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Deuxième séance du mardi 15 mars 2005

175e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président. Mes chers collègues, M. le ministre de l'intérieur m'a fait savoir que M. Nicolas Sarkozy avait été élu député de la sixième circonscription des Hauts-de-Seine dimanche dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Je lui souhaite la bienvenue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

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SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

M. le président. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à une délégation de l'Assemblée nationale du Burkina Faso, conduite par M. Roch Marc Christian Kaboré, président de l'Assemblée nationale. (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.)

    2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. le Premier ministre m'a fait connaître qu'en raison de son déplacement en Israël, il ne pourrait assister aux séances de questions au Gouvernement d'aujourd'hui et de demain et il vous demande de l'excuser.

CONTRATS D'AVENIR ET CONTRATS
D'ACCOMPAGNEMENT DANS L'EMPLOI

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe UDF.

M. Francis Vercamer. Monsieur le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, alors que le chiffre du chômage a franchi, ces dernières semaines, la barre symbolique des 10 % de la population active et que le nombre de bénéficiaires du RMI a augmenté de 9 % en 2004, concernant plus d'un million de personnes, la création des contrats d'avenir et des contrats d'accompagnement dans l'emploi est essentielle pour combattre l'exclusion.

Or, ce nouveau dispositif suscite aujourd'hui de multiples inquiétudes dans le monde associatif, qu'il s'agisse des ateliers et chantiers d'insertion ou des associations qui œuvrent dans les quartiers, contribuant par leur attractivité et les emplois qu'elles peuvent générer à la reconstitution du lien social. Les nouveaux contrats aidés risquent de coûter plus cher aux employeurs que le dispositif qu'ils sont appelés à remplacer, à savoir les contrats emplois-solidarité ou les contrats emplois consolidés. Le taux de prise en charge par l'État serait, en effet, moins élevé.

Or, ces contrats sont indispensables dans les bassins d'emplois durement touchés par les licenciements et les fermetures d'entreprises, tel celui de l'agglomération roubaisienne où le taux de chômage avoisine, dans certains quartiers, 30 % de la population active.

Monsieur le ministre, quelles garanties comptez-vous apporter aux associations, de manière que les contrats d'avenir et les contrats d'accompagnement dans l'emploi puissent répondre aux enjeux de l'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur Vercamer, je voudrais vous rassurer : les deux dispositifs indispensables - d'une part, les contrats d'avenir pour les titulaires du RMI et de l'ASS, et, d'autre part, les contrats d'accompagnement dans l'emploi pour les autres, qui remplacent en les simplifiant les CES et les CEC - seront mis en place pour les contrats d'avenir dans la quinzaine qui vient et pour les autres à compter du 1er mai.

Les CES avaient, vous le savez, trois faiblesses. Ils étaient trop courts : trois mois renouvelables. Or, on ne se reconstruit pas durant ce délai. Il n'y avait pas d'accompagnement et de formation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) La durée des contrats emplois-solidarité pouvait malheureusement descendre à six mois, voire à trois mois, en raison de contraintes budgétaires. (« Pourquoi trois mois ? » sur les bancs du groupe socialiste.)

Les associations nous ont demandé des contrats de plus longue durée, de façon qu'un véritable travail d'accompagnement et de formation puisse avoir lieu. Nous avons rencontré, la semaine dernière, des associations, notamment les chantiers d'insertion. Nous leur avons confirmé d'abord que le taux de prise en charge de l'État serait de 95 %...

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. ...et que, pour l'ensemble des autres dispositifs, les taux seraient de toute façon supérieurs aux taux antérieurs...

Mme Martine David. Avec quel argent ?

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. ..., à condition néanmoins qu'il y ait une attestation de compétence et une formation.

L'ensemble du dispositif est quasiment triplé. Il est stabilisé dans la durée. Il va nous permettre, Dieu merci ! de sortir de cette spirale infernale du RMI et de l'ASS.

DIRECTIVE BOLKESTEIN

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, au moment même où votre majorité a rejeté, ce matin, le texte que nous proposions pour interdire la pratique moyenâgeuse des expulsions locatives et des coupures en énergie et en eau, nous apprenons que notre pays compte désormais 1,3 million d'allocataires du RMI, chiffre en augmentation de 9 % en un an, que le pouvoir d'achat des Français diminue et que le chômage dépasse les 10 %.

Cette situation est la conséquence désastreuse de vos choix économiques. Vous ne pouvez demander à une majorité de Français de se serrer la ceinture aux seules fins de permettre à d'autres d'accumuler d'insolents profits et de provocantes richesses.

Les Français n'adhèrent plus au discours démagogique, selon lequel les profits d'aujourd'hui feraient les emplois de demain. Votre politique justifie la colère et la montée des revendications pour une plus grande justice sociale et une société plus humaine.

À cette colère, vous n'apportez que des réponses dilatoires. Nos concitoyens ont mesuré l'impasse sociale dans laquelle se sont engagés votre gouvernement et une Europe totalement inféodée au marché financier, qui compte 65 millions de pauvres.

Pour couronner le tout, le président de la Commission européenne vient de confirmer qu'il n'abandonnerait pas la directive Bolkestein, qui instaure le principe du pays d'origine, synonyme de nouveaux ravages sociaux qui justifient pleinement notre « non » à cette Europe où règnent en maître les profits boursiers.

Vous prétendiez avoir obtenu la remise à plat de cette directive, nous n'y voyons qu'une gesticulation électoraliste. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Comment comptez-vous, monsieur le ministre, dans ce contexte, répondre concrètement et sans faux-fuyants aux demandes du mouvement populaire, de ceux qui vivent dans les difficultés et souffrent de l'aggravation des inégalités ? Allez-vous enfin dire la vérité à nos concitoyens sur cette terrible directive Bolkestein ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur Sandrier, dès le 4 juin, à Luxembourg, M. Gérard Larcher s'exprimait au nom du gouvernement français et demandait le réexamen de cette directive. (« Ce n'est pas vrai ! » sur de nombreux bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Dès le 4 juin, M. le Premier ministre vous indiquait, dans cette enceinte, quelle était la position de la France.

Ce matin même, le Président de la République s'est adressé à la fois au président M. Junker et à M. Barroso pour leur rappeler la position de la France.

Premièrement, le principe du pays d'origine est, en l'état, inacceptable.

Deuxièmement, la position de la France est conforme aux engagements sociaux du traité constitutionnel pour un modèle social européen.

M. François Liberti. M. Barroso ne dit pas cela !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Troisièmement, la France demande que soit revue la directive sur la base d'un consensus sur ce modèle social européen.

LIBAN

M. le président. La parole est à M. Hervé de Charette, pour le groupe UMP.

M. Hervé de Charette. Monsieur le président, mesdames, messieurs, ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et concerne la situation au Liban.

Ce qui se passe actuellement au Liban revêt la plus haute importance. Après l'interminable guerre civile des années soixante-dix et quatre-vingt, après l'arrivée des troupes syriennes pour contribuer d'abord au retour de la paix civile, mais qui s'est progressivement, et depuis longtemps, transformée en une occupation pure et simple du Liban par la Syrie, après le meurtre du président Rafik Hariri, voici que le peuple libanais s'est mis en mouvement.

Je veux d'abord exprimer, ici, au nom de l'UMP, l'émotion profonde de tout notre Parlement. Depuis le premier jour de sa création, le Liban est un pays ami de la France. Tout ce qui s'y passe touche le cœur des Français. Ses succès nous réjouissent, ses malheurs sont les nôtres.

Pendant longtemps, nous avons patienté, en espérant que les autorités syriennes finiraient par prendre conscience de la nécessité d'appliquer les accords de Taëf, de restaurer la souveraineté libanaise et de fonder les rapports syro-libanais sur un partenariat entre pays souverains.

M. Pierre Lellouche. Il y a seize ans !

M. Hervé de Charette. Tel n'est décidément pas le cas. Depuis des semaines, mes chers collègues, le cœur des Français bat au rythme des événements qui se succèdent à Beyrouth, dans la montagne libanaise, à Tripoli et dans la Békaa.

Permettez-moi d'évoquer ici la mémoire du général de Gaulle, pour dire : « Vive le Liban libre ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Monsieur le ministre, je voudrais vous présenter trois demandes.

Premièrement, je vous prie de transmettre au Président de la République le message de notre soutien total pour l'action qu'il a conduite et qu'il conduit pour la mise en œuvre de la résolution 1559. Le peuple libanais a un besoin crucial du soutien de la France pour gagner la bataille de la liberté et de la démocratie.

Deuxièmement, je voudrais profiter de cette séance pour adresser au parlement du Liban un appel solennel, afin que le pays du Cèdre s'unisse pour donner au monde l'exemple d'un peuple qui se libère par la voie démocratique et pacifique d'élections libres.

M. Pierre Lellouche. Comme en Ukraine !

M. Hervé de Charette. Je vous demande, monsieur le ministre, de transmettre, par la voie officielle, cet appel du Parlement français.

Je souhaite enfin, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez quelles initiatives vous comptez prendre pour nous aider à découvrir la vérité sur le meurtre du président Hariri, pour que nous connaissions enfin le calendrier du retrait syrien et pour que des engagements libanais soient pris concernant les élections législatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur de Charrette, comme vous l'avez dit : « le peuple libanais s'est mis en mouvement. » Et, chaque jour, il s'exprime et il manifeste, dans la dignité, avec force, et avec quelle ferveur - on l'a vu hier encore dans les rues de Beyrouth.

Que dit le peuple libanais ? Qu'il veut enfin être maître de son destin, libre de ses décisions, respecté dans sa souveraineté et dans son territoire. Et vous, mesdames et messieurs les députés, je le dis officiellement au nom du Gouvernement et du Président de la République, nous soutenons cette espérance, qui est, en même temps, une exigence.

Et nous souhaitons que tous ceux qui s'expriment dans la rue à Beyrouth puissent travailler à ce nouvel élan et cette souveraineté, en dialoguant ensemble.

Voilà pourquoi, dans le cadre de la résolution 1559 des Nations unies, tous ensemble - je parle de la communauté internationale -, nous avons demandé que les troupes et les services syriens se retirent définitivement et complètement du Liban (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), selon un calendrier, dont la crédibilité devra être vérifiée par le secrétaire général des Nations unies.

Mais nous avons, sur ce point, pris acte des premières décisions du président syrien Bachar el-Assad.

Voilà pourquoi nous souhaitons, nous aussi, que se déroulent des élections libres et démocratiques, sous le contrôle d'observateurs internationaux.

Comme le peuple libanais, nous souhaitons, nous aussi, que toute la vérité soit faite sur le meurtre de Rafik Hariri.

Nous sommes et resterons aux côtés de tous les Libanais, parce que rien de ce qui concerne ce peuple et ce pays ne laissera jamais la France indifférente. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

NÉGOCIATION SALARIALE

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault. M. le Premier ministre étant en Israël, je me tourne vers le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale pour poser ma question. Le bilan économique et social du Gouvernement est accablant. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

J'en veux pour preuve le triste constat suivant : le seuil des 10 % de chômeurs est franchi ; le nombre de RMIstes - un million aujourd'hui - a augmenté de 9 % en un an ; la dette publique atteint le niveau historique de 1 000 milliards d'euros. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Anciaux. La faute à qui ? Vous faites preuve d'amnésie !

M. Jean-Marc Ayrault. Et, ce matin même, tout le monde a entendu que l'INSEE avait constaté une baisse de 0,3 point du pouvoir d'achat des salariés du secteur privé l'année dernière. Telle est la réalité de la France, dont vous avez la charge - et vous en êtes comptables !

M. Jean-Paul Anciaux. Quid de quinze ans de socialisme ?

M. Jean-Marc Ayrault. Les manifestations de jeudi dernier ont exprimé avec force la colère des Français, et, après avoir fermé votre porte pendant des mois et écarté toute discussion salariale dans la fonction publique,...

M. Jean-Paul Anciaux. C'est faux !

M. Jean-Marc Ayrault. ...vous redécouvrez aujourd'hui que le partage de la richesse est une revendication légitime...

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

M. Jean-Marc Ayrault. ...et vous vous dites prêts à rouvrir des négociations dans la fonction publique.

Qu'allez-vous proposer concrètement ?

Allez-vous garantir réellement le pouvoir d'achat des fonctionnaires ? Comment comptez-vous le financer ? Êtes-vous prêts à renoncer aux baisses d'impôt qui n'apportent des avantages qu'à une petite minorité de favorisés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

S'agissant des salariés du privé, la même incertitude règne. Votre proposition de relancer l'intéressement ne concernera - avec un effet très tardif - qu'une petite minorité. Quand inciterez-vous le MEDEF à négocier sérieusement avec les organisations syndicales ?

La France a besoin de renouer avec une véritable politique des revenus ! C'est à l'État de prendre l'initiative et de convoquer, comme nous le proposons, une conférence nationale sur l'emploi et les salaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, le Gouvernement est obligé de reculer, dans un désordre coûteux pour le pays et menaçant pour son avenir. Alors, n'attendez plus pour répondre aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur le président Ayrault, permettez-moi de rectifier une inexactitude dans vos propos : le chiffre de l'INSEE que vous avez cité au sujet de l'évolution du pouvoir d'achat ne concerne pas 2004, mais l'année précédente. En outre, il s'agit d'un indicateur global. En fait, l'augmentation du pouvoir d'achat du SMIC et des GMR - y compris en 2003 - a été de 2,3 % et de 2,4 %. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille. Fallacieux !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Au total, que vous le vouliez ou non, il s'agit, pour les bas salaires du pays, d'une augmentation sans précédent, après les trois années de modération salariale que vous aviez vous-mêmes décrétées. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour le reste, monsieur le président Ayrault, M. Dutreil, sous l'autorité du Premier ministre, va ouvrir, dans le respect, la cohérence et la coordination, une négociation globale sur l'évolution des salaires dans la fonction publique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

En même temps, nous ferons le point, sous l'autorité de Gérard Larcher, sur la réalité des hausses de salaires intervenues en 2004. À cet égard, il apparaît que les salaires ouvriers ont déjà augmenté de 0,7 %. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. On voit que vous ne connaissez pas de fins de mois difficiles !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Enfin, nous saisirons la commission nationale du mois de juin pour fixer, pour la troisième fois, le taux d'augmentation du SMIC.

Un débat de fond, sous l'autorité du Premier ministre, est donc engagé. Les dispositions relatives à la participation et à l'intéressement seront bientôt présentées devant le Parlement. Le Premier ministre nous a incités à aller plus loin encore dans la réflexion, et il aura l'occasion de s'exprimer à ce sujet devant le Conseil économique et social le 23 mars prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine David. Pitoyable !

CONTRATS AIDÉS

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe UMP.

M. Jean-Pierre Decool. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

La loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale crée de nouveaux dispositifs d'insertion professionnelle en direction des jeunes et des personnes en difficulté dans les secteurs marchand et non marchand. Les objectifs de ce plan sont ambitieux : ils visent à redynamiser l'emploi et à redonner confiance en l'avenir en créant un million de contrats d'avenir sur cinq ans.

J'ose croire à la réussite de ces dispositifs. Laissez-moi cependant vous faire part, monsieur le ministre, des préoccupations du terrain et des maires de nos communes rurales concernant les nouveaux dispositifs de contrats aidés pour le secteur non marchand.

Certains maires nous ont interpellés en nous faisant part de leurs incertitudes quant à la conclusion des anciens contrats aidés - contrats emploi-solidarité et contrats emplois consolidés -, leur renouvellement et leur transformation en contrats d'accompagnement dans l'emploi ou en contrats d'avenir.

Dans cette période d'incertitude, le manque d'informations à ce sujet va à l'encontre de l'objectif de simplification que s'est assigné le plan de cohésion sociale. Vous nous avez adressé des fiches pratiques sur chaque dispositif, ainsi qu'un calendrier transitoire de mise en place de nouveaux contrats.

Monsieur le ministre, cette communication sera-t-elle également faite auprès de chaque maire de France ? Pouvez-vous expliciter les termes du calendrier de mise en œuvre des nouveaux contrats ? Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, de votre réponse, dont je ne doute pas de la clarté et du pragmatisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur Decool, tous les contrats actuels, en cours ou qui arrivent à leur terme, peuvent faire l'objet d'un avenant de six mois, automatiquement, de façon à stabiliser la situation.

En ce qui concerne les nouveaux contrats, les contrats d'avenir, le dispositif démarrera le 1er avril. Le dépliant que voici (M. le ministre montre le dépliant à l'Assemblée) sera disponible à partir de la semaine prochaine dans toutes les collectivités et toutes les ANPE.

Quant aux contrats d'accompagnement vers l'emploi, ils démarreront à compter du 1er mai dans les conditions que j'ai évoquées tout à l'heure.

Les maires de France, les associations, les départements et l'ensemble des employeurs possibles seront alertés par courrier direct la semaine prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. le président. La parole est à Jean-Yves Cousin, pour le groupe UMP.

M. Jean-Yves Cousin. Ma question s'adresse au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Avec une baisse de 4,7 % du nombre de tués par rapport à janvier 2004, l'amélioration de la sécurité sur nos routes initiée depuis juin 2002 s'est poursuivie en janvier 2005. Ce résultat, très satisfaisant, est encourageant pour tous.

Pour autant, il ne doit pas nous faire oublier que les chiffres des accidents corporels et des blessés sont en légère augmentation, comme vous nous l'indiquiez il y a un mois.

Il faut donc, sans relâche, poursuivre les efforts, et inciter toujours plus nos concitoyens à un comportement exemplaire - comme ils ont pu l'avoir d'ailleurs au cours des dernières semaines, en faisant preuve de prudence sur des routes rendues dangereuses par les intempéries.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si cette tendance à la baisse constatée au mois de janvier s'est poursuivie, voire améliorée, au mois de février ?

D'autre part, comment comptez-vous continuer à sensibiliser tous les usagers de la route sur la nécessité d'un meilleur respect des règles ?

Enfin, face à ces résultats, pouvez-vous nous dire si les compagnies d'assurance comptent poursuivre la baisse de leurs tarifs, comme certaines d'entre elles l'ont déjà fait l'an dernier ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, vous me donnez l'occasion de rappeler que le mois de février 2005 représente le trente-troisième mois consécutif de baisse, janvier 2004 excepté. En février 2002, on a dénombré 578 victimes sur les routes, contre 317 en février 2005, soit une baisse de 44,2 %.

Mesdames et messieurs les députés, lorsque vous rencontrez des citoyens quelque peu irrités contre la politique de sécurité routière, rappelez-leur que 3 000 vies ont été sauvées en 2004 - 2 500 vies sauvées en 2003 - et, que, si nous le voulons tous, il y en aura certainement au moins autant en 2005 !

Les compagnies d'assurances connaissent ces chiffres. C'est la raison pour laquelle elles ont annoncé une deuxième baisse des primes d'assurance en avril 2005, comprise entre 2,5 % et 5 %, qui s'ajoute à celle qui a été annoncée en janvier 2005.

La première récompense de notre politique, c'est de sauver des vies humaines. La seconde, certes plus matérielle que la première, mais néanmoins estimable, c'est la baisse des primes d'assurance. Elle entre pleinement dans les objectifs du Gouvernement de lutte contre la vie chère. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

RÉFORME DE L'ÉCOLE

M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler, pour le groupe socialiste.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, aujourd'hui encore, les lycéens manifestent contre votre projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Hier, les enseignants et les parents ont aussi exprimé leur rejet de votre réforme et redoutent l'effet des restrictions budgétaires. La prochaine rentrée scolaire sera encore plus difficile, plus dramatique dans la plupart des établissements. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ainsi, en Franche-Comté, on compte 1 500 élèves supplémentaires dans le primaire, mais dans le même temps, 70 postes d'enseignant auront été supprimés. Or vous restez sourd à ce qu'expriment les manifestants. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous vous obstinez à défendre un projet de loi injuste et dangereux ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)

Vous prenez, monsieur le ministre, la lourde responsabilité d'une fracture avec le monde de l'éducation, et surtout avec la jeunesse. C'est pour éviter cette rupture que nous vous demandons solennellement de reprendre les négociations pour rétablir les TPE, unanimement réclamés par les lycéens et les enseignants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Nous vous demandons de revenir sur les suppressions de postes d'enseignant grâce à un collectif budgétaire : les rentrées fiscales supplémentaires annoncées dimanche par M. le Premier ministre le permettent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Georges Tron. N'importe quoi !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, le Gouvernement n'est pas sourd aux revendications des lycéens. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je vous rappelle qu'à leur demande, et devant l'inquiétude qu'ils manifestaient, j'ai retiré du projet de loi que vous avez voté la réforme du baccalauréat, même si je pense qu'il s'agit d'une réforme nécessaire, utile, sur laquelle il faudra à l'avenir que nous revenions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

De même, j'ai proposé que les travaux personnels encadrés en première puissent faire l'objet d'une notation comptant pour le baccalauréat.

De la même façon, nous avons sécurisé l'enseignement des sports, celui de l'éducation artistique, ou encore des sciences économiques et sociales.

Madame la ministre, écouter les jeunes ne nous exonère pas de leur dire la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Et la vérité aujourd'hui, c'est que notre système éducatif est en recul par rapport à toutes les comparaisons internationales ! La vérité, c'est qu'aujourd'hui, notre système éducatif fabrique de plus en plus d'exclus ! La vérité, c'est que notre système éducatif est plus injuste que jamais !

Je suis sûr que vous serez attentif à cela, madame Guinchard-Kunstler : un enfant d'ouvrier a dix fois moins de chances d'obtenir un baccalauréat général ou technologique qu'un enfant d'enseignant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est une situation qui n'est pas nouvelle : elle est le résultat de notre immobilisme depuis des années et des années en matière d'éducation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Alors, oui, rien ne me fera renoncer à définir des priorités éducatives. Rien ne me fera renoncer à engager l'État à transmettre à tous les enfants de la République ce socle de connaissances et de compétences commun, qui est indispensable à leur réussite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, rien ne me fera renoncer à optimiser l'organisation de l'éducation nationale, parce que, depuis vingt ans, la fuite en avant sur les moyens n'a résolu aucune des questions structurelles auxquelles nous sommes confrontés.

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il a raison !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame Guinchard-Kunstler, dans quelques minutes, je vais quitter l'Assemblée nationale pour aller débattre de ce projet de loi au Sénat. Et je vous donne rendez-vous le 24 mars pour le vote définitif de la réforme de l'école. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

PLAN NATIONAL SANTÉ-ENVIRONNEMENT

M. le président. La parole est à M. Christian Decocq, pour le groupe UMP.

M. Christian Decocq. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'écologie et du développement durable, et elle porte sur le plan national santé-environnement.

Monsieur le ministre, votre engagement pour la protection de l'environnement est réel et constant. Comme mes collègues députés qui, dans leurs sensibilités diverses, militent - le terme n'est pas trop fort - pour la cause de l'environnement, je connais la difficulté qu'il y a à mener cette bataille, et vous aussi. Toutes les réformes en ce domaine se heurtent à des atermoiements, à des résistances, à des oppositions, car elles percutent des intérêts économiques, bouleversent des habitudes administratives, modifient des comportements individuels. Consentir des efforts aujourd'hui pour de meilleurs lendemains, voilà qui est difficile à faire admettre.

Pourtant, il existe un nouvel angle d'attaque de la question : le rapport entre la santé et l'environnement. Nos concitoyens commencent en effet à s'inquiéter de plus en plus des effets de la pollution sur leur santé, des 65 000 à 95 000 décès dus à la pollution de l'air, de la présence de pesticides dans l'eau ou encore de la persistance de l'amiante dans certains bâtiments.

L'adoption du plan national santé-environnement le 21 juin 2004 apparaît donc comme une très bonne mesure du Gouvernement. Cet ambitieux plan (Protestations de Mme Billard et de M. Cochet) a intégré le principe de précaution, inscrit dans la Charte de l'environnement, qui, je le rappelle, prévoit dans son article 1er que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Couvrant la période 2004 à 2008, il se doit de réussir. Monsieur le ministre, neuf mois après son lancement, qu'en est-il de sa mise en œuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, l'effet de l'environnement sur la santé est désormais établi : 7 % à 20 % des cancers sont imputables à des facteurs environnementaux. C'est pourquoi le Gouvernement a adopté le 21 juin 2004 un plan national santé-environnement, qui s'inscrit dans l'esprit de la Charte de l'environnement que le Congrès du Parlement a adoptée. Elle indique, vous l'avez rappelé, que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».

Qu'en est-il neuf mois après ? Des avancées significatives ont été obtenues pour un grand nombre des priorités du plan.

En ce qui concerne les particules fines en suspension dans l'air, il faut savoir que la France est très en avance, avec l'installation de filtres à particules sur les voitures, et qu'elle a obtenu leur généralisation dans le cadre européen d'ici à 2010. Par ailleurs, 9 millions d'euros de crédits ont été dégagés pour aider les collectivités locales à équiper leurs anciens bus dépourvus de tels filtres.

En matière de substances toxiques d'origine industrielle, une réduction très importante des émissions est en cours : de 85 % pour les dioxines et de 65 % pour le plomb.

Dans le domaine de la lutte contre les résidus de pesticides, des mesures spécifiques sont contenues dans le projet de loi sur l'eau adopté en conseil des ministres mercredi dernier.

M. Yves Cochet. Il n'y a rien dans ce projet !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Pour ce qui concerne la prévention de la légionellose, nous avons recensé l'ensemble des installations et identifié 12 745 tours aéroréfrigérantes dans 5 721 établissements. Le contrôle de tous ces bâtiments est une véritable priorité.

Mme Martine Billard. Et pour l'amiante, rien !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Soyez assuré, monsieur le député, que je suis très mobilisé sur cette question. Avec le ministre de la santé, nous répondrons aux légitimes préoccupations de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

TÉLÉVISION NUMÉRIQUE TERRESTRE

M. le président. La parole est à Mme Corinne Marchal-Tarnus, pour le groupe UMP.

Mme Corinne Marchal-Tarnus. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, ma question a trait à la mise en œuvre de la télévision numérique terrestre, la TNT, qui doit être officiellement lancée à la fin de ce mois, quelques années après les premiers essais qui ont eu lieu en Bretagne en 1998.

Je tiens à saluer cet ambitieux projet, qui allie prouesses techniques, avec la numérisation de signaux audio et vidéo ordonnés dans un flux unique, et meilleure communication : la netteté de l'image et du son devrait être équivalente à celle d'un DVD.

Cette technique permettra aux foyers ne disposant ni du câble ni du satellite non seulement d'avoir une meilleure qualité du son et de l'image mais aussi d'accéder à de nombreuses chaînes, gratuites et payantes. Le nombre de programmes proposés aux téléspectateurs devrait être de quinze chaînes gratuites, dont six chaînes publiques et neuf privées.

Cette nouvelle technologie permettra par ailleurs d'y associer des services comme des guides de programme et des services interactifs.

Vous serait-il possible, monsieur le ministre, de faire part à la représentation nationale des différentes échéances et des modalités de la mise en œuvre du projet ? Quels sont les travaux effectués et leur état d'avancement ? Combien de Français pourront-ils à court et à moyen termes bénéficier de la TNT et pour quel tarif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Madame la députée, vous avez raison d'évoquer la mise en place de cette offre télévisuelle gratuite à compter du 31 mars. C'est une véritable révolution parce que, sans avoir besoin de changer d'antenne ou d'acheter un nouveau poste de télévision, avec un simple adaptateur, dont le prix moyen aujourd'hui constaté sur le marché s'élève à 75 euros, les Français bénéficieront d'une offre gratuite étendue.

Quel est le calendrier ? Au soir du 31 mars, la mise en service des dix-sept premiers sites d'émission permettra de couvrir d'emblée 35 % de la population.

M. Michel Françaix. Un tiers seulement !

M. le ministre de la culture et de la communication. À la fin de l'année 2005, un Français sur deux pourra bénéficier de la TNT ; à la fin du premier semestre 2006, 65 % de la population, et, en 2007, 85 % auront accès à cette nouvelle offre.

Il y aura certes des problèmes techniques. Aussi, les parties prenantes - État, Conseil supérieur de l'audiovisuel, ensemble des opérateurs publics et privés - ont-elles décidé de mettre en place un numéro d'appel pour que chacun puisse trouver les réponses aux questions qu'il se pose.

Le véritable succès reposera sur l'offre elle-même de programmes. Vous pouvez être fiers des décisions que, députés et sénateurs, vous avez prises récemment, en donnant des moyens supplémentaires à l'audiovisuel public afin qu'il y ait davantage de musique, davantage de cinéma, davantage de productions audiovisuelles, davantage d'informations. Vous vous féliciterez aussi sans doute du fait que les chaînes parlementaires, de l'Assemblée nationale et du Sénat, seront reçues par l'ensemble de nos concitoyens. Ainsi, artistes, techniciens et journalistes auront des activités et des débouchés supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Et s'il pouvait y avoir une seule chaîne parlementaire, ce serait encore mieux, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur divers bancs.)

POUVOIR D'ACHAT

M. le président. La parole est à M. Pierre Bourguignon, pour le groupe socialiste.

M. Pierre Bourguignon. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, aujourd'hui tout le monde sait que, depuis 2002, la situation sociale ne cesse de se dégrader - Jean-Marc Ayrault l'a rappelé. On ne peut répondre en se contentant de comparer les chiffres de 2003 à ceux qui seront publiés pour 2004.

Le chômage a atteint un taux de 10 %, soit un point de plus qu'en 2002. Le nombre de RMIstes a augmenté de 9 % en 2004. Les salariés du privé ont perdu 0,3 % de leur pouvoir d'achat en 2003. Aujourd'hui, le déficit public s'élève à 3,7 %, soit un point de plus que ce que nous vous avions légué, et la dette publique est de 65 %, soit plus de 7 points par rapport à 2002.

Vous ne pouvez reprendre le refrain de l'héritage. Mesdames et messieurs les ministres, les résultats de votre politique sont malheureusement évidents : ils se lisent dans les chiffres officiels, pourtant très travaillés en vue de leur publication. Les recettes fiscales supplémentaires dont vous avez bénéficié en 2004 - plus de 9 milliards d'euros - n'ont même pas permis de contenir les déficits publics, car vous avez sciemment laissé déraper les déficits sociaux. On n'a jamais vu un tel échec avec une croissance de 2,5 %. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Votre volte-face très médiatique sur les salaires des fonctionnaires ne peut tromper personne.

M. Georges Tron. Trois années à 0 % ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Monsieur Tron !

M. Pierre Bourguignon. En réalité, vu l'état des finances publiques et compte tenu des engagements que vous avez pris à Bruxelles, vous ne pouvez pas financer une revalorisation significative, si vous persistez à baisser, de manière totalement injuste, l'impôt sur le revenu.

Allez-vous enfin changer de politique économique et organiser une grande conférence nationale sur les salaires ?

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Bourguignon.

M. Pierre Bourguignon. Bien évidemment, monsieur le président. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, êtes-vous prêt à organiser cette grande conférence et à mener un travail sur les salaires ? À entendre le président du MEDEF, on peut en douter. Expliquez-nous, expliquez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, je veux citer quelques chiffres. Effectivement, en 2002 et en 2003, le pouvoir d'achat des Français a baissé. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Disons les choses clairement, sans dogmatisme : on a voulu partager le travail et on a partagé les salaires. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) La mise en œuvre des 35 heures a lourdement pesé sur les augmentations salariales. C'est une réalité. N'ayons pas peur de le dire ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Qu'a fait le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin ? Depuis 2002, année après année, il a augmenté le SMIC de 5 % par an. Il a augmenté la prime pour l'emploi de 4 %, ce que vous n'aviez pas fait. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Que fait le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin aujourd'hui ? Il a demandé à ce qu'il y ait des négociations salariales pour la fonction publique.

M. François Liberti. Ce sont les manifestations qui l'ont obligé à le faire !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Bien évidemment, je n'y suis pas opposé du moment que l'on met sur la table tous les sujets, sans tabou. La réforme, le progrès, la compétitivité valent aussi pour la fonction publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Alors, parlons-en !

En 2004, le pouvoir d'achat a augmenté de 1,7 % - vous l'oubliez, monsieur le député. Et cela va continuer, car nous avons aujourd'hui de bonnes perspectives pour 2005, même si ce n'est pas assez pour la France. Voilà des actions concrètes.

C'est vrai, les entreprises ont eu de bons résultats en 2004, et nous devons nous en féliciter. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Desallangre. Elles doivent partager les bénéfices !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais, c'est vrai aussi, les rigidités sont là. Jean-Louis Borloo, Gérard Larcher et moi-même travaillons pour les briser. Vous aurez bientôt les résultats de notre action. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

SITE LILLOIS DE RHODIA

M. le président. La parole est à M. Jacques Houssin, pour le groupe UMP.

M. Jacques Houssin. Monsieur le ministre délégué aux relations du travail, l'usine chimique de Rhodia, implantée sur les communes de Saint-André, La Madeleine et Marquette-lez-Lille dans l'agglomération lilloise, occupe un site de quarante hectares en cœur de ville. Dès son acquisition par le groupe Rhône-Poulenc en 1983, le site a rencontré des difficultés importantes. Après plusieurs restructurations de son outil industriel avec des plans sociaux, sa fermeture définitive est prévue d'ici au 31 décembre 2005. Un plan de sauvegarde de l'emploi a été négocié en 2001, avec l'appui des pouvoirs publics. Il a concerné 150 personnes et a bénéficié des mesures existant alors sur les départs en préretraite. Mais la loi du 21 août 2003 a institué une taxation des préretraites d'entreprise, la réglementation en matière d'aide au FNE évoluant quant à elle pour n'être réservée qu'aux PME et territoires en grande difficulté.

Le groupe Rhodia a donc élaboré un dispositif global permettant de garantir aux personnels concernés, notamment aux soixante-seize salariés qui auront cinquante-quatre ans et plus fin 2005, un traitement se rapprochant des mesures mises en œuvre en 2001.

Depuis quelques jours, les salariés du site ont entamé un mouvement social afin de dénoncer ce plan de sauvegarde de l'emploi trop peu avantageux par rapport à celui négocié en 2001 et pas à la hauteur des enjeux.

Monsieur le ministre, au moment où la région Nord-Pas-de-Calais reste durement frappée par la restructuration de son tissu industriel, pouvez-vous m'indiquer le résultat des négociations qui ont pu être engagées ainsi que les mesures d'accompagnement que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour appuyer le plan de sauvegarde de l'emploi proposé aux salariés par le groupe Rhodia ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le député, mon ministère suit avec une particulière attention le dossier Rhodia. Comme vous l'avez rappelé, c'est en 2001 que le groupe Rhodia a pris la décision de fermer l'entreprise au vu de la réalité suivante : un site chimique en milieu urbain, des unités qui ne peuvent être modernisées et une surcapacité en production de DTA, notamment sur l'ensemble européen.

Il avait été décidé - et cette décision avait été appuyée par les pouvoirs publics et par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin - d'étaler la cessation d'activité jusqu'au 31 décembre 2005. Dans la perspective de cet arrêt, une difficulté est apparue entre les salariés et la nouvelle direction de l'entreprise, portant sur les conditions financières du plan de sauvegarde de l'emploi et du plan social, et notamment sur les dispositifs des préretraites.

Face au blocage du dialogue social, je me suis efforcé, avec Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et premier vice-président de Lille-métropole, et avec les parlementaires dont vous-même, de renouer les fils du dialogue sur le terrain. J'ai ainsi pu amener la direction de Rhodia à faire de nouvelles propositions aux salariés de l'entreprise. Elles permettront aux plus anciens de toucher, dans le cadre de préretraites financées par l'entreprise, 90 % de leur salaire net. Naturellement, nous suivrons avec beaucoup d'attention la suite de ce dialogue.

Concernant le groupe Rhodia, j'ai pu obtenir, avec le sénateur-maire d'Arras et avec les parlementaires dont Mme Génisson, que la fermeture du site de Saint-Laurent-Blangy soit différée de façon à aboutir au meilleur plan de sauvegarde de l'emploi, à préparer une reprise par un éventuel repreneur et à montrer ainsi que le dialogue social, quand il est hors du conflit, peut éviter la casse des emplois. Telle est l'attitude du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CONSÉQUENCES DES INTEMPÉRIES
POUR LE SECTEUR DU BTP

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour le groupe UMP.

M. Laurent Wauquiez. Monsieur le ministre des solidarités, de la santé et de la famille, si l'hiver touche maintenant à sa fin, il a été particulièrement rigoureux cette année. Des records, remontant pour la plupart à 1971, ont été largement battus. La température la plus basse a été enregistrée à Saugues, une commune de Haute-Loire, avec moins 29 degrés.

Nous avons déjà eu l'occasion de débattre des conséquences de cet hiver pour les Français. Toutefois, sur le plan économique, les artisans et les entrepreneurs du BTP ont été particulièrement éprouvés. En raison des fortes intempéries, le travail a été interrompu pendant près d'un mois et demi. Les entreprises artisanales du Massif Central ont ainsi été durement touchées. Or, dans ce domaine, le temps perdu ne se rattrape pas. Les conséquences sur la trésorerie des entreprises se feront sentir dans les mois à venir. Les moindres rentrées ne permettront pas de faire face aux charges. Cette menace est d'autant plus importante que la forte hausse du coût des matériaux a déjà pesé lourd depuis 2004. Les entreprises et les artisans, pourtant viables, risquent d'être acculés à la cessation de paiements.

Pour éviter cet écueil, il est indispensable de proposer très rapidement des mesures concrètes. L'inquiétude sur le terrain est forte. Si les intempéries sont une fatalité, il existe des leviers d'action comme le report de paiement des cotisations sociales.

Monsieur le ministre, le Gouvernement va-t-il accompagner cette période difficile ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur le député, la réponse à votre question est claire : c'est oui !

Nous savons que dans les secteurs que vous avez évoqués - le bâtiment, les travaux publics, les transports routiers - de nombreux chantiers ont été arrêtés, et qu'ainsi il n'y a pas eu de rentrées pour ces entreprises ni pour les travailleurs indépendants.

Le Gouvernement a décidé de réagir, comme il l'avait fait en 2002 s'agissant des intempéries survenues dans le sud-est de la France. Philippe Douste-Blazy a écrit, le 4 mars dernier, aux directeurs des organismes sociaux pour leur demander de répondre favorablement aux demandes qui seraient faites.

Je veux indiquer à l'ensemble des parlementaires qui seraient concernés dans leur département par ces situations quelle est la marche à suivre. Il faut que les employeurs, que les travailleurs indépendants saisissent les caisses locales de l'URSSAF, de la CANCAVA, de l'ORGANIC ou de la CANAM pour leur faire part de leurs difficultés. Elles examineront avec la plus grande souplesse et la plus grande bienveillance les demandes de délai de paiement comme de remise de majorations de retard.

Je le répète, quand une difficulté comme celle-ci se fait jour, il important que le Gouvernement ne soit pas inerte. Nous avons entendu les inquiétudes et nous y répondons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    3

AÉROPORTS

Explications de vote
et vote sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux aéroports (nos 1914, 2045).

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi relatif aux aéroports que vous avez examiné la semaine dernière concerne essentiellement Aéroports de Paris et le réseau structurant de grandes plates-formes qui maillent le territoire national, et qui resteront de la compétence de l'État à l'issue du processus de décentralisation qui s'engage.

Ce projet de loi constitue pour ces aéroports la première réforme législative d'importance depuis plus de cinquante ans.

Je tiens à saluer aujourd'hui l'examen approfondi du texte réalisé par votre assemblée depuis plusieurs semaines, en particulier par la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, par la commission des finances, par leurs rapporteurs et par tous ceux d'entre vous qui ont enrichi les débats, en particulier avec leurs analyses des situations locales très diverses.

Notre projet a pour ambition de conforter les missions de service public confiées aux aéroports tout en dotant ceux-ci de structures modernes comparables à celles qui existent dans les autres grands aéroports européens. Il s'agit de donner à ces plates-formes les moyens de leur développement sans méconnaître les spécificités historiques d'Aéroports de Paris et des aéroports régionaux. Ainsi, la reforme proposée, qui a été construite en liaison étroite avec les exploitants actuels, assure une transition dans la continuité.

Cette réforme représente une avancée déterminante pour le secteur des aéroports et du transport aérien. L'aviation commerciale joue en effet un rôle irremplaçable pour la compétitivité de l'économie nationale, l'attractivité de la France et l'aménagement de notre territoire. Dans un cadre d'exploitation quasiment inchangé depuis la Seconde Guerre mondiale, les gestionnaires des aéroports français ont accompagné de manière performante la très forte croissance dont a bénéficié ce mode de transport. Les transporteurs aériens évoluent et s'adaptent, comme ont su le faire Air France et KLM. Aujourd'hui, ils expriment de nouveaux besoins vis-à-vis des grandes plates-formes aéroportuaires, en termes d'efficacité, de réactivité et de qualité de service aux clients. Il s'agit là de préoccupations que je partage pleinement en tant que ministre des transports, mais aussi comme ministre du tourisme.

L'exploitation des grands aéroports a, elle aussi, progressivement changé de nature. Elle est devenue une activité économique à part entière, intégrant, aux côtés du service public, de nombreux métiers, telles les activités commerciales et immobilières ou l'ingénierie. Les aéroports sont ainsi devenus des pôles d'emploi considérables dans les régions qu'ils desservent. Logiquement donc, un peu partout en Europe et dans le monde, les grands aéroports ont vu leur mode de gestion évoluer et s'ouvrir au secteur privé. Il était donc essentiel qu'en France également, nous nous attachions aujourd'hui à moderniser le statut de nos aéroports.

Grâce à votre assemblée et aux amendements qui ont été apportés au projet de texte lors des débats de la semaine dernière, nous sommes arrivés à un dispositif équilibré, qui traduit parfaitement les intentions du Gouvernement ainsi que les souhaits de nos partenaires. Je salue notamment vos initiatives pour rendre les amendes en matière environnementale encore plus dissuasives et pour améliorer leur recouvrement - ce qui profitera à l'environnement.

Le dispositif global que nous avons finalisé ensemble apportera une base législative solide pour mener à bien la modernisation des aéroports et permettre, tout en s'inscrivant dans la continuité, la mobilisation des capitaux privés indispensables pour accompagner les évolutions nécessaires.

Concernant Aéroports de Paris, le projet de loi transforme l'établissement en société anonyme tout en fixant le principe d'une détention publique de la majorité du capital. Il modernise la gestion en introduisant des contrats pluriannuels avec l'État et assure un service public de haut niveau imposé par un cahier des charges. Simultanément, cette réforme permettra à ADP de mobiliser des capitaux privés pour ses investissements et de valoriser l'expérience acquise par ses équipes dans plusieurs secteurs de pointe en mettant fin au principe de spécialité.

Le Gouvernement veut pouvoir s'appuyer sur les chambres de commerce et d'industrie, qui ont démontré leur qualité d'exploitant aéroportuaire. Il souhaite également associer à cette modernisation les collectivités territoriales, afin d'assurer une meilleure insertion des aéroports dans le développement régional et l'environnement local. C'est dans cet esprit que le Gouvernement s'est engagé à proposer aux acteurs publics - chambres de commerce et d'industrie et collectivités territoriales - une place significative dans le capital des sociétés concessionnaires qui seront créées pour exploiter les aéroports. Plus précisément, le Gouvernement compte proposer au moins 25 % du capital initial des sociétés de gestion qui seront créées aux CCI et au moins 15 % aux collectivités territoriales. Si évolution il y a, le Gouvernement tient à ce qu'elle soit progressive, ce qui sera facilité par la constitution d'un noyau dur public inscrit dans la durée.

Enfin, tant pour Aéroports de Paris que pour les aéroports régionaux, votre assemblée a accordé une attention particulière à la situation des personnels en leur apportant une complète visibilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi, la parole est à M. François Asensi, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. François Asensi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, qui vise, entre autres, à transformer l'établissement public ADP en société anonyme, s'inscrit dans une logique de désengagement de l'État qui prédomine aujourd'hui. Dans le domaine des transports, des télécommunications ou encore de La Poste, la puissance publique abandonne des pans entiers de ses prérogatives au marché, c'est-à-dire aux actionnaires, mais au détriment des citoyens et des salariés. Le changement de statut d'ADP est présenté comme inéluctable alors qu'il n'est qu'idéologique.

Je ne nie pas la nécessité pour Aéroports de Paris de procéder à des investissements importants dans les années à venir. Permettez-moi d'ailleurs de rappeler qu'une partie de ces investissements est rendue nécessaire par le seul fait que le Gouvernement a renoncé au troisième aéroport. D'autres solutions existaient, mais vous avez fait le choix d'une gestion libérale.

Lors du débat dans l'hémicycle, Gouvernement et rapporteurs se sont inquiétés du taux d'endettement actuel d'ADP, qui, d'après eux, excluait d'emblée tout nouveau recours à l'emprunt. Aucune évaluation juste et claire du patrimoine d'ADP n'a cependant été réalisée. Si ce formidable patrimoine que l'État s'apprête à livrer à ADP SA avait été évalué, nous serions amenés à revoir l'ensemble des ratios et la structure budgétaire d'ADP, car nous pouvons douter de la sincérité du bilan qui nous a été présenté.

En outre, à ce jour, l'État reste le garant ultime de l'endettement d'ADP établissement public et les banques en tiennent compte pour consentir des crédits ou fixer des taux. Sans une telle garantie, ADP SA n'aura plus le même accès au réseau bancaire.

Par ailleurs, il faut souligner qu'ADP n'a pas demandé un centime au contribuable depuis plus de vingt ans et qu'il a même anticipé le remboursement à l'État des emprunts contractés au cours des années quatre-vingt.

Cumulée au recours à l'emprunt, une recapitalisation par l'État aurait également pu être envisagée. Mais, sous prétexte de contraintes pesant sur les finances publiques, cette solution a été exclue. Pourtant, au mois d'août dernier, le ministre de l'économie de l'époque annonçait une renationalisation partielle d'Alstom, la participation de l'État atteignant 31,5 % du capital avec un plan d'aide évalué à 2,8 milliards d'euros. C'était reconnaître implicitement que le marché n'est pas infaillible. ADP méritait les mêmes égards en tant qu'infrastructure stratégique pour l'aménagement du territoire mais aussi pour l'emploi puisqu'on estime à 300 000 le nombre de personnes dépendant de l'activité du seul site de Roissy.

Malgré son taux d'endettement, ADP établissement public ne courait aucun risque commercial. Disposant d'un monopole de fait, il bénéficie de produits captifs, notamment les redevances, amenées à progresser avec la croissance du transport aérien. D'après les évaluations de la direction générale de l'aviation civile, nous devrions passer à 125 millions de passagers parisiens en 2020, contre 71 millions en 2002, soit plus de 1 million de mouvements par an contre 700 000 aujourd'hui.

Le choix du financement par le marché boursier est hasardeux, comme l'emprunt auprès du secteur bancaire, parce que, étant donné le retour sur investissement exigé aujourd'hui par les actionnaires et les fonds de pension, rien n'exclut qu'il soit plus difficile pour ADP de satisfaire ses actionnaires que de rembourser ses emprunts.

Pour satisfaire le marché boursier, vous voulez d'ailleurs transformer ADP en véritable entreprise de services, au détriment de ses missions premières de service public mais aussi de l'emploi.

Enfin, le projet de loi vise à transformer un monopole public en un monopole privé, ce qui pourrait amener le juge à s'interroger sur la constitutionnalité d'un tel texte.

La remise en cause des statuts, et par là même des missions de service public, des notions de sécurité, d'aménagement du territoire et de développement durable, n'épargne pas les aéroports régionaux. En autorisant les collectivités locales à être partie prenante des futures sociétés gérantes d'aérodrome, vous allez favoriser la concurrence des territoires, les collectivités devant s'aligner sur les critères du marché pour attirer les investisseurs privés et les compagnies low cost. À cause des fonds de pension, étrangers à la notion de service public, de nombreuses fermetures de ligne risquent d'être décidées et ne seront maintenues que les liaisons dont la rentabilité sera garantie. On assisterait alors à une concentration de certaines lignes européennes et internationales sur quelques aéroports bien desservis par des liaisons ferroviaires nationales, avec pour corollaire la mutation des autres aéroports internationaux en aérodromes régionaux. Autrement dit, certains aéroports régionaux seraient sacrifiés, ce qui aurait de lourdes conséquences économiques pour les régions concernées. Les secteurs du commerce, du tourisme et de l'industrie et, par voie de conséquence, l'emploi en général en subiraient directement les répercussions.

Enfin, les nombreux vides juridiques du texte, les renvois incessants à des décrets pris en Conseil d'État, témoignent d'un refus de débattre avec la représentation nationale, ce qui n'est pas acceptable.

Pour toutes ces raisons, le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Pour le groupe UMP, la parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Mes chers collègues, nous allons dans quelques instants nous prononcer sur un texte important qui concerne, outre la réforme des redevances aéroportuaires, le statut juridique de l'établissement Aéroports de Paris et des grands aéroports régionaux.

Tout au long du débat sur les articles du projet de loi, nous avons bien mesuré la différence entre notre majorité, consciente de la nécessité d'inscrire l'avenir de nos aéroports dans le cadre d'un développement durable et adapté au monde d'aujourd'hui, et l'opposition, que son idéologie cantonne à l'immobilisme au risque de pénaliser lourdement l'évolution de nos infrastructures aéroportuaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Pour ce qui concerne ADP, nous savons bien que le principe actuel de spécialité limite ses possibilités de développement. Nous savons également que pour maintenir son rang de grand aéroport international, ADP doit nécessairement réaliser des investissements importants dans les prochaines années.

Ces investissements ne pourront plus être financés par le seul recours à l'emprunt dans la mesure où ADP est aujourd'hui trop endetté. L'ouverture partielle du capital apparaît dans ces conditions indispensable, comme le ministre l'a rappelé. Quant à celles et ceux qui nous parlent de privatisation,...

M. Jacques Desallangre. Oui !

M. Serge Poignant. ...nous répondons très clairement que si l'établissement public se transforme en société anonyme, le caractère public d'ADP demeure dans la mesure où l'État reste majoritaire.

M. Jacques Desallangre. Pour combien de temps encore ?

M. le président. Monsieur Desallangre, je vous prie de laisser parler l'orateur.

M. Serge Poignant. Vous le savez très bien, mes chers collègues.

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Pour un certain temps !

M. Serge Poignant. Monsieur le ministre, vous avez insisté à maintes reprises sur la nécessité de prendre en considération le maintien du domaine public aéroportuaire, le contrôle des terrains nécessaires à l'exécution et au développement des missions de service public et la situation des personnels en place.

En ce qui concerne les grands aéroports régionaux qui, avec les aéroports ultramarins, sont au nombre de douze, l'absence de textes législatifs sur leur gestion met les opérateurs en situation précaire et fragile face à leurs homologues européens. Le statut actuel de concessionnaire limite en effet leur réactivité dans un processus en constante évolution. L'ensemble de ces concessionnaires qui, nous le savons, sont les chambres de commerce et d'industrie, demandait une législation pour instaurer un cadre pérenne de développement au travers de la création de sociétés aéroportuaires de droit privé, d'autant que certaines concessions vont rapidement arriver à échéance.

Monsieur le ministre, nous avons eu de longs échanges avec vous, avec nos collègues rapporteurs, François-Michel Gonnot et Charles de Courson, ainsi qu'avec les représentants des chambres de commerce et d'industrie sur l'ensemble du territoire. Au nom du groupe UMP, je tiens à vous remercier pour votre écoute et pour l'esprit constructif de ces échanges qui ont permis de reconnaître le travail effectué par les chambres durant des dizaines d'années et de leur offrir la possibilité de s'engager dans un pacte d'actionnaires au sein des futures sociétés aéroportuaires.

Soyez également remercié d'avoir su prendre en considération les questions d'ordre fiscal et les questions relatives au personnel, lesquelles étaient importantes à nos yeux.

Monsieur le ministre, il nous fallait doter le pays d'outils modernes, reposant sur l'efficacité du passé mais ouverts aux exigences nouvelles pesant sur le transport aérien. Il nous appartenait également de permettre aux grands aéroports français, infrastructures stratégiques en termes d'aménagement du territoire comme en termes économiques et sociaux, de rivaliser avec leurs homologues.

Le projet de loi permettra de s'engager dans la voie de cette indispensable évolution. C'est pourquoi le groupe UMP y apportera tout son soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Avant de donner la parole aux derniers orateurs inscrits dans les explications de vote, je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Pour le groupe socialiste, la parole est à Mme Odile Saugues.

Mme Odile Saugues. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les symboles de ce que fut le service public à la française tombent les uns après les autres. Après la privatisation d'Air France, c'est maintenant au tour d'Aéroports de Paris d'être transformé en société anonyme.

Monsieur de Robien, vous avez déclaré à la représentation nationale : « Il est clairement inscrit dans le projet que l'État conservera la majorité du capital d'ADP. » Mais quel crédit donner à vos propos quand l'on sait que la part de l'État dans le capital d'Air France, que vous avez ouvert il y a deux ans, vient de passer de 44,1 % à 18,35 % ?

Quelle confiance pourrions-nous vous accorder pour protéger ce qui est, à nos yeux, vital : un aménagement du territoire équilibré, garant d'un service public aérien n'excluant aucun territoire du pays ?

C'est donc à une privatisation rampante que vous nous conviez, structurée tout d'abord autour d'une cession de domanialité que nous jugeons inutile et dangereuse et à laquelle nous ne pouvons nous résoudre, autant en raison des risques environnementaux qu'elle fera courir aux riverains en développant le gigantisme des installations commerciales qu'en raison de la suppression du principe de spécialité qui ne permettra plus à ADP de demeurer concentré sur son cœur de métier mais le conduira à une logique de profits maximaux.

Les craintes provoquées par les déclarations tonitruantes de M. Mariton laissant augurer une privatisation des gares SNCF se trouvent avérées concernant Aéroports de Paris. Quant aux salariés, s'ils conservent pour l'instant leur statut, ils redoutent fortement les filialisations qui se profilent à un horizon proche.

La seconde partie de votre projet de loi, dont on a pu dire que c'était une coquille vide tant elle a été bâclée, concerne les huit grands aéroports de province et les quatre grands aéroports d'outre-mer. Elle a subi des évolutions quant à la constitution du capital en raison des fortes protestations émises par les chambres de commerce et d'industrie.

Nous avons, quant à nous, toutes les raisons de craindre, dans un avenir que nous devinons rapproché, la cession des parts de l'État à de grands groupes privés, sans que les collectivités territoriales et ces autres acteurs publics que sont les CCI puissent garder le contrôle du capital et, par là même, continuer de peser sur la définition d'une politique aéroportuaire garante d'un service public équitable.

La logique financière et la concurrence prévaudront désormais dans un secteur aérien déjà soumis à la dérégulation. La politique aéroportuaire française n'a rien à y gagner.

Nous pointons par ailleurs dans votre texte l'improvisation qui a présidé à sa rédaction, notamment en ce qui concerne le montage du rallongement des concessions, sans qu'un tel dispositif juridique ait pu recevoir l'accord écrit de la Commission européenne - ce qui n'a pas échappé à M. de Courson.

Quant aux salariés, qui travaillent sous différents statuts et sont inquiets pour leur avenir, le groupe socialiste a plaidé pour la négociation d'une convention collective dès l'entrée du texte en vigueur. Vous ne l'avez pas entendu : les salariés sauront le rappeler à la mémoire des gestionnaires, si cela se révèle nécessaire.

Nous avons enfin noté le constat du rapporteur, François-Michel Gonnot : « Nous déréglementons un peu plus le transport aérien. » Vous tentez de contrôler cette dérive par la constitution d'une commission de conciliation aéroportuaire, mais la difficulté que vous avez eue à en définir les attributions et les limites nous donne à penser qu'il s'agira là d'un « machin » supplémentaire n'apportant rien au transport aérien.

Monsieur le ministre, après la loi sur la décentralisation, vous franchissez avec ce texte, qui confie aux collectivités territoriales qui le souhaitent, mais sans leur en fournir les moyens, la gestion des aéroports de province, un nouveau pas en direction d'une privatisation prochaine du secteur aérien. Vous ouvrez la voie aux prédateurs qui ne se soucient pas d'assurer un service public de qualité dans des conditions de sécurité optimales, comme l'ont prouvé des exemples récents, mais de réaliser les profits les plus importants.

Monsieur le ministre, le groupe socialiste votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Pour le groupe UDF, la parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous allons voter constitue une modernisation essentielle du secteur aéroportuaire français, attendue depuis déjà de nombreuses années. Le projet de loi tel qu'il est issu de la première lecture au Sénat allait dans le bon sens et il a été encore sensiblement amélioré au cours de sa première lecture dans notre assemblée.

Je me félicite, au nom du groupe UDF, de l'adoption de la plupart des amendements qui ont été déposés par la commission des finances. Nous avons ainsi consolidé le dispositif d'ouverture des aéroports régionaux vis-à-vis du droit communautaire et clarifié le régime juridique dont relèvera le domaine aéroportuaire d'ADP, en précisant que les ouvrages affectés au service public sont des ouvrages publics. Ces amendements nous ont permis de mettre fin à l'inflation de la jurisprudence des juridictions administratives.

Nous avons en outre fourni à ADP les moyens qui lui permettront de poursuivre son développement dans un environnement concurrentiel, par le recours à des capitaux privés et sans faire appel au contribuable. Il s'agit là d'un point de divergence avec nos collègues de gauche qui, tout en reconnaissant qu'ADP doit trouver de nouveaux capitaux propres, souhaitaient que ce soit l'État qui les lui apporte en le prenant sur l'argent des contribuables français.

La modernisation du statut des douze principaux aéroports régionaux, dans la continuité du mode de gestion actuel par les CCI, permettra un développement aéroportuaire équilibré au profit des régions et de l'aménagement du territoire, notamment grâce à l'association des collectivités territoriales qui le souhaiteront. Nos collègues de gauche reconnaissent d'ailleurs eux-mêmes qu'un grand nombre des collectivités qu'ils dirigent demandera à participer au capital des nouvelles sociétés aéroportuaires.

C'est une priorité pour le groupe UDF et mon collègue Rudy Salles, qui a très largement contribué aux concertations entre les CCI et le ministère des transports, se réjouit de l'engagement que le ministre a pris de constituer un noyau dur et durable d'opérateurs publics au travers d'un pacte d'actionnaires associant les CCI, celles des collectivités territoriales qui le souhaiteront et l'État.

Les problèmes fiscaux ont été, quant à eux, résolus dans le respect du principe d'égalité.

Notons enfin que l'examen du projet de loi a été l'occasion d'un débat de qualité, ce dont mon groupe se réjouit.

Pour toutes ces raisons, l'UDF votera le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'ensemble du projet de loi.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 497

                    Nombre de suffrages exprimés 493

                    Majorité absolue 247

        Pour l'adoption 337

        Contre 156

L'Assemblée nationale a adopté.

Mes chers collègues, je vais maintenant suspendre la séance, à la demande de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, qui doit se réunir en vue d'examiner les amendements sur la proposition de résolution relative à la proposition de directive européenne sur les services.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

    4

DIRECTIVE EUROPÉENNE RELATIVE
AUX SERVICES DANS LE MARCHÉ INTÉRIEUR

Discussion d'une proposition de résolution

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de Mme Anne-Marie Comparini (nos 2054) sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (Com [2004] 2 final/E 2520).

Le rapport de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (n° 2111) porte également sur les propositions de résolution de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues (n° 2048) et de M. Léonce Deprez et plusieurs de ses collègues (n° 2096).

La parole est à M. Robert Lecou, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Maxime Gremetz. Est-ce bien la peine ? M. Barroso s'est déjà exprimé dans Le Figaro de ce matin !

M. le président. La parole est à M. Lecou et à lui seul, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. J'espère qu'il a mis à jour son intervention...

M. Robert Lecou, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, madame la ministre déléguée aux affaires européennes, mes chers collègues, l'Assemblée nationale est invitée aujourd'hui à se prononcer sur la proposition de résolution adoptée par la commission des affaires économiques. Ce texte fait la synthèse de trois autres propositions, en se fondant plus particulièrement sur celle qui résulte des travaux de la délégation pour l'Union européenne.

La première proposition de résolution, n° 2054, a donc été présentée par Mme Anne-Marie Comparini au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. La deuxième proposition, n° 2048, a été déposée par M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste et apparentés. M. Léonce Deprez et plusieurs de ses collègues ont présenté la troisième, n° 2096.

Toutes sont relatives à la proposition de directive de la Commission européenne relative aux services dans le marché intérieur, dite « directive Bolkestein », du nom de l'ancien commissaire au marché intérieur, et présentée le 13 janvier 2004. Depuis quelque mois, cette proposition de directive a suscité un émoi justifié, mais parfois un peu trop éloigné, peut-être, de la réflexion sereine que nécessite un sujet aussi important et complexe.

Disons-le d'emblée : la commission des affaires économiques vous propose de demander un réexamen de cette proposition en vue d'une réécriture complète.

M. Alain Bocquet. Nous en demandons le retrait !

M. Maxime Gremetz. Mais M. Barroso a déjà dit non !

M. Robert Lecou, rapporteur. Si la libre circulation des services constitue un principe ancien...

M. Daniel Paul. Oui : 1957 !

M. Robert Lecou, rapporteur. ...et vise à répondre à un enjeu essentiel pour la croissance et l'emploi en Europe, la proposition de directive pose toutefois de multiples problèmes dans sa forme actuelle, ce qui rend nécessaire un réexamen complet.

L'inachèvement du marché intérieur n'est pas une découverte. La libre circulation des services est en effet l'un des objectifs poursuivis par les pères fondateurs, l'un des quatre piliers du marché européen, au même titre que la libre circulation des marchandises, des personnes et des capitaux. Ces quatre principes ont été inscrits dans le marbre par le traité instituant la Communauté européenne, signé à Rome le 25 mars 1957.

M. Alain Néri. Et alors ?

M. Robert Lecou, rapporteur. La libre circulation des services est donc l'un des fondements de la construction européenne, laquelle a heureusement pris beaucoup d'autres dimensions depuis lors.

Pourtant, elle fait aussi figure de parent pauvre dans la stratégie de croissance européenne. L'Union européenne est le premier exportateur de services dans le monde, et la France le premier exportateur de services dans l'Union. Nous devons donc aborder ces questions avec confiance : ce n'est pas tant le prix que la qualité de nos services qui est un élément essentiel de leur compétitivité.

Pour autant, les services constituent encore un potentiel de croissance sous-exploité : ils représentent 70 % du produit national brut et des emplois de la plupart des États membres, mais seulement 20 % des échanges. C'est cet écart que vise à combler la stratégie de Lisbonne dans laquelle s'inscrit la proposition de directive.

Prenant acte du différentiel de croissance entre les États-Unis et l'Union et de l'inachèvement du marché intérieur, les États membres de l'Union européenne et la Commission se sont fixé, lors du conseil européen de mars 2000 à Lisbonne, un objectif particulièrement ambitieux : faire dans l'Union que l'économie de la connaissance soit la plus compétitive du monde d'ici à 2010. L'horizon est très rapproché.

Cette « stratégie de Lisbonne » repose sur trois piliers : économique, social, et environnemental, ce qui est indispensable pour un développement durable, favorable à la création d'emplois, équilibré mais aussi respectueux de la cohésion sociale. Si la mise en place du marché intérieur des services constitue, à l'instar de l'achèvement du marché intérieur des marchandises et des capitaux, l'une des priorités identifiées, la présente proposition de directive occupe une place essentielle dans cette stratégie, car ce sont là des objectifs incontestés.

Mais c'est la méthode qui pose aujourd'hui problème : prenant acte de la diversité des situations dans les vingt-cinq États membres et de la subsistance de nombreux obstacles à l'achèvement du marché intérieur des services, la Commission a en effet choisi, en présentant cette proposition de directive, de procéder selon une méthode inhabituelle, après avoir longuement recensé les obstacles à la libre circulation des services. Si elle était adoptée en l'état, cette proposition consacrerait l'abandon de la méthode d'harmonisation.

Décréter la généralisation du principe du pays d'origine au nom de la confiance mutuelle est par ailleurs irréaliste. Il convient de continuer la construction européenne en se fondant sur une lente convergence des législations.

La démarche de la Commission a donc suscité de nombreuses craintes, renforcées par l'extrême complexité du texte, par les incertitudes quant à son champ d'application réel et par l'absence, au préalable, d'études d'impact sectorielles approfondies.

La proposition de directive couvre plusieurs cas de figure : l'établissement d'un prestataire dans un autre État membre ; le déplacement temporaire d'un prestataire dans le pays de son client ; l'offre de services à distance ; le déplacement du client dans le pays d'origine du prestataire. Ces quatre cas de figure sont inégalement réglés par le droit existant. La proposition de directive leur apporte donc des solutions différentes et inégalement contestables.

Car tout n'est pas à rejeter dans ce texte.

En premier lieu, le principe d'une meilleure intégration du marché intérieur des services n'est pas contesté.

En deuxième lieu, le projet existe, et nous avons besoin d'un texte : à défaut, tout un pan de l'économie, essentiel pour la croissance et l'emploi, serait largement soumis à la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, ce qui n'est un gage de sécurité juridique satisfaisant ni pour les entreprises ni pour les consommateurs.

En troisième lieu, le renforcement de la coopération administrative entre les États membres et celui de la qualité des services sont des mesures qui vont dans le bon sens.

Enfin, la simplification administrative en matière de liberté d'établissement - guichet unique, administration électronique - doit être approuvée ; c'est déjà un chantier important pour notre pays.

Pour le reste, la méthode retenue par la Commission et le fond de la proposition de directive provoquent de nombreuses critiques.

Le champ d'application du texte est extrêmement vaste et confus. Ainsi, une partie des services publics est couverte par la proposition, alors que ces services devraient faire l'objet d'une directive cadre spécifique, demandée depuis longtemps par la France et la Belgique.

M. Michel Delebarre. Très juste !

M. Robert Lecou, rapporteur. L'article III-122 du traité établissant une constitution pour l'Europe offre également une base juridique pour une loi européenne sur les services d'intérêt économique général.

En outre, pour des raisons d'intérêt général, et parce qu'on ne peut pas les assimiler à des services marchands classiques, de nombreux secteurs devraient être exclus du champ d'application du texte, qu'il s'agisse de la santé, de la culture et de l'audiovisuel, des professions juridiques réglementées, des jeux d'argent, et de l'ensemble des transports. Et il s'agit là d'une liste minimale d'exclusions.

Mme Anne-Marie Comparini. En effet !

M. Robert Lecou, rapporteur. La méthode retenue pour faciliter la libre prestation de services, qui repose sur la généralisation du principe du pays d'origine, sans disposer d'études d'impact sectorielles approfondies sur ses avantages et ses inconvénients, est inacceptable.

M. Daniel Paul. Eh oui, monsieur Ollier, il a raison : pas d'études d'impact !

M. Robert Lecou, rapporteur. Madame la ministre, nous souhaiterions avoir connaissance des études demandées par le Gouvernement.

L'un des problèmes essentiels posés par la proposition de directive est celui du contrôle. La suppression de la déclaration préalable au détachement des salariés est inadmissible, dans la mesure où elle priverait d'effectivité tout contrôle par le pays d'accueil et accroîtrait ainsi les risques de dumping social, environnemental, juridique, etc. Les garanties en matière de salaire ou de temps de travail apportées par la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs, et maintenues par la proposition de directive, perdraient leur portée si la suppression de la déclaration préalable était maintenue.

L'articulation de la proposition de directive avec les autres instruments juridiques communautaires est également nécessaire.

Compte tenu de la trop grande complexité du texte, de son imprécision dans sa rédaction actuelle et de l'impossibilité à ce jour d'en évaluer correctement la portée, il importe donc que la Commission réexamine complètement cette proposition de directive, profitant de la poursuite des travaux du Parlement européen et du Conseil européen conformément à la procédure de codécision.

Dès le 2 février dernier, le président de la Commission européenne, M. Barroso, s'est engagé à remettre à plat la proposition de directive afin de trouver un consensus. Le commissaire au marché intérieur, M. McCreevy, a confirmé cette nécessité le 3 mars dernier et a précisé une première série de points qu'il conviendrait de modifier : éviter tout dumping social en précisant la primauté de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs ; exclure du champ de la directive la santé et les services d'intérêt général financés sur fonds publics ; favoriser la confiance des entreprises et des consommateurs, sans abaisser les normes. Il a précisé qu'il revenait au Parlement européen d'amender la proposition initiale de la Commission en première lecture, après quoi la Commission ferait une proposition révisée qu'elle transmettrait au Conseil.

Comme l'a souligné à son tour la commission des affaires économiques du Sénat, « le maintien de la directive est inacceptable, mais son abandon est inenvisageable. La réécriture du texte, elle, est nécessaire et possible ».

Ce réexamen en vue d'une réécriture approfondie devra aboutir à des modifications de très grande ampleur.

En conclusion, la commission des affaires économiques vous propose l'adoption d'une proposition de résolution synthétique, prenant appui sur l'article unique de la proposition de résolution présentée par la Délégation pour l'Union européenne, repris par M. Léonce Deprez et ses collègues, puisqu'il est le plus complet et qu'il a été adopté à l'unanimité. Elle tient compte des motifs détaillés exposés par le groupe socialiste et, notamment, de la question de la compatibilité de la proposition de directive avec plusieurs articles du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Cette proposition de résolution, qui sera soumise à votre vote, demande : le réexamen complet de la proposition de directive ; un processus d'harmonisation du droit applicable aux services et la réalisation d'études d'impact préalables ; l'exclusion des services d'intérêt général de la proposition de directive et la mise en œuvre rapide d'une directive cadre protégeant les services publics en vue d'une adoption simultanée des deux directives ; des exclusions sectorielles : services de transports dans leur ensemble, professions juridiques réglementées, services de santé, d'aide sociale et médico-sociale, audiovisuel et services culturels, jeux d'argent ; un contrôle renforcé de la qualification professionnelle en contrepartie de la limitation des régimes d'autorisation ; l'abandon du principe du pays d'origine ; le maintien de la déclaration préalable au détachement des travailleurs.

Le réexamen et la réécriture de la directive sont déjà en cours, il importe d'accompagner ce processus dans une optique constructive. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la Délégation européenne, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la Commission européenne a soumis en janvier 2004 une proposition de directive relative aux services, laquelle vise à mettre en œuvre, de façon horizontale, les principes de la libre prestation de services et de libre établissement pour l'ensemble des services non encore couverts par des directives spécifiques.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire très clairement devant cette assemblée il y a quelques jours à l'occasion d'une question d'actualité, le Gouvernement considère que cette proposition de directive de la Commission n'est pas acceptable en l'état et doit faire l'objet d'une remise à plat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Michel Delebarre. Très bien !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Nous sommes favorables à un approfondissement du marché intérieur dans le domaine des services, qui contribuera au regain de croissance et d'emploi dont l'Europe a besoin, et qui permettra à la France, première nation exportatrice de services en Europe, de faire jouer ses atouts. Mais, comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, la méthode envisagée n'est pas acceptable.

La proposition de texte repose sur deux volets principaux : le premier est lié au libre établissement des prestataires de services dans les différents États membres. Il prévoit, notamment, la simplification des démarches administratives par la mise en place de guichets uniques et le développement de l'administration électronique, ainsi que la réduction et la limitation des régimes d'autorisation en place dans les États membres.

Nous sommes globalement favorables à ces mesures de simplification, mais il ne serait pas acceptable qu'elles conduisent indirectement à porter atteinte à notre modèle social et culturel, en particulier à nos services publics et à la diversité culturelle, qui doivent rester garantis par des mesures spécifiques. C'est pourquoi nous demandons d'exclure du champ de la directive : les services sociaux et de santé ; l'audiovisuel et la presse ; les services de gestion collective des droits d'auteur et droits voisins ; les professions juridiques réglementées ; les transports dans leur intégralité ; et les jeux d'argent.

Nous demandons en outre que la Commission européenne mette sur la table une proposition de texte sur les services d'intérêt économique général afin de sécuriser le rôle, l'organisation et le financement des missions de service public.

Le second volet du texte, qui vise à assurer la libre prestation de services par un prestataire établi dans un autre État membre, comporte des risques majeurs qu'il nous faut examiner avec la plus grande prudence. Il prévoit en particulier le recours généralisé au principe du pays d'origine, selon lequel le prestataire de services est soumis uniquement à la loi du pays dans lequel il est établi.

Appliqué de façon mécanique, le principe du pays d'origine risque de conduire à un nivellement par le bas des législations. C'est pourquoi le Gouvernement estime indispensable de privilégier la poursuite du processus d'harmonisation.

Mme Anne-Marie Comparini. Très bien !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Un tel principe ne doit pas pouvoir s'appliquer, dans un secteur donné, en l'absence d'un socle d'harmonisation permettant d'éviter tout « dumping réglementaire ».

Cette construction alliant principe du pays d'origine encadré et harmonisation a été mise en œuvre de façon satisfaisante par exemple dans la directive « télévisions sans frontière » ou encore dans la directive « commerce électronique ». Nous devons réfléchir à ces exemples.

D'autres garanties doivent être apportées quant à l'application du droit pénal national et à l'articulation avec les textes communautaires et internationaux existants.

Enfin, concernant le détachement des travailleurs, il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur le fait que c'est le droit du travail du pays d'accueil et non celui du pays d'origine qui s'applique, y compris pour les conventions collectives, afin de prévenir tout « dumping social ». Nous avons demandé le maintien de la déclaration préalable au détachement, pour permettre son contrôle effectif.

Face à de telles incertitudes, le Gouvernement a souhaité lancer une série d'études d'impact sectorielles. Elles devront notamment permettre d'établir si, dans certains secteurs et de façon suffisamment encadrée, sur la base d'un socle de protection commun, le principe du pays d'origine peut se révéler globalement positif. Il serait alors appliqué de façon complémentaire à l'harmonisation et non de façon alternative, comme il nous l'est proposé. Il faut pouvoir prendre en compte l'ensemble des acteurs, les travailleurs, les consommateurs et les entreprises.

À ce stade, je crois important de faire le point avec vous sur l'état de la négociation au niveau communautaire. La proposition de directive est soumise au processus de co-décision et doit donc être approuvée dans des termes identiques par le Parlement européen et la majorité qualifiée du Conseil.

Le Conseil « compétitivité » du 7 mars dernier auquel j'ai participé a montré que l'ensemble des États membres s'accordaient sur deux points essentiels : l'importance de la construction du marché intérieur des services et le fait que la proposition de directive ne pouvait pas être acceptée en l'état. Le même jour, le chancelier Schröder indiquait sa convergence de vues avec le Président de la République pour dénoncer le caractère inacceptable du texte en l'état actuel et pour demander sa remise à plat.

La proposition de directive est aujourd'hui entre les mains du Parlement européen dont le rapporteur sur ce sujet, Mme Evelyne Gebhardt, rejoint largement nos préoccupations. Le vote en séance plénière pourrait avoir lieu au plus tôt en juillet prochain.

L'action conjuguée du Gouvernement, du Parlement européen, mais aussi de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui se sont fortement mobilisés, ce dont je vous suis reconnaissante, ont fait prendre conscience à la Commission des nombreuses difficultés soulevées par cette proposition de directive. Celle-ci a ainsi annoncé le 2 février dernier son intention de la réexaminer en vue de « construire un consensus » en prenant en compte nos deux préoccupations majeures : la mise en œuvre du principe du pays d'origine et le champ d'application de la directive.

Le commissaire en charge du dossier, Charlie McCreevy, a indiqué son intention de réviser le texte à l'issue de l'examen par le Parlement européen, notamment en excluant du champ d'application les services d'intérêt général financés sur fonds publics et le secteur de la santé ; il a promis d'apporter toutes les clarifications nécessaires pour ne permettre aucun « dumping social ».

Notre ligne de conduite, pour la suite de la négociation, est claire. Nous avons besoin d'une législation européenne sur les services. Nous refusons en effet que la construction du marché intérieur des services découle de la seule jurisprudence, qui ne permet pas de lever l'incertitude pesant sur les acteurs économiques comme sur les consommateurs. Ainsi, l'exigence de retrait pur et simple du texte ne serait pas favorable à nos intérêts. En revanche, la proposition de la Commission devra être profondément réexaminée à l'issue des travaux du Parlement européen.

Le principe du pays d'origine soulève, comme je l'ai rappelé, des difficultés très sérieuses, qui, en tout état de cause, devront trouver une réponse sans ambiguïté. Le Gouvernement précisera sa position sur la base des conclusions des études d'impact qu'il a lancées, en prenant en compte le résultat des discussions au Parlement européen, et la réponse qu'y aura apportée la Commission.

La France sera d'autant plus efficace pour défendre sa position qu'elle ne sera pas isolée au sein des institutions communautaires.

Nous attendons de la Commission une approche constructive, nous permettant de travailler sereinement à la remise à plat de ce texte. Nous resterons vigilants et fermes sur nos exigences essentielles. À cet égard, les propos tenus hier par le président Barroso - à titre personnel - appellent des clarifications rapides.

M. René André. Ces propos sont effectivement inadmissibles !

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est le moins qu'on puisse dire !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Pour ma part, je m'en suis étonnée car ces propos sont en contradiction avec la position prise par la Commission le 2 février dernier.

J'ai d'ores et déjà, à mon niveau, fait demander des éclaircissements à la Commission. Cette déclaration ne correspond en rien aux assurances données, notamment par le commissaire en charge de ce dossier, M. McCreevy.

M. Daniel Paul. Ce sont les dernières qu'il faut prendre en compte !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Le Président de la République a pu joindre ce matin même Jose Manuel Barroso pour lui dire que la Commission s'est engagée à réviser ce texte en vue d'aboutir à un consensus c'est-à-dire en recueillant l'accord de tous les États membres, ce qui est la seule méthode acceptable.

Le président Jacques Chirac a réaffirmé auprès du président de la Commission européenne que « l'Europe, c'est la protection des droits sociaux, c'est la loyauté des conditions de concurrence, c'est le respect des services publics et c'est le respect de la diversité culturelle ». Il a ajouté que nous attendions de la Commission qu'elle mette en œuvre l'engagement qu'elle avait pris et qu'elle travaille dans l'esprit du traité constitutionnel.

Je le redis fermement devant vous : cette proposition de directive doit faire l'objet - fera l'objet - d'une remise à plat complète, en particulier s'agissant de la disposition clé du principe du pays d'origine.

M. Alain Bocquet. On n'y croit pas !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Ce principe ne pourra être maintenu que dans le cadre d'une stricte harmonisation, sous peine de remettre en cause notre modèle social, ce que personne ici ne souhaite. C'est dans cet esprit que nous aborderons le Conseil européen de printemps des 22 et 23 mars prochains, à Bruxelles.

Je tiens à saluer l'implication très forte de votre assemblée sur ce texte, en particulier celle de votre commission des affaires économiques, à l'origine de la proposition de résolution que vous vous apprêtez à examiner, et de son rapporteur M. Robert Lecou, ainsi que celle de votre délégation pour l'Union européenne, et de Mme Anne-Marie Comparini, avec qui j'ai eu des échanges constructifs et réguliers, tant sur le fond que sur la forme.

Soyez convaincus que l'action du Gouvernement sur cette proposition de directive a pour objectif de préserver les principes fondamentaux auxquels nous sommes tous attachés. La discussion de cet après-midi est, je le crois, emblématique de l'ambition que nous souhaitons donner à la construction européenne. Cette construction doit se faire par le haut, et non par le bas. L'harmonisation reste notre fil directeur, avec le souci de renforcer le modèle social et culturel qui est le nôtre. C'est pourquoi le Gouvernement sera très attentif aux débats de votre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Marc Laffineur, au nom du groupe UMP.

M. Marc Laffineur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que se déroulera cette année le référendum sur le traité établissant une constitution pour l'Europe, notre assemblée s'est saisie de la proposition de directive européenne présentée par la commission Prodi. Cette proposition de directive sur les services dans le marché intérieur, qui a suscité de l'agitation chez nombre de nos partenaires, est inacceptable en l'état. La controverse autour de la directive Bolkestein témoigne d'une mauvaise organisation et d'un dysfonctionnement profond de l'Europe, que seul un vote favorable à la nouvelle Constitution permettra de corriger.

M. Daniel Paul. C'est bien naïf !

M. Marc Laffineur. Vingt ans après l'Acte unique, le marché unique est devenu une réalité, une des plus grandes réalisations de l'Europe après la paix. La libre circulation des services fait partie, avec celle des biens, des personnes et des capitaux, des quatre libertés fondatrices du marché commun. Si les services représentent 70 % du PIB, ils ne contribuent néanmoins qu'à 20 % des échanges à l'intérieur de l'Union européenne. Cette dissymétrie avec leur part dans la production intérieure semble tenir à leur caractère souvent peu échangeable. Ainsi, le salon de coiffure de Lyon ne sera jamais en concurrence avec celui de Rome ou de Prague. La France est un acteur majeur du secteur puisqu'elle figure au premier rang européen et au quatrième rang mondial des exportateurs de services. Nourris de ce constat et confrontés à un essoufflement de la croissance européenne, les chefs d'État et de Gouvernement ont adopté en mars 2000 la stratégie de Lisbonne, qui vise à faire de l'Europe l'économie de la connaissance la plus compétitive du monde à l'horizon 2010.

Il n'est pas illégitime que la Commission prenne l'initiative de parachever le marché unique en créant un marché intérieur des services, pour insuffler une nouvelle dynamique à la croissance économique, à la création d'emplois durables et à la cohésion sociale en Europe. Elle ne fait qu'étendre ainsi la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs, qui oblige les fournisseurs de services à respecter les conditions de travail du pays d'accueil, notamment le salaire minimum, le temps de travail et les règles d'hygiène et de sécurité.

Le secteur des services est un des principaux gisements d'emplois, notamment dans le domaine des services à la personne, qui représente en France quelque 3,5 millions d'emplois. Mais compte tenu de leur nature, ils sont plus difficilement exportables. En effet, si, pour les biens, seules les marchandises sont exportées, pour les services, le prestataire, dont le savoir-faire est indispensable, doit pouvoir être physiquement présent de façon temporaire, avec son personnel et son matériel. C'est dans ce cadre que se pose la question de la libéralisation des services.

Selon la directive, toute activité de service exercée au sein d'une infrastructure stable et de manière permanente dans l'État qui accueille un prestataire est appelée liberté d'établissement. Dans ce cas, le prestataire doit se conformer aux obligations et à la réglementation en vigueur dans le pays d'accueil. En revanche, lorsqu'un prestataire établi dans un État membre se déplace temporairement dans un autre sans y disposer d'une infrastructure stable permanente pour fournir un service, il est question de libre prestation de services. Dans ce cas, le prestataire doit se conformer aux exigences administratives et juridiques de son pays d'origine. Ce principe du pays d'origine, qui existe actuellement pour la libre circulation des marchandises, s'applique, s'agissant des services, à des secteurs spécifiques connaissant un haut niveau d'harmonisation, tels que le commerce électronique ou l'audiovisuel à travers la directive télévision sans frontières.

Si les grands groupes n'éprouvent pas de difficulté à développer leurs activités transfrontalières, pour les PME, qui constituent la majorité des entreprises du secteur, la lourdeur et la complexité des formalités administratives et des procédures d'autorisation sont dissuasives. Aussi, afin de supprimer les obstacles à la liberté d'établissement, la directive prévoit-elle des mesures de simplification administrative dans le pays d'accueil et d'allégement des formalités, ce qui va plutôt dans le bon sens et s'inscrit dans la politique de réforme de l'État engagée il y a près de trois ans par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin afin de rapprocher l'État du citoyen. La création d'un guichet unique, la réduction du nombre de régimes d'autorisation sont autant de dispositions facilitant l'harmonisation des procédures d'établissement.

Certains services sont expressément exclus de la proposition de la Commission : les services participant à l'exercice de l'autorité publique, les services bancaires et financiers, les services de transport. Nous demandons qu'il en soit de même pour les professions juridiques réglementées, les services culturels et audiovisuels, les services de santé, d'aide sociale et médico-sociale et les jeux d'argent. Il serait bon aussi que l'Europe se saisisse, comme la France et la Belgique l'ont souvent demandé, des services d'intérêt général et prépare une grande loi européenne sur les services publics.

M. Jacques Desallangre. Le pire est à craindre !

M. Marc Laffineur. Une fois réglée la question de la délimitation du périmètre des services recouverts par la directive, dont l'actuelle rédaction est trop confuse et parfois contradictoire avec d'autres directives, on peut s'atteler à son réexamen. Plutôt qu'un retrait, ce que nous demandons à la Commission, c'est un travail de réécriture de la directive, qui préserve la spécificité du modèle social européen autour d'un système de protection sociale performant.

M. René André. Très bien !

M. Marc Laffineur. Il n'appartiendra d'ailleurs pas à la seule Commission, quoi qu'en pense M. Barroso, d'élaborer la directive modifiée, puisqu'une telle révision devra respecter la procédure de codécision, laquelle associe, aux côtés de la Commission, le Conseil et le Parlement européen, opposé au maintien de la directive en l'état. La France, la Belgique et l'Allemagne étant hostiles au principe du pays d'origine, nous pouvons raisonnablement penser que le texte final tiendra compte de ce refus. En effet, nous redoutons, en l'absence d'une évaluation satisfaisante, de l'impossibilité d'un contrôle efficace et d'une harmonisation préalable, les risques de dumping social et juridique et de concurrence déloyale.

Ce débat sur la directive Bolkestein et la maladresse avec laquelle elle a été présentée est une raison supplémentaire pour faire campagne en faveur du oui au référendum.

M. Jacques Desallangre. C'est trop drôle !

M. Marc Laffineur. L'entrée en vigueur du Traité constitutionnel donnera davantage de pouvoirs au Parlement européen mais aussi aux parlements nationaux pour éviter que ne se reproduise une telle cacophonie, qui nuit à l'image de l'Europe. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Avec la Constitution, le politique reprend le pouvoir, la préparation des lois n'est plus laissée à la discrétion des techniciens et des experts. Elle permettra de revaloriser le politique et de responsabiliser ses acteurs.

M. Pascal Clément. Très bien !

M. Marc Laffineur. S'il y a un enseignement à tirer de cette controverse, c'est la revalorisation du rôle des parlements : il n'y a qu'à voir la contribution apportée par notre assemblée à cette directive. C'est à partir du rapport de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne que notre assemblée et le Sénat se sont saisis de cette question et ont déposé une proposition de résolution. Nous ne pouvons que saluer ce bel exemple de vitalité démocratique, que l'adoption de la Constitution renforcera en même temps qu'elle permettra de mieux protéger les services publics et d'éviter qu'ils ne soient mis à mal par des directives de ce type.

Ainsi, le Parlement européen disposera de prérogatives renforcées tandis que les parlements nationaux verront leur rôle de contrôle du principe de subsidiarité reconnu. Le partage des compétences entre l'Union et les États sera clarifié : le président de la Commission, désormais élu par le Parlement compte tenu du résultat des élections, aura une légitimité politique mais sera, en contrepartie, responsable devant le Parlement ; les propositions portées par la Commission seront le résultat de choix politiques et pourront être sanctionnées par le Parlement, non plus des décisions prises en toute impunité. Aussi, plus que jamais, disons oui à la Constitution, qui permet d'introduire plus de démocratie et de transparence dans le processus de prise de décision, et qui protège, à travers la reconnaissance de la Charte des droits fondamentaux, le modèle social européen.

M. Jacques Desallangre. Il n'existe pas !

M. Marc Laffineur. La Commission a commis une erreur d'appréciation, mais la démocratie représentative, à travers l'action des parlements, a su faire entendre sa voix. La France, à l'instar d'autres pays, a montré qu'elle avait une autre ambition pour l'Europe que de la laisser devenir une simple zone de libre-échange. Le projet de Constitution exprime la volonté de réappropriation de l'Europe par le citoyen et le politique, ainsi que le refus de l'abandonner aux seules lois du marché. L'Europe est un modèle social exigeant, que nous nous devons de conforter et de protéger pour ne pas perdre notre identité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bianco, au nom du groupe socialiste.

M. Jean-Louis Bianco. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de directive sur les services dans le marché intérieur, dite Bolkestein, est une démonstration lumineuse de l'Europe que nous ne voulons pas. Chacun connaît l'objectif visé : l'achèvement du marché intérieur dans le domaine des services, secteur important on l'a dit, qui représente 70 % des emplois européens. Pourquoi pas ? Mais la Commission a commis six fautes majeures.

La première faute est de sacrifier à l'idéologie qui fait du marché un dieu absolu. Conformément à la pensée dominante, les auteurs de la directive estiment que le marché est bon par principe et que la concurrence produit automatiquement des effets d'intérêt général. Mais, dans le même temps, la Commission est incapable de démontrer, secteur par secteur, la réalité de ces effets, notamment sur l'emploi, en nombre et en qualité. Quant au consommateur, il doit certes bénéficier des services les moins chers possibles, mais il est aussi en droit d'exiger la sécurité et la qualité de ces services, ce que précisément la directive ne garantit pas.

La deuxième faute, c'est l'incohérence. La fameuse règle du pays d'origine signifierait que coexisteraient sur un seul marché, le marché européen, vingt-cinq législations nationales, puisque chaque pays pourrait exporter ses propres règles. Un marché unique avec vingt-cinq règles différentes, parfois plus quand les secteurs se chevauchent, ce serait une première historique !

M. René André. Très juste !

M. Jean-Louis Bianco. Le principe du pays d'origine est contradictoire avec la notion même de marché.

La troisième faute de la Commission, c'est l'absence de contrôle. Dans la mécanique de la directive, vous le savez, cela a été rappelé, c'est le pays d'origine qui sera chargé, dans les vingt-quatre autres pays, de contrôler le respect de sa réglementation nationale par ses ressortissants. Comment imaginer qu'un pays de 400 000 habitants soit capable, même avec l'aide des autres, de contrôler un marché de 450 millions de consommateurs ?

La quatrième faute tient au fait que la directive est une formidable machine à fabriquer des contentieux inextricables, à la fois sur les normes de droit international relatives aux obligations contractuelles, sur le droit communautaire, en particulier la directive relative au détachement des travailleurs, et sur les normes nationales enfin. Le Conseil d'État a constaté que la proposition de directive ne remettait en cause rien de moins que les principes de souveraineté nationale, d'égalité devant la loi et de légalité des délits et des peines. L'atteinte au principe de subsidiarité est manifeste.

La cinquième faute, c'est l'absence d'harmonisation. Jusqu'ici, l'Europe s'est toujours construite par l'harmonisation des règles. Ce n'est pas toujours simple et il ne faut pas que l'Europe se mêle de tout. Mais, en la matière, 1'absence d'harmonisation conduira inévitablement au moins-disant social et au moins-disant environnemental.

La sixième faute, c'est la mise en cause des services publics. Pour la directive, toute prestation - hors travail salarié entre employeur et employé - qui fait l'objet d'une contrepartie économique est un service. Or aucun service d'intérêt général ou presque n'est entièrement gratuit. Il s'agit d'un problème permanent dans la construction européenne, parce qu'il existe presque partout ce que Philippe Herzog appelle une « zone grise » entre les services d'intérêt général et les services marchands. C'est ce que souligne aussi la Confédération européenne des coopératives, mutualités, associations et fondations.

Mais le traité constitutionnel européen n'est en rien responsable de cette proposition de directive. Déposée en janvier 2004, elle est au contraire l'illustration de ce que permet le traité de Nice, qui restera en vigueur si le nouveau traité n'est pas adopté. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La vérité, c'est que la Constitution, même imparfaite, donnerait de nouvelles armes contre ce projet de directive : le contrôle de la subsidiarité par les parlements nationaux, la création par l'article III-122 d'une base juridique pour les services d'intérêt général, le pouvoir d'initiative donné à 1 million de citoyens européens.

Alors, que faut-il faire de ce projet de directive ? Depuis quelques semaines, on joue sur les mots, à commencer par le gouvernement français, qui a pris très tardivement conscience de la gravité du problème : « remise à plat », « réécriture », « réexamen », « remise à plat complète », l'imagination verbale est sans limite pour tourner autour du pot.

On ne peut également que regretter l'ambiguïté de la position de la majorité. À la Délégation pour 1'Union européenne, la majorité a voté un texte que les élus socialistes ont également adopté puisqu'il demandait le retrait de la proposition de directive et le retour à un processus d'harmonisation par le haut du droit applicable aux services. Or, la résolution adoptée par la commission des affaires économiques est revenue sur certains de ces éléments. À cela s'ajoute l'attitude des élus UMP du Parlement européen qui se sont abstenus sur le vote d'une résolution tendant à une adoption rapide de la proposition de directive Bolkestein, alors que l'ensemble de la gauche européenne et les élus de l'UDF s'y sont opposés.

Enfin, il n'aura échappé à personne que le silence des autorités françaises n'a pris fin que tout récemment.

Ne soyons pas dupes, mes chers collègues. Ne nous fions pas aux déclarations de la Commission. Le président Barroso comme le commissaire en charge du marché intérieur soufflent le chaud et le froid. Ils ont confirmé le maintien du principe du pays d'origine au cœur de la proposition de directive.

M. Gérard Bapt. Eh oui !

M. Alain Bocquet. Et c'est ce qu'ils font !

M. Frédéric Dutoit. M. Barroso est logique, lui !

M. Jean-Louis Bianco. C'est totalement inacceptable.

On ne peut pas prétendre défendre l'Europe sociale comme le font certains députés sur différents bancs de cette assemblée et s'accommoder d'arrangements sur un texte aussi régressif et dangereux pour notre modèle social et celui de l'Europe !

Pour les socialistes, la position de la France doit être claire - ce qu'aujourd'hui elle n'est pas.

Premièrement, nous demandons, non pas que la Commission réécrive, réexamine ou reprenne sa proposition - surtout avec le principe du pays d'origine -, mais la retire.

Deuxièmement, nous demandons que la France s'oppose fermement à cette proposition et en demande le rejet.

M. René André. C'est ce qu'elle fait !

M. Jean-Louis Bianco. Troisièmement, nous demandons qu'avant toute nouvelle directive sur les services, soit adoptée une loi-cadre sur les services publics ou les services d'intérêt économique général.

En tout état de cause, nous rejetons le principe du pays d'origine pour toute autre proposition de directive sur les services.

Telle est, selon nous, la position que la France devrait adopter clairement. Je le répète : ne tournons pas autour du pot avec une Commission qui ne semble pas prendre très au sérieux l'avis des parlements nationaux. Demandons, exigeons le retrait de la directive. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Ce n'est pas le retrait mais le réexamen qu'il faut demander. Vous jouez sur les mots !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le groupe UDF.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les députés, nous voilà réunis pour débattre du projet de directive sur les services. C'est une initiative heureuse car elle permet à chaque groupe de se prononcer sereinement sur un texte très controversé.

Soyons clairs : la critique sévère que fait le groupe UDF ne constitue pas une condamnation de l'objectif ambitieux qui est à son origine.

Au contraire, la politique d'achever le marché unique - signé en 1985 par le Premier ministre Laurent Fabius - en assurant la libre circulation des services nous semble bienvenue. Pour nous Français, car la France, classée parmi les quatre premiers exportateurs mondiaux de services, est déjà un acteur majeur des échanges dans les services aux entreprises, dans le tourisme, la construction et les communications. Pour nous aussi Européens, puisque le poids des services - inférieur à 20 % - dans les échanges européens est encore trop faible, ce qui prive l'économie européenne de parts de croissance utiles à sa compétitivité et à la création d'emplois. Il est normal de rechercher les raisons de cette faiblesse et urgent de déterminer une stratégie commune de reconquête, au moment où la France et l'Allemagne connaissent un chômage élevé.

Notre critique porte davantage sur l'application qui en est faite, contraire selon nous à la conception européenne de la cohésion économique et sociale.

L'Europe doit être vécue comme une force, comme une avancée pour tous. Or, l'erreur majeure qui a été faite par l'ancienne Commission est d'avoir abandonné l'harmonisation au profit du principe du pays d'origine, et ce en même temps que se produisait l'élargissement. Reconnaissons-le : le principe du pays d'origine est incompatible avec les disparités de l'Europe à vingt-cinq. Il va avec un haut niveau de rapprochement des législations.

Loin de moi l'idée de diaboliser l'adhésion des dix nouveaux membres à l'Union. Je sais qu'ils ont fait de réels efforts d'intégration de l'acquis communautaire et de rattrapage économique. Pourtant, de réelles disparités subsistent, plus fortes que jamais, qu'il s'agisse du modèle social, de la protection sociale, du système de santé, du système juridique, des salaires bruts, du PIB par habitant, d'impôts sur les entreprises. L'Europe de 2005 n'est plus la Communauté d'origine, elle doit prioritairement maîtriser les conséquences du dernier élargissement.

À cette erreur majeure commise par la Commission, s'ajoute une erreur de calendrier, car l'achèvement du marché intérieur ne saurait se faire à marche forcée, qui plus est dans des secteurs d'activités aussi complexes que les services.

Les principes de coordination et d'harmonisation sont seuls garants d'un niveau élevé de protection des consommateurs et des salariés, et de sécurité pour l'ensemble des acteurs économiques de l'Union. C'était la pratique des vingt dernières années et, reconnaissons-le, là encore, le tempo de la politique européenne - long mais régulier - a bien réussi.

Il a fallu quarante ans pour faire l'euro. Il faudra peut-être dix ou quinze ans d'efforts d'harmonisation pour achever le marché intérieur.

D'ailleurs, M. Barroso devrait se souvenir que c'est grâce à l'harmonisation que son pays, le Portugal, s'est élevé depuis qu'il a adhéré à l'espace européen.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Anne-Marie Comparini. Nos critiques portent aussi sur les défauts du texte. Le champ d'application est déterminé de façon si imprécise qu'il ne permet pas d'établir une liste précise des secteurs concernés. Nous dénonçons également son articulation approximative avec d'autres politiques communautaires par ailleurs très attendues - telles que le détachement des travailleurs, la reconnaissance des qualifications, le remboursement des soins de santé, les pratiques commerciales déloyales, les obligations non contractuelles et les convention Rome I et Rome II en matière juridique - et sa complexité accrue bien inutile. Quelle peut être la lisibilité juridique d'un texte qui assortit un principe de vingt-trois dérogations et de conditions suspensives aussi considérables ?

Ces défauts illustrent le mauvais fonctionnement de l'ancienne Commission. Trop cloisonnée, elle a négligé les efforts faits par de nombreuses professions - et qui méritent d'être salués - pour unifier leurs règles et leurs usages déontologiques, définir leurs principes d'organisation et de fonctionnement, contrôler et coordonner les actions de formation, et se concerter avec leurs homologues au niveau européen. C'est le cas en France des différents ordres professionnels : avocats, architectes, notaires. C'est aussi le cas, en France et en Europe, de fédérations professionnelles du bâtiment, de l'intérim et d'organismes consulaires. Grâce à ces rapprochements, qui ont entraîné parfois des modifications profondes, de nombreuses professions ont évolué aux niveaux communautaire et international.

La Commission aurait été mieux inspirée de prendre en compte ces efforts. Mais, trop éloignée des pratiques professionnelles, elle a sous-estimé les risques de dumping social et juridique, et c'est là que le principe du pays d'origine apparaît le plus irréaliste.

Chaque État pouvant transférer sa propre législation dans un autre, certaines dispositions de la directive laissent la porte ouverte à des situations qui ne pourraient que favoriser la baisse de qualité de l'offre de services, une diminution du niveau global de protection et des salaires au détriment des travailleurs, des consommateurs et des entreprises, placées malgré elles en concurrence déloyale. Même la dérogation en faveur de la directive « détachement des travailleurs » n'écarte pas tout risque de dumping social, du fait de l'impossibilité de pouvoir procéder à des contrôles, et dans l'État d'accueil et dans celui d'origine.

Il en va de même pour le dumping juridique : la règle de conflit de loi impliquée par le principe du pays d'origine pourrait conduire les États membres à se livrer à une compétition juridique pour attirer les entreprises. Celles-ci pourraient alors opérer dans l'ensemble de l'Union avec un droit moins protecteur alors que l'objectif prioritaire de l'Europe a toujours été d'assurer la protection de tous.

Face à une telle situation, l'UDF ne réclame pas des dérogations : elles seraient si nombreuses qu'elles videraient la directive de son contenu. Elle ne sollicite pas non plus son retrait pur et simple. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous êtes d'assez fins négociateurs pour savoir qu'un retrait pur et simple impliquerait immanquablement que la directive, donc son objectif ambitieux, serait enterrée,...

M. Jacques Desallangre. Ils sauraient la déterrer !

Mme Anne-Marie Comparini. ...alors que, les uns et les autres, nous pressentons que celui-ci constitue l'une des conditions de développement de la croissance européenne actuelle, mais aussi à venir.

M. Daniel Paul. Il faut voter pour le « non », c'est le seul moyen !

Mme Anne-Marie Comparini. Non, ce n'est pas le seul moyen, vous le savez bien. C'est une règle de bon sens : lorsqu'on veut transformer un texte en profondeur, le réécrire, lui donner un autre contenu, il faut dire de manière précise sur quels thèmes, sur quels termes on veut des changements. Je ne suis pas dupe, monsieur Bianco : lorsque je demande en tant que rapporteure de la délégation pour l'Union européenne, mais aussi aujourd'hui en tant que membre de l'UDF, que ce texte soit transformé en profondeur, je renvoie à la feuille de route. Et c'est pourquoi, avec clarté, j'ai indiqué et je le redis aujourd'hui qu'il faut un préalable réaliste : l'abandon du principe du pays d'origine, dont les conséquences pratiques mèneraient à un nivellement par le bas des normes de protection des salariés et des consommateurs.

Et j'indique clairement, au nom de l'UDF, les deux conditions à satisfaire obligatoirement - tout en préparant la directive sur les services d'intérêt général dont M. Philippe Herzog a déjà ouvert la voie.

La première, c'est la délimitation du champ d'application de cette directive en excluant les services publics, les professions juridiques réglementées qui assurent un service public de la justice, et les services audiovisuels et culturels. La directive « télévision sans frontières » peut traiter des services audiovisuels au niveau européen. Les services sanitaires et sociaux et les jeux d'argent figurent également parmi les éléments qui doivent être exclus de manière expresse, explicite de la directive sur les services.

La seconde condition, qui renvoie encore à la feuille de route, c'est une réelle articulation avec les autres directives, notamment les directives sectorielles, en affirmant leur primauté parce que tous les secteurs qui ont déjà des directives spécifiques ont fait des efforts pour rapprocher leur législation, et il est normal, dans une Europe des citoyens, qu'on reconnaisse les efforts des acteurs économiques.

Ces points, que j'avais indiqués à la délégation que préside notre collègue Pierre Lequiller, sont ceux que défend le groupe UDF. La solution que je propose n'est pas aussi anodine que certains le pensent. J'en vois pour preuve que, lorsque le Président de la République française demande la remise à plat, que demande-t-il de différent de ce que, les uns et les autres, nous préconisons ? Il demande des réécritures, des transformations, des réexamens.

M. Jacques Desallangre. Non !

Mme Anne-Marie Comparini. Ce n'est guère différent de ce qui mobilise nos collègues parlementaires européens dont l'un des vôtres, monsieur Bianco, est rapporteur au Parlement européen.

N'oublions pas par ailleurs que ce genre de directive fait l'objet d'une codécision.

Je constate aussi que ce que j'ai indiqué n'est pas éloigné de ce que disent d'autres parlements nationaux. J'ai été en contact avec mes collègues des parlements allemand, belge, de la chambre estonienne, et je remarque que, pour l'essentiel, nous partageons les mêmes conclusions. Alors quand certains, à gauche ou à droite, affirment ces derniers temps que la constitution européenne, c'est la porte ouverte à la directive Bolkestein (« Eh oui ! sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), j'ai envie de leur dire, tout sereinement, tout bonnement, tout tranquillement, que c'est faux. (« Eh non ! sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Prenez donc le traité constitutionnel, chers collègues,...

M. Frédéric Dutoit. L'article I-3 !

Mme Anne-Marie Comparini. ...et vous verrez qu'il comporte de réelles avancées politiques et démocratiques en renforçant les pouvoirs de contrôle des parlements nationaux.

M. Daniel Paul. Ça change quoi ?

Mme Anne-Marie Comparini. Vous oubliez aussi que la Constitution prévoit, que la Commission propose, mais que c'est le Conseil européen et nos collègues du Parlement européen qui décident.

M. Alain Bocquet. Et la Banque centrale européenne !

M. le président. Pour le moment, c'est Mme Anne-Marie Comparini qui expose, et elle seule. (Sourires.)

Mme Anne-Marie Comparini. Je vais conclure, mes chers collègues, en vous invitant, au cas où vous n'auriez pas bien lu le traité constitutionnel, à jeter un coup d'œil sur ce que l'Assemblée nationale a fait à la demande du président de la délégation pour l'Union européenne : l'Assemblée nationale s'est saisie, en amont, de ce texte ; nous avons auditionné les acteurs économiques pour qu'ils nous disent quels sont les points forts et les points faibles du projet de directive ; aujourd'hui, après son examen par la commission des affaires économiques, nous débattons d'une proposition de résolution. Ces travaux pratiques que nous avons menées à l'Assemblée nationale préfigurent ce que sera la gouvernance européenne avec la Constitution. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Daniel Paul. Très juste !

M. Frédéric Dutoit. On est d'accord sur ce point !

Mme Anne-Marie Comparini. Quel meilleur exemple des améliorations que la Constitution peut nous apporter pour une Europe plus démocratique et plus transparente ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis heureux de découvrir aujourd'hui que, sur les bancs de notre assemblée, on s'inquiète des risques de dumping social accru, des menaces sur les conditions d'exercice de nombre de professions libérales, ou encore des dangers pour nos services publics que comporte le texte initié par l'ex-commissaire Frits Bolkestein. Sauf que, dans son édition du 4 mars dernier, Le Figaro titrait un article : « Bruxelles relance la directive Bolkestein », dans lequel était relatée la déclaration du commissaire en charge du marché intérieur, l'Irlandais M. McCreevy. Je le cite : « Cette directive est toujours sur la table. La Commission n'a aucune intention de la retirer. » Ce matin, on apprend dans la presse que le président de la Commission européenne, M. Barroso, se prononce clairement pour le maintien de cette directive et, qui plus est, du principe du pays d'origine : « Nous n'abandonnerons pas le principe du pays d'origine » martèle-t-il.

On sait ce que cela veut dire : le principe du pays d'origine permettrait à toute entreprise européenne de venir traiter des marchés en France selon les lois de son pays. Cette disposition porterait un coup très dur en premier lieu aux artisans et aux PME, qui seraient ainsi confrontés à la concurrence d'entreprises qui interviendraient, sans aucun contrôle, avec des salariés soumis seulement aux lois sociales et aux conditions de salaire de leurs pays. On imagine sans mal les dégâts que provoquerait l'adoption d'un tel principe sur l'emploi et sur les revenus des travailleurs, qu'ils soient salariés, petits patrons ou travailleurs indépendants.

Un député du groupe des député-e-s communistes et républicains. Une catastrophe !

M. Alain Bocquet. Tous les partisans du projet de Constitution européenne ont approuvé la directive, comme tous les chefs d'État lors de différents sommets. M. Jacques Chirac était présent lorsque, le 25 novembre dernier, le Conseil européen a demandé que cette directive bénéficie d'une priorité absolue. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Au Parlement européen, tous les députés, hormis les communistes et les verts nordiques, qui ont voté contre, ont donné un premier avis très favorable le 13 février 2003. (Mêmes mouvements.)

Les membres de la Commission de Bruxelles ont approuvé la directive à l'unanimité, le 13 janvier 2004, et il y avait parmi eux M. Michel Barnier, aujourd'hui ministre des affaires étrangères, ainsi que M. Pascal Lamy.

C'est dire si le débat que vous organisez en catastrophe aujourd'hui n'est qu'un débat de dupes et de totale duplicité. Aucun de ceux qui prônent aujourd'hui le « oui » à la Constitution européenne, aucun chef d'État, pas même le Président de la République, n'ont demandé le retrait de cette directive dangereuse et scélérate !

M. Frédéric Dutoit. C'est la vérité !

M. Alain Bocquet. Pis : il semble même que le gouvernement français se prépare à anticiper. En effet, un rapport Cahusac-Kramatz, commandé par MM. Jean-Louis Borloo et Nicolas Sarkozy, se référant directement à cette directive, propose la suppression des règlements professionnels existants. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Gilbert Biessy. On en apprend des choses ! Qu'ils aient le courage de leurs opinions !

M. Alain Bocquet. Et pour cause : le fondement même de cette réforme est inscrit dans le processus de Lisbonne, qui prône la mise en œuvre d'une stratégie visant à supprimer les obstacles à la libre circulation des services. Depuis 2000, quelles sont les voix qui se sont élevées pour dénoncer cette fuite en avant vers le règne de la concurrence sauvage ? (« Les nôtres ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

En réalité, votre volte-face n'est qu'une position de circonstance. Tout le monde l'aura bien compris. À quelques semaines du référendum sur le traité de Constitution européenne, les partisans du « oui » tentent coûte que coûte d'éteindre l'incendie provoqué dans l'opinion par cette nouvelle offensive de la loi d'airain du marché, de la suprématie du profit financier sur le social et sur le développement humain. Il leur faut rassurer, temporiser et surtout éviter que la filiation ne soit établie entre le contenu de la directive Bolkestein et les principes majeurs de la Constitution européenne.

M. Frédéric Dutoit. Ce sont les mêmes !

M. Alain Bocquet. La crainte de voir notre peuple se saisir du bulletin « non » pour sanctionner l'échec d'une construction purement marchande de l'Europe oblige à bien des contorsions.

Mais il est temps de parler vrai. On peut toujours différer ou réaménager la directive Bolkestein, mais il n'en reste pas moins que le traité de Constitution est en lui-même à la sauce Bolkenstein. Ainsi érige-t-il en « objectif de l'Union », à l'article I-3-2, « un marché intérieur ou la concurrence est libre et non faussée ».

M. Frédéric Dutoit. Comme la directive Bolkestein !


M. Alain Bocquet
. À soixante-huit reprises dans le traité, le plein-emploi, le progrès, la justice et la protection sociale sont soumis au respect du cadre strict d'une « économie de marché ouverte », conçue sur le modèle des accords de l'OMC, et particulièrement de l'accord général sur le commerce des services, qui a inspiré M. Frits Bolkestein.

Le projet de Constitution dispose d'ailleurs que « les États membres s'efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire en vertu de la loi-cadre européenne » et il précise que « la Commission adresse aux États membres intéressés des recommandations à cet effet ».

En matière sociale et fiscale, le maintien de la règle contraignante de l'unanimité restreint la perspective de voir adopter des mesures progressistes et protectrices pour l'ensemble des salariés et des exclus d'Europe. Avec le traité, le SMIC européen de haut niveau n'est pas pour demain ! Le projet de Constitution sanctuarise l'unification monétaire et marchande, mais laisse les rapports sociaux à la loi de la jungle, les firmes multinationales profitant à loisir des disparités entre les législations et les systèmes sociaux pour imposer chômage, bas salaires, flexibilité totale, délocalisations et licenciements brutaux.

Chacun témoigne ici de son attachement aux services publics. Reste que, dans le projet de Constitution, ils sont remplacés par des services d'intérêt économique général, à la portée très limitée, couvrant un champ sans aucune mesure avec notre conception française. Ces services d'intérêt économique général ne figurent pas parmi les valeurs de l'Union et ne font l'objet d'aucun chapitre particulier. Ils représentent une exception tout juste tolérée, étant entendu que, selon l'article III-166, « les entreprises chargées de la gestion des services d'intérêt économique général [...] sont soumises aux dispositions de la Constitution, notamment aux règles de la concurrence ».

Il est clair, je viens de le démontrer, qu'on ne peut s'en prémunir sans rejeter le traité de Constitution. Le rapport de la commission des affaires économiques qui nous est soumis élude soigneusement cette dimension. Pour nous, députés communistes et républicains, notre opposition sans ambiguïté à la directive sur la libéralisation des services est cohérente avec notre engagement pour le « non » au référendum du 29 mai prochain. Seule une victoire du « non » peut enterrer définitivement la directive Bolkestein et permettre de modifier la nature et la trajectoire de la construction européenne, pour qu'elle soit enfin en mesure d'apporter des réponses aux besoins d'emploi, de formation, de pouvoir d'achat, de services publics, de réduction du temps de travail, de productions efficaces, de démocratie participative, de solidarité concrète sur le continent et sur la planète, de culture pour tous et de paix pour chacun.

Devant la détermination forte de la Commission européenne et de son président, M. Barroso, de maintenir, coûte que coûte, la directive Bolkestein, que valent les gesticulations et protestations verbales ? Si le Président de la République, le Gouvernement et la majorité veulent prouver leur efficacité, qu'ils obtiennent le retrait pur et simple de cette directive dangereuse pour le monde du travail et pour la France.

«Hic Rhodus, hic salta» : c'est le moment de montrer ce dont vous êtes capable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux d'abord rendre un sincère hommage à la délégation à l'Union européenne, présidée par M. Lequiller, car elle a eu le mérite de se préoccuper d'un sujet d'importance, ainsi qu'à Mme Comparini qui a accompli un précieux travail.

M. Lecou, le rapporteur de la commission des affaires économiques, a exposé tout à l'heure, avec beaucoup de courage - car la discussion n'avait pas été facile en commission - la position qui a été la nôtre. Elle est claire : cette proposition de directive, car ce n'est qu'une proposition, est inacceptable dans sa forme actuelle ; sa remise à plat est donc nécessaire pour une profonde réécriture.

On peut discuter sur les mots, se lancer dans des polémiques et faire des effets de séance, mais l'important pour notre majorité reste que l'on construise l'Europe en cheminant d'une manière sérieuse et concrète, sans demander l'impossible. La proposition de directive doit être réécrite. Demander son retrait n'est pas raisonnable puisque la discussion est engagée au Parlement européen et qu'il convient d'attendre les échéances normales dans le cadre des institutions européennes. Je vais y revenir dans un instant.

Le fait est, madame la ministre, que cette proposition de directive ne correspond pas, en l'état, à la vision que nous avons de la construction européenne et de la réalisation du marché intérieur, réalisation dont notre pays a besoin, mais pas à n'importe quel prix. Nous sommes l'un des premiers exportateurs de services. La France compte de grands groupes dans ce secteur mais aussi beaucoup de PME qui souffrent d'entraves à leur développement.

Parmi les nombreux problèmes qui ont été soulevés en commission, j'insisterai particulièrement sur la nécessaire exclusion des services publics - « à la française » comme on le dit communément - du champ de la directive. Nous devons préserver nos services publics et notre modèle social. J'insisterai aussi sur la nécessité de maintenir un contrôle efficace par les États membres de la situation des travailleurs détachés et de réaliser au préalable des études d'impact sectorielles approfondies.

M. Daniel Paul. Nous nous en souviendrons jeudi prochain !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous nous retrouverons donc.

On ne peut pas tourner le dos au principe d'harmonisation des législations sans mesurer l'effet qu'aurait la mise en œuvre, en l'occurrence, du principe du pays d'origine.

Notre commission a refusé ce principe. Elle a examiné, lors de sa réunion du 1er mars, trois propositions de résolution, dont celle de la délégation. Aujourd'hui, mes chers collègues, nous vous demandons de voter une proposition de résolution de synthèse qui considère que le texte de la Commission européenne est inacceptable en l'état et qui demande résolument son réexamen en vue de sa réécriture. C'est un message fort, porté par Mme Haigneré, par M. Larcher, le 4 mars, et par le Président de la République, ce matin encore. Nous sommes sur la même ligne. Peu importent les mots, - retrait, réécriture, réexamen - monsieur Bocquet, monsieur Bianco ! L'important est que la Commission européenne prenne conscience de nos difficultés et en tienne compte.

M. Gilbert Biessy. Vous savez bien que ce n'est pas possible !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Cette directive est le produit d'une « technocratie européenne » qui a pris trop de distance avec les populations. Il faut donc procéder à une réécriture qui tienne compte de la nécessaire proximité à garder avec les citoyens. Nous voulons une Europe proche de ses citoyens.

Je ne comprends pas la position de M. Barroso, ni les propos qu'il a tenus. Comment a-t-il pu affirmer que, pour certains, la Commission est là pour protéger les quinze anciens membres contre les nouveaux ? Il se trompe : personne ne veut instaurer pareille querelle !

Mme Anne-Marie Comparini. Absolument !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Mme Comparini l'a rappelé, le Portugal a largement profité des apports de l'Europe lors de son adhésion, ce dont nous nous sommes tous réjouis. Le président de la Commission devrait se souvenir que la France est le deuxième contributeur au budget de l'Europe - et l'Allemagne, le premier. Il faut tenir compte des spécificités des uns et des autres.

Je ne m'attarderai pas sur d'autres propos émanant d'autres commissaires européens. Mais je ne voudrais pas que ce qui est dit ici suscite une quelconque surenchère au niveau européen. Je suis heureux que le Chancelier Schröder se soit rapproché de nous.

Prenons acte de ces premiers succès et continuons le combat en profitant du fait que nous n'en sommes qu'au début de la procédure de codécision. Le Parlement européen, avec sa rapporteure, Mme Gebhardt, traitera ce problème en juin prochain. La codécision implique que le Conseil des ministres prenne une décision commune avec le Parlement. Il faut que la voix de la France soit entendue, comme celle des autres membres de l'Union, ni plus ni moins.

En conclusion, j'insisterai sur la nécessité de ne pas faire d'amalgame entre le présent débat et la campagne qui va s'ouvrir pour le référendum. (« Bien sûr ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Myard. C'est foutu !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Quoi qu'il advienne, en effet, de la Constitution européenne, les institutions communautaires d'aujourd'hui permettent d'accepter et d'appliquer la directive Bolkestein. Ce qui est important, c'est la détermination de la France à faire entendre sa voix dans le cadre des institutions actuelles et à faire en sorte que ladite directive soit réécrite. Il ne faut pas donner l'impression d'un télescopage avec le référendum.

Mais projetons-nous dans l'avenir : nous avons déjà dit « oui » à la Constitution européenne, et nous nous apercevons qu'elle est plus protectrice pour la France que les institutions européennes actuelles (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et qu'elle donne aux parlements nationaux, donc au parlement français, plus de pouvoirs, plus de droits de contrôle, grâce auxquels l'application d'une directive contre la volonté de la France ne sera pas possible.

M. Jérôme Lambert. C'est faux !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je le disais, le Parlement européen, dont l'accord sera indispensable pour l'adoption de ce texte, ne s'est pas encore prononcé. Je souhaite que Mme la ministre continue son action, avec le même talent qu'elle a déployé jusqu'à présent, afin que la voix de la France soit entendue.

Alors, chers collègues, affichons notre détermination pour refuser cette manière d'être d'une Europe loin des préoccupations quotidiennes des citoyens, d'une Europe dont nous n'avons, effectivement, pas tellement envie. En revanche, affichons notre foi en l'Europe,...

M. Daniel Paul. C'est difficile !

M. Patrick Ollier, président de la commission. ...telle que nous voulons la construire et la vivre, une Europe respectueuse des États et des peuples, telle d'ailleurs que nous la propose la prochaine Constitution, vous le savez bien, monsieur Myard.

Le plus grand service que nous puissions rendre à l'Europe est de demander le réexamen de cette directive et de faire en sorte que l'ensemble des États entende la voix de la France...

M. Jacques Myard. On n'écoute pas les esclaves !

M. Patrick Ollier, président de la commission. ...et comprenne qu'il faut réécrire son texte.

Je vous demande donc, mes chers collègues, de voter les conclusions de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

M. Pierre Lequiller, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mise en place d'un marché unique des services est une étape essentielle - Marc Laffineur l'a très bien expliqué - dans la réalisation du marché commun. Le principe en a été posé dès le traité de Rome, vous l'avez dit, madame la ministre, avant d'être réaffirmé par l'Acte unique. Il s'inscrit également dans les ambitions de la stratégie de Lisbonne.

Facteur potentiellement considérable de croissance économique et donc créateur d'emplois - on parle de 600 000 emplois pour l'Union européenne, et la France a dans le domaine des services une position prééminente -, cet objectif ne peut que susciter la coopération la plus déterminée des États membres.

Encore faut-il recourir à la bonne méthode et éviter toute précipitation. La dénomination de « services » recouvre des activités multiples et hétérogènes. L'ampleur et la diversité du secteur des services exigent d'agir avec réalisme et discernement. Le projet d'élaborer une directive ambitieuse et globale sur les services n'a de sens que si les caractéristiques des activités concernées sont analysées au préalable de manière approfondie, si une articulation parfaite est assurée entre la future directive et les instruments sectoriels existants et s'il n'y a pas trop d'hétérogénéité entre les pays membres, ce qui n'est plus le cas dans une Europe à vingt-cinq.

Je reprendrai à mon compte les propos de nombreux orateurs : ni prise en considération de la nécessaire harmonisation, ni respect du service public - alors que le projet de Constitution consacre les services publics...

M. Gilbert Biessy. Nous n'avons pas lu le même texte !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation de pour l'Union européenne. ...principe du pays d'origine, complexité juridique excessive, risque de dumping social et juridique.

La Commission européenne a présenté son projet de directive en janvier 2004. La délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne s'est saisie de la question dès le mois de juin 2004 en désignant comme rapporteure Mme Anne-Marie Comparini, ce qui lui a permis de mener un travail remarquable et approfondi pendant plus de six mois tout en donnant à notre assemblée une large avance, dans la réflexion, sur la plupart des autres parlements nationaux et sur le Parlement européen, qui ne s'est pas encore prononcé sur la proposition de directive, contrairement à ce que j'entends trop souvent dire. Il ne se prononcera qu'en fin de parcours, suivant la procédure de codécision avec le Conseil des ministres.

La délégation a donné à ses travaux une dimension interparlementaire en invitant des membres du Parlement européen à la réunion au cours de laquelle le rapport présenté par Mme Comparini a été examiné. Y assistait notamment M. Jacques Toubon, dont la position est très proche de celle d'Anne-Marie Comparini et de Robert Lecou. En outre, treize membres de la délégation ont participé à une réunion conjointe, jeudi dernier, avec la commission du Bundestag, et ont longuement évoqué la directive « services ». À la demande de Jean-Louis Debré, Un groupe de travail franco-allemand va être constitué, que je coprésiderai, pour poursuivre l'échange de vues ainsi engagé avec les Allemands.

J'ai demandé l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de résolution, car un acte solennel du Parlement français, et de l'Assemblée nationale en particulier, me semblait nécessaire pour vous permettre, madame la ministre, avec notre soutien, de défendre encore mieux la position de la France. Le débat a eu lieu ce matin au Sénat et se poursuivra dans les semaines et les mois à venir dans les parlements des autres États membres. C'est un travail de diplomatie parlementaire qu'il nous faut mener.

Face à la position excessive de la Commission, la démocratie européenne - en tout cas pour ce qui concerne notre assemblée - a fonctionné. On s'oriente vers une complète remise à plat du texte,...

M. Jacques Myard. Ah bon ?

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne. ...comme l'ont demandé conjointement Jacques Chirac et Gerhard Schröder à Blomberg. En outre, comme l'a évoqué Mme la ministre, le Président de la République est encore intervenu ce matin auprès du président de la Commission, qui a d'ailleurs modifié sa position : il y a eu un deuxième communiqué de M. Barroso.

M. Jacques Myard. Ce n'est plus une Commission, c'est une girouette !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne. Si c'est pour tenir compte de notre position, c'est une bonne chose !

Les autres gouvernements ont pris peu à peu conscience des risques du projet de directive dans sa rédaction initiale. Remise à plat, réécriture, réexamen, tous ces termes traduisent de notre part la même volonté et le même souci. Michel Barnier exprimait ce matin même, devant la délégation pour l'Union européenne, le souhait que la libéralisation des services ne se fasse pas sans une harmonisation par le haut des secteurs concernés - Patrick Ollier a rappelé l'harmonisation par le haut effectuée au Portugal grâce à l'aide européenne - au risque d'un dumping social et juridique inacceptable, ni sans la mise en œuvre d'une loi européenne sur les services publics. Tel est l'objet de la proposition de résolution adoptée par la commission des affaires économiques, présidée par Patrick Ollier, sur l'excellent rapport de notre collègue Robert Lecou, auquel je souscris.

Je rappelle que la décision appartiendra non à la Commission, mais au Parlement européen et au Conseil des ministres - il s'agira d'une codécision. Nous devons rester mobilisés sur ce dossier difficile, mais majeur. Patrick Ollier l'a souligné, la nouvelle Constitution nous aurait permis d'être saisis plus tôt de la proposition de directive...

M. Jacques Myard. Ce n'est pas vrai !

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne. ...grâce au contrôle du principe de subsidiarité.

Le projet de directive Bolkestein n'a rien à voir avec la Constitution européenne...

M. Jacques Myard. Ah bon ?

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne. ...que les Français sont appelés à ratifier le 29 mai prochain. Mais, avec la Constitution européenne, notre assemblée disposera de moyens renforcés pour contrôler, notamment en matière de subsidiarité, le processus d'élaboration des lois européennes et peser sur leur contenu.

Avec force, nous réclamons avec vous, madame la ministre, la révision complète de cette directive et l'abandon du principe du pays d'origine. Nous savons que vous saurez mettre notre soutien à profit pour défendre les intérêts de la France, mais aussi de l'Europe. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Madame la ministre, force est de constater que, dans le ciel de l'euro-béatitude, la proposition de directive porte un coup sérieux aux illusions d'une Europe intégrée à vingt-cinq, voire à trente. Le sujet dont nous débattons ce soir est en effet topique de la nature exacte de l'actuelle construction européenne. Pour être plus précis, il s'agit d'une directive miroir, une directive boomerang qui vous renvoie en plein visage l'absurdité d'une construction européenne que vous prônez, alors qu'elle constitue une véritable fuite en avant et est contraire à nos intérêts.

Avant d'examiner les raisons pour lesquelles cette directive et le système qu'elle illustre sont à rejeter, je souhaite rappeler un point d'histoire.

Cette proposition de directive n'est pas née de la génération spontanée, mais de l'aveuglement dont les gouvernements français font preuve depuis cinq ans dans ce domaine. Je dis bien « les » gouvernements, car ceux qui, à gauche, se drapent aujourd'hui dans leur vertu outragée, ont activement concouru à l'élaboration de cette directive. Ceux qui, aujourd'hui, poussent des cris d'orfraie pour se plaindre de ce texte, en ont approuvé chaque étape depuis l'an 2000.

Il faut que cela soit clair et que les Français le sachent, ce texte n'est pas, comme l'a dit notamment le rapporteur, le fruit d'un prétendu dysfonctionnement de la Commission, qui a fait son travail puisqu'elle répondait à une demande des États membres.

Il n'est pas non plus contraire au principe de subsidiarité. Il ne sert à rien de dire qu'avec le traité constitutionnel, grâce à l'alerte précoce, nous aurions été informés plus tôt. Car, grâce à l'article 88-4, nous avons été saisis depuis longtemps des avant-projets de directive. Le Gouvernement français était donc parfaitement informé. Tout cela a été approuvé par les gouvernements successifs : cette directive ne résulte que des abandons de souveraineté que nous avons acceptés.

À ce propos, madame la ministre, je vous ai entendu dire il y a quelques instants que vous vous étonniez des propos de M. Barroso. Permettez-moi de vous faire part à mon tour de mon étonnement, car la directive est le résultat implacable de l'actuelle construction européenne qui se retourne contre nos intérêts. Elle s'incarne dans un système qui part à la dérive et nous échappe à deux titres : d'abord sur le plan de la forme et de la procédure, puis sur le fond.

Sur la forme tout d'abord : la directive sera adoptée à la majorité qualifiée et, étant minoritaires, nous ne pourrons pas nous y opposer. Ne nous faites pas croire, madame la ministre, qu'il y aurait consensus.

M. Alain Bocquet. Bien sûr que non !

M. Jacques Myard. D'autant que le vote à la majorité qualifiée est appelé à s'étendre, notamment avec le traité constitutionnel. En juillet, ce sont nos chers amis Anglais qui présideront l'Union européenne. Vous savez bien, de même, que les Allemands étaient favorables à la directive et que ce n'est que sur l'intervention du plus haut niveau de l'État français qu'ils ont modifié leur position. Nos partenaires sont pour et vous le savez !

M. Alain Bocquet. Eh oui !

M. Jacques Myard. La position de M. Barroso ne fait guère de doute sur le soutien qu'il a reçu des autres État. Étant nouveau dans le système, il n'a pas parlé sans assurer ses arrières. Nous sommes « dans la seringue » et vous ne pourrez rien y faire, sauf à revenir sur cette construction européenne qui est contraire à nos intérêts.

Nous allons regretter l'abandon du compromis de Luxembourg, sur lequel j'ai vainement questionné le Gouvernement.

Sur le fond, il est exact que les services représentent désormais 60 % du PIB des États européens. Doit-on pour autant accepter le slogan de la Commission selon lequel ils ne constitueraient plus que 20 % des échanges intracommunautaires ? Non, car le marché intracommunautaire se fait par relais via des filiales ou des succursales. Les rapports de la Commission sur la proposition de directive ne sont que des incantations : on y cherche en vain une argumentation sérieuse sur les créations d'emplois attendues.

On nous a déjà fait le coup avec l'euro : on allait raser gratis ! Selon vous, les Français vont-ils croire à la création de 600 000 emplois ? Aucun économiste de renom ne pourra le démontrer.

En réalité, il n'est nul besoin de ce texte. L'objectif de la Commission qui s'incarne notamment dans le principe du pays d'origine - l'article 16 - est un faux problème, car il y a belle lurette que les entreprises des États membres peuvent vendre leurs services dans d'autres États en s'y établissant. C'est une erreur de ne vouloir aucun relais.

L'application du droit du pays d'origine est une violation directe d'un principe de droit international privé totalement ancré dans le droit de tous les États continentaux depuis plusieurs siècles. La loi du contrat, en l'absence de décision des parties, est le lieu d'exécution du contrat. En remettant en cause ce principe, la Commission va créer une instabilité juridique perverse pour le commerce international.

En réalité - et c'est là le point majeur -, les commissaires raisonnent à partir de modèles mathématiques, qui ne peuvent s'appliquer qu'à un monde parfait, caractérisé par une concurrence pure et par la fluidité des facteurs de production. Or un tel monde n'existe pas. C'est une ineptie ! Allez voir aux États-unis si tout cela n'est pas parfaitement réglementé !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Myard.

M. Jacques Myard. Vous avez fait preuve d'un sursaut de lucidité en refusant cette proposition de directive. Continuez dans cette voie, et refusez le traité constitutionnel qui est tellement contraire à nos intérêts !

M. Alain Bocquet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue l'initiative d'ouvrir à l'Assemblée nationale un débat consacré au projet de directive sur les services en cours d'élaboration au sein de l'Union européenne.

M. Léonce Deprez. Très bien !

M. Pierre Cohen. Il est en effet fondamental que les parlements nationaux examinent en amont, en toute transparence, des décisions qu'ils devront transposer dans leurs cadres juridiques respectifs. S'appuyer sur la représentation nationale et sur le Parlement européen permet de donner une dimension démocratique à des accords intergouvernementaux ou technocratiques, souvent très discrets.

Bien que resté très longtemps confidentielle, la proposition de directive sur les services, ou « directive Bolkestein », suscite aujourd'hui l'inquiétude de nos concitoyens, lesquels sont déjà accablés par un contexte social très lourd.

Sur le fond, le principe d'une harmonisation des services peut apparaître légitime. Mais celle-ci doit répondre à un souci de cohésion sociale et territoriale au niveau européen et, pour être acceptable, elle doit s'effectuer par le haut, dans l'intérêt des citoyens, des consommateurs ou des salariés, et dans celui du développement économique, qu'il s'agisse en particulier de l'emploi ou de l'amélioration du niveau de vie.

Or de telles exigences sont en complète contradiction avec la proposition de directive qui nous est proposée. Le groupe socialiste a donc déposé sur ce sujet une résolution claire et sans ambiguïté : nous nous opposons avec force et détermination à la directive Bolkestein et en demandons le retrait pur et simple.

Comme l'a très bien montré Mme Comparini dans l'exposé des motifs de sa proposition, l'application du principe du pays d'origine dans le secteur des services aurait des conséquences dévastatrices en ce qui concerne la protection des travailleurs et des consommateurs. Elle s'apparenterait, en quelque sorte, à une thérapie de choc dont la conséquence serait de tuer le malade !

Selon ce principe, un prestataire de services établi dans un pays membre autre que son pays d'origine resterait soumis au droit de ce dernier. Dans la mesure où il revient à favoriser l'application, par les entreprises européennes, des législations les plus laxistes et les moins protectrices des citoyens, le principe du pays d'origine contient en lui-même le renoncement au modèle social européen. La directive Bolkestein, si elle était adoptée, poserait donc des problèmes extrêmement graves.

Si le prestataire du service était, en France, soumis au droit de son pays d'origine, il pourrait, en toute légalité, appliquer une fiscalité différente de celle à laquelle sont soumises nos entreprises, une réglementation plus laxiste et non conforme à la nôtre, notamment en matière de sécurité, et surtout un droit du travail et des salaires au rabais. Il s'agirait donc d'un véritable renoncement à l'ambition de construire une Europe sociale, fondée sur une harmonisation par le haut de la protection des travailleurs.

En outre, en interdisant au pays de détachement d'imposer ses propres règles, on le prive de fait des moyens de contrôler l'application du droit du travail, puisque cette responsabilité serait essentiellement du ressort de l'État d'origine. Autant dire que le contrôle deviendrait inopérant.

Ainsi, quelles seraient les conséquences de l'application d'une telle directive ? Premièrement, la mise en concurrence des systèmes sociaux, favorisant un dumping social généralisé ; deuxièmement, l'émergence de zones de quasi non-droit dans les entreprises de services détachées ; troisièmement, un déni de démocratie, car les États membres, en se voyant imposer des systèmes juridiques étrangers, élaborés en dehors de toute procédure européenne, perdraient pratiquement toute capacité de réguler l'activité des services sur leur propre territoire ; quatrièmement, enfin, une remise en cause des services publics.

Seuls seraient exclus du champ d'application de la directive les services d'intérêt général et quelques autres secteurs régis par d'autres directives. Or la notion de service public recouvre un domaine beaucoup plus large que celle de service d'intérêt général.

L'ambition de soumettre les services publics au même droit que les services marchands est à mettre au compte d'un libéralisme désireux de signer leur arrêt de mort. Le scénario est simple : placés dans une situation de concurrence déloyale avec les entreprises privées - qui bénéficieraient pour leur part du principe du pays d'origine -, empêchés d'établir un système de péréquation, les services publics seraient financièrement mis en péril. Des services essentiels seraient ainsi réservés aux plus riches, les plus pauvres devant se contenter des miettes.

En effet, tous les services n'ont pas la même dimension marchande : les faire évoluer tous dans un même cadre revient à faire disparaître ceux qui sont incompatibles avec la logique de marché, c'est-à-dire les services publics.

Pour toutes ces raisons, le parti socialiste, tout comme bon nombre d'organisations politiques, associatives et syndicales de France et d'Europe, demande le retrait pur et simple de cette directive. À cet égard, notre proposition de résolution a le mérite d'énoncer une position claire. En effet, monsieur le président de la commission, la distinction entre « retrait » et « remise à plat » ne relève pas simplement d'un débat sémantique. Adopter le mot « retrait » permettrait d'empêcher le Gouvernement de transiger, ou même d'envisager d'amender un texte qui, même modifié, demeurerait inacceptable.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Non, pas s'il est modifié !

M. Pierre Cohen. L'article unique de notre proposition de résolution cherche à nous garantir contre les hésitations de la majorité, dont la tactique face à cette directive, sous la pression de son aile ultralibérale, consiste à souffler le chaud et le froid. Rappelez-vous, monsieur Lequiller : le 24 février, l'abstention des élus de l'UMP au Parlement européen a empêché qu'une majorité se dégage en faveur de l'ajournement de la proposition. De même, la déclaration de M. Barroso, qui parle d'une simple « remise à plat » laisse craindre que le texte ne soit modifié qu'à la marge.

C'est pourquoi je demande à la majorité de se prononcer clairement. Si sa position est conforme aux déclarations publiques du Président de la République et du Premier ministre, elle doit sans hésiter demander le retrait de la proposition. Dans le cas contraire, elle jouerait un jeu très dangereux, prendrait le risque d'affaiblir la position de la France et, de fait, cautionnerait la remise en cause de nos acquis et des services publics.

La nécessité d'une loi-cadre sur les services publics, qui font l'objet du deuxième point de notre proposition de résolution, s'avère aujourd'hui indispensable : elle empêcherait ainsi qu'une directive sur le marché intérieur des services ne conduise à les remettre en cause. Il convient également de lancer un débat à l'échelle européenne sur la définition du service public et sur son périmètre : trop longtemps, en effet, la construction européenne a trop longtemps placé le consommateur et le marché avant le citoyen et ses besoins et droits fondamentaux. Une inversion de l'ordre des priorités est donc un préalable absolument nécessaire à la construction d'une Europe sociale et politique que les socialistes européens appellent de leurs vœux.

Les services publics sont appelés à jouer un rôle majeur dans la réalisation de la stratégie de Lisbonne. Sans eux, est-il possible de construire l'économie la plus compétitive du monde ? Sans un service public de l'éducation établissant l'égalité des citoyens devant le savoir, est-il possible de mettre en place une économie de la connaissance ? Sans la péréquation permise par les services publics, est-il possible de garantir la cohésion sociale et territoriale et de mettre en œuvre une politique d'aménagement du territoire, dont on parle si souvent dans cette enceinte ?

À bien égards, une étape fondamentale dans la construction d'une Europe fédérale plus juste consisterait à définir un droit positif du service public européen et à ne plus réduire le droit du service public à une portion congrue du droit de la concurrence.

Enfin, la proposition de résolution du groupe socialiste affirme le rejet du principe du pays d'origine. En ce qui concerne la réalisation d'un marché intérieur des services, nous considérons qu'il faut privilégier la régulation face à la dérégulation induite par la directive Bolkestein. Une telle méthode est indispensable pour parvenir à l'avènement d'un marché respectueux et protecteur des droits des consommateurs et des citoyens. C'est bien, avec les services publics, ce qui distingue une économie de marché d'une société de marché, et ce qui distinguera l'Union européenne d'aujourd'hui de l'Europe sociale de demain.

Enfin, me tournant vers mes amis communistes, je souhaite m'élever contre les arguments tendant à faire un amalgame entre la directive Bolkestein et le traité constitutionnel.

M. Dominique Dord. Très bien !

M. Pierre Cohen. Chacun le sait, en effet : cette directive n'a pas besoin de l'adoption du traité pour être effective.

M. Alain Bocquet. Nous n'avons jamais dit cela ! Nous disons simplement que le traité est encore pire !

M. Pierre Cohen. L'empressement manifesté par M. Barroso en est peut-être la preuve et, quitte à paraître un peu provocateur, je me demande si l'adoption du traité ne pourrait pas constituer un frein à celle de la directive Bolkestein. (« Erreur d'analyse ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il suffit de lire très précisément l'article III-122 du traité : les services d'intérêt économique général pourraient constituer une façon de réduire les prétentions de la directive sur les services.

Notre débat doit déboucher sur un message clair, madame la ministre : il faut demander le retrait de la proposition de directive, dans l'intérêt de l'Europe sociale que nous, socialistes, voulons mettre en œuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte de la résolution soumise aujourd'hui à notre examen prétend répondre aux inquiétudes de nos concitoyens devant le contenu de la désormais fameuse directive Bolkestein.

Les partisans du « oui » au référendum ont compris à quel point cette directive illustre crûment ce qui résulterait de la mise en œuvre du traité constitutionnel. Elle risque d'ouvrir les yeux de beaucoup de salariés avant le référendum ; d'une certaine façon, elle vient trop tôt.

En France, dans le camp du « oui », tous les responsables font aujourd'hui semblant de découvrir un texte et de s'indigner devant une proposition qu'ils ont approuvée hier, directement ou par l'intermédiaire de leurs amis siégeant à la Commission ou au Parlement européen.

Faut-il le rappeler ? Dès le 13 janvier 2004, la proposition de directive était approuvée par une commission européenne unanime, dans laquelle siégeaient, à l'époque, MM. Michel Barnier et Pascal Lamy. En outre, de février à mai 2004 se sont tenues six réunions du Comité des représentants permanents, le COREPER, qui rassemble les représentants de la Commission européenne et des gouvernements, et à aucun moment ce texte n'a été remis en cause. Enfin, lors du sommet européen de Bruxelles, les 25 et 26 mars 2004, les chefs d'État et de gouvernement adoptaient un texte dans lequel on peut lire : « l'examen du projet de directive sur les services doit être une priorité absolue et respecter le calendrier envisagé » !

Cette position était d'ailleurs cohérente avec la ligne politique européenne défendue depuis Lisbonne, visant à faire de l'économie européenne la plus compétitive du monde et de la concurrence la valeur de référence de l'Union européenne.

Dès lors, la cible principale ne pouvait être que le secteur des services : ceux-ci ne représentent en effet pas moins de 70 % de l'emploi et du PIB de l'Union européenne. La libéralisation de ce marché est donc devenue une priorité maintes fois réaffirmée.

La presse est pleine, ce matin, des déclarations de M. Barroso, président de la Commission européenne, qui, hier, a non seulement réaffirmé la nécessité de « ne pas perdre de vue les principaux objectifs » de la directive, mais a aussi indiqué qu'il n'était « pas question de revenir sur le principe du pays d'origine », ajoutant que ce principe était « un des éléments fondamentaux » du marché intérieur et accusant implicitement d'incohérence ceux qui refusent d'en accepter les conséquences.

Il s'agissait là d'un pavé dans la mare ! Lancé par le président de la Commission, il réduit sans doute à leur juste valeur les engagements des partisans du « oui » à revoir le contenu de la directive.

Malgré leurs protestations véhémentes, comment croire que tous ceux qui l'ont soutenue hier ont vraiment l'intention de modifier la donne ? Ne leur faut-il pas plutôt donner le change, à quelques semaines du référendum ?

Le 13 février 2003, au Parlement européen, les députés n'ont-ils pas adopté une résolution se félicitant des « propositions visant à créer un instrument horizontal » - en clair, une directive - « pour garantir la libre circulation des services » et approuvant le principe du pays d'origine ? Parmi cette majorité de députés européens, présents lors du vote, et qui réclamaient, en février 2003, ce fameux « instrument horizontal », on relève les noms d'Olivier Duhamel, de Margie Sudre, de Catherine Lalumière, d'Alain Lamassoure, de Michel Rocard, de Marie-Hélène Descamps, d'Yves Pietrasanta. Aujourd'hui, leurs amis dénoncent ce qu'ils ont demandé hier, parce que cette proposition de directive illustre trop clairement le modèle néolibéral que va imposer le traité constitutionnel qu'ils soutiennent.

En juin 2004, seul, parmi les grands médias, le journal l'Humanité lançait une campagne dénonçant cette directive. Nos interventions, dans cet hémicycle, depuis la rentrée parlementaire, n'ont pas été soutenues avec la véhémence qui vous agite aujourd'hui. Il est vrai que cette directive avait été approuvée par le gouvernement français !

Ainsi, lors du Conseil des ministres chargé des questions de compétitivité, les 25 et 26 novembre 2004, fut-il réaffirmé que la proposition de directive faisait l'objet d'un accueil « globalement favorable » des États membres. Nous étions en novembre 2004 !

M. Alain Bocquet. Eh oui !

M. Daniel Paul. En clair, en novembre dernier, la France indiquait qu'elle ne s'opposait pas à cette directive et à l'application du principe du pays d'origine.

Cette directive n'est pourtant pas un OVNI venu d'on ne sait où ! Elle n'est pas, contrairement à ce que prétendent certains, une « erreur technocratique » ! Elle est, au contraire, le fruit d'une construction idéologique et juridique patiemment élaborée,...

M. Alain Bocquet. Eh oui !

M. Daniel Paul. ...qui trouve son accomplissement logique dans le projet de Constitution européenne.

Ainsi, comment ne pas noter que l'élargissement de la Communauté européenne à dix nouveaux pays, la rédaction du traité constitutionnel et la mise au point de la directive « services » se sont négociés en même temps et que la Commission européenne, quelle que soit sa nature, a été au cœur de cette triple démarche ? Or ce même projet de traité constitutionnel stipule que l'harmonisation sociale est liée au principe de l'unanimité entre les États. Mais la directive « services » va précisément permettre au patronat d'utiliser les disparités sociales, créées par l'élargissement, en laissant à la concurrence, appelée ici « fonctionnement du marché intérieur », le soin de tirer vers le bas les règles sociales. C'est déjà ce qu'avaient compris les victimes désignées de la fameuse directive portuaire - dockers, lamaneurs, pilotes, marins du remorquage, personnels des ports - qui ont, grâce à leur unité et pour la première et unique fois, amené l'Assemblée européenne à en rejeter la première mouture. Cela n'avait pas empêché, le soir même, Noëlle Lenoir, alors ministre française des affaires européennes, et Pat Cox, président du Parlement européen, d'affirmer que la directive portuaire reviendrait après modification...

M. Frédéric Dutoit. C'est le cas !

M. Daniel Paul. On sait aujourd'hui, en effet, qu'elle va revenir, mais sans avoir été changée sur le fond, car, là aussi, les libéraux comptent sur les dix nouveaux membres de la Communauté européenne pour qu'elle soit cette fois adoptée sans coup férir. Or la directive portuaire et la directive Bolkestein ont les mêmes objectifs : casser les règles sociales les plus favorables en faisant simplement jouer les règles du marché, les règles de la concurrence. Ce qui vous fait aujourd'hui trembler, c'est la crainte que les salariés fassent le lien entre cette règle absolue de la concurrence, prônée dans le projet de traité constitutionnel et cette directive qui décrit tout simplement comment cela s'organisera en cas de « oui » au référendum.

Votre demande de remise à plat et de réexamen n'offre aucune garantie, quand on sait que la Grande-Bretagne, favorable au projet, assumera à partir du mois de juillet et pour six mois la présidence de l'Union Européenne et que les autres pays également favorables savent pouvoir compter sur un président qui vient de réaffirmer, comme on l'a souligné tout au long de cette soirée, son total accord avec le principe du pays d'origine, point central de la directive.

Tout confirme donc que l'objectif est de donner le change, mais que, le 29 mai passé, si le « oui » l'emporte, cette proposition de directive ressortira des tiroirs, sans changement majeur, comme la directive portuaire.

M. Alain Bocquet. Absolument !

M. Daniel Paul. Vous évoquez la mise en œuvre rapide d'une « directive cadre » protégeant les services publics. Quel crédit accorder à cette proposition, alors que la notion de service public est absente du vocabulaire européen et du projet de Constitution ?

M. Alain Bocquet. Eh oui !

M. Daniel Paul. Même si un accord sémantique pouvait être trouvé, resterait l'épineux problème de l'interprétation par la Commission de ce qu'englobent les services publics.

M. Alain Bocquet. Eh oui !

M. Daniel Paul. Selon la conception communautaire, dès que leur fourniture implique à un niveau quelconque une contrepartie financière, les services publics cessent de pouvoir être exclus du champ d'application d'une directive « services ». Or, en pratique, à part la police, la justice et l'armée, aucun service public n'est gratuit ! Impossible d'imposer, en dehors des normes incontrôlables en matière de salaire minimum et de durée du travail, à des entreprises de construction polonaises ou baltes le respect des conventions collectives ou du droit du travail du pays destinataire ! Impossible, également, d'imposer à une entreprise de construction slovaque ou lettone le respect des règles de sécurité pour les échafaudages ou le désamiantage !

Outre le principe du pays d'origine, sont également concernées toutes les législations qui organisent les activités que la directive et le rapport qui la soutient ciblent comme autant de frontières juridiques à abolir : les exigences de qualifications ou de diplômes imposées par les chambres de métiers pour se prévaloir du titre d'artisan ; les quotas d'installation qui viseraient notamment les cafés, les taxis ; les adhésions aux organismes professionnels. Je pourrais vous citer tout ce qui, dans ce rapport, va dans le sens de la directive. C'est tout un ensemble de règles, parfois même élaborées par les professions elles-mêmes, qui est ainsi visé. À qui ferez-vous croire que vous découvrez à présent le contenu dangereux de cette directive ? À qui ferez-vous croire que vous ne souscrivez plus au principe d'un projet de directive qui vise, en fait, à donner un coup d'accélérateur à la mise en place de l'AGCS et à contourner les obstacles que les mobilisations citoyennes avaient réussi à dresser face à ce processus ?

La directive Bolkestein sur les services est directement liée au projet de Constitution européenne. C'est ce qu'il faut répondre à tous ceux qui pensent le contraire. Tout d'abord, elle en applique les principes de base tels ceux qui figurent à l'article I-3 : « un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée ». Monsieur Cohen, l'article III-138 de la Constitution européenne stipule que « la loi-cadre européenne établit les mesures pour réaliser la liberté d'établissement [...] en éliminant celles des procédures et pratiques administratives découlant soit de la législation interne, soit d'accords antérieurement conclus entre les États membres, dont le maintien ferait obstacle à la liberté d'établissement ».

M. Alain Bocquet. Et voilà !

M. Daniel Paul. La messe est dite ! Dans la Constitution européenne, figure tout ce qui permet à des directives comme celle de Bolkestein d'exister et de proliférer.

M. Frédéric Dutoit. C'est simple comme bonjour !

M. Daniel Paul. Le seul moyen de dire non à cette directive scélérate, c'est de dire non au traité européen, dont l'objectif est de conforter constitutionnellement de telles orientations. En effet, votre demande de mise à plat, de réexamen n'a pour but que de tromper l'opinion...

M. Robert Lecou, rapporteur. Mais non !

M. Daniel Paul. ...et d'attendre le 29 mai pour que se poursuive et s'accélère une construction européenne contraire aux attentes des peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Denis Merville.

M. Denis Merville. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui de la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur, dite directive Bolkestein, ce dont je me réjouis tant ce texte est, en l'état, critiquable.

Si vingt ans après la signature de l'Acte unique européen, le marché unique est une réalité quotidienne, cette réalisation ne doit pas faire oublier le secteur des services, qui s'ouvre plus difficilement à la libre circulation. Rappelons que les services représentent 70 % du PIB et des emplois dans la majorité des États membres. Selon la Commission, un grand nombre d'obstacles réglementaires freineraient la libre circulation des services, nuiraient à l'achèvement du marché intérieur et donc à l'ensemble de l'économie européenne. C'est le point de vue de la Commission de Bruxelles, j'y insiste.

Forts de ce constat et confrontés à un essoufflement de la croissance européenne, et donc de l'emploi, les chefs d'État et de gouvernement ont adopté en décembre 2000 la stratégie de Lisbonne, qui vise à stimuler la compétitivité de l'Union à l'horizon 2010 et à faire de l'Europe un modèle de développement économique, social et environnemental. Contrairement. à certaines affirmations, c'est donc bien au moment de la cohabitation que cette stratégie a été adoptée.

La directive « services » s'inscrit dans ce cadre. Présentée par la Commission le 13 janvier 2004, elle entend établir un cadre juridique général visant à simplifier les conditions d'établissement et de prestations de services au sein de l'Union créant un véritable marché intérieur des services.

Si le principe d'une meilleure intégration des services dans l'Union européenne est envisageable, la méthode retenue est particulièrement critiquable.

Première critique : la démarche. L'approche de la Commission est novatrice, car elle remet en cause la démarche traditionnelle de l'Union consistant à harmoniser les législations et pratiques nationales secteur par secteur. Est-ce le bon moment pour une telle innovation, alors que l'élargissement accentue les disparités sociales, fiscales et environnementales au sein de l'Union ?

M. Jacques Myard. Eh oui !

M. Denis Merville. Nous ne le savons que trop.

Les services concernés : en intégrant dans le champ d'application du texte une partie des services d'intérêt général et en mettant en avant le principe du pays d'origine, la Commission renonce à avancer dans la voie de l'harmonisation progressive du droit et de la préparation d'un cadre juridique spécifique pour les services publics. Or, comme une large majorité de Français, nous sommes attachés à certains services publics. Ils ont permis des évolutions positives dans notre pays et font partie de notre identité. Si des évolutions sont légitimes, y renoncer serait inacceptable.

S'agissant des services publics locaux, dans un rapport de 2002, préparatoire à la directive, la Commission européenne souligne parmi les obstacles à la liberté d'établissement « les difficultés relatives au pouvoir discrétionnaire des autorités locales ». Ainsi, la directive pourrait s'appliquer, par exemple, aux services de collecte et de traitement des déchets, au logement social, aux services sociaux, médico-sociaux, aux services de santé et aux services aux personnes, dès lors que ces services peuvent être qualifiés de services à caractère économique, selon le droit européen. Cela aussi est critiquable. La Commission parle du pouvoir discrétionnaire des autorités locales. Pour moi, c'est une atteinte à la liberté des collectivités locales.

Je me félicite donc que la proposition de résolution précise que les services publics doivent être clairement exclus du champ d'application de cette directive et souhaite que l'Union prenne rapidement l'initiative de préparer une loi européenne sur les services publics. Il est, en effet, essentiel de préserver notre modèle social et culturel. Concrètement, doivent être exclus du champ d'application de la directive, les services sociaux, socio-médicaux et de santé, les services audiovisuels, la presse, les services de gestion collective des droits d'auteurs, les professions juridiques et réglementées, les services de transport dans leur intégralité et les jeux d'argent.

L'autre critique a bien sûr trait au principe du pays d'origine selon lequel le prestataire ne serait soumis qu'aux exigences administratives et juridiques de son pays et non du pays dans lequel il fournit sa prestation. Nous y sommes opposés car, appliqué de façon mécanique, ce principe tire les législations vers le bas. Est-ce l'Europe que nous voulons ? Non !

En outre, la Commission ne s'est pas souciée des conséquences pratiques d'une concurrence entre législations, laquelle ne peut conduire qu'à un affaiblissement des normes de protection des salariés et des consommateurs. Nous refusons cette absence d'étude d'impact. Il est vrai qu'à Bruxelles, on manque souvent de sens pratique, de connaissance des réalités du terrain.

M. Jacques Myard. Ce sont des dogmatiques !

M. Denis Merville. Pouvons-nous accepter qu'un salarié polonais, lituanien ou autre, vienne travailler en France en continuant de dépendre du droit de son pays ? Pour moi, c'est, non bien sûr ! En posant le principe du pays d'origine, la directive soulève d'autres difficultés sur lesquelles je ne m'attarderai pas.

Enfin, si certaines contraintes administratives peuvent être allégées, peut-on imaginer la suppression d'une autorisation pour l'implantation d'une grande surface, d'une pharmacie ou pour l'ouverture d'un cabinet d'avocats, par exemple ?

Dès 2004, notre pays a pris conscience des difficultés posées par ce texte. Le Président de la République et le Premier ministre ont émis des messages forts.

C'est dans ce sens que va la proposition de résolution débattue aujourd'hui. Hélas, ce matin, nous avons entendu que Monsieur Barroso s'opposait au réexamen de cette directive. Personnellement, je m'en inquiète. Je crois, madame la ministre, que, suivant l'exemple du Président de la République, nous devons très fortement réagir et aller nous le plus loin possible.

Plus largement, au-delà des interrogations soulevées par ce texte, se pose le problème de l'Europe, de son avenir, de ce que nous voulons bâtir ensemble. L'Europe, oui, mais une Europe qui préserve notre identité, notre économie,...

M. Jacques Myard. Notre indépendance !

M. Denis Merville. ...et maintient certains services d'intérêt général.

L'Europe ultralibérale, l'Europe qui nivelle par le bas, nous n'en voulons ni avant ni après le prochain référendum sur la Constitution européenne.

Cette constitution apporte des innovations intéressantes, c'est vrai.

L'Europe, nous le savons aussi, c'est la paix, la démocratie, des valeurs communes partagées. Toutefois, des incertitudes demeurent, sur cette directive bien sûr, mais aussi sur d'autres points : la limitation des pouvoirs de la bureaucratie bruxelloise, l'application du principe de subsidiarité, l'assouplissement des critères de Maastricht, la possibilité, avec l'application de la règle de la majorité qualifiée, d'être mis en minorité sur la PAC ou les services publics, par exemple.

De tout cela, nous aurons l'occasion de débattre dans les semaines à venir. Un véritable débat de fond, nous en avons besoin. Je le souhaite de tout cœur. En tout cas, avec ce débat d'aujourd'hui, nous nous y engageons.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, ce n'est pas le nom d'un grand-duc, qui aurait un lien de parenté avec la grande-duchesse de Gerolstein, célèbre chez Offenbach. Ce n'est pas non plus le nom d'un écrivain de nouvelles bleues ou roses pour les enfants, capable de nous faire rêver à partir des grands espaces de l'Europe du Nord : c'est le nom d'un personnage que j'ai déjà croisé à plusieurs reprises dans mon parcours de parlementaire, puisque, à l'époque où j'étais rapporteur du budget de La Poste dans notre assemblée, et au moment de la renégociation de la directive postale, j'avais déjà eu l'occasion d'avoir quelques échanges avec ce symbole vivant d'un libéralisme débridé et d'une dérégulation minutieusement organisée.

J'avais déjà noté à la toute fin du siècle dernier que M. Bolkestein, mais vous l'aviez reconnu, faisait déjà beaucoup de zèle pour entrer dans l'histoire de cette Europe qui nous est commune, mais où nous ne partageons pas toujours les mêmes valeurs - c'est peut-être d'ailleurs grâce à cela qu'elle est démocratique.

J'avais constitué un comité « Riposte » qui regroupait des parlementaires, députés et sénateurs, de toutes sensibilités pour lui exprimer clairement notre opposition à la libéralisation totale du secteur postal de façon à garantir un prix unique du timbre sur notre territoire et une même qualité de service pour tous, tant pour la distribution que pour l'acheminement du courrier. Il n'avait pas aimé, déjà, cette démarche, qui avait contribué à faire en sorte que le gouvernement Jospin de l'époque obtienne suffisamment d'alliés au niveau du Conseil pour que l'Europe autorise le maintien de ce que l'on appelle un secteur réservé, autrement dit une part de monopole, pour les pays qui souhaitaient que leur opérateur du service public postal continue à avoir les moyens d'effectuer une péréquation, seule à même de garantir l'égalité d'accès sur l'ensemble du territoire.

Je note qu'en dépit de mes sollicitations le gouvernement actuel de M. Raffarin n'a pas exprimé la volonté de se battre pour maintenir cette péréquation tarifaire, et je le regrette car son attitude lui permettra une fois de plus de se défausser sur l'Europe lorsque les Français seront confrontés à la libéralisation totale et à ses conséquences. Et c'est pour bientôt.

Cette attaque du train postal de l'époque était déjà signée Bolkestein. Il s'agissait d'une attaque sectorielle, ciblée. Il en a fait d'autres depuis, mais là, les choses sont plus graves, car la directive Bolkestein sur la libéralisation des services n'est pas sectorielle. Elle est globale, générale et transversale. Elle ratisse large. Et si on nous dit aujourd'hui que le secteur de la santé ou des services financés par de l'argent public pourraient être épargnés, on comprend bien que toutes les autres activités de services sont concernées. La liste est très longue, et les conséquences sur l'emploi et sur nos entreprises seront impitoyables.

Il ne suffit pas de critiquer pour convaincre, me direz-vous. À part un intégrisme libéral forcené, quelle peut être la motivation de Bolkestein et de ses camarades de dérégulation ?

D'une part, il est facile de comprendre qu'un pays d'Europe dont le marché intérieur est trop petit pour permettre à ses entreprises publiques ou privées d'atteindre la taille critique dans une économie mondialisée a besoin de leur permettre d'aller « s'égayer » dans d'autre pays. Cela leur est indispensable, d'où la nécessité de limiter, voire de supprimer les monopoles qui subsistent, qui subsistaient, allais-je dire, dans de plus grands pays comme la France, l'Allemagne, l'Italie ou l'Angleterre.

D'autre part, il est possible de comprendre que les pays nouveaux entrants vivent comme déloyales et protectionnistes des législations intérieures qui, dans d'autres pays économiquement dynamiques, empêchent leurs entreprises d'aller à la conquête de nouveaux marchés.

Ces deux arguments peuvent s'entendre et se respecter, mais, dans un contexte d'harmonisation fiscale et sociale qui reste à inventer, les dégâts collatéraux d'un dégoupillage annoncé avec la mise en œuvre du principe du pays d'origine - principe phare de la directive Bolkestein qui prévoit que les prestataires de services européens ne seraient soumis qu'à la loi de leur propre pays plutôt qu'à celle des États membres où ils fournissent leurs services - seront considérables.

Dans le droit fil des pavillons de complaisance ou des paradis fiscaux, M. Bolkestein invente le « chèque-service du dumping social ». Avec M. Bolkestein, le prix des prestations de service pourra être, comme on dit parfois, moins cher que gratuit. Certes, le marché intérieur va se trouver stimulé. Tant que les consommateurs ne seront pas tous chômeurs, ils trouveront peut-être même cela intéressant, mais, lorsque, les unes après les autres, nos sociétés de services, nos artisans, nos commerçants, nos professions libérales auront perdu même leur marché de proximité, elles et leurs salariés n'auront que faire de la gloire que M. Barroso tirera d'avoir réussi à imposer un marché unique des services grâce au nivellement par le bas.

C'est l'intérêt de tous de payer le juste prix, celui qui empêche la casse sociale, celui qui reconnaît les qualifications et les compétences, c'est l'intérêt de tous les Européens d'un nivellement par le haut des règles du jeu commerciales. On ne peut pas raisonner de la même façon pour les services et les salariés que pour les échanges de biens ou de capitaux. Et encore, je ne parle pas des questions de sécurité, de garantie de bonne fin ou d'assurances. La boîte à contentieux est ouverte, et tous les efforts de normalisation des rapports entre clients et fournisseurs, entre consommateurs et prestataires seront mis à mal.

Nous ne reprochons pas au président de la Commission européenne ni à M. Bolkestein d'avoir un pays d'origine, cela constitue pour eux comme pour chacun d'entre nous une fierté, mais nous leur demandons expressément, avec force et gravité, de respecter des équilibres aujourd'hui très fragiles, et nous leur disons que la baisse des coûts à tout prix est une option « casse-coût ».

Notre responsabilité collective est engagée, nous devrons rendre des comptes, surtout la majorité politique de droite du Parlement européen. Nous nous devons aujourd'hui de donner un signal fort, un signal clair, en demandant explicitement le retrait de cette directive. Il ne faut pas tourner autour du pot, comme nous y invite la résolution proposée par M. le rapporteur de l'UMP, avec le respect que je lui dois.

M. Robert Lecou, rapporteur. Merci !

M. François Brottes. De ce point de vue, la résolution proposée par le groupe socialiste est limpide. Elle n'exprime aucune contorsion et recueille l'unanimité sur nos bancs. Elle demande le retrait de la directive Bolkestein et l'élaboration d'une directive-cadre sur les services publics préalablement à toute autre initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons au moins deux raisons d'être satisfaits ce soir. La première, c'est qu'on a inscrit à l'ordre du jour du Parlement la question importante de cette directive européenne. C'est la démonstration que le Parlement français peut et doit jouer un rôle dans la politique européenne de demain, à l'occasion d'une politique des services comme à d'autres occasions, nous aurons la possibilité de le prouver. La seconde, c'est qu'il y a un consensus sur le sujet.

Il est très important que l'on sache au niveau européen que les élus de la nation française ne sont pas d'accord et considèrent cette directive comme inacceptable, cela a été dit et d'abord en commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - M. Ollier l'évoquait tout à l'heure.

Trois propositions de résolution ont été présentées, elles allaient dans le même sens et aboutissaient à la même conclusion. J'en ai présenté une au nom des députés du groupe UMP, mais les deux autres propositions aboutissaient au même résultat. Certes, vous demandiez le retrait, monsieur Brottes, et moi, au nom de mes collègues, un réexamen profond. On a fini par se mettre d'accord sur un réexamen profond. En fait, cela veut dire la même chose.

Si nous sommes d'accord pour considérer cette directive comme inacceptable, c'est d'abord pour des raisons juridiques et ensuite pour une raison politique fondamentale.

La raison juridique, c'est qu'une telle directive ne serait pas vivable. Les professions libérales, en France mais aussi dans tous les États membres, sont réglementées, avec des conditions limitées d'accès dans la plupart des cas, et elles sont régulées par des organisations professionnelles, souvent dans un but déontologique et disciplinaire. De telles réglementations seraient incompatibles avec la directive.

Par ailleurs, s'il y avait conflit, les juges ne pourraient rien vérifier, car la difficulté serait grande de connaître et de traduire les normes de chaque pays d'origine.

La directive proposée serait donc inapplicable, et c'est donc d'abord par bon sens que nous la repoussons.

Et puis il y a une raison politique, qui a été exprimée clairement. Que nous soyons d'un côté ou de l'autre de l'Assemblée, nous voulons que l'Union européenne soit une marche en avant vers le progrès économique et vers le progrès social. Nous ne voulons pas dissocier les deux objectifs. La différence est grande en ce qui concerne le chemin à prendre, mais nous avons le même but, ce qui est essentiel, et ce qui doit être compris par la Commission européenne. Globalement, le Conseil des ministres et le Parlement veulent aussi atteindre cet objectif.

Nous disons donc non à la directive, parce que nous voulons dire oui, nombreux, à l'édification d'une grande démocratie européenne, et, à cet égard, nous pensons que nous progressons. La technocratie européenne ne s'imposera pas pour cette directive, et elle ne s'imposera pas parce que l'Europe est en train de se construire, et qu'elle doit se construire de plus en plus sous forme d'une grande démocratie qui doit être une force d'entraînement dans le monde.

Voilà ce que je voulais dire très simplement pour montrer que, au-delà des divergences et des expressions des uns et des autres, il y a finalement un accord commun - je pense que le président de la délégation européenne l'a bien fait comprendre - et c'est cela qui est essentiel.

Moi, je pense qu'il faut être plus optimiste qu'on ne l'est en général dans cette assemblée. Nous venons de vivre un événement assez symbolique. La France a parlé d'une seule voix pour gagner la confiance pour l'organisation des jeux Olympiques de 2012. C'est un ancien gardien de but de l'équipe de France olympique qui vous le dit ! Faisons donc en sorte que la victoire que nous pouvons remporter, et que nous avons déjà remportée en faisant la démonstration d'une union pour les jeux Olympiques de 2012, soit le prélude d'une victoire de la France tout entière dans la compétition économique, dans la compétition mondiale pour le progrès économique et pour le progrès social.

Nous disons non à la directive parce qu'elle ne va pas dans le sens du progrès social, du progrès pour tous dans l'expression d'un travail lié aux services. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert, dernier orateur inscrit.

M. Jérôme Lambert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen en séance publique d'une proposition de résolution portant sur une directive européenne est une procédure ordinaire mais, il faut le constater, d'un usage extrêmement rare dans notre assemblée.

Pourtant, il est courant de considérer qu'une majorité de notre droit positif découle des directives européennes, dont la quasi-totalité est adoptée par un processus d'élaboration qui n'entraîne pas de réaction particulière de notre assemblée, hormis le travail que nous pouvons faire à la délégation européenne, mais qui n'a pas le même impact que ce que nous pouvons faire aujourd'hui dans cet hémicycle.

Beaucoup de nos concitoyens se plaignent, à juste raison, de la distance qui sépare le Parlement français des décisions prises à Bruxelles et à Strasbourg. Pourtant, comme nous le voyons aujourd'hui, notre Parlement dispose déjà des outils pour se saisir des projets européens et pour réagir.

Aussi, d'une façon générale, devrions-nous être beaucoup plus attentifs aux propositions européennes, quand on voit les conséquences que les orientations de la politique européenne peuvent avoir, en particulier sur notre propre politique économique et sociale.

Cette proposition de directive sur les services s'inscrit à la fois dans la continuité de la politique économique et sociale libérale qui caractérise la construction européenne et dans une rupture méthodologique fondamentale.

L'objectif de cette proposition est de finaliser la réalisation du marché unique en faisant sauter les obstacles qui existent, dans le secteur des services, à l'accomplissement d'une concurrence libre et non faussée dans ce domaine comme dans tout le reste des échanges économiques.

Les fondements juridiques de la proposition de directive se trouvent en effet déjà dans les dispositions du traité de Rome instituant la Communauté européenne. Ces dispositions sont reprises dans les différents traités ainsi que dans la troisième partie du projet de Constitution européenne, sur lequel nos concitoyens vont devoir se prononcer, le 29 mai prochain.

Il est malheureusement inexact de dire que ce projet de directive serait fondé sur le traité de Nice et que le projet actuel de Constitution pourrait empêcher son adoption, par exemple en faisant jouer les mécanismes de contrôle de la subsidiarité par notre Parlement.

En effet, contrairement à ce que certains peuvent croire - j'en ai eu la démonstration récemment, lors d'un débat avec un sénateur de la majorité, mal informé -, le contrôle de la subsidiarité par les parlements nationaux ne portera pas sur le bien-fondé de telle ou telle politique européenne. Patrick Ollier a semblé faire la même confusion en pensant que la seule volonté de notre Parlement permettrait d'empêcher l'adoption de cette directive.

En l'espèce, l'application du principe de subsidiarité ne nous permettrait pas de dire que nous ne serions pas d'accord avec les objectifs de libéralisation des services, qui reposent sur une disposition des traités et sur lequel se fonde justement la proposition de la Commission. L'application du principe de subsidiarité pourrait, tout au plus, permettre à un pays, la France ou un autre - ce principe étant évalué pour l'ensemble de l'Europe et non pas pour tel ou tel pays -, de mettre en place une législation nationale mieux adaptée qu'une législation européenne pour répondre aux objectifs définis par l'Union. Il s'agit uniquement de cela et non de remettre en cause les objectifs fixés par les traités de l'Union. On verrait mal d'ailleurs comment un ensemble de législations nationales pourrait favoriser l'achèvement d'un marché intérieur unique.

Nous avons donc le sentiment d'être pris au piège car, dans le cadre des règles actuelles de l'Union, et compte tenu aussi de ce qui est prévu par le projet de traité constitutionnel, nous ne pouvons compter que sur une décision prise selon les règles de majorité en vigueur au Conseil ou au Parlement européen pour bloquer ce projet. Ce qui est loin, en l'état, d'être acquis. Puisque, si les règles favorisant le progrès social ou l'harmonisation fiscale nécessitent, en principe, l'unanimité du Conseil, cette directive, pour être définitivement adoptée, répond aux règles plus libérales de la simple majorité qualifiée du Conseil et de la majorité simple du Parlement européen.

Pourtant, cette proposition de directive représente une rupture fondamentale, sur le plan méthodologique, de la politique européenne. C'est en effet la première fois dans la construction européenne que l'objectif d'harmonisation préalable est explicitement écarté. Cette consécration d'une logique libérale se nourrit des différences de législations pour mieux entretenir le dumping fiscal et social. Elle ne pourrait être remise en cause, y compris après l'éventuelle entrée en vigueur de la Constitution, que par une improbable unanimité sur de nouvelles orientations.

Aussi le risque est-il grand de voir ce projet cheminer, nonobstant les échéances constitutionnelles qui peuvent, il est vrai, ralentir l'ardeur des plus libéraux de ses partisans pour éviter d'effaroucher les électeurs.

Le président de la Commission, José Manuel Barroso, ne manque d'ailleurs pas, en effet, une occasion de rappeler, comme il vient de le faire, hier encore, lors d'une conférence à la fondation Robert Schuman, que la mise en place d'un marché unique des services se construira principalement sur le principe du pays d'origine.

J'ai bien noté que le Gouvernement français, dans la position qu'il a rendu publique le 8 mars dernier, souhaite trouver un « consensus acceptable » pour le Parlement et le Conseil. Hormis le fait qu'une telle disposition ne nécessite pas nécessairement un consensus, je regrette que la position de la France ne soit pas de demander expressément le retrait pur et simple de la directive. Une simple demande de remise à plat ne garantit rien pour l'avenir, à moins que l'objectif ne soit simplement de laisser passer les échéances. Cela m'inquiète pour l'avenir de l'Europe et les droits des travailleurs.

C'est le retrait que nous demandons. C'est une position claire que les Français attendent de nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Mesdames, messieurs les députés, je remercie chacun d'entre vous de sa participation à ce débat de qualité.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué la stratégie de Lisbonne ; M. Laffineur en a très bien parlé, M. Lequiller également. C'est quelque chose d'important à mettre en œuvre et cette réflexion sur l'ouverture du marché intérieur des services est un élément de nature à dynamiser la croissance et l'emploi. Madame Comparini, vous avez rencontré beaucoup d'acteurs économiques et vous nous avez dit à quel point cette sensibilité était grande.

Nous avons besoin d'une directive « services ». Disant cela, je ne tiens pas, monsieur Paul, un double langage. Je n'ai d'ailleurs pas été la seule à le dire aujourd'hui. Mais, bien évidemment, notre projet pour l'Europe ne se réduit pas à la réalisation d'un grand marché et le modèle social européen ne saurait être mis à mal en s'affranchissant de la méthode d'harmonisation, comme le craignait M. Lambert ou Mme Comparini.

La proposition de directive sur les services a été beaucoup discutée. Certains voudraient instrumentaliser ce dossier dans le débat sur le traité constitutionnel. Ce n'est pas le cas de M. Bianco, et il l'a bien dit. Par contre, M. Bocquet et M. Paul vont dans ce sens. Cette proposition de directive n'est en rien liée directement au projet de Constitution européenne. Chacun sait en effet qu'elle a été formulée sur la base des traités précédents. Comme M. Laffineur, je vois plutôt dans le débat qu'elle suscite une marque de la vitalité démocratique de l'Union européenne, permettant un meilleur fonctionnement des institutions européennes.

L'action conjuguée du Gouvernement, du Parlement européen et des assemblées - Assemblée nationale et Sénat - fortement mobilisées, permettra de progresser dans ce domaine.

Vous avez évoqué l'article III-122 de la Constitution européenne qui propose un instrument juridique horizontal concernant les services publics. Je suis tout à fait d'accord avec les nombreux orateurs - M. Cohen, M. Paul, M. Merville, Mme Comparini - qui ont insisté sur la nécessité de poursuivre la réflexion sur les services publics en Europe. Sur le plan sémantique, il faut travailler davantage. C'est vrai que la zone grise entre les services généraux et un service d'intérêt économique général est bien trop large. De nombreux orateurs se sont exprimés à ce propos et vous savez que nous vous accompagnerons sur ce sujet.

Je m'inscris vraiment en faux contre l'accusation de double langage formulée par certains intervenants - M. Myard, M. Brottes, M. Lambert. J'ai participé au Conseil « compétitivité » des 25 et 26 novembre dont on a dit qu'il avait donné lieu à acceptation du texte. Vous aurez remarqué, si vous avez lu complètement les comptes rendus, qu'il s'agissait d'un débat d'orientation politique, que la France a émis des réserves, qui ont été enregistrées, mais aussi qu'une majorité des États membres s'est dit prête à travailler sur la base de ce principe. Le Parlement européen n'a rien validé. La diplomatie parlementaire, que M. Lequiller a évoquée, est un élément important pour que la voix de la France soit entendue dans les différentes institutions communautaires et que nous parvenions à progresser.

Comme l'a dit M. Deprez, ne baissons pas les bras ! Justement, cette voix de la France doit pouvoir aller plus loin, s'imposer dans un processus de codécision, par l'interaction des États membres et du Parlement européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

Article unique

M. le président. Sur l'article unique, je suis saisi d'un amendement n° 2.

La parole est à M. Pierre Cohen, pour soutenir cet amendement.

M. Pierre Cohen. Cet amendement et nos deux amendements suivants ont pour objet de mettre en avant les points qui nous différencient. Comme l'ont dit les quatre intervenants du groupe socialiste, demander une « remise à plat » crée une ambiguïté : a priori le texte ne serait modifié qu'à la marge.

Avec l'intervention de M. Barroso hier, nous nous devons d'être encore plus fermes. L'annonce du Président de la République et la position du Premier ministre devraient être relayées par une demande de retrait de la proposition de directive de la part de l'Assemblée nationale.

Ensuite seulement - puisque nous aurons l'occasion de parler du préalable d'une loi-cadre pour le service public - il serait peut-être possible de mettre en œuvre une directive « services » correctement encadrée. Mais nous ne devons pas entrer dans une négociation qui ne changerait pas grand-chose.

Par ailleurs, cet amendement reprend ce que pratiquement tous ceux qui sont intervenus aujourd'hui ont dit : que la communauté européenne respecte la démarche communautaire d'harmonisation par le haut des législations nationales et de reconnaissance mutuelle des législations les plus protectrices.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Robert Lecou, rapporteur. Le retrait de la proposition de directive ne semble pas être la bonne solution. Le principe de libre circulation des services est inscrit dans les traités des Communautés européennes. En l'absence de texte, la Cour de justice européenne aura le champ libre pour en préciser la portée. Si le législateur ne fait pas son travail, la Cour défendra le principe du traité, gravé dans le marbre : la libre circulation des services.

C'est pourquoi il faut demander le réexamen et non le retrait, sachant que le processus de codécision n'en est qu'à son début et que plusieurs de nos revendications ont déjà été entendues. Il importe de laisser travailler le Parlement européen qui n'a pas encore rendu son premier avis. Par le réexamen que nous exigeons, amenons la commission des études sectorielles à présenter des bilans préalables.

Au nom de la commission des affaires économiques, j'émets un avis défavorable sur ce premier point.

Quant à la demande d'harmonisation par le haut, la résolution qui vous est proposée par la commission demande clairement de s'engager dans un processus d'harmonisation des législations. Ce processus doit prendre en compte les particularités de chaque secteur.

Quant au souci de maintenir un haut niveau de protection sociale de droit du travail, de protection de l'environnement que vous exprimez à travers votre amendement, il me semble déjà satisfait par le point 7 de la proposition de résolution, où il est demandé « résolument l'abandon du principe du pays d'origine qui, en l'absence d'un niveau d'harmonisation suffisant des secteurs concernés [...] présente un risque de dumping ».

Sur ce second point, la commission a également émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles que vient d'exposer le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Je ne mets pas du tout en doute la volonté pro-européenne des auteurs de l'amendement, mais la demande de retrait irait à l'encontre de l'objectif recherché. Demander ce retrait en sachant qu'il ne se fera pas signifierait que l'on ne veut pas modifier la directive. En demandant un réexamen, nous montrons justement que nous voulons la changer.

La partie qui traite de la simplification administrative est bonne, mais une autre partie est inacceptable et doit être réexaminée. Exiger le retrait de la directive nous ferait manquer cette possibilité de réexamen. Et en refusant de réexaminer la directive avec les pays qui ont déjà formulé des remarques à cet égard, nous nous priverions également de la possibilité de parvenir progressivement à une harmonisation par le haut du droit social en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. La majorité nous offre un numéro de contorsionniste. En effet, à la suite de Mme Comparini et de M. Lequiller, la délégation avait souhaité le retrait de cette directive, voté d'ailleurs aussi par le groupe socialiste. Une ligne était ainsi clairement tracée. Si M. Barroso peut déclarer qu'il s'exprime à titre personnel, nous pouvons, quant à nous, exprimer des avis au nom du peuple français que nous représentons, et notamment qu'il est nécessaire de retirer la directive.

Ne nous cachons donc pas derrière les mots ! Le repli stratégique auquel nous assistons révèle de la frilosité : vous ne voulez pas mettre la France dans la position d'une renégociation forte de ce texte. L'aveu est clair.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur Brottes, il n'est pas question ici de contorsions verbales. Ce que demandait le texte voté par la délégation était un retrait pour une remise à plat. (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous avez tort de rire, mes chers collègues ! Il y a un fossé entre le fait de demander un retrait pur et simple - après quoi on ne fait plus rien - et celui de demander un retrait en vue de transformer, retravailler et réexaminer le texte.

Comme je le déclarais tout à l'heure au nom de l'UDF, un retrait pur est simple serait très dangereux pour la France, qui resterait au bord du chemin et ne prendrait pas place autour de la table. En demandant, comme nous le faisons, cette transformation, cette réécriture, ce réexamen - qui supposent, bien évidemment, le retrait du premier texte -, on peut au moins exprimer quels sont les points de désaccord.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 3 et 6, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Pierre Cohen, pour soutenir l'amendement n° 3.

M. Pierre Cohen. Nous suivons deux logiques très différentes. La nôtre s'exprime bien par les trois points de notre résolution.

Nous demandons tout d'abord le retrait de la directive, car elle est très dangereuse - ce que Mme Comparini ne peut nier, compte tenu du rapport qu'elle a rédigé.

En deuxième lieu, avant d'envisager une directive à caractère transversal qui porterait sur l'ensemble des services - dont vous seriez d'ailleurs progressivement contraints à soustraire un service après l'autre, sous la pression des lobbies de ces différents services, la réduisant ainsi à presque rien - il nous semble important de demander une loi-cadre sur les services publics ou les services d'intérêt économique général. Celle-ci déterminera réellement la capacité de nos pays au regard des droits fondamentaux, ce qui permettra de définir des périmètres de services publics et les domaines dans lesquels la réponse devra prendre la forme de législations, généralement bien plus performantes et d'un niveau certainement supérieur, que ce soit en termes de fiscalité, de droit du travail ou de droits sociaux.

Telle est la logique qui nous conduit à proposer la création d'une loi-cadre, qui permettrait de réduire très sensiblement les effets négatifs d'une loi transversale. Celle-ci ne devrait d'ailleurs pas être obligatoire, puisqu'on pourrait envisager, dans un troisième temps, une directive de services, élaborée par secteur.

La logique que nous défendons n'est donc aucunement passéiste. Notre volonté n'est pas de ne plus rien faire, mais bien de défendre des choses qui nous semblent essentielles et permettraient d'avancer réellement dans le sens des valeurs qui nous importent.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'article 3 et soutenir l'amendement n° 6.

M. Robert Lecou, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 3 car elle demande la préparation rapide d'une directive sur les services publics, en vue d'une adoption simultanée des deux textes. En effet, nous avons clairement annoncé que la préparation d'une directive cadre ou d'une loi européenne sur les services publics est indispensable, mais elle ne doit pas servir de prétexte pour retarder indéfiniment l'adoption d'une directive sur les services dans le marché intérieur. Au contraire, cette dernière proposition doit être une raison de plus pour aboutir à un texte sur les services publics.

Quant à l'amendement n° 6, que je soutiens au nom de la commission, il s'agit d'un amendement rédactionnel tendant à reformuler l'article 3.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements en discussion ?

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Nous avons demandé à de nombreuses reprises de pouvoir avancer sur le chemin d'un instrument transversal sur les services publics. Vous savez également que le Parlement européen a récemment fait de même, par une résolution du 9 mars.

Le Gouvernement émet, en revanche, un avis défavorable sur la formulation de l'amendement n° 3. Il importera toutefois de veiller à ce que, dans la réécriture du texte de la directive « services », le contenu de la proposition ne fragilise pas, au regard du droit communautaire, le mode d'organisation et de prestation des services d'intérêt général. Nous y travaillons d'une manière constructive.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. François Brottes. Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser la position du Gouvernement sur l'amendement n° 6 ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. L'avis du Gouvernement est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 5.

La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le soutenir.

Mme Anne-Marie Comparini. L'amendement n° 5 se justifie pour deux raisons.

D'abord, comme je l'ai déjà indiqué, il me semble important de ne pas démobiliser les acteurs économiques qui ont travaillé ensemble pour obtenir la rédaction d'une directive sectorielle et se situent dans une démarche d'harmonisation. La rédaction selon laquelle l'application de la présente directive n'exclut pas l'application d'autres instruments communautaires n'étant pas assez claire, l'amendement en propose une réécriture.

En second lieu, considérant comme M. Cohen que la proposition de directive « services » contient des éléments dangereux, je ne m'en remets pas à la Commission et suis de ceux qui en demandent une réécriture complète et profonde. De ce fait, dans une logique d'harmonisation, l'amendement n° 5 vise à inscrire clairement dans le texte la primauté des directives sectorielles sur une directive horizontale et générale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Robert Lecou, rapporteur. La résolution de la commission propose une meilleure articulation avec les textes communautaires. L'éclaircissement que propose Mme Comparini semble donner plus de force à cette résolution. L'avis de la commission est donc favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Le Gouvernement est favorable à cette demande de clarification.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Robert Lecou, rapporteur. L'amendement n° 7 est rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 4.

La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le soutenir.

Mme Anne-Marie Comparini. Chacun reconnaît l'importance des instruments horizontaux, notamment la reconnaissance des qualifications professionnelles, qui est en cours. Il me semble bon de montrer aux Français qu'on ne néglige pas les inquiétudes qu'ils expriment ni leur lassitude devant l'annonce d'une directive par les services de la Commission européenne.

Il me semblait également intéressant, pour bien marquer la voie que nous voulons suivre dans la réécriture, d'évoquer la primauté des instruments actuels ou à venir.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Robert Lecou, rapporteur. Pour les mêmes raisons que celles que j'évoquais tout à l'heure, cette proposition de rédaction et de complément éclaire la proposition de résolution qu'a examinée la commission des affaires économiques. Celle-ci émet donc un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Robert Lecou, rapporteur. L'amendement n° 8 est rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. La démonstration des différentes formes de retrait - interrompu ou ininterrompu - qu'on nous a présentée tout à l'heure manquait de clarté. Le mot « retrait », qui figurait dans la résolution de la délégation, a finalement été retiré. Pourquoi n'avez-vous pas insisté, madame Comparini, pour que votre rédaction soit conservée ? On comprend bien que tout cela n'est pas neutre.

Avec l'amendement n° 1, nous proposons de remplacer le mot « réexamen » par le mot « retrait ». Si l'Assemblée adoptait notre amendement, nous pourrions reconsidérer le vote que nous avons émis en commission.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Robert Lecou, rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Ce texte est nécessaire car, le principe de la libre circulation des services étant inscrit dans le traité, il vaut mieux que le texte du législateur éclaire le juge. Le législateur fait son travail et notre débat parlementaire de ce jour augure bien de ce que peut être le débat au Parlement européen. Laissons donc le Parlement européen débattre et le système de codécision se mettre en place.

Surtout, faisons pression pour un réexamen et une réécriture totale de la directive qui, en l'état, ne nous satisfait pas.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote sur l'article unique, la parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la directive Bolkestein est un cas d'école presque parfait des vertus et des errements du débat européen. Les objectifs qui la fondent sont, d'un côté, pleinement légitimes : étendre le marché unique aux entreprises de services, qui représentent 70 % du PNB et des emplois de l'Europe, et harmoniser leur liberté d'établissement et d'intervention sur tout le territoire de l'Union. Nous approuvons cette démarche dès lors qu'elle vise à développer le potentiel de créations d'emplois et à poser les bases d'une harmonisation fiscale, sociale et juridique - mais, bien entendu, par le haut.

La Commission a fait le choix opposé. En instituant le principe du pays d'origine et en l'appliquant à tous les services d'intérêt économique général, et notamment la santé, elle ouvre la porte au dumping social et à une multiplicité de contentieux juridiques. Pis, par une ruse dont l'histoire a le secret, elle fausse tous les principes de la concurrence dont elle se dit la gardienne, en favorisant les entreprises des pays les moins exigeants au regard des normes sociales ou environnementales de l'Union.

Que le président de la République et son gouvernement aient initialement accepté un texte de cette nature témoigne de leur absence ou de leur indifférence. Il a fallu que le parti socialiste, les syndicats et la gauche européenne se mobilisent contre le caractère inacceptable de la directive et demandent son retrait pour que le pouvoir se réveille enfin et exige le réexamen des dispositions les plus scandaleuses.

Aujourd'hui toutes les inquiétudes ne sont pas dissipées : le président de la Commission européenne continue d'entretenir l'ambiguïté sur les modifications à introduire. Quant au gouvernement français, il semble se contenter d'une relecture a minima, via l'exclusion de quelques professions du champ d'application de la directive - c'est ce que nous avons pu constater ce soir.

Et que dire de l'UMP, qui s'est abstenue lors du débat au sein du groupe du parti populaire européen au Parlement européen. De telles ambiguïtés ne sont pas de mise s'agissant d'un texte aussi important, qui porte directement atteinte au modèle social européen. Et comment pourrait-on vous faire confiance, mesdames et messieurs de l'UMP, alors que vous avez vous-mêmes introduit le principe du pays d'origine par le biais d'une proposition de loi, soutenu par le Gouvernement, et qui vise à mettre en place un registre international français en matière de transport maritime, le RIF ? Il s'agit là, en effet, non pas d'une initiative européenne, mais d'une initiative de la majorité, soutenue par le Gouvernement.

C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera contre le projet de résolution qui nous est proposé. Le Parlement français ne peut pas se contenter d'aménagements à la marge. L'Europe sociale n'est pas susceptible de marchandages. Nous exigeons solennellement le retrait de la directive. Nous récusons le principe du pays d'origine et sa généralisation à des secteurs très divers. L'adoption d'une loi-cadre sur le rôle et la protection des services publics est pour nous un préalable nécessaire au marché unique des services. Il y va de la crédibilité et de la sincérité de notre engagement européen.

Je regrette d'ailleurs, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, après mes collègues Pierre Cohen et François Brottes, que vous ayez été conduit à reculer par rapport à la position que nous avions retenue au sein de la délégation, en dépit des explications de Mme Comparini. Vous pouvez donner toutes les explications que vous voulez, mais un « retrait » n'est pas une simple « remise à plat », et en abandonnant ce mot, vous avez renoncé à envoyer un signe fort. Sans vouloir vous faire un procès d'intention, nous sommes malheureusement obligés de constater qu'il y a là un recul.

Je voudrais revenir à notre engagement européen, car c'est tout l'arrière-plan de notre débat, et du débat public. Je veux le dire avec force : la directive Bolkestein n'est en rien l'enfant putatif de la Constitution européenne. C'est une question de rigueur dans le raisonnement : sa conception est largement antérieure, et les dispositions incriminées contredisent ouvertement le titre II du traité constitutionnel sur les droits fondamentaux des travailleurs, comme l'a rappelé Pierre Cohen. La directive ébranle les protections sociales ; la Constitution les renforce. Jérôme Lambert l'a en effet démontré : la directive remet en cause ce que le traité constitutionnel renforce, à savoir le respect du principe de subsidiarité. Nous sommes donc bien loin du texte du traité constitutionnel, et c'est nous pour nous une raison supplémentaire de nous opposer à cette directive.

Alors, de grâce, mes chers collègues, ne nous trompons pas de combat. La Constitution est une construction pluraliste qui porte des principes universels ; la directive Bolkestein est un choix politique, un avatar du libéralisme qui reflète la majorité conservatrice du moment, en France comme en Europe.

M. Georges Tron. En Europe ? N'importe quoi !

M. Jean-Marc Ayrault. En effet, mes chers collègues, L'Europe n'est heureusement pas un bloc monolithique, et elle le prouvera. Le débat politique est en train de faire progresser enfin la prise de conscience que l'Europe n'est pas en soi une politique, mais un cadre que nous acceptons comme une nouvelle et nécessaire avancée historique pour l'avenir de nos nations, qui n'efface pas les clivages politiques : le débat qui nous oppose aujourd'hui, dans cet hémicycle, en est une nouvelle démonstration.

C'est parce que nous sommes socialistes et européens que nous soutenons le traité constitutionnel. C'est parce que nous sommes socialistes et européens que nous rejetons la directive Bolkestein. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Alain Bocquet. Sans vouloir revenir, monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs, sur ce que nous avons dit tout à l'heure, mon ami Daniel Paul et moi-même, je veux reconnaître au moins un mérite à ce débat : celui de nous permettre d'échanger sur cette directive Bolkestein qui, si elle s'imposait, aurait des conséquences dramatiques pour le monde du travail, pour nos services publics et pour la France. Disons cependant clairement que la décision que vous allez prendre ne changera pas grand-chose quant au fond, si elle vous permettra peut-être de mordiller les mollets de la Commission. Preuve en est qu'hier M. Barroso a annoncé clairement qu'il maintiendrait cette directive et le principe du pays d'origine. Nous allons tout droit vers la catastrophe puisque nous n'avons aucun moyen de la conjurer.

C'est pourquoi, si je me suis bien évidemment prononcé en faveur du retrait dans le cadre de ce débat, il est clair que sera seul décisif le choix du peuple français lors du référendum sur la Constitution européenne. Pourvu qu'ils puissent prendre connaissance de cette Constitution et en débattre, les Français prendront conscience que la directive Bolkestein est conforme, tant dans sa lettre que dans son esprit à cette Constitution. Elle est précisément conçue afin que soit gravé dans le marbre pour des décennies un système ultralibéral, et la directive Bolkestein est dans cette Constitution comme un poisson dans l'eau. En effet c'est le principe de la « concurrence libre et non faussée », présent dans le traité constitutionnel, qui fonde la directive Bolkestein, et bien d'autres textes, comme la directive relative aux transports terrestres : on en parle peu, mais sa transposition risque de provoquer de gros dégâts en matière de transports publics, notamment en ce qui concerne les régies municipales.

Voilà pourquoi la seule solution désormais est que les consciences s'éveillent grâce au débat référendaire et que le non l'emporte. Nous pourrons alors construire une autre Europe, loin des dérives de l'Acte unique et de Maastricht, traité à propos duquel on nous avait déjà promis monts et merveilles - je me souviens que Jacques Delors nous annonçait la création de cinq millions d'emplois -, qui nous ont conduits à la situation que nous connaissons aujourd'hui : une Europe qui compte vingt-cinq millions de chômeurs, soixante-cinq millions de pauvres. Cette dégradation était déjà contenue dans la logique de ces choix ; c'est cette logique-là que nous voulons casser, pour enfin construire l'Europe à laquelle rêve la jeunesse, une Europe démocratique, de solidarité et de progrès social. Seule une telle Europe sera propre à garantir la paix, alors que la directive Bolkestein, si elle devait s'appliquer, suscitera, au sein même de l'Europe, l'opposition des peuples et des travailleurs.

Nous voterons donc évidemment contre l'article unique de la proposition de résolution.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le compte de l'UDF.

Mme Anne-Marie Comparini. S'agissant de cette proposition de directive, nous devons regarder la réalité en face, et reconnaître que nous n'avions que deux possibilités.

La première possibilité était de voter un texte dans lequel nous demandions le retrait pur et simple du texte, appuyé de critiques sévères. Je répète que je n'approuve pas une telle démarche purement défensive, parce qu'elle signifierait que nous n'avons aucune piste à proposer, aucun point fort sur lequel manifester nos différences. Or, comme vous l'avez relevé, monsieur Ayrault, l'Europe n'est pas un bloc monolithique, et ses vingt-cinq membres ne défendent peut-être pas le même modèle socio-économique.

Voilà pourquoi je préfère la seconde possibilité, qui est de demander - et il ne s'agit pas là de jouer sur les mots - une réécriture, mais je ne réclame pas de droits d'auteur sur ce terme ! On peut aussi parler d'une « transformation », d'une « remise à plat ».

M. Léonce Deprez. Un réexamen !

Mme Anne-Marie Comparini. Et il ne s'agit pas d'une modification à la marge : n'oubliez pas, monsieur Ayrault, que le texte de notre collègue Robert Lecou ou celui de M. Deprez, tout autant que le vôtre ou que celui que j'avais proposé moi-même à la délégation, proposent explicitement l'abandon du principe du pays d'origine. Ce n'est pas là une modification marginale !

Ne négligez pas davantage le fait que le texte qui est aujourd'hui proposé restreint le champ d'application de la directive. N'oubliez pas non plus qu'en précisant l'articulation de la directive « services » avec les directives sectorielles ou horizontales - c'était l'objet de mes deux amendements - nous confortons le principe de l'harmonisation.

Il est vrai que nous aurions pu voter le texte élaboré au sein de la délégation européenne. Il me semble cependant que le texte que nous allons voter aujourd'hui nous permet d'envoyer ce message ferme : « Messieurs, revoyez votre copie ! » Et revoir sa copie, qu'est-ce d'autre que la réécrire ? Voilà pourquoi je voterai, au nom de mon groupe, le projet de résolution qui nous est proposé. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe UMP.

M. Marc Laffineur. Je voudrais simplement, monsieur le président, face aux invectives que l'on entend sur certains bancs et qui me paraissent quelque peu exagérées, procéder à quelques rappels historiques.

Il ne faut pas avoir peur de rappeler en effet que la directive a été présentée par M. Romano Prodi, socialiste italien, avec le soutien de tous les partis socialistes européens. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Proriol. C'est exact !

M. Jean-Louis Idiart. Voilà qui est nouveau !

M. Marc Laffineur. D'ailleurs, tout n'est pas mauvais dans cette directive, et c'est bien pourquoi nous voulons qu'elle soit réexaminée, et non rejetée sans plus de négociation. Ainsi tout ce qui vise à la simplification administrative est à saluer, même si le reste est à revoir.

Je voudrais aussi me féliciter de deux faits qui ont révélé un fonctionnement exemplaire de notre République. Je voudrais saluer les réserves formulées à Bruxelles par Mme la ministre au nom du gouvernement français ; mais également la vigilance manifestée par la délégation pour l'Union européenne, sous la présidence de Pierre Lequiller, qui s'est saisie de cette question et a demandé qu'elle soit débattue dans l'hémicycle. On peut se féliciter du bon travail accompli par la majorité dans le cadre de ce débat.

Il est urgent de modifier les règles de l'Union européenne : nous ne pouvons pas, à vingt-cinq, conserver les règles que nous avions à dix ou à quinze. C'est précisément pourquoi il nous faut une Constitution. Elle seule permettra aux politiques de reprendre la main, et de ne pas laisser aux seuls technocrates le soin d'édicter des directives. C'est la raison pour laquelle j'invite tous nos concitoyens à voter en faveur de la Constitution le 29 mai.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera bien entendu la proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur l'article unique

M. le président. Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution, modifié par les amendements adoptés.

(L'article unique de la proposition de résolution, ainsi modifié, est adopté.)

    5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq, troisième séance publique :

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 2056, portant statut général des militaires :

Rapport, n° 2149, de M. Guy Teissier, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées ;

Discussion du projet de loi, n° 1549, modifiant la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'État de ses pouvoirs de contrôle en mer :

Rapport, n° 1658, de Mme Marguerite Lamour, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot