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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 8 novembre 2005

53e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

violences urbaines

Déclaration du Gouvernement
sur la situation crée par les violences urbaines
et débat sur cette déclaration

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur les violences urbaines et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, depuis douze jours, notre pays connaît de graves accès de violence. Chaque nuit, ce sont des centaines de voitures qui sont brûlées, des commerces, des écoles, des lieux publics qui sont incendiés. C’est un climat de désordre et d’insécurité, qui plonge beaucoup de nos compatriotes dans l’inquiétude.

À tous, je veux dire ici solennellement que l’État sera ferme et juste. Le Gouvernement est entièrement mobilisé, dans l’unité et dans la sérénité. La République garantira l’ordre public à chacun de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le Conseil des ministres a adopté ce matin un décret sur la base de la loi de 1955,…

M. Maxime Gremetz. Oh ! là, là !

M. le Premier ministre. …autorisant les préfets, sous l’autorité du ministre d’État, ministre de l’intérieur, à mettre en œuvre des mesures de couvre-feu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Comme pendant la guerre d’Algérie !

M. le Premier ministre. Un décret simple établira la liste des communes concernées. Ces textes excluent expressément tout contrôle des médias. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. C’est déjà fait !

M. le Premier ministre. Sur la base d’arrêtés préfectoraux, certaines communes et parties de communes pourront donc se voir appliquer des mesures d’interdiction ou de restriction de la circulation des personnes ou des véhicules. Le refus de s’y soumettre pourra donner lieu à des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à deux mois d’emprisonnement.

M. Jean Marsaudon. Très bien !

M. le Premier ministre. Les préfets pourront utiliser l’assignation à résidence ou l’interdiction de séjour à l’encontre des fauteurs de trouble. Ils pourront aussi exiger la remise des armes ou leur confiscation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Enfin, des lieux publics pourront être fermés s’ils deviennent le point de rassemblement de bandes.

En dernier lieu, des perquisitions de jour comme de nuit pourront être opérées (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Maxime Gremetz. Et voilà !

M. le Premier ministre. …par exemple au domicile de personnes qui auraient lancé des projectiles ou tiré sur les forces de l’ordre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le ministre d’État, ministre de l’intérieur, réunira cet après-midi les préfets des zones de défense pour indiquer les conditions de mise en œuvre de ces mesures, qui devront naturellement être appliquées par l’autorité publique avec tout le discernement nécessaire.

Ces dispositions sont applicables pendant douze jours. Au terme de ce délai, si les circonstances l’exigent, le Gouvernement vous présentera un projet de loi autorisant la prorogation de ce dispositif. Vous pouvez être assurés que toutes ces mesures seront appliquées avec le sens des responsabilités.

Par ailleurs, 8 000 hommes assurent en permanence la sécurité dans les quartiers sensibles.

M. Jean-Pierre Blazy. Dans les quartiers, on ne les voit pas ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le Premier ministre. J’ai fait appel aux réservistes de la police et de la gendarmerie, qui mettront à disposition 1 500 hommes supplémentaires.

Le ministre d’État, ministre de l’intérieur, a donné deux instructions très claires à toutes les forces de l’ordre.

La première est d’interpeller systématiquement tous les suspects. Ainsi 1 500 personnes ont été arrêtées depuis le début des troubles, plus de 600 ont été placées en garde à vue et plus de 100 ont d’ores et déjà été incarcérées.

M. Lucien Degauchy. Seulement !

M. le Premier ministre. Nicolas Sarkozy a également rappelé aux forces de l’ordre l’importance…

M. Maxime Gremetz. Du kärcher !

M. le Premier ministre. …du strict respect des règles de déontologie, afin d’éviter tout incident.

Je tiens à rendre hommage aux forces de l’ordre et aux pompiers, qui travaillent sans relâche depuis plusieurs jours, dans des conditions souvent difficiles et dangereuses. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. – Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

Je tiens aussi à redire dans cette assemblée l’estime et l’amitié que je porte au ministre d’État, qui se dépense sans compter, nuit et jour, pour la sécurité des Français. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Menteur !

Plusieurs députés du groupe socialiste. C’est un pyromane ! (« Démission ! Démission ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le Premier ministre. Les Français attendent désormais que les responsables de ces violences soient sanctionnés pour leurs actes. Je sais que les magistrats se sont mobilisés pour répondre à l’urgence de la situation et je veux les en remercier. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Les auteurs des délits les plus graves doivent être jugés et condamnés par le tribunal correctionnel. J’ai demandé au garde des sceaux de veiller à ce que les présidents des tribunaux de grande instance et les procureurs de la République organisent leurs juridictions pour que les auteurs de ces faits soient, à l’issue de leur garde à vue, traduits sur-le-champ en comparution immédiate. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pour les infractions les moins graves, il faudra trouver la réponse judiciaire adaptée, en utilisant toute la panoplie des mesures alternatives aux poursuites, notamment la réparation ou le dédommagement.

Enfin, je souhaite que les condamnations soient connues de tous – des victimes en particulier et de l’opinion publique dans son ensemble –, pour montrer à chacun que la loi reste la plus forte. Je rappelle l’existence d’un numéro de téléphone national pour les victimes,…

M. Jean-Marie Le Guen. Allô, Matignon !

M. le Premier ministre. …qui bénéficieront de l’écoute, des conseils et de l’orientation des professionnels, y compris pour la réparation des préjudices.

Face à ces événements, nous adaptons en permanence notre dispositif de maintien de l’ordre, afin de renforcer la sécurité dans les quartiers sensibles, car – ne nous y trompons pas – nous sommes face à des individus déterminés, à des bandes structurées, à une criminalité organisée, qui ne reculent devant aucun moyen pour faire régner le désordre et la violence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Rétablir l’ordre prendra du temps. Cela nécessitera un travail en profondeur, un travail de longue haleine.

Nous avons mis sur pied des équipes plus légères et plus mobiles, formées aux interpellations en flagrant délit et qui agissent en tenue pour éviter toute provocation et tout malentendu. Nous avons également accru notre effort dans le domaine du renseignement, pour surveiller les blogs et les échanges sur Internet et anticiper ainsi le mouvement des bandes.

Nous renforcerons les effectifs des groupements d’intervention régionaux – les GIR –, qui ont fait la preuve de leur efficacité dans la lutte contre les trafics et l’économie souterraine qui gangrènent les quartiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La lutte contre l’argent facile et les patrimoines illicites…

M. Maxime Gremetz. Parlez-en à votre majorité ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le Premier ministre. …est essentielle pour dissuader les jeunes de participer à de tels trafics. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je vous rappelle que cette séance est diffusée à la télévision et que nos concitoyens nous regardent. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Au-delà de ces efforts, nous devons faire en sorte que les forces de l’ordre soient davantage au contact des habitants des banlieues. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Pour avoir été ministre de l’intérieur, je sais que le fonctionnement de la police repose sur quatre piliers : le renseignement, l’investigation, l’ordre public et la police de quartier. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Henri Emmanuelli. Vous l’avez démantelée !

M. Julien Dray. Un tiers d’effectifs en moins !

M. le Premier ministre. Il n’a jamais été question de supprimer l’un ou l’autre de ces piliers, qui sont essentiels et totalement complémentaires. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La police de quartier est celle qui est tous les jours au contact de la population et qui la rassure. Elle doit être un facteur d’apaisement et de règlement des différends. C’est pourquoi je vais donner au ministère de l’intérieur la possibilité de bénéficier, dès janvier 2006, du dispositif des contrats d’accès à l’emploi, afin qu’il puisse recruter 2 000 agents supplémentaires pour ces quartiers. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Daniel Vaillant. Voilà !

M. Jean Marsaudon. Monsieur Vaillant, vous ne l’avez jamais fait !

M. le Premier ministre. Cet effort viendra compléter celui qui est réalisé depuis 2004 avec la création des cadets de la République.

Il nous faut améliorer encore l’accueil des victimes. Le rôle des médiateurs sociaux est à cet égard essentiel pour établir le lien avec les autres services publics. Ces efforts donneront des résultats s’ils s’appuient sur deux piliers supplémentaires.

M. Jean-Pierre Blazy. Encore ?

M. le Premier ministre. Le premier est la prévention de la violence. Le plan que le Gouvernement présentera dans les prochaines semaines permettra de lutter contre toutes les violences qu’il s’agisse de celles du quotidien ou de celles qui frappent au cœur même des familles et des quartiers.

M. Maxime Gremetz. Donnez leur du travail !

M. le Premier ministre. Le second est la lutte contre l’immigration clandestine,…

M. Maxime Gremetz. Et voilà !

M. le Premier ministre. …car un certain nombre de déséquilibres sociaux viennent de la persistance d’un flux insuffisamment maîtrisé d’immigration clandestine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Comment faire fonctionner la dynamique d’intégration et la promotion éducative et sociale si chaque jour arrivent des individus qui sont présents illégalement sur notre sol ? Les premières victimes sont les autres habitants de ces quartiers, qui, eux, consentent les efforts nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) L’État doit lutter davantage contre l’immigration clandestine, source d’exploitation et de misère.

M. Alain Bocquet. Et la pauvreté ?

M. Maxime Gremetz. Quels sont les quotas ?

M. le Premier ministre. Notre responsabilité et notre volonté sont de reconduire dans leur pays tous ceux qui essaient de se maintenir en France sans y être autorisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cependant la sécurité dans les quartiers est aussi une mobilisation quotidienne de tous ceux qui exercent des responsabilités. Je tiens donc à saluer la détermination des maires et des élus locaux, qui se mettent en permanence à la disposition des habitants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française), avec courage et un sens de l’écoute exceptionnels.

Je veux aussi saluer les bénévoles et les salariés des associations (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)…

M. François Liberti. Vous leur avez supprimé les subventions ! C’est honteux !

M. Arnaud Montebourg. C’est scandaleux !

M. le Premier ministre. …qui contribuent chaque jour à renouer le dialogue entre les habitants, ainsi que les agents de l’État et des collectivités locales qui garantissent la continuité du service public dans ces quartiers – l’école, les transports, la santé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Je veux enfin saluer le sang-froid et le sens civique de l’immense majorité des habitants des quartiers frappés par des violences inadmissibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Certains ont vu leur voiture brûler, certains ont perdu leur outil de travail, d’autres ne peuvent plus mettre leurs enfants à l’école ; tous sont les témoins d’une violence inacceptable et choquante ; et pourtant ils font tout pour préserver le calme et la paix civile.

M. François Liberti. Pas vous !

M. le Premier ministre. À travers leurs marches silencieuses, à travers leurs appels au calme, ils font preuve de dignité et de responsabilité. Aujourd’hui, ils nous demandent, ils demandent à la République, du respect et de la fraternité.

M. Alain Bocquet. Il y a longtemps !

M. le Premier ministre. Ils demandent aussi la totale transparence sur ce qui se passe actuellement.

M. François Grosdidier. Très bien !

M. le Premier ministre. C’est ce que nous avons fait depuis le début, en particulier pour les évènements de Clichy-sous-Bois. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Pierre Ducout. C’est faux !

M. le Premier ministre. En ce qui concerne d’abord, le drame de deux adolescents, Ziad et Bouna, qui sont morts électrocutés. Je me suis engagé :…

M. Pierre Ducout. Un peu tard !

M. le Premier ministre. …à ce que toute la lumière soit faite sur cette affaire. J’ai reçu les familles, avec Nicolas Sarkozy, pour les tenir informées de l’enquête administrative. Un juge d’instruction a été désigné.

M. Julien Dray. Au bout d’une semaine !

M. le Premier ministre. Il a informé les avocats des familles du contenu précis des procédures judiciaires. Il en sera ainsi jusqu’à la fin de l’enquête.

Pour ce qui est ensuite des gaz lacrymogènes lancés près de la mosquée de Clichy-sous-Bois, je comprends l’émotion des musulmans de France. L’enquête administrative a montré qu’à aucun moment la mosquée n’avait été visée par un tir de la police. J’ai fait part à Dalil Boubakeur, président du Conseil français du culte musulman, de mes regrets devant ce malentendu…

M. Christian Bataille. Excuses tardives !

M. le Premier ministre. …et je lui ai marqué le respect de la République à l’égard du culte musulman comme de tous les autres cultes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Le rétablissement de l’ordre public est un préalable. Notre responsabilité collective, et je parle pour tous les bancs de cette assemblée, est de faire de ces quartiers sensibles des territoires comme les autres de la République : avec les mêmes services publics, les mêmes chances (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), les mêmes perspectives d’avenir. ((Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Julien Dray. Et les moyens ?

M. le Premier ministre. Nous savons tous ici les efforts qui ont été accomplis depuis vingt-cinq ans par les gouvernements successifs, en faveur des banlieues.

M. Alain Néri. Raffarin !

M. le Premier ministre. Nous savons tous les moyens financiers importants qui ont été attribués à la politique de la ville (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) : plus de 30 milliards d’euros selon le dernier rapport de la Cour des comptes.

Depuis 2002, sous l’impulsion de Jean-Louis Borloo, l’État accomplit un effort sans précédent en faveur de la rénovation urbaine ainsi que pour la mise en œuvre du plan de cohésion sociale. Au total, ce sont plus de 35 milliards d’euros qui ont été programmés.

M. Julien Dray. Programmés !

M. Christian Bataille. Et combien d’annulés ?

M. le Premier ministre. Ces efforts, ne les sous-estimons pas car ils ont souvent porté leurs fruits, mais il reste des quartiers où l’État n’est pas assez présent, où les municipalités ne sont pas assez présentes.

Mme Jacqueline Fraysse. Et les moyens ?

M. le Premier ministre. La réalité, nous la connaissons tous : des quartiers sont frappés de plein fouet par le chômage qui touche souvent des familles entières ;…

M. Christian Bataille. La faute à qui ?

M. le Premier ministre. …une mixité sociale qui n’existe plus ; un manque de considération ; un sentiment d’oubli, aggravé pour certains par de réelles difficultés d’intégration ; des établissements scolaires qui sont confrontés à l’absentéisme des enfants, à l’indifférence de certains parents, au comportement agressif de certains élèves. Tout cela crée un vide, une absence de repères parfois comblée par la tentation du communautarisme et du repli sur soi.

M. Jean-Pierre Blazy. Parlez-en !

M. le Premier ministre. Nous devons tirer toutes les conséquences de cette situation. Pour cela, nous n’avons pas besoin d’un nouveau plan : nous avons avant tout besoin d’accentuer notre effort et de prendre des décisions concrètes, rapides et courageuses.

La clé, comme pour tous les Français, c’est l’emploi.

M. François Liberti. Eh oui !

M. le Premier ministre. Les efforts que nous accomplissons, depuis plusieurs mois, sur l’ensemble du territoire, avec déjà des résultats (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),…

M. Maxime Gremetz. Lesquels ? ((Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Fourgous. Arrêtez !

M. le Premier ministre. …nous devons les accentuer en direction des quartiers où le taux de chômage des jeunes est souvent deux fois plus élevé que dans le reste du pays.

M. Daniel Paul. Quatre fois plus !

M. le Premier ministre. J’ai donc demandé à Jean-Louis Borloo et à Gérard Larcher de mobiliser les services de l’ANPE, des missions locales (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et des maisons de l’emploi afin que tous les jeunes de moins de vingt-cinq ans habitant dans l’une des 750 zones urbaines sensibles soient reçus dans les trois prochains mois, qu’ils soient ou non inscrits au chômage.

Chaque jeune aura droit à un entretien approfondi avec un conseiller. Je m’engage à ce qu’une solution spécifique soit proposée dans les trois mois à chaque jeune qui fait la démarche, qu’il s’agisse d’une formation, d’un stage ou d’un contrat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Les jeunes diplômés recevront un accueil particulier pour valoriser leur qualification.

Pour les bénéficiaires de minima sociaux – ils sont très nombreux dans ces quartiers –…

M. Albert Facon. A qui la faute !

M. le Premier ministre. …nous allons, comme je l'ai annoncé le 1er septembre, renforcer l'incitation retour à l'emploi avec la création d'une prime de 1 000 euros et d'une prime forfaitaire mensuelle de 150 euros pendant douze mois.

M. Maxime Gremetz. Quelle politique ! Quelles recettes !

M. le Premier ministre. Ce projet de loi a été adopté ce matin en conseil des ministres.

Tous les outils existants seront utilisés. J’ai ainsi demandé au ministre de l'emploi que 20 000 contrats d'accompagnement pour l'emploi et contrats d'avenir soient réservés à ces quartiers pour développer les emplois de proximité à destination des communes, des associations, des bailleurs sociaux. Je souhaite également doubler le nombre d'adultes-relais : ils auront pour mission d'être des médiateurs de ville qui assurent en permanence le lien entre les familles et l'ensemble des institutions publiques présentes dans les quartiers.

L'État et les collectivités locales doivent également contribuer à la création d'emplois. C'est l'ambition du programme PACTE, qui propose à des jeunes aujourd'hui faiblement qualifiés d'être embauchés directement dans les fonctions publiques.

Les entreprises aussi pourront jouer tout leur rôle. Pour les inciter à s'installer dans ces quartiers, nous avons créé des zones franches, qui ont produit des résultats très positifs. (Murmures sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) J'ai donc décidé de créer quinze zones franches urbaines supplémentaires en plus des quatre-vingt-cinq existantes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le logement et l'urbanisme constituent également l’essentiel. C’est pourquoi des efforts sans précédent ont été réalisés dans ce domaine depuis trois ans. Aujourd'hui 239 quartiers reçoivent des aides de l'agence nationale de rénovation urbaine. Ces améliorations ont bénéficié à 1,5 million de personnes. Elles permettent de réhabiliter l'habitat, de détruire les tours les plus vétustes et inadaptées afin de construire des logements à taille humaine. Je veux accélérer cet effort.

M. Maxime Gremetz. Vous démolissez avant de construire !

M. le Premier ministre. …j'ai donc décidé de dégager 25 % de moyens supplémentaires sur une période de deux ans. Je souhaite que, pour chaque opération, l'ensemble des partenaires et des habitants soient consultés afin que les projets répondent le mieux possible aux attentes.

Je tiens évidemment à insister sur l'enjeu majeur pour notre république : l'éducation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Parlons-en !

M. Christian Bataille. Quel succès, si j’ose dire !

M. le Premier ministre. Il faut avoir le courage de regarder les choses en face. Pour notre république qui a fait de l'obligation scolaire l'un de ses principes fondateurs et la voie de l'intégration, avoir 15 000 enfants qui ne vont pas à l'école dans notre pays, 15 000 enfants dont les chances sont sérieusement compromises, ce n'est pas acceptable ! Avoir autant d'enfants en situation d'échec scolaire grave, qui ne sont plus en mesure de suivre les cours et qui renoncent à l'acquisition de nouvelles connaissances, ce n'est pas acceptable !

M. Gilbert Biessy et M. Maxime Gremetz. Quelle découverte !

M. le Premier ministre. Depuis plusieurs jours, j'ai rencontré des enseignants, des chefs d'établissement, des infirmières scolaires, des conseillers d’orientation.

M. Julien Dray. Il était temps !

M. le Premier ministre. Je les ai écoutés. Je les ai entendus réclamer des solutions pragmatiques et justes. Le statu quo n'est pas une solution. L'engagement sans relâche des professeurs des écoles, des collèges et des lycées au service de l'égalité des chances nous oblige.

M. Arnaud Montebourg. Avec la loi Fillon ?

M. le Premier ministre. Vous me trouverez toujours du côté de ceux qui servent la République et qui défendent sans cesse son idéal d'égalité et de fraternité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Je veux renforcer le soutien scolaire aux élèves en difficulté. Cela passe par une réorganisation et une relance de l'éducation prioritaire. J’ai donc demandé à Gilles de Robien de me présenter des propositions dès le début de l'année prochaine.

Pour répondre à l'urgence, j'ai décidé d'augmenter le nombre d'assistants pédagogiques dans les collèges. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille. Avec quels moyens !

M. le Premier ministre. Dès janvier 2006, 5 000 postes d'assistant pédagogique seront créés pour les 1 200 collèges des quartiers sensibles.

Enfin, je doublerai le nombre d'équipes de réussite éducative prévues par le plan de cohésion sociale : il y en aura 1 000 à la fin de 2007.

Pour autant cela n'exonère pas les parents de leurs responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Eux aussi ont leur rôle à jouer ; eux aussi ont l'obligation de veiller à ce que leurs enfants se rendent à l'école et respectent les règles de la République.

Je veux également construire de nouveaux parcours pour les élèves qui ne se retrouvent pas dans le système actuel.

M. Maxime Gremetz. Et le MEDEF, quand allez-vous en parler ?

M. le Premier ministre. J'ai proposé que les élèves qui le souhaitent puissent entrer en apprentissage dès l'âge de quatorze ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Cela constituera une nouvelle chance pour des jeunes qui vont d'échec en échec. ((Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cette nouvelle exigence permettra de faire rentrer les jeunes dans un programme éducatif plus précis et plus motivant. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) Je préférerai toujours voir un jeune s'épanouir dans une activité qui lui plaît, que de le laisser en butte à des difficultés insurmontables et désespérantes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Chacun sa voie, chacun son chemin.

Bien entendu, nous devrons adapter le dispositif pour permettre à chacun d'avoir accès au socle de connaissances fondamentales, en prévoyant, par exemple, des allers et retours plus fréquents entre l'entreprise et l'école.

M. René Couanau. Très bien !

M. le Premier ministre. La mise en œuvre de ce nouveau dispositif fera donc l'objet d'une concertation approfondie.

Il y a aussi dans les collèges de ces quartiers beaucoup d'enfants qui s'accrochent, qui veulent s'en sortir, mais qui ont du mal à accéder aux meilleurs établissements et aux meilleures filières. Ils doivent être mieux informés, davantage encouragés et nous allons les aider.

J'ai donc décidé de multiplier par trois le nombre des bénéficiaires de bourses au mérite.

M. Jean-Claude Lefort. Comment ? Il n’y a rien dans le budget !

M. le Premier ministre. De moins de 30 000 aujourd'hui, elles passeront à 100 000 dès la rentrée de 2006. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous ouvrirons également dix internats de réussite éducative supplémentaires, pour accueillir les élèves les plus prometteurs et les plus motivés. Ces mesures doivent permettre aux élèves des milieux défavorisés d'avoir accès, comme n'importe quel autre élève méritant, aux classes préparatoires et aux grandes écoles. La mixité sociale, c'est cela aussi.

M. Maxime Gremetz. À Neuilly !

M. le Premier ministre. Je vais demander aux étudiants et aux élèves de première année des grandes écoles de venir partager leur expérience dans les établissements d'éducation prioritaire, comme le font déjà les étudiants de l'ESSEC. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je demande également aux grandes écoles de s'ouvrir davantage aux élèves issus de ces quartiers, sur le modèle de ce que fait Sciences-Po.

Si l'emploi, le logement, l'éducation sont évidemment les chantiers prioritaires, nous ne devons pas oublier tout ce qui contribue à l'amélioration de la vie quotidienne dans les quartiers sensibles. Je pense ainsi aux problèmes de santé, en particulier à l'accompagnement psychologique.

Je souhaite donc développer les ateliers santé ville, qui permettent la mise en réseau de tous les acteurs de santé, et amplifier le dispositif des équipes mobiles psychosociales. L'accès aux urgences dans les hôpitaux devra être complété par un accueil psychiatrique dans les grandes villes.

Je pense aussi à l'accès à des loisirs, à la culture et au sport pour les jeunes. Le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative renforcera l'offre d'activités de qualité à visée éducative. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Henri Nayrou. Avec quels moyens ?

M. François Liberti. Ce n’est pas dans le budget voté hier !

M. le Premier ministre. Je souhaite également professionnaliser et développer l'emploi dans les domaines de l'animation et du sport : une spécialité du brevet professionnel jeunesse et sport autour de l'animation sera créée et les formations délivrées par le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative pourront être mobilisées pour former des jeunes aux métiers du sport.

Au-delà de ces solutions concrètes, nous devons doter ces quartiers d'une gouvernance plus simple et plus efficace. À certains endroits, il y a plusieurs interlocuteurs pour un même problème ; à d'autres il n'y en a aucun. Le premier devoir est d'affirmer le rôle de coordination du maire, qui incarne la République au quotidien. Il est le mieux placé pour piloter toutes les actions mises en œuvre, en particulier dans le domaine de la prévention. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le deuxième devoir est d'accroître encore la présence de l'État dans les quartiers sensibles. J'ai donc décidé la création d'une grande agence de la cohésion sociale et de l'égalité des chances, (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui sera, avec l'ANRU, l'interlocuteur des maires pour toutes les questions relatives aux quartiers sensibles.

M. Maxime Gremetz. Formidable !

M. Jean Le Garrec. Nous sommes sauvés !

M. le Premier ministre. Nous créerons également des préfets délégués à l'égalité des chances. (Mêmes mouvements.)

Je réunirai avant la fin de l'année un comité interministériel des villes, pour décider de l'avenir des contrats de ville et des nouvelles orientations de la politique de la ville.

M. François Hollande. Et voilà ! Une commission et le problème est réglé !

M. le Premier ministre. Le troisième devoir est d'aider les associations et les métiers sociaux.

M. René André. Très bien !

M. le Premier ministre. Aujourd'hui les 14 000 associations subventionnées par l'État constituent un formidable réservoir d'idées et d'initiatives.

M. Maxime Gremetz. 14 000 ? Non ! C’est moitié moins !

M. le Premier ministre. En matière d'insertion, de soutien scolaire, d'accueil des populations étrangères, d'accès à la culture et au sport, elles sont le complément indispensable à l'action de l'État.

M. Yves Cochet. Vous leur avez coupé les vivres !

M. le Premier ministre. Or les aides dont elles bénéficient ont diminué ces dernières années. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voyez votre budget !

M. Maxime Gremetz. Vous avez saccagé les associations !

M. le Premier ministre. Nous voyons aujourd'hui qu'il faut inverser cette tendance. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Yves Cochet. Eh oui !

M. le Premier ministre. J'ai donc décidé de renforcer les moyens dont disposent les associations en débloquant 100 millions d'euros supplémentaires pour elles en 2006. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. le Premier ministre. Toutefois nous devons être lucides : la République est à une heure de vérité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean Le Garrec. Le Gouvernement aussi !

M. le Premier ministre. Ce qui est en cause aujourd'hui, c'est l'efficacité de notre modèle d'intégration : un modèle fondé sur la reconnaissance du seul individu et non des communautés ; un modèle fondé sur la reconnaissance égale de tous les citoyens quelle que soit leur origine, leurs convictions et leur culture ; un modèle fondé sur l'équilibre des droits et des devoirs de chacun.

Faut-il renoncer à ces idéaux au profit d'un modèle dans lequel l'État ne prendrait plus en charge l'intégration des nouveaux arrivants ? (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Faut-il renoncer à l'exigence de cohésion nationale au profit du communautarisme, au risque d'accroître le repli et l'incompréhension entre nos concitoyens ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Sarko !

M. le Premier ministre. Aujourd'hui, nous avons le choix entre la division et le rassemblement. Je fais le choix du rassemblement autour de nos valeurs communes…

M. René Couanau. Très bien !

M. le Premier ministre. ...et de nos principes républicains.

M. René Couanau. Très bien !

M. le Premier ministre. Ces principes, chacun d'entre nous doit les porter et les défendre.

Au premier rang de ces principes figure la laïcité, qui doit être défendue dans tous les quartiers de notre territoire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Il y a aussi la citoyenneté, à laquelle nous devons redonner sens car elle est l'un des socles de notre modèle d'intégration.

Il y a enfin l'égalité : égalité entre les hommes et les femmes, égalité entre tous les enfants de la République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La lutte contre toutes les discriminations doit donc devenir une priorité pour notre communauté nationale. Ces discriminations sont aujourd'hui une réalité pour tous les habitants des quartiers sensibles lorsqu'ils cherchent un logement, un emploi ou, tout simplement, lorsqu'ils veulent accéder à certains loisirs. Nous devons aujourd'hui prendre conscience que ces discriminations ont un coût considérable pour notre communauté. Elles privent notre pays du talent et de la détermination de ces Français qui veulent réussir comme les autres. Elles nourrissent, notamment chez les jeunes, la frustration et le sentiment de ne pas appartenir à la communauté nationale.

M. Jean-Pierre Blazy. Il est temps de vous en apercevoir !

M. le Premier ministre. Elles sont une entorse quotidienne et répétée à nos idéaux communs. À cet égard nous disposons d'un outil essentiel mis en place par le Président de la République (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) : la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, qui est présidée par Louis Schweitzer.

M. Michel Bouvard. Lequel est mieux payé qu’un animateur de quartier !

M. le Premier ministre. Elle est le fer de lance de ce combat, parce qu'elle aide les victimes de discriminations : en trois mois, elle a reçu près de mille plaintes, dont plusieurs ont été adressées à la justice. J'ai d’ailleurs décidé de renforcer ses pouvoirs : la HALDE pourra désormais décider elle-même de sanctions contre les auteurs de discriminations.

Les entreprises doivent prendre leur part à ce combat contre les discriminations. Aujourd'hui, l'envoi de deux CV identiques portant un nom français et un nom d'origine étrangère ne donne pas les mêmes résultats. Comment dans ces conditions créer l'émulation parmi les jeunes de nos banlieues ? Comment leur donner le goût du travail, de l'effort et de la réussite ?

Près de 300 entreprises ont signé des chartes de la diversité, mais je souhaite qu'elles soient plus nombreuses à le faire. Le ministère de l'égalité des chances accompagne depuis cinq mois, avec Azouz Begag, (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) la mise en œuvre de la charte. Je rencontrerai dans les prochains jours des signataires de ces chartes pour réfléchir avec eux aux initiatives qui nous permettraient d'aller plus loin.

Les médias ont également un rôle à jouer dans la valorisation de la diversité française : parmi les jeunes gens issus de ces quartiers que j'ai rencontrés au cours des derniers jours, beaucoup m'ont dit combien ils souffraient de l'image que les médias véhiculent de leurs quartiers.

M. Michel Roumegoux. Eh oui !

M. le Premier ministre. Ils veulent qu'on parle aussi de ce qui marche dans les banlieues, de la solidarité qui anime ces quartiers, de cette formidable envie de réussir et de s'en sortir de la plupart de leurs habitants, de leur fierté d'être français et de l'espoir qu'ils ont dans la République.

Mme Jacqueline Fraysse. Du travail, de la formation, des moyens ! Voilà ce qu’ils attendent !

M. le Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, il est temps que la violence cesse : chacune des heures que nous venons de vivre constitue une épreuve pour nos compatriotes. L'inquiétude et la tristesse, la colère parfois, ont gagné le pays. La France est blessée. Elle ne se reconnaît pas dans ces rues et ces quartiers dévastés, dans ce déchaînement de haine et de violence qui saccage et qui tue.

M. Jean-Pierre Blazy. À qui la faute ?

M. le Premier ministre. Alors bien sûr, le retour à l'ordre est la priorité absolue. Le Gouvernement l'a montré : il prendra toutes les dispositions nécessaires pour assurer la protection de nos concitoyens et rétablir le calme. La sécurité est le préalable à tout.

Prenons ces événements comme un avertissement et comme un appel. La France n'est pas un pays comme les autres. Jamais elle n'acceptera que des citoyens vivent séparés, avec des chances différentes, avec des avenirs inégaux. Depuis plus de deux siècles, la République a su faire une place à chacun en mettant au premier rang les principes de liberté, d'égalité et de fraternité.

Mme Muguette Jacquaint. Baratin !

M. le Premier ministre. Elle a fait grandir sur notre territoire des intelligences, des volontés, des sensibilités et des talents exceptionnels. Elle est une promesse de réussite pour tous. Elle est un rêve partagé entre des Français d'origines et de conditions différentes.

M. Maxime Gremetz. Un rêve !

M. le Premier ministre. Restons fidèles à la promesse et à l'exigence républicaines. À tous les jeunes avides d'espoir, de générosité et d'ouverture, à tous ces enfants qui grandissent dans les quartiers et ailleurs, offrons un autre visage de la France, donnons-leur le meilleur de nous-mêmes.

M. Maxime Gremetz. Et le MEDEF, qu’en faites-vous ?

M. le Premier ministre. Je vous remercie. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire dont la plupart des membres se lèvent. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Je vous rappelle que la séance est télévisée jusqu’à 16 heures 30.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les émeutes urbaines sont devenues une crise nationale très grave et d'une ampleur sans précédent. Dans toutes les villes de France, l'autorité de l'État est défiée, bousculée. Les dégâts matériels et humains sont considérables. En cet instant, je pense particulièrement aux victimes, à la douleur de leurs familles, de leurs proches. C'est miracle qu'il n'y en ait pas eu davantage. Nous le devons au courage des forces de sécurité, des sapeurs-pompiers, des agents publics, des maires et des élus locaux, (Applaudissements sur tous les bancs) mais aussi des habitants qui, malgré leur souffrance, font preuve d'un remarquable sang-froid.

Quelles que soient les fautes et les erreurs qui ont été commises par les autorités de la République ces dernières semaines - et elles sont nombreuses (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) - il ne peut y avoir de justification à la violence.

Mme Sylvia Bassot. C’est mieux !

M. Jean-Marc Ayrault. Les habitants des cités en sont les premières victimes, alors même qu'ils sont parmi les plus défavorisés de notre société. Ils ont droit comme tous les Français à la sécurité, au calme et à l'apaisement. Les bandes doivent être mises hors d'état de nuire. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les casseurs doivent être punis. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Comment ? Vous avez beau jeu de critiquer Sarkozy !

M. Jean-Marc Ayrault. On ne peut transiger avec la violence. La priorité de tout est le retour à l'ordre républicain, (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire puis du groupe socialiste) à la sécurisation des populations et, je tiens aussi à le dire, monsieur le Premier ministre, à l'indemnisation des victimes pour lesquelles les députés socialistes vous demandent d’annoncer la création d'un fonds national de solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Tel est l’objectif. Encore faut-il que l'État soit exemplaire, que ses représentants les plus éminents montrent en toutes circonstances un sang-froid…

M. Jean-Michel Fourgous. Comme le parti socialiste !

M. Jean-Marc Ayrault. …à la hauteur des résultats qu'ils exigent de leurs agents, qu'ils fassent preuve du calme et du respect qu'ils demandent à leurs concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Marsaudon. Commencez par donner l’exemple !

M. Jean-Marc Ayrault. Votre gouvernement, monsieur le Premier ministre – particulièrement votre ministre de l'intérieur – porte de lourdes responsabilités dans ce déchaînement des passions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous n'avons plus le temps d'en faire l'inventaire. Nous n'avons pas le droit d'attiser le feu comme naguère le faisaient vos amis ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Claquements de pupitre. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Vous savez maintenant ce qu'il en coûte d'instrumentaliser la peur et l’insécurité ! (Vifs Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Nicolin. Zéro ! Minable !

M. le président. Je vous en prie, calmez-vous !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je vous remercie, ainsi que M. le Premier ministre, d’avoir répondu à notre demande de débat, mais un débat doit être un échange !

Monsieur le Premier ministre, je vous ai écouté avec attention et sans vous interrompre.

Monsieur le Premier ministre, vous avez rappelé que ce débat était télévisé. Oui, il l’est, et pour tout le monde ! Alors, je demande simplement à la majorité de respecter l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.– Vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Marsaudon. Provocateur !

M. le président. Mes chers collègues, un peu de dignité ! Si vous continuez ainsi, l’intervention de M. Accoyer ne pourra être retransmise à la télévision ! (Vives protestations et bruits sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Ayrault. Gardez votre calme ! Les circonstances exigent que nous gardions tous notre calme et notre sang-froid, d’abord ici, à l’Assemblée nationale. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Marsaudon. Donnez l’exemple !

M. Jean-Marc Ayrault. En de telles circonstances, mes chers collègues, les formations démocratiques que nous représentons ici sur tous ces bancs doivent savoir concevoir un pacte de non-agression. (Mêmes mouvements.) Et dans tous les sens du terme.

La fermeté, oui – je le dis et je l’assume –, mais dans le respect de l’État de droit, et avec la volonté de sortir les cités de la ghettoïsation.

M. Jean-Paul Anciaux. Zéro !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous ne réussirons pas en leur imposant des lois d’exception !

M. Jean-Paul Anciaux. Vous, vous n’avez rien réussi !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous ne sommes pas hostiles, par principe, au couvre-feu. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il peut être utile dans certains cas et pour un temps limité, en concertation avec les maires.

M. François Grosdidier. C’est ce qui a été dit !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez décidé, monsieur le Premier ministre, vous et les membres du Gouvernement, de recourir à la loi de 1955.

M. Jean Leonetti. Ils ont bien fait !

M. Jean-Marc Ayrault. C’est votre responsabilité entière. Nous serons particulièrement vigilants et ferons l’évaluation exigeante de cette mesure, surtout si vous deviez présenter un projet de loi devant le Parlement dans douze jours, et nous garderons jusqu’au bout toute notre liberté d’appréciation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je le dis simplement, sans polémique (Rires et vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) – mais je crois que vous en êtes conscient, monsieur le Premier ministre – : attention que ce couvre-feu ne devienne pas un cache-misère, une nouvelle marque de ségrégation. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) L’état d’urgence, mes chers collègues, c’est d’abord l’état d’urgence sociale. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) C’est toute la République qui doit se ressaisir !

Elle doit le faire d’abord dans son devoir de sécurité.

Tout le monde a compris qu’opposer la police de proximité à la police d’investigation et de maintien de l’ordre, comme vous l’avez fait, il y a trois ans, a conduit dans une impasse. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les opérations coups-de-poing, par trop médiatisées, n’ont pas donné de résultats probants dans la lutte contre la violence et les trafics. (Très vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce traitement policier des cités, pour nécessaire qu’il soit face à la loi des bandes, a trop servi de paravent à l’assèchement du soutien social et éducatif de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Alors, sortons des logiques de rupture qui ne font que creuser les fractures. Une sécurité durable impose un équilibre continu entre les missions de prévention, d’anticipation, d’investigation et de répression. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Leonetti. Qu’avez-vous fait ?

M. Jean-Marc Ayrault. Il faut restaurer la confiance entre la police et la population des cités. Pour cela, il est indispensable de mieux immerger la police dans la vie des cités, de revoir la formation des agents, souvent mal adaptée à la réalité des quartiers, et de rendre leur recrutement plus conforme à la diversité du pays.

Les députés socialistes vous demandent, monsieur le Premier ministre, de rétablir le programme de recrutement des adjoints de sécurité, les emplois-jeunes de la police, qui ont fait largement leurs preuves. Ils étaient 20 000 en 2002 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.- Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Toutefois cette adaptation des forces de sécurité ne sera qu’un coup d’épée dans l’eau sans un appui financier et logistique de l’État au travail de prévention sociale…

M. François Grosdidier. Autruche tu étais…

M. Jean-Marc Ayrault. …des élus locaux, des services publics et des associations.

M. François Grosdidier. …autruche, toujours, tu resteras !

M. Henri Emmanuelli. Un peu de respect !

M. Jean-Marc Ayrault. On a tant réduit les crédits des associations – je suis bien obligé de le constater, comme beaucoup d’autres parmi nous – que des groupes religieux ont parfois pris en charge, par défaut, le travail de médiation sociale.

M. François Grosdidier. Nous, nous l’avons fait, pas vous !

M. Jean-Marc Ayrault. Or, s’il est temps de reconnaître à l’islam sa place de deuxième religion de notre pays, dans le respect et la dignité, arrêtons de lui demander de régler la vie des cités à la place de la République. La laïcité doit retrouver tous ses droits. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) La médiation sociale est l’affaire des municipalités et des associations, pas des prédicateurs ! (Mêmes mouvements.)

Monsieur le Premier ministre, vous annoncez le rétablissement des subventions aux associations qui en ont été privées depuis trois ans.

M. Christian Bataille. Enfin !

M. Richard Mallié. C’est faux !

M. Jean-Marc Ayrault. Pourquoi faut-il toujours attendre la crise pour découvrir l’importance essentielle de leur médiation ? Et pourquoi oublier, encore une fois, les emplois-jeunes, alors qu’ils ouvraient la porte du travail à tant de jeunes des cités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.– Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Quant aux maires, c’est moins l’accroissement de leurs pouvoirs que l’érosion des dotations de l’État qui les interpelle. Alors que les cités commençaient à brûler, le 3 novembre dernier, vous avez signé un décret – peut-être est-ce le ministre des finances et n’en êtes-vous pas informé – qui annule 11 % des crédits de la politique de la ville.

M. Julien Dray. Très juste !

M. Jean-Marc Ayrault. Croyez-vous qu’on puisse soigner la pauvreté des cités par la pauvreté de l’État ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.– Bruits continus sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La force sans la justice, c’est l’arbitraire ou l’impuissance. Nous en sommes là. Les jeunes en révolte sont les enfants perdus de la société libérale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous en sommes tous comptables car nous n’avons pas su, collectivement, trouver les réponses aux ségrégations économiques et sociales. Malgré d’indéniables réussites, la politique de la ville s’est trop souvent limitée à du saupoudrage et à des pansements, faute d’ambition et, surtout, de continuité.

M. Jean-Paul Anciaux. Baba cool !

M. Jean-Marc Ayrault. Alors, oui, c’est toute la nation qui est interpellée. Les Français sont-ils prêts à consentir l’effort de remise à niveau des quartiers en difficultés ? La nation accepte-t-elle les contraintes de mixité sociale, partout, dans toutes les communes…

M. Henri Emmanuelli. À Neuilly ?

M. Jean-Marc Ayrault. …en matière de logement, d’urbanisme et d’emploi ? Veut-elle se donner les moyens d’assumer la pleine égalité des chances à chacun de ses enfants, quels que soient son origine ou son nom ?

Les responsables politiques que nous sommes tous doivent avoir le courage de poser ces questions aux Français. Il ne s’agit plus d’annoncer un énième plan pour les banlieues mais d’en faire une cause nationale prioritaire, avec une loi de programmation qui s’inscrive dans la durée. C’est la proposition des députés socialistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

La véritable égalité des chances implique de soutenir plus massivement les quartiers déshérités que les autres. Je ne suis pas sûr, monsieur le Premier ministre, à voir la priorité éducative que vous avez évoquée, que vous en ayez pris la mesure. Les bourses au mérite et les internats existent depuis longtemps, mais les financements n’ont jamais réellement suivi.

Quant à envisager l’apprentissage dès quatorze ans, je vous le dis, c'est en quelque sorte se résigner à l’échec scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.– Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Charroppin. N’importe quoi !

M. Jean Marsaudon. Un peu de dignité !

M. Jean-Marc Ayrault. Tous les enseignants vous le diront, car la priorité, c’est la lutte contre l’illettrisme dès l’école maternelle et primaire…

M. Jean-Michel Fourgous. Incompétent !

M. Jean-Marc Ayrault. …et contre la déscolarisation au collège, qui exige que les zones d’éducation prioritaire aient moins d’élèves par classe, plus de professeurs expérimentés et formés, plus de crédits, comme l’a préconisé le rapport Thélot. (Exclamations ininterrompues sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cessons de distribuer la manne financière à l’aveugle. Concentrons-la sur les familles qui cumulent les handicaps sociaux.

M. Jean-Michel Fourgous. Blablabla !

M. Jean-Marc Ayrault. Voilà pourquoi, monsieur le Premier ministre, les députés socialistes vous demandent, solennellement, d’abandonner votre projet de réforme fiscale, aussi injuste qu’inefficace. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est mercredi prochain que nous en débattrons. Ne soyez pas schizophrène ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Votre bouclier fiscal, ce ne sont pas les riches qui en ont besoin, ce sont les habitants des cités ! Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Marsaudon. Pourquoi n’avez-vous rien fait ?

M. Jean-Marc Ayrault. Redonnez aux collectivités locales les moyens de leur action, à commencer par celles qui, dans les banlieues, cumulent toutes les difficultés.

M. Jean-Michel Fourgous. Démago !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, comme beaucoup dans cet hémicycle, je suis un élu local. Je n’ai pas une connaissance théorique ni technocratique des problèmes.

M. Éric Raoult. On ne le dirait pas !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous sommes tous sur le terrain, nous les élus, de quelque bord que nous soyons. Je sais bien qu’il n’y a pas de solution magique et qu’il n’y aura pas de miracle.

Les cités sont le reflet de notre crise nationale qui, vous le savez, est profonde et ne se réduit pas au chômage. Elle est aussi une perte de repères et de normes dans notre vie collective. Trop de jeunes Français, vous y avez fait allusion, titulaires d’une carte d’identité nationale, se sentent étrangers dans leur propre pays. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Charroppin. Démago !

M. Jean-Marc Ayrault. C’est la vérité !

Trop souvent, la société les renvoie à leurs origines et les enferme dans la discrimination. Vous savez bien qu’un jeune des quartiers a plus de mal, même quand il prépare un bac pro, à trouver un stage dans une entreprise : voilà une discrimination concrète à laquelle il faut remédier. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Les mots, les rappels aux droits et aux devoirs ne suffisent plus. Tant que la République oubliera de transmettre ses valeurs, tant qu’elle s’accommodera des barrières sociales et urbaines, le sentiment d’appartenance nationale ne pourra pas être.

Alors, pourquoi restez-vous sourd à la proposition de loi que j’ai défendue, ici, avec les députés socialistes, visant à instituer un service civique obligatoire pour tous les jeunes Français, garçons et filles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Descamps. Il n’existe pas de solution socialiste !

M. Jean-Marc Ayrault. Je crois que l’État est encore capable de réussir le brassage social. Je veux croire qu’il est encore suffisamment respecté pour obtenir un effort collectif partagé. Donner quelques mois de sa vie à la collectivité, à des actions humanitaires (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Jean-Paul Anciaux. À quel prix ?

M. Jean-Marc Ayrault. N’ironisez pas, le sujet est grave !

Donner, disais-je, quelques mois de sa vie à la collectivité, c’est donner un sens à la solidarité – je sais que, sur les bancs de la majorité aussi, on partage cet avis – là où elle semble parfois avoir disparu. (Exclamations ininterrompues sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Leonetti. C’est faux !

M. François Grosdidier. Arrêtez-le !

M. Jean Marsaudon. Coupez !

M. Jean-Marc Ayrault. Nul ne peut accepter cette image d’une France écartelée. La République est au pied du mur. En rester à quelques mesures d’urgence l’exposerait à de nouveaux embrasements. Il faut redonner vie aux valeurs qu’elle proclame. En tout cas, les députés socialistes prendront toutes leurs responsabilités, car la situation d’aujourd’hui, ils ne l’acceptent pas et ils veulent donner des perspectives et un espoir aux Français.

Il faut redonner à tous le goût de la fraternité. Les cités ne sont pas un archipel oublié. Les cités, c’est la France ! (Les députés du groupe socialiste se lèvent et applaudissent longuement .– Applaudissements sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde pour le groupe Union pour la démocratie française .

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, la France traverse une crise grave, sans précédent dans l’histoire de l’après-guerre. Il me semble qu’à cet instant, plutôt que de donner l’image d’un Parlement et d’une nation divisés, nous devrions, d’abord, penser aux victimes de ces dernières semaines, à toutes les victimes, celles de Clichy-sous-Bois, mais aussi celles d’Épinay et de Stains. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Les violences qui secouent notre pays depuis douze jours et jettent la consternation dans toute la France ne sont pas le fruit du hasard. Elles doivent, naturellement, cesser car rien n’est possible dans la violence. Nous le savons bien, nous qui vivons dans des villes plus défavorisées que d’autres, nous qui devons gérer au quotidien, et pas seulement quand il y a des caméras de télévision (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste), le cumul d’un urbanisme raté et inhumain, d’une école qui ne parvient plus à transmettre les règles de la vie de la République, ni le passeport qui permet d’accéder à un emploi, et d’une justice qui a malheureusement renoncé depuis bien longtemps à faire respecter l’État de droit de façon équitable partout sur le territoire.

Dans nos villes, quelle que soit la couleur politique des municipalités, il est déjà plus difficile qu’ailleurs de construire, d’offrir de nouveaux atouts pour la population et de donner à chacun sa chance. Alors, quand on y détruit, quand on y brûle et quand on y pille, il est encore plus difficile qu’ailleurs de reconstruire et de repartir de l’avant.

Bien sûr, monsieur le Premier ministre, la priorité absolue de l’État – celle aussi, j’en suis sûr, de chacun, ici, et tous les maires, à quelque bord politique qu’ils appartiennent, l’ont d’ailleurs montré, ces derniers jours – et de chacun de nos concitoyens doit être le rétablissement de l’ordre, sans lequel la République ne peut rien accomplir.

M. Philippe Folliot. Très juste !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je veux exprimer ici notre admiration et notre reconnaissance pour le travail admirable accompli, ces derniers jours, par les forces de police qui, bien qu’épuisées, conservent un sang-froid qui nous a évité de nouveaux drames (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) ainsi que par les sapeurs-pompiers qui, bien que menacés et agressés, n’ont jamais renoncé à porter secours partout où ça flambait. (Mêmes mouvements.)

Je veux également saluer les maires, les employés municipaux, les associations, les enseignants, les animateurs, les éducateurs, qui ont très largement contribué à ramener le calme dans des quartiers qui, hier encore, brûlaient.

Je voudrais que, pour une fois, on cite aussi, dans cet hémicycle, devant la représentation nationale, les vingt-cinq trente-cinq ans, ces grands frères (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Jean Leonetti. Arrêtez !

M. Jean-Christophe Lagarde. …qui, eux aussi et malgré l’image qu’on en donne (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), sont descendus dans la rue pour ramener à la raison les plus jeunes dont on reproche aux parents de ne pas les garder à la maison. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Vous avez décidé, monsieur le Premier ministre, d’appliquer la loi de 1955 sur l’état d’urgence. C’est du devoir de l’État de se donner les moyens d’assurer la paix civile lorsqu’il est dépassé par les événements. Le couvre-feu pourra être utile dans certains quartiers, mais, nous n’avons pas attendu pour travailler au rétablissement de la situation et, dans de nombreux quartiers, nous y sommes parvenus sans mesures extrêmes.

Pour un département comme la Seine-Saint-Denis, pardonnez-moi de le dire, l’État arrive un peu tard ! Aussi, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de l’intérieur, voudrais-je lancer une mise en garde contre l’application de cette mesure : ne prenez pas de décisions sans consulter les maires des communes concernées ; n’imposez pas de couvre-feu là où nous n’en avons pas besoin, faute de quoi vous prendriez le risque de raviver les tensions que nous avons pu apaiser. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Au-delà du rétablissement de l’ordre, au nom des milliers de victimes d’incendies de voitures, de commerces, d’entreprises ou de bâtiments publics, la population de nos quartiers demande que des sanctions lourdes soient appliquées à ceux qui s’en sont rendus coupables. Trop longtemps faible et sans volonté, la République doit défendre ses citoyens, mais également ses principes, afin que la violence ne devienne jamais un mode de revendication en France. Et je tiens à dire que la justice ne doit pas le faire uniquement quand des quartiers brûlent et que des émeutes surgissent ; elle devrait le faire – enfin ! – chaque jour…

M. Éric Raoult. Absolument !

M. Jean-Christophe Lagarde. …afin que ceux qui constituent l’écrasante majorité des habitants de nos quartiers et de nos villes, jeunes et moins jeunes, ceux qui respectent nos lois, finissent par s’en sortir mieux que ceux qui trichent avec la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Louis Léonard. Très juste !

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le Premier ministre, si l’ordre peut être rétabli, la crise profonde que nous connaissons bien et que beaucoup découvrent maintenant n’en sera pas pour autant réglée. Ces événements sont le signe d’une République faible, d’une absence de volonté politique qui n’est pas que celle d’aujourd’hui, d’un système à bout de souffle. Le monde politique est-il donc si malade et la représentation de la population à ce point faussée qu’on n’ait rien vu venir ?

Pendant vingt-cinq ans, alternance après alternance, les dirigeants successifs ont beaucoup parlé des banlieues, ont proposé de repeindre les boîtes aux lettres, de renforcer le nombre d’enseignants, de financer quelques séjours de vacances ou de procéder au ravalement de quelques ghettos. Bref, on a seulement voulu accompagner la misère pour la rendre plus supportable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Chaque nouveau gouvernement, dans un domaine où l’action doit être déterminée, stable et constante, n’a eu de cesse de défaire ce que le précédent avait fait. En fin de compte, cela arrangeait tout le monde de concentrer les difficultés au même endroit, dès lors qu’on n’en entendait pas parler. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Vingt-cinq ans après, le drame est là, hélas, bien présent sous nos yeux. Pour le résoudre, nous croyons que, lorsque la crise est grave, la France doit se rassembler par-delà les divergences politiques et que les grands partis de gouvernement doivent s’engager sur un pacte républicain pour les banlieues. Ce pacte doit reposer à nos yeux sur trois piliers que nous pourrions élaborer ensemble et que nous nous engagerions à consolider, quelles que soient les alternances locales et nationales.

Monsieur le Premier ministre, vous avez réuni il y a quelques jours à Matignon des maires venant de tous les horizons de cette assemblée et j’ai constaté une grande identité de vues, une vraie capacité à se retrouver et à se rassembler sur ce sujet. Je pense que si vous laissiez aux maires la liberté d’apporter leur contribution et de vous soumettre de vraies propositions, on avancerait.

N’est-il pas vrai, monsieur Gerin, monsieur Valls, monsieur Cardo, que nous sommes capables, nous aussi, d’apporter notre contribution, sans avoir besoin de grandes déclarations ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. – applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Le premier pilier de ce pacte consisterait à réparer les erreurs d’urbanisme des années cinquante et soixante-dix et à reconstruire des quartiers où l’on pourrait grandir en conservant l’espoir de mieux vivre grâce à ces efforts. Cela ne demande pas des annonces à dix-huit mois, mais une action déterminée sur au moins une décennie. L’argent qui y est consacré aujourd’hui, malgré une certaine amélioration, est encore insuffisant. Le centralisme et la bureaucratie imposés aux maires pour lancer des projets freinent tout effort.

L’État doit devenir directif pour imposer une répartition du logement social dans toutes les villes de notre pays…

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. À Neuilly !

M. Jean-Christophe Lagarde.…même si cela doit heurter certains élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française, sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Le deuxième pilier serait que non seulement l’éducation nationale ait les moyens – elle en a déjà beaucoup – mais surtout qu’elle s’adapte aux besoins de chaque enfant, à ses besoins réels et aux difficultés qu’il traverse. Nous ne pouvons pas continuer, comme dans ce fameux film, The Wall, à penser que tous les enfants marchent sur un tapis roulant. Nous ne pouvons plus considérer que chaque élève doit rentrer dans le même moule, et nous dire « tant pis ! » quand l’un d’entre eux ne peut y rentrer et reste au bord du chemin. Vous avez proposé une piste possible, monsieur le Premier ministre. Bien d’autres sont envisageables, mais, là aussi il faut, pour une aussi grande institution que l’éducation nationale, un accord entre les courants d’opinion pour y parvenir.

Le troisième pilier consisterait à rétablir la justice dans son rôle qui est de protéger les faibles et les victimes, et non les coupables (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française), à remettre sur le métier l’ordonnance de 1945 sur les mineurs, car ceux d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec ceux de l’après-guerre, à replacer la responsabilité des parents au cœur des devoirs de chaque famille tout en aidant ceux qui perdent pied ou qui sont obligés de recourir à leurs enfants pour essayer d’apprendre les lois de la République : comment en effet, dans ces conditions, avoir de l’autorité ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Monsieur le Premier ministre, au-delà du nécessaire rétablissement de l’ordre, la République doit retrouver de la force et de la volonté si elle ne veut pas sombrer ou laisser nos concitoyens glisser vers des solutions extrêmes. La France doit briser ses propres tabous si elle veut éviter que des quartiers ne flambent et que la jeunesse ne croie plus en elle. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La nation doit savoir se rassembler pour produire un effort constant et déterminé afin que chacun puisse croire dans les valeurs qu’elle affiche. À l’UDF, nous sommes prêts à y travailler sans esprit partisan. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) 

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. François Asensi. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, notre pays est aujourd'hui dans une situation gravissime. Chaque nuit apporte son lot de voitures brûlées, d'équipements publics et de commerces dégradés ou détruits. Les premiers à en subir les conséquences sont les habitants des quartiers défavorisés, toutes générations confondues, déjà victimes au quotidien de la misère sociale. De tels actes sont intolérables. Les députés communistes saluent ici la mobilisation des élus locaux, notamment des maires, des agents municipaux, mais aussi des associations et des citoyens qui, dans leurs villes respectives, ont apporté leur concours à la force publique qui fait un travail courageux et difficile. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) En effet toutes celles et ceux qui disent non à ces violences ont bien compris que ces écoles, ces postes, ces gymnases, ces services publics sont notre bien commun à tous.

Il importe aujourd'hui de mettre un terme à ces exactions et de rétablir l'ordre républicain. Mais prenons garde : il est illusoire de parler d'ordre républicain sans parler de liberté, d'égalité et de fraternité, trois valeurs fondamentales de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) N'avez-vous comme réponse que la loi du 3 avril 1955, une véritable loi d'exception attentatoire aux libertés, pour ramener la paix et la tranquillité dans les quartiers populaires ? (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Leonetti. Quoi d’autre ?

M. François Asensi. Votre gouvernement réactualise, cinquante ans après, l'une des plus sombres pages de l'histoire de notre pays : celle d'une guerre colonialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mesurez-vous, monsieur le Premier ministre, la portée symbolique d'une loi qui visait à « assurer le contrôle de la presse et des publications », « des émissions radiophoniques », à « ordonner la fermeture provisoire des lieux de réunions » et, d'une manière générale, à restreindre les libertés publiques ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Nicolin. Où avez-vous vu ça aujourd’hui ?

M. Francis Delattre. Et le pacte de Varsovie ?

M. François Asensi. À quelle destruction du pacte républicain s'est-on livré pendant des années pour en arriver aujourd’hui à de telles mesures ? Le parti communiste français s’élève vigoureusement contre cette loi d’exception.

Vous voulez que les gens s'enferment chez eux, alors qu'il faudrait au contraire œuvrer à une plus large mobilisation citoyenne. Ce qui importe, c'est de faire reculer la peur, de susciter des solidarités et d'impliquer tous les citoyens, toutes générations confondues, pour construire de véritables alternatives politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je tiens à souligner ici combien certaines formules sont choquantes, humiliantes et blessantes, lorsque l'on parle, par exemple, de « jeunes issus de l'immigration ». S'imagine-t-on, pour un jeune Français à part entière l'humiliation que représente l'obligation de falsifier son CV et de franciser son nom pour préserver ses chances de trouver un l'emploi ? Aujourd'hui, la richesse de la France, c'est d'être diverse, plurielle, multicolore. La République ne peut s'exonérer de ses devoirs. Elle doit leur dire qu’ils sont tous des enfants de France et, à ce titre, mettre fin aux discriminations et assurer l'égalité des chances. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Ne nous y trompons pas : nous ne sommes pas aujourd’hui dans un état de guerre, mais dans un état d'urgence sociale. Cette crise ne date pas d'hier : depuis 1974, la situation se dégrade dans certains de nos quartiers, ignorés par les politiques publiques et condamnés à être des espaces de relégation sociale, des ghettos de la misère. Je ne veux ici donner de leçons à personne mais, sur ces bancs, tous les députés communistes, sans exception, n'ont cessé de dénoncer la fracture sociale et la misère, et de proposer des politiques alternatives. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

A ces alertes, dans cet hémicycle, messieurs de la majorité, répondaient les sarcasmes, parfois les insultes et les accusations de misérabilisme. Pourtant, les faits sont là : ils crèvent les yeux.

Mme Muguette Jacquaint. Eh oui !

M. François Asensi. Dans les zones urbaines sensibles, le chômage frappe deux fois plus fort que dans le reste du pays : 40 % des quinze à vingt-quatre ans sont demandeurs d'emploi, et les retards scolaires y dépassent de dix points la moyenne nationale. La ségrégation spatiale s'aggrave dans notre pays. Cela est inacceptable. Que dire de la solidarité et de la République lorsque l'on recense 2 152 euros de potentiel fiscal par habitant dans une ville des Hauts-de-Seine que tout le monde connaît, contre 391 à Sevran, située dans ma circonscription ?

M. Jean-Pierre Blazy. Très juste !

M. Maxime Gremetz. Et ils se permettent de donner des leçons !

M. François Asensi. Il est inadmissible de faire aujourd’hui le procès de notre République, fille des Lumières et de la Révolution française, et de son modèle social. Toutes les sociétés occidentales sont en crise. Que ce soit aux États-Unis, en Allemagne, en Angleterre, tous ces pays connaissent des espaces de relégation sociale et des violences urbaines. Faut-il citer ici Los Angeles, Liverpool, Birmingham ou encore d’autres villes européennes ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et Moscou ?

M. François Asensi. C'est donc bien le libéralisme qui est montré du doigt aujourd'hui, et non notre modèle social. Si ce dernier est en panne, la faute en incombe aux politiques qui ont promu ou accompagné un libéralisme destructeur de toutes les solidarités. Ces politiques ont vidé de tout sens notre République et ses valeurs.

Les faits sont là : des millions de nos concitoyens vivent dans l'insécurité sociale permanente, dans une précarité d'un autre âge, alors que l’argent coule à flot pour quelques privilégiés. Aujourd’hui, les jeunes ne peuvent construire de projet d'avenir parce que, lorsqu'ils ne sont pas au chômage, ils ne se voient offrir que des emplois précaires – intérim, CDD, contrats nouvelles embauches – qui ne leur permettent pas d'emprunter ni d'acheter, voire simplement de louer un logement parce que les prix sont prohibitifs en Ile-de-France et dans d’autres régions. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Voilà comment débute le terrible cycle de la marginalisation. Chaque nouvelle mesure gouvernementale nous éloigne de notre modèle social républicain et des droits fondamentaux. En privatisant les services publics, en réformant l’impôt de solidarité sur la fortune, le Gouvernement met en œuvre une solidarité inversée qui voudrait que les plus pauvres paient pour les cadeaux faits aux plus riches.

Au nom de la décentralisation, l’État abandonne ses responsabilités en matière de cohésion sociale et territoriale. Or tout projet de société, en accord avec les principes inscrits dans notre constitution et dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne repose-t-il pas d’abord sur le principe d’une République une et indivisible, assurant à tous l’égalité des chances, quelle que soit l’origine sociale ou territoriale ?

Comme des millions de Français, monsieur le Premier ministre, je vous ai écouté hier : vous disiez que la République impliquait des droits, mais aussi des devoirs. L’État n’en a-t-il pas aussi ? Ne doit-il pas assurer l’effectivité des principes constitutionnels, garantir l’égalité des chances, mettre fin aux discriminations ?

Parlons des devoirs de l’État. À ce jour, il est toujours redevable au département de la Seine-Saint-Denis d’une somme de 119 millions d’euros promise par votre prédécesseur pour compenser les transferts de charges liées à l’APA et au RMI. Est-ce cela, être responsable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Herbillon. A qui doit-on l’APA ?

M. François Asensi. Vous laissez ce département, qui connaît de grandes difficultés, dans la misère la plus totale.

Les élus ne doivent-ils pas être les premiers à montrer l’exemple en appliquant la loi républicaine ? Je pense ici à certains membres de votre gouvernement ou à certains parlementaires qui, en tant que maires, s’abstiennent d’appliquer la loi SRU et de construire des logements sociaux. Par égoïsme, pour s’attirer quelques poignées de voix, ils refusent la solidarité nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Nous ne faisons pas pour autant preuve d’angélisme. L’histoire des communistes est marquée…

M. Jacques Godfrain. Par le stalinisme !

M. Francis Delattre. Et le Goulag !

M. François Asensi. …par des actes de courage. Nous savons parfaitement qu’il y a des individus qui dérogent aux règles sociales et vivent de l’argent facile et des trafics. Il faut certes mettre un terme à cette économie souterraine, mais il faut rejeter avec la plus grande vigueur tous les amalgames et les stigmatisations. À cet égard, les propos d’une extrême violence tenus par M. Sarkozy ne sont pas dignes d’un ministre de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains – Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Dix minutes ne suffiront pas à traiter de l’ampleur de la crise. Le Parlement doit se saisir de la question dans les prochains jours. Il faut reprendre le projet de loi de finances, car il n’est pas en adéquation avec la réalité et les besoins de la société française. Ce budget, et les mesures fiscales qui l’accompagnent, donnent la part belle à une infime minorité de Français, à commencer par les patrons du CAC 40 (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) qui en plus de bénéficier de stock options, de parachutes en or ou de golden hellos, obtiennent réduction de l’ISF et exonérations de charges.

L’heure n’est pas à une politique comptable concernant les déficits publics mais à un redéploiement des moyens vers les quartiers en difficulté. Il est important également d’aller dans les villes, dans les départements, de dresser un véritable diagnostic de la situation et de prendre les mesures d’urgence qui s’imposent. Un énorme travail d’information et de dialogue doit être accompli : il faut que nos citoyens comprennent la situation des grands ensembles, des quartiers populaires en difficulté. On doit cesser de culpabiliser et de stigmatiser une partie de la France pour s’exonérer du devoir de regarder la réalité en face.

Monsieur le Premier ministre, vous avez un devoir de vérité à l’égard des Français. Il faut que l’on sache dans toute la France qu’il y a, dans ce pays, des inégalités et de la souffrance, au lieu de culpabiliser les gens à cause de leur religion ou de la couleur de leur peau. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Godfrain. Ça suffit !

M. François Asensi. Nous avons besoin aujourd’hui, dans une France laïque, des associations, des syndicats, de la police de proximité, de toutes celles et ceux qui assurent le lien social sur le terrain mais auxquels ce gouvernement n’accorde pas sa confiance, puisqu’il supprime leurs subventions et leurs moyens d’existence.

Le 21 avril 2002 n’était pas un hasard : une grande anxiété sociale s’était alors manifestée dans les urnes. Le 29 mai dernier, la majorité des Français a exprimé son refus d’une société vouée au libéralisme où l’argent s’étale de manière insolente.

Il faut redonner l’espoir à cette jeunesse, à toute la jeunesse. Une société incapable d’ouvrir les portes de l’avenir aux jeunes générations est une société condamnée. En aucun cas, le nihilisme, la violence et l’autodestruction ne sont des valeurs que nous défendons. Au contraire, nous, députés communistes, disons à la jeunesse qu’il faut savoir se rebeller (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) car être rebelle, c’est s’affirmer comme citoyen dans une société ouverte sur l’avenir. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Anciaux. C’est un appel à la rébellion !

M. François Asensi. Nous, députés communistes, faisons le choix de faire confiance à la jeunesse et de lui donner les moyens d’espérer en notre République et ses valeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. — Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis douze jours, notre pays est confronté à des violences urbaines d’une ampleur jusque-là inconnue. Rien ne saurait les justifier.

Ce qui est en cause, c’est le respect de notre pacte républicain. Ce qui est en cause, c’est la liberté des habitants de ces villes et de ces quartiers, premières victimes des violences et pour lesquels, monsieur Ayrault, j’ai déjà demandé au Gouvernement, au nom des députés de l’UMP, qu’ils ne soient pas, en plus de leur malheur, obligés de payer les conséquences des violences qu’ils subissent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. — Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. Vous n’avez pas été entendu !

M. Bernard Accoyer. Ce qui est en cause, c’est leur sécurité, leur liberté d’aller et venir, de travailler, leur droit de propriété. Nous, députés de la nation, nous nous exprimons pour cet homme, battu à mort devant sa famille à Épinay-sur-Seine (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française), pour cet habitant de Stains froidement assassiné à la porte de son immeuble (Mêmes mouvements), pour cette femme handicapée gravement brûlée à Sevran (Mêmes mouvements), pour tous ces habitants des quartiers victimes des comportements d’une infime minorité de délinquants, de criminels, de chefs de bande, qui manipulent sans aucun scrupule des jeunes en désespérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilbert Biessy. Vous oubliez des victimes !

M. Jean Glavany. Et les deux jeunes de Clichy-sous-Bois, vous y pensez ?

M. Bernard Accoyer. Ce qui est bafoué par les dégradations, par les incendies, par les destructions de commerces, de commissariats, d’écoles, par les atteintes aux transports en commun, aux bibliothèques, aux gymnases, aux bureaux de poste, aux perceptions, c’est l’État, ce sont les services publics, les services destinés à tous. C’est inacceptable.

M. François Loncle. Et les deux jeunes de Clichy ?

M. Henri Emmanuelli. Il oublie des victimes, c’est incroyable !

M. Bernard Accoyer. Cela est inacceptable, car les habitants de ces quartiers n’aspirent, comme tous les Français, qu’au respect de leurs droits, c’est-à-dire au respect des lois de la République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La démocratie ne peut s’accommoder de zones de non-droit. L’ordre républicain et la paix publique doivent s’appliquer sur tout le territoire national. Rien ne saurait justifier un quelconque renoncement, un quelconque abandon républicain. Ainsi que l’a rappelé le Président de la République, le dernier mot doit revenir à la loi.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Bernard Accoyer. Seule la République peut garantir la justice. Seule la justice peut déterminer les responsabilités, en toutes circonstances, y compris les plus tragiques, telles que la mort accidentelle de deux jeunes à Clichy-sous-Bois.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Enfin ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François-Michel Gonnot. Il suffit de l’écouter !

M. Michel Herbillon. Provocateurs !

M. Bernard Accoyer. Le courage, le calme, le professionnalisme avec lesquels les forces de l’ordre assument sans relâche leur mission difficile appellent la plus grande reconnaissance de la nation dont nous sommes ici les représentants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur, vous voudrez bien vous faire notre interprète…

Mme Jacqueline Fraysse. Ce n’est pas un bon interprète !

M. Bernard Accoyer. …et remercier, au nom de tous les Français, les fonctionnaires de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Nous voulons également témoigner ici notre gratitude et notre admiration, d’abord à nos courageux sapeurs-pompiers (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), ainsi qu’à tous les agents de l’État ou des collectivités territoriales qui sont la cible des violences perpétrées contre les transports publics et les écoles, à tous ces hommes et à toutes ces femmes qui ne veulent pas renoncer à leur mission.

Monsieur le garde des sceaux, grâce à la prompte réponse de vos services et au recours à la procédure de comparution immédiate, les actes de délinquance sont rapidement punis. Il faut qu’ils le soient sévèrement, comme vous l’avez demandé. Le témoignage sous anonymat, institué ici même par la majorité avec la loi du 9 septembre 2002, permet l’interpellation des fauteurs de troubles, presque toujours connus des habitants des quartiers dont ils pourrissent la vie quotidienne. À l’avenir, les mesures de placement en centres éducatifs fermés prises à l’encontre des mineurs de moins de seize ans, prévues par cette même loi, permettront d’éviter une dérive vers des actions de plus en plus violentes mettant en danger leur propre vie.

La responsabilité de certains parents est aussi engagée quand de très jeunes mineurs, livrés à eux-mêmes en pleine nuit, participent à des violences. Si la République accorde des droits financiers aux parents, elle attend d’eux en retour l’exercice de l’autorité parentale. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

M. Bernard Accoyer. Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, quand le pacte républicain est en cause, c’est par un élan de cohésion et d’unité nationale que le Gouvernement et les élus ont le devoir de répondre. L’heure n’est pas aux polémiques politiciennes. Comment les Français pourraient-ils l’accepter ?

Le retour à l’ordre républicain est un préalable indispensable. Nous faisons confiance à votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, pour le rétablir. En décrétant l’état d’urgence, en appliquant la loi de 1955, en établissant, là où cela est nécessaire, un couvre-feu, vous avez pris une décision d’exception, répondant à une situation elle-même exceptionnelle, puisque la force doit rester toujours à la loi républicaine.

M. Jacques Le Guen. Très bien !

M. Bernard Accoyer. C’est ce qu’attendaient tous nos compatriotes, et plus encore les victimes de ces violences dans les cités, dans les quartiers, dans les villes.

M. Michel Herbillon. Exactement !

M. Bernard Accoyer. Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, c’est sur le socle de la paix civile retrouvée que nous pourrons ensemble débattre des causes profondes qui ont conduit à cet embrasement. Certes, les gouvernements successifs ont tenté beaucoup de choses depuis plusieurs décennies, investi beaucoup d’argent dans les politiques de la ville et les politiques de l’intégration.

M. François Asensi. Pas assez !

M. Bernard Accoyer. Le travail inlassable des maires et des élus locaux, auxquels nous devons rendre hommage, celui des services de l’État, des associations, a été considérable.

Les maires sont en première ligne dans ce combat et vous avez raison, monsieur le Premier ministre, de vouloir renforcer leur capacité d’action de proximité pour la prévention, l’insertion et la sécurité.

En effet, comment avons-nous pu en arriver là, alors que les zones d’éducation prioritaire, les quatre-vingt-cinq zones franches urbaines et les 85 000 emplois ainsi créés ont apporté des réponses concrètes pour remédier à l’échec éducatif et lutter contre le développement de l’économie souterraine ? Elles sont pourtant restées insuffisantes. Aujourd’hui, avec le plan de rénovation urbaine adopté en 2003, les cités se rénovent grâce à un effort financier historique : déjà 15 milliards d’euros sont débloqués au bénéfice de quelque 239 cités, et 30 milliards sont prévus au total.

L’ampleur de la tâche, ses délais de réalisation ne rendent pas encore suffisamment lisibles les effets de ce plan. Vous avez donc raison, monsieur le Premier ministre, d’avoir demandé à Jean-Louis Borloo l’accélération de sa mise en œuvre.

Le plan de cohésion sociale cible avec pertinence, afin d’y répondre, les besoins d’éducation, de formation en alternance, d’apprentissage, d’accès à l’emploi ou au logement, bref, la demande d’insertion indispensable pour nourrir l’égalité des chances, l’appartenance à la communauté nationale et le refus de toute discrimination. L’effort de construction de logements sociaux – 100 000 en 2005 au lieu de 40 000 en 2000 – est lui aussi d’une ampleur à la hauteur des besoins.

Mes chers collègues, les violences urbaines ne doivent pas caricaturer la réalité des cités, la réalité de l’intégration réussie d’innombrables familles qui ont choisi la France…

M. Jean-Michel Dubernard. Très bien !

M. Bernard Accoyer. …et adhèrent aux valeurs de la République, de ces hommes, de ces femmes, de ces jeunes qui cherchent un emploi, qui travaillent, qui étudient et qui, plus souvent qu’on ne le dit, réussissent. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ce sont eux que nous souhaiterions voir et entendre à la télévision, plutôt que certaines images de violence qui contribuent à allumer d’autres feux, et que relaient complaisamment les télévisions étrangères. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Arnaud Lepercq. Très juste !

M. Bernard Accoyer. Nous, nous ne faisons aucun amalgame entre ces hommes, ces femmes, ces jeunes et quelques délinquants ou petits caïds à l’œuvre ces derniers jours.

En vérité, nous devons nous attaquer avec détermination aux causes de l’échec de l’intégration. Aucune politique, si généreuse soit-elle, ne peut répondre efficacement au-delà de ses limites, donc des capacités d’accueil et d’intégration. Pour mieux intégrer les populations immigrées et leurs enfants, la France doit porter une attention encore plus grande aux flux migratoires,…

M. Jean-Michel Dubernard et M. Jean-Louis Léonard. Très bien !

M. Bernard Accoyer. ...veiller à ce que le droit d’asile, le regroupement familial, le mariage, notre générosité sanitaire et humanitaire ne soient pas dévoyés, ne soient pas galvaudés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, de l’épreuve que traverse notre pays, comme souvent dans notre histoire, la nation doit sortir renforcée pour offrir un message d’espoir et d’avenir à la communauté nationale. Fermeté, justice, respect nous permettront de retrouver tous ensemble, quelles que soient nos origines, les fondements de la République : liberté, égalité et fraternité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement a choisi d’aborder ce débat sans aucun esprit polémique pour trois raisons.

La première, c’est que, incontestablement dans la situation que nous connaissons aujourd’hui, la responsabilité collective de tous les gouvernements depuis quarante ans est forcément engagée. Il ne peut pas y avoir, d’un côté, ceux qui ont raison, de l’autre, ceux qui ont tort. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Deuxième raison : ceux qui se trouvent être aujourd’hui les émeutiers profiteraient de toute division de la représentation nationale pour trouver des justifications à l’inexcusable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Troisième raison : les solutions à cette crise ne viennent, à l’évidence, pas du clivage gauche-droite, mais doivent transcender un véritable consensus national pour faire bouger notre pays en faveur des quartiers les plus déshérités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Comme l’a dit le Premier ministre, nous vivons une minute de vérité : qui l’emportera de la loi de la République ou de celle des bandes ? Quelles que soient les motivations des bandes – l’argent, la violence, l’intégrisme ou quelque autre sentiment – la République est en effet engagée dans cette « minute de vérité » qui durera le temps qu’il faudra, mais elle doit l’emporter.

La différence entre la force de la République et la force des émeutiers, est que la première est légitime et obéit à des valeurs dans un cadre, avec des règles. La force de la République ne peut pas céder devant la force des bandes. C’est ce qui est en cause et rien d’autre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

J’admets bien volontiers que les violences urbaines sont sans précédent dans leur durée. Je rappelle néanmoins que, entre 1998 et 2001, il y a eu vingt-trois jours de violences urbaines…

M. François Lamy.. Ce n’est pas comparable !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. – je n’en fais le procès à personne (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) – dont sept jours au Mirail. Je dis simplement qu’il y a une différence et il est de mon devoir de ministre de l’intérieur de la signaler à la représentation nationale.

M. Jean Glavany. Rappelez-vous vos réactions à l’époque, ici ! Y avait-il l’union nationale à ce moment-là ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Durant ces treize jours de violences urbaines dans notre pays, 1 250 interpellations ont été effectuées. En vingt-trois jours de violences urbaines en cinq ans, combien y avait-il eu d’interpellations ? On en n’a retrouvé aucune dans les archives de la direction générale de la police nationale ! (Applaudissements et huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Hollande. À part cela, vous n’êtes pas polémique !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ce n’est pas de la polémique, ce sont des faits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. – Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Bravo pour l’union et le rassemblement !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Des voix se sont élevées avec autorité au sein du parti communiste français – je rends hommage à M. Gerin – au sein du parti socialiste – je veux rendre hommage à M. Valls ou, parfois, à M. Julien Dray (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) – qui ont dit, comme vous tous sur les bancs de la majorité, que l’on ne soulignera jamais assez les ravages du sentiment d’impunité depuis des années dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Vous avez été nombreux à signaler qu’il fallait rendre hommage aux forces de l’ordre. Vous avez raison. Si nous n’avons eu aucune bavure à déplorer, nous le devons à leur compétence et à leur professionnalisme.

Permettez-moi, avec un petit sourire, de dire tout de même que, s’il y avait eu une bavure ou un incident, je ne doute pas que les autorités politiques de ce pays auraient été mises en cause. Après tout, nous sommes responsables ! En revanche, quand il n’y a pas de bavure, il n’est pas tout à fait injuste de considérer qu’elles y sont également pour quelque chose ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce n’est pas un miracle, c’est une stratégie, c’est une volonté politique délibérée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Hollande. Êtes-vous fier de votre bilan ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Quelques mots sur le vocabulaire.

Chacun pouvant être choqué par certains termes, je veux vous citer quelques exemples.

Ce qui me choque, c’est que l’on parle d’une « tournante » pour désigner un viol. Non, ce n’est pas une tournante, c’est un viol commis par des assassins. Ce n’est pas un jeu ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Au terme « incivilité », je préfère ceux d’émeute, d’émeutiers et de casseurs. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Lorsque l’on parle – et ce sera notre seul point de divergence, monsieur Lagarde – des « grands frères », bien souvent, derrière ces « grands frères », se cachent des caïds qui n’ont aucun scrupule pour utiliser des mineurs et les mettre en avant ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maurice Leroy. Pas toujours !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Nous avons découvert, il y a quelques jours, sept mineurs de treize à dix-sept ans qui fabriquaient des cocktails Molotov dans un laboratoire. L’un d’entre eux vient d’avouer à la justice qu’il avait été manipulé par celui qu’il appelait son « grand frère » et qui n’était rien d’autre qu’un caïd sans scrupule, un délinquant qui méritait d’être déféré devant la justice ! (Applaudissements les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

À quoi avons-nous affaire ? À des injustices, c’est vrai…

M. Maxime Gremetz. Oh, là, là !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …à du racisme, c’est parfaitement exact, et à un manque d’espoir. Il faudra donc faire plus pour ceux qui ont moins.

Ayons toutefois le courage de reconnaître que tout n’est pas qu’une affaire d’argent.

M. Michel Bouvard. Très juste !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Depuis des années, des gouvernements de gauche comme des gouvernements de droite ont mobilisé des moyens considérables, issus du travail des Français et du produit de leurs impôts mais la société n’a pas toujours obtenu la récompense de cet investissement sans précédent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Ayons le courage de dire à un certain nombre de jeunes que le proverbe populaire « Aide-toi, le ciel d’aidera » vaut dans nos quartiers comme dans toutes nos familles de France ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Ayons le courage de dire que l’État peut d’autant plus aider celui qui a la volonté de se lever tôt le matin pour travailler et s’en sortir ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Aucune solution ne peut se construire sans volonté personnelle ! (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Oui, monsieur Ayrault, il faudra tourner le dos, vous avez raison, à la stratégie de justification de la violence. Le Gouvernement a apprécié votre soutien parce que nous avons besoin de tout le monde. À force d’expliquer l’inexplicable depuis trop longtemps dans notre pays, on est arrivé au seul résultat d’excuser l’inexcusable ! Telle est la réalité ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Je ne polémiquerai pas sur l’instrumentalisation de la peur, c’est votre droit de le penser.

M. René Rouquet. C’est exactement ce que vous faites !

M. Jean-Marc Ayrault. Absolument !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Mais si vous considérez, monsieur le président Ayrault, que nous avons instrumentalisé la peur, c’est peut-être bien que vous nous l’avez léguée en héritage ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Hollande. Et vous, qu’allez-vous nous laisser en héritage ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. On ne peut pas instrumentaliser ce qui n’existe pas !

Je ne dirai pas que la stratégie policière du gouvernement de Dominique de Villepin comme de celui de Jean-Pierre Raffarin, est parfaite. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) La délinquance a baissé de 8 %, et sans doute pouvions-nous faire mieux encore. Cependant si vous êtes sévère avec le bilan de Dominique de Villepin et avec le mien, que devez-vous penser du vôtre et de celui de vos amis ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Quant aux ADS, monsieur Ayrault, ils n’ont jamais été supprimés, mais il faut arrêter d’envoyer les plus jeunes et les plus inexpérimentés de nos fonctionnaires, comme l’a rappelé M. Lagarde, dans les quartiers les plus difficiles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Nous ne voulons pas de l’ordre des religieux, même si le Gouvernement a apprécié la prise de position courageuse d’un certain nombre d’organisations à ce sujet. Puisque le Premier ministre a dit combien l’attaque de la mosquée de Clichy-sous-Bois nous a émus, il me paraît juste, après en avoir parlé avec lui, de dire combien nous l’avons été également par celle d’églises au moyen de cocktails Molotov ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Les lieux de cultes sont égaux en droits, en devoirs et en émotions. Je regrette que personne n’en ait parlé dans son intervention ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Oui, monsieur Lagarde, oui, monsieur Accoyer, il faut penser aux victimes. Le Premier ministre a demandé à Thierry Breton de traiter ce problème en urgence. Simplement, messieurs, nous ne voulons pas que nos actions en faveur des victimes – et elles seront nombreuses – soient interprétées comme un appel et que des gens peu scrupuleux en profitent ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Les décisions concernant les victimes seront donc annoncées une fois que l’ordre républicain aura été rétabli et que nous serons sortis de cette crise ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Concernant le couvre-feu, monsieur Lagarde, il n’est pas question de le mettre en œuvre sans prendre l’avis des maires. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Le Premier ministre m’a demandé qu’il soit fait une application mesurée de ce qui est une décision de prévention et de précaution.

M. Maxime Gremetz. C’est un aveu d’impuissance ! C’est honteux !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Elle ne remet en cause la liberté de personne.

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. On verra !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Je m’interroge d’ailleurs sur le fait que, en matière de liberté, M. Asensi, au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, vienne expliquer ce qu’il en est à l’ensemble de la représentation nationale ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Liberti. Heureusement qu’il ne faut pas de polémique !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Vous avez raison de dire, monsieur Asensi, que la France multiple est une chance. S’il n’y avait eu, comme les appelle un triste représentant d’une formation politique, que des Français de souche, il n’est pas certain que nous aurions remporté la Coupe du monde de football en 1998. (Murmures.) Donc, la multiplicité de la France est une chance, mais pas simplement pour une équipe sportive ! Néanmoins notre devoir est de lui dire que, si elle a des droits –…

M. Maxime Gremetz. Les droits ne sont pas une générosité ! Ce sont des droits constitutionnels et la Constitution, ce n’est pas vous !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …et peut-être n’avons-nous pas été assez généreux – elle a aussi des devoirs et sans doute n’avons-nous pas été assez fermes pour les rappeler à tous ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ce problème se pose dans l’ensemble de nos quartiers.

Enfin, vous avez eu parfaitement raison, monsieur Accoyer, de parler des familles. Vous croyez, comme nous, à la famille, mais, dans notre esprit, la famille n’est pas simplement un moyen d’obtenir des allocations. Elle est aussi le lieu où doit s’exercer une autorité. Un jour, nous devrons clairement poser la question du maintien des allocations en cas de manquement de cette autorité ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mesdames et messieurs, telle est la réponse que Dominique de Villepin et moi souhaitions vous faire au nom du Gouvernement ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire dont la plupart des membres se lèvent. – Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Le débat est clos.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Loi de finances pour 2006

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (n°s 2540, 2568).

Écologie et développement durable

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’écologie et au développement durable.

Je rappelle que la discussion des crédits de cette mission a eu lieu, à titre principal, en commission des finances élargie. Le compte rendu de cette réunion sera annexé à celui

de la présente séance.

Cette mission va donc faire l’objet, en séance publique, d’un débat restreint auquel prendront part le Gouvernement, pour une brève intervention, et un orateur par groupe, pour une explication de vote de cinq minutes.

La parole est à Mme la ministre de l’écologie et du développement durable.

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable. Dans la mesure où je me suis très longuement exprimée en commission élargie, je n’interviendrai pas à nouveau, mais je répondrai volontiers à toute question.

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marcelle Ramonet, pour le groupe UMP.

Mme Marcelle Ramonet. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l’adoption de la charte de l’environnement, désormais adossée à notre loi fondamentale, place la France à la tête des nations engagées dans la préservation et la reconquête de l’environnement.

À travers nos choix du présent, nous posons assurément les bases d’une société plus respectueuse de son environnement, plus vertueuse sur le plan de l’équilibre entre l’activité humaine et son emprise sur les milieux, plus responsable enfin, en instaurant de bonnes pratiques liées au développement durable.

L’examen des crédits pour 2006 est l’occasion de réaffirmer la dynamique engagée depuis 2002 sur toutes les problématiques environnementales et leur intégration dans nos politiques publiques. Les enjeux sont multiples et complexes, et nous sommes d’autant plus attentifs à la maîtrise des dépenses et à une bonne corrélation entre l’engagement financier et l’efficacité des interventions.

Grâce aux actions volontaristes de votre ministère, madame la ministre, qui s’inscrivent, d’une part, dans la mission ministérielle « écologie et développement durable » et, d’autre part, pour un programme, dans la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur », vous apportez des réponses offensives.

Le groupe UMP salue les efforts constants du Gouvernement puisque, pour 2006, le montant des autorisations d’engagement est de 913 millions d’euros, les crédits de paiements s’élevant à 895 millions d’euros. De plus, le concept de développement durable irrigue désormais toutes nos politiques publiques et l’effort de notre pays en faveur de l’environnement va bien au-delà des crédits du ministère. L’écologie et le développement durable relèvent d’une action transversale.

Globalement, les différentes missions ministérielles représentent 2,6 milliards d’euros de crédits, dont 633 millions pour les mesures agri-environnementales.

Par ailleurs, les établissements sous tutelle de votre ministère, qui ont le plus souvent un financement propre, comme l’ADEME, L’IFEN ou l’INERIS, ou encore les agences de l’eau, sont dotées d’une enveloppe de 2,4 milliards d’euros, dont 1,9 milliard pour les seules agences de l’eau.

À cela s’ajoute l’action des collectivités territoriales et locales, pour un montant de 27 milliards d’euros.

Au final, la réalité de l’action de notre pays pour son environnement représente 31,8 milliards d’euros par an.

Vos priorités d’action pour 2006 répondent à nos attentes. Il est en ainsi pour la sécurité et la santé de nos concitoyens à travers le programme « prévention des risques et lutte contre les pollutions ».

Dans la lignée de la loi du 30 juillet 2003, vous poursuivez la mise en œuvre des plans de prévention des risques technologiques et de ceux liés aux risques naturels. Vous amplifiez la politique de l’État en matière de gestion et de prévention des crues et des inondations. Il en va de même pour la limitation des nuisances pour les pollutions industrielles ou agricoles et les contrôles des installations classées.

Sur le plan du climat, vous entendez tenir nos engagements internationaux avec l’économie annuelle de 54 millions de tonnes d’équivalent pétrole de CO2. L’objectif – diviser par quatre nos émissions d’ici à 2050 – est ambitieux. Notre politique s’inscrit dans le droit fil du protocole de Kyoto, qui prône un développement soutenu des énergies renouvelables au sein de l’OCDE. Ainsi, en 2010, 21 % de la production électrique devra provenir d’énergies renouvelables.

Le Gouvernement a aussi pris des mesures offensives en faveur des biocarburants.

Le triptyque reposant sur les économies d’énergie, le développement des technologies propres et les énergies renouvelables est assurément la réponse. Le rôle central dévolu à l’ADEME est affirmé avec l’affectation de la taxe intérieure sur les consommations de gaz naturel, 170 millions d’euros par an.

S’agissant du programme « gestion des milieux et biodiversité », nous attendons la future loi sur les parcs nationaux, qui nous permettra de renforcer la protection et la valorisation des espaces naturels. De même, je suis satisfaite qu’en 2006, notre pays comble son retard dans la mise en œuvre du réseau Natura 2000.

Elue d’une région maritime, je suis sensible au renforcement des actions et des moyens du conservatoire du littoral avec l’affectation de 80 % du droit de francisation des navires, mais aussi à votre volonté d’agir fortement sur les milieux aquatiques et la préservation de la ressource en eau.

La future loi sur l’eau qui viendra devant notre assemblée au début de 2006 doit être l’occasion d’engager une refonte et une clarification des rôles respectifs des différents acteurs dans la politique de l’eau.

Devant ce budget d’action, madame la ministre, le groupe UMP, confiant dans votre politique, vous accorde son soutien résolu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Merci !

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour le groupe socialiste.

Mme Geneviève Gaillard. Madame la ministre, pour la troisième année consécutive, je suis dans l’obligation de constater que le budget du ministère de l’écologie et du développement durable est en diminution. Vous allez me répondre, comme d’habitude, qu’un bon budget ne s’apprécie pas à l’aune de ses crédits mais, ainsi que l’a souligné l’un de mes collègues en commission élargie, bientôt, avec rien, nous arriverons à faire tout. Or nous savons très bien qu’en matière d’écologie et de protection de l’environnement, nos concitoyens ont de très fortes attentes. Nous savons bien aussi que ce sont toujours les populations les plus défavorisées qui subissent de plein fouet les effets des problèmes écologiques.

Ce budget de l’environnement représente à peu près 0,3 % du budget de l’État, ce qui, avouez-le, est relativement faible. Il diminue d’environ 2 % cette année. Les autorisations d’engagement, qui étaient de 791 millions d’euros, passent à 612 millions d’euros pour 2006, et des annulations budgétaires sont déjà en cours pour un montant de 29 millions d’euros environ. Je crains donc qu’il ne puisse répondre aux attentes.

Comme je viens de le souligner, ce sont les populations les plus défavorisées qui vont prendre de plein fouet la dégradation de la situation, mais aussi les associations. Si, sur le terrain, elles ont un rôle extraordinaire à jouer, elles subissent depuis quelques années déjà la baisse des crédits.

Même si le fonctionnement de l’ADEME, dont nous connaissons tous le travail extraordinaire, va bénéficier de taxes affectées, son budget n’est pas à la hauteur de ce que nous sommes en droit d’attendre. Alors que la lutte contre les gaz à effet de serre et les changements climatiques sont une priorité de votre gouvernement, comment voulez-vous qu’avec le budget qui sera le sien l’ADEME parvienne à atteindre les objectifs que vous lui avez assignés ? On connaît en outre les insuffisances de la gestion des déchets.

Je pense que, dans ces conditions, nous allons au-devant de graves déconvenues au cours de l’année 2006.

Je veux également insister, comme ma collègue Marcelle Ramonet, sur le caractère anticonstitutionnel de ce projet de budget.

Nous avons en effet voté une charte de l’environnement, qui introduit dans notre Constitution un certain nombre de principes. De plus, en 2003, le Premier ministre de l’époque nous avait dit que la stratégie du développement durable devait orienter toutes les politiques du Gouvernement. Or, si l’on considère l’ensemble du projet de loi de finances, on s’aperçoit que les crédits consacrés au développement durable, en particulier au volet « protection de l’environnement – écologie » sont loin d’être à la hauteur. Ce budget n’obéit donc pas aux principes que nous avons constitutionnalisés l’hiver dernier.

L’absence d’indicateur nous permettant d’appréhender la transversalité de la politique de développement durable empêche – je l’ai souligné en commission élargie – une appréciation fine de l’action du Gouvernement dans ce domaine et des crédits qui y sont consacrés. Il faut que, dans les années qui viennent, vous vous attachiez à mettre au point un tel document, pour que nous puissions enfin nous y retrouver.

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Cela n’a jamais été fait.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, du développement et du territoire. C’est en cours d’élaboration.

Mme Geneviève Gaillard. Il faut le faire !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Tout à fait !

Mme Geneviève Gaillard. Rien de tel n’apparaît dans ce projet de budget.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, le groupe socialiste ne votera pas ce budget étriqué, dont les crédits sont en diminution et qui n’est pas à la hauteur des enjeux de notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean Lassalle. Ce budget s’élève à 620 millions d’euros : par les temps qui courent il est difficile de faire plus. Quand on sait que, l’an passé, la société Total a dégagé 10 milliards d’euros de bénéfices, on comprend, madame la ministre, que vous ne pouvez pas faire grand-chose, même si vous essayez de faire de votre mieux, comme ceux qui vous ont précédé.

Tout le monde a relevé l’empilement des structures en charge de l’environnement. Nous avons noté que vous aviez demandé à l’inspection générale de l’environnement de présenter à cet égard des propositions de simplification.

Ainsi que cela a déjà été relevé, l’ADEME reçoit des moyens nouveaux. Elle sera financée par le produit de la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation applicables aux véhicules à forte émission de gaz carbonique, à hauteur de 15 millions d’euros – cela ne représente guère que deux fois le salaire de M. Desmarets, patron de Total, qui était de 6 millions l’an dernier ; c’est déjà pas mal, mais on doit pouvoir faire mieux (Sourires.) – ainsi que les recettes de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel, à hauteur de 170 millions.

Le soutien aux biocarburants va dans le bon sens, pour nous qui avons toujours prôné une politique très volontariste dans ce domaine. Nous avons noté vos efforts en faveur de leur incorporation dans les carburants fossiles, mais nous souhaiterions que vous vous fixiez comme horizon 2008 plutôt que 2010.

Nous jugeons intéressante l’idée d’un péage urbain – quoi qu’elle ne soit peut-être pas des plus faciles à défendre en ce moment – pour faire payer les utilisateurs de véhicules à forte émission de gaz carbonique.

Vous êtes à la tête du ministère qui, en dépit de la modestie de son budget, suscite le plus d’attente chez nos concitoyens, et c’est ce qui rend votre tâche si difficile. Nos concitoyens sont en effet très sensibles aux questions d’écologie et d’environnement. Il est vrai que l’effort du Gouvernement en la matière ne doit pas être réduit aux crédits de votre ministère : comme vous l’avez dit, s’agissant d’une politique transversale, elle trouve sa traduction dans d’autres budgets.

Cela étant, un profond malentendu oppose l’État et les citoyens depuis la création d’un ministère en charge de l’environnement. En effet, ce dernier n’est pas adapté aux grands défis de notre temps ; la faute ne vous en incombe pas, ni même à ceux qui vous ont précédée. Je pense notamment à l’urbanisation massive auquel notre monde aura à faire face dans les années qui viennent.

Selon l’OCDE, alors qu’aujourd’hui 70 % des 6,5 milliards d’habitants de la planète sont des ruraux, les pourcentages vont s’inverser dans les quinze ans qui viennent. On en voit déjà les résultats malheureux en France, où 20 % du territoire accueillent 80 % de nos concitoyens. On a du mal à imaginer la situation mondiale lorsque cette tendance se précisera. D’après le même organisme, il y aura alors des villes de plus de trente, voire quarante millions d’habitants.

M. Philippe Folliot. C’est triste !

M. Jean Lassalle. On demande donc au ministère de l’écologie d’apporter des réponses à des problèmes qu’il est incapable de résoudre. Tout ce que nous pouvons faire, c’est de tout mettre en œuvre pour attirer l’attention de nos concitoyens sur les grands maux de notre temps. Toutefois il ne faut pas faire de nos campagnes la cause de tous les maux. Je vous assure qu’elles vivent mal le flot de textes et de directives qui les frappent. Chez nous les paysages sont restés immuables.

Il semble malheureusement que l’espèce humaine sera bientôt l’espèce la plus rare et la plus difficile à préserver. À un moment où l’on se soucie beaucoup de la préservation des espèces, on oublie un peu trop celle-là.

Pour toutes ces raisons, madame, notre groupe s’abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, dernier orateur inscrit.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l'actualité de cet été a été dominée par les conséquences de la sécheresse qui a durement frappé le pays, notamment la partie ouest du territoire. Pendant la même période, en particulier dans le Puy-de-Dôme, de nombreuses parcelles de cultures d'OGM ont été détruites par des faucheurs volontaires.

Alors que le programme Reach est en négociation à Bruxelles, un rapport d'information du Sénat vient de dresser le bilan des ravages de l'amiante : presque cent mille personnes, essentiellement des ouvriers, mourront du fait de l'utilisation criminelle de l'amiante dans l’industrie.

Comment enfin ne pas penser aux destructions causées par le cyclone Katrina aux États-Unis : de plus en plus de scientifiques sont persuadés que la violence croissante des cyclones dans les zones tropicales est une conséquence directe du réchauffement climatique.

Au vu de l'exacerbation, ces derniers mois, des problèmes liés à l'environnement, nous attendions une mobilisation des pouvoirs publics qui soit simplement à la hauteur de ces événements, surtout depuis que la charte de l’environnement a été adossée à la Constitution. Personne ne pourra contester ici que, avec ce budget, nous serons loin du compte. S’il est stable en apparence par rapport à l'année dernière – à l’inverse des pharamineux profits du CAC 40 – il représente une part des dépenses de l'État inversement proportionnelle à son importance politique, soit à peine 0,23 % de l’ensemble des crédits soumis au vote du Parlement.

Puisque nous ne disposons que de cinq petites minutes pour intervenir, je me contenterai de quatre exemples pour illustrer mes propos : le réchauffement climatique et l’épuisement progressif des énergies fossiles, la gestion des déchets, les crédits de fonctionnement des parcs naturels régionaux, la politique de prévention des risques technologiques et des pollutions.

Le réchauffement climatique et l’épuisement progressif des énergies fossiles interrogent la pertinence de notre politique énergétique sur le long terme. Le développement des énergies renouvelables est évidemment au cœur de cette problématique. La République a bâti, avec EDF, un formidable établissement public, qui dispose des capacités financières et techniques pour répondre, en partie, à cet enjeu. Or, plutôt que d'utiliser ce merveilleux outil, le Gouvernement a préféré le jeter en pâture aux marchés financiers : combien de projets d'investissement dans la recherche seront bientôt sacrifiés au profit d'opérations financières de croissance externe ou pour acquitter des charges financières toujours plus lourdes ?

La gestion des déchets devient également de plus en plus préoccupante : la loi de 1992 est à bout de souffle, madame la ministre. Notre réglementation ne suffit plus à maîtriser ni l'explosion des déchets ménagers ni celle de leur coût pour les ménages français. Les sociétés agréées, comme Eco-emballages, sont sous la coupe d'industriels que les profits intéressent plus que la maîtrise de la production des déchets. De fait, comme nombre de collectivités territoriales sont démunies en ce domaine, des dizaines de départements ne seront bientôt plus en mesure de traiter leurs déchets ménagers. Aussi devrons-nous refonder notre politique en la matière, autour de la prévention de la production de déchets et de la maîtrise publique de leur traitement. J’ai d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens. Face à cette exigence, vous avez fait le choix de l’attentisme, ce que nous ne pouvons plus accepter.

Madame la ministre, je vous ai interpellée, en commission élargie, sur la baisse dramatique, à hauteur de 20 %, des crédits de fonctionnement des parcs naturels régionaux. Je n'ai pas eu de réponse. Ces restrictions budgétaires sont pourtant lourdes de conséquences pour le bon fonctionnement de ces parcs, qui contribuent à un développement plus respectueux de notre environnement. Comment justifiez-vous une baisse aussi importante de leur dotation budgétaire d'État ? Dans quelle mesure pouvez-vous garantir le bon fonctionnement de ces parcs naturels régionaux ? Votre silence sur ce point nous inquiète, comme il inquiète un grand nombre d'acteurs locaux.

M. Philippe Rouault, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Quelle mauvaise foi !

M. André Chassaigne. Voilà ! Comme d’habitude, quand nous posons des questions précises et sérieuses, on nous accuse de mauvaise foi !

Enfin la politique de prévention des risques technologiques et des pollutions recouvre des questions extrêmement diverses, depuis la prévention des risques industriels jusqu'au problème des OGM. Sur ce dernier sujet, qui relève strictement de votre budget, les moyens des pouvoirs publics sont notoirement insuffisants. Il est inacceptable qu’en France plus de mille hectares de maïs transgéniques soient cultivés à des fins commerciales, à l'insu, dit-on, des pouvoirs publics, sans qu'aucune réglementation n’ait été votée au Parlement sur ce problème délicat. Il s'agit d'une véritable offense à la puissance publique et d’une conséquence évidente de la faiblesse de vos dotations budgétaires. On doit y voir aussi l'expression d'un véritable mépris pour la mission d'information parlementaire, dont les travaux n'ont toujours pas été pris en compte.

Vous ne serez donc pas surpris qu’une fois de plus les députés communistes et républicains rejettent le budget de cette mission « écologie et développement durable ». (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mission
« écologie et développement durable »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « écologie et développement durable ».

État B

M. le président. Sur l’état B, je suis saisi de plusieurs amendements.

La parole est à M. Alfred Trassy-Paillogues, pour soutenir le premier de ces amendements, l’amendement n° 181.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Madame la ministre, je m’étais déjà exprimé au sujet de l’ONERC lors de la commission élargie. Je vous avais alors indiqué que je n’avais toujours pas, après dix-huit mois de recherche, trouvé de valeur ajoutée à cet organisme, et que je n’avais pas réussi à obtenir de vos services des précisions sur la nature exacte des dépenses de déplacement, de communication, de frais d’impression et autres.

Depuis cette réunion, j’ai essayé de glaner quelques renseignements auprès de vos services et auprès d’un administrateur de la commission des affaires économiques au sujet des organismes qui ont une activité connexe. Je citerai la MIES, la Mission interministérielle de l’effet de serre, le GICC, programme de gestion des impacts du changement climatique, le GIEC, groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, la Société météorologique de France, l’Institut du développement durable et des relations internationales, le Centre d’économie et d’éthique pour l’environnement et le développement, le Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, l’association 4D, Dossiers et débats pour le développement durable, la Mission changements climatiques et effet de serre , l’Organisation météorologique mondiale, le RAC-F, Réseau action climat de France, et ses quatorze associations. Et ma liste n’est pas exhaustive.

Je n’ai pas pu avoir de renseignements sur les financements publics qui allaient en direction de ces organismes, ce qui prouve les limites de la LOLF. On pare cette nouvelle procédure de toutes les qualités, mais je pense qu’en raisonnant par missions, on arrive à occulter la destination des crédits, alors même que ces crédits profitent parfois à des organismes dont la valeur ajoutée n’est pas avérée.

En commission, le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, Jean-Jacques Guillet, a fait part de sa crainte que ces organismes ne puissent être présents aux colloques nationaux et internationaux. Je l’avais alors rassuré mais aujourd’hui je serai encore plus précis : en 2004, l’ONERC et la MIES ont été présents en France, à Aix-en-Provence, Angers, Avignon, Caen, Chamonix, Clermont-Ferrand, Dijon, Dunkerque, Grenoble, Guéret, La Rochelle, Lyon, Nice, Nîmes, Pau, Poitiers, Rennes, Strasbourg et Toulouse. Pour ce qui est des événements internationaux, ils se sont rendus à Alborg au Danemark, à Amersfoort, Amsterdam, Berlin, Bonn, Bruxelles, Buenos-Aires – dix jours en décembre 2004 –, Copenhague, Den Hague, Dublin, en Gambie, à Genève, Graz, Leipzig, Lillehammer, Londres, au Luxembourg, au Maroc, à Moscou, Montréal, New Delhi, Norwich, Oslo, Ouagadougou, Pékin, au Portugal, à Rome, Schiphol, Stockholm, Sydney, Tokyo, Trieste, Vienne, Washington et Wellington. Vous le voyez, cher collègue, notre présence à l’international sur ces sujets est très forte. (Sourires.)

Quand je me suis préoccupé du niveau élevé des notes de frais liés à ces déplacements, il m’a été répondu que les billets d’avion étaient parfois pris au dernier moment. Chacun sait que ces grands colloques internationaux sont organisés au dernier moment, et donc que les billets d’avion doivent être payés au prix fort. J’ai aussi constaté que certains de ces déplacements se faisaient en classe affaires mais il est vrai que, quand on se rend à Sydney ou à Wellington, le jet-lag peut être dur à supporter.

J’ai remarqué aussi qu’apparaissaient dans ces frais de déplacement de l’ONERC et de la MIES des personnes qui n’appartenaient ni à l’une ni à l’autre de ces missions.

Madame la ministre, je crois que vous avez besoin de crédits pour certaines missions – l’un de nos collègues tout à l’heure a appelé de ses vœux une augmentation des crédits pour les parcs nationaux. Eh bien, je vous donne l’occasion grâce à cet amendement de redéployer 1 million d’euros. (Sourires sur quelques bancs.) Quoi qu’il en soit, au-delà d’une lecture un petit peu anecdotique de ces faits, qui sont malheureusement avérés, je crois qu’il est urgent non pas d’attendre mais d’agir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 181.

M. Philippe Rouault, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. La commission n’a pas examiné cet amendement.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est dommage !

M. Philippe Rouault, rapporteur spécial. Mais j’indique à Alfred Trassy-Paillogues que les conclusions du contrôle sur pièces et sur place que j’ai effectué au siège de l’Observatoire national des effets du réchauffement climatique seront connues au début de l’année 2006. Mme la ministre aura alors tous les éléments en main pour forger son opinion. Pour l’heure, je ne veux pas préjuger les conclusions de ce rapport et bien que je sois, comme lui, soucieux d’une gestion rigoureuse de l’argent public, je demande à mon collègue de bien vouloir retirer son amendement.

M. Jean Dionis du Séjour. Non ! Tiens bon, Alfred ! (Sourires.)

M. Philippe Rouault, rapporteur spécial. Dans le cas contraire, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Monsieur le député, sachez que je partage votre souci d’épargner ou en tout cas de rendre des comptes sur l’argent public. Dès ma prise de fonctions dans ce ministère le 1er juin dernier, j’ai souhaité que chaque « satellite » soit soumis à un audit. Comme vous, je veux savoir comment l’argent est utilisé.

S’agissant des deux organismes que vous pointez, je tiens à vous préciser que la MIES n’a pas un budget individualisé et qu’elle est sur la même ligne budgétaire que l’ONERC, conformément aux textes. Il n’est donc pas possible d’estimer le budget de l’ONERC à 1 million d’euros aujourd’hui, celui-ci regroupant en fait les crédits d’études et de la masse salariale de la MIES et de l’ONERC réunis.

Les débats parlementaires ont été l’occasion de mettre en avant la complémentarité des missions assurées par la MIES et l’ONERC lors de sa création en 2002 et le rapporteur spécial, M. Rouault, a proposé qu’un audit soit réalisé sur l’ONERC en 2006.

Je souhaiterais que vous ayez la gentillesse, monsieur le député, de retirer cet amendement, faute de quoi je serais contrainte d’émettre un avis défavorable en attendant de connaître les résultats de l’audit qui me semble intéressant pour pouvoir me faire une idée précise et des missions et de l’utilisation des fonds publics. Sachez que j’en rendrai compte au Parlement car j’ai bien l’intention que les choses soient les plus transparentes possibles.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Siégeant au conseil de l’ONERC en tant que membre suppléant, je m’étonne que M. Trassy-Paillogues n’obtienne pas les renseignements qu’il souhaite, puisque le membre titulaire se trouve être un collègue de son groupe.

Quoi qu’il en soit, je remarque une différence dans le ton employé aujourd’hui par rapport à ce que nous avions entendu en commission. Je regrette la méthode employée de l’anecdote, qui consiste à attaquer ces organismes par le biais de leurs frais de déplacement. C’est un peu facile. À ce compte-là, nombre de nos groupes d’amitié pourraient voir leur fonctionnement mis en cause.

De plus, je ne suis pas sûr que le fait d’adresser vos critiques à la fois à la MIES et à l’ONERC, ce qui est nouveau de votre part, constitue un progrès.

Si je partage vos craintes quant à une trop grande dispersion des efforts et votre souhait d’une remise en ordre, je remarque que l’ONERC a publié un rapport sur l’adaptation aux conséquences du réchauffement climatique. Or la première question posée par la mission sur l’effet de serre, à laquelle je fais partie, portait sur l’adaptation. L’ONERC aurait donc plutôt de l’avance, ce qui n’est guère étonnant puisque, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, cet organisme travaille en liaison étroite avec le délégué interministériel au développement durable et avec la MIES. Balayer d’un revers de main le travail de l’ONERC me paraît un peu excessif.

Par ailleurs, puisque vous avez cité à juste titre tous les organismes qui gravitent autour de ces sujets, je suis d’accord avec vous pour considérer qu’il faut mettre de l’ordre dans la boutique. Je vois toutefois un intérêt à la composition diversifiée de l’ONERC et je ne voudrais pas que la recherche d’une plus grande cohérence conduise à ne plus faire appel pour siéger au conseil d’orientation, comme c’est le cas actuellement, à des personnalités qualifiées, des représentants du Parlement et des associations qui suivent ces sujets.

En conclusion, je suis d’accord pour mettre de l’ordre mais pas dans la précipitation.

M. le président. La parole est à M. Alfred Trassy-Paillogues.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Madame la ministre, je ne doute pas de votre bonne foi dans cette affaire-là. Vous avez exprimé le souhait que j’aie la gentillesse de retirer mon amendement. Je l’aurais fait volontiers si je ne m’étais pas heurté depuis dix-huit mois à une fin de non-recevoir systématique de la part de vos services, attitude que je trouve inacceptable à l’égard d’un parlementaire. On m’a même accusé, je l’ai rapporté l’autre jour en commission, d’être subversif en posant de telles questions. Je pensais qu’en revenant à la charge en commission, j’aurais plus d’ouverture d’esprit auprès de vos services. Je constate qu’il n’en est rien. Je me vois donc dans l’obligation de maintenir mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Au nom du groupe UDF, je tiens à dire que nous soutiendrons Alfred Trassy-Paillogues. Ayant été plusieurs fois rapporteur, il a déjà eu l’occasion de prouver son sérieux. Aujourd’hui, il est dans son rôle en mettant en évidence, preuves à l’appui, une dérive, non pas sur le fond mais dans l’utilisation de l’argent public. Il est tout à fait dans l’esprit de la LOLF en présentant ce type d’amendement. Si des éléments nouveaux intervenaient d’ici à l’examen au Sénat, vous pourrez reprendre la main, madame la ministre. En attendant, je crois que nous sommes vraiment dans notre rôle de parlementaires en votant cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Je voudrais profiter de l’occasion, madame la ministre, pour vous poser une question, en espérant une réponse.

Il y a trois ans, Jacques Pélissard et moi-même avons fait voter une taxe sur les courriers non adressés. Chacun connaît la situation difficile des syndicats d’ordures ménagères et l’évolution forte des taxes, et chacun mesure le poids de la publicité qui arrive dans nos boîtes aux lettres.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il n’est pas pensable que ces centaines de milliers de tonnes de courriers non adressés ne puissent pas participer au coût de la collecte pour permettre de maîtriser la taxe sur les ordures ménagères.

M. Jean Dionis du Séjour et M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. C’est une question de justice, d’efficacité et de maîtrise des déchets.

M. Jean Dionis du Séjour. Pollueur payeur !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Le Conseil constitutionnel avait repoussé le premier texte du Parlement au prétexte qu’aucune distinction n’était faite entre la presse d’information et le courrier publicitaire. Nous avons trouvé une solution, mais il semble que le texte soit toujours bloqué.

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Je n’y suis pour rien.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je souhaiterais vraiment qu’avant la fin de l’année nous puissions bénéficier de cet élément de maîtrise des dépenses que constitue Eco-Emballages. Madame la ministre, pouvez-vous faire en sorte que cette taxe, votée il y a trois ans, puisse enfin être appliquée ?

M. Christophe Caresche. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard.

Mme Geneviève Gaillard. Je voudrais revenir à l’ONERC. M. Dionis du Séjour a parlé d’une dérive dans l’utilisation de l’argent public. Je crois que la moindre des choses serait d’attendre les conclusions de l’enquête pour pouvoir juger.

M. Jean Dionis du Séjour. Non.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Pourquoi toujours attendre ?

Mme Geneviève Gaillard. Quand on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage.

Il faut remettre à plat les missions de l’ONERC et de la MIES, car ce ne sont pas tout à fait les mêmes.

Aujourd’hui, l’ONERC est chargé de prévoir l’adaptation du territoire aux changements climatiques. On connaît, il suffit de voir ce qui vient de se passer aux États-Unis, l’incidence d’un réchauffement climatique. Donc, avant de vouloir supprimer un tel établissement…

M. Jean Dionis du Séjour. Il ne s’agit pas de cela !

Mme Geneviève Gaillard. …je crois qu’il faut faire la lumière sur les missions et l’état de l’ONERC.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 181.

(L'amendement est adopté.)

M. Jean Dionis du Séjour et M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 147.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le soutenir.

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Point n’étant besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer, je demande, pour la troisième année consécutive, le renforcement des moyens humains de la Mission interministérielle de l’effet de serre, que je tiens à bien distinguer de l’ONERC dont on vient de parler.

La Mission interministérielle de l’effet de serre est chargée de conduire, au nom du Gouvernement, la politique nationale d’allocation de quotas ainsi que la politique de lutte contre le réchauffement climatique. Elle a également un rôle d’expertise dans les négociations internationales où nous sommes, malgré la liste qu’indiquait notre collègue Trassy-Paillogues, peu présents s’agissant des experts scientifiques. Ainsi, il n’y avait pas un seul scientifique français à la conférence de Buenos Aires dont vous avez parlé, ce qui contrastait par rapport aux autres pays européens.

Je crois donc qu’il faut augmenter les effectifs de la Mission interministérielle pour l’effet de serre. En effet, alors que la France se veut exemplaire et que vous-même, madame la ministre, voulez faire de la lutte contre le réchauffement climatique une des priorités du ministère de l’écologie et du développement durable, l’Allemagne dispose de 90 personnes au sein de l’Agence fédérale de l’environnement et la Grande-Bretagne de 35 personnes pour remplir un rôle identique à celui de notre mission interministérielle pour l’effet de serre, dont les effectifs se limitent à 9,5 personnes – la demie correspondant à un mi-temps. Cela rend sa tâche d’autant plus difficile qu’elle doit actuellement opérer les recensements nécessaires au plan d’allocation de quotas.

Cet amendement a donc pour but de transférer, au sein de la mission « écologie et développement durable », c'est-à-dire dans le respect strict de l’article 40 – et je parle sous le contrôle du rapporteur de la commission des finances –, 450 000 euros du programme « conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable » au programme « prévention des risques et lutte contre les pollutions », ce qui permettrait d’accorder à la MIES quatre postes supplémentaires, lesquels viendront s’ajouter aux deux qui figurent déjà sur l’état du ministère de l’écologie et du développement durable, les autres étant détachés d’autre ministères.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Rouault, rapporteur spécial. La commission des finances n’a pas examiné cet amendement. La Mission interministérielle de l’effet de serre joue certes un rôle important dans la coordination de l’action de la France dans sa lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, mais l’amendement précédent vient de réduire d’un million d’euros les crédits du budget de l’écologie. Vous ne pouvez donc plus utiliser cet argent ou une partie de l’argent que vous espériez récupérer de l’ONERC pour la MIES, compte tenu de l’équilibre exigé par l’article 40. Puisque son budget est réduit d’un million d’euros, il faudra que le ministère trouve cet argent ailleurs.

Je ne puis donc qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement. Il aurait été sage que le précédent amendement ainsi que celui-ci soient retirés afin que, le mois de janvier venu, la ministre puisse rendre les arbitrages nécessaires.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. L'amendement présenté traduit la volonté de renforcer durablement les moyens alloués à la MIES et de rendre parfaitement lisible son action. Je ne peux que souscrire sur le fond à de tels principes. Néanmoins, comme vient de le rappeler le rapporteur, dans un contexte de diminution sensible des moyens, les crédits budgétaires de la MIES ont été préservés lors du rattachement de sa gestion à mon ministère en 2004.

Les moyens humains résultent pour l'essentiel de la mise à disposition du MEDD par les ministères techniques de cadres experts dans leur domaine. Cette modalité me paraît cohérente avec le statut de mission interministérielle et avec le caractère transversal du thème du changement climatique.

L'amendement propose un transfert du budget d'études de la MIES et des moyens humains supplémentaires du programme 211 vers le programme 181 de la LOLF. Les missions de la MIES, qu'il s'agisse aussi bien de l'impulsion et du suivi des politiques Climat, des réflexions à long terme de type « division par 4 », du pilotage des négociations Climat aux plans international et européen, me paraissent respecter les logiques inhérentes à l'intitulé du programme 211.

Par ailleurs, l'action 6, « lutte contre le changement climatique », du programme 181, « prévention des risques et lutte contre les pollutions », n'héberge en effet que certaines aides publiques versées par l’ADEME, aides ADEME à des actions améliorant l'efficacité énergétique. Il me paraît donc judicieux de ne pas procéder à un transfert, qui restera partiel, des moyens de la MIES tant que les conclusions de l'audit ne seront pas tirées.

Je rappelle d’autre part que les crédits de masse salariale sont en tout état de cause inscrits dans le programme 211, « conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable ».

Enfin si le souci légitime de cet amendement est d’obtenir une meilleure lisibilité de la politique Climat et des conditions de pilotage, on peut indiquer que le gouvernement envisage de créer un document transversal « climat », qui permettra d'identifier dans l’ensemble des programmes de la LOLF les actions qui contribuent pour tout ou partie à la lutte contre le changement climatique. Si la décision en était prise, elle pourrait devenir opérationnelle dès la LFI 2007.

Dans ces conditions, je souhaiterais, monsieur Guillet, que vous retiriez votre amendement, faute de quoi je serai obligée d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Retirez-vous l’amendement, monsieur le rapporteur pour avis ?

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis. Madame la ministre, j’ai bien compris vos arguments et je suis heureux que le Gouvernement envisage pour la LFI 2007 d’établir un état transversal des politiques en matière de réchauffement climatique. C’est en effet indispensable.

Cependant l’amendement dont nous discutons a été voté à l’unanimité des membres la commission des affaires étrangères ; je ne peux donc répondre à votre demande et suis contraint de le laisser en l’état. Je reste de surcroît persuadé qu’il pourrait vous être utile en vous permettant de disposer de fonds supplémentaires, dès lors qu’un million d’euros vous ont été enlevés au titre de l’ONERC. Quant à l’argument de l’article 40 évoqué par le rapporteur de la commission des finances, il me laisse sceptique dans la mesure où l’amendement concernait un transfert de crédits d’un programme à un autre.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Il suffit d’aller à la rencontre de nos concitoyens pour comprendre que le réchauffement climatique, dont nous discutons aujourd’hui, sera le sujet des quinze prochaines années. Or nous voici en train d’ergoter sur un million d’euros, ce qui est en décalage total avec les vrais enjeux ! Pour mettre en œuvre des actions efficaces, il nous faut nous appuyer sur tous les relais, en particulier les relais associatifs. D’où mon regret devant la suppression de l’ONERC, qui impliquait les associations.

Il est heureux que le Gouvernement revienne sur sa politique qui consistait depuis trois ans à supprimer les relais associatifs. Le Premier ministre a promis de redonner des crédits aux associations de terrain. Qu’il continue ! Il est essentiel, si l’on veut éviter d’autres dysfonctionnements, de rendre aux associations périscolaires qui travaillent avec l’Éducation nationale les subventions dont on les a privées.

Cela fait trois ans que les crédits aux associations de terrain qui œuvrent en faveur du climat et de l’environnement baissent. La conception du Gouvernement qui consiste à vouloir se passer des relais associatifs n’est pas la nôtre, car pour mettre en œuvre les économies d’énergie, il va falloir que tout le monde se mobilise. Or les associations ne sont pas représentées à la MIES.

Certains d’entre nous se sont plaints de ne pouvoir obtenir du Gouvernement les chiffres qu’ils souhaitaient. Mais ce n’est pas parce qu’on supprime l’ONERC et qu’on renforce la MIES que nous en aurons davantage. De même, comme l’a rappelé Pierre Méhaignerie, c’est le Gouvernement et l’administration qui freinent la mise en œuvre de la taxe sur les courriers non adressés. Plutôt que de démanteler l’ONERC et de renforcer la MIES, mieux vaudrait donc remettre tout le dispositif à plat, faire un audit et prendre le temps de reconstruire quelque chose d’efficace.

Pour l’heure, vous en êtes réduits à faire du bricolage, parce que vous avez admis la faiblesse globale des crédits de l’écologie.

Mme Geneviève Gaillard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Quel bricolage en effet ! Alors que vous laissez passer sans broncher un budget de l’environnement qui est, de l’avis général, largement insuffisant, vous faites semblant de marquer quelque opposition en faisant fonctionner les vases communicants d’un côté, en fermant un robinet de l’autre, histoire de donner l’impression que vous existez.

Vous me faites penser à ce grand révolutionnaire qu’était Marat : « Pour enchaîner les peuples, on commence par les endormir », disait-il. C’est ce que vous faites aujourd’hui : vous essayez de nous endormir pour cacher l’extrême faiblesse du budget qui nous est présenté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 147.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « économie et développement durable ».

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous en venons à plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 79.

Après l’article 79

M. le président. Je suis d’abord saisi d'un amendement n° 48, deuxième rectification.

La parole est à Yves Jego, pour le soutenir.

M. Yves Jego. Cet amendement concerne une filière en difficulté dans notre pays, celle du retraitement des textiles. Comme vous le savez sans doute, des filières de récupération et de retraitement des textiles se sont mises en place depuis quelques années, au profit d’associations caritatives. Or la crise du textile, liée notamment à des importations massives de produits de faible qualité, met cette filière en péril, dans la mesure où elle a beaucoup de mal à valoriser les produits qu’elle retraite et peine à récupérer lesdits produits, de moins en moins déposés dans les locaux des associations par nos concitoyens. Cette filière représente pourtant dans notre pays 3 000 emplois d’insertion, qui permettent à des personnes en grande difficulté de retrouver une activité.

Nous pouvons, si nous le voulons, nous en remettre aux lois du marché, au risque de voir disparaître cette filière, avec les conséquences que cela comporte en matière d’emploi, mais aussi – et c’est le président d’un syndicat de traitement des ordures ménagères qui vous parle – en matière de charges pour les collectivités. Ce sont ces dernières en effet qui récupèrent en masse ces vêtements dans les usines de traitement des ordures ménagères. Or, je vous rappelle qu’une tonne de textile à éliminer coûte en moyenne 150 euros, auxquels s’ajoute le prix de la collecte.

Notre amendement vise donc à assurer à la filière de retraitement des textiles un financement pérenne, à lui permettre non seulement de maintenir mais d’augmenter son activité. Les premiers contacts que nous avons eus avec des grands opérateurs associatifs comme Emmaüs nous montrent qu’avec un financement garanti sous forme de taxe on peut espérer doubler le nombre d’emplois de la filière et permettre ainsi le développement de ce type d’activité sociale.

Nous proposons donc de taxer la distribution afin de ne pas pénaliser les producteurs de textiles, qui connaissent déjà de graves difficultés de concurrence. Cette taxation pourrait prendre la forme d’un prélèvement sur chaque article vendu dans la grande distribution et la vente par correspondance. Il pourrait s’agir d’un prélèvement forfaitaire – un ou deux centimes par pièce – qui, sans mettre en cause l’équilibre des grands distributeurs, permettrait d’apporter à la filière du retraitement et à ceux qui la font vivre les moyens de développer les emplois d’insertion et de récupérer au profit des plus démunis le textile que nous n’utilisons plus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Rouault, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objectif de trouver une solution aux difficultés que rencontre la filière de recyclage des textiles. Nous sommes plusieurs députés à rechercher un financement stable et à la hauteur des enjeux pour des associations d’insertion comme Emmaüs ou le Relais. Il importe cependant d’être extrêmement prudent s’agissant d’une taxe supplémentaire qui affecterait également les petits commerces de vêtements dans nos bourgs et nos villes. Je vous propose donc, monsieur Jégo, de retirer cet amendement afin d’en mesurer la portée et d’en améliorer la rédaction pour le présenter à nouveau lors de l’examen du collectif budgétaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Comme vous tous ici, je suis attachée à l’emploi et particulièrement soucieuse de préserver les emplois d’insertion qui permettent de remettre sur la route des gens en grande difficulté. Je l’ai d’ailleurs montré lorsque j’étais ministre de l’intégration et de la lutte contre la précarité. Je connais donc particulièrement bien le sujet. Toutefois, ce sont le ministre chargé de la cohésion sociale et celui des finances qui doivent gérer ce dossier. En outre, une notification à la Commission européenne s’impose au-delà d’un certain seuil d’aides publiques.

Nous connaissons bien les problèmes du Relais au regard du code du travail. Il ne vous a pas échappé, monsieur le député, qu’avant de quitter mes fonctions précédentes pour devenir ministre de l’écologie, je m’étais engagée auprès du président d’Emmaüs à lui donner 500 000 euros par an pendant trois ans, ce qu’a d’ailleurs fait Mme Vautrin qui m’a succédé, pour aider à la mise en conformité avec le code du travail.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement qui concerne plutôt la cohésion sociale et les finances que mon ministère, tout en étant très préoccupée, comme vous tous, par la pérennisation des emplois d’insertion et par l’augmentation de leur nombre.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard.

Mme Geneviève Gaillard. Des associations d’insertion se sont créées, il y a quelques années, pour aider les personnes en difficulté à trouver du travail. Aujourd’hui, elles souffrent des budgets successifs de l’État qui ne leur donnent pas les moyens de continuer à fonctionner convenablement. Nombre d’entre elles sont ainsi obligées d’utiliser moins de personnel qu’auparavant. Leur activité concerne essentiellement le retraitement et le recyclage des déchets – matériel électroménager, par exemple –, voire des vêtements. Or, elles rencontrent d’autant plus de difficultés que certains vêtements qu’elles collectent ne sont plus recyclables tant les produits utilisés pour leur fabrication sont devenus complexes. Il est donc indispensable d’aider ces associations en leur assurant un financement convenable, pour reprendre les propos tenus cet après-midi par M. le Premier ministre, et en permettant le maintien de leur activité économique. Telle est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Le groupe UDF votera aussi ce très bon amendement, même si l’on peut regretter que n’y figure pas le montant forfaitaire cité par M. Jégo. Mme Gaillard vient de souligner l’utilité sociale de ces associations. L’amendement est bien fait à cet égard, car il concentre les aides sur celles qui feront un véritable effort en matière de contrats aidés.

Ensuite, le mode de financement prévu pour les entreprises d’insertion est original, moderne. Il ne repose pas sur l’État, et c’est tant mieux car le budget est difficile à boucler. Il ne repose pas non plus sur les producteurs, et c’est tant mieux aussi puisque la production textile en France est dans un contexte de compétition très dure en raison de la mondialisation. Ce financement touche en revanche la distribution, qui est attachée à notre pays – elle ne se délocalisera pas – et qui est assurée par des entreprises puissantes capables de gérer une telle contribution financière. Le dispositif proposé permettrait de responsabiliser la distribution sur la qualité et les modes de conditionnement, à l’instar de la TACA qui est payée par la grande distribution et qui alimente le FISAC. Cet amendement nous paraît donc parfaitement adapté à l’enjeu social.

Sur le fond, je rappellerai que nous avons déjà, en France, un grand déséquilibre entre les pouvoirs de l’exécutif et ceux du Parlement. Si nous ne pouvons pas voter des amendements pour que le Gouvernement fasse travailler son administration, et, au final, s’adapte à la volonté du Parlement, alors à quoi servons-nous ? Avec cet amendement, nos amis du groupe majoritaire pointent une question intéressante. Le groupe UDF les soutient donc.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. J’irai dans le même sens que les intervenants des groupes socialiste et UDF. Je souligne à mon tour le rôle social très important de ces associations. Dans ma circonscription, à Puy-Guillaume, la communauté Emmaüs fait un travail remarquable en collectant des vêtements qu’elle reconditionne pour les mettre à disposition des personnes en difficulté. Il est très important de conforter l’action de telles associations.

Vous nous dites, madame la ministre, qu’une telle mesure concerne plutôt le ministre de la cohésion sociale et celui des finances. Or, toutes les analyses qui sont aujourd’hui faites sur les déchets ménagers et textiles montrent qu’il est indispensable d’internaliser le coût du recyclage ou du traitement au moment de la fabrication. C’est le grand problème que nous rencontrons aujourd’hui. Internaliser le coût du traitement, comme cela se fait déjà pour certains produits très particuliers comme les articles ménagers, c’est déjà s’attaquer à cette grande question de l’accumulation des déchets.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Les organisations nous disent qu’elles ont de plus en plus de mal à écouler les produits collectés. Avec une telle mesure, nous aurions la possibilité de les aider dans cette action méritoire.

Enfin, avec mes collègues Louis Giscard d’Estaing, du Puy-de-Dôme, et Laurent Wauquiez, de Haute-Loire, nous avons l’an dernier présenté, au-delà de nos importantes divergences politiques, avec une unanimité à saluer, un projet visant à créer un centre où seraient rassemblés, conditionnés, avec l’aide d’Emmaüs, des textiles qui pourraient servir extrêmement rapidement au cas où se produirait une catastrophe naturelle. Actuellement, quand une telle catastrophe intervient dans un pays, il faut des semaines pour rassembler les vêtements nécessaires, voire les kits santé, les couvertures, les tentes – on le voit au Pakistan –, alors qu’il serait possible, avec une politique volontariste, d’avoir sous quarante-huit heures des textiles triés, des vêtements conditionnés, prêts à partir, et de répondre ainsi aux exigences.

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Cela se fait déjà !

M. André Chassaigne. Deux arguments militent donc en faveur de l’adoption de cet amendement, madame la ministre. Le premier concerne l’internalisation du coût du traitement à la source. Le second est qu’une telle mesure nous permettrait d’apporter une aide efficace en cas de catastrophe naturelle.

Mme Geneviève Gaillard. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 48 deuxième rectification.

(L’amendement est adopté.)

M. André Chassaigne et M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 126 rectifié.

La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Le fonds Barnier, dont il est question dans cet amendement, est alimenté par un prélèvement de 2 % sur le produit des primes aux cotisations additionnelles relatives à la prévention contre le risque de catastrophe naturelle. Ce fonds finance d’ores et déjà pour moitié la réalisation des plans de prévention des risques naturels prévisibles. Il finance également des études et travaux sur la prévention des risques naturels dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par les collectivités territoriales.

En raison de l’accroissement des besoins et en restant strictement dans son champ d’intervention, il est proposé d’augmenter la participation du fonds de façon à répondre aux engagements pris – 6 000 communes sont concernées par un PPR prescrit en matière de risques naturels et de gestion de crues. Ces études et travaux s’accompagneront d’actions d’information préventive des populations pour lesquelles il est également proposé d’augmenter la participation du fonds.

Enfin, l’intervention du fonds est prévue pour les ruines de Séchilienne en raison du risque grave d’éboulement à proximité de l’agglomération grenobloise, qui constitue une menace majeure pour la sécurité des personnes et des biens.

Il est très important pour mon ministère d’assurer ainsi des recettes pérennes et de financer dans la durée des opérations que nos concitoyens attendent. Il en va ainsi de la protection des digues contre les risques d’inondation.

En définitive, il convient que les contributeurs du fonds, les sociétés d’assurance en l’occurrence, participent au financement des actions de prévention plutôt qu’au remboursement des dommages causés. En effet, prévoir est une meilleure politique que guérir. C’est pourquoi je souhaite que l’Assemblée adopte cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Rouault, rapporteur spécial. Cet amendement vise à amplifier les politiques de prévention en réduisant la vulnérabilité des personnes et des biens exposés aux risques naturels et en mobilisant le fonds de prévention des risques naturels majeurs, appelé fonds Barnier. Cette mobilisation se ferait à hauteur de 36 millions d’euros pour 2006 et le budget d’intervention du ministère de l’écologie et du développement durable serait augmenté d’autant. La commission des finances a donc émis un avis favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 126 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 49 rectifié.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.

M. Christophe Caresche. L’Assemblée nationale a adopté récemment une disposition permettant de remplacer les sacs de caisse en plastique par des sacs biodégradables, disposition qui, par certains côtés, est d’ailleurs contestable. En lisant la presse ce matin, j’ai constaté que cette mesure était remise en cause par le Sénat.

C’est pourquoi je me suis permis de déposer un nouvel amendement visant à limiter l’utilisation de ces sacs. Je vous rappelle quelques chiffres : on utilise en France 500 sacs par seconde, ce qui représente 17 milliards de sacs par an, dont 80 % sont mis en circulation par la grande distribution ; il faut 400 ans pour qu’un sac en plastique disparaisse, mais, pour 60 % d’entre eux, les sacs ne sont ni recyclés ni incinérés et ils représentent 60 à 75 % de la pollution sous-marine. Nous avons tous ces données en tête. Si nous ne faisons rien, cette pollution, qui a déjà été dénoncée à plusieurs reprises, continuera.

Certaines initiatives ont bien entendu été prises par des entreprises de distribution elles-mêmes. De son côté, la collectivité territoriale de Corse a décidé d’interdire la distribution de sacs de caisse en plastique sur son territoire. Mais, si nous voulons changer les comportements, il est urgent d’aller plus loin.

D’où cet amendement qui propose de créer une taxe sur la distribution de sacs de caisse en plastique, en s’inspirant d’un dispositif adopté en Irlande. Ce pays a instauré en 2003 une taxe de quinze centimes d’euro par sac. Cette mesure a donné des résultats extrêmement positifs : elle aurait permis une baisse rapide de 90 % du nombre de sacs distribués, ainsi qu’une évolution des comportements efficace et performante.

Le produit de la taxe ainsi créée serait affecté à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, et contribuerait à financer des actions en direction de la préservation de l’environnement.

Au moment où le Sénat revient sur les dispositions prises par l’Assemblée nationale, l’adoption d’un tel amendement enverrait un signal fort. Je connais les réticences des distributeurs, mais je suis convaincu que ces dispositions agiraient de manière rapide et efficace. J’ajoute que, à mon sens, elles seraient comprises par les Français.

Mme Geneviève Gaillard. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Rouault, rapporteur spécial. Le mois dernier, l’Assemblée a voté un amendement au projet de loi d’orientation agricole qui rend obligatoires les sacs de caisse biodégradables, ce qui permet, dans ce domaine, la création d’une filière.

M. Louis Giscard d’Estaing et M. Pierre-Louis Fagniez. En effet !

M. Philippe Rouault, rapporteur spécial. Le Sénat a fixé à 2012 la date d’application de cette mesure. La mise en place d’une nouvelle filière d’emballages biodégradables paraissant plus importante qu’une taxe qui ne propose aucune solution véritable, la commission des finances a émis un avis défavorable à l’amendement.

M. Louis Giscard d’Estaing. À juste titre !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. En tant que ministre de l’écologie, je ne peux être que favorable à l’idée de réduire l’usage des sacs en plastique, qui est à l’origine de l’amendement.

Toutefois, il ne vous a pas échappé que j’ai fixé comme objectif de réduire de 50 %, entre 2003 et 2006, le nombre de sacs en plastique, et ce avec l’accord des acteurs économiques, que j’ai tous consultés. Une telle diminution me semble déjà une avancée considérable.

M. Pierre-Louis Fagniez. Oui !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Il faut poursuivre notre effort pour remplacer progressivement les sacs mis en circulation par des sacs biodégradables. D’ailleurs, je me suis rendue dans des grandes surfaces, dont je tairai le nom pour ne pas leur faire de publicité. J’ai constaté qu’on n’y distribue plus du tout de sacs en plastique. On en propose à la vente, que l’on remplace lorsqu’ils sont usés.

Sur la méthode, je rappelle à mon tour, après le rapporteur spécial, que, lors de la discussion à l’Assemblée nationale du projet de loi d’orientation agricole, un amendement d’origine parlementaire a été adopté, qui accorde une préférence à la solution biodégradable. Il ne me paraît pas opportun, alors que ce texte est sur le point d’être adopté au Sénat, de viser le même résultat par le biais d’un amendement à la loi de finances. C’est pour cette raison, et pour cette raison seulement, que j’émets un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Vannson.

M. François Vannson. Je profite de ce débat pour me faire l’écho des préoccupations de certains industriels de la plasturgie. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de réduire le nombre de sacs en plastique utilisés dans la grande distribution et nous partageons tous l’idée qu’il s’agit d’un véritable enjeu pour l’environnement.

Toutefois, madame la ministre, je vous demande de préciser devant la représentation nationale vos intentions à propos des films d’emballage ou des conditionnements. Les industriels se demandent en effet si la disposition à laquelle vous avez fait référence s’applique aussi aux procédés qui permettent de filmer les produits ou de les conditionner, et pour lesquels il n’existe pas toujours de procédés de substitution. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point, ce qui ne manquerait pas de rassurer les acteurs de ce secteur ?

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Le groupe UMP est particulièrement sensible à tous les problèmes d’environnement. C’est la raison pour laquelle, lors de la discussion intervenue il y a quelques semaines, il avait déposé un amendement visant à réduire le nombre des sacs en plastique.

Néanmoins, un travail a été mené, en complémentarité avec le Sénat, pour approfondir et améliorer encore les propositions faites par notre groupe. Je pense que nous sommes parvenus à un consensus avec les industriels, les écologistes et tous ceux qu’intéressent les problèmes environnementaux.

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Tout à fait !

M. Marc Laffineur. Par conséquent, je pense qu’il faut repousser l’amendement n° 49 rectifié et nous en tenir à l’accord auquel nous sommes parvenus avec le Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard.

Mme Geneviève Gaillard. La disparition la plus rapide possible des sacs en plastique représente un enjeu environnemental particulièrement important. Je rappelle à mes collègues de la majorité qu’ils ont voté en février dernier une charte de l’environnement. Mais, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, s’il est bon d’adosser une telle charte à la Constitution, il serait encore mieux de mettre en application sur le terrain les principes qu’elle contient et cet amendement nous y aiderait.

Nous savons que le Sénat s’interroge – la presse vient de le rappeler – sur l’amendement que nous avons adopté en examinant le projet de loi d’orientation agricole. Nous connaissons aussi les pressions de certaines entreprises de plasturgie. Mais le développement durable comprend, outre un aspect économique et social, un volet environnemental. Il serait bon que ce dernier soit pris en compte par la représentation nationale.

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. En tant que parlementaire, je suis particulièrement concerné par le sujet. Avons-nous conscience que notre vote sur cet amendement décidera de l’avenir de l’emploi dans toute une filière économique ? Les décisions que nous prenons dans cet hémicycle mettent en jeu, à ce titre, l’avenir de 5 000 familles de Haute-Loire, et plus généralement de 45 000 familles de toute la France.

Mme Geneviève Gaillard. Et l’avenir de la planète, qu’en faites-vous ?

M. Laurent Wauquiez. Loin de moi l’idée qu’il ne faut pas prendre en compte les enjeux écologiques. Mais nous devons laisser une marge d’adaptation permettant aux entreprises de concilier la défense et l’avenir de l’emploi, et les progrès à réaliser en matière d’environnement.

La plasturgie est un secteur économique constitué de PME, et non de grosses entreprises capitalistiques sur lesquelles certains d’entre nous pourraient être tentés de projeter des schémas tout faits. Ces PME profondément enracinées dans le territoire se battent pour défendre l’emploi chez nous. N’est-ce pas, là aussi, une certaine forme de développement durable ?

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Très juste !

M. Laurent Wauquiez. En votant du jour au lendemain des dispositions législatives qui risquent de perturber l’équilibre économique de ces entreprises, on condamne tout simplement des employés au licenciement et des familles à la détresse économique.

M. Christophe Caresche. Le raisonnement n’est pas admissible !

Mme Geneviève Gaillard. Le chantage à l’emploi n’est pas un argument !

M. Laurent Wauquiez. Si ! L’emploi est un argument ! Depuis que ce sujet est venu en débat, c’est-à-dire depuis deux ans environ, ce secteur industriel a connu une baisse de 20 % dans ma circonscription et dans tout le département de Haute-Loire. Il a été frappé par une série de licenciements collectifs et des entreprises ont disparu en moins d’un an.

Ensuite, je ne cherche pas à dire que nous ne devons pas faire de progrès ni d’avancées en matière d’écologie. Depuis un an, nous avons mené un travail de fond en rencontrant chaque semaine des associations environnementales et des partenaires économiques, pour avancer sur ce sujet de façon concertée. Je remercie d’ailleurs Mme la ministre qui a appuyé et épaulé ce travail. Le nombre de sacs en plastique a été déjà réduit de plus de 30 % en deux ans et les partenaires se sont engagés à poursuivre cette démarche pour obtenir une réduction concertée et soutenable économiquement, c’est-à-dire compatible avec la défense de l’emploi.

Enfin, j’insiste sur le fait que le plastique fait partie des matières les plus recyclables, à condition toutefois que des filières de collecte soient organisées. Alors que l’on acquitte l’écotaxe sur les sacs, il est étonnant que de telles filières ne soient pas mises en place. Elles permettraient pourtant le recyclage. D’ailleurs, en Auvergne, notamment dans le Puy-de-Dôme et la Haute-Loire, des entreprises produisent des sacs entièrement biodégradables, qui permettront à terme de répondre aux enjeux écologiques.

Seulement, dans ce domaine comme dans d’autres, je ne crois ni aux mesures d’interdiction ni aux taxes supplémentaires, mais à une démarche concertée qui permet aux acteurs d’intégrer eux-mêmes les efforts à mener en matière d’environnement. C’est un sujet sur lequel on peut peut-être se faire plaisir en se livrant à la démagogie, …

M. Christophe Caresche. Il ne s’agit pas de se faire plaisir ! Cette taxe existe ailleurs.

M. Laurent Wauquiez. …mais il met en cause l’avenir des emplois.

M. Christophe Caresche. Quelle méconnaissance du sujet !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Si je vous rejoins en partie, monsieur Wauquiez, mes conclusions seront sensiblement différentes des vôtres. Je reconnais que l’avenir de la plasturgie pose problème, notamment en Haute-Loire ou dans certains arrondissements du Puy-de-Dôme, où elle est confrontée à des difficultés considérables. Mais les difficultés de ce secteur sont dues avant tout aux conditions qu’imposent les donneurs d’ordre aux chefs d’entreprises. Ceux-ci vous l’ont probablement indiqué, tout comme à moi. En tant que sous-traitants, les petits plasturgistes doivent pratiquer des prix qui les étranglent véritablement.

Il faudrait donc commencer par faire en sorte que les donneurs d’ordre soient attentifs au devenir des petites et moyennes entreprises, car c’est le fond du problème.

Néanmoins, celles-ci n’ont pas attendu pour réagir, et je salue à ce propos le travail remarquable que huit entreprises de Haute-Loire ont entrepris avec un centre de recherches de l’université de Clermont-Ferrand pour mettre au point un sac biodégradable, même si sa biodégradabilité est contestée par certaines associations de défense de l’environnement. La recherche publique peut donc apporter des solutions et elle doit développer une expertise capable de certifier le caractère biodégradable de tel ou tel produit. Or les coups qui lui sont actuellement portés empêchent la mise en place d’une telle expertise. Encore une fois, je l’ai dit à plusieurs reprises, il faut consacrer des moyens à la recherche dans ce domaine.

Madame la ministre, vous dites ne pas disposer de financements.

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Je n’ai jamais dit cela !

M. André Chassaigne. Mais l’amendement du groupe socialiste, qui reprend une disposition votée il y a un mois à l’unanimité par cette assemblée dans le cadre de la discussion du projet de loi d’orientation agricole, favoriserait précisément le financement de cette expertise publique et permettrait aux entreprises d’innover et de s’orienter vers d’autres productions. Parce que la réponse se trouve dans la recherche publique et dans l’innovation, je voterai cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. J’ai participé au débat sur le projet de loi d’orientation agricole et il me semble, monsieur Chassaigne, que l’amendement que nous avons examiné dans ce cadre n’avait pas le même objet que l’amendement n° 49 rectifié. En effet, il concernait les producteurs qui, en 2010, devront avoir remplacé les sacs en plastique par des sacs biodégradables.

M. André Chassaigne. C’est exact.

M. Jean Dionis du Séjour. Il s’agissait donc de permettre aux industriels de s’adapter, comme le demandait Laurent Wauquiez. Cependant, nous sommes un peu à vif, car les sénateurs, dont on imagine quelles pressions ils ont dû subir, ont reporté cette date à 2012. Quoi qu’il en soit, nous comptons sur vous, madame la ministre, pour faire respecter notre volonté.

Par ailleurs, la plasturgie est face à une révolution qui n’est pas liée à la disparition progressive des sacs en plastique, mais au prix du pétrole. Ceux qui travaillent sur le dossier énergétique, dont je suis, le savent bien. Enfin, comme l’a dit M. Vannson, la question ne se limite pas aux sacs de caisse et concerne également les emballages de palettes ou les sacs d’engrais, par exemple.

A la différence de l’amendement adopté par l’Assemblée lors de l’examen du projet de loi d’orientation agricole, qui visait les producteurs, celui que nous examinons a pour objet d’appliquer aux consommateurs choisissant d’utiliser des sacs non biodégradables le principe « pollueur-payeur », qui a été approuvé sur tous les bancs de cette assemblée et que nous avons même constitutionnalisé. Cette proposition n’a donc rien de scandaleux. J’ajoute, monsieur Wauquiez, que, en Irlande, l’un des pays les plus libéraux et les plus allergiques aux taxes qui soit, cette mesure a été très bien acceptée par l’opinion publique, et je suis intimement convaincu que les Français y sont également très favorables.

Cet amendement permet de compléter le dispositif contenu dans le projet de loi d’orientation agricole, qui donne cinq ans aux industriels pour s’adapter, par une mesure visant les consommateurs. En conséquence, le groupe UDF votera cet amendement.

Mme Geneviève Gaillard. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Je sais que l’écologie et le développement durable sont, pour certains, difficiles à admettre, mais je souhaiterais qu’on ne les oppose pas à l’économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Pour les concilier, il suffit de faire preuve de bon sens et d’organiser de larges concertations. A preuve, en quelques mois, mon ministère a réussi à fixer l’objectif d’une réduction de 50 % de l’utilisation des sacs en plastique en 2006. C’est un immense progrès.

Il est vrai que la planète est en danger et qu’il nous reste beaucoup à faire pour diviser nos émissions de gaz à effet de serre par quatre d’ici à 2050, mais nous ne pouvons pas faire table rase d’un seul coup. Du reste, sans faire de réclame pour les grandes surfaces, je peux vous assurer, pour en avoir fait l’expérience, que celles-ci ont joué le jeu et qu’elles ne distribuent pratiquement plus de sacs en plastique aux clients, lesquels le regrettent d’ailleurs car ils s’en servaient notamment comme sacs poubelle. Quant aux films d’emballage, nous n’avons pas encore trouvé de substitut à la cellophane.

Ne soyons pas excessifs, d’un côté comme de l’autre. En matière d’écologie et de développement durable, il faut privilégier la pédagogie. On a souvent imposé au lieu d’expliquer ; aujourd’hui, on explique avant d’imposer, et il me semble que c’est ainsi qu’il faut procéder. J’ajoute que des emplois sont en jeu et que nous devons en tenir compte. Chacun est prêt à avancer pour parvenir au résultat que nous nous sommes fixé. Soyons donc patients et surveillons la manière dont les choses évoluent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à l’écologie et du développement durable.

politique des territoires (suite)

M. le président. Nous poursuivons l’examen des crédits relatifs à la politique des territoires.

Nous en venons aux questions.

Nous commençons par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez. Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, monsieur le ministre délégué au tourisme, comme Dominique Perben, vous estimez que le tourisme est un secteur essentiel pour notre économie nationale. Aussi, je vous poserai quatre questions.

Premièrement, l'organisation territoriale de l'économie touristique sera-t-elle prise en considération comme un élément fondamental de la mise en valeur du territoire et de la croissance économique nationale qui en résulte ?

Deuxièmement, le Gouvernement ayant lancé l'idée-force de favoriser l’attractivité et la compétitivité de la France à partir d’un maillage du territoire autour de pôles, êtes-vous prêts à reconnaître l’identité et la fonction économique des 2 280 communes touristiques répertoriées au ministère de l'intérieur ?

Troisièmement, êtes-vous prêts à maintenir l’équité entre ces communes touristiques et les 520 stations classées qui en sont les pôles d'excellence en appliquant le principe de péréquation, garanti par la déclaration obligatoire annuelle par les maires des hébergements touristiques dont leurs communes se sont progressivement dotées ? Êtes-vous prêts à stimuler la mise en valeur de notre territoire en vous appuyant sur ces communes, qu’il s’agisse de stations thermales, de villes de montagne, de communes du littoral, de villes d'art et d'histoire ou de notre espace rural français ?

Depuis vingt ans, je m’attache à expliquer dans cet hémicycle ce que l'économie touristique peut et doit apporter à la France en croissance économique et sociale. Aussi ma dernière question sera-t-elle la suivante. Êtes-vous prêts à démontrer que le Gouvernement a la volonté politique de répondre aux appels des 3 000 collectivités territoriales qui, en générant une économie touristique dans toutes les régions de France, sont autant d’atouts touristiques pour notre pays ? Êtes-vous prêts à admettre que l'économie touristique, source de vie et d'emplois pour elles-mêmes et pour les régions, doit devenir enfin une composante essentielle d'une politique volontariste d'aménagement du territoire et de développement durable ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au tourisme.

M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Cher Léonce Deprez, vous m’interrogez en somme sur l’organisation territoriale du tourisme. Celle-ci est structurée à plusieurs niveaux, avec les OTSI, les CDT, les CRT, les parcs naturels régionaux et les pays touristiques. Cela dit, nous savons que cette organisation doit être améliorée. Il y a quelques semaines, nous avons tenté de faire des propositions dans le cadre de la procédure de classement des stations, mais la concertation doit encore se poursuivre avec d’autres ministères, notamment ceux de l’intérieur et de l’économie. Comme je vous l’avais promis, je vous recevrai au terme de cette procédure, afin de répondre à vos préoccupations, qui sont aussi celles du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Juliana Rimane.

Mme Juliana Rimane. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, la fracture sociale, préoccupation ô combien actuelle, est aggravée en Guyane par une triple fracture territoriale : d’abord avec l’Hexagone, ensuite avec les autres départements d’outre-mer et, enfin, à l’intérieur même de la Guyane. Faut-il rappeler que le PIB par habitant en Guyane est le plus faible de toutes les régions métropolitaines et ultramarines. Les disparités économiques, sociales, éducatives, culturelles, administratives, entre le littoral et les régions de l’intérieur, enclavées et isolées, sont considérables.

Certes, la grande majorité de la population se trouve concentrée sur la bande côtière mais le nombre des personnes – plusieurs milliers – qui vivent dans les zones intérieures ne cessent de croître, tout comme la population guyanaise de manière générale. Actuellement, dans ces régions, des villages entiers ne disposent ni d’eau potable, ni d’électricité, ni de téléphone et, quand ils en disposent, les réseaux ne sont pas toujours en état de fonctionner.

À cela s’ajoutent des difficultés à se déplacer, à se former, à se soigner, à trouver un emploi. Outre la mise en place d’équipements publics de base, le désenclavement est la condition sine qua non pour permettre à ces régions de s’ouvrir au développement. Il passe par la création ou la réhabilitation des équipements de transport et de communication, notamment la construction de routes, la rénovation des infrastructures aéroportuaires, la promotion des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Enfin, il convient de mettre en place un service public de qualité mieux réparti sur le territoire, afin que l’ensemble de nos concitoyens puissent réellement bénéficier de l’égalité des chances.

Pour cela, il faut une volonté politique qui, d’une part, soutienne un projet cohérent et adapté aux spécificités locales, d’autre part, apporte les moyens financiers adéquats tenant compte des problèmes techniques et des surcoûts liés à l’enclavement et à l’éloignement. Aussi, monsieur le ministre, quelles dispositions envisagez-vous de prendre pour réduire la fracture territoriale constatée à l’intérieur même de la Guyane ? En tout état de cause, les collectivités locales, en particulier le conseil général, ne peuvent pas jouer un rôle majeur en la matière, en raison des grandes difficultés financières auxquelles elles sont confrontées. Par conséquent, quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer les ressources des collectivités locales de la Guyane ? J’insiste sur le fait que nous demandons seulement l’équité et la solidarité pour nos territoires.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Madame la députée, je suis conscient des difficultés territoriales auxquelles est confrontée la Guyane, que vous venez de défendre avec une farouche énergie. À ce titre, le développement économique est le deuxième axe de l’action de l’État en Guyane. Que ce soit dans le cadre du contrat de plan État-région 2000-2006 ou de l’action du secrétariat général aux affaires régionales de la préfecture, l’actuel CPER s’est fixé des objectifs ambitieux impliquant de nombreuses actions concrètes à entreprendre : construction de bâtiments scolaires, de médiathèques, de routes, d’équipements sanitaires, sociaux ou sportifs, développement d’un pôle universitaire, soutien aux initiatives culturelles.

Les moyens dégagés par le CPER et le DOCUP en matière de fonds européens sont considérables et en forte augmentation par rapport à l’exercice précédent. Ainsi, la contribution de l’État dans le cadre du CPER s’élève à 191 millions d’euros – contre 103 millions d’euros sur la période 1994-1999 –, ce qui place la Guyane en tête des régions pour les dotations par habitant. Ces crédits ont bénéficié largement aux communes des fleuves Maroni et Oyapock en matière d’équipements publics scolaires, sanitaires, en eau potable, en électrification, mais également en infrastructures de transport. Les crédits européens sollicités au titre de l’objectif 1 ont eux aussi quasiment doublé, pour s’établir à 371 millions d’euros sur la même période. Au total, l’ensemble formé par les contributions publiques, y compris communautaires, et les parts privées, représente une enveloppe de plus de 975 millions d’euros. Si l’on ajoute à ce chiffre les contributions non contractualisées, c’est-à-dire hors contrats de plan, on dépasse le milliard d’euros, soit environ 7 000 euros par habitant.

En outre, le CIADT du 18 décembre 2003 a été l’occasion de réaffirmer le soutien de l’État à un plan de développement des télécommunications à l’intérieur de la Guyane. L’État s’est en effet engagé à contribuer au plan de déploiement des télécommunications dans une dizaine de nouvelles communes de Guyane. Lors du même CIADT, le Gouvernement avait également décidé de soutenir certains grands équipements de transport de la Guyane, tel le pont sur l’Oyapock – dont les financements sont déjà acquis –, qui assurera une nouvelle ouverture sur le Brésil. François Baroin, lors de son déplacement du 16 au 18 juin dernier en Guyane, a fait le point sur l’ensemble de ces dossiers.

Ce que je veux, c’est l’équité – pour reprendre un terme que vous avez vous-même utilisé – et non pas l’égalité. L’équité, c’est placer tous les citoyens français, sur quelque territoire qu’ils se trouvent, dans la même situation face au service public et à l’action de l’État.

Je veillerai notamment au respect des engagements pris en matière de numérique, qui constitue un moyen essentiel pour désenclaver certains territoires de Guyane, qu’il s’agisse de la téléphonie mobile, du haut débit, voire du très haut débit. Il faut rendre les territoires de Guyane le plus attractifs possible en plaçant celle-ci à la pointe en matière de nouvelles technologies de l’information et de la communication. Si la France doit être à l’horizon 2007 le premier pays de l’Union européenne en matière numérique, cette ambition doit valoir pour l’ensemble de ses territoires et départements d’outre-mer, et j’y veillerai.

Mon ministère, madame la députée, est très attentif à votre volonté de faire avancer votre territoire et aux engagements que vous avez pris devant l’ensemble des administrés de la Guyane. Je me tiens personnellement à votre entière disposition pour que nous examinions ensemble vos dossiers.

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Ma question, qui a trait au tourisme, est très concrète. Nous sommes convaincus du besoin de renforcer, dans un contexte de concurrence accrue, la place de la France en tant que première destination mondiale. Dans le cadre de l’action de promotion de la France, monsieur le ministre, comment le GIE Maison de la France peut-il promouvoir le tourisme en mettant en valeur, non seulement nos grands sites, nos grandes régions touristiques, mais aussi les atouts de nos régions rurales, avec leur savoir-faire, leurs qualités d’accueil, leurs traditions ? Je pense tout particulièrement à nos régions viticoles, car face à la grave crise qui la touche, la viticulture française pourrait, grâce au tourisme, valoriser ses produits et développer ses ventes. Que pouvez-vous faire pour promouvoir au-delà de nos frontières le tourisme fondé sur la culture du vin, sur les traditions et la gastronomie française ?

Par ailleurs, monsieur le ministre, comment les pôles d’excellence ruraux prendront-ils en compte la promotion et l’organisation du tourisme, ainsi que la mise en valeur du patrimoine et la préservation de l’environnement ? Les créations d’emplois ne peuvent pas constituer le seul critère déterminant. Dans ce cadre, comment les actions menées par une ville moyenne dans l’ensemble du territoire dont elle est la capitale pourront-elles être soutenues ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au tourisme.

M. le ministre délégué au tourisme. Monsieur le député, les atouts de notre pays méritent effectivement d’être valorisés au travers de Maison de la France, qui constitue notre outil de prédilection pour atteindre ces objectifs. Nous avons déjà monté un certain nombre d’opérations ayant pour but de promouvoir la vitiviniculture, notamment en créant un club à cette fin. En 2004, le groupe de travail de Maison de la France a mené des campagnes et des actions en direction du grand public, associant informations touristiques et opérations de dégustation, de promotion et de vente de vins. Un workshop « Destination vignobles » a notamment été organisé en partenariat avec le CRT Bourgogne, Air France, Rail Europe, et la participation de 90 voyagistes étrangers. Nous sommes donc très sensibles à la promotion de ces atouts, et je ne peux que vous inviter, monsieur Perrut, à poursuivre les fructueuses relations que votre groupe entretient avec Maison de la France et son directeur général, Thierry Baudier, qui assiste justement à nos débats.

En ce qui concerne la création de pôles d’excellence rurale, M. Estrosi pourra mieux vous répondre, mais en tant que ministre du tourisme, je suis prêt à soutenir toutes les bonnes candidatures si elles font du triptyque patrimoine, culture et tourisme leur objectif reconnu.

M. le président. La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud. Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, le « 1 % paysage et développement » est un outil remarquable pour accompagner l’ouverture d’autoroutes nouvelles, mais les règles ne s’appliquent pas de la même manière selon que l’autoroute est concédée ou non. Alors que le 1 % que payent les concessionnaires s’applique exclusivement à des opérations paysagères, des opérations de développement économique ou touristique peuvent être financées sur des autoroutes construites sur crédits publics.

Quel pourrait être l’accompagnement financier de l’État par le FNADT et les collectivités sur les autoroutes à financement de nouvelle génération – c’est-à-dire associant concession et subventions publiques – comme l’A28 Rouen-Alençon, qui vient d’ouvrir, ou l’A88, en construction ?

En effet, si sur l’A28, la répartition du 1 % payé par le concessionnaire a été très appréciée, nous n’avons reçu aucun crédit sur la part des subventions publiques. Pourtant, en Basse-Normandie, le 1 % de l’A84, l’autoroute des estuaires, au financement exclusivement public, a permis des actions de développement autre que paysager.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je vous avoue, monsieur le député, que du fait de l’application de la LOLF, M. le ministre des transports et de l’équipement et moi-même avons hésité : votre question avait-elle trait au budget dont il a la charge, ou au mien ? À la mine réjouie de M. Perben, vous aurez compris que votre préoccupation concerne, hélas, mon budget. (Sourires.)

Nous savons tout l’intérêt que vous portez à l’accompagnement sur le plan économique et touristique de la partie ornaise de l’autoroute A28. L’association pour le développement et l’aménagement du pays ornais, que vous présidez, a formulé une demande de contribution du FNADT. Toutefois, celui-ci n’a pas vocation à se substituer au 1 % payé par les sociétés concessionnaires qui ne couvre plus le développement économique et touristique. Le ministère de l’équipement prépare actuellement une circulaire sur ce sujet.

J’ai rappelé ce matin la nécessité d’inscrire les contrats de pays dans la nouvelle génération de contrats de plan, dès lors qu’il s’agit d’un projet, et non d’une volonté de gestion du pays lui-même. Vous pouvez faire appel à la section locale du FNADT auprès du préfet de Basse-Normandie. Vous savez que le volet FNADT est en augmentation substantielle. À cet égard, je veillerai à ce que la Basse-Normandie voie la partie régionale se mobiliser dans des proportions correspondant aux ambitions des élus de l’Orne, et qu’une partie de cette attribution puisse être intégrée à votre projet.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, une partie des objectifs de la mission « politique des territoires » est clairement orientée vers le renforcement de l'attractivité économique : c'est une ambition dont nous pouvons nous féliciter.

Dans le programme « aménagement du territoire », cette ambition se concrétise notamment par la mise en œuvre des pôles de compétitivité et une anticipation accrue des mutations économiques dans l'optique de mieux accompagner les territoires qui connaissent les difficiles conséquences économiques et sociales des lourdes restructurations antérieures.

À titre d'exemple, l'agglomération de Roubaix-Tourcoing, dont je suis élu et qui regroupe à elle seule près de 500 000 habitants dans la métropole lilloise, où l'industrie textile est encore présente, a connu ces dernières années plusieurs milliers de suppressions d'emplois.

À ce stade, dans un bassin d'emploi qui compte d'ores et déjà 37 000 demandeurs d'emplois, il s'agit non plus de mutations mais d'un véritable séisme à la fois social et territorial.

Parce qu'ils ont contribué à l'essor industriel de notre pays, les bassins d'emploi les plus touchés par ces restructurations doivent pouvoir bénéficier de la solidarité nationale dans le cadre d'une politique qui facilite l'implantation de nouvelles activités innovantes. La politique des pôles de compétitivité y contribue et doit le faire de façon décisive.

Monsieur le ministre, pour vous avoir reçu en septembre dernier avec quelques collègues au cœur du site de l'Union où doit notamment trouver toute sa place le pôle de compétitivité UP TEX dédié aux textiles techniques, j'ai pu constater que l'État avait mesuré la mobilisation des industriels et leur capacité à formuler un projet innovant pour la filière textile.

Les pôles de compétitivité apparaissent ainsi pour ce qu'ils sont : non pas une fin en soi, mais un dispositif déterminant, un outil essentiel pour réamorcer la dynamique du développement industriel de nos bassins d'emploi.

Parmi les défis que nos collectivités doivent relever, en particulier dans les bassins d'emploi où l'industrie, fruit d'une vieille tradition, s'est développée en s'imbriquant étroitement dans la trame urbaine de nos villes, on trouve, bien évidemment, la requalification des friches industrielles.

Réhabiliter, dépolluer, rénover pour commercialiser à nouveau, c'est peut-être prosaïque, mais c'est le préalable indispensable à une politique active de redéploiement industriel. Et sur ce point, les villes ne peuvent agir seules, l'État doit être à leurs côtés.

Quel sera l'effort de ce dernier en matière de résorption des friches industrielles, pour activer de façon significative la commercialisation de milliers d'hectares en attente de requalification, sur lesquels bien des projets économiques pourraient prendre place ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Vercamer, nous avons en effet visité ensemble un certain nombre d’entreprises participant au pôle de compétitivité UP TEX. Le Nord, et plus précisément le Nord-Pas-de-Calais, est une des régions de France qui a soutenu le plus de candidatures devant le CIADT du 12 juillet dernier – le pôle i-Trans pour le ferroviaire, le pôle Industrie et commerce, etc.

Je vous remercie d’avoir rappelé l’ambition du Gouvernement pour requalifier les territoires qui ont connu des difficultés. Vous avez fait référence au textile. Nous savons en effet ce que cette filière a historiquement représenté pour le Nord en termes d’emplois et de développement économique. C’était l’excellence en France. Elle est aujourd’hui confrontée à une forte concurrence mondiale. Il nous fallait donc faire en sorte de relancer notre industrie textile qui a un vrai savoir-faire.

Grâce à la volonté du pôle textile du Nord de se rapprocher du pôle textile du Rhône et de celui des Vosges, nous sommes en train d’opérer une sorte de mise en réseau. Et toutes ces synergies déboucheront, à terme, sur un pôle France dans le domaine du textile. Nous pourrons ainsi résister aux poussées de l’Asie et de la Chine. Nous pourrons innover et être, de nouveau, les plus performants.

Je veux rendre ici hommage à l’ensemble des acteurs économiques et sociaux et aux élus du Nord qui se sont mobilisés. Vous en faites partie, monsieur Vercamer, et je veux saluer votre action.

S’agissant des friches industrielles, la reconquête de ces espaces dégradés ne passe pas que par les pôles de compétitivité pour ce qui est de la politique de l’État. Celle-ci est d’ailleurs ancienne puisqu’elle date du début des années 80 sur la base d’un recensement réalisé par la DATAR en 1978. Sur les 18 000 hectares recensés, plus de la moitié – 56 % exactement – ont été traités. C’est bien. Mais il faut effectivement aller plus loin.

C’est ainsi que, pour la période 2000-2006, près de 73 millions d’euros sont mobilisés en faveur de cette politique, dont 30 millions d’euros de crédits d’État et 28 millions de crédits européens.

Après un démarrage difficile et lent, la mobilisation de ces crédits s’est sensiblement accélérée : sur les 73 millions d’euros, 15 millions seulement sont encore disponibles. Bien qu’insuffisants au regard des besoins identifiés, ces crédits permettront cependant d’engager, d’ici à la fin de la période, plusieurs opérations significatives dont l’instruction est en cours.

Au-delà de cette période, il faudra certainement poursuivre l’effort financier dans la prochaine génération de contrats de plan. Soyez assuré que nous nous y attacherons.

M. le président. Nous en arrivons aux questions du groupe des député-e-s communistes et républicains.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, le Plan va-t-il encore exister alors que son commissaire général a été limogé ? Si le Plan n’existe plus y aura-t-il encore des contrats État-régions ? Il serait bon de le savoir alors que nous discutons du budget dans les régions. Ce commissaire a déclaré dans une interview récente que le Gouvernement ne voulait plus de planification. Qu’en est-il ?

S’agissant de l’aménagement du territoire en Picardie, Amiens est la seule capitale régionale à ne pas être desservie par le TGV.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Clermont-Ferrand ne l’est pas non plus !

M. Maxime Gremetz. C’est parce que vous n’en voulez pas !

Je m’interromps quelques instants pour permettre au ministre de m’écouter.

M. le président. Poursuivez, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Pour Amiens, les choses sont différentes : tout le monde était d’accord, la région, le conseil général, M. de Robien, ministre des transports d’alors, et le projet avait été décidé. Mais maintenant, on attend. Jusqu’à quand, monsieur le ministre ? Nous ne voulons pas attendre trop longtemps.

Concernant le troisième aéroport de la région parisienne, on nous avait dit qu’il serait construit en Haute-Picardie, et le site avait même été choisi. Là encore, tout le monde était d’accord et notamment 90 % des jeunes Picards. Il est vrai que cela devait créer 60 000 emplois, ce qui n’est pas négligeable dans une région comptant près de 12 % de chômeurs – et je ne reviendrai pas ici sur les problèmes dont on a parlé cet après-midi.

Mais, subitement M. de Robien est revenu sur sa décision, au motif que le transport aérien avait diminué. Pourtant, toutes les études montrent qu’un troisième aéroport international sera nécessaire. Je pense notamment à celle menée par un précédent gouvernement de droite, lorsque M. Pons était ministre des transports, et qui avait conclu à une implantation au nord de Paris. Le gouvernement de gauche qui a succédé est arrivé aux mêmes conclusions. Pourquoi ces arguments ne sont-ils plus recevables ? Le trafic aérien international a enregistré une hausse de 11 % et toutes les projections montrent qu’il va encore progresser. Comme les travaux sont prévus sur douze ans, il serait temps de prendre une décision. Monsieur le ministre, la région Picardie est toujours candidate.

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur Gremetz, la ligne à grande vitesse Paris-Amiens-Londres qui figure au CIADT du 18 décembre 2003 fait partie des projets qui ont été revalidés en octobre dernier. La décision de 2003 prévoyait qu’un débat public serait organisé en 2006.

Depuis, un certain nombre d’études dites préfonctionnelles ont été conduites par RFF pour préparer le dossier de saisine de la commission du débat public sous le pilotage d’un comité animé par le préfet de la région Picardie. Aujourd’hui, ce dossier est prêt. La commission pourrait donc être saisie en 2006. Ce sera le début de la procédure.

Concernant le troisième aéroport de la région parisienne, ce projet a effectivement été abandonné par le Gouvernement en 2002, au profit d’une politique de développement durable des aéroports qui s’appuie sur un certain nombre d’éléments.

Il s’agit tout d’abord d’un développement maîtrisé de l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle avec notamment le plafonnement de la gêne sonore globale à son niveau moyen des années 1999-2000-2001, et la limitation du trafic nocturne.

Il s’agit ensuite du développement des aéroports de province avec notamment le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes pour le grand Ouest, que le Gouvernement soutient très activement.

Il s’agit enfin de la montée en puissance des plates-formes spécialisées en particulier pour le fret avec, par exemple, l’aéroport de Châlons-Vatry.

Même si le trafic aérien connaît depuis un an une reprise significative, les études à moyen terme sur l’évolution de la demande montrent en effet que la politique ainsi engagée permet de faire face à ces augmentations de trafic au moins jusqu’en 2025 sans aggraver les nuisances. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement s’en tient à la décision qui a été prise en 2002.

M. Maxime Gremetz. Et pour ce qui est du Plan ?

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. S’agissant des contrats de plan, puisque c’est de cela qu’il s’agit et rien que de cela, M. Estrosi a déjà répondu ce matin. Je vous renvoie donc à la réponse que le ministre chargé de l’aménagement du territoire vous a apportée ce matin.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Pour cette question qui s’adresse à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire, je demanderai à chacun de faire preuve d’une certaine imagination, d’oublier mon accent, ma corpulence et mes origines rurales puisque c’est Patrick Braouezec qui est censé la poser. (Sourires.) Mais il a été obligé de rentrer très rapidement dans sa circonscription.

Monsieur le ministre, l'actualité percute de plein fouet le débat de ce jour. Comment ne pas faire ce lien ? Comment ne pas y voir un échec de votre politique ? Par un désengagement généralisé de l'État, par une décentralisation libérale toujours plus poussée, vous remettez en cause le travail des collectivités et la cohésion des territoires pourtant indispensable. Les événements actuels en sont une démonstration flagrante.

Lors de la convention nationale de l'Assemblée des communautés de France le 7 octobre dernier, un membre du Gouvernement a affirmé que l'intercommunalité n'avait pas abouti aux économies d'échelle escomptées, avait compliqué les rapports entre les élus et rendu les circuits de décision plus opaques.

Les communautés d'agglomération, telles que nous les concevons, jouent un rôle essentiel dans la cohésion territoriale, notamment en matière de développement économique et urbain. Elles redonnent du pouvoir aux élus locaux en mutualisant les recettes, elles font des économies d'échelle importantes qui sont réinvesties dans les développements de services publics pour tous.

Là n'est sans doute pas votre conception de la cohésion des territoires. Preuve en est : votre budget accuse une baisse de 3 milliards d'euros de la taxe professionnelle alors qu'elle représente jusqu'à 80 % des recettes des communautés d'agglomération. Votre décentralisation transfère des compétences sans donner les moyens aux intercommunalités de les assumer, tout en leur demandant d'assurer le relais des péréquations territoriales incombant à l'État.

Dois-je vous rappeler, monsieur le ministre, que 83 % de la population vivent aujourd'hui au sein d'une agglomération ou d'une communauté de communes et que 87 % des communes sont aujourd'hui regroupées ?

M. Braouezec ajoute que la communauté d’agglomération qu’il préside a été conçue selon des objectifs opposés à ceux du Gouvernement : créer les conditions d’un développement solidaire des communes en rendant les mêmes services à tous les habitants du territoire, dégager des économies d’échelle pour mieux répondre aux besoins du territoire et des populations, et construire un rapport de coopération entre les villes sur un projet commun.

À l’inverse, votre politique met en danger les intercommunalités et par-là même la cohésion des territoires au service des populations.

Plusieurs députés du groupe de l’union pour un mouvement populaire. La question !

M. André Chassaigne. Je termine, mes chers collègues ! Monsieur le ministre, alors que nous vivons des instants critiques, quelles mesures comptez-vous prendre pour que les efforts déployés par les intercommunalités en terme de développement solidaire ne soient pas anéantis par une baisse sans précédent de leurs capacités financières ?

Enfin, M. Braouezec considère qu’il est urgent d’organiser un "Grenelle des quartiers populaires" afin de prendre des mesures, certaines applicables dans l’immédiat et d’autres de plus long terme.

M. Maxime Gremetz. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Ce qui se passe sur les bancs du groupe communiste est assez original : M. Gremetz nous reproche cet après-midi de ne pas être suffisamment attentifs à ses propos, lui qui ne nous a pas fait l’amitié de sa présence au moment important du débat, c’est-à-dire lorsque les rapporteurs et les membres du Gouvernement ont présenté leur budget.

M. Maxime Gremetz. Allons, je serai là cette nuit pour le budget des anciens combattants alors que vous serez rentré dans vos foyers !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Les contrats de plan État-régions, chacun le sait, seront beaucoup mieux administrés désormais. L’affichage de 2000 ne pourra pas être respecté, parce que vous n’avez pas déterminé les objectifs avec suffisamment de rigueur, ce qui nous oblige aujourd’hui à rattraper les erreurs que vous nous avez léguées !

M. Jean-Marc Roubaud. Très bien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. D’ailleurs, puisqu’il a été fait référence à M. Pons, permettez-moi de vous rappeler qu’entre 1997 et 2002, c’est-à-dire entre le gouvernement auquel a participé M. Pons et celui auquel nous participons aujourd’hui, il y a eu un autre gouvernement, dont le ministre de l’équipement et des transports a négocié ces contrats de plan : je crois me rappeler qu’il s’appelait M. Gayssot et que ses idées et ses convictions étaient assez proches des vôtres. Je me permets de vous rappeler la négociation de 2000, qui a été menée sans la moindre rigueur.

M. Maxime Gremetz. N’importe quoi !

M. Jean-Marc Roubaud. Il est amnésique !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’est l’héritage que nous avons à gérer aujourd’hui ! Nous sommes obligés de rattraper vos erreurs et nous le ferons…

M. Maxime Gremetz. C’est bien parti !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …parce que notre devoir est de faire en sorte que l’État respecte sa parole, d’où qu’elle vienne !

L’une de vos originalités, monsieur Gremetz, est de ne pas assister au débat et de vous en plaindre ensuite ! Quant à M. Chassaigne, qui est un député sérieux, qui participe au débat, il a ce matin défendu avec énergie la ruralité de France et son Auvergne profonde, nous reprochant de ne pas être aussi solidaires du monde rural que des communes et des intercommunalités urbaines ! Cet après-midi, au nom de M. Braouezec, il nous indique que nous n’en faisons pas assez pour les communautés urbaines et les communautés d’agglomération. Quelle contradiction ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Roubaud. Il n’en a jamais assez !

M. Maxime Gremetz. C’est nul ! Je vous croyais meilleur !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Mais revenons à M. Braouezec, dont la question s’adresse en fait au ministre délégué aux collectivités territoriales. En dépit du ton polémique que vous avez employé pour la poser, monsieur Chassaigne, je vais y répondre et vous ne serez pas déçu !

Certaines structures intercommunales rencontrent des problèmes réels, qu’il serait malvenu d’ignorer si l’on veut éviter de ternir l’image de l’intercommunalité, et je compte sur vous pour ne pas le faire : périmètres non pertinents, intérêt communautaire souvent flou – voire inexistant – maintien sur un même territoire de structures de type SIVU ou SIVOM. Cela a été souligné par de nombreux rapports administratifs, et un rapport de la Cour des comptes devrait prochainement faire le même diagnostic, voire un diagnostic plus sévère encore. Il ne s’agit donc pas d’un parti pris du Gouvernement, dont l’objectif n’est pas de casser l’outil intercommunal mais de le rationaliser. Au demeurant, je ne doute pas que la communauté d’agglomération présidée par M. Braouezec soit parfaitement vertueuse quant à son fonctionnement…

Vous prétendez que mon budget accuse une baisse de 3 milliards d’euros de taxe professionnelle. D’abord, je vous le rappelle, ce n’est pas mon budget, mais celui du ministère de Brice Hortefeux. Je vais pourtant vous répondre : la réforme de la taxe professionnelle vise à atteindre un juste équilibre entre les besoins des entreprises et l’autonomie financière des collectivités. Il s’agit de partager l’effort entre l’État et les collectivités, au bénéfice des entreprises et de l’emploi.

Pour ce qui concerne le ticket modérateur, le Gouvernement est favorable au principe du partage de l’effort entre les entreprises, les collectivités et l’État et il considère qu’il n’est pas anormal que les collectivités soient associées à la baisse de la pression fiscale que les entreprises subissaient auparavant. À ce titre, une répartition des coûts mettant 1,4 milliard d’euros à la charge de l’État et 469 millions d’euros à la charge des collectivités qui ont fait progresser leurs taux entre 2000 et 2005 n’est pas inéquitable. Le mécanisme a cependant ses limites : il ne doit pas concourir à des transferts de charges insupportables pour les collectivités et soyez sûr que l’État y sera particulièrement attentif.

Enfin, je ne peux pas vous laisser dire que nous privons de marges les intercommunalités, alors que le contrat de croissance et de solidarité garantit aux collectivités locales une hausse des dotations d’État très supérieure à l’inflation et que la DGF progressera de 2,73 % en 2006.

J’ajoute que les transferts de compétences prévus en 2006 seront compensés à l’euro près, sous le contrôle vigilant de la commission consultative d’évaluation des charges. Ils concerneront pour l’essentiel le transfert des routes nationales aux départements. Cela n’a donc rien à voir avec les structures intercommunales et le lien avec celles-ci me semble donc des plus ténus.

M. le président. Nous revenons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Max Roustan.

M. Max Roustan. Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, je voudrais faire un constat et vous poser deux questions.

Au cours des dernières années, la disparition des services publics – poste, douanes, banques, DRIRE, etc. – dans les zones rurales provoque l’inquiétude et l’incompréhension de nos concitoyens. Quant aux élus, ils se sentent abandonnés et victimes des décideurs parisiens.

M. Maxime Gremetz. Quel aveu !

M. Max Roustan. Le pays des Cévennes, par exemple, composé de 91 communes, compte plus de 120 000 habitants. Il est doté d’un contrat de pays avec le département, la région et l’État. Si nous n’y prenons pas garde, ce territoire subira une sorte de désintégration administrative alors que l’arrivée permanente de populations nouvelles crée de nouveaux besoins.

M. André Chassaigne. Excellente question !

M. Max Roustan. Les services au public – notion plus large que vous préférez à celle de services publics – doivent répondre au mieux à la réalité du terrain. Telle est la politique que vous revendiquez, monsieur le ministre, mais permettez-moi d’aller plus loin en vous demandant d’agir pour demain et pour après-demain.

Dans ma région, plus particulièrement dans l’arrière-pays cévenol, nombre de fermetures de services qui hier se justifiaient car ils ne correspondaient plus à des besoins réels, posent aujourd’hui un véritable problème du fait de l’arrivée de nouveaux habitants. Je vous rappelle que la population du Languedoc-Roussillon augmente en moyenne de plus de 3 % et qu’elle va continuer à augmenter.

M. André Chassaigne. Le Gouvernement ne voit que le court terme !

M. Max Roustan. Vous avez ouvert une phase de consultation et de réflexion à laquelle les élus ont été étroitement associés. Ceux-ci demandent un moratoire sur la fermeture des services publics pendant les débats. Qu’en est-il ? Est-il envisageable de mettre à profit cette période de pause pour créer un fonds spécifique, dans le cadre de l’aménagement du territoire et plus précisément de la politique des territoires, destiné à garantir le maintien des activités de base pendant une période transitoire ? Fermer un service pour le rouvrir quelques années plus tard ne coûte-t-il pas plus cher à la collectivité que de le maintenir en l’adaptant aux besoins ? Le financement des pôles publics, à l’instar des maisons de santé, à l’échelle des communautés de communes est-il concevable ?

M. Maxime Gremetz. Bravo !

M. André Chassaigne. C’est une très bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le député, il y a quelques jours, nous étions ensemble dans le Gard et je sais avec quelle détermination vous défendez le pays cévenol et l’ensemble du monde rural français. Vous avez raison et je l’ai rappelé ce matin, nous devons corriger la fracture qui s’est produite au cours des dernières années et qui divise aujourd’hui la ville et le monde rural.

Aujourd’hui le monde rural, et particulièrement 70 % des territoires ruraux, dont le pays cévenol, voit son pouvoir d’attraction renforcé. La population y croît en moyenne deux fois plus vite que dans l’ensemble des territoires urbains.

Il en résulte que les élus nationaux et les élus locaux sont confrontés à de nouvelles difficultés. Dans un passé récent, on a vu les services publics fermer l’un après l’autre, rendant la capacité d’accueil des services au public beaucoup moins performante aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a quelques années. Aujourd’hui, la démographie ne cesse de progresser sans que vous puissiez y apporter des réponses concrètes et offrir à la population les prestations dont elles ont besoin.

Dans ces conditions, le moratoire que vous avez évoqué s’impose. Je vous rappelle que le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire Nicolas Sarkozy et moi-même avons, le 2 août dernier, adressé une circulaire aux préfets de tous les départements pour leur indiquer que nous faisions une pause dans les fermetures de services au public en milieu rural. Instruction leur a été donnée de ne fermer aucun service public.

Au cours des vingt ou trente dernières années, un processus infernal a été conduit dans notre pays, avec des schémas nationaux élaborés à Paris. Je vous rappelle que les schémas nationaux ont été mis en place par l’une de mes prédécesseurs – qui était aussi ministre de l’écologie et du développement durable. Qu’ont apporté les schémas nationaux ? Ils ont permis au ministre de l’économie et des finances de décider unilatéralement, par l’intermédiaire des trésoriers-payeurs généraux de tous les départements de France, de fermer les perceptions qui, prétendument, ne servent plus à rien. Ils ont permis au ministre de l’équipement et des transports d’ordonner unilatéralement à toutes ses DDE de fermer les subdivisions qui, prétendument, ne servent plus à rien. Toujours de manière unilatérale, des gardes des sceaux successifs ont mis en place une carte judiciaire et fermé des greffes de tribunaux d’instance dans les zones rurales. Et tout cela sans prendre en compte la diversité de la France, sa spécificité, en refusant d’admettre que la France des plaines n’est pas celle des montagnes, que la France des montagnes n’est pas celle des villes, que la France des villes n’est pas celle du littoral…

M. André Chassaigne. C’est incroyable ! Décidément, plus c’est gros, mieux ça passe !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous, nous considérons que la France a ses richesses particulières et qu’elle mérite que nous engagions, territoire par territoire et sans tabou, un grand débat sur la modernisation des services au public. C’est ce que nous avons entrepris avec tous les élus locaux, par l’intermédiaire de tous les préfets de France. Parallèlement, la conférence nationale sur les services publics en milieu rural, présidée par Paul Durieu, rendra bientôt ses conclusions sur le schéma national d’aménagement du territoire. Nous devrons faire remonter toutes les propositions émanant des départements de France. Nous tiendrons très largement compte des propositions que vous avez faites, car elles sont particulièrement pertinentes, notamment en matière de démographie médicale. Nous allons devoir apporter des réponses concrètes car dans ce domaine il faut décloisonner, mutualiser le rôle des agents publics, de l’État comme des collectivités territoriales, et revaloriser leur statut. Nous devrons également permettre aux infirmières et aux médecins de jouer un double rôle, dans les hôpitaux ruraux et les cabinets libéraux.

M. André Chassaigne. Et La Poste ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous devrons faire en sorte que les activités privées et les activités de service public soient des forces qui s’additionnent. C’est ainsi que nous pourrons inverser le cours des choses dans le monde rural. Soyez en tout cas assuré, monsieur le député, que nous procéderons bien ainsi dans le pays cévenol, comme d’ailleurs dans l’ensemble des territoires ruraux de France.

M. Maxime Gremetz. Et le moratoire ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je remercie d’ailleurs les parlementaires comme les élus locaux qui nous ont fait remonter des idées particulièrement innovantes dans ce domaine. Dans la charte que nous proposerons avec Nicolas Sarkozy lors du congrès des maires de France, un certain nombre des propositions formulées dans ce débat seront prises en compte par le Gouvernement.

M. Maxime Gremetz. Et le moratoire ?

M. le président. Monsieur Gremetz, vous n’avez pas la parole !

La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud. Les différents pays de l’Orne, celui d’Alençon que j’ai l’honneur de présider, comme celui du Bocage présidé par Sylvia Bassot mais qui m’est tout aussi cher, sont vivement intéressés par l’excellente initiative que représentent les pôles d’excellence rurale. Et comme nous avons l’intention d’y être candidats, nous sommes impatients de savoir quelles en seront les modalités pratiques, les échéances, le mode de sélection retenu pour la mise en œuvre et le rôle que les pays pourraient jouer dans le montage.

M. Maxime Gremetz. Ce sont des OVNI !

M. le président. Monsieur Gremetz, si vous pouviez être un collègue non parlant à votre banc pendant que les autres s’expriment, ce serait plus correct ! Un peu de courtoisie républicaine dans cette assemblée serait bienvenue ! Il n’y a pas d’obligation d’être en séance…

Poursuivez, monsieur Deniaud !

M. Yves Deniaud. Nous souhaiterions connaître le rôle que pourraient jouer les pays dans le montage des projets et leur réalisation, compte tenu de la place que vous comptez leur donner dans l’application de la loi sur le développement des territoires ruraux et dont vous avez commencé à ébaucher les contours ce matin.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je constate que l’Orne est très mobilisée cet après-midi. Monsieur le député Yves Deniaud, j’avais déjà eu l’occasion de venir tracer quelques ébauches.

Je l’ai dit ce matin : pour moi, la France qui gagne et qui innove, ce n’est pas que la France des grands projets industriels et scientifiques. C’est pourquoi, après avoir consulté au cours des dernières semaines et des derniers mois et m’être déplacé dans la plupart des départements ruraux de France, dont la Somme, monsieur Gremetz – mais ce jour-là, vous étiez le seul absent au rendez-vous…

M. Maxime Gremetz. Quoi ?

M. le président. Je vous en prie, monsieur le ministre, tenez-vous en à votre réponse ! Parce que si vous vous y mettez aussi… ! (Rires.)

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. M. Gremetz avait d’autres préoccupations ce jour-là !

M. Maxime Gremetz. Rappel au règlement ! J’ai été mis en cause personnellement !

M. le président. Pas de rappel au règlement !

Poursuivez, monsieur le ministre !

M. Maxime Gremetz. À la fin de la séance !

M. le président. C’est ça, à la fin de la séance… Monsieur le ministre, au cas où cela vous aurait échappé, vous devez répondre à M. Deniaud !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Oui, monsieur le président, et je suis sûr que cela va vous passionner, monsieur Gremetz (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) et que vous allez adhérer à cette démarche !

La Somme est un département qui mérite d’adhérer à cette démarche ; d’ailleurs, un certain nombre de députés, avec lesquels, certes, vous ne partagez pas les mêmes convictions, m’ont fait part de tout leur intérêt à l’occasion de ce déplacement.

Vous avez fait des propositions considérables grâce auxquelles nous pouvons aujourd’hui imaginer d’adapter au bon sens, à l’intelligence, au talent, au savoir-faire de la ruralité des pôles d’excellence. Ces pôles d’excellence seront à cette ruralité ce que les pôles de compétitivité sont aujourd’hui à l’innovation industrielle et à la recherche.

Je veux vous rappeler ce que j’ai dit ce matin.

Ces pôles de compétitivité s’appuieront sur une sorte de décloisonnement entre des collectivités. C’est vrai que certaines structures de pays peuvent paraître, à cet égard, des espaces pertinents pour engager la réflexion puisque ce sont des instances de projet sur lesquelles il faudra s’appuyer. Léonce Deprez est intervenu dans ce sens. Ce peut être aussi des territoires où l’on décloisonne les savoir-faire d’un certain nombre d’artisans, de PME innovantes, en partenariat avec des collectivités d’une dimension qui irait de 30 000 à 45 000 habitants environ, dont la dominante devrait être impérativement rurale et où nous répondrions à des initiatives innovantes, que ce soit dans le domaine du tourisme – nous nous en sommes entretenus avec Dominique Perben et Léon Bertrand –, que ce soit dans le domaine culturel, avec d’extraordinaires projets concernant notre héritage culturel et des routes du patrimoine, que ce soit pour les nouvelles technologies de l’information et de la communication, du télétravail, de la télémédecine, avec des projets qui nous permettront d’enraciner des activités créatrices d’emplois. En tout cas, l’imagination n’aura pas de limite sur l’ensemble de ces territoires.

Nous proposerons un appel à 200 projets d’ici à la fin de l’année, ou au début du mois de janvier au plus tard, pour labelliser ces projets dans le courant du premier semestre 2006. Nous y consacrerons des efforts importants, que ce soit par le FNADT, par des crédits relevant d’autres ministères compétents, par des mesures d’exonération fiscale ou de charges sociales. Voilà quelle est notre conception pour apporter un label d’excellence à un certain nombre de territoires ruraux de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, dans la grande consultation sur les services publics, menée à l’heure actuelle sous l’égide du ministre de l’intérieur, et au regard des nouvelles dispositions de la loi sur le développement des territoires ruraux, qui prévoit que toute adaptation des services publics doit s’articuler autour des préfets de département, je me permets d’attirer votre attention sur un concept innovant, particulièrement adapté aux territoires ruraux. Il conduit à associer toutes les forces vives d’un secteur dans une structure de type associative, à savoir des citoyens, des personnes-ressources, des associations, des élus et des collectivités locales, des organismes sociaux – MSA, CAF –, des antennes d’administration d’État, ANPE, DASS, association qui pourrait se voir reconnaître un label de maison de services au public ou d’association d’intérêt général local.

Ces structures ouvertes toute la semaine à toute la population locale résidente ou de passage – enfants, adolescents, adultes, personnes âgées –, mutualisant divers services à la population, pourraient, sous réserve de respecter un certain formalisme administratif et comptable, bénéficier du soutien de l’État en termes de subventions de fonctionnement et de subventions d’équipement, notamment en faveur des nouvelles technologies de l’information.

Elles pourraient également bénéficier pour leurs salariés, en nombre limité et sous réserve de plafonds, d’allégements de charges au titre des zones de revitalisation rurale. Ce serait une réponse très adaptée et très innovante aux problématiques liées à la ruralité.

Pour ce faire, il conviendrait, à l’instar de ce qui est prévu dans la loi DTR, que ce type d’association bénéficie des mêmes avantages que les associations mentionnées à l’article 16 de ladite loi.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le député Morel-A-L’Huissier, les maisons de services publics et plus particulièrement de services au public sont effectivement une bonne réponse à certains des problèmes de service à la population. Elles sont réclamées dans certains départements, mais pas partout. C’est tout le mérite d’une concertation organisée localement de trouver, à chaque fois, les solutions les mieux adaptées au terrain. La mise en place de ces maisons a connu une simplification réglementaire très importante au cours de ces dernières années, et je sais combien, en Lozère, vous avez fait des propositions particulièrement innovantes qui sont porteuses de résultats.

Encore récemment, la loi relative du développement des territoires ruraux y a autorisé une implantation de services assurés par des prestataires privés lorsqu’il y a carence de l’offre. J’ai d’ailleurs transmis au Conseil d’État, au début du mois de novembre, le décret qui va permettre la mise en œuvre effective de cette disposition.

Faut-il aller plus loin et notamment faire bénéficier ces structures des avantages accordés, en matière de charges sociales, dans les zones de revitalisation rurale, dont je vous signale d’ailleurs que les projets de décret étaient soumis, ce jour, au Conseil d’État et qu’ils seront donc applicables pour la plupart, voire dans leur ensemble, dès le début de l’année 2006 ?

Faut-il en faire bénéficier ces structures, pour les associations d’intérêt général ouvrant droit à la réduction d’impôt sur le revenu pour les dons ? Vous l’avouerez, c’est un sujet assez difficile car il y a, dans ces maisons, à la fois des services assurés par l’État et les collectivités locales, notamment les mairies et les départements, mais aussi des services privés. Côté services privés, les entreprises qui les gèrent bénéficient déjà de plein droit des avantages accordés en matière fiscale et sociale dans les zones de revitalisation rurale. Côté services publics, je ne suis pas sûr que cela aurait un sens de diminuer les charges sociales sur le secrétaire de mairie sous prétexte qu’il exerce dans une maison de services. Cela étant, dans ce domaine, je suis prêt à étudier la question en détail en liaison avec mon collègue Brice Hortefeux.

Enfin, revenant sur ce que je disais tout à l’heure, je vois aussi, à travers ces maisons, l’intérêt de mutualiser l’ensemble des rôles et des actions des uns et des autres. Prenons l’exemple du secrétaire de mairie dans une commune de 350 habitants, voire moins, qui, avec le seul budget de fonctionnement de la mairie, ne peut être recruté qu’à mi-temps. Pourquoi l’État ou le conseil général ne pourrait pas le recruter pour l’autre mi-temps ? Pourquoi ne pourrions-nous pas lui donner un statut mixte grâce auquel il serait à la fois fonctionnaire de l’État et des collectivités territoriales avec une revalorisation de son statut ? Ce qui en ferait, dans la ruralité, une personnalité beaucoup mieux considérée que ne le sont – et c’est injuste – un certain nombre de fonctionnaires aujourd’hui.

Chacun peut imaginer, notamment avec la couverture numérique et les nouvelles technologies de l’information et de la communication, qu’à 80 kilomètres d’une préfecture, le même fonctionnaire, qu’il relève de l’État ou de la collectivité territoriale, puisse imprimer pour le compte de tous une carte grise, procéder pour le compte du conseil général à l’enregistrement d’une demande d’un dossier d’APA, enregistrer pour le compte d’une subdivision de l’équipement une demande d’aménagement de clôture, de terrassement d’un terrain, voire un permis de construire, ou encore faire une demande d’inscription au lycée, à la faculté ou à l’université.

Nous voyons donc tout l’intérêt qu’il y a à dynamiser toutes les formes possibles, sans aucun tabou. D’ailleurs, les problèmes que vous avez soulevés et auxquels j’ai répondu démontrent que votre réflexion va dans ce sens pour mettre en commun toutes les énergies, mutualiser les moyens entre le privé et le public, revaloriser un certain nombre de statuts dans la ruralité pour créer un nouveau dynamisme.

M. le président. La parole est à Mme Sylvia Bassot.

Mme Sylvia Bassot. Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, je me réjouis de vous voir, et surtout de voir autant de collègues montrer qu’ils sont de véritables militants de la ruralité, convaincus de sa modernité.

Ma question est très concrète. Le Gouvernement, à juste titre, a fait de l’emploi sa priorité absolue. C’est pourquoi je souhaiterais attirer votre attention sur les moyens dont disposent les territoires ruraux pour favoriser l’emploi. Pour que nos zones rurales soient attractives et compétitives, les collectivités se doivent de mobiliser au maximum les différentes possibilités d’intervention publique. La plus significative pour les PME est le soutien financier que l’on peut leur apporter dans leurs investissements immobiliers. C’est ainsi que les communes et les EPCI ont longtemps réalisé des ateliers-relais permettant d’apporter l’aide maximum autorisée en croisant les subventions du département, de l’État et de l’Europe.

Aujourd’hui, cette formule est fortement déconseillée par l’État au vu des risques pris par les collectivités maîtres d’ouvrage et des limites à leur capacité d’endettement. Il est donc conseillé de passer soit par une société de crédit-bail qui porte le projet de l’entreprise, soit de faire bénéficier celle-ci d’une aide directe à l’investissement immobilier puisque le décret du 27 mai 2005 le permet.

Mais dans l’un et l’autre cas, et vous le savez mieux que personne, seule l’aide des départements est mobilisable. Le FEDER est épuisé. Et s’agissant de la DDR et les crédits du FNADT, ils ne peuvent être attribués que si les collectivités sont maîtres d’ouvrage. Il est donc impossible d’atteindre le plafond pourtant autorisé par la règle européenne « de minimis ».

Afin de soutenir l’emploi et l’aménagement économique du territoire, le Gouvernement ne pourrait-t-il pas élargir le champ d’attribution de la DDR ou du FNADT aux entreprises et à leur crédit-bailleur pour des projets immobiliers créateurs d’emplois ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Madame la députée, vous m’interrogez sur l’élargissement des conditions d’accès aux aides du FNADT et de la DDR pour les entreprises dont les projets immobiliers sont créateurs d’emplois. Je suis sensible aux arguments que vous venez d’exposer à propos du développement économique et de l’emploi, et une importante partie de mon budget est consacrée à la création d’emplois par le biais de la prime à l’aménagement du territoire, le soutien aux pôles de compétitivité ou la création des pôles d’excellence ruraux. Néanmoins, il me semble difficile d’élargir systématiquement les conditions d’attribution du FNADT.

Depuis les premières lois de décentralisation de 1982, l’État a laissé aux collectivités locales le soin de soutenir l’immobilier d’entreprise et s’est concentré sur l’investissement productif, par l’intermédiaire du FDPMI. L’acte II de la décentralisation, en 2004, a confirmé et renforcé cette répartition des compétences entre l’échelon national et l’échelon local, les régions voyant leur pouvoir d’intervention renforcé. Les seules exceptions à la règle concernent les grands projets internationalement mobiles.

D’autre part, ouvrir la possibilité d’aider directement les projets immobiliers des entreprises risquerait, à budget constant, de consommer toutes les marges de manœuvre du FNADT et de la DDR, au détriment des projets portés par les collectivités territoriales.

Toutefois, je suis prêt à étudier dans quelle mesure une adaptation des règlements d’emploi de ces dotations pourrait être envisagée afin de répondre à des situations particulièrement difficiles dans des bassins d’emploi affectés par des sinistres industriels ou dans les zones rurales fragiles − comme certains territoires que vous représentez. Malgré les deux raisons que je viens d’évoquer, le plus important pour moi, c’est l’expérience du terrain, et j’entends bien assouplir les règles, même si elles sont antérieures et très contraignantes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Guibal.

M. Jean-Claude Guibal. Monsieur le président, messieurs les ministres, ma question concerne le tourisme. De récents et dramatiques incendies dans des hôtels ont amené le Gouvernement à envisager de réformer la réglementation relative à la protection et à la prévention contre les risques d’incendie. Un projet d’arrêté actuellement à l’étude alourdirait les prescriptions de l’arrêté du 22 juin 1990 à l’égard des établissements qui accueillent du public. Il prévoirait notamment l’encloisonnement total de l’escalier principal, l’obligation d’un deuxième escalier pour les établissements ayant plus d’un étage et la généralisation des portes coupe-feu et des ferme-portes dans toutes les chambres de l’établissement.

De leur côté, les commissions de sécurité incendie ont une interprétation de plus en plus stricte des textes et tendent à imposer des mesures de plus en plus sévères que les hôteliers doivent respecter dans des délais souvent très brefs.

Pour les hôteliers, cette évolution des textes et des pratiques se traduit par des investissements importants auxquels il leur est d’autant plus difficile de faire face que leur établissement est plus petit. Cela vaut particulièrement pour l’hôtellerie familiale. Le coût de la mise en conformité avec ces nouvelles normes, comme avec celles qui concernent l’accessibilité aux handicapés, pèse lourdement dans la comptabilité des établissements dès lors qu’il est considéré par le plan comptable général comme un investissement et ne peut donc pas être pris en compte dans les charges du compte d’exploitation.

Monsieur le ministre, au regard de son importance économique et sociale, ne serait-il pas possible d’aider l’hôtellerie familiale à se mettre aux normes de sécurité incendie et d’accessibilité des handicapés ? Dans ce dessein, deux mesures fiscales seraient envisageables : soit la mise en place d’une provision, telle qu’elle est prévue par la loi PME du 2 août 2005 dans le cas de dépenses de mise en conformité en matière de sécurité alimentaire ; soit la mise en place d’un régime semblable à celui qui a été instauré en 2001 par l’article 39 AI du code général des impôts, qui autorise les entreprises à pratiquer un amortissement exceptionnel sur douze mois à compter de la date de mise en service des « installations de sécurité destinées à assurer la sécurité de l’entreprise ou la protection du personnel ».

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au tourisme.

M. le ministre délégué au tourisme. Monsieur le député, les surcoûts engendrés par les exigences de sécurité sont une conséquence des événements dramatiques qui, cet été, ont touché la petite hôtellerie. Une commission placée sous l’égide de la sécurité civile se réunit depuis quelque temps. Mon ministère y est représenté et participe donc aux réflexions sur les dispositions à prendre.

Vous nous proposez de nouvelles mesures fiscales, qui peuvent prendre soit la forme d’une provision, soit celle d’un amortissement exceptionnel : je suis incapable de vous indiquer ce soir la solution qu’il faut privilégier, mais, dès que les premières conclusions de la commission seront connues, nous tâcherons de répondre à votre préoccupation, qui est aussi la mienne. Nous veillerons à satisfaire une double exigence : il s’agit d’une part de répondre à un besoin de sécurité et, d’autre part, de compenser les surcoûts que cela engendre, tout en garantissant un rapport qualité-prix indispensable pour que la petite hôtellerie demeure attractive.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mise en place des pôles de compétitivité constitue une démarche forte et très mobilisatrice dans les domaines de la recherche et du développement économique, mais toutes les régions n’arrivent pas à atteindre le seuil critique nécessaire à leur création. C’est pourquoi plusieurs élus ont été particulièrement intéressés lorsque, au mois de juillet, le Premier ministre, Dominique de Villepin, a évoqué l’idée d’une autre catégorie de pôles de compétitivité, qui pourraient concerner des domaines tels que la culture, le tourisme ou l’environnement. Certains ont déjà formulé des propositions, mais, en Aquitaine, le projet de la communauté d’agglomération Bayonne-Anglet-Biarritz n’a pas été retenu.

Dans le département de la Dordogne, une telle démarche, très fédératrice, paraît particulièrement intéressante, au double point de vue du tourisme et de l’environnement. Plusieurs acteurs ont d’ores et déjà commencé à engager la réflexion et à préparer un dossier, car le projet présenté doit être cohérent à l’échelle d’une zone ou du département. Mais la démarche est-elle toujours d’actualité ?

D’autre part, dans quel cadre s’inscrira cette nouvelle catégorie de pôles de compétitivité ? Quels sont les exigences et les critères auxquels il faudra satisfaire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le député, je vous remercie de votre question, qui m’offre l’occasion de clarifier la notion de pôle de compétitivité, pour éviter que le label ne soit galvaudé. Les soixante-sept projets qui ont été retenus jusqu’à présent − et qui ne sont d’ailleurs plus que soixante-six, deux d’entre eux ayant fusionné − ne doivent pas entrer en compétition. Nous n’avons pas pour ambition de faire des champions départementaux, des champions régionaux ou des champions de France, mais de faire, en France, des champions du monde. Dans un domaine bien précis, nous appelons toutes les synergies de notre pays à se rassembler pour le développement, la recherche et l’innovation. Nous l’avons fait pour l’aéronautique, pour la microélectronique, pour les solutions communicantes sécurisées et, dans le secteur du textile, nous avons exigé, pour chacun des trois pôles retenus, une véritable mise en réseau.

Si la candidature du projet touristique de Biarritz n’a pas été retenue, c’est qu’elle ne répondait pas à l’un des critères propres aux pôles de compétitivité, qui est le décloisonnement entre l’université, la recherche privée et l’innovation industrielle. Je ne dis pas, cher Léon Bertrand, que le tourisme ne peut pas, demain, constituer un pôle de compétitivité. Mais il ne le fera que si différents acteurs, à l’échelle de tout le pays, en Dordogne, en Aquitaine, dans le Nord-Pas-de-Calais ou sur la Côte d’Azur, associent la filière universitaire à des pôles de recherche privée en affirmant une volonté d’innovation. Si l’État a choisi d’accompagner les pôles de compétitivité, c’est pour soutenir les entreprises qui sont prêtes à consacrer une part importante de leur chiffre d’affaires à la recherche et au développement, à des innovations qui ne donneront leur fruit que dans quatre, cinq, voire dix ans, mais qui permettront à la France de rester à la pointe dans tel ou tel domaine. Si, demain, nous constatons dans celui du tourisme que les énergies se fédèrent et que les acteurs privés sont soutenus par les collectivités locales, alors nous serons prêts à labelliser un pôle de compétitivité. Cela ne peut pas se faire à l’échelle d’un territoire : il faut que cela se fasse au service de la France.

Toutefois, nous voulons proposer, dans les filières du tourisme et de la culture que vous venez d’évoquer, ces pôles d’excellence ruraux qu’a souhaités le Premier ministre, au service des territoires. Ils pourront également concerner l’écosystème, la biodiversité, les bioressources, les énergies renouvelables, les parcs naturels régionaux ou nationaux − autant de richesses que nous pouvons exploiter à travers ce nouveau label qui me paraît répondre à votre attente. Les patrimoines naturels ou culturels encore inexploités, les lieux déjà fréquentés mais pour lesquels l’offre touristique n’est ni structurée ni professionnelle, les lieux où le tourisme pourrait entrer en synergie avec d’autres filières locales répondent parfaitement à ces critères. Nous nous en sommes entretenus bien souvent ces derniers jours avec Léon Bertrand et, ensemble, nous soutiendrons tous les dossiers de candidature qui nous seront proposés.

M. le président. La parole est à M. Robert Lecou.

M. Robert Lecou. Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, La France, pays de contrastes, est riche de ses espaces, de ses villes moyennes et de ses bourgs centres. Mais elle est malade des difficultés de développement que rencontrent ses territoires, alors que l'hyper concentration débouche ailleurs sur des situations insupportables, dramatiques même – on le constate durement aujourd'hui.

Il est donc indispensable qu'une vraie politique d'aménagement du territoire soit, sous votre impulsion, poursuivie et même amplifiée afin d’atténuer les inégalités, de favoriser l'harmonie et de rétablir l'équilibre. On ne peut laisser se concentrer des problèmes dans des villes ou dans des banlieues alors que des petites villes, des villes moyennes et des territoires ruraux pourtant dynamiques restent sans moyens suffisants pour se développer.

Fiscalité et péréquation, réflexion sur l'empilage de nos institutions, proximité et accessibilité doivent accompagner le développement des territoires français.

S’agissant de la proximité et de l’accessibilité, facteurs essentiels du développement économique local, il est, par exemple, indispensable que l'objectif d'une couverture totale du territoire en téléphonie mobile et en haut débit soit atteint en 2007. Il y va de l’attractivité des territoires auprès des acteurs économiques, lesquels ne trouveront judicieux de s'installer dans la ruralité et dans des villes, par ailleurs bien desservies en infrastructures de transport, qu'à la condition qu'elles soient reliées aux nouveaux moyens d'information et de communication.

Vous m’avez garanti en commission des affaires économiques que le cap pour 2007 était fixé et qu’il serait atteint. Je vous remercie pour cet engagement que vous avez confirmé ce matin dans l'hémicycle.

L'État et les collectivités territoriales disposent d’un autre moyen pour favoriser la déconcentration et l’attractivité : le service public, facteur structurant sur le plan tant social qu’économique.

Les services publics doivent être proches, efficaces et accessibles pour être de vrais services au public. Or, ces dernières années, des élus locaux ont trop souvent eu à se battre pour le maintien de services tels que La Poste, l'hôpital, l’ANPE et même de certains services de l'État.

Aussi convient-il de réactiver les commissions départementales d'organisation, de modernisation et d'amélioration des services publics pour que, autour du préfet et des élus locaux, elles réfléchissent à des schémas départementaux.

Je souhaite donc, monsieur le ministre, connaître votre avis sur ces commissions ainsi que les mesures que vous comptez prendre pour leur donner une réelle capacité de coordination, d'harmonisation et de décision. Comment envisagez-vous leur fonctionnement ?

Plus largement, comment comptez-vous assurer la présence des services publics dans les bourgs centres, les préfectures et les sous-préfectures, services qui maillent le territoire et qui assurent son équilibre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le député, vous avez raison : toutes les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui dans nos territoires ruraux tiennent au démantèlement de services publics réalisés sans la moindre concertation.

Nous veillons, ainsi que je l’ai déjà rappelé, à défaire les uns après les autres les schémas nationaux afin que les décisions ne se prennent pas de manière centralisée mais en concertation avec les acteurs locaux qui ont de véritables propositions à faire.

Nous voulons parvenir à un véritable décloisonnement et à une concertation systématique. Le drame que nous avons connu ces dernières années est en effet dû au fait que l’on décidait de manière unilatérale, sans se concerter avec les acteurs des services publics, qu’il s’agisse d’ailleurs de ceux de l’État ou des collectivités locales.

L’État, dit-on, est le principal organisateur de services publics. Mais le premier service public, n’est-il pas celui que constituent les mairies elles-mêmes ? Ces 36 000 services publics que compte notre pays sont une réalité sur laquelle nous ne nous sommes pas suffisamment appuyés.

De même, le conseil général est un autre organisateur de services publics important qui implante lui-même souvent plus de services publics que l’État : il suffit d’additionner les circonscriptions d’action médicale et sociale, les centres médico-sociaux, les médiathèques, les centres pour la petite enfance, les services techniques – j’en passe et des meilleurs – pour réaliser combien le maillage de ces services publics est essentiel. L’acte II de la décentralisation renforce encore cette situation.

Décider d’un coup d’un seul, comme cela a pu se passer par le passé, de fermer, sur un territoire fragile, une perception comptant par exemple trois agents, pouvait avoir pour conséquence d’entraîner la fermeture d’une classe voire de l’école tout entière, et, par réaction en chaîne, celle d’autres services publics, certaines entreprises préférant alors se délocaliser, leurs cadres ou leurs salariés ne voulant plus rester sur ce territoire.

Aujourd’hui, nous disons « stop ! ». Il faut inverser le cours des choses et moderniser non pas le service public mais, comme vous l’affirmez, le service au public. À cet égard, les commissions départementales d’organisation, de modernisation et d’amélioration des services publics ont évidemment un rôle pivot à jouer.

La conférence nationale des services publics en milieu rural et la quasi-totalité des préfets s’accordent sur ce point, à condition de donner beaucoup plus de souplesse à cette structure de concertation afin qu’elle s’adapte aux réalités locales. Lors de la concertation ainsi engagée, certains préfets s’appuyaient sur les pays correspondant effectivement à des bassins de vie dans leur département, tandis que d’autres travaillaient au contraire à l’échelle départementale à partir d’un état des lieux par service.

Face à cette grande diversité, je crois comme vous qu’il nous faut adapter l’organisation des commissions départementales d’organisation de modernisation et d’amélioration des services publics aux spécificités de chaque territoire, tout en assurant la concertation de tous les acteurs publics et privés. Nous parviendrons ainsi, par la modernisation des services au public, à résoudre les problèmes que nous connaissons aujourd’hui dans notre ruralité.

M. le président. La parole est à M. Dominique Caillaud.

M. Dominique Caillaud. Monsieur le ministre des transports, ma question a trait à l’information géographique.

Le développement de l’information géographique a fait l’objet d’un contrat d’objectifs et de moyens pour les années 2003-2006 que l’IGN a remarquablement respecté jusqu’à ce jour, notamment en mettant en œuvre très efficacement le référentiel à grande échelle, socle indispensable, en tant que base de données géographiques commune, à tous les échanges entre les services de l’État et les collectivités territoriales.

À l’heure actuelle, l’accès pour tous aux données géographiques se développe sur le plan mondial de façon extraordinairement rapide, comme le prouve le succès de Google Earth.

Aussi à la veille d’un nouveau contrat d’objectifs et de moyens pour l’IGN couvrant la période 2007-2010, envisagez-vous d’exiger, s’agissant des missions de l’institut, une clarification, et donc une meilleure organisation fonctionnelle ? Je distinguerai à cet égard deux actions. D’une part, la mission essentielle pour l’IGN que constitue la production – mission intégralement financée par subvention publique – de la donnée géographique de base, accessible à tous, à des coûts minimes et libres de droit d’utilisation et de rediffusion. D’autre part, deux types de missions : le développement d’applications à vocation commerciale sur un marché concurrentiel très ouvert, et la mise en œuvre de procédures et de modèles de moyens de diffusion des données géographiques pour l’ensemble de nos concitoyens en utilisant notamment le réseau Internet, par exemple avec le géoportail, initiative dont je pense beaucoup de bien.

Au sein de ces différentes activités concurrentielles sur le marché mondial, l’IGN peut, à armes égales, faire valoir ses compétences et son savoir-faire et nourrir de légitimes ambitions.

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Votre question, monsieur Caillaud, montre tout l’intérêt que vous portez à la problématique de la cartographie.

Vous avez raison de souligner que l’information géographique sera de plus en plus déterminante dans les années qui viennent. Ce type d’information sera en effet extrêmement utile à de très nombreuses activités économiques, culturelles ou de recherche.

Vous souhaitez que l’on distingue mieux les missions de service public de l’IGN de ses activités sur le marché concurrentiel. Il est très important que le référentiel à grande échelle soit à la disposition de tous les acteurs qui peuvent avoir à l’utiliser : les ministères, bien sûr, les collectivités locales, qui pourront mieux mener leur politique d’aménagement, ainsi que les grandes entreprises, sans oublier, puisque vous avez évoqué Internet, le grand public qui peut également trouver un intérêt à accéder à ce type d’information.

Je veillerai, comme vous le souhaitez, à faire de cette mission de service public une orientation prioritaire dans le cadre du prochain contrat d’objectifs dont l’élaboration commencera en 2006.

La comptabilité analytique de l’IGN permet d’assurer une bonne séparation entre ses activités de service public et ses activités commerciales de même qu’une bonne appréciation du coût du référentiel à grande échelle. Conformément au souhait que vous venez d’exprimer, je veillerai à ce que les tarifs pratiqués facilitent sa diffusion la plus large possible.

M. le président. La parole est à M. Michel Lejeune.

M. Michel Lejeune. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué au tourisme.

Dans le budget de 2005, la ligne du titre VI, chapitre 66-30, prévoyant la consolidation des hébergements de tourisme social, n’était pas abondée, contrairement à l’année précédente où les crédits étaient prévus, si mes souvenirs sont bons, à hauteur de 2 millions d’euros. Après discussion, cette somme avait été provisionnée en loi de finances rectificative en mobilisant des fonds de l’Agence nationale pour les chèques-vacances. Or dans le projet de budget pour 2006, cette somme de 2 millions d’euros ne figure plus. Bien que modeste par rapport à d’autres dépenses ou à d’autres allégements que nous avons votés, elle revêt pourtant une grande importance si l’on veut conforter le tourisme social et atteindre l’objectif que nous nous sommes fixé, à savoir des vacances pour tous.

Une telle contribution budgétaire de l’État agit comme un levier pour mobiliser les aides des collectivités territoriales ou d’autres structures : de manière générale, les régions et les départements abondent quand l’État met la main au porte-monnaie.

Qu’il s’agisse de rénovation, d’adaptation ou de modernisation des structures du tourisme social, les besoins sont grands. Mais si tout le monde est d’accord sur le fond, ainsi que notre débat l’a montré, il semble plus difficile de s’accorder sur la forme. En pratique, monsieur le ministre, pensez-vous pouvoir rétablir cette ligne budgétaire, ainsi que nous le souhaitons très vivement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au tourisme.

M. le ministre délégué au tourisme. Il est vrai, monsieur le député, que la ligne concernant le programme de consolidation des hébergements du tourisme social ne présente aucun financement. Mais le Gouvernement identifie bien, au travers de la LOLF, un programme pour le tourisme, et trois actions qui sont la promotion, le soutien à l’économie du tourisme et le tourisme social.

Ainsi que vous l’avez souligné, nous étions l’année dernière dans la même situation avec une ligne qui n’était pas abondée. Je ne désespère pas de trouver, dans les mois qui viennent, les financements qui sont nécessaires.

Vous l’avez rappelé, le tourisme social n’est pas un tourisme ludique. Il permet à des Français de partir en vacances, à l’image de 40 000 d’entre eux l’année dernière, ce qui a constitué un formidable élément d’insertion sociale.

Par conséquent, je suis tout comme vous attaché à ce que cette ligne soit abondée et je ne désespère pas, je le répète, de retrouver pour l’année 2006 les moyens de poursuivre la même politique que l’année dernière.

M. le président. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Messieurs les ministres, le tourisme et le développement rural sont deux politiques intimement liées. La raison en est double.

La première est que le principal moteur du développement rural, chacun le sait, tient à l'accroissement de la démographie, qu’il s’agisse des résidents de nos territoires ruraux ou des populations touristiques. Or tous ont besoin de services, d'outils de communication, de transports, de haut débit et même de services de santé. Les populations de passage accroissent ainsi le rendement des équipements, c’est-à-dire leur taux d'usage, ce qui justifie que l'on investisse dans les services aux particuliers.

La seconde raison est qu'en France, le tourisme, en particulier en milieu rural, n'est pas un tourisme de masse comme dans certaines autres parties du monde. Il valorise ce que la France a de plus cher : sa diversité. Il n'est pas artificiellement plaqué sur un sol impersonnel et sous un même soleil pour tout le monde. Il repose directement sur les populations et, surtout, il se développe de la façon la plus efficace qu'on puisse imaginer, c’est-à-dire en s’appuyant sur les activités, souvent séculaires, de nos terroirs.

Je prendrai un exemple au hasard, celui de la coopérative « Jeune montagne » sur les plateaux de l’Aubrac : créée pour des motivations agricoles, elle attire aujourd’hui environ 50 000 visiteurs par an.

J'approuve donc très vivement tous les projets, qu’il s’agisse de désenclavement en matière de transport et de nouvelles technologies, de tourisme social ou de tourisme durable. La nouvelle méthode de réflexion, plus stratégique, plus transversale, repose sur une exigence de qualité, de lisibilité et de promotion, qui sont les clefs de l'expansion du tourisme rural.

Je me réjouis que les termes d'économie touristique et de filière universitaire remplacent celui d'activité touristique. Le tourisme en milieu rural n'est pas une activité d'appoint, mais une économie à part entière. Ce n'est pas non plus, contrairement à ce que l’on a pu le croire, une économie qui serait administrée par l’État ou par les collectivités locales au moyen de techniciens.

M. Léonce Deprez. Très bien !

M. Yves Censi. Je me félicite surtout, monsieur le ministre de l’aménagement du territoire, de votre excellente initiative de créer des pôles d’excellence ruraux, qui va dans le sens de ce que je soulignais dans mon introduction, et de consacrer l’un des grands chapitres de ce projet – le premier – au tourisme, à la culture et au patrimoine.

Compte tenu de la très grande attente que suscite aujourd’hui cette annonce, je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir nous préciser le calendrier prévisionnel de sa mise en chantier et les moyens qui y seront consacrés.

Je souhaiterais également m’assurer de la réalité d’un co-pilotage des projets de pôles d’excellence ruraux, auquel devrait également être associé le ministère du tourisme.

Je souhaiterais enfin que vous me confirmiez que, dans la perspective du désenclavement et du décloisonnement des territoires, la création de ces pôles ne sera pas tant déterminée seulement par des critères « durs » – critères de zonage ou démographiques, liés par exemple à la densité de population – que par la qualité et l’excellence des projets proposés. Les critères qualitatifs sont en effet de la plus haute importance, et ils sont également liés à la création de valeur ajoutée.

Pouvez-vous garantir également que la création de pôles d’excellence ruraux pourra concerner ce qu’on appelle les « villes à la campagne » – comme dans le cas de Rodez, en Aveyron, ville de 25 000 habitants dont la communauté d’agglomération compte 55 000 habitants et qui se situe pourtant au milieu d’un territoire profondément rural. Les critères ne sont pas, dans un tel cas, ceux qui s’appliquent aux zones de revitalisation rurale, mais l’objectif est précisément d’associer ville et campagnes, et non de les opposer.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au tourisme.

M. le ministre délégué au tourisme. Vous avez raison, monsieur Censi, de rappeler l’importance du tourisme en milieu rural, qui représente 19,1 % de la consommation et un tiers de la fréquentation touristiques françaises. L’accueil touristique en espace rural repose sur une grande variété d’activités – comme la navigation fluviale ou la randonnée – d’hébergements – hôtellerie, chambres d’hôtes ou meublés – et de formes de restauration. Cette activité concourt aussi au développement des territoires, aux côtés d’autres activités économiques telles que l’agriculture.

Vous avez rappelé que ce tourisme rural se caractérise par une offre très diffuse. Le travail en réseau de l’ensemble des acteurs locaux, déjà très avancé grâce notamment à l’action que vous menez à la tête de la conférence permanente du tourisme rural, doit être encore approfondi par une offre touristique attractive et globale. Les pôles d’excellence ruraux, vous l’avez dit très justement, peuvent apporter une réponse claire et sont en outre capables de susciter l’imagination et la créativité. Tout cela est facteur de richesse, et donc d’emploi, ce que nous recherchons tous.

Sur les modalités de la sélection des pôles d’excellence ruraux, M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire vous apportera certainement les réponses précises que vous demandez. Je suis, quant à moi, tout à fait ouvert à un copilotage dans lequel le ministère du tourisme pourra faire entendre sa voix.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Au cours des trois ou quatre mois que je viens de passer à parcourir les territoires ruraux de notre pays, j’ai constaté l’exigence légitime qui s’exprimait d’une réponse concrète et crédible à la question qui a occupé une grande part de notre débat de ce soi. Dans ce domaine, nous n’avons pas le droit de décevoir.

Il est tout à fait vrai, monsieur Censi, que les projets proposés doivent être de qualité, et ce sera là un critère important de leur sélection. D’autre part, et comme dans le cas des pôles de compétitivité, la gouvernance ne doit pas être assurée par des collectivités, mais exprimer le décloisonnement, important pour notre ruralité, entre notamment les PME, les artisans, les agriculteurs, les associations gestionnaires d’offices du tourisme, que les collectivités, qui devront accompagner avec leurs outils et leurs savoir-faire.

Nous lancerons à la fin de l’année un appel à candidatures pour les 200 premiers projets. Les financements relèveront en grande partie, de manière transversale, du FNADT pour l’aménagement du territoire et, en fonction des sujets retenus dans le cadre de la délégation donnée par le CIADT à notre travail interministériel, de chaque ministère concerné ; s’y ajoutera, surtout, un important volet d’exonérations fiscales, comme c’est le cas pour les pôles de compétitivité.

Quant au périmètre de ces pôles, il n’aurait pas de sens de le fixer par un chiffre – 30 000, 35 000 ou 40 000 habitants ? Seules comptent la pertinence, l’identité culturelle, géographique et historique d’un territoire, sa cohérence et, en quelque sorte, sa cohésion.

Je souhaite que les dossiers qui seront présentés émanent autant que possible d’une ruralité profonde, et que ces candidatures soient le moins urbaines possible. Il n’est pas impossible que puisse être retenu un projet comportant une commune phare qui lui apporterait une contribution intéressante, à condition que ce projet relève essentiellement d’une ruralité profonde. L’axe choisi par le Gouvernement est plutôt, en effet, celui d’une addition de petites communes au cœur de cette ruralité.

M. le président. Nous avons terminé les questions.

Politique des territoires

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « politique des territoires » inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Sur l’état B, je suis d’abord saisi d’un amendement n° 24.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour le soutenir.

M. Louis Giscard d’Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. L’amendement n° 24 cosigné par le président de la commission des finances vise à réduire de 2 millions d’euros les crédits de 34,582 millions d’euros figurant au budget au titre du soutien aux politiques locales foncières, qui se répartissent de la manière suivante : 27 millions d’euros pour la région Île-de-France, 2 millions d’euros de dotation aux établissements publics fonciers, 1,3 million d’euros pour les contrats de plan État-région et 4 millions d’euros pour l’élaboration des SCOT.

En effet, il n’est plus nécessaire, dans certaines situations, de financer le démarrage de nouveaux établissements publics fonciers, car ces derniers sont déjà très nombreux et, une fois créés, ils disposent d’une autonomie financière – mais leur financement est souvent assuré par une taxe spéciale d’équipement. La commission a souhaité exprimer son opposition de principe à la création d’une nouvelle taxe spéciale d’équipement qui résulterait de la création de nouveaux établissements publics fonciers.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Nul n’ignore l’importance de la politique foncière, tant pour maîtriser les prix que pour mutualiser la rente. Deux questions se posent toutefois.

Tout d’abord, alors qu’il existe déjà de nombreuses structures, faut-il encore, pour faire face à un problème, en empiler de nouvelles ? Je rappelle que les agences d’urbanisme ou les présidents de communautés d’agglomération ont la capacité de mener des politiques de réserve foncière, et beaucoup l’ont fait. Il est rare que la région soit le niveau d’intervention le plus adapté. Je ne suis pas convaincu qu’il faille donner suite à toutes les demandes des régions de créer un établissement public foncier.

En second lieu, faut-il encore une nouvelle taxe, après les taxes locales d’équipement et les taxes d’espaces verts ? Cette nouvelle taxe pourrait encore conduire certains à demander des subventions à l’État. S’ils sont nécessaires, on peut bien créer des établissements publics fonciers, mais ceux-ci peuvent vivre de leur activité, sans imposer une taxe supplémentaire à tous les contribuables. Quand cesserons-nous d’empiler des structures ? Quand cesserons-nous de répondre toujours par des lois ou des taxes supplémentaires ?

Si cette subvention de 2 millions d’euros devait être maintenue, le financement des établissements publics fonciers ne devrait pas être assuré par une nouvelle taxe. Nous maintenons donc l’amendement n° 24. Il y a en effet des moments où nous devons nous interroger sur la performance de nos institutions.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Je remercie le président de la commission des finances et le rapporteur spécial, qui posent de bonnes questions. Nous devons cependant nous entendre sur le contenu du débat. Un certain consensus se dégage pour observer qu’il est difficile d’accélérer la construction des logements, notamment pour des raisons foncières qui provoquent des blocages dans les grandes agglomérations. Ce n’est certes pas le cas partout, mais on l’observe en Île-de-France, en région Rhône-Alpes, dans le sud de la France et dans les régions où s’exerce une pression foncière du fait du déséquilibre du marché, pour des raisons par exemple d’attractivité touristique, puisqu’il a beaucoup été question de tourisme cet après-midi.

Il s’agit donc de savoir comment répondre à cette question foncière. Vous avez, monsieur le président, évoqué plusieurs réponses. Il est vrai que les communes ou les structures de coopération intercommunale peuvent mettre en place des politiques foncières, mais ce n’est nullement la fonction des agences d’urbanisme, qui sont des structures d’études et ne sont pas susceptibles d’acheter pour revendre. Un outil foncier a une stratégie d’achat et peut stocker du foncier durant un certain temps pour remettre ultérieurement ces terrains sur le marché : après une période d’amorçage, ces structures ont donc des dépenses et des recettes, et elles doivent donc être conçues pour cela.

Les établissements publics fonciers sont des établissements d’État dont le périmètre de compétence, fixé par l’État, peut être régional, interdépartemental ou départemental – la loi ne l’interdit pas, ni ne le fixe. En tant que ministre, je considère que c’est au terme d’une concertation avec l’ensemble des collectivités territoriales et des parlementaires concernés que nous pourrions procéder à la création d’établissements publics fonciers nouveaux, comme il en existe en Lorraine et en Normandie, deux régions très différentes et où les enjeux fonciers sont très différents – en Lorraine se posait notamment le problème de la réutilisation d’un foncier dégradé, qui nécessitait l’intervention d’un opérateur public.

Voilà donc le premier élément de ma réponse. Je tiens à être clair : il ne s’agit nullement de confier aux conseils régionaux une compétence nouvelle en matière foncière. La loi est très claire : les établissements fonciers publics sont des établissements d’État dont le périmètre, le conseil d’administration et le directeur général sont choisis par l’État.

Ensuite, vous évoquez la problématique financière et vous soulevez une question pertinente, si je peux me permettre de porter un jugement : à quel niveau devons-nous fixer les taxes ? Je me permets de vous dire, monsieur le président de la commission, qu’il y a un paradoxe dans votre raisonnement : si l’État n’aide pas à la mise en place de nouveaux établissements publics fonciers, ils recourront à la taxe. Il y a donc une contradiction entre votre proposition de supprimer ces deux millions de crédits et la possibilité pour l’État d’aider à l’amorçage de ces établissements au cours de l’année 2006. Aujourd’hui il y a un certain nombre de projets, mais aucune décision n’a été prise. Si cette ligne de crédits est supprimée, nous pourrons difficilement mettre à la disposition des collectivités territoriales ce nouvel opérateur foncier, là où c'est nécessaire et où le consensus politique a été trouvé. C’est pourquoi je souhaite que vous retiriez l’amendement n° 24.

Si c’est le cas, je suggère que nous prolongions cette concertation – en y associant aussi la commission des affaires économiques si elle le souhaite – sur les périmètres géographiques opportuns pour la création de nouveaux établissements publics fonciers.

Mesdames, messieurs les députés, c’est une décision importante que vous allez prendre. J’ai beaucoup travaillé avec Jean-Louis Borloo à l’accélération de la construction de logements dans notre pays, et à la baisse des prix du foncier pour diminuer ceux des logements. Ôter à l’État la possibilité d’amorcer la création d’établissements publics qui ne sont pas forcément au périmètre des régions serait une erreur.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. J’écoute avec beaucoup d’attention ce débat car notre commission traite de plusieurs sujets touchant au logement. J’atteste ce que vient de dire le ministre : dans ses prévisions, si les établissements ne sont pas dotés des moyens de démarrer, le plan que le Gouvernement vient de déposer au Sénat ne pourra pas démarrer non plus. Cela rendra impossible la construction de nombreux logements sociaux que nous nous sommes engagés à mettre en œuvre. Je comprends le souci d’économies du président de la commission des finances. Il a bien raison de rechercher des économies dans ce budget mais, en l’occurrence, ce serait compromettre un programme ambitieux de logements sociaux qui constitue la suite du plan de cohésion sociale et qui permettra probablement de répondre à des attentes de plus en plus pressantes. C’est pourquoi je souhaite que la commission des finances et le Gouvernement trouvent un accord et que ces crédits ne soient pas supprimés.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Il y a toujours de très bons arguments pour mettre de nouvelles structures en place. Mais nombreux sont les élus et les communautés d’agglomérations qui n’ont pas attendu la création des établissements publics fonciers pour créer des logements, des équipements et des réserves foncières.

M. Jean-Pierre Gorges. On n’a pas besoin de tels établissements !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Ne nous racontons pas d’histoires. Monsieur le ministre, ma question est simple : s'il y a un intérêt à créer des réserves foncières, elles doivent s'équilibrer, puisque l'objectif est de maîtriser les prix et de mutualiser la rente. Faut-il donc une taxe ? Si un établissement public foncier que vous estimez utile a une subvention, pourra-t-il aussi prélever une taxe ? S’il y a cumul, alors je dis non : nous maintenons notre amendement.

M. Jean-Pierre Gorges. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président de la commission des finances, vous posez votre question avec une certaine malice puisque vous savez très bien que la loi de cohésion sociale prévoit cette possibilité. Nous pourrons un jour rediscuter de la loi, mais il appartient au ministre de l’appliquer.

M. le président. Maintenez-vous l’amendement n° 24, monsieur le président de la commission des finances ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Nous maintenons notre amendement, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 25 deuxième rectification.

La parole est à M. le rapporteur spécial pour le soutenir.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial. L’amendement a trait à l'urbanisme, domaine dans lequel un certain nombre de compétences ont été transférées aux collectivités locales, notamment en matière d'instruction des permis de construire dans les communes de plus de 10 000 habitants. En outre, nous savons tous qu’il y a une vaste réforme des services de l’équipement dans le cadre de la décentralisation. Or le projet de budget prévoit de doter le programme « aménagement, urbanisme et ingénierie publique » de 259 équivalents temps pleins travaillés, soit une hausse de huit postes. Certes, ce chiffre ne paraît pas considérable, mais il s’agit exclusivement de postes de catégorie A, alors que les effectifs de la catégorie B sont stables et que ceux de la catégorie C diminuent d’une unité. L’amendement vise à diminuer les dépenses de personnel des services centraux du ministère de l’équipement de 530 000 euros – équivalent budgétaire de huit équivalents temps pleins travaillés – afin de ne pas augmenter les effectifs et de stabiliser la masse salariale à 17,357 millions d’euros, soit au même niveau que dans le budget 2005.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le rapporteur spécial, le passage en mode LOLF a conduit à comptabiliser dans les programmes des emplois correspondant à des agents que le ministère de l’équipement met à disposition d’organismes tiers. En l’espèce, ont été imputés au programme « aménagement, urbanisme et ingénierie publique » les emplois correspondant à des agents mis à la disposition de la DATAR. Par conséquent, à périmètre égal, les effectifs de la direction générale diminuent de deux unités. Telle est la réalité comptable. C’est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le rapporteur spécial, de retirer l’amendement n° 25.

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, maintenez-vous l’amendement n° 25 ?

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, votre réponse a le mérite d’être tout à fait dans la logique de la LOLF : ces agents sont mis à la disposition de la DATAR, s'agissant d'un programme qui englobe l'aménagement du territoire. Je retire donc mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 25 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 26.

La parole est à M. le rapporteur spécial pour le soutenir.

M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial. Le programme « information géographique et cartographique » est doté par le projet de budget de 75 millions d'euros de crédits de paiement, ce qui correspond à la subvention de l'État à l'Institut géographique national. Celui-ci est seul opérateur du programme. Or, le directeur de l'opérateur est aussi le responsable du programme. Cette situation est inopportune puisque, d’une part, elle rend à la fois juge et partie le responsable du programme et que, d’autre part, elle rend plus complexe l'exercice de la tutelle par le ministère des transports, de l'équipement, de la mer et du tourisme.

L'amendement vise donc à intégrer à ce programme la subvention de l'État à l'IGN et les 60 800 euros inscrits au titre du programme « stratégie en matière d'équipement », qui correspondent en fait au financement du Conseil national d'information géographique. Le directeur du programme pourrait ainsi devenir le directeur de la recherche et de l'animation scientifique et technique – DRAST – du ministère de l’équipement. C’est une occasion pour le Parlement de proposer, au titre de la LOLF, une lecture encore plus adaptée de l’exercice de la tutelle. Cela mérite d’être souligné.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Je n’ai pas d’objection à la suggestion faite par le rapporteur spécial visant à modifier le tableau des autorisations d’engagement et des crédits de paiement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « politique des territoires » inscrits à l’état B, modifiés par les amendements adoptés.

(Ces crédits, ainsi modifiés, sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à la politique des territoires.

Ordre du jour
de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq, troisième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ; article 75

Rapport spécial, n° 2568, annexe 6, de M. Jean-Claude Mathis, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan ;

Avis, n° 2569, tome 2, de Mme Geneviève Lévy, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Avis, n° 2572, tome 1, de M. Jean-Claude Viollet, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante-cinq.)

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