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Deuxième séance du mardi 5 octobre 2004

3e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de vous retrouver. (« Nous aussi ! » sur divers bancs.)

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Les deux premières questions portant sur les otages français détenus en Irak, il a été convenu ce matin en Conférence des présidents qu'elles seraient appelées successivement et feraient l'objet d'une réponse commune de M. le Premier ministre.

OTAGES FRANÇAIS EN IRAK

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Depuis le 20 août, nos compatriotes Christian Chesnot et Georges Malbrunot sont retenus en otage en Irak. Le Gouvernement, notre diplomatie, les services se sont sans relâche mobilisés depuis le premier jour dans l'attente de leur libération. La communauté nationale s'est rassemblée autour du Gouvernement, dans un consensus que je veux saluer, afin d'aboutir et de créer les conditions les plus favorables à l'issue attendue. Après quarante-sept jours de détention, la seule priorité reste de garantir la sécurité et la vie de nos deux compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste.) Pour cela, la responsabilité et la discrétion, comme l'ont rappelé, hier, les familles des deux otages, demeurent les règles qui doivent prévaloir dans un intérêt évident que nous partageons. Nous faisons confiance, monsieur le Premier ministre, à votre gouvernement pour poursuivre votre action. Vous avez, ce matin, réuni une nouvelle fois à Matignon l'ensemble des responsables politiques du pays pour partager les informations dont dispose aujourd'hui le Gouvernement sur ce douloureux et si difficile problème. Dans l'attente de l'issue heureuse que nous espérons tous, pouvez-vous communiquer à la représentation nationale l'ensemble de ces informations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, il y a quarante-sept jours, Christian Chesnot, Georges Malbrunot et leur compagnon syrien ont été pris en otage en Irak. Conscients du danger qui pèse sur leur vie et convaincus que l'unité nationale est la seule attitude possible dans ces circonstances, nous avons soutenu les efforts du Gouvernement en vue de leur libération. Tant qu'ils ne sont pas libérés, aucune polémique ne doit altérer l'esprit de responsabilité et d'unité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) C'est donc dans cet esprit que nous voulons comprendre comment un député de l'UMP a pu prendre la liberté d'une diplomatie parallèle, qui plus est en critiquant celle du Gouvernement. L'irresponsabilité de ce député et les conditions confuses dans lesquelles il a agi traduisent un sérieux dysfonctionnement de l'État qui engage la sécurité des otages, nuit à la crédibilité de notre diplomatie (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et porte atteinte à la réputation de notre assemblée.

M. Richard Mallié. Heureusement qu'on devait éviter toute polémique !

M. Jean-Marc Ayrault. Pour toutes ces raisons, monsieur le Premier ministre, je vous demande d'éclairer la représentation nationale en répondant à quatre questions précises. Les autorités françaises, au plus haut niveau, ont-elles soutenu cette équipée ? Pourquoi avoir tardé à vous en démarquer ? Quelles suites entendez-vous donner à cette affaire ? Enfin, le plus important pour nous, comme vient de le souligner le président Accoyer, est de savoir ce qu'il advient aujourd'hui du sort de nos otages.

Monsieur le Premier ministre, nous attendons votre réponse, car elle est nécessaire. Il s'agit de recréer les conditions de la confiance et du rassemblement pour la seule cause qui vaille : la libération des otages. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président de l'Assemblée nationale, monsieur le président Accoyer, monsieur le président Ayrault, mesdames, messieurs les députés, depuis l'enlèvement de Christian Chesnot, de Georges Malbrunot et de leur chauffeur syrien, le 20 août dernier, depuis les quarante-huit heures qui ont suivi la revendication de cette prise d'otages par l'Armée islamique en Irak, toute l'action du Président de la République et du Gouvernement a été centrée sur un seul objectif, sur une seule priorité : la sécurité et la libération de nos compatriotes. Nous avons développé, dans une première phase, une double action diplomatique et nationale. Sur le plan diplomatique, et sous l'autorité de Michel Barnier, nous avons mobilisé l'ensemble de nos services et multiplié les contacts, notamment dans la région, pour obtenir les soutiens politiques, mais aussi religieux, nécessaires. Ces soutiens ont été massifs et la situation s'en est trouvée apaisée. Nous avons aussi, grâce à vous toutes et tous, développé une action nationale. Je voudrais remercier les responsables des formations politiques de la majorité et de l'opposition pour leur attitude particulièrement responsable en ces circonstances et saluer également l'ensemble des forces religieuses - je pense aux musulmans de France - qui ont, elles aussi, développé des attitudes responsables, affirmant ainsi le rassemblement du pays aux côtés des otages et de leurs familles.

Comme cela m'a été demandé ce matin, je ne sais quelle sera l'échéance. Nous continuerons à organiser des réunions semblables à celle qui s'est tenue à l'Hôtel Matignon de manière à partager l'information du Gouvernement sur ces sujets. Par toutes ces initiatives, dans cette première phase, nous avons pu construire un canal crédible qui nous a permis d'avoir la preuve que les otages étaient vivants et que nos intermédiaires pouvaient être fiables. Ainsi, nous avons reçu, le 22 septembre, la preuve que les deux otages étaient réellement en vie et, semble-t-il, en bonne santé.

S'est alors ouverte une deuxième phase. Du 22  au 28 septembre, nous avons multiplié les initiatives pour engager un processus progressif de libération. Ce processus nous a permis de recevoir un certain nombre de messages qui crédibilisaient la démarche et nous laissaient penser que la libération était à la fois possible et proche. Les progrès ont été brutalement et récemment interrompus. Nous prenons aujourd'hui à nouveau toutes les initiatives pour relancer ce processus, mais il nous faut apporter les clarifications nécessaires.

La France ne joue pas un double jeu. La démarche personnelle de M. Julia, sans aucun mandat officiel, n'a pas été approuvée, n'a pas été soutenue, n'est pas soutenue. Mis devant le fait accompli, nous avons choisi de ne pas l'entraver, conscients évidemment de la confusion qu'elle entraînait, mais conscients aussi que toutes les déclarations devaient être examinées attentivement dans l'intérêt des deux otages. Il aurait été irresponsable de notre part de ne pas étudier toutes les pistes. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons clairement dit à nos interlocuteurs que le seul canal de discussion avec la France était celui des représentants officiels de notre pays. Nous prenons ainsi l'engagement de poursuivre tout contact par ce seul canal des représentants officiels de notre pays, dans l'intérêt de la libération des otages.

J'en appelle une nouvelle fois au sens des responsabilités de chacun. Je vous remercie de l'image que donne aujourd'hui la représentation nationale pour affirmer cette unité qui nous paraît nécessaire pour la libération de Christian Chesnot, de Georges Malbrunot et de leur compagnon syrien ; qui nous paraît aussi nécessaire pour accompagner de notre solidarité le courage des familles et pour que l'image de la France trouve toute sa force et participe ainsi à la libération des otages. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

ENTRÉE DE LA TURQUIE
DANS L'UNION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à M. François Bayrou, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. François Bayrou. Monsieur le président, le calendrier est ainsi fait que les sujets graves se succèdent. Après en avoir appelé à la cohésion nationale nécessaire sur la question des otages, je voudrais aborder maintenant un autre enjeu.

Monsieur le Premier ministre, d'ici au 17 décembre, l'Europe va prendre l'une des décisions les plus importantes de ce siècle en se prononçant sur l'adhésion ou non de la Turquie à l'Union européenne. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Contrairement à ce que l'on peut entendre ici ou là, beaucoup d'entre nous savent que la décision que prendra le Conseil du 17 décembre sera irréversible et qu'elle ne pourra être prise qu'à l'unanimité des États membres, donc avec l'accord de la France. Pour nombre d'entre nous, cette question met en jeu l'identité de l'Europe et sa nature même. Si la Turquie devenait le pays le plus important de l'Union, alors qu'elle est un pays extra-européen, le projet européen serait définitivement changé et l'Europe, hétérogène et dispersée, ne pourrait plus être l'acteur majeur que nous attendons sur la scène du monde. Jusqu'à maintenant, la France a été un soutien permanent et actif à l'adhésion de ce pays. Il est frappant qu'aucun débat n'ait été organisé dans le pays, devant la représentation nationale, pour savoir si cette décision était soutenue par le peuple français.

Monsieur le Premier ministre, une décision ne peut être prise le 17 décembre sans qu'un véritable débat ait été organisé.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. François Bayrou. C'est pourquoi nous vous demandons un débat suivi d'un vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est le b a-ba d'une démocratie que le Gouvernement consulte les élus de la nation, leur explique la politique suivie, les décisions énoncées au nom de la France et s'enquière de leur soutien.

Monsieur le Premier ministre, face à cette décision capitale, avez-vous l'intention de consulter la représentation nationale en organisant un débat suivi d'un vote ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur Bayrou, vous avez été membre du Gouvernement, vous êtes parlementaire et vous savez donc précisément comment se négocient les traités internationaux, notamment les traités d'adhésion à l'Union européenne ; vous savez aussi précisément quelles sont les compétences respectives du Parlement - de votre parlement -, du Gouvernement, du chef de l'État et, le cas échéant, du peuple français. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. « Le cas échéant » !

M. le ministre des affaires étrangères. J'y reviendrai.

Monsieur Bayrou, ce qui est en cause, le 17 décembre, ce n'est pas l'adhésion de la Turquie. (« Mais si ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le 17 décembre, il ne s'agira pas de l'adhésion de la Turquie mais simplement, et c'est beaucoup, de déterminer si des négociations d'adhésion, jamais ouvertes depuis quarante ans, doivent l'être ou non, à quel moment et selon quelles modalités.

M. Maurice Leroy. Quand en débattrons-nous ?

M. le ministre des affaires étrangères. Et je tiens à vous dire que la décision d'ouvrir des négociations n'est pas irréversible :...

M. François Sauvadet. Bien sûr que si !

M. le ministre des affaires étrangères. ...celles-ci pourraient être interrompues à tout moment.

M. Jean-Christophe Lagarde. De telles négociations ont-elles jamais échoué ?

M. le ministre des affaires étrangères. Monsieur Bayrou, nous pouvons aborder cette question calmement, d'autant que nous aurons bien d'autres occasions d'en reparler.

Le Président de la République s'est engagé à ce que la décision d'adhésion, si elle devait intervenir un jour - je parle de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne et non pas de celle l'Union européenne à la Turquie, (Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe des député-e-s communistes et républicains) -, après des négociations qui, de toute façon, nous le savons tous, seront très longues et très difficiles, soit prise par le peuple français lui-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Dans quinze ans !

M. le ministre des affaires étrangères. Vous aurez à en décider à travers une disposition particulière de la Constitution, à laquelle nous travaillons et qui sera soumise au Parlement à l'occasion de la révision constitutionnelle du printemps prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLITIQUE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Alain Bocquet. Avant de poser ma question, je veux réaffirmer la nécessité que, tous ensemble, nous poursuivions l'action engagée pour la libération de nos deux otages en Irak, Christian Chesnot et Georges Malbrunot, ainsi que de leur chauffeur syrien, en faisant confiance à la diplomatie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

J'en viens à ma question, monsieur le Premier ministre.

Chômage en forte hausse : notre pays compte 2 453 000 demandeurs d'emploi, soit plus 2,2 % en un an.

M. Ghislain Bray et M. Lucien Degauchy. C'est à cause des 35 heures !

M. Alain Bocquet. Restructurations, délocalisations, désindustrialisation : en 2003, la France a perdu 75 000 emplois.

M. Lucien Degauchy. Les 35 heures !

M. Alain Bocquet. Privatisations, avec, à la clé, des dizaines de milliers d'emplois supprimés.

M. Georges Tron. Les 35 heures !

M. Alain Bocquet. L'État, premier licencieur de France : 13 000 postes supprimés dans la fonction publique en 2004 et 2005. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Chiffre record jamais atteint depuis la création du RMI : plus d'un million d'allocataires sont condamnés à vivre avec moins de 418 euros par mois.

Hausse spectaculaire des prix à la consommation, baisse du pouvoir d'achat des salaires et des pensions, attaques, cet été, contre la réversion et le livret d'épargne populaire.

Associations caritatives débordées de demandes de secours : le nombre de bénéficiaires, depuis le 1er janvier, a augmenté de 50 %.

Voilà, à l'occasion de cette rentrée, le triste bilan de votre politique, monsieur le Premier ministre.

Par contre, on assiste à une véritable flambée des profits financiers. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Oui : 23 milliards d'euros au premier semestre, soit plus 68 %. Les banques exultent, les privilégiés de la fortune « amassent des tas d'or », comme l'a titré un quotidien, et votre majorité s'apprête pourtant à alléger l'impôt sur les grandes fortunes, voire à le liquider. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

On ne saurait être plus cynique. Alors même que le Conseil des impôts vient de vous déjuger, vous persistez imperturbablement à offrir des cadeaux fiscaux au grand patronat, cédant aux injonctions du MEDEF et des marchés financiers. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Bocquet, veuillez poser votre question.

M. Alain Bocquet. Cela vous vaudra peut-être un jour d'avoir votre statue au palais Brongniart mais, pour l'heure, vous conduisez la France et son peuple droit dans le mur. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Nicolin. C'est toujours mieux que le goulag !

M. Alain Bocquet. Je conclus. Qu'attendez-vous, monsieur le Premier ministre, pour faire sauter le verrou posé sur l'économie française par la Banque centrale européenne et les banques françaises ?

M. Ghislain Bray. Ça suffit !

M. Alain Bocquet. Qu'attendez-vous pour engager enfin une vraie politique de formation, d'emploi et de hausse du pouvoir d'achat afin de relancer l'économie du pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur le président Bocquet, vous êtes trop averti des choses de ce pays pour ignorer qu'au-delà des déclarations la France a un problème de cohésion sociale. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Alain Néri. Ça !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Ce n'est pas de ce gouvernement que date la crise du logement social, sans précédent depuis la guerre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce n'est pas de ce gouvernement que date le triplement du nombre des allocataires du RMI. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Et ce n'est pas ce gouvernement qui est responsable du plus mauvais taux d'activité et d'emploi des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Alors, que faisons-nous, maintenant ? Nous avons pris trois directions, et vous le savez.

Vous connaissez notre programme en matière de logement social et de rénovation urbaine, puisque vous le copilotez avec nous : il prévoit un triplement des moyens.

Nous avons lancé - et il sera soumis au Parlement - un énorme programme d'emploi des jeunes,...

Mme Martine David. Emplois-parkings !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. ...qui passe notamment par l'alternance et l'apprentissage. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Michel Lefait. Avec quel argent ?

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Et nous proposons - cela sera soumis au Parlement -, pour ceux qui le souhaitent, de transformer le RMI, qui est un tout petit revenu, sans guère d'insertion ni de travail, en un contrat d'avenir. Un million de contrats d'avenir seront ainsi proposés d'ici à quinze jours. Voilà une action, un coup de rein massif, dont notre pays peut s'enorgueillir. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Pour le reste, monsieur le président Bocquet, vous savez très bien que nous avons trouvé une croissance en effondrement, mais qu'elle repart, difficilement, douloureusement, et que nous continuerons à la soutenir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Comment ? Par une mesure des plus importantes : la revalorisation du SMIC - c'est-à-dire du pouvoir d'achat des plus petits revenus du travail - de près de 17 % en trois ans. Franchement, cela, c'est du progrès social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

LUTTE CONTRE LE TERRORISME

M. le président. La parole est à M. Daniel Poulou.

M. Daniel Poulou. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Monsieur le ministre, le week-end dernier, une vaste opération policière, d'une exceptionnelle ampleur, a permis d'arrêter, dans le département des Pyrénées-Atlantiques, les principaux responsables de l'organisation séparatiste basque ETA, de découvrir de nombreuses caches d'armes et de saisir d'importants documents.

Je suis sûr que tous mes collègues députés, comme moi, saluent l'initiative du Gouvernement et le remarquable succès de ses services. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. David Habib. Très bien !

M. Daniel Poulou. La lutte contre le terrorisme contribue à la restauration de la sécurité intérieure et, dans ce cas précis, resserre les liens de solidarité avec la démocratie espagnole. Ces résultats ont été obtenus grâce au travail d'enquête minutieux accompli par tous les services de sécurité français et espagnols. Cette opération prouve bien que la coopération internationale est nécessaire pour combattre efficacement le terrorisme.

Monsieur le ministre, quelles informations complémentaires pouvez-vous donner à la représentation nationale à propos de ces arrestations et de votre action en matière de lutte contre le terrorisme sur notre territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, je sais tout le travail que vous menez, sur le terrain, avec l'ensemble de vos collègues parlementaires, pour affirmer, dans votre département, l'autorité de l'État et nos valeurs républicaines.

C'est en effet une opération d'envergure qui a permis de s'attaquer aux structures logistiques et militaires de l'ETA. Elle constitue un succès dans la lutte contre le terrorisme basque, pour empêcher que notre territoire puisse lui servir de base arrière. Sept caches d'armes ont été découvertes, vous l'avez dit, ainsi que des sommes importantes d'argent liquide, et une vingtaine de personnes ont été interpellées, parmi lesquelles les numéros un et deux de l'ETA, Mikel Antza et Soledad Anboto.

C'est le fruit d'une concertation, d'une coopération très étroite entre l'ensemble des services de la police nationale : le RAID et la division nationale antiterroriste, bien sûr, les services locaux de la police judiciaire, mais aussi les renseignements généraux, qui, sur plusieurs années, ont accompli un travail méthodique remarquable pour mettre à jour ces caches extraordinairement sophistiquées dans les Pyrénées-Atlantiques.

C'est aussi, il faut le dire ici, le fruit d'une concertation très étroite entre l'Espagne et la France, dans l'ensemble des domaines, celui de la lutte contre le terrorisme, bien sûr, mais aussi ceux de la lutte contre les trafics de drogue et les migrations clandestines. Mais nous voulons, avec l'Espagne, aller plus loin encore et, dans le cadre de cette coopération, je rencontrerai jeudi mon homologue espagnol, le ministre de l'intérieur José Antonio Alonso. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

PRIX DANS LA GRANDE DISTRIBUTION

M. le président. La parole est à M. Luc-Marie Chatel.

M. Luc-Marie Chatel. Monsieur le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, toutes les études le montrent, et il suffit de faire ses courses pour le constater (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) : dans la grande distribution, les Français paient trop cher les produits de grandes marques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Pour les mêmes produits, l'écart de prix avec les pays voisins atteint 5 à 13 % ; certaines grandes marques ont augmenté leurs prix de près de 40 % en trois ans. Cette hausse a fortement pénalisé le pouvoir d'achat des ménages.

Vous avez, avec volontarisme, souhaité vous attaquer à la question et redonner du pouvoir d'achat aux Français. Grâce à votre action, les différentes parties ont reconnu qu'elles devaient mettre fin à la spirale infernale de la hausse, la conjugaison de certains intérêts ayant un effet dévastateur : j'augmente mes tarifs, tu augmentes tes marges arrière, le consommateur paiera.

L'accord que vous avez signé, avec Christian Jacob et l'ensemble des acteurs du secteur, le 17 juin dernier, prévoyait, sur les grandes marques, une baisse des prix de 2 % à compter du 1er septembre. Les prix ont commencé à baisser (« Mais non ! » sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Jacques Desallangre. Foutaise !

M. Luc-Marie Chatel. ...mais nos compatriotes restent sceptiques, en particulier sur la durabilité de cette tendance.

Un mois après l'entrée en vigueur de l'accord, alors que le Premier ministre vient de faire de la baisse des prix une priorité de l'action du Gouvernement, pouvez-vous dresser un état des lieux de la mise en œuvre de cet accord, de son impact réel sur les prix, et nous indiquer les pistes sur lesquelles travaille le Gouvernement pour aller plus loin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le député, chaque année, à la rentrée de septembre, les Français se demandaient de combien les prix avaient augmenté.

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est toujours vrai !

M. le ministre délégué à l'industrie. En septembre 2001, ils avaient augmenté de 1,3 %, en septembre 2002 de 0,9 %, en septembre 2003 de 0,3 %. Cette année, pour la première fois, on se demande de combien ils ont baissé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Eh bien, au 12 septembre, ils avaient diminué de 1,26 % sur 18 000 références ! (Mêmes mouvements.)

C'est un succès, d'autant que ce n'est pas fini ! Depuis cette date, le processus s'est poursuivi.

Quelles leçons devons-nous en tirer ?

Premièrement, que les distributeurs ont joué le jeu. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Les chiffres sont têtus !

Deuxièmement, que le dispositif législatif complexe dans lequel nous nous situons constitue une véritable résistance à la baisse des prix, car on ne peut les baisser sans que, dans la chaîne, d'autres ne les baissent également. C'est la raison pour laquelle il a été demandé à M. Canivet, Premier président de la Cour de cassation, de rédiger un rapport sur une éventuelle évolution législative. Il sera rendu le 18 octobre prochain ; après quoi, le Gouvernement proposera des modifications législatives permettant de faire jouer une véritable concurrence, seule à même de faire baisser les prix. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

TIPP FLOTTANTE

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le Premier ministre, depuis dix-huit mois, votre gouvernement refuse avec obstination de remettre en vigueur un mécanisme de plafonnement des taxes sur l'essence et le fioul, c'est-à-dire la TIPP flottante. Pourtant, le prix du baril de pétrole a atteint des niveaux très élevés ; il a même, ces jours-ci, dépassé son record historique de 50 dollars.

Votre refus entraîne des difficultés pour des professions fragilisées et, surtout, pour les Français, une ponction fiscale de l'ordre de 700 millions d'euros par an, qui vient s'ajouter à toutes les augmentations d'impôts, de taxes et de cotisations qu'ils subissent.

En 2005, il faut le dire, les Français vont supporter 6,5 milliards d'euros de prélèvements sociaux supplémentaires.

Au total, et bien que cela vous irrite de devoir le reconnaître, les prélèvements obligatoires vont augmenter l'année prochaine. Il est vrai que cela vous permet de favoriser quelques milliers de foyers qui, par exemple, pour des emplois à domicile, pourront recevoir jusqu'à 7 500 euros de réduction d'impôts, c'est-à-dire l'équivalent du prix de la nouvelle Logan, par exemple...

Selon le dossier de presse de présentation du projet de loi de finances pour 2005, le niveau élevé du prix du pétrole aurait pour conséquence de diminuer de plus d'un tiers la croissance française cette même année.

Ce qui est en jeu, c'est le pouvoir d'achat des Français, donc le dynamisme de la consommation des ménages et, in fine, la croissance française. Vous ne pouvez donc pas prendre cette question à la légère, comme vient de le faire Patrick Devedjian, à l'instant : il ne pourra pas faire croire à nos compatriotes que les prix baissent.

Plusieurs députés du groupe de l'union pour un mouvement populaire. Pourtant, ils ont baissé !

M. Didier Migaud. Je l'invite à faire les courses avec eux !

Vous avez fait de la baisse des prix l'alpha et l'oméga de votre politique de soutien à la consommation. L'agitation médiatique n'a pourtant pas permis de faire diminuer, significativement et globalement, les prix dans les grandes surfaces. Il s'agit davantage d'un affichage que d'une réalité, et l'inflation, dans le passé proche, a été rarement aussi peu maîtrisée.

Or il suffit que vous le décidiez pour faire baisser instantanément le prix des carburants et du fioul domestique.

Je vous poserai donc trois questions :

Pourquoi, alors que rien ne vous l'interdit au niveau européen, refusez-vous encore et toujours de réactiver la TIPP flottante, c'est-à-dire le mécanisme de plafonnement des taxes sur l'essence et le fioul ?

Pourquoi fragiliser ainsi délibérément le pouvoir d'achat des Français ?

Enfin, pourquoi, alors que l'on sait que le niveau élevé du pétrole va faire chuter la croissance, refusez-vous de prendre des mesures préventives de soutien au pouvoir d'achat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le député, le budget de l'État ne s'enrichit pas du fait de l'augmentation du prix du pétrole. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous le savez bien, les carburants relèvent de deux impôts distincts, et il faut l'expliquer à nos concitoyens : la TIPP, qui représente un montant fixe par litre, et la TVA, qui s'applique sur le prix du produit et sur la TIPP.

Il est vrai que nous avons une augmentation des recettes de TVA de l'ordre d'une quarantaine de millions d'euros par mois, mais les recettes de TIPP baissent et, d'une année sur l'autre, il n'y a pas de plus-value pour l'État.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Pourquoi les recettes de TIPP baissent-elles ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Telle est la réalité et M. Migaud, qui a été rapporteur général du budget, la connaît bien !

Pourquoi ne mettons-nous pas en place le dispositif de TIPP flottante ?

D'abord, parce qu'il est mal adapté et que l'Europe ne le souhaite pas. (« Ce n'est pas vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Je sais bien qu'aujourd'hui les convictions européennes du parti socialiste sont à géométrie variable (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ; il n'empêche que ce n'est pas une mesure européenne !

En outre, quand vous l'aviez - très provisoirement - mis en œuvre, il avait réduit le prix des carburants de moins de deux centimes d'euro par litre. C'était insuffisant.

Aujourd'hui, il faut, comme le Premier ministre nous l'a demandé, chercher à consommer mieux - il en a été discuté au G7 -, et peut-être faire ce qu'ont fait nos aînés, qui construisaient des centrales nucléaires, qui diminuaient la vitesse sur les routes - ce que nous avons fait aussi -, et qui amélioraient, comme nous allons le faire avec le programme des biocarburants, l'efficacité des carburants.

Enfin, le Premier ministre invitera, d'ici la fin du mois, tous les professionnels des secteurs concernés à se réunir : ceux de la distribution pétrolière, les constructeurs automobiles, les fournisseurs d'énergie.

Nous prendrons de nouvelles initiatives en particulier pour les catégories qui souffrent. Pour les transporteurs routiers, le projet de loi de finances comportera des mesures, Gilles de Robien et François Goulard y travaillent. Les pêcheurs seront reçus aujourd'hui par Hervé Gaymard. Des dispositions seront prises en faveur des agriculteurs.

Chaque fois que nos compatriotes éprouveront des difficultés, le Gouvernement réagira, mais pas par une mesure inefficace, comme l'était la TIPP flottante du gouvernement de M. Jospin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

PROCÉDURE DU PLAIDER-COUPABLE

M. le président. La parole est à M. Gérard Léonard.

M. Gérard Léonard. Monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice, la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi Perben II, que nous avons votée il y a quelques mois, est entrée, pour sa majeure partie, en vigueur vendredi dernier.

Les principales dispositions de cette loi ont pour but de donner davantage de moyens à la justice, notamment pour lutter plus efficacement contre la criminalité organisée et, plus généralement, pour améliorer le fonctionnement global de la justice pénale et de l'exécution des peines.

L'une de ces mesures, la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, dite plaider-coupable, a suscité dans les médias de nombreuses craintes, bien qu'elle ait été - il faut le souligner - validée par le Conseil constitutionnel.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous répondre aux critiques formulées contre le plaider-coupable ? Qu'apporte exactement cette procédure nouvelle ? À qui s'adresse-t-elle ? Quelles sont les conditions de sa mise en œuvre ?

Entrée en vigueur depuis quelques jours, cette procédure a-t-elle été expérimentée par certains tribunaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Ce que l'on appelle le plaider-coupable a pour but de faire disparaître ce que nous ne tolérons plus ni les uns ni les autres, à savoir le spectacle de ces audiences de correctionnelle au cours desquelles quarante à cinquante dossiers sont traités, parfois six mois après la commission des faits, ce qui constitue une dérive effectivement intolérable de notre organisation judiciaire.

C'est la raison pour laquelle j'ai proposé ce dispositif qui permet de simplifier le traitement des délits les plus courants, très souvent répétitifs. C'est ainsi que nous aurons une justice acceptée, avec cette reconnaissance de culpabilité, reconnaissance en présence - obligatoire - de l'avocat. Il s'agit donc d'un dispositif équilibré dans lequel l'avocat joue un rôle considérable. C'est ainsi que nous aurons aussi, bien sûr, une justice équitable, puisque la proposition faite par le procureur de la République à celui qui reconnaît sa faute doit être validée par le juge indépendant.

Ce dispositif a commencé à fonctionner le 1er octobre dernier, il y a quatre jours. Un certain nombre de décisions ont été prises dans ce cadre et l'on a constaté, avec cette courte expérience, que, dans certains cas, le juge validait le dispositif, et que dans d'autres l'avocat conseillait à son client de ne pas aller vers cette procédure qui, je le rappelle, est facultative. Tout individu garde le droit, s'il le souhaite, de ne pas y entrer et d'aller devant le tribunal correctionnel.

Vous avez ainsi, par votre vote, fourni à la justice un élément de simplification et d'humanisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

EXPULSION DE L'IMAM DE VÉNISSIEUX

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pecresse.

Mme Valérie Pecresse. Ma question s'adresse au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Tous, nous avons été profondément choqués par les propos tenus sur notre territoire, la patrie des droits de l'homme, de la fraternité, de l'égalité entre les hommes et les femmes, par l'imam de Vénissieux, M. Abdelkader Bouziane, qui, en avril dernier, dans un entretien au journal Lyon Mag, avait défendu la lapidation des femmes.

Monsieur le ministre, vous avez prononcé une mesure d'expulsion contre lui en raison de ses liens avec des mouvances islamiques. Le tribunal administratif de Lyon a suspendu cette décision et en a contesté le bien-fondé, mais, hier, le Conseil d'État lui a donné tort, a cassé son jugement (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et a mis fin à la suspension de l'expulsion, estimant que les premiers juges avaient dénaturé les pièces du dossier qui leur étaient fournies et confirmant l'existence de liens entre M. Bouziane et des organisations terroristes.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de me féliciter de cette décision. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Entre-temps, le Parlement a voté une nouvelle loi qui permet désormais d'expulser de notre territoire tous ceux qui commettraient des actes de provocation délibérée et explicite à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne ou un groupe de personnes. Cette nouvelle loi va nous permettre d'expulser de France tous ceux qui feraient l'apologie de la lapidation des femmes, sans avoir à chercher pour cela un autre motif.

Ma question est double. Quelles seront les conséquences de la décision du Conseil d'État ? Plus largement, quelles conclusions tirez-vous de l'affaire de l'imam de Vénissieux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Madame la députée, ma détermination, comme celle de tout le Gouvernement, à lutter contre l'islamisme radical est entière.

Il s'agit en effet à la fois d'une menace contre la sécurité de nos concitoyens et d'un obstacle à l'affirmation en France d'un islam serein, s'inscrivant dans la République.

J'ai pris un certain nombre de mesures au cours des derniers mois, et d'abord des mesures de coordination en constituant, au sein de la préfecture de police, un pôle spécialisé régional pour lutter contre l'islamisme radical, en créant le conseil de renseignement intérieur et en réactivant le comité interministériel de lutte contre le terrorisme.

Ensuite, j'ai pris des mesures d'harmonisation et de simplification, en décidant de confier au tribunal administratif de Paris l'ensemble des compétences pour juger des expulsions de ressortissants étrangers.

Enfin, des mesures de justice ont été prises, vous l'avez rappelé. Je salue cette disposition qui permet, aujourd'hui, de poursuivre et d'expulser des ressortissants étrangers qui insulteraient les femmes ou appelleraient à la violence contre elles.

Quant à la décision prise par le Conseil d'État, hier, elle met fin à la décision du tribunal administratif de Lyon de suspendre l'expulsion de M. Bouziane. Elle est immédiatement exécutoire. À l'heure qu'il est, M. Bouziane est dans l'avion pour Alger. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

AUGMENTATION DU CHÔMAGE

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Kucheida.

M. Jean-Pierre Kucheida. Ma question s'adresse au Premier ministre et concerne l'augmentation inexorable du chômage.

Monsieur le Premier ministre, les derniers chiffres annoncés font état d'une augmentation du chômage de 0,50 % pour le mois d'août et ce sont 200 000 chômeurs de plus depuis juin 2002. C'est considérable et intolérable, sans compter la précarisation de centaines de milliers d'emplois.

M. Lucien Degauchy. Il n'y a qu'à passer aux 30 heures !

M. Jean-Pierre Kucheida. Vous et le MEDEF avez traité notre pays, ses habitants, ses salariés, ses retraités et ses demandeurs d'emploi avec la brutalité que l'on sait (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : délocalisations à outrance et vagues de licenciements massifs, liberté sans limite des grands patrons, suppression des emplois aidés. En réponse à l'intervention de M. Borloo, je rappelle que vous avez contribué à défaire 400 000 emplois pour les jeunes (Approbation sur les bancs du groupe socialiste) et qu'aujourd'hui, vous remettez en cause les PLI et les missions locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous assistons ainsi à la liquidation de nombreux acquis sociaux. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous avez totalement échoué en matière d'emploi, alors que le gouvernement Jospin avait réussi à en créer 2 millions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Ça suffit !

M. Jean-Pierre Kucheida. Les Français jugeront.

Aujourd'hui, c'est un retour en arrière, et il est sinistre. Votre gouvernement démontre son incapacité à sortir la France du chômage malgré la croissance - mais peut-être s'agit-il seulement de l'effet d'annonce de la croissance. Toutes celles et tous ceux qui souffrent dans leur dignité, notamment dans le Nord-Pas-de-Calais - je pense aux salariés de Metaleurop, de Johnson Control, de Comilog ou de Norauxo, et je pourrais en citer bien d'autres -, parce qu'ils sont exclus du travail, et donc, de notre société, sans espoir d'une embellie à l'horizon, fatigués de rester au bord du chemin, vous demandent avec moi de reconnaître votre cuisant échec et d'y remédier. Mais, monsieur le Premier ministre, ce n'est sans doute qu'un rêve ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le député, c'est tout à fait exact : en août, le nombre de chômeurs s'est accru de 12 000 personnes, alors qu'il avait baissé de 12 500 en juillet. Voilà une stabilité qui n'est un motif de satisfaction pour personne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je voudrais rappeler quelques chiffres à M. Kucheida. Hier se tenait la réunion du Conseil des ministres du travail européens. Notre croissance est en moyenne supérieure d'un point à celle de la zone euro. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

J'ajoute que nous avons, au premier semestre, un solde positif en matière de créations d'emplois dans le secteur marchand et que le nombre de licenciements économiques a diminué d'un tiers pour la même période. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le Premier ministre recevra les partenaires sociaux la semaine prochaine pour parler de croissance partagée. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Car il s'agit aujourd'hui de transformer la croissance en emplois et, pour ce faire, de lever un certain nombre de freins en matière de créations d'emplois, mais aussi de créer des retours. Voilà pourquoi le plan de cohésion sociale, avec ses contrats d'avenir, son effort sur l'apprentissage et sa modernisation du service public de l'emploi, constitue plus que jamais une urgence. Voilà pourquoi nous avons engagé avec les partenaires sociaux des discussions sur la nécessaire modernisation de notre droit du travail pour mieux faire face aux restructurations et lutter contre les délocalisations. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Enfin, les pôles de compétitivité seront un élément positif pour le retour à l'emploi.

Voilà à quoi nous travaillons, et comme le Premier ministre l'a annoncé, la création d'emplois sera au rendez-vous en 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

MALADIE D'ALZHEIMER

M. le président. La parole est à M. Serge Roques.

M. Serge Roques. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé le 13 septembre dernier un plan destiné à améliorer la qualité de vie des personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer.

En France, 800 000 personnes sont atteintes par cette terrible maladie et 165 000 cas se déclarent tous les ans.

Avec le vieillissement de la population, ce fléau ne peut que s'aggraver, à tel point que certains en font la maladie majeure du xxisiècle dans les pays occidentaux.

Il était donc nécessaire de prendre la mesure de cette très lourde pathologie, d'y faire face collectivement pour la première fois et d'envisager des mesures pour soulager les patients et leurs familles, souvent seules, terriblement seules, face à une épreuve épouvantable.

L'annonce de ces mesures a fait naître beaucoup d'espoir au sein d'une population durement éprouvée. Pouvez-vous les préciser devant la représentation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le député, il y a aujourd'hui dans notre pays un million de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou de maladies apparentées. Chaque année, 165 000 nouveaux cas sont comptabilisés. Avec Hubert Falco (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), nous avons défini un plan comportant trois axes.

Premièrement, nous devons tout faire pour établir un diagnostic précoce, seul moyen de ralentir l'évolution de la maladie et d'éviter certaines complications. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé, avec le Premier ministre, de mettre en place 100 consultations-mémoire de proximité supplémentaires.

Deuxièmement, nous créons 13 500 places en unités de vie, soit en accueil de jour, ce qui permet aux malades d'y passer la matinée ou l'après-midi, soit en hébergement temporaire, où les malades peuvent rester deux ou trois jours afin que les familles aient un peu de répit et puissent se reposer. Selon nous, c'est la seule solution permettant de garder les malades à domicile le plus longtemps possible.

Troisièmement, ce plan vise à mieux former les professionnels et les bénévoles et à adapter les maisons de retraite aux nouvelles maladies de démence sénile. Nous ferons tout avec M. d'Aubert pour relancer la recherche, s'agissant notamment des cellules embryonnaires souches humaines.

Enfin, pour garder les malades à domicile, il importe d'aider les familles, notamment lorsqu'ils traversent une crise. En effet, outre les pertes de mémoire, il existe des problèmes de comportement, notamment d'agressivité. Nous avons donc mis en place des gardes itinérantes de nuit pour soulager les familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ÉCONOMIE TOURISTIQUE

M. le président. La parole est à M. Vincent Rolland.

M. Vincent Rolland. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué au tourisme.

En 2003, la France a confirmé son rang de première destination touristique mondiale, avec 75 millions de voyageurs. Autant dire que le tourisme, première industrie nationale, accentue de jour en jour son rôle de poumon pour l'économie française.

Cependant, si les volumes se maintiennent, il est inutile de rappeler que les recettes ne répondent pas aux attentes des professionnels du tourisme, qui ont connu un fort ralentissement de leur activité au cours des dernières années.

La manne de l'économie touristique fut mise à mal par une série d'événements successifs nationaux et mondiaux tels que les attentats du 11 septembre 2001, le conflit en Irak, les ravages de la pneumopathie atypique ou encore le naufrage du Prestige.

Aussi, monsieur le ministre, dans une période de profonde mutation du secteur marqué par une saison d'été en demies teintes où les séjours en France n'ont pas été à la hauteur des espérances des professionnels du tourisme, pourriez-vous indiquer à la représentation nationale les mesures que vous comptez prendre pour relancer l'économie touristique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au tourisme.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le député, vous avez raison. Pendant des années, la France a vécu sur sa position de première destination au monde, alors qu'elle perdait entre-temps des parts de marché, par exemple 2 milliards d'euros entre 2002 et 2003. Comme vous l'avez rappelé, le marché touristique mondial est en pleine mutation : la concurrence s'accroît, de nouvelles puissances économiques émergent et le touriste, aujourd'hui, est devenu zappeur. Il choisit sa destination à la dernière minute, il fractionne ses séjours, il a envie de qualité et de sécurité, il surfe sur le Net pour saisir les meilleures opportunités et fabrique lui-même son produit touristique.

C'est pourquoi j'ai décidé de provoquer une rupture avec le passé. Nous avons donc redéfini les missions des Maisons de la France, qui est notre outil de promotion et, le 27 septembre dernier, j'ai présenté un plan d'action pour la période 2005-2010. C'est une stratégie en sept points : valoriser la qualité du savoir-faire français sur l'ensemble du territoire et, pendant toute l'année, soutenir le partenariat public-privé, gagner la bataille de l'Internet en créant, par exemple, une plateforme qui permette à la fois d'informer et de promouvoir, mais aussi de commercialiser, adopter une approche de marketing affinitaire ou thématique, développer des outils et des services marketing, comme baromètre pour évaluer les politiques établies, enfin décliner des orientations stratégiques par marché, thématique ou produit.

Je dispose pour 2005 d'un budget qui traduit la prise de conscience du Premier ministre et du Gouvernement en faveur du tourisme. En outre, les deux derniers comités interministériels qui ont eu lieu en l'espace de douze mois montrent qu'il y a une véritable volonté et me confortent dans l'idée que nous devrons, en 2010, atteindre des recettes de l'ordre de 40 milliards.

Voilà les réponses que je peux vous apporter. Telle est mon ambition. C'est la vôtre, monsieur le député, et je sais que c'est aussi celle du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Jean Le Garrec.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 22 octobre inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

Le vote solennel sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2005 aura lieu le mardi 26 octobre après les questions au Gouvernement.

La Conférence des présidents a également arrêté le calendrier de la deuxième partie du projet de loi de finances, qui sera annexé au compte rendu.

La procédure d'examen simplifiée a été engagée pour la discussion de douze projets de ratification de conventions internationales, inscrits à l'ordre du jour du mardi 12 octobre.

Par ailleurs, la Conférence des présidents, en application de l'article 145, alinéa 3 du règlement, a décidé la création d'une mission d'information sur les conséquences environnementales et sanitaires des autorisations d'essais d'organismes génétiquement modifiés.

    3

RÈGLEMENT DÉFINITIF DU BUDGET DE 2003

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2003 (nos 1699, 1789).

Rappel au règlement

M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. C'est le premier de la session, et je ne vous refuserai pas ce plaisir, monsieur Bonrepaux, à condition que vous soyez bref.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, nous allons aborder un texte important, le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2003. Or, comme vous pouvez le constater, les membres de la commission des finances sont présents en nombre réduit sur ces bancs. La raison en est qu'une audition de M. Douste-Blazy, relative au projet de loi de financement de la sécurité sociale, a lieu en ce moment même devant les commissions des finances et des affaires sociales.

En ce qui concerne l'organisation de nos travaux, la session commence mal ! Déjà, lorsqu'on nous a présenté le budget pour 2005, nous avons eu droit à un cours magistral de M. le ministre des finances, mais sans aucun document budgétaire ni aucun chiffre, sans même la possibilité de poser des questions, tant M. le ministre était pressé de répéter son cours devant la presse et de lui donner ses documents.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Il fallait rester l'après-midi !

M. Augustin Bonrepaux. Je suis donc reparti en Ariège sans aucun document. C'est la première fois que cela arrive. Je ne les ai obtenus que la semaine suivante, lors de mon retour à Paris.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Ils ont été distribués l'après-midi même. Vous exagérez, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. Il est vrai que M. le ministre nous a donné rendez-vous l'après-midi, à seize heures. Mais ce n'était pas prévu à l'ordre du jour. Souffrez que les députés aient aussi certains engagements ! Je croyais que le ministre était à la disposition du Parlement, mais il semble que ce soit plutôt l'inverse ! De la même façon, M. Douste-Blazy est auditionné cet après-midi, à seize heures, car il ne pouvait pas venir un autre jour. Mais nous, nous ne pouvons pas aller l'écouter, puisque nous devons rester dans l'hémicycle. Il me semble, monsieur le président, que l'on devrait prévoir une meilleure organisation de nos débats, et que le Gouvernement devrait respecter un peu plus le travail du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Monsieur Bonrepaux, je vous rappelle que l'ordre du jour a été approuvé par la Conférence des présidents. Cela étant, votre remarque ô combien pertinente sera transmise au président de notre assemblée. Par ailleurs, M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire vous a entendu et va vous répondre.

M. Didier Migaud. Nous sommes sans illusion !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je m'exprimerai après le rapporteur général et les orateurs, mais je voudrais d'emblée répondre à M. Bonrepaux. Je comprends tout à fait le sens de sa remarque. Il est vrai que la présentation du projet de loi de finances - devant le conseil des ministres, devant la commission de l'Assemblée nationale puis celle du Sénat et, naturellement, devant la presse, pour l'information de nos concitoyens - a eu lieu dans un délai très court. En particulier, et M. Bonrepaux a raison de le souligner, le passage devant la commission des finances s'est révélé extrêmement court. C'est la raison pour laquelle le ministre d'État et moi-même sommes revenus l'après-midi, avec les documents en question. Je suis désolé que M. Bonrepaux ait dû faire face à d'autres engagements, ce que je comprends parfaitement car j'ai siégé suffisamment de temps dans cette assemblée pour connaître les obligations auxquelles on peut être soumis sur le terrain. Je regrette que nous ne nous soyons pas rencontrés à cette occasion, monsieur Bonrepaux, mais nous allons passer des mois ensemble, ce dont le Gouvernement se réjouit par avance.

M. le président. M. Bonrepaux est très sensible à votre argumentation.

Ouverture de la discussion

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, conformément à la loi organique de 2001, l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2003 ouvre en fait le cycle budgétaire de 2005.

Comme le prévoit en effet l'article 41 de la loi organique relative aux lois de finances, la discussion du projet de loi de règlement de la dernière année exécutée doit être engagée avant celle du projet de loi de finances de l'année à venir. C'est le cas puisque nous allons, dans quinze jours, aborder ensemble la discussion du projet de loi de finances pour 2005. Mais il s'agit surtout, conformément à l'esprit de la loi organique, de tirer les enseignements de la dernière gestion entièrement exécutée avant de prendre les décisions sur la gestion à venir.

Quels sont donc, mes chers collègues, les constats de 2003 susceptibles d'éclairer le débat budgétaire pour 2005 ? Les grandes lignes sont connues depuis le printemps dernier : j'ai eu l'occasion de les évoquer en commission des finances.

Les dépenses, tout d'abord. Elles sont marquées par une exécution strictement conforme au vote du Parlement. Nous avions voté une enveloppe de 273,8 milliards d'euros. Pas un euro de plus n'a été dépensé en 2003. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les recettes, ensuite. Elles ont été inférieures à ce que nous avions prévu du fait du ralentissement économique survenu au début de l'année 2003. Celui-ci, je le rappelle, était absolument imprévisible à l'automne 2002, quand nous avons voté le projet de loi de finances pour 2003.

La conséquence de ces baisses de recettes a été une augmentation du déficit. À cet égard, le choix du Gouvernement de ne pas risquer d'aggraver le ralentissement économique en cherchant à limiter le déficit par des annulations de crédits a été, monsieur le secrétaire d'État, un bon choix. La reprise de la croissance, dès la fin 2003, à un niveau supérieur à celui connu par nos voisins européens, et sa confirmation en 2004 sont là pour le démontrer.

Premier constat, donc : les dépenses sont exécutées au niveau voté par le Parlement. C'est le fruit d'une régulation active et efficace de la dépense, dont je rappellerai brièvement les grandes étapes.

Nous avons d'abord été conduits, par le biais de cinq décrets d'avance, à aménager les dotations initiales par un redéploiement de crédits portant sur près d'un milliard d'euros.

Au moment du collectif de fin d'année, il a fallu réduire l'enveloppe budgétaire d'environ 900 millions d'euros pour absorber une consommation supplémentaire de crédits de report.

La régulation budgétaire proprement dite s'est traduite par le gel de 4 milliards d'euros de crédits, le 4 février 2003, l'annulation de ce gel pour 1,4 milliard d'euros et le maintien du gel pour les 2,5 milliards restants, mi-mars 2003, le gel de 6,7 milliards d'euros de crédits reportés de 2002, en avril 2003, et l'annulation de près d'un milliard d'euros le 3 octobre 2003.

Ces annulations et celles opérées par le collectif de fin d'année ont permis de faire face à plus de 4 milliards d'euros de dépenses nouvelles, notamment pour faire face à des événements imprévus comme la canicule ou la sécheresse, ou pour financer des « opérations extérieures », financement qui va d'ailleurs faire l'objet dorénavant d'un début de mise en place de crédits dès la loi de finances initiale.

Les reports de 2003 sur 2004 sont en forte réduction par rapport à ceux de 2002 sur 2003. Ceux de 2001 sur 2002 étaient extrêmement lourds puisqu'ils s'élevaient à plus de 14 milliards d'euros. Avec 8,8 milliards, nous atteignons presque le plafond de 3 % fixé par la loi organique et applicable dès 2006.

Quelles leçons devons-nous en tirer pour 2005 ?

D'abord, le principe de la stabilité en volume des dépenses a été respecté strictement en 2003. Cette stabilité de la dépense est au cœur de la stratégie budgétaire. Elle est mise en œuvre dans l'exécution du budget de 2004. Elle est retenue dans la prévision pour 2005. C'est la condition indispensable, incontournable, de la maîtrise des déficits et de la réduction de l'endettement. Mais il est clair que son maintien sur plusieurs années va exiger une accélération de la réforme de l'État.

Ensuite, la régulation budgétaire, dont la loi organique consacre le principe, reste nécessaire, et il faudra que nous réfléchissions ensemble à sa bonne articulation avec l'autonomie de gestion désormais reconnue aux gestionnaires de programmes.

Deuxième constat, les recettes ont atteint un point bas, à 217 milliards d'euros. Les recettes fiscales se sont stabilisées et les recettes non fiscales ont reculé de 7,6 %.

Par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale, l'exécution fait apparaître une forte moins-value de recettes fiscales nettes, de près de 10 milliards, notamment de l'impôt sur les sociétés, de la TVA et de la TIPP. La croissance a été moindre mais l'effet a été accentué par le phénomène d'élasticité. Lorsque la croissance diminue, les recettes fiscales diminuent plus rapidement. Au contraire, quand la croissance revient, les recettes fiscales augmentent davantage qu'elle. Il y a un effet d'amplification, que nous devons sans arrêt avoir à l'esprit. C'est un enseignement majeur pour 2005 et les budgets ultérieurs. Il faut retenir une hypothèse de réaction des recettes à la croissance raisonnable pour réduire les effets déstabilisants d'un retournement du cycle économique, à la hausse comme à la baisse. Ainsi, les « cagnottes », comme celle que l'on a connue en 1999, alors qu'on était en période ascendante du cycle, doivent faire l'objet de la plus grande prudence parce que, très vite, le ralentissement de la croissance reprend au moins la moitié des excédents qui avaient été obtenus antérieurement. Je le dis à mes collègues qui siègent à la gauche de l'hémicycle : transformer une cagnotte éphémère en dépense budgétaire permanente est une véritable faute budgétaire.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Charles de Courson. Ce n'est pas une faute, c'est un crime !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Troisième constat : le creusement du déficit trouve son unique origine dans les moins-values de recettes.

Le déficit de l'État, qui devait être de 45 milliards, a été de 57 milliards. Cette aggravation du déficit de 12 milliards d'euros est due aux moins-values de recettes fiscales et non fiscales et, à la marge, à un léger accroissement du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, de 500 millions d'euros, ainsi qu'à un excédent moindre sur les comptes spéciaux du Trésor, de 1 milliard.

Le déficit global de l'ensemble des administrations publiques, y compris les comptes de la sécurité sociale et des collectivités locales, a atteint en 2003 4,1 % du PIB, dont 4 % pour l'État. Cela s'est traduit par une augmentation de la dette de 10 %, ce qui porte notre endettement à 63,7 % du PIB. Un accroissement de la dette de 10 %, cela représente 100 milliards d'euros, et nous avons atteint le chiffre historique de 1000 milliards d'euros de dette publique.

En 2003, il y a eu deux facteurs d'aggravation spécifiques : l'endettement de l'ERAP au titre de l'augmentation de capital de France Télécom et le retrait des fonds déposés par le fonds de réserve des retraites auprès du Trésor, qui sont désormais placés auprès de la Caisse des dépôts.

Ce besoin de financement, ce déficit des administrations publiques ne relève pas que du seul budget de l'État, et nous devons bien avoir à l'esprit que la maîtrise de la dépense doit aussi s'appliquer à la gestion des comptes sociaux et en particulier de l'assurance maladie. Si nous arrivons à maîtriser la dépense d'État, ce qui est le cas aujourd'hui, nos efforts seront vains s'ils ne sont pas accompagnés d'une véritable réussite dans le domaine de la maîtrise des dépenses de santé au titre de la réforme de l'assurance maladie.

M. Jean-Yves Chamard. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le projet de loi de règlement comporte des dispositions traditionnelles en vue d'apurer la gestion budgétaire.

Il est ainsi procédé à une ouverture de crédits complémentaires quand les dotations par chapitre sont insuffisantes. Cela a été le cas essentiellement pour des chapitres évaluatifs, et en particulier pour un chapitre qui, chaque année, est préoccupant, celui des frais de justice et réparations civiles, qui est toujours sous-doté. On doit d'autant plus y être attentif qu'à partir de 2006, en vertu de la loi organique, il va entrer dans le cadre des chapitres limitatifs. Il faudra donc que l'administration de la justice soit très vigilante puisqu'elle n'aura plus la possibilité de travailler à guichet ouvert.

Le projet de loi de règlement propose aussi des annulations de crédits, lorsque les dépenses sont inférieures aux crédits résiduels en fin d'année. Elles concernent la charge de la dette pour 320 millions d'euros, les moyens civils de fonctionnement pour 734 millions d'euros, les crédits d'intervention pour 380 millions d'euros et les moyens des armées pour 70 millions d'euros.

Comme il est traditionnel, le projet de loi prévoit d'arrêter le montant des soldes débiteurs ou créditeurs des comptes spéciaux du Trésor, de transférer aux découverts du Trésor les pertes et profits et les soldes débiteurs ou créditeurs des comptes spéciaux qui ne sont pas reportés à la gestion suivante.

Enfin, le projet de loi de règlement propose de reconnaître l'utilité publique de dépenses comprises dans des gestions de fait vieilles d'une dizaine d'années. La commission des finances vous propose de la reconnaître. La Cour des comptes a en effet pu établir la justification des recettes et des dépenses et obtenir le versement des reliquats.

Au bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous allons en venir à l'exception d'irrecevabilité.

M. Augustin Bonrepaux. Je demande auparavant la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, il est tout de même un peu surprenant que nous discutions d'un projet de loi sans que le Gouvernement le présente. Peut-être que cette loi de règlement est difficilement défendable et que M. le secrétaire d'État n'ose pas en assumer la responsabilité, mais il appartient tout de même au Gouvernement de présenter un projet de loi. Nous souhaiterions connaître le point de vue du Gouvernement avant de développer notre motion. Ça me paraît normal et responsable.

M. Jean-Louis Dumont. C'est la tradition d'ailleurs !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, M. le secrétaire d'État m'a fait savoir qu'il comptait répondre, en prenant le temps nécessaire, à chacune des interventions, ce qui, d'une certaine manière, est la preuve qu'il est à l'écoute du Parlement.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, vous avez remarquablement répondu. C'est peut-être parce que vous avez une expérience du gouvernement que n'a pas encore M. Bonrepaux.

M. le président. Ça viendra !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. D'abord, monsieur Bonrepaux, les parlementaires disposent du « bleu », et l'excellent connaisseur des finances publiques que vous êtes ne peut pas ne pas l'avoir lu. Vous l'avez sûrement déjà annoté, colorié peut-être : vous le connaissez donc.

Par ailleurs, l'expérience que j'ai de cette assemblée où j'ai, comme vous, siégé un certain nombre d'années, m'a conduit à constater, y compris sous le gouvernement précédent, qu'il était de bonne politique de laisser parler la commission, qui explique les choses, d'écouter longuement l'exception d'irrecevabilité, qui sera de plus présentée par un excellent spécialiste, d'écouter les orateurs et de répondre globalement.

M. Didier Migaud. C'est toujours plus facile de répondre globalement !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je pense que c'est un bon moyen, puisque le président de l'Assemblée nationale souhaite que les députés aient du temps et que l'emploi du temps de cette assemblée ne soit pas surchargé, d'organiser intelligemment notre travail, et c'est ce que je me suis permis de proposer au président. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Voyez qu'on vous répond précisément, monsieur Bonrepaux !

M. Jean-Louis Idiart. Le Gouvernement répond mais ne présente rien !

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Je voudrais d'abord m'associer aux propos d'Augustin Bonrepaux. Je m'étonne que nos travaux commencent si mal, alors même que nous allons entamer le marathon budgétaire. Auditionner le ministre chargé de présenter le projet de loi de financement de la sécurité sociale au moment où vous présentez le projet de loi de règlement pour 2003, monsieur le secrétaire d'État, c'est anormal et peu respectueux de la procédure parlementaire.

J'avoue également être surpris que le ministre ne s'exprime pas au début du débat. Certes, nous ne pouvons l'y contraindre, et il semble qu'il se réserve pour la réponse.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Vous allez d'abord m'éclairer !

M. Didier Migaud. Je ne sais si je vais vous éclairer, mais je comprends assez que vous soyez discret sur le bilan de l'année 2003 : peut-être ses résultats vous font-ils honte.

En effet, le projet de loi de règlement permet de prendre acte des résultats de l'exécution des lois de finances relatives à l'année considérée, en l'occurrence l'année 2003. Ce texte est destiné à devenir, à compter du 1er janvier 2005, dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances d'août 2001, un temps plus fort du débat budgétaire. La façon dont nous nous y prenons cette année n'augure pas très bien de l'avenir. Monsieur le rapporteur général, j'espère que nous saurons, tant du côté du Gouvernement que du côté de la commission des finances, changer radicalement nos méthodes pour qu'enfin un projet de loi de règlement soit examiné attentivement par notre commission des finances et par l'Assemblée, dans un autre contexte qu'en présence de députés qui, d'une certaine façon, reconnaissons-le, se moquent éperdument du contenu ce projet de loi de règlement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Au-delà de sa dimension de pur constat, qui entraîne d'ailleurs traditionnellement une absence d'amendements parlementaires, la loi de règlement devrait en effet devenir un véritable « compte rendu de gestion » permettant à la représentation nationale d'évaluer la politique budgétaire, fiscale et économique proposée dans la loi de finances et de confronter les prévisions du Gouvernement, en recettes et dépenses, à la réalité. Et c'est un exercice très intéressant.

Plus largement, elle doit être l'occasion de mettre en jeu, dans le cadre d'un débat, la responsabilité du Gouvernement qui a proposé ce projet de budget et en a assuré l'exécution. La réalité d'une politique budgétaire s'apprécie davantage en effet dans son exécution que dans l'affichage d'un projet de loi de finances initiale.

Nous avions jugé sévèrement le projet de loi de finances pour 2003, dénonçant son insincérité et son irresponsabilité. La loi de règlement vient malheureusement confirmer nos propos de l'époque. Nous ne nous en réjouissons pas : jamais dans aucune loi de finances l'écart entre les prévisions et les intentions et la réalité n'a été aussi grand.

La dégradation sans précédent des comptes publics observée en...

M. Charles de Courson. ...1993 !

M. Didier Migaud. ...2003 ! Vous prenez une année de référence, mais ce gouvernement a malheureusement fait pire.

La dégradation sans précédent des comptes publics observée en 2003, disais-je, est le résultat direct de votre échec pour relancer la croissance et lutter contre le chômage. Il peut être utile d'analyser, dans un premier temps, les causes de cet échec, tant la présentation qui en est faite par la majorité et le Gouvernement s'écarte de la réalité et des déclarations antérieures. J'avoue que je comprends, ayant moi-même exercé ces fonctions, la discrétion du rapporteur général dans son propos liminaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le rapporteur général a dit que la politique du Gouvernement avait été excellente face à l'adversité économique !

M. Didier Migaud. Dans un second temps, je souhaite démontrer à quel point votre gestion de la politique budgétaire, tant au stade de l'élaboration de la loi de finances qu'à celui de son exécution, s'est écartée des règles constitutionnelles. Le principe de sincérité a été ignoré, l'autorisation parlementaire a été vidée de son sens, avec un manque de transparence évident et intentionnel de la part du Gouvernement. Surtout, les réserves du Conseil constitutionnel ont été ignorées. C'est sur ces fondements que repose ma défense de la motion d'irrecevabilité.

La loi de règlement dresse le triste tableau d'une dégradation sans précédent de nos comptes publics, qui reflète l'échec de votre politique économique et sociale. Il ne saurait être une nouvelle fois question de rejeter la faute sur vos prédécesseurs !

La loi de finances pour 2003 a en effet été conçue et exécutée par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, et vous étiez vous-même déjà au gouvernement. Or l'évolution depuis le « solde de tout compte » que représentait à vos yeux l'audit des finances publiques mené à l'été 2002 donne le vertige.

Le bilan est en effet sans appel. La loi de règlement dresse le tableau d'un véritable crash des finances publiques. Il faut rappeler ici quel était le constat dressé par l'audit. Je m'en tiendrai à sa version la plus sombre, à laquelle vous vous étiez bien sûr attachés lors de la publication de l'audit, si besoin en forçant le trait. L'audit prévoyait ainsi un déficit public à la fin 2002 de 2,4 à 2,6 % du PIB, un déficit budgétaire de 3 % du PIB, soit 48,5 milliards d'euros, et des comptes sociaux en quasi-équilibre.

En 2003, le déficit de l'État est porté à 57 milliards d'euros, soit 3,7 % du PIB et une hausse de plus de 15 % depuis l'audit de 2002. Le déficit public, dans son ensemble, atteint le montant, inégalé jusqu'à présent dans l'histoire de nos finances publiques, de 63,2 milliards d'euros, soit l'équivalent de 4,1 % du PIB, en hausse de 60 % par rapport à l'audit. Il faut remonter à la période 1993-1997, où vous étiez déjà aux affaires pour trouver une situation presque aussi « calamiteuse », selon les termes mêmes de M. Alain Juppé à propos du bilan de M. Balladur.

C'est au vu de ces chiffres que la Commission européenne a formellement déclenché la procédure concernant les déficits excessifs contre la France le 2 avril 2003. Le Conseil a adopté une décision en ce sens le 3 juin 2003, reconnaissant l'existence d'un déficit excessif en France. Une nouvelle recommandation a été proposée au Conseil des ministres européens par la Commission européenne le 3 octobre 2003, date avant laquelle la France devait avoir pris des mesures permettant de réduire le déficit sous la barre des 3 % du PIB. Le 25 octobre, le Conseil des ministres de l'économie et des finances donnait une sorte de sursis à la mise en demeure faite à la France et à quelques autres pays.

À cet égard, il faudra que vous nous éclairiez sur le sens des propos du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie selon lesquels c'est parce que notre pays respecte les règles du pacte de stabilité qu'il est capable aujourd'hui d'influer sur sa réforme. Cette appréciation ne manque pas de sel !

La croissance du PIB de 0,5 % au lieu des 2,5 % annoncés a été la plus faible depuis 1993.

Les recettes nettes du budget, qui atteignent 221,6 milliards d'euros, sont en retrait de 10 milliards d'euros par rapport à vos estimations initiales. Près de 7,5 milliards sont imputables aux seules recettes fiscales, qui s'élèvent au total à 239,8 milliards d'euros en 2003. Près de 2 milliards sont liés à de moindres recettes non fiscales, le solde provenant d'une augmentation des prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne.

Les dépenses du budget général atteignent 278,3 milliards d'euros, hors recettes d'ordre relatives à la dette, et 273,8 milliards d'euros hors fond de concours, soit une progression optique de 0,1 % par rapport à 2002.

Quant à la dette publique, dont on nous dit aujourd'hui, notamment vous monsieur le secrétaire d'État, qu'elle représenterait l'indicateur principal de l'état de nos finances publiques, elle est en explosion ! La dette publique atteint en effet 63,7 % du PIB, en progression de cinq points depuis 2002. Au passage, la France s'affranchit du deuxième des critères observés dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance. La dette dépasse ainsi le montant astronomique de 1 000 milliards d'euros. Sur ce plan, vous êtes partis pour battre votre précédent record de la période 1993-1997 ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est votre dette !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est l'héritage !

M. Didier Migaud. La politique suivie en matière de gestion de l'endettement s'écarte d'ailleurs sensiblement des pratiques du précédent gouvernement. En effet, alors que notre pays a dégagé un excédent primaire - c'est-à-dire un solde d'exécution budgétaire positif, avant paiement des charges de la dette - entre 1998 et 2001, permettant de stabiliser puis de réduire la dette publique, le déficit primaire de l'État atteint 19,4 milliards d'euros en 2003 - après 11,2 milliards d'euros en 2002 - cause essentielle de l'explosion de la dette.

Ainsi, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes, si le service net de la dette - charges brutes moins recettes afférentes - représente 16,9 % des recettes nettes du budget général en 2003, soit à peine plus qu'en 1998, c'est du seul fait de la baisse des taux d'intérêt. La Cour observe toutefois que si le taux moyen apparent de la dette de l'État était aujourd'hui au même niveau qu'en 1998, son service net représenterait 21,8 % des recettes nettes. Et elle conclut : « En cas de reprise économique, une remontée des taux est possible. Celle-ci rigidifierait encore plus le budget ».

Que s'est-il donc passé ?

Le rapporteur général nous propose « une vie rêvée du budget 2003 » qui n'a malheureusement pas grand-chose à voir avec la réalité. Si je résume ce qu'il écrit dans son rapport et ce qu'il nous a exposé aujourd'hui, le budget avait été construit sur des hypothèses plausibles, qui auraient été conformes aux prévisions des experts économiques.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est vrai !

M. Didier Migaud. Une erreur - il le reconnaît tout de même - aurait été faite, mais elle aurait été rectifiée puisque le budget pour 2004 repose, lui, sur une hypothèse robuste de 1,7 %.

En 2003, le plafond de dépenses a été respecté à l'euro près, notamment grâce à une régulation budgétaire « musclée ». On ne sait pas très bien si cet adjectif est positif dans votre bouche, monsieur le rapporteur général. Pour ma part, je pense que le Parlement n'a aucune raison de se réjouir de la dégradation de la sincérité budgétaire à laquelle nous assistons désormais de façon systématique depuis juin 2002, et qui conduit à ce que le budget exécuté n'ait plus qu'un lointain rapport avec celui qui avait été voté

Les recettes fiscales ont été stabilisées par rapport à 2002, ce qui implique un fort repli par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. Ce repli serait le fruit de la stratégie budgétaire du Gouvernement et de la majorité consistant d'une part à maîtriser la dépense, d'autre part à ne pas compenser d'éventuelles moins-values de recettes par des économies supplémentaires.

Au total donc, un événement « imprévisible » - la croissance la plus faible depuis 1993 - serait venu dégrader fortement les recettes de l'État, sur lesquelles le Gouvernement n'avait aucune prise. Il se serait dès lors, selon le rapporteur général, contenté de veiller scrupuleusement au respect de la norme de dépenses publiques, restreignant le jeu des stabilisateurs économiques aux seules recettes, et acceptant de facto la dégradation de l'équilibre budgétaire. C'est le budget raconté aux enfants !

En réalité, cette véritable réécriture de l'histoire est en totale contradiction avec la façon dont a été conçu et exécuté le budget pour 2003. Tout ce qui avait été promis lors de l'examen de la loi de finances initiale a, pour une grande part, été remis en cause par la suite.

Il est tout d'abord essentiel de souligner que l'hypothèse de croissance sur laquelle reposait la loi de finances était totalement mensongère. Le Gouvernement a refusé de tenir compte des informations officielles, comme des analyses de l'ensemble des conjoncturistes dont la publication avait été préalable ou parallèle à la présentation du projet de loi de finances pour 2003 en conseil des ministres.

Il faut pourtant rappeler que le report de la présentation avait été justifié par la volonté de tenir compte des derniers chiffres disponibles. Dès le 27 septembre 2002, l'INSEE indiquait une très faible croissance sur le second semestre 2002, qui rendait totalement irréaliste, notamment compte tenu du scénario de croissance présenté par le Gouvernement, l'affichage d'un chiffre de 2,5 % de croissance pour 2003.

Ce mauvais chiffre illustre l'erreur des choix de politique économique du Gouvernement, qui s'est contenté de distribuer des cadeaux fiscaux ciblés aux plus aisés et d'attendre le retour de la croissance mondiale. Le paradoxe, que vient aujourd'hui souligner le rapport du Gouvernement sur le projet de loi de règlement, est que la croissance a effectivement redémarré au niveau mondial, mais que la France n'en a alors pas profité. Les États-Unis ont crû sur un rythme annualisé moyen de 5 % depuis le printemps 2003, l'économie japonaise s'est montrée « particulièrement dynamique, dépassant les 2,5 % de croissance ».

Le Premier ministre, dans son style particulier, avait décrit le chiffre de 2,5 % de croissance en France comme « volontariste », parlant d'une hypothèse « haute mais réaliste », « à la fois une estimation mais aussi un objectif », « pas tout à fait un pronostic, mais assurément une ambition ». Si ce chiffre était un « objectif », alors force est de reconnaître que vous avez manqué la cible, et de beaucoup.

La prévision de recettes dépend très directement de l'estimation de croissance retenue lors de la construction du budget. En cela, il est déjà évident, compte tenu du caractère mensonger de votre prévision de croissance, que vos évaluations ne pouvaient qu'être faussées. À moins de souscrire à une déclaration étonnante du précédent ministre chargé du budget qui, dans un semi-aveu de l'irréalisme des prévisions de croissance, prétendait au contraire, sans doute pour limiter les inquiétudes, que « le taux de croissance n'a finalement pas autant d'importance qu'on veut bien le dire sur les recettes fiscales ni sur les dépenses de l'État » - propos tenus sur France 3 le 15 octobre puis sur LCI le 22 octobre.

Les faits ne semblent pas lui donner raison, c'est le moins que l'on puisse dire ! Pour notre rapporteur général, à l'inverse, le ralentissement de la croissance est le seul élément d'explication de la dégradation du déficit et de l'effondrement des recettes. Là, aussi le raisonnement peut paraître un peu court !

Un second déterminant - fixé de manière discrétionnaire par le Gouvernement - du niveau des ressources inscrit dans le budget doit être pris en compte, qui est le coefficient d'élasticité des recettes fiscales par rapport à la croissance. Nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir lors de l'examen du projet de loi de finances initial pour 2005. Le Gouvernement, contrairement à ses déclarations de prudence, avait retenu à l'origine, comme nous l'avions d'ailleurs signalé, une élasticité très élevée, supérieure au chiffre de 0,8 initialement affiché et proche de l'unité. Il a persévéré dans son erreur lorsqu'il a finalement révisé à la baisse, durant la discussion budgétaire, ses prévisions de recettes. En période de ralentissement conjoncturel, on sait que l'élasticité se rapproche malheureusement de zéro.

Or le Gouvernement a refusé d'en tirer les conséquences. En bonne logique économique, il aurait dû, en même temps qu'il révisait à la baisse ses prévisions de recettes fiscales, réduire le taux d'élasticité retenu.

Finalement, comme nous le rappelle le rapport du Gouvernement, l'élasticité des recettes fiscales à la croissance n'aura été que de 0,2 %, après 0,1 % en 2002, soit bien loin du chiffre de 0,97 % utilisé en réalité dans le projet initial.

Enfin et surtout, vous avez gâché des marges significatives de recettes, et donc accru d'autant le déficit pour faire des cadeaux fiscaux - nous aurons, malheureusement, l'occasion d'y revenir - aux ménages les plus aisés. Le clientélisme est en effet la marque de fabrique de votre gestion des finances publiques, qu'il s'agisse du budget de l'État ou des comptes sociaux. Le Gouvernement et le rapporteur général se gardent bien de rappeler que construire un budget sur le leitmotiv de la baisse des impôts revient à agir très directement sur les recettes fiscales. Dois-je rappeler que le dossier de présentation du projet de loi de finances pour 2003 annonçait des baisses nettes d'impôts de près de 3 milliards d'euros ?

On ne peut pas mettre systématiquement l'accent sur les baisses d'impôts et de charges lors de la présentation du budget et déplorer ensuite une dégradation du déficit imputable aux seules recettes fiscales, et donc à la faible croissance. En d'autres termes, il faut cesser de faire croire que les baisses d'impôts sont gratuites pour le budget de l'État !

Je citerai une nouvelle fois le rapport du Gouvernement, qui rappelle opportunément que si, à législation inchangée, les recettes fiscales nettes progressent de 0,3 % - ce qui est faible -, « l'impact des mesures fiscales votées en 2003 et antérieurement a été de 1,2 milliard d'euros induisant une diminution des recettes fiscales nettes de 0,2 % entre 2002 et 2003 ».

En réalité, vous avez fait alors, dès le projet de loi de finances, le choix d'une dégradation du déficit budgétaire, poursuivant à crédit une politique injuste et inefficace de distribution de cadeaux fiscaux ciblés. Cette politique est celle que vous suivez depuis 2002, à l'inverse des discours que vous teniez auparavant sur la nécessité de baisses d'impôts durables, c'est-à-dire « financées par des réductions de dépenses ». En témoigne d'ailleurs la dégradation du taux de couverture des dépenses par les recettes, qui était resté stable au-dessus de 88 % de 1999 à 2001, et qui s'est effondré en 2002 et 2003 pour atteindre 80 %.

L'analyse de la Cour des comptes, dans son rapport sur l'exécution, est très claire : « En 2003, le produit fiscal, touché par le double effet des mesures d'allègement de la fiscalité et d'une croissance ralentie, a diminué de 0,2 % à 239,8 milliards d'euros, soit 400 millions d'euros de moins qu'en 2002. Il s'agit de la deuxième année de baisse consécutive (...). Les recettes fiscales représentant plus de 85 % des recettes de l'État, cette présentation résume bien les choix budgétaires effectués sur la période récente : redistribution sous forme de baisses d'impôts, à hauteur de 60 % à 70 %, des fortes hausses de recettes dues à la conjoncture porteuse des années 2000 et 2001 ; poursuite des baisses d'impôts en 2002 en l'absence de marges de manœuvre. En 2003, l'absence de marges de manœuvre s'est confirmée, mais les mesures nouvelles ont été plus prudentes ».

L'évolution des dépenses publiques reflète l'absence totale de stratégie économique du Gouvernement et conduit à l'asphyxie des politiques publiques.

Je ne résiste pas, monsieur le président, à citer quelques lignes du rapport de la Cour des comptes, qui est particulièrement intéressant. Il est sévère et j'ai rarement eu l'occasion de lire un rapport aussi sévère sur l'exécution d'un budget.

M. Michel Bouvard. Vous avez la mémoire courte !

M. Didier Migaud. Je me permettrai donc de vous en lire quelques passages. Quand on connaît l'objectivité de la Cour des comptes, on ne peut qu'être interpellé par le constat que dresse cette institution.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. M. Migaud a une mémoire sélective !

M. Didier Migaud. Pour ce qui est des dépenses, je l'ai déjà dit, vous répétez comme un leitmotiv qu'elles sont « tenues ».

M. Gilles Carrez, rapporteur général, M. Philippe Rouault. Eh oui !

M. Didier Migaud. Peut-être devriez-vous substituer à ce terme celui de « ténues », tant vous pratiquez l'asphyxie des budgets publics.

Il faut noter une nouvelle fois, avec la Cour des comptes, que cette prétention n'est pas tout à fait conforme à la réalité. En, effet, la Cour relève notamment la persistance de problèmes de lisibilité dans la présentation des dépenses, le périmètre de ces dernières connaissant d'importantes modifications - par exemple des transferts très significatifs entre le budget de l'État et l'assurance maladie. Ces transferts viennent remanier le périmètre des responsabilités de l'État de façon peu transparente et la Cour des comptes cite à cet égard plusieurs exemples.

M. Michel Bouvard. Et le FOREC ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Qui a inventé le FOREC ?

M. Hervé Mariton. Il n'a pas été inventé en 2003 !

M. le président. Monsieur Migaud, vous avez la parole.

M. Didier Migaud. Mes chers collègues, il n'est pas difficile de prétendre respecter un plafond de dépenses quand vous changez en permanence son périmètre. Je le répète : ce n'est pas nous qui le disons, mais la Cour des comptes.

Mais à quoi bon serrer la vis aux ministères dépensiers, au risque d'une véritable paupérisation de l'État, si dans le même temps vous laissez dériver sans aucun contrôle les dépenses d'assurance maladie, pour le plus grand bénéfice de quelques professions de santé ? Je regrette vivement, d'ailleurs, de ne pas participer à l'audition du ministre de la santé.

M. Philippe Rouault. Quelles réformes avez-vous faites ?

M. Didier Migaud. Tous secteurs confondus, la progression de l'ensemble des dépenses publiques dépasse 2 % en volume ! La vérité est que, contrairement à ce que vous dites, vous ne maîtrisez en rien les dépenses publiques, dont la part dans la richesse nationale connaît à nouveau une forte croissance depuis 2002. Vous vous contentez de serrer les dépenses de l'État, au point de compromettre son bon fonctionnement.

Vous présentez cet exploit comme le résultat d'une politique rigoureuse visant au respect de l'autorisation parlementaire, et donc des engagements pris. En y regardant de plus près, on constate qu'il n'en est rien !

Tout d'abord, c'est l'ensemble des programmes d'action des ministères qui a été remis en cause durant l'exécution du budget 2003. Nous en sommes très inquiets et attendons avec impatience le rapport de M. Augustin Bonrepaux sur le respect des engagements de l'État. Loin d'avoir, comme vous le dites, choisi de laisser jouer les stabilisateurs automatiques face à une dégradation de la conjoncture que vous prétendez imprévisible, vous avez, en réalité, pratiqué une politique de rigueur drastique pour comprimer les seules dépenses de l'État.

La politique de régulation budgétaire massive - « musclée », dirait notre rapporteur général - a eu des effets d'autant plus néfastes que de nombreuses dépenses, notamment en matière sociale, avaient été sous-évaluées en loi de finances initiale.

Cette régulation a pris la forme, je le rappelle, d'un gel de 4 milliards d'euros de crédits dès février 2003, auquel s'est ajouté un nouveau gel, portant cette fois sur les crédits de report, pour un montant de 6,7 milliards d'euros, en avril 2003. Loin de constituer la « réserve de précaution et d'innovation » annoncée par le Gouvernement, ces gels se sont en réalité traduits, comme nous l'avions annoncé et malgré vos dénégations, par des annulations pures et simples des crédits : 1,4 milliard d'euros en mars 2003, 1 milliard en octobre 2003 et 1,8 milliard d'euros dans le collectif de fin d'année.

Le précédent Premier président de la Cour des comptes, M. François Logerot, a eu l'occasion de rappeler devant la commission des finances de notre assemblée le cas des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les CROSS, qui ont dû, pour assurer leurs interventions d'urgence, recourir aux stocks de carburant du ministère de la défense (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), pour rappeler que cette régulation avait pu avoir des effets directs sur les politiques publiques concernées.

Le rapport de la Cour des comptes est d'ailleurs sans équivoque sur le fait que la régulation appliquée en 2003 a dégradé l'activité de certains services et le déroulement de certains programmes. Il souligne notamment le cas du secteur social, pour lequel les insuffisances constatées ont rendu impossible l'exécution des programmes de santé publique pour lesquels des crédits avaient été votés dans le domaine de l'environnement ; je pense notamment à la qualité de l'eau, aux pesticides, au mercure dans les départements d'outre-mer ou au saturnisme.

De même, le gel de crédits de la prime d'aménagement du territoire, qui a porté sur 71 % des crédits ouverts en loi de finances initiale et 98 % des crédits disponibles, s'est traduit par le blocage complet du dispositif. Comme le soulignait le président Logerot, « aucune des décisions prises par le comité interministériel d'aide à la localisation des activités n'a pu être financée en 2003 ». Là aussi, nous avons souhaité des missions d'information, voire des commissions d'enquête, et nous attendons avec impatience le résultat de ces démarches.

Cet exemple souligne à lui seul l'un des principaux reproches que l'on peut adresser à un gouvernement qui multiplie les effets d'annonce et les plans de communication à l'appui de mesures nouvelles, sans assurer les moyens de mettre en œuvre ces dernières. Et même si l'une de ces annonces est effectivement financée, c'est au prix de redéploiements qui viennent réduire à néant d'autres politiques pourtant présentées, peu de temps auparavant, comme tout aussi prioritaires et urgentes !

Cette attitude perdure, puisque vous venez d'annoncer, monsieur le ministre, un grand plan de cohésion sociale, aux objectifs certes louables, mais qui a toutes les chances de se heurter, le moment venu, aux contraintes d'une régulation budgétaire « musclée ». Vous êtes en vérité passés maîtres en matière d'effets d'annonce non suivis d'effet et vous perdez, selon nous, toute votre crédibilité aux yeux de l'opinion publique.

La Cour des comptes conclut également que « la pratique de la régulation - du fait notamment de l'incertitude dans laquelle sont maintenus les services ministériels - les amène à adopter un mode de gestion dégradé, voire irrégulier : priorité donnée aux actions nouvelles au détriment des dépenses obligatoires ou récurrentes ; allongement des délais de règlement des factures ; entorses aux procédures d'engagement des crédits et de passation des marchés publics - ce n'est pas moi qui parle, mais toujours la Cour des comptes ! -, réalisation de dépenses hors de toute programmation cohérente ou dans l'urgence. À titre d'illustration, un tiers des dépenses effectuées sur le fascicule de la ville l'ont été en novembre et décembre et la moitié des opérations relevant des services déconcentrés de la section urbanisme et logement ont été engagées au cours de la dernière quinzaine utile de l'exercice budgétaire ».

Les investissements de l'État ont également été touchés par la régulation budgétaire, qui a joué non seulement sur le niveau des crédits de paiement et leur disponibilité dans le temps, mais également sur les autorisations de programme, ce qui a une incidence directe sur le rythme des engagements prévus par les contrats de plan État-régions.

Il faut enfin noter que cette pratique remet aussi en cause les relations financières entre l'État et ses fournisseurs. Alors que la majorité est toujours prompte à dénoncer l'incurie de l'État en la matière, il me semble que vous devriez vous inquiéter de cette dérive au lieu de vous féliciter des mesures de régulation. Comme le rappelle une nouvelle fois la Cour de comptes, ces reports de charges « ont conduit à des impayés de l'État à l'égard de ses créanciers, appelés à supporter la charge en trésorerie de ces retards. De nombreuses situations de ce type ont été identifiées. Il en résulte une dégradation de la situation nette de l'État à l'égard d'un certain nombre de ses partenaires, identifiable dans la presque totalité des ministères ». On comprend, monsieur le ministre, que vous soyez discret sur l'exécution de ce budget.

Votre stratégie économique n'a pas eu les effets que vous escomptiez. Les baisses d'impôt ciblées n'ont pas non plus soutenu l'activité, ni relancé l'emploi.

La loi de finances pour 2003, contrairement à la présentation que vous en faites aujourd'hui, avait - comme c'est aussi le cas aujourd'hui pour le projet de loi de finances pour 2005 - comme objectif prétendu le soutien au pouvoir d'achat des ménages et à la consommation, avec des mesures de baisses d'impôts.

Comme nous l'avions largement souligné à l'époque, les baisses d'impôts ciblées sur les ménages les plus aisés n'ont eu en fait aucun impact sur la demande intérieure et la croissance...

M. Philippe Rouault. C'est vous qui le dites !

M. Didier Migaud. Mais non ! Ce sont vos propres documents qui le montrent. C'est ce que montrent les performances économiques très médiocres de 2003.

Qu'il s'agisse de la baisse de 3 % de l'impôt sur le revenu, qui s'adresse à la moitié la plus aisée des ménages, ou du relèvement du plafond de prise en compte des dépenses liées à l'emploi d'un salarié à domicile, qui ne visait alors que 70 000 familles très aisées, aucune de ces mesures ne représentait un réel soutien pour les ménages les plus nombreux. Elles ont conduit au contraire à une hausse sans précédent du taux d'épargne des ménages. Vous avez beau jeu de souligner, dans votre présentation du projet de budget pour 2005, que l'un des problèmes de la France est que l'État est trop endetté et les ménages pas assez. Mais les mesures prises par le Gouvernement depuis 2002 ont précisément accentué ce phénomène comme jamais auparavant.

La Cour des comptes nous apporte une nouvelle fois des informations très intéressantes. Elle rappelle notamment que la proportion de foyers imposables n'a pas évolué de manière significative et que l'impôt sur le revenu est toujours aussi concentré : environ 1,4 million de foyers qui paient plus de 6 000 euros d'impôt par an acquittent 56 % des recettes collectées. La Cour souligne à cet égard que « corrélativement, la réduction de 1 % des tranches du barème, d'un coût estimé à environ 600 millions d'euros, a bénéficié pour 56 % à ces mêmes foyers, qui représentent 4,5 % des contribuables. » On comprend en effet que ces mesures n'aient pas eu beaucoup d'impact.

À l'inverse, le refus d'abonder d'une manière significative la prime pour l'emploi, qui concernait plus de 8,5 millions de personnes, montrait clairement ce qu'étaient vos priorités en matière sociale. Les effets de ce refus se sont combinés avec votre échec sur le plan de la politique de l'emploi et ont amplifié très largement les effets d'une conjoncture dégradée. J'ajouterai enfin, sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur et à propos duquel nous avons eu tout à l'heure un échange au cours de la séance de questions d'actualité, les effets de la suppression - dans un premier temps illégale, faut-il le rappeler ? - du mécanisme de « TIPP flottante », dont le rapport du Gouvernement montre qu'elle a conduit à un prélèvement supplémentaire supérieur à 700 millions d'euros sur l'ensemble des ménages, et notamment les plus modestes. Au total, il n'est guère surprenant que le taux de prélèvement obligatoire, malgré les baisses d'impôts que vous aviez annoncées, soit resté stable à 43,8 % du PIB.

La consommation des ménages, dernier moteur de la croissance, a en réalité décéléré, du fait notamment, comme le souligne le rapport, d'une stagnation du pouvoir d'achat, dont l'évolution est ramenée de 2,3 % en 2002 à 0,3 % seulement en 2003.

Pour la première fois depuis 1993, année à laquelle vous vous référez souvent, l'emploi salarié a reculé, notamment dans le secteur industriel. Le nombre d'entreprises affiliées à l'assurance chômage, qui est un bon indicateur du nombre d'entreprises créées ou détruites dans notre pays, a diminué, ce qui n'était pas arrivé depuis 1968 ! Sur ce point, le bilan de 1993 est complètement dépassé. Les entreprises de très petite taille sont les plus touchées. C'est socialement d'autant plus inquiétant que les très petites entreprises sont souvent créées par des chômeurs, poussés dans cette voie par votre politique sociale désastreuse et par vos slogans sur la création d'entreprises. 230 000 chômeurs supplémentaires ont été enregistrés, soit une hausse de 0,8 % en un an ; 2 640 000 personnes ont été touchées par le chômage en moyenne sur l'année, représentant 9,7 % de la population active ; la croissance économique a été la plus faible depuis 1993, seulement 0,5 %. On pourrait continuer à égrener les tristes records de votre gestion en cette année 2003 et je comprends votre discrétion.

Une fois dressé ce désastreux bilan, je tiens à m'intéresser plus directement aux conditions dans lesquelles a été conçu et exécuté le budget au regard des normes constitutionnelles et des observations formulées par le Conseil constitutionnel et la Cour des comptes.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je vous rappelle que vous défendez une exception d'irrecevabilité, monsieur Migaud.

M. Didier Migaud. En effet monsieur le secrétaire d'État, et c'est bien pourquoi je fais référence à ces deux autorités juridictionnelles.

S'il ne contient bien sûr aucune disposition directement contraire à la Constitution, ce projet de loi de règlement permet de mieux mesurer les écarts que s'est permis le Gouvernement à l'égard de normes qui sont pourtant de valeur constitutionnelle.

Ce texte met tout d'abord en lumière l'insincérité patente de la loi de finances initiale. J'ai déjà indiqué l'impact qu'a eu la prévision de croissance mensongère sur la situation des comptes publics.

J'en viens maintenant à la question de la constitutionnalité de la loi de finances. Le Conseil constitutionnel a rappelé, dans sa décision du 29 décembre 1994 relative à la loi de finances pour 1995, l'obligation pour le Gouvernement de respecter le principe de sincérité budgétaire, donc d'informer pleinement et entièrement le Parlement sur l'état de nos finances publiques. La loi organique relative aux lois de finances dispose, en son article 32 : « Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'État. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler. » Cet article vise donc à renforcer la portée du principe de sincérité et à en préciser les conditions d'appréciation. Il s'agit d'un principe fondamental de notre droit budgétaire, qui implique que l'évaluation des charges et des ressources de l'État inscrite dans les lois de finances soit réalisée avec bonne foi et aussi correctement que possible, « compte tenu des informations disponibles ». Le Conseil constitutionnel a eu, dans sa décision du 25 juillet 2001, l'occasion de préciser le sens à donner au principe de sincérité des lois de finances : « La sincérité se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre déterminé par la loi de finances. » Le choix du Gouvernement de ne pas tenir compte d'un certain nombre d'informations disponibles lors de la présentation de la loi de finances initiale traduit à nos yeux sa volonté de fausser les grandes lignes de l'équilibre budgétaire.

Plus grave encore, le Gouvernement s'est clairement écarté, au cours de l'exécution du budget, de la forte réserve émise par le Conseil constitutionnel lors de l'examen de la constitutionnalité de la loi de finances initiale. Celui-ci avait exprimé une exigence forte à l'égard du Gouvernement dans sa décision du 27 décembre 2002 : « Considérant, cependant, que si, au cours de l'exercice 2003, les grandes lignes de l'équilibre de la loi de finances s'écartaient sensiblement des prévisions, il appartiendrait au Gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative »...

Le fait que les grandes lignes de l'équilibre de la loi de finances se soient sensiblement - et très tôt - écartées des prévisions n'aura échappé à personne. Pourtant, le Gouvernement a choisi à l'évidence de ne pas satisfaire à l'exigence du Conseil constitutionnel, en se contentant de déposer un traditionnel collectif de fin d'année.

De plus, la pratique de la régulation budgétaire à travers des mesures de gel et d'annulation de crédits a subi un infléchissement regrettable qui méconnaît les textes constitutionnels et organiques.

Le recours à des dispositions administratives ou réglementaires dérogeant, dans les limites fixées par les textes, au budget voté est traditionnel et légitime. Je ne remets pas en cause la capacité du Gouvernement à faire de la régulation budgétaire. Il est dans son droit lorsqu'il rappelle que les crédits inscrits en loi de finances constituent des plafonds et qu'il lui appartient d'adapter le rythme des dépenses de l'État pour tenir compte de la situation de l'économie, de l'évolution des équilibres budgétaires et des engagements internationaux de la France.

Ce n'est pourtant pas cette pratique qui a été mise en œuvre dans le cadre de l'exécution du budget 2003. En effet, dès la présentation du budget, c'est-à-dire sans aucune indication précise sur la situation de l'économie en 2003 - à moins d'admettre que l'hypothèse de croissance qu'il continuait à défendre à l'époque n'avait aucun sens -, le Gouvernement a annoncé au Parlement son intention de constituer une réserve « de précaution et d'innovation », c'est-à-dire de procéder à un gel de crédits sans en préciser l'ampleur et encore moins la ventilation entre les différents ministères. Cette annonce a été faite dès le 15 octobre 2002, et confirmée plusieurs fois aussi bien par le ministre du budget que par le ministre de l'économie et des finances. De cette manière, le gouvernement remettait largement en cause la sincérité de la présentation du volet « dépenses » du budget. En effet, les autorisations de dépenses effectivement allouées aux ministres sont, du fait d'un gel a posteriori, sans rapport réel avec celles ouvertes par les votes du Parlement, puisqu'une partie des crédits a été gelée dès le début de l'année 2003.

Je citerai le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Pierre Méhaignerie, qui semblait avoir pris conscience des dangers liés à cette pratique lorsqu'il déclarait le 15 novembre 2002 : « Il n'est pas tenable, à l'heure où nous discutons et votons le budget, de devoir s'attendre à ce qu'un gel, voire une annulation de crédits, intervienne dans quelques semaines. Certes, la situation n'est pas nouvelle, Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, l'a rappelé. Tous les gouvernements ont eu recours à cette pratique, avec plus ou moins de bonheur. Mais je souhaiterais vraiment intégrer au budget un fonds d'action conjoncturelle. Certes, certains ministres n'auraient plus alors la possibilité de présenter un budget en hausse. Mais nous faisons tout de même preuve d'une certaine hypocrisie qui, il faut le reconnaître, réduit vraiment l'intensité et la qualité du débat budgétaire. Ce qui était vrai hier l'est tout autant aujourd'hui. » Quelle lucidité de la part du président de la commission des finances ! Quel dommage qu'il n'ait pas convaincu le Gouvernement de renoncer à cette pratique !

Je n'émets qu'une seule réserve devant ce réquisitoire du président de la commission des finances : la régulation budgétaire est traditionnelle lorsqu'elle vise à faire face à un aléa conjoncturel apparaissant en cours d'année et susceptible d'écarter l'exécution budgétaire de l'objectif de déficit fixé à l'article d'équilibre voté par le Parlement. Mais, en 2003, le dispositif n'a été mis en place que pour faire face aux conséquences de l'insincérité manifeste de l'hypothèse de croissance retenue.

Cette loi de règlement doit être l'occasion d'un débat sérieux sur ce point qui engage nos pratiques budgétaires pour l'avenir. Nous sommes persuadés que la pratique consistant à opérer un décalage systématique entre le niveau des dépenses soumis au vote du Parlement et le niveau des dépenses effectivement envisagées et concrètement engagées par le Gouvernement ne doit pas devenir le mode normal d'évaluation et de présentation des dépenses de l'État.

L'article 14 de la loi organique prévoit qu'afin de prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire, un crédit peut être annulé par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances, mais que le montant cumulé des crédits ainsi annulés ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par la loi de finances. Certes, le gouvernement précédent avait proposé des gels se montant à 1,45 %, juste en deçà de la limite fixée. La forme a donc été respectée, mais chacun voit bien l'ampleur du détournement de procédure du Gouvernement lorsqu'il recourt à ces mesures de régulation. Comme l'avait reconnu le Premier président de la Cour des comptes dans une interview au Figaro le 4 novembre 2002 : « Il est paradoxal de faire voter aux parlementaires un plafond de dépenses en annonçant quelques semaines plus tard qu'il n'est qu'indicatif. » La sincérité et la lisibilité de la loi de finances n'en sortent pas, loin s'en faut, renforcées.

Respecter le principe de sincérité, ce n'est pas uniquement annoncer au Parlement ce que risque d'être l'exécution de la loi de finances, c'est inscrire dans le projet de loi initial l'ensemble des ressources et des charges de l'État, compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent en découler. Autrement dit, la sincérité consiste à traduire le plus objectivement possible, dans le projet de loi soumis au vote du Parlement, la réalité budgétaire de l'année à venir, et non pas à se contenter d'annoncer au préalable que la réalité pourrait différer sensiblement des sommes effectivement soumises au vote. La sincérité ce n'est pas seulement dire la vérité, monsieur le ministre, c'est l'inscrire dans la loi pour que le Parlement soit en mesure à son tour d'exprimer un vote sincère. Cela rend quelque peu ubuesque le débat sur le projet de loi organique du ministre d'État relatif à l'affectation des surplus de recettes.

La Cour des comptes reprend aujourd'hui quasiment mot pour mot notre argumentation et souligne rétrospectivement l'ampleur de l'insincérité du budget pour 2003. Je la cite une nouvelle fois : « Toutefois, la situation qui justifie ces mesures doit être suffisamment imprévisible pour que les dotations de crédits n'aient pas pu être établies de manière réaliste dès la loi de finances initiale. Or ce n'est qu'exceptionnellement le cas, et les conditions dans lesquelles sont désormais mises en œuvre les mesures de régulation, auxquelles il est systématiquement recouru comme de simples outils de gestion, sont contestables au regard de l'autorisation budgétaire, dont la signification s'en trouve singulièrement réduite. » Je trouve regrettable que cela trouble des magistrats de la Cour des comptes, mais aucun député ni aucun sénateur de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) La Cour ajoute : « En particulier, la fixation d'objectifs de reports - de surcroît dès le début de la gestion -, le gel des crédits reportés - parfois au-delà du terme de l'exercice budgétaire -, le report et/ou l'annulation pure et simple des dotations ouvertes en loi de finances rectificative sont - compte tenu notamment des montants en cause - difficilement compatibles avec les exigences de juste évaluation de la dépense et d'annualité du budget posées par le texte organique. » Elle ajoute : « Dès lors qu'elle ne constitue pas une réponse à une situation imprévisible, la régulation budgétaire altère significativement l'autorisation parlementaire. » On ne saurait mieux dire. Il est tout de même dommage que ce ne soient pas des parlementaires de la majorité qui le disent.

M. Jean-Louis Dumont et M. René Dosière. Très juste !

M. Didier Migaud. Le bilan des sévères entorses aux règles constitutionnelles durant l'exécution 2003, et surtout de l'échec de la politique économique et fiscale du Gouvernement, est d'autant plus alarmant que ce sont les mêmes orientations, si l'on peut dire, qui inspirent le budget pour 2005 dont nous allons entamer l'examen dans quelques jours. Le calendrier d'examen de la loi de règlement a été justement fixé, dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances et en conformité avec la pratique instituée sous la précédente majorité, pour permettre qu'un jugement rétrospectif sur un budget exécuté soit porté préalablement à l'examen du budget pour l'année suivante. Cette règle montre clairement que le but est notamment de s'inspirer du bilan fait à l'occasion de la loi de règlement pour analyser le budget à venir.

Or que constatons-nous ?

Le budget pour 2005, en dehors, il faut le reconnaître, d'une campagne de communication sûrement mieux conduite que les années précédentes, ne dévie en rien de la voie suivie depuis 2002. Il accentue au contraire les erreurs commises, en concentrant encore plus les cadeaux fiscaux sur les ménages les plus favorisés et en augmentant une nouvelle fois les prélèvements sur les plus modestes, pour financer une part du dérapage incontrôlé des dépenses de santé.

Je note d'ailleurs que la baisse générale de l'impôt sur le revenu que vous préconisiez, malgré nos avertissements, avec seulement 1,2 % et 0,5 % de croissance, est cette année abandonnée alors que la croissance serait nettement supérieure, 2,5 % ; au profit de qui, une fois de plus ? Au profit de ceux qui recevront quelques cadeaux fiscaux encore plus concentrés que les années précédentes !

À l'inverse, contrairement à ce qu'a affirmé le ministre de l'économie et des finances avec l'aplomb qu'on lui connaît, les prélèvements augmenteront bien, et fortement, pour les ménages moyens et modestes. Je ne prendrai qu'un exemple, mais ils sont légion. Songez que la seule mesure d'« assiette » portant sur la CSG et sur la CRDS décidée cet été dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie - et qui consiste en une diminution de la réduction représentative de frais professionnels de 5 % à 3 % - représente une ponction de plus de 1 milliard d'euros sur les ménages, imposables ou non à l'impôt sur le revenu ! C'est plus que la totalité des allégements fiscaux concédés aux plus aisés dans ce budget, puisque 885 millions d'euros sont consacrés aux baisses d'impôt ciblées en direction des ménages, selon votre propre dossier de présentation du budget !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Il ne fallait pas nous laisser la sécurité sociale dans un tel état !

M. Didier Migaud. Bien sûr, vous nous dites en substance : « C'est pas nous, c'est l'autre ! », en l'occurrence M. Douste-Blazy.

M. Philippe Rouault. Il faut le reconnaître !

M. Didier Migaud. Vous savez, lorsque les Français paient des impôts et des taxes supplémentaires, peu leur importe de savoir si cela est dû à des décisions de M. Sarkozy ou de M. Douste-Blazy. Il n'y a que le résultat qui compte et, en l'occurrence, ils constatent que les contributions qui leur sont demandées augmentent.

Le budget multiplie une nouvelle fois les artifices de présentation pour à tout prix « tenir la dépense » et faire mine de respecter, pour la première fois depuis que Jean-Pierre Raffarin est Premier ministre, nos engagements européens. À cet égard, rien ne nous est épargné : transformation du prêt à taux zéro en crédit d'impôt, permettant de réduire les dépenses en affichage et de les repousser à beaucoup plus tard ; prise en compte des 7 milliards d'euros de la soulte d'EDF sans lesquels nous ne respecterions toujours pas nos engagements européens, en repoussant à plus tard et sur d'autres le soin de financer les dépenses liées aux retraites des agents.

Quant à la réduction du déficit, que vous avez présentée, ce sont vos propres termes, comme la plus importante jamais réalisée dans notre histoire budgétaire, non seulement elle est inférieure à celle d'autres périodes de réduction - 1988-1990 ou 1997-2000 -, mais encore elle n'est même pas à la mesure de la dégradation observée en 2003. Il est d'ailleurs assez intéressant de voir à quel point le ministre jongle entre les notions de déficit du budget et de déficit des comptes publics, afin de faire en sorte que le citoyen, pas toujours avisé, pas toujours au fait de ces distinctions de vocabulaire, ne puisse pas s'y retrouver.

Le sentiment général, alimenté sans doute par ce premier bilan de votre action que constitue la loi de règlement, est que si l'illusion budgétaire se poursuit, les ficelles sont de plus en plus grosses. Il faut dire que, nous quittant dans quelques semaines, le ministre de l'économie et des finances n'aura pas l'occasion d'être présent lorsque viendra l'heure de rendre des comptes sur l'exécution du budget qu'il nous présentera très bientôt. De la même manière, d'ailleurs, le ministre qui avait proposé et défendu le budget pour 2003 n'est pas présent aujourd'hui. Le Gouvernement et la majorité n'en sont pas moins directement responsables du crash des finances publiques, de l'échec social et économique que nous constatons aujourd'hui.

Avant de conclure, je souhaite évoquer deux questions qui méritent d'être posées au vu du bilan calamiteux - je crois que l'on peut reprendre ce mot de M. Juppé - présenté par la loi de règlement.

La première tient aux règles institutionnelles de pilotage et de contrôle de la politique économique et budgétaire. Comme nous avions eu l'occasion de le noter lors de l'examen de la proposition de résolution visant à la création d'une commission d'enquête sur la dégradation des comptes publics, nous sommes en face d'une double carence en matière de contrôle : la majorité parlementaire s'y refuse souvent ; l'opposition, elle, en est empêchée.

Cette carence est choquante sur un plan démocratique car elle ne joue que dans une certaine configuration politique : celle qui prévaut lorsque la gauche est minoritaire à l'Assemblée nationale.

En effet, même si l'on peut se réjouir de l'élection de dix-huit nouveaux sénateurs socialistes, force est de constater le caractère relativement immuable du Sénat, dont le mode d'élection est excessivement favorable à la droite parlementaire.

M. Hervé Mariton. Quel rapport avec la loi de règlement ?

Mme Chantal Bourragué. On se le demande !

M. Didier Migaud. Bien sûr, le Premier ministre éprouve beaucoup de sympathie pour le Sénat,...

M. Philippe Rouault. Encore une fois, quel est le rapport avec le sujet ?

M. Didier Migaud. Mais je n'ai pas quitté le sujet, cher collègue. Laissez-moi seulement finir mon raisonnement.

On comprend, disais-je, la sympathie que peut avoir le Premier ministre pour le Sénat. On comprend que le vote de 591 grands électeurs dans son département le dope en lui donnant le sentiment que l'opinion lui a renouvelé sa confiance. Quand on met en regard ces 591 grands électeurs de la Haute-Vienne...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. De la Vienne, monsieur Migaud ! Il faut connaître sa géographie !

M. Didier Migaud. ...de la Vienne, pardon, et les millions de Français qui ont sanctionné le Gouvernement à l'occasion des dernières élections, on peut comprendre que le Premier ministre se sente revigoré.

M. Jean-Jacques Descamps. On touche le fond...

M. Didier Migaud. Mais ce n'est pas tout à fait mon sujet.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Merci de le reconnaître !

M. Didier Migaud. Ce que je veux dire, c'est que la gauche parlementaire, lorsqu'elle est minoritaire à l'Assemblée nationale, se retrouve totalement privée des pouvoirs de contrôle mentionnés dans le texte de la loi organique relative aux lois de finances. À l'inverse, lorsque c'est la droite parlementaire qui est minoritaire à l'Assemblée nationale, compte tenu du caractère immuable de la Haute assemblée, compte tenu que, quoi qu'il se passe, des personnalités comme Jean-Pierre Raffarin peuvent s'y faire réélire sans aucune difficulté, elle conserve la majorité au Sénat et les pouvoirs d'investigation et de contrôle afférents.

Le groupe socialiste a proposé une solution pragmatique pour remédier à ce qu'il faut bien appeler un « bogue démocratique ». Personne, ni à gauche ni à droite, n'a fait d'objection de fond à cette proposition et je souhaite vous la soumettre à nouveau aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État. Nous suggérons de donner à un membre de l'opposition à l'Assemblée nationale, selon des modalités à déterminer, les pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place dont disposent aujourd'hui les présidents et rapporteurs généraux de nos commissions des finances. C'est, à mon avis, la seule façon d'assurer un véritable contrôle démocratique sur les finances publiques lorsque la gauche est minoritaire à l'Assemblée nationale.

Je le rappelle, nous sommes sans doute le seul pays démocratique où l'opposition n'a pas ces pouvoirs de contrôle et d'investigation. Vous parlez beaucoup des pouvoirs du Parlement, mais vous contribuez, d'une certaine façon, à faire en sorte que l'opposition ne puisse pas bénéficier de toutes les capacités de contrôle dont elle devrait disposer.

Une telle évolution supposerait une réforme de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances, réforme qui pourrait d'ailleurs intervenir plus rapidement que prévu puisque vous avez proposé ce matin, semble-t-il, monsieur le secrétaire d'État, une modification de ce texte en conseil des ministres.

La seconde question concerne justement votre projet de loi modifiant la loi organique relative aux lois de finances afin de prévoir une règle d'affectation de tout surplus éventuel de recettes par rapport aux prévisions.

Nous avions eu l'occasion de critiquer le caractère rigide et automatique de votre projet proposant de fixer une règle organique prévoyant, à l'époque, l'affectation stricte à la réduction de la dette de la moitié au moins de tout surplus éventuel de recettes par rapport aux prévisions. D'après ce que nous lisons dans la presse, mais peut-être pourrez-vous être plus explicite, monsieur le secrétaire d'État, le Conseil d'État semble avoir donné droit à nos critiques en estimant inconstitutionnelle votre proposition de contraindre l'exécutif à une affectation automatique des surplus à la maîtrise de la dette, que cette affectation concerne une part définie de façon précise ou de façon plus large comme prépondérante. J'ai cru comprendre qu'il nous sera finalement proposé une rédaction prévoyant que « la loi de finances arrête les principes selon lesquels seront utilisés les éventuels surplus par rapport aux évaluations ». Un tel libellé démontre le caractère de pur affichage de votre proposition. Là encore, il s'agit de faire un peu de bruit, ou un peu de mousse.

Je voudrais tout d'abord attirer l'attention de mes collègues sur le fait qu'actuellement, en exécution, et si rien n'est fait, c'est la totalité des surplus de recettes qui va automatiquement à la réduction du déficit et donc de la dette. Paradoxalement, c'est donc votre disposition qui ferait naître le débat préalable lors de l'examen du projet de loi de finances et ouvrirait, si l'on peut dire, la boîte de Pandore des revendications diverses. Notre rapporteur général, Gilles Carrez, le souligne d'ailleurs avec beaucoup de candeur lorsqu'il avance que l'existence d'une telle disposition en 1999 « aurait évité à Dominique Strauss-Kahn de se trouver pris à contre-pied par Jacques Chirac ».

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce n'est pas de la candeur, c'est de la lucidité !

M. Didier Migaud. Car sur quoi portait le débat autour de ce qui est resté dans les mémoires sous le nom de « cagnotte » ? Justement sur le fait qu'à l'époque, le ministère des finances, constatant des surplus de recettes liés à l'accélération de la croissance, n'avait pas, selon Jacques Chirac, songé à « rendre l'argent aux Français » mais plutôt à l'affecter totalement à la réduction du déficit !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il l'a affecté aux 35 heures !

M. Didier Migaud. Gilles Carrez veut-il dire qu'il aurait, avec l'opposition de l'époque, soutenu une telle proposition si elle avait été faite dans le projet de budget pour 1999 ? Au vu de ses déclarations de l'époque, que j'ai pris le soin de relire, j'en doute fort. C'est même le contraire.

Il est utile de rappeler que, malgré les cris poussés à l'époque par la droite, le Gouvernement avait tenu la barre et affecté, en 1999, 82 % de la prétendue « cagnotte » à la réduction du déficit. C'est dire l'hypocrisie de la démarche du Président de la République, qui avait été soutenu par l'opposition d'alors.

Pourquoi le Gouvernement avait-il gardé le cap à l'époque ? Parce que l'objectif de pilotage des finances publiques portait sur l'équilibre du solde primaire, à partir duquel il devient effectivement possible de faire reculer le poids de la dette publique dans le PIB. Cet objectif devrait d'ailleurs rassembler tout le monde. Car il est vrai qu'il faut toujours savoir gérer de façon raisonnable en s'appuyant sur un certain nombre de références.

Jusqu'en 1999, l'accent a donc été mis sur l'assainissement de nos finances publiques afin d'atteindre le fameux solde primaire d'équilibre pour stabiliser l'encours de la dette publique puis faire baisser le poids de la dette dans le PIB. Grâce à cette stratégie, l'équilibre du solde primaire a pu être atteint dès 1999, contrairement à ce que vous dites aujourd'hui, permettant à compter de cette année une réduction du poids de la dette publique dans le PIB, pour la première fois depuis vingt ans.

Cela a été possible notamment grâce à l'affectation au désendettement de la quasi-totalité des surplus de recettes tirés de la croissance en 1999, et malgré la pression peu responsable, démagogique, du Président de la République pour que soit « rendue aux Français » la prétendue « cagnotte ». Les recettes fiscales supplémentaires constatées en 1999 en exécution par rapport à la prévision, qui concernaient principalement l'impôt sur les sociétés, portant sur un total de 3,4 milliards d'euros, auront été affectées à hauteur de 82 %, je le répète, au désendettement et à la réduction du déficit, soit largement plus que la proportion de deux tiers aujourd'hui proposée comme symbole d'une gestion responsable par le ministre d'État, ministre de l'économie et des finances.

Cette stratégie de pilotage des finances publiques et de gestion des excédents de recettes fiscales est la seule, selon nous, qui garantisse la maîtrise des finances publiques. D'ailleurs, je constate que vous nous parliez beaucoup, l'année dernière, de solde primaire, de solde structurel, et que cette année vous n'en parlez plus. C'est que les chiffres ne sont pas très bons pour vous : mieux vaut ne pas trop y faire référence.

Ce n'est pas la pseudo-règle proposée aujourd'hui qui pourra avoir une quelconque portée, puisqu'il suffira malheureusement, pour s'en affranchir, de retenir des prévisions de croissance ou d'élasticité trop optimistes. Et d'ailleurs, je crains que ce ne soit le cas pour le budget 2005 si jamais votre texte est adopté par le Parlement. Inutilement adopté, car nous sommes toujours plus nombreux à considérer que vos hypothèses de croissance pour 2005 sont de plus en plus optimistes et malheureusement en décalage avec ce que prévoient la plupart des économistes. Mais ce n'est pas ce qui vous intéresse. Ce qui intéresse le Gouvernement, et notamment le ministre d'État, ministre de l'économie et des finances, c'est d'endosser le costume de bon gestionnaire, de présenter un certain nombre de chiffres plutôt positifs alors qu'il est encore ministre, et de laisser à ses successeurs probables le soin d'annoncer les mauvaises nouvelles qui ne manqueront malheureusement pas de survenir.

Monsieur le secrétaire d'État, nous portons un jugement sévère sur les résultats de 2003. Mais, encore une fois, il ne s'agit pas là du jugement de la seule opposition, puisqu'il résulte de rapports objectifs, ceux de la Cour des comptes et de la Commission européenne. Vous comprendrez donc que nous ne puissions accepter ce projet de loi de règlement. L'année 2003 a été l'année de tous les mauvais records. C'est pourquoi nous comprenons que vous souhaitiez que cette séance soit la plus discrète possible, et que vous vous fassiez le plus silencieux possible, même si vous allez vraisemblablement tenter de nous apporter tout à l'heure quelques réponses. Mais les chiffres de 2003 sont ce qu'ils sont, malheureusement, et vous ne pourrez pas leur faire dire autre chose que ce qu'ils disent : l'année 2003 est celle où tous les records auront été battus, en termes de déficit budgétaire, de moindres recettes fiscales, de dépenses publiques, d'augmentation du chômage. Elle restera comme l'une des années les plus sombres de notre histoire budgétaire. Bon courage, monsieur le secrétaire d'État, pour la rapporter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. Comme nous aurons l'occasion de le redire dans la discussion générale, je souligne en préalable que l'année 2003 a été une année de rebond.

Dans son égarement, l'orateur socialiste s'est considérablement éloigné du sujet qu'il était censé traiter, ce qui me dispensera d'une trop longue réponse.

M. Augustin Bonrepaux. Reconnaissez plutôt qu'il vous est difficile de répondre !

M. Hervé Mariton. Au regard des objections d'ordre constitutionnel qu'il a tenté de formuler, je veux simplement rappeler que l'exécution du budget 2003 -l'actuel ministre et le secrétaire d'État au budget, comme leurs prédécesseurs, ont à juste titre insisté sur ce point - a été marquée par un respect absolu de l'autorisation de dépenses donnée par le à l'exécutif. C'est une dimension essentielle, historique, du Parlement, c'est sa raison d'être, et il est particulièrement important que cette limite ait été impeccablement respectée. Vous avez d'ailleurs vous-même reconnu, monsieur Migaud, que très peu d'articles du projet de loi de règlement méritaient une quelconque critique constitutionnelle de nature à motiver une irrecevabilité.

Vous avez formulé quelques observations sur l'importance de la régulation budgétaire, mais j'avoue ne pas comprendre en quoi la régulation budgétaire peut poser un quelconque problème de constitutionnalité. Vous avez dispensé à l'Assemblée un certain nombre de recommandations en matière de politique fiscale, dont j'espère qu'elles ne seront jamais mises en œuvre, ou le plus tard possible, tant elles sont inquiétantes, puisque vous préconisez une concentration de plus en plus lourde de l'impôt sur le revenu.

Par ailleurs, vous avez évoqué les questions d'évaluation, déjà abordées par le rapporteur général. Le groupe UMP souhaite un rôle accru de la commission de notre assemblée sur l'évaluation, ce que la LOLF permettra certainement. En tout état de cause, rien ne justifie une quelconque inconstitutionnalité du projet de loi de règlement sur ce point.

Dans quelques jours, nous engagerons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, un projet de loi - nous ne le répéterons jamais assez - juste, cohérent et efficace. Mais, pour pouvoir présenter un budget 2005 doté de toutes ces qualités, il fallait au préalable assurer la bonne exécution du budget 2004, actuellement en cours, et celle du budget 2003, acquise grâce à la mise en œuvre de disciplines essentielles, en particulier le respect de l'autorisation de dépenses. Cette exécution budgétaire rigoureuse a bel et bien permis un rebond qui nous ouvre aujourd'hui un chemin plus vertueux.

Le groupe UMP ne votera donc pas cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Louis Idiart. Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de vous redire au nom du groupe socialiste à quel point nous sommes surpris par le déroulement de nos travaux. Il est d'usage dans toute assemblée démocratique, y compris au sein de nos assemblées territoriales, que l'exécutif vienne présenter soit son budget primitif, soit ses décisions modificatives, avant que l'opposition ne s'exprime. Or, aujourd'hui, c'est l'opposition qui doit s'exprimer en premier.

M. Hervé Mariton. C'est un privilège !

M. Jean-Louis Idiart. C'est ce gouvernement, ou plus exactement le précédent, qui a présenté le budget 2003. C'est lui qui l'a exécuté. C'est donc à lui de venir nous expliquer pourquoi certains engagements ont été tenus et d'autres ne l'ont pas été, afin que l'on en débatte. Comment prétendre revaloriser le Parlement si l'on procède, au contraire, de manière à occulter l'essentiel ? Nous regrettons vivement cette façon d'agir un peu cavalière, et d'autant plus choquante qu'elle va à l'encontre des propos tenus cet après-midi par le Premier ministre, qui a insisté sur l'esprit d'union qui doit animer l'ensemble des parlementaires lorsque l'intérêt national l'exige.

Dans quelques instants, vous aurez beau jeu de prétendre répondre à l'opposition, empruntant ainsi l'un des tours de passe-passe favoris de votre supérieur hiérarchique. Tout cela, monsieur le secrétaire d'État, ne nous paraît pas convenable, et nous surprend de la part d'un parlementaire chevronné qui nous avait habitués à une attitude beaucoup plus respectueuse vis-à-vis de cette assemblée. Peut-être faut-il voir là un reflet de l'adage selon lequel c'est la fonction qui fait l'homme. (Sourires.)

Pour en revenir à ce projet de règlement définitif du budget 2003, il est évident que les engagements que vous aviez pris n'ont quasiment pas été respectés, que la situation durant toute cette année n'a pas été des meilleures et qu'en définitive, ce n'est pas une grande réussite pour le Gouvernement. Je doute que vous reconnaissiez tout cela. Peut-être allez-vous nous dire, comme l'a fait M. Juppé en 1995, commentant le bilan calamiteux d'un certain Sarkozy, secrétaire d'État au budget : « Certains engagements n'ont pas été tenus... mais maintenant la situation s'améliore » ?

Nous aurons l'occasion de faire l'an prochain le bilan des six mois du ministère Sarkozy dont vous attendez tant de changements mais, en tout état de cause, ce n'est pas M. Sarkozy qui aura à rendre compte de l'exécution de son budget. Il n'est pas interdit, cependant, de faire un peu de prévision, c'est même l'essentiel de l'exercice de présentation du budget. Constatant justement que les précédentes prévisions n'ont pas été réalisées, nous concevons les plus grandes inquiétudes pour les budgets actuels ou futurs, sur la méthode comme sur le fond. Les députés socialistes ne sont d'ailleurs pas les seuls à se déclarer insatisfaits de ce budget et de la politique gouvernementale : un certain nombre de Français ont déjà exprimé leur désaccord à différentes reprises. Vous comprendrez donc aisément que nous votions l'exception d'irrecevabilité défendue par Didier Migaud. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le secrétaire d'État, vous faites partie d'un gouvernement qui a l'habitude, depuis un peu plus de deux ans, de donner beaucoup de leçons en matière de gestion, comme si vous étiez détenteurs de la vérité révélée. C'est encore l'impression que j'ai eue ce matin en commission, lorsqu'il a été question d'un avis rendu par le Conseil des impôts. Cet avis est ce qu'il est...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oui, il est ce qu'il est !

M. Jean-Claude Sandrier. Quoi qu'il en soit, cet avis ne convenant pas à la majorité, celle-ci n'a de cesse de trouver des experts indépendants - ce qui sous-entend que cette qualité ferait défaut au Conseil des impôts - pour donner raison au Gouvernement, notamment en ce qui concerne l'impôt sur la fortune.

L'exécution du budget 2003 montre pourtant que vous n'avez pas de leçons à donner. Vous avez passé une grande partie de votre temps, et vous continuez aujourd'hui encore, à parler du déficit, et notamment du déficit dû au gouvernement précédent.

M. Philippe Rouault. C'est un fait !

M. Jean-Claude Sandrier. Admettons. Mais le problème, c'est que vous avez encore aggravé ce déficit. Je citerai deux exemples de cette aggravation qui vous est imputable. Premièrement, la baisse de l'impôt sur le revenu érigée en dogme a eu pour effet automatique d'engendrer moins de recettes, donc un déficit accru. Deuxièmement, l'hypothèse de croissance irréelle que vous aviez retenue a donné des recettes virtuelles, donc un déficit supplémentaire.

Alors, de grâce, ne venez pas nous expliquer que c'est vous qui détenez la vérité : dites-nous plus simplement que vous avez fait des choix. Quand vous affirmez que vous n'avez pas de ligne, pas d'objectifs politiques, économiques et financiers, je suis convaincu du contraire. Vous avez bel et bien une ligne politique, économique et financière, et vous la mettez en œuvre : vous pensez qu'à faire un certain nombre de cadeaux et à augmenter les dividendes, vous finirez par créer des emplois. Or l'expérience montre que c'est l'inverse qui se produit, puisque le chômage et la précarité ne font qu'augmenter. Ce n'est donc pas la bonne recette.

À lui seul, l'écart considérable entre les prévisions que vous aviez établies et la réalité, un écart record, justifie que nous votions cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Charles de Courson. Comme vous le savez, mes chers collègues, nous discutons de documents budgétaires qui, entre nous, ne traduisent pas la réalité de la situation catastrophique des finances publiques françaises.

Je recommande à la gauche d'être prudente. Quand vous avez pris le pouvoir en 1981, les finances publiques de la France étaient les meilleures du monde occidental. Ainsi, le déficit des finances publiques en 1980 était nul. Quand vous nous avez rendu le pouvoir cinq ans plus tard, ou plus exactement quand les Français nous l'ont confié, le déficit des finances publiques avait déjà atteint 3,2 %. Nous avons réduit ce déficit de 1986 à 1988 puis, à votre retour, vous avez bénéficié d'une croissance que vous avez malheureusement gâchée, puisqu'en mars 1993, le déficit public était de 6,3 % de la richesse nationale, un niveau jamais atteint depuis l'immédiat après-guerre. Nous avons à nouveau redressé la situation, mais vous avez repris le pouvoir en 1997...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Les Français nous l'ont confié !

M. Charles de Courson. ...et, en 2002, nous avons trouvé un déficit de 3,3 %. Hélas - et je m'adresse ici à nos collègues de l'UMP - nous n'avons alors pas géré les finances publiques avec suffisamment de rigueur. Je vous le démontrerai tout à l'heure, en vous indiquant des chiffres qui viennent d'être publiés. Car le budget général, affecté de contractions et autres débudgétisations, ne constitue pas un indicateur véritablement significatif.

Savez-vous qu'en 2002, l'ensemble de la dépense publique - État, sécurité sociale et collectivités territoriales - a augmenté de 34 milliards d'euros alors que la richesse nationale n' a progressé que d'un peu plus de 30 milliards d'euros ? Cela signifie que la part de la dépense publique dans la richesse nationale s'est encore accrue de 1,1 point. Or nous continuons à creuser les déficits.

Cela montre, chers collègues de gauche, qu'au lieu de critiquer le Gouvernement pour sa trop grande rigueur, vous devriez au contraire lui reprocher son insuffisance en la matière. C'est précisément ce que nous faisons, à l'UDF. Nous déplorons que nous ne soyons pas allés assez loin dans la rigueur budgétaire. Le problème n'est pas de droite ou de gauche. C'est l'avenir de notre pays qui est en cause et nous allons droit dans le mur.

Sachez que, depuis que nous sommes au pouvoir - excusez-moi de perturber un peu la majorité - les prélèvements obligatoires n'ont pas baissé. Ils étaient stables en 2003 par rapport à 2002. En 2004, ils devaient baisser de 0,10 point. Mais ils augmentent à nouveau en réalité, comme en témoignent les documents remis par M. le ministre en annexe au projet de loi de finances pour 2005.

En fait, les prélèvements obligatoires sont stables, grosso modo, depuis trois ans. En revanche, les dépenses publiques continuent à croître d'une façon beaucoup trop rapide. Ainsi, chers collègues de l'opposition, si vous revenez un jour au pouvoir, ...

M. Jean-Louis Dumont. Cela ne va pas tarder !

M. Charles de Courson. ...vous n'aurez, comme nous aujourd'hui, aucune marge de manœuvre. Il faut en effet gérer les finances publiques avec une extrême rigueur dès qu'on arrive aux affaires pour pouvoir en disposer.

Le groupe UDF ne votera pas votre exception d'irrecevabilité. Pour être crédibles, il eût fallu montrer une rigueur extrême dans la gestion les trois fois où vous avez été au pouvoir. Il eût fallu rendre au peuple français des finances publiques en bon état. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Chamard. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Mes chers collègues, nous abordons la discussion générale. J'invite chacun des intervenants à respecter son temps de parole afin que nous puissions terminer l'examen de ce texte cet après midi.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans la ligne des propos de M. de Courson, ce projet de loi de règlement nous rappelle d'abord une réalité que nous devons toujours garder à l'esprit et dont la perception est même indispensable à la pédagogie à laquelle nous travaillons, à savoir que le roi est nu. La situation des finances publiques de notre pays est objectivement très dégradée depuis de très nombreuses années.

En vingt-cinq ans, la proportion de la dette rapportée au PIB a ainsi été multipliée par trois. Le déficit résulte pour une moitié de l'investissement et pour l'autre du fonctionnement. Aujourd'hui, l'État a recours à l'emprunt pour le dixième de ses dépenses courantes. Certes, cette situation n'est pas nouvelle. Mais elle n'est pas bonne pour autant.

Force est de constater, au-delà des efforts importants déployés par le Gouvernement avec le soutien de notre groupe, que, si l'on prend une référence un peu plus ancienne - quatre, cinq ans -, l'évolution des dépenses budgétaires est moins bonne en France que dans d'autres pays européens. En une petite dizaine d'années, nos voisins ont parcouru plus de chemin que nous.

Les progrès marqués depuis 2002, le rebond enregistré en 2003, qui a permis de préparer 2004 et, demain, 2005, autorisent à souligner une amélioration objective de la situation des finances publiques. Pour autant, nous ne devons pas allumer de faux signaux. Nous devons au contraire insister auprès de nos concitoyens sur la longueur du chemin à parcourir encore compte tenu de l'état de dégradation de nos finances publiques.

Alors oui, le roi est nu. Cela étant, et heureusement, ce projet de règlement montre aussi que la gestion du gouvernement que nous soutenons était sérieuse. Elle a obéi à un principe essentiel et fondateur pour un Parlement, le respect absolu du plafond de la dépense. À l'euro près, 273,8 milliards d'euros, ce plafond a été respecté, en dépit du fait que 2003 n'a pas été une année paisible. Qu'on songe à la canicule et aux dépenses qu'elle a engendrées. Qu'on songe aussi aux besoins nouveaux pour le financement des opérations extérieures : un surcoût de 600 millions d'euros.

Nombre d'entre nous se sont d'ailleurs émus depuis 2003 des conditions d'inscription au budget et de financement des OPEX. À cet égard, nous sommes heureux de constater que le dispositif de financement de ces opérations marque, dans le projet de loi de finances pour 2005, un progrès utile.

En dépit donc des aléas de 2003 - canicule, OPEX - qui ont chargé la barque de la dépense, le plafond général a été respecté. Cela s'est fait, c'est vrai, grâce à un recours « musclé » - Didier Migaud a repris l'adjectif utilisé par le rapporteur général - aux régulations budgétaires.

Mais, au fond, lorsque la conjoncture est ce qu'elle a été en 2003 et lorsqu'on souhaite, par discipline élémentaire et par respect du choix politique, rester dans l'enveloppe de dépenses, il n'y a pas 500 moyens d'y parvenir. La régulation budgétaire est évidemment indispensable.

Ce procédé est-il d'ailleurs en soi une mauvaise chose ? Votre honnêteté intellectuelle, cher collègue Migaud, aurait pu vous pousser à citer plus longuement le rapport de la Cour des comptes. Le Premier président Logerot y a fait allusion en commission : il ne serait pas scandaleux de prévoir demain des tranches conditionnelles de dépense publique.

Ainsi, à l'avenir, le progrès pourrait consister non pas à remettre en cause le principe de la régulation budgétaire, qui est plutôt pragmatique, raisonnable et intelligent, mais à mieux l'organiser. La Cour des comptes, que vous citez abondamment, ne met d'ailleurs pas en cause la régulation, puisqu'il n'y a évidemment pas matière à le faire. Elle évoque simplement un certain nombre de pistes d'organisation de cette méthode de gestion.

On peut se demander si, dans le cadre de la réforme profonde de l'État engagée par le Gouvernement, réforme que nous soutenons et que nous souhaitons même stimuler, la régulation budgétaire telle que nous l'avons connue en 2003 est un handicap ou un élément stimulant. C'est probablement les deux à la fois.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Oui !

M. Hervé Mariton. Il est parfois utile de faire de nécessité vertu. Inversement, l'organisation de certaines réformes peut quelquefois être compliquée - et non pas compromise - par la régulation budgétaire.

On peut donc étudier attentivement la suggestion de la Cour des comptes. On peut également demander au Gouvernement d'ouvrir des pistes de réflexion pour une meilleure utilisation de la régulation budgétaire en reprenant cette idée des tranches conditionnelles. Ceux qui ont exercé les fonctions de rapporteurs spéciaux le savent bien : les administrations n'oublient jamais qu'une régulation budgétaire peut toujours intervenir. La régulation budgétaire n'est donc pas l'apocalypse. C'est un instrument de gestion utile et même indispensable qui aura permis en tout cas, avec une volonté politique forte, d'organiser une gestion sérieuse en 2003.

Pour autant, en 2003, le Gouvernement n'a pas fait de miracles. Il est vrai que, d'un point de vue conjoncturel, 2003 a été difficile, au moins jusqu'aux trois quarts de l'année. Nous devons donc retenir, pour les années à venir, que le budget doit être tout entier orienté pour encourager la croissance. Gilles Carrez a souligné les problèmes d'élasticité des recettes. Eh bien, oui, lorsque la croissance n'est pas au rendez-vous, les pertes de recettes peuvent être considérables. Plus de 11 milliards d'euros de pertes au budget 2003 : 2,7 milliards sur l'impôt sur les sociétés, 2,7 milliards sur la TVA, 1,5 milliard sur la TIPP.

Bref, ce n'est pas franchement une découverte mais les chiffres de 2003 nous le rappellent de manière rigoureuse et quantifiée : rien ne se fait sans croissance. On peut alors constater en 2004 - et heureusement ! - à la fois une réduction du déficit et une augmentation des recettes que, sagement, nous souhaitons consacrer à une amélioration de la situation des finances publiques. C'est l'objet du projet de loi organique évoqué tout à l'heure et auquel M. le secrétaire d'État reviendra peut-être.

C'est aussi dans cet esprit de retour à la croissance qu'est proposé le budget pour 2005 que nous examinerons ici dans quelques jours et que notre groupe soutiendra. C'est en effet un budget juste, cohérent, efficace et tout entier centré sur la confirmation du retour de la croissance. Comme ce projet de loi de règlement le rappelle, rien de durable ne peut être fait sans croissance.

L'année 2003, avec ses difficultés, nous enseigne une chose que nous ne devrons pas oublier dans les années qui viennent : même en période de croissance, la discipline est nécessaire si nous voulons conserver et amplifier un mouvement de croissance.

Certes, nous pouvons citer les remarques de la Cour des comptes sur la difficulté de la maîtrise des emplois. Nous assistons en effet à une légère baisse des autorisations d'emplois. En réalité, l'exécution étant un art difficile, le nombre des titulaires civils a augmenté en 2003 de façon significative, plus exactement de 5 600, comme a augmenté le nombre des contractuels civils. Le Gouvernement doit donc afficher très clairement ses engagements dans le projet de loi pour 2005. Il en est ainsi et c'est une bonne chose. Mais leur exécution devra être extrêmement rigoureuse et en parfaite cohérence avec ce que nous allons voter dans quelques semaines.

Monsieur le secrétaire d'État, la maîtrise des dépenses est toujours nécessaire dans l'exécution d'un budget, et ce message s'adresse autant à vos collègues qu'à vous-même. Même si l'exécution a été globalement satisfaisante en 2003 et en 2004, elle provoque parfois, au détour de tel ou tel chapitre, quelques inquiétudes. Malheureusement, dans les documents de communication établis par vos collègues pour le budget 2005, on constate que certains membres du Gouvernement, que j'aurai la gentillesse de ne pas citer, insistent encore en priorité, dans leur budget pour 2005, sur quelques millions d'euros de moyens nouveaux. C'est une pratique qui n'a malheureusement pas totalement disparu.

M. Jean-Jacques Descamps. Hélas !

M. Hervé Mariton. Je conclurai, monsieur le président, en soulignant que l'examen du projet de loi de règlement est un moment important pour notre assemblée, qui assume là totalement son rôle de contrôle. Tout le monde le dit, il faut renforcer le contrôle du Parlement. Ce souhait souligne l'importance de notre débat et l'intérêt que nous avons à le développer. Le président Jean-Louis Debré souhaite développer le rôle du Parlement et sa fonction de contrôle. Dans cet esprit, il nous faut réfléchir à la façon d'améliorer l'examen de la loi de règlement, afin qu'il ne soit plus simplement un moment un peu pénible au début de la session ordinaire mais devienne un temps fort du travail parlementaire.

Demain, la mise en œuvre de la loi organique sur les lois de finances nous permettra de travailler dans de meilleures conditions et notre discussion pourra s'appuyer sur des indicateurs de performance. Le débat sur le projet de loi de règlement prendra alors une tout autre dimension.

L'examen du projet de loi de règlement, cela a été dit, nous donne l'occasion de profiter des travaux de la Cour des comptes. J'en profite pour vous dire à quel point le groupe UMP souhaite que la relation entre le Parlement et la Cour des comptes soit renforcée. Elle existe déjà. D'ailleurs, l'examen de ce texte nous a permis de profiter d'une audition devant la commission des finances du Premier président de la Cour des comptes, et nous avons pu consulter des documents et des rapports émanant de cette haute juridiction. Mais je me permets de vous rappeler les dispositions de la Constitution comme celles de la loi organique : la Constitution prévoit, dans ses articles 47 et 47-1, que la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ; quant à l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, il prévoit que la Cour des comptes doit répondre aux demandes d'enquête formulées par les commissions des finances dans un délai de huit mois.

La Cour des comptes a de nouveaux responsables. Nous aurons demain, avec la mise en œuvre de la LOLF, une responsabilité accrue dans le contrôle de l'exécution des lois de finances. Le débat du projet de loi portant règlement définitif du budget sera un moment fort pour notre assemblée. Le groupe UMP souhaite que des progrès soient réalisés dans ce domaine.

Pour ce qui est de 2003, nous approuvons le projet de loi de règlement parce qu'il traduit une gestion sérieuse qui nous a permis de passer le cap de cette année difficile. Passer ce cap dans de bonnes conditions était indispensable à l'heureux rebond que nous avons connu en 2004 et que nous prolongerons en votant un bon budget pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme le disait Hervé Mariton, c'est un moment important que la discussion du projet de loi de règlement. Tellement important que nous n'avons pas encore entendu le secrétaire d'État s'exprimer pour le défendre !

M. Jean-Louis Dumont. Il est enroué !

M. Augustin Bonrepaux. Il est vrai qu'il est préférable pour lui de laisser quelques courageux députés de la majorité nous expliquer que le budget 2003 a marqué un progrès qui va nous permettre de rebondir... Pour ma part, je crois que nous n'avons pas encore touché le fond !

Je ne reprendrai pas les chiffres que notre collègue Migaud a cités et qui montrent combien ce bilan est calamiteux, irresponsable et insincère.

Un déficit record de 3,7 % du PIB, une croissance fixée à 2,5 % et qui n'a été que de 0,5 %, des dépenses en apparence stables et une dette en progression de 5 points depuis 2002, atteignant 63,7 % du PIB : ce n'est pas glorieux ! Et je pense, monsieur le secrétaire d'État, que vous aurez des difficultés à justifier ces chiffres.

Commençons par le solde budgétaire. Je vous rappelle que l'audit de juillet 2002 fixait le déficit à 2,6 %. Encore faut-il préciser qu'il s'agissait du déficit maximum. Or, fin 2002, il dépassait les 3 %, et atteignait 3,7 % fin 2003. Mais vous nous dites que vous avez bien réalisé ce budget ! Franchement, ce n'est pas glorieux, c'est même inquiétant pour notre pays !

En effet, en 2003, vous avez aggravé la situation. Le déficit a été porté à 57 milliards d'euros, soit, je le répète, 3,7 % du PIB, ce qui représente une hausse de 40 % par rapport à la prévision de juillet 2002. Le déficit de l'ensemble des comptes publics a été porté à 63,2 milliards d'euros, ce qui représente 4,1 % du PIB, soit 60 % de plus que ce que prévoyait l'audit.

Depuis 2002, vos choix mettent la France au banc de l'Union européenne, ils engagent notre responsabilité vis-à-vis de nos partenaires et entraînent notre condamnation par la Commission européenne.

La loi de règlement du budget de 2002 illustrait déjà l'indifférence du Gouvernement. Pour le budget de 2003, c'est pire : vous vous obstinez, vous persévérez dans l'horreur... pardon, dans l'erreur. (Sourires.)

M. Jean-Claude Sandrier.Dans l'horreur aussi !

M. Augustin Bonrepaux. Dans l'erreur et dans l'horreur, en effet, parce que ce n'est pas brillant !

Vous avez par ailleurs laissé exploser les comptes sociaux, par laxisme mais aussi par démagogie. Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d'État, que les comptes des années précédentes étaient équilibrés. Vous arrivez et vous commencez par augmenter les honoraires des médecins, puis vous laissez filer le déficit... Voilà ce qui s'est passé en 2003 !

La dette, qui est un indicateur essentiel pour nos finances publiques, explose à 67,7 % du PIB. Cette situation est d'autant plus inquiétante qu'elle a profité dernièrement de la baisse des taux d'intérêt. En effet, cette stabilisation a été acquise dans un contexte de forte baisse des taux : si le taux moyen apparent de la dette de l'État était resté au même niveau qu'en 1998, son service net représenterait 21,8 % des recettes nettes. Le contexte actuel, à savoir le prix du baril de pétrole et la hausse des taux d'intérêt aux États-Unis, invite à penser que la situation pourrait empirer.

Quant à la croissance, je vous rappelle que l'hypothèse de 2,5 % était fausse puisque le taux réalisé n'a été que de 0,5 %. Vous n'avez tenu compte ni de nos remarques, ni des informations officielles, ni des analyses de l'ensemble des conjoncturistes. Mais cet affichage qui présentait une croissance forte vous a permis de faire des cadeaux fiscaux, de baisser l'impôt sur le revenu et, bien sûr, de favoriser les privilégiés.

Alors que la loi de finances initiale prévoyait des ressources nettes de 231 milliards d'euros, elles ont été en définitive de 221,6 milliards d'euros, ce qui représente une baisse d'environ 10 milliards par rapport aux estimations initiales, dont 7,5 milliards de recettes fiscales.

Cette dégradation du déficit est bien sûr accentuée par votre politique d'allégement d'impôts dans une période de faible croissance, ce qui est incompréhensible. Le résultat est à la hauteur de cette politique.

Paradoxalement, la baisse des impôts n'a pas pour autant conduit à une moindre fiscalisation des foyers fiscaux. En 2003, la Cour des comptes relève en effet qu'après la baisse constatée au cours des années précédentes et particulièrement en 2001 et 2002, ce qui n'était pas de votre fait, le taux moyen d'imposition des foyers fiscaux s'est établi à 11,8 %, soit le même qu'en 2002. Le taux moyen d'imposition de l'ensemble des contribuables, y compris les foyers non imposables, s'est maintenu également à 9 %.

Alors à quoi sert votre politique ? Seulement à améliorer la vie de quelques privilégiés au détriment des plus nombreux !

Je prendrai pour exemple le relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour emploi à domicile, initié en 2003, accentué en 2004 et qui va se poursuivre en 2005 pour faire toujours plus plaisir aux 70 000 privilégiés qui vont en bénéficier, ou encore la réduction de 1 % des tranches du barème, dont le coût est estimé à 600 millions d'euros, qui bénéficie seulement à 4,5 % des contribuables.

J'en viens à la consommation des crédits. C'est une question cruciale, car le jeu de la régulation budgétaire a touché aussi bien les crédits de paiement que les autorisations de programme, à tel point que la Cour des comptes présage que des difficultés apparaîtront dans les prochaines années pour respecter le rythme des engagements prévus par les contrats de plan État-région. Nous y sommes particulièrement sensibles, car toutes les régions seront concernées. Il ne s'agit pas d'un avenir incertain, mais d'un présent douloureux. Dans tous les départements, toutes les régions, nous constatons que des projets sont paralysés par manque de crédits, qu'il s'agisse de crédits de l'État ou de crédits européens.

Rappelons certains des chiffres symptomatiques de votre politique d'assèchement des dépenses d'intervention : 4 milliards d'euros de crédits gelés en février 2003, suivis d'un nouveau gel sur les crédits de report de l'ordre de 6,7 milliards d'euros en avril 2003, dont une partie a fait l'objet d'annulations définitives.

Les dépenses d'intervention, qui sont un moyen privilégié d'exécution des politiques publiques, ont particulièrement fait les frais de cette régulation et ont supporté 24 % du total des mises en réserve et 21 % du total des annulations effectuées en 2003.

Pourquoi tirons-nous la sonnette d'alarme ? Pourquoi demandons-nous que l'utilisation de ces crédits fasse l'objet d'une clarification ? Pour une raison très simple, dénoncée par la Cour des comptes : « La chute nette des autorisations de programme civiles conduit à s'interroger sur la capacité de l'État à respecter le rythme prévu par les contrats de plan État-région, même étalés sur six ans. » En réalité, ceux-ci sont déjà étalés sur huit ans. Et même ces huit ans ne nous permettront pas de réaliser l'ensemble des contrats de plan prévus sur six ans.

M. Charles de Courson. Comme lorsque la gauche est au pouvoir !

M. Augustin Bonrepaux. Il est d'ailleurs surprenant que la commission des finances nous ait refusé ce que nous demandons depuis un an, à savoir une mission d'information pour faire la clarté sur les retards pris dans l'exécution des contrats de plan et sur l'utilisation des crédits. Nous jugeons en effet indispensable de savoir ce que deviennent les investissements routiers et ferroviaires, ou encore les investissements dans les domaines de la santé et de la solidarité. Car, quel que soit le banc que nous occupons dans cette assemblée, quel que soit notre département, nous constatons tous que la plupart des projets sont en panne, paralysés faute de crédits.

Pire, vous avez utilisé une partie des crédits européens destinés aux zones défavorisées pour remplacer les crédits de l'État. Je prends un exemple très simple : dans mon département, la déviation d'Ax-les-Thermes devait être financée pour moitié par des crédits de l'État et pour moitié par des crédits de la région. Or j'ai vu apparaître dans son financement des crédits du FEDER, qui manquent désormais à la plupart des projets territoriaux.

M. Jean-Louis Dumont. C'est vrai ! Et il y a pire !

M. Augustin Bonrepaux. En Bretagne également, une partie des projets réalisés sur des places militaires le sont au moyen des crédits du FEDER.

Aujourd'hui, les départements ou les régions peuvent-ils engager des contrats de pays, contractualisés par l'État, en comptant sur des crédits européens ? Ce n'est plus le cas, parce qu'il n'y a plus de crédits européens. Vous les avez utilisés pour remplacer les crédits de l'État que vous avez réduits. Voilà où nous en sommes !

M. Jean-Louis Dumont. Eh oui !

M. Augustin Bonrepaux. Cela justifie la mission que nous demandons et que, je l'espère, nous obtiendrons, afin de faire toute la lumière sur ces crédits, affectés d'une façon non conforme aux règles et subtilisés aux zones défavorisées.

Concernant les politiques nationales, les administrations déconcentrées déplorent aussi la suppression de crédits qui devaient être mis à leur disposition, laissant les services sociaux démunis sur le terrain. Nous mesurons partout les effets de ces suppressions : la précarité s'aggrave sur l'ensemble du territoire. En effet l'augmentation du chômage, dénoncée en début de séance par notre collègue Kucheida, s'accompagne d'une aggravation de la précarité, qui se traduit par une augmentation du nombre des bénéficiaires du RMI, et donc des charges supportées par les départements, puisque vous leur avez transféré le financement du RMI. Vous nous aviez dit que le coût de ce transfert serait compensé par l'attribution aux départements d'une partie des recettes de la TIPP, qui seraient d'après vous en augmentation. Or voilà que vous nous expliquez, pas plus tard que cet après-midi, que ces recettes sont en diminution ! C'est reconnaître que vous avez trompé tout le monde en prétendant que vous transfériez des ressources en progression.

Le résultat c'est que les collectivités locales vont devoir augmenter les impôts locaux.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Vous voulez parler des exécutifs régionaux ?

M. Augustin Bonrepaux. D'ailleurs vous prévoyez vous-même cette augmentation.

M. Michel Bouvard. Pour financer l'APA !

M. Augustin Bonrepaux. D'un côté vous augmentez l'impôt sur le revenu, et de l'autre vous obligez les collectivités locales à augmenter leurs impôts.

Voilà pour la situation en 2003, mais ce qu'on nous prépare pour 2005 est pire. Vous prétendez que vous allez réduire le déficit, mais en réalité vous avez recours à deux artifices : vous comptabilisez la soulte d'EDF, d'un montant de 7 milliards, et vous transférez aux collectivités locales le plus de charges possible, et avec elles la responsabilité de l'augmentation des impôts locaux.

Nous aurons bien sûr l'occasion de revenir sur tous ces points. Pour l'heure, monsieur le secrétaire d'État, il suffit de dire que cette loi de règlement du budget de 2003 est calamiteuse, et que ce que vous nous préparez pour 2005 le sera encore davantage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. « Bénis soient les plus jeunes, car ils hériteront du déficit budgétaire de l'État. »

M. Pascal Terrasse. Amen !

M. Michel Bouvard. Voilà un vrai discours de démocrate-chrétien !

M. Charles de Courson. C'est ce que déclarait entre les deux guerres le trente et unième président des États-Unis, que vous connaissez tous. Si le président Hoover n'a pas réussi à sortir son pays de la crise de 1929,...

M. Pascal Terrasse. C'est le moins qu'on puisse dire !

M. Charles de Courson. ...il a énoncé là une maxime pleine de bon sens, au regard du souvenir que laissera l'exercice budgétaire 2003 : celui d'abord - soyons objectifs - d'une conjoncture difficile, tant au niveau national qu'européen, avec une croissance de 0,4 % en rythme annuel pour la zone euro et de 0,5 % pour la France : l'écart n'est pas significatif compte tenu des incertitudes statistiques. Confronté à la nécessité de mener des réformes à la fois essentielles, pénibles et coûteuses, le Gouvernement n'a pas pu bénéficier des conditions favorables dont jouissait son prédécesseur, lequel n'avait pourtant pas voulu engager lesdites réformes.

Cet exercice budgétaire laissera ensuite le souvenir d'un effort de maîtrise des dépenses de l'État, ou plutôt de ses dépenses nettes - j'y reviendrai - maintenues grosso modo au niveau voté en loi de finances initiale : 273,8 milliards d'euros. La hausse d'une année sur l'autre est donc très faible : de l'ordre de 0,2 %. Certes les comptes de la nation, que vous connaissez, mes chers collègues, puisqu'ils nous ont été communiqués aujourd'hui, font état d'une croissance nettement plus élevée, bien qu'elle reste faible. La raison en est que le budget de l'État traduit de moins en moins l'accroissement effectif des dépenses de l'État, masqué à coups de dégrèvements et de remboursements d'impôts locaux. Si vous examinez les documents budgétaires, vous constaterez en effet que ceux-ci ont augmenté de 15 %, passant de 9,2 à 10,7 milliards, qui ne sont pas compris dans les 273 milliards. Il en est de même des prélèvements au profit des collectivités locales, qui ont augmenté de 5,2 %, passant de 34,4 à 36,6 milliards, et enfin du prélèvement pour l'Union européenne, qui est passé de 14,8 à 16,3 milliards, soit une augmentation d'un peu plus de 10 %.

Même en tenant compte de tous ces éléments, on ne peut pas contester qu'il y a eu un effort de maîtrise budgétaire ; cependant le taux de croissance réel n'est pas de 0,2 %, mais dépasse 1 %, ce qui n'est déjà pas si mal, me direz-vous.

Il reste que le véritable problème ne concerne pas tant le budget de l'État que l'ensemble des dépenses publiques, État, sécurité sociale, collectivités locales confondus. Or vous lirez dans cet excellent ouvrage qu'en 2003 l'ensemble des dépenses publiques a augmenté de 4,2 %, soit deux fois plus vite que la croissance du produit intérieur brut en valeur, qui a été de 2 % - 0,5 point en volume, 1,5 point en prix. Au total, les dépenses publiques se sont accrues de 34,4 milliards, passant de 818 en 2002 à 853 en 2003. il s'agit, mes chers collègues - et j'attire votre attention sur ce point - d'un montant supérieur de 10 % à la croissance de la richesse nationale qui, elle, a augmenté de 30,4 milliards d'euros, passant de 1 526,8 milliards en 2002 à 1 557,2 milliards en 2003. Il ne faut donc pas s'étonner si la part des dépenses publiques dans la richesse nationale s'est encore accrue de 1,1 point, passant de 53,6 % en 2002 à 54,7 % en 2003.

Il faut cependant rappeler la performance de la gauche en 2002. Voici les chiffres : augmentation des dépenses publiques de 5,5 %, soit 42,7 milliards, alors que dans le même temps la richesse nationale a augmenté de 51,2 milliards. Cela signifie qu'entre 2002 et 2003 le secteur public a prélevé la quasi-totalité du supplément de richesses créé par l'ensemble de nos concitoyens. Dès 2002 la part des dépenses publiques dans la richesse nationale s'était déjà accrue d'un point, passant de 52,6 % en 2001 à 53,6 % en 2002. Comment voulez-vous, mes chers collègues, que notre pays se redresse dans de telles conditions ?

Les recettes sont, quant à elles, bien inférieures aux prévisions gouvernementales. C'est la conséquence d'hypothèses de croissance surévaluées, ce que le groupe UDF avait dénoncé : nous avions à l'époque, monsieur le secrétaire d'État, recommandé à votre prédécesseur d'avoir la prudence de construire un projet de budget sur la base d'un taux de croissance de 1 %, 1,5 % au maximum, quitte à consacrer l'éventuel surplus de recettes à l'augmentation de certaines dépenses, et surtout à la réduction du déficit. Cet irréalisme a conduit à un écart de 10 milliards d'euros entre les prévisions et les réalisations.

La conséquence est mathématiquement simple. Pour 2003, le déficit, chiffré en loi de finances initiale à 44,6 milliards d'euros, s'élève finalement à 56,9 milliards, soit une augmentation de 27,5 %. Le déficit continue de se creuser dans la durée. Il progresse de 7,6 milliards d'euros par rapport au déficit déjà énorme de 49,3 milliards en 2002.

2003 est bien l'année de tous les records, avec une dette publique s'élevant à 992 milliards d'euros, dont 855 milliards d'euros de dette de l'État. Si l'on y ajoute celle des organismes divers d'administration centrale, les ODAC, et celle d'une sécurité sociale largement étatisée, on atteint 90 % du montant total.

La part de la dette publique dans la richesse nationale continue à augmenter inexorablement, les déficits publics représentant désormais 4,1 % du PIB. Contrairement à ce qu'ont dit un certain nombre d'entre vous, messieurs les orateurs de l'opposition, vous avez fait mieux, avec 6,3 % du PIB en 1993. Nous sommes revenus à 6 % à la fin de l'année grâce à des mesures de redressement à hauteur de 0,3 point.

Le besoin de financement de l'État s'est donc considérablement accru, jusqu'à atteindre 93 milliards d'euros en 2003, dont 68 milliards pour l'État, 11 milliards pour les ODAC et 15 milliards pour la sécurité sociale. Ainsi, la dette représentait 63,7 % de la richesse nationale fin 2003, contre 58,8 % l'année précédente. Et ce n'est pas fini, puisqu'on devrait se situer aux alentours de 64,8 % en 2004 et 65 % en 2005. Je me tue à répéter ici qu'aussi longtemps qu'ils n'imposent pas que le déficit ne dépasse pas 2,5 % du PIB, les critères de Maastricht sont totalement laxistes. En effet le critère de 3 % du PIB est incapable d'empêcher l'augmentation de la part de la dette publique dans la richesse nationale. Une gestion rigoureuse imposerait un taux maximum de 2 %, et de préférence 1,5 %, voire 0,5 % en haut de cycle, ce qui éviterait qu'on dépasse les 2,5 % en bas de cycle.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est juste !

M. Charles de Courson. Or nous sommes bien au-delà. Dans ces conditions, mes chers collègues de l'opposition, quand vous dénoncez la rigueur du Gouvernement, en critiquant telle ou telle mesure d'économie, vous êtes à côté de la plaque ! Je le répète depuis deux ans et demi : le reproche essentiel qu'on doit faire au Gouvernement, c'est au contraire l'insuffisance de la rigueur !

M. Gilbert Biessy. Pour qui ?

M. Charles de Courson. Et je défie quiconque parmi vous de me prouver l'inverse ! Ou bien prenez devant nos concitoyens la responsabilité d'expliquer qu'il faut encore plus fortement augmenter les prélèvements obligatoires.

Car la réalité, c'est que les prélèvements obligatoires ne baissent pas. Ce que l'opposition, et parfois même, hélas ! certains membres de la majorité appellent des réductions d'impôts n'en sont pas véritablement : il s'agit simplement d'une moindre augmentation des impôts. Le taux des prélèvements obligatoires reste quasiment stable depuis quatre ans ; on prévoit même pour 2005 une légère hausse de 0,10 point. Plus ou moins 0,10 point sur les quatre dernières années, c'est l'épaisseur du trait : c'est une quasi-stabilité. Quoi qu'il en soit, mes chers collègues, cessons de rêver et de croire que nous échapperons à l'indispensable réduction des dépenses publiques.

Dès lors, ne faudrait-il pas, monsieur le secrétaire d'État, aller plus loin que ne le fait votre modeste projet de loi organique destiné à éviter que les parlementaires ne se laissent aller à rêver dès qu'apparaissent quelques milliards de plus-values fiscales ? On parle de 10 milliards en 2004 : qu'est-ce que 10 milliards, quand les déficits s'élèvent à 45, 55, 60 milliards ? Rien ! La règle qui impose qu'ils soient consacrés à la réduction du déficit relève donc du simple bon sens.

Le Gouvernement devrait inscrire deux autres règles dans ce projet de loi organique. Il devrait d'abord prévoir symétriquement le cas de moins-values fiscales, comme en 2003. Que doit-on faire alors ?

M. Jean-Claude Sandrier. Baisser les impôts, apparemment !

M. Charles de Courson. En cas de moins-values fiscales, on doit, mes chers collègues, réduire les dépenses dans une proportion significative !

Avant de vous exposer la dernière règle à inscrire dans ce projet de loi organique, je voudrais attirer votre attention sur cette situation incroyable, où l'État ose présenter des budgets de fonctionnement en déficit ! Le budget de 2003, que nous allons voter, présente un déficit de fonctionnement d'un montant de 28 milliards !

M. Gilbert Biessy. Alors pourquoi le voter ?

M. Charles de Courson. Qui, parmi ceux d'entre vous qui sont membres d'un exécutif local, oserait présenter un tel budget ? Eh bien, tous les ministres des finances osent le faire !

C'est pourquoi je proposerai par voie d'amendement qu'une troisième règle soit introduite dans la loi organique, en reprenant une proposition déjà faite par le groupe UDF quand il était dans l'opposition...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Parce que vous n'y êtes plus ?

M. Charles de Courson. ...au moment où nous débattions de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances. Il s'agissait d'imposer l'obligation, pour tout gouvernement de présenter, à partir de 2008, un budget de fonctionnement en équilibre. On n'a pas le droit d'endetter le pays pour dépenser en fonctionnement. Défendre la thèse inverse, c'est aller à la faillite.

Voilà, mes chers collègues, les principales remarques que je voulais formuler au nom de l'UDF sur cette loi de règlement. Puisque nous avons voté la loi de finances initiale, nous voterons, par souci de cohérence, la loi de règlement. Nous maintenons cependant que l'État français est en faillite. Tous ceux qui veulent échapper aux disciplines budgétaires élémentaires rendent le pire service au pays. Loin de réduire les inégalités sociales, ils les aggravent. On ne le répétera jamais assez : ce sont les catégories sociales les plus modestes qui pâtissent des déficits budgétaires, contrairement à ce que croient certains. En effet, ils sont inéluctablement suivis de plans de réduction des crédits qui nourrissent l'accroissement du chômage, au détriment des plus défavorisés. C'est en conduisant une politique budgétaire rigoureuse qu'on peut mener une politique sociale sérieuse, et non pas l'inverse.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, force est de constater qu'au terme de ce que notre rapporteur général a appelé une « régulation musclée », le budget de 2003, de gels en annulations de crédits, n'est que la traduction d'une insincérité d'une ampleur sans doute inégalée en matière budgétaire.

M. Charles de Courson. La gauche a fait mieux !

M. Jean-Claude Sandrier. Les incantations gouvernementales présidant à l'élaboration du budget 2003, qui se sont traduites par des choix fiscaux et des choix de dépenses que nous avions contestés, ont été largement balayées par la réalité. Et il n'aura pas fallu longtemps pour que les Français, par leurs votes successifs, confirment ce que nous avions déclaré : le budget 2003 était injuste, inefficace et non sincère. Il engraissait les plus riches, ponctionnait les plus modestes et les catégories moyennes, avait un effet négatif sur l'emploi et aggravait les difficultés de millions de nos concitoyens.

Mesure emblématique de cette loi de finances, la baisse de l'impôt sur le revenu - fortement mise en avant, lors de la discussion budgétaire de l'automne 2002, comme le remède à tous nos maux - s'est révélée nulle au plan de l'efficacité économique et totalement injuste au plan social. Cette mesure phare n'a fait que renforcer les problèmes et ne vous a servi qu'à justifier des sacrifices que vous avez imposés d'abord aux catégories les plus modestes. Car l'augmentation des déficits publics, en partie due aux moins-values fiscales, a été un formidable prétexte à vos agissements depuis lors.

Vous avez tenté ce tour de magie consistant à dénoncer le déficit excessif tout en l'aggravant, cette aggravation vous permettant de demander des sacrifices sur les dépenses sociales, publiques et d'investissement, pourtant essentielles pour nos concitoyens. Il n'est donc pas étonnant que les Français aient condamné par trois fois, en 2004, cette magie d'un goût douteux !

D'aucuns au sein même de la majorité - je viens d'en entendre un - plaideront l'erreur et appelleront les Français à de nouveaux efforts pour redresser les comptes du pays. À 1'examen de vos choix et de leurs conséquences, nous avons une analyse quelque peu différente, qui ne néglige ni votre compétence, ni un certain machiavélisme.

Je n'insiste pas sur l'insincérité de la loi de finances initiale, qui a connu des records en matière de gels ou de reports de crédits, ni sur une évaluation de la croissance quelque peu fantaisiste : arriver à un écart de 80 % entre la prévision de croissance et la croissance effective, ce n'est pas une erreur, c'est une tromperie.

Plus insidieuse est la propension du Gouvernement à enfermer le débat dans la seule problématique des dépenses sans jamais regarder du côté des recettes, comme s'il faisait un blocage pour aller chercher l'argent où il y en a !

Pourtant, un exemple, certes au plan mondial, nous arrive du haut : le Président de la République ne vient-il pas de découvrir - il est allé le dire à New York - que, chaque jour, 175 milliards d'euros se promènent dans le monde uniquement pour spéculer et qu'il serait peut-être bien de taxer ces transactions financières ! Mais il existe d'autres mannes à taxer : les actifs financiers, par exemple, qui sont considérables. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors du débat budgétaire.

Vous, vous préférez mettre en avant un déficit préfabriqué que votre politique fiscale n'a fait que renforcer. À croire que ce déficit, qui, de par vos choix, a atteint un record, vous est d'une grande utilité pour justifier votre politique d'affaiblissement de l'État, de baisse des actions sociales et publiques et, il faut le dire, de casse des emplois en France.

Le choix de favoriser les couches les plus aisées, choix que vous poursuivez et que nous aurons l'occasion de combattre lors du débat budgétaire à venir, a non seulement pénalisé la France, mais a également constitué une agression contre la solidarité, contre notre tradition de soutien aux couches moyennes et modestes.

Oui, mes chers collègues, l'exécution budgétaire 2003 s'apparente fort à une mise en scène visant à accentuer les difficultés budgétaires pour justifier des reculs sociaux et humains considérables. À partir du constat budgétaire 2003, vous avez lancé votre casse de 1'assurance maladie, vous avez avancé sur la privatisation des services publics phares comme EDF et GDF, vous avez justifié des transferts de charges sur les collectivités locales dont on sait qu'ils ne seront pas intégralement compensés, vous avez baissé des budgets essentiels pour le pays - recherche, transports, infrastructures, santé, travail, logement - et vous vous apprêtez à en diminuer d'autres : jeunesse, sports et vie associative, environnement et développement durable, ce dernier faisant pourtant l'objet de déclarations enflammées du Président de la République, à New York ou à Johannesburg !

En quelque sorte, ce budget 2003 a bien servi le Gouvernement pour tenter de faire passer sous les fourches caudines du capitalisme financier des pans entiers de nos finances publiques qui, jusqu'alors, lui échappaient.

En fait, vous utilisez les coupes sombres dans la dépense sociale et publique pour faire des cadeaux à des intérêts privés. Sans parler des exonérations de cotisations sociales patronales qui retirent, chaque année, 20 milliards d'euros au budget de la nation ! Effectivement, ce n'est pas une erreur : c'est un choix politique ! Vous avez choisi d'avancer les solutions qui avantagent les plus riches, vos amis du CAC 40 et autres spéculateurs sans scrupule.

Car, contrairement à ce qu'a écrit Patrick Artus, directeur des études économiques de la Caisse des dépôts, dans un article paru fin août dans La Tribune, le capitalisme n'est pas devenu fou. Il se comporte au contraire conformément à sa logique profonde : en exigeant des taux de rentabilité sans commune mesure avec la raison et, surtout, avec l'accroissement réel des richesses, en menaçant de délocaliser des emplois et des productions, en accentuant la pression sur les salariés, notamment par la précarité.

Vous dites vouloir valoriser le travail. Or vous faites exactement l'inverse. Vous confondez valorisation des dividendes et valorisation du travail : malheureusement, ces deux notions sont antinomiques. La recherche de coûts salariaux toujours moins élevés pour augmenter le rendement des actions en est une preuve irréfutable. N'est-ce pas un très grand patron, en l'occurrence M. Fourtou, qui déclarait : « Les délocalisations, c'est naturel » ? Pour ma part, je serais tenté de dire : « C'est comme la rage, c'est naturel aussi ! ».

L'accumulation, la suraccumulation des capitaux est telle qu'il faudrait sans cesse augmenter la part des profits dans les richesses créées pour assurer une rentabilité stable de ces capitaux de plus en plus nombreux. Voilà la réalité. Mais l'exploitation accrue des salariés, la précarisation des emplois, la pression sur les salaires - qui se traduit par une « décélération du pouvoir d'achat », notée dans l'exposé général des motifs du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2003 -, le démantèlement des systèmes de protection sociale minent la capacité de l'économie à produire des richesses.

Je ne sais pas si le roi est nu, comme l'a dit Hervé Mariton. En tout cas, il n'est pas seul et, à côté, certains me semblent fort bien habillés !

Ce n'est donc pas le capitalisme qui est devenu fou : c'est la logique d'exigence de rentabilité qui commence à l'être, alors qu'apparaît un besoin immense de partage, entre tous les êtres humains, des dépenses, des informations, des financements et des pouvoirs, afin de favoriser le développement de tous.

S'agissant des prélèvements obligatoires, je serais tenté de dire que certains devraient baisser cependant que d'autres restent à créer ! Le budget de l'État pour 2003 aura été, en la matière, un budget de régression sociale, contraire aux principes de solidarité et d'égalité et sous-tendant un changement profond de notre modèle socio-économique issu de l'après-guerre. Il est vrai que vous suivez avec application les consignes du baron Seillière, lequel, sans doute parce qu'il figure parmi les 500 plus grosses fortunes de France, s'autorise à nous expliquer « qu'il faut solder l'héritage de la Libération ».

Ainsi, le Gouvernement a-t-il tourné le dos à ce qui avait permis de construire un modèle plus équilibré que le modèle anglo-saxon, pour ne regarder que du côté des plus puissants : il a multiplié les cadeaux fiscaux aux entreprises, sans réelles contreparties, et a amoindri le seul impôt progressif, par essence le plus égalitaire.

C'est pourquoi, conformément à leurs votes sur la loi de finances initiale et sur la loi de finances rectificative, les députés communistes et républicains se prononcent contre ce projet de loi de règlement définitif. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi de règlement a pour objectif de constater les dépenses et les recettes réalisées au cours de l'exercice budgétaire et d'approuver les résultats et les prévisions. En cela, et c'est le point d'accord que j'aurai avec mes collègues de l'opposition, elle constate la manière dont une politique budgétaire a été mise en œuvre puisque, du niveau de l'intention - qui est celui de la loi de finances initiale, avec la difficulté de la prévision à laquelle n'échappe aucun gouvernement -, l'on passe au niveau de la réalisation.

S'agissant des recettes, la loi de règlement 2003 est la traduction de la situation économique observée dans toute l'Europe. Nous avons connu 0,5 % de croissance du PIB en France, en retrait par rapport aux exercices précédents. Il convient de rappeler que cette même année, la croissance n'a été que de 0,4 % en Italie, qu'elle a même été négative avec moins 0,1 % en Allemagne, ces deux pays étant nos deux premiers partenaires au niveau des échanges économiques.

Deux facteurs ont pesé sur la tendance économique : le conflit en Irak, qui a généré un attentisme des consommateurs et un décalage des investissements ; la poursuite, amorcée en 2002, de la hausse de l'euro par rapport au dollar, qui a pénalisé nos exportations. À ce sujet, il convient toujours de s'interroger, monsieur le secrétaire d'État, sur la politique de devise forte préconisée par la BCE, rivée sur la valeur de la monnaie, à défaut d'avoir vu inscrit dans ses objectifs le soutien à la croissance. Un gouvernement économique européen - auquel je vous sais attaché, monsieur le secrétaire d'État -, faisant pendant au pouvoir de la BCE, ne peut être qu'utile pour rééquilibrer une politique monétaire coûteuse en croissance et en emplois.

Le ralentissement économique s'est naturellement traduit par une moindre perception des recettes de l'État, qui affichent un recul de 2,80 %, de la même manière qu'en 2002.

L'exécution de 2003 se solde par un différentiel négatif de 11 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, dont 9 milliards d'euros de recettes fiscales répartis entre l'IS, la TVA et la TIPP.

La dégradation de la situation économique a également conduit à différer une recette de 1,2 milliard d'euros correspondant à un versement de l'UNEDIC au profit du budget.

C'est dans ce contexte difficile que cette année-là, pour la première fois depuis longtemps, la norme de dépenses fixée par le Parlement a été scrupuleusement respectée. L'autorisation parlementaire portait sur 273,812 milliards d'euros. La loi de règlement fait apparaître 273,774 milliards de dépenses.

L'objectif est donc tenu, au prix d'une action très volontariste du Gouvernement, qui s'est traduite par des annulations de crédits : 1,4 milliard d'euros le 14 mars 2003, 1 milliard le 3 octobre et, à nouveau, 1,8 milliard dans le collectif de fin d'année. Par ailleurs, deux gels sont intervenus : sur les crédits de la loi de finances initiale en février 2003, pour 4 milliards d'euros, puis sur les crédits de report en avril, pour 6,7 milliards d'euros.

Au regard de la gravité du déficit et du respect de nos engagements européens, au regard de l'endettement croissant du pays, qui consomme nos marges de manœuvre, ces mesures étaient nécessaires. Elles étaient même indispensables. Elles n'en sont pas pour autant indolores.

Monsieur le secrétaire d'État, la mise en œuvre de la LOLF dans sa plénitude à partir du 1er janvier 2006 imposera, tout en maintenant un pilotage des finances publiques, de revoir la pratique de la régulation budgétaire telle qu'elle est mise en œuvre si l'on souhaite vraiment que chacun des responsables de programme puisse s'engager sur la réalisation des objectifs et que les indicateurs de performance ne puissent être affectés par des mesures d'annulation ou de gel intempestives.

L'article 14 de la LOLF prévoit la régulation, mais la régulation doit évoluer. Il s'agit là, mes chers collègues, d'une réflexion que nous devons conduire tous ensemble, Gouvernement et Parlement, majorité et opposition, car, sauf à penser que la croissance puisse être définitive et régulière, la régulation restera une nécessité.

Comme je l'ai suggéré à plusieurs reprises dans le passé, sans doute est-il nécessaire de procéder, dès la loi de finances initiale, à l'inscription de crédits de réserve destinés à des dépenses imprévues, comme dans nos collectivités territoriales. Sans doute faudra-t-il prévoir le déblocage de budgets optionnels en fonction du niveau atteint par les recettes de l'État.

Parce que la loi de règlement doit, dans l'esprit de la LOLF, éclairer la loi de finances future, je souhaite revenir, à l'occasion de l'examen de ce texte, sur différents points de l'exécution du budget 2003.

Premier point : les autorisations d'emplois et de dépenses de personnel, qui constituent le premier poste de la dépense.

L'autorisation votée par le Parlement limitait, pour cet exercice, à 2 180 241 les emplois au 31 décembre 2003, militaires et budgets annexes inclus. Le nombre, en retrait de 1 745 postes sur l'exercice précédent, marque, là aussi, une rupture par rapport aux accroissements des années passées. Mais cette diminution est bien modeste - 0,08 % des effectifs - et, surtout, ne correspond pas à une diminution de la charge pour le budget.

En effet, le nombre d'emplois titulaires est en hausse, la diminution concernant les emplois contractuels. Par conséquent, la charge qui en résulte à long terme pour les finances de l'État, qui devra payer davantage de pensions, continue de s'accroître.

Plus inquiétant encore, une partie des réductions d'emplois n'est qu'optique. Ainsi, le ministère de la culture affiche une diminution de ses effectifs, qui sont ramenés à 14 008 emplois au 31 décembre 2003, avec 1 203 titulaires et 101 contractuels en moins. Mais, si nous consolidons l'action du ministère, nous constatons que cette diminution est compensée par le transfert de 1 297 emplois vers des établissements publics. Comme le souligne la Cour des comptes, si le nombre des emplois budgétaires semble réduit, l'État continue d'assumer la charge de ces personnels par le biais d'un abondement des subventions aux établissements publics. La prise en charge, par exemple, de 1 233 emplois d'agents titulaires et contractuels de l'établissement public du Grand Louvre entraîne un accroissement de sa dotation budgétaire de 41,1 millions d'euros.

Au-delà des emplois transférés, les effectifs réels restent difficiles à cerner, comme le souligne également la Cour dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 2003. Ainsi, plusieurs ministères ont encore eu recours à des sureffectifs autorisés par décision administrative, en dehors de l'autorisation parlementaire. S'il arrive que ces emplois en surnombre soient gagés, ils n'ont parfois aucune contrepartie.

Il y a lieu de s'inquiéter de ces pratiques, alors que, dès janvier 2006, la fongibilité asymétrique doit se mettre en place dans le cadre de la LOLF. Dans son article 7 − qui avait été l'objet d'une longue discussion lors des travaux de la commission spéciale −, la loi organique prévoit en effet que les plafonds d'autorisations d'emplois ne s'appliquent qu'aux emplois directement rémunérés par l'État, ce qui ne vise donc pas ceux rémunérés par les établissements publics, qui n'ont pas de lien juridique direct avec l'État.

Il conviendra sans doute de modifier cette disposition - à l'occasion, par exemple, du projet de loi organique - si nous voulons avoir une vision globale et complète des dépenses de personnel de l'État et éviter la délocalisation des emplois publics de l'État vers les établissements publics, voire vers de grandes associations. Il faudrait, pour le moins, comme le suggère la Cour, que des informations plus précises soient fournies au Parlement. Ainsi, dans un premier temps, les « verts budgétaires » pourraient-ils devenir des documents soumis à notre approbation. Cela paraît nécessaire, en tout cas, si nous voulons réellement maîtriser l'évolution des emplois publics qui, représentant plus de 40 % de la charge budgétaire, rognent les capacités d'investissement de l'État.

Sur ce même sujet, il convient de tirer les leçons des expérimentations de globalisation de crédits, telles qu'elles sont conduites dans le cadre de la LOLF, et d'unifier en même temps la nomenclature d'exécution permettant de recenser les dépenses de personnel. Nous avons en effet observé que cette nomenclature varie d'un ministère ou d'un chapitre à l'autre, les dépenses de personnel étant identifiées tantôt dans un article, tantôt dans un simple paragraphe.

Enfin, j'en appelle à notre responsabilité collective. J'ai constaté, à l'occasion des débats qui se sont déroulés avant l'interruption de nos travaux, cet été, combien étaient grandes notre tentation de créer des observatoires...

M. Charles de Courson. Des agences !

M. Michel Bouvard. ...et celle du Gouvernement de mettre en place telle ou telle haute autorité. Nous allons examiner, à l'issue du débat sur la loi de règlement, un projet de loi portant création d'une haute autorité de lutte contre les discriminations. Les emplois qui lui seront dédiés seront-ils pourvus par redéploiement ou par création budgétaire, ce qui aggraverait le déficit et indirectement la charge de la dette ?

J'évoquerai plus brièvement le second point, la part des dépenses d'investissement dans le budget de l'État. Le redressement du budget d'investissement de l'État, prévu dans la loi de finances pour 2003, n'a pu être mené à bien en raison même des mesures de régulation qui, il faut avoir l'honnêteté de le dire, ont porté en premier lieu sur les crédits d'investissement.

M. Augustin Bonrepaux. On ne peut pas tout faire !

M. Michel Bouvard. Au regard de l'effet contracyclique que peuvent avoir les investissements de l'État en période de ralentissement économique, il convient de s'inquiéter que plusieurs ministères choisissent la solution de facilité en matière de régulation et préfèrent tailler dans les dépenses d'investissement plutôt que de réduire les dépenses de fonctionnement par le biais de restructurations.

M. Augustin Bonrepaux. Ça, c'est vrai !

M. Michel Bouvard. La part des dépenses de personnel et de la dette dans le budget est la conséquence durable de cette tendance à faire du budget d'investissement la variable d'ajustement. Cela se traduit aussi par une détérioration du patrimoine de l'État, entamée depuis plus de vingt ans et ayant régulièrement fait l'objet d'observations de la part de la Cour des comptes.

Malgré leur faible volume, la mise en œuvre des crédits d'investissement reste encore insuffisamment précise dans bien des cas. Une fois de plus, je voudrais citer la Cour des comptes à propos de la question de l'aménagement du territoire, qu'ont évoquée plusieurs collègues de l'opposition. Les observations figurant dans le rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 2003 démontrent d'ailleurs que personne n'est exempt de reproches et de critiques. La Cour affirme en effet que, comme par le passé, la gestion du FNADT est toujours entourée d'un certain flou quant à la définition des opérations éligibles. Elle rappelle que, dans son rapport pour 2001, elle avait regretté de même, à propos des exercices de 1997 à 1999 − c'est-à-dire sous la législature précédente −, l'absence persistante de tableaux de bord, qui auraient permis de suivre la consommation des crédits, et l'utilisation d'un outil informatique obsolète. Comment, dans ces conditions, espérer disposer d'un état des lieux de l'avancement des contrats de plan ?

Au terme de cette intervention, je souhaite souligner que l'examen de la présente loi de règlement devra évoluer avec la mise en œuvre de la LOLF. Cette loi a en effet vocation non seulement à vérifier le respect de l'autorisation parlementaire et à dresser le constat de l'exécution, mais aussi à mesurer la réalisation des objectifs de performance, sur lesquels il appartiendra à chaque ministre de s'engager.

À la logique comptable, nécessaire, devra s'adjoindre une logique d'efficacité. Cela suppose, monsieur le secrétaire d'État, que puissent être encore apportées quelques améliorations à la maquette budgétaire, afin de mieux cerner certains programmes, par exemple ceux du ministère de la défense. Cela suppose aussi que nous puissions construire ensemble des indicateurs de performance reconnus et partagés. Lors de votre audition par la commission des finances à l'occasion de la présentation de la loi de finances pour 2005, vous avez annoncé l'ouverture d'une concertation avec le Parlement, comparable à celle qui avait accompagné la construction de la maquette budgétaire. Cela va dans le bon sens, et je veux vous en remercier.

Parce que, dans un contexte économique européen difficile, elle a su contenir la dépense, notre groupe votera la loi de règlement pour 2003, en souhaitant que le Gouvernement en tire tous les enseignements dans la loi de finances pour 2005, notamment en matière de gestion des emplois publics et d'orientation de l'action publique vers l'investissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je m'en tiendrai au budget de la Présidence de la République,...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Comme c'est étonnant ! (Sourires.)

M. Hervé Mariton. C'est une idée fixe !

M. René Dosière. ...qui continue à croître, à défaut d'embellir, puisque ses formes exactes sont, pour l'essentiel, dissimulées. (Sourires.)

En effet, pour connaître le montant de ce budget, il faut ajouter au titre II de la loi de finances − qui constitue la partie « visible » du budget − les dépenses dispersées dans les budgets de la dizaine de ministères qui contribuent au fonctionnement de la Présidence. Cet exercice s'apparente en quelque sorte à une opération de « déshabillage progressif » de la loi de finances, pour reprendre une expression québécoise. Le résultat ne manque d'ailleurs pas d'être suggestif. (Sourires.)

Examinons tout d'abord le budget « visible » ou officiel. En 2003, il atteint 30,872 millions d'euros, soit une augmentation de 26 % par rapport à 2002. C'est ce que les services de la Présidence appellent une « grande stabilité des dépenses »...

Cette progression est d'ailleurs conforme au rythme des années précédentes, puisque, entre 1995 et 2003, ce budget est passé de 4,54 millions d'euros à 30,872 millions d'euros, soit une augmentation de 580 %.

Sans doute une correction s'impose-t-elle : le budget 1995 ne comprenait pas les fonds spéciaux qui, par définition, échappaient à toute analyse, alors que le budget 2003, s'il ne comprend plus les fonds spéciaux, supprimés par Lionel Jospin, comporte la dotation compensatoire qui les a remplacés. Il convient donc d'en retrancher cette compensation si l'on veut comparer les deux années. Cette opération effectuée, on voit que, à structure comparable, le budget de la Présidence augmente de 463 % entre 1995 et 2003. Quelle que soit la formule retenue, l'Élysée obtient, sans contestation possible, la médaille d'or de la progression budgétaire. Mais faut-il s'en réjouir ?

Pour expliquer une augmentation aussi vertigineuse, l'Élysée évoque une restructuration budgétaire et comptable consistant à rassembler des crédits jusqu'alors dispersés ; il faut également, nous dit-on, supporter des charges auparavant financées par d'autres, comme le coût des contractuels civils qui ont remplacé les appelés du contingent, le coût des timbres ou celui des communications téléphoniques. En outre, il convient de prendre en compte le salaire des collaborateurs du Président, dont la rémunération était auparavant complétée par telle ou telle entreprise publique. Au total, affirme le plus sérieusement du monde l'Élysée, les ressources n'ont pratiquement pas augmenté et d'ailleurs, précise-t-il, cette restructuration budgétaire sera achevée en 2003.

J'espère, monsieur le secrétaire d'État, que vous nous donnerez une autre explication, car la réalité est quelque peu différente.

Il apparaît d'abord que toutes les prestations extérieures n'ont pas été prises en charge : ainsi, c'est seulement en 2004 que l'Élysée remboursera à La Poste le coût salarial des quinze personnes qui lui sont affectées, en utilisant le reliquat du budget 2003 non dépensé, soit 760 000 euros.

De même, si la professionnalisation des armées a entraîné, en matière de personnel, un coût supplémentaire, ce dernier est toujours à la charge du ministère de la défense. En réponse à une question que je lui ai posée, le ministre de la défense précise en effet que « le nombre de militaires mis à disposition a diminué du fait de la fin de la conscription − moins 14 entre 1991 et 2001 - alors que les effectifs civils ont augmenté : plus 21 sur la même période ».

Enfin, à la page 55 de son rapport, la Cour des comptes souligne que « le mouvement de régularisation budgétaire n'est pas achevé » et évoque les dépenses toujours supportées par le budget du ministère des affaires étrangères.

Dans ces conditions, l'explication avancée est un peu l'arbre qui cache la forêt. On ignore d'ailleurs si cette régularisation s'est effectuée à somme constante ou si elle a dissimulé des augmentations. La réponse est évidente pour les fonds spéciaux, car leur suppression a été largement compensée − je devrais dire « super-compensée », puisque leur montant, qui s'élevait à 3,66 millions d'euros, est passé l'année suivante à 5,49 millions d'euros, ce qui représente une compensation à hauteur de 150 %. Les collectivités locales aimeraient bien profiter de ce genre de compensation.

Un second exemple montre que la restructuration permet souvent d'occulter l'augmentation des crédits. C'est en 2003 que les crédits du ministère de la culture utilisés à l'achat des fournitures de bureau − gommes, crayons, papier −, ainsi qu'à l'entretien et à la maintenance, ont été transférés au budget de la Présidence pour un total de 3,882 millions d'euros. Or, en 2003, le budget de la Présidence a augmenté de 6,298 millions d'euros. C'est dire que, si l'on fait abstraction de ce transfert, la progression nette − comme dirait M. de Courson − du budget atteint encore 10 %, soit dix fois le rythme d'évolution du budget de l'éducation nationale.

Un troisième exemple a trait au coût des trente-trois fonctionnaires de la ville de Paris détachés à la Présidence. Selon cette dernière, ce montant est remboursé à la ville, ce qui est tout de même la moindre des choses, même si la facture s'élève à 1,7 million d'euros ! Mais quand on constate que figurent, parmi ces fonctionnaires en détachement, un jardinier et trois chauffeurs, une remarque s'impose : soit ces personnes ont occupé des postes vacants, de sorte que la dépense globale de la Présidence n'est pas modifiée, soit elles sont en surnombre, et l'on peut alors s'interroger sur la pertinence de leur transfert.

S'il est facile d'affirmer que la hausse du budget provient de la réintégration de charges extérieures, il est donc plus difficile de le démontrer.

En outre, on ne saurait s'en tenir, pour connaître le vrai budget de l'Élysée, au montant du titre II. II convient d'y ajouter les dépenses financées par une dizaine de départements ministériels, dont je découvre, au fur et à mesure des réponses qui sont apportées à mes questions, que le montant ne cesse d'augmenter. À ce jour, c'est une somme globale de l'ordre de 45 millions d'euros qui vient compléter le budget visible, dont je rappelle qu'il atteint 30 millions d'euros. Et cette somme devrait encore s'accroître lorsque je pourrai y ajouter le coût des déplacements en avion de la Présidence - je parle, bien sûr, des seuls déplacements effectués sous le couvert de l'ETEC 2/65 qui a remplacé le GLAM.

Les dépenses de personnel illustrent cette situation ubuesque.

Dans le budget visible, les charges nettes de personnel, hors remboursement à la ville de Paris, se montent à 11 millions d'euros pour payer les contractuels, dont on ignore d'ailleurs le nombre exact du fait, toujours, de l'absence de transparence.

Paradoxalement, on connaît mieux le nombre, le coût et les grades des fonctionnaires que les ministères affectent à l'Élysée tout en continuant à les rémunérer : au nombre de 714, leur coût s'élève à 25 millions d'euros soit 2,5 fois plus que la dépense supportée directement par l'Élysée. Encore ce chiffre n'est-il pas définitif car je ne suis pas encore parvenu à la fin de cette séance de « déshabillage progressif » du budget de l'État, qui se révèle d'ailleurs de plus en plus passionnante au fur et à mesure qu'elle s'achemine vers son terme. (Sourires.)

En refusant de fournir au Parlement les informations qui lui permettraient d'exercer sa fonction de contrôle des fonds publics, que cherche à dissimuler l'Élysée ? Des emplois fictifs ? Des financements politiques occultes ? Le soupçon est d'autant plus fort que, selon la formule consacrée, on est toujours rattrapé par son passé. Surtout, les interrogations sont justifiées par les conditions particulières dans lesquelles l'argent de la Présidence est dépensé.

Parmi les institutions que l'on appelle les pouvoirs publics - Assemblée nationale, Sénat, Conseil constitutionnel, Cour de justice de la République et Haute Cour de justice... - la Présidence de la République est la seule pour laquelle il n'existe, comme le souligne la Cour des comptes, aucune règle financière ou budgétaire : les dépenses de l'Élysée échappent totalement aux normes de la comptabilité publique. La carte de crédit et le carnet de chèques y remplacent le mandat administratif.

Si l'on ajoute à cette particularité l'absence d'information et de contrôle, il en résulte que l'ensemble du budget de la Présidence possède toutes les caractéristiques des fonds spéciaux. Autrement dit, s'agissant de l'Élysée, leur suppression n'a eu aucune incidence puisque c'est l'ensemble du budget visible - c'est-à-dire 30 millions d'euros - qui est couvert par le secret.

Cette absence de réglementation financière ne manque pas d'occasionner des situations étonnantes, anormales, voire abracadabrantesques.

Ainsi, le traitement du Président de la République s'élève à 79 133,70 euros par an.

M. Pierre-Louis Fagniez. Ce n'est pas anormal.

M. René Dosière. Il est donc inférieur à celui du Premier ministre, qui est de l'ordre de 194 000 euros, inférieur à celui d'un ministre, qui s'élève à un peu plus de 125 000 euros, et même, monsieur Bussereau, inférieur à celui d'un secrétaire d'État, qui est d'environ 113 000 euros.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Président n'a pas à payer un appartement à Mazarine !

M. René Dosière. Quel drôle de pays, celui où un secrétaire d'État est mieux payé que le Président de la République !

J'ai donc demandé au Premier ministre de me préciser le texte qui a fixé cette rémunération. Quelle n'a pas été ma surprise : il n'y en a pas ! Il s'agit d'une tradition, sans que l'on puisse d'ailleurs en fournir la date de naissance. C'est un Président - on ignore lequel - qui a décidé de ce montant.

M. Michel Bouvard. Mitterrand ?...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Oui, ce doit être Mitterrand !

M. René Dosière. Pour sortir de cette situation ubuesque, je présenterai, à l'occasion de la discussion budgétaire, un amendement fixant le montant du traitement du Président de la République car, dans un régime démocratique, c'est à la loi de déterminer la rémunération des responsables politiques et, en particulier, du premier d'entre eux.

M. Charles de Courson. Et l'article 40 ? (Sourires.)

M. René Dosière. C'est le cas pour les ministres, les parlementaires, les élus locaux. Rien ne justifie qu'il n'en soit pas de même s'agissant du Président de la République.

Mes chers collègues, j'espère, au terme de cette analyse, vous avoir convaincus de la nécessité de corriger les nombreuses anomalies qui entachent le budget de la Présidence de la République. À cet effet, je formulerai cinq propositions.

Premièrement, doter la Présidence d'un budget unique en faisant disparaître les contributions des divers ministères désormais regroupées dans ce qui sera le vrai budget de l'Élysée. Cette procédure serait parfaitement conforme à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances, dont la finalité est bien de rendre le budget plus transparent.

Deuxièmement, définir un statut propre au personnel en poste à l'Élysée afin que la rémunération des intéressés soit harmonisée et toujours versée par la Présidence. Une liste des postes occupés figurera chaque année en annexe du document budgétaire que celle-ci doit publier.

Troisièmement, fixer les règles budgétaires applicables aux dépenses de la Présidence afin de distinguer les dépenses privées et les dépenses publiques et d'affecter les crédits en conséquence.

Quatrièmement, publier chaque année un compte rendu détaillé d'exécution du budget de la Présidence. Le document actuel, publié en vertu de l'article 115 de la loi de finances de 2002, expose le budget en trois pages et douze rubriques alors que l'Assemblée nationale publie chaque année un rapport d'une cinquantaine de pages sur son budget, lequel est détaillé en 76 rubriques, et que le rapport des questeurs aux membres de la commission de vérification des comptes commente, en 150 pages, un budget éclaté en 266 rubriques. La différence est flagrante : nous avons su rendre les comptes de l'Assemblée nationale totalement transparents. C'est là une attitude démocratique dont nous pouvons être fiers.

Cinquièmement, enfin, mettre en place une procédure de contrôle respectueuse de l'autonomie financière de la Présidence mais aussi de l'article XV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, selon lequel « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

Mes chers collègues, quand, en octobre 2001, j'évoquai pour la première fois l'augmentation considérable du budget de l'Élysée depuis 1995, l'étonnement fut général. À l'initiative de Didier Migaud, rapporteur général, l'Assemblée avait alors décidé qu'à l'avenir un document retracerait ce budget et son exécution. Force est de constater aujourd'hui, alors que ce document en est à sa troisième édition, que cette disposition n'a pas atteint son objectif puisque les explications fournies sont limitées, partielles, incomplètes.

On est donc en droit de s'interroger. Que cache ce refus de la transparence ? Quel type de dépenses cherche-t-on à dissimuler à la représentation nationale ?

Alors que l'on explique aux Français qu'il faut faire des économies et, en conséquence, réduire les moyens de fonctionnement de l'État, le fait que le budget de la Présidence augmente à un rythme élevé n'est pas le meilleur moyen de réconcilier les Français avec leurs responsables politiques. Le discrédit de la politique est alimenté par ce décalage entre les paroles et les actes, entre les promesses et les réalisations.

Pour la présentation du projet de loi de finances 2006, qui sera présenté conformément à la nouvelle constitution financière que représente la loi organique, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, assurer à la représentation nationale que le budget de la Présidence de la République sera totalement transparent ? En avez-vous la volonté et le courage ?

M. Augustin Bonrepaux. Et les moyens ?

M. René Dosière. En 1903, Charles Péguy écrivait déjà en s'adressant à ses amis socialistes - mais cela vaut pour tous ceux qui ont un idéal, comme les socialistes d'aujourd'hui : « Le tout premier devoir n'est pas de parler de son idéal, ni d'écrire son idéal ; c'est de vivre selon son idéal. » Quand le Président de la République proclame que l'État doit être exemplaire dans sa gestion, nous attendons que cette exemplarité ne s'arrête pas aux grilles de l'Élysée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, ce débat particulièrement intéressant nous a permis de faire le point sur le projet de loi portant règlement du budget de 2003. Nous en aurons donc débattu avant d'aborder l'examen de la loi de finances pour 2005, conformément, ainsi que l'a souligné le rapporteur général, aux exigences de la LOLF...

M. Didier Migaud. Heureusement !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...qui, dès le 1er janvier 2005, gouvernera nos travaux en matière budgétaire.

L'occasion m'est ainsi offerte de rappeler, devant les inventeurs, que je félicite, de cette loi organique, que, même si le premier budget dans le format LOLF en missions et programmes sera mis en œuvre au 1er janvier 2006, l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 sera formellement abrogée le 1er janvier 2005. Nous sommes donc à quelques semaines d'une transition historique.

Pour l'heure, nous vivons les derniers moments de la discussion de la loi de règlement, avant la mise en place d'un cadre rénové. Ceux qui ont créé la LOLF ont en effet souhaité revaloriser la place de la loi de règlement et en faire un temps fort de la vie parlementaire. Ce sera l'occasion pour le Parlement, non seulement de vérifier l'exécution chiffrée du budget, mais aussi d'évaluer l'efficacité de la dépense publique, la performance de l'administration, et de disposer en même temps d'éléments relatifs au patrimoine de l'État.

Les outils de cette réforme se mettent en place. Avec un an d'avance sur le calendrier de la réforme budgétaire, le Gouvernement va transmettre au Parlement, à l'occasion du projet de loi de finances pour 2005, une première version des stratégies, des objectifs et des indicateurs de résultat associés à chaque politique publique.

Après la présentation des premiers projets annuels de performance, nous serons en mesure de vous présenter, au milieu de l'année prochaine, les premiers rapports annuels de performance qui serviront de support à l'examen de la loi de règlement ; lequel deviendra alors ce temps fort également souhaité par Hervé Mariton.

Nous ne disposons pas encore de tous ces éléments. Mais si nous sommes impatients de les connaître et de travailler sur cette base, il n'en demeure pas moins que la discussion que nous avons aujourd'hui est capitale.

La loi de règlement que vous soumet le Gouvernement offre la photographie fidèle de la situation budgétaire du pays à la fin de l'exercice 2003. Elle permet de mettre en valeur ses atouts, notamment une totale maîtrise des dépenses de l'État, mais également - ainsi que l'ont souligné plusieurs d'entre vous - les points sur lesquels des progrès sont indispensables, en particulier le niveau de déficit élevé qui ne s'explique qu'en partie par la chute de croissance des années 2001 à 2003.

La dégradation de nos finances publiques est de nature structurelle : elle a été causée par la politique procyclique des années 1999 à 2001 qui a gaspillé les fruits de la croissance. Je reviendrai sur ce point.

L'examen de la loi de règlement est également l'occasion, au-delà des constatations comptables, de mettre en perspective la politique budgétaire du Gouvernement. Sans anticiper sur les discussions que nous aurons prochainement à l'occasion du projet de budget pour 2005, je tiens à préciser que notre politique s'inscrit en rupture avec celle du passé, qu'elle s'incarne dans le volontarisme et le refus de la fatalité, et qu'elle atteint des résultats tangibles. Je résumerai mon propos par des constatations factuelles.

Tout d'abord, la croissance est de retour, grâce à la conjoncture internationale, naturellement, mais aussi à notre réglage de politique économique et à des mesures ciblées d'aides à la consommation : la croissance française devrait être de 2,5 % en 2004, soit un point de plus que la moyenne européenne.

Ensuite, les dépenses de l'État sont maîtrisées dans la durée : pour la troisième année consécutive, elles seront stabilisées.

Enfin - certains d'entre vous l'ont rappelé - les déficits publics sont réduits : entre l'exécution de la loi de finances de 2003 que nous examinons aujourd'hui et le PLF pour 2005, le déficit a diminué de 12,1 milliards d'euros, ce qui nous permet de ramener le déficit des administrations publiques en dessous de 3 % en 2005.

Le présent projet de loi offre, disais-je, la photographie fidèle, sans aucun escamotage, monsieur Idiart, de la situation budgétaire du pays à la fin de l'exercice 2003.

Comme je l'ai indiqué dans mon introduction, il comporte un élément majeur de satisfaction, souligné par certains d'entre vous : la maîtrise des dépenses de l'État. Pas un euro de plus n'a été dépensé au regard du plafond voté par le Parlement, à savoir 273,8 milliards d'euros. Je voudrais à ce propos rendre hommage à la détermination d'Alain Lambert et de Francis Mer qui ont mis en commun leur énergie et leur pouvoir de conviction pour tenir le plafond des dépenses.

Atteindre cet objectif était important, M. de Courson l'a bien montré. D'abord, en raison du respect qui s'impose naturellement à l'égard de l'autorisation parlementaire. Ensuite, pour montrer aux Français, dans un contexte économique et financier difficile, que les finances de l'État étaient tenues. Enfin, vis-à-vis de nos partenaires européens, pour leur démontrer la crédibilité de nos engagements. C'est ainsi que se construit la confiance, laquelle n'a rien à voir, monsieur Sandrier, avec l'incompétence que vous avez cru pouvoir dénoncer.

M. Jean-Claude Sandrier. Mais j'ai dit l'inverse !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. La stabilisation des dépenses a été rendue possible grâce à la constitution précoce d'une réserve de précaution, qui a porté d'abord, cela a été rappelé, sur 4 milliards d'euros de crédits initiaux - ce qu'on appelle les crédits « frais » de la loi de finances initiale - et sur près de 7 milliards d'euros de crédits reportés.

Des besoins nouveaux et des aléas de gestion, cela a été rappelé également, ont pu être financés en puisant dans cette réserve, ce qui s'est traduit par plusieurs séries d'annulations : 1,4 milliard d'euros en mars 2003, l milliard en octobre et 1,8 milliard dans la loi de finances rectificative.

Ces opérations ont été conduites dans la plus totale transparence vis-à-vis du Parlement, qui a été informé préalablement des mesures de mise en réserve et d'annulation.

Certes, comme vous l'avez souligné, monsieur Bouvard, il faut que nous fassions évoluer la pratique de la régulation dans le cadre de la LOLF, et je propose que nous réfléchissions ensemble, en particulier avec les commissaires aux finances, à la manière dont cela pourrait se réaliser.

La maîtrise des dépenses de l'État en 2003 a notamment permis de résorber la fameuse « bulle » des crédits reportés qui s'était constituée dans les années 1999 à 2002. Ce phénomène était devenu inquiétant : comment respecter l'autorisation parlementaire, fondée sur une stabilisation des dépenses, alors que l'équivalent de 4,5 % du budget de l'État était reporté de l'exercice précédent ?

Grâce aux efforts du Gouvernement, appuyé par sa majorité, la bulle des reports, qui avait crû de 75 % de 1998 à 2002, a été dégonflée quasiment du même montant sur deux ans et les reports, qui s'établissaient à 14,1 milliards d'euros en 2002, sont passés à 11,3 milliards en 2003, puis à 8,8 milliards en 2004.

Le montant des reports est aujourd'hui en ligne avec les exigences de la LOLF : à compter du 1er janvier 2006, elle limitera en effet à 3 % des crédits initiaux de chaque programme le montant des crédits susceptibles d'être reportés sur la gestion suivante. Cela réglera définitivement la difficulté.

Voilà pour ce qui concerne les dépenses.

S'agissant des recettes, l'exécution reflète l'impact du cycle économique. Les recettes de l'État se sont repliées, pour la seconde année consécutive, à un rythme de 2,8 %. Les recouvrements de recettes fiscales ont traduit les effets de la chute de croissance amorcée à la fin 2001, qui a malheureusement prolongé ses effets jusqu'à la fin 2003.

Il était tablé pour 2003 sur une croissance économique de 2,5 %. Cette prévision était corroborée, au moment de l'examen de la loi de finances, par le consensus des économistes. Force est de constater que les spécialistes se sont trompés, tous sans exception, la croissance s'établissant in fine à seulement 0,5 %.

À Didier Migaud et à ceux qui seraient tentés de faire des reproches au Gouvernement, je rappellerai que la loi de finances pour 1993, préparée avec une hypothèse de croissance de 2,5 %, s'est achevée sur une récession de plus de 1 %. Je ne cherche pas à intenter un mauvais procès. Les retournements de cycle sont très difficiles à anticiper pour tout gouvernement et ils sont très amples dans leurs effets. Il faut avoir une exigence de modestie et de prudence dans l'exercice de la prévision économique, comme l'a rappelé Charles Amédée de Courson.

M. Jean-Louis Idiart. Oui, mais à l'époque, vous ne disiez pas la même chose !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. La langueur de l'activité économique a eu un impact mécanique sur le produit des recettes fiscales. Les moins-values se sont élevées à 9 milliards d'euros, ce qui est considérable, principalement au titre de l'impôt sur les sociétés : 2,7 milliards, de la TVA : 2,7 milliards, et de la TIPP : 1,5 milliard, sans qu'aucun système inventé par M. Migaud n'intervienne - ce n'est pas un reproche, c'est un constat.

Les recettes fiscales tendancielles, c'est-à-dire avant toutes mesures nouvelles, se sont réduites à 300 millions d'euros. L'atonie des recettes a été particulièrement marquée s'agissant de l'impôt sur les sociétés, en recul de plus de 15 % par rapport au produit de l'année 2001 et revenant à un niveau tout juste supérieur à celui de 1999.

Les recettes non fiscales ont également enregistré une moins-value de 2 milliards d'euros, due principalement à de moindres dividendes des entreprises publiques dont les résultats ont diminué du fait de la conjoncture. Ce résultat est décevant : rappelons en effet que les recettes non fiscales ont connu une croissance spectaculaire de 46 % entre 1998 et 2002, les gisements de recettes ponctuelles ayant été systématiquement mobilisés par la précédente majorité.

Dans ce contexte difficile, le Gouvernement a clairement tenu le cap de sa politique économique. C'est la gestion sérieuse évoquée par Hervé Mariton.

Outre la stricte maîtrise des dépenses, le Gouvernement s'était engagé à laisser jouer ce que les économistes appellent les « stabilisateurs automatiques », c'est-à-dire à ne pas compenser les moins-values de recettes fiscales par des augmentations d'impôts ou des économies supplémentaires, car si nous avions fait cela, nous aurions amplifié les effets du cycle et nous aurions précipité notre économie, qui était déjà en quasi-stagnation, dans la récession. L'exemple d'un pays proche de nous, et qui a parfois voulu nous donner des leçons dans le passé, les Pays-Bas, montre bien les risques d'une telle politique et prouve que, comme l'a souligné le rapporteur général, nous avons fait le bon choix.

C'était un choix de raison. Certes, le déficit s'est accru, pour s'établir, en fin d'année, à 57 milliards d'euros.

M. Didier Migaud. Un record !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Mais l'écart par rapport à la loi de finances initiale s'explique intégralement et exclusivement par des moins-values de recettes.

C'était également un choix d'efficacité puisque la France a retrouvé une croissance économique forte et se situe aujourd'hui dans le peloton de tête en Europe. La stratégie consistant à laisser jouer les stabilisateurs automatiques a pleinement porté ses fruits.

Peut-on tirer des enseignements de l'exécution 2003 ? Je vous en propose deux : premièrement, avant 2003, Hervé Mariton en a fait l'éclatante démonstration, nos finances publiques étaient structurellement dégradées ; deuxièmement, nous ne devons pas répéter ces erreurs de politique économique.

Il est utile tout d'abord de s'interroger sur 1'origine des difficultés rencontrées par la France en matière de finances publiques depuis le début des années 2000.

La France a connu, à l'occasion de la bulle Internet, la phase d'expansion la plus forte depuis la fin des Trente glorieuses : la croissance s'était établie à 3,5 % en 1998, 3,2 % en 1999 et 4,2 % en 2000.

Au-delà de la forte croissance du commerce mondial, qui est une chose positive, l'accélération de l'activité durant cette période s'explique par des facteurs artificiels, qui ont ensuite renversé leurs effets. Dans un premier temps, l'euphorie boursière a incité les entreprises à investir en s'endettant. Mais, dans un second temps, la très forte correction des cours boursiers a dégradé les bilans et conduit les entreprises à se désendetter en réduisant de manière drastique leurs investissements en 2002 et 2003.

Durant cette période, les recettes fiscales de l'État ont augmenté deux fois plus vite que le PIB, avec une élasticité extraordinaire, supérieure à 2, générant une manne exceptionnelle : rien qu'en 1999, les recettes fiscales ont progressé d'une année sur l'autre de 17 milliards d'euros.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Qui ont été gaspillés !

M. Michel Bouvard. Ils ont fait pschitt !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Ces recettes exceptionnelles et volatiles auraient dû être affectées à la réduction des déficits. Elles ont en réalité servi à financer des baisses d'impôt permanentes ou des dépenses récurrentes. Monsieur Migaud, je considère que le gouvernement d'alors a été dispendieux et imprévoyant.

M. Michel Bouvard. Surtout avec les 35 heures !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La cigale socialiste !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Ce n'est naturellement pas le rapporteur général des finances qui porte la responsabilité de cette politique mais la majorité d'alors.

L'État s'est comporté comme ces start-up de la nouvelle économie qui, à la même époque, ont absorbé en quelques mois leurs fonds propres.

Prenons juste l'exemple de l'année 2001. La précédente majorité a affecté l'intégralité de la marge de manœuvre dont elle disposait, soit 20,5 milliards d'euros, à des hausses de dépenses, pour 10,5 milliards d'euros, et à des baisses d'impôts, pour 12,3 milliards d'euros. En définitive, nos comptes publics étaient dégradés au moment où s'est amorcé le retournement conjoncturel de l'hiver 2001-2002, et le passage au-dessus des 3 % de PIB était devenu quasiment inévitable.

M. Didier Migaud. Ce n'est pas vrai !

M. Augustin Bonrepaux. N'inventez pas !

M. Jean-Louis Idiart. C'est du roman !

M. Didier Migaud. Vous réécrivez l'histoire !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Migaud, comme vous avez oublié de citer une remarque très intéressante du rapport de la Cour des comptes, permettez-moi de la rappeler : « La croissance économique des années quatre-vingt-dix a contribué à montrer le caractère structurel de la dégradation des finances publiques. » Vous en portez la responsabilité.

Le Gouvernement met en œuvre depuis plus de deux ans une politique budgétaire en nette rupture avec celle conduite par la législature précédente.

Une première priorité est l'assainissement de nos finances publiques. Agir ainsi, c'est œuvrer pour rétablir la confiance de nos concitoyens. Il ne peut y avoir de rétablissement durable de la confiance si nos compatriotes ont le sentiment que les comptes publics ne sont pas maîtrisés et que, par conséquent, leurs revenus risquent, à long terme, d'être sollicités.

Ce sont les raisons pour lesquelles nous avons, avec Nicolas Sarkozy, reconduit la stabilisation des dépenses de l'État, qui constitue l'axe fondamental de notre politique budgétaire. Cela avait été fait en 2003 par Francis Mer et Alain Lambert. L'effort est reconduit en 2004 et 2005.

Par ailleurs, nous consacrons cette année les 5 milliards de plus-values fiscales de 2004 au service unique du désendettement. Là encore, nous sommes dans une cohérence totale : c'est l'application symétrique du jeu des stabilisateurs automatiques en 2003.

Notons au passage qu'avec 9 milliards d'euros de moins-values en 2003 et seulement 5 milliards d'euros de plus-values en 2004, la balance demeure déséquilibrée de 4 milliards d'euros. Ce chiffre suffit, je crois, à dissiper l'idée qu'il y aurait une sorte de trésor caché qu'il faudrait immédiatement chercher à dépenser.

Nos compatriotes sont témoins que cette politique porte ses fruits : un peu plus de six mois après avoir fait le constat d'une exécution budgétaire dégradée, le Gouvernement présente un budget pour 2005 qui réduit le déficit de 12 milliards d'euros, pour l'établir à 44,9 milliards d'euros. Pour la première fois depuis 2001, les déficits publics seront inférieurs à 3 % du PIB.

La seconde priorité, c'est d'éviter à l'avenir la répétition des erreurs du passé, et ceci m'amène à vous parler du projet de loi présenté ce matin en conseil des ministres par Nicolas Sarkozy, qui vise à compléter la LOLF pour ce qui concerne la conduite de la politique budgétaire.

Il s'agit pour le Gouvernement de préciser, à l'avance et en toute transparence, l'utilisation qu'il fera des éventuelles plus-values de recettes fiscales qui apparaîtraient en cours de gestion. En période de reprise économique, ce phénomène est inévitable. C'est d'ailleurs un événement heureux. Encore faut-il ne pas se tromper dans sa gestion. Il nous semble donc impératif de fixer une règle pour l'avenir, destinée à éviter que les plus-values de recettes liées à la conjoncture économique soient détournées de l'impératif de diminution des déficits et de la dette. Quand un pays a 1 000 milliards d'euros de dette, il n'y a rien d'autre à faire, et pour longtemps.

Le projet de loi organique qui a été adopté en conseil des ministres et dont nous débattrons dans cette enceinte pose une double exigence : une information du Parlement préalable et une information du Parlement a posteriori, puisque le gouvernement devra naturellement rendre compte de la gestion des plus-values de recettes au titre de l'exécution de la loi de finances. Nous considérons qu'il s'agit d'un progrès majeur dans l'affermissement de notre politique budgétaire.

En conclusion, après avoir rappelé l'exécution du budget 2003 et le contexte dans lequel elle s'inscrit, il me reste à vous indiquer que le projet de loi de règlement procède, comme c'est la coutume, aux derniers ajustements de crédits permettant d'apurer la gestion budgétaire.

Les ouvertures demandées sur le budget général sont de 3,2 milliards d'euros : l'essentiel provient de remboursements et dégrèvements, neutres sur la norme de dépenses.

Les annulations proposées atteignent 1,5 milliard d'euros, et portent pour la moitié sur des dépenses de fonctionnement courant.

Enfin, outre les apurements classiques de pertes et profits en trésorerie et les traditionnelles remises de dettes aux pays étrangers, le projet de loi de règlement propose des reconnaissances d'utilité publique de dépenses comprises dans quatre gestions de fait, constatées par la Cour des comptes. Elles se montent à 205 000 euros. En les reconnaissant d'utilité publique, vous éviterez aux gestionnaires de fait, qui n'ont pas agi dans leur intérêt propre, d'être redevables des fonds.

L'examen de la loi de règlement comporte aussi ses classiques. Nous sommes à l'automne, saison des marrons et des marronniers : il y a donc eu celui de M. Dosière concernant le budget de la Présidence de la République. (Sourires.)

Permettez-moi de rappeler, en quelques mots, le contexte.

D'abord, j'indique que, comme les deux Assemblées, la Présidence de la République jouit de l'autonomie financière.

M. Jean-Louis Idiart. Cela ne doit pas l'empêcher d'agir dans la transparence !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Une décision du Conseil constitutionnel du 27 décembre 2001 a rappelé que cette règle était le corollaire du principe de séparation des pouvoirs. En conséquence, les pouvoirs publics déterminent eux-mêmes les crédits nécessaires à leur fonctionnement.

Il est exact que les crédits de la République ont augmenté depuis 1997.

M. Augustin Bonrepaux. Un peu trop quand même !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est la traduction de la volonté manifestée par la Présidence de rapatrier l'ensemble des moyens concourant à son action et qui étaient auparavant éparpillés sur un grand nombre de ministères.

Je tiens à dire, monsieur Dosière, et l'exposé que vous avez fait en est la démonstration, que l'information du Parlement a été fort enrichie avec un « jaune » relatif au budget des pouvoirs publics depuis le projet de loi de finances pour 2003. La Présidence précise son projet de budget et justifie ses demandes de crédits. Dans ce projet de loi portant règlement définitif du budget de 2003, un rapport présente l'exécution 2003 du budget de la Présidence de la République.

M. René Dosière. Il n'y a rien dans ce rapport !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Si vous n'y avez pas trouvé vos informations, je ne sais pas où vous êtes allé les chercher ! Dans des déclarations verbales ?

M. René Dosière. Je pose des questions écrites aux ministres !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Ça, je le sais bien ! Je connais votre tempérament questionneur et je ne peux d'ailleurs pas vous en vouloir, car vous faites votre travail de parlementaire.

Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi traduit les résultats d'une année certes difficile pour nos finances publiques - il faut bien le reconnaître, ce n'est pas une année grandiose -,...

M. Didier Migaud. C'est sûr !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire.... mais au cours de laquelle le Gouvernement, avec le soutien de la majorité, a amorcé une politique favorable à la France et aux Français, dont les dividendes sont aujourd'hui clairement perceptibles avec le retour de la croissance, l'assainissement de nos finances publiques et bientôt, je l'espère, l'amélioration de l'emploi. C'est pourquoi je vous demande, au nom du Gouvernement, de bien vouloir approuver ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion des articles

M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Personne ne demande la parole ?...

Je vais donc procéder aux votes.

Article 1er

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2 et tableau A annexé

M. le président. Je mets aux voix l'article 2 et le tableau A annexé.

(L'article 2 et le tableau A annexé sont adoptés.)

Article 3 et tableau B annexé

M. le président. Je mets aux voix l'article 3 et le tableau B annexé.

(L'article 3 et le tableau B annexé sont adoptés.)

Article 4 et tableau C annexé

M. le président. Je mets aux voix l'article 4 et le tableau C annexé.

(L'article 4 et le tableau C annexé sont adoptés.)

Article 5 et tableau D annexé

M. le président. Je mets aux voix l'article 5 et le tableau D annexé.

(L'article 5 et le tableau D annexé sont adoptés.)

Article 6 et tableau E annexé

M. le président. Je mets aux voix l'article 6 et le tableau E annexé.

(L'article 6 et le tableau E annexé sont adoptés.)

Article 7 et tableau F annexé

M. le président. Je mets aux voix l'article 7 et le tableau F annexé.

(L'article 7 et le tableau F annexé sont adoptés.)

Article 8 et tableau G annexé

M. le président. Je mets aux voix l'article 8 et le tableau G annexé.

(L'article 8 et le tableau G annexé sont adoptés.)

Article 9 et tableau I annexé

M. le président. Je mets aux voix l'article 9 et le tableau I annexé.

(L'article 9 et le tableau I annexé sont adoptés.)

Articles 10 à 14

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les articles 10 à 14.

(Les articles 10 à 14, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole dans les explications de vote ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

    4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Discussion du projet de loi, n° 1732, portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité :

Rapport, n° 1827, de M. Pascal Clément, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot