvernement de la droite républicaine qu'est affirmée dans les actes la reconnaissance de la nation envers nos compatriotes harkis et pieds-noirs qui ont payé un lourd tribut lors du conflit qui a déchiré notre pays il y a plus de quarante ans.

Les massacres perpétrés, en violation des accords d'Évian, et le déracinement de dizaines de milliers de Français ont injecté à jamais leur venin et causé un traumatisme et des souffrances toujours présents, dont il nous incombe, aujourd'hui encore, de panser les plaies.

Depuis la période de l'élaboration du rapport de Michel Diefenbacher, j'ai eu l'honneur et le plaisir de participer à de nombreuses réunions de travail, qui débouchent aujourd'hui sur un texte équilibré.

« La critique est aisée, et l'art est difficile », dit-on. Je voudrais souligner le concours précieux du président de la mission interministérielle aux rapatriés, qui s'est déplacé sur le terrain, et vous remercier chaleureusement, monsieur le ministre, d'avoir organisé cette grande consultation, riche en débats remarquables et constructifs.

À ma connaissance, c'est la première fois qu'un projet de loi fait l'objet d'une telle concertation et qu'un recueil aussi précis et complet des besoins des rapatriés est réalisé. Beaucoup de harkis de mon département sont d'ailleurs venus assister à nos débats.

J'ai moi-même pu réaliser un travail extrêmement dense sur le terrain, qui m'a permis, avec Christian Kert, de nourrir ce débat en déposant plusieurs amendements.

Si le projet de loi dont nous commençons l'examen apporte une réponse forte à l'ensemble des rapatriés en matière de réparation matérielle, de mémoire et de reconnaissance, s'il comporte des avancées considérables permettant d'améliorer les conditions de vie des 20 000 familles de harkis - augmentation de l'allocation de solidarité et prorogation des aides spécifiques aux logements -, j'ai souhaité, par mes amendements, faire évoluer ce texte pour qu'il prenne mieux en considération les légitimes revendications formulées par les rapatriés.

C'est ainsi que j'ai demandé que l'on associe les populations civiles victimes des massacres à l'hommage des combattants morts pour la France en Afrique du Nord.

C'est encore la raison pour laquelle je demande que les 11 200 survivants de cette tragédie puissent bénéficier à la fois de l'allocation de reconnaissance et du versement d'un capital, afin de solder une fois pour toutes cette dette de la nation.

Afin de garantir le suivi de cette loi, il convient également de prévoir des modalités des corrections à apporter le cas échéant. Ce suivi ne peut s'envisager sans la mise en place d'outils d'évaluation, dans chaque département, avec l'organisation d'un diagnostic par un chargé de mission sous l'autorité de chaque préfet. Ces études départementales doivent permettre de mieux répondre localement aux besoins des rapatriés.

Enfin, il est nécessaire de créer un institut ad hoc pour assurer le devoir de mémoire, tant dans le contenu et le développement de l'enseignement de l'histoire des rapatriés au sein de l'éducation nationale que pour l'ouverture des archives et la vigilance face à toutes les formes de discrimination.

Lors de nos dernières rencontres, j'ai abordé avec vous, monsieur le ministre, ces différents points auxquels vous avez réservé une écoute attentive, et je sais pouvoir compter sur vous pour en retenir l'essentiel dans le texte qui sera voté.

Même si le projet de loi, tel qu'il nous est présenté aujourd'hui, n'est pas aussi ambitieux que je l'aurais souhaité étant donné les difficultés budgétaires auxquelles nous faisons face avec courage, je fais partie de ceux qui considèrent que cette loi est une grande avancée.

En hommes et femmes responsables et citoyens, les rapatriés, à l'image de l'ensemble de nos compatriotes, trouveront dans ce texte des motifs de satisfaction indiscutables.

Oui, ce texte doit être amélioré, afin d'obtenir un consensus encore plus large.

« La vaine gloire a des fleurs mais n'a point de fruits. » Voilà un proverbe qui peut parfois traduire le sentiment de bon nombre de rapatriés. Nous avons le devoir, monsieur le ministre, de leur permettre, par cette loi, de goûter enfin aux saveurs de la seule raison qui vaille, celle de la dignité.

C'est ce à quoi je me suis engagé en apportant à ce débat toute mon énergie et mes convictions pour une France fière, réconciliée avec son passé et forte pour construire son avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Vanneste, pour le groupe UMP.

M. Christian Vanneste. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France a toujours oscillé entre la valorisation excessive de certains faits historiques et le silence honteux sur certains autres. Le mérite de ce texte est d'éviter ces deux écueils, en exprimant la reconnaissance de la nation envers ceux qui ont construit, fait vivre et défendu ce que l'on appelait l'Empire.

Cette reconnaissance est aussi celle d'une dette à l'égard de ceux dont la vie a été brisée, lorsque la France s'est retirée au mépris des engagements pris et sans que les moyens d'accueil et de réparation aient été mis en œuvre.

Le Président de la République s'est exprimé très clairement à ce sujet, le 25 septembre 2001, en déclarant, à l'occasion de la première journée consacrée aux harkis : « Notre premier devoir, c'est la vérité. »

Cette dette est d'abord morale. À ce titre, elle ne sera jamais honorée. L'absolu ne se règle pas en petite monnaie. Il faut penser à ceux qui traversèrent la Méditerranée deux fois en vingt ans, la première fois pour libérer la France et la seconde pour quitter définitivement ce pays qu'ils pensaient aussi être la France.

Cependant, sur le plan moral, il ne doit pas y avoir que des symboles ou des monuments. Il faut aussi le respect des hommes et celui de la mémoire. À cet égard, je soulignerai trois demandes.

D'abord, il faut que les programmes scolaires, universitaires, prennent en compte l'œuvre accomplie par la France outre-mer et les sacrifices consentis par plusieurs générations de soldats issus de l'outre-mer.

M. Francis Vercamer. Très bien !

M. Christian Vanneste. Il est nécessaire en particulier que l'histoire des supplétifs, qui se sont battus pour la France jusqu'en 1962, soit traitée avec la reconnaissance qu'elle mérite, afin que le sens du mot harki et les épreuves qu'ont enduré ceux qui le désignent soient connus de tous les jeunes Français.

Michel Diefenbacher, dans le rapport qu'il a rédigé à la demande du Premier ministre, avait souhaité que la nation accorde à l'épopée de la France d'outre-mer la place qui lui revient dans l'histoire de notre pays. Je souhaite qu'il soit entendu.

Ensuite, il convient, bien sûr, que toute injure à l'égard d'un harki soit clairement interdite sur notre territoire.

Enfin, tous les rapatriés doivent pouvoir se rendre en toute liberté et sécurité dans le pays dont ils sont originaires. Les relations entre la France et l'Algérie ont connu une grande amélioration. Chacun se souvient de l'image des secouristes français présents sur les lieux des catastrophes naturelles qui se sont produites en Algérie. Chacun se souvient aussi de la présence des pompiers algériens lors des grands incendies de l'année dernière dans le Var et les Alpes-maritimes. Les rapports nouveaux qui se tissent entre la France et l'Algérie doivent permettre sereinement à chacun de nos deux pays de respecter et de faire respecter la dignité de leurs ressortissants.

Au-delà de la dette morale, du droit à la reconnaissance, il y a aussi le droit à la réparation. L'expression de discrimination positive est aujourd'hui comprise de tous. Elle est une traduction de l'équité, c'est-à-dire de cette conception de la justice qui veut que l'égalité est parfois très injuste lorsqu'elle traite de la même manière celui qui n'a pas souffert et n'a connu aucun handicap et celui dont la vie en a été tissée. Lorsque des hommes et des femmes, des familles entières avaient fait confiance à la France et l'avaient servie et n'ont été cependant sauvés du massacre que pour être placés dans une situation manifeste d'exclusion, loin du travail et de la ville, loin de l'éducation aussi, une profonde injustice s'est creusée, qui doit être réparée. Le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui constitue une avancée décisive dans cette direction.

Je voudrais faire une remarque et quelques propositions à ce sujet.

D'abord, comme le soulignait tout à l'heure Patrick Delnatte, j'observe que seuls des gouvernements appartenant à la sensibilité de la majorité actuelle ont répondu jusqu'à présent à cette attente,...

M. Michel Françaix. N'importe quoi !

M. Kléber Mesquida. Vous êtes amnésique !

M. Christian Vanneste. ...en 1974, en 1987, puis en 1994 avec la loi Romani en ce qui concerne les harkis. Et vous ne prouverez pas le contraire.

Ensuite, je veux appeler votre attention sur la situation des femmes des supplétifs, qui, après avoir rejoint la France, ont été séparées de leurs époux. Elles ont connu le même destin mais n'ont droit à aucune indemnité. Il faudrait, là encore, réparer cette injustice.

M. Kléber Mesquida. Vous avez l'occasion de le faire !

M. Christian Vanneste. Enfin, en raison même des modalités d'accueil des supplétifs musulmans, l'insertion économique des enfants des rapatriés a posé des problèmes particulièrement aigus. Le Président de la République avait souligné ce point en 2002. Notre collègue Michel Diefenbacher avait formulé une proposition à cet égard en demandant que les familles de harkis puissent bénéficier d'un accompagnement renforcé et de mesures de discrimination positive en matière d'emplois aussi longtemps que le taux de chômage dans leur communauté resterait anormalement élevé. Je souhaiterais, comme mon ami Francis Vercamer, que cette proposition soit mise en œuvre.

Il me reste, monsieur le ministre, à vous remercier pour l'ensemble de ce texte, et en particulier pour les dispositions qui permettent aux harkis qui, victimes de la tourmente, n'avaient pas immédiatement opté pour la nationalité française, de voir reconnus leurs droits. Le Bachaga Boualem, qui fut vice-président de cette assemblée, avait écrit : « Dans mon pays, la France, nous étions des sujets. Nous voulions être des citoyens. » Que ce texte puisse contribuer à accomplir cette volonté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Gallez.

Mme Cécile Gallez. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous dire toute l'émotion que j'éprouve à l'heure de débattre dans cet hémicycle sur le projet de loi consacré à nos compatriotes rapatriés venant des anciens départements d'Afrique du Nord et des territoires placés autrefois sous souveraineté française, qu'ils soient issus eux-mêmes de ces territoires ou qu'ils soient français d'origine et partis s'installer là-bas.

Je ne suis pas pied-noir, je ne suis pas d'origine algérienne et je n'ai pas d'histoire personnelle avec l'Algérie ou avec d'autres pays d'outre-mer, mais je me sens particulièrement concernée, en tant qu'élue du Nord et en tant que Française, par un texte qui va permettre à la nation d'exprimer toute sa reconnaissance aux hommes et aux femmes qui ont participé à l'œuvre accomplie par la France dans ces territoires.

Hommage et reconnaissance pour ce qu'ont fait tous nos pionniers, nos colons sur les terres d'Asie ou d'Afrique et dont nous pouvons être fiers car ils ont participé au développement économique de ces territoires, alphabétisé, soigné, apporté des valeurs de démocratie qu'ils ont laissées en héritage.

Hommage et reconnaissance à tous ces soldats musulmans qui, souvent héritiers d'une longue tradition militaire au service de la France, ont donné leur vie pour elle.

Hommage et reconnaissance pour les souffrances et les sacrifices supportés par les Français d'Algérie, les supplétifs, les nombreuses victimes civiles et militaires des guerres d'indépendance et des massacres qui ont suivi.

Hommage et reconnaissance à tous les rapatriés pour les difficultés économiques et morales liées à un déracinement d'autant plus dur à vivre qu'il n'était pas reconnu.

Cet hommage et cette reconnaissance, nous les exprimons officiellement par ce texte, en particulier dans son article 1er, surtout si l'amendement de la commission des affaires sociales est adopté par l'Assemblée. Mais cela ne suffit pas, car la France a un devoir de mémoire et de vérité, tout particulièrement envers les jeunes générations, vérité sans laquelle il ne peut y avoir de véritable réconciliation nationale.

Aussi est-il nécessaire que les manuels scolaires accordent toute sa place à l'histoire de la France d'outre-mer, une histoire non pas tronquée et défigurée, mais complète et impartiale. Je me réjouis, par ailleurs, qu'une fondation soit créée pour en assurer la vérité.

Cette reconnaissance, nous nous devons également de l'exprimer par des mesures de solidarité vis-à-vis des rapatriés et de leurs enfants. Comme nous les examinerons au cours de ce débat, je ne les reprendrai pas ici une par une. Toutefois, permettez-moi d'insister afin que, malgré le contexte financier difficile que nous connaissons actuellement, nous fassions le maximum pour faciliter l'insertion économique et sociale des enfants et petits-enfants de ces Français rapatriés, car, s'il nous faut assumer notre passé, il faut construire notre avenir. Et ils sont aussi l'avenir de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Fenech, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.

M. Georges Fenech. Monsieur le ministre, vous avez proposé de faire œuvre de justice, et nous sommes bien entendu tous d'accord pour y participer. Vous nous avez recommandé de ne pas nous substituer aux historiens, ce dont nous sommes convaincus car tel n'est pas notre rôle.

Nous vous avons également entendu lorsque vous avez dit que le Gouvernement était ouvert à la discussion. Depuis ce matin, elle est déjà riche. Et je ne doute pas qu'elle le sera aussi cet après-midi lorsque nous examinerons les articles.

Notre éminent rapporteur, Christian Kert, a parlé d'esprit de révolte républicaine. Nous sommes tous d'accord, au sein de notre groupe, lorsqu'il dit que le temps de la définition des responsabilités n'est pas venu et que ce rôle incombera à la Fondation pour la mémoire.

Néanmoins, en cet instant, je me sens partagé entre deux sentiments. D'une part, celui d'une très grande satisfaction de participer avec notre majorité, à vos côtés, monsieur le ministre, à un effort sans précédent de la nation tant attendu par la communauté rapatriée, qu'elle soit pied-noire ou harkie, toutes ces victimes de l'oubli de l'histoire, de la rue d'Isly, des disparus, des massacres d'Oran. D'autre part, et je le dis avec conviction et fermeté, celui d'une insatisfaction de ne pas aller jusqu'au bout de l'effort de mémoire, de reconnaissance et de réparation.

Je ne souhaite pas ressentir, à l'issue de nos débats et du vote qui en découlera, une pointe de frustration pour ne pas être allé jusqu'au bout de la vérité. La rédaction de l'article 1er a été sensiblement améliorée en commission, grâce à l'article additionnel, et je m'en félicite puisqu'il vise à reconnaître les mérites de la France d'outre-mer, et je suis convaincu que nous reconnaîtrons cet après-midi les souffrances éprouvées et les sacrifices endurés par les rapatriés, les anciens membres des formations supplétives et assimilées, les disparus, les victimes civiles, militaires des événements liés au processus d'indépendance. C'est un progrès indéniable sur le chemin de la vérité. Toutefois, pouvons-nous nous satisfaire d'une demi-vérité ? Ne devons-nous pas préférer la justice en pleine lumière à une justice qui n'aille pas jusqu'au bout de cet effort de mémoire ?

Le Président de la République nous a montré le chemin en déclarant que, quarante ans après la fin de la guerre d'Algérie, après ces déchirements terribles, notre République devait assumer pleinement son devoir de mémoire et que les massacres commis en 1962, qui laisseront pour toujours l'empreinte irréparable de la barbarie, devaient être reconnus. Et il a ajouté : « La France, en quittant le sol algérien, n'a pas su les empêcher. Elle n'a pas su sauver ses enfants. »

Vous-même, monsieur le ministre, notre gouvernement, le Premier ministre, le ministre de la défense, écrivez dans l'exposé des motifs du projet de loi que vous nous soumettez aujourd'hui : « La France, en quittant le sol algérien, n'a pas su sauver tous ses enfants ni toujours bien accueillir ceux d'entre eux qui ont été rapatriés. Les massacres dont certains ont été les innocentes victimes marquent durablement notre conscience collective. » Libérons, monsieur le ministre, notre conscience collective ! Qui pourrait comprendre que la représentation nationale soit plus frileuse que ne l'ont été le chef de l'État, le Premier ministre et vous-même dans votre exposé des motifs ? Il ne saurait y avoir de discordance entre les motifs avancés et le dispositif présenté.

M. Francis Vercamer. Très bien !

M. Georges Fenech. Aussi, pour que les cris et les souffrances s'estompent peu à peu, pour que la réconciliation nationale soit définitivement scellée, j'aurai l'honneur de proposer cet après-midi que soit reconnu ce qui est une vérité. La question n'est plus aujourd'hui de rechercher les responsabilités : entre la recherche des responsabilités et la reconnaissance d'un fait constant - les massacres, les conditions d'accueil indignes de la communauté harkie sur notre territoire -, il est un point d'équilibre que nous pouvons trouver en reconnaissant ces faits par la loi, comme l'ont déjà fait le Président de la République et le Gouvernement. C'est dans cet esprit, monsieur le ministre, que je défendrai mes amendements cet après-midi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué aux anciens combattants.

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, les interventions que j'ai entendues ce matin ont toutes un dénominateur commun : l'attention forte et sincère que vous portez aux rapatriés de toutes origines. Je suis sûr que ces hommes et ces femmes qui ont tant souffert seront sensibles à vos propos.

Je renouvelle mes sincères remerciements à votre rapporteur, Christian Kert, pour sa remarquable contribution à l'amélioration de notre projet.

Je remercie M. Diefenbacher et les députés du groupe UMP, non seulement pour leur soutien, mais aussi pour leur détermination à enrichir ce projet de loi afin de mieux répondre aux attentes des rapatriés et des harkis. A l'arrivée, ce texte leur devra beaucoup.

Je veux aussi remercier M. Vercamer et le groupe UDF de leur appui ; nous voilà engagés dans une démarche commune, qui, elle aussi, contribuera à améliorer nombre de propositions.

MM. Bapt, Bascou et Liberti ont fait part de leurs réserves. J'entends rester très attentif à ce qui, nonobstant les sensibilités politiques, se dit au sein de cette assemblée. Je sais qu'eux-mêmes mesurent l'importance des avancées proposées. Qu'ils me permettent de faire remarquer, sans esprit polémique excessif car tout un chacun peut faire la même constatation, qu'elles constituent un substantiel progrès par comparaison avec le bilan de la précédente législature.

M. Christian Vanneste. Tout à fait !

M. le ministre délégué aux anciens combattants. D'emblée, mesdames et messieurs les députés, je veux vous dire que le Gouvernement a entendu la représentation nationale.

Je suis ouvert à la discussion. J'ai donc la conviction qu'ensemble, nous allons pouvoir grandement renforcer ce projet de loi. En effet, la plupart des amendements de votre rapporteur pourront être retenus.

M. Christian Vanneste. Très bien !

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Conscient des contraintes que vous pose l'article 40 de la Constitution, le Gouvernement en a repris plusieurs à son compte. Les autres, même s'ils ne peuvent être acceptés, et j'y reviendrai, n'en méritent pas moins considération.

Auparavant, mesdames et messieurs les députés, je vais m'efforcer de répondre à chacune de vos interventions.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué de très nombreux sujets. Nous aurons l'occasion de revenir sur plusieurs d'entre eux au moment de la discussion des amendements. Mais, d'ores et déjà, j'entends vous répondre sur les difficultés liées au fonctionnement de la Commission nationale d'aide aux rapatriés réinstallés.

Les rapatriés sont au centre de ce dispositif depuis sa création en 1999. Ils participent à la CNAIR. Ils sont mandataires et ont la responsabilité de négocier les plans d'apurement avec les créanciers.

De 1999 à 2002, moins de 900 dossiers ont été examinés en éligibilité. Une dizaine seulement ont été définitivement réglés en 2001.

Sitôt constitué, ce gouvernement a pris plusieurs mesures qui ont permis de rattraper une grande partie de ce retard. Actuellement, sur les 3 145 demandes déposées, 2 300 ont été étudiées ; c'est vous dire la vitesse à laquelle nous avons travaillé sur cette affaire qui jusque-là, disons-le, était restée en jachère. Sur ce total, 607 dossiers ont été reconnus éligibles et 88 dossiers sont définitivement réglés.

Une récente mission de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'administration a conclu en faveur d'un maintien du dispositif actuel, déjà largement engagé.

Aujourd'hui, l'enjeu porte sur l'élaboration, dans des délais rapides, des 800 plans d'apurement dont la responsabilité incombe en premier lieu aux rapatriés et à leurs mandataires.

L'administration fera naturellement en sorte de mettre en place sur le terrain tous les moyens pour faciliter leur tâche. Le montant moyen de l'aide de l'État pour les dossiers examinés est actuellement de 80 000 euros. Le coût global du dispositif devrait avoisiner les 76 millions d'euros.

Nous avons donc, ainsi que vous le voyez, engagé un effort considérable pour désendetter les rapatriés qui n'avaient pas pu pleinement bénéficier des nombreux dispositifs antérieurs.

Ce projet de loi - je m'adresse à M. le rapporteur, mais également à M. Liberti - n'est effectivement pas, chacun l'aura compris, une quatrième loi d'indemnisation. Mais la France n'a pas à rougir dans ce domaine. Elle a su se montrer solidaire : notre pays n'a-t-il consacré plus de 14 milliards d'euros au règlement des différentes lois d'indemnisation ? La seule loi du 16 juillet 1987 aura bénéficié à plus de 440 000 rapatriés, pour un montant total versé de plus de 4 milliards d'euros. Elle avait été présentée à l'époque comme la dernière pierre de l'édifice - je me plais à le rappeler - d'une indemnisation réalisant l'équilibre entre une juste compensation et un juste effort.

Il s'agit aujourd'hui de corriger les imperfections découlant de la mise en œuvre de la superposition des différentes lois. J'ai bien entendu vos observations sur la nécessité de poursuivre les réflexions sur l'indemnisation, en liaison, si possible, avec l'État algérien.

Pour ce qui est de la situation des médecins rapatriés, je vous précise qu'un accord est intervenu entre les pouvoirs publics et la direction de la sécurité sociale afin de permettre à ces médecins de racheter les cotisations de retraite correspondant à leurs années d'exercice en Algérie - et ce dans les conditions qu'eux-mêmes réclamaient. En revanche, sauf à créer des inégalités entre médecins, ce que personne n'accepterait, il ne paraît pas possible d'autoriser le rachat des années 1962-1972 aux seuls médecins rapatriés qui résidaient à cette époque sur le territoire métropolitain, dans la mesure où cette faculté de rachat leur était ouverte - et a été utilisée par bon nombre d'entre eux.

Monsieur Diefenbacher, vous nous avez fait part de votre point de vue sur la question de la reconnaissance des responsabilités, du côté notamment de l'État français, dans les tragédies vécues par les harkis et les rapatriés en Algérie après le 19 mars 1962. C'est un sujet d'autant plus complexe et difficile à traiter qu'il soulève toujours les passions des deux côtés de la Méditerranée.

La vérité, même si elle demande du temps, doit être notre seul objectif pour renforcer la République et la démocratie. Ce travail de vérité qui se poursuit doit également s'exercer, bien entendu, sur les événements dramatiques qui, en Algérie, ont suivi les accords d'Évian.

La guerre d'Algérie fut, comme toute guerre engageant les populations civiles, le théâtre de haines et d'atrocités. De nombreuses familles de rapatriés et de harkis de toutes origines n'ont jamais pu faire le deuil de leurs proches en raison des circonstances et de l'absence d'explications.

M. Bapt a sur cette question demandé la création d'une commission d'enquête. Ma préférence, n'y voyez là aucun esprit partisan, va à la proposition de M. Vercamer : la création d'une fondation. Là est la vraie réponse : on ne bâtit pas l'avenir sur la suspicion et la méfiance, mais sur la reconnaissance et le réel travail historique.

Je répondrai plus précisément à M. Vanneste et à Mme Gallez au moment de l'examen des amendements. Les rapatriés et les harkis, je le sais depuis longtemps, se sont légitimement émus de la manière dont sont traitées la présence française outre-mer et la guerre d'Algérie dans les manuels scolaires.

M. Jean Leonetti. Très juste !

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Sachez toutefois que cette question évolue dans le bon sens. Un groupe de travail a été constitué avec la Mission interministérielle aux rapatriés, le Haut conseil des rapatriés et l'Inspection générale de l'éducation nationale. Un colloque sur ce thème est d'ailleurs envisagé l'année prochaine ; il devrait rassembler les enseignants et les rapatriés de toutes origines, mais aussi les éditeurs et les historiens, qui, dans ce domaine, ont un rôle majeur à jouer. Nous préférons, vous le voyez, le pragmatisme aux effets d'annonce.

Ce travail est essentiel : il y va de l'image que nous saurons donner aux générations futures de cette période importante de notre histoire contemporaine.

M. Lecou a aussi longuement évoqué la question des manuels scolaires. Je n'y reviens pas.

En ce qui concerne la politique de mémoire, je veux vous dire qu'il s'agit d'une préoccupation sans cesse croissante. Vous me donnez l'occasion de dire que les commémorations du soixantième anniversaire du débarquement de 1944 nous permettent de rappeler le rôle historique majeur des Français d'Afrique du nord dans la libération de l'espace européen. Je l'ai souligné, le 11 mai dernier à Rome, en honorant les combattants de la campagne d'Italie. Nous le ferons, avec une solennité particulière, le 15 août prochain, en célébrant le débarquement de Provence.

Les Français d'Afrique du Nord, d'origine européenne ou musulmane, se sont magnifiquement illustrés. Nous le rappellerons avec force, monsieur Lecou, soyez-en assuré.

Monsieur Soisson, je vous ai écouté avec beaucoup d'émotion. Je salue votre fidélité à une cause qui vous tient manifestement à cœur, ce qui vous honore, et je vous remercie de votre soutien.

Votre décision atteste que ce texte, qui va au-delà des engagements écrits et vérifiables du Président de la République, constitue une avancée réelle pour les rapatriés.

Nous pensons, comme vous, et comme M. Kert, que l'effort que nous devons consentir en faveur de la deuxième génération ne doit pas être fondé sur une discrimination qui stigmatise, mais sur une politique d'accompagnement volontariste qui renforce la citoyenneté. Tel est notre objectif.

S'agissant des cimetières français au Maroc et en Tunisie, je vous indique, monsieur Vercamer, que l'État consent annuellement un effort budgétaire significatif, par l'intermédiaire des consulats généraux. Je peux vous assurer qu'il sera poursuivi, en liaison avec les autorités locales.

Messieurs Luca, Vercamer et Fenech, vous m'avez interrogé sur le projet de créer une fondation pour les harkis.

Le Gouvernement n'est pas défavorable, bien au contraire, à une telle initiative. Je puis vous indiquer que la réflexion est déjà engagée sur ce sujet au sein du Haut conseil des rapatriés.

Toutefois, cette initiative doit être analysée conjointement avec celle qui tend à la création d'une fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, annoncée le 5 décembre dernier par le Premier ministre.

Afin que cette période douloureuse de notre histoire contemporaine reçoive l'éclairage de la recherche historique dans un contexte impartial et apaisé, nous allons mettre en place une mission de préfiguration. Nous en reparlerons au moment de l'examen des amendements.

M. Luca a aussi évoqué la situation des harkis et des veuves d'origine européenne. La volonté du législateur a été, en 1987 et 1994, de témoigner la reconnaissance de la nation à l'égard de ceux qui ont choisi de lier leur destin à la France. Ils ont dû quitter leur terre natale et ont éprouvé des difficultés très spécifiques d'insertion lors de leur accueil en métropole.

Les harkis de souche européenne n'ont pas connu les mêmes difficultés d'intégration sociale et d'insertion professionnelle. Je le dis très franchement.

Toutefois, monsieur Luca, nous resterons attentifs à la situation de ces anciens combattants rapatriés et de ces veuves, qui méritent tout notre respect et notre reconnaissance.

Messieurs Vanneste, Delnatte et Kert, vous avez soulevé, avec humanité et sensibilité, la question de la situation des femmes divorcées d'anciens supplétifs.

En l'état actuel de la législation, les intéressées conservent, après la rupture de leurs liens matrimoniaux, une partie des droits que leur conférait la vie commune. Ainsi, l'allocation de reconnaissance et l'aide au conjoint survivant sont délivrées aux épouses divorcées ou séparées non remariées au décès de leurs ex-conjoints supplétifs.

De plus, j'ai demandé que soit appliqué le code des pensions civiles et militaires, plus favorable que celui des pensions militaires d'invalidité précédemment appliqué, aux épouses divorcées non remariées.

Enfin, les femmes divorcées peuvent bénéficier de secours exceptionnels lorsqu'elles sont en difficulté.

Vous êtes nombreux à avoir fait part de l'importance, légitime, que vous accordez aux deuxième et troisième générations, notamment en matière d'emploi et de formation professionnelle. Monsieur Delnatte, nous en avons parlé ensemble à plusieurs reprises, et j'espère avoir exprimé clairement la mobilisation du Gouvernement dans mon discours liminaire.

Ma détermination est complète, mesdames et messieurs les députés. Les premiers résultats sont positifs et nous allons poursuivre nos efforts en matière d'emploi.

Je souhaite répondre à M. Giran sur la création d'emplois réservés.

Si le Gouvernement porte une attention particulière aux problèmes de l'emploi, il a souhaité privilégier une démarche qui passe par une responsabilisation de chacun.

Bien entendu, nous connaissons leur désir d'intégrer le secteur public, comme beaucoup de Français. Pour répondre à cette attente, les grands services publics ont été sensibilisés et certaines préparations aux concours sont ouvertes.

Je peux vous assurer, monsieur Giran, que nous agirons aussi en direction des collectivités locales, dont beaucoup s'engagent déjà sur l'emploi et le logement. C'est une question de solidarité nationale.

Monsieur Spagnou, je vous remercie d'avoir bien voulu rappeler l'importance de la concertation préalable à ce projet de loi. Je vous confirme que le Gouvernement a été sensible à votre argumentation et à celle de vos collègues du groupe UMP et du groupe UDF concernant la possibilité de cumuler l'allocation de reconnaissance et un certain capital.

S'agissant des moyens de suivre la situation, cela fait partie intégrante de notre détermination. Notre attention aux rapatriés ne s'arrêtera évidemment pas avec ce texte. Quant aux modalités concrètes, il faudra les envisager en concertation.

Plusieurs d'entre vous, et notamment M. Bascou, ont évoqué la situation des rapatriés d'Indochine. Ceux-ci ont bénéficié, lorsqu'ils remplissaient les conditions requises, d'indemnisations au même titre que les autres rapatriés d'outre-mer.

Quant au CAFI de Sainte-Livrade-sur-Lot, cet ensemble immobilier qui avait accueilli à partir de 1956 des rapatriés d'Indochine est propriété de la commune depuis 1981.

En raison de l'insalubrité d'un grand nombre de bâtiments composant cet ensemble, l'État a la volonté d'engager une action importante, susceptible de conduire à une réhabilitation complète de ce quartier, auquel les habitants restent très attachés.

Une réunion a d'ailleurs été organisée par le préfet de Lot- et-Garonne, le 27 mai dernier, pour présenter une solution de règlement aux différentes collectivités locales concernées par ce dossier.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je suis conscient de ne pas avoir répondu à toutes vos interrogations. J'espère cependant avoir évoqué les principales. L'examen des nombreux amendements me permettra, au besoin, de compléter mon propos. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Kléber Mesquida.

M. Kléber Mesquida. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons débattre d'un nouveau projet de loi concernant les rapatriés d'Algérie, du Maroc, de Tunisie et de tous les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française.

Permettez-moi de saluer tous nos compatriotes provenant de ces contrées où ils ont, tout comme leurs ancêtres, contribué à l'œuvre civilisatrice de la France

Je mesure, car je la partage, l'émotion de mes frères et sœurs d'Afrique du Nord, au moment de rouvrir la boîte aux souvenirs et d'évoquer à la fois la terre natale et les conditions dans lesquelles il a fallu la quitter.

Ces moments de notre vie sont gravés à jamais dans nos têtes et dans nos cœurs ; quarante-deux ans après l'arrivée sur le sol de la mère patrie, ils sont souvent inhibés, mais ces moments, ce vécu, cette partie de l'histoire de France constituent une véritable force intérieure où puiser les ressources pour affronter les difficultés du présent, après avoir surmonté les épreuves d'un passé douloureux. Je sais que bon nombre de nos collègues députés - Gérard Bapt l'a rappelé - auraient souhaité participer à ce débat et regrettent qu'il ait lieu en fin de semaine !

Les parlementaires du groupe socialiste m'ont fait l'honneur de me demander de présenter cette motion en leur nom.

Je voudrais tout d'abord, monsieur le ministre, sincèrement vous remercier d'avoir présenté ce nouveau texte devant la représentation nationale ! Si nos conceptions politiques sont divergentes, je crois que, sur cette question des rapatriés, nous pouvons avoir des vues communes.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais vous dire également qu'il n'entre pas dans mes intentions d'être polémique, même si la passion exacerbe quelquefois le propos. Le cœur peut entendre aussi bien qu'il parle. Il commande alors la raison de l'expression.

Il y a quarante-deux ans, l'histoire de France en Afrique du Nord prenait fin, après le rapatriement de nos compatriotes d'Algérie dans des conditions douloureuses.

Mes propos font souvent référence à l'Algérie, parce qu'il s'agissait alors de départements français ; mais je n'oublie pas d'associer implicitement les Français originaires de Tunisie ou du Maroc, eux aussi pleinement concernés par cette loi.

Près d'un million de personnes quittèrent ces départements restés français jusqu'à la proclamation de l'indépendance de l'Algérie en juillet 1962. Ces rapatriés eurent à subir un exode massif et brutal, dans l'impréparation la plus totale.

Étaient-ils des « rapatriés », mot qui désigne des personnes ramenées dans leur pays d'origine par les soins des autorités officielles, ou furent-ils plutôt des « exilés », mot qui renvoie à la situation de ceux qui sont obligés de vivre ailleurs que là où ils ont l'habitude de vivre et où ils aiment vivre ? Ces deux définitions soulignent toute l'importance de la sémantique, notamment lorsque l'on évoquera le problème de l'indemnisation.

Monsieur le ministre, votre projet de loi comporte deux volets : l'un concerne la reconnaissance et l'autre l'indemnisation. Dans l'exposé des motifs, vous soulignez l'importance du rôle de la France et ses apports dans les domaines scientifiques, techniques, administratifs, culturels et linguistiques.

Il est vrai que cette œuvre a été accomplie avec les moyens qu'y a consacrés la France, mais aussi avec le concours des populations autochtones, ces descendants des Phéniciens, des Byzantins, des Arabes, des Berbères, des Turcs, mais également de « Français transportés » de 1851, de pieds-noirs, d'Alsaciens, d'ouvriers parisiens, d'immigrés espagnols, italiens, maltais et bien d'autres, qui formèrent ce creuset de civilisations et de nationalités.

Ce furent des générations de défricheurs, de cultivateurs, d'aménageurs, de bâtisseurs, d'éducateurs.

Au fil du temps, l'abnégation dans la contribution au développement du territoire se renforça lorsque la patrie fut menacée par les guerres.

Dès 1914, dans le premier conflit mondial, sont mobilisés, en quatre ans, 155 000 Européens d'Algérie, dont 22 000 ne reviendront pas ; 173 000 Musulmans, dont 26 000 mourront sur la Marne et dans les tranchées de Verdun. Durant la guerre de 1939-1945, 175 000 Européens et 230 000 Arabes et Berbères participeront aux combats. Le peuple d'Algérie a versé son sang pour défendre sa patrie, la France.

En mai 1945, des émeutes éclatent à Sétif et dans la région : 300 Européens sont tués, la répression fait plusieurs milliers de morts. Ce soulèvement aurait dû être un signal d'alerte car, déjà, des milliers d'innocents de part et d'autre avaient été tués. Le mouvement anti-Français se renforçait.

Plus tard, certains historiens s'interrogeront pour savoir si la guerre d'Algérie a véritablement éclaté le 1er novembre 1954, à une heure quinze du matin, alors que la vague d'attentats faisait les premiers morts de cette Toussaint rouge, ou si cette nouvelle insurrection avait été fomentée au cours des neuf années précédentes.

Je sais qu'une nuit de prélude à cet automne rouge de 1954, dans une ferme reculée près de Staoueli, Claire et Joseph Yvorra furent sauvagement et lâchement attaqués. Ils survécurent, malgré les trente-sept coups de couteau et les douze dents arrachées au rasoir, atrocité qu'avait dû endurer le mari. Leur petit-fils, alors âgé de neuf ans, aujourd'hui parlementaire, a compris ce jour-là que vraiment rien ne serait plus comme avant...

En effet, plus rien n'a été comme avant et, durant les huit années qui suivirent, le peuple d'Algérie s'est trouvé écartelé entre la violente réalité de ce que l'on nommait avec pudeur « les événements d'Algérie » et la confiance qu'accordaient nos compatriotes aux dirigeants de la France d'alors.

Comment pouvaient-ils douter du Président du Conseil Mendès France quand il affirmait en 1954 : « L'Algérie c'est la France. » ?

Comment pouvaient-ils ne pas croire en la personne du général de Gaulle lorsque celui-ci déclamait devant la foule rassemblée en mai 1958 à Alger : « Tous Français, de Dunkerque à Tamanrasset. » ? Il souhaitait peut-être remercier cette foule bigarrée qui, pendant plusieurs jours, s'était entassée dans des camions où se mêlaient banderoles, slogans et youyous, pour aller se rassembler dans la capitale de l'Algérie et faire revenir au pouvoir un homme d'État capable de faire cesser tueries et massacres engendrés par cette guerre. Comment ne pas faire confiance à l'auteur de l'Appel du 18 juin 1940, au chef de la France Libre ? De Gaulle avait redonné confiance à l'armée, aux soldats du contingent, au peuple d'Algérie et de métropole. Personne n'imaginait, après avoir vu couler beaucoup trop de sang, que, quatre ans après cette promesse et cet engagement, l'épilogue se déclinerait dans la douleur, la haine, voire le déshonneur : la France n'avait pas protégé ses enfants.

Monsieur le ministre, j'ai voulu rappeler cet engagement du peuple d'Algérie, qui a contribué pendant plus de cent trente ans à l'épanouissement de ce pays, mais également le dévouement de ce peuple à la mère patrie dans les moments les plus dramatiques de notre histoire, et notamment lors des deux guerres mondiales.

Dans votre exposé, vous avez reconnu l'œuvre positive de nos compatriotes rapatriés et vous avez dit : « Ce sera notamment la vocation du mémorial d'outre-mer. » C'est très bien, mais encore faudrait-il rechercher le consensus avec les associations représentatives pour définir sa ville d'implantation.

Vous souhaitez également la création d'une fondation pour assurer la vérité de l'histoire de ces compatriotes, tout comme la vérité de la guerre. Notre groupe a déposé un article additionnel à ce projet de loi proposant la création de cette fondation pour l'histoire et la mémoire afin qu'elle soit inscrite dans le marbre de la loi. Cette fondation veillera à mener une politique de mémoire ambitieuse pour les rapatriés, les harkis, les forces supplétives, en direction du grand public et, plus particulièrement, de la jeunesse, pour qu'ils connaissent leur histoire.

La reconnaissance de la nation a pris une première forme dans la loi du 18 octobre 1999 - cela a déjà été rappelé à cette tribune - par laquelle la représentation nationale reconnaît la guerre d'Algérie en tant que telle. Cette guerre qui, jusqu'alors, n'avait jamais voulu dire son nom.

1954-1962 : huit années de guerre sanglante, un véritable drame qui a laissé sur des millions de Français des cicatrices ineffaçables.

Au cours de cette guerre, mais aussi après cet épisode douloureux, chacun de nous a réagi selon ses opinions politiques, ses origines sociales, ses engagements philosophiques, ses attaches matérielles ou affectives.

Quarante-deux ans après, sans y mettre de passion, il est indispensable d'avoir une vision objective de l'histoire.

En quatre décennies, le temps a fait son œuvre et il faut regarder en face toutes les vérités, les dire sans rien masquer car elles appartiennent à l'histoire. Il faut les raconter pour mieux connaître les violences, le désarroi, la tristesse, mais aussi les blessures, les douleurs, les conséquences matérielles, morales et financières de cet exode forcé.

Quarante-deux ans après la fin de cette guerre que certains ressentiront comme un abandon et un reniement alors que d'autres la considéreront comme une logique de l'histoire, il est temps que la représentation nationale aborde les vérités historiques et qu'elle reconnaisse les traumatismes, les conséquences, les séquelles et les manquements que ce conflit a provoqués à l'encontre de plusieurs franges de la population française.

Quarante-deux ans après, les Français rapatriés d'Algérie, pieds-noirs ou harkis, sont toujours dans l'attente d'une véritable et totale reconnaissance de la responsabilité de l'État. Ils attendent que la France reconnaisse les préjudices qu'ils ont subis ou qu'elle leur a laissé subir sans garantir leur protection. Il est nécessaire que ces spoliations soient réparées.

Quarante-deux ans après, au-delà d'une disposition législative qui doit définitivement et solennellement reconnaître les responsabilités de la France dans ce tragique et sanglant abandon de la population française, notre pays doit avoir le courage d'accomplir un travail de mémoire et de vérité.

Les accords d'Évian, signés le 18 mars 1962, imposaient un cessez-le-feu. Et pourtant, combien de sang a encore coulé après cette date ! Dans la mesure où il est possible de se référer à ces images terribles, de représenter en images ces atrocités que nous vécues et que nous revoyons encore dans plusieurs revues, j'évoquerai succinctement deux dates, parmi tant d'autres, qui montrent que les accords d'Évian n'ont pas été respectés et que la France a laissé faire.

Dès le 26 mars 1962, une foule de civils manifestait pacifiquement rue d'Isly à Alger, des femmes en talons, des hommes en costume, des jeunes filles en chemisier, avec des sandales... Ils ne partaient pas à la guerre, ils n'allaient pas combattre l'armée ! Et pourtant, l'armée française ouvrait le feu, sans sommation ! La fusillade dura douze interminables minutes et causa plus de soixante morts et 200 blessés.

Le 5 juillet, c'est le drame d'Oran : la foule des quartiers musulmans envahit la ville européenne ; les premiers coups de feu claquent et le massacre commence. Leur origine ne sera jamais déterminée et l'intervention très tardive de l'armée suscitera des soupçons.

II faut aussi évoquer le sort des harkis. Comme l'a rappelé Gérard Bapt, il fut pire que l'abandon. La France a mené une politique d'entrave au sauvetage des harkis. C'est ainsi que, parmi les ordres donnés en ce sens, le télégramme du 16 mai 1962 du ministre des armées, Pierre Mesmer, demandait des sanctions contre les officiers qui avaient désobéi en étant à l'origine du rapatriement des harkis dont l'installation en métropole avait été interdite.

150 000 d'entre eux, désarmés et sans protection, furent arrêtés par l'armée algérienne, condamnés aux travaux forcés, torturés, exécutés. Les historiens estiment à 70 000 le nombre de victimes, souvent tuées dans des conditions horribles. Mais le chiffre est certainement plus élevé.

Quant à ceux qui parvinrent à se faire rapatrier, la France les a parqués dans des camps avec fils de fer barbelés et régime disciplinaire. Pour ces Français, le devoir de réparation s'impose en raison du sang versé. La France doit affronter son passé et permettre, quarante-deux ans après, à de nombreuses familles de victimes de faire leur travail de deuil.

C'est pourquoi j'ai déposé, avec mes collègues du groupe socialiste, une proposition de résolution en application des articles 140 et suivants du règlement de l'assemblée nationale, afin que soit créée une commission d'enquête sur les événements dits « de la fusillade de la rue d'Isly », le 26 mars 1962 et, plus largement, sur les responsabilités dans le massacre de nombreuses victimes civiles, pieds-noires et harkies, tuées, enlevées, exécutées, torturées, après la date officielle du cessez-le-feu. Le Président de la République, Jacques Chirac, a lui-même déclaré que la France n'avait pas su sauver tous ses enfants. Cette commission d'enquête tentera d'établir si la France n'a pas su les sauver, ou si elle ne l'a pas voulu...

Parler de reconnaissance, c'est aussi aborder le souvenir et la commémoration.

Le 19 mars 1962, c'était aussi l'entrée en vigueur du cessez-le-feu en Algérie pour deux millions de soldats du contingent qui s'étaient trouvés engagés dans ce conflit sans vraiment en comprendre les raisons. Cela signifiait pour eux la fin de la lutte armée et des combats, le foyer retrouvé et le retour en métropole, la vie sauve. D'autres jeunes du contingent tués lors d'embuscades ou de combats étaient rentrés bien avant eux, reposant pour l'éternité près du berceau familial.

Dès lors, on comprend que ces jeunes appelés sous les drapeaux entre 1954 et 1962 éprouvent le besoin, chaque 19 mars, de se rendre au monument aux morts pour se recueillir devant les plaques où sont gravés en lettres de sang les noms de leurs camarades fauchés dans leur jeunesse.

Ces survivants reçurent, le 19 mars 1962, l'ordre de ne plus combattre. La guerre au sens militaire était finie. C'est pourquoi le 19 mars est une date de commémoration.

Mais il faut aussi souligner que le cessez-le-feu n'a pas été respecté par les hommes de l'ALN, l'Armée de libération nationale, qui a mis à profit la position statique imposée à notre armée encasernée. L'ALN a eu le champ libre pour enlever, torturer, massacrer, tuer grand nombre de nos compatriotes sans défense, parmi lesquels les harkis que le gouvernement d'alors avait ordonné de désarmer et d'abandonner. On connaît l'effroyable sort de dizaines de milliers de nos compatriotes harkis ou européens. Quel terrible génocide ! Entre le 19 mars et l'indépendance de juillet 1962, il y a eu les massacres de la rue d'Isly, ceux d'Oran et bien d'autres encore. II faut donc comprendre les familles de ces milliers de victimes et de suppliciés qui, pendant plus de cent jours après le cessez-le-feu, ont vu leurs parents, leurs enfants et leurs familles continuer à perdre la vie sans que la France exige le respect de ce cessez-le-feu.

Il faut respecter leurs raisons et trouver, avec l'ensemble des associations représentatives de rapatriés, une date. Pourquoi pas un dimanche dédié au souvenir de tous les civils tués par cette guerre entre novembre 1954 et juillet 1962 ?

Nous pourrions ainsi apaiser les zizanies et les déchirements en nous inspirant des commémorations instaurées après la Deuxième Guerre mondiale et de l'hommage rendu aux victimes de ce conflit le 8 mai, jour de célébration de l'armistice.

Et le dernier dimanche d'avril, on célèbre la journée nationale du souvenir en hommage aux déportés. Pourquoi ne pas s'en inspirer ? Pourquoi ne pas tenter de trouver un consensus qui permette de réunir ceux qui veulent honorer leurs morts, dont les noms sont gravés sur les monuments aux morts, et les civils qui ont tout perdu ? Peut-être y aurait-il alors une espèce de réconciliation.

Monsieur le ministre, la deuxième partie de votre projet de loi porte sur la contribution nationale en faveur des Français rapatriés. Depuis l'arrivée massive de nos compatriotes en provenance d'Afrique du Nord, trois lois d'indemnisation ont été adoptées par le Parlement : celle du 15 juillet 1970, celle du 2 janvier 1978 et celle du 16 juillet 1987. Pour être complet, il faut rappeler les initiatives comme celle contenue dans la loi de finances de 1999, qui avait fixé une rente appelée « rente Jospin » par nos compatriotes harkis qui en sont bénéficiaires.

Aujourd'hui, le projet de loi que nous examinons mentionne en son titre une « contribution nationale en faveur des Français rapatriés ». Parler de contribution et donc de participation à une charge, c'est comprendre que ce projet de loi ne sera pas pour solde de tout compte. Je le regrette. Vous dites pourtant dans l'exposé des motifs que « cette loi vient parachever l'édifice législatif bâti depuis plus de quarante ans pour que soient reconnus et honorés les sacrifices consentis par nos compatriotes rapatriés ».

Dans cet esprit, il nous est apparu que ce texte devait être enrichi par des propositions parlementaires. Certes, ce projet de loi a le mérite d'exister. Il contient des mesures de compensation financière concrètes, et je vous en remercie. Cependant, ainsi que l'ont largement exprimé mes collègues et les associations de rapatriés, si l'on veut refermer définitivement ce dossier sensible, il manque un certain nombre de mesures. Nous pourrions ainsi, par voie d'amendements - qui n'ont pas manqué sur les bancs de cette assemblée -, répondre définitivement à ces attentes. Quarante-deux ans après, il est temps que la représentation nationale prenne la mesure des spoliations dont ont été victimes nos compatriotes et mette en application l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme, qui dispose que « nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété ».

Je voudrais évoquer, parmi des milliers d'exemple, celui d'une famille rentrant en métropole avec ses quatre enfants vivant encore au foyer. Ils ne pouvaient emporter que deux valises par personne. Au moment d'embarquer, le père, un modeste ouvrier maçon, abandonne une valise pour prendre sa caisse à outils et dit à son épouse : « C'est avec ça que l'on pourra manger là-bas. » Là-bas, c'est-à-dire en métropole. Son épouse lui répond : « Ça ne fait rien, il nous reste le plus beau des trésors. Nous sommes riches : nous sommes en vie. »

Quelle dignité ! Quel courage ! Quelle confiance ! Et quelle espérance dans la vie ! Et pourtant, comme des centaines de milliers d'autres rapatriés, ils avaient tout perdu : la maison achetée à crédit, les meubles, mais aussi le caveau familial où reposent les ancêtres. Aujourd'hui, beaucoup d'entre eux ne sont plus en vie, ou ont atteint un âge avancé. Ce n'est que justice de la part de la nation que d'acter la réparation des dépossessions, car l'État, en 1962, n'avait ni protégé ni préservé ces petits propriétaires. Le groupe socialiste a déposé des amendements allant dans ce sens, qui ont été rejetés par la commission au titre de l'article 40. Effectivement, ils engendrent la création d'une charge publique que les parlementaires ne peuvent pas engager. Je souligne cependant que sur le fond, ils n'ont pas fait l'objet d'objection majeure autre que leur incidence budgétaire. Alors, pourquoi le Gouvernement ne reprendrait-il pas à son compte ces amendements, même si, eu égard à leur impact financier, une programmation pluriannuelle serait nécessaire, et d'ailleurs comprise ?

Je ne doute pas qu'alors cette solidarité serait unanimement partagée. Les personnes dépossédées ou ayant subi des préjudices pécuniaires ont attendu longtemps, trop longtemps, hélas. Plus de quatre décennies après, je suis sûr qu'elles patienteraient quelques années de plus, pourvu que cette question de véritable et ultime indemnisation soit reconnue et résolue.

Monsieur le ministre, comment pourrons-nous encore expliquer aux rapatriés et aux harkis qu'il faille attendre une quatrième loi d'indemnisation ?

Pour notre part, nous estimons que ce texte de loi méritait en préalable à l'examen en commission que soient reconnues de manière exhaustive toutes les questions et les attentes qui ne trouvent pas réponse dans la rédaction actuelle.

Lorsque nous avons conduit des auditions au sein de notre groupe de travail nous avons noté que les rapatriés de souche européenne estiment avoir été oubliés par le présent projet, qui ne leur attribue aucune mesure significative d'indemnisation complémentaire,...

M. François Liberti. Absolument !

M. Kléber Mesquida. ...et qui ne règle nullement les différentes questions pendantes, comme les demandes de « réparations humaines, morales et matérielles des situations engendrées par la séparation de territoires anciennement liés à la métropole ».

De leur côté, les familles harkies dénoncent un texte qui « ne répond pas à leurs attentes » puisqu'elles souhaitent entrer dans une logique de réparation et non pas de charité.

C'est pourquoi nous souhaitons préserver la rente viagère « Jospin », considérée comme un droit acquis, tout en la revalorisant. Je vous remercie de l'avoir revalorisée. Cette rente, désormais appelée allocation de reconnaissance, dont le montant est porté à 2 800 euros à compter du 1er janvier 2005, doit être complétée par une indemnité de réparation de 30 000 euros accordée aux anciens supplétifs et assimilés, leurs veuves ou leurs ayants droit bénéficiaires des allocations forfaitaires instituées par les lois des 16 juillet 1987 et 11 juin 1994.

Il en serait de même pour les femmes d'anciens supplétifs ou assimilés divorcées en métropole, de nationalité française, pour qui l'indemnité forfaitaire serait alors de 20 000 euros.

Par mesure d'équité, ces dispositions seraient applicables aux populations civiles de la même tranche d'âge ayant été rapatriées dans le cadre d'un plan général et ayant transité par les camps d'accueil.

Nous proposons aussi d'assouplir les conditions d'ouverture du droit à réparation en instaurant l'allocation forfaitaire annuelle de 1 830 euros au bénéfice des enfants qui sont nés dans les camps d'hébergement temporaires ou qui y ont transité au moins trois ans. Ces enfants ont vécu dans ces structures où la légalité républicaine était régulièrement mise à mal et où les conditions de vie ne permettaient pas de suivre une scolarité normale ni une intégration dans la population. Cette allocation représenterait une reconnaissance nationale pour les perturbations et les handicaps qu'ils ont eu à surmonter.

En ce qui concerne le désendettement, l'article 5 de la loi, introduisant la restitution des sommes allouées et affectées au remboursement de prêt, répond à une attente légitime des rapatriés. Cependant, dans un souci de réparation pour les rapatriés, les montants correspondant aux sommes prélevées au titre des différentes lois d'indemnisation doivent être indexés sur l'inflation. Les sommes en cause ayant été prélevées sur plusieurs décennies, le pouvoir d'achat au moment du prélèvement n'était pas du tout le même qu'aujourd'hui. Cette actualisation est nécessaire et il faut la mettre en œuvre de manière régulière et justifiée. Plus les mesures sont prises tardivement, plus les effets d'érosion monétaire sont sensibles, et plus il est légitime de répondre à une actualisation des niveaux de remboursement.

De même, une aide forfaitaire de l'État pourrait améliorer les négociations entre les rapatriés et leurs créanciers et permettre de régler plus rapidement les problèmes liés aux dettes de réinstallation.

Il faudrait aussi mettre en œuvre les mesures susceptibles d'accélérer les plans d'apurement des dettes des rapatriés réinstallés. À la demande des personnes éligibles au dispositif réglementaire d'aide au désendettement, l'État pourrait être subrogé vis-à-vis des créanciers et engager avec ces derniers la négociation d'un plan d'apurement des dettes. Ce plan comporterait la part du débiteur en fonction de ses capacités contributives.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je viens d'énoncer les propositions du groupe socialiste pour donner toute son ampleur au projet de loi.

C'est pourquoi je considère que ce texte n'est pas achevé. Il comporte des avancées, mais il est encore possible de l'améliorer. Et il vaudrait mieux renvoyer l'ensemble des demandes des associations à une loi de programmation pluriannuelle.

M. Richard Mallié. C'est toujours « y'a qu'à » et « faut qu'on » !

M. Roland Chassain. Pendant cinq ans, ils n'ont rien fait !

M. Kléber Mesquida. Cela n'empêcherait pas d'entamer un travail de mémoire avec la commission d'enquête parlementaire utile à notre réflexion collective. La vérité ne peut que conforter la confiance. Les informations conduisent à une vision plus intelligente des choses.

Nous pourrions enfin répondre aux attentes légitimes de ces milliers de femmes et d'hommes qui ont vécu cette guerre d'Algérie, directement ou indirectement, et qui y ont laissé beaucoup d'eux-mêmes. Ce peuple de rapatriés, et notamment ceux d'Afrique du Nord, considérait la Méditerranée comme la pièce maîtresse, le pivot de leur amour pour leur sol natal d'Afrique du Nord et de la passion républicaine au service de la France.

Je pourrais dire, en plagiant Camus, que ce peuple a grandi dans la mer et que la pauvreté lui a été fastueuse. Puis, il a perdu la mer : tous les luxes lui ont alors paru gris et intolérables. Depuis, ce peuple attend.

Aussi, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose de prendre un peu de temps en renvoyant ce texte en commission afin de le compléter et clore ainsi cette douloureuse attente de reconnaissance et de réparation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Mesdames, messieurs les députés, je voudrais d'abord dire combien je suis sensible à l'émotion avec laquelle M. Mesquida a relaté certaines phases de la guerre d'Algérie, et notamment des phases dramatiques. Cela dit, le Gouvernement ne souhaite pas que la motion de renvoi en commission soit adoptée par votre assemblée, et ce pour trois raisons.

La première est que votre commission et votre rapporteur ont accompli un travail remarquable. Après avoir écouté les uns et les autres, ils ont fait des propositions constructives et concrètes très fortes. Je les en félicite et les en remercie.

La deuxième raison est que ce projet de loi est le fruit d'une longue phase de concertation, qui s'est conclue par un débat d'orientation au sein de votre assemblée en décembre dernier. Grâce à l'excellent travail d'écoute réalisé par la mission interministérielle aux rapatriés et par le Haut conseil aux rapatriés, le dialogue et la confiance ont été restaurés.

Vous avez évoqué, monsieur Mesquida, la plupart des préoccupations des rapatriés et des harkis. Je crois avoir déjà largement répondu, et je le ferai à nouveau à l'occasion de la discussion des amendements. Mais un renvoi en commission aurait pour effet de retarder l'application de mesures dont vous conviendrez avec moi qu'elles sont vraiment attendues par ces personnes souvent fragiles. Il ne faut plus tarder. C'est la troisième raison pour laquelle le Gouvernement souhaite le rejet de cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morange, vice-président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Pierre Morange, vice-président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je ne peux que rejoindre M. le ministre, qui nous a fort justement rappelé que l'examen de ce projet de loi a été précédé d'un remarquable travail parlementaire. Ce texte, déposé le 10 mars 2004, a été l'objet d'un grand nombre d'auditions : près de soixante personnes, morales ou physiques, ont été auditionnées dans le cadre de ce projet de loi absolument essentiel. Et quatre-vingts amendements ont été déposés, qui témoignent eux aussi de la qualité du travail parlementaire accompli en commission par les collègues de tous les groupes. La demande de renvoi en commission n'est donc absolument pas justifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. Avant de donner la parole aux orateurs inscrits dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, j'informe l'Assemblée que, sur le vote de cette motion, je saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Dans ces explications de vote, la parole est à M. Jean Leonetti, pour le groupe UMP.

M. Jean Leonetti. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos de M. Mesquida et j'avoue ne pas avoir trouvé un seul argument qui puisse inciter à retourner en commission. Il a lui-même précisé à la fin de son proposé que ce peuple « attendait ». Cessons de le faire attendre et examinons ce projet de loi ! Après un tel plaidoyer, comment peut-il proposer de prolonger inutilement cette attente ? Je rappellerai que ce gouvernement, depuis 2002, a créé une Mission interministérielle aux rapatriés et un Haut conseil aux rapatriés. Il a chargé M. Diefenbacher de lui remettre un rapport. Cet excellent rapport a été l'occasion de dresser l'état des lieux de la situation. Il a, enfin, organisé un débat riche et ouvert au sein de l'Assemblée nationale qui a permis à chacun de s'exprimer sur la situation. Sans attendre, l'allocation de reconnaissance a été revalorisée. Depuis la loi Romani d'il y a dix ans, aucun gouvernement n'a fait autant envers les rapatriés que celui de M. Raffarin ! Et vous voudriez encore attendre ? Vous voudriez attendre que les derniers soldats de l'honneur, que les harkis disparaissent sans avoir obtenu de reconnaissance financière de leur engagement ? Vous voudriez attendre que l'injustice se pérennise au fur et à mesure des différentes lois d'indemnisation ? Vous voudriez attendre que les exilés ne retrouvent pas leurs droits légitimes de citoyens français. Vous voudriez attendre que l'œuvre accomplie par ces générations successives de pionniers avec lucidité mais aussi avec beaucoup de clairvoyance et de force ne soit pas reconnue par la nation ? Vous voudriez attendre qu'à cette plaie constamment ouverte ne viennent s'ajouter, comme nous l'avons connu dans la précédente mandature, les caricatures, la désinformation et les insultes vis-à-vis de l'armée française, des Français rapatriés et des harkis ? Combien je regrette, monsieur Mesquida, que le gouvernement précédent ne vous ait pas entendu davantage dans une période de grande croissance économique.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

M. Jean Leonetti. Il aurait pu ainsi consentir l'effort nécessaire que vous réclamez aujourd'hui, mais, une fois de plus, de manière différée. Le temps n'est plus à l'attente, mais à la reconnaissance, à la réparation et à l'action.

Les députés UMP souhaitent pouvoir, le 25 septembre, lorsqu'ils seront devant la stèle des harkis de leur monument aux morts ou le 5 décembre, lorsqu'ils commémoreront avec recueillement la fin de la guerre d'Algérie, croiser avec fierté et respect le regard de ceux qui ont tant donné à notre pays.

C'est pourquoi ils demandent le rejet de la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Liberti, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. François Liberti. Je voterai cette motion de renvoi en commission, non pour attendre, comme on vient de l'entendre, mais pour agir. Le débat parlementaire du 2 décembre 2003 avait donné le sentiment qu'il était possible d'aboutir à une grande loi de réparation définitive corrigeant les inégalités et les injustices, y compris celles dues aux précédentes lois d'indemnisation, comme l'attendait le Comité de liaison des associations de rapatriés. Nous sommes loin du compte.

Le contenu de ce texte ne vise pas réellement à réparation et à indemnisation. Pourtant, c'est à cette absence de droit à l'indemnisation ultime qu'il convient de mettre fin sans quoi le devoir de mémoire et de reconnaissance perdra l'essentiel de sa substance.

Enfin - et c'est une chance - le Comité de liaison des associations de rapatriés a fait un travail remarquable, mais les amendements qu'il a inspirés n'ont pas été retenus. Le renvoi en commission permettrait donc de réexaminer ces propositions et de corriger les insuffisances de ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe UDF.

M. Francis Vercamer. M. Mesquida est parvenu à faire passer son émotion. La première partie de son intervention, qui portait sur le drame du rapatriement et de la guerre d'Algérie, m'a moi-même ému, tout comme l'évocation par M. Soisson de son histoire et de celle de l'Algérie. Je tenais à les en remercier.

En revanche, le groupe UDF ne votera pas cette motion de renvoi en commission pour plusieurs raisons.

D'abord, un débat a eu lieu en décembre, même si on peut regretter que, sur un sujet d'une telle importance, une vingtaine de députés seulement soient intervenus à la tribune. Nous aurions pu espérer une plus grande affluence sur un sujet qui marque l'histoire de la France.

De nombreuses propositions de loi ont été déposées sur ce thème, celle de M. Soisson, celle de M. le rapporteur dans le cadre de sa mission, ou la mienne, entre autres. Elles ont donné lieu à de nombreux entretiens et auditions. Nous avons beaucoup débattu pour connaître l'histoire exacte. Chacun a pu faire connaître ses positions. Il n'est donc nul besoin de recommencer une nouvelle fois le débat en commission.

Le rapporteur et le Gouvernement sont ouverts à la négociation. Le débat peut donc tout simplement se dérouler en séance publique. Cela permettra à l'ensemble des députés de s'exprimer, ce qui ne peut être le cas dans les commissions, auxquelles ne prennent part que les membres qui la composent.

Enfin, les rapatriés, qu'ils soient pieds-noirs ou harkis, attendent depuis plus de quarante ans. Prolonger leur attente serait faire injure aux espoirs qu'ils mettent en nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste.

M. Gérard Bapt. Monsieur Vercamer, vous avez déploré que nous n'ayons pas été plus d'une vingtaine à intervenir lors du débat sans vote qui s'est tenu voici quelques mois. Nous sommes aujourd'hui vingt-quatre.

M. Georges Fenech. Et vous, combien êtes vous ?

M. Gérard Bapt. Je le regrette d'autant plus que c'est un vendredi qui a été choisi pour débattre. Ce jour est habituellement réservé à nos travaux dans les circonscriptions ou dans les diverses collectivités. Nous sommes, de plus, à deux jours de l'élection européenne. Certains d'entre nous sont arrivés très tôt ce matin, alors qu'ils avaient dû assister hier soir à des réunions publiques concernant l'élection européenne de dimanche. Cela n'encourageait pas à être présent ! Au-delà de l'opportunité électoraliste, il y a là un certain mépris à fixer un débat de cette importance aujourd'hui !

M. Jean Leonetti. Il vaut mieux le faire un vendredi que pas du tout !

M. Gérard Bapt. Cette motion de renvoi en commission n'a pas pour objet de retarder l'application des mesures positives qui pourront toutes, renvoi ou non, être mises en œuvre au 1er janvier 2005.

M. Jean Leonetti. Cela va les accélérer !

M. Gérard Bapt. Ce débat a été empreint d'une passion contenue et d'une émotion que vient de faire passer notre collègue Mesquida.

Je regrette que M. Leonetti ait cru devoir dénoncer des insultes à l'armée française et aux harkis !

M. Jean Leonetti. Vous n'avez pas de mémoire !

M. Gérard Bapt. Comment a-t-il pu rabaisser ainsi le débat après l'intervention si digne de M. Mesquida ?

Je regrette aussi, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas répondu aux questions précises que nous vous avons posées lors de la discussion générale, notamment en ce qui concerne la Commission nationale d'aide au désendettement des rapatriés réinstallés. Quel est le nombre des dossiers encore en instance ? Combien de dossiers sont-ils traités ? Quels sont ceux auxquels le contrôleur financier a pu s'opposer ? Je souhaite, enfin, que vous nous informiez cet après-midi sur la situation de la CONAIR.

M. Vercamer nous a dit qu'il était hors de question que la commission débatte à nouveau de sujets qu'elle a déjà traités. Dans ce cas, où sont les solutions apportées aujourd'hui à nos compatriotes rapatriés réinstallés et surendettés ?

Nous avons fait des propositions très précises sans conséquences budgétaires pour l'État. Nous savons que les organismes bancaires passent en profits et pertes un certain nombre de dettes qu'ils n'estiment pas nécessaire de récupérer. Or cela pourrait constituer des ressources pour l'État. Pourquoi ne pas se pencher sur ces questions ? On a opposé à nos demandes une longue liste d'amendements déclarés irrecevables, donc non examinés en commission.

Et Quid des ventes à vil prix, des ventes forcées ? Dans toutes les réunions, les associations de rapatriés nous ont demandé d'insister sur ces sujets.

Quid, enfin, des rapatriés d'Indochine ?

Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous présentons, aujourd'hui, une motion de renvoi en commission que nous vous demandons d'adopter.

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix la motion de renvoi en commission de renvoi en commission de M. Jean-Marc Ayrault.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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Mme la présidente. Le scrutin est ouvert.

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Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 42

              Nombre de suffrages exprimés 42

              Majorité absolue .. 22

        Pour l'adoption 4

        Contre 38

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 1499, portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés ;

Rapport, n° 1660, de M. Christian Kert, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Éventuellement, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot