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Cahier annexe : articles, amendements, autres annexes
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Deuxième séance du jeudi 30 juin 2005

245e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. J'ai reçu de M. le Président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant que, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique.

    2

CONVENTION EUROPÉENNE
SUR LA PROTECTION JURIDIQUE
DES SERVICES À ACCÈS CONDITIONNEL

Vote sur un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d'accès conditionnel (nos 2120, 2410).

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

    3

AMENDEMENT À L'ACCORD
ADMETTANT LA MONGOLIE
COMME PAYS D'OPÉRATIONS DE LA BERD

Vote sur un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'amendement à l'accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, signé à Paris le 29 mai 1990, en vue d'admettre la Mongolie comme pays d'opérations, adopté à Londres le 30 janvier 2004 (nos 2178, 2409).

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

    4

ACCORD SUR LA CONSERVATION
DES PETITS CÉTACÉS

Vote sur un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'adhésion à l'accord sur la conservation des petits cétacés de la mer Baltique, de l'Atlantique du nord-est et des mers d'Irlande et du Nord (ensemble une annexe) (nos 2336, 2411).

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

    5

ACCORD FRANCE-ESTONIE
SUR LES CENTRES CULTURELS

Vote sur un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie relatif au statut et au fonctionnement des centres culturels (nos 2059, 2419).

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

    6

CONVENTION DES NATIONS-UNIES
CONTRE LA CORRUPTION

Vote sur un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention des Nations-Unies contre la corruption (nos 2414, 2417).

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

    7

ACCORD FRANCE-BOSNIE-HERZÉGOVINE
SUR LA PROTECTION RÉCIPROQUE
DES INVESTISSEMENTS

Vote sur un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Bosnie-Herzégovine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (nos 2176, 2416).

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

    8

ACCORD FRANCE-ANDORRE
SUR L'ENSEIGNEMENT

Vote sur un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre dans le domaine de l'enseignement (nos 2180, 2418).

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

    9

ACCORD FINANCIER FRANCE-BAHREÏN
SUR LA PROTECTION RÉCIPROQUE
DES INVESTISSEMENTS

Vote sur un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Bahreïn sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (nos 2337, 2420).

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

    10

HABILITATION À PRENDRE PAR ORDONNANCE DES MESURES D'URGENCE POUR L'EMPLOI

Suite de la discussion,
après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi (nos 2403, 2412).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 6 à l'article 1er.

Article 1er (suite)

M. le président. Les amendements identiques, nos 6, 48 et 69 ne sont pas défendus.

Je suis saisi d'un amendement n° 7.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Le 2° de l'article 1er du projet de loi indique qu'il sera prévu, pour les salariés dont le contrat mentionné au 1° a été rompu, un revenu de remplacement. Cette mesure vise les personnes qui n'auraient pas travaillé assez longtemps pour s'ouvrir des droits auprès des ASSEDIC. La France détenant déjà le record des minima sociaux, on peut se demander s'il est opportun de créer un nouveau revenu de remplacement, dont la nature reste par ailleurs à préciser. On nous dit qu'il sera financé par l'État, mais on ne nous dit pas comment.

L'absence de précision quant au financement de cette mesure est particulièrement préoccupante pour les salariés qui, embauchés à la rentrée sur la base de ces nouveaux contrats, subiraient une rupture de contrat avant la fin de l'année 2005. Sur quels fonds le ministère de l'emploi financerait-il leur revenu de remplacement ? Plus largement, dans son principe même, la question du financement du revenu de remplacement reste entière. Certes, son montant n'est pas indiqué. Il n'est donc pas interdit de penser que, du fait de sa modicité, ce revenu pourra être financé sans difficultés.

Pour parer à toute éventualité, nous proposons avec l'amendement n° 7 de financer la rupture des contrats « nouvelle embauche » par une taxation sociale sur l'emploi précaire, ce qui constituerait une légitime contrepartie à la flexibilité accrue offerte aux entreprises. Vous refusez depuis trois ans de mettre en application ce principe que nous avons déjà proposé à plusieurs reprises. Il conviendrait pourtant de distinguer les entreprises « vertueuses », qui créent des emplois rémunérés décemment, de celles qui, recourant sans vergogne aux dispositifs d'emploi précaire, ont au contraire créé les « travailleurs pauvres » qui, bien que salariés, ne peuvent boucler leurs fins de mois.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 7.

M. Claude Gaillard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La commission a émis un avis défavorable. En effet, taxer les employeurs ne paraît pas s'inscrire dans la philosophie du moment, alors que l'on demande aux entreprises de créer des emplois et de prendre des risques.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, pour donner l'avis du Gouvernement.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. L'aménagement du droit au revenu de remplacement pour les salariés titulaires d'un contrat « nouvelle embauche » est destiné à sécuriser leur parcours professionnel, à garantir l'équilibre du dispositif entre la souplesse d'utilisation pour les entreprises et la protection des salariés. Il appartiendra à l'ordonnance de préciser l'étendue de ce droit et l'origine de son financement. D'ores et déjà, comme l'a indiqué M. le Premier ministre, nous réfléchissons à garantir des droits à allocations quand le salarié ne peut bénéficier de l'allocation ARE.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 9, 49 et 70.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 9.

M. Maxime Gremetz. À ce que je vois, j'arrive trop tard pour défendre mon amendement n° 48 ! Avec vous, c'est toujours la même chose, monsieur le président : soit vous avez dix minutes de retard, soit vous en avez cinq d'avance, mais vous n'êtes jamais à l'heure !

Mme Martine Billard. L'amendement n° 9 vise à ne pas créer un nouveau seuil social à 20 salariés, en deçà duquel les employeurs bénéficieraient d'allégements financiers. Pour les salariés concernés, cette mesure se traduirait par la perte de la contribution à l'effort de construction dite « 1 % logement » - même si ce taux n'est plus de 1 % depuis longtemps -, la formation professionnelle continue et le versement « transports ». Par ailleurs, ces allégements nécessitent une compensation financière par le budget de l'État.

Le versement « transports » - en Île-de-France comme ailleurs - est assis sur la masse salariale des employeurs de plus de dix salariés et constitue la principale ressource des transports collectifs urbains. Le manque à gagner résultant des allégements est estimé par les autorités organisatrices des transports publics à 450 millions d'euros. Certes, le Gouvernement s'est engagé à compenser la perte de recettes, mais l'expérience a montré que nous avions toutes raisons d'être sceptiques quant aux engagements de cette nature. Ainsi en est-il actuellement de la compensation censée s'effectuer pour le RMI : il y a toujours une différence entre les sommes dues et celles effectivement versées.

M. Guy Geoffroy. C'est faux !

Mme Martine Billard. Les collectivités publiques ont la possibilité de moduler le versement « transports ». Or, monsieur le ministre, comment allez-vous prendre en compte cette modulation et l'éventuelle évolution dans le temps du montant du versement « transports » ? À terme, le risque est que la compensation ne corresponde pas du tout aux recettes qu'auraient dû percevoir les collectivités locales, ce qui aurait de graves conséquences sur notre réseau de transports urbains en termes de difficultés de déplacement pour nos concitoyens, mais aussi en termes d'environnement. La régression des transports publics se traduirait en effet par une circulation automobile accrue, avec les conséquences que l'on connaît sur l'environnement. Alors que la planète brûle et que des politiques volontaristes devraient être mises en œuvre, vous prenez de manière insidieuse des décisions graves ! Il est impensable que l'objectif déclaré de favoriser l'embauche puisse avoir des conséquences si négatives dans d'autres domaines.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 49.

M. Maxime Gremetz. J'observe en préalable que M. le Premier ministre, lors de la conférence de presse qu'il a tenue aujourd'hui, n'a n'a pas avancé les mêmes arguments que M. Borloo ou M. Larcher pour tenter de justifier le CNE. Il n'a jamais dit, en effet, que cette mesure avait vocation à combattre la précarité, mais uniquement que c'était la solution à mettre en œuvre pour créer des emplois. Au demeurant, le Gouvernement n'a rassuré personne et il y aurait beaucoup à dire sur ce faux CDI porteur d'un vrai risque d'insécurité sociale et professionnelle. Il est clair que, dans les deux ans suivant l'embauche, le patron aura toute latitude pour se débarrasser du salarié employé sous ce mode, celui-ci ne disposant d'aucun recours pour contester la décision prise à son encontre.

La deuxième mesure phare de votre plan, après le contrat « nouvelle embauche » - qui vous vaudra sans doute une rentrée mouvementée - est la législation en préparation concernant les seuils d'effectifs des entreprises.

L'une des mesures, visées au 3° de l'article 1er, permet d'atténuer l'effet de seuil dans les TPE qui embauchent un dixième salarié. L'État prendra en charge les coûts supplémentaires estimés à 5 000 euros par an en moyenne. C'est une nouvelle exonération au bénéfice des entreprises, après les exonérations de cotisations patronales pour les 35 heures, mais aussi après les ristournes des lois Juppé et Aubry, qui, mises bout à bout, représentent des sommes considérables.

En effet, le franchissement du seuil des dix salariés entraîne des charges supplémentaires : le taux de cotisation pour la formation professionnelle passe de 0,55 % à 1,60 %, les entreprises se retrouvent assujetties au versement transport en région parisienne et, dans les communes de plus de 10 000 habitants, elles sont également soumises au 1 % logement et sont amenées à contribuer à la prévoyance.

Bercy précise que le Gouvernement ira plus loin en prenant totalement en charge ces surcoûts également pour les entreprises comptant déjà entre dix et dix-neuf salariés. Pourrions- nous avoir confirmation ou infirmation de cette information ?

Ce faisant, vous faites coup double en permettant à l'entreprise de s'affranchir de sa responsabilité sociale mais aussi en faisant supporter par le contribuable les cadeaux au patronat.

Cela devient, là encore, une indécente habitude. Tous les procédés sont bons pour faire du MEDEF un assisté en puissance, en finançant durablement l'emploi sur les deniers publics. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela vous amuse, et le MEDEF est content, mais c'est le non qui l'a emporté le 29 mai, alors qu'il avait appelé à voter oui.

Nous voyons où cette logique nous conduit aujourd'hui : un taux de chômage exponentiel et une croissance atone. Vous avez multiplié les contrats aidés comme le RMA et engagé une course effrénée en matière d'exonérations de cotisations sociales patronales, méthode dénoncée par le Président de la Cour des comptes, M. Séguin. Tout cela au frais du contribuable !

Après, on peut toujours nous expliquer la nécessité d'augmenter la CSG, le CRDS ou autre forfait hospitalier, et créer la franchise de 1 euro pour compenser le manque à gagner pour les comptes sociaux et en particulier l'assurance maladie.

Cette disposition est encore une mesure favorable au patronat et préjudiciable au monde du travail. En conséquence, nous demandons la suppression du troisième alinéa de cet article. Et je demande un scrutin public sur le vote de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 70.

M. Alain Vidalies. Cet amendement vise à ne pas étendre au-delà de dix salariés, pour les employeurs occupant moins de vingt salariés, les dispositifs d'allégement financier.

Monsieur le ministre, nous nous interrogeons sur les conditions de la compensation par l'État. Tout ce qui relève du versement transport est décidé par les collectivités locales ou les structures gestionnaires, et non pas par l'État. Que va-t-il se passer si des modifications interviennent ? Comment l'État va-t-il compenser sur une base forfaitaire ? Que va-t-il se passer si une décision vise à instituer le versement transport là où il n'existait pas jusqu'à présent ? Toutes ces questions restent en suspens car elles concernent aussi les conditions de gestion des collectivités locales.

Les mêmes observations valent pour la formation professionnelle.

La mesure que vous nous proposez est-elle susceptible d'avoir un impact sur l'emploi ? Vous auriez pu prendre, comme cela a déjà été fait, des mesures générales d'allégement des charges. Le plus préoccupant dans cette affaire est l'édification de ce nouveau seuil de vingt salariés. On voit bien avec le contrat nouvelle embauche et la référence systématique à ce nouveau seuil que vous souhaitez avoir, pour l'avenir, un périmètre dans lequel s'appliqueront des règles du droit du travail spécifiques.

Nous ne pouvons évidemment pas souscrire à cette démarche. D'où notre amendement de suppression du troisième alinéa de l'article 1er. Monsieur le ministre, vous devriez être conscient de notre expérience commune en la matière. À partir du moment où vous allez établir ce nouveau seuil, les employeurs d'entreprises comptant vingt et un salariés ne vont cesser de réclamer le droit de bénéficier, eux aussi, de ce dispositif. À moins que ces mesures ne soient précisément destinées à être généralisées demain à l'ensemble des entreprises... Cet amendement de précaution nous paraît donc particulièrement nécessaire.

M. le président. Sur le vote des amendements identiques nos 9, 49 et 70 je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements. J'ai déjà eu l'occasion d'expliquer l'effet négatif des seuils, notamment ceux de dix et de cinquante, ce dernier n'étant pas à l'ordre du jour.

Mme Martine Billard et M. Maxime Gremetz. Pas encore !

M. Claude Gaillard, rapporteur. Le projet de loi d'habilitation ne porte que sur les très petites entreprises. Et nous en sommes là au volet du seuil financier.

Aujourd'hui, le versement transport, la contribution au 1 % logement et la cotisation pour la formation professionnelle représentent 4,5 points par salarié, soit quarante-cinq points pour une entreprise de dix salariés. Avec un salaire moyen de 2 000 euros...

M. Maxime Gremetz. À combien estimez-vous le salaire moyen ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. Avec un salaire de 1 000 euros par mois, si vous préférez,...

M. Maxime Gremetz. C'est plus proche de la réalité !

M. Claude Gaillard, rapporteur. .. le coût du passage du seuil pour une entreprise s'élève à 5 000 euros, ce qui est considérable. C'est ce qui explique le rejet de ces amendements par la commission.

Toutefois, cela ne retire rien à la pertinence des questions posées par Mme Billard et M. Vidalies. Le versement transport est effectivement décidé par les autorités organisatrices des transports en commun et l'importance du développement de ceux-ci n'échappe à personne. La chose sera donc essentielle, mais délicate, pour le Gouvernement. Je comprends bien que des questions soient posées en la matière. Il n'en reste pas moins qu'effacer l'effet de seuil financier est tout à fait déterminant dans la philosophie de ce projet de loi. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Les préoccupations relatives aux seuils ne sont pas nouvelles. Dès 1983, dans les lois dites Auroux, on a tenté de neutraliser partiellement l'effet de seuil en instaurant une franchise et en permettant un étalement sur six ans. Une autre majorité avait déjà vu alors les problèmes que posait l'effet de seuil.

Partant d'une observation simple, nous avons souhaité aujourd'hui aller plus loin. Notre pays compte en effet 26 000 entreprises de huit salariés, 26 000 entreprises de neuf salariés et 13 000 entreprises de plus de dix salariés. L'effet de seuil apparaît clairement à la lecture de ces chiffres. C'est le poids du surcoût des 4 500 ou des 5 000 euros évoqués par M. le rapporteur. Le Gouvernement propose donc de neutraliser cet effet de seuil et d'aller au-delà des dispositions des lois de 1983. Notre logique n'est pas tout à fait nouvelle. Il s'agit d'inciter les embauches et les créations d'emplois et de faire en sorte que le seuil ne soit pas un frein.

C'est la loi de finances qui devra disposer du principe de la prise en charge du franchissement du seuil. Le taux de cotisation pour la formation professionnelle passe de 0,55 % à 1,60 %, celui de la participation de l'employeur à l'effort de construction de 0 à 0,45 %, celui de la cotisation FNAL de 0,1 % à 0,5 %. Nous allons au-delà de la logique de 1983 en effaçant au plan financier les conséquences du seuil. Je précise que, dans le cadre de nos consultations avec les partenaires sociaux, ce point n'a pas soulevé de problèmes particuliers.

Certes, ce sera une charge pour l'État. Mais nous attendons de ces mesures une dynamique pour l'emploi. Les entreprises qui hésitent à embaucher un salarié de plus du fait du coût financier de l'effet de seuil seront ainsi incitées à franchir le pas. Voilà les raisons pour lesquelles nous sommes défavorables à ces trois amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Monsieur le ministre, vous me semblez accorder à l'effacement de l'effet de seuil une importance démesurée sur l'emploi. En outre, le système de compensation par l'État me semble aléatoire. J'ai ainsi évoqué hier les 100 millions d'euros destinés au financement du logement social dont bénéficient souvent, d'ailleurs, les salariés de ces entreprises. De quelles marges de manœuvre disposera le Gouvernement pour compenser cette somme ? La même remarque pourrait être faite s'agissant du transport en région parisienne.

Je vous ai soumis hier une proposition. Puisqu'il est nécessaire, nous dites-vous, de soutenir les petites entreprises, pourquoi ne pas supprimer le prélèvement de 0,5 % institué au titre de la journée de solidarité au bénéfice des personnes âgées et dépendantes ? On sait aujourd'hui que l'effet de cette mesure est aléatoire, voire nul, sur le plan économique. L'hypothèse sur laquelle le Gouvernement a construit son argumentation n'a donc pas résisté aux faits. Qu'il donne donc l'exemple aujourd'hui en supprimant ces 0,5 %. Cela permettra peut-être de conserver les cotisations relatives à la formation professionnelle. Nul ne l'ignore, en effet, le problème de la formation professionnelle est très important pour les petites entreprises et le sera encore plus demain.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Un mot complémentaire sur la question des transports. Monsieur le ministre, le versement transport représente les deux tiers des recettes du syndicat des transports d'Île-de-France. Les petites entreprises constituent, par ailleurs, un véritable maillage dans notre région et rassemblent un grand nombre de salariés. Si donc la compensation n'est pas à la hauteur exacte des versements, le Gouvernement appauvrira le STIF...

M. Jean Le Garrec. Exactement !

Mme Martine Billard. ...au moment précisément où la compétence transports vient d'être transférée à l'Île-de-France et alors que nous ne parvenons pas, contrairement aux autres régions, à obtenir une prise en charge à hauteur des nécessités de remplacement du matériel. La politique mise en œuvre sera finalement totalement contraire à celle qu'il faudrait prévoir pour lutter contre la pollution. Cela aboutira en effet à augmenter tellement les tarifs des transports en commun en Île-de-France qu'un certain nombre d'habitants de la région renonceront à utiliser les transports en commun, ce qui amplifiera les problèmes liés à la pollution que nous connaissons déjà aujourd'hui, plus particulièrement du fait de la canicule.

Choisir de réduire le versement transport n'aura pas forcément de conséquence sur les créations d'emplois. Ce choix montre en revanche que la protection de l'environnement est vraiment la dernière roue du carrosse pour ce gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, mais, vous savez, la question des effets de seuil se pose dans tous les textes que nous avons l'occasion d'examiner ici. Les effets de seuil sont à la mode ! Lorsqu'on a déterminé les critères nécessaires à l'obtention de la CMU, on s'est posé la question des effets de seuil car à un euro près, une personne peut, ou non, bénéficier de la CMU. Autre exemple : certaines entreprises peuvent bénéficier des exonérations de cotisations patronales pour les bas salaires. Cela a forcément provoqué un effet de seuil : de 1,8 fois le SMIC, il est passé à 1,6 et aujourd'hui il est fixé à 1,7.

La question des effets de seuil est un faux argument, car il faudra toujours déterminer des critères. C'est le bon sens. Simplement, ils doivent être le fruit d'une réflexion collective. Je n'adhère pas du tout à votre argumentation concernant les effets de seuil.

Pourquoi, monsieur le ministre, les salariés des entreprises de dix salariés, leur employeur étant tenu de contribuer au 1 % logement, profitent-ils d'une mesure qui les aide à se loger, tandis que les salariés qui ne sont que neuf dans leur entreprise n'ont pas le même droit ?

Mme Martine Billard. Bonne question !

M. Maxime Gremetz. Pensez-vous que cette différence de traitement répond à un principe d'égalité républicaine ?

Je pourrais citer d'autres exemples, comme la formation professionnelle.

M. Jean Le Garrec. Exactement !

M. Maxime Gremetz. La question des seuils n'est donc pas un argument. Vous parlez de postulat, mais vous n'y croyez pas ! En réalité, vous appliquez le postulat idéologique que vous assène le MEDEF depuis de nombreuses années. Ce postulat est le suivant : pour créer de l'emploi, il faut réduire le coût du travail - qui est déjà très bas par rapport à d'autres pays -, il faut instaurer une plus grande flexibilité, faciliter les licenciements pour permettre aux patrons d'embaucher et de jeter des salariés « kleenex ». Il faut aussi s'attaquer au code du travail et priver les salariés d'une représentation qui leur permette d'être défendus. Supprimez donc l'effet de seuil !

Pourquoi, par exemple, une entreprise est-elle tenue de proposer un plan social - pardon, j'ai souhaité que ce terme ne figure plus dans la loi - un plan de licenciement pour raisons économiques pour dix licenciements, mais pas pour neuf licenciements ? Que font les patrons ? Ils s'adaptent, et au lieu de procéder à trente licenciements, ils licencient trois fois neuf salariés, et puis trois salariés. Ainsi, ils ne sont pas tenus de présenter un plan de reclassement.

De grâce, assumez vos choix : vous voulez que le code du travail, que la protection sociale soient flexibilisés. C'est une grande revendication du MEDEF, qui n'est pas nouvelle. Manifestement, vous voulez offrir une grande victoire au MEDEF avant l'élection de sa future présidente.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Gremetz, je voudrais que l'Assemblée sache que les allégements de charges sont dégressifs : d'un montant maximal au niveau du SMIC, ils s'éteignent pour les salaires de 1,6 fois le SMIC. Il n'y a donc pas d'effet de seuil, mais un lissage. C'est donc tout à fait l'inverse de l'effet de seuil que vous avez évoqué !

M. Maxime Gremetz. Mais pourquoi 1,6 fois le SMIC et non 1,8 comme nous l'avions envisagé avec M. Fillon ? Il y a donc bien un effet de seuil !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais mettre aux voix les amendements nos 9, 49 et 70.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 26

                    Nombre de suffrages exprimés 26

                    Majorité absolue 14

        Pour l'adoption 5

        Contre 21

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d'un amendement n° 56.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Claude Gaillard, rapporteur. Cet amendement répond pour partie à une question qui a été posée tout à l'heure par notre collègue Vidalies. Un certain nombre de dispositions sont prévues pour lisser les effets du seuil de dix salariés. Nous souhaitons adapter ce lissage au seuil de vingt salariés. Tels sont l'esprit et la lettre de cet amendement.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Avis favorable, et le Gouvernement lève le gage.

Mme Martine Billard. Ah !

M. Maxime Gremetz. Quel cadeau !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 57.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Claude Gaillard, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 10, 50 et 71.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 10.

Mme Martine Billard. L'amendement précédent est assez significatif. J'ai l'impression que les grignotages successifs que nous avions annoncés, cette fois sans effet de seuil, vont se poursuivre.

Cet amendement vise à supprimer la disposition qui aménage les règles de décompte afin, tout simplement, de faire disparaître les jeunes des effectifs des entreprises. Si cet article est adopté, un salarié de moins de vingt-six ans n'existera plus. Il aura le droit de travailler, mais pas celui de s'exprimer. C'est à cela que conduit cet article, puisque les salariés de moins de vingt-six ans ne seront plus comptés dans les effectifs de l'entreprise.

Mais après tout, comme l'a suggéré notre rapporteur, d'autres catégories de salariés en étant déjà exclues, pourquoi ne pas augmenter le nombre des catégories non prises en compte dans les effectifs de l'entreprise ? D'ailleurs, j'ai appris que le MEDEF, dans les négociations en cours sur l'emploi des seniors, réclame que ceux-ci ne soient plus pris en compte dans les effectifs des entreprises. Ce matin, je dénonçais devant vous le fait que bientôt seuls les hommes de vingt-six à quarante-cinq ans seraient pris en compte. En tant que femme, j'appartiens à une catégorie qui est souvent exclue de tel ou tel dispositif, et je me demande si certains n'auront pas la judicieuse idée de limiter à une catégorie très précise les effectifs des entreprises.

De plus, cet aménagement a un effet pervers : le passage à vingt salariés va forcément, par ricochet, déplacer tous les autres seuils.

M. Maxime Gremetz. Bien sûr !

Mme Martine Billard. Aujourd'hui, la majorité des entreprises se trouvent au-dessous du seuil de vingt salariés, et un grand nombre d'entre elles ont entre vingt et cinquante salariés. Comme l'a dit notre rapporteur, ce n'est pas le débat aujourd'hui, mais le seuil de cinquante salariés pose, lui aussi, problème - ce n'est pas nouveau, le MEDEF nous le rappelle constamment - puisque c'est le seuil qui implique la création d'un comité d'entreprise. On peut donc craindre qu'à terme ce seuil ne disparaisse lui aussi.

D'ailleurs, cette disposition le supprime déjà, dans la mesure où une entreprise de 49 salariés n'aura qu'à embaucher des jeunes de moins de vingt-six ans pour ne pas dépasser le seuil de cinquante salariés et échapper à l'obligation de créer un comité d'entreprise. Or un comité d'entreprise a plusieurs fonctions, dont celle d'informer les salariés sur les réalités économiques de l'entreprise.

Le seuil de cinquante salariés est également celui de la création d'un comité d'hygiène et de sécurité. Quand on sait que les conditions de travail se dégradent, si l'on en croit une étude de votre ministère sur la dégradation des conditions de travail et ses conséquences sur la santé des salariés, quand on sait que la différence entre l'espérance de vie des cadres et celle des ouvriers s'accentue, on peut penser que l'augmentation des seuils, par ricochet, n'améliorera pas la santé des salariés dans les entreprises, c'est le moins qu'on puisse dire.

Le comité d'entreprise a également pour rôle de mener des actions sociales en faveur des salariés, sous des formes diverses et variées.

Demain, un grand nombre de salariés n'auront plus accès à ces avantages, car modifier la prise en compte du nombre de salariés dans l'entreprise n'affectera pas uniquement les entreprises de moins de vingt salariés, mais un grand nombre d'entre elles.

Cette mesure est la pire de toutes celles que vous pouviez inventer ! Au départ, l'exposé des motifs ciblait les jeunes de moins de vingt-cinq ans. Vous introduisez une nouvelle catégorie, celle des jeunes de moins de vingt-six ans. On pourrait penser qu'à cet âge-là, on est un salarié chevronné : non, pour la majorité, pour le Gouvernement, si on a moins de vingt-six ans, on est un salarié fantôme, puisqu'on n'a plus le droit d'être compté parmi les effectifs de l'entreprise. Introduire de tels dispositifs me semble très préoccupant. Quel signe pour la jeunesse de notre pays !

Vous avez déjà créé les contrats jeunes en entreprise, dont je vous indiquais ce matin, chiffres de l'INSEE à l'appui, qu'ils n'avaient eu aucune conséquence sur le chômage des jeunes, puisque celui-ci a continué à augmenter !

M. Xavier de Roux. Il aurait peut-être augmenté encore plus !

Mme Martine Billard. Ce que tout le monde a constaté, c'est qu'ils ont créé un effet d'aubaine pour les entreprises, mais n'ont pas permis d'embaucher davantage de jeunes.

M. Guy Geoffroy. 200 000 emplois ont été créés !

Mme Martine Billard. Non, regardez les statistiques : depuis trois ans, le taux de chômage des jeunes augmente de façon continue.

M. Guy Geoffroy. Cela aurait pu être pire !

Mme Martine Billard. Certes !

M. le président. Madame Billard, ne vous laissez pas interrompre, car il vous faut conclure votre intervention !

Mme Martine Billard. Je vais conclure, monsieur le président.

On peut toujours trouver pire, bien sûr !

M. Guy Geoffroy. Oui, avec la gauche !

Mme Martine Billard. La question n'est pas de savoir si cela aurait pu être pire, puisque c'est pire ! Car cette disposition va aggraver les conditions de représentation des salariés dans toutes les entreprises, qu'elles aient vingt ou quarante-neuf salariés.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 50.

M. Maxime Gremetz. Le Gouvernement, monsieur le ministre, non sans légèreté, souhaite que nous l'autorisions à prendre des mesures dans le domaine du droit du travail, mesures dont l'adoption mérite de relever d'une autre démarche, compte tenu des incidences qu'elles ne manqueront pas d'avoir en pratique sur les droits individuels et collectifs des salariés.

Je prendrai l'exemple de l'harmonisation des seuils d'effectifs, seuils qui, je le rappelle, déterminent l'application de certaines dispositions du code du travail, notamment de celles relatives à la représentation des salariés, la mise en place des délégués du personnel, du comité d'entreprise, des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n'étant obligatoire qu'à partir d'un certain seuil. Et vous voulez supprimer les seuils ?

De plus, le contexte dans lequel s'inscrivent ces futures mesures est, lui aussi, de nature à nous inquiéter fortement et nous craignons que ces dernières ne soient pas de simples « mesurettes ».

Vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, que le patronat se bagarre contre une jurisprudence récente de la Cour de cassation prévoyant la prise en compte des salariés mis à disposition dans les effectifs des entreprises d'accueil.

La question de la prise en compte de ce volant de travailleurs précaires, de salariés mis en permanence à disposition est importante, non seulement pour les entreprises concernées, mais également pour les salariés.

Avec votre plan d'urgence pour l'emploi, le Gouvernement cède aux demandes du MEDEF pour remettre en cause une jurisprudence favorable, en l'occurrence, aux salariés, en enlevant du décompte des effectifs de l'entreprise les salariés de moins de vingt-cinq ans.

M. Alain Vidalies. Vingt-six ans.

M. Maxime Gremetz. Pardon, vingt-six ans : au départ, c'était effectivement vingt-cinq ans, mais vous avez augmenté le seuil, comme vous avez augmenté le seuil de dix à vingt salariés.

M. Jean Le Garrec. Eh oui !

M. Maxime Gremetz. Le Gouvernement cède également aux demandes du MEDEF pour les adaptations qui seront apportées aux obligations incombant aux chefs d'entreprise en matière d'évaluation des risques professionnels. Vous le savez, ces risques professionnels s'accroissent - je parle de l'amiante, des éthers de glycol -, et, avec eux, les d'accidents du travail.

Faute de pouvoir satisfaire la volonté du MEDEF de voir abroger le décret du 5 novembre 2001 portant obligation pour l'employeur de transcrire et de mettre à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques, le Gouvernement lâche du lest vis-à-vis des entreprises, en restreignant la portée de ce décret.

Ce diagnostic en amont des risques, préalable indispensable à la démarche de prévention des risques professionnels au sein de l'entreprise, n'aura plus, demain, le même contenu, la même force contraignante, selon la taille de l'entreprise et la nature de l'activité.

Cette modification du calcul des seuils sera aussi applicable aux procédures individuelles de licenciement et des périodes de protection des représentants du personnel, ce qui nous inquiète tout autant.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, nous ne pouvons accepter de telles régressions. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons d'adopter cet amendement visant à supprimer le 4° de l'article 1er.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour présenter l'amendement n° 71.

M. Alain Vidalies. Nous sommes dans la partie la plus dramatique de ce projet de loi, compte tenu de ce qu'elle sous-tend comme approche politique, voire idéologique, de la démocratie sociale dans notre pays.

L'idée sous-jacente, exprimée assez régulièrement, est que les petites entreprises n'embauchent pas à cause des difficultés administratives ou des surcoûts, mais aussi que la mise en place des institutions représentatives du personnel - délégués du personnel, comités d'entreprise, comités d'hygiène et de sécurité - serait en elle-même un frein à l'emploi.

Qu'un certain blocage psychologique puisse exister et que des exemples me soient cités, je n'en doute pas. Que le politique - qui, lui, doit affirmer sa conception de la démocratie sociale et des rapports sociaux - y souscrive dans le cadre d'une politique de l'emploi, c'est beaucoup plus grave.

Car, en comparaison avec les pays voisins, l'un des paramètres qui nous distingue est la faiblesse du système conventionnel dans notre pays - la faiblesse des possibilités du dialogue social, la faiblesse du droit conventionnel -, parce que les structures de négociation, les habitudes, les impératifs que la loi donne au cadre de la négociation n'existent pas.

Et au lieu de renforcer cette démocratie sociale, sur laquelle, pour notre part, nous avons fait des propositions très précises - des élections représentatives pour tous les salariés, pour affirmer la représentativité par branche, et le principe de l'accord majoritaire afin de sortir des difficultés que nous connaissons aujourd'hui -, vous, vous nous opposez un cheminement exactement inverse, tournant le dos à cette idée de la démocratie sociale et à la nécessité des institutions représentatives pour pouvoir négocier dans les entreprises.

En cela, vous êtes en contradiction totale avec vos grandes déclarations sur votre attachement à cette démocratie sociale, entendues lors de la discussion de la loi Fillon il y a quelques mois. En réalité, vous lui tournez le dos aujourd'hui, et cela me paraît très grave.

C'est d'autant plus grave que, au-delà, les conséquences de votre disposition sont difficiles à mesurer. En effet, les dispositions de l'article L. 122-14-5 du code du travail - c'est le droit positif - limitent déjà les droits des salariés dans les entreprises de moins de onze salariés en matière de procédure de licenciement et d'indemnités accordées par les conseils de prud'hommes. Avec ce seuil de onze salariés, la rédaction du 4° de l'article 1er du projet de loi aboutira, du seul fait d'un douzième salarié de moins de vingt-six ans dans l'entreprise, à ce que l'ensemble des droits des autres salariés, y compris sur le plan de la procédure devant les conseils de prud'hommes, se trouve diminué !

M. Jean Le Garrec. Eh oui !

M. Alain Vidalies. Tel est bien le résultat, aujourd'hui, du croisement de votre texte avec les dispositions de l'article L. 122-14-5 du code du travail qui prévoient l'exclusion d'un certain nombre de règles protectrices pour les entreprises de moins de onze salariés. Et tout est à l'avenant dans votre projet !

Sur cette question, il y a une profonde divergence politique. Et je ne comprends pas, car vous étiez de bonne foi, comment vous êtes passés d'un discours sur la nécessité de mettre en place la démocratie sociale - et je le dis malgré notre désaccord sur le dispositif qui nous a été proposé par M. Fillon - à un dispositif qui, aujourd'hui, lui tourne le dos. Les Français le ressentiront de cette façon. Vous souscrivez à l'idée que, dans ce pays, en 2005, permettre aux syndicats et aux salariés d'avoir des représentants est mauvais pour l'emploi ! Vous l'avouerez, elle emprunte plus à une conception des rapports sociaux du XIXe siècle qu'aux exigences de ce jour.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. Avis défavorable.

Je comprends bien les différentes argumentations développées. Simplement, la philosophie, la colonne vertébrale du texte - face à l'importance du chômage des jeunes - est de créer, dans les entreprises de moins de vingt salariés, un déclic psychologique là où des potentialités de développer des emplois existent.

C'est pourquoi, parallèlement, une évaluation du nouveau dispositif est nécessaire, permettant d'observer l'avancement des choses ; et je remercie le ministre d'avoir répondu très clairement sur ce point ce matin.

La priorité du moment me semble claire : elle est de donner, enfin, du travail à notre jeunesse. Même si certains arguments sont recevables, nous voulons donner à l'emploi la priorité par rapport au reste, en raison de la situation intenable et dramatique que constitue le statut de chômeur pour un jeune.

Voilà la raison essentielle pour laquelle cette mesure nous paraît nécessaire. Comme je l'ai dit ce matin, c'est le pari positif de ce projet, avec la mesure consistant à neutraliser le surcoût du passage du seuil des dix salariés. Il n'y a pas de raison que nous ne puissions pas inverser les choses. La commission s'est donc opposée à ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Comme l'a expliqué le rapporteur, l'objectif du texte est bien d'inciter à l'embauche des jeunes.

D'abord, je précise que cela ne concerne que les jeunes nouvellement embauchés, d'où l'absence d'effet direct sur les situations existantes ; mais j'y reviendrai, monsieur Vidalies, car c'est assez important par rapport à l'ordonnance.

M. Guy Geoffroy. C'est essentiel !

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. L'aménagement des règles de décompte ne concernera que les jeunes nouvellement embauchés, le « flux », si j'ose dire, pas le « stock ».

Ensuite, la neutralisation de l'effet de seuil pour les jeunes, ce n'est pas le XIXe siècle, c'est 1985 et la loi sur l'apprentissage : quand M. Fabius - M. Le Garrec s'en souvient sûrement puisqu'il était au gouvernement à l'époque - souhaite relancer l'apprentissage, il neutralise l'effet de seuil des apprentis.

Il existe une deuxième neutralisation, observée notamment dans la vie associative puisque nous avons de grandes associations, notamment celles s'occupant des handicapés : la neutralisation des emplois aidés.

Par conséquent, ce n'est pas la première fois que nous sommes dans une neutralisation de l'entrée des jeunes dans les dispositifs ; c'est la réalité.

M. Guy Geoffroy. Et quand c'est la gauche qui le fait, c'est très bien !

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. On peut le regretter, ou non, monsieur Gremetz. Nous sommes dans une logique qui s'inscrit dans une volonté partagée, sur tous les bancs, d'inciter à l'embauche des jeunes puisque, depuis 25 ans, elle pose problème.

M. Loïc Bouvard. Très bien !

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Vous le constatez : ce sont les jeunes qui sont la préoccupation prioritaire du Gouvernement aujourd'hui.

M. Loïc Bouvard. Absolument !

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Pour moi, c'est une vraie préoccupation : quelle que soit la lecture statistique qu'on ait de la catégorie 1 et des jeunes, sur laquelle il pourrait y avoir débat, je ne peux pas me satisfaire de la situation. Il faut savoir qu'un jeune sur cinq connaît de grandes difficultés par rapport à l'emploi.

M. Maxime Gremetz. Ça s'appelle le chômage !

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Je tiens à le redire : pour le Gouvernement et pour le ministre délégué en charge de l'insertion professionnelle des jeunes, c'est une vraie préoccupation.

Monsieur Gremetz, puisque vous évoquiez un territoire que vous connaissez bien, dans lequel, malheureusement, se trouvent beaucoup de niveaux 5 et 6, et puisque vous étiez présent lorsque nous avons signé la convention d'objectifs sur l'apprentissage, vous le constatez bien comme nous : cette préoccupation est la priorité et doit être au cœur des priorités de chacune et de chacun.

Cela rejoint d'autres dimensions, comme la loi sur l'école, car s'il existe autant de niveaux 6 et 5, c'est parce qu'il y a aussi un problème en matière de formation initiale et d'orientation. C'est également un sujet sur lequel nous devons nous retrouver, les uns et les autres.

M. Guy Geoffroy. Sans tabou !

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Gremetz, vous m'interrogez sur la prise en compte des salariés mis à disposition. L'article L. 620-10 du code du travail est clair - et c'est un sujet sur lequel j'ai eu un échange en dehors de cet hémicycle - : ils sont pris en compte prorata temporis dans les effectifs de l'entreprise d'accueil.

En outre, Mme Billard, M. Vidalies et M. Gremetz se sont inquiétés des droits collectifs et individuels des salariés. Je peux leur assurer que l'ordonnance a vocation à préciser clairement que l'aménagement dans le décompte des effectifs n'aura pas pour conséquence de supprimer les institutions représentatives du personnel là où elles existent.

M. Alain Vidalies. Nous n'allons pas revenir en arrière, tout de même !

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Vidalies, nous y veillerons...

M. Alain Vidalies. C'est le minimum !

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. ...et, sur ces sujets, nous souhaitons avoir un débat approfondi avec M. le rapporteur.

Voilà les éclairages que je voulais apporter à la représentation nationale. Cela nous donne un devoir dans la préparation de la rédaction des ordonnances que nous soumettrons au comité supérieur de l'emploi. Nous consulterons les présidents de commission des deux assemblées et les rapporteurs, puis le conseil des ministres aura, le moment venu, à se prononcer.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Avis défavorable, donc. Pardonnez-moi, monsieur le président, d'avoir été un peu long,...

M. Guy Geoffroy. C'était très nécessaire !

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. ...mais le sujet le méritait.

M. le président. Le temps de parole du Gouvernement n'est pas limité, monsieur le ministre.

Avant de donner la parole à Mme Billard, j'informe l'Assemblée que sur le vote des amendements n°s 10, 50 et 71, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Les emplois aidés et l'apprentissage sont des situations momentanées, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Malheureusement, on voudrait avoir vingt-six ans toute la vie !

Mme Martine Billard. Ces situations durent au maximum deux ans. Vous ne pouvez pas comparer deux ans avec huit ans. Cela n'a rien à voir.

M. Guy Geoffroy. On peut faire plusieurs apprentissages successifs !

Mme Martine Billard. Si vous commencez à travailler à dix-huit ans - ou avant, si vous débutez en apprentissage -, de dix-huit à vingt-six ans, vous n'existez pas avec une telle disposition !

Et le problème n'est pas que vous n'existez pas uniquement dans les entreprises de moins de vingt salariés. Car dans ce cas-là, vous n'auriez pas rédigé le 4° de cette façon, vous auriez écrit : dans les entreprises d'au plus vingt salariés, aménager les règles de décompte. Or ce n'est pas ce qui est écrit, il est dit que c'est de manière générale : dans l'ensemble des entreprises, aménager les règles de décompte. Par conséquent, cela aura un effet de ricochet...

M. Jean Le Garrec. Dans toutes les entreprises !

Mme Martine Billard. ...dans toutes les entreprises et donc sur le seuil de cinquante salariés.

Beaucoup de jeunes en difficulté n'arrivent pas à trouver un emploi, nous expliquez-vous. Mais vous ne l'avez pas précisé dans le texte : il n'est pas mentionné que la mesure concerne les jeunes de moins de vingt-six ans en difficulté par rapport à l'emploi !

M. Jean Le Garrec. Tous les jeunes !

Mme Martine Billard. L'article vise bien tous les jeunes ! Par conséquent, tout salarié de moins de vingt-six ans ne compte pas dans les effectifs de n'importe quelle entreprise ! C'est tout de même très différent de ce que vous essayez de nous faire croire en nous expliquant que ne sont concernés que les jeunes en difficulté des entreprises de moins de vingt salariés. Non, ce n'est pas du tout ce qui est écrit dans le texte de loi.

Or à l'heure actuelle, 28 % seulement des établissements de dix à quarante-neuf salariés possèdent des délégués du personnel car l'obligation commence à partir de dix salariés. Votre rédaction revient donc à dire : ces 28 % - même pas un tiers des entreprises -, c'est insupportable, il faut s'empresser de supprimer la possibilité pour un tiers des entreprises d'avoir des délégués du personnel !

En matière de délégués du personnel, les obligations sont assez faibles pour ces entreprises. Celles qui comptent entre dix et vingt salariés n'ont qu'un seul délégué titulaire et un suppléant. Et ce n'est pas l'obligation faite au chef d'entreprise de se réunir avec le délégué titulaire − et non avec le délégué suppléant − qui peut mettre son entreprise en danger.

D'autre part, dans le secteur de la restauration rapide − que je connais bien, car il est très présent dans ma circonscription, avec Pizza Hut ou McDonald's −, on n'emploie pratiquement que des jeunes et le turnover est très important. Ainsi, dans ces entreprises, il n'y aura plus de délégués du personnel ni de délégués syndicaux, alors que les conditions de travail y sont particulièrement mauvaises et que la réglementation du travail y est plus ou moins respectée. Ce n'est pas un hasard si, dans les entreprises de ce type, on constate régulièrement des protestations et des mobilisations. Avec ce que vous êtes en train de nous faire voter, il n'y aura plus de délégué syndical chez McDonald's et chez Pizza Hut. Bien que, contre l'avis de l'inspection du travail, vous ayez déjà autorisé les licenciements de ces délégués dans un certain nombre de cas qui se multiplient depuis trois ans, vous n'avez pas réussi à empêcher les salariés de ces secteurs de continuer à résister. Aujourd'hui, vous revenez à la charge et vous les faites carrément disparaître.

M. Maxime Gremetz. C'est ce qu'on appelle nettoyer au Kärcher !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais mettre aux voix par un seul vote les amendements nos 10, 50 et 71.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 27

                    Nombre de suffrages exprimés 27

                    Majorité absolue 14

        Pour l'adoption 5

        Contre 22

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

M. Maxime Gremetz. C'étaient pourtant des amendements historiques !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 77.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 61 et 62.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour les soutenir.

M. Alain Vidalies. Ces amendements sont défendus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 63.

La parole est à M. Jean Le Garrec, pour le soutenir.

M. Jean Le Garrec. Avec cet amendement, il s'agit de reprendre le débat que nous venons d'avoir en l'étendant aux dispositions relatives aux comités d'entreprise. M. Gremetz, M. Vidalies et Mme Billard en ont parlé. On sait le rôle important que joue le comité d'entreprise, qui a un droit de regard sur le système d'organisation du travail. Or, à propos des jeunes de moins de vingt-six ans, vous adoptez, monsieur le ministre, une position extravagante, relevant d'une analyse de la situation qui nous semble inacceptable.

Ne me répondez pas en évoquant la situation particulière de l'apprentissage et les contrats aidés. Si c'était à refaire, je ne prendrais pas, aujourd'hui, la position qui avait été défendue à l'époque. Nous avions alors l'intention de bien sérier les problèmes, mais, en ce qui concerne les contrats aidés, je considère qu'une erreur a été commise − car il nous arrive aussi d'en commettre.

Mme Billard a évoqué avec raison la très difficile question du renouvellement syndical. Si, d'entrée de jeu, vous annoncez aux jeunes de moins de vingt-six ans qu'ils ne pourront pas compter, à quoi bon s'engager dans le renouvellement syndical ? C'est un problème d'une extraordinaire gravité qui se pose là. Vous ne pouvez pas, en même temps, défendre le dialogue social, comme le faisait M. Fillon, et interdire l'indispensable renouvellement syndical. Vous avez donc, en la matière, une position de rejet total où vous faites la différence entre l'emploi dans sa complexité et la nécessité de défendre les salariés. Vous accédez ainsi à une vieille revendication du patronat. Pourtant, j'aimerais qu'on me cite une seule entreprise qui ait renoncé à embaucher, si elle avait besoin de le faire, à cause du rôle des comités d'entreprise. Des enquêtes ont été conduites : il n'y en a pas. On sait que cela n'a aucun effet. Mais, en même temps, c'est une manière de discrimination qui sera très mal vécue par les jeunes.

Mme Billard le disait encore avec raison : dans le secteur de la petite restauration, des jeunes ont mené des batailles très difficiles pour obtenir des garanties, des droits, des choses aussi simples qu'un local où se réunir. Vous considérez que ces batailles-là n'ont pas eu lieu et vous les effacez définitivement. Cela ne peut qu'accentuer le sentiment qu'ont parfois les jeunes d'être victimes de discriminations. En outre, comment croyez-vous que sera vécue, au sein de l'entreprise, la distinction entre les jeunes déjà embauchés et les nouveaux ?

Je me demande au nom de quoi vous prenez de telles mesures. Et vous savez très bien que c'est une erreur fondamentale. En l'occurrence, je sais d'où vient le lobbying : n'en parlons pas. Mais c'est une grave erreur politique que de répondre au lobbying en faisant croire qu'on agit au nom de l'emploi, qui est une juste cause. Je vous donne rendez-vous, monsieur le ministre : vous verrez que vous en payerez les conséquences. Au passage, vous remettez en cause les engagements solennels du Président de la République − et l'on sait dans quelles conditions il a été réélu − et les engagements non moins solennels de M. Fillon, qui affirmait qu'en aucun cas on ne remettrait en cause des aspects importants du droit du travail sans avoir eu une discussion préalable avec les organisations syndicales, sans avoir négocié un accord avec elles. Certes, M. Fillon n'est plus au gouvernement, mais est-ce bien une raison pour ne pas tenir un engagement qui n'était pas celui d'un seul ministre, mais de tout le gouvernement ?

Ces dispositions sont d'une extraordinaire gravité. Non seulement elles n'auront aucun effet sur l'emploi − chacun le sait −, mais elles marquent une première étape dans la remise en cause de droits fondamentaux. Car pourquoi, ensuite, s'arrêter en si bon chemin ? Pourquoi ne pas continuer, demain, pour les plus de cinquante-cinq ans ? Pourquoi ne pas inclure ensuite d'autres catégories ? Ainsi, de fil en aiguille, vous êtes en train de détricoter le droit du travail.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Avec cet amendement, nous abordons une deuxième question liée aux seuils. Je vous ai dit, tout à l'heure, que les IRP ne disparaîtraient pas, puisqu'il s'agissait d'une nouvelle embauche. Il est à présent question de la représentation syndicale, notamment de la vitalité du dialogue social et de son intérêt à l'intérieur des entreprises.

Monsieur Le Garrec, j'ai rappelé ce matin à l'Assemblée que Jean-Louis Borloo et moi-même avons lancé, il y a très exactement un an, le 30 juin 2004, le dialogue avec les partenaires sociaux sur ces sujets. J'ai d'ailleurs transmis à votre rapporteur copie du courrier que nous leur adressions alors et l'ai informé de l'issue des réunions que nous avons tenues : nous avons en effet conclu que cette question relevait de l'exécutif et du législateur.

François Fillon a lancé le chantier du financement du syndicalisme : il y a eu la hausse des crédits de formation, la clarification du statut fiscal des syndicats, la hausse de la réduction d'impôt au titre des cotisations syndicales, en application de la loi de finances pour 2005, et la possibilité, pour les collectivités territoriales, de financer les structures locales des syndicats. Vous le voyez, le Gouvernement est soucieux du dialogue social et de l'avis des partenaires sociaux. Mais ce chantier n'est pas achevé. Il nous reste notamment à sécuriser ceux qui pourraient ne pas être tout à fait en conformité, pour faire que la diversité de la représentation, dans les syndicats de salariés comme dans les organisations professionnelles, ne soit pas uniquement le fait des structures publiques ou parapubliques, mais se retrouve aussi dans le secteur privé et le secteur marchand. Nous allons poursuivre ce travail. Mais ne laissez pas croire, monsieur Le Garrec, que nous nous dirigeons vers un effacement du dialogue social ou vers je ne sais quel ostracisme.

M. Jean Le Garrec. Si !

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. À titre personnel, je considère qu'il est une manière de vivre le dialogue social qui peut être positive tant pour l'entreprise que pour les salariés. C'est un des éléments à propos desquels nous devons mener une réflexion collective.

M. Jean Le Garrec. Il n'y a pas d'amour, monsieur le ministre, il n'y a que des preuves d'amour ! (Sourires.)

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Oh, vous savez, les preuves d'amour... Il vaut mieux s'appuyer sur la recherche de l'ADN ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Rassurez-vous, je ne vais pas philosopher sur l'amour.

M. Guy Geoffroy. Ce serait joli, pourtant !

M. Maxime Gremetz. Je ne m'en sens pas capable. Je ne suis pas un philosophe, je suis un ouvrier.

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Mais tout le monde a droit à l'amour, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. J'ai bien une philosophie à moi, mais elle n'a rien d'universel.

M. Pierre-Louis Fagniez. Je doute donc qu'on puisse la comprendre !

M. Maxime Gremetz. Mais il faut respecter la diversité des philosophies.

Monsieur le ministre, je vais un peu sortir du cadre des droits des salariés et de l'entreprise. Mme Billard a posé une vraie question et je vous demande d'y réfléchir : au moment où, le 29 mai, après un grand débat, des gens qui n'avaient pas voté depuis des années, des jeunes qui n'avaient même jamais voté, ont fait preuve de citoyenneté en disant que ça suffisait, qu'ils en avaient assez qu'on décide toujours pour eux, qu'ils ne voulaient plus qu'on leur dise ce qu'ils avaient à faire, qu'ils voulaient être citoyens, être consultés et, surtout, qu'ils ne voulaient plus qu'on se moque d'eux, qu'ils souhaitaient être considérés − ce qui est bien la moindre des choses −, vous prenez cette mesure-là, qui fait que ces jeunes sont désormais virtuels, qu'ils n'ont aucune réalité. Cela pose un vrai problème constitutionnel : n'y a-t-il pas là une discrimination par l'âge ? Ceux qui auront vingt-cinq ans n'auront pas un droit dont jouiront ceux qui auront vingt-six ans. Comment justifier cela ?

N'étant pas comptabilisés dans le cahier des effectifs de l'entreprise, les jeunes ne figureront pas sur les listes électorales, ils ne pourront donc pas participer aux votes et ils ne bénéficieront pas de telle ou telle avancée, etc., alors que ces droits sont reconnus.

Au-delà de la simple application du droit du travail, sur laquelle nous nous sommes déjà exprimés, avouez qu'une telle discrimination pose de graves problèmes et que les remous risquent d'être importants.

Bien sûr, le Gouvernement et la majorité peuvent décider ce qu'ils veulent, ils sont majoritaires, mais je suis persuadé que cette décision aura un effet boomerang, dans des formes sans doute peu souhaitables.

Ce n'est ni un avertissement, ni une menace, juste le fruit de ma réflexion.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Alors que l'on s'interroge actuellement sur le caractère discriminatoire au regard de l'égalité des chances de chacun des offres d'emploi qui précisent un âge - et la Haute autorité que le Gouvernement a créée sera sans doute saisie de cette question -, vous proposez d'introduire dans le calcul des effectifs une nouvelle discrimination fondée sur l'âge. Comment allez-vous justifier une telle attitude au regard de la Constitution et du droit européen ? Vous aurez sans doute un petit peu de mal à expliquer que votre décision est dictée par les nécessités de la création d'emplois, d'autant qu'elle ne concerne pas uniquement les entreprises de moins de vingt salariés. Si vous vous obstinez, je crains que les procédures ne se multiplient, aussi bien au niveau national qu'au plan européen, et il n'est pas du tout certain que vous en sortiez gagnants. Découper le monde du travail en catégories de plus en plus étanches n'est bon ni pour l'emploi, ni pour les salariés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 64.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. L'amendement n° 64 est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 65.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. L'amendement n° 65 est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 58.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Claude Gaillard, rapporteur. Je ne reprendrai pas au fond l'argumentation, celle-ci a déjà été maintes fois développée. Simplement, pour répondre à l'urgence et permettre aux jeunes de trouver un emploi cet été, nous proposons de faire démarrer la mesure dès le 22 juin, date de la présentation du présent projet de loi en conseil des ministres.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Le Gouvernement est favorable, et lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. Maxime Gremetz. Trois voix contre trois, monsieur le président.

M. le président. Laissez-moi présider, monsieur Gremetz.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Ne vous laissez pas déstabiliser, monsieur le président.

M. Pierre-Louis Fagniez. Nous vous soutenons, monsieur le président.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 66.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. L'amendement n° 66 est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 11.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. L'amendement n° 11 est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 76.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. L'amendement n° 76 est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 12, 51 et 72.

La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l'amendement n° 12.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Nous proposons, par l'amendement n° 12, de supprimer le 6° de l'article 1er car nous considérons que le titre de paiement qu'il introduit dans les très petites entreprises pourrait avoir de graves conséquences. Je peux comprendre qu'on cherche à simplifier les démarches administratives d'une entreprise qui embauche son premier salarié, parce que la première fois, ce n'est pas du tout évident, mais je ne sais pas très bien ce que recouvrent les termes de « très petites entreprises » car cette catégorie a tendance à s'élargir sans que nous sachions précisément où elle s'arrête.

Surtout, le cumul de toutes les dispositions envisagées par ce projet de loi, le contrat nouvelle embauche comme ce dispositif simplifié, va aboutir à ce que des salariés soient embauchés sans contrat de travail écrit, sans connaître leurs horaires de travail, ni le montant de leur salaire, ni même leurs conditions de travail. Aucun document ne pourra servir de référence en cas de litige avec l'employeur.

À la limite, nous pourrions admettre, je le dis parce que je sais que d'autres forces politiques ne partagent pas ce point de vue, ce système simplifié pour le premier salarié, à condition qu'un contrat écrit, préalable à l'embauche et fixant les conditions, soit rédigé. Cela pourrait permettre à ces très petites entreprises de sauter le pas du premier salarié sans se heurter immédiatement à la complexité des différentes administrations qui interviennent dans le champ de l'emploi.

Mais tel qu'il nous est proposé à l'heure actuelle, le dispositif n'est pas acceptable. Nous ne refusons pas, dans l'absolu, le principe de la simplification. Nous sommes opposés à une simplification sans aucun garde-fou pour protéger le salarié dans ses droits et dans ses possibilités de recours.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 51.

M. Maxime Gremetz. L'alinéa que nous voulons supprimer concerne les très petites entreprises. Mais, en réalité, on ne sait plus ce que sont désormais les très petites entreprises, comme d'ailleurs on ne sait pas ce qu'on entend par petites et moyennes entreprises. De cinq, on est passé à dix salariés, puis le chiffre de vingt salariés a été retenu, par référence à l'Europe. Même vous, monsieur le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, j'ai l'impression que vous n'en savez pas plus que nous. C'est trop compliqué.

Donc, cet alinéa, qui ouvre aux très petites entreprises, qui ne sont définies nulle part - nous sommes là encore dans le virtuel -, la possibilité d'utiliser un dispositif simplifié de déclaration d'embauche et de se servir d'un titre spécial de paiement, parachève l'édifice de précarisation de l'emploi.

Les mesures contenues dans ce texte, et qui feront l'objet des futures ordonnances, creusent en effet les inégalités entre salariés des petites et des grandes entreprises.

Premièrement, le chèque emploi est créé pour, nous dit-on, simplifier l'acte d'embauche. Il aurait valeur à la fois de bulletin de salaire et de contrat de travail. Bizarre ! Le contrat de travail n'existant plus, seraient supprimées, dans les TPE, les références légales du travail dans le but d'élaguer progressivement toutes les normes sociales entourant le statut de salarié.

Le procédé qui existe déjà, celui du chèque emploi service en vigueur pour les emplois à domicile, serait étendu au monde de la petite entreprise, creusant l'écart en termes de droit du travail avec les salariés des grands groupes.

Deuxièmement, le contrat nouvelle embauche induirait une période d'essai beaucoup plus longue que celle qui resterait en vigueur dans les grandes entreprises. Pendant deux ans, un petit patron pourra se séparer de l'employé sans même un véritable préavis de licenciement, puisque celui-ci sera fonction de l'ancienneté de l'employé.

Les mesures que vous présentez font éclater le cadre légal du licenciement dans les petites structures en le contournant complètement. Nous l'avons dit, l'employeur pourra se séparer du salarié sans avoir à le licencier, donc sans avoir à payer la prime de contrat, équivalente à 10 % du salaire, aujourd'hui obligatoire à la fin d'un CDD. On en revient aux conditions d'emploi du XIXe siècle où un patron employait des ouvriers à la journée ou à la tâche.

Troisièmement, le seuil des dix salariés correspond en réalité au seuil à partir duquel les salariés ont le droit d'élire une ou un délégué du personnel. Prétextant un surcoût de 5 000 euros par an pour les TPE qui embauchent un dixième salarié, l'État prendrait en charge les cotisations sociales patronales dues à partir du dixième salarié jusqu'au vingtième. Formidable : on en embauche un et on tire un bénéfice pour dix.

Mais cette troisième mesure est assortie d'un ajout de taille : les salariés des PME, qui sont jusqu'ici moins bien protégés que leurs collègues des grandes entreprises puisqu'il faut un minimum de dix salariés pour élire un délégué du personnel et cinquante salariés au moins pour bénéficier d'un comité d'entreprise, seraient enfoncés encore plus par ces dispositions.

Avec l'ensemble de ces mesures, les salariés des TPE sont les principales victimes de votre plan d'urgence. Vous allez creuser les inégalités entre les salariés, en renvoyant certains à des formes d'embauche d'une autre époque. Le chèque emploi, la modification du décompte des seuils d'effectif et le contrat nouvelle embauche sont autant de mesures qui affaiblissent les droits des travailleurs et qui font voler en éclat le code du travail.

Tout est fait pour réduire le droit du travail, démanteler le code du travail au nom de la sacro-sainte « liberté d'embauche ».

M. le président. Monsieur Gremetz...

M. Maxime Gremetz. Ne soyez pas aussi rigide, monsieur le président.

M. le président. Je ne faisais que vous avertir que votre temps de parole était bientôt écoulé, comme je le fais avec les autres orateurs.

M. Maxime Gremetz. Mais je ne dépasse jamais mon temps de parole, monsieur le président, c'est bien connu.

M. le président. Poursuivez, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas sur le dos des salariés que l'on gagne la bataille de l'emploi mais avec et pour eux.

J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous précisiez dans ce magma ce que sont les TPE, ce que sont les PE... C'est important.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 72.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, j'aimerais que vous répondiez précisément à une question importante sur laquelle nous ne sommes pas parvenus à obtenir de réponse.

Sans revenir sur le fond, j'aimerais que vous nous parliez des conséquences, éventuellement très risquées, de vos choix quant à la lutte contre le travail illégal. Actuellement, le principal dispositif utilisé par l'administration, que ce soit l'inspection du travail ou l'Urssaf, pour contrôler sur un chantier la présence éventuelle de travailleurs non déclarés ou de travailleurs clandestins, c'est la déclaration préalable à l'embauche que nous avons mise en place en 1991 et qui n'a pas été remise en cause depuis.

La déclaration d'embauche que vous préconisez est une démarche administrative qui est, au mieux, concomitante, mais éventuellement postérieure, à l'embauche réelle et à l'arrivée du salarié. Les documents que vous avez évoqués hier concernent le registre du personnel ou le registre de paye, je ne sais plus l'expression que vous avez utilisée, c'est-à-dire justement des documents qui existaient avant 1990, dont l'efficacité avait été contestée et qui nous avaient amenés, à notre initiative mais, me semble-t-il, avec un soutien très large, à mettre en place la déclaration préalable à l'embauche.

Ma question est donc très précise et correspond à une vraie préoccupation. Le passage du titre emploi entreprise au chèque emploi entreprise s'accompagnera-t-il de l'obligation, pour chaque employeur, de faire une déclaration préalable à l'embauche, qui consiste en une simple notification aux URSSAF contenant des renseignements sur l'identité du salarié et la date de sa présence sur le chantier ? Cette déclaration est en effet un outil indispensable pour lutter contre le travail illégal et j'espère que vous allez me répondre qu'elle n'est pas supprimée dans ce dispositif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements. En effet, la création du chèque emploi est le corollaire des contrats nouvelle embauche. L'objectif est de simplifier la procédure pour certains emplois dont j'ignore d'ailleurs le nombre - j'ai moi-même interrogé M. le Premier ministre sur ce point du haut de la tribune. Il n'appartient pas au rapporteur de répondre à certaines questions qui s'adressaient au Gouvernement, mais je tiens à dire que cette simplification devrait permettre de réduire le travail illégal auquel certains pourraient être plus tentés de recourir si la déclaration est trop complexe. Nous voyons donc, dans cette mesure prévue au sixième alinéa, un effet collatéral positif : avec ce système, il sera plus simple de déclarer qu'aujourd'hui.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. D'abord, monsieur Gremetz, ce sont les toutes premières embauches qui justifient la procédure simplifiée, laquelle n'est pas liée au seuil de dix ou vingt salariés. Les embauches suivantes suivront les procédures déclaratives traditionnelles. D'ailleurs, techniquement, il ne nous paraît pas indispensable d'aller au-delà.

Monsieur Vidalies, cette simplification est un point crucial. Nous travaillons avec l'ACOSS notamment, car il y a des contraintes techniques que vous connaissez bien, liées au nombre de branches, de conventions collectives par branche, à toutes sortes de complexités dues à notre mode d'organisation.

Il doit être très clair, mesdames, messieurs, que nous sommes là dans le domaine de la simplification déclarative et qu'il n'est en aucun cas question ni d'un substitut au droit du travail ni d'un amoindrissement des conditions de lutte contre le travail illégal.

Je ne peux, à l'heure qu'il est, vous répondre très précisément sur un plan technique, car nous travaillons sur ce sujet avec l'ACOSS, qui sera le grand opérateur en la matière, mais vous pouvez être assurés que nous poursuivrons un double objectif : autonomie du droit du travail et des conventions collectives par rapport à ce chèque ; simplification déclarative, mais accompagnée du maintien de toutes les garanties indispensables à la lutte contre le travail illégal. Le Gouvernement est donc défavorable à ces trois amendements.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 12, 51 et 72.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 87.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 74.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 75.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 52.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.

M. Maxime Gremetz. Le 7° de l'article 1er, que cet amendement vise à supprimer, reprend une vieille antienne de votre gouvernement : la remise en cause des statuts de la fonction publique.

Vous n'en êtes pas à votre premier coup d'essai. Ici, vous proposez de revenir sur une mesure déjà lancée par votre majorité en avril 2004 à l'occasion d'une niche parlementaire concernant la levée des limites d'âge pour passer les concours de la fonction publique.

Le ministre de l'époque, M. Dutreil, n'était pas convaincu du bien-fondé de cette mesure et s'en était même remis à la sagesse du Parlement.

Aujourd'hui, l'idée a fait son chemin puisque vous la ressortez du bois. Mais pour quelle raison ?

Supprimer les limites d'âge pour les concours de la fonction publique pourrait, de prime abord, recueillir notre assentiment. Aujourd'hui, en effet, la vie professionnelle d'un salarié ne connaît plus la même évolution que par le passé. Si, auparavant, une personne effectuait toute sa carrière dans une seule entreprise, ce n'est plus le cas aujourd'hui, fort heureusement.

Toutefois, nous nous interrogeons sur les motivations qui ont conduit à la présentation de cette proposition. Votre argumentation, mes chers collègues, repose en grande partie sur la réforme des retraites qui a induit un allongement des durées de cotisation.

Les salariés étant amenés à travailler plus longtemps, la solution proposée est de redynamiser le marché du travail en supprimant les limites d'âge pour les concours de la fonction publique. Il s'agirait de repenser leur place sur le marché du travail et plus précisément, en l'occurrence, dans l'administration. Selon le rapporteur, au moment de l'examen de la proposition de loi, il s'agissait d'envisager « une place plus grande qui pourrait être faite aux secondes carrières des travailleurs issus du secteur privé ».

Il est vrai que, à la différence du secteur privé, les agents de la fonction publique bénéficient de garanties qui leur permettent de garder leur emploi jusqu'à leur retraite. Malheureusement, vous savez parfaitement que la situation dans le privé est tout autre. Les salariés de plus de cinquante ans, voire de plus de quarante-cinq ans, sont aujourd'hui considérés comme trop âgés pour prétendre à cette seconde carrière : les entreprises du privé n'en veulent plus.

La présente proposition ne peut nous satisfaire. Certes, ces salariés ont droit à une seconde carrière, mais pourquoi ne l'envisager que dans la fonction publique ?

Il s'agit en réalité d'une tentative de remise en cause insidieuse du statut de la fonction publique. Naturellement, nous pouvons envisager d'aménager l'âge limite pour passer les concours en raison de la longévité des études universitaires ou encore en raison de choix professionnels tardifs en faveur des fonction publiques. Mais là, vous visez expressément les plus âgés ayant jusque-là accompli leur carrière professionnelle exclusivement dans le privé.

Ce n'est donc pas adapté, car vous ne songez qu'à la reconversion de certains cadres âgés du secteur privé dont les entreprises cherchent à se débarrasser.

Ce choix peut se révéler pernicieux, car il risque de remettre en cause les objectifs de promotion sociale des agents qui, par leur expérience accumulée au sein de leur cadre d'emploi, espèrent progresser dans leur carrière.

Ce n'est pas un choix judicieux de société de chercher absolument à mettre au travail les salariés âgés au détriment des jeunes qui cherchent à entrer dans les fonctions publiques. Vous allez, une fois de plus, bloquer l'ascenseur social.

Cette disposition pose le problème de l'évolution des carrières au sein de la fonction publique et de l'attractivité de celle-ci.

La mesure prévue au 7° de l'article 1er est inadaptée et ne peut être déconnectée d'une révision d'ensemble du projet de modernisation du statut de la fonction publique. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet alinéa, en accord avec l'ensemble des organisations syndicales des fédérations de la fonction publique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, car les mesures qu'il tend à supprimer sont adaptées aux besoins et de nature à enrichir l'expérience des uns par celle des autres.

S'agissant de la limite d'âge, considérer que le choix fait à vingt ou vingt-cinq ans vaudra pour la vie ne nous paraît pas adapté à la situation actuelle.

M. Maxime Gremetz. Ne soyez pas démago !

M. Claude Gaillard, rapporteur. Ensuite, je prendrai l'exemple d'un secteur très particulier à technologie avancée et se renouvelant régulièrement, à savoir celui de l'imprimerie, que vous connaissez comme moi. On m'a expliqué combien il était important que certains acteurs du secteur privé dans ce domaine puissent, en fin de carrière, apporter à l'éducation nationale leur savoir-faire, leur expérience en matière de technologie avancée. Il a donc semblé très important à la commission de leur laisser cette liberté. Cela ne veut pas dire que tous les salariés âgés du privé doivent terminer leur carrière dans le public, mais ceux qui le veulent doivent pouvoir le faire.

Quant au parcours d'accès à la fonction publique territoriale, hospitalière ou d'État, le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo a rappelé qu'il était indispensable de reconnaître des voies parallèles et l'alternance, à côté des études secondaires et universitaires. C'est donner une deuxième chance à des jeunes qui, à un moment de leur vie, n'avaient peut-être pas les qualités pédagogiques ou intellectuelles correspondant aux critères, mais qui pourront ainsi accéder plus tard à la fonction publique. Il y a donc une grande complémentarité entre la limite d'âge et l'utilisation d'autres filières comme l'alternance. D'ailleurs, cela se pratique à l'éducation nationale depuis 1989. Les mesures prévues au 7° de l'article 1er nous paraissent donc essentielles. C'est pourquoi la commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Gremetz, pensez-vous vraiment que l'on puisse empêcher des personnes, pour des raisons liées à l'âge, de mettre leur talent à la disposition du secteur public ? Pensez à ces femmes qui ont dû interrompre leur carrière tôt, notamment pour élever leurs enfants ? Le talent des uns et des autres est utile au service public.

M. Loïc Bouvard. Très bien !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Vous savez également combien il est difficile d'insérer dans la fonction publique certains jeunes des quartiers. Cela se fait déjà grâce à l'apprentissage, mais c'est une formule qui reste d'application complexe et limitée dans le public. Nous proposons, avec ce dispositif de formation en alternance une forme d'ouverture qui ne modifie en rien les conditions de présentation aux concours. Il s'agit seulement de faciliter un peu l'accès à la fonction publique, tout en offrant des opportunités complémentaires au service public, qui a besoin de soutiens, de perspectives de carrière et d'ouverture.

M. le président. Je mets aux voix...

M. Maxime Gremetz. J'ai demandé la parole, monsieur le président.

M. le président. J'ai déjà annoncé le vote, monsieur Gremetz. Je vous donnerai la parole ensuite.

M. Maxime Gremetz. Je l'avais demandée auparavant.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je ne dirai rien, monsieur le président, mais je vais agir.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 88.

M. Alain Vidalies. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Défavorable.

M. Maxime Gremetz. Je demande un scrutin public. Vous voyez, monsieur le président : nous allons perdre du temps. Vous avez eu tort de me refuser la parole !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est de l'obstruction !

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 88, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

En attendant que les cinq minutes réglementaires soient écoulées, je vous propose une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous allons maintenant procéder au scrutin.

M. Guy Geoffroy. Attendez ! M. Gremetz n'est pas encore revenu ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Me voilà !

M. le président. Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 88.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 21

                    Nombre de suffrages exprimés 21

                    Majorité absolue 11

        Pour l'adoption 3

        Contre 18

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d'un amendement n° 89.

La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Monsieur le ministre, je vous ai demandé hier de nous présenter de manière urgente un bilan de l'ensemble des actions engagées depuis trois ans. Je m'exprime avec un peu de gravité car j'ai été très frappé d'entendre le Premier ministre nous expliquer que les ordonnances en préparation représentaient la « dernière chance de sauver le modèle social français ». Nous sommes conscients de la portée d'un tel propos. Dans ces conditions, avant d'entreprendre quoi que ce soit, il aurait été nécessaire de faire le point sur ce qui a été tenté depuis 2002 et d'en examiner les résultats.

J'ai déjà évoqué la difficulté de connaître les effets de certaines mesures. Ainsi, nous serions très curieux de savoir ce qu'a produit le relèvement continuel du quota annuel d'heures supplémentaires dans les entreprises, fixé successivement à 120, à 180 puis à 220 heures, auxquelles s'ajoutent les sept heures supplémentaires d'une journée non rémunérée. Ces heures sont-elles consommées ? Quel effet ont eu de telles mesures sur l'emploi et sur les entreprises ?

Par ailleurs, qu'en est-il du CIVIS ? Lorsque ce dispositif a été mis en place, l'objectif était de signer 25 000 contrats avant 2006. Les dernières informations dont nous disposons, remontant au 15 juin 2004, font état de 324 contrats signés, tandis que 245 seraient en cours de signature. Au vu de ces informations, on peut considérer, semble-t-il, que seulement 500 CIVIS ont été signés à ce jour, malgré les avantages importants consentis aux employeurs dans le cadre de ce dispositif.

Voilà qui montre, monsieur le ministre, qu'il ne suffit pas de satisfaire le lobby du patronat, comme vous tentez de le faire en ce moment, pour agir sur l'emploi.

M. Guy Geoffroy. Quelle caricature !

M. Jean Le Garrec. Un tel contexte invite à prendre toute la mesure de la phrase du Premier ministre. Qu'arrivera-t-il si le Gouvernement échoue avec ce contrat nouvelle embauche, dispositif qui, à mon sens, - je me suis efforcé de le démontrer - relève d'une mauvaise approche du problème de l'emploi ? Doit-on comprendre que le modèle social français risque d'être remis en cause ? Les paroles de Dominique de Villepin sont extrêmement graves.

Vous jouez avec les seuils, avec l'âge des salariés, bref vous êtes en train de détricoter le code du travail. J'aimerais donc savoir, monsieur le ministre, ce qu'il en est des mesures qui ont déjà été prises. Les CIVIS conclus sont-ils bien au nombre de 500 ? Votre réponse permettrait de mettre en perspective la politique menée depuis trois ans.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

J'écoute toujours avec intérêt M. Le Garrec, car il connaît bien ce type de mesures et peut donc anticiper un certain nombre de difficultés. J'ai d'ailleurs moi-même proposé une évaluation, qui a été acceptée par le ministre, afin de s'assurer que ces dispositifs suivent la bonne trajectoire et qu'ils ne sont pas détournés de leurs objectifs par des effets pervers qui pourraient les affaiblir.

M. Jean Le Garrec. Voilà au moins un point d'accord entre nous !

M. Claude Gaillard, rapporteur. Bien entendu, j'ai confiance dans la manière dont M. le ministre les mettra en œuvre, mais il est important de veiller à ce que l'ensemble des dispositifs demeurent lisibles afin que les chefs d'entreprise, notamment de petites entreprises, puissent s'y retrouver. Notre volonté de bien faire ne doit pas être source de complications qui deviendraient dissuasives.

Cependant, il y a urgence et l'ensemble des mesures proposées sont cohérentes et complémentaires - je pense notamment au service militaire et à l'aide aux professions en difficulté. Encore une fois, je suis d'accord avec M. le Garrec sur la nécessité d'une évaluation, mais si nous devions en attendre les résultats pour agir, nous manquerions le but que nous nous sommes fixé avec ce projet.

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Si M. le ministre le permet, je souhaiterais réagir d'emblée aux propos du rapporteur. Tout d'abord, je suis heureux qu'il appuie ma demande d'un bilan précis des mesures engagées depuis trois ans. Comme il le dit, il nous faut veiller à la trajectoire de ces dispositifs. Or chacun sait qu'en matière de balistique, un écart minime de trajectoire au départ peut être considérable à l'arrivée. En l'espèce, si une erreur d'appréciation a été commise à l'origine, elle pourrait se traduire par des centaines de milliers d'emplois en moins.

M. Pierre-Louis Fagniez. Quel pessimisme !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Le Garrec, comme M. le rapporteur, je partage votre souci d'évaluation. C'est pourquoi le plan de cohésion sociale a prévu un comité de suivi et d'évaluation composé de parlementaires des deux assemblées et de tous bords, de membres du Conseil économique et social, de représentants des partenaires sociaux, ainsi que de l'Association des régions de France, de l'Association des départements de France et de l'Association des maires de France. Ce comité a vocation à faire le point en temps réel sur les dispositifs car, vous avez raison de le souligner, ils peuvent parfois évoluer. Nous l'avons vu avec le RMA, dont le volet consacré aux droits sociaux a été modifié par la loi de cohésion sociale, et avec le CIVIS dont les titulaires peuvent désormais se voir attribuer 300 euros supplémentaires par mois en cas de difficultés particulières.

Nous avons besoin, nous aussi, de disposer en temps réel d'éléments d'appréciation quantitatifs et qualitatifs. Je participerai donc prochainement à une réunion préparatoire avec Jean Bastide, qui était rapporteur du texte au Conseil économique et social et qui a été élu président du comité d'évaluation et de suivi. Il sera chargé de rédiger un rapport qui fera le point sur l'ensemble des dispositifs, notamment le CIVIS, et dont nous pourrons prendre connaissance avant la fin du mois de juillet. Ce rapport public sera bien entendu communiqué au Parlement. Je vous demande donc d'attendre les résultats de cette évaluation quantitative et qualitative.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Monsieur le ministre, quand ce comité d'évaluation se réunira-t-il ?

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je ne comprends pas que vous redonniez la parole à M. Le Garrec : il y a vraiment deux poids, deux mesures !

M. le président. Laissez-moi présider, M. Gremetz.

M. Jean Le Garrec. Si je dois mécontenter monsieur Gremetz, je préfère me taire. (Sourires.)

M. le président. Monsieur Le Garrec, vous n'ignorez pas, et pour cause, que c'est le président qui mène les débats, et non tel ou tel membre de l'Assemblée.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 53 et 73, tendant à supprimer le 8° de l'article 1er.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 53.

M. Maxime Gremetz. Il faut apprendre au président à ne pas être tantôt trop formaliste, tantôt trop souple. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous, vous êtes privés de parole. Vous n'intervenez donc jamais, sauf pour adresser des commentaires désobligeants à vos collègues et voir ainsi votre nom figurer au Journal officiel. (Rires sur les mêmes bancs.)

M. Pierre-Louis Fagniez. Nous vous mettons en valeur, monsieur Gremetz !

M. le président. Monsieur Gremetz, après ce grand moment d'éloquence, vous pouvez défendre l'amendement n° 53.

M. Maxime Gremetz. Puisque j'ai la parole, j'en profite pour évoquer la nouvelle vague d'allégements de cotisations sociales patronales qui ne figure pas dans le texte, mais qui fait partie du plan d'urgence. En effet, le patronat et les gouvernements successifs en ont fait le cœur du financement de leurs politiques de l'emploi. Depuis 1993, les exonérations de cotisations sociales patronales, que vous appelez baisses de charges sociales - comme si des sommes servant à financer la protection sociale pouvaient être qualifiées de charges - sont passées de 1 à 20 milliards d'euros, alors que la Cour des comptes indiquait elle-même, dans son rapport annuel de 2004, qu'il n'y avait aucune « vérification a posteriori sur les emplois créés ». Une telle somme pourrait être utilisée bien plus efficacement si, au lieu de réduire les « charges sociales », on allégeait les charges financières, c'est-à-dire les intérêts que, chaque année, les entreprises, grandes ou petites, remboursent aux banques.

L'expérience a déjà été tentée en Europe en 1995 et 1996. Appelé « facilité d'Édimbourg », ce mécanisme très incitatif consistait à utiliser l'argent public habituellement consacré à la baisse des cotisations patronales pour inciter le système bancaire à octroyer des crédits bonifiés, voire avec des taux d'intérêt nuls, aux entreprises qui s'engageaient à investir dans la production et à embaucher en CDI. Plutôt que de spéculer, les entreprises devaient impérativement utiliser ce crédit pour financer, sur la base d'engagements chiffrés, des investissements productifs et des emplois stables.

Dans ce dispositif, appelé « bonification sélective du crédit », l'argent public n'était versé aux banques en compensation de leur baisse de taux d'intérêt qu'après avoir vérifié, six mois plus tard, que les engagements chiffrés en termes d'investissements et de créations d'emplois stables étaient bien tenus.

À l'époque, les objectifs de la « facilité d'Édimbourg » furent dépassés, et pour un coût très inférieur à celui des mécanismes classiques. En effet, un emploi créé grâce à la baisse des charges financières, c'est-à-dire par bonification sélective des crédits, coûtait en moyenne 1 716 euros, contre 107 500 euros pour un emploi créé grâce aux traditionnelles baisses de « charges sociales », soit 63 fois moins. En outre, les emplois ainsi créés étaient stables, contrairement aux emplois précaires induits par les baisses de « charges sociales ».

C'est à cette voie nouvelle de financement public de l'emploi qu'il faut réfléchir, car les exonérations de cotisations aveugles minent les comptes de la protection sociale et tirent les salaires vers le bas, sans effet probant sur l'emploi qui plus est. On ferait ainsi écho aux propos du Président de la République, qui déclarait, le 31 mai dernier : « Quand il s'agit de la croissance, du chômage, de la précarité, aucune solution ne doit être écartée par préjugé, aucune ne doit être découragée. Le seul critère est celui de l'efficacité. » Voilà, avec ce nouveau mode de financement public de l'emploi, une opportunité de répondre aux attentes et aux aspirations du pays.

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec, pour soutenir l'amendement n° 73.

M. Jean Le Garrec. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. L'objectif du 8° est notamment d'aider le salarié à faire face aux frais qu'implique son retour à l'emploi : déplacements, garde des enfants, disparition de certaines aides. Il s'agit, en compensant ces pertes, de privilégier l'emploi par rapport à l'assistance.

Il s'agit également d'amener l'intéressé dans les secteurs qui offrent des emplois : le BTP, l'hôtellerie, la restauration, etc.

Ces mesures sont essentielles et constituent le corpus de ce projet de loi d'habilitation. C'est pourquoi la commission a repoussé ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Même avis. Ces mesures représentent de vrais coups de pouce vers un retour à l'emploi. Par ailleurs, le débat sur l'organisation du contrat de travail et le financement des sécurités sociales sera ouvert.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 53 et 73.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 13.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le président, puis-je soutenir en même temps les amendements nos 13 et 14 ?

M. le président. Je vous en prie, chère collègue.

Mme Martine Billard. Reprenant les termes de l'exposé des motifs du projet de loi, M. Gaillard explique dans son rapport que les incitations fiscales prévues au 8° « privilégieront l'activité, par rapport à l'assistance, pour favoriser le retour rapide à l'emploi ». Une telle présentation pourrait faire penser que les salariés qui ne trouvent pas d'emploi ont tendance à privilégier l'assistance. La formule est donc malheureuse et ne correspond pas au contexte auquel les salariés sont confrontés.

Sur le fond, on s'aperçoit que, par manque d'idées, on recourt toujours aux mêmes formules. Chacun s'accorde sur l'ampleur des problèmes posés par la création et la reprise d'entreprise. Et cette dernière sera encore plus importante, dans les années à venir, en raison des départs massifs à la retraite. Mais la solution passe-t-elle par l'attribution d'une prime de 1 000 euros ou par l'octroi de prêts permettant de créer ou de reprendre une entreprise ?

Aujourd'hui, s'ils n'ont pas de biens privés importants, les banques refusent de suivre les candidats à la création ou à la reprise. Aucun dispositif bancaire n'existe dans notre pays permettant, sinon des micro-crédits - ce ne serait pas à l'échelle -, du moins des petits crédits apportant un soutien substantiel à des entreprises qui, la plupart du temps, fonctionnent bien et ne demandent qu'à être reprises.

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

Mme Martine Billard. C'est à ce niveau que nous attendions la création d'un dispositif. Je suis toujours stupéfaite de constater que certains commerçants ou artisans, souvent jeunes, se heurtent à de véritables murs. Prenez l'exemple du patron boucher qui part à la retraite et dont le commis, qui en est capable, voudrait bien reprendre le fonds. Le patron est d'accord, mais le jeune ne trouve pas les moyens financiers pour le faire. Or, franchement, ce n'est pas avec 1 000 euros qu'il pourra reprendre l'entreprise. Le dispositif que vous proposez est décevant. Vous êtes à côté du sujet !

Les demandeurs d'emploi vont eux aussi bénéficier de la prime de 1 000 euros, destinée à faire face aux dépenses accompagnant le retour à l'emploi : frais de déplacement, garde d'enfants, perte de certaines aides. Mais pourquoi ne pas mettre en place un dispositif de cumul momentané, et dégressif, des aides et du salaire ? Cela donnerait le temps au nouveau salarié de restaurer ses capacités financières et d'acquérir la certitude qu'il ne va pas être mis à la porte au bout de quelques mois.

J'ajoute que la prime de 1 000 euros risque d'être attribuée à des personnes qui n'en auront pas vraiment besoin, tandis qu'elle sera insuffisante pour d'autres. Celui qui doit acheter une voiture pour répondre à une offre d'emploi parce qu'il n'y a pas de transports en commun, que pourra-t-il faire avec 1000 euros ? Aujourd'hui, les conducteurs sont soumis à un certain nombre de contraintes : non-pollution, état du véhicule, etc. Avec cette prime, l'intéressé ne trouvera rien qui corresponde.

Qui a bien pu inventer les mesures que vous proposez ? Sans doute quelqu'un qui n'a jamais été confronté à la reprise d'une entreprise ou au retour à l'emploi !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. Ces deux amendements visent à supprimer le a) et le b) du 8°, ce qui revient à reprendre les précédents amendements de suppression. Ma réponse ne peut donc être que la même.

Je confirme la citation du rapport, selon laquelle il s'agit de privilégier le retour à l'emploi par rapport à l'assistance. Je remarque aussi que 1 000 euros, c'est à la fois peu et beaucoup. Tout est relatif dans la vie.

M. Maxime Gremetz. C'est vrai : ce n'est pas beaucoup pour M. Dassault !

M. Claude Gaillard, rapporteur. Lorsque nous étions un peu plus jeunes et que nous n'avions pas trois sous, nous n'allions chercher un job que lorsque l'on nous remboursait le déplacement... Une aide de 1 000 euros n'est pas si négligeable pour ceux qui n'ont pas les moyens. Pour certains, ce peut même être assez déterminant.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame Billard, il ne s'agit pas, en l'occurrence, de reprise d'entreprise. Si c'était le cas, vous auriez raison.

Mme Martine Billard. Je lis bien au 8° : «En faveur des personnes [...] qui créent ou reprennent une entreprise... » !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Certes, nous visons la reprise d'un emploi ou la reprise d'entreprise. Mais n'oubliez pas qu'il existe un dispositif spécifique d'aide à la reprise, qui est une aide à la personne, et aussi un dispositif de financement destiné aux toutes petites entreprises dans la mesure où - vous avez raison - le système bancaire ne s'est pas révélé très performant. Voilà pourquoi nous avons mis en place un fonds de cohésion doté de 72 millions d'euros, dont la gestion est confiée à Michel Camdessus. Ce fonds apportera une garantie au réseau bancaire traditionnel. Le taux d'échec, de l'ordre de 2,5 %, n'est d'ailleurs pas plus élevé pour ces petites entreprises que pour les autres. Avec 72 millions d'euros, vous pouvez imaginer l'effet de levier qu'une telle mesure aura pour la reprise d'entreprises !

Cela dit, nous visons plus spécifiquement ici la reprise d'un emploi et l'accès aux métiers en tension. Il s'agit, comme l'a fait remarquer le rapporteur, de donner un coup de pouce aux demandeurs d'emploi ou aux jeunes.

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Mme Billard a raison : vous faites une mauvaise lecture du texte. On parle des personnes au chômage « qui créent ou reprennent une entreprise , ou qui sont recrutées pour occuper une emploi dans une entreprise. » Les deux cas de figure sont visés.

Mme Martine Billard. Eh oui !

M. Jean Le Garrec. L'argumentation de Mme Billard est donc fondée, s'agissant de la création et de la reprise d'une entreprise - vous l'avez vous-même reconnu - et s'agissant de l'éventuelle prime versée à ceux qui vont occuper un emploi dans une entreprise, dans le cadre du CNE.

J'ajoute que, dans ce dernier cas, ce n'est pas la somme elle-même qui pose problème - après tout, 1 000 euros, ce n'est pas négligeable, surtout pour des personnes qui « galèrent » -, c'est l'aspect pernicieux de la formule. Je préfère de très loin le système que nous avions mis en place, qui méritait peut-être d'être corrigé, mais qui permettait pendant un an de maintenir, de manière dégressive, les avantages dont bénéficiait auparavant le chômeur qui retrouve un emploi : 100 % pendant trois mois, 50 % pendant six mois et 25 % les trois derniers mois. Un tel système a l'avantage de s'inscrire dans le temps. Car, bien souvent, après une période de galère, de difficultés multiples, après une rupture, le fait de réintégrer le monde du travail n'est pas si facile, il faut du temps, et le maintien des aides sécurise le salarié et lui apporte des garanties.

Ce dispositif n'est plus de mise, mais j'estime qu'il serait préférable de le revoir, plutôt que de distribuer cette prime de 1 000 euros : pour la reprise d'entreprise, elle n'aura aucun sens ; pour le salarié qui reprend un travail, elle aura un impact immédiat mais n'aura pas d'effet dans le temps ni d'effet sécurisant.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je tiens à lever tout malentendu : la prime prévue est destinée au salarié reprenant un emploi. Dans la rédaction de la loi d'habilitation, on a simplement voulu ne pas exclure les quelques cas de reprise possibles. Relisez la déclaration de politique générale du Premier ministre, c'est parfaitement clair.

S'agissant de la reprise de petites activités, sujet effectivement très important, les dispositifs spécifiques sont maintenus. J'ai d'ailleurs eu l'occasion, ce matin, de faire le point sur le sujet avant la conférence de presse du Premier ministre : ce trimestre, on note une augmentation de 25 % de ces dispositifs.

Deuxièmement, ils pourront se trouver renforcés par un dispositif complémentaire pour lequel le repreneur-créateur-chômeur de longue durée aura la possibilité d'opter : le contrat d'accompagnement à l'emploi, contrat forfaitisé à l'allemande. Plutôt que des seuils glissants, le bénéficiaire de l'aide à la création ou à la reprise pourra en effet préférer, dans certains cas, un système de forfait.

Troisièmement, à la demande de Mme Novak, nous avons prévu, dans l'hypothèse que soulève Jean Le Garrec, un dispositif glissant de montée des charges sociales - ou des cotisations, dirait non sans raison M. Gremetz. Pourquoi glissant ? Parce que, dans le système antérieur, une des difficultés venait du fait qu'au premier euro de chiffre d'affaires se déclenchait le système global de cotisations. Le versement sera désormais proportionnel à l'activité pendant les premières années.

Quatrièmement, il faut y ajouter le fonds de cohésion sociale, qui est extrêmement important. L'ensemble du réseau distributeur - vous avez parfaitement raison sur ce point, madame Billard - doit contribuer au développement de ces crédits attribués pour la création ou la reprise. D'après les chiffres qui nous ont été communiqués par la fédération concernée, nous prévoyons un doublement de leur montant dans les dix-huit mois qui viennent.

Enfin, nous n'avons pas souhaité écarter le demandeur d'emploi de longue durée du bénéfice des 1 000 euros dans l'hypothèse d'une création ou d'une reprise, de façon à laisser le champ le plus ouvert.

Monsieur Le Garrec, c'est une addition de possibilités, ce n'est pas une substitution de moyens.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je suis un peu surpris, voire déçu, mes chers collègues, du dédain que vous manifestez, peut-être involontairement, pour une telle mesure.

Mme Martine Billard. Ce n'est pas du dédain !

M. Guy Geoffroy. Prenons le cas très précis d'une personne qui, après avoir travaillé au SMIC, est restée au chômage trop longtemps et se voit proposer un nouvel emploi au SMIC. Une telle personne, vous la connaissez, vous la rencontrez, comme moi, dans vos permanences. Que demande-t-elle ? Le minimum d'éléments financiers lui permettant de reprendre l'emploi qu'on lui propose dans des conditions dignes. Voilà ce que nous demandent nos concitoyens. Le Gouvernement propose d'attribuer à cette personne qui va de nouveau toucher le SMIC - ce qui n'est pas méprisable - une sorte de treizième mois, payé de surcroît avant le premier. C'est extraordinaire ! Grâce à cette mesure, qui se conjugue à d'autres, nos concitoyens auront non seulement la possibilité de retrouver un emploi pérenne dans le secteur marchand, mais qui plus est dans des conditions préservant leur dignité.

Je ne voudrais pas que nous donnions, à l'occasion de ce débat légitime, l'impression que ces 1 000 euros sont une obole.

M. Jean Le Garrec. Personne n'a dit cela !

M. Guy Geoffroy. Ils ne feront pas tout, certes, mais ils sont très importants.

À la veille du jour où le Gouvernement que nous avons l'honneur et la fierté de soutenir aura achevé son œuvre de relèvement des SMIC, en les unifiant en si peu de temps au plus haut niveau, ce qui équivaut, comme l'a fort bien dit le Premier ministre, à un treizième mois, nous pouvons nous enorgueillir également de cette mesure, qui va donner un treizième mois, payé avant le premier, aux nouveaux salariés.

M. Ghislain Bray. Il est bon de le rappeler !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je ne vois pas en quoi demander des précisions serait hautain ou méprisant. On a trop souvent constaté que des dispositifs avaient été créés sans envisager toutes les situations possibles. Ce n'est que sur le terrain que l'on s'en rend compte. Je préfère m'interroger ici et obtenir des réponses du ministre - et tout va bien puisque c'est un ministre qui répond, même si ses déclarations ne nous satisfont pas toujours - plutôt que de découvrir un problème dans six mois.

Par exemple, monsieur le ministre, la mesure fiscale prévue est-elle un crédit d'impôt ou une prime ? Si c'est une prime, est-elle imposable et saisissable ? Certaines personnes qui reprennent un emploi ont des difficultés financières, parfois un dossier d'endettement, et au premier euro de salaire, les impôts leur tombent dessus. Si vous n'y aviez pas pensé, il serait bon de soustraire cette aide à la reprise des possibilités de saisie, autrement, elle perdrait de son intérêt.

J'insiste aussi sur le problème de la garde des enfants. De nombreuses collectivités n'offrent pas d'accès aux crèches quand aucun des parents ne travaille, réservant les places aux familles ayant au moins un salaire.

M. Guy Geoffroy. Cela dépend des collectivités !

Mme Martine Billard. Si la reprise du travail a lieu en cours d'année, il n'y a pas de place en crèche. Il serait bon de prévoir une aide plus continue permettant de payer une assistante maternelle. Les 1 000 euros, bien évidemment, ne sont pas négligeables puisqu'ils représentent quasiment un SMIC.

M. Guy Geoffroy. C'est bien de le reconnaître !

Mme Martine Billard. C'est évident ! Mais pour les femmes, en particulier les femmes seules, ce problème de la garde d'enfants constitue le principal obstacle à la reprise d'un emploi. Je ne suis pas la seule à le dire, Mme Pécresse l'avait également indiqué en commission. Le Gouvernement prévoit-il un dispositif d'aide, même dégressive, permettant réellement aux femmes en difficulté qui reprennent un emploi de payer une assistante maternelle, le temps d'obtenir une place en crèche ou d'attendre l'entrée à l'école de leurs enfants ? Le problème continue d'ailleurs de se poser jusqu'à l'école primaire si leur emploi ne permet pas aux mères de se libérer pour la sortie des classes. Voilà un problème concret auquel j'aimerais avoir une réponse. Et ce n'est pas dédaigner les 1 000 euros que de le soulever.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Qu'en est-il de votre amendement n° 15, madame Billard ?

Mme Martine Billard. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 60 rectifié, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 93.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement.

M. Claude Gaillard, rapporteur. Pour éviter toute incohérence, cet amendement a pour but de permettre les adaptations nécessaires du texte aux dispositions existant déjà outre-mer.

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine, pour soutenir le sous-amendement.

M. Mansour Kamardine. Monsieur le rapporteur, je tiens à vous remercier d'avoir pensé à l'outre-mer, où les problèmes liés à l'emploi et à l'exclusion sont nombreux. Il est en effet souhaitable que les effets du dispositif national atteignent nos rivages lointains.

À Mayotte plus précisément, collectivité qui compte 160 000 habitants, le chômage atteint 40 %.

M. Loïc Bouvard. Eh oui !

M. Mansour Kamardine. Les Mahorais souhaitent travailler en toute dignité et ne pas se contenter de bénéficier de ce qu'en d'autres temps on appelait « l'argent braguette ». Ce que l'on refuse de donner par l'emploi, on sera amené tôt ou tard à le donner par l'assistanat, ce que nous refusons. C'est pourquoi il est extrêmement important de tout mettre en œuvre pour améliorer la condition de la population de ce magnifique territoire où les jeunes sont nombreux, où le SMIC sera demain à 647 euros, alors que le coût de la vie y est supérieur à celui des départements d'outre-mer, et où le système d'aide sociale se met en place progressivement et difficilement.

Je souhaiterais apporter une légère modification rédactionnelle à l'amendement du rapporteur en substituant au mot « situation », le mot « organisation », plus usité dans les textes adaptant des dispositions à Mayotte.

Pour cette collectivité qui se bat pour son intégration dans la France, je souhaiterais que cet amendement, ainsi sous-amendé, fasse l'objet d'un vote unanime.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Favorable au sous-amendement et à l'amendement.

M. le président. Vous levez donc le gage ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je propose moi aussi une petite modification rédactionnelle. Afin d'éviter une redondance du mot « Mayotte », il conviendrait de le remplacer à sa deuxième occurrence par les mots « cette collectivité ».

M. le président. Qu'en pensez-vous, monsieur le rapporteur ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. Je suis tout à fait d'accord.

M. le président. L'amendement est donc à nouveau rectifié.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 93.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60, deuxième rectification, modifié par le sous-amendement n° 93, et compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. Loïc Bouvard. À l'unanimité !

M. Mansour Kamardine. En effet. Je souhaite, monsieur le ministre, saluer votre élégance et remercier nos amis de l'opposition d'avoir voté l'amendement. Il est important que Mayotte sache que l'Assemblée nationale souhaite à ses jeunes d'avoir un emploi.

M. le président. Vous connaissez également, monsieur Kamardine, l'attention que porte le président de séance à l'outre-mer.

M. Mansour Kamardine. Tout à fait !

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, inscrit sur l'article 2.

M. Maxime Gremetz. À l'issue de mon intervention, vous pourrez considérer, monsieur le président, que mon amendement de suppression de l'article 2 aura été défendu.

M. le président. Fort bien.

M. Maxime Gremetz. À travers leur vote du 29 mai, les Français, en particulier les classes populaires, ont exprimé leur refus du chômage grandissant, des délocalisations et de l'insécurité professionnelle et sociale. Ils ont aussi affirmé leur ras-le-bol de la précarité et de la flexibilité du travail, mais aussi de la hausse du coût de la vie, à laquelle la mise en place de l'euro a contribué. Ce message-là, vous refusez de l'entendre : à un vote profondément antilibéral, vous répondez avec mépris par une nouvelle potion amère libérale, entraînant les travailleurs salariés vers toujours plus de précarité, de flexibilité et d'insécurité sociale. J'ai d'ailleurs écouté la conférence de presse qu'a tenue le Premier ministre ce matin. Je dois dire que je n'ai pas saisi - les Françaises et les Français non plus sans doute - quels étaient ses projets et dans quel sens il voulait aller. Une série de petites mesures ne font pas une politique alternative.

Ce mépris vaut aussi pour les partenaires sociaux, que le Gouvernement écoute mais sans les entendre. Alors qu'ils sont unanimes à dire qu'ils ne veulent pas de ce que vous proposez, vous le faites quand même. Si c'est cela la concertation ! Ne vous étonnez pas, dans ces conditions, d'être en déphasage avec la société.

Le déphasage des politiques avec la société, croyez-moi, ne me plaît pas, ne me réjouit pas car il me fait craindre que certains n'en profitent pour s'adonner au populisme le plus odieux et jeter le discrédit sur l'État républicain.

Enfin, vous préparez ces mauvais coups à la veille des vacances d'été qui coupent court, à brève échéance, à toute contestation populaire : une méthode éprouvée, devenue classique lorsqu'il s'agit de faire passer les pilules les plus amères de votre politique antisociale. Les exemples ne manquent pas dans le passé, les plus récents étant la réforme des retraites et celle de la sécurité sociale. C'est toujours au mois de juillet que nous nous retrouvons pour les grosses affaires qui devraient mobiliser les gens.

Car ce « plan pour l'emploi » aux accents ultralibéraux, que vous comptez faire passer à la hussarde par voie d'ordonnances, se place, qu'on le veuille ou non, dans la continuité des recettes que les Français ont rejetées et ne saurait décidément satisfaire que le MEDEF : il propose un contrat « nouvelle embauche » synonyme de dynamitage du CDI ; un lissage du seuil des effectifs qui permettra à l'employeur de s'affranchir d'une partie de ses obligations en matière de droits des salariés ; diverses autres mesures usées jusqu'à la corde et dont l'efficacité apparaît déjà comme des plus contestables, telles que les exonérations de cotisations patronales ou encore les incitations-sanctions au détriment des chômeurs.

Ces mesures constituent une remise en cause larvée mais brutale du code du travail, entraînant une modification substantielle de la législation non seulement sociale mais aussi fiscale. Peut-être même peut-on y voir une remise en cause implicite de la part de l'État des conventions collectives passées avec les partenaires sociaux. La situation est grave et sans précédent.

Dans les faits, la création du  contrat « nouvelle embauche » répond pleinement aux demandes du MEDEF de flexibilisation du marché du travail, et donc de précarisation des travailleurs salariés, alors que ces derniers n'en peuvent plus. Ce nouveau contrat de travail n'est dans les faits ni plus ni moins qu'un CDD de deux ans : il correspond donc à la légalisation du « salariat kleenex » !

En conclusion, avec cet article 2 qui prévoit les délais d'entrée en vigueur des ordonnances, vous allez mettre en œuvre des mesures choquantes tant sur le fond que sur la forme, des mesures qui constituent une véritable provocation pour le monde du travail que vous voulez entraîner toujours plus dans la voie de la précarisation, de la flexibilisation et de l'insécurité sociale.

L'ensemble de nos débats a confirmé les orientations du Gouvernement et laisse planer toute une série d'interrogations auxquelles vous n'avez pas pu donner réponse. Nous sommes prêts à soutenir toute mesure s'attaquant réellement à la fois au chômage et à la flexibilité. Mais, manifestement, ce n'est pas dans ce sens-là que vous allez. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 2.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements de suppression, nos 16 et 54.

La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l'amendement n° 16.

Mme Martine Billard. Comme celui de M. Gremetz, cet amendement tend à supprimer l'article 2.

Ainsi que je l'ai indiqué dès le début de la discussion, les Verts sont opposés à la procédure des ordonnances sur un tel sujet, d'autant que les mesures proposées ne visent pas à améliorer les conditions de vie de nos concitoyens mais, au contraire, à les dégrader.

L'on ne peut que noter votre obstination et votre constance, depuis trois ans, à casser le code du travail. Le contrat « nouvelle embauche » n'est qu'une mesure de plus.

Le fil conducteur de votre politique est de revenir, à terme, au contrat individuel tel qu'on le connaissait au début du XXsiècle. Nous ne sommes d'ailleurs pas le seul pays dans ce cas : j'ai lu récemment que des salariés faisaient grève en Australie pour lutter contre la même politique.

Un autre aspect sur lequel nous avons un désaccord de fond, c'est l'assèchement continu des recettes de l'État, qui le prive de toute marge de manœuvre pour d'autres politiques.

Aucun pays n'a réussi à construire un système productif digne de ce nom en laissant le marché fonctionner seul. Si l'on regarde les cinquante dernières années, on se rend compte que tous ceux qui ont développé un secteur productif fort ont utilisé le pouvoir et la puissance de l'État pour définir des orientations. C'est d'ailleurs ce que la France a fait au sortir de la guerre.

M. Maxime Gremetz. Oui !

Mme Martine Billard. Il faut bien reconnaître que la politique du général de Gaulle a permis de construire une industrie avec des secteurs forts.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

Mme Martine Billard. Mais il n'y a plus un seul gaulliste dans vos rangs !

M. Guy Geoffroy. Ah si !

Mme Martine Billard. À force de sacraliser le marché, vous allez mener la France à la même situation que celle des pays qui ont appliqué aveuglément la politique défendue par ce que l'on a appelé l'école de Chicago, c'est-à-dire à la destruction. Les pays comme le Chili sont devenus totalement dépendants de la conjoncture internationale. Je ne pense pas que ce soit ce que nous souhaitons pour la France ou l'Europe !

Franchement, ce n'est pas avec le style de politique que vous menez depuis trois ans que nous allons parvenir à réduire les inégalités dans notre pays, à construire la paix sur la terre et à appliquer un modèle de développement qui ne mène pas droit vers l'abîme du fait de ses conséquences sur la planète. J'ai expliqué tout à l'heure les effets que va avoir indirectement sur l'environnement la mauvaise compensation du versement transport.

Vous comprendrez donc que les Verts ne puissent accepter ni la procédure des ordonnances ni les décisions qui vont en sortir. Nous craignons d'ailleurs que l'été ne nous réserve de mauvaises surprises et que les mesures qui nous seront présentées ne soient encore pires que celles qui nous ont été exposées.

Telles sont les raisons de cet amendement de suppression de l'article 2 et du vote négatif des trois députés Verts sur l'ensemble du texte mardi prochain.

M. le président. L'amendement n° 54 a été défendu par M. Gremetz.

Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements de suppression ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements. Du point de vue constitutionnel, il est nécessaire de fixer des délais à la fois pour prendre les ordonnances et pour déposer les projets de loi de ratification. Ceux qui sont proposés me paraissent adaptés à l'urgence et à la période de l'année où nous nous trouvons.

Quant aux arguments développés par M. Gremetz et Mme Billard, ils relèvent de l'explication de vote et portent sur l'ensemble du débat. Je n'y reviens pas.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Avis évidemment défavorable.

J'aurai eu deux émotions au cours de ce débat. Hier, lorsque l'excellent président Dubernard a rendu hommage au général de Gaulle pour la mise en place de la sécurité sociale dans l'après-guerre de 1945, grand moment social de notre pays. Et aujourd'hui, en entendant Mme Billard rendre également hommage au général de Gaulle pour sa politique industrielle, et peut-être même pour sa politique énergétique (Sourires),...

Mme Martine Billard. Ah non ! Ça ne risque pas !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. ...ce qui, avouez-le, ne manquerait pas de sel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Moi, je rends volontiers hommage au général de Gaulle dans ces trois domaines. Seulement voilà, il n'y a plus de gaullistes !

M. Guy Geoffroy. Mais si !

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Je défendrai, par la même occasion, l'amendement n° 90. Dans celui-ci, nous proposons de raccourcir le délai pour prendre les ordonnances, afin d'aider le Premier ministre à respecter son engagement des cent jours ! C'est une précaution. Cela lui permettra de faire le bilan de son action à l'échéance promise.

Mardi prochain aura lieu le vote sur ce texte et nous expliquerons alors les raisons de notre opposition. Mais au bout de ces trois journées de débat, je souhaiterais faire trois brèves remarques.

Premièrement, je ne veux pas dramatiser, mais notre pays traverse une crise profonde, non seulement sociale et politique, mais également institutionnelle, et ce serait faire preuve de cécité que de ne pas voir les trois dimensions de cette crise, laquelle est un véritable défi pour tous les politiques, sans exception.

Deuxièmement, la procédure par ordonnances est détestable, exécrable ! Elle contribue, d'une part, à élargir le fossé entre les attentes des électeurs et l'action des politiques ; d'autre part, à affaiblir encore un peu plus le rôle des corps intermédiaires, et en particulier des organisations syndicales.

Enfin, je mets en garde contre le fait qu'à ne pas résister au lobbying, il s'ensuivra deux conséquences : un effet qui ne sera que marginal sur l'emploi et un détricotage du code du travail.

Ce débat m'a parfois donné l'impression d'être un théâtre d'ombres où nous parlions en dehors de la réalité. Mais croyez bien que les citoyens s'en aperçoivent et qu'ils réagiront certainement d'une manière que nous ne pouvons pas prévoir.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 16 et 54.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 90, que M. Le Garrec vient de défendre.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Gaillard, rapporteur. Le délai de dépôt des ordonnances a été proposé par le Gouvernement. La commission était d'accord. Par conséquent, elle a repoussé l'amendement n° 90 tendant à modifier ce délai. Nous considérons que cela relève plus des compétences du Gouvernement que des nôtres.

M. Le Garrec a repris les termes très durs qu'il avait déjà utilisés en commission. Je les respecte, même si je ne les comprends pas complètement.

À la lumière de ces quelques jours de débat, j'ai en effet le sentiment - n'y voyez pas une provocation - que l'on replace progressivement au bon niveau le débat politique à l'Assemblée nationale. On lui a beaucoup reproché de trop entrer dans les détails lors de l'examen des projets de loi et de pas consacrer assez de temps aux grandes options politiques. Eh bien, cette fois, nous nous sommes concentrés sur les grandes orientations qui s'offrent au pays. Et vous, mes chers collègues, avez essentiellement déposé des amendements de fond que nous avons examinés attentivement et sur lesquels nous nous sommes prononcés.

Avec le recul et compte tenu de mon expérience - certains d'entre vous ici en ont plus, d'autres moins -, je me demande si, indirectement, l'une des vertus de cette loi d'habilitation, grâce à l'ouverture d'esprit du Gouvernement qui est allé très loin dans les informations données, n'a pas été de permettre au Parlement de retrouver le rôle qui doit être le sien en concentrant ses débats sur les grands problèmes et les stratégies nationales.

Je voulais apporter ces précisions, afin que M. Le Garrec entende mon analyse, différente de la sienne, fort des trois jours que nous venons de passer ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Le Garrec. Quel art remarquable de la dialectique !

Mme Martine Billard. Admirable même!

M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas de la dialectique marxiste, mais cela s'en approche !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je suis heureux que vous partagiez tous l'admiration que nous avons pour le rapporteur.

Monsieur le Garrec, votre amendement tend, avez-vous dit en substance, à aider le Premier ministre à être au rendez-vous.

M. Jean Le Garrec. Oui ! À respecter les cent jours !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je me serais donc attendu à le voir présenter plutôt par des membres de l'UMP ou par nos amis de l'UDF. (Sourires.)

M. Guy Geoffroy. Eh oui ! C'est un amendement de soutien.

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je partage l'impatience du groupe socialiste de voir mettre en place la prime de 1 000 euros pour les demandeurs d'emploi de longue durée, le crédit d'impôt de 1 000 euros pour les jeunes choisissant un métier dans des secteurs connaissant des tensions ou encore le service militaire adapté.

M. Jean Le Garrec. Très bien !

M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Le Gouvernement, conformément aux propos du Premier ministre, veut agir avec une totale détermination et une grande rapidité. Votre amendement, monsieur Le Garrec, insiste, s'il en était besoin, sur cette nécessité d'agir rapidement, ce qui justifie le choix de la loi d'habilitation et des ordonnances. Le Gouvernement y est donc favorable. (Rires. - (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90, repoussé par la commission, mais accepté, je le constate, par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement n° 90.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Nous avons terminé la discussion des articles.

La Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi auraient lieu le mardi 5 juillet, vers dix-sept heures trente.

    11

CLÔTURE DE LA SESSION ORDINAIRE
DE 2004-2005

M. le président. L'Assemblée a achevé l'examen de l'ordre du jour de la présente séance.

Je rappelle qu'au cours de la deuxième séance du lundi 27 juin 2005, il a été donné connaissance à l'Assemblée du décret de M. le Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du vendredi 1er juillet 2005.

Conformément à l'ordre du jour fixé en Conférence des Présidents le mardi 28 juin 2005, la prochaine séance aura lieu lundi 4 juillet à seize heures, avec l'ordre du jour suivant :

Ouverture de la session extraordinaire ;

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, n° 2381, en faveur des petites et moyennes entreprises :

Rapport, n° 2429, de MM. Serge Poignant et Luc-Marie Chatel, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ;

Avis, n° 2422, de Mme Arlette Grosskost, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République ;

Avis, n° 2431, de M. Hervé Novelli, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

En application de l'article 28 de la Constitution, je constate la clôture de la session ordinaire de 2004-2005.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot