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Cahier annexe : articles, amendements, autres annexes
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Première séance du mercredi 13 juillet 2005

16e séance de la session extraordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

    1

SAUVEGARDE DES ENTREPRISES

Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

                    « Paris, le 8 juillet 2005

« Monsieur le président,

« Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous demander de soumettre à l'Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de sauvegarde des entreprises.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 2459).

La parole est à M. Xavier de Roux, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Xavier de Roux, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, nous examinons pour la dernière fois un texte qui a fait l'objet d'un travail législatif exemplaire. S'il n'est pas parfait - aucun texte ne l'est -, du moins est-il un moyen de sauvegarder nos entreprises, c'est-à-dire nos emplois et les forces de la nation.

Les échanges nombreux et répétés entre notre assemblée et la Chancellerie ont montré ce que peut être un vrai travail de fond sur un texte. Le Sénat a enrichi ce texte et la discussion entre les deux assemblées a été approfondie, pour parvenir à un accord.

La première lecture avait permis de faire évoluer le projet de loi sur de nombreux points, que je rappellerai dans l'ordre chronologique.

L'Assemblée nationale a prévu : la préservation de la confidentialité du mandat ad hoc ; la possibilité pour les présidents des tribunaux de commerce d'obtenir les comptes d'une entreprise sous astreinte lorsqu'ils ont un doute sur la santé de celle-ci ; l'option, s'agissant de la conciliation, entre une conciliation confidentielle, sans effet à l'égard des tiers, et l'homologation publique avec effets et garanties à l'égard des tiers ; la simplification de la sauvegarde avec la suppression d'un premier rapport sur la trésorerie de l'entreprise, qui était inutile, voire dangereux ; la possibilité de faire élaborer le projet de plan par les comités de créanciers pour toutes les entreprises dont les comptes sont établis par un expert-comptable ; le rétablissement de la possibilité d'un plan de cession au cours de la procédure de redressement, sujet qui a fait l'objet de discussions très approfondies ; la suppression des sanctions professionnelles dans le cadre de la procédure de sauvegarde.

Par ailleurs, d'importants efforts d'accompagnement ont été demandés à l'État, qui les a acceptés. Il s'agit notamment de la déductibilité de l'impôt sur les sociétés des abandons de créances consentis ou supportés, de l'obligation pour les comptables publics de procéder eux-mêmes aux radiations des dettes inscrites au greffe, ou encore de l'interdiction d'émettre des avis à tiers détenteur pendant la période suspecte.

L'Assemblée nationale avait également souhaité que la loi permette de remettre tout ou partie du principal des charges sociales et patronales impayées, sans s'en remettre à un décret ultérieur.

Enfin, au terme de discussions avec le Gouvernement, l'Assemblée a souhaité réformer le régime de responsabilité des prêteurs pour les crédits qu'ils consentent, de façon à supprimer les incertitudes liées à la jurisprudence de la responsabilité pour soutien abusif, qui sert souvent de prétexte aux banques pour justifier la prudence de leurs interventions. Mettre à plat cette jurisprudence a l'avantage de clarifier la situation.

Sur la forme, l'Assemblée nationale a également fait un effort important pour assurer tant la lisibilité de la loi, en supprimant une cinquantaine d'articles du projet initial, que la coordination.

Le Sénat, qui a approuvé l'essentiel des propositions de l'Assemblée nationale, a souhaité éclairer ou approfondir certains points. Certains légers désaccords sont également apparus, sur lesquels je reviendrai.

Le Sénat a d'abord tenu, à juste titre, à mieux adapter le projet de loi aux spécificités des professions libérales. Il a encore simplifié les procédures du livre VI du code de commerce en supprimant l'obligation de faire certifier la liste des créanciers et des dettes du débiteur et de déclarer à nouveau les créances en cas de résolution d'un plan et d'ouverture d'une nouvelle procédure.

Il a également souhaité, et nous en verrons à l'usage les conséquences, mieux définir - ou, plus exactement, restreindre - les conditions d'ouverture de la procédure de sauvegarde et a consacré à l'AGS une longue discussion. Paradoxalement, en effet, l'association des entreprises françaises, le MEDEF, qui a pour objet de défendre tous les intérêts de ces entreprises, et donc la sauvegarde des entreprises qui est à cet égard un élément essentiel, n'en est pas moins tenté de compter ses sous lorsqu'il s'agit de l'AGS - ce sont là les gaietés du paritarisme ! Le MEDEF s'est ainsi fortement opposé à ce texte et au redressement judiciaire anticipé qu'il prévoit, en raison des coûts qu'il risquait de générer. De la sorte, la discussion sur l'AGS, qui représente une question parallèle, a quelque peu troublé celle qui portait sur le cœur du texte.

Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, 116 articles sur 236 étaient encore en discussion. Nous sommes toutefois parvenus assez rapidement à un accord.

La CMP a supprimé l'obligation de transmission à la Banque de France des inscriptions des créances publiques privilégiées, qui semblait redondante. Elle a également supprimé l'obligation, pour le conciliateur, de préciser dans son rapport au tribunal si, en cas d'échec de la conciliation, l'état de cessation des paiements existe, car ce pouvoir n'appartient qu'au tribunal.

Par ailleurs, la CMP a supprimé la sanction de faillite personnelle en cas d'omission, dans le délai très court de huit jours, de la demande d'ouverture d'une procédure de liquidation après l'échec d'une conciliation. Le texte prévoit, en effet, que le tribunal est déjà saisi d'office. En contrepartie, la CMP a supprimé l'obligation d'assurance du conciliateur. En effet, seuls les professionnels pouvaient être assurés, ce qui rendrait impossible l'intervention, envisagée par le texte, d'une personnalité indépendante en qualité de conciliateur.

La CMP a repris, en l'atténuant, la possibilité pour le parquet de s'opposer à la désignation comme mandataire de justice, pour une procédure collective, d'une personne qui aurait déjà été désignée comme mandataire ad hoc ou conciliateur pour la même entreprise.

La CMP a également souhaité confirmer la possibilité pour les cautions, personnes physiques comme personnes morales, de se prévaloir des dispositions de l'accord homologué.

Tirant les conséquences d'une récente jurisprudence favorable au versement des pensions alimentaires, la CMP a admis que les créances alimentaires puissent être payées comptant, après l'ouverture de la procédure.

L'inscription des créances fiscales ou sociales a été légèrement modifiée : l'inscription se fera dans un délai d'un semestre et tout seuil a été supprimé pour cette inscription, considérant qu'une créance, même d'un montant limité, pouvait témoigner de l'existence d'une difficulté.

La CMP a également adopté un dispositif, qui faisait l'objet d'une très forte demande, en faveur des façonniers dépendant entièrement de leurs donneurs d'ordres, en vue de garantir les salaires de leurs apprentis ou salariés.

Enfin, ce texte a fait l'objet d'une certaine polémique quant au choix des conditions du licenciement économique dans le cadre de la procédure de sauvegarde. Votre rapporteur demandait en effet que soient appliqués à cette procédure les mêmes termes qu'à la procédure de licenciement économique dans le cadre du redressement judiciaire, la sauvegarde étant un redressement judiciaire anticipé. Il est d'ailleurs apparu, lors de l'examen du texte, que toute la doctrine demandait l'application de ces mesures de licenciement économique, et il nous faudra probablement revenir sur ce point. En effet, la restriction d'accès à la procédure de sauvegarde imposée par le Sénat, et que nous avons finalement acceptée, risque de représenter un obstacle, car l'entreprise pourra avoir intérêt à être en situation de redressement plutôt que de sauvegarde, afin de pouvoir recourir à la procédure de licenciement économique.

Je tiens à inviter M. Montebourg, qui a fait de cela une grande affaire,...

M. Arnaud Montebourg. C'en est une !

M. Xavier de Roux, rapporteur de la commission mixte paritaire. ...à se rapporter aux travaux parlementaires précédents : lors de l'examen d'un texte sur le redressement judiciaire anticipé que vous aviez accepté, Mme Guigou, alors garde des sceaux, avait estimé comme votre rapporteur que devaient s'appliquer les règles du licenciement économique applicables en cas de redressement judiciaire.

Votre rapporteur n'est donc pas, monsieur Montebourg, l'odieux réactionnaire que vous en faites : il n'a fait qu'exprimer une réflexion de bon sens, qui était également celle de Mme Guigou, garde des sceaux.

Nous verrons donc bientôt où nous en sommes, puisque la règle est désormais que le rapporteur examine dans les six mois les effets du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Arnaud Montebourg. Nous regarderons cela de près avec vous !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, vous allez adopter aujourd'hui une réforme majeure du droit des entreprises en difficulté ; je m'en réjouis car, bien au-delà de ses effets juridiques, cette réforme va permettre la sauvegarde de très nombreux emplois. Les entreprises et leurs salariés, au service desquels elle a été conçue, y trouveront les moyens de se protéger lorsqu'ils seront menacés par des difficultés économiques.

C'est une bonne nouvelle pour notre pays. Nous avons quitté définitivement le domaine de la « faillite » pour celui de la « sauvegarde ». Au-delà des mots, les salariés menacés dans leur emploi comprendront ce que cela signifie pour eux. Cette loi est porteuse d'un grand espoir.

La commission mixte paritaire vous propose, après l'avoir amendé, de voter ce texte. Je salue la volonté ainsi manifestée de voir aboutir ce projet important qui rénove profondément le droit des entreprises en difficulté, au terme d'un parcours exemplaire de plus de deux années.

Ce temps peut paraître long au regard de l'importance qu'aura le dispositif nouveau pour la vie économique de notre pays et pour l'emploi. Il aura été pourtant nécessaire pour que, dès sa conception, la loi nouvelle résulte de la concertation et que les deux assemblées, dont le travail d'étude et d'amendement a été considérable, en améliorent le contenu.

L'Assemblée nationale a, très opportunément, tenu compte des succès de la pratique des procédures actuelles pour rétablir la confidentialité là où elle n'était plus envisagée, sans pour autant porter atteinte aux dispositifs nouveaux qui ne la permettent pas - vous vous souvenez de cet amendement.

Elle a amélioré les mesures de détection précoce des situations de crise. En permettant la cession de l'entreprise pendant le cours du redressement judiciaire, elle a permis d'améliorer les conditions de la préparation de cette étape difficile pour les entrepreneurs, lorsque seule la vente de l'entreprise peut la sauver et sauver les emplois qui lui sont attachés. C'est là encore un amendement adopté à l'initiative de l'Assemblée qui a introduit cette faculté.

Elle a enfin assoupli le régime des sanctions commerciales et a conduit l'État à mieux accompagner l'effort des créanciers privés.

Le Sénat a tout autant contribué à l'amélioration du texte.

Par la définition qu'il a retenue des conditions d'ouverture de la procédure de sauvegarde, il est à l'origine de l'une des clefs du succès de l'ensemble du texte. L'anticipation du recours à la procédure collective, destinée à permettre la réorganisation des entreprises à leur bénéfice, au bénéfice de l'emploi, tout en garantissant les droits des créanciers, ne devait pas en effet donner lieu à des abus. Sur ce sujet, le « chapitre 11 » du droit américain ne pouvait pas sans risque servir de modèle. Le Sénat a trouvé un équilibre qu'il a conforté par un ensemble de mesures propres à ne pas faire produire d'effets pervers à l'indispensable intervention de l'assurance garantie des salaires, l'AGS, dans la procédure de sauvegarde.

Au-delà, il a amélioré significativement l'ensemble du texte, apportant de la clarté, et ainsi de la sécurité, juridique à de nombreuses dispositions dont la complexité excessive nourrissait de nombreuses controverses.

Je veux ici vous féliciter, monsieur le rapporteur, ainsi que le rapporteur de la commission des lois du Sénat, des rapports des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat, qu'il conviendra désormais de ranger au nombre des ouvrages de référence indiscutables dont disposeront les praticiens du droit des entreprises en difficulté. La mise en œuvre du dispositif nouveau sera grandement facilitée par la connaissance précise de la volonté du législateur.

Au-delà de la confrontation d'intérêts parfois contradictoires dans un domaine où, par principe, la satisfaction générale est impossible, le projet de loi déposé par le Gouvernement a été construit sur un principe d'équilibre au service des entreprises et de l'emploi.

Les intérêts des débiteurs et de leurs créanciers ont été également pris en compte, de telle sorte qu'il ne sera pas possible d'inscrire la loi nouvelle dans l'alternance, fort peu satisfaisante, des textes privilégiant les uns au détriment des autres.

Ceux qui apportent leur concours à une entreprise alors qu'elle connaît une situation difficile seront davantage protégés, et ainsi le texte est favorable aux créanciers. Mais il est dans le même temps très favorable aux entreprises, le plus grand bouleversement qu'il apporte à un droit, qui était encore marqué par la méfiance et la réprobation, étant celui de l'abandon de la contrainte imposée dans ses choix au chef d'entreprise lorsqu'il est en situation difficile.

Le principe même de la procédure de sauvegarde, pivot de ce droit profondément rénové, nous fait passer de l'ère du « dépôt de bilan » à celle de la « demande de protection judiciaire ». Alors que la première était synonyme d'échec, la seconde sera synonyme d'espoir.

Afin que cet espoir ne soit pas déçu, il est nécessaire que le texte qui est soumis à vos suffrages entre en vigueur au plus vite. La procédure d'urgence qui a été retenue permet une entrée en vigueur au 1er janvier 2006, date du vingtième anniversaire de l'entrée en vigueur de la loi du 25 janvier 1985, désormais entièrement rénovée.

Je m'engage à ce que les mesures d'application le permettant soient prises en temps utile. La précision du travail législatif le facilitera.

Suivant les principes définis par la loi nouvelle, ces mesures permettront la transparence et la célérité des procédures ainsi que la maîtrise de leurs coûts. Elles comprendront un dispositif tarifaire rénové pour la rémunération des missions des administrateurs et des mandataires judiciaires, complémentaire de celui résultant du décret du 10 juin 2004.

Mais au-delà, l'attente de nos concitoyens de voir cette réforme se traduire en termes d'emplois préservés et d'entreprises sauvegardées, l'attente des salariés, des chefs d'entreprise, des familles des entrepreneurs individuels, commerçants, artisans, agriculteurs, professions libérales, directement affectés par leurs difficultés, ne peut être satisfaite que par la mise en œuvre éclairée des textes nouveaux.

Les chefs d'entreprises vont pouvoir exercer les choix qui leur sont désormais ouverts. Il est important qu'ils soient conseillés et accompagnés dans ces choix.

Les juridictions auxquelles revient la prérogative d'appliquer les textes nouveaux auront à le faire en connaissance de cause ; je ne méconnais pas l'effort d'adaptation qui est attendu d'elles.

Les praticiens qui exerceront des mandats rénovés dans des procédures elles-mêmes rénovées auront à faire un effort tout aussi important. Il convient de les y encourager et de les en remercier.

L'impact économique et social attendu de ce texte ne pouvait pas être conciliable avec de longs délais d'application. Toute solution de confort était dès lors exclue dans la mise en œuvre de dispositions dont il nous sera, dès demain, demandé l'entrée en vigueur par les salariés et les entrepreneurs.

II convient néanmoins de souligner que, si ce texte a subi des modifications importantes, il est bien connu dans ses principes, du fait des nombreux échanges auxquels il a donné lieu. Les praticiens qui auront à l'appliquer en anticipent, depuis plusieurs mois, l'aboutissement.

Enfin, je tiens tout particulièrement à remercier votre commission des lois, son président et son rapporteur, M. Xavier de Roux, dont la maîtrise de cette matière complexe a grandement facilité un dialogue constructif entre l'Assemblée et le Gouvernement. Ce dialogue a permis d'aboutir à un complet accord sur les modifications que votre assemblée a estimées nécessaires. Permettez-moi d'associer à mes remerciements les administrateurs de l'Assemblée, qui les ont assistés, et dont je sais que le concours a été d'une qualité exceptionnelle...

M. Arnaud Montebourg. N'oubliez pas l'opposition !

M. le garde des sceaux. ...et l'opposition, pour sa participation - du point de vue de sa qualité ou de sa quantité, je préfère ne pas le préciser.

Vous avez permis, monsieur le président et monsieur le député, que ce projet vienne à son terme dans d'excellentes conditions, alors qu'un important travail de codification en rendait l'appréhension fort complexe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, nous voici arrivés à la fin d'un débat sur la réforme du droit des faillites. Depuis son dépôt, les grandes lignes de votre réforme n'ont guère évolué, et ses lacunes demeurent, quand elles ne se sont pas accentuées. En effet, les déséquilibres d'origine se sont aggravés.

Je voudrais, à travers cette exception d'irrecevabilité, m'arrêter sur deux points, des choix politiques dont la traduction juridique porte atteinte au pacte constitutionnel. Votre texte, en effet, en octroyant un grand nombre de privilèges à certains créanciers, brise le principe d'égalité devant la loi. Ce choix nous paraît à la fois politiquement contestable et économiquement désastreux, mais surtout constitutionnellement fâcheux.

Nous partageons avec vous le constat que ce sont les toutes petites entreprises de moins de dix salariés qui constituent le tissu économique profond de notre pays en maintenant en vie entre cinq et six millions d'emplois.

En 2003, par le biais de la loi pour l'initiative économique, vous aviez déjà concédé aux établissements bancaires la suppression du taux d'usure pour les prêts aux entreprises constituées sous forme de société, afin qu'ils tarifent librement leur soutien aux entreprises, y compris à celles en difficulté. Cela était déjà un cadeau magnifique fait aux banques.

À l'époque, le secrétaire d'État aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation avait pris l'engagement solennel devant l'Assemblée nationale « de procéder à une évaluation du dispositif après une période expérimentale d'un an ».

Cet engagement n'a pas été tenu : je tiens à le dire, pour que d'autres tiennent leurs propres engagements, et nous suivrons pas à pas, monsieur le rapporteur, votre évaluation du texte que vous allez faire voter par la majorité à laquelle vous appartenez. Cet engagement n'a donc pas été tenu, comme le déplorait d'ailleurs le sénateur Cazalet lui-même, qui appartient pourtant au groupe de l'UMP, dans le rapport pour avis de la commission des finances du Sénat.

Nous pouvons donc d'ores et déjà esquisser les éléments d'un bilan de l'utilité de libérer la faculté pour les banques de prêter à l'usure. En 2004, ce sont 27 600 salariés qui ont été licenciés dans le cadre simplifié des redressements judiciaires ou des liquidations d'entreprises. Ce chiffre représente 40 583 entreprises qui ont fait faillite, soit une progression de 2,1 % par rapport à 2003 : voilà le bilan de l'action de votre gouvernement.

Pour 2005, on nous annonce déjà que le cap des 50 000 défaillances sera franchi. Ce sont environ 500 000 créanciers qui, chaque année, sont affectés dans leur activité par l'échec du redressement et l'arrivée d'une liquidation.

Dans le même temps, l'ensemble de la presse économique fait état de chiffres record en termes de bénéfices nets pour l'année 2004 pour les groupes bancaires français. Le bénéfice net de la Société générale passe de 2,49 milliards à 3,13 milliards, soit plus de 25 % d'augmentation. Celui de la BNP passe de 3,76 à 4,76 milliards, soit plus de 24 % d'augmentation.

Voilà pourquoi, monsieur le garde des sceaux, nous continuons à pointer les malfaçons constitutionnelles de vos choix politiques, dont des salariés, des chefs d'entreprise, des créanciers, des dirigeants d'entreprise risquent de supporter la cruauté des conséquences.

La seule question que doit régler le droit de la faillite est celle de la répartition de la charge du sacrifice ; il doit dire selon quelle procédure, et quelle possibilité il offre aux différents protagonistes de l'entreprise, en distribuant les sacrifices du redressement. S'il n'y a pas de sacrifice, il n'y a pas de sauvetage.

M. Xavier de Roux, rapporteur de la commission mixte paritaire. Vous parlez comme au XIXe siècle !

M. Arnaud Montebourg. Chaque système d'administration de la faillite dévoile des choix politiques. Vous avez fait le choix, à travers ce texte, de sauvegarder les intérêts d'une catégorie particulière de créanciers, les créanciers bancaires, en organisant leur protection spécifique au détriment de l'intérêt général et de l'emploi. Tel est votre choix, vous devez l'assumer. Le texte octroie la quasi-totalité des nouvelles protections aux organismes de crédit, les créanciers bancaires de l'entreprise en difficulté.

Cette loi n'est donc pas une loi de sauvegarde des entreprises, c'est une loi de sauvegarde des intérêts des banques.

En vertu en effet de l'article 8 de ce texte, couplé aux articles 34 et 120, les personnes privées qui font un apport en « argent frais » à une entreprise en difficulté bénéficieront d'une priorité de paiement de leur créance par rapport à celle de l'État ou des organismes sociaux au moment de l'apurement du passif de l'entreprise.

Les débats n'ont pas permis de réduire notablement le bénéfice de ce privilège, qui n'a pas vraiment été remis en cause malgré les efforts du Sénat. Cela n'a pas suffi en tout cas pour rendre ce dispositif compatible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, aux termes de laquelle le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi.

Or, monsieur le garde des sceaux - et je suis précis et sérieux sur ce point -...

M. Pierre-Louis Fagniez. C'est un aveu !

Mme Arlette Grosskost. C'est vraiment une exception !

M. Arnaud Montebourg. ...vous faites le choix de régler de façons différentes des situations objectivement semblables au regard de l'objet de la loi et de l'intérêt général poursuivi, c'est-à-dire l'aide aux entreprises en difficulté.

En reconnaissant de manière systématique un rang prioritaire aux créances découlant « d'un nouvel apport en trésorerie » par rapport aux créances de l'État, des organismes de sécurité sociale, comme des institutions gérant le régime d'assurance chômage, sans distinguer si ces derniers ont concédé ou non des abandons partiels de leurs créances pour « sauvegarder l'entreprise », la loi instaure une rupture manifeste du principe d'égalité entre les créanciers.

Cette rupture d'égalité est d'autant moins justifiée que, contrairement aux établissements de crédit, l'État, les organismes de sécurité sociale, comme les institutions gérant le régime d'assurance chômage, participent habituellement à travers des abandons de créances partielles ou totales à la sauvegarde d'entreprises en difficulté, ce que chacun reconnaît ici.

Vous ne pouvez donc pas nier qu'en ce cas l'ensemble de ces institutions publiques concoure toutes financièrement à la sauvegarde des entreprises.

Depuis 1985, le législateur ne peut plus impunément traiter différemment des créanciers qui, dans des situations objectivement similaires, agissent de manière semblable au regard de l'objectif de sauvegarde des entreprises.

Pourtant on retient de votre texte que lorsque l'État, les organismes de sécurité sociale, les institutions gérant le régime d'assurance chômage abandonnent tout ou partie de leurs créances pour sauver une entreprise en difficulté, les créanciers « apporteurs d'argent frais » sont prioritaires.

M. Xavier de Roux, rapporteur de la commission mixte paritaire. Et alors ? Ce n'est pas nouveau !

M. Philippe Houillon, président de la commission mixte paritaire. Relisez vos manuels de droit, monsieur Montebourg !

M. Arnaud Montebourg. Ce traitement radicalement distinct des créanciers apporteurs d'aide aux entreprises conduit donc à établir des règles évidemment discriminatoires ne pouvant se revendiquer d'aucune différence objective de situation ni davantage de critères objectifs suffisants.

On peut chercher dans les travaux parlementaires en quoi l'attribution d'un rang de paiement supérieur aux créances privées au détriment des créances publiques et sociales se justifierait dans l'intérêt général. Bien au contraire, c'est l'intérêt privé des établissements de crédit qui est ici satisfait. M. Chartier et M. de Roux se sont exprimés à ce sujet. Nous avons eu un débat auquel je renvoie les juges constitutionnels, qui pourront examiner avec précision les arguments que nous avons échangés. Nous savons bien que ce n'est en aucun cas l'intérêt général qui gouverne les établissements bancaires, mais un intérêt privé. C'est pourquoi nous considérons que les articles considérés ne pourront être que censurés car ils entraînent la rupture d'égalité que je viens de décrire, qui est contraire à la Constitution.

Par ailleurs, ces articles révèlent une erreur manifeste d'appréciation politique du législateur. Est-ce que le métier de banquier est un métier de rentier ?

M. Philippe Houillon, président de la commission mixte paritaire. Ça date de Badinter !

M. Arnaud Montebourg. Est-ce que le métier de banquier est un métier sans risque ? M. Houillon a même dit que « les banques françaises sont des prêteurs sur gage ».

M. Philippe Houillon, président de la commission mixte paritaire. Oui.

M. Arnaud Montebourg. Pour quelle raison n'a-t-on pas ouvert le débat sur cette question préalablement à l'octroi d'un nombre supplémentaire de privilèges dans les procédures que vous avez créés dans ce texte ?

Préférer la finance à l'économie, préférer la finance au maintien de l'emploi, préférer même la rente économique plutôt que le risque, ce n'est pas organiser une économie innovante, créative et productive, et ce n'est pas favoriser la création d'emplois - nous en ferons le bilan ensemble, à la commission des lois, dans quelques mois.

Où sont les contreparties, que nous aurions pu tous demander, aux privilèges gratuits que vous offrez à ces banques, qui tremblent, à vous entendre, comme des feuilles devant le risque de l'entrepreneur ? Il n'y en a pas dans votre texte. Ce sont les caisses sociales, ce sont les collectivités locales qui vont, par leur abandon de privilège, financer la rente bancaire indirectement, se substituer aux banques défaillantes, lesquelles affichent d'ailleurs des profits insolents au moment où l'économie a tant de peine à se financer.

Mais ce n'est, hélas, pas tout puisque le texte met également en place une protection « surnaturelle », radicalement anticonstitutionnelle, consistant à exonérer par avance les créanciers bancaires de toute responsabilité dans les préjudices que les banques pourraient causer pour soutien abusif : c'est l'article 142 bis, qui réduit radicalement les motifs susceptibles d'entraîner la condamnation d'un créancier pour soutien abusif. Vous avez fait ce choix, et pourtant le Premier président de la Cour de cassation - après tout, il faut prendre les références là où elles sont les plus sérieuses et les plus fortes intellectuellement, puisque je ne parviens pas à vous convaincre - estimait qu'en matière de droit économique « l'intérêt est de vérifier dans le cadre d'une discussion sereine et en dehors de tout contentieux si la position des uns et des autres est justifiée » et ajoutait que « sur la question du soutien abusif par exemple, on peut se demander si la jurisprudence est réellement de nature à restreindre le crédit bancaire, et donc à nuire à l'intérêt général ou si, au contraire, elle est de nature à en améliorer la répartition. »

Il existe aujourd'hui un consensus pour constater la rareté des condamnations, pour soutien abusif, des créanciers en général, en particulier des établissements de crédit. Le législateur, par une double dynamique, réduit de manière drastique les possibilités de condamnation pour soutien abusif lorsque sont en cause les établissements de crédit.

D'une part, le texte, contrairement à ce que prévoyait le projet initial, étend la limitation de l'action en responsabilité à l'ensemble des concours consentis aux débiteurs. D'autre part, il réduit à trois les cas de mise en jeu de la responsabilité des créanciers : fraudes du créancier, immixtion caractérisée du créancier dans la gestion du débiteur, prise de garanties disproportionnées. Or il y a bien d'autres hypothèses dans lesquelles un soutien abusif peut faire l'objet d'une action en responsabilité. Que je sache, le soutien abusif n'est pas une « créature » délirante du législateur, il est l'application normale de l'article 1382 du code civil, qui prévoit, dans la limpidité historique et cristalline de Portalis, que « tout fait quelconque » - fût-il d'une banque ! - « qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. » Et le Conseil constitutionnel rappelle régulièrement depuis trente ans que la responsabilité ne saurait être exonérée. Nul ne peut donc rétrécir le champ de la mise en jeu de la responsabilité de quiconque dans un pays où la responsabilité est l'un des principes d'action d'êtres libres vivant en société, les banques n'échappant pas à cette règle. Vous avez donc là commis une inconstitutionnalité majeure. S'agissant d'ailleurs de faute civile, l'intentionnalité n'a aucun effet et le caractère manifeste de l'action fautive est sans conséquence, le mot « manifeste » ne voulant rien dire.

C'est donc là une concession extraordinaire que votre texte accorde au système bancaire français en organisant par avance son irresponsabilité. C'est aussi une protection contre un phantasme puisque tous ceux qui aujourd'hui observent le droit en matière de soutien abusif savent que le montant total des indemnités auxquelles ont été condamnées les banques l'année dernière s'est élevé à 14 millions d'euros, ce qui, avouez-le, est bien peu.

D'ailleurs, le Conseil constitutionnel a rappelé qu'il ne doit pas être portée d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction. Cette jurisprudence est tirée de la Convention européenne des droits de l'homme, dont l'article 6, je le rappelle monsieur le ministre, s'applique également en matière d'obligations civiles et commerciales.

La question posée à travers cette irresponsabilité organisée par le législateur est bien celle de l'accès à un juge disposant de la plénitude de ses compétences. Manifestement, comme le relevait malicieusement Mme le professeur Frison-Roche, votre choix « est une manière d'éloigner le juge » de certains partenaires de l'entreprise. Son commentaire sera certainement entendu.

Cette situation est d'autant moins constitutionnellement acceptable que, dans le même temps, le recours au juge demeure ouvert pour agir contre d'autres créanciers qui peuvent par des abandons de créances concourir également à la sauvegarde des entreprises en difficulté. À ceux-là, la loi ne réserve aucun privilège de juridiction et les excepte du bénéfice des dispositions de l'article 142 bis. Le privilège est en soi inacceptable mais, de surcroît, vous créez une discrimination devant ce privilège. C'est une seconde rupture d'égalité. Je crains que les libéraux que vous êtes aient une nouvelle fois piétiné les valeurs de la République égalitaire que le Conseil constitutionnel...

M. Philippe Houillon, président de la commission mixte paritaire. A déjà jugé !

M. Arnaud Montebourg. ...sera chargé de faire respecter.

L'intérêt de la sauvegarde de l'emploi ne peut pas passer par la sauvegarde des intérêts des banques. Nous avons dit, répété que ce texte ne pouvait pas avoir d'efficacité. Je vous donne rendez-vous au moment de l'évaluation, et nous serons très présents pour faire le constat ; j'espère que vous reconnaîtrez alors vos erreurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Xavier de Roux, rapporteur de la commission mixte paritaire. Je ne vais pas répondre à l'emphase de M. Montebourg, ce n'est pas le moment et elle n'est pas très convaincante. Je me bornerai simplement à rappeler deux points de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

D'abord, le Conseil constitutionnel a jugé que l'article 40 de la loi Badinter ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques, considérant que la loi a pu, sans être astreinte à prévoir quelque indemnisation que ce soit, modifier le rang des créances assorties de sûretés réelles, à l'avantage de créanciers qui, depuis l'ouverture de la procédure, ont concouru à la réalisation de l'objectif d'intérêt général...

M. le garde des sceaux. « Intérêt général », voilà les mots importants !

M. Xavier de Roux, rapporteur de la commission mixte paritaire. ...de redressement des entreprises en difficulté.

Pour ce qui est du problème du soutien abusif, nous sommes en face d'une construction non pas législative, mais purement prétorienne. Nous ne portons évidemment pas atteinte au principe de l'article 1382 du code civil. Toutefois, il existe dans notre droit un très grand nombre de dispositions propres de responsabilité : je citerai par exemple - puisque nous sommes ici entre élus - celles de la loi Fauchon.

Sur ces deux points, il s'agit simplement pour M. Montebourg de faire un peu de polémique et de bruit, et non du droit. Nous pouvons être tranquilles sur la constitutionnalité des deux dispositions dont il nous indique qu'elles devraient être soumises au Conseil constitutionnel.

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, c'est une réforme courageuse et particulièrement ambitieuse que nous abordons à nouveau ce matin à travers l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire intervenues vendredi dernier. C'est un projet de loi qui n'a cessé de s'enrichir et de s'améliorer au cours du processus parlementaire. Chaque assemblée a apporté de nombreuses modifications qui ont permis d'en parfaire l'économie. Avec ce texte, le droit français des procédures collectives s'offre un véritable coup de jeune. Il aura mis plus de dix-huit mois à mûrir et quatre mois pour être adopté. Il est le fruit d'une large concertation engagée entre la Chancellerie, les parlementaires et les professionnels avec comme unique objectif de préserver le tissu économique de notre pays, et donc des emplois.

L'opportunité d'une telle réforme ne saurait en aucun cas être remise en cause. Elle s'inscrit dans la continuité de l'action gouvernementale et complète le panel des 1ois destinées à donner une nouvelle impulsion à nos entreprises, telles la loi de modernisation pour l'économie et la loi PME. Ces textes sauront redonner confiance à nos chefs d'entreprise, créateurs de richesses et d'emplois.

Pour cela, il était aussi capital de se pencher sur une étape de la vie d'une entreprise, celle où elle peut rencontrer des difficultés, avec pour but de sauvegarder la grande majorité d'entre elles et d'éviter que ne s'accroissent par trop les défaillances d'outils de production, qui touchent malheureusement toutes les régions de France. Le constat aujourd'hui est que la très grande majorité des TPE et des PME ne réussissent pas à s'organiser suffisamment en amont - faute de moyens ou de compétences - pour détecter les premières difficultés, les interpréter, ou utiliser les leviers existants pour les contrer. Les dossiers des entreprises en difficulté sont trop tardivement traités pour une cessation de paiement avérée. La procédure se solde par une liquidation judiciaire dans 90 % des cas. Les procédures de liquidation dure en moyenne plus de quatre ans.

Avec les nouvelles procédures visées par le texte, le chef d'entreprise va disposer d'une boîte à outils beaucoup plus importante pour renforcer les moyens de prévention et privilégier une approche économique et contractuelle au détriment d'une méthode utilisée jusqu'alors qui s'inscrivait comme essentiellement juridique et comptable. La loi sauvegarde des entreprises bouleverse le droit des procédures collectives pour relever trois défis, à savoir : amener les entreprises à franchir, avant qu'il ne soit trop tard, les portes des tribunaux de commerce, pour qu'elles se placent sous la protection de la loi ; convaincre 1es créanciers, particulièrement les banques, qui se montraient très frileuses jusqu'alors, de s'asseoir autour d'une table pour négocier avec les débiteurs d'un rééchelonnement de la dette ; enfin, préserver les droits des salariés et renforcer la procédure d'alerte, laquelle n'est en rien abstraite, mais constitue bien la pierre angulaire de la sauvegarde des entreprises. Ainsi, nous nous félicitons des dispositions telles que le mandat ad hoc, la conciliation, la sauvegarde, et la procédure de liquidation simplifiée pour les plus petites entreprises.

Ce texte répare également une inégalité de traitement en étendant le champ d'application des procédures collectives aux professionnels indépendants et libéraux.

Il dédramatise, par ailleurs, le dépôt de bilan pour poser deux postulats : d'une part, qu'il n'est pas infamant d'échouer dans la création d'une entreprise ; d'autre part, que tout doit être fait pour que l'entrepreneur soit en mesure de rebondir.

Enfin, ce texte permet de distinguer clairement les chefs d'entreprise de bonne foi et ceux de mauvaise foi.

Ce projet de loi conserve, en dépit du nombre considérable de ses articles, sa cohérence et dote notre droit des faillites d'outils précieux, avec pour double impératif, je le rappelle, la protection de nos entreprises et de nos emplois. Le groupe de l'UMP votera sans ambiguïté le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Nous connaissons maintenant les problèmes politiques soulevés par ce texte, qui ne sont d'ailleurs pas minces.

M. Philippe Houillon, président de la commission mixte paritaire. Il n'est déjà plus inconstitutionnel ! Il y a un progrès !

M. Arnaud Montebourg. Je résume : ce texte fait primer l'intérêt des banques sur tous les autres créanciers. Dans la procédure de conciliation, elles obtiennent le super-privilège de l'argent frais, elles se voient reconnaître un statut supérieur à celui de l'État et des organismes sociaux. Dans la procédure de sauvegarde, elles disposent désormais du pouvoir de vie et de mort sur l'entreprise : la justice ne se rendra plus désormais dans les tribunaux, mais aux guichets des banques, qui seront installées dans la procédure en disposant du moyen d'amener l'ensemble des partenaires à l'endroit où elles le veulent. Dans les procédures de redressement et de conciliation, elles voient - je viens d'en dire un mot à la tribune - leurs privilèges renforcés. Je ne parle même pas de l'aggravation du régime des cautions en leur faveur. Nous considérons, je le dis ici fermement avec tout le soutien politique de mon groupe,...

M. Jérôme Lambert. Absolument !

M. Arnaud Montebourg. ...que l'abandon du délit civil de soutien abusif constitue un scandale et est contraire au principe républicain de responsabilité de chacun devant ses actes, fût-ce une banque.

Ce texte, loin de sauvegarder les entreprises - nous ferons le bilan ensemble -, sert les banques au détriment de l'emploi. Les intérêts financiers des créanciers l'emportent sur les intérêts économiques de l'entreprise et les considérations d'emploi.

Aucune analyse n'a été menée sur les défaillances, dans notre économie, d'un système bancaire privé, trop réticent à la prise de risques. On offre toujours davantage de privilèges et de cadeaux au système bancaire et on ne s'interroge jamais sur la rente dont il dispose dans le financement de notre économie. Aucune contrepartie à ces privilèges nouveaux accordés aux banques n'a été acceptée, ni même envisagée ou discutée, en dépit des propositions que nous avons présentées au cours du débat.

Mais ce texte présente un défaut encore plus grave, faisant des salariés les laissés-pour-compte des procédures de faillite. La nouvelle procédure de sauvegarde se résume à une procédure de réduction des effectifs que pourront imposer les établissements bancaires, les salariés devenant une simple variable d'ajustement. C'est toute la différence avec la loi Badinter où les salariés étaient la variable à sauvegarder d'abord, les autres s'adaptant devant cet objectif. De ce point de vue, nous devrons surveiller les comptes de l'AGS, qui risquent d'être mis à mal par le droit de tirage illimité que le texte autorise. Mais qui alors paiera les salariés en cas de faillite ? Qui paiera les heures supplémentaires qu'on les aura obligés à effectuer et à placer sur leur compte épargne-temps ? Nous sommes très inquiets sur ce point.

Enfin, votre loi a oublié l'essentiel, la réforme des tribunaux de commerce. Elle modifie le droit des faillites, mais non le fonctionnement, ou plutôt les dysfonctionnements constatés depuis longtemps des institutions consulaires et judiciaires, chargées pourtant de la mettre en application. Nous avons, en vain, cherché à introduire dans le texte, mais nous n'avons jamais été écoutés, quelques mesures tendant à la moralisation, tant attendue, des tribunaux de commerce et des pratiques des professionnels de la faillite. Rien n'est venu. En réalité, une fois de plus, vous protégez vos clientèles électorales !

Le bilan de ce texte est, par conséquent, assez négatif : alignement sur le droit anglo-saxon qui financiarise le droit des faillites, accroissement inconsidéré du pouvoir et des privilèges des banques, écrasement des salariés au cours des procédures, risque d'explosion des comptes de l'AGS, absence de moralisation des tribunaux de commerce. Pour toutes ces raisons, monsieur le garde des sceaux, nous voterons résolument contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le garde des sceaux. Tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. le président. Comme vous nous avez expliqué tout à l'heure que cela ne servait manifestement à rien, le « résolument » est de trop, monsieur Montebourg ! Vous êtes contre, tout simplement !

M. Arnaud Montebourg. Certes, mais il faut y mettre de la résolution !

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, une fois de plus, l'examen de ce texte sera un rendez-vous manqué. D'abord, parce qu'il avait pour louable ambition d'entreprendre une réforme du droit des entreprises en difficulté afin de mieux garantir leur sauvegarde et que, sur ce point, nous pouvons d'ores et déjà affirmer que c'est un échec, et un échec à un double titre.

Comment, en effet, améliorer les procédures de sauvegarde des entreprises sans entreprendre une réforme des tribunaux de commerce ? Alors que ces tribunaux sont au cœur de ce projet de loi et qu'ils sont compétents pour connaître de la plupart des procédures collectives, il est particulièrement incongru qu'elles se déroulent devant une juridiction consulaire composée uniquement de commerçants élus par leurs pairs, futurs débiteurs en difficulté, concurrents et partenaires.

Échec également, parce que le droit des entreprises en difficulté méritait, plus que toute autre matière, une particulière clarté. Nous sommes avec ce texte bien loin du compte. Sa présentation obscure rend sa lecture et sa compréhension particulièrement difficiles. Or, il est connu qu'un des facteurs de la relative inefficacité de notre système actuel de traitement des difficultés est la méconnaissance par les chefs d'entreprises du fonctionnement et des possibilités légales de traitement des difficultés financières. La complexité des procédures est telle que les dirigeants d'entreprises réagissent très ou trop tardivement. Or, désormais, contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le garde des sceaux, ce ne sont plus quatre procédures que les dirigeants auront à connaître mais cinq ! Point de simplification, donc, ni de clarification, alors pourtant qu'elles étaient indispensables à une réforme efficace des procédures collectives.

Si cette future loi est bien éloignée de l'ambition qu'elle affichait dans son exposé des motifs, elle passe également à côté de l'objectif annoncé par votre prédécesseur lors de sa présentation à la presse, que je rappelle pour mémoire : « Face à une compétition économique chaque jour plus forte, il était impératif que le Gouvernement s'attelle à une adaptation du droit qui permette la sauvegarde des emplois au sein d'entreprises fragilisées ». Il n'en sera rien, hélas ! De fait, les différents articles de ce projet de loi ont pour souci premier de sauvegarder les intérêts des créanciers, la sauvegarde des emplois passant largement au second plan. Nous le dénonçons avec d'autant plus de vigueur que les créanciers qui bénéficient le plus de votre bienveillance sont les banques et les établissements bancaires. Déjà privilégiés par les sûretés qui garantissent leurs avances, ils seront désormais doublement privilégiés puisque ce texte prévoit que leurs crédits ou avances seront payés par privilège à toutes créances nées avant l'ouverture de la conciliation. Ainsi, malgré leurs bénéfices faramineux, vous avez décidé de leur sacrifier les intérêts de la collectivité publique et des créanciers chirographaires. Le trésor public ou la sécurité sociale devront, en revanche, consentir des remises de dettes aux débiteurs. Si quelque personne doutait encore de vos préférences dans la conduite de notre pays, cette disposition devrait les éclairer définitivement : les créanciers publics ont pour devoir de s'effacer devant la toute puissante « divinité finance ».

Pis encore, alors que cette nouvelle loi aurait pu donner aux salariés toute la place qu'ils méritent, parce qu'ils sont ceux qui ont le plus intérêt à sauvegarder leur entreprise, vous avez décidé de les ignorer. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé de vous donner la possibilité de corriger cette regrettable erreur.

En effet, la plupart des amendements que nous avions déposés en première lecture poursuivaient cet objectif. Aucun n'a été retenu. Au Sénat, vous n'avez pas changé d'attitude et tous les amendements similaires ont également été écartés.

Nous ne comprenons toujours pas, ou plutôt nous comprenons trop bien, cette obstination à ne pas voir que les salariés sont les premiers intéressés au redressement de leur entreprise, qu'ils sont ceux sans qui aucune richesse n'est créée, ceux sans qui aucune entreprise n'est viable. Vous ne voulez pas en convenir, sans quoi vous auriez accepté de les associer activement à toutes les étapes des différentes procédures et vous les auriez considérés comme des acteurs à part entière. Ce texte ne fait que les cantonner dans leur rôle de fusible naturel, voire unique, utilisables par des dirigeants ou des administrateurs judiciaires pour résoudre les difficultés rencontrées par l'entreprise.

Quel dommage donc que, là encore, vous n'ayez pas donné à l'entreprise la possibilité de profiter de l'expérience et des connaissances de ses salariés pour lui offrir une contribution efficace à son redressement. Quel risque couriez-vous ? Aucun, sinon celui de faire la démonstration que les salariés ne sauraient être considérés comme une simple variable d'ajustement dans la vie de l'entreprise, mais qu'ils sont sa véritable richesse.

Nous n'en demandions pourtant pas trop ! Simplement que, légitimement, leur avis soit sollicité lors des différentes étapes de la procédure, qu'ils soient informés, qu'ils aient un droit de saisine du tribunal, dans la procédure de redressement judiciaire, par exemple. Autant de refus qui prouvent que le Gouvernement en demande toujours plus aux salariés sans offrir la moindre contrepartie à tous leurs efforts et à tous leurs sacrifices. Premières victimes des liquidations judiciaires, ils doivent se contenter de voir leur vie détruite sans même que ne leur soit reconnue la moindre importance dans la vie et la réussite de leur entreprise.

Après l'arrêt rendu par la Cour de cassation, le 19 avril dernier, sur Metaleurop, refusant l'extension de la liquidation judiciaire de Metaleurop Nord à sa maison mère Metaleurop SA, c'est un coup dur supplémentaire pour les salariés. Il paraît d'autant plus dur que nous avions une once d'espoir après l'invitation du Président de la République à légiférer pour empêcher ces comportements de « patrons voyous », pour reprendre une de vos expressions, que nous partageons. Nous en avions ici la possibilité, mais elle a été écartée. Ce silence du législateur, donc le vôtre, mes chers collègues de la majorité, permet ainsi au Gouvernement de s'abriter derrière cette décision pour laisser faire ces comportements voyous. Trop content de cette décision, il va pouvoir, avec ces mêmes patrons, dormir tranquille sans craindre que ce type de comportement soit désormais sanctionné. Si le Gouvernement, si les députés de la majorité avaient voulu qu'il en soit autrement, ils auraient profité de ce texte pour légiférer sans se complaire dans l'immobilisme.

Quelle occasion ratée, avouons-le ! Occasion ratée aussi pour tous nos bassins d'emploi. Ce texte, après sa lecture à l'Assemblée, puis au Sénat, et tel qu'il ressort de la commission mixte paritaire, ne prend, en effet, nullement en compte les conséquences de la disparition d'une entreprise sur la collectivité tout entière, laquelle voit, dans ce cas, le chômage augmenter, l'environnement économique de toute une région se dégrader, et parfois même une production nationale cesser, obligeant à recourir à l'importation.

Ce nouveau droit des faillites n'a pas pour objet de sauvegarder les territoires. La voie choisie est tout autre : il s'agit de sauvegarder à tout prix les intérêts des gros créanciers quand une entreprise connaît des difficultés, au détriment des autres composantes et acteurs de l'entreprise.

Le traitement plus précoce des difficultés des entreprises aurait exigé une tout autre façon de faire. Il aurait fallu, d'abord et avant tout, accepter de partir de la réalité. Si nos entreprises connaissent des difficultés, c'est en raison du fonctionnement même du capitalisme financier, qui voit les grands groupes conduire, dans l'intérêt exclusif des fonds d'investissements et des gros actionnaires, une politique de restructurations brutales affectant régulièrement leurs filiales et les entreprises sous-traitantes qu'ils dominent.

Autant de raisons donc, mes chers collègues, pour que le groupe des députés communistes et républicains rejettent ce projet de loi, tel qu'il ressort de la CMP, tout entier tourné vers la sauvegarde des plus puissants, au détriment de l'emploi, de la collectivité publique et des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la sauvegarde des entreprises arrive au terme de sa discussion.

Trop de licenciés, chaque année, trop de liquidations d'entreprises : nous ne pouvions accepter que 90 % des procédures collectives s'achèvent en liquidation judiciaire, alors même que des mesures pouvaient être prises pour moderniser notre droit en la matière et créer une procédure à part entière, la procédure de la sauvegarde qui permet, nous avons été nombreux à le dire, de détecter le plus en amont possible les difficultés des entreprises et de fournir un certain nombre d'outils destinés à éviter la liquidation pure et simple et, de facto, la disparition de l'entreprise et de ses salariés.

À l'heure où l'emploi, dans notre pays, se porte mal, il était grand temps d'envisager ce type de mesures. Je note que les travaux du Sénat ont permis d'adapter la portée de la sauvegarde et ont même « francisé » le chapter eleven américain.

Sauver l'entreprise et l'emploi est notre cheval de bataille, à l'UDF comme, je l'espère, sur tous les bancs de cette assemblée. Je ne reviendrai pas sur le détail des dispositions du texte car nous avons passé de longues heures à en discuter. Pour ce qui nous concerne, nous nous sommes réjouis de voir certaines de nos suggestions reprises dans ce texte, comme la confidentialité de la conciliation, la clarification des rôles respectifs de chacun des praticiens qui vont appliquer cette loi, ou encore la réforme des sanctions prises à l'égard des chefs d'entreprise, notamment de PME et de PMI.

Tout cela est de nature à encourager la volonté d'entreprendre et permettra, je l'espère, à certains chefs d'entreprise de rebondir.

Puis, ne l'oublions pas, le tissu industriel n'est pas fait que des entreprises soumises au CAC 40 : les PME familiales sont de plus en plus nombreuses dans notre pays. Nous avons besoin de ces femmes et de ces hommes qui prennent des risques et consacrent leur vie au développement d'entreprises fort utiles à la création et au maintien de l'emploi.

S'agissant des salariés, nos débats nous ont permis - avec ce texte comme avec d'autres - d'éviter l'instauration de toute procédure accélérée de licenciement. Il faut à tout prix trouver, dans notre pays, un équilibre qui respecte le droit de chacun. Car tant les salariés que le chef d'entreprise ont intérêt à la continuation de l'activité de l'entreprise. Il faut donc être prudent en matière de licenciement et s'en tenir au droit commun, comme le prévoit implicitement le projet de loi.

Dernier point qui nous tient à cœur au groupe UDF - que j'avais développé en première lecture et que notre collègue Yves Détraigne a soumis au Sénat -, l'inscription des procédures d'insolvabilité dans le règlement européen du 29 mai 2000. Le Gouvernement a indiqué qu'il allait inscrire la procédure de sauvegarde au titre des procédures d'insolvabilité à l'annexe A du règlement européen, mais pas la procédure de conciliation qui n'est pas une procédure judiciaire.

L'européanisation de notre droit, pour reprendre une formule utilisée au Sénat, devient primordiale. Nous avons constaté depuis de nombreuses années la prédominance du monde anglo-saxon en matière culturelle, puis financière et enfin juridique. Le droit anglo-saxon tend à régir de plus en plus le droit qui règne en Europe. Je ne le conteste pas, mais je demande que, par le biais du règlement européen du 29 mai 2000, nous essayions, nous aussi, de capter un grand nombre de procédures qui concernent des filiales installées dans divers États membres de l'Union et d'imposer notre manière de voir les règles de droit. Monsieur le garde des sceaux, j'appelle votre attention sur ce phénomène de prédominance qui se développe chaque jour davantage.

Le groupe UDF votera le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. Je vais suspendre la séance quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures trente-cinq, est reprise à dix heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

    2

DÉVELOPPEMENT DES SERVICES À LA PERSONNE

Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 5 juillet 2005.

« Monsieur le président,

« Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous demander de soumettre à l'Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 2437).

La parole est à M. Maurice Giro, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Maurice Giro, rapporteur de la commission mixte paritaire. Avant d'exposer les travaux de la commission mixte paritaire, je tiens à vous remercier, madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, pour l'écoute attentive dont vous avez fait preuve à l'égard des parlementaires, qu'ils siègent sur les bancs de la majorité ou sur ceux de l'opposition. Le dialogue a été constant. Des craintes ont pu être apaisées, notamment sur l'articulation du projet de loi avec la législation médico-sociale. Je remercie également vos collaborateurs et les services de la délégation générale à l'emploi pour leur disponibilité. Des échanges fructueux ont été noués, qui ont permis d'élaborer des amendements consensuels renforçant la portée du projet de loi.

Les positions des deux assemblées étaient largement convergentes. Les amendements adoptés par le Sénat en première lecture ont complété ceux de l'Assemblée nationale tout en ajoutant quelques mesures nouvelles. Les débats de la commission mixte paritaire ont donc porté sur un nombre limité de points qui ne remettaient aucunement en cause les grands équilibres du texte tel qu'il résultait du vote de l'Assemblée nationale en première lecture.

À l'article 1er, la CMP a tout d'abord décidé de supprimer les dispositions définissant l'activité des mandataires, qui avaient été adoptées par le Sénat en première lecture. La CMP a considéré que ces dispositions étaient susceptibles de créer des confusions entre les activités de mandataire et de prestataire : la loi doit rester claire et placer sous la responsabilité de l'employeur signataire du contrat de travail la charge de payer les salaires et les cotisations sociales.

Concernant le chèque emploi-service universel, la CMP à ensuite refusé un amendement soumettant aux dispositions du code monétaire et financier les nouveaux moyens de paiement dématérialisés utilisés en remplacement du chèque ou du titre spécial de paiement. Cette disposition aurait trop limité les possibilités ouvertes par la loi ; ainsi les cartes de paiement prépayées, qui ne sont pas prévues par le code monétaire et financier, n'auraient pas pu être offertes.

En revanche, il faut être clair : si un émetteur veut mettre en place un moyen de paiement prévu par le code monétaire et financier, cet établissement devra se soumettre aux dispositions de ce code, auquel la présente loi n'entend pas déroger, ni en ce qui concerne le contrôle des moyens de paiement et des opérations bancaires, ni s'agissant des établissements habilités à effectuer des opérations bancaires.

La CMP a ensuite accepté la disposition introduite par le Sénat pour permettre d'émettre, en cas d'urgence, des chèques emploi-service universels sans mention du nom de leur bénéficiaire. Il s'agit de permettre aux collectivités publiques de disposer de titres spéciaux de paiement qu'elles pourront attribuer à des personnes dont le besoin d'une aide sociale s'est imposé dans l'urgence. Cependant, dès son attribution, le titre devra faire figurer le nom de son bénéficiaire. La CMP a en effet adopté sur ma proposition un amendement précisant que ce titre n'est pas nominatif «jusqu'à son attribution à son bénéficiaire ».

Un débat a enfin porté sur l'activité des centres communaux et intercommunaux d'action sociale. En première lecture, le Sénat avait adopté un amendement de M. Nicolas About dispensant les CCAS de l'autorisation médico-sociale prévue par l'article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles.

En CMP, M. Nicolas About a proposé de limiter cette dispense d'autorisation aux activités des CCAS relatives aux tâches ménagères ou familiales ou à l'entretien du cadre de vie. Un article additionnel 1er bis A, destiné à alléger le cadre réglementaire pesant sur les CCAS, a été adopté en ce sens.

Votre rapporteur, je dois le reconnaître, a été le seul à s'opposer à cette mesure. Même Mme Hoffman-Rispal et Mme Lignères-Cassou l'ont approuvée, elles qui avaient pourtant défendu avec constance, dans l'hémicycle, l'application sans faille de la loi du 2 janvier 2002.

Cette dispense est la seule exception en matière d'autorisation d'établissement ou de service social et médico-social. Le danger, à mes yeux, serait donc que d'autres structures publiques ou parapubliques soient maintenant fondées à en réclamer le bénéfice pour leurs activités sociales. En outre, les critères de qualité prévus par la loi du 2 janvier 2002 ne pourront pas être pleinement appliqués par les préfets et les présidents de conseil général en l'absence de procédure d'autorisation. D'une commune à l'autre, la qualité des CCAS pourrait donc varier fortement.

Mais il convient de le rappeler clairement : seule la fourniture de certaines prestations par les CCAS sera dispensée d'autorisation. La rédaction du champ de l'exemption vise à correspondre au champ des services à la personne relevant du régime de l'agrément simple. Il n'est donc pas du tout question de permettre aux CCAS de fournir des soins sans autorisation préalable du président du conseil général et du préfet.

M. Patrice Martin-Lalande. C'est le bon sens !

M. Maurice Giro, rapporteur de la commission mixte paritaire. Toute activité médicale, y compris les soins infirmiers, continue de relever du régime d'autorisation de l'article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles.

L'article 1er bis A vise donc simplement à permettre aux maires de mettre sur pied rapidement des actions sociales sans attendre la délivrance d'une autorisation qui peut prendre plusieurs mois.

Je pense, par exemple, à la fourniture d'équipements - tels que des ventilateurs ou des climatiseurs - susceptibles d'améliorer le cadre de vie des personnes âgées, à des services d'hébergement d'urgence ou à la création d'accueils de jour.

Globalement, dans l'article 1er, à la seule exception des dispositions concernant les mandataires, les apports de l'Assemblée nationale et du Sénat sont donc maintenus. Il faut relever parmi ces avancées le plafonnement des interventions à domicile, qui permet d'éviter toute concurrence déloyale à l'encontre des artisans et des entreprises de services, mais aussi la banalisation des moyens de paiement par CESU, qui va permettre aux réseaux bancaires de bénéficier de la puissance, de l'efficacité et de la sécurité qu'offrent ces moyens de paiement.

La CMP a supprimé l'article 1er bis dont elle a réintroduit les dispositions, en les codifiant dans le code de la consommation, par la voie d'un article additionnel, l'article 1er quater.

Tous les ajouts du Sénat aux articles 3,4, 6 et 7 bis A ont également été acceptés.

En ce qui concerne la deuxième partie du projet de loi, relative à la « cohésion sociale », la CMP n'a pas effectué de modifications substantielles. Je m'en tiendrai aux amendements les plus notables introduits par le Sénat.

À l'article 8, la CMP a tout d'abord harmonisé les dispositions relatives à la durée du contrat et de la convention d'avenir correspondante des personnes reconnues travailleurs handicapés. De plus, la dégressivité de l'aide de l'État aux chantiers d'insertion versée en contrepartie de l'embauche d'un salarié sous contrat d'avenir a été supprimée.

Aux articles 11 et 11 bis, la CMP a décidé de confier à la négociation collective, plutôt qu'à un décret en Conseil d'État, le soin de définir les conditions de travail des apprentis mineurs la nuit, les dimanches et jours fériés. Cette confiance dans le dialogue social doit permettre d'assouplir les conditions de mise en œuvre des dérogations et de les rendre opérationnelles plus rapidement, en tenant compte de la réalité de chaque profession. En cela, le dialogue social est bien mieux adapté que l'intervention régalienne de l'État par décret.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. Maurice Giro, rapporteur de la commission mixte paritaire. La commission mixte paritaire a œuvré dans la voie de la convergence privilégiée lors de la navette entre l'Assemblée et le Sénat. Je vous invite donc, dans ce même esprit, à adopter le texte ainsi élaboré. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la commission mixte paritaire réunie le 5 juillet 2005, conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, a abouti à un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. Ce texte vous est donc soumis ce matin. Je tiens à remercier M. Giro, votre rapporteur, et la commission pour la qualité et la richesse des travaux accomplis. Je remercie également l'ensemble des parlementaires pour leur contribution à des débats approfondis, fructueux, à la mesure des enjeux qui nous rassemblent, à savoir le développement de l'emploi dans le secteur des services à la personne, l'amélioration de la vie quotidienne des habitants de notre pays qui recourront à ces services et, surtout, l'amélioration des conditions de travail et de la qualification des professionnels qui les dispensent.

Ce projet de loi occupe une place importante dans la politique que nous conduisons en faveur de l'emploi. Ce sont là des emplois utiles, précieux même pour les familles, les personnes âgées, les personnes handicapées et, surtout, qui ne peuvent être délocalisés. Nous allons, pour la première fois, mettre en œuvre de manière volontariste, énergique et coordonnée, un plan en faveur des services à la personne. Ces actions se déclinent ainsi par une professionnalisation et une meilleure formation des salariés du secteur, grâce notamment à la validation des acquis de l'expérience et à une meilleure rémunération de ces salariés, avec, c'est l'un de nos objectifs, une réduction du temps partiel subi et une protection sociale améliorée. De plus, les familles et les personnes âgées seront solvables grâce au chèque-emploi-service universel, que pourront abonder les entreprises et les collectivités locales. Cet outil simplifiera la vie quotidienne de nos concitoyens et incitera ceux qui n'avaient pas ce réflexe à consommer plus de services. En la matière, nous avons collectivement pour ambition de réussir dans ce secteur.

À cet égard, votre CMP a, sur la proposition de M. Maurice Giro, introduit un amendement tendant à préciser la possibilité ouverte à l'article L. 129-8 du code du travail d'émettre des CESU non nominatifs dans des cas d'urgence définis par décret. Pour autant, et je souhaiterais bien préciser ce point, « simplification » ne veut surtout pas dire « réduction des droits pour le salarié ». Ainsi, la réduction des cotisations patronales, lorsque les salaires sont déclarés au réel, permettra incontestablement un développement de cette option, c'est en tout cas ce que nous souhaitons, et une amélioration des retraites des salariés concernés.

Le CESU est un bulletin de salaire et offrira à ceux qui en bénéficieront toutes les garanties qui leur sont à juste titre dues en application du code du travail.

De même, s'agissant des établissements et services, « simplification » ne signifie pas « moindre exigence de qualité », et la totalité des dispositions issues de la loi n° 2002-2 rénovant l'action sociale et médico-sociale est préservée. Le contrôle par le conseil général des associations bénéficiant de l'aide personnalisée pour l'autonomie a été réaffirmé à l'article 4.

Pour tenir compte de la situation particulière des centres communaux et intercommunaux d'action sociale, la commission mixte paritaire a, par un article additionnel après l'article 1er, prévu une dispense d'agrément pour celles des activités de services à domicile des centres communaux d'action sociale qui concernent les tâches ménagères et familiales ou l'entretien du cadre de vie. Bien évidemment, toutes les mesures prévues par la loi n° 2002-2 restent toujours soumises à autorisation. Cette rédaction me semble tenir compte de manière équilibrée de la situation particulière des CCAS, qui ne doivent pas supporter de formalités excessives, et de la nécessité absolue de protéger les personnes vulnérables, même lorsque l'opérateur qui intervient auprès d'elles présente, de par sa nature, toutes les garanties.

Je souhaiterais, enfin, souligner les apports de la deuxième partie du projet de loi, dont beaucoup de dispositions résultent de la discussion à l'Assemblée. La possibilité pour ceux de nos compatriotes qui se sont trouvés durablement exclus de l'emploi de reprendre l'activité professionnelle avec un contrat aidé est incontestablement un dispositif essentiel du plan de cohésion sociale de M. Jean-Louis Borloo. La CMP a repris les ajouts du Sénat : allongement à cinq ans du contrat aidé pour les personnes reconnues travailleurs handicapés ; simplification de l'architecture institutionnelle du contrat d'avenir ; versement par la caisse d'allocations familiales ou la caisse de mutualité sociale agricole compétente de l'aide à l'employeur du bénéficiaire du contrat d'avenir ; ouverture des formations agricoles aux bénéficiaires des contrats aidés ; ouverture des formations hospitalières aux bénéficiaires du contrat d'avenir.

En conclusion, je forme le vœu que ce projet de loi contribue à lever les obstacles au développement du secteur des services à la personne. Outre qu'il crée des emplois, il constitue un enjeu essentiel pour la société française qui possède deux atouts importants : une natalité supérieure à celle de la plupart des pays européens et un taux d'activité des femmes entre vingt-quatre et quarante-neuf ans de 80 %, donc parmi les plus élevés. De plus, le texte relatif à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, adopté hier par vos collègues sénateurs, complète celui qui vous est soumis ce matin.

Tout en valorisant les multiples métiers de ce secteur, le développement des services à la personne améliorera sans aucun doute la qualité de vie de nos concitoyens par une meilleure prise en compte de leurs attentes quotidiennes. Par nature, en effet, les services à la personne sont des services de proximité. Ils renforcent aussi les liens de solidarité entre les générations et facilitent la vie à domicile des personnes en perte d'autonomie. C'est donc incontestablement, mesdames, messieurs les députés, un outil de cohésion sociale supplémentaire que nous vous proposerons d'adopter ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l'examen d'un texte qui a une dimension économique, sociale et humaine, ce qui en fait toute sa force. Il constitue une nouvelle concrétisation du plan de cohésion et part d'un constat partagé sur l'ensemble de ces bancs.

Aujourd'hui, en effet, les besoins en termes d'aides et de services à domicile ne sont pas satisfaits et l'évolution de la société conduira nécessairement à un accroissement de la demande.

Dans le même temps, il est aujourd'hui indispensable de trouver de nouveaux gisements d'emplois. Le secteur des services est justement celui qui a connu, ces dernières années, la plus grande expansion. Ces emplois ont l'avantage de ne pouvoir être délocalisés, d'être pérennes et accessibles à tous, donc aux moins qualifiés comme aux très qualifiés. Comme le disait Jean-Louis Borloo, voilà quelques jours, ils rendent service.

Aujourd'hui, on le sait, de nombreux blocages freinent la croissance de ce secteur. Ce texte de loi répond ainsi à toutes les attentes et préoccupations en limitant ces blocages et en donnant un nouvel élan à ces services. Les obstacles sont aujourd'hui, en effet, d'ordre administratif et financier. L'objectif est clair : créer des emplois.

De plus, grâce à la création du chèque-emploi-service universel, à l'allégement des charges sociales et à la réduction d'impôt prévue, entre autres mesures, ce projet de loi rend l'accès aux services plus simple et moins cher. Il encouragera la participation des entreprises à la fourniture des services aux salariés avec, notamment, une incitation fiscale importante pour le cofinancement des CESU. Cette évolution est, reconnaissons-le, considérable et fondamentale.

Le projet de loi favorise, par conséquent, l'entrée sur le marché des services à la personne de nouveaux acteurs, grâce à la mise en place de procédures d'agrément simples et de qualité et à la création d'un interlocuteur unique au niveau national : l'Agence des services à la personne. De nouveaux services apparaîtront dans notre pays. Très récemment, d'ailleurs, Jean-Louis Borloo a pu signer un accord avec l'Union nationale des associations de soins et services à domicile - UNASSAD - prévoyant 5 000 contrats d'avenir sur trois ans.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout à fait !

M. Bernard Perrut. Je suppose qu'il en ira de même avec l'ADMR, entre autres. Ce sera donc un travail commun.

Ce texte a également pour mission de susciter de nouvelles vocations en renforçant l'attractivité de ce secteur. Je ne partage pas l'idée, émise par certains de nos collègues, selon laquelle ce ne serait que de petits boulots. Au contraire, grâce à ce texte, nous allons donner toute leur place aux emplois désormais liés à ce secteur et qui nécessitent compétences techniques et qualités relationnelles. Par conséquent, ils doivent être mieux reconnus grâce à une meilleure formation et une meilleure rémunération. Tous ces points sont développés dans ce texte et nous ne pouvons, bien sûr, que vous rendre hommage, madame la ministre, pour vos engagements dans ce domaine.

Des inquiétudes se sont toutefois exprimées lors de la discussion, en particulier sur la juxtaposition de la loi du 2 janvier 2002 relative au secteur médico-social et sur les modalités d'agrément. Sur ce point, vous nous avez apporté des réponses très précises. Un décret fixera la liste des activités soumises à l'agrément et précisera le maintien de l'exigence de qualités nécessaires à l'intervention des associations et des entreprises.

M. Patrice Martin-Lalande. C'est clair !

M. Bernard Perrut. Maurice Giro a insisté sur ce point il y a quelques instants. Les associations et structures qui travaillent sur le terrain, font appel à beaucoup de bénévoles et s'impliquent énormément depuis de nombreuses années, ne doivent pas s'inquiéter. Au contraire, elles doivent poursuivre leur action avec la même dimension et la même garantie de qualité en faveur des personnes âgées.

Quant à l'éventuel risque de concurrence déloyale avec les entreprises artisanales de nos quartiers et communes, une mesure a été prise. Un décret précisera, en effet, prochainement le plafond des interventions à domicile, comme l'a souhaité notre commission.

Nombre de garanties nous ont été apportées. Une seule incertitude demeure, qui ne dépend pas de vous, madame la ministre : les associations d'aide à domicile déplorent, en effet, que les CRAM réduisent le contingent d'heures accordé pour les services à la personne. Vous vous êtes engagée, madame la ministre, à prendre contact avec le ministre de la santé...

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout à fait !

M. Bernard Perrut. ...pour trouver une solution. En effet, alors que nous développons ici même cette volonté d'emplois en direction des personnes âgées et des personnes dépendantes, les associations rencontrent parallèlement un certain nombre de difficultés pour faire face au maintien de ces heures nécessaires d'aides et de services à la personne.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. Bernard Perrut. Je souhaite que vous puissiez nous aider.

Ce texte contient également des dispositions relatives à la cohésion sociale en tant que telle, comme la prolongation du contrat d'avenir jusqu'à cinq ans au lieu de trente-six mois pour les personnes handicapées, ou des mesures importantes en faveur de l'apprentissage. Est renvoyée à la négociation collective, une fois qu'un décret en Conseil d'État aura fixé les secteurs concernés, la définition des conditions de travail de nuit et des dimanches et jours fériés des apprentis mineurs. Il faut en effet tenir compte de la réalité de chaque profession. Pourquoi un futur boulanger ou un futur pâtissier ne devrait-il pas travailler la nuit ou un samedi ou dimanche alors que ce sera nécessaire dans son métier ? C'est une manière de le responsabiliser et de lui montrer la réalité du métier.

On pourrait évoquer aussi les mesures qui concernent le logement, notamment l'exonération d'impôt sur les plus-values réalisées lors de la cession de biens immobiliers à des bailleurs sociaux, qui est une mesure importante, ou le remplacement, pour l'indexation des loyers, de l'indice du coût de la construction par une nouvelle référence.

Madame la ministre, nous apportons tout notre soutien à ce texte, résultat d'une étroite collaboration entre votre ministère et les professionnels du secteur, qui souhaitent un effet de levier et qui peuvent à mon sens doubler, voire tripler leur activité dans les années qui viennent. Nous avons des espérances très fortes dans le domaine de la création d'emplois. Souhaitons qu'elles se concrétisent. Vous avez parlé de 500 000 emplois. Souhaitons en tout cas que ce projet de loi nous aide à développer des emplois, à donner une place à des hommes et à des femmes qui, à travers leur activité, apporteront cet élan du cœur, cet élan de la générosité, cet élan humain dont nous avons besoin dans notre France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste l'a déjà dit dans cet hémicycle tout au long de ce débat, il y a beaucoup à faire pour accompagner l'émergence de plus en plus forte du secteur des services, pour y créer des emplois qui ne soient pas de simples petits boulots, souvent déconsidérés, que l'on choisit souvent faute de mieux.

Bien que M. Borloo ait parlé d'un texte coécrit, d'une véritable coproduction de l'ensemble des acteurs du secteur des services à la personne, ce qui apparaît pourtant, c'est que, pour le Gouvernement, les salariés ne sont décidément pas des acteurs que l'on prend en considération. Les professionnels, cela se résume aux employeurs, et toute votre politique, madame la ministre, est tournée vers eux, loin de la prise en compte des intérêts des salariés.

C'est donc une occasion manquée pour les salariés de ces secteurs, qui ne seront pas encouragés. Vous avez, par exemple, oublié de mettre en œuvre une véritable politique de formation, alors même que nous savons tous que la formation tout au long de la vie est une nécessité absolue. Vous n'avez pas recherché une démarche équilibrée, ne regardant que 1'intérêt des employeurs (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est faux !

M. Guy Geoffroy. Quelle rengaine !

M. Jérôme Lambert. ...qui vous semblent manifestement plus dignes d'intérêt que les salariés. Vous avez surtout oublié qu'il fallait développer des emplois de qualité...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est le cas !

M. Jérôme Lambert. ...et donner des perspectives d'évolution de carrière aux salariés.

Pourtant, au cours de ce débat, nous aurions tous été d'accord pour dire qu'il est nécessaire, si nous voulons développer ces emplois, de solvabiliser la demande, d'organiser les services offerts et d'en améliorer la qualité,...

M. Patrice Martin-Lalande. C'est exactement ce que fait ce texte. Quel aveuglement !

M. Jérôme Lambert. ...mais, surtout, de lutter contre la précarité du travail, qui touche principalement les femmes, majoritaires dans ce secteur.

Malgré nos propositions et notre volonté, constructive, pour trouver avec la majorité des solutions acceptables, vous ne nous avez pas écoutés et vous vous êtes enfermés dans une vision étriquée des métiers de service.

Vous avez même profité de ce texte pour traiter ce que vous nommez la cohésion sociale et qui se traduit par une marche arrière sans précédent pour les droits des salariés. Le travail de nuit et du dimanche largement ouvert aux mineurs, qui sont des enfants au regard de la loi (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), ...

M. Guy Geoffroy. Zola, au secours !

M. Jérôme Lambert. ...qui continuent de grandir et de se construire, c'est cela que vous nommez cohésion sociale, c'est cela l'avenir meilleur de la société que vous dessinez.

M. Bernard Perrut. C'est la réalité du travail !

M. Jérôme Lambert. Vous nous avez promis le bonheur futur dans une société du tout-service, le retour des Français vers l'emploi et la prospérité. Vous faites semblant d'y croire, les Français ne font pas semblant de rejeter vos conceptions de la société.

M. Guy Geoffroy. Et les vôtres ?

M. Jérôme Lambert. Selon une récente étude, 69 % des Français n'accordent aucune confiance à votre politique de l'emploi.

M. Jean-Pierre Door. Et vous, vous faites crever la France avec vos idées !

M. Jérôme Lambert. Vous trompez tout le monde une fois de plus en promettant 500 000 emplois nouveaux puisque ces emplois sont en moyenne de huit heures par semaine.

M. Patrice Martin-Lalande. Cela va justement changer avec le texte !

M. Guy Geoffroy. Le texte permet une évolution !

M. Jérôme Lambert. Les experts parlent plutôt de 100 000 équivalents temps plein. Et vous oubliez opportunément de dire que vous incluez dans vos calculs 70 000 emplois qui ne vous doivent rien.

Allez dire que l'on peut vivre de huit heures de travail au SMIC ! Tout cela est scandaleux.

M. Patrice Martin-Lalande. C'est pour en sortir qu'on fait ce texte !

M. Jérôme Lambert. Votre seul objectif, c'est la baisse factice du chômage par le développement outrancier de la précarité subie. Songez que de très nombreux salariés de ce secteur des services à la personne n'auront même pas de contrat de travail, mais un simple chèque-emploi-service universel, passeport pour la précarité, passeport des nouveaux travailleurs pauvres. Payer un salarié, ce ne peut pas être comme payer un repas dans un restaurant.

Selon M. Borloo, dès le 1er janvier, nous disposerons d'un outil exceptionnel qui va changer la vie, réduire le stress, améliorer les conditions de travail de nos concitoyens.

Quelles conditions de travail ? Vous confondez, semble-t-il, vie privée et vie au travail, vous oubliez que le salaire médian de nos concitoyens est d'à peine plus de 1 400 euros par mois. Améliorer leur quotidien, c'est d'abord améliorer leur pouvoir d'achat, et non faire ce que la majorité vient de faire en consacrant dans le texte relatif aux PME, voté en urgence, le droit de renoncer à ses propres droits avec le forfait jour, qui anéantit le slogan que vous avez porté : « travailler plus pour gagner plus ».

Désormais, dans le sauve-qui-peut général de votre politique, face aux mécontentements des Français, vous n'avez de cesse de réduire les droits des salariés, droits que vous estimez responsables de votre incapacité, non démentie, à lutter contre le chômage.

Madame la ministre, le Gouvernement et sa majorité n'ont pas investi des pistes audacieuses, novatrices et utiles pour lutter contre le chômage et rendre le service auquel ont droit notamment les populations les plus fragiles. C'est objectivement impossible. Avec de vieilles recettes libérales, vous ne faites que conforter et encourager les nouvelles précarités. Nous ne voterons donc pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le Gouvernement avait déclaré l'urgence pour voter, au milieu du mois de juillet, un texte censé permettre la création de 500 000 emplois.

Vu l'ampleur apparente et l'importance de l'objectif, on aurait pu espérer que soit respectée la procédure parlementaire classique, afin de mieux discuter des emplois escomptés.

Votre message semble pourtant bien s'apparenter avant tout à un effet d'annonce : 500 000 nouveaux emplois, de quoi faire naître des espérances dans de nombreux foyers touchés par le chômage.

Mais l'urgence sociale ne se limite pas aux statistiques du chômage. Elle se mesure aussi à la précarité grandissante chez de nombreux salariés, au développement des bas salaires et d'une nouvelle catégorie du salariat, celle des travailleurs pauvres, à l'essor de la flexibilité si éprouvante du travail.

La réelle urgence pour vous, c'est de rendre à nouveau crédible une majorité désavouée à plusieurs reprises par les urnes, grand nombre d'électeurs et d'électrices ayant exprimé leur ras-le-bol de la situation qui leur est faite et en particulier de la précarité.

Vous avez donc fait mine de répondre à leurs attentes en prévoyant un plan de développement des services à la personne, secteur appelé à se développer vu les mutations démographiques et socioculturelles qui touchent notre société.

Votre communication a été axée sur la lutte contre le chômage, alors même que les chiffres que vous aviez avancés ont été contestés de divers côtés. Vous-même, madame la ministre, vous avez reconnu dans l'hémicycle le caractère peu réaliste de l'objectif affiché, et le nombre d'emplois en équivalents temps plein est évalué à présent, de façon probablement plus raisonnable, à 100 000 sur trois ans.

Autrement dit, vous comptez sur la création d'emplois à temps partiel, faiblement rémunérés, pour répondre aux besoins du secteur. C'est en contradiction flagrante avec votre volonté affichée, il y a quelques semaines, de vouloir lutter contre les inégalités salariales entre les sexes. Dans ce secteur d'activité très largement féminin, les moyennes de salaire horaire et mensuel sont très faibles. Par exemple, le salaire moyen pour une assistante maternelle est de 542 euros nets par mois.

Une revalorisation des salaires aurait supposé un réel plan de formation et de professionnalisation pour les salariés de ce secteur. Or, de cela, il n'est que rapidement question à l'article 6 de votre texte, pour une seule catégorie de personnel.

Cela supposerait également de lutter contre le temps partiel contraint, largement répandu dans ce secteur d'activité, qui vient renforcer la division sexuée du travail et compromettre l'autonomie financière de milliers de femmes, ainsi que leur protection sociale et la sécurité de leur retraite. Des solutions étaient envisageables, en concertation avec les acteurs et actrices de terrain, mais vous avez délaissé cette dimension du problème, qui fait plonger nombre de salariés dans des situations précaires, et les amène à multiplier les employeurs et à travailler dans des conditions de travail peu enviables.

D'autres questions propres à ce secteur, comme celle la prise en compte du temps de transport pour la rémunération, ont été ignorées.

En outre, vous avez encouragé, par la création du CESU, le chèque-emploi-service universel, le recours au gré à gré, qui n'offre pas aux salariés les mêmes chances de protection sociale que l'activité au sein des structures prestataires.

Conscients de l'importance de professionnaliser ce secteur, nous avons déposé, en première lecture à l'Assemblée, une série d'amendements visant à améliorer les conditions de travail des salariés, mais vous les avez rejetés dans leur intégralité. Ainsi, si nous soutenons entièrement l'idée de développer ce secteur d'activité répondant à de réels besoins sociaux, la pertinence et la qualité de votre projet pour les services à la personne nous laissent pour le moins sceptiques.

Votre texte ouvre même des portes supplémentaires à la déréglementation du travail, tant dans sa première partie, qui se propose de revenir sur le délai de prévenance et sur l'annualisation du temps de travail, que dans les diverses dispositions diverses contenues dans la deuxième partie. La création du RMA, un nouveau contrat de travail grassement subventionné par l'État, ne répond pas au phénomène d'exclusion qui explose dans notre pays. Comment prétendre réussir avec un contrat de travail précaire, sous-payé, et sans les droits sociaux qui accompagnent normalement la signature d'un contrat ?

Nous ne sommes pas dupes des attaques progressives et sectorielles du code du travail auxquelles vous vous livrez.

M. Patrice Martin-Lalande. C'est affligeant !

M. Daniel Paul. Les citoyens non plus, comme l'ont prouvé les rendez-vous électoraux qui ont eu lieu depuis que vous avez la majorité.

Votre projet de loi vient donc renforcer la précarité de toute une frange de la population salariée. Son manque d'envergure patent ne se fera cependant pas qu'au détriment des salariés.

Comment ne pas voir en effet que le manque de formation nuira à la qualité du service rendu ?

Votre proposition de créer de grandes enseignes nationales pour structurer l'offre ne provoquera aucune amélioration concrète des conditions dans lesquelles ces services sont rendus si elle ne s'accompagne pas d'un raffermissement des normes imposées par l'administration et d'une sortie de la régulation concurrentielle qui prévaut aujourd'hui.

Comment ne pas voir que le système de concurrence par les prix qui se mettra en place dans le secteur privé, dont vous encouragez le développement par le biais d'exonérations de cotisations patronales pour les entreprises prestataires et mandataires, rendra difficile la conciliation entre des prix abordables pour les concitoyens et des services de qualité rendus par des salariés formés et diplômés ?

Pourtant, les deniers publics auraient pu largement favoriser la professionnalisation de ce secteur.

Vous avez préféré pourtant concentrer votre action sur la solvabilisation d'une partie de la population, en ayant recours à la déduction d'impôt, dont on sait qu'elle ne profite qu'aux populations les plus aisées.

Ces déductions d'impôt seront ainsi utilisées pour toutes sortes d'activité, dont certaines, telles que la livraison de courses à domicile ou le jardinage, relèvent non du besoin social mais bien souvent du confort personnel, alors même que, parallèlement, et c'est là une contradiction supplémentaire de votre politique, vous réduisez, parfois drastiquement, les budgets alloués aux services publics en charge de ces questions sociales, C'est aussi vrai dans le secteur de la santé que dans celui de l'éducation nationale.

Est-il toutefois légitime de subventionner, avec les mêmes deniers publics, un foyer désireux de se décharger de certaines tâches domestiques et une personne âgée dans l'incapacité de réaliser ces mêmes tâches ?

Il est vrai, d'ailleurs, que la déréglementation croissante du travail et les horaires de travail extensibles de toute une partie des salariés, les cadres notamment, rendent de plus en plus difficile la conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle.

Mais votre gouvernement ne semble guère soucieux de lutter contre l'emprise croissante des impératifs économiques sur l'organisation sociale et sur les temps de vie des individus. Ne devrait-on pas pourtant favoriser un meilleur partage du travail rémunéré pour permettre à tout un chacun de mieux équilibrer ses temps de vie ?

Nous défendons, pour notre part, une action publique forte sur tous les services relevant du domaine médico-social, pour permettre aux personnes qui ne peuvent accomplir seules certaines choses d'avoir recours à une aide, soit dans le cadre des services à domicile, soit dans le cadre de structures collectives, en fonction des besoins et des souhaits des personnes concernées.

Cela supposerait toutefois de revaloriser les budgets des organismes médico-sociaux et de revoir à la hausse les moyens alloués aux structures en charge des personnes handicapées. Votre action ne va malheureusement pas dans ce sens puisque, comme M. Perrut l'a lui-même reconnu, les budgets des caisses régionales d'assurance maladie sont à la baisse dans de nombreuses régions, comme en Haute-Normandie, et puisque le manque patent de crèches ne fait l'objet d'aucune mesure particulière de la part du Gouvernement.

Un article paru dans La Tribune datée de ce jour indique que le plan de dépendance des personnes âgées ne couvrira pas les besoins et que si le taux des plus de soixante-quinze ans vivant en établissement augmente, les besoins de places en établissement bondiront de plus 39 % à plus 53 % en 2025. Cet article précise que, quel que soit le scénario retenu, il faudra de toute façon, selon le Commissariat général du Plan, fournir en plus d'importants efforts de renouvellement du parc actuel. Or vous ne vous en donnez pas les moyens.

En vous contentant d'un système de déductions fiscales, vous avez donc évacué le problème de la démocratisation de l'accès à ces services. Ce projet de loi nous laisse donc grandement insatisfaits.

Vous avez sacrifié sur l'autel des statistiques du chômage la professionnalisation de tout un secteur d'activité, ouvrant ainsi un peu plus grandes les portes de la précarité du travail et des inégalités entre les femmes et les hommes dans l'emploi. Alors que l'intervention des pouvoirs publics dans ce secteur pourrait venir améliorer les conditions de vie de nombre de nos concitoyens, vous vous contentez de mesurettes qui profiteront aux populations les plus solvables, mais qui ne viendront pas résoudre les besoins médico-sociaux de toute une partie de la population.

Vous poussez ainsi à une société de plus en plus inégalitaire, offrant à profusion des services personnalisés aux populations les plus aisées, au prix de la paupérisation du salariat du bas de l'échelle.

Par ailleurs, votre politique de désengagement de l'État dans le secteur de la santé, votre manque d'investissement dans l'éducation nationale, dans les actions pour les personnes handicapées ou dans le secteur de la petite enfance viendront également renforcer les inégalités au sein de la population.

Quant aux derniers ajouts à ce texte de loi, qu'ils concernent l'apprentissage - avec le travail de nuit et le week-end pour les apprentis mineurs - ou le logement, ils ne contribuent pas à racheter votre texte, mais montent au contraire votre volonté d'aller de l'avant, dans une voie que rejettent pourtant toujours davantage de Français.

Bien entendu, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l'examen de ce projet de loi qui vise au développement des services à la personne. Les discussions menées, tant dans notre hémicycle que dans celui du Sénat, ont permis de souligner la nécessité de donner un nouvel élan au secteur d'activité des services à la personne.

Pour autant, ce nouvel élan ne peut être obtenu que si le périmètre couvert par ces activités est suffisamment précis, de manière à éviter toute concurrence déloyale avec le secteur artisanal et que si les emplois de ce secteur d'activité sont des emplois de qualité, qui se traduisent par des prestations de haut niveau.

Si le Gouvernement, sur ces deux points, a accepté de modifier son texte pour apporter certaines garanties, il n'en reste pas moins vrai qu'il n'a pas retenu les propositions de notre groupe, ce que nous regrettons.

De la même manière, plusieurs propositions qui amélioraient ce projet de loi sur différents aspects n'ont pas trouvé d'écho favorable : il en est ainsi des précisions qu'il nous semblait nécessaire d'apporter aux missions de l'Agence nationale des services à la personne, comme à la garantie des droits sociaux des salariés.

Au fil des débats, l'actualité est venue rattraper les intentions affichées par le Gouvernement, tant à l'égard des services à la personne qu'en matière de cohésion sociale. Je pense tout d'abord aux inquiétudes nées de la diminution des quotas d'heures d'aide ménagère accordés pour 2005 par la Caisse nationale d'assurance vieillesse aux différentes caisses régionales d'assurance maladie - M. Perrut et M. Paul viennent de l'évoquer.

Cette décision est venue se télescoper avec les ambitions affichées par le Gouvernement à travers ce projet de loi, pour mieux les contredire ! Ainsi, dans l'agglomération de Roubaix-Tourcoing, dans le ressort de la CRAM Nord-Picardie, une association concernée par cette mesure me signalait qu'au lieu des 155 000 heures accordées en 2004, elle devrait se contenter de 97 675 heures cette année, soit une baisse de 37 %.

Vous imaginez aisément le désarroi des personnes âgées ou dépendantes auxquelles sera notifiée la diminution du nombre d'heures de services dont elles bénéficieront, alors même que le Gouvernement annonce vouloir développer les services qui les concernent !

J'ai interpellé, dès le 20 juin dernier, le ministre de la santé et des solidarités sur cette question, et le groupe UDF a obtenu une semaine plus tard, de M. le ministre délégué aux personnes âgées et à la famille, l'assurance qu'il ne saurait y avoir de désengagement de l'assurance vieillesse en ce qui concerne l'aide ménagère.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je le confirme.

M. Francis Vercamer. Alors que des solutions semblent se dégager afin de mobiliser des heures supplémentaires, nous souhaitons en avoir confirmation. Dans quelle mesure le Gouvernement peut-il désormais, concrètement, rassurer les associations et les personnes âgées ou dépendantes utilisatrices de leurs services ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je confirme que les moyens seront préservés.

M. Francis Vercamer. Par ailleurs, alors que ce texte vise à améliorer certaines dispositions de la loi de programmation pour la cohésion sociale, nous constatons l'inquiétude persistante des structures et associations spécialisées dans la réinsertion sociale et professionnelle des personnes en difficulté.

Cette inquiétude est double : elle porte d'abord sur le coût des nouveaux contrats aidés - contrats d'avenir et contrats d'accompagnement dans l'emploi -, souvent trop élevé pour ces structures employeuses ; elle tient ensuite au recentrage des contrats d'accompagnement dans l'emploi vers les jeunes publics, ce qui risque d'exclure du dispositif les adultes ou les titulaires de minima sociaux en difficulté. Sur ces points, il est souhaitable que le Gouvernement lève définitivement les inquiétudes.

Ici même, l'UDF avait fait adopter un amendement majorant le crédit d'impôt dont bénéficie tout contribuable apportant une aide aux créateurs ou repreneurs d'entreprise, lorsque ces derniers sont handicapés. Je suis satisfait de constater que cette mesure a été confirmée au Sénat.

Enfin, notre groupe sera vigilant quant à la tenue de certains engagements gouvernementaux, notamment pour ce qui concerne la compensation des exonérations de charges sociales, ou encore la nécessité de voir une convention collective des activités de service à la personne venir compléter ce texte de loi.

Compte tenu de ces différents éléments, et persuadé que le secteur d'activité des services à la personne recèle un potentiel de création d'emplois qu'il convient de favoriser, le groupe UDF confirme le vote favorable qu'il avait émis en première lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Avant de mettre aux voix ce texte, je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur l'amendement n° 1 du Gouvernement dont je suis saisi. Il s'agit d'un amendement de cohérence qui vise à supprimer l'article 11 bis du texte, dont les dispositions figurent intégralement dans le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises qui sera examiné ultérieurement. Il serait manifestement inopportun que des dispositions identiques figurent dans deux textes différents.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Maurice Giro, rapporteur de la commission mixte paritaire. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert. Monsieur le président, ce que vous venez de dire ne semble pas correspondre exactement à ce que je lis dans l'exposé sommaire de l'amendement qui indique : « Le maintien de ces dispositions dans les deux projets de loi conduirait à insérer dans le code du travail une rédaction incohérente pour les articles précités. » Or vous venez de dire, monsieur le président, qu'il s'agirait des deux mêmes textes, dont l'un serait superfétatoire.

M. le président. Mme la ministre va vous répondre. Vous avez la parole, madame la ministre.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Le président Debré a parfaitement raison : le Gouvernement juge préférable de faire figurer ces dispositions dans le texte relatif aux PME.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 11 bis est supprimé.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par l'amendement n° 1.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

    3

TRANSPOSITION DU DROIT COMMUNAUTAIRE À LA FONCTION PUBLIQUE

Discussion, en deuxième lecture,
d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique (nos 2465, 2468).

La parole est à M. le ministre de la fonction publique.

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi qui vous est soumis en deuxième lecture a peu évolué par rapport à la première lecture du 6 avril dernier, le Sénat l'ayant adopté conforme. Seul un article a été ajouté au dispositif en vue de ratifier une ordonnance de simplification.

L'objectif de ce texte est de poursuivre l'ouverture de notre administration aux ressortissants européens, de lutter contre les différentes discriminations et de résorber la précarité dans la fonction publique.

Dans la situation actuelle, la « fermeture » des concours est la règle et leur ouverture l'exception, les corps étant ouverts au cas par cas. Ce texte renverse la situation puisque l'ouverture sera désormais la règle et la fermeture l'exception.

Ainsi, tous les corps de la fonction publique seront désormais ouverts au recrutement par concours aux ressortissants communautaires. En cours de carrière, l'entrée des ressortissants par détachement sera possible dans tous les corps de la fonction publique. Seul l'accès aux emplois relevant de la puissance publique continuera à être conditionné par la nationalité française.

Le projet de loi renforce également la lutte contre les discriminations. Conformément aux règles du droit communautaire, il met fin en particulier à certaines différences de traitement entre hommes et femmes pour les dérogations aux limites d'âges ou aux conditions de diplôme au moment du recrutement.

Par ailleurs, il impose la continuité des contrats des agents publics en cas de transfert d'une activité privée à l'administration : en application de la directive européenne du 12 mars 2001, l'administration aura l'obligation de reprendre les personnels, à l'image de ce que prévoyait déjà le code du travail pour les employeurs privés. Elle devra également préserver les clauses substantielles des contrats.

Les employeurs publics - État, collectivités territoriales - peuvent aujourd'hui employer des agents sous contrats à durée déterminée, sans aucune limitation de durée. Sauf à passer un concours de fonctionnaire, ce qui ne leur est pas toujours possible, ces contractuels n'ont aucun espoir de voir leur situation consolidée.

Pour y remédier, le projet de loi qui vous est soumis n'autorise maintenant le renouvellement des contrats à durée déterminée que pour une durée totale de six ans. Au-delà, le contrat sera transformé en contrat à durée indéterminée.

Par ailleurs, les agents de plus de cinquante ans, et justifiant de six ans de service public, bénéficieront de la transformation automatique de leur contrat en contrat à durée indéterminée. Il s'agit d'une mesure de justice et d'équité qui sera, j'en suis sûr, saluée sur tous vos bancs.

Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, les principales dispositions de ce texte de transposition. Merci encore du travail accompli par les parlementaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter en deuxième lecture le projet de loi portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique.

Le texte a été examiné avant-hier par le Sénat, qui l'a adopté dans la rédaction arrêtée par l'Assemblée nationale en première lecture, exception faite d'un article additionnel adopté à l'initiative du Gouvernement.

Mais permettez-moi, à titre liminaire, de revenir sur le contenu du projet de loi, présenté aujourd'hui par M. Christian Jacob.

Peu modifié en première lecture, le texte initial prévoit plusieurs mesures de transposition de dispositions communautaires à notre fonction publique dans toutes ses composantes : étatique, territoriale et hospitalière. Il permet de combler une partie du retard que la France enregistre en matière d'intégration des directives européennes. Il prend également en considération certaines évolutions de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, la CJCE.

Ainsi, les mesures proposées permettent de renforcer l'application du principe d'égalité entre les hommes et les femmes dans les trois fonctions publiques, d'ouvrir ces dernières aux ressortissants communautaires et de favoriser la mobilité entre les corps et les cadres d'emplois. Elles permettent enfin de lutter contre la précarité en prévoyant, dans certaines conditions, la transformation automatique des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée.

S'agissant de l'égalité des sexes, la directive du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions de travail, vient trouver sa traduction en droit français. Le chapitre Ier du projet de loi met ainsi fin à l'inégalité de traitement entre les candidats masculins et féminins aux concours d'entrée dans la fonction publique. Il étend aux hommes les dérogations prévues initialement pour les femmes.

L'article 16 renforce et harmonise les dispositions réprimant les diverses formes de discriminations liées au sexe. Les articles 17 à 20 rapprochent, pour les trois fonctions publiques, les dispositions applicables en matière de congé de maternité, de paternité ou d'adoption de celles prévues pour les salariés du secteur privé.

S'agissant de l'ouverture de la fonction publique aux ressortissants de l'Union européenne, l'article 39 du traité instituant la Communauté européenne, relatif à la libre circulation des travailleurs, tel qu'interprété par la décision de la CJCE du 9 septembre 2003, impose de rendre accessible sans concours l'accès aux professions réglementées à un ressortissant communautaire exerçant déjà cette profession dans un autre État membre. Voilà donc ce principe fondateur repris dans le chapitre II du projet de loi.

Le chapitre II prévoit de plus de généraliser l'accès par détachement à l'ensemble des corps et cadres d'emplois, et non une ouverture corps par corps, comme en l'état actuel du droit. Le texte favorise ainsi la mobilité entre les trois fonctions publiques, conférant ainsi de nouveaux horizons de travail et de nouveaux échanges entre les citoyens européens.

S'agissant de la lutte contre la précarité, sans remettre en cause notre droit de la fonction publique, le principal objet de ce texte est de poser le principe selon lequel les CDI sont et resteront la forme générale des relations d'emploi entre employeurs et travailleurs. Ce projet transpose la directive du 28 juin 1999 sur le travail à durée indéterminée, applicable à l'emploi public et destinée à limiter les abus découlant de l'utilisation de CDD successifs. Ces dispositions viennent donc mettre un terme à la situation d'instabilité qui affecte quelque 250 000 agents des trois fonctions publiques. Car les CDD reconduits d'année en année, bien au-delà de dix ans, voire vingt ans parfois, privent ces salariés de visibilité et peuvent, par exemple, les empêcher d'obtenir des prêts bancaires ou des baux immobiliers.

Dans son chapitre III, le projet de loi prévoit ainsi qu'un premier CDD ne pourra être signé que pour une période de trois ans maximum. Il sera renouvelable, mais la durée totale des contrats successifs sera limitée à six ans. Au terme de ces six années en CDD, une reconduction sera possible, mais uniquement sous forme d'un CDI.

L'objectif de ce texte est donc de « déprécariser » certaines situations individuelles devenues anormales, non de créer une deuxième fonction publique placée sous l'égide du contrat, ni d'ouvrir une deuxième voie d'accès. Sans vouloir ériger un culte du CDI, ce projet de loi constitue une avancée notable pour la fonction publique, qui s'inscrit dans son temps et prend en compte des évolutions de la société.

S'agissant enfin des salariés des structures de droit privé dont l'activité est reprise par une collectivité locale dans le cadre d'un service public administratif, l'article 15 tire les conséquences de la directive du 12 mars 2001 relative au rapprochement des législations des États membres concernant le maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises ou d'établissements. Dès lors, il appartiendra à la personne publique de proposer aux anciens agents d'une entité privée un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils disposaient au moment du transfert. C'est l'application pure et simple de l'article L. 122-12 du code du travail.

Comme l'ont révélé les débats en première lecture, l'adaptation de ces textes, éclairés par la jurisprudence, ne constitue en rien une réforme en profondeur de notre fonction publique, mais une adaptation aux évolutions modernes et au droit communautaire.

En première lecture, le Sénat a adopté trente amendements qui, outre des améliorations techniques apportées à certaines dispositions, visaient principalement à assouplir le dispositif transitoire prévu pour les agents non titulaires âgés d'au moins cinquante ans. Le Sénat a réduit - et c'est une très bonne chose - la condition de services effectifs à une durée de six ans au cours des huit dernières années, au lieu de huit ans au cours des dix dernières années, pour que ces agents puissent bénéficier de la transformation de droit de leur contrat en CDI. Il a créé un article 15 bis reprenant les dispositions de l'article 21, par ailleurs supprimé.

Au chapitre IV, le Sénat a aussi supprimé la limitation de la protection des fonctionnaires aux cas où les actions en justice sont engagées « de bonne foi », afin de ne pas dissuader les victimes de discriminations d'engager des recours.

L'Assemblée nationale, au cours de sa séance du 6 avril, a quant à elle adopté vingt amendements. Elle a confirmé la suppression de l'article 21 décidée par le Sénat. Les députés, constatant que l'objet du premier chapitre était très proche de celui du chapitre IV, en ce qui concerne la lutte contre les discriminations et la promotion de l'égalité hommes-femmes, ont regroupé ces dispositions au sein d'un chapitre unique.

En outre, sur proposition du rapporteur, et au regard de l'importance de ce texte pour les agents publics, l'Assemblée a adopté une rédaction ayant pour objectif de mettre en cohérence les termes du projet de loi avec ceux utilisés en droit communautaire.

Sur proposition du Gouvernement, et avec l'avis favorable de la commission des lois, l'Assemblée a adopté un article 23 permettant d'aligner la situation de l'École nationale supérieure des métiers de l'image et du son, ENSMIS, sur celle des autres établissements de même nature. Les fonctions exécutives ne seront ainsi plus exercées par le président de son conseil d'administration mais par son directeur.

Lors de la deuxième lecture, lundi dernier, le Sénat a adopté le texte sans modification, à l'exception d'un article additionnel proposé par le Gouvernement. Il a ainsi conforté le bon travail des deux chambres, qui ont utilement amélioré le texte qui leur était soumis.

Cet article additionnel ratifie l'ordonnance du 30 juin 2005 portant diverses dispositions relatives à la simplification des commissions administratives. En tant que rapporteur, je me dois de vous préciser le contexte historique dans lequel s'inscrit cette ordonnance.

En juillet 2003, l'Assemblée avait, par une loi d'habilitation, autorisé le Gouvernement, en vertu de l'article 38 de notre Constitution, à prendre des mesures de simplification des commissions administratives. C'est ce qui a été fait avec l'ordonnance de juillet 2004 érigeant le principe de commissions pivots. Très vite, le constat s'est imposé qu'il fallait poursuivre ce travail de simplification de l'État dans ses relations avec le public, en l'ouvrant à d'autres commissions. Une deuxième loi d'habilitation, en date du 9 décembre 2004, est venue compléter ce processus. Sur cette base, le Gouvernement a donc pris l'ordonnance du 30 juin 2005 portant diverses dispositions relatives à la simplification des commissions administratives. Cette dernière permet aussi, en modifiant l'ordonnance du 1er juillet 2004, de dépasser le cadre que le législateur avait fixé et de repousser les délais pour prendre des décrets. S'il est regrettable que les délais n'aient pas été respectés, le Gouvernement tient néanmoins compte de la volonté du législateur d'achever le processus de simplification. La souplesse demandée témoigne également de la difficulté à réformer les corps de l'État. Nul ne saurait mésestimer l'ampleur de la tâche.

Aussi, devant l'impériosité de la simplification administrative, et conformément à la volonté exprimée par le législateur, il conviendrait de suivre le Sénat et de ratifier l'ordonnance du 30 juin 2005. Elle permettra au Gouvernement de bénéficier, pour la prise des dispositions réglementaires nécessaires, d'un délai supplémentaire, jusqu'au 1er juillet 2006.

Il faut assurément encourager le Gouvernement dans sa volonté d'aller à l'essentiel en vue de simplifier le quotidien de nos concitoyens. Ce projet de loi témoigne de cette volonté en venant régulariser la situation d'un certain nombre d'agents de la fonction publique. De fait, il a pour finalité l'intérêt général.

En conséquence, la commission des lois constitutionnelles vous demande, mes chers collègues, d'adopter sans modification ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le ministre, avec ce texte, dont vous avez rappelé, avec le rapporteur, les principales dispositions, nous voici au terme d'un processus que vous avez engagé et qui vise - et ce n'est pas rien - à faire en sorte que, dorénavant, comme vous l'avez expliqué au Sénat, l'ensemble du champ de notre fonction publique soit en tous points conforme aux normes européennes.

Nous n'avons pas à mésestimer cette situation nouvelle, nous qui avons, comme nos collègues sénateurs, tant dénoncé le retard pris par notre pays dans la transposition des directives et décisions-cadres européennes.

Nous sommes là parfaitement dans les délais puisque non seulement des directives mais également des données jurisprudentielles émanant de l'Union européenne viennent s'intégrer parfaitement à notre droit national, en l'harmonisant avec l'ensemble des contingences de l'Union européenne. Il faut signaler que cette transposition s'opère à l'initiative du Gouvernement sans qu'il soit nécessaire de passer par le dispositif des ordonnances.

Ce texte vise à ouvrir nos trois fonctions publiques aux autres citoyens de l'Union européenne, à lutter contre les discriminations et contre la précarité : notre groupe ne boudera pas le plaisir de mettre un terme à cette œuvre législative que vous avez engagée, monsieur le ministre.

Sur l'innovation apportée - à votre initiative - par le Sénat en deuxième lecture, nous ne pouvons que nous conformer à l'avis formulé par le rapporteur. Certes, nous regrettons le dispositif « balais » des ordonnances, mais nous le mettons tout de même en œuvre pour rattraper le retard considérable pris par notre pays en matière de simplification administrative. Le Gouvernement nous demande d'adopter un article visant à ratifier une ordonnance prise le 30 juin 2005 , soit il y a seulement quelques jours. Toutefois, en cette affaire, voyons plutôt le verre à moitié plein que le verre à moitié vide. Alors que nous déplorons souvent que les ordonnances soient prises sans que les lois de ratification suivent dans des délais convenables, ce n'est pas le cas en cette occasion. De surcroît, le sujet est important : il s'agit de transformer et de remplacer 200 commissions administratives par 70 organismes pivots, ainsi que de donner un peu plus de temps au Gouvernement pour mettre un terme à cette simplification. Comme la majorité est favorable aux simplifications administratives, elle peut difficilement bouder une telle mesure.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, le groupe de l'UMP votera sans aucun état d'âme, et même avec beaucoup de satisfaction, le projet de loi que vous nous présentez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier. Mes chers collègues, ce texte nous revient en deuxième lecture avec un nouveau ministre de la fonction publique, que je salue et qui a récemment donné une interview à un quotidien national. En la lisant, je me suis réjoui que, enfin, depuis trois ans, un ministre de la fonction publique semble reconnaître la situation exacte dans laquelle se trouve cette fonction publique - insuffisance des salaires, mais aussi insuffisance de moyens dans certains domaines -, que ce ministre paraît disposé à discuter avec les représentants des fonctionnaires. A cet égard, je me permets de vous rappeler, monsieur le ministre, que , lorsque vous m'avez reçu il y a quelques jours, je vous ai demandé de pas oublier la fonction publique territoriale, de ne pas oublier les 50 000 employeurs de 1 600 000 fonctionnaires territoriaux. Leur avis devra être pris en considération au moment où vous négocierez les évolutions souhaitables dans la fonction publique en général et dans la fonction publique territoriale en particulier.

Mais ce nouveau ministre est porteur d'un très mauvais texte et devient ainsi complice d'un mauvais coup porté à la fonction publique.

Connaissant l'entêtement de la majorité parlementaire actuelle à camper sur des positions éminemment réactionnaires, je sais que tenter de la convaincre serait vain. Toutefois, je voudrais tout de même appeler votre attention, monsieur le ministre, sur la contradiction entre ce texte - qui va entraîner des conséquences graves pour la fonction publique - et vos déclarations d'ouverture. Ainsi en va-t-il de la solidarité gouvernementale : vous accompagnez la réforme libérale de la fonction publique dont le gouvernement de M. de Villepin, comme celui de M. Raffarin hier - gouvernement auquel vous avez appartenu -, soutenu par la même majorité, est aujourd'hui porteur. Si l'on n'y prend garde, si l'on n'y apporte pas très rapidement des corrections - je souhaite que cela sera possible dès la prochaine législature -, cette réforme libérale contribuera à mettre en difficulté la fonction publique.

Comme je l'ai dit à votre prédécesseur, la directive européenne qui fait du CDI la règle générale d'accès à un emploi ne justifiait en rien l'interprétation que vous en faites concernant la fonction publique. C'est en cela que l'on peut parler d'une interprétation abusive et dénoncer la mise en œuvre de cette réforme libérale de la fonction publique. Vous savez d'ailleurs que les trois conseils supérieurs concernés, notamment celui de la fonction publique territoriale que j'ai l'honneur de présider, ont émis un avis défavorable à ce projet de loi transposant en droit français une directive européenne que rien ne vous obligeait d'appliquer à la fonction publique. Il est d'autres moyens de résorber la précarité dans la fonction publique et de faire des fonctionnaires qui, au début de leur carrière, sont contractuels des fonctionnaires du statut − si vous le souhaitez, je vous rappellerai ces moyens lors de nos prochains débats.

Contrairement aux allégations de votre prédécesseur, monsieur le ministre, je ne suis pas pour le dogme contre les hommes, mais attaché au respect des règles de notre vie démocratique : le concours est la voie d'accès normale à la fonction publique. Je ne suis pas pour autant un fanatique du concours et du statut, qui doivent connaître les évolutions indispensables à la vitalité de la fonction publique, mais était-il vraiment nécessaire de faire du contrat à durée indéterminée la règle d'accès à la fonction publique ? Avec cette réforme, le Gouvernement ne s'apprête-t-il pas à franchir un autre pas, avec le recours au PACTE comme voie d'accès à la fonction publique ?

Ce sera l'objet d'un autre débat. Je m'en tiens à celui qui nous réunit ce matin pour répéter, devant l'Assemblée nationale, que le groupe socialiste est violemment opposé à cette disposition qui prévoit l'accès à la fonction publique par le contrat à durée indéterminée, et qu'il votera donc contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. J'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, l'article du projet de loi sur lequel les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Article 24

M. le président. L'article 24 ne fait l'objet d'aucun amendement.

Je le mets aux voix

(L'article 24 est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, je souhaite de bonnes vacances à ceux d'entre vous que je ne reverrai pas cet après-midi.

    4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie :

Rapport, n° 2466, de M. Gilles Carrez.

Discussion, du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises :

Rapport, n° 2464, de MM. Serge Poignant et Luc-Marie Chatel.

Éventuellement, discussion, en troisième lecture, du projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot