Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2003-2004)

 

Deuxième séance du mardi 22 juin 2004

266e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

M. le président. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à une délégation parlementaire conduite par M. Guellouz, président du groupe d'amitié Tunisie-France de la Chambre des députés de Tunisie. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

Bienvenue à nos amis tunisiens à l'Assemblée nationale !

    2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.

ADHÉSION DE LA TURQUIE À L'UNION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini. Le Conseil européen, composé des chefs d'État et de gouvernement, a pris le 18 juin une décision importante concernant la future Constitution européenne. Il restera maintenant à la ratifier, soit par la voie parlementaire, soit, ce qui serait mieux à nos yeux, par la voie référendaire. Le même jour, l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne a franchi un pas de plus, et c'est sur ce point, monsieur le Premier ministre, que je voudrais vous interroger au nom de la représentation nationale.

Sur cette question, chacun de nous se forge son opinion en conscience - adhésion ou partenariat ? -, mais, au-delà de l'opinion individuelle des représentants de la nation que nous sommes, quelle est la position de la France ?

Ce que nous lisons et entendons nous laisse dans une assez grande perplexité, c'est le moins que l'on puisse dire.

Le Parti socialiste entretient un certain flou, mais l'UMP et l'UDF ont pris une position très claire, refusant l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne au nom de la géographie, de l'histoire, des grandes valeurs politiques, mais aussi de notre conception de la famille ou du statut de la femme par exemple.

Pourtant, si l'on en juge par le communiqué qui a été publié le 18 juin par le Conseil européen, on a l'impression qu'inexorablement la candidature de la Turquie avance chaque mois un peu plus.

M. le président. Monsieur Albertini, pourriez-vous poser votre question, s'il vous plaît ?

M. Pierre Albertini. Quelle que soit l'opinion de nos concitoyens, ce n'est pas ainsi qu'on rendra l'Europe plus démocratique et qu'on luttera contre l'abstention.

Sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, monsieur le Premier ministre, quelle est la position officielle du gouvernement que vous dirigez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, la question de l'adhésion de la Turquie n'a pas fait l'objet, vous le savez, de discussions de fond lors du Conseil européen, qui était essentiellement consacré à la Constitution et qui, sur ce point, s'est conclu avec succès.

Il n'y avait de toute manière aucune raison d'anticiper les échéances, qui sont rappelées dans les conclusions de la dernière réunion du Conseil européen. Il appartiendra à celui-ci de décider en décembre 2004, sur la base d'un rapport et d'une recommandation de la Commission qu'elle devrait présenter à l'automne, si la Turquie satisfait ou non aux critères politiques de Copenhague et si l'on peut en conséquence entamer ou non les négociations d'adhésion.

À ce stade, le Conseil européen a salué les efforts constants et soutenus des autorités turques,...

M. Henri Emmanuelli. Langue de bois !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ...mais il a souligné l'importance de les intensifier afin de garantir que des progrès décisifs soient réalisés dans la mise en œuvre intégrale, en temps voulu, des réformes à tous les niveaux de l'administration et dans l'ensemble du pays. Chacun des termes utilisés ici a son importance, et nous avons contribué à cette rédaction. Nous serons attachés à une mise en œuvre effective des réformes qui traduisent dans la pratique et dans la durée les adaptations constitutionnelles et législatives, et nous attendons de la Commission qu'elle prenne en compte tous ces éléments dans le rapport qu'elle présentera à l'automne, en évaluant le respect des critères non seulement dans les textes de loi mais aussi dans la réalité quotidienne.

M. le président. Merci, madame.

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Je rappelle qu'elle présentera également une étude d'impact de l'adhésion.

En décembre prochain, le Conseil européen ne discutera que de l'éventualité de l'ouverture des négociations et, en tout état de cause, cette adhésion n'est ni pour demain ni pour après-demain. (Applaudissements sur divers bancs.) Notre souci, c'est de préserver et de développer le dialogue avec la Turquie. Il a déjà permis de nombreuses avancées sur les plans politique, économique et démocratique.

IVG

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Muguette Jacquaint. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

Monsieur le ministre, le droit à l'interruption volontaire de grossesse est aujourd'hui menacé. Depuis de nombreux mois, les associations se mobilisent pour dénoncer la non-application de la loi de 2001 : réticences pour accueillir les mineures sans l'autorisation des parents, refus de pratiquer cet acte au-delà de dix semaines de grossesse, délais d'attente de plusieurs semaines pour une première consultation, blocage de l'IVG médicamenteuse, impossibilité de trouver un centre hospitalier ou une clinique privée pour pratiquer cette intervention jugée peu rentable -, obligeant les femmes à se rendre à l'étranger, à condition qu'elles en aient les moyens. Voilà la situation infligée aux femmes aujourd'hui ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le 14 juin, sous la pression du planning familial, de la CADAC, de l'ANCIC, vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, et nous en prenons bonne note, à revaloriser le prix de l'acte et à prendre rapidement des dispositions pour que l'IVG médicamenteuse soit appliquée, mais, s'il n'y a pas d'accès direct à des structures médicales en nombre suffisant et dotées de moyens appropriés, et en l'absence d'une réelle volonté politique de reconnaître l'IVG comme un acte médical à part entière, nous serons fondés à penser que vous cherchez insidieusement à remettre en cause ce droit fondamental, arraché de haute lutte, dont disposent les femmes. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Madame Jacquaint, pouvez-vous poser votre question, s'il vous plaît ?

Mme Muguette Jacquaint. Alors que la période estivale va aggraver les difficultés, allez-vous enfin répondre à ces questions par un engagement précis tant sur les objectifs que sur le calendrier et les moyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Comme vous le savez, madame la députée, la loi du 4 juillet 2001 modifie la loi Veil de 1975 sur deux points : la durée durant laquelle on peut recourir à une interruption volontaire de grossesse passe de dix à douze semaines, et il est désormais possible à un généraliste ou à un médecin gynécologue de pratiquer une IVG médicamenteuse en soins ambulatoires.

Le décret de mai 2002 ayant été annulé, j'en ai signé un le 16 juin dernier. Il sera publié au Journal officiel dans quelques jours.

Pour l'IVG médicamenteuse, un tarif a été proposé. La Caisse nationale d'assurance maladie doit nous répondre d'ici au 1er juillet.

Si personne ici ne souhaite revenir sur la législation concernant l'IVG (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains),...

M. Maxime Gremetz. Oh si !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...vous conviendrez avec moi que, pour une femme, toute IVG est un drame. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CONSTRUCTION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à M. Robert Lecou, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Robert Lecou. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, tout de suite après la terrible Seconde Guerre mondiale, des hommes de bonne volonté, à l'esprit visionnaire, ont enclenché le processus de construction de l'Europe. Il n'aura guère fallu plus de cinquante ans pour aboutir, un 18 juin, date ô combien symbolique, à l'adoption par le Conseil européen de la première Constitution de l'Union européenne. L'adoption de ce texte à valeur hautement symbolique est un événement historique que les pères fondateurs ont souhaité et qui marquera, en ce xxie siècle, la naissance d'une Europe unie. Les négociations ont été intenses, et pourraient paraître longues, mais que sont cinquante ans à l'échelle de nations millénaires qui se sont souvent affrontées ?

Dorénavant, l'Europe aura un Président du Conseil de l'Union européenne élu par ses pairs. Le Parlement récemment élu affirmera la démarche démocratique, et verra ses compétences élargies. Un ministre des affaires étrangères parlera d'une seule voix au nom de l'Union européenne. La charte des droits fondamentaux sera intégrée dans la Constitution.

Nous pouvons être fiers que la France, sous l'impulsion du Président de la République et de votre gouvernement, ait joué un rôle déterminant dans ce succès. Nous pouvons être fiers également du travail accompli par la convention présidée par Valéry Giscard d'Estaing. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Lecou, pouvez-vous poser votre question, s'il vous plaît ?

M. Robert Lecou. Certes, il reste du chemin à faire pour que les citoyens européens s'approprient avec conviction et force l'identité européenne, mais un grand pas a été franchi.

Monsieur le Premier ministre, comment votre gouvernement entend-il s'appuyer sur cet accord fondamental pour faire avancer la construction européenne, faire progresser les chances de la France en Europe, rapprocher l'Europe des citoyens, une Europe respectueuse des particularismes et des cultures qui sont sa richesse, une Europe qui garantira mieux la sécurité, l'emploi et le progrès dans le monde ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Le projet de Constitution européenne, monsieur le député, représente un progrès sur le plan institutionnel, sur le plan de l'efficacité et sur le plan démocratique.

Depuis déjà de très nombreuses années, nous voyons s'opposer deux conceptions de l'Europe : une zone de libre-échange ultralibéral, ce que souhaitent un grand nombre de pays membres de l'Union, et un fédéralisme intégral, refusé par un grand nombre d'États de l'Union. Grâce à ce traité institutionnel, une voie raisonnable, responsable a été choisie (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), celle d'une union d'États-nations, fondée sur le principe d'une double légitimité : pour qu'une décision soit adoptée, il faut une majorité de 55 % des États et de 65 % de la population. Les États seront respectés, les peuples seront écoutés. C'est, je crois, le point majeur de l'accord du week-end dernier.

Nous gagnerons évidemment en efficacité. Qui peut croire qu'une organisation à vingt-cinq peut être dirigée par une présidence tournant tous les six mois ? La présidence et l'ensemble des institutions seront stabilisées.

Nous y gagnerons également en démocratie. Ainsi, votre pouvoir à vous, Assemblée nationale, sera renforcé. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) C'est, en effet, à vous, comme à tous les parlements nationaux, que reviendra la responsabilité du contrôle de la subsidiarité. C'est, je crois, très important.

M. Jacques Desallangre. C'est un conte pour les enfants !

M. le Premier ministre. Nous avons encore des progrès à faire, mais ce sera possible grâce aux clauses passerelles, qui nous permettront d'avancer, notamment en matière sociale et fiscale.

Au plan social, nous regrettons que les propositions de la France n'aient pas été soutenues par tous les gouvernements sociaux-démocrates. Nous avons toutefois obtenu une victoire importante, avec l'organisation régulière d'un sommet social tripartite. Ainsi, nous faisons entrer dans les institutions de l'Europe les partenaires sociaux qui, avec la Commission et le Conseil, pourront participer à la stratégie sociale de l'Union.

Certes, des progrès restent encore à faire. Le traité, grâce aux clauses-passerelles, les permettra. Le Président de la République a eu raison de parler d'accord historique, lequel avait d'ailleurs choisi sa date, le 18 juin ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

ASSURANCE MALADIE

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe socialiste.

M. Michel Vergnier. M. le ministre de la santé et de la protection sociale, c'est avec consternation que la Fédération hospitalière de France et l'Association des paralysés de France, ont pris connaissance de la position du Gouvernement concernant les prêts de l'assurance maladie.

En effet, vous venez de demander à la CNAM de geler les crédits qui permettaient d'accorder des prêts sans intérêt à hauteur de 14 % de la dépense totale pour la rénovation d'établissements d'accueil de personnes âgées et de 40 % pour celle des établissements d'accueil de personnes handicapées.

Pour justifier cette mesure, vous mettez en avant la réforme de l'assurance maladie, la création de la caisse nationale de solidarité autonomie et la deuxième étape de la décentralisation.

Ce désengagement de l'assurance maladie, s'il se confirmait, laisserait craindre le pire puisque 20 % des structures pour personnes âgées ne répondent pas aux normes.

Comment la France va-t-elle pouvoir héberger des personnes âgées de plus en plus nombreuses et des adultes handicapés en attente de place depuis des années, si les établissements ne sont pas soutenus dans leur effort ? Si les prêts sans intérêt disparaissent, les structures ne pourront pas faire face. Il est donc indispensable que ces crédits soient rétablis.

D'un côté, il y a le discours, de l'autre, la réalité. Lorsque les deux sont en conformité, tout va bien, mais j'ai le regret de vous dire que tel n'est pas le cas. Ce gouvernement, on le sait, a pris la détestable habitude de se défausser sur les autres, et en l'espèce sur le précédent gouvernement. (« À juste titre ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les Françaises et les Français vous ont indiqué très clairement, par leurs bulletins de vote, qu'ils ne vous croyaient plus. Ils attendent des réponses précises et ils les demandent à ceux à qui ils ont donné les responsabilités, c'est-à-dire à vous. Quelle est donc votre réponse, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le député, pour pouvoir payer des hôpitaux et des maisons de retraite médicalisée pour les personnes âgées, la meilleure solution est assurément de conduire la réforme de l'assurance maladie, ce que vous auriez dû faire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Continuer sur la pente de 2002, avec 7,2 % d'augmentation des dépenses d'assurance maladie, aurait été le meilleur moyen de se priver des moyens nécessaires.

Pour répondre directement à votre question, nous avons, pour notre part, un plan très précis pour les hôpitaux universitaires, les hôpitaux généraux, les hôpitaux de proximité et, ce que vous n'avez pas fait, pour les hôpitaux locaux.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ce n'est pas la question !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Nous avons créé 755 lits de soins de suite et de réadaptation, que l'allongement de la durée de vie impose. Nous aurions aimé que vous le fassiez avant. Vous ne l'avez pas fait. Ne nous en veuillez pas ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Vous n'avez pas répondu à la question !

ADOPTION

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe UMP.

M. Yves Nicolin. Monsieur le Premier ministre, au moment où certains voudraient ouvrir l'adoption aux couples homosexuels, plusieurs dizaines de milliers de couples hétérosexuels sont en attente d'adoption, souvent depuis plusieurs années, d'un enfant français ou étranger.

Vous savez mieux que quiconque que l'adoption doit être entourée de beaucoup de garanties afin de réussir au mieux l'intégration de l'enfant adopté dans un milieu familial stable.

En me confiant, il y a quelques mois, la mission de présider le Conseil supérieur de l'adoption, vous avez souhaité que l'adoption constitue l'un des fondements de la politique familiale de notre pays.

Je sais les dégâts psychologiques que peut provoquer l'abandon chez un enfant, quel que soit sont âge, pour être moi-même père de trois jeunes enfants adoptés en Russie.

Un député du groupe socialiste. Pauvres enfants ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Il y a des propos qu'il vaut mieux ne pas entendre ! Il y a des limites à ne pas dépasser ! Veuillez poursuivre, monsieur Nicolin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Yves Nicolin. Merci, monsieur le président. Dans notre pays, chaque année, près de 11 000 couples engagent une demande d'agrément en vue d'adopter. Chaque année 7 000 agréments sont délivrés mais seulement 4 000 enfants - dont 3 000 en provenance de l'étranger - sont adoptés.

Votre souhait, exprimé à plusieurs reprises, de développer l'adoption dans notre pays, nécessite un engagement fort des pouvoirs publics.

Aussi, à votre demande, je vous ai remis, il y a quelques semaines, quinze propositions visant à dynamiser l'adoption en France, parmi lesquelles la création d'une agence nationale de l'adoption.

Comment le Gouvernement souhaite-t-il s'impliquer sur ce magnifique sujet qu'est l'adoption, et quelle mesure compte-t-il prendre pour en faire un axe fort de la politique familiale de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la famille et de l'enfance.

Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance. Monsieur le député, dès le début de l'année, le Premier ministre a manifesté son souci de relancer l'adoption en constatant que 23 000 couples sont en attente d'un enfant, pour seulement 5 000 enfants adoptés - 4 000 à l'étranger et 1 000 en France.

Je tiens tout particulièrement à vous remercier, monsieur Nicolin, pour la qualité de vos propositions et de vos réflexions qui ont largement inspiré certains de nos choix.

Quatre pistes ont ainsi été retenues. La première est le soutien matériel aux parents adoptants. Vous le savez, la PAJE - prestation d'accueil du jeune enfant - permettait déjà d'harmoniser le soutien aux familles naturelles et aux familles adoptantes. Mais il y a quelques jours, le Premier ministre a annoncé son souhait de voir doubler la prime aux parents adoptants, qui passera ainsi de 800 à 1 600 euros.

Deuxième axe : l'harmonisation des procédures et des pratiques pour améliorer l'accompagnement aux parents. En étroite concertation avec les départements, nous allons faire émerger les bonnes pratiques pour homogénéiser le soutien aux parents adoptants.

Troisième axe : la refonte du dispositif de l'adoption internationale. Tout d'abord, par le renforcement des organismes agréés pour l'adoption, les OAA, qui recevront un soutien financier de l'État et surtout, par la création d'une agence nationale de l'adoption afin d'accompagner les candidats dans leurs démarches.

Enfin, quatrième axe, nous allons améliorer le soutien à l'étranger en nommant un référent dans chaque consulat, en formant à cet effet des agents consulaires et en adossant le dispositif au Conseil supérieur des Français de l'étranger.

Comme vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement s'apprête à mettre en place une réforme d'envergure de l'adoption internationale, qui sera personnellement suivie par le Premier ministre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

MARGES DE LA GRANDE DISTRIBUTION

M. le président. La parole est à M. Jacques Bobe, pour le groupe UMP.

M. Jacques Bobe. Monsieur le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, vous venez de conclure un accord permettant une baisse des prix à la consommation d'au moins 2 % sur plusieurs milliers d'articles.

Tous les acteurs économiques de la grande distribution, de l'industrie, de l'agriculture ont signé l'engagement du 17 juin, qui constitue une excellente mesure pour les consommateurs.

Toutefois ce premier pas, comme vous le dites vous-même, ne résout pas complètement le grave problème des marges arrière, qui s'est développé aux dépens du petit commerce, des PME et du monde agricole.

Que pensez-vous de la proposition du groupe de travail animé par Luc Chatel, rédigée par Jean-Paul Charié et Michel Raison, de réduire de 30 % les marges arrière, ce qui augmenterait d'autant la compétitivité des produits et des marques des PME et du petit commerce ? Ce dernier, déjà confronté à de multiples préoccupations quant à son avenir, doit pouvoir bénéficier, lui aussi, de l'accroissement attendu de consommation.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Jacques Bobe. Pouvez-vous nous dire qu'elles seront les conséquences de l'accord pour le petit commerce ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, cet accord est une chance...

M. Jean-Pierre Brard. Pour qui ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...car pour une fois, en France, on essaye d'avancer ensemble sans désigner des adversaires. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Cela faisait des années que ceux qui étaient autour de la table ne se parlaient pas, tandis que les prix augmentaient, que les petits commerces de centre-ville disparaissaient et que les producteurs agricoles, à juste titre, se sentaient menacés. Je ne vois pas ce que nous aurions eu à gagner à ce que chacun reste sur ses positions.

Quelles sont les avancées ? Premièrement, il a été reconnu par tous les acteurs que les prix agricoles devaient être définis selon des règles spécifiques qui ne peuvent pas être simplement celles de la concurrence.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est écrit noir sur blanc et c'est la raison pour laquelle la FNSEA et le CNJA ont signé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Deuxièmement, avec l'accord du Premier ministre, nous avons défini et proposé un plan sans précédent pour le petit commerce de proximité dans les centres-villes et en milieu rural qui se traduit par 42 % d'augmentation du FISAC et par des exonérations fiscales pour la vente de fonds de commerce. C'était une demande présentée depuis des années, nous y avons fait droit.

Troisièmement, les prix pour les consommateurs vont baisser de 2 % au 1er septembre, de 1 % au 1er janvier 2005. Nous allons ainsi rendre au consommateur l'équivalent d'une année d'inflation.

Quatrièmement, il y aura des places supplémentaires dans les linéaires pour les PME et les PMI. En effet, je ne me satisfais par de voir le « hard discount » gagner des parts de marché en France alors que ce type de commerce ne crée pas d'emplois dans vos quartiers et dans vos villes, à la différence des distributeurs, et ne se préoccupe ni des filières de qualité agricole, ni de la présence ou non des produits français de PME dans les linéaires.

M. Alain Gest. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cet accord est un début. La commission Canivet fera des propositions au mois de novembre et nous retiendrons les propositions du groupe de Luc Chatel. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.).

MARGES DE LA GRANDE DISTRIBUTION

M. le président. La parole est à M. Éric Besson, pour le groupe socialiste.

M. Éric Besson. Permettez-moi, tout d'abord, monsieur le président, de regretter la désinvolture du ministre de la santé et de la protection sociale, M. Douste-Blazy (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et de constater que, une fois encore, il n'a pas répondu à la question posée, en l'occurrence celle de M. Michel Vergnier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Ma question s'adresse également au ministre de l'économie et des finances et porte sur le même sujet, mais n'aura probablement pas la même tonalité que la précédente.

Pouvez-vous nous expliquer, monsieur le ministre, ce que vous avez voulu faire en matière de relations entre distributeurs et producteurs ?

M. Yves Jego. Le contraire de ce que vous avez fait !

M. Éric Besson. Vous disiez vouloir faire baisser les prix, et annonciez un objectif de baisse de 5 % pour compenser des hausses que vous estimiez vous-même entre 13 % à 22 %. Vous paraissez aujourd'hui vous satisfaire d'une baisse annoncée de 2 % du prix de certains produits - baisse dont la réalité n'est d'ailleurs pas assurée, et qui peut faire l'objet de multiples contournements.

Vous disiez vouloir rendre du pouvoir d'achat aux Français, et citiez une perte de pouvoir d'achat de 0,5 % pour 2003. Vous annoncez finalement une baisse potentielle de 0,2 %, chiffre peu crédible, et dont on ignore comment vous l'avez calculé.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous nous interrogions sur l'écart entre la communication qui a entouré votre initiative et ses résultats concrets : tout ça pour ça ?

Plus grave encore : la vraie question est celle des marges arrière imposées aux producteurs par les distributeurs. Vous avez visiblement renoncé à toute ambition en la matière, en annonçant pour 2005 des objectifs de réduction littéralement dérisoires.

Il est vrai, par ailleurs, que le pouvoir d'achat des Français, et en particulier des plus modestes d'entre eux, diminue, du fait notamment des décisions de votre gouvernement. Mais vous disposez, dans ce domaine, d'outils concrets. Pourquoi, par exemple, refusez-vous obstinément de recourir à la TIPP flottante pour compenser la hausse du prix de l'essence ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je conclurai par une question simple : la grande distribution parle d'un excellent accord, l'UFC-Que Choisir d'un véritable pied de nez aux consommateurs. À votre avis, qui a raison ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Besson, je ne doute nullement de votre honnêteté intellectuelle, mais pourquoi, lorsque vous citez une association de consommateurs - par ailleurs minoritaire -, ne mentionnez-vous pas les déclarations de l'autre association de consommateurs, qui a, elle, signé cet accord ? Si vous voulez que vos critiques soient plus crédibles, votre jugement doit être honnête et vous devez donner toutes les informations. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur Besson, vous qui connaissez bien les questions économiques, vous savez que nous nous sommes efforcés de nous extraire des discussions macroéconomiques dont personne ne comprend l'utilité, pour définir une politique économique du quotidien. Aujourd'hui, 65 % des consommateurs français font leurs courses dans des hypermarchés ou dans des supermarchés. Le fait que le Gouvernement se préoccupe des prix pratiqués dans ces magasins est un acte du quotidien.

Une baisse de 3 % est insuffisante ? Vous connaissez certainement le proverbe : « Quand je m'ausculte, je m'inquiète ; quand je me compare, je me rassure. » Compte tenu de vos déclarations, monsieur Besson, je ne doute pas que durant les cinq ans où vous étiez au gouvernement, vous avez dû obtenir des baisses bien supérieures ! Si 3 % est un chiffre insuffisant, voudriez-vous nous rappeler ce que le gouvernement de Lionel Jospin a obtenu ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Rien.

Mieux encore : selon vous, les prix ont augmenté de 12 % à 15 %. Vous avez raison, mais vous avez oublié un détail : c'est à partir de 1997 qu'ils ont augmenté ainsi. Qui était au pouvoir entre 1997 et 2002 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Une dernière question : pourquoi tant de violence, monsieur Besson ? Est-ce parce que vos amis et vous-même n'aviez rien fait ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

CRÉDITS DE LA RECHERCHE

M. le président. La parole est à M. Christian Ménard, pour le groupe UMP.

M. Christian Ménard. Monsieur le président, je tiens d'abord à m'élever contre les propos incorrects tenus par un élu socialiste lors de la question de M. Yves Nicolin relative à l'adoption des enfants. (« Des excuses ! » et huées sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. J'ai déjà dit ce qu'il y avait à dire. Veuillez poser votre question.

M. Christian Ménard. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre, lors de votre déplacement à Crolles et à Grenoble, vous avez affirmé toute l'importance que vous accordez à l'effort de recherche et à une meilleure exploitation de tous ses effets bénéfiques pour l'économie.

Vous avez ainsi proposé des mesures destinées à encourager le développement de projets industriels axés sur l'innovation et reposant, notamment, sur la coopération entre plusieurs entreprises et centres de recherche et de formation sur un territoire donné. Vous avez également indiqué que les engagements pris par l'État en matière de financement de la recherche seront tenus à l'euro près. Déjà, M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche, ont annoncé la création pour 2004 de plusieurs centaines de postes supplémentaires de chercheurs, d'ingénieurs et de techniciens, ainsi que mille nouveaux emplois dans les universités, ce qui me paraît indispensable pour permettre de dénouer la crise de la recherche - et on sait à quel point les Françaises et les Français sont attachés à cette dernière.

Or, compte tenu de l'absence de marges de manœuvre budgétaires, vous avez annoncé un objectif de croissance zéro pour l'ensemble des dépenses de l'État. Monsieur le ministre, allez vous pouvoir tenir vos promesses ? Quelle place accorderez-vous à la recherche en élaborant le prochain budget ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, il n'y a pas de fatalité à la croissance molle, ni aux délocalisations, ni au retard technologique de la France !

Je veux rendre hommage, comme l'ont fait François Fillon et François d'Aubert, au député Christian Blanc, qui a rendu au Premier ministre un rapport remarquable sur les pôles de compétitivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce rapport nous a été remis il y a un mois et demi. Je me suis rendu à Crolles, où l'alliance des collectivités territoriales - mairie de Grenoble, conseil général de l'Isère et conseil régional - a produit, au-delà de toutes les différences partisanes, un résultat remarquable.

Nous voulons développer en France des pôles de compétitivité. Le Premier ministre souhaite que soit lancé un appel national en vue de créer quatre ou cinq pôles de la dimension technologique et de la taille critique de Crolles, qui permettront à la France d'être en avance.

M. Pascal Clément. Venez dans la Loire !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le Premier ministre souhaite la création d'une dizaine de pôles de compétitivité régionaux, dans un univers industriel plus traditionnel, qui n'est pas nécessairement celui de la haute technologie. Il y va de nos emplois pour demain.

Les engagements pris par le Premier ministre en matière de recherche seront respectés à l'euro près, car une société qui n'invente plus est une société en déclin. C'est le contraire de ce que nous voulons pour la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

MARINS-POMPIERS DE MARSEILLE

M. le président. La parole est à M. Guy Teissier, pour le groupe UMP.

M. Guy Teissier. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la défense.

Madame la ministre, lors de l'examen par le Sénat, la semaine dernière, du projet de loi de modernisation de la sécurité civile, a été adopté un amendement présenté par le Gouvernement, permettant aux marins-pompiers de Marseille de bénéficier d'un avantage retraite pour le calcul de leur pension.

Cet amendement corrige une situation inéquitable et répond à une attente forte des soldats du feu, qui ne comprenaient pas pourquoi, tout en étant exposés aux mêmes risques et aux mêmes difficultés, ils ne pouvaient bénéficier d'un avantage dont bénéficiaient leurs collègues sapeurs-pompiers de Paris, militaires comme eux.

Madame la ministre, tout en vous remerciant, au nom de la communauté militaire du bataillon des marins-pompiers, de ce geste de confiance, je souhaiterais que vous précisiez à la représentation nationale les conditions d'application de cet amendement. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le député Guy Teissier, cet amendement répond à une demande récurrente des marins-pompiers de Marseille, formulée depuis 1967 et que vous avez vous-même appuyée à plusieurs reprises.

Dès ma prise de fonctions, je me suis engagée à donner suite à cette demande. En effet, la brigade des marins-pompiers de Marseille partage les mêmes risques et subit les mêmes contraintes que celle des sapeurs-pompiers de Paris. Il était donc anormal que les deux unités reçoivent un traitement différent.

Les marins-pompiers de Marseille bénéficieront donc, comme leurs homologues de la brigade de Paris, d'un supplément de pension de retraite égal à 0,5 % de la solde de base pour chaque année passée dans l'unité, sous réserve, bien entendu, de justifier de l'ancienneté nécessaire. Bénéficieront de cette mesure les personnes qui seront en activité à la parution du décret. Les modalités pratiques seront, quant à elles, fixées par le décret actuellement en préparation au niveau interministériel et qui sortira dès que la loi sera votée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PRIX DU DISQUE

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste.

M. Patrick Bloche. Ma question s'adresse au Premier ministre. Alors que la fête de la musique a confirmé hier son succès populaire, nos concitoyens ont pu lire les déclarations contradictoires de deux ministres de votre gouvernement sur le prix du disque et de la musique en général dans notre pays.

Il y a quelques jours, en effet, le ministre de la culture appelait à la mobilisation générale contre la piraterie sur Internet. Avec de fortes paroles, il enrôlait dans ce combat, en le citant à deux reprises, son collègue ministre de l'industrie.

Or, pas plus tard qu'hier, celui-ci désertait, estimant que le prix des CD et des téléchargements alimentait la piraterie. Surtout, M. Devedjian qualifiait de « bataille d'arrière-garde » la promesse non tenue du Président de la République - une de plus, me direz-vous ! - de baisser la TVA sur le disque, alors que vous-même, monsieur le Premier ministre, avez confirmé cette promesse à Bruxelles avec vos ministres de la culture successifs.

Il est d'autant plus surprenant de qualifier cette baisse de « combat technologiquement dépassé » à l'heure où l'un des principaux acteurs de l'informatique et de l'Internet vient d'installer sa plate-forme de téléchargement musical au Luxembourg, où les taxes sont les plus basses. Il semble donc que vos deux ministres, en joueurs de bonneteau expérimentés, se répartissent les rôles à l'égard des artistes, éditeurs de musique et internautes, pour finir par enterrer une promesse électorale.

Certes, on l'a vu avec la fiscalité sur la restauration, quand votre gouvernement entend « piano » et « batterie », il pense plutôt cuisine que musique ! (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Mais on ne peut nier la spécificité culturelle du disque : quand donc allez-vous enfin réduire la TVA sur la musique ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur Bloche, il n'est pas question de renoncer à la baisse de la TVA sur le disque. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Dès septembre 2002, le Gouvernement a saisi la Commission européenne, puis a déposé un mémorandum à l'appui de sa demande, qu'il a assorti, en mai 2003, d'une étude économique.

J'observe, monsieur Bloche, vous êtes bien exigeant, alors que le gouvernement que vous avez soutenu n'a jamais rien fait dans ce domaine. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Par ailleurs, l'industrie du disque est aujourd'hui en crise, pour plusieurs raisons qu'il convient d'analyser : le piratage, qu'il faut combattre très sévèrement, comme nous le faisons avec Renaud Donnedieu de Vabres ; l'invention de nouveaux supports, comme le DVD, dont la croissance a atteint 88 % l'année dernière ; enfin, la musique en ligne et les baladeurs numériques.

Pour sortir la musique de la crise, il ne suffit pas de se focaliser sur le seul CD, il faut aussi investir dans le domaine des nouvelles technologies, comme le souhaite le Gouvernement - car c'est là que se trouve la croissance. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)


ANNULATION DE DÉLIBÉRATIONS DE LA RÉGION LANGUEDOC-ROUSSILLON

M. le président. La parole est à M. François Calvet, pour le groupe de l'UMP.

M. François Calvet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'y associe mes collègues Arlette Franco, Daniel Mach, Pierre Morel-A-L'Huissier et Jacques Domergue. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Par délibération du 18 mai 2004, le nouveau président de la région Languedoc-Roussillon, Georges Frêche, a fait adopter par l'assemblée régionale une décision, notifiée à tous les intéressés, annulant l'ensemble des délibérations prises par son prédécesseur lors des trois dernières commissions permanentes de son mandat.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est honteux !

M. François Calvet. Les délibérations annulées attribuaient des subventions sur la base des chapitres budgétaires ouverts dans le cadre de l'exercice 2004. Celles-ci avaient été formalisées, conformément au règlement en vigueur, d'une part, au bénéfice d'associations culturelles et sportives, pour qu'elles organisent ainsi leurs différentes manifestations dans les meilleures conditions possibles et, d'autre part, de collectivités locales, qui pouvaient inscrire ces subventions dans leur budget initial. Ces votes avaient d'ailleurs fait l'objet d'une notification auxdites associations et collectivités, ainsi que d'un arrêté attributif.

Du fait de la décision du nouveau président de la région Languedoc-Roussillon, plus de 1 500 communes et environ 2 000 associations se trouvent considérablement fragilisées car elles sont privées, du jour au lendemain, de toute possibilité de poursuivre leur action ou de réaliser des travaux, même si certains d'entre eux sont déjà engagés.

Il semble qu'une telle pratique tente d'autres présidents de région.

Afin de pallier ces risques de dérive, pouvez-vous me préciser si les associations et les collectivités dont les subventions ont été votées, dûment notifiées et confirmées par un arrêté d'attribution, peuvent se considérer dans une situation créatrice de droits, et quelles mesures le ministre de l'intérieur envisage de prendre pour garantir le respect de l'État de droit ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur Calvet, je vous prie d'abord d'excuser l'absence de Dominique de Villepin qui est en déplacement dans l'Essonne.

C'est naturellement à bon droit que le représentant de l'État dans la région Languedoc-Roussillon a engagé la procédure de contrôle de légalité qui doit, le cas échéant, conduire cette délibération d'annulation devant le tribunal administratif pour illégalité. La raison de ce contrôle est simple : il est à ma connaissance inédit dans l'histoire de la Ve République qu'un président de région, nouvellement élu, annule pas moins de 180 délibérations prises par son prédécesseur dans les trois derniers mois de son mandat. (Huées sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany. Vous êtes juge, monsieur Copé ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je n'imagine pas quelqu'un, dans cet hémicycle, capable d'approuver une telle décision, d'autant plus que, par une autre délibération, ce président a rebaptisé la région « Septimanie » !

Enfin, je tiens à rappeler que nous avons les uns et les autres une responsabilité politique, car c'est ainsi que fonctionnent nos institutions. Ce devoir de responsabilité signifie que, même s'il est de bon ton, dans certaines collectivités de gauche, de ne pas respecter en ce moment les réglementations en vigueur, la loi s'applique de la même manière à tous. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Pour qui vous prenez-vous ?

SÉCURITÉ MARITIME

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe de l'UMP.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer.

Monsieur le secrétaire d'État, ces dernières années ont été marquées par des catastrophes qui ont pollué notre littoral et notre espace maritime. Je m'attarderai plus particulièrement sur le cas du Tricolore, échoué le 14 décembre 2002 en Mer du Nord.

La présence de cette épave dans un détroit au trafic intense - plus de 700 bateaux par jour auxquels s'ajoutent les ferries assurant la liaison avec l'Angleterre - a provoqué des collisions avec des pétroliers qui ont souillé le littoral nordiste, en particulier les plages de Bray Dunes, Zuydcoote et Ghyvelde.

Au-delà de cette affaire déplorable, ce sont quotidiennement des voyous des mers, des navires pratiquant des dégazages sauvages aux abords de nos côtes et irrespectueux de la réglementation, qui polluent notre littoral. Nous avons tous à l'esprit ces images de galettes de pétrole retrouvées sur nos plages et ces images désolantes d'oiseaux mazoutés soignés par de nombreux bénévoles.

Des mesures spécifiques sont prises après chaque accident maritime, mais je souhaite savoir, monsieur le secrétaire d'État, ce qui est fait concrètement, tous les jours, pour assurer la sécurité de la navigation et du transport maritime, et pour permettre aux nombreux touristes, cet été, de trouver un littoral français attractif et propre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer.

M. François Goulard, secrétaire d'État aux transports et à la mer. Monsieur Jean-Pierre Decool, en tant qu'élu d'un département côtier, vous êtes révolté, comme nous tous,  par la pollution de nos côtes et de nos mers.

Les fortunes de mer existeront toujours, mais ce qui est en cause, ce sont des actes et des comportements délibérés et parfaitement irresponsables.

Les actes, ce sont des déballastages, c'est-à-dire des rejets, généralement volontaires, d'hydrocarbures à la mer.

M. Henri Emmanuelli. Pour des questions d'argent !

M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. Quant aux comportements, ils se manifestent par le non-respect des règles de sécurité maritime s'imposant à tous les navires, ce qui fait courir des risques aux équipages et à nos côtes.

La prise de conscience de la nécessité d'une action énergique en ce domaine a tardé, notamment au plan international. Raison de plus, en France et en Europe, pour exercer des contrôles rigoureux dans nos ports et dans nos eaux territoriales. C'est justement parce que la France a tardé que nous venons, ce matin, d'être condamnés par la Cour européenne de justice, pour non-respect d'une règle communautaire qui nous impose de contrôler au moins le quart des navires qui viennent dans les ports français. Mesdames, messieurs les députés, nous avons été condamnés au titre des exercices 1999 et 2000. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Grâce aux initiatives prises par Gilles de Robien et Dominique Bussereau, la situation a radicalement changé. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste.) En 2003, la France a plus que rempli son obligation communautaire et nous vous assurons qu'en 2004, il en sera de même.

S'agissant de la lutte contre les déballastages, à la demande du Président de la République, le Premier ministre a donné dès juillet 2002 une instruction qui porte aujourd'hui ses fruits : depuis le début de l'année, quatorze navires ont été déroutés, dont plusieurs par les autorités maritimes françaises ; des condamnations ont été prononcées.

Monsieur Decool, la France est désormais le pays le mieux disant en matière de sécurité maritime (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) dans les négociations internationales et au sein de l'Union européenne. Nous continuerons à demander une réglementation draconienne pour une sécurité maritime maximale. L'heure n'est plus aux discours, elle est aux actes et aux résultats ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. François Baroin.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    3

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Ce rappel au règlement concerne le déroulement de nos travaux et les conditions dans lesquelles nous délibérons.

Je ne soulignerai pas, quoique je pourrais le faire, le morcellement des débats que nous subissons. Le Gouvernement est tout à fait libre de définir l'ordre du jour prioritaire comme il l'entend. Je note tout de même que nous devions débattre hier soir du texte relatif à EDF et GDF, et que ce débat a été reporté à aujourd'hui. Tout cela est un peu compliqué.

Mais c'est une question beaucoup plus sérieuse que je veux poser ici, monsieur le président. Nous avons pris connaissance d'une communication d'une commissaire européenne, Mme de Palacio, qui, peut-être sous le coup de l'amertume qu'elle a dû ressentir après l'échec de M. Aznar - c'est là un commentaire politique qui n'engage que moi -, vient d'indiquer deux choses à la France.

En premier lieu, elle a considéré qu'il était indispensable de modifier le statut d'EDF et de GDF, au motif qu'elles doivent pouvoir déposer leur bilan et faire faillite. Quel avenir pour nos entreprises publiques !

En second lieu, elle s'est livrée à une attaque en règle contre le principe de l'entreprise intégrée, puisqu'elle dit clairement que le réseau doit cesser d'appartenir à celle-ci.

Cette ingérence pose problème. Nous nous demandons si Mme de Palacio a changé de compétences au sein de la Commission européenne. En effet, elle ne reprend pas du tout les propos de Mario Monti, qui, jusqu'à ce jour, était le commissaire européen chargé de la concurrence. Avant de poursuivre la discussion du texte, nous souhaitons donc vérifier si M. Monti a été dessaisi de ses attributions. Pour cela, monsieur le président, je vous demande une suspension de séance au nom du groupe socialiste.

M. le président. Avant de vous répondre, monsieur Brottes, je donne la parole à M. Daniel Paul, qui souhaite lui aussi faire un rappel au règlement.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, depuis hier, une information est diffusée par la CGT, premier syndicat d'EDF-GDF. Elle est reprise aujourd'hui par Mme de Palacio, commissaire européenne, qui laisse entendre que ce qui est en jeu dans tous nos débats serait le problème de la garantie illimitée que l'État accorde à EDF-GDF.

M. Jean-Claude Lenoir. C'est ce que nous disons depuis le début.

M. Daniel Paul. La garantie illimitée signifierait que EDF bénéficierait d'un avantage important en matière d'emprunt et qu'elle ne pourrait pas faire faillite. Mais, monsieur le ministre, quel est l'État digne de ce nom qui, devant les difficultés de son opérateur dans le secteur de l'électricité, le laisserait faire faillite ?

M. François Brottes. Aucun !

M. Daniel Paul. Aucun !

M. Pierre Ducout. Pas même le Royaume-Uni !

M. Daniel Paul. Face aux difficultés que son opérateur a rencontrées, le Royaume-Uni, chantre du libéralisme s'il en est, a obtenu, et on n'imaginait pas qu'il eût pu en être autrement, la possibilité de lui injecter des sommes considérables afin d'éviter une telle catastrophe.

Répondant à la commission d'enquête parlementaire sur le financement des entreprises publiques, Mario Monti, sur ce même sujet, indiquait qu'il serait peut-être possible de remettre en cause la garantie illimitée accordée par l'État en demandant aux entreprises publiques de rémunérer une telle garantie. C'est ainsi, si j'ai bien lu le rapport de la commission d'enquête en question, que procèdent les Länder allemands, dont on sait qu'ils garantissent eux aussi leurs entreprises publiques.

Nous sommes engagés, monsieur le ministre, du fait de votre volonté, dans un processus qui va conduire à la mise à mal de deux fleurons de notre industrie, EDF et GDF. Pourtant, d'autres réponses que celles que vous proposez sont possibles, et nous pensons même, quant à nous, qu'elles sont probables.

Depuis plusieurs jours, les députés communistes n'ont de cesse de dénoncer les risques que nous prendrions,...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Ce n'est pas un rappel au règlement, monsieur le président !

M. Daniel Paul. ...alors que les enjeux énergétiques méritent plus de précautions. Et des craintes identiques viennent de toutes parts. Je les ai citées la semaine dernière.

C'est donc avec solennité, monsieur le ministre, que nous vous demandons de suspendre nos travaux et de faire examiner sur le fond cette modification du dispositif de garantie illimitée.

Quel gâchis, si, après avoir changé le statut d'EDF et de GDF - la loi de la majorité est ainsi faite ! - nous savions qu'il aurait suffi de faire autrement pour sauvegarder ces deux entreprises !

M. Pierre Ducout . Eh oui ! C'est une question de fond !

M. le ministre délégué à l'industrie. La discussion générale est terminée !

M. Daniel Paul. Nous présenterons un amendement qui vise à interroger la Cour de justice européenne. Mais, dès à présent, monsieur le ministre, avec ce rappel au règlement, nous en appelons à la sagesse, tant nous sommes persuadés que cela répondrait aux attentes, y compris de certains dans votre majorité, et calmerait les inquiétudes des salariés, des responsables économiques de notre pays, dont nous avons cité la semaine dernière les plus éminents, et sans doute de l'immense majorité de la population de notre pays.

M. le président. Je rappelle qu'un rappel au règlement doit concerner la procédure en cours. En vertu de l'alinéa 2 de l'article 58 ainsi rédigé  « si, manifestement, son intervention n'a aucun rapport avec le règlement ou le déroulement de la séance, ou si elle tend à remettre en question l'ordre du jour fixé, le président lui retire la parole », j'aurais pu vous interrompre, monsieur Paul. Je ne l'ai pas fait par souci d'élégance, mais je tenais à ce que l'Assemblée soit pleinement informée sur ce point réglementaire.

La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Je ne ferai aucun commentaire sur la demande de suspension de séance. Toutefois, le Gouvernement ayant été interpellé par deux fois, j'aimerais apporter une réponse permettant de nourrir les réflexions pendant cette suspension.

Mme de Palacio est commissaire à l'énergie. Donc, s'agissant d'EDF, elle n'est pas sortie de son champ de compétences en intervenant. De plus, elle s'exprime au nom de la Commission, comme M. Monti dont l'opposition n'a cessé d'invoquer les déclarations. Enfin, Mme de Palacio, dans un débat fort intéressant, a rappelé la décision de la Commission du 16 décembre 2003 qui précise, dans son paragraphe 57, que « la Commission considère que l'impossibilité, pour EDF, d'être soumise à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire et, par conséquent, de faire faillite, équivaut à une garantie générale portant sur l'ensemble des engagements de l'entreprise. Une telle garantie ne peut faire l'objet d'aucune rémunération selon les règles du marché. Cette garantie, qui est illimitée dans sa couverture dans le temps et dans son montant, constitue une aide d'État. »

Il n'est pas question pour le Gouvernement de laisser une grande entreprise française faire faillite. Il l'a déjà démontré avec Alstom, sous les sarcasmes de l'opposition ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Ducout. Et Thomson ?

M. le ministre délégué à l'industrie. J'attends encore vos encouragements ! Le Gouvernement a prouvé qu'il n'était absolument pas disposé à laisser de grandes entreprises françaises quitter le territoire national ou tomber en faillite.

M. Pierre Cohen. Et alors ? Raison de plus !

M. le ministre délégué à l'industrie. Dès lors que l'État soutient une entreprise, comme cela s'est passé pour Alstom, il y a des contreparties de marché, conséquences de la réglementation européenne.

M. Pierre Cohen. Ne changez pas le statut !

M. le ministre délégué à l'industrie. Alstom sera obligée, pour équilibrer la politique du Gouvernement qui a permis de la sauver, de céder un certain nombre de ses activités pour un montant déterminé par la Commission, l'égalité des concurrents sur le marché européen représentant un enjeu. Nous n'avons cessé de vous le répéter pendant tout ce débat, depuis que les socialistes ont ouvert le marché une première fois en 2001 à 30 % (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et une seconde fois, en 2004, à 70 %, la part d'EDF sur le marché français est nécessairement condamnée à diminuer.

M. Pierre Ducout. Peut-être !

M. le ministre délégué à l'industrie. Cela va évidemment de soi. En contrepartie, la seule politique industrielle que EDF peut conduire consiste à conquérir, à son tour, des parts de marché en Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Pierre Ducout. Elle l'a déjà fait !

M. le ministre délégué à l'industrie. Oui, elle l'a déjà fait !

M. Jacques Desallangre. Et mal !

M. le ministre délégué à l'industrie. On l'a vu, et avec quel succès grâce à votre politique ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Elle a, en effet, dû s'endetter et faire face au refus du gouvernement italien (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) de la voir exercer son droit de vote légitimement acquis sur le marché italien, grâce à sa participation dans l'ENI, au motif que l'égalité entre les concurrents n'était pas effective.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Ce fut aussi le cas en Espagne !

M. le ministre délégué à l'industrie. En effet, monsieur Ollier.

M. Pierre Ducout. L'Espagne, ce n'est pas le même problème !

M. le ministre délégué à l'industrie. Nous voulons donc donner toutes ses chances à EDF sur les marchés européens. Elle pourra ainsi gagner les parts de marché qu'elle perdra nécessairement sur le marché français en raison, notamment, de la politique que vous avez conduite ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Pas du tout !


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement... un vrai, cette fois-ci.

M. François Brottes. Notre rappel au règlement de tout à l'heure en était un vrai, monsieur le président.

Quoi qu'il en soit, si j'ai de nouveau demandé la parole, ce n'est pas pour un autre rappel au règlement mais pour répondre au ministre. M'y autorisez-vous, monsieur le président ?

M. le président. Nous ne sommes plus dans la discussion générale. Vous profiterez de l'examen des amendements pour vous exprimer. Dans l'immédiat, nous reprenons le fil de l'ordre du jour, ce qui vous laissera le temps de mûrir la formulation de votre raisonnement.

M. François Brottes. Elle est tout à fait mûre, monsieur le président !

    4

SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ

Suite de la discussion,
après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières (nos 1613, 1659).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Nous allons procéder au vote sur l'amendement n° 1620 de M. Daniel Paul, qui a été reporté à la suite de la demande de vérification du quorum formulée par M. le président du groupe des député-e-s communistes et républicains.

Si cet amendement n'est pas adopté, je mettrai aux voix les amendements nos 581 à 593, qui ont fait l'objet d'une discussion commune avec l'amendement n° 1620.

Je mets aux voix l'amendement n° 1620.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 581 à 593.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1626.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Je vais vous lire un extrait des propos tenus par Mario Monti, le 10 juin 2003, lors de son audition par la commission d'enquête parlementaire que présidait M. Douste-Blazy et dont M. Diefenbacher était le rapporteur :

« L'État peut d'autre part octroyer sa garantie financière à une entreprise publique. Il est clair qu'une telle garantie est particulièrement appréciée des banques et procure à l'entreprise un avantage financier important. »

Jusqu'à présent, monsieur le ministre, nous sommes d'accord.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Bien sûr !

M. Daniel Paul. « L'octroi d'une garantie, poursuit M. Monti, ne soulève pas de problèmes de principe, mais nous demandons qu'elle soit rémunérée dans les mêmes conditions qu'une garantie accordée par le marché. »

Nous sommes toujours d'accord.

« Pour permettre le calcul d'une prime appropriée, la garantie doit être limitée en temps et en montant ou être éliminée. »

M. le ministre délégué à l'industrie. Voilà ! Pour EDF, ce n'est pas possible !

M. Daniel Paul. « Telle est notamment l'approche que nous avons retenue en ce qui concerne les garanties octroyées par certains länder allemands à des banques publiques. »

Je ne suis pas « montiphile » (Sourires),...

M. le ministre délégué à l'industrie. On dirait, pourtant !

M. Daniel Paul. ...mais, venant d'une telle personnalité, je me dis que ces propos valent tout de même le coup d'être examinés de plus près pour éviter de commettre ce qui pourrait s'avérer une erreur catastrophique.

M. Jacques Desallangre. Perseverare diabolicum !

M. Daniel Paul. C'était d'ailleurs l'objet de mon rappel au règlement.

Pour revenir à l'amendement, nous vous proposons d'indiquer que les établissements publics EDF et GDF sont « propriété de la nation, inaliénable et indivise », et que, conformément au premier alinéa de l'article 3 de la Constitution, qui dispose que la souveraineté nationale appartient au peuple, un changement de statut d'Électricité de France et de Gaz de France « ne peut être décidé que par la voie du référendum ».

Il serait de bonne politique de se souvenir de l'esprit qui animait, en 1946, les créateurs de ces statuts. Leur être fidèle aujourd'hui exigerait au moins de consulter le peuple avant de remettre en cause l'architecture de ces statuts.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 1626.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis.

M. Jacques Desallangre. Cela s'appelle du psittacisme ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Merci, monsieur le président, de m'autoriser à répondre au Gouvernement...

Je voudrais d'abord dire mon adhésion à l'idée d'un référendum au sujet de cette décision grave pour la nation. Nous soutenons donc l'amendement de nos collègues communistes.

Mais je voudrais aussi rappeler à la mémoire de nos collègues, et surtout de M. le ministre - qui, je le comprends bien, a le nez dans le guidon de l'actualité et ne dispose pas forcément de temps pour jeter un coup d'œil dans le rétroviseur de l'histoire -, une réponse de M. Borotra à une question écrite de M. Hannoun, député de l'Isère, parue au Journal officiel du 12 août 1996. Michel Hannoun, que M. Remiller connaît bien,...

M. Jacques Remiller. C'était un excellent député !

M. François Brottes. ...n'est plus député aujourd'hui, mais il posait d'excellentes questions. En l'occurrence, il demandait au ministre de l'industrie du gouvernement Juppé de bien vouloir lui préciser la position qu'il avait défendue, au nom du Gouvernement, lors du conseil des ministres de l'énergie du 20 juin 1996, concernant l'évolution du marché intérieur de l'électricité.

Voici une partie de la réponse :...

M. le ministre délégué à l'industrie. C'était en 1996 !

M. François Brottes. « Les négociations avec nos partenaires européens se sont conclues, lors du conseil des ministres chargés de l'énergie du 20 juin 1996, par l'adoption d'une position commune sur la directive concernant le marché intérieur de l'électricité. »

Je rappelle que le Premier ministre d'alors n'est pas Jospin mais bien Juppé.

« Après plusieurs années de discussion, la France, affirme M. Borotra, est ainsi parvenue à faire admettre que puissent coexister, en Europe, des pays dont l'organisation électrique est inspirée par une volonté de libéralisation totale du marché et des pays qui, à l'image de la France, sont attachés au maintien d'obligations de service public. »

Nous ne disons pas autre chose.

« Les principes que nous avons fait prévaloir, poursuit M. Borotra, vont nous permettre de conserver une programmation à long terme des investissements, placée sous le contrôle de la puissance publique, et de conforter l'option nucléaire. Ils nous permettront également de préserver le cœur du service public, en maintenant à EDF et aux régies la responsabilité du service des 29 millions de consommateurs domestiques dans les mêmes conditions d'égalité de traitement tarifaire. À cet égard, toutes assurances peuvent être données en ce qui concerne le maintien en l'état du monopole de transport et de distribution de l'électricité.

« L'adoption de la directive entraînera une ouverture du marché qui sera maîtrisée et progressive. [...] Le Gouvernement donnera les moyens à EDF d'assurer ses missions de service public et de s'adapter à l'ouverture ménagée du marché, notamment par une adaptation de ses tarifs, qui se traduira par une baisse des prix au bénéfice des consommateurs domestiques comme à celui des industriels. »

On voit bien que ce n'est pas tout à fait le sens qu'a pris l'histoire des tarifs.

Et M. Borotra conclut sur un point très important :

« Il ne saurait être question, enfin, de modifier le statut d'EDF ou celui de ses salariés. EDF est une entreprise publique, qui le demeurera. Son personnel conservera le statut des entreprises électriques et gazières. Le caractère intégré très important de l'entreprise sera préservé, sous la seule réserve que ses différentes activités de production, de transport et de distribution d'électricité fassent l'objet d'une comptabilisation distincte. L'accord auquel les ministres sont parvenus le 20 juin 1996 permet à la France de conserver les principes essentiels du service public de l'électricité. »

Monsieur le ministre, en 1996, M. Borotra prenait position contre un changement de statut ; aujourd'hui, c'est pourtant ce que vous nous proposez. Alors, comment vous croire quand vous nous promettez que l'État restera majoritaire dans la société anonyme, qu'il ne descendra jamais en dessous de la barre des 70 % ou des 50 % de capital ?

Par ailleurs, M. Borotra s'engageait, à juste titre, à ne pas remettre en cause le caractère intégré de l'entreprise. Or vous ne m'avez pas répondu, tout à l'heure, à propos des inquiétudes exprimées par Mme de Palacio. Celle-ci prend décidément des positions très préoccupantes : selon elle, la Commission s'émouvrait du texte actuel parce qu'il constituerait un pas en arrière en matière d'indépendance de la gestion du réseau.

Ces deux problèmes extrêmement graves sont au cœur du texte ; ils montrent qu'il arrive à la majorité de renier ses promesses. C'est la raison pour laquelle nous émettons de sérieux doutes quant aux volontés réelles du Gouvernement.

M. le ministre délégué à l'industrie. Ce n'est pas gentil.

M. le président. La parole est à M. François-Michel Gonnot.

M. François-Michel Gonnot. Avant d'intervenir contre l'amendement, je ferai remarquer à nos collègues socialistes qu'il est arrivé à tous les anciens Premiers ministres et autres grands dirigeants de leur parti de renier certaines de leurs décisions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes. Non ! Ce n'est pas pareil !

M. Pierre Ducout. Nous nous en sommes déjà expliqués !

M. François-Michel Gonnot. Vous savez donc, vous aussi, assumer les contradictions. Au demeurant, s'agissant de M. Borotra, il n'y avait pas de contradiction car ce dont vous avez fait état n'était qu'un point de vue émis à un moment donné,...

M. Jean Launay. C'était une réponse à une question parue au Journal officiel !

M. François-Michel Gonnot. ...et il rejoignait d'ailleurs, me semble-t-il, vos préoccupations d'alors.

Puisqu'il est toujours question d'établissement public, je voudrais revenir, monsieur le ministre, sur une question que je n'ai pu traiter jusqu'à son terme, jeudi dernier, dans le temps de parole qui m'avait été imparti par la présidence : les synergies à trouver entre EDF et GDF, que l'on peut résumer, comme la CGT, sous le slogan « la fusion ».

Le ministre d'État et le ministre délégué à l'industrie ont dit et répété, dans cet hémicycle, qu'il s'agissait là d'une question importante et ont souligné, à juste titre, me semble-t-il - c'est d'ailleurs ce qui a incité la majorité à repousser les amendements précédents du groupe communiste et du groupe socialiste -, que rien, dans ce texte, ne compromet d'éventuels rapprochements ultérieurs.

Monsieur le ministre, autant vous avez été assez clair sur les procédures et le calendrier concernant l'ouverture du capital (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.),...

M. François Brottes. Prestidigitateur !

M. Pierre Cohen. Ce n'est pas sérieux !

M. François-Michel Gonnot. ...en annonçant la création d'une commission dont le travail devrait aboutir à l'horizon de la mi-2005, autant nous voudrions avoir quelques précisions sur la procédure et le calendrier envisagés pour examiner les synergies ou rapprochements éventuels à trouver entre EDF et GDF. Ce serait aussi de nature à apaiser l'inquiétude de certains collègues, sur tous les bancs.

M. David Habib. Si vous voulez nous apaiser, votez nos amendements !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1626.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1627.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, vous vous abritez derrière une directive européenne pour justifier votre projet relatif à EDF-GDF. Permettez-moi, à ce propos, de citer l'avis de Louis Favoreu. Dans un entretien accordé au quotidien Le Figaro - qui, reconnaissez-le, ne peut être suspect de porter haut nos couleurs -, le 17 juin dernier, ce constitutionnaliste renommé cite l'un des considérants de la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi pour la confiance dans l'économie numérique.

« Une transposition en droit interne d'une directive communautaire pourrait être censurée si elle portait atteinte à une disposition expressément contraire à la Constitution. »

À partir de cela, M. Favoreu déduit : « On peut envisager deux cas, celui d'une directive communautaire qui serait en contradiction avec telle ou telle disposition constitutionnelle et, dans ce cas, la disposition ne pourrait être adoptée que si la Constitution était réformée en conséquence. On peut aussi envisager le cas d'une directive communautaire non contraire à la Constitution mais qui ne paraîtrait pas opportune en France. Dans ce cas, il suffirait de réformer la Constitution pour la rendre inapplicable. »

Cette interprétation, monsieur le ministre, est en cohérence avec la pensée de notre ancien collègue, de la même sensibilité que vous, grand juriste et aujourd'hui président du Conseil constitutionnel, Pierre Mazeaud.

M. François Brottes. Excellent juriste, en effet !

M. Daniel Paul. En 1996, il disait : « Si vous voulez adopter une disposition contraire à la Constitution, réformez d'abord la Constitution. » Et citant les propos de M. Mazeaud, M. Favoreu déclare : « Aujourd'hui, le Conseil constitutionnel invite le Gouvernement à utiliser cet instrument lorsqu'il veut bloquer quelque chose. » C'est la même idée !

Alors, monsieur le ministre, je vous invite à déposer, de toute urgence, un projet de loi constitutionnelle, érigeant le principe du service public en norme constitutionnelle. Après tout, ce principe est au centre du contrat social et en cohérence avec l'article 1er de la Constitution, selon lequel la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Nous pourrions éviter dès lors tout conflit avec les injonctions européennes sur cette question et chacun, ici, aurait à se positionner clairement sur le maintien ou la casse du service public et à assumer ses responsabilités, sans avoir recours à l'alibi européen.

Je n'ai aucun doute, pour ma part : eu égard à l'attachement des Français au service public, leurs représentants nationaux voteraient en faveur d'un tel projet !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable également.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je comprends qu'un certain nombre de questions dérangent le Gouvernement. Mais chacun aura noté que nous ne faisons pas d'obstruction sur ce texte, mais des propositions. À celle d'un référendum, vous répondez un peu rapidement, monsieur le ministre. Nous faisons aussi celle de modifier la Constitution pour asseoir les missions de service public, celle de clarifier les positions de la Commission, car on a constaté des contradictions entre les commissaires, et celle de répondre à ses interrogations sur le statut du réseau de transport, et cela concerne bien cet amendement.

Le rapporteur et le Gouvernement se contentent de répondre : « défavorable » !

Que l'on soit défavorable à des propositions, c'est possible ; encore faut-il dire pourquoi ou en présenter d'autres !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1627.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1637.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le soutenir.

M. Michel Vaxès. Monsieur le ministre, vous avez rejeté, sans aucune explication, l'amendement excellemment défendu par Daniel Paul, proposant de soumettre à référendum la décision que vous prenez, ce qui relève de la simple démocratie, puisque EDF et GDF sont la propriété de la nation et que décider la transformation d'EPIC en SA suppose que celle-ci - c'est-à-dire le peuple de France - soit consultée. Il est normal qu'elle sache à quoi l'on destine un bien qui lui appartient.

Cela dit, nous prenons acte de ce refus mais il ne doit pas vous empêcher d'éclairer l'opinion publique nationale sur ce que lui coûtera cette spoliation. En effet, à l'occasion des manifestations des 27 avril et 15 juin 2004, les agents EDF et GDF brandissaient des banderoles sur lesquelles on pouvait lire : « Non à la privatisation-spoliation. » Ils liaient les deux mots. Électricité et Gaz de France appartiennent, en effet, à la nation et non à l'État. Cette distinction est essentielle.

À ce stade, je me permets de vous renvoyer à une déclaration de Marcel Paul, que vous pourriez trouver à la page 1107 du compte rendu intégral de la séance du 27 mars 1946. Il y indiquait sur quel principe repose la politique du Gouvernement en matière de nationalisation : « faire en sorte que les intérêts privés n'aient pas la possibilité de s'opposer aux intérêts du pays ».

En 1946, le choix a été fait explicitement de la nationalisation en écartant l'étatisation. Les collectivités locales, représentants des usagers citoyens, avaient été, avec le personnel, à l'origine de la revendication de nationalisation. À la lumière de ces indications, et dans l'affirmation qu'EDF et GDF appartiennent à la nation, se sont trouvés concernés les collectivités locales, les usagers et le personnel.

Ce constat a été renforcé par le fait que, depuis des décennies, l'État n'a plus apporté de contribution financière à l'entreprise en capital, comme il aurait pu le faire en bon propriétaire. Les investissements parfois très lourds, comme le programme nucléaire et celui du réseau grand transport, ont été financés par l'autofinancement et les obligations, c'est-à-dire les emprunts EDF, dont les charges, ont toujours été supportées par les tarifs payés par les usagers.

Dès lors, s'est trouvée confirmée l'idée que les deux EPIC, leurs actifs tels que les centrales de production et leur réseau de transport, n'appartiennent pas à l'État mais aux usagers. Une telle conclusion contribue, bien évidemment, à garantir la qualité et l'efficacité du service public de l'électricité et du gaz au service de ces usagers.

Le terme de spoliation prend donc tout son sens, l'État étant sur le point de brader la propriété de la nation, sans que le peuple l'ait mandaté à cet effet. Le Gouvernement pourra toujours revendiquer la légitimité des urnes, légitimité tirée des élections législatives de 2002, mais cela ne saurait faire illusion puisque, sauf preuve du contraire, ni le Président de la République ni l'UMP n'avaient fait campagne sur le thème du changement de statut et de l'ouverture du capital d'EDF et de GDF. Ce choix est donc dénué de toute légitimité.

C'est pourquoi les citoyens, les usagers, qui ont payé les actifs d'EDF et de GDF en payant leurs factures, doivent savoir de quel droit, au nom de quoi et au profit de qui ils vont être spoliés de ces biens qui sont les leurs et qui vont être vendus en bourse sans qu'ils aient été consultés.

Notre amendement propose donc que toute tentative de dénationalisation soit subordonnée à l'examen par le Parlement d'une estimation du montant de cette spoliation.

M. Daniel Paul. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je relève deux affirmations de M. Vaxès.

D'abord, il ne s'agit pas d'une loi de privatisation...

M. Daniel Paul. Affirmation gratuite !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. ...mais d'une loi qui transforme la forme juridique de l'entreprise (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) : elle passera de celle d'établissement public à celle de société anonyme, avec une participation majoritaire de l'État au capital. Je rappelle que la commission l'a fixée à 70 %. Donc, en aucun cas, il ne s'agit d'une privatisation et je veux, ici, dénoncer les campagnes qui ont été menées sur le terrain dans le but de faire croire - mais qui est tombé dans le panneau ? - que le projet du Gouvernement visait à privatiser EDF.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. C'est de la désinformation !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Une campagne mensongère doit trouver sa réponse, ici, au cœur même de la démocratie parlementaire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Sur la deuxième affirmation, je vais vous donner raison : je ne me souviens pas, en effet, que, pendant la campagne des élections de 2002, nous ayons, nous, au sein de l'UMP, abordé cette question...

M. Jacques Desallangre. Nous vous rappellerons cette affirmation !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. ...autrement qu'en rappelant que la décision prise en 1996 entraînait une certaine logique et imprimait une certaine démarche. Et c'est pourquoi nous sommes ici, aujourd'hui, avec un texte qui, je le rappelle, ouvre le marché de l'électricité et du gaz, conformément à la décision prise par M. Jospin, les 15 et 16 mars 2002, à Barcelone.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Non, par Chirac !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. En revanche, certains ont abordé ce sujet et ont exprimé leurs intentions.

Comme tous nos collègues n'étaient pas présents au début de la discussion, je vais rappeler certaines affirmations entendues avant les élections de 2002.

Qui a dit : « Tôt ou tard, la réforme de Gaz de France aura lieu parce que c'est l'intérêt des salariés et des usagers. » ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Ducout. Gaz de France, c'est un autre problème !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Jean-Pierre Raffarin ? Nicolas Sarkozy ? Patrick Devedjian ? Patrick Ollier - que je félicite au passage car il a été brillamment élu maire de Rueil-Malmaison, le 18 juin ? Non, c'est M. Fabius !

M. Pierre Cohen. Tous les militants de l'UMP ont reçu cet argumentaire !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Qui a dit : « EDF devra évoluer pour conserver son remarquable dynamisme et affronter la compétition. » ? Laurent Fabius encore !

M. Pierre Cohen. Trouvez d'autres arguments !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Qui a dit : « Si on veut que Gaz de France puisse se développer, c'est une idée forte que de dire, faisons venir dans son capital à la fois des salariés, pourquoi pas EDF, pourquoi pas Total, Pourquoi pas Statoil ? » C'est Laurent Fabius toujours ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Qui a dit : « D'accord pour une certaine ouverture du capital et des participations ou des achats à l'étranger par le biais de filiales d'EDF, à condition que celles-ci soient maîtrisées. » ? C'est Lionel Jospin dans le programme pour l'élection présidentielle de 2002 ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Qui a dit : « La part résiduelle de l'État dans EDF devra être suffisante pour assurer un ancrage incontestable sans pour autant graver dans le marbre le seuil des 50 %. » ? C'est Dominique Strauss-Kahn !

Enfin, qui a dit : « Une entreprise comme Gaz de France doit voir sa structure ouverte et c'est également le cas pour EDF, même si l'État doit rester majoritaire. » ? C'est Laurent Fabius, en janvier 2003 !

Alors, mes chers collègues, cessez de dire des contrevérités. Ce qui a été dit en 2002, et même au début de 2003, l'a été par des représentants de la gauche. Ayez au moins le courage, aujourd'hui, d'avoir une attitude conforme aux déclarations de vos dirigeants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Bien entendu, avis défavorable !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Le Gouvernement est du même avis.

Je veux répondre à M. Gonnot : le Gouvernement a demandé aux deux présidents d'EDF et de GDF d'examiner les synergies ou les coopérations possibles. Ils devront remettre leurs conclusions au mois de septembre. Par ailleurs, le Gouvernement a demandé une consultation juridique pour examiner les contraintes liées au droit de la concurrence auxquelles une telle fusion exposerait.

C'est sur la base de ces deux analyses que le Gouvernement prendra position, à la rentrée.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Monsieur le rapporteur, on pourrait, plusieurs fois par jour et pendant plusieurs jours, nous rappeler cet argumentaire que tout militant UMP a dû recevoir ! Vous nous le répétez à toutes les séances !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C'est la vérité !

M. Pierre Cohen. Pas tout à fait ! François Brottes a exposé brillamment quelle était exactement notre position.

M. François-Michel Gonnot. Il faut assumer ! La dignité l'exige !

M. Pierre Cohen. Oui, c'est vrai, un certain nombre de hauts responsables de notre parti ont pris une position...

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Jospin, Fabius, Strauss-Kahn, tout de même !

M. Pierre Cohen. ...qui n'est pas forcément celle de la majorité d'entre nous.

Mais vous devriez bien tirer une leçon de tout cela. Nous, le message du 21 avril, nous l'avons entendu ! Vous ne donnez pas l'impression d'avoir entendu celui des régionales du 28 mars. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et nous assumons totalement le fait d'avoir modifié notre point de vue sur les services publics.

Par ailleurs, s'agissant de cet amendement, vous n'avez pas répondu, monsieur Lenoir, mais nous aurons l'occasion de parler de privatisation. Pour le moment, il ne s'agit pas de savoir si vous ouvrez ou non le capital d'EDF et de GDF, et M. le ministre de l'industrie a été très fort dans la reculade. Il s'agit de la transformation des EPIC en SA : M. Devedjian a démontré tout à l'heure qu'il y avait réellement un problème de fond.

L'amendement n° 1637 montre qu'il existe une différence entre dénationalisation et privatisation. En effet, vous enlevez à la nation une entreprise qui lui appartient. D'ailleurs, monsieur Devedjian, l'argument sur lequel vous vous fondez - et que vous aviez déjà utilisé lors du débat sur l'énergie - pour démontrer que l'énergie est un bien national n'est autre que la maîtrise de l'énergie, laquelle repose sur la prise de conscience de nos concitoyens de devoir maîtriser et réduire leur consommation. Il y a donc bien un lien direct entre l'entreprise nationale et les citoyens qui s'approprient son devenir.

Dans le cadre de la libre concurrence, les Français ne se sentiront plus concernés par le devenir de sociétés anonymes, dont seul le bilan importera, et ne les percevront plus comme un outil qui permet pourtant - chose essentielle pour le pays - de produire et de maîtriser l'énergie.

M. le ministre délégué à l'industrie. Et le pétrole ?

M. Pierre Cohen. Pour le moment, je vous parle de l'énergie telle qu'elle est organisée en France et qui est essentiellement tournée vers le nucléaire. En rompant le lien qui existe entre l'entreprise et la citoyenneté, vous commettriez une erreur irréparable.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le rapporteur, dans notre hémicycle, l'usage consiste à répondre à l'orateur qui a posé une question et non à quelqu'un d'autre, et autrement que par « défavorable ».

Il est de notoriété publique que nous n'avons pas approuvé les conclusions du sommet de Barcelone

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, et M. François-Michel Gonnot. On ne vous a guère entendu à l'époque !

M. Jean-Marc Lefranc. Les communistes faisaient pourtant partie du gouvernement !

M. Daniel Paul. Il nous a semblé en effet qu'on allait mettre en cause une entreprise publique qui, M. Cohen l'a rappelé, n'est pas une entreprise comme les autres. Tout le monde s'est accordé pour dire ici, il y a environ un mois, que l'énergie n'était pas une marchandise que l'on pouvait vendre comme n'importe quel autre produit.

Vous allez bel et bien spolier le peuple français. J'ai rappelé la semaine dernière le montant des sommes que l'État, depuis 1946, a octroyées à EDF et à GDF. Ces sommes sont sans commune mesure - elles sont même ridicules - avec ce que l'État a ponctionné sur EDF et qui, rien que pour les dernières années, atteint environ 6 milliards d'euros.

Le contrat de plan entre EDF et l'État prévoit que l'entreprise versera à l'État 37, 5 % du montant de ses bénéfices. Voilà un État qui se sert abondamment et qui accuse ensuite l'entreprise EDF de ne pas avoir suffisamment de fonds propres ! C'est le chat qui se mord la queue ! Après avoir pompé les subsides d'EDF, on l'accuse de ne pas pouvoir faire face à ses responsabilités.

Ceux qui ont fait EDF et GDF depuis 1946, ce sont les Français. A travers les tarifs qu'ils payaient, ils ont pris en charge la quasi-intégralité des dépenses d'investissement de l'hydro-électricité dans les années quarante et cinquante, les dépenses concernant la production d'électricité à partir d'énergies fossiles dans les années soixante, et le gros effort, consenti par EDF à partir de 1970, en faveur de l'énergie nucléaire. La part la plus importante a été payée par les Français et non par l'État. L'État y a consacré 15 milliards d'euros ; certes, ce n'est pas une bagatelle, puisque cela représente un milliard de francs par an depuis 1946. Mais, mes chers collègues, ce n'est pas cher payé pour avoir une entreprise aussi florissante.

M. Jean-Marc Lefranc. C'est pour cela qu'il faut la sauver !

M. Daniel Paul. Mais sans doute l'argumentaire développé par M. Vaxès a-t-il mis M. le rapporteur en difficulté. Peut-être préférera-t-il répondre à d'autres orateurs...

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. M. le ministre n'ayant pas pu être présent lorsque j'ai soutenu la motion de renvoi en commission, je développerai quelques points dans le cadre de cet amendement.

M. Borotra était d'abord intervenu en 1996, puis, lors de la discussion de la loi de 2000 sur la transposition de la directive de 1996. M. Borotra avait alors rappelé qu'il était favorable à ce qu'EDF reste publique à 100 %. De fait, nous avions réfléchi, sous les gouvernements socialistes, à une évolution de Gaz de France, dont le cas diffère de celui d'EDF, même si nous souhaitons aujourd'hui que les deux établissements restent publics. Un projet industriel avait été envisagé dans le même esprit que pour l'aéronautique ou l'aérospatiale, incluant la possibilité d'une alliance avec une entreprise publique norvégienne, Statoil, en vue de conforter GDF dans le cadre de la fourniture de gaz.

Par ailleurs, sans revenir sur le sommet de Barcelone, depuis 2002, de nombreux événements ont changé la donne au plan mondial. Il y a eu de forts dysfonctionnements du marché, notamment aux États-Unis et en Italie. Nous sommes allés sur place, dans le cadre du groupe d'études parlementaire sur l'énergie, pour voir comment cela se passait dans les différents États des Etats-Unis, dont certains, d'ailleurs, n'ont pas ouvert leur marché.

Le marché n'a pas non plus donné de signaux pour investir, que ce soit dans le cadre de la production ou du transport, en l'absence de rentabilité à court terme.

En outre, les prix ont augmenté, comme le rappellent les grands industriels utilisateurs d'énergie.

A quoi s'ajoute le fait que l'ensemble des scientifiques nous ont fait prendre conscience d'un probable changement climatique qui est aujourd'hui le premier problème environnemental à l'échelle planétaire. Et dans ce cadre, la question de l'effet de serre rend plus lourd que jamais le problème du nucléaire. Il y a seulement dix ans, on pouvait envisager de faire de l'électricité avec des cycles combinés et du gaz.

Par ailleurs, le prix du pétrole a augmenté et, parallèlement, celui du gaz, et les États-Unis nous ont informés qu'ils manquaient de gaz.

Nous devons avoir tout cela en tête aujourd'hui. C'est pourquoi nous sommes maintenant unanimes au Parti socialiste pour nous opposer au changement de statut.

L'amendement parle avec raison de spoliation. Monsieur le ministre, comme M. Sarkozy, vous avez indiqué que vous aviez lancé une mission afin d'établir la valeur d'EDF et de GDF. Notre commission aurait dû disposer de ces éléments avant de se prononcer sur le présent projet.

Quant on voit l'ampleur des incertitudes qui pèsent sur les éventuels besoins de financement d'EDF, sur la valeur du réseau, sur l'avenir de RTE, sur la soulte pour les retraites qui peut aller de zéro à 12 ou 13 milliards d'euros, sans parler des délais de son versement par EDF, ce qui influerait sur ses besoins de financement, sans oublier les frais de démantèlement des centrales nucléaires - que nous connaissons plus précisément aujourd'hui - et les coûts de gestion des déchets, il est évident que nous craignons une spoliation.

J'avais posé la même question ici même à l'époque où le gouvernement d'Alain Juppé voulait brader Thomson Multimedia à l'entreprise coréenne Daewoo pour un franc symbolique, non sans l'avoir recapitalisée de 11 milliards de francs...

M. le président. Il faut conclure, monsieur Ducout.

M. Pierre Ducout. La majorité a mis en place une commission d'enquête, elle en a le droit, mais dont le but était de dramatiser la situation d'EDF, dans une période difficile au plan mondial - je pense notamment aux conditions de rachat de NBV et d'Edison.

Par conséquent, puisque nous ne connaissons pas la valeur d'EDF à court, moyen ou long terme, sa transformation d'EPIC en SA crée réellement un risque de spoliation de la nation, et nous voterons l'amendement présenté par nos collègues communistes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1637.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1639.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le soutenir.

M. Michel Vaxès. Cet amendement pose l'importante question de la fusion entre EDF et GDF. Dans les deux entreprises, de nombreuses voix, vous le savez, monsieur le ministre, se font entendre, plaidant pour la fusion entre les deux entreprises.

Les arguments ne manquent pas au niveau commercial puisque toutes les entreprises énergétiques européennes mettent en évidence l'importance de l'offre multi-énergétique. Au niveau de l'efficacité économique, la distribution commune permet des économies d'échelle, alors que la rupture de la synergie existante engendrera fatalement des coûts supplémentaires en termes d'outils informatiques, de facturation, de campagnes publicitaires pour se démarquer l'une de l'autre. Enfin, au niveau des enjeux à long terme, le procédé économe d'énergie de cogénération ou de mix énergétique incluant une part d'énergie renouvelable lie électriciens et gaziers.

Vous en conviendrez, monsieur le ministre, cette question mérite d'être examinée attentivement avant toute décision définitive. C'est sans doute parce que vous en avez conscience que vous avez expliqué en commission des affaires économiques, le 2 juin, que les possibilités d'une fusion entre Électricité et Gaz de France seraient étudiées pour septembre.

Dois-je vous le rappeler, gouverner, c'est prévoir et, avec la perspicacité qui vous caractérise, ne pas inverser l'ordre des choses. Il nous semble donc raisonnable d'attendre les résultats de l'étude sur la possibilité d'une fusion entre EDF et GDF avant l'entrée en vigueur de ce texte qui impose un démantèlement et une réorganisation sans précédent des entreprises électriques et gazières, sur lesquels il sera très difficile de revenir pour organiser une fusion, alors qu'EDF et GDF disposent déjà aujourd'hui de structures communes de distribution.

Enfin, votre argument avancé en commission des affaires économiques selon lequel le report de l'examen du projet de loi n'est pas envisageable, compte tenu de l'échéance de l'ouverture à la concurrence fixée au 1er juillet, n'est pas recevable. Vous le savez aussi bien que nous, la procédure de poursuite devant la Cour de justice des Communautés européennes pour la non-transposition des directives n'est pas pratiquée de manière brutale par la Commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tous ces arguments ont déjà été développés ! Vous vous répétez !

M. Michel Vaxès. La poursuite n'est ouverte qu'après une période de discussion et de négociation durant laquelle l'État membre a l'occasion de faire valoir les raisons du dépassement de délai.


Dans la mesure où vous jugez nécessaire d'étudier la possibilité d'une fusion entre EDF et GDF, on peut penser que la Commission ne sera pas insensible aux raisons invoquées par la France pour son retard. Nous plaidons donc vivement pour une suspension de l'examen du projet de loi dans l'attente des conclusions de l'audit que vous avez vous-même commandé, monsieur le ministre délégué. Ce respect du bon ordre nous permettrait d'être mieux éclairés avant de prendre une décision.

M. Patrick Lemasle. Il a raison !

M. Daniel Paul. C'est la sagesse même !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable également.

M. Pierre Goldberg. Voilà qui s'appelle argumenter !

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. L'amendement présenté par le groupe communiste est sage, en effet, car il permet de rétablir l'ordre chronologique. Qui instille la confusion dans l'esprit des parlementaires ? Ce n'est pas nous, mais le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Après avoir envisagé l'ouverture du capital d'EDF à hauteur de 50 %, puis de 70 %, puis de 100 %, après avoir souhaité disposer de plus de temps, il a suggéré qu'une commission ad hoc, de composition pluraliste, comprenant des techniciens, des parlementaires, des syndicalistes, puisse à la fois dresser l'inventaire des besoins de financement des deux entreprises et examiner avec attention les perspectives d'une fusion, au sein du service public de l'énergie, entre EDF et GDF.

M. François-Michel Gonnot. Non, pas du tout !

M. Pierre Cohen. Il l'a dit !

M. David Habib. Le ministre s'est plusieurs fois exprimé sur la question, et c'est à la suite de ces interventions confuses et contradictoires que nous ressentons le besoin d'y voir plus clair. L'amendement vise justement à nous donner le temps d'examiner la pertinence de la fusion.

Le rapporteur, M. Lenoir, a cité un certain nombre de propos. Sans vouloir retarder les débats, nous pourrions, nous aussi, nous livrer à ce genre d'amusement. Je peux rappeler la déclaration d'un sénateur-maire UMP des Yvelines, M. Gournac : « Pourquoi ne pas saisir l'occasion de la nécessaire adaptation à l'ouverture des marchés pour créer un grand champion mondial de l'énergie en mesure à la fois d'affronter victorieusement la concurrence et de remplir les missions de service public qui incombent à une entreprise qui ne sera jamais tout à fait comme les autres ? » D'autres intervenants chiraquiens se sont exprimés dans ce sens. M. Gonnot a lui-même expliqué avec beaucoup de franchise et de sincérité la démarche qui l'a conduit à déposer une proposition de loi visant à créer un groupe unique. De même, au mois de janvier, la fondation Concorde prônait la fusion d'Électricité de France et de Gaz de France.

M. Jean-Claude Lenoir. La fondation Concorde n'est pas un groupe parlementaire !

M. David Habib. On trouvera dans des écrits ou des prises de parole une multitude d'appels à la réflexion sur ce sujet.

M. Patrick Lemasle. Et à la raison !

M. David Habib. Ce que nous réclamons avec le groupe communiste - car François Brottes avait déposé à peu près le même amendement au moment du débat d'orientation sur la politique énergétique -, c'est que vous fassiez preuve de sincérité. Soit vous souhaitez vraiment examiner la possibilité d'une fusion, et dans ce cas il convient de suspendre les débats en attendant les conclusions de l'audit, soit vous ne l'envisagez pas réellement, et il ne s'agit, alors, que d'une improvisation, voire d'une manipulation destinée à masquer vos véritables intentions et à désarmer le mouvement social. C'est pourquoi nous attendons une réponse.

En annonçant que nous aurions, au mois de septembre, le résultat des réflexions engagées au sujet de la fusion, vous avez donné tout à l'heure, monsieur le ministre délégué, des précisions que nous attendions depuis une semaine - Nicolas Sarkozy, lui, ne s'est pas exprimé sur cette question. Il s'agit d'un élément nouveau.

Je crois que ces deux entreprises, qui ont capitalisé tant de prouesses technologiques et ont permis à notre pays de se développer, tant sur le plan de l'aménagement du territoire que du renforcement de son tissu industriel, peuvent bien disposer de quelques mois si cela peut nous permettre de ne pas rater les opportunités qu'une telle fusion pourrait offrir au pays.

M. Daniel Paul. À nouveau, c'est de la sagesse !

M. le président. La parole est à M. François-Michel Gonnot.

M. François-Michel Gonnot. Je rappelle ce que j'ai déjà dit la semaine dernière : s'il peut y avoir de la sagesse à prendre quelques semaines pour réfléchir, il y a, en revanche, beaucoup d'irresponsabilité à n'avoir rien fait pendant cinq ans. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Patrick Lemasle. Et la loi du 10 février 2000 ?

M. Pierre Ducout. Elle a été saluée comme une très bonne loi !

M. François-Michel Gonnot. Vous avez conquis la majorité un an après la directive de 1996. Or, de 1997 à 2002, il n'y a jamais eu le moindre projet de loi, la moindre réflexion du gouvernement, la moindre volonté d'installer des experts chargés de réfléchir au problème, ni la moindre question posée aux présidents des deux entreprises.

M. Pierre Cohen. Tout simplement parce que nous ne voulions rien changer !

M. François-Michel Gonnot. Vous ne pouvez pas reprocher au Gouvernement d'essayer d'entamer la réflexion, ce qu'il fait d'ailleurs avec beaucoup de pragmatisme et d'ouverture.

M. Pierre Ducout. Vous appelez ça « entamer la réflexion » ?

M. François-Michel Gonnot. Il convient, monsieur le ministre, de lever la confusion que pourrait introduire l'intervention de notre collègue Habib. La commission qui va être installée doit travailler jusqu'en 2005. Elle sera composée de représentants des partenaires sociaux et de parlementaires, et chargée d'examiner la situation et les besoins de financement d'EDF. Mais Gaz de France fera-t-elle partie de son champ de compétences ? En outre, si j'ai bien compris votre réponse, cette commission n'aura pas vocation à réfléchir sur un éventuel rapprochement entre les deux entreprises et sur les synergies.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Il s'agit d'une autre commission ! Écoutez donc M. Sarkozy.

M. François-Michel Gonnot. Vous écouter n'a pas beaucoup d'importance, messieurs : ce qui est important, c'est la réponse du ministre.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Précisément !

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Pour ma part, je ne participerai pas au vote sur l'amendement.

M. Daniel Paul. Ah !

M. Yves Cochet. Eh oui, monsieur Paul, vous savez que nous avons quelques divergences sur la question énergétique ! (Sourires.)

Pour moi, la forme et le fond vont ensemble. Il faut prendre en compte le problème énergétique dans ses différentes composantes : les entreprises, les personnels, mais aussi la nature de l'énergie distribuée. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard si ce projet de loi vient environ un mois après le débat, si décevant, consacré à la politique énergétique.

Cet amendement comprend deux points : d'une part, la demande de suspension du débat jusqu'aux conclusions de l'audit, avec laquelle je suis d'accord ; de l'autre, la question de la fusion entre EDF et GDF - et sur ce sujet, je n'ai pas peur d'exprimer mon opposition.

M. Pierre Cohen. L'amendement ne se prononce pas en faveur de la fusion !

M. Yves Cochet. Peut-être, mais dans sa présentation, M. Vaxès a affirmé que de nombreux personnels y étaient favorables. Il suffit d'ailleurs de lire les tracts de la CGT ou les banderoles portées pendant les manifestations. En outre, des membres de l'UMP se sont également prononcés dans ce sens, à l'instar de M. Gonnot. Pour ma part, il me semble préférable de conserver deux établissements publics distincts.

On a la manie du gigantisme. Certains croient que plus c'est gros, mieux ça marche. Or un tel principe n'est pas du tout évident, en particulier dans le domaine de l'énergie. Il suffit de rappeler l'exemple d'Enron, qui a fait faillite dans les conditions que l'on sait.

M. Jacques Desallangre. Ce n'est pas la taille qui compte, c'est l'esprit !

M. Yves Cochet. Justement, l'esprit, parlons-en ! Allez voir dans quel esprit EDF intervient en Argentine, par exemple.

M. Jacques Desallangre. Je parlais de la situation d'avant !

M. Yves Cochet. Il s'agit de la même entité !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Devons-nous vous laisser entre vous ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous ne pouvons pas continuer le débat dans ces conditions ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Cochet. Justement, j'essaie de terminer mon propos.

EDF est déjà la plus grande entreprise énergétique du monde. Et certains d'entre nous voudraient, en plus, qu'elle absorbe Gaz de France et devienne encore plus grosse ! Pourtant, comme l'exprimait déjà un livre publié voilà une vingtaine d'années, EDF constitue un État dans l'État. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais si, il faut rester lucides ! Cela fonctionne ainsi depuis 1946.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il y a de graves divisions au sein de l'opposition !

M. Yves Cochet. Il s'agit d'une puissance industrielle dont je rappelle, pour ceux qui l'auraient oubliée, la stratégie : monopole à l'intérieur, Monopoly à l'extérieur ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et ce n'est pas un nouveau statut qui y changera quelque chose. C'est l'autonomie de fonctionnement de cette entreprise qu'il convient d'examiner.

Le débat d'orientation sur l'énergie a fait apparaître une autre raison de conserver la séparation. L'absorption éventuelle de Gaz de France - car c'est bien de cela qu'il s'agit - signifierait la mort de la cogénération et, plus généralement, des énergies renouvelables.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais non !

M. Yves Cochet. Si ! Comme vous, je connais les gens d'EDF depuis trente ans. L'énergie renouvelable ne les intéresse pas, car le nucléaire est à leurs yeux la seule manière de produire de l'énergie.

M. Jacques Desallangre. Nous y voilà !

M. Yves Cochet. Cela fait trente ans que l'on nous promet des économies d'énergie et un recours plus important aux énergies renouvelables, mais rien n'est fait, parce que cela passerait par la réduction des crédits destinés au nucléaire. Ce discours n'est qu'une confiture servie aux gogos ! On me raconte ça depuis trente ans, mais cela ne marche plus.

Il faut réfléchir à la substance même de l'énergie que l'on distribue. À cet égard, je préférerais favoriser les énergies renouvelables et les économies d'énergie plutôt que le nucléaire. Or la fusion entraînerait la mort de GDF, la mort de la cogénération, la mort du gaz, la mort des énergies renouvelables.

Enfin, je milite pour une forme d'énergie décentralisée. Une centrale produisant 1 400 mégawatts d'énergie renouvelable n'aurait aucun sens ; il faut des centaines de producteurs disséminés partout dans le pays. Les énergies renouvelables ne sont pas centralisables. Évidemment, cela heurte la grande tradition française colbertiste et jacobine qui exige que tout passe par le centre. Eh bien non, cela ne peut plus marcher ainsi.

Pour toutes ces raisons, je ne souhaite pas la fusion d'EDF et GDF.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. M. Cochet devrait nous remercier, car notre amendement lui a donné l'occasion d'exprimer sa position.

Je note cependant, mon cher collègue, que notre texte ne prend pas explicitement parti pour ou contre la fusion. Il est vrai que pour ma part, j'y suis favorable, mais ce n'est que lorsque la question se posera que je développerai mon argumentation. Pour l'instant, il s'agit simplement de se poser la question suivante : n'est-il pas de bonne intelligence de renvoyer la discussion du projet de loi après la remise de l'audit qui doit examiner l'opportunité d'une fusion ? Je constate que ni le rapporteur, ni le Gouvernement n'ont apporté de réponse à cette question pourtant simple. L'amendement mériterait d'être adopté à l'unanimité.

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle qu'en vertu de l'article 56, alinéa 3 de notre règlement, le président « peut » autoriser un orateur à répondre au Gouvernement ou à la commission. En toute logique, la présidence a donc la faculté de ne donner la parole qu'à un seul orateur. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Lemasle. C'est un débat important !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous pratiquez l'obstruction !

M. le président. Toutefois, je continuerai à donner la parole à deux orateurs, un pour répondre au Gouvernement, l'autre pour répondre à la commission, et vous vous organiserez comme vous l'entendez.

Je mets aux voix l'amendement n° 1639.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Les amendements identiques nos 516 à 528 étant la déclinaison d'un amendement de M. Bataille qui a été précédemment rejeté, ils n'ont plus d'objet.

Je suis saisi de treize amendements identiques, nos 529 à 541.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l'amendement n° 532.

M. François Brottes. Nous prenons acte, monsieur le président, du fait que les amendements précédents tombent. Nous sommes un peu surpris, mais cela relève de votre responsabilité et en aucun cas nous ne saurions la contester.

Nos collègues de l'UMP vont finir par user les piles de leur argumentaire flash n° 25 à force de rabâcher certaines déclarations qui ont effectivement été faites par des leaders de notre sensibilité. Si j'ai cité M. Borotra, c'est parce que, de toutes les déclarations auxquelles il a été fait allusion ici, la sienne est la seule qui figure au Journal officiel de la République française. Elle a donc force de loi, en quelque sorte. Quand on sait que M. Borotra, alors ministre de la République, a déclaré en 1996 qu'il « ne saurait être question de modifier le statut d'EDF », on est en droit de s'interroger sur les positions prises dans ce débat, qui sera aussi retranscrit au Journal officiel, par un ministre de même sensibilité qui avance des arguments contraires pour modifier ce statut.

Si nos positions n'ont pas toujours été très claires - nous en convenons -, elles le sont aujourd'hui parfaitement, parce que l'expérience de France Télécom a montré que lorsque l'on ouvrait le capital le management changeait d'attitude et l'on avait une vision uniquement à court terme de la gestion de l'entreprise et de ses investissements, y compris en matière de recherche et de formation des hommes. Nous avons également pris acte de la dégradation des tarifs non seulement pour les ménages, mais aussi pour les industriels qui sont extrêmement inquiets, car dans certaines entreprises 30 % des comptes d'exploitation sont affectés aux charges d'énergie, et cela ne va pas s'arranger. Et puis, il y a des risques s'agissant de la sécurité des approvisionnements et des installations.

Sur une question aussi grave, on ne peut donc pas avoir une approche « religieuse ». C'est parce que nous avons réfléchi et que nous avons cette expérience, pas forcément glorieuse - j'en conviens -, que notre position est aujourd'hui extrêmement claire. Pour ne pas user les piles de leur argumentaire flash n° 25, nos collègues de l'UMP devraient, quant à eux, rester dans le cadre des positions qui ont été exprimées officiellement dans le cadre du Journal officiel de la République française.

Ces amendements visent à redéfinir le principe de spécialité de l'établissement public « Électricité de France ». Il faut en effet en finir avec votre argument selon lequel nous sommes obligés d'aller vers la privatisation en changeant de statut parce que nous sommes engoncés dans le principe de spécialité et que nous ne pouvons pas sortir de ce carcan. Comme l'ont dit nos collègues Ducout et Bataille, mais visiblement vous ne les avez pas suffisamment écoutés, nous avons montré avec la loi de 2000 qu'il était possible de faire preuve de souplesse en la matière. Avec ces amendements nous proposons d'assouplir encore cette disposition pour que l'on ne puisse plus nous rétorquer que le changement de statut est la seule solution.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen, pour soutenir l'amendement n° 533.

M. Pierre Cohen. Avec ce texte, nous aurons une dénationalisation qui sera suivie d'une ouverture de capital et, obligatoirement, d'une privatisation qui remettra en cause le fondement de l'entreprise publique, à savoir la notion de service public, qui répond fondamentalement aux objectifs que s'est donnés la France depuis plus de cinquante ans pour maîtriser et produire de l'énergie de manière efficace et opérationnelle.

Cet amendement montre bien qu'il y a plusieurs façons d'attaquer cette notion de service public. Outre la façon libérale qui caractérise ce projet, on peut vouloir vendre l'entreprise par appartements. Le débat sur la fusion éventuelle entre Électricité de France et Gaz de France met l'accent sur l'intérêt qu'il y aurait à traiter de façon unique des questions telles que l'aménagement du territoire ou la notion de service public pour les usagers les plus défavorisés. Mais il y a encore une autre façon d'attaquer la notion de service public, qui consiste à remettre en cause le principe de spécialité de l'EPIC.

Je ne relirai pas mon amendement, mais il est bon de rappeler qu'Électricité de France doit avoir pour objet de produire, de transporter et de distribuer de l'énergie, qu'elle peut, par des filiales ou des sociétés, proposer aux clients éligibles présents sur le territoire national une offre globale de prestations techniques ou commerciales. Enfin, en dehors de sa mission de fourniture d'énergie, Électricité de France doit aussi offrir des services portant sur la réalisation ou l'entretien des installations intérieures. Elle doit donc intervenir de la production jusqu'à l'entretien pour répondre aux besoins de l'ensemble des usagers, qu'ils soient favorisés ou non. C'est ce qui fait sa force et que nous ne souhaitons pas voir remis en cause.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout, pour soutenir l'amendement n° 535.

M. Pierre Ducout. En tendant à préciser ce que peut être la spécialité d'EDF dans le cadre d'un EPIC, et non d'une SA comme le veut la droite, cet amendement répond à l'un des arguments principaux avancés par le Gouvernement pour justifier le changement de statut, l'ouverture du capital et, à terme, la privatisation.

Il faut mettre l'accent sur ce principe de spécialité en faisant d'EDF un prestataire d'énergie et en précisant, comme vient de le rappeler M. Cochet, que la production d'électricité ne doit pas dépendre exclusivement du nucléaire. Les énergies renouvelables doivent aussi jouer un rôle - EDF a d'ailleurs pris des engagements en la matière. Pour répondre aux besoins en semi-base et en pointe, il faudrait en outre remplacer d'anciennes centrales, qui sont polluantes, par des cycles combinés au gaz qui sont complémentaires. Dans la loi de 2000, nous avions pris en compte, avec des appuis importants et en liaison avec nos collègues du groupe communiste, une certaine cogénération permettant de faire à la fois de la chaleur et de l'électricité, car il ne fallait pas financer une solution n'allant pas dans le sens de l'intérêt de la nation et n'étant qu'une aubaine financière pour certains investisseurs.

S'agissant du principe de spécialité d'EDF, nous avions bien avancé avec l'excellente loi de 2000 portant transposition de la directive européenne 96/92. Nous avions en effet ouvert ce principe pour les clients éligibles en insistant sur le fait qu'EDF avait passé de nombreux accords amiables avec des organisations professionnelles du secteur, en particulier avec les artisans qui représentent une force très importante et dont le savoir-faire peut être mis en parallèle avec celui d'EDF pour mettre en place les nouveaux produits dans le cadre du progrès technologique. Nous insistons sur le fait que l'entreprise doit être partenaire des collectivités locales qui prennent toute leur place dans l'organisation de l'électricité, notamment dans le cadre des concessions de la distribution.

Je voudrais insister sur un dernier point. EDF ne serait pas systématiquement en situation d'abus de position dominante. On peut faire la comparaison avec le groupe Suez-Electrabel qui intervient sur le marché global des utilities, c'est-à-dire à la fois l'énergie, l'eau et l'assainissement, la propreté, les déchets, et dont le chiffre d'affaires est plus important que ce que serait celui d'EDF-GDF. En outre, des groupes se sont constitués au niveau européen. Je pense en particulier à Eon-Ruhrgas en Allemagne . La Commission européenne a permis ce rapprochement avec des contreparties relativement limitées. Il est donc très dangereux de vouloir changer ce qui fonctionne bien, c'est-à-dire EDF.

Avec ce texte, nous pourrions fort bien, en étendant le principe de spécialité, lui donner les moyens de faire face naturellement à une concurrence qui a été voulue par la Commission européenne et que nous ne remettons pas en cause, même si nous savons bien qu'elle ne fera pas baisser les prix. En effet, nous allons plutôt vers la mise en place d'un oligopole, comme cela a été le cas aux Etats-Unis, avec un marché qui ne sera pas forcément un marché pur comme certains ultra-libéraux voudraient nous le faire croire.

M. le président. La parole est à M. David Habib, pour soutenir l'amendement n° 539.

M. David Habib. Nous sommes tous attachés à ce que cette entreprise dynamique reste leader mondial et préserve sa maîtrise technique et sa qualité de service reconnues de tous qui lui permettent d'afficher des ambitions internationales. C'est la notion de champion mondial qui a été évoquée par M. le ministre et à laquelle j'adhère.

Pour pouvoir définir ce projet industriel, qui mérite toutefois d'être précisé - je l'ai dit dans mon intervention lors de la discussion générale -, il nous faut asseoir EDF et GDF sur un projet politique, au sens noble du terme, de fusion. Nous respecterions ainsi les textes communautaires qui demandent simplement d'organiser le service public de l'énergie. Si nous n'avions pas déposé cet amendement, le groupe socialiste n'aurait pas pleinement assumé ses choix eu égard à ce texte de loi.

L'objectif est aussi de disposer d'une offre multi-énergie en s'appuyant sur les adaptations de la raison sociale qui, grâce à la loi de 2000, permettent de répondre au foisonnement de la demande des clients et de faire face aux évolutions techniques. Nous sommes donc respectueux à la fois des exigences communautaires et des demandes des clients d'Électricité de France et de Gaz de France.

Pour revenir à l'aspect qu'a évoqué M. Yves Cochet, je n'ai pas autant d'expérience parlementaire que beaucoup de mes collègues et je me garderai bien, en la matière, d'être péremptoire. Mais je pense, pour en avoir parlé avec d'autres personnes, qu'une des difficultés qui pénalise les énergies renouvelables vient du fait que, en France, le projet de diversification des sources énergétiques n'a jamais été porté par un industriel.

En modifiant la raison sociale du service public, en créant, comme nous le souhaiterions, Énergie de France, et en lui donnant des missions, nous nous mettrions en mesure d'offrir à certaines techniques propres, capables de susciter l'adhésion du plus grand nombre de nos concitoyens, un support industriel qui leur permettrait d'atteindre les objectifs commerciaux et industriels qu'elles n'ont pas été en mesure d'atteindre jusqu'à présent.

Pour conclure, monsieur le président, vous me permettrez de revenir à la question que M. Gonnot a posée sur les missions de ce que j'appellerai la commission ad hoc : celle-ci doit-elle exclusivement examiner les conditions de fonctionnement, les comptes et les besoins de financement des entreprises ou son mandat est-il étendu à l'examen des perspectives de fusion ?

Si, comme j'ai cru le comprendre, monsieur le ministre, c'est la seconde hypothèse qui prévaut, le calendrier que vous nous avez indiqué ne pourra pas être tenu. Dans la première hypothèse, vous deviez au moins indiquer à M. le ministre d'État les choix que vous avez faits et qui me paraissent, en l'occurrence, plus pertinents que les siens !

M. le ministre délégué à l'industrie. Vous êtes pour la paix des familles, monsieur Brottes ! (Sourires.)

M. Patrick Lemasle. Le problème, c'est qu'il a raison.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les treize amendements en discussion ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable.

M. le président. Je signale que, étant donné que treize amendements identiques ont été déposés, il aurait été possible à treize orateurs socialistes de s'exprimer.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président, nous nous sommes mis d'accord pour ne pas allonger le débat. (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Toutefois, la brièveté du ministre et du rapporteur me met dans l'obligation d'envisager que nous procédions autrement.

Je déplore ces réponses lapidaires sur une question aussi importante que celle du principe de spécialité. Nous proposons de redéfinir ce dernier et d'en élargir le champ afin de permettre à l'entreprise de mieux assumer ses missions de service public ou d'intérêt général. Ce qui l'autorise à être différente des autres est précisément qu'elle assume certaines missions de ce type. La proposition du Gouvernement consistant à banaliser totalement le rôle et les missions d'EDF et de GDF va à l'encontre de la préservation des missions d'intérêt général accomplies aujourd'hui.

À titre de preuve, puisqu'on prétend que nous faisons ici des procès d'intention, je rappellerai, sous le contrôle du rapporteur - en espérant qu'il acceptera de me répondre autrement qu'en deux mots -, qu'un amendement adopté en commission vise à répartir les missions de service public entre tous les opérateurs qui seront sur ce marché. On le voit : on s'achemine bien vers une banalisation complète du rôle d'EDF et de GDF.

Sur ce point, notre opposition au Gouvernement ne peut qu'être frontale. Au fur et à mesure que nous avançons, nous essayons de démasquer ses mauvaises intentions. Mais nous ne recevons en retour que des refus et des non-réponses. À ceci près que, en écoutant les arguments que nous développons pour soutenir nos amendements, chacun peut percevoir ce qui se cache derrière le projet de loi.

Quand on constate qu'un député de la majorité comme M. Gonnot interroge en vain le Gouvernement, notamment sur le rôle effectif dont disposera la « commission Théodule », on est en droit de s'inquiéter non seulement sur l'évolution du débat, mais sur la manière dont les entreprises publiques seront traitées, une fois que le projet de loi sera voté, ce qui ne fait aucun doute, vu la confortable majorité dont dispose l'UMP. Le Gouvernement sera alors en mesure de faire ce qu'il voudra, notamment de procéder à la banalisation complète d'EDF et de GDF.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Pour revenir au principe de spécialité, tout le monde nous annonce que, à partir du moment où EDF et GDF vont être capables d'exercer, en plus de leur spécialité propre, celle du voisin - c'est-à-dire que EDF transportera et fournira non seulement de l'électricité, mais aussi du gaz, ce que l'on peut comprendre, et que GDF produira et fournira non seulement du gaz, mais aussi de l'électricité, ce que l'on peut également comprendre -, on va vers un choc frontal. Je pourrais citer à ce sujet de nombreuses coupures de presse, qui sont unanimes. Deux entreprises publiques créées en 1946 en s'inspirant du programme du Conseil national de la Résistance vont ainsi se livrer une bagarre libérale...

Mais le projet de loi va plus loin, car on nous annonce aussi des alliances. En effet, pour produire de l'électricité, GDF devra trouver un électricien. On parle déjà de Suez, qui a bénéficié d'aides pour pouvoir mettre la main sur la Compagnie nationale du Rhône et dispose aujourd'hui des centrales nucléaires d'Electrabel en Belgique.

M. Pierre Ducout. C'est tout à fait exact.

M. Daniel Paul. On voit donc se constituer un groupe. Notre collègue avait raison. Aujourd'hui, alors que le chiffre d'affaires d'EDF est de 33 milliards d'euros, celui de Suez s'élève à 80 milliards d'euros. Il n'y a plus photo.

M. Pierre Ducout. Absolument !

M. Daniel Paul. La bagarre va se produire entre ces géants. La sagesse et la raison commanderaient que l'abandon du principe de spécialité coïncide avec la fusion d'EDF et de GDF. Nous éviterions ainsi que ces deux fleurons de l'industrie publique française ne se découvrent tout à coup des velléités d'ogre désireux de manger l'autre, à la faveur de partenariats avec d'autres entreprises dont les objectifs n'auront plus rien à voir avec la production d'électricité nucléaire, hydraulique ou renouvelable. Nous sommes favorables à tout le panel des énergies, mais, de grâce, faisons en sorte que leur production soit le fruit d'une fusion de GDF et d'EDF !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 529 à 541.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Permettez-moi de dire quelques mots sur notre méthode de travail, car, à ce stade du débat, certaines observations s'imposent.

Nous en sommes à la septième séance sur ce texte et, après quelque vingt heures de débat, nous n'avons toujours pas commencé l'article premier.

Je comprends fort bien que certains collègues s'expriment à plusieurs reprises et qu'ils répètent, dix fois sur chaque amendement identique, les mêmes arguments. Qu'ils sachent cependant que nous les avons fort bien compris et que, même si le rapporteur ne répond pas systématiquement au fond comme ils le souhaiteraient, la commission les a bien entendus. Seulement, il semble naturel, dans ce débat, qu'une réponse suffise, et qu'on n'ait pas à la répéter dix fois à chaque amendement.

M. Pierre Ducout. Mais vous ne nous avez apporté aucune réponse !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, vous voulez réellement, j'en suis sûr, que l'on avance dans le débat - puisque je n'imagine pas une seconde que ces séries d'amendements identiques aient été déposées dans le seul but de nous faire perdre du temps (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Cohen. Pas du tout !

M. Pierre Ducout. Pas une seconde !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Pour respecter notre méthode de travail et pour que personne, à l'extérieur de cet hémicycle, ne puisse imaginer que vous êtes en train d'essayer de faire prendre du retard à l'Assemblée, je voudrais que vous acceptiez de débattre.

M. Patrick Lemasle. C'est pour nous la seule manière de nous exprimer.

M. Pierre Ducout. Chacun s'exprime dans sa singularité !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je parle en tant que président de la commission, monsieur Ducout, je vous demande de m'écouter.

J'aimerais que le débat puisse se dérouler sans que j'entende sans cesse, dans mon dos, des réflexions sur la manière dont la commission réagit à vos arguments. Je le répète : ceux-ci sont bons et vous avez parfaitement le droit de les développer. Mais, quand vous les exposez dix fois de suite, admettez que le rapporteur et la commission ne vous répondent qu'une seule fois.

M. Pierre Ducout. Si seulement ils le faisaient une fois !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Si vous voulez vraiment que l'on entre dans le fond du débat - or tout le monde ici, à commencer par le ministre, souhaite que l'on en vienne à l'article premier, ce que nous n'avons pas réussi à faire en sept séances -, avançons, car le fond du projet de loi réside dans ses articles.

M. Pierre Ducout. Le fond du débat, c'est la privatisation !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je souhaiterais répondre, de manière constructive au président de la commission.

J'ai interrogé le rapporteur à propos d'un amendement visant à banaliser les missions de service public. Il était en droit de répondre autre chose que « défavorable » et de dire, par exemple, qu'un amendement du même type avait été déposé sur tel article et viendrait plus tard en discussion. Ma question n'était pas un piège. Elle n'avait pas pour objet de retarder les débats. Toute interrogation ne vise qu'à nous éclairer. Mais, vous le voyez, même à des questions comme celles-ci, nous ne parvenons pas à obtenir des réponses simples.

M. Patrick Lemasle. Nous n'obtenons aucune réponse !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1610.

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le soutenir.

M. Jacques Desallangre. L'amendement vise à préserver la péréquation tarifaire. La généralisation de la hausse des prix de l'électricité a été constatée dans plusieurs études : l'une, réalisée par Nus consulting en 2004, établit de manière intéressante le lien entre la hausse des prix et la déréglementation ; une autre émane de la commission de régulation de l'énergie de 2004.

Les Échos, L'Expansion et La Tribune n'ont pas manqué de souligner, ces jours derniers, le paradoxe de votre projet de loi qui vient ouvrir le marché français à la concurrence, alors même que les expériences effectuées à l'étranger montrent que la hausse des prix n'est pas une donnée conjoncturelle, mais une tendance de fond, concomitante des processus de libéralisation. En Grande-Bretagne, on constate déjà l'introduction de tarifs différents selon les modes de paiement, ce qui conduit naturellement à pénaliser les bas revenus.

Les crises de pénurie qui sévissent sur les marchés de l'énergie ouvrent aussi la porte à des phénomènes de spéculation. Les unes ne vont pas sans les autres. En Californie, l'électricité a été vendue aux enchères sur Internet, tout comme au Canada pendant la crise de 2001.

À EDF comme à GDF, désormais inscrits dans une logique de rentabilité face à l'échéance de l'ouverture du capital, si la péréquation tarifaire est encore garantie, les prix pratiqués sur les services sont déjà discriminatoires. Le mois de décembre 2003 a vu une augmentation très forte des interventions des agents, y compris celles effectuées pour impayés chez les usagers les plus démunis. Le déplacement d'un compteur de gaz situé dans un coffret a été facturé avec une augmentation de 23,5 % par rapport aux tarifs antérieurs. On a même constaté une hausse de 35 % pour le contrôle des appareils de comptage, de 108 % pour le déplacement particulier pour relevé de compteur et de 390 % pour la protection des gaines.

Faut-il le rappeler ? L'électricité et le gaz sont pourtant des biens vitaux non substituables dans la plupart de leurs usages. En conséquence, leur demande est peu sensible aux variations de prix.

Face à ces hausses, que nul n'est en mesure de contester, les usagers sont bien sûr inégalement armés. La libéralisation du marché de l'énergie ouvre en conséquence la porte à un rationnement par l'argent. Nous tenons à souligner que la logique de bénéfice qui prévaut dans le secteur privé n'est pas compatible avec un tarif social de l'électricité et du gaz. On passera en effet d'une vente au prix de revient, comme le stipulait la loi de nationalisation de 1946, à la recherche de la rentabilité financière maximale.

Nous réitérons donc notre demande d'une pleine péréquation tarifaire, par souci de justice sociale et pour empêcher le rationnement par l'argent. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement visant à insérer, avant l'article premier, l'article suivant : « Le ministre chargé de l'énergie veille à ce que la péréquation tarifaire en matière de gaz qui assure l'égalité d'accès de tous les usagers, quels que soient leurs moyens et leur situation sur tout le territoire, soit assurée. »

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il est tout de même étonnant d'entendre notre collègue Desallangre parler de la péréquation des prix du gaz, alors que celle-ci n'existe pas !

M. Jacques Desallangre. C'est un lapsus. Vous m'avez très bien compris.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La péréquation n'existe que pour l'électricité. Pour le gaz, il s'agit seulement d'une harmonisation entre huit régions. Voilà qui trahit le caractère quelque peu improvisé de l'amendement.

M. Jacques Desallangre. C'est un peu facile ! Répondez sur le fond !

(M. Éric Raoult remplace M. François Baroin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Sous réserve de cette rectification que, je pense, le groupe des député-e-s communistes et républicains avait faite de lui-même, et qui ne peut en effet être imputée qu'à l'improvisation, inévitable lorsqu'on rédige des amendements avec le seul souci d'en déposer le plus possible (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), le Gouvernement est défavorable pour une raison très simple.

M. Pierre Cohen. Dans l'art du bricolage, monsieur le ministre, vous êtes un pro !

M. Pierre Ducout. Et ne disons rien de la précipitation de la commission !

M. le ministre délégué à l'industrie. Ces dispositions figurent déjà, dans une rédaction qui offre une garantie plus sûre, au dernier paragraphe de l'article premier.

Je pense donc que, si le groupe des député-e-s communistes et républicains y est favorable, il doit être impatient d'en arriver à cet article. Dépêchons-nous, donc !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Il faudrait, en effet, remplacer le mot « gaz » par le mot « électricité », chacun en convient. Cela dit, l'examen de cet amendement vous fournit l'occasion, monsieur le ministre, de préciser aux clients qui seront éligibles à partir du 1er juillet à quelle sauce ils seront mangés. Nous avons déjà soulevé certaines de ces questions au cours des séances précédentes, mais elles n'ont pas été tranchées. Or, cela mérite explication. Le président de la commission a souhaité que nous soyons constructifs et que nous ne nous répétions pas. Aussi, ma question sera simple. Un client éligible qui voudra conserver EDF comme fournisseur se verra-t-il appliquer le tarif ou pourra-t-il négocier le prix ? Qui fixera les termes du tarif régulé : le ministre ou la commission de régulation ? Enfin, s'il veut quitter EDF pour l'un de ses concurrents, pourra-t-il revenir vers EDF et bénéficier à nouveau de ce tarif ?

À ces questions, qui concernent des millions d'usagers, vous ne pouvez pas répondre en disant : « Circulez, il n'y a rien à voir ! ». Ce n'est pas raisonnable.

M. Pierre Cohen. Nous n'avons toujours pas de réponse !

M. le ministre délégué à l'industrie. Si, elle figure à l'article 1er !

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Monsieur le rapporteur, il est un peu facile de répondre en arguant d'un lapsus linguae !

M. le ministre délégué à l'industrie. En l'espèce, il s'agit plutôt d'un lapsus calami !

M. Jacques Desallangre. Je vous ai connu plus inspiré et vous avez trop de talent pour condamner le fond de mon argumentation en recourant à un tel expédient.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1610.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1611.

La parole est à M. Pierre Goldberg, pour le soutenir.

M. Pierre Goldberg. En application des articles 2 et 3 de la loi du 8 avril 1946, EDF et GDF se sont vu confier des activités d'ingénierie et de recherche. Or, dans l'article 29 du présent projet de loi, qui procède à la réécriture de ces deux dispositions, il n'est plus précisé qu'EDF et GDF exerceront des activités dans ces domaines essentiels pour l'avenir de notre pays. Cela nous semble particulièrement grave à l'heure où le ministre de l'économie entend faire en sorte que l'État se concentre sur les dépenses préparant l'avenir. Mais nous aurons l'occasion de revenir sur la question du champ d'activité d'EDF et de GDF, que vous entendez réduire comme peau de chagrin.

Par l'amendement n° 1611, nous souhaitons mettre l'accent sur le rôle présent d'EDF en matière de recherche. Le budget consacré par cet établissement public à la recherche s'élevait, en 2003, à 450 millions d'euros, soit 1,6 % du chiffre d'affaires et 2,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise. Cet effort de recherche global est, certes, conséquent, mais il diminue, et c'est grave. Cela se comprend dans un contexte où la direction de l'entreprise, désirant et anticipant la privatisation, n'a de cesse de confondre la raison d'être d'un EPIC - un service public personnalisé - et la raison sociale d'une société anonyme. Impulser une culture d'entreprise pour affaiblir la culture de service public à laquelle les agents sont viscéralement attachés : tel est le projet de M. Roussely !

Parallèlement à la course folle aux acquisitions externes dénuées de toute logique industrielle, le budget consacré à la recherche a diminué de 20 % depuis 1999. Une nouvelle baisse de 10 % est annoncée à l'horizon 2006 et 250 postes devraient être alors supprimés. Ces choix stratégiques, imposés par des dirigeants spécialistes du pilotage à courte vue, ont eu pour conséquence de supprimer des laboratoires expérimentaux uniques en Europe qui menaient des recherches de pointe en matière d'expérimentation sur le réseau ou de qualification des matériels de sûreté du nucléaire. Ces compétences sont ignorées.

Le Gouvernement prétend inscrire des objectifs de recherche et développement dans les contrats de service public passés avec les entreprises. Nous proposons que l'effort financier en matière de recherche de chaque fournisseur, de chaque opérateur et de chaque distributeur soit au moins égal, pour l'année N, à 3 % de la valeur ajoutée de l'année N-l. Cette disposition permettrait, dans le cadre du maintien du statut d'EPIC, non seulement de préserver les compétences d'EDF mais encore de les renforcer. Elle participe de notre volonté de sauvegarder le patrimoine qui appartient à la nation, et non à l'État, et dont font partie ces compétences sans lesquelles nos entreprises n'auraient pas pu atteindre dans certaines filières industrielles un niveau d'excellence reconnu au plan mondial.

Se priver progressivement de telles compétences - c'est-à-dire poursuivre sur la voie sans issue empruntée par la direction avec la bénédiction du Gouvernement -, c'est participer à l'inacceptable projet de spoliation de la collectivité nationale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je ferai deux observations. Tout d'abord, la commission a elle-même déposé un amendement renforçant les obligations d'EDF et de GDF en matière de recherche. Ensuite, cet amendement est contraire à la directive. Je rappelle, du reste, que dans le cadre des télécommunications, une disposition similaire avait été annulée.

Enfin, j'aurais souhaité répondre à M. Brottes, mais je constate qu'il n'est plus là.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement. S'agissant d'EDF et de GDF, les objectifs en matière de recherche seront fixés par le contrat de service public. Quant aux autres entreprises, elles fixent librement le niveau de leur effort de recherche. Encore une fois, ce n'est pas le Gosplan !

M. Daniel Paul. Et les crédits baissent !

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Votre réaction m'inquiète, monsieur le ministre. Le secteur de la recherche traverse, depuis six mois, une crise sans précédent.

M. le ministre délégué à l'industrie. Et vous voulez nationaliser l'économie pour la résoudre ?

M. Pierre Cohen. Il ne s'agit pas de nationaliser, mais de souligner qu'un effort de recherche est nécessaire. Depuis deux ans, le budget civil de recherche et développement diminue et la recherche régresse. Quel que soit le ministre de la recherche - M. d'Aubert ou Mme Haigneré avant lui -, le Gouvernement mise entièrement sur le privé pour atteindre, en 2010, l'objectif - jugé indispensable par le Président de la République - de 3 % du PIB consacré à la recherche.

Cet amendement, que j'aurais pu cosigner, me paraît extrêmement intéressant à plus d'un titre. Tout d'abord, il n'y a pas de raison qu'EDF soit la seule à fournir un effort de recherche. Si la transformation de l'EPIC en SA, qui ouvre la voie à la privatisation, suscite nos craintes, c'est parce que nous savons - nous l'avons vu avec France Télécom - que cette évolution entraîne une diminution considérable de l'effort de recherche. Et vous avez démontré depuis deux ans que l'effort public ne prend pas le relais. Or, ce secteur a besoin de recherches menées sur le très long terme - les débats sur le nucléaire ou sur les énergies renouvelables l'ont illustré.

Par ailleurs, l'amendement soulève un problème dont nous débattrons certainement quand nous examinerons le projet de budget. En effet, vous avez élargi l'assiette du crédit d'impôt-recherche, ce qui ne suscitera qu'un simple effet d'aubaine, sans véritablement profiter à la recherche, en particulier dans le privé. Or, en l'espèce, on nous propose de créer, sous l'égide de la commission de régulation de l'énergie, un fonds qui affecterait les crédits soit à l'entreprise si elle s'engage à faire de la recherche fondamentale, soit aux organismes de recherche qui en auront bien besoin.

Enfin, monsieur Ollier, si nous avons déposé de nombreux amendements portant articles additionnels avant l'article 1er, c'est parce que nous voulons éviter que ne se renouvelle ce qui s'est passé lors de l'examen du projet de loi sur les personnes handicapées. En effet, la ministre ayant complètement modifié l'ordonnancement du texte, presque tous les amendements que nous avions déposés à l'article 1er sont tombés. Nous sommes donc obligés de procéder ainsi pour être entendus et pouvoir débattre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1611.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1612.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le soutenir.

M. Michel Vaxès. Cet amendement rejoint la préoccupation qui vient d'être exprimée par M. Goldberg, mais il concerne le gaz.

La France a consacré 2,2 % de son produit intérieur brut à la recherche en 2002, soit plus que la moyenne de l'Union européenne - 1,99 % -, mais loin derrière la Suède - 4, 27 % -, le Japon - 2,98 % - ou les États-Unis : 2,8 %. Toutefois, ce résultat ne suffit pas à masquer la diminution très préoccupante des moyens consacrés à la recherche. La mobilisation des chercheurs, ces derniers mois, a contribué à alerter l'opinion publique.

La question du niveau des moyens budgétaires et financiers consacrés à la recherche est étroitement liée à notre débat sur l'avenir du service public de l'électricité et du gaz. Pour prendre un seul exemple, le Commissariat à l'énergie atomique, créé en 1945 à l'initiative du général de Gaulle, est touché, comme les autres organismes de recherche, par les restrictions budgétaires et ses activités de recherche fondamentale sont menacées à court terme. L'action du CEA ne se cantonne pas au nucléaire civil ; il est également chargé de développer de nouvelles technologies d'énergie. Or, comment peut-il exercer ses missions quand le niveau de la subvention d'État, qui représente 55 % de ses ressources civiles, est remis en cause ? Ainsi, dans la loi de finances initiale pour 2004, cette subvention était en recul de 1,6 %. Cet exemple illustre bien le décalage qui existe entre le discours et la pratique gouvernementale en matière de recherche, et il en va de même dans bien d'autres domaines.

Maintenir un effort de recherche conséquent est, à nos yeux, tout aussi capital que maintenir le statut d'EPIC d'EDF.

Les fonds que nous proposons de récolter pourront être utiles à des activités de recherche sur les gaz combustibles au sein même de l'entreprise ou de ses filiales, dans un organisme de recherche créé ou géré en coopération avec d'autres entreprises gazières ou dans des organismes de recherche publique.

Par ailleurs, nous proposons que la commission de régulation de l'énergie veille au respect de ces dispositions et qu'en cas de non-respect, elle en informe les ministres chargés de l'énergie et de la recherche pour qu'ils prennent les mesures nécessaires.

Un décret en Conseil d'État précisera, bien entendu, les modalités d'application de cet article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Je ne reprendrai pas les arguments qui viennent d'être exposés, cet amendement appliquant au gaz ce qui était l'objet de l'amendement précédent pour l'électricité, mais je souhaite insister sur un élément qui me paraît extrêmement important.

Cet amendement vise à imposer à tous les fournisseurs, opérateurs, ou distributeurs du secteur gazier, de participer au financement des efforts de recherche dans le domaine des gaz combustibles. Ce qui me semble intéressant, c'est non seulement le montant global de l'abondement prévu, s'élevant à 3 % de la valeur ajoutée réalisée, mais aussi et surtout l'affectation spécifique dédiée à la recherche fondamentale, d'un montant de 0,5 %.

En effet, la plupart des connaissances et des solutions techniques dont nous disposerons demain nous auront été procurées par la recherche fondamentale mise en œuvre aujourd'hui. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le gouvernement actuel défend le programme EPR en affirmant que c'est le seul projet apportant une solution au-delà des trente ou quarante années qui viennent.

Il est important de mobiliser l'ensemble des crédits, et de faire en sorte que ceux qui profitent des réalisations d'EDF depuis quarante ans, participent à leur tour à ces efforts de recherche pour les quarante prochaines années. Tel est l'objectif de notre amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1612.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1628.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Rappeler que la maîtrise publique de la politique énergétique nécessite le maintien et le développement d'établissements publics nationaux est, à nos yeux, essentiel. Il est contradictoire de vouloir définir la politique énergétique de notre pays pour les décennies à venir tout en démolissant les outils de service public permettant de la mettre en œuvre. Je rappelle d'ailleurs à M. le ministre que nous n'avons pas dit autre chose lors de l'explication de vote du groupe communiste au sujet de la politique énergétique.

La mise en œuvre d'une politique énergétique nécessite des outils, au sujet desquels nous sommes très inquiets compte tenu de l'orientation qui se dessine dans votre projet de loi, à savoir l'ouverture au capital. Même si vous avez remis à plus tard cet aspect du dossier pour des raisons conjoncturelles, vous devez reconnaître que tel est bien votre objectif. Si la politique énergétique doit être mise en œuvre par des entreprises ouvertes au capital privé - et sans doute le seront-elles de plus en plus - nous n'avons plus confiance, et nous sommes conduits à rejeter votre proposition.

Afin de justifier le dépôt de cet amendement, il me semble utile de faire un point sur les choix qui ont été faits à la Libération...

M. le ministre délégué à l'industrie. Cela faisait longtemps que vous n'en aviez pas parlé !

M. Daniel Paul. ...choix auxquels le programme du Conseil national de la Résistance n'était pas étranger, c'est le moins que l'on puisse dire.

Pourquoi l'électricité et le gaz ont-ils été nationalisés via la création de deux EPIC, EDF et GDF ? Tout simplement parce que, sur la base du constat que le gaz et l'électricité sont indispensables à la vie quotidienne de tous les citoyens et de toutes les entreprises - rappelez-vous en quel état étaient nos entreprises et notre économie en 1946 - nos prédécesseurs se sont aperçus que l'action des compagnies privées, celles-là même que vous voulez remettre en piste actuellement, et la logique de marché, étaient inefficientes. Les compagnies privées qui assuraient la production, le transport ou la distribution de l'électricité et du gaz n'avaient aucune obligation de desserte et pratiquaient des tarifs et des services disparates sur l'ensemble du territoire.

Aujourd'hui nous ne devons pas perdre de vue les motivations de nos prédécesseurs qui avaient une haute idée de la solidarité nationale et même, pour certains d'entre eux, une haute idée de la France.

L'électricité et le gaz, mais plus généralement les autres sources d'énergie, ne sont vraiment pas des marchandises comme les autres. C'est pourquoi il appartient à la communauté politique, et non au marché, de se fixer son horizon et les moyens appropriés pour parvenir à l'atteindre, ou tout du moins s'en rapprocher.

EDF et GDF sont le symbole de l'égalité de traitement, d'un aménagement harmonieux du territoire et de l'adaptation des services de proximité. À l'heure actuelle, quelle que soit la localisation de l'usager sur notre territoire, le prix du kilowattheure est le même pour tous. Il en est donc du kilowattheure comme du timbre. Mais ce formidable résultat dont notre pays peut s'enorgueillir est, dès à présent, menacé, comme en témoigne la situation de nos compatriotes qui vivent dans certaines zones non interconnectées.

Il est menacé par une entreprise incroyablement réactionnaire, visant à donner naissance à de nouvelles compagnies privées qui se partageront les bénéfices tirés d'installations, de structures et de compétences inédites dont les Français ont su se doter au cours des six dernières décennies.

On voit mal comment la logique de marché n'aboutira pas, demain, aux mêmes déficiences que celles constatées hier. D'ailleurs, les pays qui ont mis en pratique ce que vous proposez de faire en France le regrettent amèrement aujourd'hui. Ainsi voit-on Tony Blair devoir pallier les incohérences et les insuffisances du marché, et être obligé de réinjecter près d'un milliard d'euros pour éviter la dégringolade du réseau britannique.

En témoignent également, chez nous, les effets particulièrement pervers de la libéralisation du secteur des télécommunications.

Vous entendez peut-être, monsieur le ministre, donner du crédit à la thèse de l'éternel retour. Hier, pourtant, des hommes comme Charles De Gaulle ou Marcel Paul, malgré leurs divergences, leurs sensibilités opposées, avaient su faire front commun pour proposer une voie autrement prometteuse à nos concitoyennes et concitoyens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable. Je voudrais rappeler à Daniel Paul que la majorité, très attachée à la maîtrise publique de la politique énergétique nationale par une entreprise qui reste publique (« Non ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste) a d'ailleurs adopté un amendement quasiment identique lors de l'examen en première lecture du projet de loi d'orientation sur l'énergie.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président, j'ai appris que M. le rapporteur m'avait reproché tout à l'heure mon absence de quelques minutes. Je tiens à lui préciser que j'ai pour principe de ne pas demander une suspension de séance à chaque fois que je dois, pour une raison personnelle, quitter l'hémicycle. Par ailleurs, puisque je suis de retour, je suis curieux de savoir ce qu'il avait à me dire.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je me contenterai de rappeler que vous aviez fait la même remarque à mon sujet la semaine dernière !

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. La politique énergétique française revêt un caractère particulièrement important, dans la mesure où celle-ci implique la préparation de l'avenir. Nous avions voulu en tenir compte dans le cadre de la transposition de la loi de 2000, en insistant sur la programmation pluriannuelle des investissements de production, avec notamment le bilan prévisionnel pluriannuel qui doit être donné par les gestionnaires du réseau de transport, RTE.

L'expérience des deux ou trois dernières années montre bien que la moindre ouverture du capital, si minime soit-elle, entraîne immédiatement la soumission à la dictature du CAC 40 et l'obsession de la cotation au jour le jour, et exacerbe le besoin de rentabilité à court terme.

La forte chute qu'ont connue les marchés boursiers ces dernières années a entraîné un changement de comportement des actionnaires. Alors que ceux-ci se situaient, il y a dix ou quinze ans, dans la perspective de profits à long terme, ce n'est plus le cas aujourd'hui, où s'exprime un besoin de retour à court terme des investissements. Cette évolution constitue, à elle seule, un argument pour qu'EDF et GDF restent des entreprises totalement publiques.

Par ailleurs, notre pays a des engagements forts à respecter, rappelés à plusieurs reprises par le Président de la République : la lutte contre l'effet de serre, avec les engagements de Kyoto, ainsi que l'indépendance énergétique de la France, absolument indispensable dans le contexte d'instabilité politique actuelle, en particulier au Moyen-Orient. De ce point de vue, je crois que notre pays ne peut se passer de ses deux champions publics, en particulier d'EDF, leader mondial en matière de maîtrise du nucléaire. Il me semble en effet que le nucléaire est la seule solution assurant notre indépendance énergétique pour les quelques décennies qui viennent, et je ne suis absolument pas convaincu du bien-fondé de la décision - selon moi essentiellement inspirée par des considérations politiciennes - de certains de nos voisins européens d'abandonner, au moins partiellement, le nucléaire.

Quant au projet de Constitution européenne, s'il contient quelques éléments qui peuvent être positifs, il est insuffisant sur le plan social, et trop timoré pour parvenir à l'Europe-puissance qu'il faudrait constituer en matière énergétique.

Pour toutes ces raisons, nous défendons cet amendement qui s'inspire de la politique menée depuis près de soixante ans par les différents gouvernements depuis la Libération.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1628.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1640.

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le soutenir.

M. Jacques Desallangre. Cet amendement vise à imposer au Gouvernement de saisir la Cour de justice des communautés européennes afin de déterminer si l'interprétation du droit communautaire par la Commission est effectivement fondée. En effet, le traité de l'Union ne préjuge pas du régime de la propriété des entreprises dans les États membres. Il est tout à fait défendable, même si la direction d'EDF le conteste, que les deux tiers du chiffre d'affaire d'EDF sont réalisés sur notre territoire national, donc en conformité avec les exigences européennes concernant les abus de position dominante.

Ce que contesterait la Commission, c'est la garantie illimitée de l'État que lui conférerait son statut d'EPIC. L'État pourrait prendre des engagements solennels en la matière, mais je ne reviendrai pas sur ce point déjà exposé par mon collègue Daniel Paul.

Surtout, l'État pourrait contester cette interprétation auprès des institutions européennes. Il le pourrait d'autant plus que la Commission, qui n'accepte pas théoriquement la garantie de l'État, la reconnaît bien souvent dans les faits, quand l'État vient au secours de grands groupes qu'il n'est évidemment pas question de laisser sans soutien. C'est le cas d'Alstom, entreprise pour laquelle le Gouvernement n'a pas accepté d'emblée - à juste titre - les demandes de la Commission.

Si la Commission accepte que l'État français intervienne financièrement pour Alstom, ce qui, je le répète, nous apparaît pleinement justifié, elle manquerait singulièrement de cohérence à remettre en cause aujourd'hui le statut d'EDF. De plus, elle contreviendrait aux dispositions adoptées par elle-même, qui ne contraignent pas le régime de la propriété dans les États membres. Si c'était le cas, le Gouvernement ferait preuve de volonté politique en s'engageant à s'opposer à une telle analyse de la commission, et à agir énergiquement comme il a prétendu le faire avec Alstom.

Nous vous fournissons une méthode pour cela : la saisine de la Cour de justice des communautés européennes, avec notre amendement ainsi rédigé : « Le Gouvernement saisit la Cour de Justice des Communautés Européennes dans le but de déterminer si la garantie de l'État impliquée par le statut d'établissement public contrevient à une norme européenne. L'examen du projet de changement de statut d'Électricité de France et de Gaz de France est suspendu jusqu'à ce que la Cour se soit prononcée ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement qui est inconstitutionnel puisqu'il constitue une injonction au Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Sur d'autres sujets, il y a déjà eu saisine de la Cour de justice des Communautés européennes. Et l'interprétation de la Commission n'a pas forcément été retenue. Ainsi, sur la chasse,...

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Oh non, ne reparlons pas de la chasse !

M. Pierre Ducout. ...le guide interprétatif que nous avions demandé à la commissaire européenne Margot Wallström n'a pratiquement rien apporté car c'est à la Cour de justice des Communautés européennes qu'il revient en dernier recours de juger.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce n'est pas la Commission qui est en cause dans cet amendement !

M. Pierre Ducout. Vous refusez ce que vous considérez être une injonction au Gouvernement. Mais il eût été logique que le Gouvernement procède à cette démarche devant la Cour de justice des Communautés européennes avant de présenter son projet de loi, car c'est véritablement le fond de la question.

M. Jacques Desallangre. Eh oui !

M. Pierre Ducout. Nos concitoyens souhaitent que EDF et GDF restent des établissements publics, tout comme le souhaitait Franck Borotra à l'époque. Aujourd'hui, vous les trompez en faisant croire que l'enjeu exclusif de ce texte est le statut du personnel de ces entreprises. Certes, ce point est important. Mais l'enjeu principal consiste à conserver des établissements publics à 100 % au regard des risques que peut comporter l'avenir. Et, à cet égard, il eût été nécessaire de savoir parfaitement ce que demandait l'Union européenne avant de présenter ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Puisque cet amendement a été repoussé par la commission pour un problème de préséance, je propose de le sous-amender afin qu'on ne puisse plus y voir une injonction au Gouvernement. On pourrait le rédiger ainsi : « Le Gouvernement peut saisir - et non pas saisit - la Cour de justice des Communautés européennes... »

M. Pierre Ducout. Bonne proposition !

M. François Brottes. Cet amendement, ainsi sous-amendé, pourrait alors être adopté par l'ensemble de notre Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1640.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1615.

La parole est à M. Pierre Goldberg, pour le soutenir.

M. Pierre Goldberg. Nous tenons au travers de cet amendement à attirer votre attention sur les installations de gaz naturel liquéfié, qui, de fait, se trouvent associés au réseau de transport de gaz naturel. Nous devons, en effet, nous demander quel sera leur sort dans le contexte actuel de libéralisme à tout crin.

Chacun doit bien être conscient que ces installations jouent un rôle essentiel et spécifique dans l'alimentation de notre pays en gaz naturel. Elles contribuent de manière déterminante à la sécurité de nos approvisionnements. En ce sens, elles constituent aussi des éléments de notre service public et participent à la politique énergétique nationale, ce qui n'est pas rien.

Elles présentent aussi des risques d'accidents particulièrement graves en raison de la concentration d'énergie et de la température du gaz naturel liquéfié. Et nous ne devons absolument pas négliger les risques importants que constituent de telles installations.

Pour ces raisons et s'agissant de la construction et de l'exploitation, ces installations doivent être soumises à une autorisation délivrée par le ministre chargé de l'énergie.

De même, une telle autorisation ne devrait être transférée que par décision du ministre chargé de l'énergie et sous certaines conditions.

Par ailleurs, dans le contexte actuel de libéralisation, il nous semble tout à fait primordial et indispensable de faire en sorte que la construction et l'exploitation de ces installations GNL soient soumises à la procédure d'autorisation, avec les conditions à respecter.

Il est nécessaire de mentionner les vocations prioritaires de ces installations, et l'absolue nécessité de veiller à leur sécurité et à celle de leur environnement. En ce sens, nous souhaitons que ce type d'installations à haut risque, pour ne pas dire à risque majeur, soit considéré comme des installations « Seveso II » et donc soumise à cette réglementation.

Tel est le sens de cet amendement que nous vous demandons d'adopter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je suis surpris par cet amendement qui réécrit le droit existant. En effet, les dispositions proposées sont d'ores et déjà prévues pour le gaz naturel liquéfié. La procédure d'autorisation en vigueur aujourd'hui fonctionne notamment très bien. Avis défavorable donc.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Il s'agit là encore d'un amendement improvisé. Les installations GNL sont d'ores et déjà classées « Seveso ». Monsieur Goldberg, retirez donc votre amendement, vous éviterez au moins le ridicule. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Pierre Cohen. De tels propos sont inadmissibles !

M. Pierre Goldberg. Je vous remercie de l'estime que vous me portez, monsieur le ministre !

M. Patrick Lemasle. C'est un dérapage !

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, vous venez de prononcer une phrase qui m'incite à faire référence à un problème.

Gaz de France a entrepris la construction de trois méthaniers, navires qui, chacun le sait ici, sont considérés comme des sites « Seveso ». L'un de ces méthaniers est d'ores et déjà en construction à Saint-Nazaire. Il serait, si mes informations sont exactes, totalement armé par Gaz de France.

Pour le deuxième, il semble que Gaz de France soit en train de passer un accord avec un armement japonais - NYK. Aux termes de cet accord, ce n'est pas Gaz de France qui armerait ce navire, s'agissant notamment de l'équipage. Tout porte à craindre qu'on aurait affaire à une opération « pavillon de complaisance ». Conformément au pavillon TAAF, le pavillon Kerguelen, il pourrait ainsi n'y avoir sur ce navire que dix Français au maximum pour vingt-cinq membres d'équipage - certains considèrent même qu'on pourrait revoir cette proportion pour descendre en dessous de dix.

Quant au troisième méthanier, sa commande devrait être lancée pour une livraison prévue en 2006. Pour l'heure, nous ne savons rien de plus.

Pourquoi Gaz de France procède-t-il de la sorte ? On peut imaginer qu'il veut ainsi montrer sa totale liberté vis-à-vis de l'État français, afin de donner des gages supplémentaires aux partenaires financiers et économiques avec lesquels il souhaite bientôt contracter.

Alors si vraiment les sites « Seveso » sont, comme vous le dites, déjà répertoriés, et si vraiment la France maintient sa décision de faire des méthaniers des sites classés « Seveso », il faudrait rappeler à Gaz de France ses obligations en la matière. Et le deuxième méthanier construit à Saint-Nazaire devra respecter les principes en vigueur.

M. Jacques Desallangre. Cette intervention n'a rien de ridicule, n'est-ce pas, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Cet amendement reprend en effet un certain nombre de prescriptions, d'ordre réglementaire ou législatif, qui ont parfois donné lieu à débat l'année dernière, à la même époque. Je rappellerai d'ailleurs qu'à cette occasion, il nous avait été indiqué que les décrets d'application seraient pris très rapidement. Or tel n'a pas été le cas.

J'ai bien entendu vos arguments, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre. Mais nous sommes précisément en train de réécrire le service public de l'énergie. Alors que vous avez décidé de bouleverser une architecture qui a été définie à la fin de la Seconde Guerre mondiale et qui a d'ailleurs évolué sous la précédente législature avec la loi de 2000, nous avons le devoir d'insister sur un certain nombre de principes et notamment sur le fait, monsieur le ministre, que le dernier mot vous revient. Rappeler les pouvoirs du ministre pour le transfert des autorisations et pour les prescriptions liées à celles-ci est l'un des enjeux de ce texte. Il faut donc non pas s'étonner mais se réjouir que le législateur veuille préciser les choses et éclairer des points qui méritent de l'être. Nous soutiendrons, quant à nous, cet amendement du groupe communiste.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1615.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1613.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le soutenir.

M. Michel Vaxès. Il semble nécessaire de faire en sorte que les concessions de nouveaux stockages soient réservées aux distributeurs qui ont la responsabilité d'alimenter les clients non éligibles.

Une idée essentielle se dégage de notre proposition d'amendement : les décisions | politiques en matière de stockage de gaz ne doivent pas perdre de vue que nous sommes en présence d'une mission de service public.

Afin de se doter des instruments essentiels pour assurer la sécurité d'alimentation des usagers, Gaz de France a développé, depuis 1956, la technique des stockages souterrains de gaz. En effet, les besoins en gaz naturel sont variables dans le temps contrairement aux approvisionnements qui dépendent des contrats avec les pays exportateurs. La consommation de gaz peut varier d'un facteur 10 entre un jour de consommation maximale et un jour de consommation minimale, et d'un facteur 5 pour les consommations mensuelles extrêmes.

La France toutefois pour des raisons géologiques ne dispose que d'un nombre limité de sites de stockage. À l'heure actuelle, les 15 stockages souterrains répartis sur le territoire français - dont 12 exploités pour Gaz de France - totalisent un volume utile de gaz soutirable pendant l'hiver de près de 11 milliards de mètres cubes, soit près du tiers de la consommation française annuelle de gaz.

II s'avère que ces stockages sont un outil très précieux à même de stabiliser les prix du gaz pour la masse des petits et moyens consommateurs.

Néanmoins, nous pressentons, dans le cadre du mouvement de libéralisation du marché du gaz à l'échelle européenne - mouvement que nous combattons, par ailleurs - que certains, dans le cadre de stratégies spéculatives, pourraient être tentés de mettre à profit les stockages de gaz souterrains. Or cette perspective ne nous paraît absolument pas acceptable.

Aussi en rappelant que les stockages de gaz constituent un outil de service public - service public qui n'a pas pour principale raison d'être de dégager du profit - nous entendons dresser des obstacles au développement de logiques spéculatives.

Pour ce faire, il semble nécessaire de faire en sorte que les concessions de nouveaux stockages soient réservées aux distributeurs qui ont la responsabilité d'alimenter les clients non éligibles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il existe d'ores et déjà un droit sur les concessions de gaz naturel et cet amendement n'apporte rien de nouveau. Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Défavorable car l'amendement est contraire à la directive.

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Je souhaiterais que le ministre nous donne des précisions. Nous considérons pour notre part que cet amendement a le mérite de rappeler l'importance des stockages en insistant notamment sur le rôle qui leur est assigné. Il stabilise en effet les prix et assure la sécurité des approvisionnements en évitant les folies spéculatives sur une matière première dont nous connaissons l'importance pour notre pays.

Nous savons aussi à quel point nous sommes dépendants. Je suis l'élu du département où se trouve le bassin de Lacq et je ne cesse de déplorer le tarissement de la poche béarnaise, qui a fourni à notre pays une grande quantité de matière première. Mais nous sommes tous d'accord pour constater l'épuisement de ce gisement. Ces stockages permettent à la France de faire face à ses obligations, de lisser l'évolution des prix, assurant au tissu industriel la possibilité de disposer d'une matière première dont nous connaissons l'importance, notamment en période hivernale.

En outre, monsieur Vaxès, le dernier alinéa de cet amendement présente l'intérêt de maintenir des servitudes d'utilité publique dans la nouvelle configuration du service public de l'énergie, au travers d'un certain nombre de prescriptions d'ordre réglementaire ou législatif.

Après avoir, l'an dernier, voté avec courage et à l'unanimité un certain nombre de dispositions de la loi sur les risques technologiques majeurs, je me réjouis que soient pérennisées les obligations faites aux exploitants de ces stockages. De ce seul point de vue, même s'il est en contradiction avec la directive, cet amendement a son utilité et le groupe socialiste le soutient.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1613.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1.

Tout à l'heure, sous une autre présidence, j'ai, à la suite d'un rappel au règlement, demandé une suspension de séance afin de vérifier la position de la Commission européenne concernant le statut d'EDF et celui du gestionnaire du réseau. Ce sont deux éléments fondamentaux de ce débat et il nous paraît difficile, à nous socialistes, de poursuivre ce débat sans connaître la position de la Commission.

M. le ministre nous a donné un élément de réponse, mais depuis la dernière suspension de séance, qui a permis à notre groupe de se réunir, il semble que Mme Loyola de Palacio ait pris sur le statut d'EDF et celui du gestionnaire du réseau une position strictement personnelle, qui n'est pas la position officielle de la Commission.

Nous demandons très solennellement au Gouvernement, avant d'aborder l'article 1er du projet de loi, que Mme Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes, nous fasse connaître la position officielle de la Commission. La question est suffisamment importante pour justifier de telles précisions. Mme la ministre pourra recueillir les informations nécessaires avant le début de la prochaine séance. Nous ne pouvons pas poursuivre à l'aveugle un débat d'une telle importance. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Ducout. C'est le nœud du problème !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'industrie. Il s'agit évidemment, une fois de plus, d'une manœuvre qui relève de l'obstruction systématique. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mme Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes, n'est pas la porte-parole de la Commission, tout le monde le sait !

M. Pierre Ducout. Mais peut-être nous en dira-t-elle un peu plus !

M. Charles Cova. C'est de l'obstruction. Ne tirez pas trop sur la corde !

M. François Brottes. C'est une menace ?

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1614.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Pour défendre leur point de vue auprès de l'opinion, ce qui est de plus en plus difficile, les promoteurs de la libéralisation du marché de l'énergie et de l'ouverture du capital d'EDF-GDF utilisent l'argument de la baisse des prix.

Or, les faits prouvent le contraire, d'autant qu'EDF-GDF, sous son statut actuel, offre les tarifs les moins élevés en Europe. Je note d'ailleurs que vous évitez cet argument dans l'exposé des motifs de votre projet de loi.

Avant d'aborder l'article 1er de ce projet de loi, il nous semble important de demander que soit dressé un bilan de l'évolution des tarifs dans les pays ayant fait le choix de la libéralisation. Ce bilan intéresse tout le monde dans notre pays : les entreprises comme les usagers, que bientôt nous nommerons les clients.

Reprenons l'exemple de la Californie, aujourd'hui sous un angle tarifaire. La loi votée en 1996 dans cet État visait à déréglementer le marché de l'énergie. Comme le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui, elle prévoyait de séparer la fonction de producteur de celle de distributeur-transporteur et mettait en place une bourse de l'électricité.

Mais - et là on retrouve les mots, qui se veulent rassurants, du ministre des finances - la loi californienne plafonna les prix afin qu'ils restent « justes et équitables ». Cela s'est soldé par un déficit croissant des entreprises de distribution, obligées d'acheter leur électricité à des producteurs qui, eux, augmentaient leurs prix.

L'État de Californie a donc été amené à autoriser des augmentations successives de prix : en un an, les tarifs augmentèrent de 66 % pour les ménages et de 50 % pour les entreprises. Ces augmentations n'ont pas empêché le principal distributeur californien, Pacific Gas & Electric, de déposer son bilan en avril 2001, ce qui fut la troisième plus grande faillite de toute l'histoire des États-Unis.

Quel gâchis ! En France, monsieur le ministre, voulez-vous vraiment suivre cette voie ? En effet, par quel prodige pourrions-nous éviter les écueils qu'ont rencontrés les pays qui ont fait le choix de la déréglementation si nous suivons la même politique ?

Mais il est inutile de franchir l'océan pour constater ces hausses. Il suffit de se tourner vers la Grande-Bretagne, où l'on estime que les personnes dites « énergiquement pauvres » sont de plus en plus nombreuses, ou encore vers la Suède, où les tarifs ont augmenté de 25 %.

En France, monsieur le ministre, demandez à M. Louis Gallois, président de la SNCF, ce qu'il pense de la libéralisation du marché de l'énergie, alors que la facture d'électricité de la SNCF a été majorée de 120 millions d'euros en 2004 ! Et l'on parle du déficit de la SNCF !

Quant à Jean-Louis Beffa, président de Saint-Gobain, quatrième consommateur d'électricité en France, il l'a lui-même reconnu : « Le monopole d'EDF a donné un avantage concurrentiel à la France ».

Franchement, monsieur le ministre, je vous ai connu plus à l'écoute du patronat ! (Sourires.)

M. le ministre délégué à l'industrie. Vous ne m'avez pas bien connu !

M. Daniel Paul. Selon le tableau dressé par l'Observatoire international des coûts énergétiques, les prix de l'électricité pour les entreprises dans quatorze pays industrialisés ont nettement augmenté entre février 2003 et 2004, parallèlement à la dérégulation du secteur. En Allemagne, les prix accusent une hausse pour la quatrième année consécutive, progressant de 3,2 % en 2003 et de 9,3 % en 2004.

Une telle augmentation des tarifs pose la question de l'égal accès de tous à l'énergie. Les gros industriels ont été confrontés en 2003 à une hausse moyenne de 40 %. Les consommateurs domestiques, eux, Jacques Desallangre l'a rappelé tout à l'heure, ont subi plusieurs augmentations du tarif des services.

Cette question de l'égalité de l'accès pour tous, si elle est sociale, se pose aussi sur le plan territorial : comment comptez-vous, dans le cadre d'une libéralisation du marché, préserver un même prix sur l'ensemble du territoire ?

Pour toutes ces raisons, nous demandons, avant toute discussion, qu'un bilan tarifaire des effets de la déréglementation soit établi et que de véritables mesures en faveur du maintien de la péréquation soient inscrites dans la loi.

M. Jacques Desallangre. C'est une sage précaution !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je suis surpris que cet amendement vienne en discussion puisque nous avons repoussé la semaine dernière un amendement n° 1630 quasi identique.

Je ne comprends pas très bien notre collègue, qui nous explique qu'un établissement public procède en ce moment à des hausses de prix inimaginables pour les services rendus aux consommateurs. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Desallangre. C'est qu'il se prépare à la privatisation !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Cher collègue, j'ai un très grand respect pour le service public assumé aujourd'hui par EDF, mais je ne peux vous suivre sur ce terrain. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Monsieur le président, je crois effectivement que cet amendement est sans objet puisqu'un amendement analogue a été repoussé précédemment.

M. Paul a demandé qu'un bilan soit établi avant toute discussion, mais son amendement le prévoit « après la promulgation de la loi ». Que propose-t-il réellement ?

Enfin, malgré le brevet que me décerne M. Paul en disant que je ne suis pas assez à l'écoute du patronat (Sourires), je suis défavorable à cet amendement.

M. Jacques Desallangre. Le MEDEF vous pardonnera !

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Je ne peux pas laisser le rapporteur dire que c'est l'entreprise publique qui augmente les prix.

Monsieur le rapporteur, quand une fiancée veut se marier, elle se fait belle ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Curieuse façon de se faire belle !

M. Daniel Paul. Force est de reconnaître que depuis quelques mois, à votre incitation, EDF et GDF ont entrepris de se parer de leurs plus beaux atours. Ce n'est pas pour être au service des Français, mais pour séduire les marchés financiers !

Augmenter les tarifs des services comme ils l'ont fait, c'est « mettre du beurre dans les épinards » comme on dit chez moi, et donner des gages. C'est le même souci qui explique l'attitude de Gaz de France au sujet des méthaniers, dont j'ai parlé. Les entreprises qui font de telles opérations ne sont plus vraiment des entreprises publiques, car elles sont déjà, à votre incitation, sur la voie de la privatisation.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Cet amendement offre au rapporteur l'occasion de répondre à ma question sur les tarifs. Si j'ai bien compris, le client éligible bénéficie d'un tarif spécifique ; s'il quitte EDF, il le perd. S'il veut revenir vers EDF, lui sera-t-il possible de retrouver son tarif ? Ces questions sont très importantes pour tous les consommateurs d'énergie. Elles ne sont pas dilatoires, elles sont concrètes et nécessitent, me semble-t-il, des réponses précises de la part du rapporteur ou du Gouvernement. Et cet amendement nous en donne l'occasion, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Je profite du retour de M. Brottes dans l'hémicycle pour apporter, brièvement, des réponses précises à ses questions.

Un client final d'EDF paie au tarif la fourniture d'électricité. S'il fait jouer son éligibilité, il obtient un prix.

M. François Brottes. Est-ce de la concurrence ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il peut quitter EDF, se tourner vers la concurrence et trouver un autre fournisseur. Si, pour des raisons que je n'ai pas à expliciter ici, il choisit de revenir vers EDF, il ne peut retrouver le tarif, car EDF lui propose un prix. C'est en quelque sorte le prix à payer pour avoir quitté le fournisseur qu'est EDF.

M. le ministre délégué à l'industrie. C'est le prix de l'infidélité !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. C'est un prix, mes chers collègues, vous le savez bien, qu'il faut souvent payer ! (Sourires.)

M. François-Michel Gonnot. C'est un ticket sans retour !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. En l'occurrence, le client paiera l'électricité à son prix.

M. François Brottes. Le prix sera donc fixé à la tête du client !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Non, et des dispositions sont d'ores et déjà prévues pour fixer un barème de prix, afin qu'un boulanger qui s'installe à Douai, dans le Nord, bénéficie du même prix pour la fourniture d'électricité qu'un boulanger qui s'installe à Mortagne-au-Perche, commune déjà citée.

Dans le cas d'un client final ayant perdu le fournisseur concurrent d'EDF et ne retrouvant pas de fournisseur, le gestionnaire du réseau de transport devra lancer un appel d'offres afin de lui proposer la fourniture d'électricité. La continuité du service sera ainsi assurée. Voilà, mon cher collègue, les réponses que je voulais vous apporter.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Le débat est très intéressant, et je remercie M. le rapporteur de l'avoir éclairé.

Prenons l'exemple des collectivités locales, qui sont des clients éligibles. Conformément au code des marchés publics, elles seront dans l'obligation de lancer un appel d'offres. Est-ce qu'EDF considérera qu'elles ont trahi et leur fera quitter le tarif pour passer à un prix « à la tête du client » ? Si j'ai bien compris, cela se passera un peu comme cela. Cette façon de procéder n'est pas vraiment rassurante pour les usagers. C'est une question qui concerne les collectivités locales, monsieur le rapporteur !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Ma réponse sera d'autant plus brève que nous reparlerons des collectivités locales à l'occasion d'un amendement que j'ai déposé. Je vous propose de poursuivre notre débat, car nous sommes à la lisière de l'article 1er. Si nous pouvions faire un pas de plus afin d'entrer vraiment dans le texte, tout le monde y trouverait satisfaction.

M. François Brottes. Je n'ai pas eu de réponse !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1614.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1625.

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le soutenir.

M. Jacques Desallangre. Nous proposons par cet amendement que la loi prévoie qu'« avant le 1er mai 2005, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport sur le bilan de l'ouverture à la concurrence dans le secteur énergétique. Ce rapport examine l'impact en termes d'emploi, d'aménagement du territoire et de coût de l'énergie de la transposition des directives européennes. Il comporte une étude prospective à horizon 2009 sur ces différents aspects. »

En effet les politiques de libéralisation des marchés, appelées parfois « ajustements structurels », reposent sur quelques recettes grossières, présentées par certains - je pense notamment aux nombreux commentateurs politiques spécialistes appointés de la désinformation - comme l'indiscutable panacée. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elles ne sont pas discutées.

Ces recettes, appliquées uniformément, conformément à une logique extraordinairement simpliste, produisent mécaniquement des résultats uniformes : exclusion des populations non solvables, dégradation de la qualité du service, difficultés pour les salariés, précarisation et réduction de l'emploi. La logique prédatrice du profit l'emporte sur la solidarité, et la démocratie recule invariablement. L'augmentation constante, en France, et plus largement au sein de l'Europe des Vingt-cinq, de l'abstention aux élections en est un symptôme très révélateur.

Mais revenons à cette notion d'ouverture du capital, souvent distinguée de la notion de privatisation. Une telle distinction est présentée comme ressortant d'une sorte de sens commun. Il est vrai que, selon le mot d'un « anonyme », un mensonge répété mille fois devient une vérité.

M. le ministre délégué à l'industrie. Ne serait-ce pas de Lénine ?

M. Jacques Desallangre. Oui, mais je ne voulais pas trop vous choquer !

En fait ouverture du capital et privatisation ne peuvent pas être distinguées, au sens où l'une serait moins lourde de conséquences que l'autre. L'ouverture du capital n'est en effet qu'une étape dans la « normalisation », c'est-à-dire dans la mise en conformité avec les dogmes néoconservateurs d'entreprises ou d'institutions fondées sur des principes étrangers à la recherche de la rentabilité immédiate.

Plus qu'une option économique ou qu'une question technique, le choix de l'ouverture du capital des entreprises publiques dans le cadre de processus de libéralisation des marchés revêt une portée politique de tout premier plan. Il s'agit ni plus ni moins que de discréditer toute logique de solidarité et de partage, c'est-à-dire les principes qui constituent la base du service public, et partant de nier toute alternative à un capitalisme débridé. En clair, derrière le changement du statut des entreprises et l'ouverture de leur capital, c'est une vision du monde qui se profile. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que ce n'est pas la nôtre.

C'est pourquoi nous vous proposons de dresser loyalement le bilan de l'ouverture du secteur énergétique, afin d'en tirer les enseignements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Avis défavorable puisque le projet prévoit déjà ce bilan pour 2006.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout. Vous parlez de 2006, monsieur le ministre, mais la date du 1er mai 2005 me semble particulièrement opportune. En effet, si j'ai bien compris M. le ministre d'État, il n'envisage pas l'ouverture du capital d'EDF avant un an. À ce propos, vous pouvez peut-être, monsieur le ministre, nous préciser si GDF est également concernée. On devrait quoi qu'il en soit pouvoir dresser un tel bilan avant qu'il ne soit trop tard. On mesurerait ainsi l'incidence de l'ouverture du marché pour l'ensemble des professionnels et des collectivités locales à partir du 1er juillet 2004, alors que nous savons déjà qu'elle n'a pas été vraiment bénéfique pour les gros consommateurs du point de vue des prix.

Ce bilan serait d'autant plus nécessaire que nous ne disposons pas encore d'une position claire quant à l'obligation ou l'absence d'obligation pour les collectivités locales de suivre la procédure de l'appel d'offres - je pense notamment à ceux d'entre nous qui exercent des responsabilités locales. Nous avons certes pris connaissance de l'ébauche d'amendement qu'a présentée le rapporteur en commission. Mais cette question aurait dû recevoir une réponse claire avant même qu'on n'aborde l'examen du projet de loi. En effet si les éventuels futurs concurrents d'EDF-GDF ont indiqué qu'ils n'allaient certainement pas lui disputer la clientèle des petits artisans qui consomment peu, qui ne constitueront pas leur cœur de cible, il n'en ira pas de même pour les grandes collectivités.

Ma dernière remarque a trait aux informations publiées par un journal du matin, qui appellent à tout le moins, monsieur le ministre, une explication de votre part. Selon ce journal en effet, le pire est que, sans parler de l'augmentation des prix pour les grosses entreprises, l'ouverture du marché n'avantagera pas non plus les particuliers : le Gouvernement prévoirait, pour permettre à EDF de se constituer une cagnotte d'ici à la libéralisation totale en 2007, une sévère augmentation des tarifs réglementés ; des chiffres circuleraient à Bercy : on parlerait d'une augmentation en un an de 6 % du prix de l'électricité et de 13 % du prix du gaz naturel.

M. François-Michel Gonnot. C'est dans L'Humanité ça !

M. Pierre Ducout. Dites-nous, monsieur le ministre, si vous entendez ces chiffres à Bercy !

M. le ministre délégué à l'industrie. Non, je n'entends pas cela !

M. Pierre Cohen. Répondez alors !

M. le ministre délégué à l'industrie. Je ne suis pas tenu de répondre à tous les canards !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1625.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1601.

Pour le soutenir, la parole est à M. Pierre Goldberg.

M. Pierre Goldberg. Vous savez, monsieur le ministre, celui qui dépose des amendements « ridicules » ! On verra si celui-là est ridicule.

Nous proposons de rédiger ainsi l'intitulé du titre premier de ce projet de loi : « Pérennisation et modernisation du service public ». II nous semble fondamental en effet que les objectifs de pérennisation et de modernisation du service public soient pris en compte et inscrits dans la loi. À nos yeux les deux vont ensemble. L'absence même de ces objectifs est révélatrice de la nature de votre projet de loi. L'article 22 de votre texte, monsieur le ministre, vise à ouvrir le capital des entreprises Électricité de France et Gaz de France. Quel que soit le pourcentage qui sera retenu en définitive, il s'agit d'une première étape vers la privatisation totale de ces entreprises. J'entendais tout à l'heure un de nos collègues socialiste citer l'exemple de France Télécom. en tant qu'ex-« télécommunicant », je sais qu'il a suffi de privatiser un petit pourcentage du capital de cette entreprise pour faire complètement capoter ce grand service public des télécommunications. L'ouverture du capital, si minime soit-elle, soumettra plus encore ces entreprises aux exigences de rentabilité. Dans ces conditions, quelles garanties avons-nous que nos services publics seront préservés ? Quelles garanties avons-nous que, dans le respect du principe d'adaptabilité, la modernisation de nos services publics sera effective ?

Nous continuons de penser que la logique de profit ne peut pas être conciliée avec les exigences de service public. La mise en place d'une régulation purement marchande conduira au creusement des inégalités sociales et territoriales, voire économiques, comme cela a déjà été dit. À l'inverse nos services publics avaient précisément corrigé ces inégalités. Seules des entreprises organisées en EPIC, comme le sont Électricité de France et Gaz de France, ont pu assumer de telles missions. Et cette belle réussite est incontestablement liée à leur statut.

C'est parce que nous refusons la logique qui conduit à se satisfaire d'un service public a minima que nous avons déposé, sur ce premier titre, de nombreux amendements visant précisément au maintien d'un service public de l'énergie de qualité. Tel est le sens fondamental de cet amendement.

M. le président. Je vous informe que, sur l'amendement n° 1601, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement 1601 ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Il est défavorable. Il n'a échappé à personne, monsieur le président, et en tout cas pas à la commission, que ce projet de loi visait à renforcer le service public de l'électricité et du gaz.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ah bon ? Cela nous a échappé !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. En ce sens le Gouvernement nous propose, aux articles 1 et 2 de son projet, que nous allons enfin examiner, des garanties extrêmement fortes - je pense notamment aux contrats de service public pluriannuels - qui n'existaient pas jusqu'ici.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'industrie. Il est défavorable à un amendement tout simplement incohérent au regard des amendements suivants du groupe communiste, qui demandent la suppression de l'article 1er : je vois mal comment on peut d'un côté demander que le texte garantisse la pérennisation du service public, et de l'autre demander la suppression du texte.

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Ces deux termes de « pérennisation » et de « modernisation » sont excellents. Absolument rien en effet ne justifie que l'on considère le service public comme une forme d'entreprise obsolète. Il conserve au contraire toute son actualité, et je persiste à ne pas comprendre pourquoi on veut supprimer une forme d'entreprise qui en France a montré toute son efficacité, et dont on peut présumer qu'elle continuera à assurer dans l'avenir une gestion efficace des intérêts généraux. Voilà pourquoi le terme de « pérennisation » mérite d'être réaffirmé dans ce titre.

Le terme de « modernisation » est lui aussi judicieux, car s'il ne doit pas disparaître, le service public doit évoluer. Telle était l'ambition de la loi de 2000, qui a permis au service public de s'adapter aux réalités nouvelles. La notion de « tarif social » de l'électricité, loin de traduire un archaïsme, comme je l'ai entendu dire, exprime une forme de modernisation.

Voilà pourquoi le groupe socialiste apportera tout son soutien à cet amendement.

M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je mets aux voix l'amendement n° 1601.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

...............................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 62

              Nombre de suffrages exprimés 62

              Majorité absolue 32

        Pour l'adoption 23

        Contre 39

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Nous arrivons au terme d'une discussion qui a été aussi longue qu'instructive, monsieur le ministre, quant aux intentions du Gouvernement, soutenu par sa majorité, de mettre à mal nos deux entreprises publiques.

Avant de commencer l'examen de l'article 1er, et afin de mettre à profit ce qui nous a été dit, et par le rapporteur, et par le ministre, pour préparer correctement la discussion de cet article, les député-e-s communistes et républicains vous demandent, monsieur le président, une suspension de séance de cinq minutes.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à dix-neuf heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Monsieur le ministre, vous ne nous avez pas répondu sur les déclarations contradictoires des commissaires européens, notamment de Mme de Palacio. Je comprends que Mme Haigneré ne puisse pas nous rejoindre, mais vous êtes habilité à apporter des réponses en tant que membre du Gouvernement.

Mme de Palacio dit qu'il faut changer de statut pour qu'EDF-GDF puisse faire faillite, ce qui n'est pas la position de Mario Monti. Par ailleurs, dans sa déclaration, elle s'inquiète que les dispositions du texte dont nous sommes saisis soient en recul par rapport à l'indépendance du gestionnaire du réseau et que le nom « EDF-Transport », choisi pour remplacer l'expression « Réseau de transport d'électricité », soit équivoque.

Sur ces deux questions, monsieur le ministre, il est important de savoir, avant le passage à la discussion des articles, quelle lecture le Gouvernement a de la position de la Commission, laquelle est - et ce n'est pas votre faute, j'en conviens - quelque peu flottante.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'industrie. Monsieur Brottes, sur le premier point, je vous ai répondu tout à l'heure en vous indiquant la décision de la Commission.

Sur le second point, je vais vous répondre maintenant.

Pour le Gouvernement, les choses sont simples : la position de la Commission est celle de la directive. Ce que dit le c) du 2. de l'article 10 de la directive 2003/54/CE est parfaitement clair : « Le gestionnaire de réseau de transport dispose de pouvoirs de décision effectifs, indépendamment de l'entreprise d'électricité intégrée, en ce qui concerne les éléments d'actifs nécessaires pour assurer l'exploitation, l'entretien et le développement du réseau. Ceci ne devrait pas empêcher l'existence de mécanismes de coordination appropriés en vue d'assurer que les droits de supervision économique et de gestion de la société mère concernant le rendement des actifs d'une filiale, réglementé indirectement en vertu de l'article 23, paragraphe 2, soient préservés. »

Nonobstant les déclarations des commissaires, il n'y a donc pas d'ambiguïté sur ce point. En tout cas, le Gouvernement s'en tient à la directive, et il entend la respecter scrupuleusement.

S'agissant de la dénomination « EDF-Transport », j'observe qu'en Allemagne le transporteur a gardé le même nom que le producteur, EON, et que la Commission n'y a vu, semble-t-il, aucun inconvénient.

Par conséquent, les choses ne présentent aucune difficulté et la présence de Mme Haigneré n'est pas indispensable à notre débat, même si elle y aurait apporté toute sa science et tout son charme. (Sourires )

M. le président. Chers collègues, compte tenu de l'heure, je vous propose de renvoyer la suite de la discussion à la prochaine séance.

    5

FIN DE LA MISSION TEMPORAIRE D'UN DÉPUTÉ

M. le président. Par lettre du 21 juin 2004, M. le Premier ministre m'a informé que la mission temporaire précédemment confiée à M. Christian Kert, député des Bouches-du-Rhône, avait pris fin le 22 juin 2004.

    6

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1613, relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières :

Rapport, n° 1659, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,

Avis, n° 1668, de M. Bernard Carayon, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot