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Première séance du mardi 9 novembre 2004

49e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

HOMMAGE AUX SOLDATS FRANÇAIS
TUÉS À BOUAKÉ

M. le président. Monsieur le Premier ministre, chers collègues, avant les questions au Gouvernement, je vous propose d'observer un moment de silence et de recueillement à la mémoire de nos neuf soldats morts à Bouaké. Nous nous associons tous ainsi au deuil de leurs familles. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)

    2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Mes chers collègues, la conférence des présidents a décidé que les quatre premières questions portant sur les événements en Côte d'Ivoire seraient appelées successivement et feraient l'objet d'une réponse commune de M. le Premier ministre.

CÔTE D'IVOIRE

M. le président. La parole est à M. François Bayrou, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. François Bayrou. Monsieur le Premier ministre, nous venons de saluer la mémoire de neuf soldats français. Nous pensons à leurs enfants, à leurs familles, nous pensons aussi à leurs trente-huit camarades, dont beaucoup sont blessés grièvement, ainsi qu'à leurs proches.

Ces soldats ont été victimes d'un bombardement délibéré, précédé de deux repérages. La décision prise immédiatement par le Président de la République de détruire le matériel de l'aviation ivoirienne est donc apparue mesurée et proportionnée, pour tout dire légitime.

Monsieur le Premier ministre, pour réelles que soient les questions diplomatiques et politiques, et grand le besoin de clarification, l'urgence, à cette heure-ci, est ailleurs. L'urgence c'est l'inquiétude que ressentent les Français qui vivent en Côte d'Ivoire - plus de 16 000 -, parfois dans des zones fort éloignées des grands centres, qu'ils soient coopérants, commerçants, cadres d'entreprise, religieux ou autres. D'ores et déjà, 1 200 d'entre eux ont trouvé refuge dans le camp militaire français et plusieurs centaines d'autres ont gagné la mission de l'ONU. Le climat est très lourd, nous le savons, avec des agressions, des attaques et des vols, en particulier la nuit, même si les témoignages nous disent aussi que de nombreux Ivoiriens, auxquels je veux rendre hommage, ont défendu, aidé et accueilli leurs voisins français.

Chacun mesure bien les risques et comprend la nécessité d'une protection adaptée. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous informer la représentation nationale sur le plan mis en place pour protéger, et éventuellement évacuer les Français et les Européens qui seraient en danger ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lefort, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Claude Lefort. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, le groupe des député-e-s communistes et républicains exprime sa plus vive préoccupation devant la situation qui prévaut en Côte d'Ivoire. Il tient avant tout à témoigner sa pleine solidarité aux familles des soldats français assassinés, eux qui étaient des soldats de la paix.

Nous sommes présents dans ce pays sous mandat pertinent et légitime de l'ONU : ce point est incontestable et indiscutable. Il n'en reste pas moins que les derniers événements soulèvent deux questions essentielles.

Tout d'abord, bien que clairement précisée, notre présence dans ce pays est, pour des raisons historiques, plus ou moins bien acceptée. Nous avons parfaitement conscience qu'elle se heurte à des volontés adverses et diverses, au risque de nous entraîner dans un véritable bourbier. Ce constat nous amène à proposer l'envoi d'une force d'interposition sous mandat de l'ONU, qui soit plus nettement et plus effectivement multilatérale qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Par ailleurs, seule une solution politique permettra de sortir de la crise. Dans cette optique, quelles sont, monsieur le Premier ministre, les initiatives en cours, et surtout envisagées sur ce sujet central par la France, la communauté internationale et l'Union africaine ? Nous souhaitons que vous éclairiez l'Assemblée nationale et, au-delà, l'opinion publique, et attendons de votre part une réponse précise sur ces deux points essentiels. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Guy Teissier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Guy Teissier. Monsieur le Premier ministre, être soldat, c'est un métier qui ne ressemble à aucun autre. Il est fait de dévouement, d'épreuves et de courage. Être soldat, c'est exercer une mission très souvent difficile au service de son pays, dont le sacrifice suprême peut être la mort.

Samedi, neuf militaires français ont été tués en Côte d'Ivoire, trente-cinq autres blessés, plongeant leurs frères d'armes dans une peine profonde, et semant la consternation au sein de la communauté nationale. Samedi, ce sont des enfants de France qui sont morts, morts au service de la paix. Demain, la République leur rendra un ultime et solennel hommage en présence du chef de l'État, du Gouvernement et des représentants du Parlement.

Outre la solidarité que la représentation nationale doit exprimer à cet instant aux familles des victimes, à tous les soldats en poste en Côte d'Ivoire, mais également aux 15 000 militaires en poste à travers le monde dans le cadre de nos opérations extérieures, il nous faut réaffirmer la fermeté de la France face à ces attaques inacceptables de la part des forces gouvernementales ivoiriennes. Nous devons aussi redire notre volonté d'assurer prioritairement la sécurité de nos ressortissants, de tous nos ressortissants et, dans le strict cadre du mandat de l'ONU et de la légalité internationale, le maintien de la paix entre les belligérants, conformément aux accords de Marcoussis et d'Accra. Tel doit bien être le rôle de la France.

La mission que nos militaires exerçaient jusqu'alors était rude ; elle s'annonce délicate dans les semaines à venir. Mais j'ai confiance, nous avons confiance dans le professionnalisme, dans la rigueur et l'expérience de nos troupes. Monsieur le Premier ministre, la France est meurtrie, blessée dans sa chair, mais elle reste fidèle aux rendez-vous de l'histoire. Je sais qu'elle ne faillira pas à sa mission.

Aussi, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur les conditions de cette agression, faire le point de la situation en Côte d'Ivoire, et préciser les orientations stratégiques et politiques que vous entendez prendre pour que cesse enfin le double langage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Le Bris, pour le groupe socialiste.

M. Gilbert Le Bris. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, neuf soldats français ont été tués, et beaucoup d'autres blessés en Côte d'Ivoire. Nous nous associons à la douleur des familles et compatissons aux souffrances de nos compatriotes qui, à titre civil ou militaire, se trouvent dans ce pays, devenu une véritable poudrière.

Pour avoir rendu visite l'année dernière, avec une délégation de notre assemblée, à nos soldats en divers points du territoire ivoirien, je sais à quel point leur mission, menée avec l'aval des Nations unies, est importante et justifiée. Ils l'accomplissent avec compétence, professionnalisme tout en faisant preuve de qualités humaines. Mais ils sont dans une situation difficile car, depuis les accords de Marcoussis-Kléber, ils sont en situation de devoir séparer des belligérants. Or, le bon sens populaire sait que celui qui s'interpose entre des combattants s'expose à recevoir leurs coups.

Monsieur le Premier ministre, à la lumière de ces récents et dramatiques événements, quelles sont les conclusions politiques que vous tirez pour la France ? Comment sortir de la crise ? Et quelle posture sera désormais celle de nos armées en Côte d'Ivoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tiens tout d'abord à associer le Gouvernement au recueillement de votre assemblée à la mémoire des soldats français morts en Côte d'Ivoire, morts pour la paix.

Vous le savez, la situation en Côte d'Ivoire est à la fois ancienne, grave et complexe.

Je rappellerai les faits auxquels nous avons été confrontés : face à la situation de blocage qui continuait de prévaloir en Côte d'Ivoire depuis les accords non appliqués de Marcoussis, le président Gbagbo a cherché unilatéralement à recouvrer l'intégrité du territoire ivoirien. Le Président de la République française l'a personnellement mis en garde contre le risque majeur d'une telle entreprise. Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, et M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, ont activement relayé son message. Le chef de l'État ivoirien n'a pas cru bon de l'entendre et samedi matin, neuf militaires français qui, loin de combattre, n'étaient là que pour assurer la paix dans le cadre de l'opération Licorne, en appui aux forces des Nations Unies, sont morts au cours d'un bombardement de l'aviation ivoirienne, tandis que vingt-huit autres étaient blessés.

Comme vous, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement rend hommage à leur mémoire et exprime à leurs familles son immense tristesse et sa profonde reconnaissance. Nos forces ont immédiatement répliqué à une agression perpétrée en dépit de nos mises en garde et de nos avertissements, mettant hors d'état de nuire l'aviation ivoirienne. Dans un second temps, elles ont sécurisé l'aéroport d'Abidjan et renforcé notre dispositif en vue d'assurer, d'une part, la sécurité de la communauté française dans la ville, d'autre part, les conditions nécessaires à l'évacuation des blessés.

Je tiens à saluer ici le professionnalisme et le sang-froid dont ont fait preuve nos soldats dans des situations particulièrement difficiles. Notre priorité a été de ramener le calme. Cependant, à l'heure où je vous parle, la situation demeure précaire et il est hélas à craindre qu'elle ne se tende. Nous devons faire preuve de la plus extrême vigilance.

Le sort de nos compatriotes constitue évidemment notre priorité absolue. Plusieurs centaines d'entre eux sont rassemblées au 43e BIMA et dans les locaux de l'Organisation des Nations Unies où, bien que physiquement protégés, ils vivent, vous le savez, des heures particulièrement éprouvantes, pleines d'incertitude et d'angoisse.

Le Gouvernement a mobilisé en France l'ensemble des administrations de l'État concernées afin de faire face à la situation et de répondre aux besoins de nos compatriotes. Au-delà, en liaison étroite avec nos partenaires internationaux, notamment africains, qui ont soutenu nos démarches, nous nous efforçons de remettre sur ses rails le processus de paix, et de retrouver la voie de la solution politique, la seule envisageable à nos yeux. C'est dans ce cadre que le Président de la République d'Afrique du Sud, M. Thabo Mbeki, est arrivé en fin de matinée à Abidjan, où il tentera de convaincre le président Gbagbo.

Vous m'interrogez, mesdames et messieurs les députés, sur la position adoptée par la France. Notre objectif est triple.

Il convient, premièrement, d'assurer la sécurité des populations civiles et étrangères, à commencer bien sûr par celle de nos ressortissants ; deuxièmement, de préserver la légitimité de l'État et des institutions qui sont la base du régime ; troisièmement, de veiller au respect de l'intégrité du territoire national de la Côte d'Ivoire, pour stabiliser la région.

Une solide conviction fonde notre action, qui suit une méthode précise.

Notre conviction, c'est qu'il appartient évidemment aux Ivoiriens eux-mêmes de progresser dans la bonne voie. Aucune action militaire ne saurait apporter la solution durable à laquelle les Ivoiriens aspirent tout comme nous. Seule une solution politique, fondée sur le dialogue et la réconciliation nationale, permettra de sortir d'un conflit qui, aujourd'hui, coupe le territoire ivoirien en deux.

La méthode, quant à elle, ne saurait souffrir aucune équivoque. La crise qui secoue aujourd'hui la Côte d'Ivoire n'est en aucune façon un tête-à-tête entre ce pays et la France. Notre action s'inscrit dans le cadre de celle de la communauté internationale, unie dans les enceintes africaines comme dans celles de l'ONU. La démarche que nous entendons poursuivre est naturellement difficile et exigeante. Il ne s'agit pas pour nous de choisir un camp, mais de promouvoir une solution afin d'éviter à ce pays la guerre civile.

Nos soldats sont morts parce qu'ils se battaient pour la paix, contre la guerre civile. Notre pays, au nom des organisations internationales ne poursuit qu'un seul but : éviter cette guerre civile en appelant tous les acteurs au sens des responsabilités. La France continuera d'assumer les siennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Mes chers collègues, demain mercredi nos débats seront suspendus de seize heures à dix-sept heures, au moment même où, aux Invalides, se déroulera la cérémonie en mémoire de nos soldats. Ce sera pour nous tous l'occasion de nous associer au deuil des familles et au deuil de la France.

Nous reprenons les questions d'actualité.

TARIFS BANCAIRES

M. le président. La parole est à M. Marc Francina, pour le groupe UMP.

M. Marc Francina. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre d'État, il y a un peu plus de trois semaines, vous avez demandé aux établissements bancaires, lors d'une réunion du comité consultatif des services financiers, d'améliorer leurs relations avec leurs clients. Le 7 octobre, vous avez détaillé les nombreux points sur lesquels vous souhaitiez que les banques améliorent la qualité du service rendu à nos concitoyens, comme les difficultés de paiement ou la multiplication des frais en tous genres. Dois-je le rappeler qu'une échéance impayée du fait, par exemple, d'un salaire qui n'a pas été viré, coûte en frais fixes 13 euros au titulaire ?

Tous les aspects paraissent avoir été abordés, qu'il s'agisse de la tarification des incidents de paiement, des interdits bancaires, des retraits d'espèces payants au guichet, de l'accès de tous à un compte, de la mobilité des clients, du renforcement de la concurrence ou de la transparence des tarifs. Chacun reçoit le détail des frais fixes que prennent les banques : ces frais occupent aujourd'hui vingt-cinq lignes, là où trois lignes suffisaient il y a trente ans.

Après un mois de discussion, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre d'État, si les banquiers ont été réceptifs à vos requêtes, s'ils se sont engagés sur des mesures ou s'ils sont sur le point de concrétiser certaines de vos propositions, dans l'intérêt de tous les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, depuis des années, en effet, les associations de consommateurs demandent à juste titre, au nom des clients des banques, des avancées en la matière. La réunion de cet après-midi devrait marquer un progrès.

Une première avancée doit consister dans une plus grande lisibilité des relevés bancaires : les lignes relatives à la tarification doivent être clarifiées. Trop souvent, il faut bien le reconnaître, on se trouve confronté, quelle que soit sa compétence, sinon à de l'obscurité, du moins à une grande complexité.

Deuxièmement, il est profondément injuste que nos compatriotes les plus démunis ne puissent disposer de chéquiers ou de carte bancaire et soient contraints de recourir, lorsqu'ils s'inscrivent, par exemple, à la cantine municipale, à des chèques de banque, dont le coût, chacun le sait, est élevé. Il convient de garantir à la catégorie la plus défavorisée de la population un moyen d'accès facile au système bancaire.

Troisièmement, si l'on veut favoriser la concurrence, on ne peut accepter qu'un client paye pour quitter sa banque.

Quatrièmement, il faut le reconnaître, des clients de bonne foi subissent des excès de tarification alors que, loin d'être des fraudeurs patentés, ils connaissent des incidents de paiement en raison d'un retard de virement ou d'un chèque non déposé.

Cet après-midi, je le crois sincèrement, monsieur le député, les rapports entre les clients et les banques vont considérablement progresser. Je dois à la vérité de reconnaître que toutes les banques ont parfaitement joué le jeu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

DÉLINQUANCE

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Païx, pour le groupe UMP.

Mme Bernadette Païx. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Monsieur le ministre, la délinquance constatée au mois d'octobre a nettement baissé : 9 % de moins qu'en d'octobre 2003. La diminution de la délinquance de voie publique est particulièrement spectaculaire, puisqu'elle est de l'ordre de 15 %. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La mise en place d'une véritable politique de lutte contre la délinquance, tant attendue pas les Français, a permis d'amorcer une baisse sensible de la criminalité dans notre pays.

M. Albert Facon. Assez !

Mme Bernadette Païx. L'ensemble de ces mesures ne saurait toutefois suffire à éradiquer la délinquance.

Monsieur le ministre, vous étiez hier à Nîmes, aux côtés du Président de la République, pour la sortie de la promotion des élèves gardiens de la paix. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Tout en saluant les résultats sans précédent obtenus en matière de sécurité, le chef de l'État a rappelé que, pour être pleinement efficace, la lutte contre la délinquance doit s'accompagner d'une véritable politique de prévention.

M. Maxime Gremetz. Tout de même !

Mme Bernadette Païx. Monsieur le ministre, pouvez-vous exposer à la représentation nationale vos objectifs en matière de prévention de la délinquance (« Allo ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste), ainsi que le calendrier de ce chantier indispensable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Madame la députée, merci pour votre question ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Elle me permettra de clarifier devant la représentation nationale notre stratégie de lutte contre la délinquance qui, vous le savez, a donné des résultats exceptionnels : la délinquance générale a baissé de 4,5 % depuis le début de l'année - 150 000 victimes en moins dans notre pays -...

M. Arnaud Montebourg. Assez d'autosatisfaction !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ...et la délinquance de voie publique de 16 %. Surtout, nous avons stabilisé les violences contre les personnes, ce qui est une première depuis dix ans. Elles avaient augmenté de 16 % en 2001 et elles sont en baisse de 0,6 % aujourd'hui.

M. Henri Emmanuelli. Quel résultat extraordinaire !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le Président de la République l'a rappelé hier à Nîmes : il faut aller plus loin. C'est ce que nous entendons faire en suivant une triple stratégie.

Il s'agit, tout d'abord, de fonder notre action sur un principe clair : toute infraction mérite sanction ou réparation. En cas de récidive, la sanction doit être aggravée.

M. Jean-Pierre Blazy. Chirac !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous veillerons notamment à suivre les grands criminels ou les délinquants sexuels. C'est tout le sens du projet de loi pour la prévention de la délinquance que Dominique Perben et moi-même préparons pour la fin de l'année.

Ensuite, notre action doit être globale. Le combat doit être mené sur tous les fronts. C'est le sens des politiques nouvelles que j'ai engagées contre la drogue, contre la cybercriminalité, contre les discriminations et contre les grands réseaux. L'action doit être conduite en concertation avec l'ensemble des pays européens, au premier rang desquels les cinq grands pays de l'Europe, dans le cadre du G5.

Un député du groupe socialiste. Pourquoi eux en priorité ?

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Enfin, il convient de mener contre les violences sur mineur une action ciblée : 20 % des faits de délinquance concernent les mineurs. Ils en sont le plus souvent les victimes. Pour la seule année scolaire 2003-2004, 80 000 mineurs ont été concernés par les violences scolaires. C'est le sens du protocole que j'ai signé avec François Fillon, visant à la désignation d'un correspondant police et gendarmerie pour chaque établissement scolaire, ce qui permettra d'établir un véritable diagnostic de la sécurité dans les écoles.

Madame la députée, nous sommes engagés dans la lutte contre la délinquance et nous obtenons des résultats. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)


POLITIQUE TERRITORIALE

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Pierre Balligand. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Dans quelques jours, des milliers d'élus locaux se rendront au congrès annuel des maires de France. Leur inquiétude est vive face au désengagement croissant de l'État dans les contrats de plan. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Tout le monde sait que les routes nationales, les réseaux ferrés, la santé, le social, l'environnement sont concernés. Mais l'on doit aussi considérer le volet territorial des contrats de plan. Si la dynamique des pays et des agglomérations ne fait plus débat aujourd'hui, force est de constater que la contractualisation, c'est-à-dire la signature par l'État, à ces échelons, de contrats de développement du territoire, peine à suivre. Tous les élus des communautés de communes et d'agglomération de France sont pourtant demandeurs de contrats territoriaux.

Comment justifier, monsieur le ministre, que seuls 94 des 169 projets d'agglomération et, surtout, 73 des 321 chartes de pays reconnus aient été signés cette année ? Il y a là un vrai motif d'inquiétude pour les élus locaux, qui savent ce que leur apporte l'intercommunalité. Non seulement le Gouvernement ne tient pas ses promesses, mais il tente maintenant de faire diversion en instituant des appels à projet pour les métropoles ou les pôles de compétitivité, marginalisant ainsi l'ensemble des villes petites et moyennes, qui sont le poumon économique de la France rurale.

Nous exigeons donc que l'État soit au rendez-vous et honore ses engagements. Monsieur le ministre, avez-vous une politique territoriale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Oui, monsieur le député, nous avons une politique territoriale (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste), et vous êtes trop fin observateur pour l'ignorer !

Le Gouvernement entend réduire la fracture territoriale que vous nous avez laissée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Ce sont 114 contrats de pays qui ont été signés, et non pas 74 : première erreur de votre part ! Deuxièmement, 163 de ces contrats sont en préparation. Troisièmement, pour les contrats de plan, le Premier ministre a annoncé l'attribution de 300 millions d'euros supplémentaires en autorisations de programme destinés à pallier les déficits et les retards que vous nous avez laissés en 2002. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Le CIADT du 18 décembre 2003 visait aussi à remédier à vos carences : vous aviez annoncé 15 milliards d'euros pour réaliser des infrastructures et vous n'avez rien financé ! (« Calmez-vous ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Eh bien nous, avec l'AFITF, nous serons en mesure dès le 1er janvier 2005 de financer jusqu'à 30 milliards d'infrastructures en France.

Et évitez de gloser sur les pôles de compétitivité, monsieur Balligand ! Vous savez fort bien que l'existence d'une vingtaine de ces pôles est très importante pour dégager une synergie entre les laboratoires de recherche, les universités, les collectivités locales et les entreprises. On ne peut en effet délocaliser une entreprise qui fait partie d'un tel ensemble.

Enfin, nous n'oublions pas les territoires ruraux, qui, c'est vrai, ont souvent le sentiment d'être abandonnés.

M. Augustin Bonrepaux. Vous les avez oubliés ! Vous ne faites rien !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Je prendrai deux exemples. En matière de services publics tout d'abord (« Parlons-en ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) nous allons organiser des maisons de service public regroupant ces activités, de façon à ce que les heures d'ouverture et la qualité des services soient améliorées par la synergie des moyens.

Second exemple : en deux années, la France a rattrapé son retard en matière d'Internet et de haut débit ADSL. Lorsque le haut débit sera entré dans tous les foyers, c'est la fracture territoriale qui se trouvera réduite. Ainsi, nous réussissons là où vous avez échoué ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

RÉCIDIVE

M. le président. La parole est à M. Pascal Clément, pour le groupe UMP.

M. Pascal Clément. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Dans le discours qu'il a prononcé hier à Nîmes, le Président de la République a rappelé que la lutte contre la récidive est au cœur de la politique de prévention qui doit être menée par le Gouvernement. Afin de répondre à cet objectif, aucune piste ne peut être négligée. Dans le rapport qu'elle a rendu le 3 juillet dernier, la mission d'information sur le traitement de la récidive propose notamment la surveillance électronique mobile, au moyen d'un bracelet, des criminels les plus dangereux après qu'ils ont purgé leur peine - sous bénéfice de faisabilité juridique - et la création d'une structure dédiée au traitement de longue durée des délinquants souffrant de trouble psychiatriques graves.

Le 10 juillet, le Premier ministre vous a confié, ainsi qu'au ministre de la santé, une étude de préfiguration de cet « hôpital psychiatrique-prison ». Pouvez-vous nous indiquer à quel stade en est la réflexion sur la mise en place de cette structure particulièrement innovante ?

Par ailleurs, vous avez autorisé le lancement, au début de 2005, d'une étude relative au traitement des délinquants sexuels récidivistes par des substances chimiques qui limiteraient leurs pulsions. Pouvez-vous nous préciser dans quel cadre procédural s'inscrit cette expérimentation et quels sont les enseignements que vous en attendez ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Vos questions, monsieur le président Clément, ont toutes deux trait à la récidive des auteurs de crime ou de délit sexuel. Depuis vingt ans, le nombre de condamnés pour ces motifs a été multiplié par sept, et leur proportion parmi les détenus est passée de 5 à 22 %. Une telle situation exige une stratégie globale.

D'abord, nous sommes tous choqués de constater qu'après avoir purgé de longues peines de prison, certains délinquants commettent de nouveaux crimes. Il faut donc concevoir un statut juridique nouveau qui permettrait, au-delà de la peine prononcée par le tribunal, de se protéger contre une éventuelle récidive une fois la peine exécutée. Telle est la mission que Philippe Douste-Blazy et moi-même avons confiée au procureur général Burgelin. Celui-ci nous remettra ses conclusions à la fin de cette année, et elles déboucheront sans doute sur la création d'un nouveau type d'établissement qui, sans être vraiment une prison ni un hôpital psychiatrique, permettra d'assurer la sécurité de la population.

S'agissant de la récidive de crimes et délits sexuels, notamment à caractère pédophile, le ministère de la justice, là aussi associé à celui de la santé, soutient une recherche qui s'inscrit dans le cadre de la loi Huriet et qui a été confiée au professeur Stoleru, à l'INSERM, afin de déterminer si l'utilisation de certains médicaments permet d'éviter cette récidive. Sans abandonner le suivi psychothérapeutique, il est impératif de recourir à la recherche médicale pour nous aider. Je rencontre le professeur Stoleru cet après-midi, et je suis certain qu'en soutenant cette démarche nous lutterons mieux contre la récidive. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

MISE EN œUVRE DE LA RÉFORME
DE L'ASSURANCE MALADIE

M. le président. La parole est à Mme Juliana Rimane, pour le groupe UMP.

Mme Juliana Rimane. Monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, il y a trois mois, nous avons discuté puis adopté une réforme majeure pour notre société, celle de l'assurance maladie. Depuis, elle entre graduellement en application. Vous avez présenté hier le contenu d'une campagne d'information : il s'agit d'expliquer aux assurés les grandes lignes de la réforme, ses objectifs et les modalités de sa mise en œuvre, en ce qui concerne notamment le médecin traitant, le dossier médical personnel, ou encore le développement des médicaments génériques. Mais la campagne doit aussi s'adresser aux professionnels de santé, dont dépend pour une grande part la bonne application de la réforme.

Pourriez-vous nous indiquer comment cette campagne se traduira concrètement, et préciser le calendrier des principales étapes de la mise en œuvre de la réforme ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Comme vous l'avez rappelé, madame la députée, le Parlement a voté la loi portant réforme de l'assurance maladie il y a trois mois. (« Pas nous ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Les décrets relatifs à la régulation médicalisée des dépenses d'assurance maladie ont été présentés pour avis à la CNAM hier. Ils seront signés d'ici à la fin de ce mois. Ils portent d'une part sur les relations conventionnelles, d'autre part sur l'amélioration du contrôle des arrêts de maladie de courte durée.

Par ailleurs, avec Xavier Bertrand, nous avons installé le 28 octobre le nouveau conseil de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et, dans une heure, nous ferons de même pour celui de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, qui permettra un meilleur partenariat entre les professionnels de santé, notamment les médecins, et une meilleure coopération entre régimes obligatoires et complémentaires.

Quant au décret qui établit la Haute autorité de santé, il a été publié il a cinq jours. Cette instance permettra l'évaluation des bonnes pratiques, de l'utilité des actes médicaux et de l'efficacité des traitements, en particulier médicamenteux.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Bla-bla-bla !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. En ce qui concerne la campagne d'information, onze millions de lettres signées par Xavier Bertrand et par moi-même seront adressées à partir d'aujourd'hui aux assurés sociaux avec les feuilles de soins. Cet envoi permettra d'expliquer la philosophie générale de la réforme, mais aussi le calendrier des mesures.

M. Maxime Gremetz. C'est de la propagande !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cette réforme n'est pas faite contre les médecins, mais avec eux, pas contre les usagers, mais pour eux, par contre les partenaires sociaux, mais avec eux : tel est notre sens du dialogue social. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLYNÉSIE FRANÇAISE

M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour le groupe socialiste.

M. René Dosière. Monsieur le Premier ministre, en Polynésie française (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), chaque jour qui passe aggrave la crise politique et les risques de trouble à l'ordre public. Les administrations sont bloquées et les fonctionnaires ne savent pas auquel des deux présidents il convient d'obéir. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. À cause de vous !

M. René Dosière. L'économie tourne au ralenti. Un ordre de grève a été lancé. Les gros bras du GIP se comportent de plus en plus en milice privée et la violence, longtemps contenue, commence à apparaître. Le ministre de l'intérieur a d'ailleurs dû vous en informer. Au sein des États du Pacifique, le spectre d'Ouvéa resurgit, ainsi que l'image d'une France coloniale (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : le ministre des affaires étrangères a dû vous le dire.

À cette crise qui s'aggrave, il n'y a qu'une issue : le retour général devant le corps électoral. C'est ce que réclament la majorité des Polynésiens, ainsi que leur députée Béatrice Vernaudon.

M. Pascal Terrasse. Même Debré le demande !

M. René Dosière. C'est aussi la position que le président de l'Assemblée nationale a exprimé publiquement ce matin. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Or il semble que seule l'organisation d'élections partielles, à la suite d'une annulation que pourrait prononcer le Conseil d'État, soit envisagée par votre ministre de l'outre-mer. Cela ne mettrait pas fin à la crise polynésienne, mais déclencherait au contraire une véritable tempête politique. Le Gouvernement doit donc assumer toute sa responsabilité : la dissolution de l'Assemblée territoriale est désormais inéluctable.

Monsieur le Premier ministre, votre responsabilité est d'éviter que la Polynésie ne sombre dans le chaos et la violence.

M. Éric Raoult. Pyromane !

M. René Dosière. Quand allez-vous annoncer des élections générales en Polynésie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.- Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « Démission ! Démission ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Ça suffit ! Un peu de tenue !

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le député, contrairement à ce que vous semblez insinuer, le Gouvernement n'a jamais eu la moindre objection à ce que les Polynésiens retournent aux urnes. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Mais j'ai toujours dit qu'ils ne le pouvaient que sur une base légale et qu'il fallait attendre la décision du Conseil d'État sur une éventuelle annulation du scrutin du 23 mai.

Je n'ai pas l'intention de commenter une décision de justice, d'autant qu'elle n'a pas encore été rendue à ce jour. Nous verrons bien si ce vote, que vous avez qualifié d'historique et de légitime, était ou non entaché d'irrégularités graves, et si des élections doivent s'ensuivre.

Monsieur Dosière, cessez de faire croire que le Gouvernement a, dans cette affaire, une attitude irresponsable. ((Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous ne cessez de dire des contrevérités et de tirer des interprétations abusives de notre attitude. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il n'y a pas d'assimilation à faire entre une assemblée locale comme celle de Polynésie et l'Assemblée nationale, qui est l'expression de la souveraineté nationale. Il n'y a pas, pour dissoudre l'assemblée de Polynésie, de prérogative exclusive du chef de l'État. Encore une fois, nous ne sommes pas dans un schéma national. De même n'y a-t-il pas de pratique républicaine qui veut que, après l'adoption d'une motion de censure, on procède à la dissolution de l'assemblée de Polynésie. Vous le savez très bien. Il y a eu un précédent avec Alexandre Léontieff. Vous étiez au pouvoir et vous n'avez pas procédé à une dissolution. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française .)

M. René Dosière. Oui, mais aujourd'hui il y a blocage des institutions !

Mme la ministre de l'outre-mer. Arrêtez donc de faire cette assimilation permanente, qui entretient un climat de confusion entre une assemblée locale et l'Assemblée nationale. De cette façon, vous faites croire à M. Temaru et à ses amis que leur rêve d'indépendance est devenu réalité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Eh bien non : la Polynésie n'est pas un État indépendant, c'est toujours une collectivité de la République dans laquelle la loi s'applique. (Mêmes mouvements.)

Moi aussi, monsieur Dosière, je finis par rêver lorsque j'entends M. Temaru nous dire qu'il faut que l'État reprenne tous les pouvoirs et gère directement ce territoire jusqu'à l'organisation d'éventuelles nouvelles élections. Je crois rêver quand ces propos sont tenus par un leader indépendantiste qui dénonce en permanence une logique coloniale ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CRISE DU CHOU-FLEUR BRETON

M. le président. La parole est à M. Jacques le Guen, pour le groupe UMP.

M. Jacques Le Guen. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, depuis deux semaines, des producteurs de la zone légumière bretonne déversent leurs choux-fleurs invendus sur les routes et sur des parkings de supermarchés, afin de manifester leur mécontentement. Des débordements inacceptables, que nous condamnons ici sur tous les bancs, ont eu lieu vendredi soir à Morlaix, où le centre des impôts a été saccagé et un policier sérieusement blessé, et au siège de la communauté de communes que je préside.

Ces actions traduisent le découragement de ces agriculteurs face à la crise qui les frappe de nouveau après les difficultés importantes qu'ils ont connues en début d'année et qui vous ont fait réagir de façon opportune.

Les températures très douces de ces derniers jours ont, certes, provoqué un déséquilibre entre l'offre et la demande, mais c'est surtout le renoncement de la Commission européenne, le 26 octobre dernier, à mettre en place un dispositif de gestion destiné à mieux réguler le marché qui a suscité cette colère.

A l'heure où ce marché s'ouvre à la concurrence des pays de l'Est et où les producteurs sont confrontés à des distorsions de charges sociales, l'absence de plan de gestion les inquiète. Ils voient dans cette décision une remise en cause des engagements que vous aviez obtenus dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, à Luxembourg, le 26 juin 2003.

Sensible à ces préoccupations, je vous demande, monsieur le ministre, de nous indiquer les mesures qui pourraient être prises pour soutenir cette filière et redonner à nos producteurs confiance en l'avenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, vous avez raison : rien ne peut justifier la violence et la dégradation de bâtiments publics, qu'ils appartiennent à l'État ou aux collectivités locales. Toutes les conséquences en seront tirées.

Cela étant, il est exact que les producteurs de choux-fleurs en général, et ceux de la Bretagne en particulier - région qui concentre 75 % de la production française - connaissent une situation difficile.

Au printemps déjà, l'État a été présent au rendez- vous. Il les a aidés à passer un cap difficile. Du fait d'une année trop clémente, qui provoque une augmentation de la production et avec le tassement de la consommation, sur le plan national comme sur le plan européen, il y a surproduction.

Le 7 novembre dernier, à Nantes, j'ai annoncé un certain nombre de mesures pour le secteur des fruits et légumes, durement touché : 10 millions d'euros d'aides directes de trésorerie, 50 millions d'euros de prêts de consolidation pour aboutir à une année blanche, 10 millions d'euros d'aides structurelles à l'ONIFLHOR, ainsi que le report ou la prise en charge de certaines cotisations sociales. Tout a été fait pour que les premiers versements interviennent dès le mois de décembre.

Au-delà de ces mesures conjoncturelles et structurelles, il convient de mettre en place des dispositifs de gestion de crise. J'ai obtenu de Bruxelles, en juin 2003, que la Commission nous fasse des propositions en décembre 2004 ; j'espère qu'elle sera au rendez-vous malgré les péripéties liées à la nomination de ses membres. J'ai obtenu aussi qu'une opération pilote soit mise au point pour prendre en charge tout ou partie du différentiel de prix entre le chou-fleur frais et le chou-fleur transformé. Le commissaire Fischler m'a donné son accord à la fin du mois d'octobre et, de manière inexplicable, voici quelques jours, par un artifice de procédure, la Commission n'a pas suivi cette voie. Le Premier ministre a saisi le président de la Commission. Mais je tiens à dire ici qu'en vertu du principe de confiance légitime, ce qui a été promis aux producteurs de choux-fleurs français sera tenu ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

TÉLÉCHARGEMENT D'œUVRES SUR INTERNET

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste, pour le groupe UMP.

M. Christian Vanneste. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, le 15 juin dernier, un internaute, poursuivi pour avoir téléchargé et copié 488 films, était relaxé par le tribunal correctionnel de Rodez. Actuellement, cinquante internautes sont poursuivis par la filière musicale qui, voyant ses ventes baisser, est légitimement inquiète. Le cinéma peut aussi s'inquiéter légitimement des téléchargements illégaux.

Nous devons prendre la mesure du problème : 100 000 emplois sont menacés, dans la filière musicale, qu'il s'agisse des grandes sociétés ou des labels indépendants. Il faut réagir.

Le 28 juillet dernier, monsieur le ministre, vous avez signé avec deux collègues, ceux de l'économie et de l'industrie, une charte pour répondre à ce problème. Aujourd'hui même, vous allez lancer la négociation entre les représentants du cinéma et les fournisseurs d'accès à Internet. C'est indispensable car, au-delà de l'aspect économique, notre exception culturelle est en jeu. Du fait de l'absence de rémunération, les auteurs et les artistes sont touchés.

Quelles mesures faut-il prendre, selon vous, pour faire face à cette situation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. La technologie, telle qu'elle s'offre à nous aujourd'hui, est, dans la plupart des cas, facteur de grandes chances. C'est ainsi que cette semaine le Premier ministre a pu annoncer que les Français auraient gratuitement à leur disposition quatorze chaînes de télévision, qui seront, de ce fait, accessibles au plus grand nombre. J'y vois un immense progrès.

La technologie permet, pour la musique et pour le cinéma, la diffusion à l'échelle mondiale d'un certain nombre de créations, et c'est une bonne chose. Mais il nous incombe aujourd'hui de dire à l'ensemble de nos concitoyens, en France, dans l'Union européenne et sur la scène internationale, que l'accès à la culture, au cinéma et à la musique par Internet, s'il est une liberté supplémentaire, suppose de faire preuve de responsabilité.

Il faut avoir le courage de dire que la gratuité peut détruire la diversité culturelle et artistique. Nous devons avoir à cœur de défendre la rémunération du travail, du talent des artistes et toute la chaîne de celles et ceux qui participent à la création musicale et cinématographique.

C'est la raison pour laquelle, avec Nicolas Sarkozy et Patrick Devedjian, nous avons réuni l'ensemble des professionnels de la musique, les fournisseurs d'accès à Internet et l'ensemble des professionnels. Je le ferai tout à l'heure pour le cinéma. Il s'agit d'aboutir à un dispositif équilibré. Oui à l'accès à la musique et au cinéma par Internet, mais pas de manière gratuite et inconsidérée. Vous serez d'ailleurs amenés à délibérer, dans les premiers jours de janvier, sur une question extrêmement importante et délicate, qui est celle du droit d'auteur.

Nous expliquons aux plus jeunes de nos concitoyens que pour préserver l'environnement, il faut protéger l'air, l'eau et la diversité biologique. Ayons le courage de leur dire, au sein de l'éducation nationale et en famille, qu'Internet est une liberté, mais que l'esprit de responsabilité en est inséparable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    3

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 25 novembre inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Ce document sera annexé au compte rendu.

    4

SIMPLIFICATION DU DROIT

Transmission et discussion du texte
de la commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

        « Paris, le 26 octobre 2004,

        « Monsieur le président,

        « Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous demander de soumettre à l'Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de simplification du droit.

        « Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 1883).

La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Étienne Blanc, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État, monsieur le secrétaire d'État à la réforme de l'État, mes chers collègues, le texte du projet de loi initial voté par notre assemblée le 10 juin comportait soixante et un articles, qui se sont enrichis au Sénat de 118 amendements. Au terme du processus législatif et des travaux de la commission mixte paritaire, il nous revient fort de quatre-vingt-quatorze articles, dont quarante-six d'application directe. Il va permettre de ratifier cinquante-huit ordonnances.

Ce texte comporte, certes, des mesures disparates, d'importance inégale, qui peuvent parfois paraître de détail, mais elles s'inscrivent toutes dans la logique de simplification et de clarification du droit, très attendues des Français. À cet égard, je tiens à souligner l'aide soutenue que nous a apportée la direction des usagers à la simplification administrative, placée aux côtés du Premier ministre pour amplifier le mouvement de simplification du droit.

Un accord satisfaisant est intervenu en commission mixte paritaire, car rien n'opposait, dans le souhait de simplifier notre droit, nos deux assemblées. Le Sénat a voulu prolonger la démarche engagée par l'Assemblée nationale dans un souci de clarté de la loi et de sécurité juridique en transformant plusieurs habilitations en applications directes, d'une part, et, d'autre part, en ratifiant les ordonnances publiées sur le fondement de la première loi d'habilitation votée le 1er juillet 2003, ainsi que les lois habilitant le Gouvernement à transposer les directives européennes. Le Parlement aura ainsi veillé à ce que des dispositions d'ordre législatif ne tombent pas dans le domaine réglementaire faute de ratification.

Pour certaines ordonnances, la ratification a fait l'objet d'un débat nourri. Ce fut le cas pour celle relative au nouveau type de commande publique que sont les partenariats public-privé et pour celle de la réforme des valeurs mobilières. Dans ces deux domaines, la ratification permet d'apporter une véritable clarification du droit et une sécurité juridique accrue.

Le texte élaboré en CMP marque une véritable amplification du mouvement de simplification, dans tous les domaines du droit, toujours au profit de nos concitoyens : notification de changement d'adresse par Internet auprès d'une seule administration, qui se chargera de répercuter l'information auprès des autres administrations ; élargissement de l'accès aux documents administratifs ; simplification du droit de la filiation.

La seule vraie divergence que nous avons eue au sein de la CMP portait sur les articles 8 bis et 8 ter, relatifs aux contrats de prestations d'obsèques, pour des raisons de forme plutôt que de fond. Si les représentants des deux assemblées étaient d'accord pour clarifier le droit dans ce domaine, certains préféraient un texte d'application directe à une procédure d'habilitation. La CMP a tranché en faveur d'une application directe.

Compte tenu de l'accord global obtenu et nonobstant cette dernière divergence, j'invite notre assemblée à adopter le texte de la commission mixte paritaire en l'état. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État.

M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j'ai été frappé par la qualité du travail accompli par les deux assemblées. Je remercie tout particulièrement le rapporteur du texte, Étienne Blanc, par ailleurs président extrêmement actif et compétent du Conseil d'orientation de la simplification administrative. Je remercie également les membres et les administrateurs de la commission des lois, ainsi que leurs collaborateurs.

Comme vous l'avez indiqué, monsieur le rapporteur, ce projet a beaucoup évolué : les soixante et un articles initiaux ont été abondamment amendés par l'Assemblée nationale et le Sénat. Le texte qui vous est soumis aujourd'hui, pour être divers, n'en est pas moins important. La ratification de cinquante-huit ordonnances à laquelle il procède témoigne de l'ampleur du travail accompli.

En de nombreux domaines, il va modifier la vie de nos concitoyens. J'insisterai sur celui d'entre eux qui a fait couler beaucoup d'encre, la réforme sans précédent du régime social des indépendants, qui va permettre à de très nombreux artisans et entrepreneurs ayant choisi le statut d'indépendant de bénéficier d'un régime social à la fois plus sûr, plus juste et plus simple. C'est un élément très important de ce texte. Éric Woerth, qui va me succéder dans un instant, en évoquera d'autres tout aussi essentiels. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État.

M. Éric Woerth, secrétaire d'État à la réforme de l'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement accepte le texte du projet de loi de simplification du droit dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire. À l'instar de Renaud Dutreil, je remercie cette dernière pour son travail, le rapporteur Étienne Blanc pour son dévouement permanent à la cause de la simplification, ainsi que l'ensemble des administrateurs de la commission des lois, sans oublier son président.

Plusieurs points sensibles ont suscité débat durant les nombreuses heures que nous avons passées à examiner ce texte, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.

S'agissant de la création d'un service administratif de changement d'adresse, je remercie la commission mixte paritaire d'avoir écarté l'obligation d'interposition de la mairie. Cette disposition aurait imposé une lourde charge aux maires alors qu'aucune concertation n'avait été engagée sur ce point. En outre, elle était incompatible avec la souplesse et la liberté qui doivent caractériser l'emploi des nouvelles technologies.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. La simplification et la sécurisation du lien de filiation, inscrite à l'article 4, a fait l'objet de nombreux débats tant à l'Assemblée qu'au Sénat. Je tiens à vous redire l'engagement solennel que j'ai pris au nom du Gouvernement en première lecture : l'avant-projet d'ordonnance sera soumis pour avis à votre commission des lois, qui pourra en discuter avec la chancellerie. Le texte de cet article a d'ailleurs été repris et clarifié, à la suite d'un amendement du Gouvernement répondant à une demande du Sénat.

À l'article 5, la modification adoptée vise à permettre la représentation et l'assistance des demandeurs devant les juridictions de l'incapacité par des associations de défense des handicapés. Cela répond à une demande naturelle de l'Association des paralysés de France.

Permettez-moi d'évoquer devant vous un sujet dont l'importance ne vous échappera pas : la publication des décrets d'application des lois. Le Premier ministre a rappelé à plusieurs reprises son objectif : publier des décrets dans un délai de six mois. Votre collègue Jean-Luc Warsmann est allé plus loin encore en vous proposant d'insérer dans le règlement de l'Assemblée nationale un dispositif de suivi des textes d'application placé sous la responsabilité du rapporteur du projet de loi. Je trouve ce dispositif excellent car fondé sur la transparence et la motivation politique.

Nous avons tenu à compléter cette procédure en imposant par la loi au Gouvernement d'adresser un rapport aux assemblées. Nous définissons ainsi en quelque sorte le symétrique de la résolution de votre collègue Warsmann côté exécutif.

J'achèverai cette intervention en vous présentant les dispositions des ordonnances qui, à l'occasion de la ratification, ont pu donner lieu à interrogation, voire à contestation.

Je pense évidemment au contrat de partenariat public-privé. Cette nouvelle forme de coopération des entreprises à capitaux privés avec le service public complète très heureusement nos traditionnels marchés, concessions et affermages. Comme tout dispositif novateur, ce nouveau contrat a pu étonner. On se souvient qu'en 2003 le débat avait été long, tant dans cette assemblée qu'au Sénat. Sensible aux questions posées à cette occasion, le Gouvernement a scrupuleusement respecté les exigences posées par la représentation nationale, puis par le Conseil constitutionnel, pour garantir l'égal accès à la commande publique de toutes les entreprises. Il a notamment suivi à la lettre l'avis du Conseil d'État sur le projet d'ordonnance.

Je sais que la légalité de ce texte a été contestée devant la haute juridiction administrative mais celle-ci a tenu à statuer avant la ratification de l'ordonnance du 17 juin 2004 et a rejeté le recours qui avait été introduit par des parlementaires de l'opposition.

L'article 51 du présent projet de loi ratifie également l'ordonnance du 24 juin 2004 relative au régime des valeurs mobilières. Il y a là une réelle œuvre de simplification puisque nous sommes, entre autres choses, parvenus à définir un régime commun à l'ensemble des valeurs mobilières. À cette occasion, des voix autorisées ont interpellé le Gouvernement sur les garanties accordées aux actionnaires minoritaires. Je tiens à les rassurer, comme je l'ai déjà fait au Sénat. Les rédactions retenues pour l'ordonnance ne visent pas à modifier l'équilibre des pouvoirs entre l'assemblée générale et le conseil d'administration. Elles visent simplement à donner une base explicite à des pratiques courantes qui résultent de l'accélération du temps financier et imposent de prévoir des délégations facultatives de compétences des assemblées vers les conseils afin de conduire au mieux les intérêts de la société lors d'émissions de titres.

En conclusion, le Gouvernement vous soumet un projet vaste et varié qui, dans sa dimension et sa diversité, comme l'a indiqué le rapporteur, reflète l'étendue du « mal bureaucratique » qui pèse sur la société française, entrave le développement de son économie et démotive les élus et les fonctionnaires. Ce texte nous fera franchir un pas important vers un État soucieux de sa réforme et du rythme de celle-ci, un État qui mette en avant un service public plus accessible et plus simple d'emploi. Tel est l'objectif que Renaud Dutreil et moi-même visons, avec votre aide efficace et constante. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la seconde fois en seize mois que le Gouvernement demande à la représentation nationale de l'habiliter à simplifier le droit.

La première demande d'habilitation a eu lieu dans le cadre d'une loi promulguée le 2 juillet 2003, qui a servi de base juridique à l'apparition dans notre ordonnancement juridique de trente ordonnances, parues au Journal officiel entre le 1er août 2003 et le 1er juillet 2004. Parmi elles, se trouvent des sujets subalternes pouvant aisément donner lieu à délégation dont il a déjà été question, comme l'ordonnance relative à certaines modalités d'adjudication du droit de chasse, celle portant sur la suppression de l'affirmation des procès-verbaux, une autre simplifiant et adaptant les conditions d'exercice de certaines activités professionnelles, une autre relative aux simplifications en matière d'enquêtes statistiques, d'autres encore concernant les mesures de simplification dans le domaine agricole : « simplification et harmonisation des modalités d'organisation et de contrôle ainsi que la procédure contentieuse applicable aux élections aux tribunaux paritaires des baux ruraux ».

Malheureusement, dans ce bric-à-brac juridico-administratif, sont apparues de véritables réformes, profondes, importantes, aux conséquences politiques considérables dont le Parlement a été laissé à l'écart.

Nous voyons apparaître ainsi l'ordonnance n° 566 du 17 juin 2004, portant modification de la loi du 12 juillet 1985, relative à la maîtrise d'ouvrage public et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée.

M. Pascal Clément, vice-président de la commission mixte paritaire. Au fait !

M. Arnaud Montebourg. Nous voyons apparaître également, dans le même ordre d'importance, l'ordonnance du 4 septembre 2003, portant simplification de l'organisation et du fonctionnement du système de santé ainsi que des procédures de création d'établissements ou de services sociaux ou médico-sociaux soumis à autorisation.

Nous voyons aussi apparaître une ordonnance aux conséquences déflagratoires - et je pèse mes mots - l'ordonnance n° 559, du 17 juin 2004 sur les fameux contrats de partenariat public-privé, dont a parlé M. Woerth.

On notera d'ailleurs que c'est à l'initiative des sénateurs de la majorité qu'ont été intégrées en commission des lois dix nouvelles ordonnances, parmi lesquelles certaines de celles que je viens de citer, qui élargissent le champ d'une loi d'habilitation à une loi de ratification. De sorte, qu'en même temps que vous nous demandez d'habiliter le Gouvernement à prendre un certain nombre de mesures de simplification relevant du domaine de la loi, vous nous demandez de ratifier en une seule fois quarante ordonnances dont certaines transforment en profondeur le régime de la commande publique dans notre pays.

Le procédé est contestable car la commande publique est un domaine sensible. Il pose des questions relatives aux finances publiques ainsi qu'à la transparence de l'endettement public. Il pose également de lourdes questions sur la compétition entre les opérateurs privés s'adressant à la commande publique et aborde ainsi la difficile et délicate question des rapports de l'argent avec le pouvoir, notamment à l'échelle locale.

L'apparition des partenariats public- privé - les PPP - constitue à nos yeux une bombe juridique à fragmentation dans l'ordonnancement administratif des collectivités publiques. En effet, à travers ces contrats, État et collectivités locales pourront désormais s'endetter pour réaliser des prisons, des commissariats ou des écoles sans que cet endettement n'apparaisse dans leurs comptes.

Autrement dit, les PPP ouvrent la voie, par le jeu des techniques de déconsolidation, au "hors bilan" en comptabilité publique.

Consciente des risques, la Commission européenne a d'ailleurs condamné sans réserve ce montage dans un Livre vert, dans lequel on peut lire que « le recours aux contrats de partenariat ne saurait être présenté comme une solution miracle pour le secteur public faisant face à des contraintes budgétaires ».

Ce risque est amplifié pour les collectivités locales.

Comment pourrait-il en être autrement quand, au nom de la décentralisation, celles-ci se voient transférer par l'État un nombre croissant de compétences, sans marges financières ? Le choix devant lequel se trouvera placé un exécutif local sera simple : soit assumer ces nouvelles compétences en augmentant la pression fiscale sur les ménages et les entreprises avec le risque d'être battu aux élections politiques locales, soit ne rien faire et subir la critique des usagers.

Il n'est pas nécessaire d'être visionnaire pour deviner que les élus locaux seront, à leur corps défendant, les promoteurs des PPP, renouveau des METP - les marchés d'entreprises de travaux publics - que la région Île-de-France a su utiliser en son temps jusqu'à ce que la justice en démontre publiquement le caractère opaque et «corrupteur ».

En réalité, il faut bien avoir conscience que chaque contrat de partenariat sera une explosion fiscale à retardement car, ce n'est que vingt-cinq ou trente ans plus tard qu'apparaîtra clairement la charge totale supportée par les citoyens.

M. Pascal Clément, vice-président de la commission mixte paritaire. C'est l'histoire des socialistes qu'il retrace ! Ce sont des spécialistes en la matière !

M. Arnaud Montebourg. Deux autres risques doivent être soulignés.

Parce qu'ils permettent de confier dans un même marché la conception, le financement, la construction, l'exploitation et la maintenance, les PPP vont permettre de revenir sur une règle intangible en matière de construction d'ouvrage public depuis plusieurs décennies. Cette règle est simple : celui qui conçoit l'ouvrage doit être indépendant de celui qui le réalise. C'est ainsi, qu'aujourd'hui, quand une collectivité publique réalise un bâtiment, elle mandate un architecte qui définit un projet chiffré. Ce n'est qu'une fois ce travail achevé que les entreprises du BTP sont sélectionnées, l'architecte demeurant aux côtés de la collectivité pour garantir la bonne réalisation du projet et surveiller l'exécution des travaux.

Dorénavant, avec les contrats de partenariat, l'architecte ne sera plus nécessairement indépendant du constructeur puisque la même entreprise pourra être retenue pour la phase de conception et pour la phase de réalisation. Loin d'être anodine ou de simple technique, cette nouvelle règle du jeu doit être dénoncée avec fermeté.

Pour ceux qui voudraient passer outre, le drame du terminal de Roissy est là pour rappeler le bienfait de l'indépendance de la maîtrise d'œuvre tant avec la maîtrise d'ouvrage qu'avec le constructeur. On a appris, suite à l'effondrement du terminal E2, que la Cour des comptes, dans un rapport publié en 2003, s'était inquiétée que les Aéroports de Paris cumulent toutes les fonctions : propriétaire, concepteur, bâtisseur. Il est vrai qu'en tout domaine, le cumul nuit à la clarté et à la définition des missions et des responsabilités.

Le second risque provient de l'idéologie qui sous-tend les contrats de partenariat.

M. Guy Geoffroy. C'est savoureux !

M. Xavier de Roux. En matière d'idéologie, vous vous y connaissez !

M. Pascal Clément, vice-président de la commission mixte paritaire. Les socialistes sont des spécialistes !

M. Arnaud Montebourg. En fait les ultra-libéraux ont conçu ce contrat pour faire progresser leurs idées : dépecer la fonction publique et privatiser un peu plus le secteur public, y compris dans des domaines relevant directement de la souveraineté nationale.

M. Jérôme Lambert. Très juste !

M. Arnaud Montebourg. En effet, le contrat global qui caractérise le contrat de partenariat peut porter sur la conception, le financement mais aussi l'exploitation ou la maintenance. Ces deux derniers termes englobent aujourd'hui la mission de milliers de fonctionnaires. Le débat n'est donc pas mince.

Cette question mérite d'être débattue autrement qu'à travers une ordonnance prise sur la base d'une loi d'habilitation fourre-tout et rédigée dans les alcôves ministérielles, bien à l'abri de la critique du public et de la discussion parlementaire. Ainsi devrait-il en aller dans les régimes à caractère démocratique.

Les dangers de ces partenariats public-privé ont amené le Conseil constitutionnel - je réponds ainsi aux déclarations de M. Woerth - dans une décision désormais célèbre du 26 juin 2003, bien connue et analysée,...

M. Pascal Clément, vice-président de la commission mixte paritaire. Et commentée !

M. Arnaud Montebourg. ...à fixer un cadre extraordinairement rigoureux pour l'édiction de l'ordonnance que vous nous demandez de ratifier.

Parmi les sept considérants qui entendent encadrer l'ordonnance sur les contrats de partenariat public-privé, je me permettrai de rappeler la principale réserve que le Conseil constitutionnel a édictée à l'encontre du travail gouvernemental que, monsieur le ministre et monsieur le secrétaire d'État, vous nous demandez d'approuver.

Je la cite : « La généralisation de telles dérogations au droit commun de la commande publique ou de la domanialité publique serait susceptible de priver de garantie légale les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics. »

M. Jérôme Lambert. Rien que ça !

M. Arnaud Montebourg. « Dans ces conditions - est-il ensuite écrit - « les ordonnances prises sur le fondement de l'article 6 de la loi d'habilitation devront réserver de semblables dérogations à des situations répondant à des motifs d'intérêt général tel que l'urgence qui s'attache en raison des circonstances particulières ou locales à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service déterminé. »

Le Conseil constitutionnel a sévèrement encadré votre travail, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État. Il fait écho d'ailleurs à la contestation montante de votre ordonnance par les petites et moyennes entreprises, les architectes et les citoyens qui s'inquiètent à juste titre - et j'en fais partie en tant que parlementaire et juriste - de la renaissance de ces « nids à corruption » qu'ont été les fameux marchés d'entreprises de travaux publics, les METP, qui ont tant mis à mal la crédibilité du politique.

Votre ordonnance a ainsi déjà été pointée du doigt et placée sous surveillance républicaine par le Conseil constitutionnel. Elle porte atteinte aux principes relatifs à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques, au bon usage des deniers publics. C'est la raison pour laquelle je défends cette exception d'irrecevabilité.

Cette ordonnance viole les prescriptions du Conseil constitutionnel.

Premièrement, rien n'est prévu pour favoriser le respect du principe d'égalité d'accès des candidats au contrat de partenariat, la lutte contre le favoritisme et les pratiques corruptrices puisque l'ordonnance ne prévoit pas expressément d'enquête sur les marchés et les conventions de délégation de service public.

Pour ce faire, l'ordonnance aurait dû procéder à une modification de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 afin de faire reconnaître à ladite mission une compétence en matière de contrats de partenariat. Tel n'est pas le cas.

Deuxièmement, aucune adaptation du délit de favoritisme n'a été introduite par le Gouvernement afin de s'assurer que ce délit soit sanctionné lorsqu'il est accompli dans le cadre d'un contrat de partenariat.

L'article 432-14 du code pénal ne sanctionnant que le délit de favoritisme commis dans le cadre de marchés publics et de délégations de service public, il est donc à craindre qu'en application du principe selon lequel la loi pénale est d'application et d'interprétation stricte, le favoritisme ne puisse faire l'objet d'aucune sanction lorsqu'il sera commis dans le cadre d'un contrat de partenariat.

M. Xavier de Roux. Heureusement !

M. Arnaud Montebourg. Pourquoi ? Voilà la théorisation de...

M. Xavier de Roux. L'idéologie !

M. Arnaud Montebourg. ...la dérégulation corruptrice !

Troisièmement, rien n'est prévu pour empêcher la présentation d'une évaluation comptable tronquée favorable à l'option du contrat de partenariat alors qu'il est reconnu comme un procédé coûteux par tous les observateurs. Le contrat de partenariat offre, en effet, moins de garanties pour les citoyens que les autres contrats régis par le droit de la commande publique, contrairement aux marchés publics et aux délégations de service public.

Quatrièmement, enfin, afin de tenir compte des réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel et d'éviter un recours excessif au contrat de partenariat préjudiciable aux finances publiques, l'ordonnance prévoit un seul minuscule garde-fou : l'évaluation préalable.

Eu égard au caractère particulièrement flou et étendu des critères susceptibles d'être invoqués pour recourir au contrat de partenariat, on ne voit pas comment ce projet pourrait se conformer aux exigences rigoureuses posées par le Conseil constitutionnel.


C'est également en vain que le Gouvernement soutiendra que la formulation qu'il a retenue reprendrait ici les critères énoncés par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 26 juin 2003, car, d'une part, toute référence au critère d'intérêt général disparaît et, d'autre part, la référence à la condition d'urgence n'est pas satisfaisante.

On mesure aisément, ici, l'ampleur des questions auxquelles l'ordonnance aurait dû répondre.

L'urgence doit-elle s'apprécier pour chaque équipement donné ou pour une catégorie d'équipements ? Silence radio, si je puis m'exprimer ainsi, de l'ordonnance !

Par rapport à quel type d'exigences particulières l'urgence doit-elle être retenue ? On pourrait, en effet, dire que tout est toujours urgent quand les usagers attendent. Aucune de ces questions n'est tranchée par la formulation retenue. La violation des critères fixés par le Conseil constitutionnel est donc constituée.

Nous voyons apparaître là les éléments de l'inconstitutionnalité de votre loi de ratification de cette ordonnance. Vous me permettrez de vous dire que par ailleurs, en outre et de surcroît, l'ordonnance - et ce n'est pas le moindre des problèmes - qui instaure les contrats de partenariat méconnaît et viole le champ de l'habilitation initiale qui vous a été accordée.

Vous connaissez la jurisprudence du Conseil constitutionnel : « Le Gouvernement doit définir avec précision les finalités de l'habilitation qu'il demande. » Cela résulte de la décision n° 86-207 des 25 et 26 juin 1986. La jurisprudence de la haute juridiction est constante.

D'ailleurs, saisi de la première loi d'habilitation, tendant à simplifier le droit présenté par le gouvernement Raffarin, le Conseil constitutionnel a rappelé que « l'article 38 de la Constitution fait obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu'il présente, la finalité des mesures qu'il se propose de prendre par voie d'ordonnances ainsi que leur domaine d'intervention ».

Or, précisément, l'ordonnance instaurant les contrats de partenariat, méconnaît la portée de l'habilitation donnée au Gouvernement en juillet 2003 lorsqu'elle intervient en matière fiscale. Elle le fait à deux reprises. C'est là une violation caractérisée du champ de l'habilitation initiale.

Premièrement, elle aménage le régime fiscal des immeubles construits dans le cadre des contrats de partenariat en les exonérant de taxe foncière. C'est une violation du champ de l'habilitation initiale.

Deuxièmement, elle rend éligible au fonds de compensation de la TVA la part de la rémunération versée au titulaire du contrat correspondant à l'investissement réalisé par celui-ci pour les besoins d'une activité non soumise à la TVA.

Deux violations, deux empiétements : voilà donc deux risques quasi assurés de censure.

Ensuite, l'ordonnance méconnaît également la portée de l'habilitation lorsqu'elle impose aux personnes publiques de prévoir dans les contrats de partenariat une clause de recours à l'arbitrage pour prévenir et régler les litiges susceptibles de naître en cours d'exécution du contrat. De ce point de vue, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, vous le savez, le Conseil d'État, faute d'avoir censuré - bien que le commissaire du Gouvernement ait exprimé une hésitation certaine, ce sont ses termes -, a émis des réserves sur l'utilisation possible de l'ordonnance, si elle n'était pas censurée par le Conseil constitutionnel.

Or, cette disposition sur l'arbitrage heurte frontalement un principe général du droit : l'interdiction du recours à l'arbitrage par les personnes publiques. Le Gouvernement ne pouvait pas se livrer à ce type d'organisation sans l'autorisation expresse du Parlement.

D'ailleurs, le Conseil d'État, sous les réserves que je viens d'indiquer, en a décidé autrement dans un arrêt récent du 29 octobre dernier.

Peut-on laisser le Conseil d'État s'ériger en Parlement et décider à notre place du champ de l'habilitation au mépris d'ailleurs de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ?

M. Xavier de Roux. Il faut savoir !

M. Guy Geoffroy. Tout et son contraire !

M. Arnaud Montebourg. Pour notre part - et ce sera ma conclusion - nous ne pouvons que récuser une telle évolution, qui laisserait s'installer un Parlement aussi inutile qu'accessoire dans le champ de la décision politique. Nous avons entendu tout à l'heure des discours d'autosatisfaction et de contentement de soi.

Il est des sujets fondamentaux, comme les finances publiques, l'endettement public, la transparence, la lutte contre la corruption, sur lesquels l'ordonnance ne permet pas au Parlement d'exprimer des positions, de réformer dans la tranquillité et dans l'expression mutuelle d'opinions divergentes.

C'est une des raisons pour lesquelles, nous vous demandons de voter cette exception d'irrecevabilité. Elle défend d'ailleurs la compétence de tous les parlementaires. Il faut que le Gouvernement sache qu'il n'avait pas le droit de s'attribuer les pouvoirs qu'il entend ainsi exercer.

En droit, cela s'appelle un excès de pouvoir. En politique, cela s'appelle une usurpation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Pascal Clément, vice-président de la commission mixte paritaire. Le mot est faible ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Monsieur Montebourg, en termes d'autosatisfaction, vous êtes orfèvre. Et nous aurions un peu de mal à vous répondre.

M. Jérôme Lambert. Procès d'intention !

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Je ne crois pas...

Les partenariats publics-privés ne méritent pas un excès d'indignité, comme il ne mériterait pas un excès d'honneur. C'est un outil mis à la disposition des collectivités territoriales, de l'État, des personnes publiques. Ces dernières doivent pouvoir disposer d'outils utiles, efficaces, performants. C'en est un parmi d'autres. C'est d'ailleurs un outil très encadré - vous l'avez indiqué - par le Conseil constitutionnel. Il a fait l'objet de nombreuses discussions. Le Conseil d'État s'est prononcé.

C'est un outil classique, largement employé dans beaucoup d'autres démocraties européennes. Je crois à la démocratie, à l'efficacité. Je pense que les outils sont ce que l'on en fait.

Je crois également au contrôle. Nous sommes dans une démocratie. Les contrôles s'exerceront.

Je crois aussi à la libre administration des collectivités territoriales et de l'État. Nous sommes dans un monde qui change, qui a besoin d'inventer des outils. Je ne vois pas pourquoi le monde public serait en reste par rapport au monde privé, dans la limite naturellement du respect de la loi et des contrôles qui s'imposent à tous, ainsi que de la transparence, que nous appelons tous de nos vœux.

L'ordonnance a été prise dans ces conditions-là. Je crois qu'elle va dans le sens de l'efficacité publique. Je demande donc à l'Assemblée de repousser cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission mixte paritaire.

M. Pascal Clément, vice-président de la commission mixte paritaire. Monsieur Montebourg que tout le monde mène le combat contre la corruption. Tout le monde est prêt à le mener avec vous, à condition que cela ne devienne pas obsessionnel.

Si l'on en croit votre raisonnement, le risque de corruption est inévitable, à partir du moment où la conception et la réalisation sont entre les mains d'une même personne.

A contrario l'histoire récente a montré qu'il existe des possibilités de corruption lorsqu'une collectivité locale prend une décision, qu'il y a un maître d'œuvre et que la réalisation est effectuée par des entreprises.

Ce n'est pas, monsieur Montebourg, le système qui garantit contre la corruption, c'est l'honnêteté des acteurs. L'intérêt du partenariat public-privé est majeur pour les collectivités locales. Je connais certains de vos collègues du groupe socialiste qui - grâce au cumul des mandats... - ont eu la triste expérience de mesurer la longueur du délai qui s'écoulait entre la décision d'une collectivité locale et la réalisation. Si vous voulez protéger l'électeur, vous devez - ne l'oubliez pas - protéger aussi le contribuable, surtout lorsqu'il s'agit de la même personne. La lenteur d'exécution est telle que trois ou quatre ans s'écoulent entre l'estimation des prix donnée et la réalisation. De ce fait, on aboutit à une augmentation de prix de 20 ou 25 %.

M. Arnaud Montebourg. Vous ne réglez pas le problème !

M. Pascal Clément, vice-président de la commission mixte paritaire. L'objectif de ce partenariat public-privé est la rapidité, qui permettra de faire gagner de l'argent au contribuable.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Pascal Clément, vice-président de la commission mixte paritaire. Comme vous l'avez rappelé vous-même, au moment de l'habilitation, l'intérêt de cette PPP est d'« aller plus vite » et de « faire moins cher ».

Il faut arrêter de se battre contre des moulins à vent. Cette réalité est incontestable.

M. Arnaud Montebourg. Nous démontrerons le contraire ! Ce sera plus cher et plus dangereux !

M. Pascal Clément, vice-président de la commission mixte paritaire. Dans le passé, nous avons connu de nombreux cas où le fait qu'une collectivité ait été elle-même maître d'ouvrage ou maître d'œuvre n'a pas évité la corruption. Je l'ai vu, il n'y a pas longtemps, dans mon département.

Pour vous, monsieur Montebourg, c'était la garantie qu'il n'y ait point de corruption. Si les faits vous avaient donné raison, je me serai incliné devant votre argument. Mais en pratique, ce n'est pas le cas.

Contrairement à vous, qui vous livrez à un procès d'intention pour le futur, j'estime que moins il y a d'acteurs pour une mission donnée, moins il y a de « tuyaux », moins il y a de risques de corruption et plus il y a de chances de réduire les coûts. C'est le but de cette opération.

Quand je pense aux élus socialistes qui se félicitent de cette procédure, je suis obligé de constater, une fois de plus, que vous êtes saisi, monsieur Montebourg, par le démon de l'idéologie. Vous ne voyez pas, puisque vous ne voulez pas voir. Vous ne voulez, en aucun cas, exercer un mandat local. Je le déplore. Devenez maire de votre village...

M. Arnaud Montebourg. Je suis un militant du mandat unique !

M. Pascal Clément, vice-président de la commission mixte paritaire. ...et vous trouverez immédiatement beaucoup de qualités à la PPP.

La vertu des uns et des autres dépend beaucoup plus de l'éducation civique des citoyens et des scrupules indispensables qui doivent animer tout élu. À ce prix seulement, on peut espérer que cette procédure sera au service de l'intérêt général.

Pardonnez-moi, monsieur Montebourg, mais vous êtes profondément structuraliste. Vous croyez que telle ou telle procédure peut ou non assurer la vertu. Je ne crois pas à ce structuralisme-là. Ce n'est pas parce que la structure est bonne que les hommes sont bons, mais c'est parce que les hommes sont vertueux que la structure finit par être bonne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Arnaud Montebourg. Merci, monsieur le président du conseil général de la Loire !

M. le président. Monsieur Montebourg, ne confondons pas les assemblées !

M. Pascal Clément, vice-président de la commission mixte paritaire. Ni les genres !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Étienne Blanc, rapporteur. Monsieur Montebourg, lorsque vous avez utilisé les termes de « déflagration », de « bombe à fragmentation », j'avais un peu le sentiment d'être le rapporteur d'un texte qui aurait été soumis à la commission de la défense...

Idéologiquement, vous êtes contre les PPP parce que vous estimez que la puissance publique serait dessaisie d'un certain nombre de ses droits. Je ne le pense pas.

Vous avez d'abord argumenté sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, en indiquant que l'ordonnance outrepasserait le champ de l'habilitation. Ce n'est pas le cas. Au contraire, le Parlement a autorisé le Gouvernement à prendre des ordonnances qui modifient substantiellement notre code, en permettant un nouveau mode de commande publique : les partenariats public-privé. Il faut rappeler que ce type de commande publique est ancien. La France a équipé son réseau ferroviaire, construit des canaux, édifié des bâtiments publics, grâce à des contrats de type TPP. Nous ne sommes donc pas sortis du champ d'habilitation de l'article 38.

Sur le fond, monsieur Montebourg, vous justifiez cette exception d'irrecevabilité en indiquant que ne figurerait pas dans l'ordonnance le principe du respect de l'égalité d'accès à la commande publique. L'ordonnance prévoit au contraire, par toute une série de procédures, notamment par une très large consultation et un appel public, une égalité d'accès à la commande publique. Je rappelle même que nous prévoyons, dans l'ordonnance, que des PME, des bureaux d'architectes, qui seront maîtres d'œuvre dans ces opérations, peuvent concourir dans le cadre d'un PPP. Je crois donc que le principe de l'égalité d'accès est parfaitement respecté.

Un mot sur la transparence. Lorsqu'un dossier relatif à un PPP devra être soumis à une assemblée délibérante, celle-ci examinera les offres des différentes entreprises. Il s'agit donc d'une transparence absolue. Un conseil général ou un conseil municipal pourra examiner, les unes après les autres, les offres qui lui auront été soumises.

Vous avez indiqué qu'il n'y aurait pas d'évaluation, que l'absence de contrôle entraînerait un risque de dérive financière. Au contraire, l'ordonnance prévoit expressément que, sur la durée d'existence du PPP, une évaluation des conséquences financières sera réalisée. Vous pourrez donc évaluer ces conséquences, en capital et en intérêts, sur une trentaine d'années, y compris au niveau de l'adaptation du bâtiment lorsque l'entreprise sera chargée de la maintenance. Qui interdira à une collectivité, comme nous le faisons pour d'autres engagements hors bilan - je pense aux garanties d'emprunt donné par la collectivité territoriale -, de faire apparaître ces éléments en annexe d'un budget. La transparence en sera renforcée.

Enfin, le Conseil constitutionnel lui-même avait indiqué, pour des raisons que vous avez du reste très loyalement rappelées, que le recours au PPP devait rester exceptionnel et ne pouvait être motivé que par l'urgence ou par la complexité. Dès lors que ce principe est très explicitement rappelé dans l'ordonnance, nous entrons parfaitement dans le cadre des recommandations du Conseil constitutionnel.

Pour toutes ces raisons, monsieur le président, mes chers collègues, je vous propose de repousser l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe UMP.

M. Guy Geoffroy. En terminant son propos, notre collègue Arnaud Montebourg a lâché le mot qui tue : « usurpation »...

M. Arnaud Montebourg. Charles X !

M. Guy Geoffroy. À l'entendre, le texte qui nous est présenté serait un texte « usurpateur ». Mais pourquoi donc M. Montebourg a-t-il attendu le dernier instant pour soulever l'exception d'irrecevabilité ? Si ce projet était aussi usurpateur qu'il le prétend, il aurait dû le faire savoir beaucoup plus tôt !

M. Pascal Clément, vice-président de la commission mixte paritaire. Il est très pris par ailleurs !

M. Guy Geoffroy. Que ne nous l'a-t-il dit en commission mixte paritaire, dont il a d'ailleurs quitté la séance, me souvient-il, avant le vote final !

M. Montebourg, que nous savons assez disert et porté sur les explications assez finement travaillées sur le plan juridique pour tenter de confondre ses adversaires, nous a servi plusieurs arguments.

Pour commencer, le Parlement aurait été tenu à l'écart, nous dit-il. Et de nous reprocher, dès la phrase suivante, de voter tout à la fois une habilitation et un ensemble d'éléments de ratification ! Quel est le principal travers de la procédure de l'article 38, celui que l'on a entendu dénoncer de tout temps, à chaque fois qu'elle a été utilisée ? C'est précisément qu'il suffit au Gouvernement de déposer le projet de loi d'habilitation pour que le texte des ordonnances soit considéré comme définitif sans qu'il y ait lieu d'en débattre. Or que fait le Gouvernement ? Il est transparent dans ses intentions, dans sa démarche, dans sa méthode - je le redirai tout à l'heure à l'occasion des explications de vote sur l'ensemble.

M. François Sauvadet. Là, ce sera moins sûr !

M. Guy Geoffroy. Ne va-t-il pas jusqu'à nous promettre de déposer tous les ans une loi d'habilitation, seule méthode possible compte tenu de la diversité des sujets à traiter ? Ne prend-il pas la peine, une fois les ordonnances prises, de nous demander de les ratifier sans tarder en nous proposant très intelligemment, comme nos amis sénateurs et nous-mêmes l'avions fait par voie d'amendement, de le faire dans le cadre de cette loi d'habilitation ? Dès lors, prétendre que le Parlement serait tenu à l'écart ne peut qu'être une erreur, ou une fausse appréciation.

Sur les PPP, nous avons entendu pis que pendre... Cette affaire devrait être ramenée aux proportions que nous ont rappelées les ministres, le président de la commission des lois et le rapporteur. Que de grands mots ! « Explosion fiscale à retardement »... On croit rêver ! C'est un socialiste qui nous parle d'explosion fiscale à retardement !

M. Arnaud Montebourg. C'est la Commission européenne, et elle n'est pas socialiste !

M. Pascal Clément, vice-président de la commission mixte paritaire. Pas vous, pas ça, monsieur Montebourg !

M. Guy Geoffroy. La maîtrise d'œuvre, nous dit-on encore, serait mise à mal... A-t-on attendu ce texte pour noter les difficultés, mais également les mérites de l'ensemble des procédures qui permettaient, de manière assez fine, aux collectivités d'exercer leurs responsabilités dans ce domaine ?

Pour ce qui est du rôle du Conseil d'État, une fois de plus, vous dites tout et son contraire dans la même phrase... On se répand en appréciations positives tant qu'il nous donne raison, pour l'accuser immédiatement de remplacer le législateur pour peu qu'il ait donné satisfaction à l'adversaire !

Rien de tout cela n'est véritablement convaincant, monsieur Montebourg. Vous avez parlé d'idéologie. Permettez-moi de vous retourner l'argument : c'est vous qui pratiquez en permanence l'idéologie de la suspicion. Cette idéologie ne peut pas tenir lieu de politique, elle ne saurait pas davantage servir de démonstration. Et pour finir sur une note un peu plus sympathique, ce n'est pas parce qu'on est le député de Tournus qu'il faut voir des casseroles partout ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert, pour le groupe socialiste.

M. Jérôme Lambert. J'ai pour ma part senti un certain embarras en écoutant le ministre, le vice-président de la commission mixte paritaire et notre rapporteur répondre aux critiques de fond portées par Arnaud Montebourg sur un point particulier - un seul, il est vrai - de ce projet de loi d'habilitation et de ratification. Vous avez cherché à les minimiser, mais sans apporter aucune réponse de fond, sinon en réaffirmant les bons sentiments du Gouvernement et de tous les élus rassemblés quant à la pratique qui découlerait de ce projet de partenariat public-privé.

Et pourtant, non seulement le partenariat public-privé souffre à l'évidence de faiblesses juridiques, clairement relevées par Arnaud Montebourg et sur lesquelles nous n'avons entendu aucune réponse précise, mais il prête également à critiques sur le plan citoyen. Je vous renvoie à l'appréciation de Mme Eva Joly, qui peut en la matière être considérée comme quelqu'un qui sait de quoi elle parle. À la question : « Certaines personnes en France ont reproché au nouveau code 2004 qui relève les seuils et la formule du PPP de favoriser le risque de malversation. Partagez-vous ce sentiment ? », Eva Joly répond : « C'est un risque réel. » On comprend dès lors que si Arnaud Montebourg porte ces critiques, ce n'est pas en son nom personnel,...

M. François Sauvadet. Encore que !

M. Jérôme Lambert. ...même s'il le fait de manière magistrale, mais bien au nom de tous les citoyens - et bien entendu de tout le groupe socialiste. Ce n'est pas un problème personnel, contrairement à ce que d'aucuns cherchent à faire croire, mais bien un problème politique qui nous oppose.

Du reste, dès la première lecture, notre groupe avait défendu une exception d'irrecevabilité, certes plus générale, mais qui n'en soulevait pas moins plusieurs points sur lesquels devra se pencher le Conseil constitutionnel que nous ne manquerons pas de saisir. À vous entendre les uns et les autres, tout était parfaitement clair et transparent dans le texte initial du Gouvernement. Mais le projet de partenariat public-privé figurait-il dans le projet originel ?

M. François Sauvadet. Eh non...

M. Jérôme Lambert. Non : c'est à la faveur de la discussion parlementaire,...

M. Guy Geoffroy. Et l'on nous dit que le Parlement a été tenu à l'écart !

M. Jérôme Lambert. ...comme c'est du reste parfaitement possible, qu'il a été introduit. De ce fait, il n'a donné lieu à aucune discussion en commission des lois. Au demeurant, sur un texte qui comporte plus de deux cents dispositions différentes, la commission des lois s'est réunie en tout et pour tout une heure ! Je l'avais déjà dénoncé, sans jamais être démenti, car c'est la pure vérité.

M. Xavier de Roux. C'est parce qu'elle travaille très vite et très efficacement !

M. Jérôme Lambert. Une heure pour deux cents sujets différents, au surplus très transversaux, qui intéressent pratiquement toutes les commissions de l'Assemblée nationale !

M. Pascal Clément, vice-président de la commission mixte paritaire. Mais c'est une loi d'habilitation !

M. Jérôme Lambert. Peut-être sommes-nous très généralistes et très compétents en tout à la commission des lois ; reste que pour ce qui a trait au droit social ou au droit fiscal, il est dommage que d'autres commissions n'aient pas été saisies sur le fond afin de donner un avis éclairé à l'Assemblée.

M. Xavier de Roux. Nous connaissons la musique !

M. Jérôme Lambert. Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, celles que vient d'évoquer Arnaud Montebourg, mais également toutes celles, plus générales, que j'avais eu le plaisir de développer en défendant l'exception d'irrecevabilité en première lecture et sur lesquelles je reviendrai dans la discussion, le groupe socialiste vous appelle cette fois encore à adopter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe UDF.

M. François Sauvadet. Mes chers collègues, je vais quant à moi vous inviter, au nom du groupe UDF, à repousser cette exception d'irrecevabilité. M. Montebourg a certes fait une entrée remarquée en plaçant son intervention, comme souvent, sous l'angle de la lutte contre la corruption. Mais aucun parlementaire ne saurait s'attribuer l'exclusivité du combat contre la corruption ; c'est une bataille que nous partageons, et d'autant plus volontiers qu'il y va de l'honneur de ceux qui ont la charge d'en représenter d'autres. Et lorsque des actes délictueux sont commis dans ce cadre, nous sommes unanimes ici à réclamer qu'ils soient réprimés sévèrement, encore plus sévèrement par le fait que nous avons une mission essentielle : représenter nos compatriotes, et qu'il n'y a pas de représentation sans exemplarité.

Ma deuxième réflexion tient au débat lui-même : vous avez fondé votre exception d'irrecevabilité, monsieur Montebourg, sur des motifs dont certains, parfaitement légitimes, soulèvent des interrogations partagées au sein de tous les groupes politiques confondus - je pense notamment à la réforme de la maîtrise d'ouvrage public et à l'accès à la commande publique. J'ai entendu nombre de collègues, maires ou simples élus - mais tous n'en sont pas moins égaux au regard de leur mission de représentation nationale, monsieur le président de la commission des lois -, exprimer leurs craintes à cet égard.

M. Arnaud Montebourg. Vous avez raison.

M. François Sauvadet. Au-delà même de la question de l'accès à la commande publique, la conception de la commande publique elle-même a suscité une légitime inquiétude, dont nous nous sommes fait l'écho, parmi les professionnels. Sans parler de la question du contrôle : certes, il est nécessaire de réduire au maximum les délais dans la mesure où, la rapidité conditionnant l'efficacité, il y va de la bonne utilisation de l'argent public. On comprend, en voyant les difficultés auxquelles nous nous heurtons pour mettre concrètement en œuvre les actions que nous engageons, à quel point c'est là une préoccupation légitime, largement partagée à tous les niveaux territoriaux ; elle a du reste inspiré la réforme de nos lois de finances. Autant dire, monsieur Montebourg, que, là encore, vous n'en avez nullement l'exclusivité.

Quoi qu'il en soit, ce débat a eu lieu dans cet hémicycle, puis au Sénat, puis en commission mixte paritaire. Nous voilà au moment du vote. À chaque groupe politique, à chaque parlementaire de dire maintenant ce qu'il pense de ce texte. Pour avoir activement participé à cette œuvre de simplification, le groupe UDF fera connaître sa position en toute responsabilité. Il était urgent de procéder à une simplification. Aucun parlementaire ne peut contester l'opportunité de la procédure des ordonnances et de l'habilitation, où le Parlement délègue au Gouvernement une de ses responsabilités majeures. Encore faut-il que cela se fasse dans des conditions de transparence totale et vous avez eu raison d'y insister. Tous les groupes se sont posé la même question. Mais l'heure est désormais venue de choisir, et non...

M. Pascal Clément, vice-président de la commission mixte paritaire. De tergiverser !

M. François Sauvadet. ...de se perdre en arguties juridiques sur la recevabilité de ce texte. Il est devant nous ; à chacun d'assumer sa responsabilité. À l'UDF, nous assumerons la nôtre et nous vous appelons à repousser cette exception d'irrecevabilité.

M. Pascal Clément, vice-président de la commission mixte paritaire et M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Michel Vaxès. Dans ce projet, qu'il faut bien qualifier de fourre-tout, se côtoient des dispositions parfaitement secondaires et d'autres réellement essentielles. Du fait de son ampleur sans précédent, ce texte procède à nos yeux d'une utilisation abusive de l'article 38 de la Constitution.

Depuis le début de la législature, le Gouvernement a rompu avec la tradition des demandes d'habilitation, qui se limitaient jusqu'à présent à des projets de quatre ou cinq articles dans des domaines bien déterminés.

La démarche qu'il nous propose apparaît profondément antidémocratique en ce qu'elle porte gravement atteinte aux prérogatives du Parlement. Cela est d'autant plus inacceptable que ce projet va bien au-delà de la simplification du droit : il le modifie bel et bien, et qui plus est dans des domaines essentiels. C'est proprement inacceptable. Aussi les députés communistes et républicains voteront-ils l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)


Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, le groupe UMP accompagnera le Gouvernement dans son œuvre de simplification administrative, en approuvant son projet de loi.

Ce projet de loi, comme le précédent et ceux qui suivront témoignent de votre volonté, monsieur le ministre, de tenir votre engagement de simplifier les relations de nos concitoyens avec la puissance publique.

Il y a longtemps qu'on attendait cette œuvre, qui, certes, ne soulève pas les foules, mais qui est pourtant essentielle. Ce texte contient à la fois des questions anodines et d'autres fondamentales, car simplifier les formalités quotidiennes, c'est aussi renforcer l'adhésion de nos concitoyens à la chose publique.

Une telle réforme n'était pas simple. Il eut été facile de ne pas l'engager, mais le Gouvernement en a pris la responsabilité, et nous devons l'en féliciter.

Il le fait en suivant un rythme régulier, qui en garantit l'efficacité, et notre excellent rapporteur l'a rappelé : une loi l'an dernier, une cette année, une l'an prochain et éventuellement d'autres à venir. À chaque étape, un travail de préparation approfondi a recueilli l'adhésion rapide des députés et des sénateurs.

Le Gouvernement a affiché sa volonté d'aller encore plus loin, dans la voie engagée. Aller sur le terrain à la rencontre des professions et leur demander leur avis est une idée fort pertinente et manifeste un esprit constructif d'humilité qui mérite d'être salué.

M. Jérôme Lambert. On en reparlera !

M. Guy Geoffroy. Comme cela a été dit, ce texte est très riche. Certains sujets qu'il aborde ont soulevé sinon des objections, tout au moins un débat. C'est notamment le cas du partenariat public-privé sur lequel je ne reviens pas. C'est le cas aussi du régime social des travailleurs indépendants, que l'on doit à Renaud Dutreil. Sur tous ces sujets, l'Assemblée a beaucoup travaillé. Et quand j'entends dire que celle-ci a été tenue à l'écart, je n'en reviens pas. Ceux qui ont participé à ce travail peuvent témoigner de la qualité et de la diversité de la réflexion qui ont présidé à nos réunions. Nous n'avons eu que des échos positifs émanant des professionnels, qui nous remercient d'avoir eu le courage et la persévérance d'atteindre l'objectif que nous nous étions fixé.

M. François Sauvadet. On y reparlera !

M. Jérôme Lambert. On ne doit rencontrer pas les mêmes !

M. Guy Geoffroy. La commission mixte paritaire, notre rapporteur l'a souligné, a passé beaucoup de temps, certains diront même trop, aux articles 8 bis et 8 ter qui concernent la délicate question, où beaucoup de sensibilités sont interpellées, du droit funéraire. Le groupe UMP se félicite de la rédaction définitive proposée par la CMP de l'article 8 bis. En revanche, l'article 8 ter qui en découle, et qui est un peu à contre-courant de l'esprit même de la loi, est normatif, alors qu'il conviendrait d'habiliter le Gouvernement à tirer toutes les conséquences, à froid, de la nouvelle rédaction de l'article 8 bis. Peut-être faudra-t-il y revenir,...

M. François Sauvadet. Comme sur le régime des indépendants.

M. Guy Geoffroy. ...mais je ne pense pas que l'équilibre global de ce texte soit, ce faisant, mis en péril. Personne ne sera surpris que le groupe UMP, fidèle à son engagement à côté du Gouvernement, soit unanimement prêt à voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, un projet de loi se donnant pour but de véritablement simplifier le droit, n'aurait sans doute pas provoqué notre opposition. Mais il propose au Parlement de se dessaisir de son pouvoir de faire la loi, d'où notre méfiance. Cette méfiance est en outre renforcée par la complexité du texte que nous devons voter aujourd'hui. Aux soixante articles initiaux, portant déjà sur deux cents sujets, se sont ajoutées, au fil de la discussion parlementaire au demeurant fort brève, beaucoup d'autres dispositions, sous forme d'amendements portant ratification expresse de dizaines d'ordonnances déjà prises.

Voilà pour le moins, un projet de loi complexe, qui, sous couvert de simplification du droit, entend changer le droit, sans débat de fond et sans vrai contrôle du Parlement. Habiliter des ordonnances, en ratifier d'autres, adopter aussi des mesures d'application directe, la complexité législative de ce texte est manifeste. Mais n'est-ce pas à dessein, afin de permettre des changements de législation dans la confusion ? Le Gouvernement se donne ainsi les mains libres sur des sujets délicats, perdus au milieu de beaucoup d'autres !

S'agissant des droits sociaux, simplifier, pour le Gouvernement et sa majorité, signifie en fait régresser. C'est le cas, par exemple, pour le droit au logement et les conditions d'attribution de l'aide juridictionnelle qui vont l'un et l'autre pénaliser nos compatriotes, les plus modestes.

Une nouvelle fois, vous légiférez au mépris du dialogue social, et même des engagements pris, comme pour la réforme des régimes sociaux des indépendants, et surtout celle de l'hôpital public. Ce texte recèle des projets de simplifications compliquées, allant parfois à l'encontre des droits sociaux, et souvent dangereux pour la sécurité juridique à laquelle nos concitoyens ont droit. Vous le faites de façon obscure, sans toujours dire vos intentions réelles. Le Parlement ne devrait pas accepter de se dessaisir de son droit de faire la loi. De plus, vous nous proposez de ratifier des ordonnances déjà prises en des termes très vagues. Comment légiférer dans de telles conditions ?

Comment dès lors accepter que nous légiférions dans de telles conditions ? Pour simplifier le droit, le Gouvernement a choisi de compliquer singulièrement le travail de contrôle du Parlement qui doit rendre un avis sur de multiples sujets où les intentions du Gouvernement sont parfois loin d'être claires, des sujets importants étant noyés au milieu de questions plus ou moins insignifiantes !

Le recours aux ordonnances marque aussi les réticences du Gouvernement à ouvrir un débat de fond avec le Parlement sur certains sujets délicats.

Ce mælstrom législatif est en effet mis à profit pour faire passer des mesures qui n'ont rien à voir avec de la simplification administrative.

M. Arnaud Montebourg. Exact !

M. Jérôme Lambert. Le texte dont nous débattons aujourd'hui, en urgence, et en dernière lecture, était d'un examen particulièrement fastidieux, comme l'a fort justement reconnu le rapporteur de la commission de lois, seule commission saisie, alors que les multiples sujets abordés concernent au moins quatre de nos six commissions permanentes.

M. François Sauvadet. C'est vrai !

M. Jérôme Lambert. Je rappelle que nous y avons consacré une seule heure, en commission de lois, dont une grande partie à examiner des dizaines d'amendements du rapporteur pour mieux rédiger un texte préparé à la va-vite et présenté dans la confusion.

M. Guy Geoffroy. Mais non !

M. Jérôme Lambert. Ce texte est un fourre-tout où se côtoient des mesures dont la portée est très variable. À côté de mesures insignifiantes, on a réécrit des pans entiers de notre droit, par exemple en ce qui concerne la filiation, ou des mesures controversées, sur lesquelles le Gouvernement a voulu étouffer le débat par un tour de passe-passe législatif. Nous avons eu droit aussi à des amendements de dernière minute venant compléter le texte d'habilitation de nombreux projets de ratification d'ordonnances déjà prises précédemment et que n'avons pas eu le loisir d'étudier de manière approfondie en commission !

Le caractère fourre-tout de ce texte n'est pas sans rappeler les lois « portant diverses dispositions...» dont le Conseil d'État avait critiqué l'insécurité juridique. Un texte qui n'a pas fait l'objet d'un débat de fond, dont des objets importants figurent entre deux sujets insignifiants, risque de se voir, plus tard, opposé des objections qu'un examen plus approfondi auraient pu éviter. En légiférant à grande échelle par ordonnances, le Gouvernement prend le risque de fragiliser le droit au lieu de le simplifier. Et lorsque l'on fragilise le droit, au bout du compte, on complique singulièrement la vie de nos concitoyens. Voilà le résultat que nous pouvons attendre de telles procédures.

La dernière loi d'habilitation illustre à cet égard mes propos. Qu'en est-il aujourd'hui de l'ordonnance sur le partenariat public-privé ? Ce projet de loi d'habilitation ne reprend-il pas certaines habilitations précédemment accordées pour les corriger ? Le Gouvernement ne tente-t-il pas aussi de corriger certaines ordonnances déjà publiées, démontrant par là le caractère dangereux de cette procédure expéditive ?

En quelques minutes, il m'est impossible de revenir sur les articles trop nombreux d'un texte confus dont de nombreuses dispositions seront soumises à l'appréciation du juge constitutionnel, tant sur la forme que sur le fond. Arnaud Montebourg a eu l'occasion d'en rappeler quelques-unes.

Permettez-moi simplement d'évoquer le droit de la filiation, que vous entendez modifier par voie d'ordonnance. Il s'agit pour nous d'une question essentielle qui interpelle la société. Il aurait donc fallu en débattre publiquement. Sur un sujet aussi sensible et complexe, la réforme ne saurait être laissée aux technocrates dans le secret des cabinets ministériels.

Sur de nombreuses autres dispositions, le groupe socialiste a déjà manifesté son désaccord, et je les ai évoquées au cours de mes précédentes interventions sur ce texte.

Ce projet de loi, contient des dispositions très diverses, tellement diverses que cela ajoute à sa confusion, et à la difficulté soulignée, en commission des lois, pour notre Parlement, de l'examiner avec toute la sécurité juridique requise.

C'est pourquoi, le groupe socialiste continue de s' opposer à certaines dispositions sur le fond, et à d'autres sur la forme qu'a imposée le Gouvernement, en contradiction avec l'article 38 de la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, la simplification correspond à une attente et constitue une exigence. Chacun sait qu'une bonne législation doit être simple et accessible pour être appliquée sereinement. Nous devons tous veiller à en finir avec ce vieux mal français du maquis législatif et de l'empilement des textes. La situation actuelle est à cet égard paradoxale : alors que nous proposons de toiletter les textes, le rythme législatif connaît une accélération, comme le président de l'Assemblée nationale l'a rappelé, soulignant qu'il convenait de remettre un peu d'ordre dans le calendrier législatif et de donner davantage de stabilité à la norme.

Nous avons un gros travail de codification à effectuer : quand le Parlement aborde l'examen d'un nouveau texte, il devrait se livrer à des opérations de toilettage du droit et poursuivre le travail entrepris. Si nous ne voulons pas en rajouter, autant nous engager à ce que le droit ne bavarde pas et qu'il aille à l'essentiel. C'est un débat récurrent, qui n'est pas près d'être clos.

Le groupe UDF, conscient de cette nécessité, s'est engagé avec beaucoup de vigueur dans cette action de simplification, même si la méthode d'habilitation par ordonnances n'est pas celle qui suscite le plus d'enthousiasme chez les parlementaires puisqu'elle vise à confier au gouvernement le soin de légiférer dans un cadre que nous avons souhaité voir précisé. Cela dit, on peut comprendre que l'urgence et l'attente justifient de recourir à ce moyen, dont il ne faudrait pas abuser, comme nous l'avons souligné à l'occasion de l'examen des deux projets de loi d'habilitation qui nous ont été présentés en 2003 et en 2004.

Je veux aussi vous faire part de certaines inquiétudes

Je pense tout d'abord à la réforme de la loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique, dite « loi MOP », intervenue en 2003, qui risque de priver certains opérateurs, notamment des PME et des cabinets d'architectes, de l'accès à la commande publique. Le débat a été tranché par la majorité, mais les inquiétudes subsistent. Pour m'être entretenu avec les acteurs sur le terrain, je peux vous dire qu'il ne faudrait pas les balayer d'un revers de main.

Nous devons avoir une culture de l'évaluation. Aux partisans de la rapidité du processus de la commande publique qui affirment que le partenariat entre le public et le privé sera exempt de risques, je propose de faire une évaluation du nouveau dispositif dans un an. En tout cas, notre groupe le demandera.

La loi d'habilitation peut même être source d'insécurité juridique. J'ai bien entendu notre collègue de l'UMP évoquer le droit des obsèques et le trouble qu'introduit l'article 8 ter, qu'il faudra reprendre. Vous le voyez, même si le débat a été nourri, il peut être source d'incompréhension ; il faut avoir l'humilité de le reconnaître.

Cela étant je tiens surtout à insister sur la question de la mise en œuvre du régime social des indépendants sur laquelle nous avons un profond désaccord avec le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État, Renaud Dutreil, malheureusement absent aujourd'hui. Au nom du groupe UDF, j'ai déjà dit combien je déplore la manière dont cette question a été traitée et cet avis est partagé sur les bancs de notre assemblée comme du Sénat.

Notre position a toujours été très claire et constructive : oui à la simplification du régime de protection sociale des travailleurs indépendants ; oui aussi à la responsabilisation des acteurs professionnels afin de conduire cette réforme dès lors qu'elle a été proposée ; oui encore, et c'est là toute notre différence, à l'autonomie de gestion du régime social des indépendants, à l'instar de ce qui existe - mais pour combien de temps encore ? - pour le monde agricole. Hier, nous avons assisté à un débat surréaliste à propos du financement de la protection sociale agricole : au détour de la discussion du projet de budget, alors que nous évoquions le déficit de 1,5 milliard d'euros du système de protection agricole - une bagatelle ! -, on nous a renvoyés à une étude dans six mois !

J'ai entendu le ministre nous dire un jour que, puisque nous étions réservés sur la manière dont le dispositif est mis en œuvre, c'est que nous n'étions pas favorables à la simplification. J'avoue que ses propos m'ont choqué, comme ils ont choqué nombre d'artisans et de commerçants.

M. Étienne Blanc, rapporteur. C'était amical !

M. François Sauvadet. Monsieur le rapporteur, je tiens à votre disposition le compte rendu publié au Journal officiel, au cas où vous auriez des doutes sur la véracité de ces paroles. J'espère que vous croirez le Journal officiel, car c'est le journal de la République.

Rappelons que le groupe UDF a été le premier à proposer le rapprochement historique des caisses CANCAVA, ORGANIC et CANAM en déposant un amendement tendant à instaurer un interlocuteur unique. Notre position correspondait à une conviction profonde : pour être réussie, la réforme devait être acceptée. Pour nous la simplification doit s'appuyer sur les attentes des assurés et non pas sur des logiques qui consisteraient à défendre telle ou telle structure.

J'ai le sentiment que certains veulent passer en force, pour imposer au régime social des indépendants, né de la fusion de ces caisses, un mode de fonctionnement qui n'a jamais été présenté clairement devant la représentation nationale ni réellement accepté par la majorité de ceux qui en auront la responsabilité, contrairement à ce qui nous a été dit.

On ne peut pas faire obligation au régime des indépendants de déléguer ses missions liées au recouvrement des cotisations avant même qu'il ne soit instauré. Cela constitue purement et simplement un détournement de la réforme. Dans la logique que nous suivons depuis le début, il appartient aux acteurs eux-mêmes de s'organiser dès lors que le régime des indépendants est créé, même avec une instance provisoire. C'est d'ailleurs ce nous avions proposé dans nos amendements.

Une différence de fond extrêmement forte nous sépare donc du ministre de la fonction publique, M. Dutreil. Les habilitations à légiférer par ordonnances impliquent de la part du Gouvernement la transparence sur les intentions et les modalités de mise en œuvre des autorisations votées par le Parlement. Or la seule réponse que nous avons obtenue, après avoir posé ces questions légitimes, a été que nous n'étions pas pour la simplification. Ce ne sont pas des façons de faire alors que nous engageons cinq millions de commerçants et d'indépendants dans un nouveau système.

M. Arnaud Montebourg. Voilà tout le mépris du Gouvernement, toute son autosatisfaction arrogante !

M. François Sauvadet. Monsieur Montebourg, permettez-moi de vous dire que votre soutien hâtif n'est pas pour moi un motif de satisfaction (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) encore que, si l'ensemble de nos collègues faisait de même, cela servirait l'idée que nous défendons.

Des précisions tardives ont été apportées au Sénat et elles confirment nos craintes. Les réactions à la CANAM et à l'ORGANIC montrent qu'elles sont partagées. Monsieur le secrétaire d'État, interrogez M. Jacob sur l'accueil qui lui a été réservé. Il ne s'en est d'ailleurs pas si mal sorti, étant donné que sa position était difficilement tenable.

Plus encore, j'ai le sentiment que ce qui a été imposé entraîne une rupture regrettable entre les élus des caisses de base et les représentants des caisses nationales, rupture qui aurait pu être évitée si le Gouvernement avait renvoyé aux professionnels la responsabilité d'opérer des choix en matière de recouvrement, en leur faisant confiance, car c'est aussi leur affaire. On ne relèvera pas le grand défi de la sécurité sociale sans qu'une responsabilisation des acteurs accompagne la simplification administrative, réforme indispensable dont nous nous sommes fait les avocats zélés.

J'ai regretté que le Sénat ait refusé les amendements concernant le monde du cheval. Je m'étonne d'ailleurs toujours que ce sujet suscite autant d'incompréhensions. Nous avions prévu un système d'identification des équidés. Cela semble anecdotique mais c'est d'une importance considérable pour des centaines de professionnels. D'ailleurs, notre groupe reviendra sur la question.

Pour terminer, monsieur le secrétaire d'État, je tiens à saluer votre esprit d'écoute. De la part d'un ministre qui veut réformer, cela ne peut être qu'une bonne chose. Si vous pouviez dire à M. Dutreil d'en faire de même, cela me rendrait service. (Sourires.) Cela pourrait faire avancer le dialogue constructif que l'on doit avoir, m'a-t-on dit, dans une majorité.

M. Jérôme Lambert. Vous y croyez encore ?

M. François Sauvadet. Monsieur Lambert, vous qui êtes dans l'opposition, vous êtes mal placé pour me donner des conseils en matière de majorité.

M. Jérôme Lambert. Je suis simple spectateur.

M. François Sauvadet. Et je vous engage à le rester !

Je souhaite que le débat sur le régime des indépendants soit repris. Un dialogue ouvert et constructif aurait permis de régler cette question beaucoup mieux qu'elle ne l'a été ou qu'elle aurait pu l'être. Un climat apaisé et une attitude respectueuse du rôle du Parlement et des professionnels sont les meilleurs garants de la réussite d'une réforme, surtout lorsqu'elle bouscule, comme celle-ci, les habitudes.

C'est pour cette raison, qui est une raison de fond, que le groupe UDF ne votera pas ce texte. S'y ajoutent nos réserves à l'égard du partenariat public-privé, sur lequel j'aimerais que nous fassions un bilan dans un an, en examinant notamment ses conséquences pour les lycées et les collèges. Je le dis avec une certaine solennité : la réforme, de manière générale, ne peut être acceptée qu'au prix de la vérité et de la responsabilité et seulement si les efforts demandés paraissent justes et partagés.

Voilà le message que je voulais vous adresser, monsieur le secrétaire d'État. Considérez-le comme un encouragement à poursuivre dans la voie que vous vous êtes tracée et à faire en sorte que le débat soit plus constructif.

M. Jérôme Lambert. C'est mal parti !

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, dernier orateur inscrit.

M. Michel Vaxès. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous connaissez l'opposition historique de mon groupe au principe des lois d'habilitation. Elles dessaisissent le Parlement de ses prérogatives et délèguent au gouvernement son pouvoir de légiférer sans qu'il puisse exercer de contrôle effectif sur leur contenu. Les textes de ratification des ordonnances ne sont généralement pas débattus mais seulement déposés sur le bureau de l'Assemblée.

Si l'article 38 de la Constitution autorise cette procédure, il n'implique aucunement sa banalisation. La sauvegarde de son caractère exceptionnel constitue une garantie pour les droits de l'institution parlementaire, donc pour la démocratie représentative.

Or le Gouvernement en abuse. En effet, c'est le deuxième texte de ce genre depuis le début de la législature et d'autres sont prévus dans les années à venir. De surcroît, l'étendue du champ d'habilitation est absolument sans précédent : alors que l'an dernier, votre projet comptait vingt-neuf articles, il en comporte cette année soixante et un portant sur au moins deux cents domaines. C'est une véritable provocation ! Le Sénat l'a élargi jusqu'à quatre-vingt-quatorze articles, dont cinquante-neuf ont été soumis à la CMP. Cette extension est si considérable qu'elle entame le principe de la séparation des pouvoirs.

S'agit-il uniquement de simplifier notre corpus juridique afin de le rendre plus intelligible et accessible à nos concitoyens ? Non, même si un certain nombre de dispositions du texte, auxquelles nous ne sommes pas opposés, vont dans ce sens.

Avant d'aborder le contenu du projet de loi, permettez-moi de formuler l'observation suivante : la complexification de notre droit est une évidence liée à l'inflation législative. Cette tendance n'est certes pas nouvelle mais elle a pris des proportions sans précédent. Depuis deux ans, en effet, le Gouvernement nous impose un ordre du jour plus que surchargé. Selon le président de notre assemblée, nous n'avons «jamais autant légiféré depuis le début de la Ve République. » La longueur des textes est telle que le recueil des lois est passé de 1 600 pages en 2002 à 2 350 aujourd'hui. Voilà l'origine de la croissance exponentielle du dispositif législatif et de la multiplication des régimes juridiques complexes.

Nous travaillons dans la précipitation, ce qui ne permet pas la sérénité requise pour que les lois soient élaborées avec la plus grande sagesse. Cela ne permet pas non plus l'élaboration de textes concis, clairs et compréhensibles. Si le Gouvernement adoptait une autre politique législative, il permettrait de simplifier le travail législatif, donc le droit.

Il ne serait alors pas nécessaire de rectifier périodiquement le dispositif d'empilement et de stratification des normes par des habilitations douteuses et contestables. Cependant cela implique de respecter l'institution parlementaire et la séparation des pouvoirs qui sont au cœur de notre démocratie.

Or, monsieur le secrétaire d'État, le recours aux ordonnances semble être une tentation permanente pour ce gouvernement, sinon un mode de gouvernance. Je rappelle qu'il a été longtemps question de réformer la sécurité sociale par ordonnances, comme cela avait été fait précédemment sous le gouvernement de M. Juppé. On comprend que cela facilite la mise en application d'un dispositif rétrograde loin du débat démocratique.

Le projet en discussion en est une illustration. Il ne vise pas uniquement à simplifier notre droit puisqu'il le modifie, affectant l'ossature de l'ensemble des réglementations en cause. Il comporte d'ailleurs des mesures contre lesquelles les personnels intéressés et les organisations syndicales s'étaient prononcés.

En première lecture, nous avions dénoncé ces dispositions et déposé de nombreux amendements de suppression, qu'il s'agisse de la gouvernance de l'hôpital, du laboratoire français de fractionnement et des biotechnologies, des organismes de sécurité sociale ou des commissions d'admission à l'aide sociale. Nous nous étions élevés contre des mesures qualifiées de techniques mais qui auront des conséquences considérables, comme la définition des bases de superficie en matière de logement social qui déterminent les financements, les taxations ou le montant des loyers. Pourquoi le Parlement ne débattrait-il pas de questions aussi importantes que le droit de filiation ou le régime social des professions indépendantes et des artisans qui posent des problèmes de fond ?

Mon intention n'étant pas de refaire le débat de la première lecture, j'arrête là mes exemples sur la nocivité de votre texte. Je relève tout simplement que le Sénat a retenu l'ensemble des mesures négatives que nous avions dénoncées. Pire, il a aggravé votre projet. Il a ainsi introduit la ratification de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, qui réforme profondément le droit de la commande publique et comporte des risques de concentration économique. Cette réforme porte atteinte à la liberté des architectes et des acteurs de la commande publique que ces derniers contestent.

À l'issue de la CMP, toutes les dispositions négatives du texte, tel qu'il a été voté en première lecture par les deux assemblées, demeurent. Il ne saurait donc être question que le groupe des député-e-s communistes et républicains l'approuve. Nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à la réforme de l'État. Monsieur le président, je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué à la qualité de ce projet de loi. Je pense d'abord à son rapporteur, M. Étienne Blanc, que je salue tout particulièrement, au président et aux membres de la commission des lois qui, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, ont contribué à ce débat démocratique.

Je remercie ensuite Guy Geoffroy pour son travail et l'ensemble des services, notamment ceux de la commission des lois, pour avoir préparé ce débat et y avoir participé avec talent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, pour permettre d'aborder l'examen des crédits du ministère de l'outre-mer dans de bonnes conditions, je vais suspendre la séance quelques instants.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de M. Jean-Louis Debré.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est reprise.

    5

LOI DE FINANCES POUR 2005

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

OUTRE-MER

M. le président. Nous abordons les crédits du ministère de l'outre-mer.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les départements et régions d'outre-mer.

M. Alain Rodet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les départements et régions d'outre-mer. Monsieur le président, madame la ministre de l'outre-mer, mes chers collègues, le projet de budget de l'outre-mer pour l'année 2005 doit être abordé avec beaucoup de précaution. En effet, la progression apparente des crédits s'établit à 52 % par rapport au projet de budget voté en 2004, mais cette hausse très importante est liée au transfert des crédits destinés à compenser les exonérations fiscales de cotisations sociales dans les départements d'outre-mer, crédits inscrits jusqu'à présent dans le budget du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

Cette compensation s'élève, pour 2005, à 678 millions d'euros. La prise en charge de ce dispositif, prévue dans la loi de programme pour l'outre-mer de juillet 2003, manifeste la volonté d'accentuer le rôle de pilotage du ministère de l'outre-mer pour le développement économique et social des départements et collectivités concernés.

Cela dit, si, pour établir une comparaison rigoureuse et objective, à périmètre constant, on retranche des 1,706 milliard d'euros affichés dans le bleu les 678 millions provenant de ladite compensation de l'enveloppe budgétaire, on constate que le budget de l'outre-mer subit en fait une baisse de 85,5 millions, soit 7,6 % par rapport à 2004. Cette diminution est nettement supérieure à celles observées dans la plupart des autres départements ministériels. Elle appelle une réflexion de fond sur la manière dont l'État central déploie son effort financier vers les départements d'outre-mer, même si le présent budget ne retrace qu'une partie des concours financiers aux six ensembles concernés : Réunion, Guadeloupe, Martinique, Guyane, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Cette diminution sensible est imputable principalement au FEDOM, le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, et à la couverture maladie universelle complémentaire.

Les moyens des services, qui figurent au titre III, représentent 8,7 % du budget. Ils s'élèvent à 148 millions d'euros, soit une baisse de 23 % par rapport à 2004. Les interventions publiques inscrites dans le titre IV, qui comprennent les subventions aux collectivités locales, les crédits du FEDOM et les crédits sociaux, culturels et de coopération régionale atteignent 1,295 milliard d'euros. Ce montant traduit une hausse de 90 % par rapport à 2004, qui s'explique par le transfert déjà mentionné.

Les investissements exécutés par l'État, qui figurent au titre V, s'élèvent à 6,75 millions d'euros, en baisse de 1,74 % par rapport aux crédits votés l'an dernier.

Les subventions d'investissements accordées par l'État, inscrites au titre VI et qui intègrent les crédits du logement, les subventions du FIDOM, le fonds d'investissement des départements d'outre-mer, du FIDES, le fonds d'investissement pour le développement économique et social, s'élèvent à 256 millions d'euros, soit une hausse de 1,27 % par rapport au budget de 2004.

Parmi les mesures nouvelles financées par le présent projet de budget, on peut citer la dotation de continuité territoriale inscrite au titre IV pour 31 millions d'euro, ainsi que les subventions obligatoires et facultatives qui sont abondées de 2,8 millions d'euros. Ce montant inclut plus particulièrement la desserte maritime de Saint-Pierre-et-Miquelon, le remboursement de dépenses à la collectivité de Mayotte pour le fonctionnement des services de l'État, le paiement de certains personnels desdits services et, toujours pour la collectivité de Mayotte, le financement du ticket modérateur à hauteur de 600 000 euros qui résulte d'un transfert.

À cela, il convient d'ajouter la mise en place du passeport logement, complément nécessaire du passeport mobilité inscrit depuis plusieurs budgets. Ainsi, les jeunes qui rencontrent des difficultés pour trouver un logement en métropole ne recevront aucune aide financière directe mais des structures d'accueil les aideront à trouver un lieu de résidence. Une convention a été signée entre l'État et l'ANT pour permettre à cette dernière d'acquérir des droits de réservation portant sur 800 places d'hébergement en foyer. Le coût de ce dispositif devrait atteindre 500 000 euros en année pleine.

Si ces mesures nouvelles doivent être approuvées, en revanche on ne peut que regretter d'autres évolutions, à commencer par la réduction de 90 millions d'euros des crédits du FEDOM que le Gouvernement justifie « par un recentrage des politiques mises en œuvre jusqu'à ce jour ». On peut également s'étonner que le FEDOM - pourquoi lui ? - perde 1 million d'euros au profit des crédits de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité qui doit être créée en 2005.

Enfin, comment ne pas être interpellé par la gestion heurtée de la ligne budgétaire unique de la politique du logement qui semble avoir concentré au-delà du raisonnable l'effet des mesures de régulation budgétaire ?

Il semble bien difficile de faire un état précis et significatif de ces budgets après l'analyse des reports et des gels au titre de l'exercice 2004 et d'éclairer correctement le débat sur le projet de budget de 2005. Cela pose en fait la question de la lisibilité de ce budget, sans doute hors norme par rapport à ceux d'autres ministères, car marqué par une grande transversalité, mais à propos duquel de fortes interrogations subsistent.

À ce sujet, votre rapporteur spécial déplore la lenteur et le caractère incomplet des réponses à son questionnaire. Cela ne peut que rendre dubitatifs les membres de la commission des finances par rapport aux obligations résultant de la loi organique sur les lois de finances et à la nouvelle nomenclature budgétaire.

Il est urgent de se pencher attentivement sur la gestion de la ligne budgétaire unique du logement. Si, pendant plusieurs années, l'intégralité des crédits inscrits sur cette ligne n'a pas été consommée, générant ainsi d'importants reports, le Gouvernement a choisi, en 2002 et 2003, d'y concentrer l'effort des mesures de régulation budgétaire en lui faisant connaître des annulations importantes et même brutales. Or, aujourd'hui, les crédits de paiement sont devenus nettement insuffisants par rapport aux engagements de travaux autorisés, si bien que plus de 20 millions d'euros de factures impayées seraient en instance dans les directions départementales de l'équipement, alors que 26 millions d'euros ont été gelés en 2004.

Une telle discordance met en cause probablement beaucoup plus les services du ministère de l'économie et des finances que ceux du ministère de l'outre-mer. Elle révèle une certaine désinvolture dans la gestion des finances publiques et nous oblige à nous interroger sur les fonctions des contrôleurs financiers, autrefois appelés - et c'était peut-être plus clair - contrôleurs des dépenses engagées.

En ce qui concerne le FRAFU - le fonds d'aménagement foncier et urbain -, créé en 1994 à La Réunion et expérimenté en Martinique en 1999, sa mise en place a été étendue dans chaque DOM par le décret du 29 avril 2002. Il s'agit de pallier le coût élevé du foncier pour développer la construction de logements sociaux. À cet effet, 80,80 millions d'euros sont réservés par l'État dans le cadre des contrats de plan 2000-2006, via le FIDOM. Votre rapporteur regrette que les modalités de fonctionnement de ce fonds, qui devaient être arrêtées au cours de l'été 2003, l'aient été beaucoup plus tardivement. Certes, ce retard a des causes diverses, la plus importante tenant au choix de l'opérateur financier.

Enfin, s'agissant des trois programmes pointés dans la mission du ministère, à savoir l'emploi outre-mer, les conditions de vie, l'intégration et la valorisation de l'outremer, les membres de la commission des finances ont, lors de l'examen de ce fascicule, marqué leur impatience à disposer de véritables indicateurs dans le cadre de la réforme budgétaire puisque, manifestement, les domaines ouverts à ces expérimentations souffrent d'un affichage d'intentions et tardent à se concrétiser.

Votre rapporteur s'en étant remis à la sagesse de la commission des finances, cette dernière, réunie le 24 octobre, a adopté à la majorité les crédits du ministère de l'outre-mer pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'outre-mer.

M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'outre-mer. Madame la ministre, j'avais qualifié l'année passée votre budget de « budget vérité». Cette année encore, c'est le qualificatif qui convient pour décrire les dépenses que vous nous demandez d'autoriser.

Il est trop facile en effet, et certains s'y sont d'ailleurs complu, de faire des annonces tonitruantes, de grandes déclarations fracassantes, fracas qui n'a d'égal que le silence embarrassé entourant le constat que, finalement, le compte n'y est pas.

M. Jérôme Lambert. Il vaut mieux être mauvais dès le départ !

M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. Or, s'agissant des crédits de votre ministère, non seulement les objectifs affichés sont ambitieux et respectueux de la loi de programme que nous avons votée en 2003, mais encore les moyens nécessaires sont mobilisés.

Le budget du ministère de l'outre-mer est exécuté aux trois quarts de l'année à hauteur de 68 %, contre 58 % en 2002. Cette amélioration de 10 % témoigne d'une mobilisation exemplaire des services pour assurer une solidarité effective avec l'outre-mer.

Les crédits restés sans emploi en fin d'année devraient donc diminuer. À ceux qui auraient la mémoire courte, on rappellera que le montant des reports de crédits représentait 423 millions d'euros en 2000 et 2002, soit l'équivalent de trois années de dotations de la ligne budgétaire unique et de deux années de dotations du FEDOM. Cet effort de mobilisation des moyens répond à la définition d'objectifs ambitieux, fixés notamment dans la loi de programme pour l'outre-mer.

Cet engagement se concentre sur deux objectifs prioritaires.

Le premier concerne l'emploi et l'insertion, questions cruciales et véritable test grandeur nature de la solidarité en faveur de l'outre-mer. Les deux tiers de ce budget y sont consacrés. En la matière l'efficacité de l'action de l'État devrait être renforcée par la concentration des moyens en faveur d'un acteur désigné comme central dans la mise en œuvre de ces politiques : le ministère de l'outre-mer.

Je fais ici allusion au transfert de 677 millions d'euros depuis le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, crédits qui financent les compensations des exonérations de cotisations sociales prévues par la loi de programme pour l'outre-mer. La montée en charge du dispositif se traduit d'ailleurs pour 2005 par une hausse des crédits, ces compensations s'élevant à 718 millions d'euros.

La politique de l'emploi et de l'insertion outre-mer repose sur plusieurs outils, dont le FEDOM, outil flexible du fait de la fongibilité totale de ses crédits et qui finance un ensemble de dispositifs d'emplois aidés dans le secteur marchand ou non marchand. Les crédits, depuis la loi de programme pour l'outre-mer, ont amorcé une réorientation en faveur des emplois aidés dans le secteur marchand, l'outil privilégié étant le contrat d'accès à l'emploi.

Il s'agit de mettre un terme à une pratique qui consiste à créer des emplois sans véritable compétence et d'une productivité discutable, sauf, bien sûr, en matière de diminution plus ou moins artificielle du nombre de demandeurs d'emplois. À cet égard, il convient d'apprécier sans dogmatisme l'efficacité de la politique menée par le ministère en faveur de l'emploi et les effets des dispositifs créés par la loi de programme, s'agissant notamment des exonérations de cotisations sociales.

Dans ce domaine, les contempteurs professionnels auront du mal à contester les chiffres qui attestent de la pertinence des orientations données à la politique de l'emploi outre-mer. En effet, alors qu'en 2003, et pour la première fois depuis dix ans, l'économie française a perdu plus d'emplois qu'elle n'en a créés, l'emploi a progressé dans tous les départements d'outre-mer, à l'exception de la Martinique. Le taux de chômage a baissé de plus de 7 %.

Mme Huguette Bello. Ah ?

Mme Christiane Taubira. Il a son propre INSEE !

M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. L'autre priorité de l'action outre-mer, c'est, bien sûr, le logement. Là encore, on doit saluer l'effort entrepris, s'agissant tant du niveau global des moyens engagés que de l'exécution des autorisations de dépenses ouvertes, lesquelles faisaient encore, il y a quelques années, l'objet d'une sous-consommation chronique.

Or il y a pour le logement outre-mer un véritable défi à relever, notamment lorsque l'on sait que la croissance démographique y est quatre fois supérieure à celle de la métropole.

Il faut porter au crédit des gouvernements qui se sont succédé depuis quinze ans un engagement qui a permis une baisse régulière du nombre de personnes par pièce. Toutefois, les indices d'occupation des logements en outre-mer restent très supérieurs à ceux constatés en métropole. C'est pourquoi je me félicite que les différents dispositifs financés par le budget du ministère de l'outre-mer, ainsi que ceux prévus dans le cadre du plan de cohésion sociale, permettent la mise en œuvre d'un objectif de mille réalisations nouvelles en 2005.

Le ministère, outre ces deux priorités, privilégiera également l'action en faveur du désenclavement de l'outre-mer.

Je veux d'abord évoquer le passeport-mobilité, qui a permis à 12 583 jeunes en formation ou étudiants de bénéficier d'un aller-retour gratuit vers la métropole. Outre l'intérêt qu'il présente pour permettre à tous les jeunes de s'accomplir professionnellement, ce dispositif s'avère en outre fort utile au regard des problèmes que connaît notamment le secteur touristique aux Antilles. Il concourt à l'amélioration de la formation de nos jeunes aux métiers du tourisme, le temps de l'amateurisme, même sympathique, étant désormais révolu.

Une fois en métropole, ces jeunes sont malheureusement confrontés, surtout dans les villes universitaires, à une pénurie dramatique de logements. Le ministère s'est montré extrêmement réactif tant dans le diagnostic du problème que dans son traitement. En effet, un passeport-logement a été conçu comme complément au passeport-mobilité ; il ne consiste pas en une aide versée directement aux jeunes, mais tend à soutenir les structures d'accueil des jeunes dans leurs démarches pour leur trouver un logement.

L'autre dispositif qui doit retenir l'attention est la dotation de continuité territoriale. Créée par la loi de programme pour l'outre-mer, elle vient combler un vide dont tout le monde s'était ému, mais dont personne ne s'était saisi, y compris ceux qui pouvaient alors mettre en branle la machine du ministère.

Cette dotation consiste en un versement aux collectivités locales de fonds qu'elles attribuent à leurs résidents afin de prendre en charge environ 30 % du prix du billet aller-retour pour la métropole.

Financée l'an passé par le ministère de l'outre-mer et le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, elle sera intégralement prise en charge en 2005 par le ministère. En outre, les moyens qui y sont consacrés augmentent de 1 million d'euros. Ils s'élèveront à 31 millions d'euros en 2005.

Je me souviens encore du scepticisme exprimé par certains dans cet hémicycle sur l'effectivité et la pérennité de ce dispositif. Je ne doute pas qu'ils soient aujourd'hui rassurés.

Par ailleurs, la mission d'information de la commission des affaires économiques sur l'amélioration de la desserte aérienne des DOM, dont j'étais le rapporteur, s'était fait l'écho du mécontentement des ultramarins face aux coûts de transport qui demeurent élevés ainsi qu'à la volatilité et au manque de transparence de la grille tarifaire.

La mission avait formulé plusieurs propositions, notamment le renforcement des obligations de service public imposées aux compagnies aériennes. Étaient notamment explorées les pistes de l'instauration de tarifs réduits, notamment pour les jeunes, d'un prix maximum en haute saison, et la création d'un billet social pour événement familial.

Là encore, le ministère a démontré sa grande réactivité : au terme d'une concertation entre le Gouvernement, les usagers et les compagnies aériennes, de nouvelles obligations de service public ont été définies et seront soumises à la consultation des conseils généraux et régionaux, ainsi qu'à l'approbation de la Commission européenne. Elles concernent la généralisation des réductions tarifaires pour les jeunes, la mise en place d'une politique commerciale adaptée à des publics prioritaires : passager devant se rendre en métropole ou dans un DOM en cas de décès d'un proche, personne handicapée, parents accompagnant une personne dans le cadre d'une évacuation sanitaire. De plus, on engage les compagnies aériennes à mettre en œuvre des moyens supplémentaires en cas de défaillance d'un transporteur.

Un autre sujet tient particulièrement à cœur aux ultramarins et au rapporteur de la commission des affaires économiques, celui de la mutation des secteurs fondamentaux pour l'économie locale, essentiellement aux Antilles, que sont les filières canne-sucre-rhum et banane. De ce point de vue, la perception de l'action menée par l'Union européenne apparaît ambiguë.

Le projet de traité constitutionnel reconnaît aux DOM la qualité de région ultrapériphérique, permettant d'adopter des mesures dérogatoires au droit commun afin de tenir compte de leur spécificité. S'il devait être adopté, il renforcerait cette approche particulière, notamment en étendant à l'ensemble des politiques communautaires et des actes juridiques des possibilités d'adaptation.

En outre, la politique de l'ultrapériphéricité mobilise 3,4 milliards d'euros au titre des fonds structurels pour la période 2000-2006. C'est considérable, et la disposition de ces aides devrait être accélérée par la réforme du dispositif de préfinancement par l'agence française de développement.

Dans le même temps, cependant, les réformes des dispositifs régulateurs dans le domaine du sucre et de la banane au niveau européen suscitent l'inquiétude. Ces filières représentent des dizaines de milliers d'emplois directs et indirects aux Antilles, et la réforme des OCM du sucre et de la banane ne peut méconnaître la place spécifique de ces productions dans l'économie locale.

L'outre-mer compte sur vous, madame la ministre, et sur le Gouvernement, pour relayer auprès des instances communautaires son légitime émoi. L'outre-mer compte sur vous pour favoriser l'adoption du régime le plus avantageux possible pour les producteurs français en général et ultramarins en particulier.

Enfin, je ne pouvais terminer cette intervention sans évoquer les pluies exceptionnelles survenues entre le 13 et le 24 mai en Guadeloupe et en Martinique, qui ont causé de nombreux dégâts matériels et entraîné la mort accidentelle de trois personnes en Martinique.

Une fois encore, la solidarité de notre pays a été mise à l'épreuve, et elle n'a pas fait défaut. Outre l'indemnisation des dégâts causés à l'agriculture et les subventions d'équipement spécial versées aux collectivités locales, l'aide d'urgence aux victimes de calamités publiques a, par exemple, permis le versement d'une dotation de plus de 52 000 euros, distribuée sous forme de chèques d'environ 150 euros aux familles des communes de Bouillante, Pointe-Noire et Deshaies en Guadeloupe, après le passage de la tempête Jeanne au mois de septembre.

M. Victorin Lurel. Non :100 euros !

M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. Les communes de Sainte-Marie et Saint-Joseph en Martinique, et de Goyave, Capesterre-Belle-Eau, Petit-Bourg en Guadeloupe, ont été reconnues en état de catastrophe naturelle par une commission interministérielle les 14 août et 6 septembre 2004. Les arrêtés, qui n'ont pas encore été publiés, ...

M. Louis-Joseph Manscour. Ah !

M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. ...permettront aux habitants d'être indemnisés par leur compagnie d'assurance pour les dommages subis. J'ai déjà eu l'occasion, madame la ministre, d'insister sur la nécessité d'en accélérer la publication. Je n'ignore pas que la motivation des décisions de refus allonge la procédure. Elle est indispensable, nul ne peut en discuter, mais la réponse aux populations sinistrées doit tarder le moins possible. Je ne doute pas que vous m'avez compris et que vous ferez le nécessaire.

Mobilisation autour d'objectifs ambitieux, réactivité dans l'identification et le traitement des problèmes, solidarité sans faille : pour toutes ces raisons, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption de ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les départements et les régions d'outre-mer.

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les départements et les régions d'outre-mer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il m'est tout d'abord agréable de souligner l'importance des moyens mobilisés en 2005 pour l'outre-mer. Les crédits du ministère de l'outre-mer s'élèvent à 1,706 milliard d'euros, ce qui représente une augmentation de 52 % par rapport à l'année dernière. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Huguette Bello. Vous ne pouvez pas affirmer cela !

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis. Cette hausse recouvre certes un transfert de crédits inscrits auparavant au budget du ministère de l'emploi, du travail et de la solidarité, mais également des mesures nouvelles, comme la revalorisation des dotations versées aux collectivités territoriales d'outre-mer.

Cependant, le budget du ministère ne constitue qu'environ 19 % de l'effort global de l'État en faveur de l'outre-mer, dont il est éclairant d'examiner l'évolution : en 2005, il dépassera 9 milliards d'euros, départements d'outre-mer et collectivités à statut particulier confondus, 7 milliards étant destinés aux DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Malgré un contexte budgétaire difficile, ce montant progresse de 2,9 % par rapport à 2004 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), ce qui témoigne de l'attention portée par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin à nos compatriotes ultramarins. Ceux-ci doivent naturellement être des Français à part entière. Ils le sont dans les malheurs, comme le montre la présence d'un jeune futunien parmi les neuf soldats tués en Côte-d'Ivoire. Ils doivent donc aussi bénéficier des espoirs de la croissance.

C'est avec satisfaction que nous constatons le strict respect par le Gouvernement des engagements pris, il y a un peu plus d'un an, lors de la discussion de la loi de programme pour l'outre-mer voulue par le Président de la République. Le projet de budget du ministère de l'outre-mer garantit en effet le financement des mesures prévues par cette loi, notamment la refonte du dispositif d'exonération de cotisations sociales et la création d'une dotation de continuité territoriale.

Les résultats encourageants observés depuis l'entrée en vigueur de la loi de programme imposaient en effet de garantir la pérennité de ces politiques. Je tiens à rappeler tout particulièrement que les mesures fiscales adoptées en faveur de l'investissement ont d'ores et déjà permis une très forte hausse de l'investissement dans des secteurs comme l'hôtellerie, l'industrie et les énergies renouvelables.

En matière d'emploi, la baisse de 5,4 % du nombre de chômeurs en 2003 confirme non seulement que le chômage élevé n'est pas une fatalité dans les départements d'outre-mer mais aussi que la politique d'abaissement du coût du travail par des exonérations de charges sociales est un outil très efficace pour stimuler la création d'emplois.

Enfin, la politique de continuité territoriale mise en œuvre depuis 2002, avec le passeport mobilité puis avec la dotation de continuité territoriale, constitue un effort sans précédent pour compenser le handicap que représentent pour les DOM l'insularité et l'éloignement de la métropole.

L'année 2004 a également été marquée par le respect d'un autre engagement du Gouvernement : assurer la pérennité de l'octroi de mer, cette taxe indispensable pour les communes domiennes puisqu'elle leur fournit plus de 40 % de leurs recettes fiscales.

Le système d'exonérations de l'octroi de mer pour les productions locales apporte un soutien crucial aux entreprises des DOM. Toutefois ce système, dérogatoire, est soumis à l'autorisation des autorités communautaires qui ont décidé le 10 février dernier - à votre demande, madame la ministre - de maintenir un régime d'exonération jusqu'en 2014. Les nouvelles exigences résultant de cette décision ont été transposées en droit français en un temps record - et je tiens à vous en féliciter - par la loi du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer, qui est entrée en vigueur dès le 1er août.

Je souhaite également souligner la détermination dont le Gouvernement fait preuve dans la lutte contre la délinquance. Cette politique donne déjà ses fruits, puisque la délinquance générale a baissé de 3,55 % en 2003, et la délinquance de voie publique de 12 %, grâce au renforcement des effectifs de police et de gendarmerie dans les zones sensibles.

Cet effort sera poursuivi en 2005, car l'amélioration de la sécurité favorise le développement économique et celui du tourisme. Deux fléaux actuels seront particulièrement visés : le trafic de drogue et l'immigration clandestine. Les infractions liées à ces deux types de délinquance sont en effet en augmentation constante dans certains DOM. Le trafic de stupéfiants est de plus en plus important dans la région des Caraïbes, qui joue le rôle de plate-forme de transit entre les zones de production de cocaïne en Amérique du sud et les pays occidentaux consommateurs.

En ce qui concerne l'immigration clandestine, on observe une recrudescence des infractions malgré l'augmentation du nombre des reconduites à la frontière. La lutte contre ces deux phénomènes passera principalement par un meilleur contrôle de l'espace maritime français, grâce à la coopération entre la marine nationale, la police aux frontières, la gendarmerie et les services des douanes. Le renforcement de la coopération internationale dans ces domaines sera également poursuivi, avec, par exemple, l'accroissement des opérations communes franco-brésiliennes sur le terrain et la signature prochaine d'un accord de réadmission avec le Surinam. De plus, l'antenne de l'office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants de Fort-de-France devrait être pleinement opérationnelle à partir de l'année prochaine.

Au total, ce budget me semble donc très satisfaisant. Je me permets toutefois d'appeler l'attention sur un sujet, celui du logement, essentiel pour plusieurs départements d'outre-mer, en particulier La Réunion. Il est indispensable, madame la ministre, de donner toute sa portée à votre politique de développement du logement social et de rénovation de l'habitat. Les crédits de paiement doivent impérativement suivre et nous nous inquiétons d'éventuels gels ou reports de crédits sur la ligne budgétaire unique.

M. Bertho Audifax. Très bien !

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis. Avant de terminer, je voudrais faire valoir à quel point les crédits alloués à l'outre-mer ne sont pas seulement l'affaire des départements et des collectivités concernés. Ce serait une grave erreur de voir les relations entre l'outre-mer et la métropole uniquement du point de vue des transferts publics.

En effet, l'outre-mer est une source de richesses importantes pour la France : par son dynamisme démographique et la jeunesse de sa population, tout d'abord, mais aussi par son potentiel de développement économique. Outre l'importance du tourisme, l'outre-mer est précurseur dans certains secteurs d'avenir. Les énergies renouvelables, par exemple, y sont deux fois plus développées qu'en métropole et, bien souvent, les actions et les innovations qui y sont conduites peuvent servir de vitrines ou de laboratoires en vraie grandeur pour nos actions de coopération avec d'autres pays de la zone.

Il convient aussi de rappeler que l'outre-mer est une source de diversité culturelle, sans parler de son exceptionnelle biodiversité, que je souhaite illustrer par un exemple concret.

J'étais en Guyane il y a quelques jours, en tant que président du Conservatoire du littoral, pour assister, avec notre collègue Jérôme Bignon, à une réunion du conseil des rivages des départements français d'Amérique. Nous y avons appris que près de 435 espèces de poissons d'eau douce et saumâtre y sont identifiées, alors qu'on en dénombre seulement 70 en métropole. De même, 720 espèces d'oiseaux y sont répertoriées, soit plus d'espèces que n'en compte l'Europe tout entière !

M. Victorin Lurel. C'est passionnant !

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis. Enfin, et nous ne le répèterons jamais assez, notre outre-mer contribue à donner à la France sa dimension mondiale. Sans lui, notre pays ne serait plus qu'un hexagone du vieux continent.

L'outre-mer donne aussi à l'Union européenne de nouvelles frontières. Nos compatriotes ultramarins apportent à notre pays compétences, talents, dynamisme, richesses artistiques et culturelles. Nous leur devons donc bien une vision de long terme.

C'est dans cet esprit que s'inscrit ce bon budget, et c'est pourquoi votre commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption de ses crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie.

M. Victor Brial, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie. Avant tout, permettez-moi de remercier le président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré,...

M. Christian Paul. ...de sa déclaration de ce matin !

Mme Christiane Taubira. Oui, merci, monsieur le président !

M. Victor Brial, rapporteur spécial. ...pour l'hommage qu'il a rendu à nos soldats morts en Côte-d'Ivoire, ainsi qu'à ceux qui ont été blessés et rapatriés en métropole. Comme l'a souligné notre collègue Didier Quentin, l'un des tués est originaire de ma circonscription. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'avoir une pensée pour les familles des victimes, en outre-mer et en métropole, ainsi que pour tous les ultramarins qui servent dans l'armée française au bénéfice de la paix dans le monde. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Les crédits destinés aux collectivités d'outre-mer à statut particulier et à la Nouvelle-Calédonie occupent une place restreinte au sein de l'ensemble des crédits de l'outre-mer - de l'ordre de 15 % -, mais ils sont très importants d'un point de vue qualitatif pour les 475 000 Français qui vivent dans les archipels du Pacifique : la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna, et la Nouvelle-Calédonie. Une subvention est aussi accordée aux Terres australes et antarctiques françaises.

Les dépenses du budget national pour ces collectivités complètent le plus souvent des financements assurés par les autorités de chacune d'elles. Ce sont naturellement des crédits provenant du ministère de l'outre-mer qui assurent le fonctionnement des services de l'État sur place.

En 2005, trois emplois seront supprimés au haut-commissariat de Nouvelle-Calédonie, mais un effort important sera consenti en matière d'équipement administratif : 7,75 millions d'euros en autorisations de programme et 5,55 millions d'euros en crédits de paiement.

Pour les collectivités qui nous intéressent ici, les crédits de paiement sont portés de 1,8 million d'euros à 2,2 millions d'euros. Les autorisations de programme, à hauteur de 3,15 millions d'euros, sont destinées au regroupement des services du haut-commissariat à Nouméa, à la remise à niveau du parc immobilier de Polynésie française et à la rénovation des locaux de l'administration de Mata Utu.

La participation de l'État à l'action sociale et culturelle, menée au premier plan par les collectivités d'outre-mer, représentera plus de 19 millions d'euros en 2005.

Par ailleurs, 10,26 millions d'euros financeront la mise en place de solutions d'insertion destinées aux jeunes et aux adultes. Deux dispositifs sont pris en charge sur cette enveloppe : celui des jeunes stagiaires pour le développement, et celui des chantiers de développement local. Ce dernier dispositif est le seul qui existe à Wallis-et-Futuna, où il n'y a pas, hélas, de centre éducatif des métiers du SMA.

La loi de programme pour l'outre-mer y a en revanche institué la prime pour la création d'emplois, destinée à favoriser le recrutement de jeunes dans les entreprises. Alors que l'idée était excellente, je regrette que le montant de la prime ait été fixé à un niveau très bas - 20 % du SMIG local les deux premières années, 10 % la troisième année - et que peu d'efforts aient été réalisés pour informer les entreprises de l'existence de ce dispositif, dont le coût pour l'État est estimé à moins de 24 000 euros par an. Le secteur marchand, c'est-à-dire le secteur privé, doit être soutenu, par la réorganisation du secteur bancaire adapté au développement, et un meilleur soutien du dispositif de la défiscalisation et du fonds d'aide au développement de Wallis-et-Futuna, créé par le ministère de l'outre-mer à mon initiative.

L'article 18 de la loi de programme pour l'outre-mer a prévu également la mise en place de dispositifs destinés aux élèves en grande difficulté scolaire. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quelles formes ces dispositifs ont pris ou vont prendre et quels moyens leur sont destinés ?

Une dotation, stabilisée à 7,43 millions d'euros, est destinée à la formation professionnelle, notamment au programme « cadre avenir » en Nouvelle-Calédonie et au programme « 40 cadres » à Wallis-et-Futuna. Le financement des bourses d'études des jeunes titulaires du baccalauréat désirant poursuivre des études supérieures en métropole dans des filières non disponibles sur place sera assuré à hauteur de près de 700 000 euros. Je souligne, et je vous en remercie, la nette augmentation de leur nombre pour Wallis-et-Futuna : quarante-six à partir de la rentrée de septembre 2004.

Le service militaire adapté en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, qui concerne 460 volontaires, se verra consacrer une enveloppe de près de 18 millions d'euros, hors rémunération des personnels civils et des stagiaires.

Le souci de faciliter la mobilité des Français d'outre-mer a été souligné dans la dernière loi de programme pour l'outre-mer, qui a mis en place deux dispositifs : la dotation de continuité territoriale et le passeport mobilité. La première, au titre de laquelle 7,3 millions d'euros ont été accordés aux collectivités à statut particulier en 2004, a un champ de bénéficiaires large, mais l'aide est partielle, tandis que le second, avec 2,7 millions d'euros consommés en 2003, est destiné aux seuls étudiants et jeunes en démarche d'insertion professionnelle, mais assure la gratuité du vol entre la collectivité et la métropole. Au total, la mise en œuvre de ces dispositifs en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna représente une dépense de l'ordre de 11 millions d'euros par an, qui, à partir de 2005, figurera intégralement sur les crédits de l'outre-mer.

Étant donné les liens très forts qui unissent la Nouvelle-Calédonie et les îles Wallis-et-Futuna, ainsi que l'importance des flux de populations entre les deux archipels, ne serait-il pas possible d'ouvrir le bénéfice de la dotation de continuité territoriale aux vols entre les deux collectivités ?

En plus des dotations globales de droit commun perçues par les communes de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française et par les circonscriptions de Wallis-et-Futuna, le ministère de l'outre-mer verse aux collectivités des subventions. Les principales hausses en 2005 concernent Wallis-et-Futuna, dont la subvention facultative est augmentée de 500 000 euros au profit de la prise en charge de la desserte entre les deux îles, et les dotations globales à la Nouvelle-Calédonie, en progression de 3,06 % du fait de l'évolution de la dotation globale de fonctionnement des communes et de l'augmentation du nombre d'élèves dans les collèges.

Enfin, dans le prolongement de l'article 52 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, la contribution de l'État au fonds intercommunal de péréquation sera pérennisée et inscrite dès la loi de finances initiale sur les crédits de l'outre-mer : elle s'établit à 8,19 millions d'euros pour 2005.

Le troisième volet de l'action de l'État en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna passe par les contrats de développement. En plus de la participation des autres ministères, celui en charge de l'outre-mer contribue à leur financement par l'intermédiaire du FIDES. Dans le projet de loi de finances pour 2005, ses crédits s'élèvent à 41 millions d'euros en autorisations de programmes, comme en 2004, et à 49,6 millions d'euros en crédits de paiement, 2,5 millions d'euros en autorisations de programme comme en crédits de paiement étant destinés au financement de la convention spécifique de Wallis-et-Futuna.

Le niveau des crédits inscrits en loi de finances initiale correspond aux besoins, mais le rythme de réalisation des contrats varie selon les collectivités.

Le contrat de développement de la Polynésie française, conclu initialement pour la période 2000-2003 et prolongé d'un an, est financé par l'État à hauteur de 170,73 millions d'euros. Sa réalisation s'est considérablement accélérée. Au 31 décembre 2001, le taux d'engagement était de 21,4 % ; il atteignait 42,48 % un an plus tard. Au 31 décembre 2003, le contrat était engagé à hauteur de 79 %. Au 30 juin 2004, le taux d'exécution du contrat de développement était proche de 85 %.

Pour le contrat de développement de Wallis-et-Futuna, le total des autorisations de programme reçues au 31 mai 2004 s'élève à 32 millions d'euros, soit 86 % du total de la part du contrat revenant à l'État, et les paiements atteignent 20,4 millions d'euros, représentant 64 % du total des autorisations de programme reçues.

Les opérations relevant des ministères de l'écologie, de la culture, des sports et de l'équipement enregistrent à mon grand regret un retard important quant au mandatement des dépenses. Il en est de même pour celles relatives au FIDES.

Quant aux différents contrats de développement signés en Nouvelle-Calédonie, leur exécution est assez lente. Sur un engagement de l'État de 335,95 millions d'euros, seulement 201,48 millions d'euros avaient été délégués au 31 décembre 2003, ce qui représente 57 % du total de la part de l'État pour l'ensemble des contrats, et 109,47 millions d'euros, soit moins du tiers de la participation de l'État, avaient été payés un an avant la fin théorique des contrats.

Les contrats de développement relatifs à la Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna signés pour la période 2000-2004 seront prolongés d'un an afin de compenser l'année 2000, qui a été essentiellement consacrée aux phases de négociation et de conclusion des contrats et n'a pas permis d'engager les opérations de façon concrète. L'année 2005 donnera aux ministères l'occasion de rattraper leur retard et sera aussi mise à profit pour la négociation de nouveaux contrats.

Madame la ministre, des mesures sont-elles envisagées pour accélérer l'achèvement des actuels contrats de développement et éviter que les mêmes difficultés se reproduisent pour la prochaine période de contractualisation ?

Je voudrais aussi attirer votre attention sur les objectifs et les indicateurs de performance proposés dans le cadre de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances : ils ne s'intéressent guère aux collectivités à statut particulier et apparaissent parfois trop abstraits. Comme les autres ministères ne se fixent pas non plus d'objectifs particuliers pour l'outre-mer, rien ne rendra compte de l'effort de rattrapage à réaliser si le ministère de l'outre-mer ne le fait pas lui-même. Il me semble que des données simples comme l'évolution de l'infrastructure routière ou le taux d'encadrement des élèves auraient leur place dans la mission « outre-mer ». Cela témoignerait aussi de l'importance du travail de coordination interministérielle mené par votre ministère.

Avant de conclure, je souhaiterais, madame la ministre, recueillir la position du Gouvernement, de l'État, sur le dossier de la réforme du régime des bourses territoriales, une délibération datant de novembre 2003 étant contestée au niveau local par des organismes syndicaux et des associations de parents d'élèves.

Je veux également réitérer la demande de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna d'obtenir un avis du Conseil d'État sur le partage des compétences entre le territoire et l'État en matière d'enseignement. Un tel avis permettrait de clarifier une situation dans laquelle la collectivité doit prendre en charge des dépenses importantes qui ne semblent pas relever de sa compétence.

La commission des finances a néanmoins adopté les crédits des collectivités d'outre-mer à statut particulier et de la Nouvelle-Calédonie, et je vous demande, en son nom, chers collègues, d'émettre un vote favorable à leur adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 2002, le visage de l'outre-mer français a été profondément modifié. La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 sur l'organisation décentralisée de la République, la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 et l'adoption d'un statut d'autonomie de la Polynésie française ont contribué à faire entrer l'outre-mer dans une ère nouvelle.

S'agissant des anciens territoires d'outre-mer, cette évolution a eu pour conséquence de mettre fin à l'uniformité de cette catégorie, depuis longtemps plus apparente que réelle.

Pour autant, la reconnaissance de la légitimité pour chacune de ces collectivités de disposer d'un statut tenant compte des « intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République », selon les termes mêmes de l'article 74 de la Constitution, permet au contraire de renforcer leur ancrage particulier au sein de la communauté nationale. En effet, l'appartenance à la République de ces collectivités ne signifie en aucun cas la nécessité de l'uniformité et elle est parfaitement conciliable avec un degré important d'autonomie.

Cependant, de par leur éloignement de la métropole et en raison de leurs spécificités économiques et sociales, les collectivités d'outre-mer ont besoin d'un effort de solidarité de la République à leur égard. Cet effort s'exprime principalement au niveau budgétaire, et il est d'ailleurs accompli par un très grand nombre de ministères, bien au-delà des dotations inscrites dans le budget du ministère de l'outre-mer, qui correspondent à un peu plus de 15 % des crédits destinés à ces collectivités.

Le budget du ministère de l'outre-mer joue néanmoins, madame la ministre, un rôle d'impulsion et de pilotage essentiel de l'action de l'État dans ces collectivités. En effet, ce budget a pour particularité d'être, pour plus de 90 %, un budget d'intervention, alors que l'effort consacré à l'outre-mer par les autres ministères, par exemple l'éducation nationale ou la défense, relève avant tout du fonctionnement.

À cet égard, je ne souhaite pas m'immiscer dans les polémiques stériles fondées sur des comparaisons chiffrées difficiles à faire, et je me contenterai de me féliciter de l'extension du périmètre du budget de l'outre-mer dans le projet de loi de finances pour 2005, due à votre action et à votre volonté.

Bien sûr, l'augmentation de 52 % par rapport à la loi de finances pour 2004 qui en résulte ne signifie pas une hausse de 52 % des moyens mis à disposition de la politique de l'outre-mer, mais elle révèle un effort de regroupement de crédits participant à une même politique, afin de rendre cette politique plus lisible et plus efficace, conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances qui entrera en vigueur dès l'année prochaine, et je crois que cet effort méritoire doit être salué.

Après ces observations liminaires, et compte tenu de la présentation budgétaire très complète à laquelle s'est livré à l'instant notre collègue Victor Brial, je concentrerai mon intervention plus spécifiquement sur l'évolution statutaire et politique des collectivités d'outre-mer à statut particulier.

L'année 2004 a été politiquement dense en Nouvelle-Calédonie puisque la configuration politique de l'archipel a été modifiée à l'occasion des élections territoriales et provinciales du mois de mai. Ces élections ont été marquées par une division tant au sein de la majorité sortante, avec l'émergence d'une nouvelle force politique, l'Avenir ensemble, composée notamment de dissidents du Rassemblement, qu'au sein du camp indépendantiste, puisqu'il existe toujours une rivalité entre l'Union calédonienne, en tête dans les îles Loyauté, et l'Union nationale pour l'indépendance, qui dirige la province Nord.

Les conséquences de la vie politique calédonienne risquant de fragiliser le processus en cours, nous devons y être tous particulièrement attentifs.

La première conséquence a été un risque d'instabilité et de fragilisation des institutions.

De fait, il a été difficile de mettre en place l'exécutif de la Nouvelle-Calédonie, même si un gouvernement pluraliste présidé par Marie-Noëlle Thémereau, de l'Avenir ensemble, a finalement pu être constitué le 29 juin dernier.

La deuxième conséquence du nouveau paysage politique est l'accentuation de la division politique entre un Nord indépendantiste et un Sud plutôt anti-indépendantiste. En effet, la multiplication des listes indépendantistes s'est traduite par la disparition de toute représentation issue de cette mouvance à l'assemblée de la province Sud et ce n'est pas bon pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Enfin, la conséquence potentiellement la plus inquiétante serait la fragilisation du processus de Nouméa dans son ensemble, dans la mesure où celui-ci reposait largement sur le compromis trouvé entre les deux grandes forces politiques traditionnelles, ce qui avait ainsi permis l'émergence d'un véritable climat de confiance réciproque. Une difficulté très concrète se pose par exemple pour la réunion annuelle du comité des signataires de l'accord de Nouméa, en raison de la scission intervenue au sein de l'une des parties signataires. Il n'a pas été réuni depuis juin 2003, même si le Gouvernement s'est engagé à tout mettre en œuvre pour le réunir dans les prochains mois.

Dans ce contexte politique en mutation, il faut rester vigilant sur les autres sujets qui préoccupent les Calédoniens, notamment la question, non encore résolue, du corps électoral restreint pour les élections au Congrès et aux assemblées de province. On sait en effet qu'une controverse existe sur le point de départ de la condition de résidence de dix ans pour pouvoir voter à ces élections : cette condition s'apprécie-t-elle à partir de 1998, comme semblerait l'indiquer l'accord de Nouméa, ou en fonction de la date des élections à venir, comme en a décidé le Conseil constitutionnel en 1999 ?

Lors de sa visite en Nouvelle-Calédonie en juillet 2003, le Président de la République s'est engagé à régler ce problème en concertation très étroite avec les Calédoniens avant la fin de son mandat, ce qui passera nécessairement par une révision constitutionnelle. Compte tenu du caractère très sensible de cette question et des mutations récentes du paysage politique calédonien, il est important de régler ce dossier, mais en adoptant une approche prudente, d'autant que la Cour européenne des droits de l'homme, saisie d'une requête sur ce sujet en 2001, n'a toujours pas rendu son arrêt.

S'agissant du rééquilibrage économique entre le Nord et le Sud, il serait également souhaitable qu'une avancée concrète puisse être obtenue en 2005. En effet, cette année sera décisive pour la concrétisation du projet d'usine métallurgique dans la province Nord, dont on sait l'importance tant économique pour cette province, que symbolique pour l'ensemble des Néo-Calédoniens. Il faut donc souhaiter que les dernières études de faisabilité - notamment la « bancabilité » - pourront être réalisées et qu'une décision définitive de lancement du projet pourra être lancée rapidement.

L'année 2004 aura aussi été particulièrement importante pour la Polynésie française, même si on aurait pu espérer une mise en œuvre plus consensuelle et moins tumultueuse de son nouveau statut d'autonomie. En effet, conformément à la possibilité offerte par la révision constitutionnelle de 2003, la Polynésie française a été la première à bénéficier de ce nouveau statut d'autonomie. Il confortera les acquis des précédentes lois statutaires et lui permettra d'affirmer sa personnalité et ses intérêts propres au sein de la République, conformément à la volonté de sa population, majoritairement attachée à la France, dans le respect de son identité culturelle.

Le nouveau statut de la Polynésie française est désormais fixé par les lois organique et ordinaire du 27 février 2004. Il clarifie la répartition des compétences entre l'État et la Polynésie française, de manière à renforcer l'autonomie de cette dernière qui devient un pays d'outre-mer, conformément aux possibilités offertes par la révision constitutionnelle de 2003.

Dorénavant, la Polynésie pourra adopter des « lois du pays » dans certains domaines, participer à l'exercice de certaines compétences de l'État, ou encore être habilitée à favoriser l'accès à l'emploi privé aux résidents polynésiens.

La loi organique du 27 février 2004 organise par ailleurs de nouveaux et importants transferts de compétences au profit de la Polynésie française dans onze domaines et élargit ses compétences au niveau international.

Quant au fonctionnement des institutions de la Polynésie française il demeure, pour l'essentiel, celui défini par la loi organique du 12 avril 1996, repris en 2004, même si la loi apporte quelques modifications, afin notamment de renforcer les possibilités de contrôle de l'action du Gouvernement.

Comme cela a été le cas lors des précédents changements de statut, - sous cette majorité et sous une autre majorité - l'Assemblée de la Polynésie a été dissoute par décret du Président de la République afin d'organiser de nouvelles élections et ainsi de mettre en œuvre au plus vite le nouveau statut de l'archipel. Dans l'attente de l'arrêt du Conseil d'État, qui devrait intervenir dans les semaines qui viennent, sur la validité de cette élection, il est préférable de ne pas épiloguer plus longuement aujourd'hui sur la politique en Polynésie française. Ce n'est pas la préoccupation de la commission des lois dans le cadre de l'examen des crédits budgétaires.

Cependant, je serais tenté de dire que les conclusions du commissaire du Gouvernement devraient inciter ceux qui se prétendent les tenants de l'État de droit, à une certaine modestie en attendant l'arrêt.

M. Éric Raoult. Très bien !

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. En revanche, je veux dire quelques mots d'une autre évolution, beaucoup plus discrète mais néanmoins importante, que réclament les élus de Polynésie : il s'agit du rôle des communes de ce territoire. En effet, autant la collectivité territoriale de Polynésie française a pu être considérée, depuis une vingtaine d'années, comme un laboratoire de la décentralisation, autant les communes polynésiennes ont toujours eu le sentiment, relativement réel, qu'elles étaient en retard dans ce domaine par rapport à leurs homologues métropolitaines. Ainsi, les communes polynésiennes sont encore sous le régime de la tutelle administrative a priori et de la tutelle budgétaire, et elles disposent de peu de ressources propres. La mission conduite l'année dernière par le président Pascal Clément avait, à cet égard, adressé des recommandations.

L'évolution de la Polynésie vers l'autonomie rendait de plus en plus anachronique la situation juridique des communes de l'archipel. Sentant la nécessité de cette évolution, la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable, concernant notamment le régime communal de la Polynésie française.

Une telle ordonnance est prévue : elle supprimera la tutelle sur les communes et instituera un contrôle a posteriori de leurs actes. De plus, la réforme du régime communal devrait permettre de donner aux communes polynésiennes de nouvelles ressources par l'instauration d'une fiscalité territoriale propre aux communes. Par ailleurs, une autre ordonnance est en préparation sur le statut des personnels des communes qui relèvent aujourd'hui du droit privé. Cela permettra de confondre dans un seul ensemble le centre de gestion que nous connaissons en métropole et le syndicat des communes de Polynésie, comme le souhaitaient les élus qui s'étaient rendus en délégation devant la commission des lois il y a quelques semaines.

Enfin, s'agissant des îles Wallis-et-Futuna, l'année 2004 n'a pas apporté de modifications sur le plan institutionnel et politique. En effet, si le thème d'une modification du statut de 1961 est évoqué depuis plusieurs années, cela n'a pas débouché sur des propositions concrètes car il semble que le statut actuel donne globalement satisfaction, notamment en ce qu'il est respectueux de la tradition incarnée par la coutume. D'ailleurs, le thème du statut n'a pratiquement jamais été évoqué au cours des campagnes électorales qui se sont déroulées ces dernières années.

Pour autant, sans affecter les grands équilibres du statut actuel de Wallis-et-Futuna, une clarification et une actualisation des dispositions actuellement applicables apparaissent nécessaires pour tenir compte de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Conformément à l'article 74 de la Constitution, ces modifications statutaires relèvent désormais de la loi organique. Madame la ministre, vous avez d'ailleurs indiqué, devant la commission des lois, que ces modifications pourraient intervenir à l'occasion de la discussion du projet de loi prévu sur le nouveau statut de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Ce projet de loi sera aussi l'occasion d'adopter les modifications nécessaires au statut des Terres australes et antarctiques françaises.

En conclusion, la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'outre-mer, s'agissant des collectivités d'outre-mer à statut particulier et de la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, premier orateur inscrit dans la discussion.

M. Éric Raoult. Cela va être moins consensuel ! (Sourires.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Madame la ministre, nous avons eu beau chercher, nous n'avons trouvé aucune raison de voter ce projet de budget, à l'exception d'un point positif : le regroupement, au sein de votre ministère, de crédits consacrés à l'outre-mer qui étaient auparavant dispersés entre différents ministères. Cela aboutit du reste à un budget en trompe-l'œil, sur lequel nos compatriotes ultramarins pourraient se fourvoyer, et dont l'augmentation apparente de 51 % masque en réalité, pour la première fois, une baisse de l'effort de la collectivité nationale en direction de l'outre-mer.

M. Éric Raoult. Mais non !

M. Christian Paul. Enfin un discours de qualité !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous nous en étonnons et nous ne saurions l'approuver au moment où l'outre-mer traverse une passe difficile.

Cela m'amène à indiquer au Gouvernement, mais aussi à mes collègues, qu'il serait nécessaire, d'ici à un an, d'évaluer les premiers résultats de la loi-programme pour l'outre-mer.

Nous ne constatons pas non plus d'avancées dans un domaine qui nous tient particulièrement à cœur : la continuité territoriale. Avec 31 millions d'euros, les crédits qui y sont consacrés n'enregistrent qu'une progression d'un million d'euros à peine, ce qui est notoirement insuffisant. Vous aviez annoncé la première année qu'il s'agissait d'une création qui pourrait évoluer. Nous avons été nombreux ici à le demander au fil du temps. Or cette évolution, trop faible, est sans commune mesure avec l'effort accompli en faveur d'autres collectivités locales, comme la Corse.

Nous sommes également opposés à votre volonté de faire contribuer les collectivités d'outre-mer au financement de la continuité territoriale. C'est de solidarité nationale dont il est question. Nous ne le demandons pas à d'autres territoires, pourquoi le demander aux ultramarins ?

Le Gouvernement n'a pas davantage progressé sur la baisse des tarifs pratiqués par Air France vers les Antilles et la Guyane, dont chacun sait qu'ils sont excessifs. Et même si M. Beaugendre a évoqué quelques petites avancées pour des cas spécifiques, le problème, tant pour les ultramarins que pour l'État lorsqu'il paie les billets au titre des congés bonifiés, tient à la situation de quasi-monopole dont Air France bénéficie.

Aujourd'hui, la continuité territoriale représente 11,50 euros pour un ultramarin vivant outre-mer - et on oublie un million de nos compatriotes qui vivent en métropole et qui rencontrent les mêmes difficultés pour mener une vie familiale normale - contre 616 euros pour un Corse, c'est-à-dire près de soixante fois plus.

La proposition de loi que j'avais déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale n'a pas non plus reçu votre agrément, alors que vous aviez promis de le donner si les trois présidents de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane étaient d'accord pour qu'elle vienne en discussion, ce qui est le cas.

Par ailleurs, les crédits du FEDOM subissent une baisse drastique de 125 millions d'euros, alors que le taux de chômage outre-mer oscille, selon les statistiques, entre 25 et 30 %.

Quant à Mayotte, nous éprouvons une vive inquiétude car les sommes prévues pour les constructions scolaires semblent bloquées, en dépit des engagements de l'État. Il y a pourtant urgence. Chacun sait que l'on ne peut pas construire des locaux scolaires en un jour. Or la démographie à Mayotte nécessite davantage de locaux pour accueillir nos jeunes.

Madame la ministre, outre la structure du budget, - et même si le rapporteur qui vient de s'exprimer estime que l'examen du budget n'est pas le moment d'en débattre - notre opposition est également dictée par la situation actuelle en Polynésie.

Vous avez géré ce dossier de façon calamiteuse. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.). Certes, vos prédécesseurs socialistes n'ont pas fait beaucoup mieux (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) dans le contrôle du gouvernement local et ont, à l'époque, beaucoup trop fermé les yeux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Paul. Soyez prudent !

M. Jean-Christophe Lagarde. Néanmoins vous êtes pleinement responsables de la situation actuelle. Vous vous êtes livrés à un tripatouillage électoral, (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) à travers une modification du mode de scrutin qui n'était demandée que par une seule personne, M. Flosse...

M. Éric Raoult. Ce n'est pas possible !

M. Jean-Christophe Lagarde. ...et qui était rejetée par l'ensemble de la classe politique. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Mais non !

M. Christian Paul. Mais si !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il y a eu une dissolution de copinage, pour servir les intérêts de M. Flosse...

M. Éric Raoult. C'est faux, monsieur Lagarde !

M. Christian Paul. Non, c'est exact !

M. Jean-Christophe Lagarde. J'ai entendu affirmer, tout à l'heure, qu'il était de tradition de dissoudre. Toutefois, lors du débat sur le statut de la Polynésie, vous avez refusé de dire si l'assemblée serait ou non dissoute, au motif que vous n'étiez saisie d'aucune demande. Si c'était une tradition, vous saviez que vous alliez dissoudre ! Il s'est donc agi d'une manœuvre préparée à l'avance.

Des pressions indignes ont été exercées sur les élus polynésiens, pour tenter d'éviter, après l'élection au suffrage universel des conseillers du territoire, l'élection d'un nouveau président.

Mme Huguette Bello et M. Christian Paul. Et voilà !

M. Jean-Christophe Lagarde. M. Philippe Schyle, président du Fetia Api, conseiller territorial de Polynésie, a même reçu un appel de vous, madame la ministre, pour lui demander de rencontrer M. Flosse, afin que celui-ci puisse être réélu.

M. Christian Paul. Enfin la vérité !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous n'avez pas démenti, madame la ministre et j'étais sur place ce jour-là !

Mme Christiane Taubira. C'est immoral !

M. Christian Paul. Elle est restée silencieuse !

M. Jean-Christophe Lagarde. M. Flosse a dit, après avoir parlé avec vous au téléphone, que la France allait couper les robinets. Vous avez laissé courir des rumeurs, infondées à l'époque, sur une prétendue fuite des capitaux. Bref, vous avez apporté un appui constant à un seul parti en Polynésie.

Aujourd'hui, après une dissolution de convenance personnelle en avril dernier, vous refusez une dissolution qu'une véritable crise politique semble imposer.

Mme Christiane Taubira. Absolument !

M. Jean-Christophe Lagarde. Une telle crise ne peut être tranchée que par le peuple, ce qui serait digne d'une démocratie.

On vous prête même aujourd'hui l'idée de modifier à nouveau le mode de scrutin dans les îles. J'espère que vous le démentirez ; vous rassureriez ainsi, en partie, les Polynésiens. Vous vous abritez derrière une décision à venir du Conseil d'État pour refuser de voir que l'annulation des résultats d'une circonscription priverait tous les autres Polynésiens d'un nouveau vote, alors que la crise concerne à la fois l'assemblée et le gouvernement polynésiens, et que la dissolution relève de votre responsabilité.

Mme Christiane Taubira. Tout à fait !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Ce n'est pas l'objet du débat !

M. Jean-Christophe Lagarde. La réponse que vous avez donnée tout à l'heure à M. Dosière ne peut faire illusion qu'à ceux qui ignoreraient la réalité de la Polynésie : la dissolution est parfaitement possible, et même souhaitée par des élus de Polynésie, notamment par une députée courageuse...

M. Louis-Joseph Manscour et Mme Christiane Taubira. Admirable !

M. Jean-Christophe Lagarde. ...qui l'a déclaré récemment, par le président de l'Assemblée nationale, ainsi que par vingt-cinq à trente mille manifestants - l'équivalent de cinq à six millions de personnes en métropole -, qui ont manifesté non seulement dans les Îles du Vent, mais aussi dans l'ensemble de l'archipel.

M. Christian Paul et Mme Christiane Taubira. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. C'est une nécessité, et c'est pour nous une inquiétude que vous vous obstiniez à la refuser et à vous cacher derrière le Conseil d'État. En effet, madame la ministre, si les Polynésiens ne peuvent pas trouver la démocratie au sein de la République française, vous ne faites que renforcer ceux qui leur disent qu'il faudra demain aller la chercher ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Hors sujet !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Parlez du budget. Il y en a assez de la Polynésie !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous jouez avec des allumettes sur ce territoire. Cela suffit à justifier que le groupe UDF vote contre le budget que vous présentez. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Ghislain Bray. Tout ce discours pour en arriver là !

M. Éric Raoult. Avec des alliés comme ça, nous n'avons pas besoin d'adversaires !

Mme Christiane Taubira. N'oubliez pas que le mandat n'est pas impératif !

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Je traiterai d'abord brièvement de la Polynésie française qui traverse, à l'évidence, une crise politique et sociale profonde, nourrie par trop d'années d'un système de gouvernance fermement rejeté voici quelque mois par les Polynésiens. Pour sortir de la situation de blocage dans laquelle se trouve aujourd'hui ce territoire, il n'y a pas d'autre voie que celle de la démocratie et de la justice sociale. Dans leur majorité, les Polynésiennes et les Polynésiens l'exigent. Ils ont le désir d'une majorité stable pour mettre en œuvre les choix économiques et sociaux et les pratiques démocratiques auxquels ils aspirent. Il est urgent de les entendre. Ils veulent prendre la parole. Il faut la leur donner en permettant le plus rapidement possible l'élection d'une nouvelle assemblée.

Votre projet de budget de l'outre-mer pour 2005, madame la ministre, qui s'élève à 1,71 milliard d'euros, inclut, comme vous en avez convenu, les crédits destinés à la compensation des exonérations de cotisations sociales dans les DOM, jusqu'alors inscrits au budget du ministère de l'emploi. C'est l'unique raison d'une hausse apparente de 52 %, qui ne peut abuser que M. Quentin.

À périmètre constant, le projet de budget pour 2005 s'élève à 1,032 milliard d'euros. Comparé à celui de 2004, il est donc en diminution de 88 millions d'euros, soit 7,9 %. Cela n'a, d'ailleurs, rien d'étonnant, puisque les différentes lignes budgétaires sont en stagnation ou, plus précisément, en régression si l'on prend en compte une inflation prévisionnelle de 1,8 % en 2005.

Certaines de ces lignes, et non des moindres, sont même en diminution sensible, comme celles du FEDOM, des activités sportives, culturelles, sociales et de jeunesse, de l'aide au logement ou de la subvention au fonds d'investissement des départements d'outre-mer. Il ne s'agit que de quelques exemples, mais il importe de les relever au moment où l'on nous présente un projet de budget qui affiche l'ambition de mobiliser en faveur de l'emploi et du logement, de consolider l'accès aux soins, de favoriser la continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et la métropole, et de soutenir les collectivités territoriales.

Quand le chômage touche près du quart de la population ultramarine, la mobilisation en faveur de l'emploi est, en effet, une impérieuse nécessité. C'est pourquoi nous ne comprenons pas la diminution de près d'un tiers des crédits du FEDOM, qui participe pourtant à la création d'emplois et à l'insertion sociale par l'activité. Selon une enquête menée en juin dernier par l'INSEE, « le marché du travail reste dans une situation préoccupante en 2003 aux Antilles-Guyane. La baisse du chômage observée depuis 1998 s'estompe en raison de l'atonie de l'emploi ».

Si le nombre de demandeurs d'emploi est présenté comme étant en diminution, cette même enquête nous en donne les raisons : la proportion de chômeurs qui s'inscrivent est en diminution et les radiations du fichier de l'ANPE sont plus nombreuses du fait de mesures politiques telles que la mise en place du dispositif PARE.

Le logement est présenté comme le deuxième axe prioritaire de ce budget. Les besoins sont, en effet, énormes au regard tant de la croissance démographique, de l'importance de l'habitat insalubre et de l'ampleur de l'exclusion sociale que de la rareté du foncier. Un avis du Conseil économique et social de juin dernier dresse un tableau alarmant du logement dans l'outre-mer et constate que l'effort de l'État reste bien en deçà des besoins annuels, qui exigent de conjuguer production neuve et réhabilitation de l'habitat ancien.

Or ce budget se contente de maintenir le niveau d'effort de 2002 et 2003 en faveur de la construction de logements sociaux et de la résorption de l'habitat insalubre. C'est pourquoi nous regrettons que les préconisations formulées dans l'avis du CES, pourtant adopté à l'unanimité, n'aient pas été suivies par le Gouvernement.

Ce projet de budget prétend également favoriser la continuité territoriale. Concrètement, la dotation prévue à cet effet n'augmente que d'un million d'euros et la dotation pour le passeport mobilité est tout simplement reconduite. Selon vous, madame la ministre, les crédits de l'année précédente n'ont pas été consommés. Mais cela tient probablement au fait que le prix du billet est beaucoup trop élevé. À l'heure où une flambée préoccupante du cours du pétrole entraîne une hausse du prix des billets d'avions, et alors qu'il semble qu'il n'y ait aucune chance d'amélioration, nous nous demandons sincèrement comment pourront être satisfaites les exigences de la continuité territoriale.

Pour ces mêmes raisons, nous regrettons que le dossier des coûts du transport aérien vers l'outre-mer et de la mise en place de prix plafonds et tarifs sociaux, continue de stagner. Il est temps que la France, comme ses voisins espagnols et portugais, se décide à faire respecter les obligations de service public des transporteurs aériens.

Enfin, on prétend que ce budget pour 2005 permettra de soutenir les collectivités territoriales. Toutefois, l'augmentation de la DGF dans le projet de loi de finances n'est que la traduction du transfert de compétences auquel les collectivités devront faire face au cours de l'année à venir. Les collectivités d'outre-mer vont être fortement pénalisées, faute d'un système de péréquation prenant mieux en compte les besoins des populations d'outre-mer.

Incontestablement, ce projet de budget est loin de permettre une amélioration de la situation économique et sociale des régions ultramarines.

C'est la raison pour laquelle le groupe des députés communistes et partenaires votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alfred Almont.

M. Alfred Almont. Madame la ministre, votre démarche au service de l'outre-mer est marquée du sceau de la constance et de la continuité dans la détermination de prendre réellement en compte ces handicaps structurels majeurs qui nuisent gravement au développement de nos régions, pour mettre en place les moyens nécessaires à la mise à niveau de leurs économies.

Vous avez compris que les spécificités doivent conduire à des adaptations et qu'il était temps de cesser d'appliquer un traitement identique à des situations différentes au sein même de la République. L'Union européenne emploie, du reste, la notion de régions ultrapériphériques et affiche un objectif de cohésion.

Dans la continuité des budgets 2003 et 2004 de votre ministère, dont les taux d'exécution méritent encore d'être soulignés, après la loi-programme du 21 juillet 2003 qui prévoit la mise en œuvre, sur quinze ans, des mesures propres à favoriser 1'expansion de nos régions par un traitement qui leur est adapté, et au lendemain de la loi sur l'octroi de mer dont nous savons à quel point elle contribue à promouvoir la production locale, votre projet de budget pour 2005 confirme ces orientations.

Malgré un contexte économique toujours difficile et une situation budgétaire marquée par le poids des déficits publics qui conduisent à rechercher les économies, vous tenez vos engagements. Pour le dire tout net, votre projet de budget pour 2005 est globalement positif. Représentant au mieux - faut-il le rappeler ? - 12 % de l'ensemble des interventions publiques en direction de l'outre-mer, il s'attache à répondre aux principales préoccupations et aux besoins essentiels de nos régions. Associé aux grandes mesures prises dans le cadre de la loi de programme pour promouvoir l'activité, seule capable de créer la richesse et d'assurer l'emploi, il s'efforce de répondre, dans la continuité du budget pour 2004, au défi du développement économique et social.

D'abord, il renforce les moyens en faveur de l'activité et de l'emploi durable, qui représentent le véritable enjeu à prendre en compte pour que la croissance économique soit moins tributaire d'une politique de transferts sociaux qui trouve aujourd'hui ses limites en dépit de l'engagement, au quotidien, du secteur privé. Certes, vous nous écoutez et examinez nos problèmes, ce qui produit des résultats perceptibles. Néanmoins il faut comprendre, à tous les niveaux et de manière définitive, quelle est notre préoccupation fondamentale : l'emploi, encore l'emploi, toujours l'emploi !

Si l'on veut réellement que nos régions cessent de compter trois fois plus de chômeurs que la métropole, l'État, constitutionnellement en charge de l'emploi, doit faire connaître notre très grande fragilité économique, en premier lieu au niveau des ministères techniques.

C'est d'ailleurs pourquoi je salue ici, madame la ministre, votre souci de rechercher une meilleure cohérence dans l'action, qui se traduit cette année par le transfert au ministère de l'outre-mer des crédits jusqu'à présent inscrits au budget du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale pour compenser les exonérations de cotisations sociales dans les DOM prévues dans la loi de programme. Cela constitue déjà, me semble-t-il, une réponse à nos demandes récurrentes de faire du ministère de l'outre-mer le véritable responsable de la gestion de la politique de l'emploi outre-mer.

Plus encore, l'exigence de l'emploi doit également conduire l'État à inciter les grandes entreprises françaises à délocaliser la production de l'hexagone vers les DOM, en les encourageant sans cesse à produire chez nous, chaque fois que cela est possible, une partie de la valeur ajoutée des biens qu'elles nous fournissent. La loi de programme devrait, en cela, constituer une incitation de tout premier plan.

Si les contrats d'accès à l'emploi que vous prévoyez de mettre en place sont à l'évidence de véritables aides directes à l'insertion, ils me paraissent aussi de nature à déboucher sur des créations d'emplois durables dans le secteur productif, auxquelles viendront s'ajouter rapidement, nous l'espérons, les nouveaux contrats prévus par le plan Borloo de cohésion sociale nationale.

Je note ensuite que ce projet de budget pour 2005 met plus fortement l'accent sur la construction de logements sociaux et la résorption de l'habitat insalubre, notamment par la diversification des produits du logement social, avec notamment la mise en place du prêt locatif social et des prêts sociaux de location-accession, grâce aussi à l'allongement de dix années du taux d'exonération de la taxe foncière pour les nouveaux logements sociaux. Ce sont là des réponses durables pour le logement, mais aussi pour l'emploi.

Comment ne pas s'en réjouir quand on sait que chez nous, plus encore qu'en métropole, le logement social reste en crise ? Les logements sociaux sont insuffisants par rapport à la demande, l'insalubrité et la vétusté de certains logements sont préoccupantes et de trop nombreux logements privés vacants ne sont pas gérés : ce sont autant de handicaps qui paralysent l'hébergement et allongent les listes d'attente. Or un logement réhabilité favorise l'insertion et permet le maintien à domicile de personnes âgées de plus en plus nombreuses.

Il s'agit donc, madame la ministre, de veiller fermement à combler le retard. Certes, vous le faites à votre niveau, puisqu'il est prévu, pour 2005, que les crédits de paiement passent à 173 millions d'euros et les autorisations de programmes à 270 millions d'euros. C'est, en effet, la montée en puissance de la LBU, dans le cadre d'une programmation pluriannuelle, qui va permettre à la filière de mieux se structurer et, à terme, de renforcer la cohésion sociale.

Nous comptons encore sur vous, madame la ministre, pour qu'aucune annulation ne vienne affecter les crédits inscrits au budget de l'outre-mer au bénéfice de ces secteurs très particuliers.

M. Victorin Lurel. Hélas ! C'est la vieille pratique.

M. Alfred Almont. Vous savez à quel point le gel annoncé des crédits de paiement et des autorisations de programmes au titre de la LBU dans la deuxième partie de l'année 2004 nous avait angoissés et, avec nous, les opérateurs sociaux et la population concernée. Il a fallu votre intervention auprès du secrétaire d'État au budget pour que ces difficultés soient, heureusement, prises en compte. Encore faut-il que le dégel de l'intégralité des crédits de paiement soit immédiat pour éviter tout débordement qui serait préjudiciable à toute la filière, des bénéficiaires de l'aide aux artisans.

M. Victorin Lurel. Eh oui !

M. Alfred Almont. Il faut donc préserver l'élan en mobilisant les crédits nécessaires à la poursuite de cette politique de réhabilitation et de construction dont j'ai la conviction qu'elle conditionne un vrai développement.

La coopération régionale fait aussi de votre part l'objet d'une attention particulière qui mérite d'être saluée. Il s'agit d'un excellent instrument de ce vrai développement que nous appelons de vos vœux, car elle est sans doute de nature à permettre à nos régions, dans leur environnement géographique, de conforter les équipements structurants. Elle doit cependant aussi contribuer à la production, tant en quantité qu'en qualité, et permettre à nos territoires d'accéder à des marchés dont ils sont aujourd'hui exclus.

Il importe en effet que les pouvoirs publics, aujourd'hui plus que jamais, cherchent à tout prix à encourager le développement des marchés extérieurs, notamment en favorisant de véritables accords d'entreprises.

Enfin, s'agissant du soutien aux collectivités locales des départements d'outre-mer, il faut certes se réjouir de votre souci, madame la ministre, de maintenir à travers ce projet de budget comme priorité le soutien aux équipements publics dans nos régions. Cependant, par-dessus tout, c'est la réforme des dotations de l'État aux collectivités d'outre mer que nous attendons avec impatience. Elle est inscrite dans la loi de programme pour que soient mis en œuvre sans délai les principes de calcul et de répartition qui tiennent compte de leurs spécificités afin de renforcer leurs capacités financières et de leur permettre ainsi d'avoir des ressources justes et équilibrées correspondant à leurs charges, à leurs contraintes ainsi qu'à leurs besoins de financement, généralement plus importants que ceux des collectivités métropolitaines. Il s'agit tout simplement d'égalité de traitement.

Cela dit, les engagements pris l'an dernier, pour favoriser la continuité territoriale comme pour aider les plus démunis à accéder aux soins, ou encore pour renforcer la sécurité, sont maintenus, voire accentués. Dès lors, nous avons toutes les raisons de penser que nous sommes dans la bonne direction. C'est pourquoi je voterai ce projet de budget qui, somme toute, contribue à mettre en place de bons outils de développement pour nos régions qui en ont tant besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Madame la ministre, mesdames, messieurs les députés, plusieurs parlementaires de l'outre-mer vont décrire mieux que moi et dénoncer la régression budgétaire qui, depuis la fin de l'année 2002, met à mal l'action publique et la solidarité nationale dans l'ensemble des outre-mers, car le désengagement de l'État y est encore plus criant qu'ailleurs.

Pour la seconde fois depuis 1958, le budget du ministère de l'outre-mer est en baisse, si l'on s'affranchit de tous les artifices de présentation ; et la première fois, c'était l'année dernière. J'y vois la continuité d'un dangereux largage budgétaire. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Pas vous ! Pas ça !

M. Victorin Lurel. Si, c'est juste !

M. Christian Paul. Au-delà de ce constat, mes chers collègues, nous manquerions au devoir du Parlement si notre discussion d'aujourd'hui, par indifférence coupable, n'évoquait pas la crise que traverse la Polynésie française. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. La faute à qui ?

M. Christian Paul. La tribune de l'Assemblée nationale est l'ultime recours pour porter et faire entendre la voix du peuple, quand les gouvernants refusent de l'écouter.

En Polynésie, depuis des mois, il est fait violence à la démocratie.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Ce n'est pas le sujet !

M. Christian Paul. C'est ainsi que les Polynésiens ressentent l'épreuve qu'ils subissent. Le rejet d'un système et la volonté de changement ont guidé leurs pas vers l'alternance, malgré un statut et un mode de scrutin conçus pour tout, sauf pour l'alternance. Si M. Lagarde était encore ici, je lui dirais que j'ai dénoncé ce système en d'autres temps, ce qui me vaut d'ailleurs parfois des qualificatifs peu amènes de la part de M. Flosse.

Pendant les événements de ces dernières semaines, les Polynésiens ont déploré les conditions d'un renversement né d'une défection, beaucoup disent d'une trahison. Ils ont pleuré l'interruption d'une expérience politique nouvelle voulue par une majorité des citoyens de ce pays d'outre-mer. Ils ont marché pacifiquement pour dire leur soutien à l'alliance plurielle, si durement caricaturée et qui s'est rassemblée autour du Président Oscar Temaru.

Si la Polynésie est en proie à la détresse et demande à être entendue, c'est parce que l'idée s'est installée, ici et là-bas, que l'État était partial et partisan. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !

M. Victorin Lurel. C'est vrai !

M. Christian Paul. En effet, le Gouvernement a commis bien des fautes. Je les crois graves, monsieur Raoult : ingérence et pression pour empêcher la formation de la majorité d'Oscar Temaru - Jean-Christophe Lagarde l'a dit et en a témoigné - ; ...

M. Éric Raoult. Arrêtez de citer M. Lagarde !

M. Christian Paul. ...menace sur le maintien des fonds publics ou sur la poursuite des investissements privés en Polynésie (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ; ...

M. Victorin Lunel. C'est vrai !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Parlez du budget !

M. Éric Raoult. On pourrait parler d'autres annulations !

M. le président. Du calme, mes chers collègues !

M. Christian Paul. ...mépris enfin lors de la venue de la délégation polynésienne, qu'il a bien fallu finalement faire recevoir à l'Élysée quand il est apparu que les Français s'étonnaient du silence présidentiel.

Comme le Gouvernement nie, avec constance, ces agissements, je me bornerai à rappeler la manière dont la vérité a été caricaturée dans l'enceinte de l'Assemblée nationale - et là, mes chers collègues, vous en êtes tous témoins -, à l'occasion de plusieurs séances de questions d'actualité.

C'est un travestissement de la situation politique que de prétendre que l'éclatement de la majorité d'Oscar Temaru aurait provoqué la motion de censure.

M. Éric Raoult et M. Victor Brial, rapporteur spécial. C'est la vérité !

M. Christian Paul. Cette alliance est bien solide et cimentée par l'épreuve que vous lui imposez. Elle l'a montré ici même, à Paris, la semaine dernière.

C'est encore une autre caricature que de décrire la Polynésie avec, d'un côté, les indépendantistes et, de l'autre, M. Gaston Flosse. La question de l'indépendance n'est pas dans le programme de l'alliance qui réunit M. Temaru, Mme Bouteau et les autonomistes. Nos concitoyens de Polynésie ne se reconnaissent pas, madame la ministre, dans cette photographie falsifiée. Et d'ailleurs, qui parle d'indépendance, voire de référendum sur l'indépendance, au risque d'allumer un nouvel incendie, sinon M. Gaston Flosse ?

M. Éric Raoult. C'est vous le pyromane !

M. Christian Paul. Monsieur Raoult, mon propos appuie sans doute où cela fait mal, mais je persiste.

Enfin, c'est une manœuvre de diversion que de parler de largage de l'outre-mer par la gauche.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Mais c'est vrai !

M. Éric Raoult. Et Nucci ?

M. Christian Paul. Ce vieux boniment des tréteaux électoraux de la droite ne fait plus recette. Et ce n'est pas une attitude digne, dans ce moment d'une particulière gravité.

Alors que la crise est constatée, le Gouvernement mène, derrière les apparences du droit, une incroyable bataille d'arrière-garde. En tentant de nier cette crise, vous l'avez aggravée.

M. Victor Brial, rapporteur spécial. C'est le PS qui l'a aggravée !

M. Christian Paul. Alors, combien de temps et dans quel but soutiendrez-vous ce système ? De quels secrets d'État M. Flosse est-il détenteur ? De quelles largesses passées ou récentes veut-on ainsi le rétribuer ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quelle amitié puissante lui garantit l'impunité ?

M. Victor Brial, rapporteur spécial. C'est bien un discours de socialiste !

M. Éric Raoult. C'est du Montebourg light !

M. Christian Paul. Poursuivre de la sorte s'apparente à une forfaiture. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Quelle doit être l'issue de cette crise ?

(M. Maurice Leroy remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. Christian Paul. Il faut apporter une réponse politique à une situation politique et il n'y en a qu'une : la dissolution de l'assemblée de la Polynésie française. Il est vrai qu'une autre voie est possible : gagner du temps, attendre la décision du Conseil d'État, qui sera prise dans le cadre d'un contentieux électoral comme il est naturel. Il se pourrait qu'elle conduise à une annulation partielle du scrutin, dans les Îles du Vent, là où Oscar Temaru a devancé M. Flosse.

M. Éric Raoult. Il y a eu des irrégularités !

M. Christian Paul. Quelle que soit la décision du Conseil d'Etat, elle ne saurait se substituer à la décision politique qui relève, elle, du Président de la République, en application de l'article 157 du statut auquel je vous renvoie puisque vous semblez, les uns et les autres, l'oublier.

Nous demandons solennellement au Président de la République et au Gouvernement de prendre toutes leurs responsabilités.

Vous avez, en effet, madame la ministre, au moins trois motifs pour agir.

Le premier, c'est que la démocratie locale en Polynésie française ne peut fonctionner sans de nouvelles élections et sans la légitimité qu'elles seules peuvent procurer. Ce retour aux urnes n'est pas seulement souhaité par Oscar Temaru, par les socialistes, par les autres partis de la gauche ou par l'UDF. D'autres en ont exprimé le vœu, à commencer par le président de notre assemblée, M. Jean-Louis Debré, qui a déclaré ce matin : « En démocratie, il n'y a qu'une sortie de crise, c'est le retour devant le corps électoral ».

M. Victorin Lunel. Tout à fait !

M. Christian Paul. Mme Béatrice Vernaudon, députée de la Polynésie, dont je salue l'honnêteté et le courage, a fait de même quand elle a parlé « d'une situation qui risque de contrarier le fonctionnement de la démocratie. » La dissolution, de nouvelles élections générales, constitueraient tout simplement un retour à la normalité démocratique en Polynésie.

Le deuxième motif pour agir, c'est le crédit de la France dans le Pacifique. Le Président Chirac serait bien inspiré d'y penser, lui qui était Premier ministre de 1986 à 1988, au pire moment de la crise calédonienne ; lui qui voulut également la reprise des essais nucléaires. Oui, c'est vrai, aujourd'hui les États du Pacifique ont le regard tourné vers la Polynésie, donc vers la France.

Enfin, le troisième motif est le plus important : la paix civile. Ces derniers jours, la tension s'est installée, avec son cortège d'occupations. Le GIP, la milice de M. Flosse, occupait hier une chaîne locale de télévision.

M. Éric Raoult. Quand il y a un cyclone, on est bien content d'aller les chercher ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je vous en prie !

M. Christian Paul. S'agissant de la paix civile, mes chers collègues, je veux vous mettre en garde. Ailleurs dans le Pacifique, à quelques milliers de kilomètres de Papeete, la France n'a pas su prévenir le drame calédonien. Il est vrai que les situations historiques sont différentes. Néanmoins l'incompréhension s'était installée.

M. Ghislain Bray. Va-t-il parler du budget ?

M. Éric Raoult. On comprend pourquoi M. Jospin a été battu !

M. Christian Paul. Je dis simplement qu'en travestissant la situation en Polynésie, en s'ingérant dans la démocratie locale, en oubliant l'impartialité de l'État républicain, on prépare aujourd'hui d'autres drames, ceux qui naissent de l'oppression et de l'amertume, lesquels sont les ingrédients de la colère.

M. Éric Raoult. Ce discours est scandaleux ! Il n'est pas digne d'un ancien ministre de l'outre-mer !

Mme Christiane Taubira. Monsieur Raoult !

M. Christian Paul. Madame la ministre, nous avons en commun, vous et moi, d'être allés nous recueillir à Ouvéa, devant deux lieux de mémoire distants de quelques centaines de mètres. Vous ne l'avez pas oublié. Moi non plus. Ce jour-là, comme je l'avais fait avant vous, vous avez certainement prononcé les mots de paix, de dialogue et de démocratie. Je veux espérer que, dans les prochains jours, ces valeurs vous inspireront encore, et qu'elles inspireront le Gouvernement et le Président de la République, quand devra être prise une décision pour l'avenir de la Polynésie française. Il est des engrenages qui deviennent irrésistibles. Devant la communauté nationale, devant l'opinion internationale, il est de votre responsabilité d'éviter un tel engrenage en Polynésie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. C'est du terrorisme intellectuel !

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Et le budget ?

M. Jacques Remiller. Il n'a sans doute rien à dire sur le budget !

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne et à lui seul, mes chers collègues.

M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je préfère ne pas m'attarder outre mesure sur la controverse suscitée par le projet de budget ministériel pour 2005 qui, paraît-il, aurait bénéficié d'une présentation plutôt avantageuse. En conséquence, il oscillerait entre une augmentation obèse de 52 % et une cure d'amaigrissement de 8 %.

M. Victorin Lurel. C'est la diète !

M. Éric Raoult. La diète spirituelle ! (Sourires.)

M. Alfred Marie-Jeanne. Un tel écart pourrait avoir pour effet de laisser planer un doute de nature à ébranler du même coup la confiance en la sincérité de ce budget.

Néanmoins, au risque de surprendre, j'ose affirmer que, pour moi, le véritable ébranlement n'est pas là. Il est ailleurs. Il est dans la floraison des textes qui disperse, à qui mieux mieux, les menues compétences. Il est dans le non-respect croissant des spécificités. Il est dans l'initiative qui se trouve découragée. Il est dans l'imbroglio législatif qui fait frein.

Voici un échantillon d'exemples édifiants.

Premièrement, l'article R. 15-11 du code des collectivités rompt subitement la dynamique régionale de soutien à la création d'entreprises. Or l'implication de la collectivité est vitale, car elle remplace le mécénat des grandes entreprises qui fait défaut chez nous. En limitant trop la participation publique au budget de ces organismes, on les condamne.

Deuxièmement, la prime à la création d'entreprises a aussi été créée. Chaque année, la région apporte son concours à plus de 500 micro-entreprises. Dans ce cas précis, le salarié est aussi le patron. En exigeant la création d'au moins un emploi salarié autre que le patron, on les assassine.

Troisièmement, toute aide financière aux entreprises de moins de trois ans est interdite, malgré un environnement économique et bancaire difficile. En refusant de reconnaître cette situation, on les enterre tout vivantes.

Quatrièmement, en matière de justification des politiques d'octroi de mer, la loi n'autorise pas l'administration douanière à fournir des données nominatives. Or, dans une large proportion, un secteur d'activité se confond avec une entreprise. En interdisant des renseignements indispensables à l'exécutif régional, on le mutile.

Cinquièmement, bien que l'on reconnaisse l'importance du secteur des transports, aussi bien terrestres que maritimes, aucune compétence exclusive n'a jamais été accordée à une collectivité publique déterminée. Cet émiettement pervertit et paralyse.

Sixièmement, l'article 61 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales donne explicitement aux établissements publics de coopération intercommunale la possibilité de demander et d'obtenir la compétence sur le logement social. Le secteur de la construction est en panne. De 1 500 logements programmés par an, on est tombé à 230 environ. Là encore, les risques liés au morcellement sont réels et sérieux, au moment où manquent des crédits de paiement pour boucler l'année.

On va de turpitude en turpitude, comme si le seul but recherché était de morceler pour affaiblir. C'est l'émiettement légalisé. C'est l'ingérable institutionnalisé. C'est l'inefficacité érigée en système. C'est la déresponsabilisation codifiée.

Ce constat déplorable, madame la ministre, n'incombe pas du tout à votre seul ministère.

Plus inquiétantes et graves, les nouvelles lois de décentralisation vont encore accentuer ces enchevêtrements. Le moment n'est-il pas venu de remembrer tout cela, pour mieux harmoniser tout cela ?

Cette refonte n'exclut pas, bien entendu, des traitements adaptés et différenciés. À cet égard, dois-je rappeler que la Martinique, petit pays érigé en région mono-départementale, est vulnérable et fragile au possible ? C'est pourquoi, à la ségrégation toujours insidieuse et active, il faut substituer la discrimination positive.

Au regard du contexte, cette revendication est politiquement correcte, économiquement et socialement justifiée, juridiquement incontestable, moralement concevable.

En conclusion, madame la ministre, je n'ai pas cherché à relativiser coûte que coûte la portée du budget de l'outre-mer. Quelle que soit sa structure actuelle, il va s'appliquer dans une mer de contradictions insolubles et de mesures disparates. J'ai surtout voulu mettre le doigt sur l'atomisation des compétences. Le budget passe, mais l'atomisation demeure et va crescendo.

Si rien n'est fait, on va tout droit à la casse - casse de la cohérence, casse de l'initiative, casse de la cohésion, casse de l'efficacité - avec, en prime, une administration qui joue le jeu de cette fragmentation pernicieuse. Et avec, en prévision, le dépouillement financier qui en résulte.

Madame la ministre, il est temps de ne pas renvoyer à un lointain lendemain l'indispensable révision des textes. Il est temps de dépasser ce système paradoxal qui fait semblant de toujours aller plus loin, sans jamais réellement avancer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Huguette Bello. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bertho Audifax.

M. Bertho Audifax. Madame la ministre, je tiens tout d'abord à saluer la performance du ministère de l'outre-mer dans l'exécution de son budget pour les deux exercices 2003 et 2004. Cette meilleure utilisation des moyens montre votre volonté de faire réellement bénéficier l'outre-mer des crédits qui lui sont alloués et de tourner ainsi le dos aux affichages artificiels.

Le budget 2005 met l'accent sur les deux volets essentiels à nos départements d'outre-mer : l'emploi et le logement social.

Je commencerai par l'emploi.

Les bons résultats statistiques de l'emploi marchand à La Réunion démontrent le succès de la loi-programme dès sa première année d'application. Cependant vous savez combien la spirale démographique réunionnaise pèse sur l'insertion et l'emploi des jeunes. Je tiens donc encore à témoigner ici de l'absolue nécessité, à mon sens, d'une expérimentation réunionnaise sur l'initiation à la vie active et à la préparation à la formation des jeunes qui quittent le système scolaire en situation d'échec. Que ces jeunes soient livrés à eux-mêmes pendant plusieurs années dans un contexte de chômage familial structurel ne peut être accepté comme une fatalité. Il y a là une véritable urgence, pour l'État comme pour la région Réunion.

Je vous propose, madame la ministre, afin de sortir d'une dangereuse inertie en ce domaine, qu'une mission d'expertise soit réalisée à La Réunion dès les premiers mois de 2005 pour enfin dégager des pistes d'action en direction de ces jeunes.

J'en viens au logement social.

À ce propos, je vous exprime de nouveau mes inquiétudes sur l'avenir du logement social à La Réunion. Tout porte à croire qu'à la fin de 2004 le taux d'utilisation des crédits de la ligne budgétaire unique, la LBU, ne sera pas satisfaisant. Cela s'explique par plusieurs raisons et de multiples blocages.

Première raison : le coût du foncier. Nous pouvons certes espérer que l'existence du tout nouvel établissement public foncier régional aidera les collectivités à mieux préparer, à l'avenir, leurs réserves foncières mais cela ne sera pas suffisant.

Deuxième raison : les difficultés d'aménagement des terrains disponibles. Il y a urgence à abonder le fonds régional d'aménagement foncier et urbain secondaire qui à ce jour ne dispose plus d'aucune enveloppe, ce qui bloque tout le système. Ne peut-on envisager, à titre transitoire, d'abonder le FRAFU par des crédits non utilisés de la LBU ? La même interrogation vaut d'ailleurs pour les opérations de résorption de l'habitat insalubre programmables au regard du volume des opérations.

Je sais que, pour des raisons européennes, la fongibilité des FRAFU primaire et secondaire semble difficile, mais difficile signifie-t-il pour autant réellement impossible ? En effet cette séparation artificielle est préjudiciable au dynamisme nécessaire du logement social. Par ailleurs, les plans d'aménagement des quartiers, les PAQ, qu'avaient fait naître les assises du logement social en 2003 et dont on espérait tant, sont bloqués puisque totalement liés au FRAFU secondaire.

Troisième raison : l'augmentation du coût de la construction liée à celle des prix du pétrole, des matériaux et de la main-d'œuvre. Cette augmentation fait que bon nombre d'appels d'offres sont aujourd'hui déclarés infructueux en matière de logement social, et sans marge de négociation envisageable. Il y a véritablement urgence à réviser les paramètres de financement du logement social, en ce qui concerne tant les prix que les prêts et les subventions.

Par ailleurs, madame la ministre, des éléments encore plus alarmants circulent à La Réunion, tant dans les sociétés d'économie mixte que chez les opérateurs RHI. Alors que 32 millions d'euros sont attendus en crédits de paiement 2004, les autorisations de programme seraient à ce jour inférieures de 22 millions d'euros en LBU et, plus grave encore, de 4 millions d'euros en RHI. Si de tels chiffres devaient être confirmés, non seulement nous ne respecterions pas nos engagements, mais nous mettrions gravement en péril la survie même de certains opérateurs sociaux. Pouvez-vous, sur ce point, nous rassurer totalement ?

Enfin, vous connaissez mon engagement en faveur de la CMU et de la consolidation de l'accès aux soins des plus démunis. Une première étape a été franchie en 2003 par votre gouvernement qui a procédé à une revalorisation du plafond afin de rétablir l'injustice provoquée par le gouvernement socialiste lors de la mise en place de la CMU. À ce jour, cependant, à La Réunion, 20 000 personnes âgées ou handicapées restent encore privées de CMU.

J'ai proposé à M. le ministre de la santé, lors du débat sur le PLFSS pour 2005, que La Réunion soit terrain d'expérimentation pour la mise en place du dossier médical informatisé. Ainsi, la nouvelle valorisation du plafond de la CMU, qui réglerait définitivement ce problème, se trouverait à terme compensée par les économies attendues grâce au dossier médical généralisé et informatisé.

En conclusion, le projet de budget de l'outre-mer pour 2005 nous paraît réaliste dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons. Il nous paraît aussi marqué du sceau de la volonté. Vous connaissant, cela n'étonnera personne. Cependant, de réelles interrogations et attentes persistent ; nous espérons que cette discussion budgétaire permettra d'y répondre, afin de justifier le soutien sans réserve que nous voulons vous apporter, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion du budget de l'outre-mer a lieu un mardi, jour d'affluence au sein de notre hémicycle, même si, cet après-midi, nous sommes entre nous.

Mme Christiane Taubira. M. Raoult est là !

M. Éric Raoult. J'ai toujours été présent pour ce budget !

M. le président. Écoutez l'orateur !

M. Victorin Lurel. Oui, et le président Debré nous a, lui aussi, honorés de sa présence.

Avoir choisi ce jour est donc une bonne chose pour l'outre-mer, et je vous en félicite. Quand c'est bon, nous n'hésitons pas à féliciter la ministre de l'outre-mer. Hélas, dans ce registre des compliments, je ne peux évidemment aller au-delà.

M. Jean-Louis Christ. Ce n'est pas grave !

M. Victorin Lurel. La baisse, dans des proportions historiques, du budget de l'outre-mer, qui frappera de plein fouet une population déjà durement touchée par de nombreux fléaux, m'incite à la gravité la plus solennelle.

Permettez-moi de vous rappeler que les besoins structurels et conjoncturels de l'outre-mer sont encore immenses. Chez moi, en Guadeloupe, ces handicaps signifient 23,2 % de taux de chômage, 30 000 Rmistes, des taux de mortalité par le sida quatre fois supérieurs à la moyenne nationale, un recours quatre fois plus fréquent à l'IVG, ou encore une surmortalité accrue par certains cancers.

Chez nous, dans les Caraïbes, la survenue d'une saison cyclonique aussi terrible que celle que nous venons de connaître laisse des traces indélébiles, tant par ses conséquences matérielles qu'humaines. La côte sous le vent en sait quelque chose. Et tout près de chez nous, chez nos voisins et nos frères, en République dominicaine, à Haïti, à Grenade, en Jamaïque, ce sont des milliers de sinistrés ou de décédés qui sont à déplorer.

Devant ces besoins, madame la ministre, la politique de ce gouvernement, mauvaise pour l'hexagone, s'avère réellement, comme par un effet de loupe grossissant sous nos latitudes, désastreuse pour l'outre-mer.

Avec ce budget terrible et l'accentuation des désengagements de l'État, des pans entiers de la solidarité nationale se délitent et se déliteront encore davantage chez nous. Le sentiment de largage, ressenti durement depuis deux ans, est consacré officiellement avec votre budget qui s'apparente malheureusement trop à un budget d'abandon.

M. Éric Raoult. Oh !

M. Victorin Lurel. Le Gouvernement a décidé de diminuer de plus de 8 % le budget de l'outre-mer. La hausse affichée de 52 %, est, comme vous l'avez récemment reconnu en commission au Sénat, artificielle ; c'est une hausse optique. Interpellée à plusieurs reprises sur l'évolution réelle à périmètre constant de vos crédits, vous avez refusé d'entrer dans cette opération de vérité, la seule qui vaille, pour mesurer, honnêtement, en conscience et en connaissance l'évolution de l'effort consacré par ce gouvernement à l'outre-mer. Permettez-moi donc, sans aucun plaisir, mais en toute honnêteté, de faire cette comparaison, pour cruelle qu'elle soit pour ce gouvernement.

La hausse de votre budget est expliquée par la réintégration de 678 millions d'euros de crédits du budget de l'emploi et des affaires sociales dans celui de l'outre-mer, destinés à la compensation des exonérations de charges sociales prévues par la loi de programme pour l'outre-mer.

Dès lors, en vue d'une comparaison à périmètre constant entre le budget de 2004 et le budget pour 2005, il convient de retrancher de celui-ci d'autres mesures non prises en charge par votre budget de 2004 comme les 31 millions d'euros de crédits consacrés à la dotation de continuité territoriale, imputés l'an passé sur le budget de l'aviation civile via le FIATA, ainsi que 8 millions d'euros de dépenses nouvelles consacrées au fonds de péréquation en Polynésie française, créé par la loi du 27 février 2004, donc non pris en compte l'année dernière.

Pour faire preuve de sincérité budgétaire, il convient également, en vue d'une comparaison à périmètre constant, de prendre en compte les transferts s'opérant dans l'autre sens, c'est-à-dire le transfert de 37,7 millions d'euros de votre budget vers celui du ministère de l'intérieur dans le cadre de la globalisation de tous les moyens affectés au fonctionnement des préfectures, ainsi que 2 millions d'euros de transfert vers le budget du ministère du travail, de la santé et de la cohésion sociale.

Dès lors, en vue d'une comparaison à périmètre constant, je le répète, ce sont, après sommation algébrique, 677,7 millions d'euros qui sont à retrancher de vos crédits si l'on souhaite les comparer à ceux de 2004. Le budget de votre ministère pour 2005 s'élève dès lors à 1,027 milliard d'euros, contre 1,121 milliard d'euros en 2004. Le budget de l'outre-mer, présenté en hausse de 52 % est donc, en réalité, en baisse de plus de 8,3 %, soit de 94 millions d'euros !

Ainsi, après la baisse de 3,6 % de votre budget en 2004, comme nous l'avions démontré à l'époque, baisse accentuée par une régulation budgétaire dont les conséquences se sont durement fait ressentir cette année en termes de crédits de paiement de la LBU, c'est dorénavant un véritable budget de régression sociale et de désengagement sans précédent de l'État que ce gouvernement nous demande de cautionner. J'espère, chers collègues de la majorité, que vous n'irez pas à Canossa. Je vous demande solennellement, au-delà de nos clivages partisans, de refuser de cautionner un tel recul pour le seul bien de l'outre-mer. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce désengagement manifeste dans votre budget sur les trois principaux besoins de l'outre-mer - l'emploi, le logement et la santé - est malheureusement palpable dans de nombreux domaines.

La principale victime de la baisse des crédits destinés à l'outre-mer est, conformément à la logique libérale de ce gouvernement, l'emploi, tout particulièrement l'emploi aidé. Le FEDOM diminue de 124 millions d'euros, c'est-à-dire de près d'un tiers, alors que c'est sur ce fonds que sont financés les contrats aidés. Mes chers collègues, certains d'entre vous sont maires comme moi ; vous êtes donc tous confrontés à des difficultés fort concrètes pour trouver les crédits nécessaires à la poursuite des contrats. Souvent, nous ne pouvons renouveler des contrats de CEC ou de CES. Le préfet de Guadeloupe, depuis déjà plus de deux ans, ne nous octroie plus de contrats dits aidés. Je parle de M. Vian et du nouveau préfet M. Girot de Langlade. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les crédits octroyés aux contrats aidés - CES et CEC - ont diminué de 72 % du fait du manque d'argent et d'une véritable politique d'abandon.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. À cause des grèves !

M. Victorin Lurel. On a parlé de largage. C'est une vérité, même si cela blesse ! On n'avait jamais vu cela dans un tel budget depuis 1958.

M. Victor Brial, rapporteur spécial. Christian Paul a été le ministre des reports !

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis. C'était la gestion « Paul » !

M. Victorin Lurel. C'est regrettable, mais c'est une triste réalité.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. À cause des grèves !

M. Victorin Lurel. Je vous engage, madame la ministre, à aller expliquer aux parents d'élèves, aux patients dans nos hôpitaux, aux enfants dans nos cantines, qu'un tiers des crédits permettant le recrutement du personnel d'encadrement est supprimé. Pointe Noire en sait quelque chose ! J'ai appris, dans un débat à la télévision qu'une lettre tenue au ministre de l'outre-mer n'a pas reçu réponse.

Faute d'avoir renouvelé les contrats, on ne peut pas sortir d'une grève. C'est l'honneur d'un maire de résister à des pressions inadmissibles. L'État est absent dans nos régions. J'en sais quelque chose en ma qualité de président de région. Cela dure depuis trois ans en Guadeloupe !

M. Christian Paul. C'est vrai !

M. Louis-Joseph Manscour. C'est pareil en Martinique !

M. Victorin Lurel. Madame la ministre, je connais votre réponse : vous voulez privilégier uniquement les emplois marchands. Je n'adhère pas, bien entendu, à la logique sous-jacente à cet objectif, celle d'un État modeste, un État minimal, un État garant et non plus gérant. Pour moi, l'État doit occuper une place éminente dans l'outre-mer. Il doit être une locomotive, car l'initiative, eu égard à nos retards, ne peut pas venir simplement du secteur marchand. Le manque récurrent de personnels dans nos écoles, nos collèges, nos lycées nous le rappelle tous les jours : il faut marcher sur ses deux jambes dans l'outre-mer : ...

M. Jean-Pierre Dupont. Ailleurs aussi !

M. Victorin Lurel. ...le secteur public et le secteur privé. Votre budget ne le permet pas.

Un autre fléau dans nos collectivités est constitué par le problème du logement qui est d'une particulière acuité dans nos territoires insulaires. Là aussi, l'État procède à un délestage encore plus pervers, si j'ose dire, puisque, dans ce domaine, les engagements de l'État sont brusquement reniés.

Le réquisitoire le plus clair est la seule lecture des remarques de la commission des finances de notre assemblée sur ce point : « La gestion difficile des crédits de l'outre-mer en 2003 et 2004 en particulier sur la ligne budgétaire unique consacrée à la politique du logement suscite l'inquiétude. Le ministère a choisi, en 2002 et 2003, de concentrer l'effet des mesures de régulation budgétaire sur cette ligne, qui a connu en conséquence des annulations de crédits importantes et brutales. Aujourd'hui, les crédits de paiement sont devenus insuffisants par rapport aux engagements et vingt millions de factures impayées sont en instance dans les directions départementales de l'équipement alors que 26 millions d'euros sont gelés en 2004 ».

M. Victor Brial, rapporteur spécial. Les impayés viennent de vous !

M. Victorin Lurel. Cette situation est si inquiétante que notre rapporteur spécial préconise même une enquête de la Cour des comptes dans ce domaine. Vous-même, madame la ministre, reconnaissez que vous vous employez à convaincre votre collègue ministre des finances de dégeler ces 26 millions pour « puiser dans ces dotations pour aider les entreprises martiniquaises confrontées » à des factures impayées. Vous-mêmes, chers collègues, évoquez souvent dans nos discussions ce problème grave de manque de crédits de paiement de la LBU ou encore l'inadaptation à nos spécificités du projet de loi de cohésion sociale.

M. Christian Paul. Quelle liste !

M. Victorin Lurel. Pensez-vous, en conscience, que baisser la tête en approuvant ces abandons permettra d'obtenir gain de cause face à Bercy ? Je ne le crois pas.

Je dirai juste un mot du retrait dramatique de l'État en matière de santé alors que les besoins en Guadeloupe et en Guyane, sont immenses. Ce sont 15 millions d'euros qui sont amputés du chapitre 86-95 relatif au financement des dépenses de santé en faveur des collectivités et départements d'outre-mer.

Emploi, logement, santé sont trois exigences fondamentales que l'État doit à chacun. Malgré les belles paroles, les chiffres sont là : ce sont ces trois domaines les plus maltraités outre-mer par ce gouvernement.

Néanmoins le recul de l'État se fait cruellement sentir dans un autre domaine que je veux évoquer solennellement devant vous.

La Caraïbe a été frappée profondément dans sa chair lors de la saison cyclonique. Ainsi, chez moi, sur la côte sous le vent, malgré les dégâts considérables causés par Jeanne, nous attendons toujours l'arrêté de catastrophe naturelle qui permettra l'indemnisation. On a donné 100 euros aux sinistrés,...

Mme Christiane Taubira. C'est insuffisant !

M. Victorin Lurel. ...alors que la région Guadeloupe consacre 3 millions d'euros à l'aide des sinistrés de Guadeloupe et un million pour la Caraïbe. L'État ne dépense que des clopinettes, quand il est question de détresse humaine. Chez nos voisins - Haïti, la Jamaïque, Saint-Domingue - des milliers de Caribéens sont morts, des territoires sont dévastés. Alors que la France a des liens historiques et des devoirs envers ces personnes en tant qu'ancienne puissance coloniale et en tant que simple voisin, il est absolument intolérable que l'effort financier des régions Guadeloupe et Martinique ait été sans commune mesure avec l'aide apportée par l'État lui-même pour répondre à ces drames et ces situations d'urgence.

M. Christian Paul. C'est incroyable !

M. Victorin Lurel. Ainsi le fondement même de notre conception de la République française, de ses devoirs immuables envers l'humanité en souffrance est heurtée de plein fouet par cette idéologie du laisser-faire et de l'abandon. Ce véritable dogme libéral du retrait de l'État l'amène à renier ses engagements, sa signature et à se défausser sur les collectivités locales. Je viens de donner l'exemple du drame humanitaire vécu à nos frontières. Mais les exemples sont, malheureusement, légions. Je n'en prendrai que deux.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Lurel ! Je vous ai déjà largement laissé dépasser votre temps de parole !

M. Victorin Lurel. Je crois être bien le seul à avoir subi une telle remarque, monsieur le président. J'ai presque terminé mon propos.

M. le président. Concluez, monsieur Lurel. À défaut, je serai contraint de vous retirer la parole. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Victorin Lurel. Alors que la situation financière de nos collectivités locales est dramatique, elles sont contraintes de prendre à leur charge de nouvelles dépenses en raison des désengagements de l'État. Dans tous les lycées que j'ai personnellement visités, nous sommes confrontés à une paupérisation et à une défausse sans précédent, à tel point que la région doit envoyer ses propres agents tondre le gazon. On a dû créer des foyers d'hébergement quand l'État refusait de créer des internats. Il en va de même des ouvriers d'entretien et d'accueil.

M. le président. Je vous demande maintenant de conclure, monsieur Lurel ! Je vais devoir vous retirer la parole ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Paul. Ils ne s'expriment qu'une fois par an, monsieur le président !

M. le président. Ce n'est pas correct pour vos collègues, monsieur Paul !

M. Victorin Lurel. Je suis le seul orateur à avoir subi ces remarques.

M. le président. Vous avez dix minutes de temps de parole. Je ne suis pas responsable de la répartition des temps de parole au sein de votre groupe ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Victorin Lurel. Je termine, monsieur le président, puisque vous me censurez, contrairement aux autres orateurs.

Concernant la continuité territoriale, nous conduisons un combat, toute idéologie confondue. Ce qui se passe est indigne. L'outre-mer finance aujourd'hui sa continuité territoriale, alors que l'Europe est prête à le faire !

M. le président. Je vous remercie, monsieur Lurel !

M. Victorin Lurel. Nous voterons donc contre ce budget en espérant que nos collègues de la majorité nous suivront, dans un sursaut de dignité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en mai 2004, La Réunion a franchi à nouveau le cap symbolique des 100 000 chômeurs, mettant fin à la diminution régulière constatée ces dernières années. C'est dire que les orientations du budget pour 2005 seront examinées avec attention. Cet examen sera d'autant plus minutieux que les transferts de crédits en provenance d'autres ministères, notamment celui des affaires sociales, se sont amplifiés et que, désormais, le budget de l'outre-mer englobe l'ensemble des moyens destinés à favoriser l'emploi dans les secteurs marchand comme solidaire.

Il est vain de se livrer à une bataille de chiffres. Il est vain de décrire en détail ce que tout le monde connaît. En revanche, il est encore et toujours nécessaire de comprendre que l'ampleur du chômage réunionnais, les causes qui l'expliquent, les conséquences qu'il comporte exigent qu'on en finisse, une fois pour toutes, avec les anathèmes et les stigmatisations idéologiques.

Ainsi, l'opposition factice entretenue entre les emplois marchands, qui seraient des emplois dignes de ce nom et ceux du secteur solidaire qui relèveraient d'une logique d'assistance, est non seulement dérisoire, mais aussi dangereuse pour la cohésion sociale.

Les Réunionnais sont convaincus de la nécessité de concilier tous les types d'emploi. C'est pourquoi la diminution constante des crédits du FEDOM leur est incompréhensible. Le premier effet de cette incongruité sociale est de rendre encore un peu plus difficile l'accès à l'emploi et de les contraindre, en dernier ressort, à recourir au RMI. De fait, la diminution des solutions d'insertion s'est d'ores et déjà traduite, en 2004, par une augmentation sans précédent du nombre d'allocataires du RMI : plus de 8 % en un an. Avec moins de quarante contrats signés, la solution n'est certainement pas à rechercher du côté du RMA, dispositif créé en même temps qu'étaient transférés au conseil général la gestion et le financement du RMI.

Face à cette évolution, il est essentiel que le Gouvernement mette fin aux incertitudes. Nous sommes en novembre. Pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, le quota de contrats emploi solidarité attribué à La Réunion pour le second semestre de 2004 ?

Pouvez-vous nous dire quel sort est réservé aux 243 titulaires de CEC en poste à l'académie de La Réunion, qui, pour la plupart, voient leur contrat arriver à échéance à la fin de cette année ? Pour ceux-là aussi, le RMI sera-t-il la seule issue ?

S'agissant de l'emploi, de façon plus générale, il devient difficile de passer sous silence le sentiment de plus en plus répandu parmi les jeunes de La Réunion et leurs familles, qui voient les emplois disponibles leur échapper alors que leurs compétences ne cessent d'augmenter. Beaucoup de Réunionnais craignent que n'apparaissent un phénomène que je pourrais comparer à celui qu'on a appelé, dans les entreprises, le « plafond de verre ». Cette expression, nous le savons, désigne les difficultés plus grandes qu'éprouvent certains salariés, le plus souvent des femmes, à accéder, à compétences égales, à un certain niveau de responsabilité.

La sagesse commande de ne pas laisser s'installer un sentiment semblable dans la société réunionnaise. Il arrive en effet de plus en plus fréquemment aux jeunes de La Réunion, surtout lorsqu'ils sont diplômés, de craindre l'existence d'un tel plafond de verre quand ils s'interrogent sur certains recrutements ou certaines affectations qui semblent les pénaliser par rapport à des candidats de l'extérieur.

On ne peut que se féliciter, à ce propos, de l'abandon par le Gouvernement du projet de réforme de la bonification de mille points dans l'éducation nationale. Cette mesure aurait encore compliqué l'accès des jeunes de La Réunion aux emplois créés dans l'île.

La diminution du budget de l'outre-mer n'est pas non plus sans conséquences sur une autre préoccupation majeure, celle du logement.

Nous constatons avec vous, madame la ministre, l'augmentation des taux d'utilisation des crédits consacrés au logement. Toutefois, nous n'ignorons pas que cette bonne nouvelle est due, pour l'essentiel, à des annulations budgétaires successives subies depuis 2002 par la ligne budgétaire unique, et non pas à l'augmentation du nombre de logements construits.

Des colloques aux rapports, en passant par les livres blancs, nous avons tout appris sur l'ampleur des besoins et sur les difficultés à consommer effectivement les crédits.

Parmi ces difficultés, la rareté des terrains et la spéculation foncière qu'elle entraîne n'épargnent d'ailleurs pas les jeunes agriculteurs, notamment ceux qui s'installent. Ne pas pouvoir acquérir des terrains constructibles à proximité de leur exploitation constitue, pour eux, un très grand handicap. Un équilibre devrait être trouvé entre la nécessaire protection des surfaces agricoles et la possibilité, pour les agriculteurs, d'habiter sur leur exploitation.

Depuis plusieurs décennies, l'emploi et le logement sont les préoccupations constantes des Réunionnais. Il en est de même maintenant pour l'ensemble des Français, au point qu'un plan de cohésion sociale a été élaboré et qu'une loi sera votée à ce sujet. Les principaux objectifs de ce plan ne sont pas différents des priorités du ministère de l'outre-mer : emploi et logement. Cette convergence nous conduit à vous interroger sur l'articulation des dispositifs et des moyens financiers prévus par la future loi avec ceux du budget de l'outre-mer. Substitution ? Complémentarité ? Il est indispensable, avant que notre assemblée ne commence l'examen du projet de loi relatif à la cohésion sociale, que ces incertitudes soient levées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    6

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Outre-mer (suite) :

Avis, n° 1865 tome 16, de M. Joël Beaugendre, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Départements et régions d'outre-mer

Rapport spécial, n° 1863 annexe 32, de M. Alain Rodet, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan,

Avis, n° 1868 tome 6, de M. Didier Quentin, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Collectivités d'outre-mer à statut particulier et Nouvelle-Calédonie

Rapport spécial, n° 1863 annexe 33, de M. Victor Brial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan,

Avis, n° 1868 tome 7, de M. Bignon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot