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Troisième séance du mardi 7 décembre 2004

92e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS

Suite de la discussion, en deuxième lecture,
d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (nos 1952, 1965).

Discussion des articles

M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a commencé l'examen des articles et s'est arrêtée après le vote sur l'article 2.

Article 2 bis

M. le président. Aucun orateur n'est inscrit sur l'article 2 bis et il ne fait l'objet d'aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 2 bis est adopté.)

Article 3

M. le président. Sur l'article 3, je suis saisi d'un amendement n° 6.

La parole est à M. le vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, madame la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion, mes chers collègues, cet amendement a pour objet de soumettre la saisie de la Haute autorité par une association à l'accord de la victime.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 6.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Du fait de la nature sensible du contentieux en cause, il apparaît difficile de permettre à une association de saisir, conjointement avec une victime, la Haute autorité, sans que la victime ait préalablement donné son accord et son consentement.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Il est indispensable que celle-ci puisse choisir d'être ou non appuyée par une association. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.

Mme Christine Boutin. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement est adopté à l'unanimité.

Je mets aux voix l'article 3, modifié par l'amendement n° 6.

(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3 bis

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7 de suppression de l'article 3 bis.

La parole est à M. le vice-président de la commission des lois, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. La commission des lois propose la suppression de l'article 3 bis, car elle estime que l'organisation territoriale de la Haute autorité ne relève pas du domaine de la loi.

M. Guy Geoffroy. Absolument.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Sagesse, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je suis surpris de l'initiative du président de la commission des lois, initiative relayée par M. Warsmann, et je comprends la sagesse du Gouvernement.

Le Sénat a voté un article qui prend en compte des préoccupations que nous avons été amenés à exprimer. Ce nouvel article est particulièrement intéressant : il a le mérite de ne pas faire de la Haute autorité une institution « parisienne » - et c'est un député de Paris qui vous parle - et de prévoir que ses missions s'inscrivent dans le cadre de notre territoire national. C'est ce que l'on appelle la territorialisation de la Haute autorité.

En votant cet article, le Sénat a su faire un choix que nous sommes plusieurs à partager : le choix de la proximité.

Si l'on veut réellement assister des personnes discriminées, la proximité est un gage évident d'efficacité, d'autant que ce nouvel article répond à un souci que nous avions été plusieurs à exprimer : celui de voir la Haute autorité intègrer dans ses missions une assistance aux victimes.

Le Sénat a apporté un ajout heureux à ce projet de loi. Cette disposition a beau être d'ordre réglementaire, elle n'en est pas moins la traduction d'une intention : territorialisation, proximité, aide aux victimes. Je trouve un peu léger de vouloir la supprimer.

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. J'ai bien expliqué quelle était la motivation de la commission des lois. Je rappelle que le Gouvernement, en première lecture et lors de la discussion générale de cet après-midi, a pris des engagements quant à la présence territoriale de la Haute autorité. C'est la raison pour laquelle la commission a voté cet amendement, que je vous appelle à adopter.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Comme je l'ai dit dans la discussion générale, la proximité est un des mots-clés de ce projet.

Nos collègues sénateurs, avec beaucoup de sagesse, ont adopté cet article 3 bis, qui montre aux victimes, en grande détresse morale, que la Haute autorité peut être très présente lorsqu'elles ont des difficultés.

Même si j'en comprends la raison, je regrette cette proposition de supprimer l'article 3 bis et je ne m'y associerai pas.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Je ne comprends pas les motivations du président de la commission des lois, par ailleurs ardent défenseur de la décentralisation et qui a longtemps plaidé pour rapprocher les lieux de décision des citoyens. Les médiateurs départementaux ont pourtant fait leur preuve en matière d'aide aux personnes les plus défavorisées !

Là, d'un trait de plume, le président de la commission centralise cette structure. J'avoue qu'il m'avait habitué à plus de cohérence. Je souhaiterais qu'il justifie sa position.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur. C'est réglementaire !

Mme Anne-Marie Comparini. C'était un symbole !

M. René Dosière. Nous n'avons toujours pas adopté la proposition du président de l'Assemblée nationale tendant à créer une sorte d'article couperet pour ce qui concerne le réglementaire. Aussi longtemps que la possibilité nous en est offerte, légiférons comme nous le souhaitons !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je prends de l'avance ! Et vous êtes un bavard !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Je tiens à vous confirmer que les délégués territoriaux de la Haute autorité, qu'ils soient prévus par la loi ou par un décret, existeront bien. C'est la condition de la proximité et de l'accessibilité de la Haute autorité.

J'ajoute que 900 000 euros sont déjà consacrés aux cinq premières délégations territoriales.

M. René Dosière. Pour une fois que l'on pouvait faire plaisir au Sénat !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 3 bis est supprimé.

Article 4

M. le président. Sur l'article 4, je suis saisi d'un amendement n° 29.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. L'article 4, modifié par le Sénat, prévoit que la Haute autorité peut demander des explications à toute personne physique ou morale de droit privé mise en cause devant elle. Nous sommes surpris que l'on exempte d'une demande d'explication les personnes morales de droit public.

Dans un souci d'égalité, afin que la lutte contre les discriminations ne s'arrête pas aux personnes physiques et aux personnes morales de droit privé, cet amendement vise, en supprimant les mots « de droit privé », à permettre à toutes les personnes morales de répondre aux demandes d'explication de la Haute autorité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur. L'esprit de ce texte est incontestablement de permettre à la Haute autorité de disposer de moyens d'investigation, mais à une condition majeure et qui éclaire tout le texte : que les parties soient d'accord.

Il est vrai qu'il y a une différence entre les administrations qui relèvent du droit public et les entreprises privées qui relèvent du droit privé. Si l'on peut obliger tous ceux qui relèvent d'une autorité de droit public à déférer aux souhaits de cette Haute autorité, il n'en va pas de même des personnes morales de droit privé. Ce serait changer la nature de la Haute autorité et lui donner un pouvoir juridictionnel qui relèverait de la police judiciaire. Nous nous y opposons. Pour les entreprises de droit privé, ce serait très excessif. Nous avons déjà la CNIL qui dispose de grands pouvoirs, et bien d'autres d'autorités administratives indépendantes. Prenons garde à ce que le livre d'Orwell ne devienne pas réalité !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. La rédaction issue du Sénat satisfait le Gouvernement. Les pouvoirs de la Haute autorité ne peuvent pas être les mêmes à l'égard des personnes de droit privé et des personnes de droit public.

C'est la raison pour laquelle l'article 4 est consacré aux pouvoirs de la Haute autorité à l'égard des personnes morales de droit privé, alors que l'article 5 concerne ses pouvoirs à l'égard des personnes publiques.

Je suis donc avis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Je suis surpris de la position du président de la commission des lois et de Mme la ministre. Je ne comprends pas très bien cette distinction un peu surréaliste entre public et privé. L'amendement de Patrick Bloche a le mérite de la cohérence.

Certes, l'article 5 prévoit que les autorités publiques sont tenues d'autoriser. Et si elles n'autorisent pas ? Si nous créons une Haute autorité, c'est pour qu'elle puisse agir dans le domaine du public comme du privé.

L'article 4 - et c'est le sens de l'amendement de Patrick Bloche - ne devrait pas faire référence qu'aux personnes privées.

Pourquoi voulez-vous restreindre la capacité de la Haute autorité à intervenir également sur les autorités publiques ?

Tel qu'il est rédigé, le texte de l'article 4 marque un recul par rapport à la volonté exprimée pour la Haute autorité, et l'amendement de Patrick Bloche me semble donc tout à fait pertinent.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Articles 5 et 6

M. le président. Aucun orateur n'est inscrit sur les articles 5 et 6 et ils ne font l'objet d'aucun amendement.

Je les mets aux voix successivement.

(Les articles 5 et 6, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 7

M. le président. Sur l'article 7, je suis saisi d'un amendement n° 8.

La parole est M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. D'une façon assez étonnante à mes yeux, le Sénat a prévu une procédure de référé. Comme je viens de le rappeler pour l'amendement précédent, il est clair que les vérifications sur place ne peuvent se faire qu'avec l'accord des personnes intéressées.

Or, on n'imagine pas que, si les personnes intéressées refusent, la Haute autorité puisse inspecter sur pièces et sur place par référé : c'est une contradiction considérable. Je ne sais si le Sénat a voulu donner des pouvoirs de police judiciaire à cette Haute autorité, mais cela n'est pas souhaitable et n'est pas du tout dans l'esprit de la loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié par l'amendement n° 8.

(L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 8, 9, 10, 11 et 13

M. le président. Aucun orateur n'est inscrit sur les articles 8, 9, 10, 11 et 13 et ils ne font l'objet d'aucun amendement.

Je les mets aux voix successivement.

(Les articles 8, 9, 10, 11 et 13, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 14

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 15.

L'amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La lutte contre la polygamie est une cause respectable et intéressante, mais elle ne relève pas de la discrimination et donc pas de la compétence de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. La commission refuse donc cet amendement hors sujet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Je demande le retrait de cet amendement car la polygamie n'a qu'un lointain rapport avec la Haute autorité de lutte contre les discriminations.

Je partage cependant la préoccupation de Mme Brunel à propos de ce mode de vie incompatible avec l'intégration dans notre pays. En tant que ministre chargée de l'intégration, je puis vous indiquer qu'en liaison avec mes collègues Nicole Ameline et Dominique Perben, je souhaite tirer rapidement les conclusions du rapport remis au printemps dernier par le Haut conseil d'intégration sur la situation des femmes immigrées en France, au plan législatif si nécessaire, pour ce qui concerne notamment le statut personnel des femmes à l'âge nubile et des filles, et particulièrement la polygamie. Je souhaite travailler sur ce sujet avec les auteurs de l'amendement - Mme Brunel, Mme Zimmermann et MM. Mariani, Estrosi et Bénisti.

Il en va, pour ces femmes qui vivent sous un régime polygame et sont toujours des victimes, comme pour leurs enfants, du respect effectif de nos principes républicains de dignité et d'égalité et de notre refus clair du communautarisme et d'un traitement inégal des hommes et des femmes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 57.

Cet amendement est-il défendu ?

M. Philippe Vuilque. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission, mais l'idée de demander au ministère de l'éducation nationale de dispenser un enseignement contre le racisme ou le sexisme, si elle est excellente, n'a guère de lien avec le texte que nous examinons. Je conseille donc à notre collègue Edmond-Mariette de déposer plutôt cet amendement dans le cadre de l'examen du projet de loi d'orientation sur l'enseignement. Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Cet amendement ne mangeait pas de pain, comme on dit : il nous a paru utile d'indiquer dans cet article que l'éducation nationale a un rôle essentiel à jouer dans l'apprentissage de la citoyenneté et la lutte contre les discriminations. Cela va mieux en le disant.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 30.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. L'amendement n° 30 aura vécu, comme les dispositions qui auraient pu être votées dans le projet de loi de cohésion sociale, puisqu'il se référait explicitement à l'anonymat des curriculum vitae avant le premier entretien d'embauche. Il s'agissait donc d'une anticipation du contenu supposé du projet de loi de cohésion sociale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Le texte précédent a fait litière de cet amendement. Même motif, même punition.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Défavorable. Je souhaite cependant vous préciser, monsieur le député, que M. Borloo a indiqué hier soir qu'il avait demandé à M. Roger Fauroux de piloter une commission chargée de réfléchir à la procédure la plus appropriée, conventionnelle ou législative, pour répondre à votre préoccupation, que nous partageons. Peut-être accepterez-vous de retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Bloche, retirez-vous votre amendement ?

M. Patrick Bloche. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 30 est retiré.

Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Article 15

M. le président. Sur l'article 15, je suis saisi d'un amendement n° 31.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Il s'agit d'un amendement de précision, qui se justifie par son texte même. Il précise que le rapport que la Haute autorité remettra chaque année au Président de la République, au Parlement et au Premier ministre rend compte des discriminations portées à sa connaissance.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Cette précision rédactionnelle est franchement inutile. J'en suis désolé pour les auteurs. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Cet amendement ne me semble rien apporter au texte. Que vous acceptiez de le retirer, monsieur Bloche, m'éviterait de demander son rejet.

M. le président. Monsieur Bloche, retirez-vous l'amendement n° 31 ?

M. Patrick Bloche. J'accepte, en espérant montrer l'exemple pour certain amendement déposé à l'article 17 quater. (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 31 est retiré.

Je mets aux voix l'article 15.

(L'article 15 est adopté.)

Article 16

M. le président. Sur l'article 16, je suis saisi de deux amendements identiques, nos 5 et 19.

La parole est à Mme des Esgaulx, pour soutenir l'amendement n° 5.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. L'article 16 définit les règles relatives à la gestion financière de la Haute autorité. Il prévoit que les crédits nécessaires à l'accomplissement de la mission de celle-ci sont inscrits au budget du ministère chargé des affaires sociales, pour 10,7 millions d'euros. Ce budget, qui n'est pas négligeable, figure déjà dans le projet de loi de finances.

L'article 16 confie au président de la Haute Autorité le pouvoir d'ordonnancer les recettes et les dépenses de la future instance. Ce pouvoir est généralement confié à certaines autorités administratives indépendantes disposant d'un pouvoir de contrôle, comme le Conseil constitutionnel ou l'autorité chargée de la Légion d'Honneur. Or, la Haute autorité ne dispose pas de ces pouvoirs régaliens et de ces possibilités de sanction. Ce pouvoir est une garantie supplémentaire d'indépendance, qui affranchit le président de toute tutelle ministérielle et lui permet d'utiliser un budget globalisé.

Si nous laissions tel quel l'article 16, la Cour des comptes exercerait un contrôle a posteriori des comptes de la Haute autorité, tout en lui permettant de se soustraire à l'application de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées : les dépenses de la Haute autorité ne seraient pas soumises au contrôle a priori d'un contrôleur financier du ministère des finances.

Lors de la discussion budgétaire, j'ai déjà été amenée à souligner, en qualité de rapporteure spéciale du budget de la solidarité, ce qui me semble être une anomalie, et le Gouvernement s'est engagé, dans la discussion, à examiner favorablement un amendement de principe sur cette question. Le 8 juillet, le Conseil d'État a recommandé un tel contrôle. Pour toutes ces raisons, je demande la suppression du 3e alinéa de l'article 16 et le retour à une procédure budgétaire plus convenable pour la Haute autorité, qui dispose d'un budget très important. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard pour soutenir l'amendement n° 19, identique au précédent.

M. Michel Bouvard. Je n'ajouterai que deux points à l'excellente argumentation de Marie-Hélène des Esgaulx. Dès avant l'examen du texte que nous examinons aujourd'hui, des crédits avaient très logiquement été inscrits pour la Haute autorité dans le projet de loi de finances pour 2005, puisque le Gouvernement avait déjà décidé sa création. Le volume des crédits nécessaires au fonctionnement de la Haute autorité, le montant de 10,7 millions d'euros qu'a rappelé Marie-Hélène des Esgaulx a fait l'objet d'un débat, et apparaissait à la commission des finances comme très important pour une première année de fonctionnement, notamment par comparaison avec les crédits, par exemple, de la délégation aux droits de la femme ou de hautes autorités comparables, à effectifs comparables, dans d'autres pays. Il nous avait semblé qu'il était sans doute possible d'être plus économe de l'argent du contribuable. La commission des finances avait proposé une réduction de moitié de ces crédits. Après discussion avec la ministre, que je tiens à remercier publiquement de son esprit d'ouverture et de sa volonté de conciliation et de respect du Parlement, nous étions parvenus à un montant de 8 millions d'euros.

Malheureusement, pour des raisons que j'ignore, le Gouvernement a jugé utile de présenter dans l'article récapitulatif de la loi de finances un amendement de deuxième délibération rétablissant l'intégralité des crédits. Je le dis clairement, comme l'a fait pour sa part le président de la commission des finances : nous avons considéré qu'il s'agissait d'une mauvaise manière faite au Parlement et, singulièrement, à sa commission des finances, qu'animait la volonté de maîtriser la dépense publique et d'éviter une inflation budgétaire liée à la création de nouvelles structures, alors même que d'autres membres du Gouvernement, comme Éric Woerth, sont chargés de réduire les structures spécifiques.

Il nous est également apparu - et c'est la deuxième raison pour laquelle nous proposons cet amendement - qu'il était parfaitement anormal qu'une telle structure, qui ne dispose pas du pouvoir de sanction et n'exerce pas de pouvoirs régaliens, soit exonérée du contrôle a priori des magistrats de la Cour des comptes. Vous avez bien voulu le reconnaître, madame la ministre, et nous y avons été sensibles. Aujourd'hui, et d'autant plus si des doutes existent quant à ses moyens financiers, cette Haute autorité doit pouvoir être soumise, dès sa prise de fonctions, au contrôle des autorités financières de l'État. C'est la moindre des choses, et cela d'autant plus que, comme nous le savons, dans d'autres structures, certaines personnes ont pu n'être pas totalement irréprochables dans la bonne gestion des crédits publics. Il nous faut donc nous prémunir contre la répétition de certains incidents.

Tel est donc le sens des amendements que nous avons déposés - qui ont reçu, je le précise, un large soutien de l'ensemble de la commission des finances.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Vous êtes témoin comme moi, monsieur le président, de la montée en puissance de la commission des finances (Rires sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) à l'occasion d'un texte qui n'a pourtant pas grand-chose à voir avec elle.

M. Michel Bouvard. Il s'agit tout de même d'un budget de 10,7 millions d'euros !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je voudrais vous faire part de ma perplexité. La France compte environ une trentaine d'autorités administratives indépendantes, les AAI. Manifestement elles n'ont pas toutes le même pouvoir ni ne bénéficient toutes des mêmes exonérations de contrôle, financier notamment.

M. René Dosière. Et alors ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La commission des lois du Sénat et notre commission des lois ont réfléchi aux moyens de réactiver l'office parlementaire d'évaluation de la législation, une structure peu connue, lancée par le président Séguin il y a quelques années. Ce « truc » devrait marcher, mais il ne marche pas.

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il faudrait qu'il se réunisse !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. J'ai récemment soumis au sénateur Hyest l'idée de nous intéresser à ces organismes plus ou moins bien identifiés que sont les AAI.

M. Michel Bouvard. Le conseil d'analyse de la société par exemple !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. On pourra ainsi faire le tri entre ceux qui seront exonérés du contrôle financier et ceux qui y seront soumis, et ainsi de suite. Il faudra aussi distinguer, comme vous l'avez dit, monsieur Bouvard, ceux qui ont des pouvoirs juridictionnels et ceux qui n'en ont pas. Or, je l'ai déjà dit à de nombreuses reprises, cette autorité administrative indépendante en est dépourvue.

Face à l'extraordinaire variété de ces autorités, qui traduit la fécondité conceptuelle de ceux qui les ont conçues, devant cette inflation incroyable, je me range à l'avis de la commission des finances. Je tiens à préciser cependant que la commission des lois ne souhaite pas que la notion d'autorité administrative indépendante soit associée à la nécessité d'un contrôle financier, car c'est antinomique.

C'est pourquoi, si l'avis de la commission n'est pas favorable au principe, s'agissant de cette autorité, qui n'a pas grand-chose à voir avec une AAI, je serai assez prêt à vous rejoindre. Suivez-vous mon raisonnement ?

M. Michel Bouvard et Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Très bien !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je laisse maintenant à l'Assemblée le soin de voter.

M. le président. Si j'ai bien compris, monsieur le président, la motion de synthèse à laquelle vous êtes parvenu équivaut à un appel à la sagesse ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Le Gouvernement est favorable à ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5 et 19.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 16, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 16

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 43 rectifié et 33, portant articles additionnels après l'article 16, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l'amendement n° 33.

M. Patrick Bloche. L'amendement n° 33 du groupe socialiste rejoint en effet la préoccupation que traduit l'amendement n° 43 rectifié de nos collègues Billard, Cochet et Mamère.

Le groupe socialiste a considéré qu'à partir du moment où nous inscrivons dans la loi des dispositions visant à lutter contre les discriminations, il fallait saisir cette opportunité pour ne pas travailler en droit constant et pour élargir le champ des motifs de discrimination.

En l'occurrence, cet amendement vise très précisément à prendre en compte un nouveau motif de discrimination, à savoir l'identité de genre. Nous considérons en effet que les missions de la Haute autorité - et nous soutiendrons une proposition similaire s'agissant de la sanction des propos discriminatoires - doivent prendre en compte les personnes transsexuelles et transgenres, qui sont régulièrement victimes de discriminations et souvent stigmatisées pour ce qu'elles sont.

Nous souhaitons donc aller plus loin, dans une démarche très volontariste, que j'avais déjà défendue en première lecture. Il s'agit de compléter l'article 225-1 du code pénal, article fondateur en matière de motifs de discrimination. Mais il convient également de compléter la loi de 1989 sur les rapports locatifs et de modifier deux articles du code du travail, l'article L. 122-35 et l'article L. 513-3-1, ainsi que la loi de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Si nous voulons, chers collègues, montrer notre capacité à prendre en compte des discriminations nouvelles, et afin d'élargir le champ de notre intervention législative, il convient de voter cet amendement, qui, correspondant à une préoccupation nouvelle, mérite toute l'attention de la représentation nationale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. L'amendement de M. Bloche, et je le suppose, celui de Mme Cochet, M. Billard et M. Mamère...

M. Jean-Claude Lefort. Lamentable !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ...ont effectivement pour but de viser d'autres cas de discriminations fondées sur le sexe. Or d'après la Cour de justice des communautés européennes, la prohibition des discriminations fondées sur le sexe prévoit le cas des conversions sexuelles, c'est-à-dire le cas des transsexuels. Autrement dit, monsieur Bloche, votre amendement est satisfait par la jurisprudence de la Cour de Justice des communautés européennes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Même avis que M. le président de la commission.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Moi qui suis attentif à vos propos, monsieur le président de la commission des lois, j'ai bien noté que vous avez dit vouloir répondre à l'amendement de Mme Cochet et de M. Billard. J'ai senti venir le moment où vous alliez répondre aussi à l'amendement de Mme Bloche. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela ne me fait pas rire. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. C'est un lapsus, veuillez m'en excuser.

M. Patrick Bloche. Je veux bien le prendre comme tel. J'avais cru y voir comme la marque d'un « humour » qui, certes, ne sera pas sanctionné par les dispositions que nous votons, mais qui fait bien peu de cas de la souffrance morale des personnes transsexuelles et transgenres, et des difficultés qu'elles vivent, notamment à l'occasion de leur changement de sexe et donc d'identité de genre. Je pense que la question est suffisamment sérieuse pour qu'on la prenne en compte tranquillement et calmement.

Votre réponse, monsieur le président de la commission, me paraît insatisfaisante et insuffisante. Non que la référence à la jurisprudence européenne ne soit pas une référence solide, d'autant que c'est en grande partie en prenant appui sur l'Europe que nous avons changé ces dernières années à la fois notre code pénal, notre code civil et notre code du travail. Cela fait en effet cinquante ans que l'Europe est pionnière en matière d'égalité des droits. Mais je pense qu'il était utile d'inscrire cette précision dans notre droit interne, car, en l'occurrence, ce qui compte c'est l'écriture de notre droit national. Notre assemblée aurait pu à cette occasion envoyer un signal positif aux personnes transsexuelles ou transgenres.

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Je crois, comme vous, monsieur Bloche, que la question est importante. Quand tout à l'heure, à la tribune, j'ai voulu qualifier l'idéologie qui sous-tendait tous ces textes que nous voyons se succéder depuis quelques années, je l'ai appelé l'idéologie du gender.

M. Jean-Claude Lefort. Parlez français !

Mme Christine Boutin. On m'a répondu, sur les bancs de la gauche, que mes propos étaient complètement déplacés, et que cela n'avait pas lieu d'être évoqué à la tribune de l'Assemblée nationale. Et voilà que M. Bloche, que je respecte, même si je suis contre lui naturellement, nous fait une proposition qui est l'exacte traduction de l'idéologie du queer.

M. Jean-Claude Lefort. Mais de quoi parlez-vous ?

Mme Christine Boutin. Apparemment vous n'avez pas écouté ce que j'ai dit tout à l'heure.

M. Patrick Bloche. Si, mais je n'avais déjà pas compris !

Mme Christine Boutin. Quand j'ai voulu évoquer, à la tribune, la théorie du queer, je me suis montrée prudente, par crainte que mes collègues ne pensent que j'exagérais, ...

M. Christophe Caresche. Quelle idée !

Mme Christine Boutin. ...que j'étais excessive et que mes idées relevaient du fantasme.

M. René Dosière. Comme si c'était votre genre !

Mme Christine Boutin. Or l'amendement de M. Bloche est l'illustration exacte de l'idéologie que je dénonçais tout à l'heure.

Je me permets donc, mes chers collègues, d'appeler votre attention sur l'esprit général qui préside à ce texte. Depuis des années, par une politique des petits pas, nous allons vers l'introduction du communautarisme dans notre pays, idéologie qui est absolument à l'opposé des principes républicains fondamentaux qui ont fait la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. J'ai pour vous, madame Boutin, le plus grand respect - nous avons passé suffisamment d'heures ensemble dans l'hémicycle, même si vous êtes contre moi, sans être tout contre (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), je le précise. Mais quand vous nous parlez de gender, de queer, je ne comprends rien à tout cela, je l'avoue très sincèrement. Ce sont pour moi des références idéologiques incompréhensibles.

Mme Christiane Taubira. Ça fait quinze ans que c'est démodé !

M. Patrick Bloche. Nous sommes, en tant que députés socialistes, des républicains. Notre seul souci c'est le respect de l'article 1er de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 1er de la Constitution, qui proclament le principe d'égalité, en l'occurrence l'égalité des droits. Et nous voulons inscrire dans notre droit des dispositions qui visent à une plus grande égalité des droits. Voilà tout ce qui nous préoccupe.

Vous nous accusez de communautarisme : soyez sûre, madame Boutin, qu'en acceptant de laisser des personnes isolées, sans protection face à des discriminations persistantes, vous les poussez, quoi que vous disiez, vers un repli communautariste. Contrairement à ce que vous affirmez, à ce que vous pensez, c'est votre démarche de refus qui favorise le communautarisme. La nôtre, en revanche, favorise la République, où chacun doit avoir sa place. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois, rapporteur.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je comprends tout à fait votre position, monsieur Bloche, et j'admets très volontiers en particulier votre dernière observation : je vous rejoins en effet pour penser que ne pas accepter certaines transformations revient à nourrir le communautarisme.

Permettez-moi cependant de vous lire la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes. Elle précise en effet « qu'en aucun cas le droit de ne pas être discriminé dans le travail en raison de son sexe, prévu par la directive du 9 février 1976, ne saurait être réduit aux seules discriminations découlant de l'appartenance à l'un ou l'autre sexe. Il a vocation à s'étendre aux discriminations qui trouvent leur origine dans la conversion sexuelle, celles-ci étant fondées essentiellement, sinon exclusivement, sur le sexe de l'intéressé ». C'est précisément le cas que vous avez souligné, à bon droit. Vous pouvez donc faire savoir à qui de droit que ce cas est très explicitement prévu par la jurisprudence de la Cour de justice.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort. Monsieur le président, c'est à vous que je m'adresse : on ne peut pas délibérer en anglais. Je n'ai absolument rien compris de ce que disait Mme Boutin ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Christine Boutin. Je peux recommencer, si vous voulez !

M. Jean-Claude Lefort. Cela me choque et, véritablement, m'énerve. Madame Boutin, les termes en anglais n'ont pas place dans cet hémicycle ! (« Et en russe ? » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je souhaiterais donc avoir une traduction en français de votre intervention.

Monsieur le président, est-ce possible de délibérer en français ?

M. le président. Non seulement c'est possible, mais c'est indispensable.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Monsieur Bloche, c'est vous qui rompez l'égalité des droits. La jurisprudence de la loi sur la diffamation et sur l'injure établit, en effet, une égalité formelle des droits. La seule exception qui a été faite, c'est la loi sur le racisme et l'antisémitisme, qui change la qualification. Devant la diffamation et l'injure, tous les citoyens sont à l'égalité ; c'est le juge qui décide, en situation, de ce qui est diffamatoire, et qui attribue les peines. Vous êtes en train de créer une inégalité profonde des droits en instituant une nouvelle qualification pour plusieurs catégories d'individus, dont je veux bien reconnaître les difficultés, mais pourquoi elles et pas les autres ? C'est votre logique. Pour ma part, je reprends exactement la même logique, mais en la retournant au profit de l'égalité. Laissez la loi telle qu'elle est. Elle est bonne. Elle est bien appliquée.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que, jusqu'à présent, les juges n'ont pas réussi encore à appliquer la loi que nous avons votée sur le racisme et l'antisémitisme. Ils n'ont pas trouvé la formule qui leur permette de l'appliquer. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous continuons dans ce pays à avoir des attentats antisémites.

M. Jean-Claude Lefort. N'importe quoi !

M. Claude Goasguen. Mais oui, c'est la vérité. Regardez la jurisprudence !

M. Jean-Claude Lefort. N'importe quoi ! Comme d'habitude !

M. Claude Goasguen. Comment ça, n'importe quoi ?

M. le président. Monsieur Lefort, vous n'avez pas la parole.

M. Claude Goasguen. Monsieur Lefort, vous ne comprenez peut-être pas l'anglais, mais là je parle français : il y a dans ce pays des attentats antisémites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Sans vouloir me transformer en interprète, ce qu'a dit Mme Boutin est assez simple, monsieur Lefort : c'est du George W. Bush dans le texte. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur Goasguen, il s'agit, non d'empiler des textes pour en faire plus, mais de lutter contre le racisme et l'antisémitisme. C'est aussi un combat pour les valeurs. Car un minimum de pédagogie et de tolérance pour accepter les différences dans une société républicaine contribue à faire reculer les préjugés et donc, d'une certaine façon, à faire reculer aussi l'antisémitisme et toutes les formes de racisme. C'est un combat qui n'a pas lieu seulement à travers les textes que l'on vote, mais aussi à travers l'attitude, les propos et les luttes que l'on mène dans la société. Et là, madame Boutin, je suis obligé de vous le dire : ce soir, vous êtes du côté de la réaction. Vous êtes encore une fois en train de le démontrer ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et je m'aperçois que dans les rangs de l'UMP, vous n'êtes pas seule ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43 rectifé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Avant l'article 17

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 41 portant article additionnel avant l'article 17.

La parole est à M. le président de la commission des lois, pour le soutenir.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement est adopté.)

Article 17

M. le président. Sur l'article 17, je suis saisi de quatre amendements, nos 9, 34, 45 et 32, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 34 et 45 sont identiques.

La parole est à M. le président de la commission des lois, pour défendre l'amendement n° 9.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Comme l'amendement précédent, celui-ci vise à rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale. Le Sénat a élargi le droit à l'égalité de traitement et l'aménagement de la charge de la preuve à l'ensemble des discriminations. À cette fin, il a repris la liste des critères de discrimination qui figure, depuis la loi du 16 novembre 2001, dans le code du travail. Or vous savez que l'originalité de ce texte, c'est l'inversion de la charge de la preuve : la victime n'a pas à prouver qu'elle est victime, c'est à l'accusé de prouver qu'il n'a pas discriminé. Or, étendre ainsi cette inversion de la charge de la preuve me paraît aller beaucoup plus loin que ce que veut l'auteur de ce projet de loi et, surtout, que ce qui est souhaitable dans l'intérêt de la législation française. Cette inversion ne doit qu'être exceptionnelle et ne pas devenir le droit commun.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je suis étonné et peiné que le président de la commission des lois ait pris l'initiative de cet amendement. Car je trouve que le Sénat a fait du bon travail en étendant à tous les critères de discrimination l'aménagement de la charge de la preuve, et ce au bénéfice des victimes. Or, la commission des lois, et nous le regrettons, propose de rétablir le texte initial, donc une hiérarchie entre les discriminations. Du coup, cela limite l'aménagement de la charge de la preuve aux seules victimes de discriminations racistes.

L'élargissement, selon le président de la commission des lois, poserait des problèmes juridiques. En ce qui nous concerne, nous avons bien regardé le texte, nous en avons vu les conséquences. Vraiment rien ne justifie une telle différence de traitement. Nous craignons que soit établie une discrimination là où nous devons, collectivement, faire tomber les discriminations. Le groupe socialiste souhaite que nous en restions à la rédaction du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je fais la même proposition que M. Bloche : restons-en au texte du Sénat. En effet, l'article 17 ne concerne pas que l'accès à l'emploi, il concerne aussi l'ensemble de l'égalité des droits en matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, entre autres. Il est important qu'il y ait égalité des droits pour toutes les catégories établies par le Sénat. Il n'y a pas de raison, notamment par rapport à la protection sociale, de laisser subsister des discriminations à l'endroit de certaines catégories de la population. Sinon, cela laisse évidemment la porte ouverte à des possibilités de discrimination. Il faut rappeler tout de même que la Haute autorité ne pourra se saisir de tels cas de discrimination que si ces catégories sont citées dans la loi. Il est très important de maintenir la rédaction du Sénat.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois, rapporteur.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je donnerai deux exemples.

Le texte du Sénat prévoit un droit à l'égalité de traitement dans l'accès à l'éducation, quelles que soient les convictions religieuses. Je ne suis pas du tout sûr que cette disposition soit compatible avec la loi sur le port des signes religieux à l'école.

Il y a un second exemple, où le texte du Sénat ne fonctionne tout simplement pas : c'est lorsqu'il prévoit une inaptitude constatée par le médecin du travail, alors que l'article 17 ne s'appliquera pas qu'aux salariés. Là encore, ce n'est pas praticable. Vous voyez bien qu'on peut comprendre la volonté du Sénat, mais, en aucun cas, garder la rédaction actuelle. Et comme je vous le disais à l'instant, faisons attention : l'inversion de la charge de la preuve doit être maniée avec beaucoup de précaution.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour présenter l'amendement n° 34.

M. Patrick Bloche. Je tiens à dire à M. le président de la commission des lois combien il a été peu persuasif. Car nous pensons que la rédaction du Sénat reprend l'esprit et la lettre de la directive européenne qui est transposée à l'article 17. Je répète que l'Europe, depuis cinquante ans, est pionnière dans la lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Son action très volontariste a eu un effet d'entraînement dans nombre de pays européens. L'article 13 du traité d'Amsterdam et l'article 21 de la charte des droits fondamentaux sont autant de références qui ont permis de mettre à jour notre droit interne.

Mme Ameline assurait tout à l'heure qu'avec ce texte, la France sera à l'avant-garde de l'Union européenne. Je l'ai trouvée trop enthousiaste. Avec ce texte, la France ne sera pas à l'arrière-garde, mais dans une bonne moyenne. Des pays frontaliers, notamment au Sud, vont tout de même plus loin et plus vite.

Avec cet article, nous allons établir une discrimination entre les discriminations en ce qui concerne l'aménagement de la charge de la preuve, et je le regrette.

Quant à l'amendement n° 34, il est de cohérence : il vise à intégrer l'identité de genre. Je l'ai donc déjà défendu.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour présenter l'amendement n° 45.

Mme Martine Billard. J'observe, monsieur le président de la commission des lois, que, selon vous, on ne pourrait pas préciser que l'inaptitude est constatée par le médecin du travail, parce que cela ne concerne que les salariés. Mais je vous fais remarquer que nous avons voté, dans la loi de cohésion sociale, une modification du code du travail, qui impose l'obligation de parler le français ou d'apprendre le français aux seuls salariés. Pour ma part, je m'étais opposée à cette disposition, considérant qu'il y avait discrimination entre les salariés et les non salariés. Visiblement, la position de la majorité varie selon les textes : dans certaines lois, on peut faire des différences ; dans d'autres, on ne le pourrait pas.

Quant à mon amendement, il est relatif à l'identité de genre. M. Goasguen nous a expliqué qu'on avait déjà du mal, avec les lois existantes, à lutter contre l'antisémitisme et que ce n'était pas la peine de rajouter des lois que nous n'étions pas sûrs de faire appliquer. Dans ce cas, on pourrait réduire la durée de la session parlementaire, parce que nous n'avons jamais la certitude de pouvoir faire appliquer sérieusement les lois que nous votons ! Il faudrait tout de même trouver un argument plus sérieux pour s'opposer à l'élargissement de l'égalité des droits à tous les citoyens, et dans tous les cas.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour présenter l'amendement n° 32.

M. Patrick Bloche. J'espère que cet amendement recevra un meilleur accueil. Il vise à élargir l'aménagement de la charge de la preuve à toutes les victimes de discriminations visées non seulement par la directive du 29 juin 2000 que nous transposons, mais également de discriminations visées par l'article 225-1 du code pénal, tel qu'il résulte de la loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades. C'est pour cela que nous souhaitons que le critère des caractéristiques génétiques soit intégré à l'article 17.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 34, 45 et 32 ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. J'ai répondu sur l'ensemble de ces points quand j'ai présenté l'amendement n° 9. Ces amendements proposent d'aménager la charge de la preuve à toutes les victimes de discriminations. J'ai rappelé tout à l'heure combien il fallait manier cette inversion de la charge de la preuve avec précaution. L'avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Le Gouvernement est défavorable aux trois amendements, nos 34, 45 et 32.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.

Mme Christiane Taubira. Une remarque d'abord : si des lois ne sont ni appliquées ni applicables, c'est très souvent parce que les décrets d'application tardent à paraître. Autrement dit, l'exécutif ne donne pas au travail du législateur le prolongement nécessaire à son application.

Mais je voudrais revenir sur les dernières interventions de M. Clément. Il a parlé à trois reprises de l'inversion de la charge de la preuve. Le fréquentant assidûment à la commission des lois, nous le savons trop pointilleux sur le chapitre de la sémantique pour croire qu'il s'agit d'une erreur.

Or il n'est nullement question, en l'occurrence, de l'inversion mais seulement de l'aménagement de la charge de la preuve. En parlant d'inversion, il laisse croire que les choses sont simples pour les victimes. Aménager la charge de la preuve, c'est faire en sorte que la victime puisse présenter les faits et que l'accusé ait, lui, à démontrer que ce n'est pas par discrimination ou par racisme qu'ils ont été commis. Ce n'est pas du tout la même chose que l'inversion de la charge de la preuve, qui dispenserait totalement la victime de présenter des faits.

Je le répète, les choses ne sont pas si simples pour les victimes, et ne croyez pas qu'on les simplifie une fois de plus. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements n°s 34, 45 et 32 tombent.

M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié par l'amendement n° 9.

(L'article 17, ainsi modifié, est adopté.)

Avant l'article 17 bis

M. le président. Je suis saisi de deux amendements portant articles additionnels avant l'article 17 bis.

L'amendement n° 22 n'est pas défendu.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 53.

Mme Martine Billard. La Haute autorité de lutte contre les discriminations ne peut intervenir que sur les discriminations « prohibées par la loi », en vertu de l'article 1er du présent projet de loi.

L'amendement n° 53 tend à préciser qu'il n'est pas normal de tenir des propos publics discriminatoires - diffamation, injures, provocation à la haine - à caractère sexiste, homophobes, transphobes ou discriminatoires envers les personnes, à raison de leur situation de handicap ou de leur état de santé. Il s'agit aussi de permettre à toute association régulièrement déclarée de se porter partie civile pour défendre des personnes victimes de telles infractions, ainsi que d'obtenir un droit de réponse par voie de presse.

Je sais qu'un grand débat s'est ouvert sur le sujet et qu'on a dit que si on légiférait sur la liberté de la presse, il n'y aurait plus de liberté de la presse. Mais n'a-t-on pas jugé nécessaire d'autoriser le droit de réponse et de permettre des poursuites en cas de propos racistes et antisémites ? Et c'est heureux !

Il me paraît tout aussi important de prévoir que des personnes, qui ont été insultées ou contre qui ont été lancées des provocations à la haine par voie de presse, puissent exercer un droit de réponse ou se pourvoir en justice, de façon à faire cesser les faits.

On nous a opposé que cela aboutirait à museler la presse. Mais les associations, dont on précise qu'elles sont déclarées depuis cinq ans, sont suffisamment responsables pour ne pas utiliser ces possibilités à tort et à travers. D'ailleurs, si elles le faisaient, leur plainte ne serait pas retenue ; elles n'auraient donc aucun intérêt à le faire.

Je ne doute pas que les grands médias restent à l'écart de tels excès, mais il peut arriver qu'une « feuille de choux » appelle à la haine, vous le savez bien. Il faut que les personnes visées puissent se défendre. C'est fondamental.

M. Claude Goasguen. Mais c'est le cas !

Mme Martine Billard. J'ajoute que, contrairement à ce que proposera un amendement, il faut que l'ensemble des associations constituées depuis cinq ans puissent ester en justice, et non pas seulement les associations déclarées d'utilité publique, car il n'y en a aucune dans le champ dont nous traitons.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je m'étonne que les Verts veuillent exercer une telle censure sur la presse.

Mme Martine Billard. On l'a fait pour le racisme !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La règle, en France, est la liberté d'expression. La loi de 1881 est extraordinairement précise mais aussi extrêmement jalouse quant à la liberté de la presse. Nous avons créé une dérogation : l'interdiction dans la presse des propos racistes ou antisémites. Mme Billard veut étendre cette interdiction à tout ce qui lui passe par la tête - état de santé, handicap, mœurs, orientation sexuelle, identité de genre, appartenance vraie ou supposée à une ethnie, à une nation, etc ! Autrement dit, la presse serait muselée !

Ce sur quoi nous voulons mettre l'accent, c'est sur le respect dû aux races...

Mme Martine Billard. Il n'y a pas de races !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ...et aux religions, la religion juive en particulier. Accepter votre amendement, madame Billard, reviendrait à les banaliser. C'est une très mauvaise idée et la commission des lois y est tout à fait opposée.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 53.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Comme en toute chose, il faut garder le sens de la mesure. Or l'amendement n° 53 va beaucoup trop loin, pour les raisons invoquées très justement par le président de la commission des lois, en introduisant un droit de réponse là où ce n'est pas nécessaire et en élargissant considérablement le champ de l'exception.

Vous souhaitiez, je pense, madame Billard, souligner la gravité des faits que vous avez cités. Le débat vous aura permis de le faire. Néanmoins, votre proposition n'est pas raisonnable en droit et je vous suggère de retirer votre amendement.

M. Claude Goasguen. Amendement liberticide !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Nous avons créé une exception pour le racisme, et c'est bien. Je suis pour que l'on poursuive les propos racistes et antisémites, et il faudra bien régler aussi, car la loi ne le fait pas, le problème des sites racistes et antisémites sur internet. Apparemment, le phénomène n'est pas si simple à juguler.

De la même manière, on ne peut tolérer des propos homophobes dans la presse - je ne prétends pas qu'il y en ait constamment - parce qu'il y a eu, dans notre pays, des agressions homophobes, dont certaines mortelles.

M. Claude Goasguen. Mais il y a une loi !

Mme Martine Billard. Je l'ai dit, je ne vise pas les grands médias, mais la loi ne fait pas la différence. Laisser la faculté à de « petits médias » de tenir des propos homophobes sans risque d'être poursuivis, c'est laisser la porte ouverte à l'escalade. Tel est le sens de notre amendement. Il ne s'agit nullement de museler la presse : les Verts sont pour une presse libre et indépendante. Mais de même qu'on a considéré que la liberté de la presse devait s'arrêter là où commençaient racisme ou antisémitisme, nous considérons qu'elle doit aussi s'arrêter là où commence l'homophobie.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 17 bis

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 17 bis.

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Nous abordons, à présent, les sujets qui fâchent. Que les choses soient très claires : j'adhère totalement à l'essentiel du texte, c'est-à-dire à la nécessité de lutter contre toutes les formes de racisme et de sexisme. Mais le sujet n'est plus celui-là, c'est à présent l'homophobie.

Monsieur le ministre de la justice, vous aviez présenté, le 23 juin 2004, un projet de loi visant à lutter contre toutes les formes d'homophobie. Ce projet a suscité de multiples réactions négatives, en particulier celle de la CNCDH, la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

Le Gouvernement a donc retiré ce projet de loi, ce qui était sage, mais il réintroduit, par le biais de trois amendements au projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, les dispositions essentielles du texte qui venait d'être abandonné.

La méthode retenue me surprend. Je considère qu'il s'agit d'un changement de portage. Si le vecteur n'est plus le même, le contenu reste pour l'essentiel identique. Cela ressemble fort à un artifice. Quel en est donc le but ? N'est-ce pas, comme le prétendent certains, pour anesthésier un groupe majoritaire, que l'on disait réservé sur le texte ?

De plus, utiliser la forme de l'amendement prive le Gouvernement, et nous aussi, de l'avis du Conseil d'État, avis qui aurait été d'autant plus précieux que l'on peut s'interroger sur la constitutionnalité du texte, comme le disait fort justement M. Garraud.

En tout état de cause, ce changement de portage ne modifie en rien l'opinion négative exprimée par le CNCDH, son président, M. Thoraval, me l'a confirmé.

Françoise Hostalier, ancienne ministre, présidente « d'action droits de l'homme », qui rapportait ce texte à la CNCDH, nous écrit évoquant ce changement de portage : « Ce procédé est déjà surprenant dans un régime démocratique, mais ce qui l'est encore plus c'est que la présentation qui est faite de cette opération aux sénateurs laissait entendre qu'elle se faisait avec l'accord de la CNCDH. Il n'en est rien, je me permets de rétablir la vérité ».

En tout état de cause, de telles dispositions nécessitaient le temps de la réflexion. Nous ne l'avons pas pris, je le regrette.

Cette précipitation se justifie-t-elle par une situation objective ? La seule justification résiderait dans des agressions physiques, réelles mais rares, que des individus ont subies en raison de leur orientation sexuelle. Mais notre droit, fort heureusement, punit avec une extrême rigueur ce genre de comportement, et nous avons pris des dispositions législatives pour faire du motif de l'orientation sexuelle de la victime un facteur aggravant.

Ma conviction est donc qu'aucun élément de fait ne justifiait de telles évolutions de notre droit, d'autant qu'il a évolué quant à la défense des personnes homosexuelles. La loi du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure ajoute au code pénal l'article 132-77, qui prévoit expressément la possibilité de retenir une nouvelle circonstance aggravante lorsque le crime ou le délit est commis en raison de l'orientation sexuelle de la victime. Le même esprit anime la loi Perben II.

Personne ne peut donc prétendre qu'il y aurait vide juridique.

Ne voyant ni des raisons de fait, ni des raisons de droit qui justifieraient les dispositions qui nous sont présentées, je crains que, hélas, une fois de plus, nous ne sacrifions à un groupe de pression puissant et influent. Notre expérience gouvernementale depuis deux ans nous a pourtant appris qu'il ne sert à rien de céder aux insistances des groupes de pression, quels qu'ils soient, que le bénéfice politique que nous sommes supposés en tirer est loin d'être évident, et que l'immense majorité de nos concitoyens - j'en appelle à vous, mes chers collègues de l'UMP - attendent de nous tout autre chose. Je n'ai vraiment pas le sentiment d'avoir été élu pour ajouter au catalogue des mesures catégorielles.

Sur le fond, les amendements proposés par le Gouvernement heurtent deux principes fondateurs, celui de la liberté d'expression et celui de l'universalité du droit.

La liberté de parole est le pendant logique de la démocratie. Le législateur français a estimé à juste titre que, dans des cas très limités, au nom de la défense de l'essence même de l'humanité, la liberté de parole pouvait être restreinte. Il en est ainsi des propos manifestant une adhésion aux crimes contre l'humanité ou aux crimes contre l'espèce humaine. Il en est de même pour les propos à caractère raciste ou antisémite.

Je ne considère pas que les propos réputés homophobes appartiennent au même registre. Si on les interdisait, ne faudrait-il pas aussi interdire, comme l'a dit Christine Boutin, les propos extrêmement blessants qui s'en prennent à une catégorie physique ? Je pense aux nains, aux obèses ou aux trisomiques, qui souffrent du regard que la société porte sur eux.

Un groupe peut aujourd'hui, dans notre société, se dénommer « nique ta mère » sans subir la moindre récrimination. Certes, on comprend que des propos déplacés puissent être moralement condamnables, mais il ne revient pas au législateur de faire de la pédagogie. La loi est faite pour décider de l'interdit.

Je note d'ailleurs les plus extrêmes réserves de la presse à l'égard du projet, certains souhaitant réduire l'opposition à ce texte à quelques esprits supposés conservateurs. La Fédération nationale de la presse française s'étonne, dans un communiqué, que les pouvoirs publics puissent ainsi prendre la responsabilité d'une aggravation des peines prévues en cas d'injure ou de diffamation et d'une restriction importante de la liberté d'informer, favorisant ainsi une autocensure permanente. Ce n'est pas Mme Boutin ou moi-même qui avons écrit cela. Je pourrais d'ailleurs citer un communiqué analogue de Reporters sans frontières...

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Le Fur !

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, la discussion générale a été si courte qu'il me semble légitime de pouvoir nous exprimer maintenant. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je crains que ce texte aboutisse, non à protéger une minorité qui subirait des humiliations, mais à lui conférer le statut de communauté, ce qui transformerait notre République en un vaste archipel de communautés identitaires juxtaposées.

M. Patrick Bloche. N'importe quoi !

M. Marc Le Fur. Ce modèle communautaire n'est pas revendiqué par l'ensemble des personnes homosexuelles. J'en veux pour preuve l'hostilité de Jean-Paul Pouliquen (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Patrick Bloche. Il n'est pas homosexuel !

M. Marc Le Fur. ...l'un des principaux initiateurs du PACS, qui considère ce projet comme liberticide. Ce texte ne fait donc pas l'unanimité au sein de la communauté homosexuelle, comme on voudrait nous le faire croire.

Mme Christiane Taubira. Est-ce une communauté ou non ? Il faudrait savoir !

M. Marc Le Fur. Ne nous leurrons pas ! Le modèle communautariste directement importé des États-Unis inspire ce texte. Cette communauté a déjà ses signes de reconnaissance, ses fêtes, ses loisirs, ses quartiers et, depuis peu, sa chaîne de télévision.

Comme toute communauté, elle cherche une reconnaissance légale. En adoptant le PACS, le législateur lui a offert cette reconnaissance au regard du droit civil et du droit fiscal. Aujourd'hui, elle cherche à l'acquérir au titre du droit pénal. Voilà l'enjeu. Souhaitons-nous transformer notre pays en une agglomération de communautés dont chacune défendrait des intérêts singuliers ? Tel n'est pas mon sentiment.

Mes chers collègues, certains voudraient faire adopter ce texte au motif que l'essentiel est préservé, à savoir éviter le mariage homosexuel et l'adoption par des homosexuels. Je crains, hélas, que les concessions accordées hier préparent les compromis d'aujourd'hui et que ceux-ci annoncent les renoncements de demain.

Nous devons être conscients qu'il ne s'agit pas d'un élément anecdotique et mineur, et que ce texte recouvre un véritable projet de société auquel, pour ma part, je n'adhère pas. Les amendements introduits à l'occasion de la deuxième lecture me semblent donc sans fondement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Nesme.

M. Jean-Marc Nesme. Je serai bref, Marc le Fur ayant parfaitement traduit mon sentiment. Je rappellerai simplement quelques données qui me paraissent de bon sens.

D'abord, je reprendrai les conclusions de la Commission consultative des droits de l'homme. Si l'on n'écoute pas les instances consultatives créées par la République, à quoi sert de les avoir instaurées ?

La Commission consultative précise dans son rapport : « Toute segmentation de la protection des droits de l'homme remet en cause leur universalité et leur indivisibilité. Ériger l'orientation sexuelle en composante identitaire au même titre que l'ethnie, la nationalité, la religion, fait courir le risque de segmenter la société française en communautés sexuelles, accentuant ainsi l'émergence de tendances communautaristes. » Le projet ne va donc pas dans le sens d'une meilleure protection des personnes homosexuelles que chacun souhaite protéger contre les agressions dont elles peuvent faire l'objet. Qui trop embrasse, mal étreint.

À lire le texte - et je regrette, comme Marc Le Fur, que les amendements aient été introduits à la va-vite -, je m'interroge sur le sens exact de certains néologismes. J'aimerais connaître la définition, qui risque de devenir légale, d'« orientation sexuelle » ou d'« identité de genre ». Je rappelle qu'être sexué vient du latin secare, qui signifie être séparé, en vis-à-vis avec l'autre sexe. Sexe signifie différence, altérité. Il n'existe donc pas de relation entre le mot « sexe » et les amendements introduits dans ce texte.

Comme l'a dit Marc Le Fur, l'État doit-il prendre en charge la vie sentimentale des citoyens, quelle qu'elle soit ? Doit-il se mêler des attraits affectivo-sexuels au point de vouloir leur donner un cadre juridique ?

Considérer l'orientation sexuelle comme une identité, un état de la personne, c'est-à-dire une interprétation purement subjective du désir sexuel, est une erreur. Il n'existe pas deux catégories d'être humains, mais une seule. Et vouloir distinguer entre les êtres humains en fonction de leur orientation sexuelle est une construction purement idéologique, excessivement fragile et dangereuse pour les personnes mêmes que l'on entend protéger.

Lorsque l'idée d'égalité devient une idée fixe en envahissant tout le champ du discours, elle efface la notion de différence au risque d'effacer à son tour celle du respect des différences.

Une certaine police des idées nous imposera sans doute très vite - Marc Le Fur y a fait allusion - que le marché du travail, du logement, des services et des petites annonces ne devant exclure personne en raison de son sexe, de son origine ethnique ou de son orientation sexuelle, ce qui est très bien, il doit en être de même du mariage. Aujourd'hui, on peut légitimement se poser la question : n'est-ce pas ouvrir la porte à ce que l'on ne veut pas nommer ouvertement aujourd'hui ?

Madame Billard, dans notre société, ce ne sont pas les homosexuels qui connaissent les plus grands dangers...

Mme Martine Billard. Établissez-vous une hiérarchie ?

M. Jean-Marc Nesme. ...ce sont les enfants. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. J'ai du mal à comprendre pourquoi certains de nos collègues refont la discussion générale à l'occasion de l'examen de cet article.

M. Christian Vanneste. Tout simplement parce qu'ils n'ont pas eu le temps de développer leurs arguments !

M. Guy Geoffroy. Je vous fais remarquer que, dans la discussion générale, le temps a été partagé en deux...

M. le président. Ne débattez pas entre vous, mes chers collègues ! M. Geoffroy a seul la parole et je vous prie de le laisser s'exprimer.

M. Guy Geoffroy. Certains de nos collègues n'étant pas présents lors de la discussion générale, il me semble utile de rappeler que, sur des questions si délicates, nous devons faire preuve de beaucoup de mesure et de respect envers les différences de jugement. Faute de quoi, des débordements inacceptables pourraient se produire.

Ce texte n'est pas le fruit du hasard. Il résulte d'une déclaration prononcée par le Président de la République le 14 octobre 2002, que je vais vous lire : « Il faut créer une autorité indépendante pour lutter contre toutes les formes de discrimination, qu'elles proviennent du racisme, de l'intolérance religieuse, du sexisme ou de l'homophobie. »

C'est de cette déclaration que proviennent une disposition créant la Haute autorité et un texte envisageant de mettre à niveau la répression envers les discriminations de nature sexiste ou relatives à l'orientation sexuelle.

Le ministre de la justice l'a dit à maintes reprises, le Gouvernement, à l'issue d'un travail normal d'écoute à l'égard de sa majorité et de l'ensemble des composantes de notre société, a fait adopter l'idée d'une évolution dans le traitement de ces questions.

C'est la raison pour laquelle, au Sénat, ont été acceptées la reprise et la mise en forme de certains éléments du projet de loi de juin dernier pour l'intégrer au texte relatif à la Haute autorité. Nous ne devons pas oublier ce fait fondateur.

Je suis étonné que des propos généraux qui s'attachent à un seul aspect de la question nous fassent perdre de vue l'objectif fixé. Je ne peux reprocher à mes collègues de ne pas être membres de la commission des lois, mais celle-ci a adopté l'article 17 bis sans amendement, en présence de ceux d'entre nous qui ont exprimé les plus extrêmes réserves à l'égard de ce texte, ce qui prouve qu'il ne faut pas jeter en pâture des paroles qui ne règlent rien, mais qui peuvent laisser de nous une image que nous ne méritons pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Pour répondre aux intervenants, j'estime qu'il n'est pas inutile de relire l'article 17 bis : « Seront punis des peines prévues à l'alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens » - c'est-à-dire par voie de presse - « auront provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle ou auront provoqué, à l'égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal. » Je rappelle que ces discriminations sont strictement limitées à l'embauche, au logement et aux prestations de services.

Il n'était sans doute pas inutile, compte tenu de ce que nous venons d'entendre, de revenir au texte de l'article, car c'est bien sur ce texte, qui incrimine la provocation à la haine ou à la violence, que vous devez vous prononcer. Il me semble qu'il peut recueillir l'approbation d'une large majorité d'entre vous, d'autant plus que la rédaction qui vous est proposée est celle sur laquelle le Conseil d'État s'est prononcé. En effet, monsieur Le Fur, contrairement à ce que vous affirmez, le projet de loi de juin 2004 a bien été soumis au Conseil d'État, même s'il est exact que l'avis de ce dernier n'a pas été suivi. J'en ai tenu compte, en revanche, dans la rédaction que je vous propose aujourd'hui. Et si je vous la propose, après les débats qui ont eu lieu sur cette question au Parlement et dans l'opinion, c'est parce que la référence à l'article 225-2 du code pénal permet de limiter le risque d'interdire le débat sur des valeurs, des comportements ou des modes de vie.

Soyons clairs : ce débat est libre, et l'approbation de l'article 17 bis ne l'interdirait aucunement. Ce qui doit être interdit, c'est la provocation à la discrimination, à la violence ou à la haine, dans les cas prévus par l'article 225-2 du code pénal. C'est la raison pour laquelle - je le dis en conscience, avec sincérité et conviction - ce dispositif ne remet aucunement en cause la liberté d'expression ni la possibilité, pour celles ou ceux qui sont légitimement impliqués dans les débats sur les valeurs, de continuer à exprimer ce qu'ils pensent sur les modes de vie, les orientations sexuelles ou sur tout autre sujet. Elles n'ont, en effet, rien à voir avec ce qui nous occupe aujourd'hui.

C'est pourquoi vous ne pouvez pas, monsieur Le Fur, monsieur Nesme, prétendre que ce texte est le même que celui du mois de juin.

M. Marc Le Fur. Ce n'est pas l'avis de la CNCDH !

M. le garde des sceaux. La référence à l'article 225-2 constitue une modification fondamentale. C'est justement parce que le Gouvernement a entendu les avis des uns et des autres qu'il a décidé de l'ajouter. Il ne s'agit donc pas, pour reprendre l'expression de M. Le Fur, un simple changement dans le « portage » de la mesure. Il s'agit d'une différence de fond, très importante, et qui, loin de limiter la liberté d'expression, lui redonne tout son sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement, n° 58, tendant à supprimer l'article 17 bis.

J'informe l'Assemblée que, sur le vote de cet amendement, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour le soutenir.

Mme Christine Boutin. Monsieur le président, vous avez annoncé le scrutin un peu trop rapidement : après avoir entendu M. le garde des sceaux, j'ai en effet décidé de retirer mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 58 est retiré, et la demande de scrutin public n'a plus d'objet.

Je suis saisi de cinq amendements, nos 35, 51, 46, 59 et 23, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l'amendement n° 35.

M. Patrick Bloche. Jusqu'à présent, monsieur le président, les députés de l'opposition sont restés, pour l'essentiel, les spectateurs de ce qui s'apparentait à une ultime réunion du groupe UMP. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. René Dosière. Un beau spectacle, en réalité !

M. Claude Goasguen. Allez donc chercher M. Fabius !

M. le président. Chers collègues, M. Bloche a la parole, et lui seul !

M. René André. Il nous provoque, monsieur le président !

M. le président. Peut-être, monsieur André, mais vous n'êtes pas obligé de sauter à pieds joints pour lui répondre. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Bloche. Est-ce une provocation que d'affirmer qu'il y a débat au sein de l'UMP ? Je ne vois pas ce que mes propos ont de désobligeant.

Mme Claude Greff. Parlez donc de votre amendement !

M. Patrick Bloche. Je ne reviendrai pas sur les propos tenus par M. Le Fur et M. Nesme. Non seulement ils sont atterrants, mais - et je le dis très sincèrement et très objectivement - ils redonnent vie à des arguments que nous avons déjà entendus pendant 120 heures dans cet hémicycle lors de la discussion du projet de loi instituant le PACS. Visiblement, pour certains, le compteur des ans est resté bloqué.

Mme Claude Greff. L'amendement !

M. Patrick Bloche. Peut-être vais-je à nouveau être considéré comme provocateur, mais à tous ceux qui nous suspectent de vouloir promouvoir en France un modèle communautariste inspiré des États-Unis, je conseille vivement la lecture du livre de M. Sarkozy. Il constitue en la matière une solide référence !

M. Jean Leonetti. Cela n'a rien à voir !

Mme Claude Greff. Vous n'avez vraiment pas grand-chose à dire pour défendre votre amendement.

M. Patrick Bloche. Il a été fait mention de l'engagement du Président de la République de modifier la loi de 1881. Pour que l'information de l'Assemblée soit complète, je rappelle que M. Chirac ne l'a pas pris à Troyes, en juin 2002, mais six mois plus tôt, en mars, à l'occasion d'une interview accordée à un mensuel, le magazine Têtu, que vous jugerez peut-être communautariste - il est vrai que nous étions alors en pleine campagne présidentielle.

M. René Dosière. Cela permet de mesurer avec quelle célérité il tient ses engagements !

M. Patrick Bloche. Au moins, si ce projet de loi est adopté, cela fera une promesse de tenue.

J'en viens à l'amendement n° 35, qui vise à prendre en compte deux préoccupations du groupe socialiste.

Premièrement, nous ne retrouvons pas dans l'article 17 bis - et M. le garde des sceaux nous a confirmé qu'il s'agit d'un choix délibéré - le texte du projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe, adopté en Conseil des ministres, et sur lequel la commission avait commencé à travailler, nommant rapporteure Mme Barèges et procédant à une série d'auditions.

Nous considérons que le texte proposé, qui complète l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881, est d'un champ d'application trop limité. En effet, il ne réprime que les provocations aux discriminations liées à l'exercice d'une activité économique, en particulier en ce qui concerne l'emploi, le logement et les prestations de service. L'amendement n° 58 vise donc à rétablir le texte proposé par le Gouvernement dans son projet de loi initial.

Notre deuxième préoccupation, que j'ai évoquée lors de la discussion générale, est de prendre en compte, parmi les motifs de discrimination, le handicap et l'état de santé. Il nous paraît en effet indispensable de lutter contre les actes ou les propos discriminatoires - c'est-à-dire les provocations, diffamations ou injures publiques - dont sont victimes les personnes handicapées ou malades.

Je rappelle que notre droit sanctionne déjà les actes - j'insiste sur le mot - à caractère homophobe et sexiste. Il y a peu de temps, nous avons d'ailleurs renforcé les sanctions en la matière et, de fait, la jurisprudence applique ces nouvelles dispositions. Ainsi, en octobre 2003, le tribunal de Charleville-Mézières a condamné de manière exemplaire, par deux mois de prison ferme, deux jeunes gens s'étant rendus coupables de violences à caractère homophobe commises en réunion. Cette décision démontre l'utilité des nouveaux instruments juridiques que nous avons mis à la disposition de la justice pour condamner les comportements de cette nature.

M. Claude Goasguen. Eh bien ! Vous voyez !

Mme Christine Boutin. Inutile d'en rajouter !

M. Patrick Bloche. Ce soir, cependant, nous ne discutons pas des actes, mais des propos de nature homophobe ou sexiste.

M. Claude Goasguen. Dans ce domaine aussi, il y a eu des condamnations !

M. Patrick Bloche. À cet égard, monsieur Goasguen, vous qui adorez la jurisprudence, je vous renvoie à l'arrêt de la Cour de cassation du 30 janvier 2001, qui, a contrario de la décision du tribunal de Charleville-Mézières, nous rappelle que la pénalisation des propos discriminatoires se heurte à un vide juridique, car ceux-ci ne peuvent être sanctionnés sur le fondement du huitième alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 dans sa rédaction actuelle, rédaction qu'il s'agit bien de modifier aujourd'hui.

M. Claude Goasguen. Je n'ai pas évoqué cet article, mais l'article 17 ter du projet de loi ! Ne mélangez pas tout !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 51. Je vous suggère, madame Billard, de présenter en même temps l'amendement n° 46.

Mme Martine Billard. J'ai été surprise d'entendre un de nos collègues affirmer que l'adoption de cet article conduirait à ne reconnaître qu'une somme de minorités. Comme le texte concerne également les discriminations en raison du sexe, je dois donc me considérer, en tant que femme, comme appartenant à une minorité. Cela dit, c'est peut-être, pour certains, une réalité difficile à accepter, mais les femmes ne sont pas une minorité ; c'est même le contraire, puisqu'elles représentent un peu plus de la moitié de la population de cette planète ! Il convient donc de manier certains arguments avec précaution, faute de s'exposer à un risque de dérapage.

Les amendements n° 51 et n° 46 ont pour objet d'élargir le champ d'application de l'article 17 bis. Il est certes positif de pénaliser les propos incitant à la haine ou à la violence. On ne peut, en effet, se contenter de la situation actuelle et attendre que des personnes soient agressées, voire tuées, pour pouvoir condamner les comportements homophobes, lesbophobes ou sexistes. En tant qu'écologiste, je préfère prévenir le geste fatidique plutôt que le réprimer - cela vaut mieux, pour les agresseurs comme pour les victimes. Mais il me semble important d'ajouter aux catégories protégées par l'article les personnes victimes de provocations à la haine ou à la violence à raison de leur identité de genre, de leur état de santé ou de leur handicap.

En effet, de telles discriminations existent : des études ont ainsi montré qu'il était plus difficile pour un obèse de trouver un emploi. Si nous voulons lutter contre toutes les discriminations, nous ne pouvons pas refuser aux victimes les moyens de se défendre sous prétexte que cela restreindrait la liberté. La liberté s'arrête là où commence l'oppression d'une partie de la population.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 59.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour le soutenir.

Mme Christine Boutin. Je ne sais si le président du parti socialiste me trouvera toujours réactionnaire, lorsque je lui aurai dit que je partage la même préoccupation que M. Bloche sur le handicap.

Le projet de loi, dans sa toute nouvelle rédaction, crée un régime spécifique pour des catégories de personnes. La création de ces nouveaux délits est contraire au principe d'égalité des citoyens devant la loi, un principe constitutionnel qui a, comme reflet, l'esprit de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.

Ce texte provoquerait une inégalité entre les droits nouveaux garantis à certaines personnes et les droits des autres citoyens. Si l'on décide d'entrer dans cette logique, bien d'autres catégories de personnes doivent être prises en compte.

Cet amendement propose de prendre en compte a minima la provocation à la haine, à la violence et à la discrimination de personnes handicapées.

Ce texte crée un précédent dans la création de droits accordés à des catégories de personnes. Sur le modèle de ce projet de loi, il paraîtrait alors légitime de prendre en compte les spécificités de certains citoyens. Le handicap pourrait compter au nombre de celles-ci, mais également l'âge des personnes, leur degré d'études et l'absence de reconnaissance d'un service rendu à la nation.

Rendre exhaustive la liste des spécificités légitimes à protéger créerait en soi des inégalités. Une spirale du sentiment d'injustice risquerait d'être créée par le projet de loi.

Le principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi est un rempart contre cette spirale. La segmentation des droits de l'homme « remet en cause leur universalité et leur indivisibilité», pour reprendre les termes de la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

Mais comment qualifier ces propos : « donner naissance à un enfant handicapé, alors que le dépistage prénatal a détecté le handicap, est une faute » qui trahit « l'égoïsme démesuré des parents » ? Ces propos prononcés dans l'enceinte d'une de nos institutions nationales peuvent provoquer des sentiments de haine, de violence à l'égard des personnes en situation de handicap et de ceux qui veillent sur elles.

Aucune personne handicapée, aucun parent, puisqu'ils n'ont pas subi de préjudice personnel et direct, aucune association ne peut poursuivre des écrits aussi blessants.

Au nom de quelle égalité traiterait-on différemment homophobie et handiphobie ?

C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement.

M. Christophe Caresche et M. Patrick Bloche. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 23 n'est pas défendu.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 35, 51, 46 et 59 ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Madame Boutin, monsieur Le Fur, monsieur Nesme, toutes vos interventions seraient fondées si l'amendement de M. Bloche était adopté et que nous revenions au projet initial. En tout état de cause, nous travaillons sur un autre texte, qui précise le champ d'application des propos discriminatoires concernant la haine ou le sexisme, et qui tient compte de l'avis du Conseil d'État et qui, à la demande expresse de la commission des lois, renvoie au champ d'application des articles 225-2 et 432-7 du code pénal : emploi, habitat et accès aux services. Ainsi, je le répète, les discours que nous avons entendus seraient logiques, à condition d'adopter l'amendement de M. Bloche, au risque de remettre en cause tout débat de société, tout débat sur les valeurs.

J'ai été de ceux qui considéraient que nous ne pouvions pas voter le texte initialement envisagé. C'est ainsi que se distinguent la droite et la gauche. Nous nous apprêterions, me dit-on, à voter un texte de gauche. Non ! Si vous voulez voter un texte de cette tendance, adoptez l'amendement de M. Bloche ! Quoi qu'il en soit, l'UMP n'aurait pas pu voter cet amendement.

M. René Dosière. C'est dommage !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. J'en viens maintenant aux différents amendements.

Madame Billard, vous êtes revenue, lors de la présentation de son amendement, sur le problème du handicap et des malades. Ne confondez pas les propos discriminatoires, qui peuvent toucher la race, la religion, les femmes et les homosexuels, et les actes discriminatoires qui visent les handicapés et les malades. Vous n'avez jamais lu dans la presse des propos discriminatoires à l'encontre des personnes handicapées ou malades ! Nous ne traitons pas du même texte aujourd'hui.

En revanche, vous évoquez avec raison les difficultés que rencontrent les handicapés à la recherche d'un emploi. Ces actes discriminatoires relèvent de l'article 225-2 du code pénal. Votre amendement est donc satisfait, et n'a aucun lien avec le texte dont nous débattons aujourd'hui.

Mme Martine Billard. C'est bien dommage !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Cette réponse vaut pour l'ensemble des observations selon lesquelles la presse, dans ses propos, pourrait porter atteinte aux malades ou aux handicapés.

Vous avez, de plus, madame Billard, employé l'expression « identité de genre » qui relève d'un autre contexte. En effet, elle n'existe pas dans le texte qui parle seulement d'« orientation sexuelle ». Comme je l'ai précisé à M. Bloche, je vous renvoie, en la matière, à la jurisprudence de la Cour de Justice des communautés européennes. Là encore, vous avez donc satisfaction.

Madame Boutin, heureusement que vous avez retiré votre amendement de suppression de l'article, puisque dans votre amendement n° 59, vous proposez d'étendre les dispositions de celui-ci au handicap. Je vous ferai la même réponse qu'à Mme Billard, ne confondez pas propos et actes discriminatoires. Ce n'est pas du tout la même idée. On ne dit pas « À bas les handicapés ! » comme on peut entendre « À bas les femmes ! ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe socialise.)

Mme Christine Boutin. Ce n'est pas vrai ! Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. S'agissant des actes contre les handicapés, vous avez donc, je le répète, satisfaction avec l'article 225-2 du code pénal.

Mme Christine Boutin. C'est faux ! Des handicapés subissent un certain nombre de discriminations !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. C'est ce que j'essaie de vous expliquer ! Les handicapés sont victimes d'actes et non de propos discriminatoires.

Mme Christine Boutin. Et quand on traite quelqu'un de mongolien ?

M. Claude Goasguen. Et les malades du sida ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. J'ai répondu à l'ensemble des questions. La commission est donc défavorable à ces quatre amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

S'agissant de l'amendement de M. Bloche, qui tend à revenir à la conception initiale du projet du mois de juin, je partage l'analyse du président de la commission des lois.

Quant aux autres amendements, je répondrai en particulier à Mme Boutin, dont je comprends le souci, que si certains propos désobligeants, voire discriminatoires, ont pu être tenus à l'encontre de certains handicapés, il s'agit de cas rarissimes, qui peuvent d'ailleurs tomber sous le coup de l'article 225-2 du code pénal.

Revenons à l'essentiel. La société française est confrontée, d'une part à une montée du racisme et de l'antisémitisme et, d'autre part à une montée de l'homophobie. Les statistiques, tant du ministère de la justice que du ministère de l'intérieur, en témoignent. Les pouvoirs publics doivent faire face à cette évolution négative. Nous le faisons avec les moyens juridiques dont nous disposons et, parfois, en modifiant la loi. Je citerai, à titre d'exemple, la loi Lellouche de l'an dernier et la loi de mars 2004 relatives à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Monsieur Goasguen, contrairement à ce que vous avez dit tout à l'heure, ces textes sont appliqués.

M. Claude Goasguen. Non !

M. le garde des sceaux. Ils ne l'ont peut-être pas été dans les quinze jours qui ont suivi l'adoption des projets de loi, mais ils le sont aujourd'hui. Je vous enverrai les statistiques. J'ajouterai que des décisions juridictionnelles sont assez claires en la matière.

Par ailleurs, nous devons faire face à une montée de l'homophobie. Vous avez sans doute, les uns et les autres, assisté à des matchs de football : eh bien, vous avez des oreilles pour entendre certains slogans et des yeux pour lire certaines pancartes, et vous savez bien qu'ils sont édifiants.

Nous devons donc réagir face à ces phénomènes. Ce texte, qui se limite effectivement à ces priorités, correspond à la réalité sociale française et offre des moyens juridiques de lutte en ce domaine.

Nous devons également nous donner les moyens en termes d'action publique. Cela relève de ma responsabilité de garde des sceaux.

Nous devons enfin veiller à ce que les textes soient concrètement appliqués.

Pour autant, comme je le soulignais cet après-midi lors de la discussion générale, ces textes doivent être suffisamment limités dans leurs enjeux pour ne pas rompre gravement l'équilibre entre liberté d'expression et lutte contre certaines discriminations.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, je suis hostile à ces différents amendements qui modifient l'équilibre du texte tel que je vous le propose.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je présenterai quelques très brèves observations.

Il est clair, dans l'esprit de chacun de nos collègues ici présents, que nous ne visons pas les actes homophobes et sexistes, puisque ceux-ci sont déjà sanctionnés, et nous avons récemment œuvré pour qu'ils le soient plus lourdement encore. Nous parlons aujourd'hui de propos à caractère discriminatoires, notamment homophobes et sexistes. En l'occurrence, il s'agit, même si l'expression est sans doute disgracieuse, non seulement d'effectuer une mise à niveau en visant explicitement la loi du 29 juillet 1881, mais aussi de combler un vide juridique. Je réponds ici à M. le président de la commission des lois qui a fait référence à la presse à plusieurs reprises. Si cette dernière est certes visée, elle n'est toutefois pas notre préoccupation centrale.

Je pense - et nous avons souvent évoqué, les uns et les autres, M. le garde des sceaux le premier - au drame horrible vécu par Sébastien Nouchet en début d'année. Il me semble d'ailleurs que sa mère habite dans la circonscription de M. Garraud, ce qui me laisse d'autant plus perplexe face à ses amendements.

M. Jean-Paul Garraud. Je vous expliquerai !

M. Patrick Bloche. Je l'espère, à défaut de me convaincre !

Sébastien Nouchet a été victime pendant des mois d'une violence verbale qui, à un moment donné, s'est transformée en violence physique.

Aujourd'hui, la violence verbale n'est pas sanctionnée. S'il arrive à faire sanctionner ses agresseurs, ce que nous espérons tous, ils le seront non pas en raison des violences verbales dont il a été préalablement l'objet, mais en raison des violences physiques qui l'ont dramatiquement meurtri. Ne nous focalisons pas sur la presse qui, dans notre pays, fort heureusement, n'a pas l'habitude de déraper. Comme l'a dit M. le garde des sceaux, des propos à caractère raciste et homophobe sont malheureusement trop couramment prononcés pendant les matches de foot.

Je ne voudrais pas que, si l'amendement n° 35 était adopté, cela fasse de l'article 17 bis un texte de gauche et que, s'il n'était pas adopté, cela en fasse un texte de droite. Nous sommes d'accord sur l'essentiel, nous voulons compléter le huitième alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 qui, rappelons-le, vise la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes, ce qui n'est tout de même pas rien, mais nous regrettons que ces dispositions soient restreintes au champ économique, c'est-à-dire à l'emploi, au logement ou à la prestation de services.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Ce serait fantastique, monsieur le rapporteur, s'il n'y avait aucun propos discriminatoire portant sur l'état de santé. Nous avons malheureusement connu une époque où les personnes atteintes du sida étaient traitées de manière plus que discriminatoire, avec des propos très violents. Espérons que nous n'entendrons plus de tels propos, mais il y en a déjà eu dans notre histoire.

M. le président. Sur le vote de l'article 17 bis, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. J'ai bien entendu les réponses de M. le rapporteur et de M. le garde des sceaux, mais je maintiens mon amendement et j'appelle votre attention, mes chers collègues, sur le fait qu'il serait tout de même surprenant d'accepter de considérer la discrimination à l'encontre des homosexuels mais pas des handicapés.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Madame Boutin, je voudrais que vous compreniez que l'objectif du Gouvernement n'est pas d'énumérer toutes les personnes qui souffrent dans ce pays mais d'éradiquer tout propos sexiste ou homophobe en se concentrant sur ces deux objectifs.

Mme Christine Boutin. C'est ce que je vous reproche !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. À partir du moment où vous énumérez toutes les personnes en situation de souffrance, vous banalisez l'objectif gouvernemental et vous enlevez tout poids politique à ce texte.

Mme Christine Boutin. Les associations de handicapés vous entendront !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Si l'on veut trop embrasser, cette loi n'aura pas d'impact. Elle est très ciblée parce qu'il y a une volonté politique de permettre à un certain nombre de personnes, comme les femmes ou les homosexuels, qui, depuis si longtemps, sont maltraitées par la société, de retrouver la dignité qu'elles doivent toujours avoir.

Mme Christine Boutin. Évidemment, les handicapés ne sont pas organisés en lobby !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement est adopté.)

(Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Mme Christine Boutin. Je vous remercie, mes chers collègues.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'article 17 bis, modifié par l'amendement n° 59.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 96

                    Nombre de suffrages exprimés 94

                    Majorité absolue 48

        Pour l'adoption 90

        Contre 4

L'Assemblée nationale a adopté.

Article 17 ter

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, premier orateur inscrit sur l'article 17 ter.

M. Marc Le Fur. Je précise que je me suis exprimé tout à l'heure, non pas sur un article, mais sur l'ensemble des amendements déposés par le Gouvernement à l'occasion de cette deuxième lecture. C'est l'usage dans cette institution pour les orateurs qui n'ont pas de temps de parole dans la discussion générale.

Mon souci, monsieur le ministre, c'est d'être rassuré. Nous craignons en effet que, de concession en concession, on finisse par céder sur l'essentiel, c'est-à-dire sur le mariage et sur les enfants.

M. Patrick Bloche. Que viennent faire les enfants ici ? C'est honteux ! Ce sont des sous-entendus inacceptables !

M. Marc Le Fur. Pour nous rassurer totalement, monsieur le ministre, je suis convaincu que vous allez nous expliquer un événement qui est intervenu l'été dernier. Certains ont parlé d'anecdote, d'autres d'événement, c'est à vous de nous dire en définitive ce qui s'est passé. Le tribunal de grande instance de Paris a donné l'autorité parentale conjointe à une mère et à l'amie avec laquelle elle vit.

M. Patrick Bloche. C'est la justice !

M. Marc Le Fur. Le parquet, qui relève, par le biais des parquets généraux, de votre autorité, n'a pas interjeté appel. S'agit-il simplement d'un oubli en période estivale ou d'une volonté de la Chancellerie ?

M. Patrick Bloche. Cela n'a aucun rapport avec ce dont nous débattons, c'est honteux !

M. Marc Le Fur. Voilà une bonne occasion, monsieur le ministre, de nous rassurer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Nesme.

M. Jean-Marc Nesme. Je n'ai rien à ajouter à ce que vient de dire M. Le Fur.

M. Philippe Vuilque. Sacré duo ! Il faut les pacser !

M. Jean-Marc Nesme. J'avais moi-même interrogé M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur ce jugement du TGI de Paris de juillet 2004, en rappelant d'ailleurs que l'article 371-1 du code civil stipule que l'autorité parentale appartient aux père et mère.

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Ce qui est en jeu dans ce texte, c'est à la fois la liberté d'expression et le principe d'égalité, dans la mesure où nous sommes un certain nombre à penser qu'il conduit à une inégalité devant la loi et par là même à un communautarisme.

Mme Christiane Taubira. C'est une obsession !

M. Christian Vanneste. C'est une vérité, pas une obsession !

Vous voulez lutter contre le sexisme et contre l'homophobie, comme s'il s'agissait de choses comparables, alors que ce n'est précisément pas du tout comparable.

Il est bien évident que nous devons lutter contre les inégalités qui frappent des états qui sont subis, mais pas des comportements qui sont choisis. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Bloche. C'est honteux !

M. Christian Vanneste. Lorsqu'un comportement est choisi, il peut être l'objet de critiques,...

M. Patrick Bloche. Voilà des propos discriminatoires !

M. Christian Vanneste. ...notamment lorsque l'on pense, et nous sommes plusieurs à le penser, que ce n'est sans doute pas le comportement le plus utile à la société.

M. Philippe Vuilque. Même le ministre est consterné !

M. Christian Vanneste. Il est proposé d'aggraver les sanctions à l'encontre de ceux qui se permettent d'attaquer de tels comportements.

On peut penser qu'une protection momentanée accordée à certaines personnes victimes de discriminations est pédagogique, en attendant que le comportement global de la société se rectifie. Lorsqu'il s'agit d'un état, c'est souhaitable mais, lorsqu'il s'agit d'un comportement, c'est discutable. Cela conduit à donner raison à George Orwell lorsqu'il affirmait qu'il y a dans notre société des citoyens plus égaux que les autres. Au nom de quoi la défense d'un comportement qui, encore une fois, peut parfaitement être jugé critiquable, serait-elle privilégiée ? Le paradoxe, c'est qu'un tel privilège est accordé à des citoyens dont le comportement peut légitimement faire l'objet de critiques, non seulement au nom de l'intérêt social, mais même au nom de l'universalité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Un jugement de valeur est universel s'il est fondé sur un critère parfaitement acceptable qui est l'impératif catégorique de Kant : agis toujours selon une maxime qui puisse être érigée en principe universel. Manifestement, l'homosexualité ne le peut pas, ou alors cela conduirait au suicide de l'humanité, chacun le comprend à l'évidence.

M. Patrick Bloche. C'est honteux !

M. Christian Vanneste. Ce n'est pas honteux, c'est simplement logique, et c'est ce qui vous déplaît.

De façon parfaitement paradoxale, en voulant lutter contre la discrimination, vous êtes en train de faire d'une séparation entre les sexes quelque chose de parfaitement défendable et même de définitivement protégé. C'est totalement absurde. L'introduction même de l'idée d'homophobie tend à accréditer que le comportement homosexuel a la même valeur que d'autres comportements, alors qu'il est évidemment une menace pour la survie de l'humanité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Vuilque. Elle est bonne celle-là ! Vous ne pouvez pas nous la refaire ?

M. Christian Vanneste. Je conclurai donc puisque vous refusez d'écouter la vérité dans un silence respectueux.

M. Christophe Caresche. Tout le monde est consterné !

M. Christian Vanneste. Ce texte est à l'évidence un contresens, comme le prouve d'ailleurs le terme même d'homophobie, qui n'a strictement aucun sens. Homophobie, ça veut dire détester le même. Essayez de comprendre le rapport entre ce mot et la réalité que vous visez à travers lui, c'est-à-dire, vous le savez bien, monsieur Bloche, la volonté de créer un troisième genre qui aurait une égalité d'existence et de droit avec les deux autres qui contribuent, eux, lorsqu'ils se rapprochent, à la perpétuité de l'humanité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christophe Caresche. C'est consternant !

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Je vais tâcher de compléter ce qu'a dit l'orateur précédent. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christophe Caresche. Ça va être dur !

M. Claude Goasguen. Essayez de m'écouter cinq minutes !

Je voudrais pour ma part commenter la nature juridique de l'article 17 ter. Je le distingue nettement de l'article précédent, que j'ai voté sans états d'âme, car, modifié, encadré juridiquement, précis, il était utile au développement de la politique que nous entendons mener − puisque nous nous accordons tous sur les finalités, sinon sur les moyens à mettre en œuvre.

L'article 17 ter, lui, reste absolument général et imprécis. Il ne s'agit pas d'une simple aggravation, mais d'une nouvelle qualification. Désormais, en effet, les propos homophobes ou sexistes ne relèveront plus du droit commun de la diffamation et de l'injure, mais de la jurisprudence sur la loi concernant le racisme et l'antisémitisme.

Cette démarche est absolument inutile au regard du droit. Rien n'est plus jurisprudentiel, en effet, que le droit de la diffamation et de l'injure, qui a été créé dans cette optique. Les juges appliquent ces dispositions au cas par cas, selon la nature du propos, mais aussi selon celle de la personne qui est visée. Ainsi, selon une jurisprudence constante, un député diffamé est toujours débouté devant les tribunaux, car il est de la nature d'un homme public de subir des attaques, qui, en période électorale, peuvent être diffamatoires.

M. Patrick Bloche. Tout dépend de la nature des attaques !

M. Claude Goasguen. Je pourrais citer de nombreux cas.

La situation de quelqu'un qui n'a pas l'activité publique d'un homme politique ou d'un artiste est bien différente, la diffamation risquant, dans ce cas, d'être beaucoup plus gênante. C'est au juge d'en apprécier la gravité, la portée et la nature, et c'est très bien ainsi.

En effaçant l'aspect pragmatique et individualisé de ce droit de l'injure et de la diffamation, en élevant à une nouvelle qualification le sexisme et l'homophobie, vous changez la nature d'un délit qui, aujourd'hui jurisprudentiel et personnel, sera demain législatif. À terme, on considérera que c'est au Parlement de régler par une disposition générale tous les problèmes d'injure et de diffamation. Après les délits homophobes et sexiste, la loi désignera d'autres délits généraux, se substituant ainsi à l'analyse individuelle et particulière que, avec mesure et justesse, le juge fait de ces questions.

En outre, la qualification étant différente, la jurisprudence qui s'appliquera ne sera pas la même. J'ai rappelé, en commission des lois, que la jurisprudence sur le racisme et l'antisémitisme est désormais fixée par un arrêt de 2004 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui considère que la preuve de la vérité des imputations en matière de diffamation ne sera pas admise en matière de diffamation raciale. Si vous adoptez, pour les propos homophobes et sexistes, la jurisprudence sévère − quoique pas assez à mon goût − sur le racisme et l'antisémitisme, vous aboutirez à des condamnations que beaucoup jugeront outrancières pour de la diffamation ou des injures. La généralité de votre propos est très dangereuse pour l'évolution du droit.

Monsieur le garde des sceaux, vous m'avez dit tout à l'heure que la loi sur l'antisémitisme et le racisme était appliquée. Certes, elle l'est mieux que par le passé, mais elle ne l'est pas encore suffisamment. Nous le voyons bien, nous qui sommes sur le terrain. Demandez donc aux représentants de la communauté juive s'ils ont le sentiment que les lois sur la discrimination...

M. Philippe Edmond-Mariette. Pour celle-là, vous élevez la voix ! La discrimination contre la communauté juive est la seule qui vous révolte !

M. Claude Goasguen. Je n'accepte pas votre interruption ! Il se trouve que, dans ma circonscription, je suis surtout en contact avec des gens de la communauté juive. Si cela vous fait plaisir, je peux porter l'étoile jaune !

M. Philippe Edmond-Mariette. Je vais vous répondre !

M. Claude Goasguen. Vous ne me répondrez pas, car il n'y a pas de question, et, quand il n'y a pas de question, il n'y a pas de réponse ! J'affirme simplement que, en l'état actuel des choses, de très nombreux membres de la communauté juive ont le sentiment que les lois sur la discrimination et notamment sur l'antisémitisme ne sont pas appliquées avec une fermeté suffisante. C'était une incidente, et je vous prie de prendre dans la meilleure acception ce que je viens de dire, qui est incontestable et qui ne vise personne. Les actes antisémites ne sont pas sanctionnés avec une rigueur suffisante dans notre pays : j'espère qu'une telle remarque peut au moins faire l'unanimité sur nos bancs.

Monsieur le garde des sceaux, si j'ai voté sans ambiguïté l'article 17 bis, qui me paraît utile, je voterai sans plus d'ambiguïté contre l'article 17 ter, qui me paraît dangereux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. L'article 17 ter est celui qui, en commission des lois, a suscité le plus grand nombre d'interrogations, de réactions et de discussions. Ces débats n'ont pas été inutiles. Certains de nos collègues sont allés loin − peut-être un peu trop loin − dans les propos qu'ils ont tenus.

M. René Dosière. C'est la réunion de groupe qui se poursuit dans l'hémicycle !

M. Guy Geoffroy. Je voudrais pour ma part revenir à une plus juste mesure. Il est purement gratuit de dire que l'article 17 ter est la première étape d'un processus d'ores et déjà décidé, qui nous conduirait là où nous ne souhaitons pas aller. On peut, comme moi, ne pas vouloir, de manière claire, lucide, déterminée, envisager le mariage entre deux personnes du même sexe, on peut de même, comme moi, refuser qu'un couple homosexuel puisse adopter un enfant, sans pour autant accepter ne serait-ce qu'une fraction de seconde d'être catalogué comme homophobe. De même, on peut et on doit lutter contre toutes les discriminations qui sévissent dans notre société et qui n'ont pas seulement la pesanteur dramatique du racisme et de l'antisémitisme, mais celle, croissante, du sexisme et des discriminations relatives à l'orientation sexuelle, sans accepter pour autant d'aller dans une direction où l'on ne souhaite pas s'engager.

Ici, chacun doit laisser parler sa conscience, et les propos généraux deviennent réducteurs. La passion va jusqu'à faire oublier à ceux qu'elle étreint la simple lecture du texte.

M. Claude Goasguen. Ce n'est pas mon cas !

M. Guy Geoffroy. Je suis très gêné d'entendre certains, soutenant les amendements de suppression de l'article 17 ter, parler de la création de nouveaux délits.

M. Patrick Bloche. C'est faux !

M. Guy Geoffroy. C'est faux. Claude Goasguen l'a dit de manière très fine, il s'agit simplement d'aggraver les sanctions frappant des délits qui existent déjà. On ne peut pas, sur des sujets aussi sensibles, formuler des remarques aussi graves, qui font fi de la nature du texte sur lequel elles s'appuient. C'est la raison pour laquelle, avec beaucoup de ferveur, beaucoup de sincérité...

M. Patrick Bloche. Et beaucoup de souffrance !

M. Guy Geoffroy. ...je demande à tous mes collègues de ne pas se laisser entraîner là où nous n'avons pas le droit d'aller et de laisser l'article 17 ter au niveau où le situe le Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Je voudrais répondre à M. Le Fur qui a évoqué une affaire particulière concernant l'autorité parentale conjointe accordée à un couple de femmes homosexuelles. Il est vrai que, dans cette affaire, le Parquet n'a pas interjeté appel ; cela résulte d'un défaut d'information du Parquet et je n'en dirai pas davantage. Mais, dans une autre affaire de même nature, jugée par la cour d'appel d'Angers, il y a eu pourvoi en cassation et la Cour de cassation va être amenée à dire le droit sur ce sujet. L'interprétation du droit reste ouverte et, compte tenu de la connaissance que j'ai des textes qui fondent la jurisprudence, je suis convaincu que la Cour de cassation rappellera le sens de la loi.

On a également évoqué le mariage homosexuel. Lorsqu'un tel mariage a été conclu, j'ai déclaré que cela me semblait contraire à la loi. On me l'a aussitôt reproché, comme si le ministre de la justice ne pouvait pas, à l'instar de tout citoyen français, exprimer son opinion sur la loi. En tout cas, mon intention n'était pas de juger. Il y a eu un recours et le tribunal compétent a tranché, indiquant que c'était en effet contraire à la loi existante.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 55, 60 et 61, visant à supprimer l'article 17 ter.

La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour soutenir l'amendement n° 55.

M. Jean-Paul Garraud. Nous avons, jusqu'à présent, conservé à ce débat une certaine sérénité et nous devons faire en sorte de continuer ainsi, malgré quelques propos un peu outranciers, notamment ceux de M. Mamère. À vrai dire, de telles considérations ne me font ni chaud ni froid venant d'un officier d'état civil qui a enfreint la loi : elles sont hors du débat.

J'ai, moi aussi, voté l'article 17 bis, parce qu'il se référait très précisément à des articles du code pénal, que la provocation à la haine et à la violence doit être réprimée et qu'il constituait un progrès par rapport au projet de loi initial qui a été retiré. Mais l'article 17 ter, lui, pose un problème et je suis heureux qu'ait lieu à ce sujet un débat à l'Assemblée nationale, lieu par excellence du débat démocratique. Nous touchons ici à la loi sur la presse, loi fondamentale de la République : c'est la liberté d'expression et d'opinion qui est en cause. En voulant légiférer sur des infractions de diffamation et d'injure, nous touchons à la liberté de la presse.

J'entends beaucoup de leçons de morale venant de la gauche de l'hémicycle. Je rappelle pourtant qu'en matière de lutte contre les discriminations notre majorité a beaucoup fait :...

M. Claude Goasguen. Absolument !

M. Patrick Bloche. Arrêtez !

M. Jean-Paul Garraud. ...loi contre le racisme, bien sûr, loi du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure, loi du 9 mars 2004, dite Perben 2, sur la grande criminalité...

Toutes ces lois ont été mises en place par notre majorité et, contrairement à ce que l'on entend dire, les vertueux ne sont pas d'un côté de l'hémicycle et les homophobes de l'autre.

M. Guy Geoffroy. C'est bien de le rappeler !

M. Jean-Paul Garraud. J'entends bien les discours moralisateurs, mais c'est notre majorité qui a fait le travail.

Permettez-moi d'ailleurs de citer l'article 132-77 du code pénal qui réprime les propos.

M. Patrick Bloche. Non, les actes !

M. Claude Goasguen. Mais non, les propos !

M. Jean-Paul Garraud. ...de nature sexiste et homophobe : « Dans les cas prévus par la loi, les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l'infraction est commise à raison de l'orientation sexuelle de la victime. »

M. Patrick Bloche. Il s'agit bien d'actes, pas de propos !

M. Jean-Paul Garraud. « La circonstance aggravante définie au premier alinéa est constituée lorsque l'infraction est précédée, accompagnée ou suivie de propos,...

M. Claude Goasguen. Et voilà !

M. Jean-Paul Garraud. ...écrits, utilisation d'images ou d'objets ou actes de toute nature portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime ou d'un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de leur orientation sexuelle vraie ou supposée. » Il est difficile de faire mieux !

Il s'agit certes de circonstances aggravantes, mais l'homophobie, vous en conviendrez, ne se manifeste pas que par des propos : ce sont d'abord des actes, accompagnés souvent de propos. Notre législation est donc opérationnelle en la matière.

Le débat est juridique, et, dans ce temple de la loi, je n'ai pas à faire d'autre considération et surtout pas à émettre de jugement de valeur.

M. Bloche a évoqué le cas de Sébastien Nouchet, dont la mère habite ma circonscription. Je l'ai reçu immédiatement après les faits et j'ai tout fait pour que justice lui soit rendue.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Jean-Paul Garraud. Encore une fois, il n'y a pas d'un côté les homophobes et de l'autre les donneurs de leçons !

M. Patrick Bloche. Votez donc ce texte ! C'est la meilleure chose que vous puissiez faire !

M. Jean-Paul Garraud. Je tenais à le préciser, car ce débat, malheureusement, n'évite pas, comme d'autres, la caricature pour discréditer voire diaboliser.

Il n'y a pas de sujet tabou, et nous sommes là pour parler de tout. Venons-en donc précisément au sujet : ...

M. Patrick Bloche. Enfin !

M. Jean-Paul Garraud. ...l'injure et la diffamation à l'endroit d'une personne ou d'un groupe de personnes définies à raison d'une orientation sexuelle. C'est relativement imprécis puisque la diffamation et l'injure sont définies par la jurisprudence bâtie à partir de la loi de 1881, comme le fait de porter atteinte - Claude Goasguen l'a rappelé à juste titre - à l'honneur ou à la considération d'une personne, en l'occurrence en raison d'une orientation sexuelle.

J'appelle d'autant plus l'attention de l'Assemblée sur l'imprécision de cette définition que nous sommes en droit pénal, avec des peines privatives de liberté. Or, le droit pénal doit être précis car c'est la liberté des gens qui est en jeu.

Le danger, me semble-t-il, c'est que cette diffamation ou cette injure à raison d'une orientation sexuelle peut se heurter à la liberté de la presse. J'ai développé cet argument dans la discussion générale : la Cour européenne des droits de l'homme a considéré dans plusieurs de ses décisions qu'un journaliste peut et même doit aller au-delà de son devoir d'information, c'est-à-dire qu'il peut avoir des opinions tranchées, voire provocantes et même choquantes.

M. Claude Goasguen. Absolument !

M. Jean-Paul Garraud. Par rapport à la diffamation ou à l'injure, définies comme l'atteinte à la considération et à l'honneur en raison d'une orientation sexuelle, où va-t-on mettre le curseur ? Comment va-t-on faire le partage entre l'opinion tranchée d'un journaliste ou d'un personnage public sur des orientations sexuelles et l'atteinte à l'honneur et à la considération ?

Surtout qu'un autre problème se pose en ce qui concerne la constitution de partie civile et ses excès possibles - j'y reviendrai un peu plus tard pour expliquer que la constitution de partie civile n'est d'ailleurs pas le moyen sûr d'engager l'action publique : le procureur de la République est là pour inervenir.

Retenons pour l'instant, pour en revenir au problème de la diffamation, que ce texte peut entrer en contradiction avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, d'autant qu'il s'agit de peines privatives de liberté.

M. Patrick Bloche. Elles existent déjà !

M. Jean-Paul Garraud. En tout état de cause, prévoir des peines de prison pose tout de même problème s'agissant d'un texte qui se veut permissif et progressiste !

M. Christophe Caresche. N'importe quoi !

M. Jean-Paul Garraud. Mon amendement visait simplement à ouvrir le débat, que je souhaite le plus serein possible, car nous touchons là à ces libertés fondamentales que sont la liberté d'opinion et la liberté de la presse.

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin, pour défendre l'amendement n° 60 de suppression de l'article.

Mme Christine Boutin. Le projet de loi complète les articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse par la notion de l'orientation sexuelle et du sexe, au même titre que l'origine d'une personne, son ethnie, sa race, ou sa religion. L'injure et la diffamation dont seraient victimes une personne ou un groupe à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle sont punies d'une amende de 45 000 euros et d'un an de prison.

La création de ces délits est contraire au principe d'égalité des citoyens devant la loi en provoquant une inégalité entre les droits nouveaux garantis à certaines personnes et les droits des autres citoyens. Toute personne, quelle qu'elle soit, peut porter plainte pour diffamation et injures.

La segmentation de la protection des droits de l'homme remet en cause leur universalité et leur indivisibilité. Ériger l'orientation sexuelle en composante identitaire au même titre que l'origine ethnique ou la nationalité, conduit à segmenter la société française en communautés et à encourager l'émergence de tendances communautaristes en France. La Commission nationale consultative des droits de l'homme ne s'y est pas trompée.

Avec cet amendement, j'exprime toujours la même idée, contraire à celle qui est soutenue dans cet hémicycle, à savoir que ce texte nous conduit, petit à petit, vers une France communautariste, ce à quoi je m'oppose fermement.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour défendre l'amendement n° 61.

M. Pierre-Christophe Baguet. J'ai déposé cet amendement de suppression parce que je ne comprends pas ce que l'article 17 ter peut apporter de plus à ce texte par ailleurs plutôt satisfaisant.

Autant je souscris à l'article 17 - car personne ne peut s'opposer à un renforcement de la lutte contre toute discrimination - et à l'article 17 bis, qui touche pourtant à la loi sur la liberté de la presse, autant je m'inquiète des risques que fait peser cet article 17 ter.

Le Président de la République - puisque certains le citent - ne vient-il pas de rappeler qu'il ne faut pas, sous peine de lourdes conséquences, ébranler les lois fondatrices qui sont les piliers de notre République ? Or, la loi du 29 juillet 1881 fait partie de ces lois républicaines fondatrices.

Je me fais ici l'écho de la grande inquiétude, voire de l'opposition farouche des professionnels de la presse à cette disposition. Nous sommes nombreux, sur tous les bancs, à défendre le pluralisme de la presse.

Mme Christine Boutin. Absolument !

M. Pierre-Christophe Baguet. Je réclame pour ma part, intervention après intervention, des états généraux de la presse pour sauver ce secteur aujourd'hui si fragilisé qui joue un rôle social majeur en démocratie.

Il serait pour le moins paradoxal, sinon schizophrénique, de se battre, un jour, pour donner, au nom de cette démocratie qui nous est chère, plus de moyens à la presse, et de restreindre, un autre jour, la liberté d'expression de celle qui survit.

Autant on doit lutter contre toute discrimination et tout appel à la haine et à la violence, autant on ne peut mettre sur le même plan en matière de presse l'injure et la diffamation. Bien sûr, celles-ci méritent aussi d'être combattues.

M. Claude Goasguen. Elles le sont !

M. Pierre-Christophe Baguet. Mais outre que la jurisprudence est déjà bien établie depuis 125 ans pour ce qui concerne la presse, leur caractère et leur gravité relèvent de l'appréciation des juges. Et à ma connaissance, il n'y a pas de contestations majeures en la matière. Dans ces conditions, il me paraît franchement dangereux de prendre la responsabilité de l'aggravation des peines déjà prévues.

Je ne veux pas non plus porter atteinte à la liberté d'informer : pensons à tous ceux qui se battent aujourd'hui dans le monde pour obtenir ce bien si précieux.

Plutôt que d'en rajouter avec cet article 17 ter, contentons-nous donc des articles 17 ter et 17 bis. Car nous voyons poindre, avec les amendements déposés pour étendre les mesures de protection à d'autres communautés ou catégories, le risque de s'écarter de la louable directive européenne.

Notre collègue Patrick Bloche, pour nous persuader que ce n'était pas la presse qui posait problème, donnait plutôt comme exemple les propos homophobes lancés dans les stades. C'est vrai, mais il y a d'autres moyens que ce texte pour répondre à ces attaques verbales. Nous avons voté, monsieur le garde des sceaux, un amendement anti-hooligans en janvier 2003 : nous attendons toujours la publication des décrets !

Je ne demande, et ce sera ma conclusion, qu'à être convaincu. Mais en cet instant, je doute vraiment de l'opportunité de cet article 17 ter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. J'informe l'Assemblée que, sur le vote des trois amendements de suppression de l'article 17 ter, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des lois, pour donner l'avis de celle-ci sur ces amendements de suppression.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Tout ce que nous venons d'entendre est proprement incompréhensible pour quiconque a étudié le texte.

Vous venez massivement de voter l'article 17 bis, qui condamne les propos discriminatoires, et plusieurs d'entre vous demandent ce que vient faire ici l'article 17 ter, qui aggrave les sanctions pour la diffamation et l'injure, lesquelles sont déjà condamnées. Serait-ce qu'ils ne veulent pas condamner plus gravement qu'elles ne le sont la diffamation et l'injure ? Il me faut, je crois, redresser un certain nombre d'erreurs dans l'esprit de certains.

D'abord, contrairement à ce qui a été dit, la loi de 1881 prévoit des peines de prison.

M. Patrick Bloche. Absolument !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Ensuite, nous n'innovons pas sur le plan juridique : nous alignons les quanta de la diffamation et de l'injure concernant l'homophobie et le sexisme sur la diffamation et l'injure concernant le racisme et l'antisémitisme.

Qui, dans cet hémicycle, veut baisser le quantum contre l'antisémitisme et le racisme ?

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Si quelqu'un veut le baisser, il est cohérent de sa part de vouloir baisser également le quantum contre l'homophobie et le sexisme. Mais c'est considérer alors que l'homophobie et le sexisme n'ont pas d'importance. L'objet de la loi est, lui, de mettre au même niveau, en l'élevant, ces différents délits.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Ce que j'ai entendu n'a aucune cohérence. Aucune personne sensée ne peut comprendre que l'on puisse voter l'article 17 bis et refuser l'article 17 ter !

Je vous en conjure, mes chers collègues, revenez au texte plutôt que de vous laisser prendre par des discours qui ne lui correspondent en rien ! Car vous êtes en train de dire que l'homophobie ou le sexisme sont moins graves que l'antiracisme ou l'antisémitisme ! L'avez-vous seulement compris ?

Mme Anne-Marie Comparini. Très bien !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je suis plutôt convaincu que vous ne l'avez pas pensé ! Pourriez-vous d'ailleurs avoir le courage de le redire ?

Je vous en supplie : il faut raison garder et ne pas se laisser entraîner dans des déclarations qui n'ont aucun rapport avec le texte qui vous est présenté.

S'agissant du racisme et de l'antisémitisme, la loi a donné lieu à 81 condamnations en 2002, dont une à de la prison ferme.

M. Claude Goasguen. C'est cela qui est lamentable ! Appliquons la loi !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Il n'y a pas cinq minutes, monsieur Goasguen, vous disiez vous-même que l'antisémitisme n'était pas assez réprimé et vous considérez maintenant que l'homophobie et le sexisme ne doivent pas l'être de la même manière !

M. Claude Goasguen. La shoah, ce sont 6 millions de morts ! Comment osez-vous dire des choses pareilles ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La thèse que vous défendez ne tient pas, monsieur Goasguen.

Mes chers collègues, reprenez le texte et ne vous laissez pas abuser par ceux qui n'ont pas assez travaillé ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons tous évoqué la nécessité d'un débat serein. Que l'Assemblée retrouve donc sa sérénité.

La parole est à M. le garde des sceaux, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements de suppression de l'article.

M. le garde des sceaux. Mesdames et messieurs les députés, je répéterai simplement ce que le président de la commission des lois vient de dire de la façon la plus claire, à savoir que le texte qui est proposé porte sur le quantum de la peine et non sur la définition du délit.

M. Claude Goasguen. C'est exactement ce que j'ai dit ! Mais je ne suis pas d'accord.

M. le garde des sceaux. Nous ne sommes pas d'accord à l'évidence.

En tout cas, le texte consiste bien à renforcer le quantum de la peine sans modifier la définition du délit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements n°s 55, 60 et 61.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

.......................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

.......................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 98

                    Nombre de suffrages exprimés 94

                    Majorité absolue 48

        Pour l'adoption 31

        Contre 63

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

M. Christophe Caresche. Merci la gauche !

Mme Christiane Taubira. Trente et une voix pour, quand même !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 20.

La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour le soutenir.

M. Jean-Paul Garraud. Je m'incline devant le vote qui vient d'avoir lieu - il est naturel de respecter les institutions. Je suis en tout cas très heureux qu'un véritable débat ait pu s'engager dans cet hémicycle.

L'amendement n° 20 est un amendement de repli qui vise à supprimer la peine d'emprisonnement pour les délits concernés par cet article. En effet, comme je l'ai dit en partie tout à l'heure, mettre en place des peines privatives de liberté, des peines de prison, en matière de droit pénal de la presse me semble contradictoire avec l'évolution de la jurisprudence tant nationale qu'européenne.

Alors que la loi du 15 juin 2000 a supprimé toutes les peines d'emprisonnement en matière de droit pénal de la presse pour que la France puisse se mettre en conformité avec la jurisprudence européenne et nos engagements européens, vous proposez de réintroduire des peines de prison, qui plus est dans un texte qui se veut progressiste, voire permissif. Cela me semble doublement contradictoire.

Certes, la loi de 1881 sur la liberté de la presse avait fait une exception pour les diffamations de caractère raciste et antisémite, qui pouvaient être punies d'une peine de prison, mais cette exception avait un fondement constitutionnel puisque le préambule de la Constitution de 1946 évoque le racisme. Elle ne peut pas être étendue aux diffamations et injures liées à une orientation sexuelle, sauf à intégrer l'homophobie et toutes les discriminations de cette nature dans la Constitution. Mais c'est un autre débat, ce n'est pas le débat d'aujourd'hui.

J'espère que la représentation nationale est pleinement consciente que, si elle ne vote pas cet amendement, les peines de prison seront rétablies dans le droit pénal de la presse, et donc que la liberté de la presse sera mise à mal.

M. Christian Vanneste. Tout à fait !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. L'amendement de M. Garraud renvoie au premier alinéa de l'article 32, qui est une aggravation de la peine par rapport au droit commun, avec cette caractéristique quand même intéressante qu'il veut diminuer la peine. Une aggravation qui diminue la peine ? Chapeau bas pour la cohérence juridique.

Très honnêtement, monsieur Garraud, cela ne veut rien dire. Vous me direz que ce n'est pas ce que vous avez voulu dire, mais c'est ce que vous dites parce que l'amendement est effroyablement mal rédigé.

M. Christophe Caresche. C'est un juge, pardonnez-lui !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Il n'a aucun sens juridique.

Sur le fond, on comprend clairement que vous voulez revenir au droit commun de la diffamation et de l'injure, qui est punie de 12 000 euros sans peine de prison. Or la volonté du Gouvernement est justement de sanctionner plus sévèrement, à des fins pédagogiques, les atteintes à la dignité des homosexuels et des femmes. En proposant de revenir à la situation antérieure, vous voulez ni plus ni moins vider le texte de son contenu. Vous êtes contre le texte, vous le prouvez une fois de plus.

Avis profondément défavorable de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable. Adopter cet amendement serait totalement contradictoire avec le rejet des amendements précédents par l'Assemblée nationale.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Jean-Paul Garraud. Non, c'est un amendement de repli !

M. Marc Le Fur. Il garde la sanction !

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.

M. Jean-Paul Garraud. Je voulais que ce débat soit le plus serein possible mais, là, je suis obligé de réagir parce que les termes que vous avez employés à mon endroit, monsieur le président de la commission des lois, n'étaient franchement pas convenables, comme tout à l'heure en commission des lois.

M. Patrick Bloche. Il a été patient, tout de même !

M. Jean-Paul Garraud. Que vous me fassiez passer pour ce que je ne suis pas, je pense, c'est-à-dire un nul et un incompétent, je ne l'admets pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christophe Caresche. Il sera sanctionné !

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Je souhaite pour ma part que cet amendement de repli soit voté, et je vais préciser pourquoi pour éviter les caricatures à la limite de la diffamation - sans vouloir faire de mauvais esprit.

Je souhaite l'application la plus stricte des lois sur l'antisémitisme et le racisme - je pense même qu'elles ne sont pas assez sévères - mais je n'oserai pas assimiler ce drame historique aux délits fondés sur l'homophobie et le sexisme, même si je reconnais leur gravité.

Mes chers amis, il faut parfois savoir raison garder. Nous sommes ici pour faire de la pédagogie, certes, mais aussi pour voter une loi pénale. Mettre sur le même plan un acte criminel par essence, illustré par un génocide permanent partout dans le monde, et un délit est une erreur. En réalité, en voulant renforcer la lutte contre l'homophobie et le sexisme, vous affaiblissez la signification de la loi contre le racisme et l'antisémitisme. C'est une mauvaise action ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. René Dosière. Vous parlez au Gouvernement, là ?

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour une brève intervention.

M. Christophe Caresche. C'est le meilleur soutien du Gouvernement, monsieur le président.

M. Patrick Bloche. Vous remarquerez, mes chers collègues, que l'opposition ne s'est pas exprimée depuis quelque temps déjà, laissant le soin à la majorité de régler ses différends.

M. Goasguen considère que la législation qui vise à sanctionner les propos racistes et antisémites, c'est-à-dire la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse telle qu'elle est aujourd'hui écrite, est insuffisamment ou mal appliquée.

M. Claude Goasguen. Elle n'est pas assez sévère !

M. Patrick Bloche. À titre personnel, je le rejoins dans son appréciation.

M. Claude Goasguen. Bien !

M. Patrick Bloche. Mais je ne vois pas pourquoi, prenant argument de la mauvaise application d'une législation qui existe, il fait une sorte de procès d'intention à l'application future des dispositions que nous examinons aujourd'hui.

M. Claude Goasguen. Parce que ce n'est pas la même chose !

M. Patrick Bloche. Je ne comprends pas non plus pourquoi il veut à tout prix établir des niveaux dans les discriminations là où nous cherchons à faire tomber toutes les discriminations ?

M. Claude Goasguen. Parce que c'est la loi!

M. Patrick Bloche. À vouloir aller trop loin dans la différenciation, monsieur Goasguen...

M. Claude Goasguen. Elle existe, la différenciation !

M. Patrick Bloche. ...avec des références historiques que de mon point de vue nous pourrions laisser utilement de côté pour parler du droit et de l'égalité des droits puisque c'est de cela dont il s'agit, je trouve que vous affaiblissez considérablement votre argumentation.

En tout état de cause, n'anticipez pas, ne faites pas de procès d'intention, il faut d'abord qu'il existe une législation avant qu'il y ait une jurisprudence.

M. Claude Goasguen. Ben voyons !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître la nécessité de se battre contre la recrudescence de l'antisémitisme que nous constatons. Nous avons d'ailleurs voté à l'unanimité...

M. Claude Goasguen. Notre loi !

Mme Martine Billard. ...la proposition de loi de notre collègue Lellouche. Mais il faut aussi bien être conscients que, aujourd'hui, des homosexuels et des lesbiennes sont assassinés parce qu'ils sont ce qu'ils sont ou poursuivis en justice, comme en Égypte il n'y a pas si longtemps encore.

M. Claude Goasguen. Mais, là nous traitons de la diffamation, pas des crimes !

Mme Martine Billard. Je dis ça parce que vous avez parlé globalement de la situation.

Les femmes sont aussi des victimes toutes désignées dans tous les conflits que connaît la planète. Je croyais que nous étions tout d'accord pour reconnaître que, de ce point de vue, la situation des femmes s'aggrave en France. Si nous voulons lutter contre cette recrudescence des violences, il faut faire de la prévention et donc ne pas accepter les propos contre les femmes, les homosexuels, les lesbiennes et les transgenres.

M. Claude Goasguen. La loi existe déjà !

Mme Martine Billard. N'attendons pas qu'il y ait plus de victimes pour agir. Nous, nous préférons réprimer les propos dès qu'ils sont prononcés, de façon qu'il n'y ait pas d'autres victimes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 47.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Il est défendu. C'est un amendement de cohérence.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Même avis que précédemment, défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 52,36,64 et 24, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 52.

Mme Martine Billard. Amendement de cohérence.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l'amendement n° 36.

M. Patrick Bloche. Amendement de cohérence également, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 64 est aussi un amendement de cohérence, madame Boutin ?

Mme Christine Boutin. Oui, monsieur le président.

M. le président. Il en est de même de l'amendement n° 24 de M. Lagarde.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Même avis que précédemment.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Je voudrais simplement insister sur le fait que l'amendement n° 64 est vraiment un amendement de cohérence par rapport à l'amendement qui a été adopté tout à l'heure et qui inclut le handicap dans le champ du texte.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je suis contre cet amendement, mais comme l'Assemblée a adopté, contre mon avis, le premier amendement de Mme Boutin, il serait cohérent qu'elle fasse de même pour celui-ci. Que chacun fasse ce qu'il veut.

Mme Christiane Taubira. Petite crise de désespérance ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 24 n'a plus d'objet.

Je suis saisi d'un amendement n° 21.

La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour le soutenir.

M. Jean-Paul Garraud. Dans la logique de mon amendement qui proposait tout à l'heure de supprimer les peines d'emprisonnement dans le droit pénal de la presse en cas de diffamations, cet amendement n° 21 vise à supprimer dans le droit pénal de la presse ces mêmes peines pour les injures. Au-delà de la formulation qui pose peut-être problème, je veux qu'on me réponde sur le fond et qu'on me dise si on est d'accord ou pas pour introduire des peines privatives de liberté dans le droit de la presse.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 25.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17 ter, modifié par l'amendement n° 64.

(L'article 17 ter, ainsi modifié, est adopté.)

Article 17 quater

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 62.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour le soutenir.

Mme Christine Boutin. Cet amendement vise à supprimer l'article 17 quater. En effet, l'un des risques majeurs de ce texte, qui consacre un nouveau délit d'opinion, est le renforcement de l'instrumentalisation de la justice.

A l'heure où les magistrats font état de « l'impérieuse nécessité de contenir les plaintes avec constitution de partie civile », ce projet de loi ouvre la possibilité à certaines associations militantes coutumières du fait de contraindre ceux qui ne partagent pas leur conception de l'homosexualité à venir s'en expliquer à la barre d'un tribunal correctionnel en qualité de prévenus.

Certes, comme certain promoteurs de ce texte le disent aujourd'hui, le juge pénal saura faire la part des choses et relaxera ceux qui n'auront fait qu'exprimer une opinion légitime. Cependant, un procès correctionnel est un traumatisme qu'une décision de relaxe n'efface pas.

Afin d'éviter les procès à répétition engagés par les militants les plus virulents à l'encontre de ceux qui ne partagent pas leurs convictions, il n'y a qu'une seule solution technique : réserver l'initiative des poursuites au Parquet. Faire confiance au juge, c'est aussi faire confiance au procureur de la République qui, éventuellement informé par les associations, pourra décider d'engager l'action publique. Ce choix ne serait nullement original. En effet, plusieurs infractions figurant dans le code pénal ou dans la loi sur la liberté de la presse ne peuvent occasionner des poursuites à la seule initiative des parties civiles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 10, deuxième rectification.

La parole est à M. le président de la commission, pour le soutenir.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Cet amendement vise à éviter qu'une poursuite puisse être déclenchée par le Parquet si la victime le refuse.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 3 de M. Garraud n'a plus d'objet.

Je suis saisi d'un amendement n° 48.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Cet amendement tend à permettre à toute association déclarée depuis cinq ans de se porter partie civile.

M. Marc Le Fur. L'amendement n° 2 de M. Garraud devrait être discuté avant celui-là !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement. Quant à moi, j'y suis personnellement favorable dans la mesure où son adoption aurait l'avantage de faire tomber les amendements suivants.

Mme Christine Boutin. C'est scandaleux !

M. Marc Le Fur. Lamentable !

M. Christian Vanneste. C'est honteux !

M. Claude Goasguen. C'est un choix politique qui pèse lourd !

Mme Christine Boutin. Au moins, c'est clair !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je n'avais lu de l'amendement que ses deux premières lignes. La lecture de la suite me conduit à émettre finalement un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Cet amendement n'a pas le même objet que celui de M. Garraud, puisqu'il porte sur des domaines beaucoup plus étendus. J'y suis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 11 et 2.

La parole est à M. le président de la commission, pour soutenir l'amendement n° 11.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Cet amendement reproduit l'amendement n° 2 de M. Garraud.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour soutenir l'amendement n° 2.

M. Jean-Paul Garraud. Cet amendement, qui a été adopté par la commission, tend à réserver aux associations reconnues d'utilité publique la possibilité de se constituer partie civile pour les délits qui nous occupent.

Une telle disposition pourrait paraître restreindre le droit des associations. Je suis le premier à reconnaître le rôle éminent que jouent celles-ci dans l'aide et l'assistance aux victimes. Cependant, eu égard aux atteintes que porte ce texte au droit pénal de la presse, j'ai cherché à contenir les dépôts de plainte avec constitution de partie civile. En effet, une jurisprudence va devoir s'établir en matière de diffamations et d'injures, et des associations voudront voir jusqu'où elle ira en engageant l'action publique.

Ce que je propose ne me paraît pas excessif. En effet, le procureur de la République reste maître des poursuites. De plus, chacun est libre , s'il s'estime victime, de se constituer partie civile. En revanche, le risque existe que certaines associations très virulentes et très procédurières engagent l'action publique au point de porter atteinte à des libertés fondamentales. Les associations reconnues d'utilité publique, elles, sont incontestables.

On me dit que cela sera difficile et que cela risque de rendre le texte inapplicable, mais cela n'est pas vrai. Il importe surtout de veiller aux conséquences que pourrait avoir un déversement excessif de plaintes avec constitution de partie civile. Un récent rapport du président du tribunal de grande instance de Paris préconise d'ailleurs une grande vigilance quant au risque d'encombrement des juridictions qui pourrait en résulter.

M. le président. Sur le vote des amendements nos 11 et 2, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je tiens à rappeler à l'Assemblée que la commission a adopté l'amendement de M. Garraud contre l'avis du rapporteur. Sans doute ne vide-t-il pas le texte de toute sa valeur. L'individu pourra toujours se constituer partie civile. Je le dis, car nous avons entendu des propos outranciers à cet égard.

Cependant, je rappelle quelles sont les conditions, très strictes, qu'une association doit remplir pour être reconnue d'utilité publique : une pratique d'au moins trois ans comme association déclarée ; la fourniture des comptes pendant cette période et un budget d'au moins 45 734 euros ; l'adhésion d'au moins 200 membres ; l'intervention au plan national ; des statuts conformes au modèle approuvé par le Conseil d'État. Sur 700 000 associations déclarées, moins de 2 000 sont reconnues d'utilité publique, parmi lesquelles on ne trouve aucune association de lutte contre l'homophobie et que peu d'associations féministes.

Si, sur le fond, je suis en profond désaccord avec l'amendement qui a été adopté par la commission des lois, c'est parce qu'une association a deux buts.

Le premier est d'aider les victimes, fragiles par définition, qui ne savent pas comment entreprendre une procédure judiciaire et ont besoin d'être conseillées, voire, dans certains cas, portées.

Le second est de jouer un rôle pédagogique vis-à-vis de l'ensemble de la société. Ce but doit d'ailleurs être reconnu comme une des finalités de sa création. À ce titre, l'amendement n° 11 revient donc à nier l'existence même de l'association.

Accepter l'article 17 bis de ce texte, l'article 17 ter - non sans difficulté, il est vrai - et supprimer l'article 17 quater, qui offre aux associations la possibilité de se porter partie civile, c'est rendre ce texte boiteux.

Certes, on peut comprendre un accès d'humeur de la part des députés. Mais j'insiste sur le fait que l'obligation de cohérence appartient aux missions de l'Assemblée nationale. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de revenir sur votre vote en commission et d'accepter que les associations puissent ester en justice.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est tout à fait défavorable à ces amendements.

Monsieur Garraud, je comprends fort bien votre souci d'éviter des recours en justice abusifs, mais je rappelle que le texte prévoit que, pour pouvoir se porter partie civile, une association doit avoir cinq ans d'existence.

Ensuite, j'appelle l'attention des députés sur un point important : une association ne peut pas se porter partie civile si la victime n'est pas d'accord.

Mme Anne-Marie Comparini. Absolument !

M. le garde des sceaux. De deux choses l'une. Soit celle-ci ne donne pas son accord et il ne peut y avoir de recours abusif. Soit elle le donne et, étant en situation d'extrême fragilité, elle a besoin d'être accompagnée dans sa démarche. Nous connaissons tous, dans le domaine judiciaire, des associations qui se préoccupent des victimes. C'est même un de leurs rôles principaux que de les accompagner dans le processus judiciaire.

Ainsi, monsieur Garraud, votre souci ne me paraît pas fondé. Enfin, je souligne que, au titre de la séparation des pouvoirs, la reconnaissance d'utilité publique pour se porter partie civile n'est pas un critère pertinent. Cette reconnaissance est en effet décidée par le Gouvernement, plus précisément par le Premier ministre, au vu d'un certain nombre de critères.

M. Patrick Bloche. Absolument !

M. le garde des sceaux. Or, puisque, dans cette affaire, nous sommes face à un processus à caractère judiciaire, il ne faut pas mélanger les genres. Laissons au tribunal le soin de dire s'il y a abus, et je rappelle que, le cas échéant, la loi prévoit des sanctions.

Pour toutes ces raisons, je souhaite que l'Assemblée rejette ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Associer la société civile à une démarche que nous voulons concertée et partagée me paraît être un gage de réussite, de confiance et de responsabilité.

Je saisis cette occasion pour marquer la reconnaissance que nous devons aux associations qui œuvrent au quotidien sur le terrain des violences. Pourrions-nous encore accepter que, comme ce fut le cas il y a quelques mois, aucune de ces associations ne puisse ester en justice après les propos de l'imam de Vénissieux ? Pourrions-nous encore l'accepter, alors que nous sommes tous convaincus qu'il faut donner toute son efficacité à ce texte ?

Par ailleurs, je rappelle que, parmi les associations qui œuvrent sur ce terrain, il n'en est pas une seule qui dispose de la reconnaissance d'utilité publique. Voter ces amendements reviendrait donc à rendre le texte inopérant.

Nous ne pouvons pas aujourd'hui - je le dis avec une certaine gravité - nous passer des associations...

Mme Claude Greff. Tout à fait !

Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. ...qui sont beaucoup plus que des interfaces entre le pouvoir politique et la réalité. Elles sont véritablement partenaires à part égale de notre action. Repousser ces amendements est, me semble-t-il, une façon de leur exprimer la reconnaissance légitime que nous leur devons. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.

Mme Christiane Taubira. Nous sommes unanimes à reconnaître que la victime est en situation de vulnérabilité, même si elle n'a pas le statut permanent de personne vulnérable.

Je voudrais revenir d'un mot sur les propos de M. Garraud. Celui-ci nous dit que le procureur est maître de l'opportunité des poursuites. Il est donc également maître des classements sans suite !

En outre, il faut se rappeler que, dans le cas où la victime pourrait elle-même porter plainte et se constituer partie civile, le dépôt d'une caution est prévu. Comment une victime en situation de difficulté, qui se retrouve seule face à l'institution judiciaire et doit essayer de comprendre les méandres de l'instruction, aurait-elle les moyens de déposer une caution ? Autant dire qu'on accumule les complications et les difficultés.

Ce ne sont pas là, monsieur Garraud, des alternatives valables au fait que les associations puissent accompagner les victimes.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Sur le plan juridique, le garde des sceaux, comme le président de la commission des lois, ont apporté des arguments ô combien pertinents et complets pour repousser l'amendement de M. Garraud. Le groupe socialiste souhaite cependant se situer sur un autre plan.

Si nous parvenons à voter ce texte sans qu'il soit abîmé de façon funeste et à porter plus haut ce dispositif de lutte contre les discriminations, c'est que deux éléments majeurs ont joué pleinement leur rôle.

Merci à l'Europe qui, depuis cinquante ans, a mis en place un cadre qui nous a conduits à modifier progressivement notre droit interne.

Et merci aux associations, à ces femmes et à ces hommes qui, de manière bénévole et militante, nous ont interpellés, nous ont fait prendre conscience de certaines choses et ont lancé des débats publics essentiels qui trouvent, aujourd'hui leur traduction législative.

M. Jean Leonetti. Tout cela a déjà été dit !

M. Patrick Bloche. On ne peut donc pas donner des associations, comme l'a fait M. Garraud, une image caricaturale : une association se constituerait partie civile pour faire évoluer la jurisprudence. Si elle le fait, c'est avant tout pour aider une victime d'une discrimination, d'autant qu'elle le fait en accord avec ladite victime !

M. Jean-Yves Hugon. Demandez-le aux maires !

M. Patrick Bloche. En l'occurrence, si ces amendements malheureux, dont j'ai dit pendant la discussion générale que je les trouvais d'une grande mesquinerie, étaient insidieusement votés, ce serait à mon sens un dommage irréparable à notre action, car la portée de ce texte se trouverait limitée de manière considérable.

M. Jean Leonetti. C'est long ! Plus vite, monsieur Bloche !

M. Patrick Bloche. Il se trouverait en effet inapplicable, ou du moins bien moins utile et bien moins efficace.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.

M. Jean-Paul Garraud. M. le garde des sceaux nous ayant assuré qu'il n'y aurait certainement pas de recrudescence de constitutions de partie civile dans le domaine qui nous préoccupe, je retire mon amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. L'amendement n° 2 est retiré, et il en est donc de même de l'amendement n° 11 de la commission.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 12, 37 et 49.

La parole est à M. le président de la commission, rapporteur.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. L'amendement n° 12 de la commission reprend l'amendement n° 37 de M. Bloche.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l'amendement n° 37.

M. Patrick Bloche. Il s'agit avant tout d'un amendement de cohérence qui vise, puisque le projet de loi traite à la fois du sexisme et de l'homophobie, à ce que soient reconnues les associations qui luttent contre les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle, mais aussi celles qui combattent les violences fondées sur le sexe.

L'amendement, qui propose une réécriture légère de l'article 17 quater, a reçu un avis favorable de la commission des lois.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 49.

Mme Martine Billard. Cet amendement est identique aux amendements nos 12 et 37. Il serait incohérent de reconnaître les associations qui combattent les discriminations, mais non celles qui combattent les violences.

Par ailleurs, M. Garraud nous a expliqué que son amendement n° 2 était dans le droit fil de ses interventions précédentes. C'est indéniable ! Tout est dit quand il affirme qu'il s'agit d'un texte permissif. Jusqu'au bout, ne pouvant le supporter, il aura essayé de le modifier. Grâce à l'opposition, sa tentative n'aura pas abouti. Nous pouvons nous en féliciter, mais l'épisode n'est pas à l'honneur d'une partie de l'UMP. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Le Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 12, 37 et 49.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 50.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Il s'agit d'un amendement de cohérence, qui est défendu.

M. le président. Avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 50.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 38 et 26, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 26 n'est pas défendu.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l'amendement n° 38.

M. Patrick Bloche. L'amendement a été largement défendu. Il vise à ce que la constitution de partie civile soit ouverte aux associations combattant les violences ou les discriminations fondées sur l'état de santé ou le handicap.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 65 et 66, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour les soutenir.

Mme Christine Boutin. J'ai entendu avec beaucoup d'intérêt les déclarations soulignant l'importance des associations, auxquelles je souscris pleinement. Cependant, si ce texte est voté, les associations de défense des droits des homosexuels et des femmes pourront, par exemple, poursuivre devant le juge pénal tout propos diffamatoire ou qu'elles considéreraient comme tel, même si ces propos ne visent personne en particulier.

Ce faisant, elles se verront reconnaître plus de droits que certaines autres, en particulier les associations d'anciens combattants, les loges, l'église catholique, les ordres, les syndicats et les associations de défense des personnes handicapées.

L'amendement no 66 tend, en cohérence avec les amendements déjà votés visant à étendre l'effet de ce texte aux handicapés, à permettre aux associations de défense des personnes handicapées de se constituer partie civile.

Quant à l'amendement n° 65, il propose de donner cette possibilité aux associations qui défendent la religion catholique, au même titre qu'à toutes les autres.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 65 et 66 ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 65, madame Boutin, vous avez satisfaction, mais d'une façon implicite. En effet, l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 dispose que les associations qui assistent les victimes sont recevables dans leur action sur le fondement de la lutte contre le racisme. Or, dans un arrêt du 16 avril 1991, la Cour de cassation a jugé que le racisme expressément visé par l'article 48-1 s'entend de toute discrimination fondée sur l'origine ou l'appartenance ou la non-appartenance soit à une race, soit à une ethnie, soit à une religion, sans restriction ni exclusion. Le même dispositif, issu de la loi de 1972, permet donc de lutter contre le racisme et l'intolérance religieuse, et il n'y a aucune raison que cette jurisprudence évolue. Vous avez donc satisfaction.

Mme Christine Boutin. Je retire l'amendement n° 65.

M. le président. L'amendement n° 65 est retiré.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 66 ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. J'ai eu beaucoup de mal à expliquer que nous avons évidemment une infinie compassion pour les handicapés, mais que nous ne pouvons pas les inclure dans le dispositif. Les actes et les propos, ce n'est pas la même chose.

M. le président. Néanmoins, cet amendement est en cohérence avec les votes précédents.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Certes, mais nous verrons cela le moment venu.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 13 de la commission.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Nous avons découvert que le Gouvernement avait oublié les crimes de guerre, qui sont d'une grande actualité. Cet amendement a donc pour objet de redresser la rédaction initiale et de réparer cet oubli dû à une faute de plume.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17 quater, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 17 quater, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 17 quater

M. le président. Nous en venons à plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 17 quater.

Je suis saisi d'un amendement n° 17.

La parole est à Mme Chantal Brunel, pour le soutenir.

Mme Chantal Brunel. Nous avons adopté des dispositions pour lutter contre les propos sexistes. Or cela ne recouvre qu'une petite partie du drame que vivent les femmes d'origine étrangère sur notre sol. Je veux parler notamment des jeunes filles qui disparaissent l'été et qui ne reviennent pas ou de la polygamie. Celle-ci est certes interdite par nos lois, mais elle existe, même dans certains textes. Ainsi, on peut lire dans la brochure d'un organisme de prévoyance agréé par l'État qu'en ce qui concerne les participants vivant en état de polygamie dans des conditions valables selon la loi coranique, l'allocation de base est proratisée selon le nombre d'épouses.

L'amendement vise donc à mettre sous tutelle les prestations familiales...

M. Patrick Bloche. Hors sujet !

Mme Chantal Brunel. ...quand le père est polygame, afin qu'elles ne soient pas pour lui un moyen de tenir dans la dépendance ses femmes et ses enfants.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. La commission a été surprise par cet amendement. Personne ne sous-estime l'importance du sujet, mais il a davantage à voir avec le code de la sécurité sociale qu'avec le texte que nous examinons.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui n'a rien à voir avec le projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 18.

La parole est à Mme Chantal Brunel, pour le soutenir.

Mme Chantal Brunel. Auparavant, je souhaiterais répondre à Mme la ministre. Nous examinons un texte sur l'égalité et l'intégration.

Mme Martine Billard. Les femmes n'ont pas besoin d'être intégrées !

Mme Chantal Brunel. Or il ne peut y avoir d'intégration pour des familles qui vivent en état de polygamie.

Mme Claude Greff. Cela n'a rien à voir !

M. le président. Je vous rappelle, madame Brunel, que nous discutons d'un projet de loi qui crée une Haute autorité de lutte contre les discriminations.

Mme Chantal Brunel. Ce texte tend également à combattre les inégalités. Or la polygamie porte atteinte au statut de la femme.

L'amendement n° 18 vise donc à pénaliser toute personne qui fait entrer sur le sol français un étranger qui vit en état de polygamie. Il s'agit d'envoyer des signaux forts à certains pays étrangers.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables.

Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 14.

La parole est à M. Dominique Tian, pour le soutenir.

M. Dominique Tian. Au cours de ce débat, nous avons beaucoup parlé de la montée du racisme et de l'antisémitisme. Or nous nous trouvons dans une situation absurde depuis que la chaîne Al Manar a été autorisée à diffuser, en France, des images antisémites incitant à la violence et à la haine. Comme le Premier ministre a déclaré récemment dans cette enceinte qu'il souhaitait un renforcement des dispositifs législatifs permettant une suspension immédiate de toute chaîne portant atteinte à l'ordre public, notamment par la diffusion d'images de haine et de propos racistes, il m'a paru intéressant de déposer un amendement au projet de loi qui permettrait de faire cesser très rapidement la diffusion de ces émissions qui, je le répète, incitent à la haine raciale et antisémite.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. J'ai été surpris par cet amendement, auquel la commission est défavorable pour une raison de forme et une raison de fond.

Tout d'abord, il s'agit d'un cavalier, selon la définition du Conseil constitutionnel, puisque cet amendement a été déposé par un parlementaire et non par le Gouvernement. S'il était adopté, il serait donc censuré.

Sur le fond, je m'étonne que l'on cherche à traiter cette affaire par le bout politique. Les statuts du CSA prévoient que celui-ci est le seul à pouvoir saisir la juridiction compétente et que celle-ci est le président de section du Conseil d'État. Ce qui peut être critiquable dans cette affaire, c'est la décision du juge, mais pas la compétence de la juridiction administrative. Vouloir lui substituer le ministre de l'intérieur ou le Premier ministre, c'est commettre, selon moi, une profonde erreur.

En effet, en l'espèce, l'affaire est assez claire, mais si une autre télévision diffusait des propos choquants, quel Gouvernement pourrait prendre une décision sans être immédiatement accusé d'atteinte aux libertés ? La force d'une juridiction est de pouvoir prendre une telle décision.

Le Premier ministre a annoncé qu'il essaierait d'améliorer le fonctionnement de cette saisine, mais de là à substituer une autorité politique à une juridiction. Je ne l'espère ni ne le conseille.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je partage l'analyse de M. le président de la commission des lois.

Monsieur le député, je veux dire la détermination du Premier ministre et du Gouvernement à trouver une solution satisfaisante, afin qu'il ne soit plus possible de voir ce type d'images sur des postes de télévision installés sur notre territoire.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le garde des sceaux. Par ailleurs, je tiens à vous informer que la procédure pénale, qui est différente de celle que vous avez évoquée, a abouti à l'ouverture d'une information. L'instruction est en cours, et je crois savoir qu'elle va déboucher, dans les tout prochains jours, sur des mises en examen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 14 est retiré.

L'amendement n° 16 n'a plus d'objet.

Article 18

M. le président. Je mets aux voix l'article 18.

(L'article 18 est adopté.)

Article 19

M. le président. Sur l'article 19, je suis saisi d'un amendement de suppression n° 39.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 40.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 19.

(L'article 19 est adopté.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je ne serai guère long, car l'heure est tardive et nous avons débattu de manière approfondie des dispositions de ce projet de loi, qui sera certainement voté très largement par notre assemblée.

Nous avons franchi collectivement une nouvelle étape importante sur le long chemin de l'égalité des droits. L'opposition, notamment le groupe socialiste, a joué son rôle. Même si nous regrettons qu'aucun de nos amendements n'ait été adopté, nous avons, par nos prises de parole, contribué au débat et apporté quelques éclaircissements.

Beaucoup de nos collègues ont abordé ce texte en pensant que les propos à caractère sexiste ou homophobe étaient déjà sanctionnés par les dispositions visant les actes à caractère discriminatoire. Ce débat a permis de clarifier les choses. Les actes à caractère homophobe et sexiste sont sanctionnés depuis un certain temps - ces sanctions ont même été aggravées, et le groupe socialiste n'y a pas été pour rien, reprenant parfois des amendements abandonnés au cours du débat parlementaire par la majorité actuelle -, mais il s'agissait bien, aujourd'hui, de combler un vide juridique en prévoyant de sanctionner non seulement les propos à caractère homophobe et sexiste, mais aussi - c'était une demande forte du groupe socialiste et c'est une raison supplémentaire de nous réjouir - les propos à caractère handiphobe.

Ce projet de loi, qui crée une Haute autorité de lutte contre les discriminations et qui transpose une directive européenne, permet d'assurer à nombre de nos concitoyens qui pourraient être discriminés à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle la protection de la loi du 29 juillet 1881.

Nous avons trouvé ensemble un bon équilibre pour ce texte. À aucun moment, la liberté d'expression et d'opinion n'a été menacée. La loi de 1881, grande loi républicaine, assure à la fois la liberté d'expression et d'opinion et la sanction des abus dont elle peut faire l'objet. On a beaucoup parlé de la presse, mais je pense que celle-ci n'était concernée que de façon très lointaine. En effet, c'est la loi de 1881 qui sanctionne les propos publics - exprimés oralement ou par écrit - revêtant un caractère discriminatoire : provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, diffamation et injure.

Le groupe socialiste se réjouit tout particulièrement d'avoir permis l'adoption de l'article 17 ter et, s'inscrivant dans la continuité de la proposition de loi déposée et débattue en novembre dernier, qui préfigurait le projet dont nous venons de débattre, il votera ce texte.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le groupe communiste et républicain.

M. Frédéric Dutoit. Ce débat a montré l'étendue des progrès qui restent à accomplir dans la lutte contre les discriminations et pour l'égalité, en particulier contre l'homophobie et le sexisme. Il a, par ailleurs, mis en lumière les profondes divisions de la droite en la matière.

Le groupe communiste et républicain a voté certains articles, notamment les articles 17 bis, 17 ter et 17 quater, mais l'ensemble du texte n'étant guère différent de la proposition initiale, nous nous abstiendrons sur l'ensemble du projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le groupe UDF.

Mme Anne-Marie Comparini. Je fais partie de ceux qui aimeraient qu'une loi ne soit pas nécessaire. Malheureusement, les discriminations existent bel et bien, il n'est que d'écouter ce qui se dit et de lire les faits divers pour s'en convaincre. Il est bon que le législateur travaille sereinement. Son devoir est de tenter de stopper la montée de la violence et de préserver l'égalité et le respect dû à toute personne, quelle que soit son origine ou son mode de vie. Il ne s'agit que de cela, et si passion il doit y avoir, c'est la passion pour l'égalité !

En dépit des risques que pouvaient comporter certains amendements, ce texte permet des avancées significatives en termes de lutte contre l'homophobie, mais aussi de sexisme, avec l'alignement des sanctions relatives à ces deux délits. Le groupe UDF votera donc avec plaisir ce texte sage et équilibré.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe UMP.

M. Guy Geoffroy. À l'issue d'un débat dont personne ne contestera la richesse et l'intensité, deux questions se posent.

Premièrement, au terme de nos débats, le texte auquel nous avons abouti remplit-il l'objectif qui nous était fixé ? Sans aucun doute, puisqu'il répond à l'engagement pris par le chef de l'État lors de sa campagne électorale et réitéré dans son discours du 14 octobre 2002, de mettre en place une Haute autorité chargée de lutter contre les discriminations relatives à la race, à la religion, au sexe, ou à l'orientation sexuelle.

Deuxièmement, la richesse du débat, la passion parfois débordante qui l'a animé, ont-elles conduit notre assemblée à adopter des dispositions juridiques laissant transparaître des incertitudes, voire des dérives ? Non : s'il est normal que ce texte soulève les passions, sa portée est restée parfaitement encadrée. Il ne déborde pas de l'objectif clair qui lui était fixé.

En adoptant ce texte, le Parlement aura accompli un pas décisif, parce que lucide et courageux, sur le chemin d'une aspiration profonde de nos concitoyens à plus de justice, plus de reconnaissance de la différence, plus de respect de l'autre ; bref, un pas décisif dans la lutte contre l'ensemble des discriminations (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

MM. Claude Goasguen, Jean-Paul Garraud. et Lionel Lucca. Abstention !

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion.

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Je souhaite remercier M. le président de la commission des lois, rapporteur du projet, pour la très grande qualité de sa contribution à l'amélioration du texte du Gouvernement.

Je remercie également l'ensemble des députés pour les échanges qui ont eu lieu, d'autant plus utiles que nous débattions d'un sujet délicat, voire douloureux. Ce texte contribue à renforcer la cohésion sociale sur notre territoire. Dominique Perben, Nicole Ameline et moi-même sommes très fiers, comme vous pouvez l'être également, de l'avoir soutenu (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Aujourd'hui, à neuf heures, première séance publique :

Discussion de la proposition de loi, n° 1757, de M. Yves Censi et plusieurs de ses collègues visant à améliorer les retraites des maîtres de l'enseignement privé sous contrat :

Rapport, n° 1963, de M. Yves Censi au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, n° 1957, relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance :

Rapport, n° 1971, de M. Jean-Paul Garraud, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 8 décembre 2004, à une heure vingt-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot