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Séance du mercredi 8 juin 2005

221e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

COMMUNICATION DE M. LE PRÉSIDENT

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le décret relatif à la composition du Gouvernement a été publié au Journal officiel du 2 juin 2005.

Pendant le délai d'un mois prévu à l'article L.O. 153 du code électoral, nos collègues nommés membres du Gouvernement ne pourront prendre part à aucun scrutin.

    2

DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE
DU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration de politique générale du Gouvernement, faite en application de l'article 49, alinéa premier, de la Constitution, le débat et le vote sur cette déclaration.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, c'est pour moi un immense honneur que de m'adresser à vous aujourd'hui. Je me présente devant vous à un moment exceptionnel de l'histoire de notre pays, un moment où les Françaises et les Français expriment leurs souffrances, leurs impatiences, leurs colères. Avec vous, représentants de la nation, je veux fixer les repères, tracer la voie, remettre la France en marche. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Avec vous et avec l'ensemble du Gouvernement, tout au long des prochains mois, je consacrerai mon énergie et ma volonté à cette tâche immense que m'a confiée le Président de la République. (« Ce sera Waterloo ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Permettez-moi d'abord de rendre hommage à l'action courageuse et déterminée conduite par Jean-Pierre Raffarin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En trois ans, il a consolidé l'ordre républicain et mené des réformes décisives pour le redressement du pays. Le cap des lois votées par le Parlement sera tenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

II y a quelques jours, les Français ont voté non au projet de traité constitutionnel.

M. Maxime Gremetz. Ils ont bien fait !

M. le Premier ministre. Ce vote, j'en ai la conviction, n'est pas l'expression d'une France contre une autre : l'ensemble de notre pays reste engagé dans le projet européen, il sait que son destin se joue désormais à l'échelle du continent.

N'interprétons pas ce vote comme le signal d'un isolement français. Certains pays membres ont trouvé dans le projet de traité une réponse suffisante à leurs attentes,...

M. Jean-Pierre Brard. Mais sans ambition !

M. le Premier ministre. ...d'autres non. Les Françaises et les Français s'interrogent. Ils veulent rester fidèles à leur identité, soucieux de préserver un équilibre entre la solidarité et la liberté. Ils veulent conjuguer la défense des intérêts de notre nation et l'Europe, la promotion de notre modèle social et le projet européen. Ils défendent une certaine vision de l'homme avec ses droits et ses devoirs, refusant les seules logiques du marché et de la mondialisation. Les Françaises et les Français le savent et le disent avec force : la mondialisation n'est pas un idéal, elle ne peut pas être notre destin. Ils attendent de nous que nous affirmions nos valeurs. Notre vision héritée de 1789 a sa grandeur et sa vérité. Oui, la France veut rester une conscience vivante. Oui, la France veut être aux avant-postes. Oui, la France veut se tourner résolument vers l'avenir.

Notre premier devoir est de regarder la réalité en face.

La vérité, c'est que nous sommes confrontés à une situation difficile. Alors que le monde connaît des changements sans précédent, l'Europe se divise et la France tarde à s'adapter.

M. Henri Emmanuelli. Eh oui !

M. le Premier ministre. La vérité, c'est que le chômage atteint un niveau inacceptable : plus de 10 % de chômeurs, voilà le véritable mal français.

M. Alain Néri. C'est le résultat de trois ans de gouvernement de droite !

M. le Premier ministre. Il fragilise des familles entières, qui craignent pour leur avenir. Les plus jeunes, tous ceux qui devraient porter les espoirs de notre nation, sont les premiers touchés et vivent ce mal avec un sentiment mêlé d'anxiété et d'injustice.

La vérité, c'est que nous avons des marges de manœuvre budgétaire étroites et que nous allons devoir les reconquérir pas à pas.

La vérité, c'est que l'égalité des chances ne vit pas suffisamment dans notre pays alors que, depuis les débuts de la République, elle offrait à chacun la perspective d'un avenir meilleur. Accéder à un emploi quand on porte un nom à consonance étrangère, entrer à l'université ou dans une grande école quand on est issu d'un milieu modeste, toucher une rémunération équivalente à celle de ses collègues masculins quand on est une femme, quelle ambition plus légitime ? Pourtant, dans notre pays, c'est souvent une ambition déçue. En France, il y a trop d'opportunités qui se ferment. En France, il y a trop de rêves qui ne se réalisent pas.

Nous n'avons pas à choisir entre volonté de justice et liberté d'entreprendre. La force de notre histoire, la force de notre société reposent sur notre capacité à concilier ces deux exigences. Solidarité et initiative, protection et audace, c'est le génie français. Pour le préserver, nous devons aller plus loin dans l'initiative, plus loin dans la solidarité. Dans une démocratie moderne, le débat n'est pas entre le libéral et le social,...

M. Henri Emmanuelli. C'est facile !

M. le Premier ministre. ...il est en vérité entre l'immobilisme et l'action. Je choisis résolument le parti de l'action. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

J'ai proposé au Président de la République un gouvernement resserré.

M. Jean-Marie Le Guen. Un gouvernement qui va se « ramasser » !

M. le Premier ministre. Un gouvernement de service public, fidèle à notre idéal républicain, tout entier dévoué au résultat. II sera guidé par un principe : l'impératif de justice. Un critère : l'intérêt général. Une volonté : améliorer la situation de chaque Française et de chaque Français, les plus vulnérables comme les plus entreprenants, les plus jeunes comme les plus âgés. Je crois à une France généreuse et volontaire. Une France où chacun a sa place selon ses mérites. Une France de toutes les chances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Comment faire vivre cette ambition ? En gagnant la bataille de l'emploi. Toutes les forces de mon gouvernement seront engagées dans cette bataille.

Alors que l'espérance de vie ne cesse d'augmenter dans notre pays, nous nous privons des compétences des salariés plus âgés. Alors que la croissance de la population active ralentit, plus de 20 % des jeunes ne trouvent pas d'emploi. Alors que le chômage touche plus de deux millions et demi de personnes, 500 000 offres d'emploi ne trouvent pas preneurs. Alors que notre droit du travail est l'un des plus protecteurs en Europe, une grande partie des salariés exprime un sentiment d'insécurité au travail. Ces réalités ne sont pas acceptables. Je veux les combattre une à une.

M. Jean-Pierre Brard. C'est d'Artagnan !

M. le Premier ministre. Je le ferai sans préjugé ni dogmatisme. Au cours des derniers mois, beaucoup de propositions ont été mises sur la table. Certaines méritent d'être mises en œuvre. D'autres soulèvent davantage de difficultés qu'elles n'en résolvent. En tout état de cause, nous ne plaquerons pas sur la réalité française un modèle qui n'est pas le nôtre. Que nous nous inspirions avec pragmatisme d'expériences réussies en Europe ou ailleurs, bien sûr. Que nous revenions sur les fondements de notre modèle social, certainement pas.

J'ai besoin du soutien de l'ensemble de la nation.

M. Alain Néri. Vous ne l'avez pas !

M. le Premier ministre. L'État, les collectivités locales, les syndicats, les entreprises, les associations, chacun doit prendre sa part de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pour que notre pays sorte renforcé de ce combat contre le chômage, il faut que nos résultats soient au bénéfice de tous.

Pour créer de l'emploi, il faut d'abord de la croissance. J'emploierai donc tous les instruments qui nous permettront de favoriser l'investissement et le pouvoir d'achat, dans un esprit de responsabilité : nos engagements de dépense publique seront respectés et les dépenses n'évolueront pas plus vite que l'inflation en 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) II s'agit également de garantir aux entreprises la stabilité des règles du jeu : les allégements de charges ne seront pas remis en cause. Nous voulons parvenir à la suppression des charges patronales de sécurité sociale au niveau du SMIC à l'horizon 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Jacqueline Fraysse. Vous continuez !

M. le Premier ministre. Le premier objectif de mon gouvernement sera d'aller chercher les emplois là où ils se trouvent.

D'abord dans les services : leur développement correspond à l'évolution naturelle d'une économie moderne et humaine. Ils répondent à un besoin de lien social, notamment pour les familles, les personnes âgées et les personnes handicapées. C'est pour elles que vous examinerez dans les prochains jours le projet de loi sur les services à la personne.

Ensuite, bien sûr, l'emploi dans les très petites entreprises. II y a deux millions six cent mille entreprises en France : un million cinq cent mille d'entre elles n'ont pas de salariés, près d'un million a moins de dix salariés. L'emploi en France passe par elles. Si nous libérons leur esprit d'initiative et leur talent, si nous leur garantissons des procédures de recrutement simples, lisibles et sûres, elles embaucheront. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Décider de recruter un salarié, c'est un acte important pour un petit entrepreneur. Est-ce que ce salarié correspondra à ses besoins ? Est-ce que son embauche ne risque pas d'alourdir le temps consacré aux problèmes administratifs ? Est-ce qu'elle ne mettra pas en péril l'entreprise en cas de retournement de conjoncture ?

M. Jean-Paul Charié. Bonnes questions !

M. le Premier ministre. Pour débloquer l'embauche dans ce secteur, je propose trois mesures. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Première mesure : la simplification de l'acte d'embauche grâce au chèque-emploi pour les très petites entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Ce chèque aura valeur à la fois de bulletin de salaire et de contrat de travail. Il évitera toute procédure administrative lourde. Il sera disponible sur internet.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le Premier ministre. Deuxième mesure : dans le respect du code du travail, je propose la mise en place à compter du 1er septembre d'un nouveau type de contrat de travail...

Mme Martine Billard. Encore ?

M. Henri Emmanuelli. Faites attention !

M. le Premier ministre. ...à durée indéterminée, le « contrat nouvelle embauche ». Mieux adapté aux contraintes des très petites entreprises auxquelles il pourra être proposé, il conciliera plus de souplesse pour l'employeur et de nouvelles sécurités pour le salarié. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Brard. On se croirait dans Faust ! Êtes-vous Méphistophélès ?

M. le Premier ministre. Plus de souplesse pour l'employeur, puisque ce contrat prévoira une période d'essai plus longue, d'une durée de deux ans (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), adaptée au rythme de développement des très petites entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Ne faites pas cela !

M. le Premier ministre. La durée du préavis sera fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise : elle correspondra donc aux efforts fournis. Les entreprises concernées disposeront ainsi de nouvelles facilités d'embauche, qui devraient leur permettre de s'engager avec confiance dans la voie de nouveaux recrutements. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Deux ans de stage !

M. le Premier ministre. De nouvelles sécurités pour le salarié aussi.

M. Henri Emmanuelli. Vous vous moquez du monde !

M. le Premier ministre. La mise en place du « contrat nouvelle embauche » lui donnera trois garanties : ...

M. Jean-Pierre Brard. Notamment celle de retourner à l'ANPE !

M. le Premier ministre. ...un complément d'allocations chômage auquel l'État apportera toute sa part ; un accompagnement personnalisé...

M. Henri Emmanuelli. C'est ça !

M. le Premier ministre. ...et la mobilisation de moyens nouveaux de reclassement en cas de rupture du contrat. (« Lesquels ? » sur les bancs du groupe socialiste.) Une évaluation de ce dispositif sera conduite avec les partenaires sociaux.

M. Maxime Gremetz. C'est vraiment une politique ultralibérale !

M. le Premier ministre. Troisième mesure : je veux inciter les chefs d'entreprise à surmonter le seuil des dix salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Pourquoi ? Parce que les obligations, notamment financières et administratives, liées au franchissement de ces seuils apparaissent trop lourdes et rebutent l'embauche.

M. Henri Emmanuelli. Vingt ans que la droite attendait cela !

M. Richard Mallié. Ça suffit, Emmanuelli !

M. le Premier ministre. Je suis attaché au niveau actuel de représentation des salariés, comme à la défense du droit syndical, mais je souhaite alléger les obligations financières qui pèsent sur les entreprises à partir de dix salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le surcoût que représente la décision d'embauche d'un dixième salarié est en effet estimé à 5 000 euros en moyenne par an : ...

M. Maxime Gremetz. C'est scandaleux de dire cela !

M. le Premier ministre. ...c'est considérable et dissuasif pour l'embauche. Je propose donc que l'État prenne en charge les cotisations supplémentaires dues à partir du dixième salarié. (« Et voilà ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cette neutralisation continuera de jouer pour l'embauche des dix salariés suivants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme Martine David. Où prenez-vous l'argent pour faire tout cela ?

M. le Premier ministre. Avec ces trois mesures simples, concrètes, compréhensibles par tous, nous libérerons la capacité d'embauche des très petites entreprises.

M. Maxime Gremetz. Le MEDEF n'en demandait pas tant !

M. le Premier ministre. Le deuxième objectif est une mobilisation nationale du service public de l'emploi et de ses partenaires pour favoriser le reclassement dans les premiers mois de chômage. Les pays qui ont su faire reculer durablement le chômage sont ceux qui se sont donné les moyens d'agir pour l'accompagnement et le reclassement des chômeurs.

M. Henri Emmanuelli. Cela coûte cher !

M. le Premier ministre. Ce sont ceux qui ont avancé vers la sécurisation des parcours professionnels.

M. Jean-Claude Lefort. Les Danois ?

M. le Premier ministre. Il faut que la perte d'emploi soit vécue comme une transition vers un nouvel emploi et non comme une impasse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Des jalons importants viennent d'être posés avec l'aide des partenaires sociaux : droit individuel à la formation pour tous les salariés, convention de reclassement personnalisé au profit des personnes touchées par un licenciement économique.

Mais revenir sur le marché du travail, cela veut dire se déplacer, prévoir la garde de ses enfants, perdre un certain nombre d'aides : autant de dépenses nouvelles auxquelles il est parfois difficile de faire face. Cela exige une réponse concrète. Je propose donc que l'État verse une prime de 1 000 euros à toutes les personnes au chômage depuis plus d'un an, et bénéficiant de minima sociaux, qui reprendront une activité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est un effort considérable. La logique de ce dispositif est la même : privilégier l'activité, favoriser le retour rapide à l'emploi, aider directement le salarié.

La mise en place des maisons de l'emploi au niveau local et l'ouverture d'un dossier informatique commun à l'ANPE et à l'UNEDIC au niveau national permettront de répondre à l'exigence d'un véritable suivi personnalisé. La coordination et le rapprochement des structures sont essentiels : c'est la condition pour que chaque demandeur d'emploi puisse connaître personnellement son interlocuteur chargé de l'orienter dans ses recherches.

Je suis attaché à l'équilibre des droits et des devoirs. Il n'est pas acceptable qu'un demandeur d'emploi qui fait l'objet d'un accompagnement personnalisé puisse refuser successivement plusieurs offres d'emplois raisonnables. (« Très bien ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Des dispositifs existent pour sanctionner les abus. J'entends qu'ils soient appliqués par le service public de l'emploi, conformément à la loi du 18 janvier 2005.

M. Henri Emmanuelli. C'est ça ! Culpabilisez les chômeurs ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Réacs ! (Rires sur les mêmes bancs.)

M. le Premier ministre. Pour les personnes les plus éloignées de l'emploi et pour les titulaires de minima sociaux, les contrats d'avenir prévus par le plan de cohésion sociale permettent d'organiser de véritables parcours de retour à l'emploi. Leur mise en œuvre sans délai et sur tout le territoire sera une priorité absolue.

M. Alain Néri. N'oubliez pas les conseils généraux !

M. le Premier ministre. Pour les jeunes et les personnes de plus de cinquante ans, nous devons faire preuve d'une énergie particulière. Notre économie a besoin d'eux. Elle doit s'ouvrir à eux et non les rejeter.

Il y a les jeunes qui désespèrent de trouver un emploi durable. Je veux leur apporter soutien et accompagnement. Je demande donc à l'ANPE de recevoir individuellement les 57 000 jeunes au chômage depuis plus d'un an avant la fin du mois de septembre pour leur proposer une solution adaptée (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : un emploi dans une entreprise, un contrat d'apprentissage, ou encore un contrat non marchand.

Les contrats jeunes en entreprise permettent aujourd'hui à 130 000 jeunes d'occuper un emploi à durée indéterminée. C'est un bon début, mais ce n'est pas assez. Je propose donc...

M. Patrick Lemasle. Des emplois-jeunes ?

M. le Premier ministre. ...deux initiatives complémentaires : premièrement, que l'embauche des jeunes de moins de vingt-cinq ans ne rentre plus dans le décompte des seuils de dix et cinquante salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) ; deuxièmement, que les jeunes qui prennent un emploi dans un secteur connaissant des difficultés de recrutement bénéficient personnellement d'un crédit d'impôt de 1 000 euros. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'apprentissage ensuite : il permet aux jeunes d'accéder à un bon emploi ou de s'engager dans la voie de la création de leur propre entreprise. Nous nous donnons les moyens de parvenir à 500 000 apprentis à horizon de cinq ans.

Il existe un besoin réel d'emploi de jeunes dans le secteur associatif et le secteur public.

M. Henri Emmanuelli. Vous les avez supprimés !

M. le Premier ministre. Tirons avec pragmatisme les leçons des expériences passées. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Pour être efficace, la réponse à cette demande doit s'inscrire dans un vrai parcours d'accès à un emploi durable. C'est tout le sens du développement de la formation en alternance dans la fonction publique. C'est aussi la logique des contrats d'accompagnement vers l'emploi prévus par la loi de cohésion sociale. Pour les jeunes, nous en avions prévu 20 000. C'est nettement insuffisant pour répondre aux besoins. J'ai décidé que leur nombre passerait à 100 000. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Pour tous les jeunes qui entrent à l'université, un service public de l'orientation sera mis en place. Il les informera sur les débouchés des carrières dans lesquelles ils s'engagent. Le libre choix de l'orientation doit être garanti par une information fiable et régulièrement actualisée sur les filières de formation et sur la situation de l'emploi dans le secteur choisi.

Il y a enfin les 60 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification et dont la recherche d'emploi est souvent vouée à l'échec. Il appartient à l'État de prendre ses responsabilités. Nous avons un modèle qui fonctionne pour nos jeunes compatriotes d'outre-mer, très durement frappés par le chômage : le service militaire adapté. J'ai demandé au ministre de la défense de concevoir un dispositif analogue pour la métropole (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) afin de procurer aux jeunes qui le souhaitent une formation validée par l'Éducation nationale et un encadrement. L'objectif est de former 20 000 jeunes en 2007. Dès septembre, un premier centre expérimental fonctionnera.

S'agissant des personnes de plus de cinquante ans, l'État donnera l'exemple en ouvrant davantage son recrutement à celles et à ceux qui ont accompli une première carrière dans le secteur privé. Cette volonté se traduira notamment par le recul ou la suppression des limites d'âge qui bloquent leur accès aux différents concours de la fonction publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Dans les écoles, dans les universités, dans les hôpitaux, leur expérience sera précieuse.

Les partenaires sociaux négocient actuellement sur l'emploi des personnes de plus de cinquante ans. Mon objectif est de lever les obstacles à l'embauche ou au maintien dans l'emploi, en étudiant l'assouplissement des règles de cumul emploi-retraite et la suppression de la contribution Delalande. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Le Gouvernement agira au vu des résultats de cette négociation.

M. Henri Emmanuelli. C'est procéder à l'envers, ça !

M. le Premier ministre. Voilà, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, les grandes lignes de mon plan d'urgence pour l'emploi. Sa philosophie est claire : ...

M. Henri Emmanuelli. Oh oui !

M. le Premier ministre. ...affecter nos moyens à tous ceux qui en ont un besoin réel et immédiat, agir sur les vrais blocages, dans un esprit d'efficacité et de justice.

La France consacrera à l'emploi un effort supplémentaire de quatre milliards et demi d'euros en 2006. Outre les dépenses du plan d'urgence, cet effort inclut la montée en puissance des allégements de charge sociale et des contrats d'avenir. C'est une somme importante, à la hauteur du défi. Elle amène mon gouvernement, en plein accord avec le Président de la République, à prendre ses responsabilités. Toutes nos marges de manœuvre budgétaires iront à l'emploi : ce choix commande de faire une pause dans la baisse de l'impôt sur le revenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Marc Ayrault. C'est incroyable !

M. le Premier ministre. La méthode de mise en œuvre de ce plan conciliera l'impératif de dialogue social avec la nécessité d'agir vite. Il y a urgence. Chacun voit que nous ne pouvons pas attendre. Mais chacun mesure aussi que la concertation avec les partenaires sociaux est le meilleur moyen de prendre les bonnes décisions : des décisions qui profitent à tous, des décisions qui marquent l'engagement de tous. Un projet de loi d'habilitation sera donc présenté au Parlement au mois de juin. Le contenu de ce projet sera strictement limité aux mesures d'ordre législatif que je viens d'annoncer.

M. Jean-Pierre Brard. Vous rétablissez les oukases !

M. le Premier ministre. Des ordonnances seront prises sur cette base (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations et huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), au terme d'une consultation approfondie avec les partenaires sociaux. Elles seront publiées avant le 1er septembre.

M. Henri Emmanuelli. On n'en veut pas ! Vous n'êtes ici que par la volonté du peuple !

M. Arnaud Montebourg. C'est un abaissement du Parlement !

M. le Premier ministre. Sur les autres questions qui touchent à la sécurisation des parcours professionnels, au renforcement de la sécurité juridique des relations entre employeurs et salariés ou à la valorisation de l'activité par rapport à l'assistance, nous devons approfondir la réflexion. Ce sera notamment le rôle du Conseil d'orientation pour l'emploi.

Dans la bataille pour l'emploi, j'entends bien sûr mobiliser tous les atouts de notre politique économique et industrielle, car la France a besoin d'une industrie forte et moderne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous devons mieux exploiter le potentiel considérable de notre pays, de nos universités, de nos filières industrielles et de nos laboratoires de recherche. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste.) La mise en place des pôles de compétitivité sera décidée à l'occasion du comité interministériel d'aménagement du territoire que je réunirai début juillet. Je n'arrêterai pas la liste sur la base de critères budgétaires (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) mais en fonction de la créativité et de la motivation des candidatures. Je demande à chacun des ministres concernés de mobiliser ses moyens humains et financiers pour assurer le plein succès de ces pôles.

Par ailleurs, nous devons renouer avec les grands projets porteurs d'avenir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je veillerai à ce que l'Agence pour l'innovation industrielle lancée par le Président de la République (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) voie le jour dans les toutes prochaines semaines. Elle sera immédiatement dotée de 500 millions d'euros grâce à la cession des titres de France Télécom. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard. On brade et on ferme !

M. le Premier ministre. Elle financera des projets dans les domaines de l'énergie solaire, des nanotechnologies, des biotechnologies et des biocarburants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je souhaite qu'elle associe largement les PME au côté des grands groupes industriels. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le Premier ministre. Cette initiative sera rapidement ouverte à d'autres pays européens, en particulier l'Allemagne : elle gagnera ainsi en ambition et en puissance.

M. Jean-Pierre Brard. Avec Schroeder, cela m'étonnerait !

M. le Premier ministre. La France doit atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés dans le cadre de la stratégie de Lisbonne afin de porter son effort de recherche et de développement à 3 % de sa richesse nationale d'ici à 2010. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La réforme de notre dispositif de recherche et le renforcement de ses moyens seront donc poursuivis sans relâche afin d'atteindre en permanence un niveau d'excellence. La loi-programme portant réforme de notre dispositif de recherche sera déposée à l'automne.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bravo !

M. Jean-Pierre Brard. Il est temps !

M. le Premier ministre. Notre pays doit retrouver une capacité d'investissement dans l'avenir.

J'entends relancer des grands chantiers d'infrastructure (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), en particulier dans les domaines routier et ferroviaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Dans l'état de la conjoncture, notre économie a besoin d'un signal fort de redémarrage de l'investissement public, y compris en recourant à des financements innovants. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. Ah oui, innovants ! On nous demande des avances !

M. le Premier ministre. J'ai, en outre, décidé de poursuivre la cession par l'État de ses participations dans les sociétés d'autoroute afin de financer ces grands travaux et de leur permettre de souscrire aux appels d'offre européens.

M. Jean-Pierre Brard. Voilà pourquoi Gilles de Robien n'est plus aux transports !

M. le Premier ministre. Le produit de ces cessions ira notamment à l'Agence pour le financement des infrastructures de transport afin d'accélérer les contrats de plan État-région. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Tu parles !

M. le Premier ministre. Enfin, nos grandes entreprises de service public ont toute leur place dans cette relance de l'investissement. Elles bénéficient d'un savoir-faire inégalé : EDF, Gaz de France font l'honneur de notre pays.

M. Jacques Desallangre. Elles sont vendues !

M. le Premier ministre. Je veux leur donner les moyens de poursuivre leur développement dans les meilleures conditions et au bénéfice de l'emploi. Cela suppose, pour Gaz de France, d'ouvrir le capital de l'entreprise afin qu'elle puisse lever des fonds au plus vite. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)

Pour EDF, le processus d'augmentation de capital se poursuit. Il s'agit, dans le strict respect de la loi et de ses missions de service public (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicain), ...

M. Henri Emmanuelli. Privé !

M. le Premier ministre. ...de conforter un projet industriel ambitieux.

Consolider notre tissu de petites et de moyennes entreprises, c'est ma troisième exigence pour l'avenir de notre économie et de notre industrie.

Les PME pourront bénéficier d'incitations fiscales et financières : 500 000 chefs d'entreprise sont à moins de dix ans de l'âge de la retraite. Je veux rendre hommage aux hommes et aux femmes qui ont pris des risques, qui ont durement travaillé pour développer leur entreprise et créer des emplois. La transmission de ce patrimoine économique doit pouvoir se faire sans fragiliser l'entreprise. Le projet de loi en faveur des PME leur apportera la réponse qu'ils attendent.

M. Jacques Desallangre. Espérons !

M. le Premier ministre. Nous devons aussi mieux défendre nos intérêts face à une concurrence de plus en plus vive.

M. Bernard Carayon. Enfin !

M. le Premier ministre. Je propose donc qu'une part des marchés publics de l'État et des collectivités locales soit réservée aux PME (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), ...

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le Premier ministre. ... suivant des modalités à examiner avec la Commission européenne.

Mieux anticiper les mutations économiques et prévenir les risques de délocalisation, c'est l'exigence majeure d'une politique volontariste.

Nous savons qu'il existe des bassins d'emplois plus exposés que d'autres. Nous les connaissons. J'ai donc décidé de regrouper les services de la DATAR et de la Mission interministérielle sur les mutations économiques afin de créer un service public d'aide aux bassins d'emplois en difficulté, avec une triple mission : anticiper sur les grandes mutations industrielles, apporter les aides nécessaires en cas de reconversion des salariés et lutter contre les délocalisations. Il est notamment inacceptable que ces entreprises continuent à bénéficier des aides publiques alors qu'elles quitteraient notre territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - « Enfin ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Notre ambition doit avoir un sens, et ce sens c'est la justice. Notre ambition doit reposer sur un principe : l'égalité des chances. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Dans quelle société voulons-nous vivre ? Une société du respect, de la fraternité, où chacun a sa chance, où chacun assume ses responsabilités.

M. Henri Emmanuelli. Le mot « égalité » vous dérange !

M. le Premier ministre. Il y a un préalable absolu : la lutte contre toutes les discriminations. Dans les entreprises, dans la recherche d'un logement, dans les loisirs, des discriminations persistent, parfois évidentes, parfois insidieuses. Elles touchent les femmes à leur travail, qui se voient refuser un avancement ou un emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Gilbert Biessy. Combien en reste-t-il au Gouvernement ?

M. le Premier ministre. Elles touchent les personnes issues de l'immigration à qui on interdit la location d'un appartement ou l'accès à une boîte de nuit. Elles touchent les personnes handicapées, qui ont encore trop de difficultés à prendre une activité lorsqu'elles le souhaitent ou à vivre dignement. Face à l'inacceptable, c'est un état d'esprit qui doit changer. C'est notre regard qui doit évoluer. La Haute autorité de lutte contre les discriminations a été mise en place. L'État doit faire respecter les principes de la République. Des lois existent : elles seront appliquées avec détermination, notamment s'agissant de la grande loi sur les personnes handicapées que vous avez votée. Mais aucun texte de loi, aucune institution ne remplacera la volonté de chacun d'entre nous.

Mme Jacqueline Fraysse. Et les moyens ?

M. le Premier ministre. La responsabilité de la politique, c'est aussi de permettre à chacun de réaliser ses aspirations par le mérite,...

M. Maxime Gremetz. On en est loin !

M. le Premier ministre. ...l'initiative et le travail. Cela suppose que le pouvoir d'achat de chacun ne soit pas confisqué par des prélèvements excessifs, des tarifs trop élevés et des contraintes matérielles insolubles. La défense du pouvoir d'achat des salariés sera une de mes priorités : au 1er juillet prochain, la réunification des SMIC sera achevée...

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le Premier ministre. ...grâce à l'augmentation de plus de 5 % du SMIC horaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Par ailleurs, je souhaite que les négociations sur les grilles salariales dans les branches, qui relèvent des partenaires sociaux, aboutissent avant la fin de l'année.

M. Henri Emmanuelli. C'est bien, mais cela n'arrivera pas !

M. le Premier ministre. Je veux aussi développer la participation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le Premier ministre. Lorsque les entreprises accroissent leurs bénéfices, il est normal que tous les salariés puissent en profiter. (Applaudissements soutenus sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) En 2005, les sommes issues de la participation versées au titre de 2004 pourront donc être débloquées.

Nos concitoyens continuent de rencontrer de grandes difficultés de logement : ils se voient opposer des conditions de ressources très sélectives ou se heurtent à une offre sociale insuffisante. Un effort considérable a déjà été engagé : 376 000 logements mis en chantier ces douze derniers mois, 74 000 logements HLM financés l'année dernière. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Pour répondre aux attentes croissantes, je veux d'abord dégager de nouveaux terrains pour favoriser la construction de nouveaux logements sociaux : les cessions de terrains aux bailleurs sociaux seront donc exonérées de plus-values. Les loyers seront indexés sur un indice plus réaliste et plus favorable au locataire. Enfin, je souhaite mettre en place un mécanisme de garantie des impayés pour les propriétaires privés...

M. Jean-Pierre Brard. Et les propriétaires publics ?

M. le Premier ministre. ...qui accepteront des locataires aux revenus modestes ou intermédiaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Ce dispositif bénéficiera aux locataires que les entreprises d'assurance refusent de prendre en charge.

Le Gouvernement engagera également une action volontariste en faveur de la baisse des prix dans la grande distribution. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Je demande au ministre en charge des PME de mener à son terme la réforme de la loi Galland afin de faire profiter les consommateurs d'une baisse des prix de la vie quotidienne. Je demande également au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de me proposer des mesures pour accroître la capacité d'emprunt des ménages.

M. Henri Emmanuelli. Endettez-les !

M. le Premier ministre. Le pouvoir d'achat des Français doit correspondre à la réalité de leurs efforts.

Parmi les difficultés matérielles que rencontrent nos compatriotes, deux me paraissent réclamer une attention particulière. D'abord, le financement des études des jeunes. Pour y remédier, je propose que tout étudiant ayant emprunté pour financer ses études puisse déduire les intérêts de son emprunt de son premier impôt sur le revenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Ensuite, la conciliation entre vie de famille et vie professionnelle. L'un des atouts de notre pays, c'est le nombre important de femmes qui travaillent, malgré les contraintes de la vie quotidienne et familiale. Je veux les aider à garder la liberté de choix. J'attache donc beaucoup d'importance à ce que la loi pour l'égalité salariale soit adoptée rapidement. Il est tout aussi indispensable de leur offrir plus de facilités pour la garde de leurs enfants : 15 000 places de crèches supplémentaires seront prochainement créées. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard. Payées par qui ?

M. le Premier ministre. Pour donner une chance à chacun, nous avons besoin de nous appuyer sur deux piliers de la justice sociale. Le premier de ces piliers, c'est la sécurité sociale. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Des réformes importantes ont été engagées. Je souhaite qu'elles soient menées à bien. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le combat pour l'emploi donnera à notre système de protection sociale l'assise économique qui garantira son avenir. Tous les efforts de responsabilité des Français, notamment dans le choix d'un médecin traitant, commencent également à porter leurs fruits. Nous devons persévérer dans la voie du retour à l'équilibre des comptes. Aucun dérapage de la dépense ne peut désormais être admis. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

L'autre pilier, c'est l'Éducation nationale. Notre objectif commun doit être de nous appuyer sur les compétences et le dévouement sans réserve des enseignants pour aller vers davantage d'équité et un soutien accru aux élèves ou aux étudiants qui en ont le plus besoin. Trop souvent, les professeurs sont découragés par le manque de soutien de l'État lorsqu'ils font face à des publics difficiles.

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vrai ! Nous l'avons dit !

M. le Premier ministre. Trop souvent, ils se demandent où est l'encouragement du mérite. Ils s'interrogent sur le sens de leur mission. Je veux leur dire ici qu'ils sont les premiers défenseurs de l'égalité des chances et de la réussite de chacun. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je demande au ministre de l'éducation nationale de mettre en œuvre la loi sur l'école dans un esprit de dialogue avec la communauté éducative. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Paul. Cette loi est une coquille vide !

M. le Premier ministre. Je souhaite qu'il se saisisse du problème de l'éducation prioritaire : comment faire pour mieux accompagner les élèves et les établissements qui en ont le plus besoin ? Nous ne pouvons plus nous contenter d'une seule logique de territoires. Il faut davantage tenir compte des parcours individuels à travers des rendez-vous réguliers tout au long de la scolarité.

Une réflexion doit également s'ouvrir rapidement sur les efforts nécessaires pour maintenir nos universités dans le peloton de tête des universités mondiales. Le rapprochement de certaines universités avec des laboratoires de recherche est une voie pour constituer de vrais pôles d'excellence de niveau européen et pour attirer les meilleurs chercheurs.

La culture est au cœur de notre identité. Aidons tous ceux qui participent à la valorisation de notre patrimoine, tous ceux qui, par la vitalité de la création en France, participent à notre rayonnement. À ce titre, le mécénat doit être encouragé.

Pour faire vivre notre ambition française, nous devons aussi nous appuyer sur un État au service, un État qui protège et qui garantit l'égalité des territoires.

Notre nation s'est construite autour de l'État et de ses valeurs : le service de l'intérêt général, le respect de la loi, la défense de la liberté de chacun.

M. Henri Emmanuelli. L'égalité aussi !

M. le Premier ministre. Plus que jamais les Françaises et les Français veulent que nous affirmions ces valeurs. Les personnels de la fonction publique témoignent d'un dévouement sans réserve, d'un vrai sens de l'équité, d'un vrai goût du service. Je sais que je peux compter sur eux. Je connais leur volonté d'améliorer sans cesse le bon fonctionnement de leur administration. Jamais depuis 1945 les attentes n'ont été aussi fortes à leur égard. Ils appuieront les efforts du pays tout entier dans la bataille pour l'emploi, ils apporteront leur aide, leurs compétences à nos concitoyens confrontés à des changements parfois brutaux. Chacun doit se sentir comptable des résultats obtenus. Avant l'été, chaque ministre se dotera des instruments de mesure des résultats de sa politique, dont le Parlement sera juge. Il devra les communiquer régulièrement aux Français.

Je demande que toutes les décisions administratives et réglementaires qui seront prises soient passées au crible de l'impact sur l'emploi. Je compte sur notre administration pour soutenir l'emploi, pour aider ceux qui créent, en conseillant les entreprises, en prévenant plutôt qu'en sanctionnant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'État doit protéger les citoyens. Notre défense est respectée partout dans le monde. Elle est présente sur tous les théâtres de crise, au service de la stabilité et de la paix. Pour garantir la modernisation et l'équipement de nos armées, les engagements pris dans la loi de programmation militaire seront tenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Protéger, c'est bien sûr la mission première de toutes les forces de sécurité. Je demande au ministre d'État, ministre de l'intérieur (Rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste), de poursuivre la lutte difficile contre les violences aux personnes et contre tous les trafics qui les alimentent, en particulier les trafics de drogue. Je lui demande de mieux protéger nos concitoyens contre les multirécidivistes, en concertation étroite avec le garde des sceaux, ministre de la justice, qui devra veiller à l'exemplarité des sanctions et à un suivi plus contraignant de l'exécution des peines. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

L'immigration irrégulière préoccupe de plus en plus nos concitoyens, qui nous demandent de faire respecter les règles dans l'intérêt de tous. Nos dispositifs de contrôle doivent être plus efficaces et les éloignements conduits avec détermination : il n'y a pas de place en France pour l'abus de droit et les détournements de procédure. J'installerai vendredi prochain le comité interministériel de contrôle de l'immigration dont j'avais demandé la création. Le ministre d'État sera chargé de conduire cette action essentielle, en vue de parvenir ensemble à une immigration choisie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Notre diversité est une richesse inégalable.

M. Jean-Pierre Brard. Surtout à l'UMP !

M. le Premier ministre. Nos paysages, nos campagnes, nos villages font notre fierté. L'outre-mer apporte à notre pays l'amitié du proche et le sel du lointain. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe socialiste.) Pour les préserver, l'État doit garantir le respect de notre environnement. La lutte contre le réchauffement climatique sera poursuivie et renforcée grâce à une politique d'économie d'énergie dans le logement et les transports. Les impacts négatifs de la pollution sur la santé, en particulier pour les enfants, seront combattus.

Mais l'État doit assurer également l'égalité des territoires. C'est une mission de plus en plus importante dans une France qui change, où les gens se déplacent et où les attentes ne sont plus les mêmes. Dans les villes moyennes, dans les zones rurales, dans les quartiers, l'État doit faire face à des défis nouveaux. Je souhaite que les services publics de proximité soient maintenus (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Les bureaux de poste !

M. le Premier ministre. ...lorsqu'il y a un consensus local. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je souhaite également redéfinir la carte des arrondissements, et renforcer le rôle des sous-préfets (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : ils doivent être les premiers représentants de l'État dans tous les lieux de France qui sont aujourd'hui négligés, les quartiers urbains mal desservis, les régions isolées, les campagnes. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'esprit de mission, c'est assurer la continuité du service public, dans la vie quotidienne des Français comme pour la préservation des intérêts vitaux de notre pays. Le dialogue social nous permettra de trouver les modalités de cette continuité, afin de donner des garanties de service aux usagers.

Je voudrais terminer avec notre ambition commune, qui apporte à notre continent depuis soixante ans la réconciliation et la paix : l'Europe. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je veux le dire ici avec force : la France, pays fondateur, tiendra toute sa place au sein de l'Union.

M. Jacques Brunhes. Quelle place ?

M. le Premier ministre. Elle respectera ses engagements. Elle continuera de tirer vers le haut l'aventure européenne.

L'Europe s'est construite sur l'économie et le pragmatisme. Désormais, les peuples réclament plus d'humanité, plus de protection : davantage de sécurité dans leur travail, une attention accrue aux questions d'environnement, une meilleure défense des valeurs de respect et d'égalité des chances. Le sens de l'Europe se trouve dans ses valeurs.

M. Jean-Pierre Brard. Dans les urnes !

M. le Premier ministre. Il ne se construit pas par la seule force du marché. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

Personne ne peut comprendre que l'Europe ne se donne pas davantage les moyens de défendre son économie, sa richesse, son emploi. Personne ne peut comprendre qu'elle ne profite pas davantage des outils qu'elle a su mettre en place comme l'euro. Nous avons une monnaie forte. Donnons-nous aussi une politique économique forte. Donnons-nous les moyens de défendre une préférence européenne (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), comme le font tous les autres grands blocs économiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Ouvrons de nouvelles perspectives comme l'harmonisation fiscale ou l'union avec l'Allemagne dans des domaines choisis ensemble. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Les Françaises et les Français n'ont pas peur de l'Europe, ils veulent connaître les règles du jeu et participer à leur définition. Ils ne veulent pas être laissés à l'écart de décisions qui engagent leur vie quotidienne : je pense en particulier aux agriculteurs, à tous ceux qui vivent de la terre et qui se voient imposer des directives contraignantes. Oui, ils reçoivent des aides. Oui, la politique agricole commune est un atout majeur pour notre pays.

M. Yves Cochet. Pas du tout !

M. le Premier ministre. Mais des aides ne remplacent pas le sentiment de dignité ni la récompense de l'effort. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Les Françaises et les Français n'ont pas peur de l'Europe : ils veulent savoir où elle va. L'élargissement rapide du continent a surpris nos compatriotes.

M. Maxime Gremetz. C'est le début de l'autocritique !

M. le Premier ministre. Ils en comprennent la légitimité et la nécessité historiques, mais ils en craignent les conséquences économiques et sociales. Donnons-nous le temps de mieux nous connaître et de construire ensemble avec les nouveaux États.

En soixante ans, l'Europe a inventé une alternative à la guerre et aux rivalités de puissance. Aujourd'hui, il lui appartient d'inventer une alternative à un monde dominé par la défense des intérêts particuliers et la loi du plus fort.

M. Jean-Pierre Brard. Dominé par les États-Unis !

M. le Premier ministre. L'aventure ne s'arrête pas. Notre rêve européen sortira renforcé des épreuves.

Oui, la France veut prendre toute sa place dans le monde. Fidèle à son esprit de solidarité à l'égard de l'Afrique et des pays les plus pauvres. Fidèle à son exigence de paix, de justice, de dialogue des cultures et de liberté.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, aujourd'hui, notre plus grand risque, c'est l'immobilisme et la division. Notre premier devoir, c'est le rassemblement. Face à des difficultés sans précédent, j'ai besoin de vous. Je serai sans cesse à l'écoute de vos propositions (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), de vos suggestions, de vos critiques aussi.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous serons là !

M. le Premier ministre. Parce que les défis que nous avons à relever exigent autant de détermination que d'humilité. Parce que, je le sais, chacune et chacun d'entre vous, au-delà des différences politiques, a chevillé au corps l'intérêt national. Je veux que les parlementaires de la majorité sachent que le travail considérable qu'ils accomplissent m'est indispensable.

M. Jean-Claude Lefort. Et nous ?

M. le Premier ministre. Tous ensemble, nous allons répondre à l'attente des Français. Aux parlementaires de l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), je veux assurer que je travaillerai avec eux dans un esprit constructif. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Par ordonnances ?

M. le Premier ministre. Et je veux dire, à travers vous qui les représentez, à chaque Française et à chaque Français que c'est de tout mon cœur et de toutes mes forces que je me dévouerai à leur service. Je veux leur dire ma confiance dans les atouts, dans les chances et dans le destin de la France.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, conformément au premier alinéa de l'article 49 de la Constitution, et après y avoir été autorisé par le conseil des ministres, j'engage la responsabilité de mon Gouvernement sur cette déclaration de politique générale. (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent longuement. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Merci, monsieur le Premier ministre.

Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui s'est réunie ce matin, a organisé notre débat.

Ainsi s'exprimeront successivement, pour le groupe de l'UMP, M. Bernard Accoyer, pour le groupe socialiste, M. François Hollande, pour le groupe UDF, M. François Bayrou, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, M. Alain Bocquet.

En conséquence, la parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe de l'UMP.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, avec le référendum sur le traité constitutionnel européen, la France vient de connaître un débat intense. Même si le résultat est problématique, la mobilisation des forces vives et des acteurs de la société civile, la forte participation électorale font que la démocratie en sort renforcée.

Nous, les députés UMP, avons défendu une vision claire, responsable, cohérente de l'avenir de l'Union européenne et de la place de la France dans l'Union.

Nous l'avons fait en tenant aux Français un langage de vérité, comme vous venez de le faire, monsieur le Premier ministre. Nous l'avons fait avec conviction et détermination. Nous l'avons fait sans nous diviser, sans nous déchirer, sans céder à la démagogie ou aux anathèmes choquants à l'encontre de nos partenaires européens les plus récents. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Jaurès disait : « Le courage en politique, c'est de chercher la vérité et de la dire. »

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez des progrès à faire !

M. Bernard Accoyer. Peut-on revendiquer cette filiation et ne pas avoir ce courage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Avait-on le droit de prendre l'Europe en otage à des fins partisanes, quand on voit aujourd'hui, hélas, la crise dans laquelle est entrée l'Union européenne ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Brard. Vox populi, vox dei !

M. Maxime Gremetz. La campagne est terminée !

M. Bernard Accoyer. Notre vérité a été de dire aux Français qu'une renégociation du traité constitutionnel était utopique, qu'il n'y aurait pas de session de rattrapage, ni de prétendu plan B caché dans les tiroirs bruxellois.

La réalité est qu'une gauche divisée, instrumentalisée par l'extrême gauche, manipulée par des appendices groupusculaires qui se proclament apolitiques (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), a mis l'Europe en panne. Une gauche radicale qui chante l'Internationale, tout en rêvant de repousser les ressortissants des nouveaux pays de l'Union derrière un rideau de fer, dont elle garde la secrète nostalgie. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Lamentable !

M. Bernard Accoyer. Pourtant, cette crise de l'Union devra être surmontée, comme d'autres l'ont été dans le passé. Surmontée par une Europe plus lisible, aux frontières stabilisées, capable de développer des solidarités politiques, économiques, sociales. Une Europe plus démocratique, plus proche des citoyens.

M. Jean-Pierre Brard. Il n'y a pas de deuxième tour dimanche prochain !

M. Bernard Accoyer. Nous, les députés UMP restons attachés à la construction européenne, à cet idéal de paix, de démocratie et de progrès qu'elle poursuit depuis cinquante ans.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. Bernard Accoyer. Nous, les députés UMP, restons convaincus de la nécessité d'une Europe politique, capable de discuter avec les autres puissances mondiales, respectueuse de l'identité et de la diversité des États membres, attachée à la préférence communautaire.

Si nos aînés savent ce que nous devons à l'Europe, après les drames effroyables de la Seconde guerre mondiale, les jeunes générations, qui ont grandi dans une Europe de paix et de progrès, n'apprécient pas toujours cette chance. À nous de leur redonner, comme vous l'avez dit, monsieur le Premier ministre, le goût du rêve européen.

Dans ces circonstances, notre devoir est le rassemblement derrière le Président de la République et le Gouvernement, afin de soutenir la France pour relancer la construction européenne. Ainsi, nous défendrons nos valeurs, nos intérêts, pour répondre au message que nos compatriotes ont exprimé le 29 mai. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mes chers collègues, l'enjeu européen, au cours de cette campagne, a souvent été occulté par des considérations de politique intérieure.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas vrai !

M. Bernard Accoyer. Les Français se sont souvent exprimés en fonction de leurs difficultés, de leurs préoccupations, de leurs attentes, et non de cet enjeu européen.

M. Jean-Claude Lefort. Cela n'a rien à voir !

M. Bernard Accoyer. Il nous faut leur répondre par l'action.

Monsieur le Premier ministre, les députés UMP adhèrent au constat lucide que vous venez de faire sur la situation de notre pays.

Votre constat et votre analyse étant justes, votre action, fondée sur ces bases réalistes, sera de nature à convaincre et mobiliser les Français dans les délais exigeants que vous vous êtes fixés.

Refusons l'immobilisme, ce poison qui a, trop longtemps, affaibli notre pays. Les Français ne doivent pas se résigner au fatalisme, comme si la France n'avait vocation qu'à être ballottée au gré des décisions prises à Wall Street ou dans les antichambres des palais étatiques de Pékin.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. Bernard Accoyer. C'est d'abord en nous-mêmes que nous devons trouver les capacités du rebond national, ce « génie du renouveau » qu'évoquait le général de Gaulle dans ses Mémoires de Guerre,...

M. Jean-Pierre Brard. Vous l'avez trahi !

M. Bernard Accoyer. ...celui qui a permis à la France de se rénover, de se réinventer en permanence depuis ses origines.

Notre pays ne peut pas se recroqueviller sur lui-même. Tous les replis catégoriels, communautaristes, corporatistes sont à l'opposé des valeurs qui fondent notre République. Notre pays ne peut s'accommoder de cet affrontement stérile, instrumentalisé pendant la campagne référendaire, entre social et libéral. Cela n'a pas de sens.

M. Jean-Claude Lefort. Mais si, cela a un sens !

M. Jean-Pierre Brard. Demandez à Seillière !

M. Bernard Accoyer. Nous sommes tous d'accord, sur ces bancs, pour que notre protection sociale soit fondée sur la solidarité entre les générations, entre tous les Français et, par conséquent, soit financée par le travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lefort. Pourquoi avez-vous perdu alors ?

M. Bernard Accoyer. C'est donc bien l'emploi qui est au cœur de nos priorités ; c'est aussi l'emploi, le travail, la création de richesses qui, seuls, peuvent assurer la pérennité de notre protection sociale. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La législature est encore loin de son terme.

M. Jean-Pierre Brard. On ne sait jamais !

M. Bernard Accoyer. C'est sur le socle des réformes de Jean-Pierre Raffarin et de son gouvernement, dont nous saluons l'action courageuse, qu'il faut s'appuyer ; sur l'autorité de l'État, restaurée, et la sécurité sans cesse améliorée depuis trois ans, sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, puis de vous-même, Monsieur le Premier ministre ; sur notre pacte social, sauvegardé avec la réforme des retraites, de l'assurance maladie et de la solidarité en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées ; sur une cohésion sociale renforcée, refusant une France à deux vitesses ; sur une école rendue à ses missions essentielles, réforme à laquelle les députés UMP sont particulièrement attachés (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ; sur la reconnaissance du travail ou sur les hausses sans précédents du SMIC - et vous venez, monsieur le Premier ministre, d'en confirmer la prochaine - et de la prime pour l'emploi.

La France de 2005 n'est plus une France bloquée, une France immobile, une France sans espoir, telle que l'avait laissée le gouvernement Jospin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. C'est vrai, on l'a vu le 29 mai, l'espérance est revenue !

M. Bernard Accoyer. Cependant, il reste encore beaucoup à faire. Entendant le message des Français, le Président de la République a souhaité une nouvelle impulsion de l'action gouvernementale et vous en a confié la charge, monsieur le Premier ministre. Il l'a fait, connaissant votre volontarisme et votre ardeur.

Votre programme de gouvernement est audacieux. Sa priorité est claire : l'emploi, première préoccupation de nos compatriotes, que les députés UMP partagent.

Oui, la bataille pour l'emploi, telle que vous l'avez désignée, appelle plus d'imagination, de créativité et d'audace.

Tout n'a pas été tenté contre le chômage, ainsi que vous l'avez dit. Il faut sortir des idées reçues et des habitudes. Le seul critère est celui de l'efficacité. L'unique exigence est de placer l'homme au cœur de notre action.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. Bernard Accoyer. Dans cette bataille pour l'emploi, nous partageons, monsieur le Premier ministre, votre volonté « d'avoir recours à toutes les expériences, même si certaines ont lieu ailleurs ».

Pour mener à bien cette bataille, il ne s'agit pas d'opposer initiative économique et solidarité : elles vont de pair, dans le respect de nos valeurs. Pour nous, l'emploi, c'est l'entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Roman. Avec 3 millions de chômeurs !

M. Bernard Accoyer. Cela reste une différence fondamentale, une divergence philosophique essentielle, entre la gauche et la majorité.

Hier, la gauche choisissait, avec les lois Aubry, d'affaiblir la compétitivité française en mettant nos entreprises en difficulté face à la concurrence étrangère. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Hier, la gauche choisissait, avec la loi Guigou, issue des compromis politiciens de la gauche plurielle, de sacrifier l'entreprise en prétendant sauver emploi.

Demain, quelle ligne de conduite pourrait choisir une gauche écartelée, déchirée entre révolutionnaires et réformistes, entre collectivisme et social-démocratie, entre gauche révolutionnaire et gauche gestionnaire ? Oui, mes chers collègues, sacrifier l'entreprise, c'est sacrifier l'emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les salariés sont les premières victimes des contraintes et des lourdeurs de procédures qui condamnent les entreprises au lieu de les sauvegarder. C'est la loi sur l'initiative économique qui permet la création d'entreprises à un rythme de 240 000 par an. Le pari de créer un million d'entreprises supplémentaires sur la durée du quinquennat sera tenu !

Les mesures que vous venez d'annoncer en faveur des très petites entreprises et des PME démultiplieront leurs capacités d'embauche. En limitant notamment les effets liés aux seuils, vous allez redonner de la souplesse, des marges de manœuvre aux acteurs économiques pour augmenter leurs effectifs.

Dans cette mobilisation pour l'emploi, l'État et ses services ont un rôle majeur à jouer, en conseillant, en accompagnant, en aidant plutôt qu'en sanctionnant automatiquement et uniformément comme c'est souvent le cas.

Trop nombreuses sont en effet les décisions administratives, les lenteurs bureaucratiques, les complexités procédurières qui constituent des freins à emploi et de véritables verrous au développement économique.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très juste !

M. Bernard Accoyer. L'État et ses services doivent aussi acquérir la culture du résultat et conduire une étude d'impact sur l'emploi avant chaque décision, petite ou grande. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. René Couanau. Très bien !

M. Bernard Accoyer. Aux côtés de l'entreprise, l'État doit jouer un rôle à la fois de conseil, mais aussi de stratège, en particulier dans la bataille pour le développement et le maintien de l'emploi industriel, qui génère les emplois de services.

Les délocalisations ne seront jamais acceptables pour ceux qu'elles privent de leur emploi. L'inquiétude légitime qu'elles suscitent dans le secteur privé nécessite leur évaluation objective afin d'en connaître la nature, l'ampleur et les conséquences exactes.

Hélas, certaines d'entre elles sont probablement inévitables pour maintenir en France d'autres productions dans les mêmes domaines et garder un solde d'emplois positif. Encore faut-il que tout cela soit transparent, sinon comment apaiser ces angoisses qui ont tant pesé le 29 mai ?

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez raison, il faut savoir de quoi on meurt !

M. Bernard Accoyer. À nous de bâtir une véritable stratégie industrielle, fondée sur le volontarisme et l'innovation que vous voulez susciter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Une stratégie dont les premiers axes ont été tracés sous l'impulsion du chef de l'État avec la création dans les semaines qui viennent de l'Agence de l'innovation industrielle et la mise en place de pôles de compétitivité et de compétences.

Cette stratégie doit être amplifiée par l'adoption de mesures fortes en faveur de l'innovation et de la recherche, ainsi que vous venez de le confirmer devant la représentation nationale.

Cette stratégie doit s'appuyer sur une réforme de la taxe professionnelle, allégeant la fiscalité des entreprises industrielles soumises à la concurrence mondiale,...

M. Jean-Pierre Brard. Et ça recommence !

M. Bernard Accoyer. ...afin de maintenir l'emploi en France. Ce transfert de charges doit s'effectuer vers d'autres secteurs à moindre valeur ajoutée. Tel est notamment le cas des distributeurs qui gonflent leurs marges grâce au textile chinois bon marché. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Oui, le développement industriel est une priorité qui doit s'imposer aux autres politiques, puisqu'il sert avant tout l'emploi.

De nombreux secteurs sont à sauvegarder ou à reconquérir. Tel est le cas des industries de santé où, sous prétexte de maîtriser les dépenses de l'assurance maladie, les inventeurs, les créateurs, les développeurs, les industriels, les entreprises et les emplois sont poussés vers l'étranger. L'étranger d'où les produits de santé reviennent pour être toujours payés par la même assurance maladie, tout en étant fabriqués ailleurs, au grand dam de nos emplois, des cotisations sociales et de recettes fiscales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le social n'est pas l'ennemi de l'économie, ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le Premier ministre. Le plan de cohésion sociale que nous venons d'adopter sera le tremplin vers le retour à l'activité pour ceux qui en ont été écartés ou ont peu de chances d'y accéder.

Notre vision du travail n'est pas malthusienne : l'activité crée de l'activité. Tel est le principe de base d'une économie de marché ouverte que nul ne peut plus contester sérieusement.

Il ne s'agit pas de partager le travail entre ceux qui en ont déjà un, mais de donner du travail à ceux qui n'en ont pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il s'agit bien, tel que vous le prévoyez, d'accompagner financièrement la reprise d'activité après une période de chômage. Ainsi, les revenus du travail seront nettement supérieurs à ceux de l'assistance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous avez également raison, monsieur le Premier ministre, de mobiliser votre gouvernement autour de l'emploi des jeunes, et de prêter la plus grande attention à celui des seniors.

D'autres actions peuvent être entreprises pour tirer partie de tous les gisements d'emplois possibles, notamment là où de nouveaux besoins se font jour et où nous sommes en retard par rapport à nos voisins. C'est le cas en particulier, comme vous l'avez dit, dans le domaine des services à la personne, qui représentent un potentiel de 500 000 emplois nouveaux.

Monsieur le Premier ministre, pour le programme d'action gouvernementale que vous avez tracé, vous pouvez compter sur le soutien des députés UMP. Nous serons des partenaires actifs et loyaux, avec l'exigence d'un travail commun, nourri par le débat.

Notre action commune, au service des Français, ne se mesurera pas au nombre des textes votés, mais à la réalité de leur application, comme le prévoit la résolution Warsmann, et à leur efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, au terme de votre déclaration de politique générale, prenant acte de votre volonté d'appliquer au plus tôt des mesures pragmatiques répondant aux attentes des Français, les députés UMP voteront la confiance au gouvernement que vous dirigez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste.

M. François Hollande. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, la France est en état de défiance.

Ce n'est pas un mouvement d'humeur. C'est un moment exceptionnel, comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le Premier ministre : c'est tout simplement une crise.

Cette crise est générale : politique, économique, sociale, morale. Cette crise est profonde. Le référendum du 29 mai en a montré la gravité. Elle interpelle directement le pouvoir. Car la responsabilité est d'abord celle du chef de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Tout à fait !

M. François Hollande. Élu il y a dix ans sur le thème de la fracture sociale, il l'a laissée s'élargir jusqu'au point de rupture. Réélu il y a trois ans avec les voix de tous les républicains pour faire barrage à l'extrême droite, il a manqué à son premier engagement : alors que le vote devait « l'obliger » - c'était son mot -, il a installé Jean-Pierre Raffarin à la tête d'un gouvernement dont la politique eut pour seul but d'effacer celle du gouvernement précédent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Au lieu de rassembler, il a divisé. Au lieu d'apaiser, il a ouvert des fronts.

Ce même pouvoir a ignoré tous les avertissements, toutes les manifestations, toutes les protestations, prétendant que la rue n'était dédiée qu'à la circulation. Enseignants, chercheurs, lycéens, salariés du secteur privé comme du public se sont sentis légitimement floués.

Mais l'exécutif est également resté insensible au verdict des urnes. Quand, après le triple désaveu électoral du printemps 2004, le Président de la République a maintenu votre prédécesseur, tout en promettant, comme il le fait aujourd'hui, avec les mêmes mots, une inflexion, une impulsion nouvelle, le chef de l'État a pris la grave responsabilité de mettre le pays en divorce avec ses gouvernants. L'Europe vient d'en faire injustement les frais.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est à cause de Fabius !

M. François Hollande. Devant cette crise, Jacques Chirac a fait son choix : celui, pour ne rien changer, de ne changer que le Premier ministre. Vous êtes donc là, monsieur le Premier ministre, devant la représentation nationale, avec le même gouvernement que celui de votre prédécesseur, avec les mêmes hommes et moins de femmes, et avec le président de l'UMP en plus, sans que l'on sache lequel de vous deux est le véritable chef de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et Fabius !

M. François Hollande. Vous vous présentez comme porteur d'une nouvelle ambition, (« Fabius ! Fabius » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) d'une nouvelle impulsion, d'une nouvelle mobilisation. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) Mais ces mots sont usés jusqu'à la corde, tant ils ont été employés depuis trois ans. Vous incarnez en fait la continuité, non seulement celle des personnes, mais celle des politiques. Votre premier problème, c'est que vous héritez de vous-même. Vous êtes le légataire de votre propre passif. Je ne parle pas simplement des lois que vous jugez plus sages de reporter ou de différer. Il en est ainsi de la loi Fillon, qui devait être la grande affaire du quinquennat, et qui est mise au rebut (« Faux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) après avait été essorée, il est vrai, par le Conseil constitutionnel. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mais je veux parler surtout de la grave déprime économique et sociale qui frappe notre pays. La croissance, vous l'avez jugé vous-même, est en berne : elle ne dépassera pas 1,5 % au lieu des 2,5 % qui avaient été imprudemment annoncés par votre ministre de l'intérieur quand il était ministre des finances. Le nombre de chômeurs s'est accru de plus de 230 000 en trois ans. Le taux de chômage des jeunes dépasse 25 %. En trois ans, 60 000 emplois ont été détruits. La précarité s'est aggravée : le nombre de RMIstes s'élève aujourd'hui à 1,2 million ; 70 % des embauches se font en CDD. Les inégalités se creusent jusqu'à la provocation : les patrons du CAC 40 annoncent leur propre augmentation par voie de presse en appelant leurs salariés à la modération. Et que dire de ceux qui s'octroient des retraites qui représentent plusieurs siècles du salaire d'un smicard. Voilà la réalité de la société d'aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

C'est aussi ce climat-là, lié à des comportements personnels au sommet de l'État, qui a fait le résultat du 29 mai.

M. Francis Delattre. Non, c'est Fabius ! En quoi sommes-nous concernés ?

M. François Hollande. C'est cette souffrance-là qui mine les ressorts d'une reprise économique.

Convenez-en, monsieur le Premier ministre, le pays n'est pas simplement dans une impasse économique, un désarroi social : il vit à découvert. Vous en avez fait vous-même l'aveu, en reconnaissant que vos marges de manœuvre étaient limitées, voire faibles. En effet, la dette publique dépasse 65 % de la richesse nationale. (« La faute à qui ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le déficit de l'État est aujourd'hui réduit à coups d'expédients. Le déficit de la sécurité sociale dépasse quinze milliards d'euros par an, et la dette sociale ne cesse de s'alourdir. Quant à l'UNEDIC, ses déficits cumulés mettent ce régime au bord de la faillite.

C'est cette somme d'échecs qui fonde la méfiance et le doute à l'égard des annonces d'aujourd'hui.

Vous nous dites, monsieur le Premier ministre, vouloir mener « la bataille de l'emploi », lui consacrer toutes vos forces et toute l'énergie du pays, en faire votre première priorité. C'est donc qu'elle ne l'était pas jusqu'à présent.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !

M. François Hollande. Cruelle sentence pour votre prédécesseur, et donc pour votre gouvernement !

De ce volontarisme affiché, de faire de l'emploi la première priorité, nul ne saurait vous tenir grief : c'est une obligation, tant sont grandes non seulement l'attente, mais plus grave, la désespérance de nos concitoyens. Mais c'est vous qui en portez la responsabilité : c'est vous qui avez cassé la croissance ! (« Non ! Ce sont les 35 heures ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est vous qui avez remis en cause les emplois-jeunes, les 35 heures, les dispositifs en faveur des chômeurs de longue durée. C'est de ce constat que vous êtes obligé de partir pour annoncer des dispositions nouvelles.

M. Michel Herbillon. Ce n'est pas un constat, c'est une caricature !

M. François Hollande. Mais vous oubliez la relance de la croissance : elle ne figure dans aucune de vos annonces d'aujourd'hui.

Vous oubliez surtout de nous proposer des solutions nouvelles. Vous vous contentez de sortir la panoplie habituelle, en y ajoutant la méthode la plus détestable.

Vous annoncez d'abord des mesures qui existent déjà. Vous rappelez les mesures de la loi Borloo. En ce qui concerne l'apprentissage, nous croyions que c'était déjà fait. Le chèque emploi-service a déjà été voté. Le contrat d'avenir était, paraît-il, déjà en place. Voilà pour vos premières annonces : elles se résument à rappeler ce qui existe déjà.

À cela s'ajoute un catalogue des dispositions de bon sens. Nous apprenons aujourd'hui que l'ANPE va recevoir et accompagner les jeunes sans emploi.

M. Robert Lamy. Vous ne l'aviez pas fait !

M. François Hollande. Ce n'était pas déjà le cas ? C'est bien le moins que les missions locales de l'ANPE reçoivent ces jeunes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Si depuis trois ans le dispositif pour l'emploi ne permet pas aux jeunes d'être reçus convenablement par les services de l'emploi, c'est un véritable scandale !

M. Éric Raoult. Donneur de leçons !

M. François Hollande. Il y a plus grave. Vous nous annoncez encore de nouveaux allégements de cotisations sociales au bénéfice des entreprises, alors que vous y avez déjà consacré dix-huit milliards d'euros dans le budget pour 2005 !

M. Francis Delattre. À cause des lois Aubry I et II ?

M. François Hollande. Nous pensions que le constat de telles sommes dépensées en pure perte, sans contrepartie, ni en termes d'emploi, ni en termes de salaire, vous conduirait à renoncer à ce type de mesures. Pas du tout ! Vous nous annoncez au contraire de nouvelles exonérations de cotisations sociales.

M. Francis Delattre. Vous avez fait pire !

M. François Hollande. Ce qui ne sera pas octroyé sous la forme de baisses d'impôts sur le revenu, puisque, si je vous ai bien compris, cette promesse-là a été abandonnée en chemin, sera affecté sous la forme de baisses de cotisations sociales. Si l'instrument diffère, c'est le même objectif qui est poursuivi, et les mêmes erreurs répétées d'année en année depuis 2002. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais vous reprenez aussi les vielles recettes patronales. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je suis désolé de vous le rappeler, mais cette affaire des seuils traduit une demande patronale qui existe depuis des décennies.

M. Henri Emmanuelli. Au moins vingt ans !

M. François Hollande. Et voilà qu'au nom d'une politique de l'emploi, vous nous la ressortez, en en faisant l'alpha et l'oméga de votre politique. Cela sera coûteux pour les finances publiques et déplorable pour la démocratie sociale.

M. Jean-Paul Charié. C'est dans l'intérêt des salariés !

M. François Hollande. Vous abandonnez aujourd'hui le seuil de dix salariés pour un nouveau seuil de vingt salariés ? Soyez certain que le même patronat vous demandera demain de supprimer le seuil de vingt salariés, sous prétexte qu'il empêche la création d'emplois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Puis arrive cette nouvelle affaire : le « contrat nouvelle embauche ». Le nom est mal choisi, ce contrat devrait plutôt s'appeler « contrat nouvelle précarité ». (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet, alors que le contrat à durée indéterminée devrait être le droit commun, on nous annonce un contrat d'essai de deux ans. Je pensais qu'un tel contrat devait être réservé aux Premiers ministres ! Mais non : il est généralisé à l'ensemble du salariat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Cette formule n'est rien d'autre que la reprise du contrat de mission, qui est elle aussi une vielle demande du MEDEF. Désormais on sera embauché seulement pour deux ans.

M. Alain Gest. Cinq ans pour les contrats jeunes !

M. François Hollande. Et si l'essai a été concluant, et si le salarié n'est pas trop coûteux,...

M. Jean-Pierre Brard. Et s'il est docile !

M. François Hollande. ...alors il pourra enfin accéder au contrat à durée indéterminée.

Vous dites que vous vous êtes inspiré de modèles étrangers associant flexibilité et sécurité. Vous avez certes retenu la flexibilité, mais sans aucune contrepartie en termes de sécurité professionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

J'en arrive à la méthode. Force est de constater qu'au-delà du groupe que je représente aujourd'hui, la méthode est détestable pour le Parlement. Sur les questions essentielles de l'emploi et de la lutte contre le chômage, vous annoncez que vous allez recourir à la procédure des ordonnances, c'est-à-dire au dessaisissement du Parlement, renoncer à la confrontation démocratique et au débat serein. Mais votre propre majorité devrait s'insurger contre une telle façon de faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mais le Parlement n'est pas le seul à être floué. L'est aussi l'ensemble des partenaires sociaux, qui apprennent aujourd'hui qu'il n'y aura ni dialogue, ni concertation. Ce seront les ordonnances, et elles seules, qui feront la politique de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et les lois Aubry ?

M. François Hollande. Je dois ici lancer un avertissement. Si vous deviez, à travers ces ordonnances, toucher au droit du travail, au code du travail, vous prendriez, monsieur le Premier ministre, un risque considérable avec le pays. Vous connaissez aujourd'hui l'état d'esprit du peuple français. Vous savez quelle est son niveau d'exaspération et de colère. Si vous décidez de toucher par ordonnances au code du travail, vous prenez la responsabilité d'ouvrir à la rentrée un conflit avec le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Arnaud Montebourg. Cela précipitera la chute du Gouvernement !

M. François Hollande. Bien entendu, mesdames, messieurs, par rapport à de telles annonces, le parti socialiste propose une tout autre orientation. (« Les vôtres ou celles de Fabius ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il ne s'agit pas de dresser un catalogue de mesures ponctuelles. Il s'agit de proposer aux Français un pacte durable et clair. D'abord, un pacte social, car si l'on veut réduire le chômage, relancer la croissance, trouver les compromis nécessaires, il n'y a pas d'autre méthode que d'ouvrir une grande négociation avec les partenaires sociaux sur l'emploi, sur les salaires, sur le pouvoir d'achat, sur l'insertion des jeunes, sur le travail des seniors. C'est cela le compromis social où chacun prend, comme vous l'avez dit, monsieur le Premier ministre, ses responsabilités. Mais cela suppose que l'État lui-même prenne des décisions et réoriente la politique économique.

La première décision à prendre si on veut relancer la croissance - et c'est urgent -, c'est d'augmenter dès à présent le pouvoir d'achat des familles.

M. Gérard Hamel. Démago !

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. François Hollande. Plutôt que d'accorder de nouvelles exonérations de cotisations sociales, l'urgence était d'augmenter l'allocation de rentrée scolaire et la prime pour l'emploi. Voilà ce qui aurait soutenu la consommation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Deuxièmement, plutôt que d'abaisser encore les cotisations sociales, il aurait mieux valu refondre l'ensemble du système, qui a un coût exorbitant aujourd'hui et qui est sans effet sur l'emploi dès lors que les exonérations n'ont pas pour contreparties des embauches ou des augmentations de salaire. Nous proposons d'élargir l'assiette des cotisations sociales à l'ensemble de la richesse produite. Nous proposons également que les taux des cotisations soient modulables selon la nature des contrats de travail et qu'elles soient moins fortes quand le contrat de travail est à durée indéterminée (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) que lorsqu'il est à durée déterminée ou un contrat précaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Enfin, et là aussi il y a urgence, il faut revenir sur la multiplication des dispositifs de contrats aidés car plus personne ne comprend quelque chose à votre politique de l'emploi : combien de contrats aujourd'hui sont proposés aux associations, aux collectivités locales, aux entreprises, pour les chômeurs de longue durée, pour les jeunes ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous, nous proposons un contrat unique pour la réinsertion des chômeurs de longue durée. C'est une formule simple pour les associations, pour les collectivités locales. Qu'on en finisse avec l'opacité et avec la complexité qui empêchent, en définitive, le succès d'une politique de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

S'agissant de la préparation de l'avenir, monsieur le Premier ministre, vous en êtes resté à des généralités. Aujourd'hui, ce qui est demandé, ce sont des engagements budgétaires clairs : augmenter de 50 % les moyens affectés à la recherche d'ici la fin de la législature (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), faire de l'éducation la priorité durant ce qui vous reste de mandat - en tout cas, ce sera la nôtre ! Parce que s'il n'y a pas une Éducation nationale confiante en elle-même, soucieuse de favoriser l'égalité des chances dont vous avez parlé, alors il n'y a pas de préparation de l'avenir. Qu'on soit bien conscient que, dans la mondialisation, la seule riposte, la seule stratégie pour la France, ce n'est pas d'abaisser sa protection sociale, de niveler les salaires, c'est de faire le pari de l'excellence, de l'investissement technologique,...

M. Yves Bur. Des mots !

M. François Hollande. ...de l'industrie, de la recherche et de l'innovation. Ce ne sont pas des mots pour moi ! Ce devrait être des actes budgétaires dans vos choix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Autre proposition que je veux faire ici, car vous avez fait le constat, à juste raison, d'une fracture territoriale qui est apparue dans le référendum du 29 mai : si l'on veut assurer la cohésion des territoires, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas coupure entre la ruralité et les métropoles, faisons un contrat entre l'État et les collectivités locales, assurant la préservation des services publics, la stabilité des ressources pour les collectivités locales, mais également la réforme de la fiscalité locale, la clarification des compétences et la remise en cause du transfert des personnels aux collectivités locales. Celles-ci ne veulent pas de ces personnels parce qu'ils appartiennent aux services publics de l'État et non aux services publics des départements ou des régions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, si l'on veut donner confiance au pays, il faut restaurer un pacte républicain. Ce n'est pas un problème de démocratie. Celle-ci a démontré sa vitalité ces derniers jours.

M. Alain Gest. Au sein du PS ?

M. François Hollande. C'est un problème d'institutions. Le pouvoir est concentré dans les mains d'un seul homme pour cinq ans. Le principe d'irresponsabilité est érigé, convenons-en, en méthode de gouvernement. Les droits du Parlement - nous en avons encore eu une illustration aujourd'hui - sont limités, par l'exercice du fait majoritaire sans doute, mais aussi par les procédures. Les droits de l'opposition pour contrôler l'exécutif, malgré les efforts qui sont engagés, sont réduits à peau de chagrin. Dès lors, prenons-en conscience les uns et les autres puisque nous avons été alternativement dans l'opposition et dans la majorité, les citoyens n'ont plus confiance dans les règles de notre vie en commun, et ce qui devrait être la sanction légitime d'une majorité peut devenir la sanction de l'ensemble de la politique.

M. Jean-Claude Thomas. Et les sanctions au PS ?

M. François Hollande. Le renouveau ne peut venir que de l'affirmation d'un véritable pouvoir du Parlement, de la restauration de sa fonction législative, encore écornée aujourd'hui, comme de sa fonction de contrôle de l'exécutif, du changement des règles de nomination des membres des plus hautes instances de la République, d'une redéfinition des compétences et de la responsabilité du Chef de l'État parce que c'est elle qui, aujourd'hui, est en cause.

Voilà ce que le pays attend : non pas un discours de plus face à une crise de cette importance mais une autre politique, fondée sur la volonté - car elle doit être là -, sur la vérité - car elle doit être dite - et sur la solidarité - car elle doit être faite. Convenons que cette politique n'est pas là aujourd'hui, pas plus s'agissant de l'Europe, aujourd'hui en crise. Le risque, c'est le délitement des acquis communautaires et la fin de l'Europe politique. La France a l'occasion d'envoyer un signe fort de confiance dans la construction européenne : le déplafonnement du budget européen. Avec les limites actuelles, chacun sait que l'Europe ne pourra financer ni ses politiques structurelles agricoles ou territoriales, ni l'élargissement, pas davantage les dépenses à venir. Monsieur le Premier ministre, notre pays ne peut pas s'en tenir à sa position actuelle. Nous avons le devoir de débloquer le processus en acceptant le déplafonnement du budget européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Vous en portez la responsabilité.

M. Jean-Michel Ferrand. Que ne l'avez-vous fait ?

M. François Hollande. Je termine en disant que, monsieur le Premier ministre, vous venez chercher ici une confiance que vous trouverez auprès de vos amis, mais que vous ne trouverez pas dans le pays. Il n'y a pas de confiance sans cohérence, sans vision, sans projet. Le vôtre est faussement social et confusément libéral. Vous évoquez « un moment exceptionnel », mais vous faites finalement un discours ordinaire.

M. Jean-Marc Ayrault. Eh oui !

M. François Hollande. Il n'y a pas de confiance sans justice. Or vous poursuivez une politique qui fait de la redistribution à rebours, qui avantage les plus favorisés et, hélas !, décourage les plus modestes. Enfin, il n'y a pas de confiance sans respect : respect des Français et de leurs aspirations, respect du Parlement et de l'opposition, respect aussi des règles de la République.

M. Xavier de Roux. Blablabla !

M. François Hollande. Voir le ministre de l'intérieur être aussi président de l'UMP, alors même qu'il est en charge de la préparation des élections, c'est inédit sous la Ve République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et que dire du climat de soupçon qui s'introduit dans votre propre gouvernement quand votre ministre de l'intérieur s'inquiète des enquêtes qui seraient diligentées sur lui dans sa propre administration ?

M. Robert Lamy. Et les écoutes ?

M. François Hollande. Comme si le Gouvernement n'avait pas confiance en lui-même ! Comme s'il y avait des doutes sur les actions de tel ou tel au sein du Gouvernement ! Mais dans quelle République est-on ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Arnaud Montebourg. Une République bananière !

M. François Hollande. Comment voulez-vous donner confiance aux Français quand vous n'avez même pas confiance en vous-même ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le Premier ministre, vos qualités personnelles ne sont pas en cause (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), votre attachement au service de la France non plus. (Mêmes mouvements.) Mais je dois faire un constat : vous êtes le produit d'un système en place depuis plus de dix ans et qui est aujourd'hui en fin de règne. (« C'est vous qui l'êtes ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous êtes l'illustration d'un mécanisme politique fondé sur l'irresponsabilité. Vous n'avez pas la confiance du pays. Vous n'aurez donc pas la nôtre. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste, dont de nombreux membres se lèvent.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Fabius debout !

M. le président. La parole est à M. François Bayrou, pour le groupe UDF.

M. François Bayrou. Monsieur le Premier ministre, il y a un texte magnifique d'Aragon (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), c'est la préface à la Diane Française,...

M. Jean-Pierre Brard. Exactement !

M. François Bayrou. ...qui commence ainsi : « Mon pays, mon pays, a des mares où je lis le malheur des temps ».

M. Christian Paul. C'est un pavé dans la mare !

M. François Bayrou. Ce qui s'est passé le dimanche 29 mai, bien des indices nous permettaient de le lire, depuis longtemps. Le 29 mai, il y a eu deux cibles, toutes deux atteintes de plein fouet : l'Europe et les prétendues « élites » politiques ,...

M. Christian Paul. Vous en êtes !

M. François Bayrou. ...économiques, médiatiques, prises dans la même tourmente, dans le même tourment.

M. Henri Emmanuelli. Avec Bayrou !

M. François Bayrou. Ainsi, ce que nous avions de plus précieux est devenu bon à dérision, bon à démolir.

Les dégâts sont considérables. Ce qui est frappant, c'est qu'ils sont plus graves encore que les plus pessimistes d'entre nous ne pouvaient l'imaginer. C'est vite fait d'abattre un arbre. C'est long, difficile, et cela demande infiniment plus de soins et de soucis d'en faire pousser un autre.

M. Jean-Pierre Brard. Ça, c'est banal !

M. François Bayrou. Le « non » français a fait flamber le « non » hollandais, qui n'en demandait pas davantage. Et les deux « non » ont offert à M. Blair l'occasion qu'il attendait pour éviter d'avoir à poser au peuple britannique la question qui le tourmentait depuis si longtemps : « êtes-vous dedans ou dehors ? »

M. Francis Delattre. Parole d'expert !

M. Jean-Pierre Brard. Et le « non » reste invariable !

M. François Bayrou. Immédiatement, on a entendu des voix néerlandaises, allemandes, s'élever pour remettre en cause le financement de l'Union, pour demander des chèques et des rabais, dont les victimes sont déjà désignées : la politique agricole commune, la politique régionale, la politique de recherche. À la clé, il y a la renationalisation de ces politiques, notamment la politique agricole. L'Europe a commencé ainsi de glisser sur le toboggan...

Il n'a pas fallu vingt-quatre heures pour que la Chine annonce qu'elle abandonnait toute maîtrise de ses exportations textiles. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il n'a pas fallu deux jours pour que l'euro soit attaqué. Il n'a pas fallu quatre jours pour que des voix, d'abord isolées - c'est toujours le cas au début -, commencent à se faire entendre en Italie, en Allemagne, pour demander que l'on renonce à l'euro et à ses disciplines...

M. Jean-Pierre Brard. C'est pas vrai !

M. François Bayrou. ...afin de pouvoir à nouveau dévaluer en toute liberté. Je comprends que vous soyez gêné, monsieur Emmanuelli. Je le serai aussi à votre place. Ce n'est pas une raison pour empêcher de parler ceux qui s'expriment. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Henri Emmanuelli. Mais je n'ai rien dit !

M. le président. Monsieur Emmanuelli !

M. Francis Delattre. Il faut renvoyer Emmanuelli chez Rothschild !

M. Gilbert Biessy. Le peuple a parlé, monsieur Bayrou !

M. François Bayrou. Naturellement, tous ceux qui prétendaient, la main sur le cœur et la parole sucrée, qu'il existait un plan B (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste), qu'on allait renégocier, qu'on aurait une Europe plus démocratique et plus sociale, sont aujourd'hui silencieux et ils se font le plus discrets possible.

M. Henri Emmanuelli. Quel manque d'imagination !

M. François Bayrou. Tout le terrain gagné péniblement, à force de volonté et d'imagination pragmatique, menace d'être perdu. L'arbre est par terre ; il avait sa taille et sa force, et ce sont les Français, notre peuple, qui ont manié la tronçonneuse.

Mais les militants européens ne se découragent jamais. Ils savent qu'il va falloir planter un nouvel arbre. Après tout, il a fallu trois ans entre l'échec de la CED et le traité de Rome ! Des propositions se préparent ; elles diront toutes la même chose. Elles diront qu'il n'y a pas d'alternative à l'Europe, qu'il s'agit non pas d'une option parmi d'autres mais d'une nécessité vitale, que sans Europe un pays comme le nôtre ne se trouverait pas promu mais réduit, que l'Europe est en mouvement vers sa dimension politique et que la politique, ce sont deux choses : des règles qui rendent l'ensemble gouvernable et le lien des gouvernants avec le peuple.

Peut-on penser ces exigences plus simplement, plus directement, plus droit que cela ne fut fait dans les dernières années ? Je le crois, mais il y faudra beaucoup de vision et de foi européennes.

Commence donc à nouveau le temps des reconstructeurs.

Je parlais de l'arbre et de ceux qui l'ont abattu. Fallait-il qu'il soit mal, le peuple français, pour foncer ainsi dans une colère sans précédent. Fallait-il qu'il soit mal et qu'on ne l'ait pas entendu. Et pourtant, il a parlé, et souvent.

Il a parlé en 1995, et, à l'époque, Jacques Chirac avait bien senti ce malaise, lorsqu'il bâtit sa campagne sur la fracture sociale.

Il a parlé en 1997, lors de la dissolution que, paraît-il, vous avez voulue, monsieur le Premier ministre.

Il a parlé en 2002, lors du 21 avril, en évinçant M. Jospin du deuxième tour.

Il a parlé aux régionales, il a parlé aux européennes.

Et cette fois, il a sonné le tocsin, l'alarme générale, dans une sorte d'insurrection des urnes.

Bureau de vote par bureau de vote - vous avez derrière vous 577 experts électoraux qui l'ont vérifié, chacun dans son territoire -, jamais vote, hélas, ne fut plus facile à déchiffrer. (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Il y a deux France et elles dérivent de plus en plus loin l'une de l'autre : celle de ceux qui se sentent bien, ouverte, souvent diplômée, urbaine, celle de ceux qui ont une situation, un logement,...

M. Maxime Gremetz. Image d'Épinal !

M. François Bayrou. ...qui vivent le temps comme une chance, le monde comme une opportunité nouvelle ; et celle de ceux qui se sentent mal, celle des bas salaires, du chômage, de l'exclusion, celle des commerces qui ne s'en tirent pas, de l'artisanat, la France rurale,...

M. Henri Emmanuelli. La France active !

M. François Bayrou. ...la France des banlieues, celle de la fonction publique, la France qui se sent assiégée,...

M. Maxime Gremetz. La France des jeunes !

M. François Bayrou. ...qui a le sentiment que son temps s'achève, que le monde est dressé contre elle,...

M. Maxime Gremetz. La France des personnes âgées !

M. François Bayrou. ... la France des jeunes, à l'unisson de la partie la plus inquiète du pays - cette France, devant son écran de télévision, ne perçoit que l'indifférence des puissants.

Quand un pays, avec un tel taux de participation, lève une telle vague de refus, il faut qu'il entende une réponse.

Bien sûr, la situation était très difficile. Après un tel refus, il y avait un impérieux besoin à la fois de rupture et de cohérence. Or, vous avoir nommé à l'hôtel Matignon,...

M. Henri Emmanuelli. Est une aberration !

M. François Bayrou. ...c'était forcément choisir la continuité. Vous êtes le plus proche collaborateur du Président de la République depuis dix ans. Et vous êtes un des deux piliers, avec Nicolas Sarkozy, des trois gouvernements précédents. Peut-on sortir du système avec ceux qui l'ont fait ? Je ne le crois pas. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Et que dire de la cohérence d'un gouvernement bicéphale, organisant la cohabitation en son sein ? Peut-on bâtir un gouvernement autour d'une telle rivalité, de personnes et de visions, à quelques mois d'une élection majeure ? Je ne le crois pas davantage. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. Ce sont des attaques personnelles !

Mme Christine Boutin. C'est petit !

M. François Bayrou. Mes chers collègues, les choix d'hommes sont des choix d'orientations et si vous ne voyez pas ce que suppose cette nomination par le Président de la République, alors nous ne voyons pas la même chose !

Il fallait une rupture sur les institutions. La Ve République, modèle Mitterrand-Chirac,...

M. Henri Emmanuelli. Vous oubliez Giscard !

M. François Bayrou. ...est à bout de souffle. Sa représentativité est dérisoire. À chaque élection, moins de 20 % du pays occupent les trois cinquièmes des bancs de cette assemblée. Son instabilité est chronique : nous sommes le seul pays d'Europe qui change de majorité radicalement à chaque élection,...

Mme Christine Boutin. C'est toi qui as voulu le quinquennat !

M. François Bayrou. ...comme un bateau ivre qui roule d'un bord sur l'autre, en menaçant, chaque fois un peu plus, de se renverser. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et le Parlement, qui n'est même pas maître de son ordre du jour, qui ne peut même pas se saisir des sujets les plus graves, n'organise pas le débat de la nation. Or la majorité vient d'applaudir, à tout rompre, les ordonnances qui ne sont pas autre chose que le dessaisissement du Parlement dans l'examen des lois les plus fondamentales qu'il ait à étudier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Comme il n'y a pas d'équilibre des pouvoirs pour les ramener à la réalité, les pouvoirs deviennent sourds, et ce sont les jeux de cour qui prennent le dessus.

M. Jean Marsaudon. Ces propos sont scandaleux !

M. François Bayrou. Monsieur le Premier ministre, vous êtes mieux placé que quiconque pour le savoir car c'est vous qui en avez joué, en expert, au service du Président de la République et c'est vous qui avez décrit ce système dans un de vos livres, lucide et un peu cynique, en le qualifiant de « système aulique », adjectif qui vient du latin aula, qui signifie la cour. C'est un système de cour.

C'est tout cela qui creuse le fossé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les apparences du pouvoir, le ballet des limousines ! (Protestations sur les mêmes bancs, puis huées.)

M. Jean Marsaudon. Démago !

M. François Bayrou. Mes chers collègues, si vous ne le croyez pas, rentrez dans votre circonscription et demandez à ceux qui, dans ces périodes, regardent la télévision !

La langue du pouvoir aussi, et les chaises musicales ! Et le cumul des mandats, annoncé comme forclos.

On dit beaucoup de mal, ces temps-ci, du libéralisme. On ferait bien de ne pas oublier les penseurs libéraux, les penseurs du libéralisme politique. Ils ont créé la démocratie, en pensant la séparation et l'équilibre des pouvoirs, la représentation des citoyens et l'impartialité de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Henri Emmanuelli. Ils étaient contre le suffrage universel !

M. François Bayrou. Je ne parlerai pas davantage aujourd'hui de l'impartialité de l'État, qui exigerait un débat particulier, en présence du ministre de l'intérieur.

Tout cela est aujourd'hui discuté et soupçonné.

En face de cela, vous avez choisi les cent jours et la priorité à l'emploi. Ces deux formules nous inspirent une immense réserve.

Je ne crois pas à une politique qui dit, une fois de plus : « politique d'urgence pour l'emploi ». Car nous devrions être vaccinés !

Avril 1977 : premier pacte national pour l'emploi. Septembre 1981 : plan Mauroy d'exception pour l'emploi. Septembre 1990 : plan Rocard de priorité absolue à l'emploi. Juin 1995 : plan Juppé de « mobilisation générale » pour l'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Christine Boutin. Tu étais au gouvernement !

M. François Bayrou. J'étais en effet membre du gouvernement. Et on annonçait - je vais vous rappeler des souvenirs car ce sont des faits - que les préfets seraient évalués . Jacques Chirac, nouveau Président de la République, leur disait : « Sachez que je serai très attentif aux résultats de chacun d'entre vous, sachez que votre réussite sur l'emploi, dans votre département, sera le critère absolument essentiel d'appréciation de votre mérite et donc de sa reconnaissance ». Et le 25 septembre 2003, Jean-Pierre Raffarin déclarait à la télévision : « Désormais, la bataille pour l'emploi sera la priorité nationale. » Il ajoutait : « Dans le nouveau plan, la clé de tous les arbitrages a été l'emploi. » Le 31 décembre, Jacques Chirac, dans ses vœux à la nation, s'exclamait : « Je vous annonce une grande loi de mobilisation pour l'emploi. »

Et les réponses sont toujours les mêmes : il y a eu le contrat de retour à l'emploi, puis le contrat initiative-emploi ; et puis le contrat d'avenir, et dix autres du même acabit. J'en passe et des meilleures !

En réalité, à nos yeux, l'emploi est non pas une politique particulière, mais une résultante, et le pouvoir d'achat l'est aussi.

C'est donc la perspective d'ensemble qu'il faut changer.

Pour montrer que tout se tient, je veux évoquer en quelques mots les trois piliers sur lesquels repose une politique alternative et qui ont pour nom refondation sociale, refondation de la fiscalité, refondation de l'État. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous avez reçu, hier, monsieur le Premier ministre, les partenaires sociaux, comme on prétend en France faire de la concertation. Vous les avez reçus moins d'une heure chacun, sans rien leur dire, comme un Sphinx ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette seule attitude dit le décalage avec la réalité.

L'idée que l'État seul, en la personne du Premier ministre, pourrait, en quelques heures, concevoir un plan génial qui rétablirait en cent jours l'emploi et la confiance du pays, cette idée appartient à un temps révolu, le temps d'un pays aux frontières fermées et au pouvoir jacobin.

Notre pays, notre monde, les métiers, les attentes des consommateurs, les marchés, sont si divers que le jacobinisme que vous illustrez jusqu'au lyrisme n'est plus de saison. C'est en bas que seront prises les meilleures décisions d'adaptation de notre pays, non pas dans un plan solitaire et lyrique, mais dans la légitimité de ceux qui savent et connaissent. Plus on fera appel aux partenaires sociaux, plus les décisions seront légitimes et justes.

Mais tout se tient, et dès lors se pose aussi la question de la légitimité de ceux qui représentent travailleurs et entreprises.

Sans refondation sociale, pas de décisions justes. Et pas de nouvelle croissance, sans une refonte de la fiscalité.

M. Jean-Pierre Brard. Ça, ce n'est pas de vous !

M. François Bayrou. On voit bien qu'on a deux besoins aussi exigeants l'un que l'autre : garantir des conditions de vie décentes, qui sont un droit, à tous ceux qui traversent des difficultés et, en même temps, favoriser la création, en aidant le créateur d'entreprise, l'inventeur, le chercheur, ceux qui sont les éclaireurs et les défricheurs de notre temps.

Avec notre fiscalité bloquée - les yeux braqués sur la baisse du seul impôt sur le revenu, comme cela a été, avant votre annonce, uniquement le cas ces dernières années - et concentrée, en réalité, sur la seule partie la plus avantagée de la population, rien ne changera, en fait, dans le paysage français.

Sans réforme fiscale, pas de nouvelle croissance, pas de justice établie.

Enfin, sans réforme de l'État, perdureront la multiplication des blocages divers et variés, la paperasse, le casse-tête, le sentiment des citoyens d'être laminés par des administrations toujours multiples et qui ne les comprennent pas, conduisant à l'épuisement de l'énergie nationale.

Et sans réforme de l'État, pas de naissance de ces pôles de créativité - universités, recherche, entreprises confirmées, entreprises naissantes - dont Christian Blanc nous a appris qu'on devait les nommer « clusters », ce qui veut dire essaims, ou grappes, ou bouquets, ce qui évoque « différents » et « ensemble », et qui suppose un changement profond du mode de gouvernement des collectivités locales ou des universités.

C'est d'une vision nouvelle, globale dont on a besoin. Et sans cette vision, il n'y aura pas plus de justice sociale que de justice territoriale.

Nous avons vu dans le résultat du référendum l'expression dramatique de la fracture territoriale française.

M. Jean-Pierre Brard. Entre le 16e et Montreuil !

M. François Bayrou. Qu'ont-ils commis comme faute les habitants des villages et des vallées, les habitants des banlieues, pour éprouver ainsi le sentiment de l'abandon national ? On dit « adaptation », on dit « modernité ». Mais de quel manque d'adaptation se sont-ils rendus coupables pour éprouver ainsi le sentiment de l'abandon ? Ce sont eux qui ont payé le plus lourd tribut au bouleversement des temps.

M. Jean-Pierre Brard. Ils ont rendu la monnaie !

M. François Bayrou. Or ceci est crucial : pas de nouvelle croissance sans sentiment de justice ; et pas de sentiment de justice sans preuves de justice !

Et pour tout cela, que faut-il ? Il faut la légitimité d'un nouveau contrat avec le pays.

Si nous ne votons pas la confiance, monsieur le Premier ministre, c'est que nous ne ressentons pas de confiance.

Si, par extraordinaire, à nos yeux, les choses changeaient, tant mieux : tout ce que nous pourrons faire pour que les mois qui viennent soient utiles, nous le ferons. Si vous défendez de bonnes idées, nous les soutiendrons.

Mais nous ne croyons pas aux cent jours. Gilbert Cesbron a écrit autrefois un roman dont le titre dit ce que je ressens : Il est plus tard que tu ne penses. Nous croyons que la question qui est posée à notre maison République, à notre maison France, exige beaucoup plus qu'un énième plan pour l'emploi. Il ne s'agit pas de changer une ardoise ici ou là, alors que le toit est en train de céder. Il ne s'agit plus de boucher les lézardes. Il y a eu un glissement de terrain. Il faut d'urgence reconstruire la maison sur un terrain ferme. Il faut la reconstruire avec tous ceux qui le voudront, d'où qu'ils viennent, pourvu que l'on s'accorde sur le plan. Et le plus tôt sera le mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, monsieur le président, mes chers collègues, le résultat du référendum du 29 mai dernier est, à tous égards, historique. Le peuple de France, dans la lignée de 1789, du Front populaire, de la Résistance et de l'Appel du 18 juin, de la Libération et de mai et juin 1968, s'est levé en masse, a voulu se faire entendre et se faire respecter. Il a dit un non clair et majoritaire à cette aventure européenne d'un libéralisme sans rivage, univers impitoyable pour les femmes, les hommes, les jeunes d'aujourd'hui et de demain.

Tous ceux qui avaient fui depuis quelques années la politique politicienne se sont mobilisés pour faire irruption dans la politique. Le peuple a repris la main. C'est ça l'audace française ! C'est une donnée nouvelle et décisive qui ouvre un avenir nouveau pour notre pays et la construction européenne dont la solidité reposera sur la participation des peuples.

« Non », viennent de dire nos concitoyens, rejoints depuis par nos amis néerlandais. Il n'y a pas de fatalité à la fuite en avant de l'Europe, et de notre pays, dans l'ultralibéralisme le plus exacerbé, celui que prônent la Banque centrale européenne, mais aussi - du MEDEF à l'UNICE - le grand patronat (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et qui laisse dans son sillage 68 millions de pauvres, plus de 20 millions de chômeurs dont 3 millions en France.

En disant non, les Français affirment qu'il y a une autre issue pour les peuples de l'Union européenne élargie que de vivre ou survivre sous la domination écrasante des marchés financiers.

M. Gilbert Biessy. Très bien !

M. Alain Bocquet. Le capital, lui, prospère : 199 milliards d'euros de dividendes versés en 2004 aux actionnaires des entreprises européennes, soit 10 % de plus qu'en 2003 !

Non, il n'est pas écrit que les services publics et les atouts industriels et économiques les plus aboutis dont s'est doté notre pays sont voués à être démantelés, bradés au plus offrant ; ni que le haut niveau de protection sociale, le droit du travail, l'éventail des libertés civiques et démocratiques construits par des décennies de luttes doivent être jetés aux orties.

Non, l'avenir de l'Europe et de la France n'est pas dans la course au surarmement, dans la soumission à l'OTAN, dans le soutien à une vision unilatérale du monde glorifiant le « tout concurrence ».

Le résultat du référendum constitue donc une exceptionnelle victoire pour la France, l'Europe et les peuples qui en sortent grandis. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et un tournant qui fait qu'il y aura désormais un avant et un après 29 mai 2005.

Cette victoire dit qu'une autre France, une autre Europe et un autre monde sont possibles. Un tel résultat est sans prix pour toutes celles et pour tous ceux qui, dans notre pays, travaillent, créent ou souffrent et qui se rejoignent dans l'aspiration à construire une société plus juste, plus libre, et plus humaine.

Les Françaises et les Français ont placé la barre très haut. Trop haut, sans doute, pour votre gouvernement, pour les forces et les intérêts que vous représentez, et pour les orientations mises en œuvre depuis trois ans sous l'impulsion de Jacques Chirac et que vous venez de confirmer dans votre discours.

Le Président de la République n'a visiblement tenu aucun compte du message fort des Français. Absolument personne ne croit à ce gouvernement de repli UMP-UMP, dernier « petit carré » d'une droite pure et dure qui colonise l'État républicain d'une manière scandaleuse. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. C'est vrai !

M. Alain Bocquet. Au passage, il est inadmissible, antidémocratique, contraire à l'esprit républicain que le président du parti UMP - Union pour une minorité de privilégiés (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) - soit en même temps aux manettes du ministère de l'intérieur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains).

M. Richard Mallié. Quel culot !

M. Alain Bocquet. C'est l'État UMP dans toute sa splendeur. Ce régime de parti unique institutionnalisé, personne n'en veut ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Thierry Lazaro. Parlez-nous de l'État communiste, c'était tellement mieux !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Au secours ! Brejnev revient !

M. Alain Bocquet. Les Françaises et les Français en ont assez de ces institutions européennes ou nationales, obsolètes et bloquées, toisant de haut le peuple. Par leur vote, chers collègues, les Français ont désavoué le Parlement, réuni en Congrès à Versailles le 28 février dernier : ainsi, notre Constitution française n'est-elle plus constitutionnelle de par le suffrage populaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Brard. Dissolution !

M. Alain Bocquet. Cette monarchie républicaine où un seul homme décide de tout : ça suffit ! Il est urgent de refonder et de démocratiser les institutions.

M. Richard Mallié. C'est un bolchevique - un des derniers - qui ose dire cela !

M. Jean-Pierre Brard. Il faut passer à la VIRépublique !

M. Alain Bocquet. Le référendum a montré une grande soif de démocratie et de citoyenneté. Il faudra bien en tenir compte.

Monsieur le Premier ministre, je regrette que vous décidiez de gouverner par ordonnances, contre le Parlement, une fois de plus ! Au nom la démocratie, je dis que c'est inadmissible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Oui, c'est scandaleux !

M. Alain Bocquet. Vous ne tenez pas compte du souffle populaire ! Vous proposez d'allonger la période d'essai des salariés jusqu'à deux ans mais je crains fort que vous ne parveniez pas au terme de votre propre période d'essai de deux ans !

M. Maxime Gremetz. C'est même certain !

M. Alain Bocquet. La crise est profonde. C'est une véritable crise de régime. La haute finance gangrène tout, les Français en sont conscients. Ce ne sont pas vos replâtrages et « bidouillages » qui arrangeront les choses. Ni même les lectures politiciennes et insultantes du choix des Françaises et des Français auxquelles ont crû devoir se livrer nombre de commentateurs et de responsables politiques battus, amers et défaits au soir du 29 mai. Ni même le rêve caressé d'un bipartisme et d'une alternance « bon chic, bon genre », qui veut pérenniser la logique ultralibérale du système. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

« Ce qui s'est passé relève d'un phénomène de lutte des classes », écrivait récemment Bernard Brunhes dans Le Figaro. C'est bien vu.

M. Jean-Pierre Brard. Le Figaro est notre nouvel organe ! (Rires.)

M. Alain Bocquet. Le « non » est majoritaire dans toutes les catégories d'âge, hormis les plus de soixante-cinq ans. La France qui s'en sort a voté oui. La France du travail, de la création et de la jeunesse, des quartiers populaires, celle qui souffre et qui espère a voté non.

Le mouvement syndical est unanime à souligner l'urgence d'un changement de cap à tous les niveaux.

Il va falloir entendre le suffrage universel. Vous ne pourrez faire l'économie d'une révision de fond en comble, et en y associant le Parlement, des orientations européennes et nationales, totalement liées entre elles aux yeux des Français.

M. Jean-Claude Lefort. Bien sûr !

M. Alain Bocquet. Le projet de Constitution européenne ultralibéral est mort. Il faut maintenant l'enterrer ! Ceux des pays d'Europe qui suspendent ou abandonnent leur référendum savent parfaitement que la contagion progressiste du « non » gagne les peuples de l'Union européenne.

M. Maxime Gremetz. Absolument !

M. Alain Bocquet. Vouloir persister dans le processus initial, comme le recommande votre ministre des affaires étrangères, c'est conduire la France et l'Europe dans l'impasse.

Cette crise européenne peut être salutaire. Il faut en sortir par le haut, c'est-à-dire par les peuples. Il est urgent de tout remettre à plat. Et la France, forte du verdict populaire du 29 mai, s'honorerait, lors du prochain sommet des chefs d'État, de demander l'ouverture d'un nouveau chantier, pour un nouveau traité, conforme, celui-là, aux aspirations des peuples européens et du peuple français. Mettons au cœur de l'Europe l'emploi, le progrès social, le progrès humain et la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Nos concitoyens et les peuples doivent être parties prenantes de l'élaboration d'un nouveau projet européen, à partir d'une évaluation publique de l'application des traités antérieurs. Jamais un bilan de la construction européenne n'a été fait. La France doit, c'est son rôle, exiger que soit mis un terme à l'indépendance scandaleuse de la Banque centrale européenne, et qu'il soit mis un coup d'arrêt aux offensives prévues dans le cadre de l'agenda de Lisbonne : la directive sur la libéralisation accrue des services, la fameuse directive Bolkestein, ainsi que les directives sur le temps de travail ou sur l'ouverture à la concurrence des transports, notamment, doivent être retirées.

C'est aux actes que nos compatriotes jugeront si l'exécutif respecte le suffrage universel et la volonté populaire démocratiquement exprimée.

Bien évidemment, dans l'appréciation de la question qui leur était posée, les Français n'ont pas dissocié l'enjeu européen de la situation de notre pays et des politiques qui y sont conduites. L'un était dans l'autre et le reste dans la Constitution.

C'est ainsi, d'ailleurs, que, après avoir entendu le Président de la République souligner, le 26 mai, qu'il ne fallait pas « se tromper de question » et qu'il ne s'agissait pas « de dire oui ou non au Gouvernement », ils ont vu ce même Président congédier Jean-Pierre Raffarin et vous confier, monsieur le Premier ministre, les rênes du nouveau gouvernement. Voilà revenu le temps des chaises musicales et des évictions en tous genres. Voilà revenu le temps des triumvirats dont l'Empire romain décadent eut jadis le secret. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Marsaudon. Avec l'Union soviétique !

M. Jean-Pierre Brard. Un triumvirat, c'est un ménage à trois !

M. Alain Bocquet. On sait qui sont César, Pompée ou Crassus ; reste à savoir qui sera Brutus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. Claude Goasguen. Fabius !

M. Alain Bocquet. Difficile après cela, monsieur le Premier ministre, de crédibiliser l'hypothèse d'une rupture pourtant indispensable avec des choix désastreux pour notre pays, son économie et sa cohésion sociale, producteurs d'injustices et d'inégalités accrues, désavoués par nos concitoyens. Souvenez-vous des manifestations considérables de l'été 2003, de celles du 10 mars dernier. Souvenez-vous des choix rejetés dans les urnes. Souvenez-vous du double camouflet électoral du printemps 2004 et des choix finalement balayés par ce référendum.

Votre déclaration de politique générale a ses limites. Porteuse des intérêts des catégories les plus riches de nos concitoyens et du MEDEF, enfermée dans un pacte de stabilité qui ne conduit qu'à des tours de vis successifs, la politique que vous proposez a les pieds dans le béton de Maastricht. Elle ne débouche sur aucune issue, elle n'ouvre aucune perspective d'amélioration de la situation de l'immense majorité des Français, alors que, dans le même temps, douze des quarante sociétés françaises cotées au CAC 40 annoncent 32 milliards de bénéfices nets − soit autant en un semestre que pendant toute l'année 2003 − et que les salaires faramineux des PDG accompagnent les hausses exponentielles de ces profits, comme l'actualité l'a montré avec ce PDG en échec du groupe Carrefour, qui est parti en retraite anticipée avec l'équivalent de 2 815 années de SMIC !

L'argent existe donc bel et bien dans notre pays. Les moyens sont là pour engager d'autres choix, répondre aux besoins, en finir avec les gâchis qui voient les entreprises de l'industrie et des services consacrer moins de fonds à l'investissement qu'à l'actionnariat et aux banques. Près de 20 % des centaines de milliards d'euros de valeur ajoutée qu'elles produisent sont en effet affectés à des opérations de nature boursière, autant de choix de gestion qui dégradent encore plus l'économie et l'emploi, tout en creusant les déficits de l'UNEDIC et de la sécurité sociale.

Or non seulement rien n'a été entrepris en trois ans pour lutter contre ces dérives, mais elles ont été accompagnées par des politiques fiscales dont vous vous gardez bien d'annoncer la remise en cause − au contraire, vous en rajoutez −, et par l'allégement systématique des cotisations sociales patronales.

Ces allégements, multipliés par 20 en vingt ans, atteignent désormais 17 milliards d'euros sans avoir contribué à créer des emplois. « Je ne crois plus à l'efficacité des baisses de charges », confessait ces temps-ci dans la presse notre collègue Hervé Novelli, expert en libéralisme. C'est tout dire.

M. Jacques Desallangre. Si c'est lui qui le dit !

M. Alain Bocquet. Les Français vous demandent, monsieur le Premier ministre, de rompre avec ces politiques et de mettre la richesse produite au service de l'investissement, de la formation, de la recherche, de l'innovation et de la création d'emploi.

Ils vous demandent de revenir sur la liquidation des retraites et sur celle de la sécurité sociale. Ils vous demandent d'abroger la loi Fillon (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), loi d'orientation sur l'école rejetée par les parents d'élèves et les enseignants, combattue tout au long du printemps par des manifestations lycéennes...

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Manipulées !

M. Alain Bocquet. ...brutalement réprimées sous votre autorité de ministre de l'intérieur. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Dans le domaine des libertés publiques, ils vous demandent de ranger au placard la loi Perben. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ils vous demandent de revenir sur la casse des 35 heures, sur le choix d'imposer un régime d'heures supplémentaires moins payées, sur le libre usage du temps choisi laissé au patronat pour faire travailler les salariés jusqu'à 48 heures par semaine, voire plus.

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. Alain Bocquet. Ils vous demandent de revenir sur le démantèlement de la sécurité sociale et sur le plan hôpital 2007.

M. Francis Delattre. Vous, vous n'êtes même pas capables de gérer L'Humanité. Vous y pratiquez des licenciements massifs !

M. Dominique Dord. Et sur le lundi de Pentecôte, vous n'avez rien à dire, monsieur Bocquet ?

M. Alain Bocquet. La résistance autour de la suppression du lundi de Pentecôte a bien montré le rejet des dispositions prises par votre prédécesseur.

M. Dominique Dord. Ah !

M. Alain Bocquet. Ces questions renvoient au domaine de l'économie et de la création d'emplois dont le Président de la République a, une fois de plus, fait la priorité de votre action. Ce n'est pas nouveau. Le 17 mai 1995 lors de son discours d'investiture, Jacques Chirac avait déjà déclaré : « L'emploi sera ma préoccupation de tous les instants ».

Le temps des promesses jamais tenues est révolu. C'est ce que les Français ont dit le 29 mai dernier. Ils l'avaient déjà dit le 21 avril 2002. Et c'est aussi ce que traduit l'effondrement de la cote de popularité d'un Président de la République en chute libre. Tous les Premiers ministres qui s'installaient n'ont pas manqué de répéter à cette tribune, comme une antienne, la promesse de terrasser le chômage. Mais les Françaises et les Français ne croient plus aux incantations.

M. Yves Nicolin. Dans ce cas, taisez-vous !

M. Alain Bocquet. Un sondage publié ce matin indique que 8 Français sur 10 ne croient pas aux solutions que vous annoncez. Chat échaudé craint l'eau froide !

M. Yves Nicolin. Et 3 Français sur 100 votent pour le PC !

M. Alain Bocquet. Déréglementer le droit du travail, accroître les cadeaux, allégements et exonérations consentis au MEDEF, voilà l'essentiel de vos recettes. Cette cohésion sociale que vous vantez sans dégager les moyens nécessaires n'est que de la poudre aux yeux : vous précarisez au contraire l'emploi, culpabilisez les chômeurs et accommodez l'économie française au libéralisme anglo-saxon. En matière d'emploi, pourquoi ce mimétisme ? Pourquoi aller chercher des modèles ailleurs − en Grande-Bretagne, en Suède ou au Danemark − pour mieux casser notre système social en prenant pour cible le code du travail afin de répondre au rêve éveillé du MEDEF (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Maxime Gremetz. Eh oui ! Il a raison !

M. Alain Bocquet. Je sais bien qu'à l'UMP, vous êtes les supporters de l'équipe MEDEF. Quant à nous, nous sommes plutôt du côté des travailleurs et nous opposons au rêve éveillé du MEDEF, qui voudrait licencier avant même d'avoir embauché ?

L'amélioration de l'économie, de la situation des entreprises et de l'emploi passe d'abord par la revalorisation du pouvoir d'achat des ménages, principal moteur de la consommation intérieure, et donc de la croissance. Faut-il rappeler, monsieur le Premier ministre, qu'un Français sur deux gagne moins de 1 800 euros par mois, et que le nombre de RMIstes a progressé de 10 % en un an pour atteindre plus de un million ?

Il faut donc décider d'appliquer une revalorisation substantielle des salaires, des retraites, des minima sociaux et des allocations, comme celle, prioritaire, pour les personnes handicapées, que nous voulons porter au niveau du SMIC. Face à la précarité, il faut sécuriser les parcours professionnels...

M. Jean Leonetti. C'est fait !

M. Alain Bocquet. ...et mettre en œuvre une politique volontariste opposée au développement du travail à temps partiel, contraint, qui pénalise d'abord les femmes.

Il faut desserrer l'étau des marchés financiers, contrôler les aides publiques et leurs effets en termes de créations d'emplois, promouvoir un crédit bancaire sélectif adapté à cet objectif.

Vous prenez prétexte d'une absence de marge budgétaire pour régler sur le fond les attentes économiques et sociales.

M. Dominique Dord et M. Yves Nicolin. M. Bocquet a dépassé son temps de parole !

M. Alain Bocquet. Mais vous m'avez interrompu, chers collègues ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Un collectif budgétaire s'impose. Des solutions existent cependant : on peut, par exemple, revenir sur les allégements d'impôts sur le revenu bénéficiant pour l'essentiel aux plus hautes tranches, annuler la suppression progressive de la taxation sur les plus-values sur cession d'actifs financiers, restaurer le taux de l'impôt sur les sociétés.

M. Yves Nicolin. Débranchez-le !

M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, répondez à l'exigence de justice sociale et fiscale. Mettez le Gouvernement au travail sur ces différents points. Gouvernez en faveur des 16 millions de salariés et des 60 millions d'habitants de notre pays, plutôt que pour les 160 000 adhérents du MEDEF. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Deflesselles. Quelle caricature !

M. le président. Veuillez terminer, mon cher collègue.

M. Alain Bocquet. Je termine, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Laissez M. Bocquet terminer !

M. Alain Bocquet. À vous écouter, monsieur le Premier ministre, cela paraît pourtant d'autant plus inéluctable que vous ne remettez pas en cause la privatisation des entreprises publiques, ni la casse des services publics, ni la réduction de l'emploi public que les forces qui soutiennent votre action ne font pas mystère de vouloir saigner à blanc.

Vous premier acte de chef de gouvernement est tout à fait symbolique − et vous venez de le confirmer dans votre discours −, qui met sur le marché 6 à 8 % du capital de France Télécom.

M. Jacques Desallangre. Bon début !

M. Alain Bocquet. Cela s'apparente à un mépris total du message lancé par les Français dans les urnes.

Aujourd'hui, dans notre pays, l'exigence de changement ne cesse de se renforcer. Elle est quotidienne. Elle frappe, inexorable et croissante, les hautes falaises de l'injustice sociale qui l'entourent de toutes parts. Elle vient d'abattre celle d'une Constitution qui se promettait d'imposer un carcan supplémentaire − et pour cinquante ans au moins −, aux peuples de France et d'Europe.

Monsieur le Premier ministre, vous n'aurez pas notre confiance, c'est évident. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. C'est un scoop !

M. Alain Bocquet. Notre confiance va aux Françaises et aux Français qui, dans la diversité de leurs sensibilités et forts de leur expérience, contestent pied à pied l'injustice du système et des forces que vous représentez, et se mobilisent dans les luttes et dans les urnes en faveur du changement dont notre pays a le plus urgent besoin. L'espoir d'une autre société plus juste, plus humaine et plus fraternelle grandit, une société qui permette l'accès de tous au travail, au logement, à la culture, à un cadre de vie digne de notre époque.

M. Francis Delattre. Même Besancenot est meilleur !

M. Dominique Dord. Rendez-nous Georges Marchais !

M. Alain Bocquet. Les députés communistes et républicains seront à la proue de la construction de ce vaste rassemblement populaire, porteur de la transformation sociale et politique qu'attend notre pays, où les valeurs humaines passeront enfin avant les valeurs boursières. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Le débat est clos

La parole est à M. le Premier ministre.

M. le Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, il est un premier point sur lequel nous sommes tous d'accord : nous devons entendre le message des Françaises et des Français.

M. Jean-Pierre Brard. Alors branchez votre sonotone, monsieur le Premier ministre ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le Premier ministre. Mon exigence, c'est l'action et les résultats. L'objectif de mon gouvernement n'est donc pas d'appliquer tel ou tel modèle, de trancher en faveur de telle ou telle catégorie sociale, de suivre une voie plutôt qu'une autre. Il est de répondre concrètement aux problèmes de tous les Français (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), de ceux qui se sentent fragiles comme de ceux qui ont confiance en l'avenir, de ceux qui aspirent à plus de protection comme de ceux qui veulent entreprendre.

M. Xavier de Roux. Très bien !

M. le Premier ministre. L'autre point sur lequel nous sommes tous d'accord, c'est l'urgence. C'est pourquoi je vous ai proposé des mesures simples, propres à porter rapidement leurs fruits.

La gravité de la situation exige de nous pragmatisme et détermination, au-delà des idéologies et des préjugés. Pour cela, j'ai besoin de chaque Française et de chaque Français.

Ce gouvernement consacrera toute son énergie à la bataille pour l'emploi, convaincu que c'est la meilleure garantie pour améliorer le pouvoir d'achat des Français. Mon seul critère dans le choix des mesures pour l'emploi, c'est l'efficacité. Je n'ai retenu que ce qui changera véritablement la donne et débloquera des emplois, en allant plus loin dans la libération des énergies tout en préservant l'efficacité de nos dispositifs d'accompagnement des salariés.

M. Henri Emmanuelli. Ça, c'est vous qui le dites !

M. le Premier ministre. Nous n'avons pas d'autre choix si nous voulons préserver le modèle économique et social auquel les Français sont attachés.

Je vous remercie, monsieur Accoyer, de vos paroles de soutien et d'encouragement. Que l'ensemble des députés du groupe que vous présidez sache combien je suis sensible et attentif à leurs propositions. Dans cette période difficile, qui exige tant d'humilité et tant d'énergie, je sais combien leur attente est grande. Vous l'avez compris, j'ai besoin d'eux, de leur mobilisation et de leur contribution à la mise en œuvre de notre projet.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est le même discours que précédemment !

M. Henri Emmanuelli. C'est vrai qu'il n'improvise pas beaucoup !

M. le Premier ministre. Je vous remercie, monsieur Accoyer, d'avoir insisté sur la nécessité de concilier le soutien aux entreprises et l'accompagnement des chômeurs. La mobilisation pour l'emploi doit être partagée. Elle passe aussi, comme vous l'avez fort bien dit, par l'innovation et par la recherche.

Nous l'avons perçu tout au long de la campagne référendaire avec l'inquiétude qui s'est fait jour concernant les délocalisations : la France a besoin d'une grande politique industrielle. Celle-ci sera bien sûr portée par les pôles de compétitivité que nous devons mettre en place sans délai.

M. David Habib. Cela ne fait pas une politique !

M. le Premier ministre. Elle devra s'appuyer également sur le tissu des PME, qui constituent dans notre pays un véritable gisement d'initiatives et d'emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous avez raison, monsieur Accoyer : le déblocage de l'emploi libérera le pouvoir d'achat et donc la croissance.

M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas plutôt l'inverse ?

M. le Premier ministre. Monsieur Hollande, à chacun sa part de fardeau ! Les difficultés sont nombreuses : ...

M. Jean-Pierre Brard. C'est le chemin de Damas !

M. le Premier ministre. ...mondialisation, hausse du prix du pétrole, faiblesse du dollar.

M. Henri Emmanuelli. Et Chirac !

M. le Premier ministre. Mais quinze ans de socialisme ont largement contribué à la situation actuelle de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nos marges de manœuvre sont étroites sur le plan budgétaire, c'est vrai. Aucun membre du Gouvernement ne songe un instant que sa mission sera facile. Les Français le savent aussi, qui attendent de nous que nous leur disions la vérité, toute la vérité sur les comptes de l'État.

M. Alain Néri. Qu'avez-vous fait pendant trois ans ?

M. le Premier ministre. Il est vrai que le ralentissement de la croissance en Europe pour les premiers mois de 2005 pèse sur les recettes, mais c'est précisément pour cela que nous avons fait deux choix clairs.

Le premier est celui de la responsabilité. Je l'ai dit, la dépense publique sera contenue,...

M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !

M. le Premier ministre. ...comme elle l'a été depuis trois ans. C'est indispensable si nous voulons rétablir la confiance et maintenir notre crédibilité. J'ai demandé au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de le réaffirmer hier à Bruxelles auprès de tous les membres de l'Union européenne. Il n'y a pas d'autre politique possible. Toute autre voie serait aventureuse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Notre second choix est celui de la mobilisation de l'ensemble des marges disponibles en faveur des politiques de l'emploi. C'est pourquoi nous ne baisserons pas l'impôt sur le revenu cette année (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) afin de consacrer tous nos moyens, toutes nos forces à cette priorité nationale.

Les exonérations de charges sociales ont montré leur efficacité en termes d'emplois compte tenu du niveau élevé des prélèvements pesant sur les entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais d'autres leviers seront également activés.

M. Marcel Dehoux. Encore une redite !

M. le Premier ministre. Nous allons, en particulier, soutenir davantage chaque demandeur d'emploi qui fait l'effort de reprendre une activité.

Monsieur Bayrou,...

M. Henri Emmanuelli. Encore un ami !

M. le Premier ministre. ...je vous ai écouté avec beaucoup d'attention. Mais j'ai beau chercher, je ne vois pas dans nos propositions ce qui pourrait être en contradiction avec la politique que vous réclamez depuis des années.

Ce gouvernement a conscience de la responsabilité qui pèse sur ses épaules. Nous savons qu'il nous appartient, avec humilité mais détermination, de redonner plus de crédibilité à l'action politique.

Le Président de la République a donc nommé un gouvernement de mission, de rassemblement, qui sait qu'il est attendu, qui mesure sa responsabilité et qui demande simplement, monsieur Bayrou, à être jugé sur ses actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce dont nous avons besoin aujourd'hui, c'est de rassembler tous les Français, la France de l'espoir, du succès et de la justice.

M. Arnaud Montebourg. Nous verrons !

M. le Premier ministre. Ma méthode sera simple. J'irai le plus loin possible dans le dialogue et la concertation avec les partenaires sociaux, l'ensemble des partis politiques et le Parlement.

Plusieurs députés du groupe socialiste. En légiférant par ordonnances !

M. le Premier ministre. Mais les Français attendent de l'action et des résultats. L'urgence aujourd'hui n'est pas aux réformes institutionnelles. Elles viendront en leur temps si elles sont utiles au pays et à la démocratie. Mais les institutions de la Ve République fonctionnent. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste)

La première priorité pour l'État, c'est la bataille de l'emploi, c'est la remise en marche de notre économie et de notre industrie, c'est la promotion de l'égalité de chances. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je veux enfin le dire, en conscience, à chacun des membres de votre groupe, monsieur Bayrou : la situation que connaît notre pays exige l'engagement et non pas l'abstention, le mouvement et non pas le silence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

À la fin de votre propos, vous avez indiqué que si « par extraordinaire » nous réussissions,...

M. André Gerin. Il n'y a pas de risque !

M. le Premier ministre. ...alors vous nous soutiendriez. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Eh bien, monsieur Bayrou, je crois à l'extraordinaire. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je crois que la France est un pays extraordinaire ! (Mêmes mouvements.)

Vous avez cité Aragon. Vous me permettrez de citer Albert Camus évoquant les heures les plus sombres de l'histoire : « Quand les hommes de Prométhée restent soucieux de la terre fraternelle, l'homme devient alors plus dur que son rocher et plus patient que son vautour. »

M. François Hollande. Il est UMP, Prométhée ? (Sourires.)

M. le Premier ministre. Aujourd'hui, nous sommes dans le temps de la volonté. Seule la volonté a du sens, seule l'action donne du sens. (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur Hollande et monsieur Bocquet, de l'emploi, vous parlez beaucoup aussi, mais pour annoncer toujours les mêmes recettes : augmenter les charges sociales pour les entreprises, accroître la dépense publique et le déficit, renforcer les réglementations et les contraintes. Tel n'est pas notre choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous, nous mobiliserons tous les instruments de la politique de l'emploi, sans idéologie,...

M. Christian Paul. Sans imagination non plus !

M. le Premier ministre. ...et nous irons chercher les emplois là où ils se trouvent, en premier lieu dans nos deux millions de très petites entreprises. Tel sera notamment l'objet du contrat nouvelle embauche, qui s'appliquera uniquement à elles.

Dans le respect du code du travail, nous accompagnerons les chômeurs dans leur reprise d'activité. Contrairement à ce que vous prétendez, nous préserverons les droits des salariés...

M. André Gerin. Ce n'est pas vrai !

M. le Premier ministre. ...puisque si la charge financière et administrative liée au seuil est remise en cause, tel ne sera pas le cas des droits sociaux attachés à celui-ci. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

S'agissant de l'industrie et de la recherche, là où vous n'avez que des mots, toujours des mots, nous, nous avons...

M. Henri Emmanuelli. Des échecs, toujours des échecs !

M. le Premier ministre. ...la volonté de dégager des moyens, qu'il s'agisse de l'Agence pour l'innovation industrielle ou de l'Agence nationale pour la recherche : elles sont, à l'heure où je vous parle, toutes deux financées.

Pour ce qui est de l'Europe, enfin, soyez assurés, monsieur Bocquet et monsieur Hollande, que le message des Français sera entendu.

M. Michel Delebarre. Cela m'étonnerait !

M. le Premier ministre. Les Français sont attachés à la construction européenne mais ils ne veulent pas qu'elle se fasse sans eux.

M. Jean-Marc Ayrault. Nous avons demandé un débat, monsieur le Premier ministre. Vous n'avez pas répondu !

M. le Premier ministre. Je salue la vitalité du débat démocratique qui a précédé le vote du 29 mai et qui a permis à nos concitoyens de se réapproprier cette grande ambition.

M. Maxime Gremetz. Très bien !

M. le Premier ministre. J'entends, comme vous, certaines inquiétudes. C'est forte de ses idéaux, de ses valeurs, de ses convictions que la France reprendra la main sur la scène européenne. Elle plaidera pour une Europe plus forte et plus indépendante, qui sache mieux défendre ses intérêts. Elle plaidera pour davantage de conscience européenne, davantage de préférence européenne face aux autres grands ensembles économiques. Cela impose de mieux intégrer les exigences de croissance et d'emploi à la politique de l'Union, et de disposer d'outils économiques à la hauteur des enjeux.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, vous avez devant vous un homme profondément déterminé à sortir notre pays des doutes et des difficultés qui le rongent.

M. Henri Emmanuelli. Par ordonnances ?

M. le Premier ministre. Vous avez devant vous un gouvernement au travail, tout entier consacré à sa mission au service des Français. J'ai besoin de votre confiance pour agir sans délai ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, le Premier ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement, je vais donc mettre aux voix sa déclaration de politique générale.

Le vote se déroulera dans les salles voisines de l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Il est ouvert pour une durée d'une heure. Il sera donc clos à dix-huit heures quarante-cinq.

Je vais maintenant suspendre la séance. Elle sera reprise, pour la proclamation du résultat, vers dix-neuf heures.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 545

                    Nombre de suffrages exprimés 541

                    Majorité absolue 271

        Pour l'adoption 363

        Contre 178

L'Assemblée nationale a approuvé la déclaration de politique générale du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    3

DÉMISSION D'UN VICE-PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

M. le président. J'informe l'Assemblée nationale qu'il y a lieu de procéder à la nomination d'un vice-président de l'Assemblée nationale, en remplacement de M. Jean Le Garrec qui m'a fait connaître qu'il démissionnait de ses fonctions.

Cette nomination aura lieu au début de la séance du jeudi 9 juin 2005.

    4

FIN DE MISSIONS TEMPORAIRES DE DÉPUTÉS

M. le président. M. le Premier ministre m'a informé de l'achèvement des missions temporaires confiées respectivement à MM. Jean-Pierre Decool, Georges Fenech et Michel Herbillon.

    5

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le président. J'informe l'Assemblée que la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République a décidé de se saisir pour avis des articles 1er, 2, 3, 5, 25 et 31 du projet de loi d'orientation agricole.

    6

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 23 juin inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Par ailleurs, la conférence des présidents a fixé deux votes solennels : le mardi 14 juin sur le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale et le mardi 21 juin sur le projet de loi relatif aux services à la personne.

    7

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Jeudi 9 juin 2005, à neuf heures trente, séance publique :

Nomination, éventuellement par scrutin, d'un vice-président de l'Assemblée nationale.

Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, n° 2300, tendant à mettre à la disposition du public les locaux dits du Congrès, au Château de Versailles :

Rapport, n° 2358, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Projet de loi, n° 1925, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne visant à compléter la liste des établissements culturels et d'enseignement auxquels s'appliquent les dispositions de la convention culturelle du 4 novembre 1949 et de l'accord par échange de lettres du 9 novembre et du 6 décembre 1954 relatif aux exemptions fiscales en faveur des établissements culturels :

Rapport, n° 2359, de M. Jean-Claude Guibal, au nom de la commission des affaires étrangères.

(Procédure d'examen simplifiée : art. 107 du règlement.)

Projet de loi, adopté par le Sénat, n° 2112, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu (ensemble un protocole) :

Rapport, n° 2360, de Mme Martine Aurillac, au nom de la commission des affaires étrangères.

(Procédure d'examen simplifiée : art. 107 du règlement.)

Projet de loi, adopté par le Sénat, n° 2113, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Albanie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales (ensemble un protocole) :

Rapport, n° 2360, de Mme Martine Aurillac, au nom de la commission des affaires étrangères.

(Procédure d'examen simplifiée : art. 107 du règlement.)

Discussion du projet de loi, n° 2036, autorisant l'approbation de la décision des représentants des Gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil le 28 avril 2004, concernant les privilèges et immunités accordés à ATHENA :

Rapport, n° 2204, de M. Jean Glavany, au nom de la commission des affaires étrangères.

Discussion du projet de loi, n° 1893, autorisant l'approbation de la convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel et de son protocole sur la protection des productions télévisuelles :

Rapport, n° 2251, de M. Jean-Marc Nesme, au nom de la commission des affaires étrangères.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinquante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot