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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 25 octobre 2005

35e séance de la session ordinaire 2005-2006

Question préalable de M. Alain Bocquet : MM. Maxime Gremetz, Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles ; Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Philippe Vitel, Jean-Marie Le Guen, Jean-Luc Préel, Mme Muguette Jacquaint. – Rejet.

MM. Alain Claeys,

PRÉSIDENCE DE Mme PAULETTE GUINCHARD,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2006

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 (nos 2575, 2609).

Question préalable

Mme la présidente. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

Je rappelle que la Conférence des présidents a fixé à une heure la durée maximale de l’intervention.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – qui semble préférer s’engager dans une longue discussion avec le ministre plutôt que m’écouter –,…

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Mon oreille gaulliste est toujours ouverte pour vous !

M. Maxime Gremetz. …madame la rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l’assurance vieillesse, en cette année du soixantième anniversaire de la sécurité sociale et de ses ordonnances du 4 octobre 1945, mise en place par le ministre communiste du travail Ambroise Croizat, avec le concours de Pierre Laroque, directeur général des assurances sociales au ministère du travail,…

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille et M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Sous l’autorité du général de Gaulle et du Conseil national de la Résistance !

M. Maxime Gremetz. À vous qui oubliez toujours Ambroise Croizat, j’ai voulu montrer qu’il est pour moi indissociable de Pierre Laroque. Je suis pour le pluralisme. Tout le monde sait, mais si vous voulez que je le répète, je le fais bien volontiers, que c’est à l’époque du Conseil national de la Résistance et sous l’autorité du général de Gaulle, qu’Ambroise Croizat et Pierre Laroque ont élaboré l’ordonnance de la sécurité sociale de 1945. Cette précision historique est-elle suffisamment claire ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Nous sommes d’accord !

M. Maxime Gremetz. Nous examinons cette semaine le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale issu de la loi organique malheureusement votée l’été dernier. Malgré la nécessité d’acquérir de nouvelles habitudes d'examen et de lecture, ce projet de loi n'est pour autant pas surprenant. Si l'enrobage change, le fond, lui, reste en parfaite harmonie avec ce qui se fait depuis maintenant trois ans. Ce ne sont pas les gages de plus de « sincérité, de transparence et de crédibilité » qui nous rassurent quant au bien-fondé des mesures contenues dans ce texte.

La sincérité, d’abord, nous n'y croyons guère, après les fausses promesses faites lors de la réforme de l'assurance maladie en juin 2004. On nous avait promis le retour à l'équilibre à grand renfort de moyens : franchise de 1 euro, augmentation du forfait hospitalier, relèvement de la CSG et de la CRDS, déremboursement. Or le déficit est toujours aussi préoccupant.

La transparence, ensuite, est plutôt opaque ! Le projet de loi ne chiffre quasiment aucune des mesures qu'il présente, ni en termes de dépenses, ni en termes de recettes. Il nous a fallu attendre les travaux de la commission pour en avoir une idée. Et encore, elle demeure parcellaire !

Enfin, la crédibilité est discutable. Quel crédit, en effet, accorder au Gouvernement en matière de protection sociale, quand l'essentiel de son travail consiste à réduire comme peau de chagrin les droits des salariés, des retraités et des pensionnés ? Quel crédit encore, quand le déficit général de la sécurité sociale a quadruplé en trois ans, autrement dit depuis son arrivée ? Quel crédit enfin, quand ce même gouvernement a lui-même contribué à creuser le fameux trou financier ?

Ces quelques remarques suffiraient à faire rejeter le texte. Mais bien d'autres griefs peuvent encore lui être faits.

Vous êtes en échec sur toute la ligne. Cette année encore, nous ne pouvons que déplorer la logique qui vous anime dans l’élaboration du budget de la sécurité sociale. Aucune rupture n'est opérée en matière de financement. Vos seules mesures nouvelles pour l'année 2006 consistent, encore et toujours, à diminuer la part de la prise en charge obligatoire de base, fondement même de la sécurité sociale.

Si j’étais le seul, avec le groupe communiste, à m’opposer à ce budget, passe encore ! Mais tout le monde est contre : les médecins, les pharmaciens, dont j’ai la déclaration avec moi – et, comme d’habitude, je sortirai mes fiches à la moindre contestation de votre part –, les organisations syndicales, la CNAM, la CNAV, l'ACCOSS, les mutuelles. Vous ne pouvez pas avoir raison seul contre tous. Vous devriez peut-être écouter un peu plus, car une opposition si diverse s’est certainement rassemblée autour d’une part de vérité.

Depuis les ordonnances Juppé, qui ont instauré la maîtrise comptable des dépenses de santé pour prétendument sauver notre système, celui-ci n'aura jamais autant été mis en danger. Mais vous poursuivez, tête baissée, dans ce schéma voué à l'échec. Toute cette politique, nous savons aujourd'hui où elle mène. On a fixé des objectifs et, dans le même temps, multiplié les sanctions à l'égard de ceux qui ne s'y conformaient pas. Alors que ces ordonnances, selon ceux qui les portaient, devaient donner une véritable orientation au financement de la sécurité sociale pour en préserver sa spécificité, il n'en a rien été.

À propos des ordonnances Juppé, c’est moi déjà – parce que le peuple renouvelle sa confiance quand on tient parole – qui suis intervenu au nom du groupe communiste pour m’y opposer lors de leur discussion à l’Assemblée nationale. Tout le monde était debout, à droite. Quel spectacle extraordinaire ! Nous étions très peu nombreux, à gauche, et nous étions restés assis, mais nous avons déclenché un enthousiasme formidable ! Vous voyez donc qu’il faut toujours rester prudent et écouter.

Le plan Douste-Blazy de juin 2004 a repris le même raisonnement en procédant à l'accroissement massif des prélèvements sur les salaires et sur les revenus de transfert des retraités et des chômeurs. Il a organisé la réduction drastique des prestations à partir d'une nouvelle organisation du système de santé et a institutionnalisé une nouvelle montée de la fiscalisation reportée sur les ménages avec la CSG et la CRDS, afin de réduire les cotisations patronales censées peser sur l'emploi. Or le rapport de la Cour des comptes montre que de telles exonérations n’ont créé, en dehors de formidables effets d’aubaine, aucun emploi. Les parlementaires communistes se sont toujours opposés à cette fiscalisation et nous rejetons sans réserve la CSG ou la CRDS comme mode de financement de la sécurité sociale. Ce financement fait porter la quasi-totalité des ressources de la protection sociale sur les revenus du travail, ce qui est particulièrement injuste et contraire à l'esprit de 1945.

De tels plans, malgré leur radicalité, n'ont pas réussi à dégager une véritable régulation efficace du système. Ils ont d'abord organisé un rationnement aveugle, qui réduit à court terme les dépenses et conduit à leur reprise à moyen terme. Je vous rappelle que le régime général connaissait un déficit de 3,4 milliards d'euros en 2002. Il est monté depuis jusqu'à 14 milliards d'euros. S’agissant de la branche maladie, la nouvelle majorité s'est installée avec un déficit à 6,1 milliards d'euros. Il a depuis atteint 13,2 milliards d'euros ! En d'autres termes, depuis 2002 et malgré les plans successifs de sauvetage, le déficit du régime général a quadruplé et celui de la branche maladie a doublé ! Il est vrai que, ces plans s'inscrivant tous dans la même logique, aucun miracle ne pouvait être attendu.

La politique de rationnement des soins, de déremboursement, d’augmentation des prélèvements sur les ménages, n’a jamais endigué et n’endiguera jamais le déficit, car jamais la question fondamentale de la réforme du financement n’a été abordée sérieusement.

C’était vrai hier, ça le reste aujourd’hui. Toutes ces critiques restent valables après la lecture de votre projet de loi, notamment celles qui vous reprochent de n’axer votre réflexion que sur des aspects comptables au détriment d’une réelle politique de santé et d’une démocratie sociale rénovée.

J’évoquais à l’instant, monsieur le ministre, la réforme que vous avez entreprise, au cours de l’été 2004, conjointement avec M. Douste-Blazy, et qui en est la parfaite illustration. Lorsqu’il avait présenté son texte, M. Douste-Blazy avait annoncé que l’effort financier et les réformes adoptées permettraient un retour progressif à l’équilibre en 2005-2007. Force est de constater que cette promesse est à classer au registre, déjà trop épais, des promesses non tenues.

Les médecins eux-mêmes sont 70 % à estimer que la réforme n’a pas de chance de réussir.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Pas 70 % !

M. Maxime Gremetz. N’allez pas me dire qu’ils sont tous idiots. Mais vous vous entêtez à ne pas les entendre et, dans la droite ligne de cette réforme, vous continuez à vouloir démontrer que les dépenses de santé sont excessives, incontrôlables, et que tant les comportements des usagers du système de soins que ceux des professionnels de santé sont irresponsables et abusifs. De même, pour vous, les chômeurs sont responsables de ce qui leur arrive et ne cherchent pas de travail. C’est pourquoi vous jugez utile de renforcer la panoplie des sanctions à l’égard des assurés sociaux avec les mesures prévues à l’article 57.

En conséquence − et tout le démontre aujourd’hui, que ce soit le dessaisissement des partenaires sociaux dans l’élaboration du budget ou l’augmentation du ticket modérateur au profit des organismes complémentaires −, au lieu de préserver notre système de santé solidaire, vous avez bel et bien entrepris de le démanteler méthodiquement pour composer une nouvelle architecture adaptée au champ des complémentaires santé.

Votre article 36 en est une autre preuve, qui prévoit d’améliorer l’accès à une complémentaire : en effet, le reste à charge pour les assurés sociaux est de plus en plus important et la part prise en charge par le régime obligatoire diminue.

C’est bien dans un esprit de cohérence en faveur de la privatisation qu’il faut considérer le crédit d’impôt au profit d’une complémentaire. Ce dispositif est critiquable à plus d’un titre. Il est tout d’abord illusoire de faire croire que souscrire à une complémentaire permet d’échapper aux contraintes d’accès aux soins imposées par la réforme. Ensuite, on voit mal comment un crédit d’impôt d’un montant de 200 euros pour les 26-59 ans − soit le tiers ou le quart du prix d’une des complémentaires actuellement les moins coûteuses − permettra de couvrir les dépenses non prises en charge par le régime obligatoire, surtout quand on sait qu’elles ont une fâcheuse tendance à augmenter.

Enfin, ce dispositif apparaît avant tout comme un instrument de désolidarisation du système de santé. Encore une fois, un financement public va bénéficier au privé, alors que les fonds publics en faveur du social pourraient être utilisés à une meilleure couverture de base obligatoire.

Il en ira ainsi, et de plus en plus souvent à l’avenir, à cause du rôle que vous faites jouer à la Haute autorité de santé, qui est bel et bien chargée, comme nous le pressentions, de définir le panier de soins remboursable. Elle s’est d’ailleurs illustrée il y a un peu moins d’un mois avec l’annonce du déremboursement de plus de 150 médicaments, sans aucune transparence, sans faire connaître les modalités de son évaluation ni le cadre de la concertation avec les partenaires sociaux ou les associations de malades. Elle s’est contentée de procéder seule à l’évaluation du service médical rendu des médicaments, à l’élaboration et à la diffusion des règles de bonne pratique et de bon usage de soins. Cela lui permet en conséquence de décider du montant « légitime » des dépenses remboursables par la couverture de base pour une pathologie donnée, sous la forme d’un tarif forfaitaire de responsabilité répondant aux références médicales opposables. Tout cela est à la fois bien compliqué et trop clair. En définitive, tout est mis en place pour que l’État, le directeur de l’UNCAM et les assureurs décident en commun ce qui sera remboursé et à quel taux.

Quand il ne s’agit pas de faire les choux gras des complémentaires, vous vous ingéniez à multiplier les sanctions à l’égard des assurés sociaux. En effet, d’une manière générale, c’est l’idéologie de la sanction qui inspire vos mesures. Il en va ainsi pour les simples assurés sociaux, comme pour ceux en ALD, sans oublier la chasse aux arrêts de travail déclarés injustifiés. Pourtant, d’après la CNAM, ceux-ci ne représentent que 4 à 6 % du total des arrêts maladie : on ne peut pas dire qu’ils soient la cause du déficit.

Il en est de même pour le parcours de soins imposé avec le médecin traitant, que nous découvrons peu à peu après la publication des derniers décrets d’application. La mesure n’était déjà pas appréciée, près de 80 % de nos concitoyens la rejetant, mais qu’en sera-t-il lorsqu’ils se verront appliquer, à partir de janvier 2006, les dépassements autorisés d’honoraires non pris en charge ?

Ce nouveau parcours est plein d’embûches pour les assurés sociaux. Si l’on prétend que l’inscription auprès d’un médecin traitant n’est pas obligatoire, elle sera en réalité impérative pour espérer bénéficier d’un remboursement normal. Ainsi le fait de consulter un généraliste autre que le médecin traitant ne donnera-t-il lieu qu’à un remboursement minoré, sauf quelques exceptions.

Ce médecin traitant est la porte d’accès aux spécialistes. Il faut le consulter avant d’aller voir un spécialiste, sous peine de ne pas être remboursé. Où est l’économie pour l’assurance maladie si elle doit commencer par rembourser 20 euros supplémentaires avant même la consultation du spécialiste ?

Sans ce passage obligé devant le médecin traitant, les spécialistes peuvent pratiquer des honoraires libres jusqu’à 32 euros. C’est en fait la disparition du secteur conventionné, dans lequel les dépassements libres d’honoraires sont interdits.

Sans entraîner d’économies, ces mesures conduisent d’abord à une sélection des malades par l’argent. Les patients qui le pourront financièrement continueront à consulter directement les spécialistes et ne feront pas la queue pour attendre un rendez-vous chez le généraliste, cette liberté de choix pouvant être assurée dans le privé. Voilà sans doute la seule réussite de votre réforme.

Mais les malades qui s’adresseront au préalable à leur médecin traitant pour être orientés vers un spécialiste sur la base du tarif forfaitaire de responsabilité risquent d’être − et seront sûrement – condamnés à des mois et à de longues files d’attente, même en cas d’urgence.

Dans la réalité, vous allez généraliser à l’ensemble de la médecine de ville ce travers des consultations à l’hôpital, où le délai d’obtention d’un rendez-vous est court si l’on peut payer une consultation privée plutôt qu’une consultation publique.

Malgré toutes ces mesures, où en sommes-nous ? En 2005, le déficit reste stable par rapport à 2004 et les prévisions pour 2006, aussi aléatoires soient-elles, ne promettent qu’un déficit à hauteur de 10 milliards.

M. Richard Mallié. Il n’augmente plus, c’est déjà quelque chose !

M. Maxime Gremetz. Mais rien n’y fait : ni les avertissements des partenaires sociaux, ni ceux de l’opposition d’aujourd’hui, ni la réalité des chiffres ne vous éclairent sur une situation qui est préoccupante à plus d’un titre, et en premier lieu − on ne le dira jamais assez − au regard du financement de la sécurité sociale. Le Premier président de la Cour des comptes, M. Séguin, a même reconnu, dans son dernier rapport, que la sécurité sociale n’était plus financée.

Si, l’an passé, vous qualifiiez les comptes et leur déficit d’« historiques », que direz-vous cette année ? Pour la première fois, toutes les branches sont déficitaires : 9,4 milliards pour l’assurance maladie, 0,4 milliard pour la branche accidents du travail et les maladies professionnelles, 2,1 milliards pour la branche vieillesse, et 1 milliard pour la branche famille, sans compter le déficit du FSV et du FFIPSA. Quel triste record, pour un gouvernement qui se targue du courage de ses réformes !

Pour l’assurance maladie, nous sommes loin du retour à l’équilibre annoncé à l’horizon 2005-2007. Cet horizon demeure d’ailleurs bien sombre. Pourtant, que n’avons-nous pas entendu sur cet objectif financier lors de l’été 2004 ? En réalité, vous ne voulez pas admettre que c’est principalement la crise économique qui a entraîné celle du financement de la protection sociale, notamment celle de la branche assurance maladie. En effet, le financement assis sur les cotisations en fonction des salaires a été frappé de plein fouet par la montée du chômage et par la pression sur les salaires, à laquelle les exonérations de cotisations patronales participent pour plus de 20 milliards d’euros.

À l’origine ciblées sur les très bas salaires, mais concernant désormais l’ensemble des salaires jusqu’à 1,7 SMIC, ces exonérations censées constituer un remède au chômage n’ont globalement pas créé d’emplois et tirent l’ensemble des salaires vers le bas.

Cet ensemble explique pour une large part l’évolution du déficit de la sécurité sociale. Il suffit de rappeler que 100 000 chômeurs supplémentaires représentent 500 millions d’euros de moins pour l’assurance maladie et qu’une croissance d’un point de la masse salariale représente approximativement 1 milliard d’euros de contributions supplémentaires. Il ne faut pas être un grand stratège pour s’en rendre compte, mais, sans cela, on ne comprend rien à ce qui se passe à la sécurité sociale.

En matière d’exonérations de cotisations, vous allez plus loin encore à la suite des dispositions proposées en loi de finances. Vous en détournez le sens avec le principe de la barémisation. Ces « allégements de charges » − pour reprendre l’expression libérale − ne seront plus liés à la politique de l’emploi. On appliquera un taux de cotisation selon un barème sans se soucier de l’effort fourni par l’entreprise en matière de créations d’emplois. C’est toujours le même cadeau − la baisse des cotisations − qui produira les mêmes effets, la pression sur les salaires, avec cette différence qu’il n’est désormais plus lié à la politique de l’emploi des entreprises. C’est tout à fait scandaleux.

Demain, avec de tels dispositifs, l’opacité la plus complète entourera l’utilisation de ces montants financiers qui représentent plus de 20 milliards d’euros, soit presque l’équivalent du budget de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Quel contrôle aurons-nous sur l’utilisation de ces fonds publics ? Plus aucun ! Jusqu’à présent, les employeurs connaissaient leur taux de cotisation avant exonération et se voyaient ensuite appliquer le taux réel d’assujettissement. Avec votre réforme, on passera directement au taux d’assujettissement. Il n’y aura plus d’évaluation de l’impact, plus de contrôle. Cependant, en ne le considérant plus comme un instrument de la politique de l’emploi, vous travestissez le sens du dispositif : il ne sera plus qu’un outil de baisse du coût du travail. La part de fiscalisation des recettes de la sécurité sociale n’en sera que plus grande. Vous ferez coup double : moins de prélèvement sur les valeurs travail et capital, et plus de prélèvement par l’impôt, avec, au passage, un cadeau supplémentaire pour les entreprises, qu’elles soient grandes, petites ou multinationales.

J’ajoute que si l’ensemble des taxes spécifiquement créées pour financer l’assurance maladie et plus particulièrement ses actions de prévention, sur le tabac, les alcools ou les assurances automobiles, lui étaient intégralement affectées, ce sont 6 milliards d’euros supplémentaires par an qui entreraient en recettes.

M. Bur n’est pas là et c’est dommage. J’aurais voulu lui faire prendre conscience de sa totale contradiction. En effet, il réclame des ressources pérennes pour la sécurité sociale, il veut taxer le tabac, et, dans le même temps, il veut interdire aux gens de fumer.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général. On lui dira !

M. Maxime Gremetz. Avouez que c’est contradictoire.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. M. Bur n’est inspiré que par la santé publique et l’intérêt général.

M. Maxime Gremetz. M. Bur ne peut pas se préoccuper de la santé publique, vouloir supprimer le tabac et voter un projet de loi qui prévoit un financement de la sécurité sociale assis sur des rentrées de taxes sur le tabac. C’est complètement idiot, ou alors il agit vraiment à courte vue. Nous avions d’ailleurs eu le même débat sur l’alcool. L’alcool tue, surtout les jeunes, mais, pressé par les lobbies des producteurs d’alcool, il ne voulait pas le taxer.

Mme Chantal Bourragué. C’est le même problème.

Mme la présidente. M. Gremetz seul a la parole. Je pense que ce serait plus simple que nous l’écoutions.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Nous l’écoutons, madame la présidente.

M. Maxime Gremetz. N’ayez crainte, madame la présidente. Je donne la parole quand je veux mais je ne me la laisse pas prendre.

M. Jacques Domergue, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Vous perdez du temps.

M. Maxime Gremetz. Ne soyez pas impatient : apprenez à siéger.

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance malade et les accidents du travail. Donneur de leçons !

M. Maxime Gremetz. Je ne donne pas de leçons : je dis qu’il faut apprendre à écouter le président de séance.

M. Jacques Domergue, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Respectez-la, alors.

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas vous qui êtes chargé de surveiller la montre.

Mme la présidente. C’est moi, monsieur Gremetz : poursuivez.

M. Maxime Gremetz. Je sais quand je dois m’arrêter, ne vous inquiétez pas. D’autant que mon ami Jean-Marie Le Guen m’a dit qu’il m’avait laissé vingt-cinq minutes. C’est ça la solidarité.

M. Richard Mallié. Il faut se méfier des cadeaux comme ça !

Mme la présidente. Continuez, mon cher collègue.

M. Maxime Gremetz. Mais, madame la présidente, voyez comme je suis apostrophé, gêné.

Mme la présidente. Je fais respecter votre temps de parole, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Les solutions existent donc pour résorber concrètement le « trou » de la sécurité sociale, sans amputer les droits des assurés sociaux, sans culpabiliser les professionnels de santé et sans détourner le sens des cotisations sociales patronales !

Face à l’ampleur de la tâche, que nous proposez-vous ? Des mesures incohérentes, éparses, sans fondement historique, sans rapport avec le financement solidaire de notre système, des mesures qui, lorsqu’elles sont chiffrées, représentent des recettes minimes. Tous ceux qui n’ont pas voulu s’attaquer au mode de financement se sont cassé la figure avec la sécurité sociale, c’est tout.

M. Bruno Gilles. C’est vrai.

M. Maxime Gremetz. Plutôt que de vous atteler à une réforme en profondeur du financement, sur laquelle je reviendrai, vous préférez multiplier les petites recettes. Ainsi, nous nous retrouvons avec un prélèvement sur les plans d’épargne-logement à l’article 10, qui touche d’abord l’épargne populaire, ou un élargissement de la C3S aux entreprises publiques à l’article 14.

L’avenir de la sécurité sociale passe par une démarche plus cohérente, consistant d’abord à examiner, à déterminer, à prioriser les dépenses et les besoins, ensuite à trouver les financements permettant de les satisfaire. Il faut actionner les leviers des ressources possibles pour la sécurité sociale, y compris explorer de nouvelles pistes, afin de ne pas être limités dans la dépense.

Vous connaissez notre position s’agissant des ressources de la protection sociale : cette réforme du financement de la sécurité sociale devrait clairement s’écarter des politiques de fiscalisation des ressources, aujourd’hui largement développées, et dont le pendant est l’abaissement des garanties collectives – c’est un fait.

Il est grand temps de penser à une réforme du financement de la protection sociale tendant notamment à la modulation des cotisations perçues à partir de l’entreprise et favorisant la création d’emplois et de richesses, et ce au détriment des stratégies fondées sur la recherche de la rentabilité financière à court terme, cette course entraînant des dégâts sociaux à l’origine d’une bonne part de l’insuffisance des ressources de notre protection sociale.

Cette réforme des cotisations pourrait être associée à une mise à contribution, en faveur de la solidarité nationale, des revenus financiers des grandes entreprises. Après avoir empoché près de 60 milliards, uniquement pour celles faisant partie du cercle du CAC 40 en 2004, voilà que l’histoire se répète cette année, avec des gains estimés à plus de 75 milliards d’euros. Imaginez un prélèvement de 1 %, ce qui n’est pas beaucoup : vous auriez récupéré pour l’assurance maladie par exemple, pour les deux dernières années, 13,5 milliards d’euros. De quoi combler le déficit ! On me dira que ce n’est pas assez savant, pas assez compliqué pour être crédible. Non, c’est une question de volonté politique, de choix politique.

Face aux besoins sociaux, d’importants besoins de financement vont monter et cette question est cruciale. On ne peut accepter qu’au nom du déficit on refuse un développement du financement solidaire de l’assurance maladie.

Une profonde réforme est à organiser. On ne peut plus fonctionner avec les principes qui prévalent aujourd’hui, notamment une politique d’exonération de cotisations sociales patronales qui mine les comptes. Comme le dit le docteur Chassang, président de la CSMF : « plutôt que de prendre des mesures budgétaires drastiques inappropriées, le Gouvernement serait mieux inspiré de compenser les moindres recettes ». Il a raison.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Vous avez de bonnes lectures !

M. Maxime Gremetz. Je lis parce qu’il n’y a pas que chez moi, ou chez vous, qu’il y a de bonnes idées. Il y a des gens de bon sens qui travaillent. Encore faut-il prendre connaissance des études qui sont faites.

Toute la problématique est là. Si vous refusez de voir cette réalité en face, inévitablement les difficultés perdureront, de façon dangereuse pour notre sécurité sociale. Et les mêmes effets causeront les mêmes dégâts, sauf qu’il s’agit de la santé de nos concitoyens.

Cette absence de courage à vouloir prendre à bras-le-corps les difficultés de la sécurité sociale vous pousse toujours et encore à faire supporter la charge du déficit par le seul porte-monnaie des ménages.

C’est ainsi que vous continuez de faire des économies sur les remboursements de médicaments et qu’en conséquence la prise en charge de base diminue. Selon les mutuelles, le ticket modérateur, c’est-à-dire la part restant à la charge des assurés sociaux, a augmenté de 3,1 % en 2005 et augmentera encore de 4,5 % en 2006 ! Alors qu’au début des années quatre-vingt, nous étions encore à plus de 80 % de prise en charge par la couverture de base, le taux moyen continue de baisser, passant à 76,1 % en 1990 et à 75,8 % en 2003.

C’est également en contradiction avec ce que M. Bertrand avait dit – il n’est pas là mais il s’est excusé, il arrivera en cours de route – lors de son intervention générale le 29 juin 2004 au moment de la réforme de l’assurance maladie : « Baisser le taux de remboursement […] est un non-sens tant cela s’apparente à un simple transfert entre gestionnaires, transfert de l’assurance maladie de base vers les organismes complémentaires, l’assuré étant prié de payer des cotisations toujours plus élevées ». Mais vous ne faites rien d’autre que cela avec la franchise de 18 euros ou le nouveau taux de remboursement à 15 % que les mutuelles refusent d’assumer !

Cette dérive vers la privatisation de notre protection sociale n’est pas acceptable. Les assureurs prévoient déjà une hausse de leurs cotisations de 5 à 10 % et ce n’est pas l’aide à la complémentaire qui va enrayer ce phénomène. La perspective du taux à 15 % – ça n’a jamais existé – augmenterait encore les cotisations de 2 %.

La franchise de 18 euros illustre bien la rupture de notre pacte social selon lequel les soins lourds et coûteux sont pris en charge à 100 %. Tout le monde l’a nié tout à l’heure, mais c’est vrai, je suis prêt à en débattre à la télévision, monsieur le ministre.

Vous dites que ce sera une opération blanche pour les assurés sociaux car les complémentaires la prendront en charge. Peut-être. Mais précisez alors que ces complémentaires vont en répercuter le coût sur les cotisations d’adhésion.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Sans raison !

M. Maxime Gremetz. Comme opération blanche, on fait mieux.

Pourtant, vous n’étiez pas obligé d’instituer cette franchise pour diminuer le déficit de l’assurance maladie. Seulement, il faut faire des choix. Vous en faites, mais ce ne sont pas les plus judicieux, c’est le moins que l’on puisse dire. Et il faut être plus juste socialement sur certains aspects.

Je l’ai dit en commission, vous n’y étiez pas, monsieur le ministre, mais le président Dubernard et d’autres collègues y étaient : 250 millions d’euros, c’est le bénéfice attendu de l’instauration du plafonnement à 60 % de l’imposition pour les 14 000 ménages assujettis à l’ISF présenté dans le cadre de la loi de finances. Ce chiffre est supérieur à la prise en charge estimée par les mutuelles de la franchise de 18 euros prévue pour les actes supérieurs au coût de 91 euros, estimée à 150 millions ! Avouez quand même que vous faites un gros cadeau : d’un côté, on donne 250 millions pour les plus fortunés, de l’autre, on prélève 18 euros, soit 150 millions d’euros sur les ALD. C’est un choix de classe.

Plutôt que de faire des cadeaux sur l’ISF et de ponctionner les assurés sociaux, rendez l’impôt plus juste et vous trouverez des financements.

Au passage, 250 millions, cela représente 25 % de l’endettement de l’hôpital, estimé par la Fédération hospitalière de France à 1 milliard d’euros !

M. Jean-Marie Le Guen. M. Évin arrive justement.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C’est quoi, la FHF ? Un syndicat ? Un parti politique ?

M. Maxime Gremetz. Son président arrive juste au moment où je parle de lui.

J’évoquais à l’instant les déremboursements. Là aussi, des réformes courageuses sont à mettre en œuvre car la politique du médicament est pleine d’incohérence.

Le médicament est un poste de dépense important sur lequel il y a beaucoup à dire ; le remboursement du médicament a augmenté, en 2004, de 6 % par rapport à 2003, avec un coût de 17,5 milliards d’euros, soit 30 % des dépenses de soins de ville.

Première incohérence : les déremboursements qui s’opèrent depuis plusieurs années. Sans véritable justification scientifique, certains médicaments sont proposés au déremboursement alors qu’ils continuent d’être prescrits.

Deuxième incohérence, on s’aperçoit à rebours que les médicaments déremboursés ont quand même un effet thérapeutique. Prenons l’exemple des veinotoniques qui sont montrés du doigt en France depuis quelques années. Une étude professionnelle montre qu’en Italie, où ils ont été déremboursés, on constate une augmentation des hospitalisations pour phlébite. Messieurs les professionnels de santé, vous ne pouvez pas contester cela. Il faut donc modifier la réglementation pour introduire plus de transparence : soit ces médicaments sont efficaces, et ils doivent être remboursés, soit ils ne le sont pas et en conséquence ils ne doivent plus être prescrits.

Mme Muguette Jacquaint et Mme Jacqueline Fraysse. Absolument !

M. Maxime Gremetz. C’est ma chère collègue Jacqueline Fraysse, qui est, à ses temps perdus, une très bonne toubib, qui le dit.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Un médecin respecté et respectable.

M. Maxime Gremetz. Tout à fait, et elle a raison.

La perspective de mise en œuvre d’un remboursement à 15 % participe de cette démarche inefficace et porte un nouveau coup au porte-monnaie des assurés.

L’autre problème est la recherche, qui diminue sensiblement, comme le montre l’étude rendue publique aujourd’hui sur l’état de la recherche en France par rapport aux autres pays européens.

Plusieurs raisons à cela : son coût et l’absence de prise de risque ; aujourd’hui, on recherche une rentabilité immédiate. Comment accepter que, sur les 400 à 500 nouveaux médicaments introduits chaque année sur le marché français, moins de 5 % correspondent à de réelles innovations ? Ce n’est pas moi qui le dis : si vous voulez, je vous donnerai l’étude.

Autre raison : la fausse bonne idée du développement du générique. Ce principe vise à faire tomber plus vite le médicament dans le domaine public pour le produire et le vendre à moindre coût, moins 20 à moins 30 % du prix de la molécule princeps. Désormais, les laboratoires ne font que modifier à la marge cette molécule princeps pour faire durer leur brevet et leur rentabilité.

A titre d'exemple, il existe plusieurs dizaines de médicaments contre l'hypertension artérielle, ce qui représente une palette de médicaments suffisante pour une pathologie qu’on sait désormais soigner. Comme c’est une pathologie très courante, pour laquelle le montant des remboursements de la sécurité sociale s’est élevé en 2004 à 872 millions d'euros, le marché est très porteur. Il suffit donc de quelques améliorations à la marge, des modifications de forme ou de couleur, pour gagner de nouveaux segments de marché qui rapportent énormément.

Pendant ce temps-là, la recherche souffre du manque de moyens, et certaines maladies comme les maladies neurologiques dégénératives attendent.

Or « les médicaments sont pour les gens, pas pour les profits ». Tels étaient, en 1952, les propos du fondateur de Merck, à la une de l’hebdomadaire Time. Il faut garder en tête ce message pour bien appréhender la question.

Il est donc urgent de modifier la législation en matière de médicaments et de s’engager dans une politique contractuelle avec les laboratoires. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à inciter les entreprises pharmaceutiques à consacrer plus de moyens aux véritables innovations.

Pour vous convaincre qu’il y a véritablement là un défi à relever, je vous conseille la lecture de deux ouvrages de Philippe Pignarre. Cet auteur analyse avec pertinence la situation. L'industrie pharmaceutique a réussi, selon lui, une performance qu'aucune autre industrie n'est parvenue à réaliser : « Ce sont ses actionnaires qui empochent les bénéfices de ses réussites, mais ce ne sont pas eux qui paient pour ses échecs », explique-t-il. En d’autres termes, cette industrie a réussi, grâce au système d’assurance maladie, à transformer ses clients en garants ultimes de ses profits et de son avenir, et ce quel que soit son niveau d'innovation.

Conséquence de l’inertie qui caractérise la politique du médicament : les industriels n'ont pour le moment rien de très nouveau à proposer dans le domaine des grandes pathologies du vieillissement, comme la démence, l'arthrite, l'ostéoporose ou les cancers.

Au moment où les biologistes s'interrogent sur le retour éventuel de maladies infectieuses que l'on n'est pas sûr d'avoir les moyens de soigner, au moment où surgissent des problèmes sanitaires d’ampleur mondiale, de quelle stratégie de recherche avons-nous besoin, et peut-elle être confiée aux mains des seuls industriels ? Quelles doivent être nos priorités ? De quels médicaments avons-nous réellement besoin ? Pour répondre à toutes ces questions, nous proposons plusieurs amendements sur la question du médicament.

Le troisième point que je développerai devant vous, après le financement et le médicament, concerne le douloureux problème de l'hôpital.

Tous les hôpitaux sont dans le rouge. J’ai beau aimer cette couleur, cela ne me plaît pas. L'hôpital va mal, très mal, ce qu’illustrent deux chiffres : 1 milliard d’euros de déficit cumulé pour les hôpitaux ; 75 % d’établissements endettés et ayant recours à l'emprunt pour faire face à leurs dépenses de service public.

Nous en arrivons à des situations extrêmes : on sous-traite de plus en plus, faute de pouvoir payer du personnel. Toujours pour faire des économies, il y a une véritable cabale contre les acquis sociaux des salariés.

L'hôpital est malade. Il n'arrive plus à faire face à ses missions. J’en veux pour preuve une étude de la CNAM, rendue publique ce mois-ci, qui éclaire l’évolution du paysage hospitalier ces dix dernières années. Les capacités d'accueil d'hospitalisation à temps complet se sont considérablement réduites au profit d'un développement de l'hospitalisation à temps partiel, recul imputable à n’en pas douter au manque de places, de moyens et de personnels. 78 000 lits d'hospitalisation complète ont ainsi été fermés ou reconvertis, tous secteurs et toutes disciplines confondus mais avec une prédominance en psychiatrie et en MCO.

La mise en place de la T2A a accéléré la faillite de l'hôpital. Reconnaissez son échec et suspendez cette réforme, il y va de l'avenir de l'hôpital ! On ne peut accepter qu'un outil comme l'hôpital public soit sacrifié sur l'autel de la rentabilité sans nier sa mission essentielle. Je vous rappelle qu'à la différence des cliniques privées, l'hôpital ne sélectionne pas ses malades !

Cette même étude de la CNAM démontre que, comparativement, et quelle que soit la discipline MCO considérée, les séjours lourds, donc les patients les plus lourds, représentent une part de l'activité plus importante pour les établissements hospitaliers que pour les cliniques. C'est pourquoi mes collègues du groupe des députés communistes et républicains et moi-même trouvons scandaleuse la campagne menée actuellement, avec votre complicité, pour accréditer l’idée que les établissements commerciaux seraient les parents pauvres de notre système de santé, face à cet ogre incarné par l’hôpital public, accusé, qui plus est, de dépenses irresponsables !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances. C’est 2,5 milliards d’euros de plus, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. C'est le sens de l'article 30 de votre projet de loi qui accélère le rapprochement public-privé. Je suis contre. Oui à la complémentarité, non à la convergence ou à la fusion !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Pour vous, le mot « privé » est un gros mot !

M. Maxime Gremetz. Vous mettez en cause tout ce que le général de Gaulle a créé. Vous avez le droit, monsieur Bur, de goûter l’ultralibéralisme, mais cela ne vous empêche pas d’être très conservateur et très donneur de leçons, puisque vous voulez même nous interdire de fumer ! Eh bien, on ne fumera plus de tabac, mais de la drogue ou que sais-je encore…

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Vous fumez, monsieur Gremetz ?

M. Maxime Gremetz. Oui, et vous pouvez faire ce que vous voulez, tant qu’on me dira de ne pas fumer, je continuerai de fumer. Et avec moi des millions de Français. Vous ne connaissez pas les Français ! Ils sont rebelles. Il suffit qu’on leur dise de ne pas faire quelque chose pour qu’ils le fassent.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances. Heureusement, ils ne sont pas tous comme vous !

M. Maxime Gremetz. Vous avez raison, il y a des exceptions. Il ne faut pas que tout le monde se ressemble !

Pour reprendre les éléments du débat, les parts de marché se répartissent très différemment entre le secteur public et le secteur privé : le public réalise plus de 80 % de la médecine, alors que la chirurgie, lucrative, s’effectue en majorité dans le privé, à l’exception de la chirurgie lourde, pour laquelle le public reste majoritaire. L'essentiel de l'obstétrique est également réalisé à l'hôpital, en particulier l'obstétrique d'urgence.

Les risques pèsent également de manière plus importante sur l’activité de l'hôpital, car les établissements commerciaux privés, qui choisissent leur activités, pratiquent davantage une chirurgie que l'on peut qualifier de « banale », même si une intervention n'est jamais gagnée d’avance. L'hôpital, lui, absorbe tout.

Enfin, tenter de comparer ces deux secteurs, c'est ignorer le service public hospitalier, qui fait partie de l'identité même de l'hôpital public français. Parler de « surcoûts » pour qualifier les charges particulières induites par les missions de service public de l'hôpital est donc un véritable contresens. Il s'agit de dépenses spécifiques liées à des missions que le secteur privé ne remplit pas.

Je ne prendrai que quelques exemples pour vous en convaincre. D’abord, la continuité de l'activité, c'est-à-dire l'accueil permanent de tous les usagers vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Cette activité non programmée a une incidence directe sur les dépenses de l'hôpital que ne connaît pas le secteur privé. Ainsi une activité de garde sur place, inexistante dans les établissements privés,…

M. Philippe Vitel. C’est complètement faux !

M. Maxime Gremetz. …peut représenter pour les hôpitaux une charge très importante.

Prenons ensuite l’égal accès aux soins : l'hôpital accueille et prend en charge tous les usagers, quelle que soit leur situation sociale. Cette obligation essentielle a une incidence sur le budget et les coûts : incidence sur la durée des séjours, incidence en termes de polypathologie et incidence en termes de créances irrécouvrables. La Fédération hospitalière de France indique que, pour l'Île-de-France, cela représente près de 60 millions d'euros.

Par ailleurs, le financement sur son propre budget des services sociaux et des programmes d'action pour les plus démunis est aussi une spécificité de l'hôpital. Sans parler des pathologies psychiatriques aiguës, qui relèvent toujours des établissements publics.

Il y a encore l'enseignement et l'innovation : s'il est pris en charge par les CHU, l'enseignement destiné aux personnels paramédicaux est également assuré dans de nombreux centres hospitaliers. En outre, les écoles paramédicales relèvent quasi exclusivement des hôpitaux et des établissements participant au service public hospitalier. En ce qui concerne l'innovation, des financements ont été prévus mais ils ne couvrent pas les différentes facettes du processus de l'innovation à l'hôpital.

Tous ces éléments militent pour deux choses : il faut, d’une part, reconnaître la différence entre le service public hospitalier et les établissements de santé commerciaux et, d’autre part, dégager les moyens budgétaires suffisants pour permettre aux hôpitaux d'assurer leurs missions.

Or, sur ce point-là, vous êtes encore et toujours en échec. Déjà en deçà, malgré nos alertes, des prévisions suffisantes l’an dernier, vous recommencez aujourd’hui.

L'urgence de la situation appelle des mesures immédiates qui ne sont pas compliquées à mettre en œuvre, puisque pour l'essentiel il s'agit d'un problème de moyens budgétaires, qu’a accentué la mise en place de la T2A.

Monsieur le ministre, c'est de façon très solennelle que je vous demande de reconsidérer votre position sur l’ONDAM hospitalier et son évolution programmée à 3,44 %. La Fédération hospitalière de France demande au minimum 4,3 % pour tenter de faire face à une situation explosive. Vous devez l’entendre et faire un geste. Nous vous le rappellerons tout au long des débats.

Nous proposons également de supprimer la taxe sur les salaires versés par les hôpitaux et de baisser la TVA sur les travaux de restauration et d'entretien. Autant de mesures, encore une fois, rapides à mettre en œuvre pour donner un bouffée d'oxygène à nos établissements, aujourd'hui étranglés par des budgets étriqués.

Enfin, avant de conclure mon propos, je tiens à évoquer devant vous les maladies professionnelles. S'il n'y avait qu'un élément à retenir pour justifier le rejet de ce texte, c'est bien l'indigence avec laquelle vous traitez la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

Tous les rapports confirment que nous prenons un retard considérable dans la reconnaissance des maladies professionnelles, sous leurs formes nouvelles notamment, comme les troubles musculo-squelettiques ou la dégradation de la santé mentale. Sans oublier les victimes de l’amiante et celles, demain, des esters de glycol ou d’autres produits.

Il y a un principe fondamental auquel vous ne pouvez pas vous soustraire : la maîtrise de la dépense publique ne doit pas être obtenue au détriment d'une indemnisation correcte des victimes. Je veux réaffirmer ici le principe du droit à réparation des victimes de l'amiante, mais également dénoncer avec force le développement criminel de la sous-déclaration des maladies professionnelles, qui interdit toute politique volontaire et efficace de prévention des risques professionnels.

De ce point de vue, il est inadmissible que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale laisse filer volontairement le déficit de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, et ne prévoie en conséquence aucune amélioration du traitement de la santé au travail. C’est anticonstitutionnel, car cette branche ne doit pas être déficitaire, les cotisations patronales devant, le cas échéant, être relevées automatiquement pour en assurer l’équilibre.

Les premières auditions de notre mission d’information sur ce sujet sont très éclairantes et doivent vous inviter à réagir dès maintenant.

Les cancers liés à l’amiante pourraient faire de 50 000 à 100 000 victimes en France d’ici à 2030. Selon Marcel Goldberg, de l’INSERM et de l’INVS, le nombre de nouveaux cas annuels de mésothéliome, ou cancer de la plèvre, continue d’augmenter chaque année en France, où l’on peut s’attendre à 30 000 voire 40 000 cas d’ici à 2030. A cette estimation, il faut ajouter le nombre potentiel de cancers du poumon dus à l’amiante, soit un nombre total de victimes compris entre 50 000 et 100 000.

Tous ces chiffres n’autorisent pas la passivité. Nous voulons donc vous faire des propositions concrètes pour progresser dans la réparation, mais l’article 40 de la Constitution nous interdit de déposer des amendements à cet effet. Nous proposons ainsi :

L’amélioration du fonctionnement du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante afin que tous les salariés exposés puissent en bénéficier – secteurs public et privé, sous-traitance, intérim –, ainsi que l’extension du bénéfice du droit à la cessation anticipée des travailleurs victimes de l’amiante ;

Le recensement objectif et le classement en zone amiantée de tous les sites industriels, bâtiments administratifs ou autres lieux professionnels où les salariés ont été en contact avec l’amiante pour réparer le préjudice qu’ils ont subi ;

Le développement significatif des moyens nécessaires aux magistrats des pôles de santé publique, pour que la justice puisse se rendre dans la transparence et dans des délais raisonnables – quel parcours du combattant pour des gens qui sont pourtant reconnus comme malades du poumon ! ;…

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, veuillez conclure, s’il vous plait.

M. Maxime Gremetz. La révision de la loi Fauchon, afin que les responsabilités soient clairement reconnues dans cette catastrophe humaine qui a pour bilan insupportable 3 000 décès par an : que cette leçon de l’histoire contraigne enfin les entreprises à considérer davantage la prévention des risques professionnels ;

L’inscription de la santé au travail dans le champ de la santé publique avec l’ensemble des moyens scientifiques, techniques et humains indispensables face à la multitude de produits dangereux ou toxiques manipulés sans précaution dans les entreprises : 70 000 produits sont ainsi utilisés dans l’industrie !

Toutes ces propositions sont partagées par les associations de victimes, qui ont encore massivement manifesté le 15 octobre dernier.

Quant aux maladies professionnelles et à la prévention des risques, le Gouvernement nous a présenté un plan santé au travail 2005-2009. On aurait bien voulu lui donner du crédit, mais il a fallu tout de suite le mettre en parallèle avec votre décret ramenant de 73 à 10 postes le nombre d’internes en dernière année d’internat en médecine du travail.

Tout le monde ne va donc pas dans le même sens. Et pourtant, il le faudrait. Pour cela, il conviendrait de prendre au sérieux le rapport de M. Diricq sur les sous-déclarations de maladies professionnelles, ce qui n’est pas votre cas, l’article 50 du projet en témoigne.

Alors que le rapport Diricq évalue entre 355 et 750 millions d’euros le montant à verser par la branche accidents du travail maladies professionnelles à l’assurance maladie au titre des sous-déclarations sur le premier semestre 2005, vous ne prévoyez que 330 millions. Vous faites même des économies sur l’amiante ! Et je sais de quoi je parle puisque je suis moi-même amianté.

Ce rapport circonstancié qui vous a été remis vous documentait pourtant largement sur le coût réel pour la branche maladie de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Et cela s’explique : le travail en France engendre de plus en plus de souffrances. Selon les chiffres de la sécurité sociale, le nombre de victimes de pathologies professionnelles officiellement recensées a explosé ces dernières années, passant de 15 554 en 1997 à 44 245 en 2003, soit une hausse de 184 %.

Mais cette statistique, lourdement accusatrice, ne dit pas toute la vérité. Pour un ensemble de raisons, nombre de « malades du travail » ne sont pas reconnus comme tels. Du coup, ils ne sont pas pris en charge par la branche de la sécurité sociale spécialement créée à cet effet.

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, il vous faut conclure !

M. Maxime Gremetz. Une différence qui ne relève pas du détail. Contrairement à l’assurance maladie, financée par tout le monde – salariés, entreprises, contribuables, via la CSG –, la commission AT-MP est alimentée par les seules cotisations des employeurs. C’est logique, ceux-ci étant pleinement responsables de la sécurité et des conditions de travail. Résultat : chaque cas de maladie d’origine professionnelle non déclaré représente à la fois une économie pour les employeurs – coupables, mais pas pécuniairement responsables – et une charge indue pour la sécurité sociale. C’est pourquoi, chaque année depuis 1996, le Parlement impose à la branche AT-MP un reversement à la branche maladie au titre des maladies et accidents non déclarés.

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, cela fait trois fois que je vous demande de vous acheminer vers votre conclusion !

M. Maxime Gremetz. Veuillez m’excuser, madame la présidente, mais quand la décision a été prise en Conférence des présidents de limiter le temps de parole pour les motions de procédure, mon intervention était déjà prête pour une heure et demie.

Mme la présidente. Votre président de groupe a accepté cette règle. J’étais présente à la Conférence des présidents.

M. Maxime Gremetz. Le phénomène de sous-déclaration des risques professionnels demeure, même si son estimation n’a pas gagné en facilité vu l’insuffisance des données disponibles. Le rapport Diricq en cerne les principales raisons. Le processus de déclaration relève du parcours du combattant pour les salariés concernés. La réglementation est inadaptée à l’évolution des connaissances médicales : dix-huit agents cancérigènes seulement sont pris en compte, alors que beaucoup d’autres sont identifiés comme tels  par l’Organisation mondiale de la santé.

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, je vous demande vraiment de conclure !

M. Maxime Gremetz. Évidemment, vous ne parlez pas des maladies professionnelles, monsieur le ministre. C’est pourquoi je suis contraint de faire un rappel aussi long ! (« C’est fini ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) A votre place, j’aurais honte !

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, je vous demande de terminer ! Vous avez dépassé votre temps de parole ! Je vous ai même laissé parler dix minutes de plus. Donc concluez, sinon je serai obligée de couper le micro, ce que je ne souhaite pas !

M. Maxime Gremetz. Je n’ai jamais de chance, moi ! Chaque fois que je défends une motion de procédure, c’est vous qui êtes présidente et j’ai toujours des problèmes ! C’est extraordinaire !

Mme la présidente. Soyez correct, je vous prie ! Je vous invite fermement à terminer.

M. Maxime Gremetz. Nous n’avons manifestement pas d’atomes crochus. Avec les autres présidents ça va, mais pas avec vous !

Je vais conclure, madame la présidente,…

Mme la présidente. Très bien !

M. Maxime Gremetz. …monsieur le ministre, mes chers collègues. Cela dit je m’étais engagé à attendre l’arrivée du ministre avant de finir…

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Il est là !

M. Maxime Gremetz. Je veux parler de M. Bertrand, qui n’est toujours pas là. Voilà pourquoi je prolongeais mon intervention. Il m’avait dit qu’il arriverait avant que je termine. J’ai fait ce que j’ai pu, mais je n’ai pas pu résister à la foudre qui s’est abattue sur moi par derrière !

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, terminez sinon je coupe le micro !

M. Maxime Gremetz. Vous pouvez le faire ; je n’ai pas besoin de micro pour parler !

Pour conclure, le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne répond en rien aux préoccupations du moment ni à celles de l’avenir. C’est un PLFSS qui poursuit l’étatisation de la sécurité sociale dans la maîtrise du financement et franchit une étape supplémentaire dans la privatisation de l’assurance maladie avec la restriction constante du périmètre de prise en charge par le régime obligatoire élargissant encore un peu plus le champ d’intervention du privé.

Tout cela nous conduit à dire que si l’on voulait enfoncer encore un peu plus notre système, on ne s’y prendrait pas autrement ! Nous vous proposons donc, mes chers collègues, d’adopter cette question préalable, car il n’y a vraiment pas lieu de discuter de ce très mauvais texte qui est inamendable.

Voilà, madame la présidente, et je vous remercie de votre patience. Mes chers collègues, vous m’avez écouté attentivement bien que vous soyez pressés d’aller vous coucher. Vous avez fait un effort et je vous en remercie aussi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Les exposés des rapporteurs étaient tellement brillants que je n’ai pas cru bon d’intervenir après eux. En revanche, mon devoir est de réagir à l’intervention de M. Gremetz, d’autant que j’ai été rapporteur de la loi portant réforme de l’assurance maladie.

M. Gremetz a très bien commencé son intervention par un rappel historique : 1945, le Conseil national de la résistance, Ambroise Croizat, Pierre Laroque et le général de Gaulle. Nous sommes sur la même ligne historique !

Mais, ensuite, il a « médicalisé » son discours et là, malgré toutes les leçons que Jacqueline Fraysse a dû lui donner, même s’il s’améliore d’année en année, il doit encore faire des efforts. L’aspect médical de son intervention est en effet discutable. Je pense notamment à la façon dont il a attaqué la Haute autorité de santé, qui définit aujourd’hui de manière purement scientifique ce qui est utile et ce qui ne l’est pas, et c’est une grande chance.

Il y a beaucoup de choses à dire sur cette intervention et M. le ministre se chargera sans doute des réponses techniques. Quant à moi, je pense très sincèrement que ce PLFSS s’inscrit dans la logique de la loi portant réforme de l’assurance maladie votée l’an dernier, qui était la loi de la dernière chance. Dans toutes vos interventions, vous intercalez étatisation et privatisation, et vous avez raison !

Mme Catherine Génisson. Il avoue !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. En réalité, nous sommes sur une crête étroite avec d’un côté un précipice, celui de la privatisation – je le dis comme je le pense – et, de l’autre, le marais de l’étatisation. Nous pourrions en discuter des heures. La privatisation peut avoir des avantages – le modèle américain n’est pas aussi mauvais qu’on le croit, notamment sur le plan de la gestion –, mais la médecine de ville n’est pas si simple et les contraintes imposées aux médecins sont telles que les malades ne sont pas aussi bien soignés qu’on le dit partout. L’égalité d’accès aux soins n’existe pas. Enfin, il y a un nombre important d’exclus.

Les assurances privées sont prêtes, vous l’avez dit. Les mutuelles se préparent. Leur gestion ne sera peut-être pas si mauvaise que ça, mais les patients paieront plus et la qualité de leurs soins diminuera. C’est un point très important. L’hôpital privé se développera. Les grandes chaînes sont là, elles sont prêtes ! Et l’hôpital public se réduira à l’hôpital-hospice qu’il a tendance à redevenir après quarante années de magnifiques efforts accomplis grâce aux ordonnances de 1945.

Voilà pour le précipice – je schématise, bien sûr – ; de l’autre côté, s’étend le marais de l’étatisation, avec les qualités de gestion bien connues de l’administration française et sa facilité à s’autoréformer. (Sourires.) Si c’est dans ce sens qu’on choisit d’aller, on en verra rapidement les conséquences, notamment pour les patients de la médecine de ville. Encore que, dans ce domaine, le modèle britannique, que l’on pourrait prendre pour exemple, ne soit pas toujours aussi mauvais qu’on veut bien le dire ; pour l’hôpital, en revanche, il est désastreux.

Si l’on prend tous ces facteurs en considération, qu’on les décline et qu’on les analyse – ce que je suis prêt à faire avec vous –, on se dit que, avec notre modèle, nous avons finalement beaucoup de chance. Certes, nous sommes sur une ligne de crête, mais il faut tout faire pour que cette réforme de la dernière chance aboutisse, afin que notre système d’assurance maladie puisse être maintenu. Pour cela, il importe qu’il ne soit pas réformé de façon trop brutale, comme l’a été le système allemand, qui était assez proche du nôtre sur le fond.

Je ne peux donc pas accepter, monsieur Gremetz, toute une partie de votre intervention.

M. Maxime Gremetz. Que vous l’acceptiez ou non, ce qui est dit est dit !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Étatisation et privatisation ne peuvent être placées sur le même plan. Ce sont deux écueils qui nous menacent différemment. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur Gremetz, si les déficits avaient augmenté avant la réforme de 2004, c’est pour une raison très simple : au cours des années précédentes, le Gouvernement avait laissé les dépenses d’assurance maladie augmenter de 5 à 7 % par an. Cette absence de gestion, sans nul souci de vérifier que chaque euro dépensé était réellement utile à la santé, a produit une situation qu’il a fallu corriger avec la loi du 13 août 2004, que nous continuons à appliquer dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Je ne peux pas vous laisser parler, monsieur Gremetz,…

M. Maxime Gremetz. Vous êtes bien obligé !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …d’un démantèlement de l’assurance maladie, alors que, depuis plus de dix ans, la part de celle-ci dans la prise en charge des soins ne cesse d’augmenter, simplement parce que le vieillissement de la population entraîne une augmentation du nombre des personnes atteintes d’une affection de longue durée prise en charge à 100 %. Aujourd’hui, le pourcentage de couverture des dépenses de soins par l’assurance maladie est donc nettement plus élevé qu’il y a dix ans et atteint désormais 76,7 %.

M. Maxime Gremetz. Quelles sont vos sources ? Moi, je peux citer les miennes !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Pour notre part, nous souhaitons que l’assurance maladie joue pleinement son rôle, pour assurer l’égal accès des Français aux soins et au progrès médical.

Quand vous insistez sur la nécessité de réformer le financement de la sécurité sociale, vous retombez toujours sur les mêmes solutions : vous proposez d’alourdir les prélèvements obligatoires et les charges qui pèsent sur les Français et les entreprises. En somme, vous proposez de pénaliser la croissance et l’emploi, alors que ce sont les premiers facteurs qui renflouent les recettes de la sécurité sociale et permettent de prendre en charge les nouveaux besoins auxquels nous devons faire face.

Voilà où se situe la différence entre nous. Autant le reconnaître. Vous êtes favorable à une augmentation des prélèvements obligatoires et nous préférons l’éviter. Pour nous, le plus important, c’est de veiller, par une maîtrise médicalisée des dépenses de santé, à éviter les gaspillages, les abus, voire les fraudes. Dans un système de santé efficace, je le disais à l’instant, chaque euro dépensé par l’assurance maladie est réellement utile.

Notre méthode ne consiste pas à augmenter les impôts, ce qui serait sans fin et pourrait conduire de nouveau à une augmentation des dépenses de l’assurance maladie de 5 à 7 % par an, alors que nous l’avons réduite cette année à 2,2 %. Notre méthode,…

Mme Jacqueline Fraysse et Mme Muguette Jacquaint. C’est le déremboursement !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …c’est la maîtrise médicalisée, et non comptable et financière. C’est le changement des comportements, qui permet d’éviter – précisément – le déremboursement. C’est la responsabilisation des assurés, dont je rappelle que 32 millions ont déjà choisi leur médecin traitant et s’apprêtent à respecter le parcours de soins, conformément à leur intérêt et à la tradition du médecin de famille. C’est aussi la responsabilisation des prescripteurs, qui appliqueront la convention des médecins et veilleront à ce que certaines spécificités françaises – prescription excessive d’antibiotiques et d’anxiolytiques, recours insuffisant aux génériques, excès d’arrêts de travail – soient enfin résorbées.

M. Maxime Gremetz. Il n’y a que les pauvres qui ont choisi leur médecin référent. Les autres n’en ont pas besoin !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Au reste, monsieur Gremetz, je suis surpris que vous contestiez même les mesures destinées à aider les personnes aux revenus modestes qui ne bénéficient pas de la couverture maladie universelle complémentaire à adhérer à une mutuelle. Cette mesure sera favorable à des centaines de milliers de Français qui l’attendent. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Jacqueline Fraysse. C’est la prise en charge par le régime obligatoire de base qu’il faut améliorer !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Ne pas adopter ce texte, ce serait aussi se priver d’une hausse de 14 % des ressources affectées aux établissements médico-sociaux pour personnes âgées et d’une augmentation de 6,16 %, représentant 400 millions, des crédits concernant les établissements pour personnes handicapées. Ce serait aussi refuser la mise en œuvre du plan de création de places en crèches, qui prévoit une hausse de 7,5 % des crédits d’allocations sociales des caisses d’allocations familiales pendant quatre ans, en plus de la garantie accordée dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion.

Toutes ces raisons m’incitent à demander à l’Assemblée de repousser la question préalable.

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Vitel. Monsieur Gremetz, c’est toujours un grand plaisir pour nous de vous écouter.

M. Maxime Gremetz. On ne le dirait pas !

M. Philippe Vitel. Ce soir encore, nous avons eu le plaisir de constater que vous maniez toujours, non sans talent, caricatures et contrevérités, au service d’une idéologie incontestablement hors du temps, reposant sur une vision de la réalité réduite à son strict minimum.

M. Maxime Gremetz. Incroyable ! Quel bon orateur !

M. Philippe Vitel. Ce qui vous gêne, en fait, c’est d’abord que nous obtenions des résultats clairs et lisibles, totalement superposables, d’ailleurs, à nos prévisions de juillet 2004, mais surtout que nous obtenions l’adhésion des Français…

M. Maxime Gremetz. Ah oui ?

M. Jean Gaubert. Ce n’est pas si sûr !

M. Maxime Gremetz. L’UMP n’a jamais perdu de voix ?

M. Philippe Vitel. …à une réforme ô combien nécessaire, mais que vous n’avez malheureusement pas eu le courage de mettre en œuvre, avec vos ex-amis de feu la gauche plurielle, à un moment où le contexte était pourtant beaucoup plus favorable que celui que nous connaissons depuis 2002.

M. Jean-Marie Le Guen. Laissez-nous revenir aux affaires, il le redeviendra !

M. Philippe Vitel. N’ayant, comme d’habitude, aucune proposition à faire, aucune alternative à proposer, vous plongez avec délectation dans une dialectique imagée et caricaturale, qui – reconnaissons-le – vous rend parfois bien sympathique, mais qui ne renforce en rien votre crédibilité et ne rehausse malheureusement pas l’image du politique auprès de nos concitoyens.

Oui, monsieur Gremetz, ils attendent de la part de leurs élus moins de fantaisie dans la manipulation des chiffres, la négation de l’évidence et le travestissement de la vérité. À ce propos, le parallèle que vous avez fait entre hospitalisation publique et privée est symbolique des mystifications que vous pratiquez sans vergogne.

Excusez-nous mais vous ne nous avez pas convaincus, à beaucoup près. Nous ne voterons donc pas la question préalable déposée par M. Alain Bocquet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Christine Boutin. Ce n’est pas un scoop !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marie Le Guen. Il y a bien raisons de voter cette question préalable. Aux arguments de M. Gremetz s’ajoutent en effet ceux que nous a donnés le ministre. Son texte est pratiquement vide de toute mesure, à part quelques tableaux financiers et la franchise de 18 euros.

Mme Muguette Jacquaint. Exactement !

M. Jean-Marie Le Guen. Dans ces conditions, faire l’apologie du développement de la sécurité sociale et de l’extension de ses garanties, tout en portant un coup bas à ses principes fondateurs comme l’égalité devant les actes médicaux lourds et en expliquant que l’assurance maladie obligatoire doit être accompagnée d’une assurance privée qui garantisse le droit au remboursement des soins, il faut oser ! De qui se moque-t-on ?

Faire la leçon aux élus sur l’augmentation des prélèvements quand on appartient à un gouvernement qui vient de transférer 60 milliards d’euros de dettes sur les générations à venir, il faut oser ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Voisin. Vous savez de quoi vous parlez !

M. Bruno Gilles. Vous avez pillé la sécurité sociale pour payer les 35 heures et vous nous donnez des leçons !

M. Jean-Marie Le Guen. Comment ces générations rembourseront-elles les dettes que vous avez accumulées, sinon en recourant aux prélèvements, ce que vous n’avez pas le courage de faire devant vos électeurs ? Vous différez, quitte à précipiter notre pays dans les difficultés. Si demain une crise politique ou économique internationale fait remonter les taux d’intérêt d’un demi-point, des milliards d’euros supplémentaires viendront peser sur les générations futures. Et vous nous parlez de gestion ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais faites donc des prélèvements au lieu de transférer des dettes !

Vous dites que chaque euro compte dans votre réforme, mais que faites-vous aujourd’hui ? Vous avez trouvé au débotté 2 milliards d’euros à prélever sur l’industrie du médicament. Pourquoi ne les avez-vous pas prélevés plus tôt ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bruno Gilles. Qu’avez-vous fait pendant les années de croissance ?

M. Jean-Marie Le Guen. Vous nous reprochez de ne pas avoir agi, mes chers collègues ? Mais ce que nous avons fait, vous l’avez défait en 2002 ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les prélèvements supplémentaires étaient prévus et vous les avez supprimés.

Alors que, pendant quatre ans, vous n’avez pas effectué ces prélèvements, vous venez nous faire la leçon en disant que chaque euro compte. Mais, pendant tout ce temps, les deux milliards d’euros, les laboratoires les ont gardés pour eux. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Argument facile !

M. Bruno Gilles. Pilleurs de sécurité sociale !

M. Jean-Marie Le Guen. Franchement, devant un projet de loi aussi vide de sens pour le développement de la sécurité sociale, qui intervient l’année même de son soixantième anniversaire, il n’y a qu’une chose à faire, c’est voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean-Luc Préel. Madame la présidente, je vais essayer de présenter sereinement notre position.

M. Jean-Marie Le Guen. On la connaît déjà !

M. Jean-Luc Préel. Monsieur Le Guen, vous êtes en pleine forme, ce soir ! J’indiquerai dans quelques instants à la tribune la position du groupe UDF.

M. Gremetz vient de défendre longuement une question préalable à laquelle il ne croit probablement pas lui-même.

M. Michel Voisin. Pas une minute !

M. Jean-Luc Préel. En effet, tout au long de son intervention, il nous a expliqué qu’il voulait modifier ce projet de loi qu’il considère comme insuffisant. Mais, pour le modifier, il faudrait pouvoir en débattre !

Souvenons-nous. Avant 1995, le Parlement ne pouvait pas se prononcer sur les dépenses sociales du pays, qui étaient pourtant supérieures au budget de l’État. Une réforme est intervenue et, depuis 1995, le Parlement s’est prononcé chaque année sur les dépenses sociales du pays. Certes, nous l’avons fait dans des conditions très insatisfaisantes : nous ne disposions pas des soldes ; du fait du système majoritaire et de ce que j’appellerai l’autocastration des parlementaires, il était impossible de modifier quoi que ce soit à l’ONDAM ; et, sous un gouvernement de gauche comme de droite, il était voté à la virgule près, alors même que chacun le savait insatisfaisant et inapte à répondre correctement aux besoins de la population.

Ensuite est intervenue la loi organique, qui constitue en théorie un progrès puisqu’elle nous permet, pour la première fois, de voter le solde de l’année écoulée, la rectification de l’année en cours et l’équilibre de l’année n + 1.

Mme Jacqueline Fraysse. Vous n’y croyez pas !

M. Jean-Luc Préel. Toutefois, au regard du projet de loi de financement pour 2006, elle reste insatisfaisante. En effet, les prévisions de recettes paraissent très optimistes par rapport aux hypothèses formulées par l’ensemble des économistes. Du reste, personne ne croit, même à l’UMP, que l’équilibre sera atteint en 2007. Les prévisions de dépenses sont probablement sous-estimées, car ce serait un véritable exploit que l’ONDAM soins de ville, par exemple, n’augmente que de 0,9 %, avec des prescriptions en baisse de 3,3 %. Là, encore, personne ne croit sérieusement que cet objectif sera atteint l’année prochaine.

Quant à la dimension pluriannuelle, les économistes eux-mêmes ont du mal à prévoir pour l’année en cours, et je suis prêt à parier que les prévisions de recettes et de dépenses pour les quatre années à venir ne seront pas tenues.

M. Maxime Gremetz. Vous ne prenez aucun risque !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur, pour les recettes et l’équilibre général. Vous vous trompez !

M. Jean-Luc Préel. Je peux me tromper. En tout cas, j’attends des explications sur ce point.

Nous avons déposé des amendements pour tenter d’améliorer le projet de loi. M. le ministre a annoncé qu’il écouterait les parlementaires et tiendrait compte des propositions intéressantes qu’ils pourraient faire. Nous verrons ce qu’il en est à l’issue de nos débats.

Par ailleurs, monsieur le président de la commission, vous avez défendu la loi organique en expliquant à M. Gremetz que nous nous situions sur une ligne de crête et qu’il ne fallait surtout pas tomber du côté de l’étatisation. Pourtant, la réforme qui est intervenue l’année dernière a presque complètement étatisé notre système de santé.

Mme Jacqueline Fraysse. Absolument !

M. Jean-Luc Préel. Ainsi, la CNAM ne fait plus l’objet d’aucun contrôle démocratique, et nous sommes inquiets de cette évolution. Par ailleurs, vous avez expliqué que cette réforme était la dernière, la « der des ders ». Je crois pour ma part qu’il sera nécessaire de réformer encore notre système dans les années à venir, car nous ne sommes certainement pas parvenus au terme de son évolution.

Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe communiste.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre délégué, vous avez répondu à M. Gremetz que le Gouvernement pariait sur la croissance et l’emploi, et des collègues de la majorité prétendent parler le langage de la vérité. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais qui peut croire que la croissance et l’emploi seront au rendez-vous ? Si c’était vrai, ça se saurait !

Vous avez ajouté que vous étiez contre les prélèvements obligatoires. En ce qui concerne les cotisations, peut-être. Mais que faites-vous de la franchise de dix-huit euros, des déremboursements de médicaments, du forfait hospitalier que vous vous apprêtez à augmenter une fois de plus et de la contribution d’un euro sur chaque feuille de maladie ?

M. Jean-Marie Le Guen. Quatre milliards l’année dernière !

Mme Muguette Jacquaint. Appelez cela comme vous voulez mais, pour moi, ce sont bien des prélèvements, et ce sont les familles et les malades qui devront les sortir de leur poche.

Vous nous dites que la franchise de dix-huit euros sera prise en charge par les mutuelles, mais toutes annoncent que, si elles y sont obligées, elles en répercuteront le coût sur les cotisations.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur, pour les recettes et l’équilibre général. C’est du chantage !

Mme Muguette Jacquaint. Là encore, ce sont les familles qui devront mettre la main à la poche.

M. Jacques Domergue, rapporteur, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Ce n’est pas vrai !

Mme Muguette Jacquaint. Mais si, et vous le savez très bien ! Vous prétendez tenir un langage de vérité, mais cette vérité-là, vous ne voulez pas la dire ! D’autres la disent pour vous, et c’est ce qui vous ennuie. Pour toutes ces raisons, nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Madame la présidente, monsieur le ministre de la santé et des solidarités, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la sécurité sociale est à un tournant de son histoire. Sa situation financière n’a jamais été aussi dégradée mais, au-delà de ces résultats financiers catastrophiques, c'est la pérennité même de notre système de protection sociale qui est en cause.

Il convient de partir de ce que souhaitent les Français, des inquiétudes et des aspirations qu'ils expriment.

Tout d’abord, ils attendent légitimement de pouvoir bénéficier de soins de qualité, quel que soit l'endroit où ils habitent. Face à l'angoisse de la maladie, aux questions que pose l'allongement de la durée de la vie et aux risques d'épidémie – le SRAS hier, la grippe aviaire aujourd'hui –, ils attendent des pouvoirs publics qu’ils organisent le système de santé et de protection sociale de la meilleure façon possible afin de leur permettre bénéficier des progrès de la médecine.

L'accès à des soins de qualité pour tous et sur tout le territoire est un droit fondamental, un élément essentiel de notre pacte social. Les demandes fortes des Français en matière de santé sont légitimes. Elles sont fondées sur la volonté de vivre mieux, de mieux comprendre et de mieux maîtriser leur état de santé. Notre société doit faire face à ces défis, qui renvoient à la question du niveau des dépenses que la collectivité est prête à assumer pour la santé de chacun.

Mme Marylise Lebranchu. Tout à fait !

M. Alain Claeys. Dans le respect des principes fondateurs de 1945, nous devons plus que jamais fixer trois objectifs : l'accès pour chacun à des soins de qualité, un haut niveau de prise en charge des dépenses de santé, un financement pérenne et solidaire.

Depuis soixante ans, le système d'assurance maladie a fortement contribué à développer l'accès aux soins. L'état de santé des Français s'est globalement amélioré. Les progrès médicaux ont été et seront encore spectaculaires. Cependant, ces évolutions n'auraient pas eu le même effet sur la santé des Français si l'amélioration de la qualité de l'offre de soins n’avait pas été adossée à un bon niveau de remboursement des dépenses de santé par la collectivité. C’est pourquoi les trois objectifs que je viens de citer sont indissociables et doivent continuer à être mis en œuvre conjointement.

La loi sur l'assurance maladie leur a tourné le dos. Les inégalités d'accès aux soins n'ont jamais été aussi importantes. La part du financement individuel est de plus en plus forte. Des zones entières de notre territoire sont des déserts médicaux. Les tensions entre l'hôpital public et la médecine de ville sont source de désordres. Les professionnels de santé se sentent souvent seuls face à des difficultés autant sociales que sanitaires.

Notre système de santé est en crise. Vous avez qualifié la loi sur l'assurance maladie de « loi de la dernière chance », monsieur le ministre, la. En réalité, vous n'avez fait que concrétiser la politique de fuite en avant menée depuis juin 2002.

Le dispositif du médecin traitant et du parcours de soins était pourtant une bonne idée, mais vous l’avez dévoyée. Après quelques mois d'application, ce dispositif apparaît pour ce qu'il est : une source de complication et d'incompréhension pour les assurés sociaux pris dans le maquis des remboursements ou, plus exactement, des déremboursements et, pour les spécialistes, la possibilité de pratiquer des dépassements d'honoraires.

Les inégalités d'accès aux soins n'ont jamais été aussi fortes dans notre pays et le projet de loi de financement pour 2006 va les aggraver. Il concrétise encore un peu plus votre volonté de passer d'un système où chacun contribue selon ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins à un système où ceux qui le peuvent auront accès à tous les soins tandis que tous les autres, c’est-à-dire l'immense majorité des Français, ne bénéficieront que d'une protection minimale.

L'instauration d'une participation de dix-huit euros pour les actes médicaux d'un montant supérieur à quatre-vingt-onze euros en est le triste symbole. Du reste, vous n'avez pas osé présenter cette mesure aux membres de la commission des comptes de la sécurité sociale lorsqu’ils vous ont reçu en septembre dernier. Monsieur le ministre, une personne malade ne choisit pas de l'être et n'est pas responsable de son traitement, des soins et actes nécessaires. Un acte lourd ne relève pas d’une médecine de confort. Sa prescription ne provient pas d’une initiative personnelle des patients. Pourtant, vous faites le choix de les pénaliser.

La logique infernale de la privatisation de la sécurité sociale est bel et bien en marche. L'effort individuel demandé à chacun pour se soigner s'accroît dans une proportion sans précédent. S'agit-il d'abord de combler le déficit ? Non, puisque vous attendez 100 millions d'euros de cette mesure, soit à peine 0, 089 % du déficit. Il s'agit de tout autre chose. Comment imaginer que cette participation sera prise en charge par les mutuelles sans que les assurés sociaux en fassent les frais ? Comment croire que les mutuelles pourront toujours faire face aux déremboursements du régime général ? Et que se passera-t-il pour les Français qui n'ont pas de mutuelle ?

En réalité, vous voulez rendre irréversible le passage d’un système de protection sociale à un système d'assurance individuelle. L’égalité d'accès aux soins est soldée. En aucune façon vous ne tenez compte des préoccupations et des aspirations des Français pour leur santé. Vous y avez renoncé. Pire, je considère, compte tenu de la situation financière catastrophique de la sécurité sociale, que vous n'avez jamais eu d'autre ambition que de privatiser le système.

Par ailleurs, vous avez renoncé à donner à l'hôpital, et plus particulièrement à l'hôpital public, la place qu'il mérite dans l'organisation de notre système de santé. Celui-ci fut ainsi le grand absent de la réforme de l'assurance maladie, comme si vous vouliez nier son rôle déterminant pour l'accès aux soins. Aucune réforme n'est proposée dans le projet de loi de financement pour 2006, alors que l'hôpital doit être le premier bénéficiaire et le premier acteur d'une politique de solidarité.

La prolongation de la convergence des tarifs entre le privé et le public n'atténue en rien les difficultés de l'hôpital public. Sortons du débat stérile selon lequel les problèmes des hôpitaux sont simplement des problèmes de moyens. La communauté hospitalière publique est déterminée à poursuivre ses efforts pour améliorer la gestion et mener à bien ses réformes structurelles. Encore faut-il que les pouvoirs publics, le Gouvernement, cessent d'accroître ses difficultés.

La réforme de la tarification à l'activité aussi était une bonne idée, mais vous l’avez dévoyée. Les modalités d'application de cette réforme doivent donc être rediscutées, afin de ne pas avoir pour effet de parvenir à une unification des tarifs entre le public et le privé. La convergence entre les deux secteurs est irréaliste et dangereuse, compte tenu des missions de service public de l’hôpital. L'enveloppe prévue pour ses missions doit être spécifique et maintenue à un niveau élevé. C'est ainsi que nous pourrons tenir compte non seulement des contraintes techniques liées à la sécurité des soins, mais aussi des aspirations légitimes de nos concitoyens, qui souhaitent bénéficier de soins de qualité sur l'ensemble du territoire.

Le développement des missions de service public et l’exigence de proximité doivent guider toute action en faveur des hôpitaux. La communauté hospitalière, je le répète, y est prête et s'engage résolument dans cette voie. Il est regrettable – et le mot est faible – que tous ses efforts soient anéantis par une situation financière intenable à court terme. Le sous-financement des hôpitaux conduit à des reports de charge d'une année sur l'autre d'un montant jamais atteint. Malheureusement, les dotations prévues ne permettent même pas de maintenir le même niveau d'activité d'une année sur l'autre.

Monsieur le ministre, la crise que connaît l'hôpital n'est finalement que le reflet de celle que traverse notre société. En matière de santé, il apparaît comme une sorte de dernier recours vers lequel se tournent les Français. Prenez garde à ne pas casser cette structure indispensable à la cohésion sociale, à ne pas décourager la communauté hospitalière qui œuvre chaque jour pour porter secours et assistance à chacun d’entre nous !

Ces renoncements sur l’égalité d’accès aux soins et sur l’hôpital ne sont pas le fruit du hasard, ne sont pas simplement les conséquences fâcheuses de votre politique. Ils interviennent sur fond de crise financière sans précédent de notre système de protection sociale. Tous régimes et tous fonds confondus, vos déficits cumulés dépassent en quatre ans 40 milliards d’euros. Triste record !

Depuis juin 2002, vous menez notre système de santé et de protection sociale vers une impasse. L’échec est considérable : recul de l’accès aux soins, politique conventionnelle clientéliste, mécontentement des professionnels de santé à l’exception des spécialistes, abandon de l’aide aux personnes âgées, politique économique qui tarit les recettes, déficits abyssaux.

La politique des gouvernements qui se sont succédé depuis juin 2002 est responsable de cette situation. Vous avez délibérément choisi de mettre en faillite notre système de protection sociale pour mieux le démanteler. Vous êtes dans votre logique, qui consiste à transférer le poids des dépenses publiques de santé vers des financements individuels, mais vous refusez de l’assumer et préférez dire que, sans vos réformes, ce serait pire.

Monsieur le ministre, ce ne sont pas les déficits qui diminuent, ce sont les prélèvements et les déremboursements qui augmentent. Les Français le savent et en font les frais. Ils savent pertinemment que vous voulez les engager vers un système à deux vitesses et craignent que le mouvement soit irréversible. Je partage leurs craintes. Je redoute cette spirale infernale du déficit qui vous pousse à augmenter les prélèvements, à créer de nouveaux déremboursements et à accroître toujours plus les inégalités d’accès aux soins, qui vous fait renoncer à toute réforme de l’offre de soins et à toute politique favorable à la croissance et à l’emploi, préférant ainsi alimenter le creusement du déficit. Hélas, cette spirale du déficit et de la réduction de l’accès aux soins conduira à la mort de la sécurité sociale et de ses principes de solidarité.

La réforme de 2004 est un échec de plus après le plan Juppé, si l’on considère que les déficits sont toujours là et l’accès aux soins en recul. Mais je crois qu’au fond de vous-même, vous considérez que cette réforme est une réussite, car elle vous permet d’accélérer la fin du système. C’est une raison suffisante pour voter contre votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous entamons aujourd’hui la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale 2006 et nous sommes appelés à nous prononcer sur la somme considérable de 373,7 milliards d’euros. Cette loi de financement est très attendue car elle définit la politique sociale du Gouvernement, précise les objectifs, les priorités dans le domaine de la santé, des retraites, de la politique familiale. Elle intéresse donc au plus haut point chacun de nos concitoyens. Mais elle fixe également les moyens de financement de cette politique et pèse donc lourdement sur l’économie du pays.

Le contexte est bien particulier. En effet, cette discussion survient après la réforme des retraites de 2003, celle de l’assurance maladie de 2004 et la nouvelle loi organique votée en juillet 2005, prévoyant notamment des objectifs pluriannuels.

Où en sommes-nous ? Notre protection sociale est-elle sauvée ? Allons-nous vers l’équilibre financier promis ?

Tout le monde s’était accordé pour qualifier d’historique le déficit de 2004, qui atteignait 11,9 milliards d’euros. Or, le montant du déficit prévisionnel de 2005 est strictement identique. L’histoire se répète ! Plus inquiétant, les quatre branches sont déficitaires. À ce déficit, il conviendrait en toute logique d’ajouter celui du FSV, soit 2 milliards, lequel fonds devait déjà 2,2 milliards à la CNAV en 2004. Il conviendrait également d’y ajouter le déficit du FFIPSA, soit 1,7 milliard, car l’État ne verse plus sa subvention d’équilibre. Nous en arrivons à 15,6 milliards.

À ce déficit considérable, nous pourrions encore ajouter celui de l’UNEDIC en 2005, soit 3,4 milliards. Le déficit cumulé de l’UNEDIC s’élève ainsi à 13,6 milliards.

Le total du déficit de notre protection sociale pour l’année 2005 est donc de 19 milliards d’euros. Philippe Séguin a raison lorsqu’il dit, avec une grande tristesse, que nous avons tous remarquée, que la protection sociale n’est plus financée.

Monsieur le ministre, il faut reconnaître que vous ne vous étendez guère sur ces chiffres globaux fort inquiétants et que vous vous repliez prudemment sur l’assurance maladie, expliquant que vous avez réussi à réduire son déficit de trois milliards, soit 9,4 milliards pour les branches des régimes obligatoires de base.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. De trois milliards, tout à fait !

M. Jean-Luc Préel. Je ne discute pas le chiffre – encore que ! Mais comment avez-vous réduit ce déficit ? Par des recettes nouvelles…

M. le ministre de la santé et des solidarités. …et tendancielles !

M. Jean-Luc Préel. …s’élevant à 4,6 milliards : 3 milliards de réduction de déficit pour 4,6 milliards de recettes nouvelles, l’exploit n’est pas considérable !

La presse n’a pas repris ces chiffres, que vous avez contestés en commission. Mais je vous renvoie à la réforme de l’assurance maladie, qui prévoyait 5 milliards de recettes nouvelles, et surtout à la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2005, qui chiffre ces recettes nouvelles à 2,3 milliards d’euros pour la CSG, 0,8 milliard pour la C3S, 0,5 milliard pour le forfait « un euro », 1 milliard pour les droits sur le tabac, soit 4,6 milliards de recettes nouvelles. Ce chiffre me paraît incontestable.

J’aimerais savoir, monsieur le ministre, et c’est ma première question, comment vous comptez financer ce déficit supplémentaire. En effet, vous avez transféré à la CADES le déficit cumulé des années 2002-2003-2004 et les déficits prévisionnels 2005 et 2006 avec, comme perspective, l’équilibre en 2007. Cette perspective semble, hélas, s’éloigner. Les déficits 2005 et 2006 sont supérieurs aux prévisions. Personne n’accepte plus le report moralement inacceptable sur les futures générations, auquel vous avez procédé encore l’année dernière. Dans ces conditions, qu’envisagez-vous ?

La loi de financement pour 2006 nous paraît peu réaliste, voire insincère. En effet, les recettes sont surestimées, établies, comme le budget de l’État, sur une prévision de croissance de 2,25 %, alors que tous les experts prévoient seulement 1,5 %. Certes, comme tous les experts, ils peuvent se tromper.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Ce sont des experts de l’UDF ?

M. Jean-Luc Préel. Tous les experts économiques sont d’accord sur ce point, monsieur Door. Quoi qu’il en soit, nous verrons bien. S’il est tentant de surestimer les recettes lors de la présentation de la loi, la réalité n’en est que plus cruelle à l’heure du bilan.

Vous basculez dans la loi de financement de la sécurité sociale les exonérations de cotisations sociales pour 19 milliards, financées par des taxes variées : taxe sur les salaires, TVA, alcool, primes d’assurance automobile, etc... On se croirait revenu au FOREC, tant décrié.

Deux questions se posent. Le financement sera-t-il pérenne ? Pourquoi certaines exonérations – 2,7 milliards, comprenant les contrats d’avenir – ne sont-elles pas financées ? J’espère qu’elles le seront et j’attends une réponse de votre part sur ce point, monsieur le ministre.

Quant aux dépenses, elles paraissent sous-estimées : l’ONDAM, hélas, n’est toujours pas médicalisé. Il est fixé « au pifomètre » par Bercy et se veut volontariste. Est-il crédible ? Je ne le pense pas.

L’assurance maladie a pour mission d’assurer, par la solidarité nationale, l’égal accès de tous à des soins de qualité. Or vous ne cessez de faire bouger les curseurs et alors que tous les secteurs demeurent en crise, nous nous orientons de plus en plus vers une médecine à plusieurs vitesses.

Et comme si l’assurance maladie n’avait pas assez de difficultés, vous mettez à sa charge des missions régaliennes de l’État, notamment de santé publique : grippe aviaire, biotox, toxicomanie.

M. Gérard Bapt. C’est vrai !

M. Jean-Luc Préel. Le secteur hospitalier connaît aujourd’hui de graves difficultés ; une crise morale concernant ses missions et son besoin de reconnaissance, une crise organisationnelle que ne règle pas la nouvelle gouvernance et une crise financière.

Les trois quarts des établissements sont en déficit et recourent aux reports de charges pour un montant estimé à 400 millions d’euros en 2004 et 700 millions d’euros en 2005.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est faux !

M. Jean-Luc Préel. Pour que la T2A s’applique dans de bonnes conditions, il faudrait les rebaser pour remettre les pendules à zéro.

La T2A était très attendue, puisqu’elle devait rompre avec le budget global. Beaucoup espéraient que les budgets seraient bâtis à partir de l’activité réelle, comme l’affirmait Jean-François Mattei. Mais aujourd’hui tous déchantent. Jamais les budgets n’ont été, en raison des multiples forfaits, coefficients, etc., aussi complexes, aussi technocratiques, aussi tardifs qu’en 2005. Au bout du compte, le système s’apparente aux lettres-clés flottantes : lorsque l’activité augmente, le taux diminue. La belle affaire !

Quel sera le taux de T2A en 2006 ? Vous n’avez pas indiqué quelles étaient vos intentions sur ce point : maintien à 25 %, progression à 30 ou à 35 % ?

Vous proposez une augmentation globale de 3,43 %, bien éloignée des 4,4 % que la Fédération hospitalière de France estime indispensable pour la simple reconduction des moyens.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Elle demande 4,32 % !

M. Jean-Luc Préel. Par ailleurs, vous demandez une économie de 400 millions sur les achats. Je connais un ARH qui, pour être sûr que cette économie sera réalisée, la déduit de la dotation globale.

Le conseil d’administration de l’hôpital n’a quasiment plus aucun pouvoir. D’ailleurs, dans le décret concernant les conférences sanitaires, le président du conseil d’administration n’est même plus mentionné.

Le groupe UDF plaide pour une véritable autonomie des établissements et du conseil d’administration, seule façon selon nous de responsabiliser et d’adapter les établissements aux besoins.

L’hospitalisation privée, dont le rôle de plus en plus important, notamment pour la chirurgie, ne peut être ignoré, est également déçue et inquiète. La T2A s’applique à 100 %. Elle espère au minimum le maintien de la convergence à 50 % en 2008 pour lui permettre, dans le cas d’une harmonisation vers le haut, de faire face à ses missions et d’améliorer la rémunération de ses personnels, qui connaît aujourd’hui un différentiel de l’ordre de 25 % par rapport au secteur public.

Cette convergence doit évidemment prendre en compte les honoraires des professionnels et les MIGAC.

Pour 1’ambulatoire, vous proposez un objectif en augmentation de 0,9 %, que vous déclinez en + 3,2 % pour les honoraires et  3,3 % pour les prescriptions. Est-ce tenable ? Certes, en 2005, nous constatons une inflexion nette des dépenses, comme après chaque plan d’ailleurs. Cette inflexion est-elle durable ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Oui, elle l’est !

M. Jean-Luc Préel. Des gains sont certainement encore possibles, mais encore faudrait-il que chacun soit associé aux décisions et les considère comme justes.

À l’UDF, nous avons critiqué la réforme de l’assurance maladie, qui ne semblait pas être à la hauteur des enjeux, bien que présentée comme la « der des ders » et devant permettre l’équilibre financier en 2007.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Vous avez eu tort !

M. Jean-Luc Préel. Nous avons critiqué la convention de février 2005 qui n’associait ni les autres professions de santé, ni les assurances complémentaires et qui, particulièrement complexe, nous paraissait conduire à une médecine à plusieurs vitesses entre ceux qui pouvaient financer un accès direct au spécialiste pour obtenir un avis rapide, qui pouvaient payer une cotisation plus élevée à une complémentaire prenant en charge tous les dépassements et ceux qui ne le pouvaient pas.

Nous avons donc adressé un questionnaire aux médecins inscrits au conseil de l’Ordre et avons obtenu 14 000 réponses, avec souvent de longs commentaires, passionnants et très instructifs. Ainsi, 57 % des médecins pensent que le parcours de soins par le médecin traitant ne sera pas applicable, 65 % qu’il ne permettra pas d’optimiser les dépenses de santé, 64 % que la coordination ville-hôpital est insuffisante, 58 % que la réforme conduit à une médecine à deux vitesses. Surtout, seulement 14 % des médecins estiment qu’il s’agit d’une bonne réforme, 28 % d’une mauvaise réforme, 51 % que ce n’est qu’un plan de plus.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. C’était un sondage très orienté !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Pour ma part, j’ai entendu d’autres choses !

M. Jean-Luc Préel. Il faudra nous en faire part tout à l’heure, monsieur le ministre. Lorsque vous indiquez que la réforme est réussie parce que 32 millions de français ont renvoyé leur questionnaire, je demeure dubitatif car ce critère ne me paraît pas pertinent.

Mme Muguette Jacquaint. Ce n’est pas un critère !

M. Jean-Luc Préel. Seul l’avenir permettra de trancher.

Les professionnels de santé qui se sont engagés dans la convention attendent une augmentation d’honoraires. Certes, l’engagement d’économie de 998 millions – pourquoi pas un milliard, d’ailleurs ? – n’est pas totalement réalisé.

M. Gérard Bapt. Loin de là !

M. Jean-Luc Préel. Nous en sommes à environ 600 millions, mais ils attendent tout de même le geste promis. Ils attendent aussi la CCAM clinique, le secteur optionnel, la rémunération des gardes et astreintes.

Les infirmières et les kinésithérapeutes notamment escomptent bien obtenir en 2006 une revalorisation substantielle de leurs actes – il n’y en a pas eu depuis longtemps – mais aussi de leurs indemnités de déplacement. Il serait juste d’harmoniser vers le haut les frais de déplacement – indemnité forfaitaire et indemnité kilométrique – des médecins, des infirmières, des kinésithérapeutes, des sages-femmes, des biologistes, puisque ces indemnités varient selon les professions. L’augmentation des prix du carburant rend cette demande encore plus urgente. J’ai fait adopter un amendement en ce sens par la commission.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Nous y voilà !

M. Jean-Luc Préel. Si l’augmentation de 3,2 % prévue pour l’ONDAM des honoraires permettra quelques améliorations, comment croire que les prescriptions puissent diminuer de 3,3 % ?

Il est vrai que vous demandez de gros efforts à l’industrie pharmaceutique. Je n’ai malheureusement pas le temps d’insister sur la nécessité de favoriser la recherche pour trouver les médicaments innovants dont nous avons besoin, ou sur celle de maintenir dans notre pays des sites de production et donc une politique d’investissement. J’avais pourtant cru comprendre, monsieur le ministre, que le Gouvernement s’était engagé dans une politique contractuelle avec des prévisions pluriannuelles. Or vous taxez brutalement l’industrie de 2 milliards supplémentaires avec des dispositions non négociées concernant le TFR, le générique, les prix, les déremboursements, les taxes... Est-ce ainsi qu’on établit et qu’on maintient des relations de confiance ?

Cerise sur le gâteau, les pharmaciens d’officine menacent !

Après l’euro prélevé à chaque consultation – qu’en est-il d’ailleurs pour les malades bénéficiant du tiers payant ? – comment sera perçue la somme dépassant les 50 euros annuels ? Comme tout cela est simple ! Comment fera-t-on pour ceux qui ne paieront pas le dépassement de 50 euros ?

Après le relèvement d’un euro du forfait hospitalier, vous nous proposez une franchise de 18 euros pour tous les actes en ville et à l’hôpital dépassant 91 euros, c’est-à-dire l’ancien K50 qui était pris en charge à 100 %. Il s’agit à l’évidence d’une mesure purement comptable et non de santé publique. Il ne s’agit pas en effet d’actes bénins ou de confort. Si l’on prend l’exemple du dépistage du cancer du colon ou de la polypose familiale, il est nécessaire dans les deux cas de pratiquer une coloscopie, aujourd’hui prise en charge à 100 %. Demain le patient paiera 18 euros. Pourquoi ? Pourquoi 18 euros ? Pour permettre à l’assurance maladie de réaliser une économie de 100 millions et de reporter cette somme sur les familles ou les complémentaires, ce qui revient au même.

Vous bougez ainsi le curseur et vous vous orientez un peu plus vers un désengagement de la solidarité nationale. L’UDF s’oppose d’autant plus à cette mesure qu’elle vient s’ajouter aux déremboursements de médicaments, aux 7 euros de dépassement d’honoraires pour les spécialistes de secteur 1, aux moindres remboursements et aux difficultés, bien connues hélas ! du secteur 2.

Bien d’autres problèmes concernent encore la santé : le vote des sous-objectifs, qui ne comporte malheureusement pas de sous-objectif pour la prévention et l’éducation à la santé, mais qui conforte la séparation pourtant décriée ville-hôpital et sanitaire/médico-social, les contrats dits responsables, la mise en œuvre du dossier médical personnel, les ARS expérimentales, la permanence des soins, la démographie médicale. Je m’arrêterai là alors que bien d’autres sujets mériteraient d’être évoqués. J’espère que nous aurons l’occasion d’y revenir au cours du débat.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. C’est un véritable catalogue !

M. Jean-Luc Préel. Tous ces points relèvent de la santé !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. On en parle dans le projet !

M. Jean-Luc Préel. Pas vraiment !

Je souhaiterais, avant de conclure, évoquer la branche famille, pour approuver la modification du complément de libre choix d’activité tout en regrettant sa mise en œuvre retardée à juillet, mais pour dénoncer à nouveau le « hold-up » réalisé sur cette branche pour financer 60 % de la majoration de pension pour enfant. J’ai repris là un terme cher à Bernard Accoyer, qui s’était opposé, à l’époque, avec une grande véhémence à ce prélèvement, doublé depuis. Pierre-Christophe Baguet reviendra sur ces sujets.

S’agissant de la retraite, ce texte comporte très peu d’articles. Se pose essentiellement la question du maintien du pouvoir d’achat. Monsieur le ministre, répondant à une de mes questions en commission, vous avez annoncé que la revalorisation sera en 2006 de 1,8 %. Or, voilà quelques jours, nous avons appris que l’inflation sur douze mois s’élevait à 2,2 %. Qu’en pensez-vous ? Que comptez-vous faire ?

Je pourrais évoquer la poursuite de la politique des soultes pour adosser les régimes spéciaux au régime général. Cette année, elles concernent la poste, la RATP, la Banque de France. À quand la SNCF ? Ce système permet de diminuer la dette de l’État, en faisant payer au contribuable ou au consommateur – cela a été le cas l’année dernière pour EDF – les avantages de ces régimes. Je rappelle que, dans un souci d’équité, l’UDF avait demandé, en 2003, la mise en extinction des régimes spéciaux et l’évolution vers une retraite par points permettant la liberté de choix du départ en retraite.

En conclusion, cette loi de financement de la sécurité sociale innove. Pour la première fois, en effet, les quatre branches sont déficitaires. Et les conseils d’administration des caisses ont tous émis un avis défavorable.

M. Gérard Bapt. Eh oui !

M. Jean-Luc Préel. Cette loi ne nous paraît pas sincère puisque les recettes sont volontairement surestimées et les dépenses sous-estimées. De plus, elle conforte la séparation regrettable de la médecine de ville et de l’hôpital, du sanitaire et du médico-social.

Elle prévoit surtout de nouveaux déremboursements et l’instauration d’une franchise de 18 euros qui contrevient gravement au principe de solidarité et conforte l’évolution vers une médecine à plusieurs vitesses que l’UDF ne souhaite pas cautionner. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. « Le déficit courant atteint en 2004 est le plus élevé jamais constaté dans l’histoire de la sécurité sociale : 13,2 milliards d’euros de déficit global, dont 12,3 milliards pour la branche maladie. [...] Sur cette base, et pour la première fois depuis longtemps, toutes les branches du régime général sont déficitaires, y compris la branche famille et la branche retraite qui étaient encore excédentaires en 2003. » Tels sont les propos extrêmement sévères tenus par Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, lors de son audition par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, le 14 septembre dernier.

Un an et demi après le vote de la loi relative à l’assurance maladie, force est de constater que l’objectif d’un retour à l’équilibre en 2007, fixé par Jacques Chirac et relayé par Philippe Douste-Blazy ici même au cours de la séance du 29 juin 2004, peut être relégué au rang des promesses non tenues.

Selon vous, déremboursements successifs et multiplication des franchises à la charge des malades, dans un contexte marqué par une surenchère dans la culpabilisation, voire la pénalisation des patients et des praticiens, permettraient de ramener le déficit de l’assurance maladie à – excusez du peu ! – 8,3 milliards d’euros pour l’exercice 2005.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Au lieu de 16 milliards !

Mme Jacqueline Fraysse. Néanmoins, dans le même temps, le déficit enregistré par les autres branches explose : 414 % pour la branche famille, 500 % pour la branche accidents du travail et maladie professionnelle, 950 % pour la branche vieillesse. Ces chiffres confirment ce que nous ne cessons de répéter depuis des années, à savoir qu’il n’y aura pas d’amélioration de la situation de la sécurité sociale tant qu’on se cantonnera à une politique de maîtrise comptable des dépenses et qu’on se refusera à dégager de nouveaux financements, dynamiques et pérennes.

Bien que nous ne soyons pas les seuls à le réclamer – loin s’en faut ! – vous persistez à repousser aux calendes grecques le nécessaire débat sur l’élargissement de l’assiette de financement, négligeant le fait que le vieillissement de la population, conjugué à la persistance d’inégalités de santé intolérables, exige une augmentation de la part de richesses que nous devrons consacrer à la protection sociale.

Parallèlement, ou plus exactement consécutivement à ce refus de débattre de l’essentiel, vous usez et abusez de vieilles recettes, de plus en plus contestées, y compris sur vos bancs.

Tout d’abord, vous envisagez 2 milliards supplémentaires d’exonérations de cotisations patronales. Or nombre de députés de la majorité s’interrogent sur l’efficacité de ce remède miracle contre le chômage, prescrit avec constance à partir de 1971, a fortiori depuis 1993, et dont le coût est assumé par les contribuables en lieu et place des employeurs. Pour l’emploi d’un salarié au SMIC, le taux des cotisations patronales affectées à la sécurité sociale est en principe de 30 %. Or, en vertu de la réduction Fillon, il est ramené à 4 %. Pierre Méhaignerie, non sans une certaine gravité teintée d’ironie, a fait remarquer, le 12 octobre dernier en commission, qu’il n’était pas certain que les employeurs s’en soient rendu compte. Le Gouvernement persiste donc à louer les bienfaits des exonérations alors qu’il est de plus en plus seul à en éprouver l’effet placebo...

Ensuite, vous continuez à réduire le périmètre des dépenses remboursables par l’assurance maladie, au nom de la responsabilisation des acteurs. Se cachant derrière les décisions d’une Haute autorité de santé qui ne représente qu’elle-même, le Gouvernement annonce qu’au 1er mars prochain 156 médicaments supplémentaires ne seront plus remboursés et que 62 veinotoniques se verront octroyer un taux provisoire de remboursement de 15 % jusqu’en 2008.

Bien qu’en parfaite continuité avec vos orientations antérieures, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 marque néanmoins une rupture fondamentale. Depuis la fondation de la sécurité sociale, il y avait, au-delà d’un certain coût, une prise en charge totale du patient par le régime obligatoire. Or, en créant un forfait de 18 euros pour les actes médicaux d’un montant supérieur à 91 euros, vous posez le principe du co-paiement par le régime obligatoire et les complémentaires, indépendamment de la nature du risque.

Cette décision ayant une haute signification sur le plan politique constitue une bien curieuse façon de célébrer le soixantième anniversaire de la sécurité sociale !

Sachant que l’économie attendue est dérisoire – le Gouvernement la chiffre à 100 millions d’euros –, cette mesure, qui finit de révéler la combinaison d’étatisation et de privatisation actuellement à l’œuvre, est essentiellement destinée à ouvrir une brèche. En effectuant cet arbitrage dans le secret des cabinets ministériels, en mettant l’UNCAM et l’UNOCAM devant le fait accompli, le Gouvernement ne pouvait pas mieux illustrer sa démarche d’étatisation, au seul profit de l’exécutif. Il ne pouvait pas mieux disqualifier la nouvelle gouvernance, dont il fut pourtant le principal promoteur.

Contribuant aux transferts de dépenses du régime obligatoire vers les complémentaires, dont l’ampleur est inédite, ce nouveau ticket modérateur accélère le mouvement de privatisation. À l’instar du forfait hospitalier, multiplié par 5 en vingt ans, on peut être sûr qu’il sera régulièrement augmenté. Il suffirait, d’ailleurs, à l’avenir d’un acte réglementaire pour en modifier le seuil de déclenchement comme le montant.

Nombreux sont ceux qui ont vu dans les décisions gouvernementales les plus récentes la preuve de l’échec du plan Douste-Blazy. Pour notre part, considérant que le parcours de soins coordonné, la tarification à l’activité, les déremboursements pour service médical rendu insuffisant ne participent pas d’une logique de diminution des dépenses mais sont, au contraire, susceptibles d’avoir des effets inflationnistes, nous affirmons qu’il n’a jamais été question pour vous de maîtriser la dépense totale. Il s’agit, en réalité, de réduire toujours plus la part prise en charge par le régime de base, assis sur un financement socialisé.

C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’il faut apprécier l’aide à l’acquisition d’une assurance complémentaire. Elle institutionnalise un subventionnement public des acteurs privés, alors que démocratiser l’accès aux soins et, partant, donner, comme vous le prétendez, des gages d’attachement à l’assurance maladie solidaire, supposerait de relever le niveau de remboursement assuré par la couverture de base qui, pour l’heure, situe la France en queue de peloton de l’Union européenne.

Nous refusons catégoriquement que la couverture contre les aléas de la vie soit fonction du niveau de solvabilité et, contrairement aux conservateurs de tous bords, nous n’inscrivons pas notre action dans la continuité de celle de Margaret Thatcher, qui déclarait le 23 septembre 1987 : « Il n’y a pas de société ; il n’y a que des individus et leurs familles. » Convaincus, au contraire, que le principe « À chacun selon ses facultés, à chacun selon ses besoins » conserve toute sa force et son actualité, nous pensons qu’il n’y a pas d’épanouissement individuel possible sans solidarité sociale. À chacun sa philosophie, c’est sans aucun doute ce qui nous sépare.

Nous formulerons donc, une fois encore, nos propositions pour que la sécurité sociale, forme de solidarité concrète à grande échelle la plus aboutie, soit préservée et puisse se développer, afin de répondre aux nombreux besoins qui demeurent insatisfaits. Pour ce faire, nous entendons démocratiser sa gestion par le rétablissement des élections des représentants des salariés et l’ouverture des conseils d’administration des caisses aux associations de malades. Nous entendons également dégager de nouvelles recettes au moyen de l’élargissement de l’assiette des cotisations et d’une réforme de leur mode de calcul destinée à en finir avec l’ère des cadeaux dispendieux accordés sans contreparties en termes d’emplois, de salaires et de formation.

Vous le voyez, les députés communistes et républicains n’attendent pas grand-chose de l’examen de ce PLFSS si ce n’est l’ouverture d’un débat sur les propositions que nous formulons depuis maintenant plusieurs années. Bien entendu, en l’état actuel des choses, nous nous prononcerons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au moment où je prends la parole, beaucoup de choses ont été dites, et parfois bien dites. Aussi permettez-moi d’insister sur les caractéristiques les plus importantes, à mes yeux, de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais attendez-vous à une vision différente de celle des orateurs qui m’ont précédé à cette tribune. Je pense que cela ne vous étonnera pas.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est très bien !

M. Philippe Vitel. Nous pouvons et nous devons nous féliciter de la nette diminution du déficit de l’assurance maladie. Cette diminution traduit les premiers effets de la mise en œuvre de la réforme du 13 août 2004, dans un environnement planétaire difficile où, malheureusement, la croissance n’atteint pas le niveau que l’on escomptait.

Dans ce contexte, le passage d’un déficit de 11,6 milliards d’euros en 2004 à 8,3 milliards en 2005 est un très bon résultat, qui permet d’envisager une prévision de 6,1 milliards pour 2006.

N’oublions jamais que, sans cette réforme de l’assurance maladie, nous aurions pu envisager, comme le confirmait Xavier Bertrand ce matin, un déficit de 16,5 milliards d’euros en 2005 !

J’ajoute que ces résultats ont été obtenus en dépit du ralentissement de la croissance de la masse salariale en 2005, qui s’est traduit par un manque de recettes pour la sécurité sociale de 1,2 milliard d’euros par rapport aux prévisions initiales. Ces chiffres marquent donc bel et bien une rupture avec le phénomène de creusement du déficit qui affectait la branche maladie jusqu’en 2004.

L’exercice 2005 est marqué par un net infléchissement de l’évolution des dépenses de soins de ville. Pour la première fois, l’objectif de dépenses de soins de ville, fixé par la loi de financement de la sécurité sociale, est non seulement respecté mais largement inférieur aux prévisions les plus optimistes.

Alors que les dépenses de soins de ville progressaient jusqu’en 2003 sur des rythmes de 6 à 7 %, leur croissance n’est que de 1,9 % pour les huit premiers mois de l’année 2005 par rapport à la même période de l’année 2004. Cette tendance favorable devrait se poursuivre grâce à la déclinaison prochaine de plusieurs mesures mises en place lors de la réforme de l’assurance maladie et qui verront le jour dans les mois à venir, tel le dossier médical partagé ou la carte Vitale individualisée.

La mise en œuvre, à compter du 1er janvier 2006, des contrats responsables entre organismes complémentaires et patients ainsi que la majoration de participation pour les patients ne passant pas par le médecin traitant incitera fortement les patients au respect du parcours de soins.

Avec ces contrats responsables, les consultations du médecin traitant devront être prises en charge par les organismes complémentaires afin d’assurer un remboursement à 100 % du tarif opposable. Il en sera de même des consultations réalisées par un médecin auquel le patient a été adressé par le médecin traitant.

Par ailleurs, les médicaments à vignette blanche, remboursés par l’assurance maladie à 65 %, et les actes de biologie prescrits dans le cadre du parcours de soins devront être remboursés au minimum à 95 %. Les contrats responsables devront également prendre en charge intégralement certaines prestations de prévention, définies après consultation de la Haute autorité de santé.

En revanche, les dépassements que peuvent pratiquer les médecins spécialistes lorsqu’ils sont consultés directement, sans passer par le médecin traitant, ne seront pas pris en charge par les organismes complémentaires et resteront à la charge du patient, dans la limite de 7 euros par consultation. Les contrats responsables ne pourront pas non plus prendre en charge la majoration du ticket modérateur, qui sera payée par l’assuré à compter du 1er janvier 2006 lorsque ce dernier consultera sans être adressé par son médecin traitant.

D’autres économies significatives sont attendues avec l’introduction d’un meilleur contrôle des remboursements des nouveaux patients atteints d’une affection de longue durée. À partir du mois de novembre 2005, ces patients devront établir avec leur médecin traitant un nouveau formulaire de prise en charge. Le dispositif, mis en place progressivement, remplacera l’ancien protocole inter-régimes d’examen spécial. En plus du diagnostic de la maladie justifiant une prise en charge ALD, le document précisera les soins et prestations nécessaires au traitement de la maladie. Cette mesure devrait dégager 455 millions d’euros d’économies dès 2005.

Le déficit de l’ensemble du régime général se maintient au même niveau historique que celui atteint en 2004 : 11,9 milliards d’euros. Ce dernier, sans la réforme de l’assurance maladie, aurait été de 16 milliards d’euros. Il devra être ramené à 8,9 milliards d’euros en 2006, soit une baisse de 25 %.

L’ONDAM 2006 est à la fois rigoureux et réaliste. Dans la mesure où le PLFSS permet de réduire le déficit de la branche maladie à 6,1 milliards d’euros pour 2006, soit 7,2 milliards en l’absence de mesures nouvelles, la progression de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie est fixée à 2,7 % à périmètre constant, soit 138,5 milliards d’euros.

II serait intéressant que l’objectif national des dépenses d’assurance maladie prenne en compte les écarts de rémunération entre les personnels du secteur hospitalier public et ceux du secteur hospitalier privé. L’augmentation des recettes, comme la poursuite des réformes structurelles, permettra, j’en suis certain, d’aboutir à ce résultat positif.

Les composantes essentielles de l’ONDAM 2006 sont les suivantes : + 3,2 % pour les soins de ville, hors produits de santé, mais, il faut le noter, – 3,3 % pour le médicament, + 3,44 % pour l’hôpital, + 6,16 % pour le médico-social.

L’ONDAM médico-social finance les dépenses en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.

Ce PLFSS tient compte des facteurs structurels, mais il faut désormais que la sécurité sociale s’adapte aux mutations démographiques en cours. Pour ce faire, il est proposé d’augmenter de 13,4 % les dépenses au bénéfice des personnes âgées dépendantes. Le rythme de création de places en institution est doublé par rapport à ce qui était prévu dans le plan « vieillissement et solidarités » lancé en 2003. En deux ans, 20 000 places auront été créées dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, et 17 000 places pour les services de soins infirmiers à domicile.

Les dépenses en faveur des personnes handicapées connaissent une hausse de 5 %, s’agissant de la partie PLFSS qui traite du handicap, et d’un peu plus de 6 % en tenant compte de la participation de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Cela permettra de créer des places dans les établissements médico-sociaux et de financer le doublement des sommes servies par les départements au titre de l’allocation compensatrice pour tierce personne.

D’autres mesures d’importance majeure viennent compléter ce plan courageux visant à revenir à l’équilibre tout en respectant notre attachement à un système de santé porteur de solidarité, de responsabilité et de liberté dont nous venons de fêter le soixantième anniversaire.

Parmi ces mesures, le plan médicament sera poursuivi avec détermination. Dans son rapport 2005 sur le financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes a mis en exergue le fait qu’en France, on consomme en moyenne une boite de médicaments par personne et par semaine, soit une fois et demie plus que les Allemands et les Espagnols. La poursuite du plan gouvernemental repose sur deux axes : l’essor des génériques, grâce à la mise en cohérence des prix des médicaments génériques en France avec les prix européens, ce qui entraîne une baisse de 13 % du prix du répertoire du générique au 1er janvier 2006. Aujourd’hui, les génériques représentent sur le marché six boîtes sur dix. Il faut sans ambages poursuivre dans cette voie.

Par ailleurs, l’adaptation de la prise en charge des médicaments à service médical rendu insuffisant contribuera elle aussi à la réussite du plan médicament. Interrogé le 29 septembre dernier sur Europe 1, monsieur le ministre de la santé, vous avez fait valoir que l’assurance maladie ne pouvait plus tout rembourser en matière de médicaments dans la mesure où, chaque année, elle dépense près d’un milliard de plus pour le remboursement de nouveaux médicaments, notamment pour des traitements très onéreux permettant d’améliorer l’espérance et la qualité de vie de patients atteints de cancer, de diabète, de polyarthrite rhumatoïde ou de maladies orphelines. Ainsi, début 2005, 196 nouveaux médicaments ont été admis au remboursement. Cela a malheureusement suscité moins d’écho que le déremboursement de 156 produits de confort à partir du 1er mars 2006.

Concernant les veinotoniques, dont le service médical rendu a été jugé insuffisant par la Haute autorité de santé, vous avez indiqué qu’une baisse de 20 % de leur prix accompagnerait la diminution de leur prise en charge de 35 à 15 %.

Dans une optique de maîtrise médicalisée des dépenses, l’article 27 de ce PLFSS prévoit des actions spécifiques portant sur les actes de biologie et les transports sanitaires, dont la Cour des Comptes a signalé dans son dernier rapport qu’ils continuaient de progresser à un rythme élevé.

De nouvelles mesures visant à une meilleure répartition démographique des professionnels de santé viennent compléter celles déjà contenues dans la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux et dans la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie.

Les aides conventionnelles à l’installation seront élargies aux remplaçants. Cette nouvelle aide pourra être versée aux jeunes médecins effectuant des remplacements dans des zones déficitaires, ce qui devrait alléger la charge de travail des médecins installés dans ces zones.

Par ailleurs, les patients qui consulteront un médecin récemment installé qui n’est pas leur médecin traitant ne se verront pas appliquer la majoration de ticket modérateur, de façon à ne pas pénaliser la constitution de clientèle des jeunes médecins.

Le fonds d’aide à la qualité des soins de ville voit ses moyens renforcés et sa pérennité assurée afin d’affirmer sa vocation à financer des projets facilitant la permanence des soins ou la bonne répartition des professionnels sur le territoire, comme les maisons médicales de garde.

Alors que le monde hospitalier est engagé dans une réforme de grande ampleur – nouvelle gouvernance, nouvelles règles de planification, modernisation de la gestion, tarification à l’activité – le Gouvernement souhaite accompagner les établissements dans leurs efforts d’adaptation. À cette fin, les moyens consacrés à l’hospitalisation dans le PLFSS pour 2006 progresseront de plus de 2 milliards d’euros, soit une augmentation de 3,44 %. Ils sont destinés à faire face à l’accroissement de la masse salariale et à la hausse du coût de la vie. Ils financeront également la relance de l’investissement prévue dans le plan Hôpital 2007 et les plans de santé publique.

En définissant de nouvelles modalités de financement pour les établissements de santé avec la tarification à l’activité, le Gouvernement a souhaité que les règles de tarification soient plus équitables et mieux harmonisées entre le secteur public et le secteur privé, dans la limite des écarts justifiés par les différences dans la nature des charges. Il vient de confier à l’IGAS une mission sur les conditions de cette convergence des tarifs qui avait été fixée par la loi de finances pour 2004. Les conclusions seront connues d’ici à la fin de l’année. Dans cette attente, monsieur le ministre, nous sommes nombreux à souhaiter que soit maintenu l’objectif intermédiaire de 50 % en 2008 que nous avons voté l’an dernier.

Par ailleurs, afin de garantir une répartition territoriale équilibrée de l’offre de soins, l’article 30, dans son alinéa IV, instaure des dispositions transitoires liées à la suppression de la carte sanitaire avec la publication des nouveaux schémas régionaux d’organisation sanitaire en mars 2006.

Le fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés est doté, via l’article 40 de ce PLFSS, de 327 millions d’euros pour soutenir l’investissement des établissements et leur modernisation sociale.

Le Gouvernement a annoncé que les efforts d’amélioration de la gestion hospitalière seraient poursuivis à travers la politique des achats et la gestion interne des établissements. Les économies attendues pour l’assurance maladie sont évaluées à 400 millions d’euros.

Le fonds de concours dit « Biotox », destiné à préparer les plans gouvernementaux face aux menaces sanitaires graves, comme une éventuelle pandémie de grippe aviaire, se voit attribuer une dotation de 176 millions d’euros au titre de 2005 et de 175 millions d’euros au titre de 2006. Lors de votre audition du 12 octobre dernier par les commissions des affaires sociales et des finances, vous avez indiqué, monsieur le ministre de la santé, que vous proposeriez de porter cette dotation à 200 millions d’euros.

Messieurs les ministres, le PLFSS pour 2006 est en totale cohérence avec la courageuse réforme de l’assurance maladie que nous avons votée en juillet 2004. Ceux qui ont toujours cru en cette réforme seront toujours à vos côtés pour la conduire au succès. Nos compatriotes participent activement et rigoureusement aux efforts que nous leur demandons. Ils sont très attachés à un système de santé que le monde entier nous envie. Ce n’est pas un hasard si plus de 32 millions d’entre eux ont déjà choisi leur médecin traitant. C’est la preuve qu’ils ont pris conscience du fait que, s’ils voulaient être soignés selon leurs besoins, ils devaient s’en donner les moyens.

En ce sens, l’amélioration du dispositif d’aide à l’acquisition d’une assurance complémentaire, qui permettra d’en bénéficier à ces 4 % de nos compatriotes qui en sont encore dépourvus faute de moyens, est significative du souci permanent de justice qui ne cesse d’animer votre action.

Le groupe UMP, dont j’ai l’honneur d’être ce soir le porte-parole, est fier du travail accompli à vos côtés pour réformer en profondeur notre régime d’assurance maladie, aujourd’hui sexagénaire. Les chiffres montrent que nous sommes dans la bonne voie. Bien sûr, pas de triomphalisme, car rien n’est définitivement gagné. Mais n’écoutons pas ceux qui, il y a un an, jugeaient nos prévisions irréalistes et insincères ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est vrai !

M. Gérard Bapt. Nos craintes se sont pourtant confirmées !

M. Philippe Vitel. Malheureusement pour eux, une fois de plus, ils se sont trompés !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Comme toujours !

M. Philippe Vitel. Restons modestes et attentifs, mais déterminés, et regardons ensemble l’avenir avec confiance, en oeuvrant sans relâche pour le bien de la France, des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, après la réforme de l’assurance maladie du 13 août 2004, dont le moins que l’on puisse dire est que son auteur n’en revendique pas la paternité, les dispositions relatives à l’assurance maladie pour 2006 s’inscrivent dans la continuité d’une politique de fuite en avant. Elles ne proposent pas de réforme structurelle, en particulier concernant l’organisation de l’offre de soins. Nous sommes dans la logique de propositions à court terme, alors même que la dégradation financière des comptes atteint un niveau jamais égalé.

Insidieusement, mais avec constance, les propositions de votre projet de loi accentuent le passage d’un système où chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins – c’est la solidarité – à un système où seuls ceux qui ont les moyens ont accès à tous les soins : c’est l’individualisation du système de protection sociale.

La mesure prévue par l’article 37, instaurant une franchise de 18 euros sur les actes dépassant 91 euros, illustre bien mon propos : 91 euros, c’est un K 50, une appendicectomie, une coloscopie, des actes médicaux importants dont le patient ne bénéficie pas par plaisir. Ce sont des actes de prescription obligatoire. Si cette mesure doit permettre un gain de 100 millions d’euros, elle est surtout idéologique : c’est un marchepied vers la privatisation de notre protection sociale.

Sur un autre sujet, permettez-moi, monsieur le ministre de la santé, de m’interroger sur la pertinence de certaines de vos propositions.

Alors même que vous faites du recours au médecin traitant une mesure pilier de votre loi, et c’est un bien, l’article 27 pose notamment que « les médecins exerçant au sein d’un cabinet médical situé dans les mêmes locaux ou dans un centre de santé mentionné à l’article L.6323-1 du code de la santé publique peuvent être conjointement désignés médecins traitants. » C’est la substitution du cabinet médical de groupe traitant à la notion de médecin traitant qui est opérée. Cette singularité accordée aux cabinets de groupe et des centres de santé est un recul, en contradiction avec l’idée du médecin traitant et de la relation privilégiée entre le médecin et le malade.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous n’y êtes pas favorable ?...

Mme Catherine Génisson. Non !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. C’est extraordinaire !

Mme Catherine Génisson. L’article 29 encore organise une nouvelle exception au système du médecin traitant, qui touche les consultations des médecins nouvellement installés, quelle que soit la zone dans laquelle ils s’installent, et les médecins qui s’installent dans les zones déficitaires définies par les missions régionales de santé. Si ces mesures peuvent s’expliquer à cause des problèmes de démographie médicale, elles sont néanmoins totalement antipédagogiques eu égard à la responsabilisation de nos concitoyens. C’est la confusion des messages en permanence !

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est votre message qui est confus !

Mme Catherine Génisson. Si la démographie médicale est un vrai sujet, une urgence à traiter, les mesures que vous prenez concernant les cotisations sociales des médecins conventionnés seront très lourdes de conséquences, comme l’a souligné Jean-Marie Le Guen.

Vous êtes discret, monsieur le ministre, sur le sujet du dossier médical personnel,…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Oh non !

Mme Catherine Génisson. …autre pilier de l’assurance maladie. Il est relégué au rang d’expérimentation :…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Comme c’était prévu !

Mme Catherine Génisson. …30 000 dossiers médicaux personnels mis en place à l’automne dans le cadre du FAQSV.

Je ne pourrais terminer mon propos sans évoquer le problème de l’hôpital public.

Les deux tiers des établissements publics connaissent d’importants déficits. Vous fixez un ONDAM national de 3,44 % quand la Fédération hospitalière de France demande un taux minimum de 4,32 % pour pouvoir simplement reconduire l’activité sans moyens supplémentaires. L’ONDAM que vous proposez n’intègre pas le report de charges de 2005 à 2006, alors que ce report de charges est estimé à 1,2 milliard d’euros.

Par ailleurs, l’ONDAM devait être décliné en sous-objectifs. Les sous-objectifs retenus ne font pas la différence entre l’hôpital public et l’hôpital privé. Oui, monsieur le ministre, nous réclamons l’individualisation de l’analyse du fonctionnement et du coût de l’hôpital public.

Nous souhaitons aussi que la place de l’hôpital public soit redéfinie dans la réorganisation de l’offre de soins. Je crois que c’est vraiment très important.

Enfin, j’évoquerai la tarification à l’activité. Nous prenons acte de votre décision de surseoir à la convergence public-privé et vous demandons même de l’abandonner. En effet, il existe des différences structurelles des coûts existants entre le privé et le public. Les tarifs des hôpitaux publics, contrairement à ceux des cliniques, sont des tarifs tout compris, intégrant le salaire des médecins, les examens biologiques et d’imagerie. Le secteur public prend prioritairement les actes les plus coûteux. Il prend en charge les personnes les plus en difficulté, les personnes les plus âgées, avec des durées de séjour plus longues. Il existe en outre de très fortes différences de précarité parmi les patients accueillis dans les hôpitaux ou dans les cliniques. Selon une étude de MM.  Mathy et Bensadon de 1999, la précarité augmenterait de 33 % le coût des séjours des groupes homogènes de séjour équivalents.

Par ailleurs, les hôpitaux sont obligés d’assumer des missions d’intérêt général, la formation, la recherche, l’enseignement, la permanence des soins, les plans de sécurité. Ces plans se développent, c’est incontestable, mais un réel problème se pose du fait de leur prise en charge par la sécurité sociale, alors qu’ils devraient plutôt l’être par le budget de la santé.

Tous ces exemples, monsieur le ministre, objectivent la discordance entre votre discours et la réalité des conséquences de votre projet de loi et une fragilisation de plus en plus importante de notre protection sociale, que vous conduisez insidieusement vers la privatisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Pecresse.

Mme Valérie Pecresse. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, au cœur de notre engagement politique, il y a évidemment la famille. La famille comme ciment social, lieu premier de toutes les solidarités, source d’épanouissement des individus et espace privilégié d’éducation des enfants.

C’est pourquoi je me félicite que, par touches successives et depuis trois ans, les gouvernements de M. Raffarin puis de M. de Villepin s’attachent à dessiner les contours d’une politique familiale française pour le XXIe siècle. Seule une politique familiale ambitieuse et moderne, ancrée dans notre tradition, mais aussi dans son époque, nous permettra de conserver ce dynamisme démographique unique en Europe, que nos voisins nous envient et qui est, pour notre pays, un formidable atout.

Depuis 2002, des moyens financiers sans précédent sont mis au service de principes auxquels nous sommes profondément attachés : l’universalité, la liberté, l’égalité entre les sexes, l’intérêt de l’enfant et la justice sociale. Cette œuvre, vous la poursuivez, messieurs les ministres, à travers le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Mais il n’est pas inutile de faire aujourd’hui un arrêt sur image et d’observer le chemin parcouru depuis trois ans.

L’universalité de notre politique familiale s’incarne d’abord dans l’instauration de la PAJE, la nouvelle prestation d’accueil du jeune enfant créée en 2003, dont le socle de base s’adresse désormais à toutes les familles des classes moyennes, jusqu’à 2 700 euros mensuels pour les couples avec un enfant ; 250 000 familles supplémentaires bénéficient ainsi de 166 euros par mois jusqu’au troisième anniversaire de leur enfant. C’est 1,4 milliard d’euros supplémentaires qui auront été consacrés, sur une législature, à la petite enfance.

Sans compter, pour les familles qui ne bénéficient pas de la PAJE, le doublement de la réduction d’impôt pour les emplois de garde d’enfant à domicile ou d’assistante maternelle, devenue crédit d’impôt, c’est-à-dire versée sous forme d’allocation additionnelle pour les familles non imposables. Au total, toutes les familles comptant de jeunes enfants ont vu leurs avantages familiaux s’accroître depuis trois ans.

La liberté des familles, ensuite, se traduit dans le libre choix offert aux parents de travailler ou de s’arrêter pour élever leurs enfants. La PAJE la favorise. De même que le développement sans précédent depuis 2002 des modes de garde des jeunes enfants. Le Gouvernement a favorisé des modes de garde innovants : crèches d’entreprise et entreprises de crèches. Au total, 72 000 nouvelles places publiques ou privées auront été créées entre 2002 et 2008. Les crédits du Fonds d’action sociale de la Caisse nationale d’allocations familiales augmenteront d’un milliard d’euros entre 2005 et 2008, après avoir déjà augmenté de 850 millions d’euros seulement entre 2001 et 2004. Les fonds destinés aux contrats « temps libre », qui concernent les activités extrascolaires des enfants, augmenteront de 90 %. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Quel gouvernement a fait mieux ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Aucun !

Mme Valérie Pecresse. Ajoutons à cette liste déjà impressionnante la revalorisation du statut des assistantes maternelles, premier mode de garde d’enfant en France, revalorisation qui devrait attirer vers ces métiers de nombreuses recrues, mieux formées.

Aujourd’hui, vous proposez, messieurs les ministres, et c’est la mesure phare de ce PLFSS, d’expérimenter, à la naissance du troisième enfant, un nouveau congé parental, plus court : d’une durée d’un an, et mieux rémunéré : 750 euros par mois, qui viendra s’ajouter au congé parental existant de trois ans. C’est offrir une nouvelle liberté aux parents. C’est leur éviter un trop long éloignement du monde professionnel qui rend ensuite la reprise du travail problématique, notamment pour les parents les moins qualifiés. Au total, ce congé représente une innovation utile pour les familles. Un vrai progrès. Je ne doute pas de son succès.

Corollaire du libre choix de travailler ou non, l’égalité des sexes s’est imposée comme un principe fondamental d’une politique familiale résolument contemporaine, qui prend acte de l’activité professionnelle des femmes. La loi sur l’égalité salariale, que vous nous avez proposée, et l’aide à la garde des enfants, que vous avez renforcée, vont dans ce sens. Pour prolonger ce mouvement, je vous proposerai, messieurs les ministres, d’ouvrir aux deux parents le droit de prendre à tour de rôle tout ou partie du nouveau congé parental optionnel d’un an que vous allez expérimenter. Ainsi, hommes et femmes, pères et mères, seront placés sur un vrai pied d’égalité quant à l’exercice de leurs responsabilités professionnelles et familiales. Je sais que Mme la rapporteure, Cécile Gallez, soutient aussi cette idée. Ce sera une confirmation des nouveaux équilibres parentaux au sein des familles.

L’intérêt de l’enfant est évidemment à l’origine et au coeur de notre action. Il s’exprime à travers l’effort consenti pour la petite enfance, mais aussi dans l’attention portée, pour la première fois, aux difficultés de l’adolescence par la Conférence de la famille en 2004. Les maisons des adolescents qui voient le jour dans toute la France sont une réponse originale à un mal-être auquel les familles et la société avaient jusqu’alors bien du mal à répondre.

L’intérêt de l’enfant se retrouve aussi en filigrane du PLFSS 2006 avec la refonte de l’allocation de présence parentale auprès d’un enfant en souffrance. Cette refonte était profondément nécessaire et attendue. En effet, cette allocation, accordée aux familles dont les enfants sont atteints de maladies ou de handicaps graves, ou victimes d’accidents graves nécessitant une présence parentale constante, péchait par sa rigidité : elle devait être prise par périodes minimales de quatre mois. Seules 3 600 familles y avaient recours, au lieu des 13 000 familles qui pourraient y prétendre. En remplaçant cette allocation par un compte de 310 jours d’absence qui pourront être pris sur une durée de trois ans, le Gouvernement assouplit le dispositif et le rend enfin pleinement efficace.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Très bien !

Mme Valérie Pecresse. Pour tenir compte des difficultés concrètes des familles, cette allocation de présence parentale s’accompagnera, dès 2006, d’un nouveau complément de 100 euros pour faire face aux frais de transports jusqu’au lieu de soins de l’enfant. Inutile de dire à quel point cette mesure est judicieuse.

La justice sociale, enfin, est constamment présente dans ces avancées de politique familiale. La création du nouveau congé parental d’un an marque en effet la volonté du Gouvernement de favoriser la réinsertion sur le marché du travail des parents les moins qualifiés et d’éviter que le retour au foyer ne les enferme dans une « trappe à pauvreté ».

En ce qui concerne les femmes élevant seules un enfant, Dominique de Villepin a annoncé qu’elles feraient l’objet d’un accompagnement spécifique dans le cadre du plan gouvernemental de « croissance sociale » et qu’elles bénéficieraient d’un accès garanti aux modes de garde d’enfants, pour pouvoir plus aisément retrouver le chemin de l’emploi. L’action gouvernementale en faveur des familles vulnérables sera détaillée dans le cadre du budget du ministère de la famille, comme vous l’avez annoncé, monsieur le ministre.

La branche famille du PLFSS est certes en déficit en 2006. Mais ce déficit est conjoncturel : il est lié à la situation économique, d’une part, et au succès, il faut bien le dire, des mesures prises depuis trois ans, d’autre part.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Eh oui !

Mme Valérie Pecresse. Nous ne proposerons pas de briser cette dynamique qui répond aux attentes des familles et de la société française. Je pense en particulier au développement des modes de garde des jeunes enfants. Mais nous souhaitons que le retour à l’équilibre de la branche famille puisse s’effectuer progressivement d’ici à 2009, comme vous nous l’avez également annoncé.

Que dire de plus ?

Que vous poursuivez avec talent, messieurs les ministres, l’œuvre de vos prédécesseurs.

Que la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle est un fil directeur constant de votre action, mais pas le seul, l’intérêt des enfants et la justice sociale figurant également au centre de vos préoccupations.

Que l’épanouissement et la consolidation des familles sont réaffirmés par les mesures fortes et innovantes du PLFSS 2006.

Et que pour toutes ces raisons, l’UMP le votera avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse. Les inégalités s’aggravent, quand même !

Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Mme Fraysse a raison : les inégalités sociales n’ont jamais été aussi criantes.

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans le cadre du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, j’interviendrai sur la situation des hôpitaux, qui n’a jamais été aussi préoccupante dans toute l’histoire de notre système de santé.

Un tel constat laisse un goût amer au moment où nous fêtons le soixantième anniversaire de la sécurité sociale, conquête humaine – beaucoup d’orateurs l’ont souligné – d’une immense ampleur pour la vie de millions d’hommes et de femmes.

Mais les faits sont là, têtus : l’hôpital public va mal, très mal ! Ce ne sont pas seulement Mme Jacquaint et son groupe qui l’affirment. J’ai écouté les milliers d’hospitaliers lors de leur manifestation de jeudi dernier.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Ils n’étaient pas si nombreux !

Mme Muguette Jacquaint. J’ai aussi relevé quelques titres de journaux. Parmi beaucoup d’autres, je citerai ceux-ci :

Le Figaro-économie : « Quand l’hôpital n’arrive plus à boucler ses fins de mois » ;

La Tribune : « Les hôpitaux sont au bord de l’asphyxie financière » ;

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous avez de bonnes lectures !

Mme Muguette Jacquaint. Libération : « Fragilité financière maximale à l’hôpital » ;

Le Monde : « Les difficultés budgétaires des hôpitaux s’aiguisent » ;

La Croix : « Le déficit record des hôpitaux français »...

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Vous oubliez L’Humanité ?...

Mme Muguette Jacquaint. Ne vous inquiétez pas, je citerai aussi L’Humanité : « Le Gouvernement face à la banqueroute des hôpitaux ».

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous gardez le meilleur pour la fin !

Mme Muguette Jacquaint. Les médias, monsieur le ministre, se font simplement l’écho des inquiétudes du monde hospitalier, qui sait de quoi il parle.

Qu’entend-on ?

Pour le délégué général de la Fédération hospitalière française, « les Français ne se rendent pas toujours compte de la situation budgétaire inédite des hôpitaux, car ceux-ci tournent normalement. On soigne les gens comme avant. Pourtant, on est en train de préparer une vraie poudrière. »

La FHF, que nous avons rencontrée, souligne que 75 % des établissements publics sont dans le rouge. Il faut savoir que les reports de charges des hôpitaux – c’est-à-dire les dépenses non financées – sont de 500 millions d’euros en 2004 et devraient atteindre plus d’un milliard fin 2005 !

De leur côté, les organisations syndicales ne sont pas moins inquiètes. Pour FO, « le chaudron de l’hôpital public est en train de bouillir, c’est en voie d’explosion bien que les personnels hospitaliers fassent preuve d’une conscience professionnelle aiguë. »

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est vrai !

Mme Muguette Jacquaint. Pour la CGT, « les hôpitaux sont dans un cercle vicieux épouvantable du point de vue financier. Les directeurs sont très inquiets, certains expliquent même qu’ils vont devoir emprunter pour pouvoir payer les salaires. »

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ce n’est pas vrai !

Mme Muguette Jacquaint. J’ajouterai que ce sombre tableau n’épargne par le secteur privé participant au service public. J’en veux pour preuve la situation de l’hôpital Foch de Suresnes, dont mon amie Jacqueline Fraysse pourrait vous parler avec de plus amples détails.

Alors que les établissements publics et privés à but non lucratif représentent les deux tiers des 3 650 structures françaises, le bilan du service public hospitalier est inquiétant et inacceptable pour un pays qui n’est rien moins que la cinquième puissance économique mondiale ! On en mesure les conséquences depuis plusieurs années : suppression de lits – 146 000 depuis 1990 –, fermeture d’établissements décentralisés : 150 à 200 services devraient l’être à l’avenir, suppression d’emplois, difficultés de recrutement pour les emplois à renouveler du fait du manque d’attractivité de ces derniers, engorgement des services, recherche fondamentale « épouvantablement en panne », comme s’en émeut la Coordination médicale hospitalière.

Pour les patients, c’est l’encombrement des urgences, des délais accrus pour les rendez-vous ou les interventions, des dépenses nouvelles à l’image de celles que vous annoncez dans ce PLFSS, dont le forfait hospitalier de 18 euros pour les actes supérieurs à 91 euros. Bref, des soucis supplémentaires s’ajoutent à l’angoisse de la maladie.

Je suis l’élue d’une circonscription où vivent de nombreuses personnes en grande difficulté. J’en rencontre beaucoup qui ne se soignent pas comme elles le devraient. La médecine à deux vitesses y est une réalité, contre laquelle les praticiens de ville ou de centres médicaux luttent au quotidien. Je tiens à leur rendre hommage.

Tout cela montre l’échec, à tous points de vue, de votre politique de santé et de réforme de la protection sociale. Vous ne pouvez le contester.

La gestion comptable des actes médicaux, l’insuffisance des moyens alloués, la déshérence du champ de la recherche publique sont votre fait et nous voyons leurs ravages. Comme dans d’autres domaines qui font la une de l’actualité, votre politique est orientée vers le bien-être de vos amis et peut se résumer par la célèbre maxime : « Enrichissez-vous ! »

Les baisses d’impôts, les privatisations, y compris de sociétés nationales rentables, la remise en cause de droits, notamment sociaux, ne visent pas à rendre la France plus compétitive – elle l’est déjà, comme s’accordent à le dire de nombreux économistes – mais à rendre le capital plus rentable. N’est-ce pas là le dogme du libéralisme qui vous est si cher ?

La démarche est la même dans le secteur hospitalier : au privé les actes les plus rentables, au public les actes courants, bien encadrés.

Comme le souligne la FHF, les critères de comparaison entre les tarifs des deux secteurs ne sont pas les mêmes et visent à favoriser le privé, présenté comme moins coûteux.

Mme la présidente. Il vous faut conclure, madame Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Que devrions-nous faire dans l’immédiat ?

D’abord, porter, comme le réclame la FHF, à 4,32 % la progression de l’ONDAM hospitalier, et y ajouter 2,5 % pour effacer les reports de charges que j’ai évoqués.

Les restructurations et fermetures doivent être stoppées et l’application de la tarification à l’activité suspendue.

Il faut donner à l’hôpital public les moyens financiers de sortir de son endettement chronique et de remplir ses missions. Nous proposons, par exemple, la suppression de la taxe sur les salaires, de la TVA sur les investissements et l’entretien du patrimoine, ainsi que le droit à contracter des emprunts à taux zéro.

Il convient également de mettre en place un plan d’urgence pour la formation et le recherche.

Je conclurai mon intervention, madame la présidente, …

Mme la présidente. Je vous en remercie !

Mme Muguette Jacquaint. …en citant la réflexion déjà évoquée du président de la CSMF, qui me paraît d’une très grande pertinence : « Plutôt que de prendre des mesures budgétaires drastiques inappropriées, le Gouvernement serait mieux inspiré de compenser les moindres recettes. »

Mme Jacqueline Fraysse. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Colombier.

M. Georges Colombier. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner les mesures de la branche vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Ce projet de loi s’inscrit pleinement dans la ligne des réformes engagées depuis deux ans : retraites, assurance maladie, loi relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées et loi sur le handicap.

Quelle est la situation aujourd’hui ?

La branche vieillesse accuse un déficit imputable, pour l’essentiel, à la montée en charge du dispositif de retraite anticipée avant soixante ans pour les salariés du régime général et des régimes alignés ayant commencé à travailler jeunes, dans des conditions souvent difficiles.

Cette évolution était prévisible car, aux termes de la loi du 2 l août 2003 portant réforme des retraites, les dépenses du régime devaient, dans un premier temps, croître plus rapidement que les recettes, compte tenu du caractère progressif des changements de comportement des assurés et de l’application à partir de 2006 seulement de l’augmentation de 0,2 point du taux de cotisation vieillesse, décidée en accord avec les partenaires sociaux. Résultat : le déficit devrait être ramené à 1,4 milliard dès l’année prochaine.

Les derniers chiffres disponibles témoignent du succès rencontré par le dispositif de retraite anticipée : en 2004, 125 000 personnes ont pu en bénéficier. Au cours du premier semestre 2005, la CNAV a liquidé 55 000 pensions à ce titre et évalue à près de 105 000 le nombre de nouveaux dossiers qui seront traités cette année. Au total, ce sont près de 450 000 personnes qui pourront partir en retraite anticipée avant 2008.

Nous ne pouvons que nous en féliciter. Cette mesure de justice sociale pour laquelle j’ai toujours milité et qui avait toujours été refusée par les gouvernements de gauche, vient répondre à l’attente de milliers de salariés qui ont souvent exercé des métiers physiquement pénibles et qui aspirent légitimement à pouvoir partir plus tôt en retraite.

Le succès du dispositif de la retraite anticipée a certes pesé en 2005 sur les comptes de la branche vieillesse. Cependant, nous sommes sur la bonne voie car la réforme était indispensable. J’en veux pour preuve les résultats des derniers travaux du Conseil d’orientation des retraites en date du 10 octobre dernier. Les dernières projections de cette instance font apparaître que, sans réforme, les besoins de financement des régimes de retraite auraient été de 1,7 point de PIB en 2020 et de 4,3 points en 2050. Après la réforme, ceux-ci s’établiraient à 0,8 point de PIB en 2020 et 3,1 points de PIB en 2050.

En tenant compte des effets potentiels de deux mesures annoncées lors de la réforme de 2003 – le transfert de cotisation de la branche chômage vers la CNAV et le rééquilibrage des régimes de la fonction publique par une hausse de la participation de l’employeur –, ce sont l’ensemble des besoins de financement qui seront couverts en 2020 et 60 % en 2050.

Bien entendu, cette évolution favorable repose sur une amélioration de la situation de l’emploi en général. À ce sujet, permettez-moi d’insister tout particulièrement sur la question de l’emploi des plus de cinquante ans qui fait, nous le savons, l’objet d’une attention toute particulière du Gouvernement dans le cadre d’un plan d’action spécifique.

L’emploi des seniors constitue l’une des spécificités du marché du travail français et, nous le savons tous, diminuer l’emploi des seniors ne crée pas des emplois pour les jeunes. La réforme des retraites a mis en place des dispositifs qu’il nous appartient aujourd’hui de mieux valoriser.

Sur ce point, les partenaires sociaux ont conclu le 12 octobre dernier les négociations sur l’emploi des seniors, engagées dans le cadre de la loi du 21 août 2003. Nous le savons tous, il s’agit là d’un des enjeux majeurs pour les prochaines années. Notre aptitude à améliorer le taux d’emploi des seniors sera déterminante tant au niveau de l’équilibre des comptes sociaux que, plus généralement, de notre capacité de production, et donc de la croissance.

En effet, notre pays se caractérise par la faiblesse du taux d’emploi des plus de 55 ans. En 2003, seulement 36,8 % des 55-64 ans occupaient un emploi, soit près de 5 points de moins que la moyenne de l’Union européenne. La Suède, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, le Danemark, affichent quant à eux un taux d’emploi des seniors largement supérieur, de 10 à 30 points.

Or, le récent rapport du Conseil d’analyse économique souligne la spécificité de la situation française : le non-emploi des 55-59 ans est massivement associé à un statut d’inactivité – préretraites publiques ou d’entreprise, chômage avec dispense de recherche d’emploi –, plutôt qu’à une situation de chômage. Ainsi, les inactifs sont dix fois plus nombreux que les chômeurs dans cette tranche d’âge.

Les auteurs du rapport estiment à 24 milliards d’euros, soit 1,5 % du PIB, la perte de production résultant du moindre emploi des seniors. Si le taux d’emploi des 55-64 ans était de 50 %, cela représenterait une augmentation de l’emploi de 800 000 personnes, occasionnant une amélioration des comptes sociaux de l’ordre de 10 milliards d’euros.

Il faut reconstruire un marché du travail pour les seniors. Pour cela il faut une politique volontariste, qui s’appuie à la fois sur deux grands axes.

Premier axe : il faut un effort soutenu pour favoriser le retour à l’emploi, en s’appuyant sur les contrats aidés du plan de cohésion sociale si nécessaire. Il est intéressant de noter à cet égard que les pays qui ont le taux d’emploi des seniors le plus élevé sont aussi ceux où le temps partiel est le plus répandu, comme les Pays-Bas.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Tout à fait !

M. Georges Colombier. Il convient également de réfléchir à l’amélioration des conditions de travail. Il faut prévenir toute usure prématurée au travail : à cet égard, les partenaires sociaux ont engagé des négociations sur la pénibilité qui me paraissent très importantes.

Enfin, il serait également utile de réfléchir au développement de nouvelles formes d'activité, qui échappent au cadre salarial traditionnel. Les entreprises y trouvent souvent plus de flexibilité, mais cela correspond aussi à une aspiration de certains actifs à plus de souplesse dans leur vie professionnelle. C'est le cas, par exemple, du portage salarial, auquel ont principalement recours les salariés de plus de cinquante ans.

Deuxième axe : il faut favoriser le maintien des seniors dans l'emploi, au travers d'un meilleur accès à la formation tout au long de la vie, mais également d'un aménagement des fins de carrière.

Dans le cadre de la réforme des retraites, des dispositifs spécifiques pour encourager le maintien dans l'activité ont été votés : assouplissement des règles de cumul emploi-retraite, amélioration du dispositif de la retraite progressive, possibilité d'une seconde carrière pour les enseignants du secteur public. Ce sont de bonnes mesures, mais il me semble qu’elles ne bénéficient pas, pour le moment, d'un écho suffisant.

Je pense notamment au dispositif de retraite progressive, dont le décret d'application n'est pas encore paru plus de deux ans après le vote de la loi. Cette mesure permet à un salarié âgé d'au moins soixante ans et ayant acquis 132 trimestres de cotisation, de liquider une fraction de sa retraite ; le salarié peut ainsi travailler à temps partiel, tout en continuant d'acquérir de nouveaux droits à pension. Cela répond, je pense, au désir de nombreuses personnes qui, tout en souhaitant légitimement, après soixante ans, ralentir leur rythme de travail, aspirent à continuer une activité épanouissante, leur permettant en outre d'améliorer leur niveau de retraite. Quand ce décret d'application sera-t-il publié ?

L'assouplissement des conditions de cumul d'un emploi et d'une retraite est une autre disposition votée dans le cadre de la réforme des retraites. Certes, le décret d'application a été pris, mais les conditions posées en termes de cumul restent encore très restrictives : un délai de carence de six mois avant de pouvoir reprendre un emploi chez son ancien employeur, et surtout un plafond de ressources relativement limitatif, puisque le total des nouveaux revenus professionnels et des pensions de base et complémentaires doit être inférieur au dernier salaire perçu avant la date d'effet de la pension. Plusieurs rapports ont suggéré un assouplissement de cette règle qui aboutit, de fait, à exclure de nombreux salariés potentiels. Il ne s'agit pas de privilégier les « vieux » en bloquant l'entrée des jeunes sur le marché du travail. En effet, toutes les études confirment que les pays qui ont un taux d'emploi des seniors élevé sont les mêmes que ceux dont le taux de chômage des jeunes est faible.

En ce qui concerne toujours le maintien des seniors dans l'emploi et l'aménagement des fins de carrière, je souhaiterais appeler votre attention – même si cela dépasse le cadre du PLFSS – sur la possibilité pour les enseignants du secteur public qui le souhaitent d'accéder à d'autres corps ou cadres d'emploi. Cette seconde carrière peine à se mettre en place, faute de postes disponibles dans l'administration. Comment le Gouvernement compte-t-il procéder pour donner un nouvel élan à cette mesure ?

Les seniors sont une richesse pour l'emploi et pour l'économie. M. le ministre délégué à l'emploi, Gérard Larcher, expliquait récemment qu’il fallait procéder à une véritable « révolution culturelle ». Il faut lutter contre les stéréotypes sociaux. Les entreprises, les partenaires sociaux, les pouvoirs publics doivent y apporter chacun leur contribution.

Je souhaite enfin aborder trois derniers points, à propos desquels j'aimerais obtenir des précisions.

Le premier concerne la mise en place de la majoration d'assurance de deux ans pour les parents d'enfants handicapés. Cette mesure a été instaurée par un amendement du groupe UMP à l’article 33 de la loi portant réforme des retraites. Il a fallu attendre le mois de janvier 2005 pour qu'une instruction ministérielle soit envoyée aux CRAM, afin que les caisses puissent mettre en oeuvre ce dispositif, très attendu par les familles d'enfants handicapés.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer, d’une part, que l'ensemble des demandes sont aujourd'hui prises en compte et, d’autre part, que le dispositif de re-calcul des pensions pour les personnes ayant liquidé leur pension après le 21 août 2003 sans pouvoir bénéficier du dispositif est effectif ?

Le deuxième point concerne le défi du vieillissement. Aujourd'hui, 21 % de la population a plus de soixante ans. Cette proportion passera à 27 % en 2020 et à plus du tiers de la population en 2050. À cet effet, le plan « vieillissement et solidarités » a été lancé. La loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées a créé une ressource, propre et pérenne, affectée au financement des dispositifs individuels et collectifs de prise en charge de la dépendance gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Le comité de suivi et d'évaluation de la journée de solidarité en faveur des personnes dépendantes, présidé par notre collègue M. Jean Leonetti, a remis son rapport à M. le Premier ministre le 19 juillet 2005. Il a dressé le bilan de l'application de cette mesure, en estimant la production supplémentaire du lundi de Pentecôte 2005 à 2 milliards d'euros. L'étude a préconisé une plus grande souplesse dans l'application de cette mesure et le recours à d'autres sources de financement. Pourriez-vous, monsieur le ministre, indiquer à la représentation nationale vos intentions à ce sujet ?

Le troisième et dernier point concerne le déficit du régime des exploitants agricoles : le Fonds de financement des prestations sociales agricoles. Celui-ci devrait accuser un déficit de 1,9 milliard d'euros en 2005 et en 2006. La question de son avenir se pose donc clairement. L'autorisation de découvert a été portée de 6,2 à 7,3 milliards d’euros, ce qui ne règle en rien le problème. Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour assurer la pérennité de ce fonds, auquel le monde agricole est particulièrement attaché ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Simon Renucci. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, en 2001, sous l'impulsion du groupe socialiste et de Mme Ségolène Royal, alors ministre de la famille, nous avions intégré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale la création d'un congé de présence parentale. Il s'agissait de répondre aux situations dramatiques rencontrées par les parents d’un enfant de moins de vingt ans gravement malade ou victime d’un accident grave, très lourdement handicapé, pour leur permettre de l’accompagner dans des moments douloureux comme l'hospitalisation, avec son cortège de traitements lourds et traumatisants.

La création de ce congé de présence parentale s'est accompagnée de la mise en place d'une allocation de présence parentale accordée aux parents concernés par la caisse d'allocations familiales. Ce nouveau dispositif a permis de combler un vide juridique et de régulariser la situation des parents concernés au regard de l'emploi, puisqu'ils conservent leurs droits de salariés dans leur entreprise d'origine et bénéficient de la protection sociale.

À la suite des travaux d’un comité de suivi, auquel j’avais participé avec Marie-Françoise Clergeau et François Brottes, le dispositif a été amélioré en 2002 en collaboration avec les représentants des familles. Le montant de l’allocation a alors été fortement revalorisé, en tenant compte notamment de la situation de parent isolé. Cette allocation est actuellement de 840 euros pour un couple dont un parent a cessé toute activité professionnelle. Le délai d’un mois a été heureusement supprimé et la durée de préavis et de mise en congé réduite. Cependant, malgré ces améliorations, 4 000 familles seulement ont demandé à bénéficier de ce dispositif, alors que les estimations initiales en prévoyaient 13 000. Nous pouvons en conclure que les prestations offertes au moyen du congé et de l’allocation ne sont pas suffisamment en harmonie avec les besoins ressentis par les familles confrontées à la maladie grave de leur enfant.

Aujourd’hui, ils sont déçus, c’est le moins que l’on puisse dire, par les mesures que nous allons discuter. La succession de quatre ministres de la famille en si peu de temps – et vous n’en êtes pas responsable, monsieur Bas –a sûrement entraîné un mauvais fonctionnement du comité de suivi et retardé les adaptations nécessaires.

Il faudrait que les parents soient entendus, et pas simplement écoutés. À l’occasion de la Conférence de la famille, vous avez annoncé, monsieur le ministre, une rénovation de ce système en remplaçant les périodes de quatre mois par un compte-crédit de 310 jours ouvrés, à prendre sur une période de trois ans. Un complément mensuel de 100 euros est accordé pour la prise en charge des frais occasionnés par une hospitalisation éloignée du domicile familial.

Les parents de ces enfants, regroupés en associations et déçus par vos propositions, se sont adressés au Président de la République dans une lettre ouverte. Ils reconnaissent que les parents, contraints d’être immédiatement auprès de leur enfant chez qui un diagnostic de cancer ou de leucémie a été posé, n’utilisent pas cette allocation mais se mettent en arrêt maladie. Pourquoi croyez-vous que ces parents acceptent d’être dans l’illégalité, en se faisant établir un certificat médical de complaisance, même si, souvent,  quelques semaines après, cela correspond pour eux à une profonde souffrance ? Ils savent qu’ils risquent des sanctions.

Nous pensons, monsieur le ministre, que cette situation ne peut pas durer, alors que l’on fait la chasse au gaspi, d’un côté, et, de l’autre, à tout ce qui peut être illégal. Dès lors que le Président de la République a été informé de cette réalité, il nous faut trouver les moyens de répondre aux besoins de ces parents.

Les réponses ne sont pas adaptées aux contraintes de la maladie et du traitement de l’enfant. Ces familles avaient pourtant cru à un engagement fort de tout le Gouvernement, dans le cadre du plan cancer, l’un des trois chantiers prioritaires du Président de la République. Il est du ressort de la solidarité nationale d’accompagner au mieux ces parents dans les moments difficiles qu’ils doivent affronter.

Dans cet esprit, Mme la rapporteure pour la famille a présenté des amendements qui ont été acceptés par l’ensemble de la commission des affaires culturelles, comme celui auquel a fait allusion Mme Pécresse, sur le partage du congé parental. Malheureusement, ils sont tombés sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Je vous demande, monsieur le ministre, de les reprendre à votre compte.

Il est de notre devoir à tous d’entendre nos concitoyens, de savoir les écouter, de tout mettre en œuvre pour que ces familles vivent le moins douloureusement possible cet affrontement souvent inégal entre la maladie et leur enfant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre sécurité sociale a soixante ans et plusieurs d’entre vous ont déjà évoqué cette « grande dame », en soulignant le rôle majeur qu’elle joue pour les Français depuis 1945.

Quelle autre institution incarne mieux la cohésion sociale dans notre pays ? C’est notre bien commun. Mais elle doit faire face aujourd’hui à de nouveaux défis,  comme le vieillissement de la population, et même à de nouveaux risques sanitaires. Elle connaît des difficultés financières qui doivent nous amener à nous mobiliser pour sauver et pérenniser notre modèle social. Le 12 octobre dernier, le Président de la République a lui-même demandé que se manifeste l'esprit de responsabilité de tous pour que l'équilibre de la sécurité sociale soit concret.

Nous discutons aujourd'hui un PLFSS nouvelle formule conforme à la loi organique du 2 août 2005, dont l’objectif est le redressement financier de la sécurité sociale. Le Gouvernement poursuit cet objectif avec détermination. L'an dernier, monsieur le ministre de la santé, vous avez mis l’accent sur la responsabilisation des assurés sociaux. Nos concitoyens ont d’ailleurs montré l’exemple en adhérant massivement au parcours de soins.

Cette année, d'autres efforts sont demandés, en particulier à l’industrie pharmaceutique, à condition que ni la recherche, ni l’emploi ne soient pénalisés. Les complémentaires, elles aussi, s’associeront bien évidemment à cette grande politique de santé.

Nous devons nous réjouir du redressement significatif de l’assurance maladie, dont le déficit passe de 11,6 à 8,3 milliards d’euros. Ce sont les premiers effets positifs de la réforme. Sans elle, le déficit aurait été de l’ordre de 16 milliards : il faut le dire clairement aux Françaises et aux Français.

Notre objectif est de ramener le déficit global à 8,9 milliards d’euros en 2006. Ce n’est pas irréaliste. Cela exige en 2006, en tout cas, notre soutien. En 2005, l’ONDAM sera, pour la première fois, respecté. La réforme porte ses fruits, grâce notamment à une maîtrise des dépenses pour les soins de ville.

La poursuite de la lutte contre le déficit est prioritaire, afin que celui du régime général soit contenu à 6,1 milliards en 2006. Des dispositions sont prises, des garanties ont été apportées par M. le ministre en ce qui concerne la limitation du ticket modérateur – ce fameux « 18 euros » pour les actes de plus de 91 euros. Disons-le clairement : il reviendra aux mutuelles de faire face à leurs responsabilités et de prendre en charge ce forfait.

A-t-on suffisamment répété que les personnes les plus fragilisées étaient exonérées, que le forfait était le même quels que soient la durée de l’hospitalisation et le nombre des actes réalisés ?

Le redressement comptable n’est pas la seule et unique priorité, et ce texte contient aussi des mesures de justice sociale : le dispositif d’aide à l’acquisition d’une mutuelle est amélioré et concernera deux millions de Français ; les plans vieillissement et Alzheimer sont renforcés, tandis que les dépenses en faveur des personnes âgées dépendantes vont croître de 13 %. Ce sont 20 000 places qui auront été créées dans les EHPAD depuis 2003 et 17 000 places dans le cadre des services de soins infirmiers à domicile. Ces mesures sont positives, même si, messieurs les ministres, on n’en voit pas encore tous les effets sur le terrain. Mais vous nous avez rassurés, et ils devraient se faire sentir dans les mois qui viennent.

Quant à la politique familiale du Gouvernement, elle est axée sur la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, répondant ainsi aux attentes des Françaises et des Français : 250 000 familles auront accès à la PAJE d’ici à 2007, et un mécanisme souple permettra aux parents de se partager le congé parental.

Le PLFSS comprend des mesures de lutte contre les abus. Après les arrêts de travail injustifiés, les comportements excessifs continueront d’être sanctionnés : contrôle des indemnités journalières, renforcement du contrôle de certains étrangers bénéficiaires de la CMU et disposant de revenus par ailleurs. C’est essentiel pour que nos mesures de solidarité sociale ne soient pas détournées au seul profit de quelques-uns.

La consommation médicamenteuse dans notre pays est importante, il faut poursuivre l’action et prendre des mesures. Le développement des médicaments génériques continue de croître à un rythme soutenu : en trois ans, leur part est en effet passée de 30 à 60 %. Mais il est encore possible d’atteindre un taux plus élevé. Grâce à la mise en place de nouveaux conditionnements et à la diminution du prix de certaines spécialités, la courbe, nous en sommes certains, continuera à s’inverser.

On sait que 156 médicaments présentant un service médical rendu insuffisant ne seront plus remboursés, mais il faut savoir que 196 médicaments innovants, essentiels, ont été ajoutés à la liste des médicaments remboursés. Il est important de le rappeler.

D’autres pistes sont à explorer dans le cadre de notre débat. Le Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, a, dans le rapport annuel de la Cour, prôné une « révolution » dans le domaine des finances sociales. Notre rapporteur, Jean-Pierre Door, a proposé d’instituer au sein de la Commission des comptes de la sécurité sociale un groupe de travail pour réfléchir concrètement à une réforme du financement. Enfin, le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale – la MECSS – sera rendu public le 3 novembre prochain et ses conclusions sont très attendues. La question de la réorganisation de la sécurité sociale, pour assurer son efficience, y trouvera une réponse. C’est essentiel.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Perrut.

M. Bernard Perrut. Je souhaiterais évoquer les maisons médicales de garde, madame la présidente, et je sais que M. le ministre est très attentif à ce sujet.

M. le ministre de la santé et des solidarités. En effet.

M. Bernard Perrut. Ce maillon, indispensable pour lutter contre l’engorgement des urgences et destiné à assurer une permanence médicale en dehors des heures d’ouverture des cabinets, est cependant menacé par certaines décisions, notamment de la CNAM qui n’assure pas le financement ou qui contraint les maisons médicales de garde à fermer le samedi après-midi.

M. le ministre de la santé et des solidarités. L’argent arrive sur le terrain !

M. Bernard Perrut. Pourtant, la permanence des soins doit demeurer une priorité. J’attends, monsieur le ministre, un certain nombre de réponses dans ce domaine. Comment pouvez-vous faire en sorte que ces maisons médicales de garde prennent toute leur place, en ville comme en milieu rural ? Cette question a partie liée avec l’offre de soins et la démographie médicale. Nous devons prendre des mesures très claires afin d’éviter l’engorgement des services d’urgence de nos hôpitaux.

Mme Catherine Génisson. En effet !

M. Bernard Perrut. Je suis convaincu que vous ne manquerez pas de nous apporter des réponses appropriées.

J’aurais pu évoquer d’autres sujets, mais il est temps de conclure.

Mme la présidente. En effet, vous avez presque doublé votre temps de parole.

M. Bernard Perrut. Loin de l’autosatisfaction, loin du dénigrement systématique, il est nécessaire de se souvenir du passé de la sécurité sociale afin de préparer l’avenir et de suivre lucidement, objectivement, les avancées de la réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Renucci, qui sera le dernier orateur de cette séance.

M. Simon Renucci. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, mes prédécesseurs socialistes à cette tribune vous l’ont dit depuis le début de la discussion : le budget de la sécurité sociale que vous nous présentez cette année ne fait que marquer un peu plus encore les défaillances graves d’une construction qui, depuis trois ans, attente aux droits des assurés sociaux.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Cela ne commence pas bien !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Ils ont tort !

M. Simon Renucci. Depuis trois ans, les déficits cumulés de la sécurité sociale ont dépassé les 30 milliards d’euros, soit 200 milliards de francs. Si nous confrontons ce résultat à celui du gouvernement socialiste qui a précédé le vôtre, nous observerons ensemble que ce résultat constitue un record dans le creusement de la dette des Français à l’égard des générations à venir.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Les conditions n’étaient pas les mêmes.

M. Simon Renucci. Devant ces déficits qui s’amoncellent – c’est une vérité incontournable, monsieur le ministre – vous repoussez désormais officiellement le retour à l’équilibre à 2007. Ce déficit est un grave danger qui pèse sur l’avenir de notre système de santé, dont nous venons de fêter les soixante ans.

L’histoire de la sécurité sociale nous montre que le principe de solidarité est le fondement de notre système social contemporain. Même à l’époque du libéralisme triomphant, sous la Révolution, les secours aux infirmes, la fourniture de travaux à ceux qui en avaient besoin, étaient considérés comme une « dette sacrée ».

L’article 21 de la Déclaration des droits de l’homme inscrite en préambule de la Constitution de 1793 posait un principe fondamental de notre vie en commun : « Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler. »

Monsieur le ministre, le traitement que subit depuis trois ans notre sécurité sociale apparaît comme une fin de non-recevoir au principe fondamental de solidarité nationale. Vos choix sont autant d’attaques contre la solidarité. Ils construisent un système social où la solidarité n’est pas l’essentiel, où elle s’efface devant l’effort et l’assurance individuelle. Dès lors, les plus fragiles sont les victimes de vos choix, alors que c’est d’abord pour eux que la France a créé la sécurité sociale en 1945 !

L’exemple de votre réforme de l’aide médicale d’État, cet été, est l’archétype d’une politique à éviter. En rendant plus difficile l’accès aux soins des plus précaires, vous ne faites qu’aggraver leur état de santé, ce qui crée un risque pour la santé publique. Nous cherchons en vain le bénéfice économique, politique et moral d’une telle mesure.

L’augmentation de la CSG, celle du forfait hospitalier, la contribution d’un euro, le relèvement des honoraires et le transfert des remboursements vers les complémentaires sont autant d’éléments qui pèsent lourdement sur les ménages les plus fragiles, les fragilisant davantage.

Pendant ce temps, le sentiment qui prédomine est que le Gouvernement organise une défiscalisation en faveur de quelques privilégiés qui ne supportent plus l’ISF. Les pauvres seront ainsi solidaires des riches. Ce renversement des valeurs nous offre une bien étrange vision du monde dans lequel vous nous faites vivre.

Puisque nous sommes là pour parler de l’assurance maladie, monsieur le ministre, je veux vous dire que la solidarité, pour nous, c’est d’abord l’égalité d’accès aux soins. Or, sur ce point précis, le Gouvernement échoue depuis trois ans. Que ce soit pour l’accès à l’hôpital ou pour la continuité du service public de la santé avec la participation des médecins de ville, nous voyons bien que la France est aujourd’hui moins solidaire qu’en 2002.

Un rapport récent de l’ONG Médecins du monde nous a montré – mais nous le constatons tous dans nos circonscriptions – que le fossé s’agrandit et l’accès aux soins se détériore. En comparant avec 1a période précédente, Médecins du monde estime que le contexte est aujourd’hui autrement plus angoissant car il ne prend pas en en compte la santé des plus précaires, « comme si le problème avait soudain disparu de l’agenda politique au profit de la réduction des dépenses ». Nous avons montré entre 1997 et 2002 que la réduction des dépenses et l’équilibre pouvaient s’accompagner d’une amélioration de la santé de nos concitoyens.

Dans ce projet de loi, certains de vos choix sont critiquables, votre méthode ne l’est pas moins. L’exemple du forfait à 18 euros institué par l’article 37 de votre projet en est le symbole. Ce forfait imposé aux patients pour des actes qu’ils ne choisissent pas de subir est encore un coup porté aux assurés. Pour vous défendre, vous exhortez les assurances complémentaires à ne pas augmenter leurs tarifs en conséquence. Mais vous savez que ce discours est vain, et que ce qui est en route, c’est la fin du principe de l’exonération du ticket modérateur. D’autant que vous n’attendez que 100 millions d’euros de cette mesure. Vous abattez les symboles et alourdissez les charges des personnes en état de précarité pour un gain dérisoire de 0,08 % du déficit total.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Vous ne cessez de chanter les symboles, vous !

M. Simon Renucci. Ils servent à vivre et, pour les plus démunis, ils nourrissent l’espérance !

Mais l’égal accès aux soins ne souffre pas que de la simple question du prix à paver pour le patient du fait du déremboursement des consultations. Il souffre aussi fortement d’une pratique qui se développe avec les dépassements sauvages d’honoraires. Nous avons déposé un amendement pour clarifier cette question. Il a été adopté par la commission, et nous espérons que vous l’accepterez.

Je souhaite également aborder la question primordiale de la structuration insatisfaisante de l’organisation de la permanence des soins. Le texte que vous présentez aujourd’hui à l’Assemblée nationale ne propose rien de nouveau. Depuis trois ans, la désorganisation de la permanence des soins est flagrante. Elle a commencé avec les décrets du 15 septembre 2003. L’exercice de la permanence des soins a été libéralisé et le code de déontologie a été modifié pour accepter le volontariat des médecins libéraux. Il n’y a plus de devoir, et parfois les réquisitions préfectorales s’imposent pour pallier le manque criant de professionnels de garde. Vous découragez ainsi les professionnels les plus soucieux de l’importance de leur tâche.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est le contraire !

M. Simon Renucci. Vous savez combien les hôpitaux ont souffert et souffrent encore de cette innovation. La liberté a trouvé là ses limites. Les patients, eux, ne trouvent plus d’autre solution que l’hôpital.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Que proposez-vous ?

M. Simon Renucci. Vous le verrez en 2007 !

Les hôpitaux sont exsangues. L’ONDAM hospitalier, fixé à 3,44 %, a été constamment sous-évalué par votre majorité. Vous proposez désormais de reculer sur vos propres objectifs en matière de tarification à l’activité.

La mise en œuvre de la T2A pose deux problèmes : l’hôpital n’est plus en mesure d’assurer ses missions de service public, et l’objectif de la convergence tarifaire public-privé est inflationniste pour l’assurance-maladie.

Par ailleurs, la réforme du médecin traitant et le parcours de soins ont conduit à rendre illisible le système de remboursement et à favoriser le relèvement des honoraires.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est faux !

M. Simon Renucci. Le parcours de soins est imposé aux patients sous peine de déremboursement. Ce système est contraignant et peu pédagogique.

Vous avez enfin remarqué l’existence des jeunes médecins qu’il ne faut pas désespérer, et des zones en difficulté qu’il faut aider. Pour nous, il faut redéfinir le statut du médecin généraliste, particulièrement de ceux qui, en milieu rural, souhaitent s’inscrire dans un contrat de médecine global incluant la permanence des soins, l’urgence, la formation continue, l’évaluation des pratiques, les références médicales, ainsi que la coordination des soins.

Avec la loi relative au développement des territoires ruraux, la majorité a expliqué aux populations du monde rural qu’elles devaient payer elles-mêmes la venue d’un médecin sur leur territoire, et que la solidarité nationale ne pouvait plus s’appliquer. Voilà des mesures bien étrangères au principe de l’égalité d’accès aux soins.

Aujourd’hui, le rôle du médecin de famille, auquel nos concitoyens sont particulièrement attachés, n’est pas suffisamment reconnu. Le médecin de famille est le pivot de notre système de santé. Il mérite notre reconnaissance, non pas tant par une rémunération supplémentaire que par la mise en place d’un système de soins qui lui accorde une place centrale et des conditions de travail acceptables, d’autant que les généralistes exercent le plus souvent en secteur 1.

Il existe des pistes pour que cette profession participe pleinement, comme elle sait le faire, à la construction de l’avenir et à la maîtrise les dépenses. Les médecins y travaillent en évaluant leurs pratiques, dans l’intérêt même des patients et d’une meilleure qualité des soins. S’y ajoute la participation des unions professionnelles.

Cela n’apparaît pas comme une préoccupation de votre texte, et plus généralement de votre politique. Vous nous conduisez à pas comptés, sans l’avouer, vers une forme de privatisation de la sécurité sociale et vers l’abandon de l’égalité d’accès aux soins. C’est la raison pour laquelle nous nous opposerons – cela ne vous surprendra pas – à vos propositions, qui sont source d’injustice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Ordre du jour des prochaines séances

Mme la présidente. Aujourd’hui, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, n° 2575 :

Rapport, n° 2609 tomes I à V, de MM. Jean- Pierre Door, Jacques Domergue, Mmes Cécile Gallez et Marie-Françoise Clergeau, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 2610, de M. Yves Bur, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

A vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 26 octobre 2005, à une heure.)