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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 16 novembre 2005

63e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

attaques
contre des lieux de culte

M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac. Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, je pose ma question également au nom de Gabriel Biancheri qui, en raison des événements récents survenus à Romans-sur-Isère, est retenu dans sa circonscription.

Alors que les émeutes sont aujourd'hui largement maîtrisées dans les quartiers sensibles grâce à l’action des forces de l’ordre, la nuit dernière des actes injustifiables ont pourtant encore été commis, dont un particulièrement grave. En effet, un incendie volontaire a détruit hier soir une grande partie d’une église située dans un quartier difficile de Romans-sur-Isère dans la Drome. Deux départs simultanés de feux auraient été constatés par les pompiers.

Les élus, dont Gabriel Biancheri qui est encore sur place afin d’évaluer la situation, se sont rendus sur les lieux pour appeler au calme et condamner cet acte gratuit qui peut d’autant moins trouver de justification que cette agression contre un lieu de culte est loin d’être isolée. La semaine dernière encore, un cocktail Molotov a été jeté contre la grande mosquée de Lyon.

Monsieur le ministre, vous savez combien nous sommes tous très attachés au respect de tous les lieux de culte, quels qu’ils soient. Quelle est la réaction du Gouvernement et quelles mesures comptez-vous prendre ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, depuis quelque temps des voyous s’en prennent aux symboles de toutes les religions de France. Vous avez cité, madame la députée, l’église Saint-Jean d’Ars et la grande mosquée de Lyon. Vous auriez pu évoquer les mosquées de Carpentras et de Nîmes ou le véhicule incendié d’un rabbin stationnant devant une synagogue à Vénissieux.

Devant ces incendies, notre indignation est totale, quel que soit le culte outragé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française.) On s’attaque ainsi à des symboles de paix et d’espérance ! Madame Aurillac, que ce soit pour moi l’occasion de rappeler qu’un homme ou une femme qui croit est un homme ou une femme qui espère !

M. Jean Glavany. Et les autres ?

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Et que l’espérance n’est en rien contraire à l’idéal de la République. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

En France, la loi sur la laïcité ne vise pas à interdire, mais au contraire à reconnaître à chacun l’exercice d’un droit fondamental : celui de vivre sa foi…

M. Jean Glavany. Ou de ne pas la vivre !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …et de la transmettre à ses enfants, dans le cadre de la République. C’est cela, la laïcité à la française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) C’est pourquoi, alors que l’attaque d’un bien en vue de le détruire est passible de deux ans d’emprisonnement, celle d’un lieu de culte est plus sévèrement réprimée, une circonstance aggravante étant alors retenue. C’est donc bien le signe que les lieux de culte sont aux yeux de la République des symboles de paix et d’espérance.

Votre question me donne l’occasion de rappeler qu’il faut se faut se garder de tout amalgame : les lieux de culte ne sont pas les lieux de l’extrémisme. Les extrémistes choisissent des lieux clandestins – les caves ou les garages ! Vous n’en trouverez ni dans les mosquées, ni dans les églises, ni dans les synagogues, ni dans les temples protestants, d’ailleurs ! Dans tous ces lieux de culte, on vit sa foi selon les lois de la République, dans le cadre de la laïcité française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

service civiL volontaire

M. le président. La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste.

M. Jean Glavany. Le Président de la République a annoncé la mise en place d’un service civil.

Les socialistes travaillent depuis plusieurs années sur le projet d’un service civique. Daniel Vaillant avait même, au nom de notre groupe, présenté en 2003 dans le cadre d’une niche parlementaire une proposition de loi en ce sens. La droite s’y était opposée ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Roman et M. Alain Néri. Eh oui !

M. Jean Glavany. Nous souhaitons, quant à nous, un service civique obligatoire et universel, afin que tous les jeunes consacrent quelques semaines ou quelques mois de leur vie au service de leurs concitoyens, faisant ainsi un apprentissage concret de la citoyenneté et du civisme.

Ce service civique obligatoire permettrait aux enfants des cités de se retrouver aux côtés des enfants des beaux quartiers comme des enfants d’agriculteurs ou des enfants d’ouvriers, dans un brassage social dont on voit bien aujourd'hui qu’il fait cruellement défaut à la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. C’est vrai !

M. Jean Glavany. À l’inverse, le service civil volontaire que propose le Président de la République, parce qu’il ne concernerait que 50 000 jeunes, introduirait une discrimination nouvelle et inacceptable. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il y aurait ceux qui le feraient et ceux qui ne le feraient pas ! Ce serait l’instauration de la République à géométrie variable et de la citoyenneté à la carte ! Ce serait le civisme amputé !

Je m’adresse au Gouvernement : ne croyez-vous pas que le véritable investissement républicain, ce serait d’instaurer un service civique universel et obligatoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Bernard Roman. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur Glavany, si tous les bancs de cette assemblée partageaient la même idée sur le sujet, ce serait plutôt une bonne nouvelle et il serait alors dérisoire de savoir qui l’a eue le premier.

En l’occurrence, c’est le Président de la République qui a proposé au pays d’instaurer un service civil volontaire. Or, la différence entre vous et nous, c’est que vous, hier, vous vous êtes contentés de faire une proposition, et que nous, aujourd'hui, nous allons mettre en œuvre la mesure que le Président de la République a annoncée à la télévision ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. Vos propos sont inqualifiables !

M. le président. Monsieur Roman, laissez le ministre d’État s’exprimer.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Deuxième différence entre nous : vous prétendez que l’instauration d'un service civil qui ne soit pas universel créerait une nouvelle inégalité. Disant cela, monsieur Glavany, vous restez fidèle à vos valeurs et personne ne saurait vous en faire le reproche. Mais vous croyez aux vertus du nivellement quand nous n’y croyons pas ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Bernard Roman. C’est invraisemblable !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ce qui signifie, en clair, que certains jeunes en France ont moins que d’autres et qu’ils ont donc besoin d’être davantage aidés !

Je suis pour ma part convaincu qu’instaurer un service civil pour ceux qui n’ont pas eu la chance de bénéficier d’une première formation est non seulement une nécessité, mais que cela permettra aussi d’aller vers plus d’égalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman et M. Jacques Desallangre. C’est cela que vous appelez l’égalité !

M. le président. Laissez M. Sarkozy terminer !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Voilà trop longtemps qu’en France on ne veut prendre que des mesures qui s’appliquent à tous ! Et comme on n’en a pas les moyens, on ne fait rien pour personne ! C’est ainsi que la France est devenue le pays de trop nombreuses inégalités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Scandaleux !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Troisième remarque : ce sujet est complexe. C’est pourquoi le Gouvernement mènera une concertation approfondie avant de mettre en œuvre le service civil.

Notre idée est la suivante : donner une chance à ceux qui n’en ont pas eu en demandant à ceux qui n’ont ni formation ni occupation de se dévouer au service des autres plutôt que de leur empoisonner la vie ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri et M. Henri Nayrou. C’est une véritable provocation !

M. Jean-Louis Idiart. C’est scandaleux !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ce qu’il faut, dans notre pays, c’est inverser le système des valeurs !

Il faudra évidemment définir le public visé par cette mesure, choisir l’encadrement et se poser la question de la rémunération éventuelle et de son montant. Ce sera un beau débat, au cours duquel nous plaiderons qu’il faut donner plus à ceux qui ont moins et vous, qu’il faut donner la même chose à tous. Le pays jugera alors de quel côté est la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Annick Lepetit. On ne peut laisser dire cela !

M. le président. Madame Lepetit, calmez-vous, je vous prie !

commissariat général du plan

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean-Pierre Balligand. On ne peut accepter les propos du ministre de l’intérieur !

M. le président. Monsieur Balligand, je vous prie de laisser M. Dionis du Séjour poser sa question ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Dionis du Séjour. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre.

Le général de Gaulle doit se retourner dans sa tombe, lui qui évoquait l’ardente obligation du Plan. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le 27 octobre dernier, le Premier ministre a annoncé la suppression du commissariat général du Plan ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est assurément une dissolution aventureuse, pour reprendre les termes de l’ancien commissaire Alain Etchegoyen. Cette décision hautement symbolique et politique, prise sans concertation aucune, renie l’inspiration gaulliste tout en remettant en cause un des instruments performants du développement de notre nation, hérité de la Libération.

Le Plan, associé à des noms comme ceux de Jean Monnet ou de Jacques Delors, a toujours été utile à l’État et à la nation, comme lieu de concertation et de consensus avec les partenaires sociaux et comme outil de prospective pour l’État stratège. Tous les grands organismes planifient : nations ou grandes entreprises ; tous, ils essaient d’éclairer leurs décisions stratégiques. Et ce n’est pas parce que cette belle idée a été caricaturée par les régimes communistes qu’elle doit nous faire peur, à nous, qui sommes gens de liberté !

M. Jean-Pierre Brard. Bolchevique !

M. Jean Dionis du Séjour. Alors que nos décisions et nos arbitrages sont trop souvent soumis à la dictature du court terme – la privatisation des autoroutes est un exemple des dangers qu’elle comporte (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) –, le Plan est indispensable pour préparer l’avenir sur des sujets aussi importants pour notre pays que l’énergie, la démographie ou les retraites. La qualité du commissariat général du Plan a toujours reposé sur son indépendance. Pourquoi avoir supprimé un organisme garant de l’intérêt général et du bien public, alors que vous auriez pu le faire évoluer ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement.

M. Jean-Pierre Brard. Un planificateur !

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le député, le Premier ministre a annoncé le 27 octobre dernier la décision de transformer…

M. Bernard Roman. Autant dire de supprimer !

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. …le commissariat général du Plan en centre d’analyses stratégiques qui sera directement rattaché à ses services, mais, je tiens à vous rassurer, à aucun moment il n’a évoqué sa suppression. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Augustin Bonrepaux. Comme si ce n’était pas la même chose !

M. Albert Facon. C’est sa mort lente !

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. Il a souhaité le faire évoluer afin de disposer, grâce à ce nouvel ensemble, d’une capacité d’expertise rapide et directement opérationnelle pour éclairer les décisions du Gouvernement, comme c’est déjà le cas de nombreux gouvernements étrangers.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas sérieux ! Vous ne croyez même pas ce que vous dites !

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. Le centre d’analyses stratégiques devra être orienté vers l’action mais il sera indépendant dans la conduite de ses travaux.

M. André Chassaigne. Avec quels moyens ?

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. Son programme de travail devra prioritairement intégrer les commandes du Gouvernement, et sa relation avec le Premier ministre conciliera, vous le savez, monsieur le député, indépendance et confiance.

M. Albert Facon. Quelle conviction !

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. Il ne s’agit donc pas de remettre en cause le caractère prospectif des travaux du commissariat général du Plan ni leur utilité, mais de leur ajouter un autre niveau d’analyse, directement opérationnel.

Le Plan a également longtemps assuré une fonction de dialogue avec les partenaires sociaux, qu’il informe parallèlement. Le Premier ministre souhaite – il l’a fait savoir – que cette mission soit mieux assurée. Mme Boissard qui vient d’être nommée, sera notamment chargée de faire des propositions sur le sujet.

Quant à l’IRES, l’Institut de recherche économique et sociale, vous le savez également, monsieur le député, le Premier ministre s’est engagé auprès des partenaires sociaux à ne modifier ni son statut ni ses missions.

Il ne s’agit donc en aucun cas de faire table rase…

M. Jean-Pierre Brard. Du passé !

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. …des réalisations du commissariat général du Plan, notamment de ses rapports récents, mais d’en faire un outil de réflexion prospectif qui éclaire le Gouvernement et le Premier ministre sur des sujets qui nécessitent une expertise transversale.

M. André Chassaigne. J’ai tout compris !

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. Enfin, le centre d’analyses stratégiques s’appuiera sur les ressources internes et l’expertise reconnue des agents du commissariat général du Plan ainsi que sur la mise en réseau des différentes capacités d’expertise publique.

M. André Chassaigne. Paroles ! Paroles !

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. Je pense, monsieur le député, vous avoir totalement rassuré. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maurice Leroy. Pas du tout !

justice sociale

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Pierre Brard. Lui, c’est un vrai bolchevique !

M. Michel Vaxès. Ma question s’adresse à monsieur le Premier ministre.

Les souffrances qui minent nos quartiers populaires confirment une fois de plus l’exigence d’un engagement fort et durable en faveur des populations que le libéralisme condamne à la relégation. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Parce que la source de l’ordre public est la justice, il y a urgence à mettre en œuvre les mesures de justice sociale trop longtemps attendues. Or, en l’état, votre budget ne traduit en rien la volonté de répondre à l’injustice qui frappe les plus démunis. Pis, le projet de loi de finances pour 2006 multiplie les cadeaux fiscaux à une minorité au détriment de l’intérêt du plus grand nombre. Sous prétexte de simplifier l’impôt sur le revenu, les 100 000 foyers les plus riches bénéficieront de 885 millions d’allègements fiscaux. (« Mais non ! », sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En application du bouclier fiscal, 250 millions d’euros iront aux 14 000 ménages les plus aisés.

M. Maxime Gremetz. Voilà !

M. Michel Vaxès. La nouvelle baisse de l’ISF, gratifiera PDG et actionnaires de 68 millions d’euros.

Au total, ce sont 1,2 milliard d’euros qui bénéficieront aux plus favorisés. Et – cerise sur le gâteau – le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % privera l’État, c’est-à-dire les Français, de 1,5 milliard d’euros tous les ans, soit trois fois le montant alloué aux zones d’éducation prioritaires.

Dans le même temps, votre gouvernement et votre majorité viennent de décider de financer le soutien aux associations et l’augmentation du nombre des assistants pédagogiques en ponctionnant les crédits de l’enseignement secondaire de 40 millions d’euros. C’est scandaleux ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Face à l’urgence sociale, le Gouvernement est-il prêt à modifier significativement son projet de loi de finances, afin de répondre autrement, à enveloppe budgétaire constante, aux besoins des populations de nos quartiers populaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Malheureusement non !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

M. Jean-Pierre Brard. Mme Vautrin remplace M. Breton !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le député, vous venez de le rappeler, l’action que mène le Gouvernement dans nos quartiers part d’un constat partagé sur l’ensemble des bancs de cet hémicycle.

M. Jean-Pierre Brard. Regardez votre interlocuteur, madame Vautrin !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. La politique de la ville a trop longtemps manqué de lisibilité et de continuité. C’est pour cette raison que, dès 2002, le Gouvernement a travaillé sur le sujet et mis en place des outils devant servir dans la durée. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Nous avons d’abord créé l’Agence nationale de rénovation urbaine dont chacun reconnaît aujourd’hui l’intérêt pour nos quartiers…

M. Jean-Pierre Brard. Et le bouclier fiscal ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. …au point de demander l’optimisation des moyens dont elle dispose afin d’agir plus vite.

Le plan de cohésion sociale constitue le second outil, cette grande loi nationale de programmation dont la mise en œuvre a commencé avec la création des équipes de réussite éducative et la réforme de la DSU. Voilà, des moyens pour les quartiers !

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas la question !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Aujourd’hui, le Gouvernement a décidé d’aller plus vite et plus fort, particulièrement pour répondre aux attentes des habitants des quartiers, à celles des associations dont chacun souligne le travail, mais aussi à celles des élus.

C’est pourquoi, lundi, à l’occasion de la discussion budgétaire, nous pourrons examiner ensemble les moyens supplémentaires destinés aux associations, aux postes d’adultes-relais, à l’accompagnement des équipes de réussite éducative, ou encore et surtout, à la mise en place d’un outil – l’agence de cohésion sociale et d’égalité des chances – qui nous permettra d’inscrire notre action dans la durée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

FRÉGATES EUROPÉENNES MULTIMISSIONS

M. le président. La parole est à le M. Jacques Le Nay, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Le Nay. Ma question s’adresse à Mme le ministre de la défense.

La signature du contrat autorisant la construction de 24 frégates européennes multimissions, les FREMM, devait intervenir lors du sommet franco-italien du 14 octobre dernier. Or, la signature de ce contrat avait été annulée in extremis en raison d’un problème de procédure du côté italien, sans qu’une autre échéance ait été alors annoncée.

Sur chacun des sites concernés, à Lorient et à Brest notamment, ce contrat représente un plan de charge déterminant d’un point de vue économique. La construction de ces frégates – 10 en Italie et 17 en France – est très attendue.

Lors du débat sur le budget de la défense, lundi 7 novembre dernier, vous nous avez confirmé, madame le ministre, que les négociations avec le Gouvernement italien évoluaient dans le bon sens. La presse régionale de ce matin semble d’ailleurs annoncer que toutes les conditions sont désormais réunies pour la signature du contrat.

Ce dossier est très sensible et son aboutissement très attendu, aussi, madame le ministre, ma question est double : pouvez-vous, d’une part, nous confirmer ces informations et annoncer une date pour la signature du contrat ? Pouvez-vous, d’autre part, nous apporter des précisions sur l’impact qu’aura sa mise en œuvre sur le plan de charge de DCN notamment, à Lorient et à Brest.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le contrat de développement et de réalisation des frégates multimissions a été notifié et signé ce matin même.

Après trois ans d’efforts, le plus grand programme naval jamais réalisé en Europe est désormais lancé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Ce contrat de plus de 11 milliards d’euros prévoit la construction de 27 frégates dont 17 par la France.

M. Jean-Pierre Brard. Est-ce qu’il y aura des hélices cette fois-ci ?

Mme la ministre de la défense. Il permettra de renouveler la plus grande partie de la flotte de surface de la marine nationale. La première livraison est attendue pour 2011. C’est une excellente nouvelle pour plusieurs milliers de salariés.

M. Yves Fromion. Ils en ont bien besoin !

Mme la ministre de la défense. En effet, le plan de charge de DCN à Lorient est désormais assuré après 2008.

M. Yves Fromion. Très bien !

Mme la ministre de la défense. La charge de travail est également importante pour les autres sites de DCN, notamment celui de Brest, dès 2006, mais aussi ceux de Toulon, Ruelle et Indret.

De nombreuses autres entreprises sont également concernées comme Thales et MBDA.

Ce contrat constitue une contribution majeure de la France et de l’Italie à la construction de l’Europe de la défense puisqu’il s’agit du premier contrat naval soutenu par l’organisation européenne de coopération en matière d’armements et, financièrement, le deuxième contrat le plus important, après celui concernant les avions de transport de l’A 400M.

Je tiens à souligner que ce nouveau succès a été permis grâce à la loi de programmation militaire que vous avez votée et soutenue avec constance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

apprentissage

M. le président. La parole est à Mme Irène Tharin, pour le groupe UMP.

Mme Irène Tharin. Dans les graves troubles que notre pays vient de connaître, de nombreux jeunes sont impliqués et la plupart sont en échec scolaire. Chaque année, 120 000 d’entre eux sortent du système scolaire sans aucun diplôme. Nous devons donc mobiliser nos efforts pour offrir à chacun les moyens d’une réelle insertion professionnelle.

Dans le rapport sur l’orientation, que j’ai remis récemment au Premier ministre, je propose que l’on offre un contrat d’apprentissage à chacun de ces jeunes sortis sans qualification du collège ou du lycée.

J’approuve donc sans réserve la décision du Premier ministre de faire bénéficier les jeunes, dès l’âge de quatorze ans, d’une véritable formation professionnelle et théorique grâce au contrat d’apprentissage.

L’apprentissage est un véritable passeport pour l’emploi. 84 % des Français y sont favorables. Le succès de l’apprentissage passe aussi par la reconnaissance de cette filière comme une orientation scolaire à part entière. Elle doit être proposée aux jeunes de quatorze ans quel que soit leur domicile ou leur parcours scolaire. On ne doit pas l’assimiler à un arrêt des études, et nous devons prévoir, pour ces jeunes, la possibilité d’emprunter des passerelles pour réintégrer, s’ils le souhaitent, un cycle d’études scolaires classiques.

Quelles seront les nouvelles modalités de l’apprentissage ? Quels moyens le Gouvernement entend-il déployer pour en faire une réelle filière d’insertion professionnelle ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame Tharin, il est vrai qu’on ne peut pas parler d’égalité des chances, si l’on ne propose pas d’offres nouvelles aux jeunes. Pour cela, nous nous sommes inspirés de votre excellent rapport (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) qui propose effectivement de renouveler l’apprentissage. Appelons-le, si vous le voulez bien : « l’apprentissage junior », offert à des jeunes de quatorze ans.

M. Jean-Pierre Brard. Et l’apprentissage des seniors ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’apprentissage est en effet une vraie voie d’excellence. On compte aujourd’hui 350 000 jeunes en apprentissage et plus de 80 % d’entre eux, au bout d’un an, obtiennent un contrat de travail à durée indéterminée. Souvent, quand on parle d’apprentissage, on pense au bâtiment et travaux publics ; mais on pourrait aussi parler de l’apprentissage en informatique, dans les nouvelles technologies, dans les métiers des services. On a besoin d’apprentissage en France. Et l’apprentissage, j’insiste, constitue vraiment une formation d’excellence.

M. Jean-Pierre Brard. Et au Gouvernement, y a-t-il des apprentis ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Du BEP, on peut passer au bac professionnel et même, ensuite, au BTS. Hier par exemple, j’ai rencontré deux parlementaires qui avaient commencé leur carrière en apprentissage.

M. Jean-Pierre Brard. Ils y sont toujours !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Seulement, bien entendu, il faut que les jeunes acquièrent le socle commun de connaissances indispensables : ils doivent non seulement savoir lire, écrire, compter…

M. Yves Nicolin. Arrêtons la méthode globale !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. …mais ils doivent aussi apprendre les valeurs de la République afin de devenir des citoyens responsables.

Enfin, nous voulons qu’ils soient inscrits dans un collège de référence. En effet, le collège unique, ce n’est pas fini et le jeune qui ne se plaît pas en apprentissage doit pouvoir revenir sur son choix.

Aussi, mes collègues Renaud Dutreil, Gérard Larcher et moi-même travaillons avec les partenaires sociaux, les chambres professionnelles, les chambres de métiers, les conseils régionaux afin de vous présenter dans les toutes prochaines semaines un bon projet d’apprentissage junior qui donnera un supplément d’égalité des chances à notre République. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

aides au logement

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour le groupe socialiste.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

La question du logement est au cœur des difficultés des Français. La pénurie de logements a des conséquences graves comme l’ont montré les incendies dramatiques de cet été. De plus, le prix des loyers grève de plus en plus le pouvoir d’achat des ménages.

Votre projet de budget pour 2006 s’inscrit dans la continuité des lois de finances précédentes. Les dépenses consacrées au logement n’augmentent pas. Vous sacrifiez même les aides dont bénéficient les locataires modestes en les diminuant de 72 millions d’euros.

Au total, le pouvoir d’achat des aides personnelles au logement a été amputé de 8 % depuis 2002 quand l’augmentation annuelle des loyers, elle, est de 4,5 %, et sans compter la hausse des charges. Le coup de pouce de 1,8 % annoncé à la rentrée par le Premier ministre sera sans doute bien insuffisant pour combler le retard accumulé.

De plus, pour faire des économies, vous avez exclu 200 000 locataires du bénéfice de ces aides en ne les versant plus lorsque leur montant est inférieur – quelle somme ! – à 24 euros par mois.

Le médiateur de la République lui-même vous a demandé de revenir sur cette mesure dont vous venez d’annoncer le retrait. Mais, reprenant d’une main, comme à votre habitude, ce que vous donnez de l’autre, vous relevez de 3 euros la participation de tous les bénéficiaires d’aides au logement. Encore une fois, ce sont les plus pauvres qui font l’effort financier le plus important, tandis que vous diminuez très fortement la fiscalité des plus fortunés. Votre gouvernement n’est pas à la hauteur de la crise du logement. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Alors que notre assemblée s’apprête à continuer l’examen de votre projet de budget, ma question est simple : allez-vous enfin revaloriser les aides au logement à proportion de la hausse des loyers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Pierre Brard. Abracadabri, abracadabra !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Comme vous le savez, madame la députée, la revalorisation de l’APL applicable au 1er septembre a été de 1,8 %. Pourquoi, me demandez-vous, le montant de la ligne correspondant à cette aide est-il légèrement inférieur à celui de l’année dernière ? Ce n’est pas parce que nous n’appliquerons pas cette revalorisation, mais tout simplement parce qu’il y a plus de cotisants du fait de la reprise de l’activité et de la légère réduction du chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Albert Facon. La cagnotte de M. Borloo !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Quant au logement social, vous remarquerez que les grandes périodes de construction en France ces trente dernières années correspondent au plan de relance lancé par M. Chirac en 1975, puis aux mesures de Pierre-André Périssol, à celles de M. Daubresse, et enfin à la période actuelle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Bataille. Quel mépris !

endémie à la réunion

M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria, pour le groupe UMP.

M. René-Paul Victoria. Monsieur le ministre de l’outre-mer, depuis le mois de mars dernier, la Réunion doit faire face au développement d’une maladie, le virus du chikungunya, transmise par un moustique et qui a infecté d’ores et déjà plus de quatre mille personnes. Selon les médecins épidémiologistes, cette maladie est passée d’un mode épidémique à un mode endémique. Quelques cas de complications encéphaliques ont été constatés.

Les mesures de lutte mises en œuvre par la DRASS et les campagnes d’information menées par les collectivités locales ne semblent pas produire les effets escomptés, puisque le nombre de cas signalés est en constante augmentation. La saison chaude, dans laquelle nous entrons actuellement, correspond à la période de reproduction et de prolifération des moustiques, ce qui laisse prévoir une augmentation du nombre de malades. Les Réunionnais sont très inquiets.

L’aggravation de la situation sanitaire me conduit donc, monsieur le ministre, à vous demander la mise en application des dispositions de la loi 64-1246 du 16 décembre 1964, modifiée par la loi 2004-1343 du 9 décembre 2004, relative à la lutte contre les moustiques. Nous disposerions ainsi d’un cadre juridique adapté pour définir et imposer les mesures de lutte nécessaire et donner compétence aux services départementaux pour mettre en œuvre sur le terrain les actions définies par les services de l’État, avec un service de prophylaxie dont les moyens devront être importants.

Une opération coup de poing est nécessaire. Il n’est pas normal que les collectivités locales ne puissent compter que sur leurs propres moyens pour faire face. Nous avons besoin de l’aide du Gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’outre-mer.

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer. Les éléments de réponse que je vais vous apporter, monsieur le député, ont été établis avec Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, qui est retenu au Sénat par la discussion du PLFSS.

Le développement du chikungunya est à prendre très au sérieux, à cause de son mode de transmission par les moustiques et de la rapidité de son évolution. L’épidémie, qui est passée à un stade endémique, arrive des Comores et touche l’océan Indien. Elle a évolué très rapidement : 4 500 cas ont été recensés à la Réunion, mais surtout, depuis quelque temps, on compte cinquante à cent nouveaux cas par semaine. Nous devons être d’autant plus attentifs que des observations laissent à penser qu’il existe un risque de transmission de la femme enceinte à son enfant.

Une cellule de contact a été mise en place entre la direction générale des affaires sanitaires et sociales et la cellule épidémiologique regroupant les meilleurs spécialistes, afin d’établir un protocole d’examen de l’évolution de la maladie et de la transmission de la mère à l’enfant.

La lutte contre cette maladie et son éradication passe par l’établissement d’un dispositif très strict de démoustication. Un partenariat entre l’État et les collectivités territoriales est nécessaire pour assurer l’information des populations et pour mettre à la disposition des collectivités des matériels et des moyens supplémentaires. Dans cette optique, le ministère de la santé a débloqué 52 000 euros pour permettre à la DRASS d’acheter du matériel. S’il le faut, nous irons plus loin. C’est la raison pour laquelle le préfet a mis en place, dans une logique interministérielle, un comité de pilotage pouvant recourir aux forces armées,…

M. Jean-Pierre Brard. On sort le gros calibre ! Cela va faire cher du moustique !

M. le ministre de l’outre-mer. …notamment dans la période d’élimination des sources de gîtes larvaires – lesquelles représentent 80 % des zones de contamination potentielle. Ainsi, nous devrions disposer dans les semaines qui viennent des moyens d’éradiquer, au moins pour cette saison, les éléments toxiques de cette maladie.

La DRASS et le ministère de la santé sont mobilisés. Les services du ministère se tiennent à votre disposition et le préfet a toute latitude auprès des collectivités locales pour agir contre le développement rapide de cette maladie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

service civil volontaire

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour le groupe UMP.

Mme Claude Greff. Ma question s’adresse à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Le Président de la République a annoncé la création d’un service civil volontaire, qui concernera cinquante mille jeunes en 2007. Ce service, que nous voulons en effet volontaire, associera accompagnement et formation. Il inclura de nombreux dispositifs et s’exercera notamment dans le secteur associatif. Vous avez défendu le projet de loi relatif au volontariat associatif devant le Sénat le 12 mai, monsieur le ministre, et nous examinerons bientôt ce texte qui devrait permettre à nos concitoyens, et notamment aux jeunes, de s’investir pour une durée déterminée dans des projets d’intérêt général au sein d’une structure associative. Les associations disposeront ainsi de nouvelles ressources humaines.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser le rôle du volontariat associatif, particulièrement dans le service civil volontaire, et nous dire combien de personnes seront concernées par ce nouveau dispositif ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Le service civil volontaire est en effet une formidable opportunité, madame la députée. C’est pour nous l’occasion de signer un pacte de confiance avec la jeunesse, celle qui attend de notre part, comme l’a rappelé le Président de la République, un geste prouvant que nous ne faisons pas l’amalgame entre les voyous et l’immense majorité des jeunes. Il permettra de les accompagner et de les former pour qu’ils puissent mieux s’insérer dans la société. Certains sont laissés en marge et attendent un geste fort.

Le service civil volontaire permettra aussi de reconnaître leur engagement au service des autres dans des projets d’intérêt général, en direction de personnes encore plus en difficulté. C’est cela, le volontariat ! En aucune façon le service civil ne doit devenir obligatoire.

M. Yves Nicolin. Pourquoi ?

M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Ce n’est pas avec des recettes du passé que l’on pourra élaborer des formules modernes et innovantes pour notre jeunesse : ce serait lui envoyer un mauvais signe. Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, vous avez rappelé l’existence d’un projet de loi de 2003, mais en 2000 vous avez voté en faveur du volontariat associatif pour remplacer le service national. S’il y a géométrie variable, c’est bien de votre côté qu’elle se situe ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Le volontariat permettra aussi bien aux jeunes sortis des écoles d’ingénieurs ou de commerce qu’aux jeunes en difficulté de participer ensemble à des projets d’intérêt général : allez donc voir Unis-Cité travailler et mettre en place des projets collectifs dans tous les quartiers de France, et vous vous apercevrez que ce volontariat a du sens, tout comme le programme des Cadets de la République ou le projet « Défense deuxième chance » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Mieux vaudrait rétablir le service militaire !

réforme fiscale

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste.

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, alors que notre pays s’inquiète de l’aggravation de la crise sociale et de la progression incessante des inégalités de toutes sortes, vous venez d’annuler des crédits du budget pour 2005 destinés à la solidarité, à l’insertion, à la jeunesse et à la vie associative. Dans quelques minutes, nous allons discuter ici même de votre projet de baisse des impôts sur le revenu et sur la fortune, qui va encore profiter aux plus riches. (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Le président de la commission des finances lui-même, M. Méhaignerie, a eu l’honnêteté de le reconnaître.

Vous prétendez évidemment le contraire en vous appuyant sur un sondage, commandé par vous-même, selon lequel 80 % de nos compatriotes seraient favorables au principe de faire bénéficier en priorité les classes moyennes de la baisse d’impôt – ce qui signifie qu’elles doivent en bénéficier plus que les classes aisées. Votre démonstration ne tient donc pas, car votre réforme fait l’inverse : elle avantagera avant tout les gros revenus. Non, monsieur Sarkozy, vous ne donnez pas plus à ceux qui ont moins, vous donnez plus à ceux qui ont plus ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. Gérard Bapt. Ainsi, un célibataire déclarant 1 000 euros de revenu imposable par mois verra son impôt diminuer de 24 euros, alors qu’un célibataire déclarant 16 000 euros mensuels y gagnera plus de 5 000 euros. La diminution pour celui qui gagne seize fois plus sera donc 224 fois plus importante ! (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe socialiste. – « N’importe quoi ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le bouclier fiscal, la suppression de l’abattement de 20 % et la réduction de l’impôt sur la fortune vont aggraver les inégalités fiscales, alors que priorité devrait être donnée à la réduction de la fracture sociale et à ceux qui voient s’envoler les taxes, les cotisations, les impôts locaux, les loyers. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste. – « La question ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous allez rétablir dans l’urgence et dans la plus grande incohérence, pour la politique de la ville et le tissu associatif, des crédits que vous venez d’annuler : la cohérence voudrait plutôt que vous annonciez aussi le retrait de cette réforme fiscale (« Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) qui ne profitera qu’aux ménages les plus aisés, au détriment de touts les autres. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. (« À l’euro près ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. J’avoue avoir du mal à comprendre pourquoi vous contestez cette réforme, monsieur Bapt. Voilà un gouvernement qui baisse les impôts alors que les régions socialistes ne cessent de les augmenter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Voilà une réforme dont 75 % du produit sont orientés vers les revenus moyens et modestes, compris entre 1 000 et 2 500 euros par mois !

M. Augustin Bonrepaux. Non ! Tout pour les riches !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Voilà une réforme tournée exclusivement vers le travail, notamment au profit des gens modestes, avec une augmentation de 50 % de la prime pour l’emploi pour celui qui travaille au SMIC à temps plein.

M. Alain Néri. Cela ne représente que quelques euros !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Voilà une réforme qui garantit totalement la progressivité, et même l’améliore puisque les plus aisés participeront plus au produit de l’impôt sur le revenu. Enfin, voilà une réforme beaucoup plus juste que celle de M. Fabius il y a quatre ans : celui qui gagnait deux SMIC voyait alors son impôt baisser dans la même proportion que celui qui gagnait dix SMIC. C’est une chose que vous ne retrouverez pas dans cette réforme ! Il est vrai qu’alors M. Fabius était plus à droite qu’aujourd'hui… Bon congrès, monsieur Bapt ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Ne vous énervez pas !

recherche

M. le président. La parole est à M. Michel Lejeune, pour le groupe de l’UMP.

M. Michel Lejeune. Monsieur le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche, les commissions concernées se sont réunies pour examiner le budget de la recherche et de l’enseignement supérieur, le jeudi 3 novembre dernier. À cette occasion, vous avez présenté les dispositions que vous entendez prendre pour favoriser la recherche : un milliard d’euros supplémentaires et la création de 3 000 postes. Ce budget pour 2006 peut ainsi être considéré comme le préambule de la future loi de programmation, qui sera présentée très prochainement au conseil des ministres. Aider la recherche française, qu’elle soit fondamentale ou appliquée et quel que soit le sujet choisi, c’est préparer l’avenir économique de notre pays et lui ménager une bonne place dans la compétition internationale, de plus en plus vive dans le contexte de la mondialisation.

Monsieur le ministre, pouvez-vous présenter à l’Assemblée nationale les efforts que le Gouvernement entend déployer pour aider la recherche française ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche.

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le député, s’il est un sujet qui doit faire l’objet d’un consensus, c’est bien la nécessité d’une politique de recherche ambitieuse. Dans cette perspective, sous l’autorité du Premier ministre, Gilles de Robien et moi-même avons préparé un pacte pour la recherche, dont vous examinerez prochainement les aspects législatifs.

Il s’agit d’abord de donner des moyens nouveaux à notre recherche. En trois ans, 6 milliards d’euros de crédits supplémentaires de moyens publics seront débloqués…

M. Jean-Pierre Brard. C’est de la monnaie de singe !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. …et 3 000 emplois par an seront créés. Je rappelle qu’à la fin de la législature précédente, le gouvernement Jospin envisageait d’en créer 800 sur cinq ans ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il s’agit ensuite, dans une perspective pluriannuelle, d’atteindre en 2010 l’objectif de 3 % du PIB consacrés à la recherche et au développement. Il s’agit enfin de promouvoir une recherche plus efficace, mieux orientée par la définition de grandes priorités nationales, mieux évaluée grâce à une agence de l’évaluation qui aura une compétence universelle et des méthodes homogènes, décloisonnée avec la création des pôles régionaux d’enseignement supérieur et de recherche et plus attractive grâce à des mesures pour les jeunes chercheurs et pour l’ensemble du monde de la recherche. Cette recherche bénéficiera encore de mesures de simplification administrative, attendues depuis longtemps. Elle sera plus en phase avec les attentes de la société, tant en matière de santé que d’environnement, et même de compétitivité économique, car cette dernière dépendra demain de notre effort de recherche, fondamentale ou appliquée. On peut donc dire sans être excessif que l’emploi de demain se prépare aujourd’hui dans nos centres de recherche. Cela mérite une politique ambitieuse, et c’est la nôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

cités des bassins miniers

M. le président. La parole est à M. Pierre Lang, pour le groupe UMP.

M. Pierre Lang. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Depuis trente ans, différentes procédures ont été mises en place pour rénover les voiries des anciennes cités minières appartenant à Charbonnages de France, donc à l’État, avant leur intégration dans le domaine public communal. Si les travaux ont pour l’essentiel été réalisés dans certaines régions, comme le Nord-Pas-de-Calais,…

M. Albert Facon. C’est faux !

M. Pierre Lang. …ce n’est pas le cas dans le bassin houiller lorrain. Les crédits spécifiques du GIRZOM ont été remplacés par les crédits FNADT.

L’actuel contrat de plan État-région prévoyait que la totalité des voiries appartenant encore aux Charbonnages devait en principe être rénovée. Or au terme de ce contrat, il manque plus de 60 millions d’euros pour terminer ce programme. À la cité Cuvelette de Freyming-Merlebach, par exemple, il manque près de 6 millions d’euros pour pouvoir transférer plus de six kilomètres de voirie dans le domaine public communal. Ces rénovations sont de la responsabilité exclusive de l’État.

De nombreuses cités minières – Hombourg-Haut, Behren, Farebersviller – ont été touchées par les récentes violences urbaines. À Behren notamment, plusieurs dizaines de véhicules ont été incendiés. Chacun sait combien l’amélioration du cadre de vie et des infrastructures joue un rôle essentiel dans la préservation d’un climat serein dans nos quartiers.

Monsieur le ministre, les communes du bassin houiller sont inquiètes. Quelles mesures comptez-vous prendre pour rattraper le retard accumulé et permettre, dès 2006, une accélération des programmes de rénovation ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le député, depuis la fin des années 60, l’État s’est considérablement engagé en faveur des bassins miniers de la Lorraine, du Nord-Pas-de-Calais et du Centre-Midi confrontés à la cessation progressive de l’activité charbonnière. Les moyens dégagés par tous les gouvernements ont constamment augmenté. Le volet « après-mines » de l’actuel contrat de plan consacre 21 millions d’euros à la Lorraine et 160 millions d’euros au Nord-Pas-de-Calais sur la période 2000-2006.

Le Gouvernement est très attaché à ces territoires, qui ont connu des difficultés considérables et dont vous avez rappelé la détresse. À ce sujet, j’ai reçu une délégation conduite par vous-même au mois de juillet et une autre, conduite pour le Nord-Pas-de-Calais par M. Kucheida, il y a quelques semaines. Nicolas Sarkozy lui-même s’est rendu en Lorraine récemment pour évoquer ce dossier avec vous.

M. Christian Bataille. Sarko est arrivé !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il est vrai que, depuis 2000, un an de retard a été pris par les différents gouvernements sur le volet « après-mines » de l’actuel contrat de plan. Mais c’est une moyenne qui touche l’ensemble des volets, et qui avait également affecté les CPER précédents.

Je veux dire avec force que l’État respectera tous ses engagements…

M. Jean-Louis Idiart. On verra !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …envers les cités et les bassins miniers de Lorraine, du Pas-de-Calais…

M. Maxime Gremetz. Et la Picardie ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …et des autres territoires concernés. C’est un devoir de solidarité nationale.

Nous sommes favorables au maintien d’un volet « après-mines » au terme de l’actuel contrat de plan pour garantir la cohésion territoriale, sociale et économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Paulette Guinchard.)

PRÉSIDENCE DE Mme PAULETTE GUINCHARD,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Loi de finances pour 2006

Deuxième partie

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (nos 2540, 2568).

Rappels au règlement

M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, le débat important sur les articles non rattachés ne peut s’ouvrir si nous ne disposons pas de tous les éléments nécessaires pour apprécier les mesures proposées. Le plafonnement des impôts rejaillira en effet sur les impôts locaux et, depuis quatre mois, nous demandons des simulations pour en évaluer l’impact.

M. le président de la commission des finances nous a laissé entendre qu’elles sont si explosives que nous ne pouvons connaître que les évaluations portant sur les départements et les régions. M. le rapporteur général est, lui aussi, réticent pour nous les communiquer. En tant que députés de la nation, nous voudrions connaître les conséquences de ce plafonnement pour certaines zones particulièrement sensibles.

Nous vous remercions, monsieur le ministre délégué, de nous avoir fourni un certain nombre de simulations nous permettant de comparer les départements entre eux et les régions entre elles. Cela a mis en évidence l’existence, au sein des départements, de zones particulièrement défavorisées, comme le Nord et le Pas-de-Calais, ou encore la Seine-Saint-Denis dans l’agglomération parisienne, imposée à plus de 50 %. Nous vous demandons maintenant des simulations pour les communes – en particulier celles touchées par la crise des banlieues –, et pour les communautés de communes, notamment dans les départements que je viens de citer, afin que tout le monde puisse se rendre compte des conséquences de la mesure que vous proposez.

Par ailleurs, il est indispensable que nous sachions quelles sont, non pas les entreprises – pour ne pas enfreindre le secret fiscal – mais les catégories d’entreprises qui seront imposées à la valeur minimale. On nous dit que ce sont celles du secteur des services mais il est plus parlant de connaître les catégories d’entreprises dont l’imposition sera plafonnée.

Nous souhaiterions avoir toutes ces informations au plus tôt. Nous voyons se profiler de graves difficultés. Mieux vaudrait les connaître avant.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Bonrepaux, alors que s’annonce un après-midi passionnant sur la réforme fiscale, je vous trouve bien dur. Vous faites preuve d’une exigence extrême. Je n’ai pas souvenir qu’en d’autres temps, un autre gouvernement ait fourni des informations aussi complètes que nous le faisons.

J’ai donné au président de la commission des finances, à son rapporteur et à tous les membres de la commission la totalité des simulations portant sur les régions et les départements,…

M. Augustin Bonrepaux. C’est vrai !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …ainsi que sur les communes et les EPCI.

M. Augustin Bonrepaux. Non !

M. Charles de Courson. Les simulations sur les communes et les EPCI sont anonymes !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est exact et je vous déclare en conscience que je ne ferai rien de plus en ce domaine. Ne le prenez pas en mauvaise part, monsieur Bonrepaux : cela vaut pour vous comme pour les autres. Et ce, pour une raison simple à comprendre : comment pouvez-vous imaginer que le Gouvernement puisse s’amuser à lancer une sorte de compétition en jetant en pâture des noms de communes ? Sans compter qu’il peut toujours, même avec l’informatique, se glisser une erreur.

M. Éric Besson. Vous le faites pour les régions !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je reviendrai sur les régions.

Pour des raisons de déontologie, nous avons considéré qu’il n’était pas bien de donner à tous les députés des noms de communes qui ne les concernent pas forcément.

M. Didier Migaud. Ils ne sont pas dignes de confiance ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Migaud, ce n’est pas ainsi que je raisonne. Sur un sujet comme celui-là, je considère que la notion de secret fiscal, qui fait partie des valeurs républicaines, a du sens.

M. Didier Migaud. Elle n’en a aucun dans le cas présent !

M. Éric Besson. C’est même grave de l’invoquer !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela étant dit, comme je l’ai déjà indiqué, je me tiens à la disposition de chaque maire et de chaque président d’EPCI pour lui donner les simulations relatives à la collectivité dont il a la charge.

Enfin, j’ai fait preuve d’une grande ouverture en vous fournissant des simulations nominatives pour les régions et les départements. Je l’ai fait vraiment à titre exceptionnel.

Je n’ai pas voulu – et j’en assume la responsabilité – le faire pour les communes et les EPCI. Mais il va de soi, je le répète, que chaque maire qui le souhaite pourra obtenir la simulation relative à sa commune. Cela s’appelle la démocratie, le respect et la transparence ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, pour les communes et les EPCI, nous disposons, en effet, de simulations anonymes. Or rien ne nous dit qu’elles sont justes !

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Oh !

M. Augustin Bonrepaux. Par ailleurs, en examinant ces simulations, nous avons constaté que des communes et des communautés de communes étaient plafonnées à 90 %. Vous savez, je suppose, ce que cela veut dire…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oui. Nous allons travailler sur ce point la semaine prochaine.

M. Augustin Bonrepaux. Il est dès lors important de savoir si ces collectivités n’ont pas d’autres difficultés qui s’ajouteraient à ce plafonnement.

Je ne vois pas en quoi ces données seraient un secret à cacher aux élus de la nation. Nous demandons une clarification.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour un rappel au règlement.

M. Charles de Courson. Il est de tradition de se plaindre de travailler dans des conditions difficiles et de devoir se prononcer sur des articles et des amendements en l’absence de simulations nous permettant d’en apprécier l’impact. Le problème, cette année, c’est que c’est en partie volontaire.

L’article 58 du projet de loi de finances instaure un plafonnement de l’impôt. Nous avons demandé en commission à connaître la répartition des bénéficiaires de cette mesure. On nous a d’abord répondu que le nombre des personnes concernées était estimé à 93 000 – c’est dans le dossier de presse. Ce n’est pas ce que nous demandions. Nous avons alors voulu savoir combien, parmi ces 93 000 personnes, bénéficiaient du « bouclier fiscal » au titre de l’ISF. On a fini par nous glisser dans le creux de l’oreille le nombre de 14 000.

Nous avons alors demandé quelle était la proportion des 400 millions d’euros représentés par la mesure qui profiterait à des imposables à l’ISF. Le rapporteur général a fini par l’estimer à 250 millions, sans en être sûr.

Quant à la répartition des bénéficiaires, on ne sait pas !

Le deuxième exemple porte sur la réforme du barème de l’impôt sur le revenu. Nous avions demandé quels étaient les bénéficiaires des 3,6 milliards d’euros de réduction de l’impôt sur le revenu prévus par le Gouvernement – soit environ 6 % du produit. Il a fallu, là encore, arracher la réponse, que nous avons obtenue au dernier moment. Il semblerait qu’il y ait 100 000 bénéficiaires, pour près de 900 millions d’euros. Au moment où nous allons examiner les articles, nous ne savons toujours pas quelle est la répartition.

Nous connaissons le même problème pour les articles relatifs aux collectivités territoriales. Vous avez tellement peur que la représentation nationale ne diffuse les documents, en indiquant le résultat dans telle communauté de communes du mécanisme proposé par le Gouvernement, que nous en sommes réduits à éplucher un listing de milliers de noms pour nous y retrouver. J’ai procédé, dans mon secteur, à des opérations sur les variations de taux. Cela m’a pris deux, voire trois heures.

Mme la présidente. Je vous prie de conclure !

M. Charles de Courson. Madame la présidente, de telles conditions de travail ne sont pas acceptables, et vouloir faire ainsi délibérer l’Assemblée nationale est indigne. Lorsque nous examinerons les articles tout à l’heure, il ne faudra pas s’étonner si d’énormes bêtises sont commises parce qu’on aura refusé de nous dire la vérité.

Vous ne me ferez pas croire, messieurs les ministres, que vous, au moins, ne possédez pas un minimum de simulations. Sinon, il ne serait pas responsable de proposer à l’Assemblée nationale des dispositifs extrêmement complexes, en nous disant : « Votez les yeux fermés, et on verra après ! » Cela finit toujours très mal.

Mme la présidente. Je vous fais observer, monsieur de Courson, que vous êtes inscrit sur l’article et que vous aurez l’occasion de revenir sur le sujet.

La parole est à M. Didier Migaud, pour un rappel au règlement.

M. Didier Migaud. Madame la présidente, nous nous situons totalement dans le cadre de rappels au règlement touchant à l’organisation des débats.

Nous constatons une opacité voulue de la part du Gouvernement et de la majorité sur les conséquences de mesures fiscales qui nous sont proposées.

M. Éric Besson. C’est très grave !

M. Didier Migaud. Monsieur le ministre du budget, je vous ai entendu évoquer le secret fiscal.

M. Charles de Courson. Cela n’a rien à voir !

M. Didier Migaud. Sur quel fondement juridique opposez-vous le secret fiscal à des parlementaires ? Je souhaite connaître la loi qui nous opposerait ce secret en la matière. C’est la première fois que j’entends un ministre du budget ou un ministre de l’économie et des finances nous opposer le secret fiscal en ce qui concerne les collectivités locales et les conséquences pour celles-ci de mesures fiscales proposées dans un projet de loi de finances.

M. Éric Besson. Absolument !

M. Didier Migaud. La LOLF, monsieur le ministre, dispose que l’on ne peut pas opposer le secret fiscal lorsque la commission des finances organise des missions de contrôle.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. Didier Migaud. Si c’est nécessaire, nous demanderons au président de la commission des finances de nous autoriser à aller juger sur pièces et sur place les conséquences des mesures fiscales proposées pour un certain nombre de collectivités. Nous en avons, je crois, besoin.

De plus, lorsque nous découvrons les documents, nous nous apercevons que les chiffres diffèrent selon que ces documents sont « anonymés » – si je puis dire – ou qu’ils sont répertoriés par département.

Notre interrogation est parfaitement légitime. Nous opposer le secret fiscal est indécent. Cela constitue une offense à l’Assemblée nationale et au Parlement dans son ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Migaud, cela ne m’embarrasse nullement de répondre à vos interrogations pas plus qu’à celles de M. Bonrepaux.

Vous nous avez donné le sentiment que vous aviez tout votre temps. Nous aussi ! Nous allons donc discuter de tout cela. Je vous fais simplement observer que nous avons quelque 200 amendements à examiner et que nous reparlerons la semaine prochaine de la taxe professionnelle.

Je retiens des propos de M. Migaud et de M. Bonrepaux qu’une bonne discussion budgétaire ne commence jamais sans quelque demande récurrente de simulations.

M. Didier Migaud. N’interprétez pas mes demandes !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Migaud, c’est faire un mauvais procès à l’administration fiscale que de mettre en doute l’honnêteté de ses simulations.

M. Didier Migaud et M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas le problème !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est celui que vous avez soulevé.

M. Didier Migaud. Non !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est un point sur lequel je me devais de répondre, même si cela semble vous déranger.

La règle que j’invoque concernant le secret fiscal n’est écrite nulle part. Il y va seulement du respect de la démocratie. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Vous cachez quelque chose !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Migaud, je ne vois pas au nom de quoi je livrerais aux parlementaires, toutes sensibilités politiques confondues, des listes nominatives de communes – qui, en l’occurrence ne concernent pas tout le monde – contenant des éléments statistiques qui risqueraient de donner lieu localement à des polémiques, alors même que cela n’aurait rien à voir avec notre débat.

M. Didier Migaud. En quoi ?

M. Éric Besson. Pourquoi, alors, l’avez-vous fait pour les régions et les départements ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai fait cette ouverture pour les régions et les départements, mais peut-être ai-je eu tort. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) S’agissant des régions, cela m’a semblé éclairant…

M. Éric Besson. Et pas pour les communes ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Migaud, je donnerai à tout élu qui le souhaitera – je le répète pour éviter toute ambiguïté – la simulation relative à la collectivité locale dont il a la charge.

De la même façon, je suis à la disposition de la commission des finances pour lui détailler les éléments dont nous disposons s’agissant de la taxe professionnelle, et même opérer des regroupements statistiques si elle le souhaite.

Pour le reste, monsieur Migaud, je suis au regret de vous dire que je ne vois pas en vertu de quoi je devrais donner des listes nominatives.

M. Éric Besson. Votre attitude n’est pas acceptable !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En tout état de cause, cela ne change rien à la philosophie de la réforme. Je suis persuadé que, sur l’ensemble des bancs de cette assemblée, ceux qui ne disent rien m’approuvent.

Mme la présidente. M. Brard me demande la parole. Pour un rappel au règlement, je suppose …

M. Jean-Pierre Brard. Exactement, madame la présidente. Pour un rappel au règlement fondé sur l’article 58, alinéa 2.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Nous venons d’entendre des choses très importantes pour le déroulement de nos débats.

M. le ministre du budget vient de nous dire que la règle du secret fiscal ne se trouvait nulle part dans la loi. Au demeurant comment pourrait-elle être opposée à ceux qui font la loi ?

Nos collègues demandent des simulations Le ministre répond : « Dissimulation ! » (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.). Sur le mode du geste impérial, il veut bien donner aux sujets que nous sommes connaissance de notre propre situation ou de renseignements qui concerneraient notre collectivité. Mais, monsieur le ministre du budget, nous sommes les députés de la nation tout entière, et non pas de tel ou tel fief local, à moins que vous ne soyez déjà en train d’écrire la Constitution de la VIRépublique et de définir de nouvelles règles fondamentales.

En physique, il existe des simulateurs. Mais, pour les personnes, on parle plutôt de psychopathes. J’ai l’impression que l’on se situe plutôt sur ce registre-là, qui n’a qu’un lointain rapport avec la démocratie que vous invoquiez.

La démocratie, c’est la sincérité et la transparence. Vous y opposez l’opacité et le bidouillage (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), ou, en alternative, le confessionnal (Mêmes mouvements) où vous voudriez bien nous confier, dans le creux de l’oreille, certains secrets.

Madame la présidente – et ceci concerne bien le déroulement de nos débats – dans le contexte politique et social du pays, M. Breton, qui ne dit mot mais consent néanmoins aux propos de M. Copé – lequel est plus habile parce que plus expérimenté dans le champ politique –, ne sait comment se dépatouiller des cadeaux royaux…

M. Didier Migaud. Impériaux !

M. Jean-Pierre Brard. …qu’il s’apprête à faire aux privilégiés quand tant de gens souffrent dans le pays et expriment leur mécontentement.

Monsieur Breton, ce n’est pas vous, jusqu’à nouvel ordre, qui présidez nos travaux !

Mme la présidente. Monsieur Brard, je vous prie de conclure votre propos.

M. Jean-Pierre Brard. Depuis quand le Gouvernement se permet-il de faire des gestes d’injonction à la présidence ? On aura tout vu ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Monsieur Brard, c’est moi qui préside !

M. Jean-Pierre Brard. Madame la présidente, les mimiques de M. le ministre de l’économie sont indisposantes.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Quel propos agréable !

Mme la présidente. Monsieur Brard, je vous demande de conclure !

M. Jean-Pierre Brard. Je vais conclure, madame la présidente.

Dans la crise que nous traversons, le Premier ministre a, dans sa mansuétude, annoncé des mesures pour les associations. Savez-vous, mes chers collègues, combien cela va représenter à Montreuil ? 50 000 euros !

Mme la présidente. Il ne s’agit plus là, monsieur Brard, d’un rappel au règlement !

M. Jean-Pierre Brard. Ces 50 000 euros représentent le bénéfice fiscal moyen que retireront trois des 14 000 contribuables que vous allez, monsieur Breton, continuer d’engraisser.

Mme la présidente. Monsieur Brard, je n’accepterai plus de rappel au règlement de ce type.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le ministre, je formulerai deux remarques.

Premièrement, on ne peut prendre les députés que nous sommes pour de petits potentats locaux qui ne siégeraient dans cet hémicycle que par souci de protéger leur petite commune ou leur établissement public de coopération intercommunale. Si tel était le cas, cela tendrait à prouver qu’il faut interdire aux élus locaux de siéger à l’Assemblée nationale sous le prétexte qu’ils seraient à la fois juge et partie.

Il faut que nous ayons connaissance de l’ensemble de ce dossier. Les simulations que nous réclamons ne sont pas celles des collectivités que nous gérons. Ce serait en effet contraire à tout principe républicain d’anonymat. J’ai déjà fait cette remarque, voici plusieurs années, à un ministre lors d’une discussion concernant l’aménagement du territoire : il s’agissait alors de l’examen du projet de loi Pasqua. Le président de l’Assemblée avait été saisi du problème, et il avait demandé à ce ministre de s’excuser. Je crois que vous venez de commettre là une faute.

Deuxièmement, je ne crois pas nécessaire de rappeler à mes collègues les problèmes de simulation que nous avons connus concernant la taxe professionnelle.

Lorsque le projet de loi supprimant la patente et créant la taxe professionnelle a été examiné – l’actuel Président de la République en était l’auteur –, nous n’avons pas eu, vous le savez tous, communication des simulations. Résultat : la réforme a abouti à une catastrophe !

Sur ces entrefaites, M. Barre, qui était entre-temps devenu Premier ministre, a dû, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, revenir sur la liberté de fixation des taux et commencer à opérer des plafonnements. Il s’agissait d’éviter que les taux de la taxe professionnelle ne varient plus vite que la moyenne de ceux des trois autres taxes.

Mme la présidente. Monsieur Balligand, la première partie de votre intervention constituait bien un rappel au règlement. S’agissant de la deuxième partie, je vous indique vous aurez l’occasion de vous exprimer sur le fond dans le cours du débat.

M. Jean-Pierre Balligand. Il est indispensable d’opérer des simulations sur la taxe professionnelle.

Les propos de MM. Migaud et Bonrepaux sont tout à fait exacts. Il existe une contradiction entre les deux types de simulation : la simulation effectuée à partir de listes des départements prenant en compte les plafonnements à la valeur ajoutée et les entreprises concernées – et les simulations anonymes. Voilà qui ne va pas du tout ! C’est relativement grave. Je souhaite que des dispositions soient prises, car on ne peut pas continuer le débat dans ces conditions.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Madame la présidente, au nom du groupe socialiste, je vous demanderai une suspension de séance, afin de réunir mon groupe, et ce pour plusieurs raisons.

Nous entamons aujourd’hui l’examen de la réforme fiscale que le Gouvernement souhaite faire adopter par le Parlement. Nous nous situons donc à un moment clef.

Pour des raisons qui nous ont déjà été expliquées, nous n’examinons cette réforme qu’en deuxième partie du projet de loi de finances, et non, comme cela aurait dû être le cas, dans la première partie consacrée aux recettes.

Les raisons juridiques étaient au départ un peu cafouilleuses, ce qui avait entraîné une demande de suspension de séance du groupe socialiste lors de l’examen de la première partie de la loi de finances et avait donné lieu à une réunion exceptionnelle de la commission des finances, que le président Méhaignerie avait bien voulu accepter et à laquelle, M. le ministre délégué au budget avait participé.

Déjà, lors de cette réunion, monsieur le ministre, MM. Migaud, Bonrepaux et moi-même, vous avions dit : nous ne pouvons avancer dans le brouillard, vous ne pouvez demander à l’Assemblée nationale de prendre la responsabilité de décider sans disposer de simulations et sans connaître les conséquences réelles de son vote, tant pour l’impôt sur le revenu que pour les recettes de l’État et des collectivités locales.

Vous donnez ces simulations à titre individuel. Je vous signale d’ailleurs que je vous les ai demandées pour la communauté urbaine de Nantes et que je les attends toujours. Mais, comme l’a dit Jean-Pierre Balligand, il ne s’agit pas d’une affaire locale, mais d’un problème national. Il est donc important que la représentation nationale – et à travers elle, les citoyens – soient parfaitement informés des conséquences de ce que vous allez faire voter par le Parlement. C’est une question d’éthique républicaine dont nous parlons beaucoup ces temps-ci, et nous y tenons.

Si nous voulons avoir la confiance de nos concitoyens, il faut que les décisions soient prises dans la transparence et non pas à l’aveugle.

Vous ne pouvez pas, monsieur le ministre, répondre en arguant du secret fiscal. L’argument peut se justifier vis-à-vis des personnes et des ménages, mais s’agissant des collectivités publiques, il n’a rigoureusement aucune valeur !

M. Didier Migaud. Bien sûr ! Il n’y a pas de texte à ce sujet.

M. Jean-Marc Ayrault. Vous devriez donc nous faire connaître les simulations pour l’ensemble des régions, des départements, mais aussi des communes et des intercommunalités pour lesquelles la taxe professionnelle est très souvent la seule recette. Il y a donc un vrai problème de transparence et de responsabilité.

Les conditions dans lesquelles ce budget a été préparé, je dirai même improvisé (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) sont inquiétantes pour l’avenir de notre pays.

Je voudrais citer le président Méhaignerie qui a donné une interview ce matin au grand quotidien Ouest-France.

M. Hervé Mariton. C’est louche !

M. Jean-Pierre Brard. Pas du tout !

M. Jean-Marc Ayrault. La LOLF, loi organique relative aux lois de finances, produit d’un vrai travail entre la majorité et l’opposition – Didier Migaud, député socialiste, et Alain Lambert, sénateur UMP, ont participé à son élaboration – est un progrès si nous l’utilisons pleinement.

Le principe du contrôle et de l’évaluation des politiques publiques y est fort justement affirmé. C’est un changement justifié, car engager des politiques publiques sans jamais vérifier leur efficacité est une mauvaise méthode. C’est cela qu’il fallait changer. Mais avant de décider de réformer, il faut disposer de simulations. Nous sommes dans la même logique. Nos décisions doivent être éclairées a priori et non a posteriori : c’est la raison pour laquelle nous devons disposer de tous les éléments nécessaires, et en l’occurrence des simulations.

Le président Méhaignerie a indiqué que la commission des finances de l’Assemblée nationale avait cherché à faire des économies sur le budget présenté par le Gouvernement. Et j’en arrive à mon deuxième point qui justifie ma demande de suspension de séance.

Mme la présidente. Oui !

M. Jean-Marc Ayrault. Oui, madame la présidente, l’instant est grave.

M. Émile Zuccarelli. Tout à fait !

M. Jean-Marc Ayrault. Il ne faut pas prendre les choses à la légère. Il ne s’agit pas d’une mesure anodine. Elle concerne la vie des Français et l’avenir du pays.

Monsieur le président Méhaignerie, vous avez encouragé les diminutions de dépenses. Mais je veux citer un exemple qui montrera à quel point le Gouvernement a improvisé son budget et qui justifiera davantage encore la saisine du Conseil constitutionnel par les députés socialistes, que je tiens à annoncer dès maintenant.

Ce matin, on interrogeait à la radio le ministre de l’éducation nationale, M. de Robien sur la façon dont il allait honorer les engagements du Premier ministre concernant l’aide à la réussite scolaire.

M. Jean-Claude Sandrier. Par des transferts de crédits !

M. Jean-Marc Ayrault. Il a dû reconnaître qu’aucun crédit n’était prévu à cet effet dans son budget. Mais il a indiqué que la commission des finances, à l’initiative du président Méhaignerie, ayant supprimé 80 millions d’euros, il lui avait demandé de bien vouloir les rétablir ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Dumont. C’est vrai aussi pour le logement et pour la politique de la ville !

M. Jean-Marc Ayrault. Est-ce cela une politique d’intérêt général ? C’est ce que j’appelle de l’improvisation et du cafouillage, lesquels sèment le doute dans les esprits et sont la preuve de votre incapacité à tenir les promesses faites par le Premier ministre à cette tribune, il y a exactement huit jours.

Alors, mesdames et messieurs les députés de la majorité, messieurs les membres du Gouvernement, reconnaissez que nous mettons le doigt sur un grave problème et que nous ne pouvons pas poursuivre l’examen de la réforme fiscale dans ces conditions.

Nous demandons une suspension de séance non seulement pour réunir le groupe socialiste, mais aussi pour demander à la présidence de l’Assemblée nationale de faire en sorte que réponse nous soit donnée par le Gouvernement. Nous ne pourrons pas siéger sans cette réponse sur les simulations.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ben voyons !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous le demandons solennellement afin que le débat ait lieu dans la sérénité, la transparence, et que chacun puisse prendre ses responsabilités devant les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Vous n’avez pas indiqué la durée de cette suspension de séance.

M. Jean-Marc Ayrault. Le temps qu’il faudra pour obtenir la réponse à la question que je viens de poser. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il y a des moments où la politique, c’est moche !

M. Pierre Cohen. Surtout avec vous !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai écouté très attentivement, monsieur le président Ayrault, votre demande concernant les simulations. Le reste de votre propos n’avait strictement plus rien à voir avec ce sujet, mais j’ai cru comprendre que vous vouliez faire une critique d’ensemble.

M. Jean-Marc Ayrault. C’est mon droit.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai cru constater aussi une légère contradiction dans le propos de M. Balligand, mais je ne voudrais pas qu’il en prenne ombrage.

M. Jean-Pierre Balligand. Il n’y a pas de risque !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il me semble qu’on ne peut pas à la fois dire qu’un député n’est pas un potentat local – et je serai bien mal fondé à le penser, même un instant – et demander le nom des communes.

M. Éric Besson. Pourquoi ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je ne vois pas en quoi la connaissance du nom des communes permettrait d’appréhender un problème national. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard. Si !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous disposez de tous les éléments chiffrés : potentiel fiscal, population. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Que le nom des communes ne figure pas dans les documents, chacun peut comprendre que cela se justifie pleinement.

Cela étant, monsieur Ayrault, je me suis demandé s’il n’y avait pas dans votre raisonnement quelque chose de l’ordre – j’ose à peine le dire – d’une toute petite arrière-pensée politicienne… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Bapt. C’est du cinéma !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Autant que je me souvienne lorsque le gouvernement socialiste a, il y a quelques années, brutalement retiré un allégement de taxe professionnelle de 12 milliards…

M. Augustin Bonrepaux. Il n’y avait pas eu d’opposition !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …il n’a pas fourni la moindre simulation.

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne l’aviez pas demandé.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Rien n’a été proposé par le ministre socialiste de l’époque.

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’étiez pas là !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est vrai, mais ne me rappelez pas ce triste souvenir, monsieur Brard. (Sourires.)

Voyons, monsieur Ayrault, si, à la faveur de cette suspension, il est possible de trouver des ouvertures, même si sur le principe, je préfère vous dire d’emblée que je ne bougerai pas beaucoup.

Pour le reste, si vous en êtes d’accord, nous pourrions à la suite de la suspension de séance nous remettre au travail. Nous vous proposons, avec Thierry Breton, une réforme fiscale extrêmement ambitieuse pour ce pays

M. Didier Migaud. Extrêmement injuste !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Une réforme juste et attractive : cela vaut la peine d’entrer le plus vite possible dans le fond du débat. C’est cela aussi que les Français attendent de nous.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Permettez-moi de rappeler l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

« Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique,…

M. Jean-Pierre Brard. C’est Charles-Amédée qui le dit !

M. Charles de Courson. … « de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. »

Permettez-moi également de vous lire le premier alinéa de l’article 146 de notre règlement : « Les documents et les renseignements destinés à permettre l’exercice du contrôle du budget des départements ministériels […] sont communiqués par les autorités compétentes au rapporteur spécial de la commission des finances… »

M. Didier Migaud. C’est une question de fond.

M. Charles de Courson. Je n’ai fait, monsieur le ministre, que constater que vous vous érigiez en juge en matière de secret fiscal. Or il n’est absolument pas en cause…

M. Didier Migaud. Non !

M. Charles de Courson. …puisqu’il ne s’agit pas de renseignements individuels. Il s’agit de connaître, mais nous en reparlerons longuement mardi prochain, le taux de plafonnement de la valeur ajoutée par commune, par établissement public, par département et par région et de savoir ce qui explique qu’il soit de 28 % dans le département des Hauts-de-Seine et de 80 % dans le département de la Manche, écart invraisemblable qui crée une véritable rupture d’égalité !

M. Jean-Marc Ayrault. Tout à fait !

M. Charles de Courson. Pourquoi ? À quoi est-ce dû ?

Il est impossible de le comprendre avec les documents anonymes que vous avez transmis à notre rapporteur général, qui, lui, a joué le jeu à l’égard de la commission en les communiquant à tous ses membres.

Nous aurons le même débat sur les articles 59 et 60.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je demande à nos collègues socialistes d’avoir l’obligeance de ne pas entraver nos travaux au-delà du raisonnable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Nous voulons la clarté et la transparence.

M. Hervé Mariton. La semaine dernière, la commission des finances a suspendu ses travaux pour que vous puissiez voter confortablement sur les motions de votre parti. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Cette semaine, notre calendrier est perturbé par la tenue du congrès du Parti socialiste ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous aurions dû aller au bout de nos travaux à la fin de cette semaine et au tout début de la semaine. Ils sont d’ores et déjà retardés par le seul fait de votre congrès.

Je trouve que le Parti socialiste, qui est déjà largement le maître du déroulement de nos travaux, serait bien avisé de ne pas les entraver au-delà du raisonnable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud. Il s’agit d’une question de principe !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur Ayrault, la réforme de la taxe professionnelle est une excellente réforme qui protège l’emploi et les contribuables.

M. Didier Migaud. Ce n’est pas prouvé !

M. Augustin Bonrepaux. C’est vous qui le dites !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Pour protéger les entreprises, l’État va apporter 3 milliards d’euros supplémentaires qu’il prend à sa charge. S’il ne le faisait pas, il pourrait augmenter de 8,5% la dotation globale de fonctionnement de toutes les communes.

M. Alain Gest. Oui !

M. Augustin Bonrepaux. Cela n’a rien à voir !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Alors qu’on ne dise que cette réforme n’a pas pour ambition de protéger l’emploi et les contribuables.

M. Jean-Pierre Balligand. Ce n’est pas la question !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Si, c’est cela le problème de fond.

Cette réforme exigera demain de la part des collectivités une plus grande maîtrise de leurs dépenses publiques.

Cela va dans le sens de l’intérêt général et de la protection de l’emploi comme du pouvoir d’achat de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La séance est suspendue pour quinze minutes.


Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Migaud, pour un rappel au règlement.

M. Didier Migaud. Messieurs les ministres, nous avons formulé une demande, qui correspond aux droits du Parlement. M. le ministre ayant confirmé qu’aucun texte n’impose le secret fiscal en la matière, nous souhaitons disposer de l’ensemble des simulations pour les communes afin d’apprécier les conséquences de la réforme que vous nous proposez pour chacune des collectivités locales.

Nous avons le sentiment que cette réforme va entraîner des transferts importants des grandes entreprises vers des petites et un transfert de la fiscalité des entreprises vers la fiscalité des ménages, au-delà même de la question des marges de manœuvre laissées à chacune des collectivités après le plafonnement des bases.

C’est une question de principe et nous nous demandons ce qui vous fait peur, monsieur le ministre. Pourquoi acceptez-vous de donner ces éléments d’information pour les départements, pour les régions et pas pour les communes ? Serait-ce à cause du congrès des maires qui se tiendra la semaine prochaine ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Gest. Nous ne sommes pas obsédés par les congrès, nous !

M. Didier Migaud. Redoutez-vous que chaque maire prenne connaissance des conséquences de la réforme pour sa propre commune ? Avez-vous peur de la réaction des maires de votre propre majorité ? Nous pensons que oui. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il n’y a pas d’autres raisons à votre refus obstiné de nous communiquer ces éléments.

Quant à l’observation de M. Mariton, elle est tellement indécente qu’il est inutile de lui répondre. Si la commission des finances a quelques problèmes d’organisation de ses travaux, c’est à cause de la levée de boucliers d’un certain nombre des membres de la majorité contre des dispositions fiscales contenues dans ce projet de réforme. Et si l’ordre du jour de notre assemblée a été modifié, c’est que le Premier ministre s’est aperçu que le budget de la ville qu’il proposait allait à l’encontre des propositions et des orientations qu’il formulait le matin même. Nous ne sommes pas responsables de l’inorganisation de vos travaux et de l’incohérence de vos propositions.

Nous formulons à nouveau très solennellement notre demande, monsieur le ministre : nous souhaitons que vous vous engagiez à ce que d’ici la fin de la semaine nous soient communiquées les simulations pour les communes et pour les établissements publics intercommunaux, dûment identifiés. Nous ne cesserons pas de vous poser cette question. Il y va des droits du Parlement face à l’exécutif. En l’espèce, nous ne sommes pas en mesure d’apprécier les conséquences des mesures proposées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, pour apprécier l’impact de cette réforme, quels que soient les bancs où l’on siège, il faut savoir où en sont les communes et les intercommunalités. Du fait du plafonnement, elles ne pourront pratiquement plus augmenter la taxe professionnelle et n’auront plus que les ménages pour adapter leur fiscalité. Certaines se trouveront étranglées, je vous en citerai les noms au cours du débat.

Pour déterminer si les arguments du président de la commission sont justifiés, il convient de savoir quelles entreprises bénéficieront d’un plafonnement. Est-ce que ce sont celles qui sont susceptibles de se délocaliser ? Mais une centrale nucléaire plafonnée risque-t-elle de se délocaliser ? Nous ne demandons pas des noms, mais nous demandons les catégories d’entreprises qui seront plafonnées, ainsi que celles qui sont imposées au minimum de la valeur ajoutée. En effet, progressivement, l’imposition de ces dernières augmentera et le pourcentage plafonné augmentera également. Ce sera l’impasse : les communes ne pourront plus jouer sur la taxe professionnelle. Que se passera-t-il dans les zones industrielles, quand, par exemple, les entreprises textiles disparaîtront, privant les communes d’une partie de leurs bases ?

En réalité, l’argument de la délocalisation est un faux argument. Vous vous en êtes saisis parce que vous êtes incapables de prendre la responsabilité de mener la réforme proposée par la commission Fouquet et qu’il vous est plus facile d’obliger les collectivités locales à augmenter les impôts des ménages ou la part de taxe professionnelle sur laquelle elles peuvent encore agir.

Ces simulations sont indispensables pour tous. Vous devez vous rendre compte, chers collègues, que vous allez prendre de graves décisions pour l’avenir.

Mme la présidente. La parole est à M. André Thien Ah Koon, pour un rappel au règlement.

M. André Thien Ah Koon. Je suis élu depuis 1976 et maire d’une commune de 68 000 habitants. Sans vouloir donner de leçons à mes collègues, j’estime que les documents de gestion d’une municipalité lui appartiennent. Le maire peut y avoir accès comme à ceux des autres communes s’il préside une communauté de communes. Mais je ne vois pas en quoi cela peut intéresser d’autres élus.

M. Didier Migaud. C’est proprement incroyable !

M. André Thien Ah Koon. C’est comme si je vous demandais de me donner votre relevé de compte bancaire !

Mme Christiane Taubira. C’est intolérable ! Et que faites-vous du souci de justice ?

M. Bernard Accoyer. Madame la présidente !

Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Thien Ah Koon.

M. André Thien Ah Koon. Je suis désolé, mais ce n’est pas de la haute politique que vous faites : vous êtes rétrogrades et vous ne voulez travailler que sur le passé.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt, pour un rappel au règlement.

M. Gérard Bapt. M. de Courson a rappelé fort opportunément les principes sur lesquels se fonde le travail parlementaire. La transparence fiscale s’impose dès lors qu’il ne s’agit pas de personnes physiques.

Mais il y a également des problèmes liés au caractère opérationnel de la réforme pour les communes qui ont engagé une politique de développement économique au service de l’emploi. Certaines communes ont en effet lancé des plans d’investissement pluriannuels en se fondant sur des prévisions de recettes fiscales, qui s’appuient sur des augmentations de taux, mais qui misent aussi sur le développement économique. Des communes comme la mienne ont ainsi constitué des réserves foncières et les ont, au fil des ans, vendu à des entreprises, sans faire de plus-values, afin d’inciter à la création d’emplois. Elles ont gagé leurs programmes d’équipements et d’investissements publics sur une progression régulière des recettes, en dehors même des augmentation de taux.

Il est donc très important que tous les maires, quelle que soit leur étiquette, puissent évaluer la réforme à l’aune de leurs propres projets et des programmes sur lesquels ils se sont engagés lors des dernières élections municipales.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Je regrette que nos collègues du groupe socialiste adoptent une posture qui relève de la mauvaise foi et de l’amnésie.

M. Éric Besson. Pourquoi une posture ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La mauvaise foi tout d’abord.

Augustin Bonrepaux prétend en effet avoir besoin des noms des entreprises concernées par le plafonnement ou la cotisation minimale,…

M. Augustin Bonrepaux. Je ne demande pas le nom des entreprises mais les catégories !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …mais il est évident que le secret fiscal nous interdit de les lui donner.

M. Augustin Bonrepaux. Les catégories, pas les noms ! Ne déformez pas mes propos !

Mme la présidente. Monsieur Bonrepaux, seul M. Carrez a la parole !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quand M. Bonrepaux me dit ne pas vouloir le nom des entreprises mais les catégories d’entreprise, je le renvoie au rapport Fouquet et à ses annexes. Il était membre de la commission Fouquet et s’est montré assidu à ses réunions. Je m’étonne donc vraiment qu’il ne se souvienne pas que tous ces renseignements figurent in extenso dans ce rapport.

M. Didier Migaud. Ici, on est au Parlement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dès que j’ai eu, en tant que rapporteur général,…

M. Jean-Pierre Balligand. Tout le monde doit les avoir !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …les informations sur la ventilation en pourcentage de base de taxe professionnelle au niveau des vingt-deux régions, des cent départements et des établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique, je les ai communiquées à nos collègues qui en faisaient la demande,…

M. Michel Bouvard. C’est vrai ! Nous les avons eues immédiatement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …en particulier à ceux de l’opposition.

Ils ont eu la liste des établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique dans chacune de leur circonscription.

M. Richard Mallié. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’amnésie ensuite.

À l’automne 1998, lorsque la part salaires de la taxe professionnelle a été supprimée, j’ai demandé des dizaines de fois ce qu’elle représentait dans les communes.

M. Augustin Bonrepaux. Vous n’avez rien demandé !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Or je n’ai pas obtenu d’informations. À l’époque, j’ai compris l’argument selon lequel on ne peut pas avoir la liste par commune. J’ai donc demandé à avoir les pourcentages par département, puis par région, mais je ne les ai pas obtenus. En revanche ce sont des informations dont vous disposez aujourd’hui.

M. Richard Mallié. Quelle avancée !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’aimerais que vos principes ne soient pas à géométrie variable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

C’était un samedi matin et ce débat figure au Journal officiel. Vous avez refusé de nous donner toutes ces informations.

M. Didier Migaud. Non !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La suppression de la part salariale dans le calcul de la taxe professionnelle a été opérée dans les conditions que vous connaissez.

Aujourd’hui, et je m’en réjouis, nous avons beaucoup plus d’informations sur cette réforme que nous n’en avions à l’époque.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Chacun de nous peut demander des informations sur les EPCI et les communes de sa circonscription, mais nous ne disposons pas des éléments de plafonnement commune par commune.

M. Michel Bouvard. Il y a 36 000 communes ! C’est énorme !

M. Augustin Bonrepaux. Vous les avez !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non, nous ne les avons pas, monsieur Bonrepaux…

M. Didier Migaud. C’est un tort ! Vous devriez les avoir !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et nous ne les donnerions pas de façon nominative.

M. Jean-Pierre Balligand. Mes chers collègues de l’UMP, vous êtes naïfs !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mesdames, messieurs les députés, nous avons longuement parlé de tout cela. Je constate, au travers ce que vous avez évoqué, que les demandes ne sont pas toutes les mêmes. On nous parle ainsi alternativement de communes et d’entreprises.

À et égard, je vous trouve modérément fair-play, car je vous ai donné beaucoup d’informations et je ne pense pas que d’autres gouvernements en aient fait autant. Nous disposons de tous les éléments pour faire toutes les analyses, tant positives que critiques.

Je me tiens à votre disposition tout au long de la semaine pour vous donner encore des précisions. Vous voulez maintenant connaître les catégories d’entreprise concernées.

M. Augustin Bonrepaux. Voilà !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela n’avait pas encore été demandé, mais je suis prêt à y travailler avec vous, monsieur Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Merci, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il me semble donc que nous pourrions passer maintenant à l’ordre du jour.

Mme la présidente. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. M. le ministre vient de s’engager à nous donner les catégories d’entreprises qui sont plafonnées et celles qui sont au minimum de la valeur ajoutée. Je reconnais que c’est une avancée mais je demande une suspension de séance de cinq minutes (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) pour me concerter avec mes collègues.

Je fais cette demande de suspension de séance dans un esprit constructif, afin de pouvoir reprendre ensuite la discussion.

Mme la présidente. Bien, monsieur Bonrepaux, mais avant de suspendre la séance, je vais donner la parole à M. Bernard Accoyer, qui me l’a demandée pour un rappel au règlement.

M. Didier Migaud. Il va remettre le feu !

Mme la présidente. C’est possible !

M. Bernard Accoyer. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58 du règlement.

M. Jean-Pierre Balligand. Quel alinéa ?

M. Bernard Accoyer. Je suis atterré par l’attitude de l’opposition, en particulier par celle de nos collègues du groupe socialiste.

M. Alain Gest. On le serait à moins !

M. Bernard Accoyer. Voilà maintenant plusieurs heures qu’ils se livrent à des manœuvres d’obstruction tout à fait indignes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. C’est inadmissible !

M. Augustin Bonrepaux. C’est de la provocation !

Mme la présidente. Seul M. Accoyer a la parole !

M. Bernard Accoyer. Les demandes qui sont adressées au Gouvernement sont à géométrie variable.

M. Didier Migaud. Vous êtes un pompier pyromane, un provocateur !

M. Bernard Accoyer. Ainsi qu’on le voit dans la véhémence des propos, dans le désordre des interventions qui sont parfois contradictoires,…

M. Augustin Bonrepaux. Vous êtes irresponsable !

M. Didier Migaud. Avec un tel comportement, vous prenez la responsabilité de prolonger les débats !

M. Bernard Accoyer. …nos collègues du parti socialiste sont en réalité en train de se livrer à une sorte d’avant congrès socialiste, car la vacuité de leurs idées, de leurs projets est évidemment à masquer. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Regardez autour de vous !

M. Bernard Accoyer. Ainsi ils ne trouvent rien de mieux que d’empêcher le travail parlementaire, un travail pourtant nécessaire à la modernisation de notre pays qu’ils ont refusé pendant tant d’années. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. C’est inadmissible !

M. Augustin Bonrepaux. Adressez-vous à vos collègues !

M. Bernard Accoyer. Voilà pourquoi, madame la présidente, je vous demande de bien vouloir prêter attention aux demandes de parole de la majorité et, surtout, à son ardente attente de commencer enfin l’examen des articles inscrits à l’ordre du jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Monsieur Accoyer, je prête la plus grande attention à toutes les demandes de parole, d’où qu’elles viennent.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Besson, pour un rappel au règlement.

M. Éric Besson. Madame la présidente, je veux d’abord saluer le tact dont fait preuve M. Accoyer, qui n’est d’ailleurs plus là.

M. Didier Migaud. Il ne nous manque pas !

M. Éric Besson. Alors qu’Augustin Bonrepaux faisait preuve de sa souplesse légendaire,…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Merci pour moi !

M. Éric Besson. …il a porté contre nous des attaques d’autant plus inacceptables qu’elles sont réitérées.

Nous avons ainsi bien compris les références implicites de M. Accoyer au congrès du parti socialiste en employant des termes choisis : la vacuité des idées, par exemple. Du reste, le ministre l’avait déjà fait cet après-midi de façon extrêmement choquante en souhaitant à M. Bapt un bon congrès. Derrière son humour et son ironie, qui sont tout aussi légendaires qu’une certaine souplesse et que je salue, il a mis en cause le rôle démocratique des partis…

M. Philippe Auberger. Mais non !

M. Éric Besson. …ce qui est absolument inacceptable puisqu’il est reconnu par notre Constitution.

Vous pouvez vous moquer à satiété de nos différentes motions. Au moins, nous réglons nos différences éventuelles par des motions et non pas seulement par des querelles personnelles.

M. Jean-Jacques Descamps. Vous avez le sens de la litote !

M. Philippe Auberger. Comme s’il ne s’agissait que d’une bataille de motions ! N’importe quoi !

M. Éric Besson. Rassurez-vous, nous serons unis, dans les jours et dans les mois qui viennent, contre l’action de votre gouvernement.

Le rapporteur général a évoqué la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle en 1998. À l’époque, elle avait certes été bloquée, mais elle avait été compensée par l’État. Nous ne sommes donc pas dans le même cas de figure.

M. Philippe Auberger. Et nous, nous ne compensons pas ?

M. Alain Gest. Là aussi c’est compensé !

M. Éric Besson. Le ministre a indiqué qu’il allait nous donner des informations au titre de notre « secteur ». Je n’ai d’ailleurs pas compris s’il s’agissait de la commune ou du regroupement de communes.

Ensuite, il nous a parlé des « circonscriptions ». Or il me semble que nous sommes les représentants de la souveraineté nationale dans son ensemble, que nous sommes députés de France avant d’être députés de nos circonscriptions.

Sur quelle base cantonnez-vous nos compétences à nos circonscriptions au lieu de nous entretenir des questions qui intéressent la nation ?

Monsieur le ministre, aussi brillant et plein d’humour qu’il soit, chacun peut se tromper. En objectant le secret fiscal, vous avez dérapé, vous avez commis une faute, et même une erreur qu’Augustin Bonrepaux et Didier Migaud vous ont signalées. Alors, reconnaissez que vous vous êtes trompé. C’est à juste titre que M. de Courson vous a rappelé les principes fondamentaux auxquels nous sommes soumis.

Par ailleurs, vos propos en disent long sur votre conception de l’action publique. En réponse à notre collègue Jean-Pierre Balligand qui vous a posé des questions précises et légitimes, vous avez ironisé – sous couvert d’humour mais vos propos seront consignés au Journal officiel – en nous demandant pourquoi, si nous n’étions pas des « potentats locaux », nous demandions le nom des communes ou des établissements communaux. C’est invraisemblable ! Quelle idée vous faites-vous donc du mandat de député ? Il vaudrait mieux que vous retiriez vos propos, à mi-chemin entre l’aveu et le lapsus, parce qu’ils ne vous honorent pas.

M. Philippe Auberger. C’est digne du Canard enchaîné !

M. Jean-Jacques Descamps. Il parle vraiment pour ne rien dire !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je veux simplement demander à nos collègues socialistes de nous autoriser à avancer dans notre débat…

M. Jean-Jacques Descamps. Absolument !

M. Hervé Mariton. …et de s’abstenir de nous donner des leçons. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Dumont. Il s’agit de débats de fond !

M. Hervé Mariton. La réforme fiscale permettra de protéger les entreprises contre les excès de l’impôt et contre vos tentations souvent démesurées d’augmenter l’impôt local, en particulier la taxe professionnelle.

M. Jean-Louis Dumont. Je ne l’ai jamais augmentée ! Vous portez des accusations gratuites.

M. Hervé Mariton. Alors, s’il vous plaît, passons à l’ordre du jour !

M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Madame la présidente, pour que nos débats se poursuivent dans la sérénité nécessaire,...

M. Philippe Auberger. Pour l’instant, ils n’ont pas commencé !

M. Didier Migaud. À qui la faute ? Au moment où, au nom de notre groupe, Augustin Bonrepaux répondait de manière constructive à une proposition du ministre, malgré nos motifs légitimes d’insatisfaction, le président du groupe UMP est arrivé l’insulte à la bouche…

M. Hervé Mariton. Oh !

M. Didier Migaud. …intervenant de façon tout à fait inacceptable, voire inadmissible, pour nous reprocher d’esquiver le débat à cause de la « vacuité de nos propos », et j’en passe.

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas faux !

M. Didier Migaud. Monsieur Mariton, souhaitez-vous vraiment poursuivre le débat ou préférez-vous persévérer dans la provocation ? Dans ce cas, vous n’êtes pas près de débattre !

M. Jean-Jacques Descamps. Cela ne va pas durer 107 ans, tout de même !

M. Hervé Mariton. Bientôt le congrès du Mans !

M. Didier Migaud. Nous ne pouvons pas accepter d’être apostrophés de cette façon au beau milieu du débat par le président du groupe UMP. Nous nous réjouissions de sa présence, lui qui n’est pas un habitué des débats budgétaires…

M. Hervé Mariton. Oh !

M. Didier Migaud. …mais il n’est venu que pour insulter les représentants du groupe socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il aurait mieux fait de s’abstenir !

M. Hervé Mariton. Si vos interventions sont les seules convenables, il faut le dire !

M. Didier Migaud. Monsieur Mariton, vos déclarations ne valaient guère mieux !

Pourtant, nous avions manifesté notre bonne volonté.

Madame la présidente, je disais donc que nous souhaitions que nos travaux reprennent dans la sérénité nécessaire et dans le respect mutuel de nos arguments respectifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Descamps. Nous n’avons pas besoin de leçons !

Articles non rattachés

Mme la présidente. Nous abordons l’examen des articles non rattachés à des missions.

Article 58

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 58.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est surréaliste de percevoir, d’un côté, le malaise profond de la société française, les difficultés de millions de nos concitoyens défavorisés, les quartiers minés par le chômage et la précarité, et d’écouter, de l’autre, l’Assemblée nationale discuter d’allégements d’impôts destinés aux plus riches. L’article 58 qui introduit le bouclier fiscal en une triste illustration.

Vous prétendez réaliser des efforts pour les catégories populaires, mais vous faites un cadeau de 1,2 milliard d’euros aux plus riches en cumulant le bouclier fiscal, la modification du barème de l’impôt sur le revenu, favorable surtout aux tranches supérieures, et la diminution de l’impôt sur la fortune. Faut-il y voir de votre part de l’inconscience, de l’idéologie ou de la provocation ?

Je me contenterai de rappeler les propos que je tenais ici même au nom de mon groupe le 18 octobre dernier. Nos concitoyens en ont ras-le-bol – ils le disent ainsi – et ils n’y arrivent plus. Il va bien falloir, sauf à prendre des risques politiques graves, entendre les Français et je tiens à être leur porte-parole : « Oui, leur inquiétude et leur ras-le-bol doivent résonner ici, sinon, nous manquerions à tous nos devoirs ». Je rappelais aussi ce qu’écrivait Joseph Stiglitz dans son livre Quand le Capitalisme perd la Tête : « En 2001, aux États-Unis, il est clair que la réduction d’impôt n’était qu’une tentative des riches pour garder une plus grande partie de leur fortune ». Et qu’en font-ils ? Patrick Artus, professeur à l’École Polytechnique et à Paris I, nous l’explique dans un superbe ouvrage dont je vous conseille la lecture, Le Capitalisme est en train de s’autodétruire : « Nous avons un capitalisme sans projet, mais qui ne fait rien d’utile avec ses milliards. L’argent coule à flots mais il n’est que trop rarement utilisé à bon escient. Il alimente plutôt la voracité des investisseurs dans une course aux rendements financiers à court terme. Cette logique « court-termiste » à rentabilité élevée porte elle-même sa propre fin puisqu’elle suppose de sacrifier l’avenir. »

Alors, ne comptez pas sur nous pour donner encore plus d’argent aux plus riches qui le détournent des investissements utiles à l’emploi, alors qu’il pourrait servir à donner du travail à tous, à commencer par les 40 à 50 % de chômeurs des quartiers défavorisés. Notre objectif est de favoriser effectivement le travail et l’investissement productif, donc de rémunérer le travail mieux que les dividendes, et de prendre des mesures fiscales permettant d’orienter l’argent vers la recherche, la formation, l’investissement public et la production.

Oui, l’argent coule à flots, mais il est mal réparti et mal utilisé. Telle est la réalité. Ce qui fait dire à Patrick Artus : « Quand va-t-on arrêter de se prosterner devant la déesse Shareholder Value, » c’est-à-dire la création de valeur pour l’actionnaire ? Il poursuit : « Cette chasse au rendement du capital investi va-t-elle les aveugler encore longtemps, au point de leur faire perdre de vue leur principale mission : imaginer des axes et des projets de développement pour créer des richesses et de l’emploi ? » Voilà le constat d’échec de ce système.

Or, non seulement vous laissez faire, mais vous encouragez le mouvement en soustrayant de l’argent au budget de l’État, à la communauté nationale, pour le livrer à des appétits dont Patrick Artus nous a expliqué la nature. Il est vraiment temps, sauf à faire le lit d’autres explosions sociales, de rompre avec ce capitalisme sauvage, irrespectueux des hommes, des territoires et des nations. Il s’agit non pas d’un débat philosophique hésitant entre le réalisme et le rêve, mais d’un choix politique de rupture avec un système qui échoue. Nous voterons naturellement contre l’article 58 dont la raison d’être est, pour reprendre M. Stiglitz, d’« aider les riches à garder une plus grande partie de leur fortune ». C’est aujourd’hui malheureusement le seul avenir que vous proposez à la France.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Avec l’article 58, nous abordons l’une des premières mesures fortes que vous proposez dans le projet de loi de finances. Ajoutée au plafonnement des niches fiscales et de la taxe professionnelle, à la révision du barème, elle constitue ce que vous appelez une réforme de l’impôt sur le revenu.

Qui le bouclier fiscal concerne-t-il ? Et quel est son but ?

Vous fixez le plafond à 60 %. Or, avec le nouveau barème de l’impôt sur le revenu, il n’y aura pas de tranche supérieure à 40 %. Ce n’est donc pas l’impôt sur le revenu qui est visé. Quant aux impôts locaux, selon les communes et selon que l’on intègre ou non la taxe d’enlèvement des ordures ménagères qui n’est pas comprise dans votre dispositif, ils représentent en moyenne entre 5 et 10 % au maximum des revenus. Quarante plus dix égale cinquante, ce qui prouve bien que la seule raison d’être du bouclier fiscal est la réduction, voire pour certains la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Le bouclier fiscal est une réforme cachée de l’impôt de solidarité sur la fortune. Tous les conseillers fiscaux et financiers qui ont examiné cette mesure dans le détail le reconnaissent. J’ai sous les yeux l’article d’une revue professionnelle intitulé « Quoi de neuf en termes de fiscalité ? » À propos du bouclier fiscal, il est écrit que c’est une réforme de l’impôt sur la fortune qui ne dit pas son nom. Vous voyez, l’opposition n’est pas la seule à le souligner. Tous ceux qui connaissent la fiscalité en mesurent les conséquences. Une fois de plus, nous restons dans l’opacité !

Nous lisons toujours avec grand plaisir le rapport de notre rapporteur général qui est souvent une source d’information substantielle, mais, en l’espèce, nous restons sur notre faim.

Selon lui, la mesure représenterait 358 millions d’euros pour l’État et 43 millions pour les collectivités territoriales, soit un total de près de 400 millions d’euros, pour 93 000 contribuables. Comment cette somme se répartit-elle entre les bénéficiaires ? Nous vous avons posé la question et nous n’avons pas obtenu de réponse, ni dans les documents qui nous ont été adressés par Bercy ni dans ceux de la commission des finances. On nous explique que la mesure pourrait bénéficier à 87 % des 93 000 contribuables qui seraient dans le premier décile des contribuables. Ensuite, les choses deviennent plus floues pour les 12 000 contribuables qui restent et dont la moitié appartient au dernier décile de la population, disposant d’un revenu fiscal de référence supérieur à 42 671 euros.

Est-ce que 10 000 à 12 000 contribuables vont bénéficier de la moitié de ces 400 millions ? Les divisions seront intéressantes à effectuer, et il faudra mettre les résultats en regard des 5 euros – à peine ! – par bénéficiaire, de la prime pour l’emploi.

Avec le cumul des mesures que vous proposez, il y aura donc, pour quelques contribuables, des centaines de milliers d’euros de réduction d’impôt sur le revenu et d’impôt de solidarité sur la fortune alors que pour un très grand nombre de personnes des classes modestes ou moyennes, ce ne sera que quelques euros.

Nous reviendrons sur ce point afin de bien apprécier quels seront les vrais bénéficiaires de vos réformes, mais il semble – et le président de la commission des finances a eu l’honnêteté de le reconnaître – que nous les trouverons plutôt dans les tranches supérieures.

Voilà quelques questions précises que nous nous posons sur cette disposition qui n’est en fait qu’une nouvelle réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune, pour tendre progressivement à sa suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Didier Migaud vient de démontrer combien cette réforme était injuste. Effectivement, elle bénéficiera essentiellement aux plus favorisés.

Et ce n’est pas tout. Vous n’en avez pas trop conscience encore, mes chers collègues de la majorité, mais vous le comprendrez mieux quand vous aurez connaissance des simulations : cette réforme, associée à celle que vous allez voter la semaine prochaine, aboutira à la mise sous tutelle financière des collectivités locales. Les propos d’Hervé Mariton étaient clairs : il faut empêcher les élus locaux d’augmenter les impôts, c’est-à-dire d’accroître leurs recettes, alors même qu’on leur transfère des charges supplémentaires !

Deux chiffres sont particulièrement éclairants sur l’injustice fiscale : 500 millions d’allégements pour les riches et 500 millions pour les 8 800 000 bénéficiaires de la prime pour l’emploi. Quel équilibre ! Vous octroyez à une poignée de contribuables l’équivalent de ce que vous donnez à la plus grande partie des travailleurs de ce pays.

Cela s’ajoute à la réforme entamée dans le cadre de la première partie de la discussion budgétaire. Vous avez décidé de 70 millions d’allégements, mais M. le ministre a été incapable de nous donner le nombre exact de ceux qu’ils concernaient. Il a bien parlé de quelques dizaines de milliers mais il y en aura, en réalité, tout juste 14 000 !

Au moment où il y a tant de misère dans le pays, particulièrement dans les communes où sont survenus les événements que l’on sait, votre seule préoccupation est d’alléger la fiscalité des plus riches.

M. Richard Mallié. C’est faux !

M. Augustin Bonrepaux. Ce contraste montre bien comme vous êtes coupés de la réalité.

M. le Premier ministre est venu nous expliquer qu’il fallait que les élus locaux l’aident à rétablir l’ordre dans les banlieues. Tel est bien le cas et ils sont sur le terrain. Dans le même temps, certains d’entre vous – Hervé Mariton et beaucoup d’autres – les mettent en accusation, en déclarant qu’ils sont irresponsables et qu’ils augmentent inconsidérément les impôts. Ils veulent les mettre sous tutelle, les empêcher de répondre aux besoins de la population et les obliger à accroître, encore plus, les impôts des ménages, car ce sont bien les impôts des ménages, surtout des plus défavorisés, qui supporteront les conséquences de cette réforme.

Dans beaucoup de communes, certains contribuables verront leur contribution plafonnée par votre bouclier fiscal et ils ne paieront plus d’impôts aux collectivités. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Mariton. Où avez-vous vu cela ?

M. Augustin Bonrepaux. Ils seront même remboursés. Mais qui va payer ? La collectivité, qui aura augmenté ses impôts, sera contrainte de rembourser ce qu’elle leur aura fait verser en plus.

M. le président de la commission des finances nous cite toujours les exemples étrangers. Inspirons-nous, dit-il, de la Suède ou de la Finlande. Or, dans ces pays, on ne demande pas aux collectivités locales de rembourser les impôts à ceux qui devraient acquitter l’ISF. En effet, pour tous les autres, Didier Migaud vient de le montrer, vous n’aviez pas besoin d’un bouclier fiscal.

En réalité vous accordez des cadeaux aux plus riches et vous faites payer les plus pauvres.

M. Richard Mallié. Cessez de caricaturer !

M. Augustin Bonrepaux. En effet il faudra bien, pour cela, augmenter les impôts de tous ceux qui ne seront pas protégés par le bouclier fiscal.

Nous voterons donc contre l’article 58. Soyez sûrs que la population se rendra compte de la supercherie et de l’injustice, et que tous les élus en prendront conscience aussi. C’est sans doute pourquoi vous avez, monsieur le ministre, refusé de nous remettre les simulations : vous pourriez bien rencontrer quelques difficultés, la semaine prochaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le bouclier fiscal est un engagement de campagne de Nicolas Sarkozy, (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) ex-ministre de l’économie mais, surtout, maire de Neuilly-sur-Seine, qu’il a su, habilement, imposer à Dominique de Villepin. Convaincre Thierry Breton a dû poser beaucoup moins de problèmes.

Le plafonnement à 60 % des revenus de la somme de l’impôt sur le revenu, de l’impôt de solidarité sur la fortune et des impôts locaux est une véritable imposture. Qui veut-on protéger avec ce dispositif ? Et de quoi ? Ainsi que toutes les études le montrent, ce ne sont pas les contribuables lambda, mais une minorité de redevables de l’ISF dont les conseillers fiscaux n’auront pas réussi à faire diminuer suffisamment l’IRPP en 2007.

Le rapport de Gilles Carrez fournit quelques éléments chiffrés intéressants. On apprend, par exemple, que 93 000 contribuables vont bénéficier du dispositif, dont 6 000 dans le dernier décile de revenus, qui correspond aux foyers les plus fortunés.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je vous dirai tout à l’heure pourquoi !

M. Jean-Pierre Balligand. Pour autant, le coût global, par catégorie de ménages concernés, n’est pas indiqué, ce qui laisse à penser – quand on connaît le fonctionnement de Bercy – que ces valeurs ne sont pas favorables au Gouvernement. J’en reste donc aux estimations, faites ici ou là, selon lesquelles la moitié du coût du dispositif, qui s’élève à plus de 400 millions d’euros, ira à moins de 10 % des bénéficiaires, naturellement les plus favorisés.

Le rapporteur général lui-même reconnaît que le bouclier fiscal sera souvent plus favorable que le « plafonnement du plafonnement » de l’ISF, actuellement en vigueur.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Balligand. Je vois qu’il acquiesce ; il a une conscience ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je vous répondrai !

M. Jean-Pierre Balligand. Ce n’est donc pas un bouclier, mais un parapluie fiscal que le Gouvernement et le Parlement s’apprêtent à ouvrir au-dessus d’une poignée de privilégiés, sous prétexte de protéger les Français d’une injustice fiscale. Le choix des mots a toute sa signification : en faisant de ce « parapluie » un « bouclier », et donc du « fisc » un « ennemi » du contribuable, ce gouvernement adhère ouvertement aux thèses les plus démagogiques et les plus réactionnaires du moment.

Le financement cache une autre imposture.

Dans le projet de loi de finances, le Gouvernement a prévu que les collectivités territoriales rembourseront à l’État la quote-part correspondant à la part des taxes locales dans les impôts payés par les contribuables concernés.

Les associations d’élus – association des maires de France, association des maires des grandes villes, association des maires des petites villes – ont vainement essayé de faire comprendre au Gouvernement qu’il s’agissait d’une nouvelle atteinte à leur autonomie financière et à leur libre administration. Elles ont demandé, par conséquent, que l’État en assume intégralement le coût. Puisque le principal objet du dispositif est de réformer, en catimini, un impôt national – l’impôt de solidarité sur la fortune –, il serait effectivement légitime que l’État renonce à se retourner vers les collectivités locales pour obtenir un remboursement d’impôts, injuste dans son principe, et dont la mise en œuvre s’annonce des plus complexes.

La commission des finances a proposé, à cet égard, deux avancées, qui n’en sont pas.

Un premier amendement tend à imputer intégralement à l’État la restitution de l’impôt, lorsque le montant des impositions au titre de l’impôt sur le revenu et de l’impôt de solidarité sur la fortune excède à lui seul le seuil de 60 % du revenu.

M. Hervé Mariton. C’est cohérent !

M. Jean-Pierre Balligand. Il me semblait que cela allait de soi.

Un deuxième amendement vise à « mutualiser » la restitution des impôts locaux au contribuable : les 43 millions d’euros que coûte la réforme seront donc prélevés directement sur le montant de la DGF et non plus facturés collectivité par collectivité. Autant dire que le Gouvernement annonce dès aujourd’hui, à l’article 58 du PLF, une diminution de 43 millions de la DGF !

Certains rétorqueront que cela ne représente que 0,1 % de celle-ci, mais c’est un symbole fort et ce sera perçu comme tel par des collectivités locales qui ne sont pas toutes de gauche, contrairement à ce que vous donnez un peu trop à penser. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le bouclier fiscal qu’instaure l’article 58 est très important. D’ailleurs, il est hautement symbolique puisque vous l’inscrivez à l’article 1er du code général des impôts : « Les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 60 % de ses revenus. »

Les collectivités locales, que ce soit sous une forme mutualisée ou directement, rembourseront leur quote-part à l’État. Quelle sera cette quote-part ? On connaît le coût global : entre 350 et 400 millions d’euros. Pour les collectivités locales, s’agira-t-il de 20, 30 ou 40 millions ? Les évaluations sont très floues. Peut-être le rapporteur général nous donnera-t-il quelques précisions à ce propos.

Toujours est-il que la mesure s’appliquerait à 93 000 contribuables, dont plus de 85 % ont un revenu annuel déclaré qui n’excède pas, pour les revenus imposés comme des salaires, 7 400 euros. Le problème, c’est que la suppression qu’elle induit, et qui est le motif caché de la réforme, à savoir la suppression du « plafonnement du plafonnement » pour les plus gros contribuables à l’ISF, qui étaient, l’an dernier, au nombre de 1 972, coûterait 200 millions d’euros.

Les 10 000 contribuables les plus aisés bénéficiaires de cette même mesure auraient donc un bénéfice global de 250 millions d’euros. Ainsi, plus de la moitié du coût de la mesure irait à 10 000 contribuables au maximum, pour un gain annuel moyen de 25 000 euros par foyer fiscal.

Bien entendu, vous nous direz que le bouclier fiscal profitera également aux ménages affectés par une chute ou une disparition de revenus du fait d’un accident de la vie. On pense, bien entendu, au chômage. Néanmoins ces situations étaient déjà prises en compte, au cas par cas, par les services des impôts, sous forme de dégrèvements ou d’étalements, ou encore de dégrèvements assortis d’étalements.

Vous déguisez donc la remise en cause de l’ISF pour les plus gros contribuables, alors même que le Gouvernement a déclaré que, pour des raisons économiques et d’emploi, la réforme de l’ISF n’était pas d’actualité.

En l’occurrence, ni l’emploi ni aucune raison économique ne sont en cause. Il s’agit d’atténuer les effets de l’ISF sur les plus gros contribuables. La moitié du montant de la réforme bénéficiera à 10 000 contribuables, leur procurant un gain mensuel moyen de 2 000 euros, soit deux fois la valeur du SMIC net !

Monsieur le ministre, je partage l’indignation de ceux qui pensent qu’un tel article relève de la provocation, face à une crise sociale qui s’aggrave et aux inégalités qui se creusent dans tous les domaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. L’article 58 fait partie d’une série de propositions affichées par le Gouvernement comme de grandes ambitions, mais ressenties par celles et ceux qui s’y opposent comme de grandes injustices. Si cette réforme était aussi ambitieuse que vous le prétendez et portée par des valeurs, même libérales, elle serait plus transparente. On en mesurerait mieux les conséquences tant pour les quelques milliers de contribuables auxquels elle va profiter que pour les collectivités dont elle va réduire les recettes.

Vous affichez une addition qui concerne en réalité deux entités très différentes : l’État et les collectivités locales. Ces dernières sont, depuis des années, durement touchées par vos exonérations non compensées et par vos plafonnements non maîtrisés. Ce sont les ressources des collectivités locales qui sont affectées, nous le verrons une nouvelle fois la semaine prochaine s’agissant de la taxe professionnelle.

Nous sommes encore quelques-uns à considérer que le lien entre le citoyen et la nation s’appelle la solidarité : chacun apporte sa contribution pour que la nation puisse faire face à l’ensemble de ses responsabilités. Nous avons peut-être commis une erreur collective en réduisant le nombre de contribuables au cours des dernières décennies et la réflexion devrait nous conduire à élargir le spectre de ceux qui apportent leur contribution à la richesse de la nation. Ne pas le faire et réduire au contraire la proportionnalité de la contribution des plus riches montre l’injustice qui fonde votre loi de finances pour 2006, ainsi que celle pour 2007, car certaines mesures seront applicables sur les bases de 2006. Au moment où chacun peut constater que le lien social se distend, vous faites pour nous concitoyens riches ou pauvres, un monde où les individus deviennent des porteurs de droits, et non plus de devoirs. L’impôt doit être mieux valorisé.

Mes collègues ont montré, en s’appuyant sur les chiffres indiqués dans le rapport, que ces restitutions masquaient votre véritable objectif : revoir l’impôt de solidarité sur la fortune en l’habillant de ce bouclier fiscal qui vous sert de parapluie, comme l’a dit Jean-Pierre Balligand. En fait vous n’assumez pas clairement les mesures que vous destinez à votre électorat privilégié. Le coût de cette réforme injuste sera concentré sur les classes moyennes, qui perçoivent déjà de plus en plus leur contribution comme une injustice, et non comme leur juste participation à la vie de la nation.

Nous aurions mérité plus de clarté dans les débats. Votre refus de transparence et de dialogue démontre que cette réforme est moins ambitieuse que vous ne le dites. Vous cherchez à la faire adopter le plus rapidement possible et avec le minimum d’information. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Besson.

M. Éric Besson. Je veux à mon tour, au moment où s’ouvre la discussion sur l’article 58, poser quelques questions et tenter de fixer des repères.

Première question : les impôts ont-ils baissé, comme le prétend en permanence le Gouvernement, et encore ici même cet après-midi ? À l’évidence, la réponse est non. Nous avons tous en mémoire le slogan de la campagne électorale de 2002 : « Baisse des impôts, baisse des charges ». Or les cotisations sociales ont augmenté, comme le fera encore la cotisation vieillesse en 2006, et les prélèvements obligatoires – les documents du ministère le prouvent – ont progressé d’un point en quarante mois. Le déficit s’est creusé et la dette atteint aujourd’hui 66 % du produit intérieur brut.

Deuxième question : cette hausse des impôts a-t-elle été équitablement répartie ? Là aussi, la réponse est non. Certains bénéficient de vos largesses fiscales, comme les contribuables redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune. Cet impôt, au sort duquel vous vous attachez pour la quatrième fois depuis l’élection de 2002 représente pour vous, à n’en pas douter, une véritable obsession. Si certains ont également profité de vos largesses en matière d’impôt sur le revenu, la grande majorité de nos concitoyens auront payé plus d’impôts et de taxes, dont la plupart ont augmenté : je pense à la CSG, à la cotisation vieillesse, à la taxe intérieure sur les produits pétroliers –donc au prix de l’essence à la pompe – ou au forfait hospitalier.

Troisième question : avez-vous corrigé le tir dans ce projet de loi de finances pour 2006 ? Non, vous persistez et vous ne faites qu’aggraver la situation. La réforme de l’impôt sur le revenu ne sera financée qu’en 2007, c’est-à-dire à crédit, méthode dont vous êtes désormais coutumier, puisque vous l’avez expérimentée avec les exonérations de taxe professionnelle prévues par la loi Borloo qui seront pour l’essentiel financées en 2009. C’est dire que vous franchissez allègrement les échéances démocratiques de 2007. Votre réforme profitera surtout aux plus aisés ; mes collègues l’ont largement démontré au cours de la discussion de la première partie du budget.

L’expression même de « bouclier fiscal », nous vous l’avons répété mille fois, nous semble indécente et caricaturale. Didier Migaud a rappelé qu’il s’agissait tout simplement de toucher une nouvelle fois à l’impôt de solidarité sur la fortune : 120 000 personnes bénéficieront de 250 millions d’allégements, alors que les 500 millions de la prime pour l’emploi seront répartis entre 500 000 personnes. On ne peut nier que votre politique fiscale relève de la caricature.

En quarante mois, les pauvres ont beaucoup perdu, les vraies classes moyennes – et non celles dont vous parlez -, un peu ; par contre, les riches ont beaucoup gagné, et les très riches énormément. Voilà, résumée avec des mots simples, la politique fiscale que vous menez depuis quarante mois.

Quatrième question : avez-vous les moyens de vos largesses ? Évidemment non ! Chaque année, le Parlement peut en témoigner puisque vous nous proposez, après le vote du budget des gels, puis des amputations de crédits. Vous êtes même contraints de brader notre patrimoine national…

M. Hervé Novelli. C’est excessif !

M. Éric Besson. …d’où la vague de privatisations que vous annoncez, qu’il s’agisse du secteur de l’énergie ou des sociétés d’autoroutes.

Cinquième question : où est la variable d’ajustement ? La réponse est simple : ce sont les collectivités locales. Vous leur transférez les charges, sans les recettes correspondantes, contrairement à vos engagements…

M. Hervé Novelli. C’est faux !

M. Éric Besson. …contrairement au slogan favori du ministre : « à l’euro près » ; et contrairement à ce que prévoit la loi. Il en est ainsi du RMI, des agents des collèges, des routes, sans parler des contrats de plan État-région qui ont pris des retards dramatiques, du plafonnement de la taxe professionnelle et des conséquences pour les collectivités locales de la création d’un bouclier fiscal.

M. Hervé Novelli. Caricature !

M. Éric Besson. Ainsi que mes collègues socialistes l’ont souligné fort justement, malgré vos artifices, le bouclier fiscal aura un coût et constituera un manque à gagner pour les collectivités locales.

Sixième question : quelles seront les conséquences à court terme ? Elles sont simples : vous ne pourrez pas honorer les promesses faites il y a quarante-huit heures par le Président de la République, qui revendiquait pourtant la cohérence entre les discours et les actes, notamment dans les banlieues. En effet, vos mesures vous auront privés, sur l’ensemble de la législature, de 25 milliards d’euros. Si l’on additionne les baisses de l’impôt sur le revenu et de l’ISF, à la fin de la législature, vous auriez pu consacrer environ 5 milliards d’euros par an, par exemple, au rétablissement de la République dans certains quartiers.

Enfin, une dernière question, à laquelle, depuis quarante mois, nous n’avons jamais obtenu de réponse : votre gouvernement ne nous a jamais expliqué sa philosophie en matière de fiscalité. J’ai cité il y a un instant, monsieur le ministre, le beau mot de « République ». Croyez-vous encore à l’impôt républicain, au principe selon lequel chacun contribue aux charges publiques à proportion de ses facultés ? À vrai dire, je n’ose même pas vous demander si vous croyez encore au rôle redistributif et à la réduction des inégalités par l’impôt. La réalité, elle, est implacable : à la fin de cette législature, les inégalités se seront accrues en France comme jamais sous la VRépublique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je voudrais poser quelques questions sur l’article 58, qui vise à créer un bouclier fiscal. Est-ce une bonne idée ? Si 71 % des Français sont de cet avis, c’est parce qu’ils ne savent pas ce que contient cette mesure, qui n’est pas la meilleure façon d’aborder le problème.

En effet, pourquoi la CSG et la CRDS n’ont-elles pas été intégrées au bouclier fiscal, comme le voudrait la logique, alors qu’elles figurent dans le plafonnement de l’IR, de l’ISF, de la CSG et de la CRDS ? On nous répond qu’il y a des contreparties à la CSG. Non, mes chers collègues, la CSG, comme son nom ne l’indique pas, fait juridiquement partie des « impositions de toute nature » qui n’ouvrent droit à aucune contrepartie.

Et pourquoi prendre en compte les impôts locaux ? A cet égard on nous demande de regarder ce que font nos partenaires européens. Or dans les six pays – sur vingt-cinq –, qui ont inclus la fiscalité locale dans leur bouclier fiscal, les impôts locaux sont partagés entre l’État et les autres collectivités, ou bien il existe deux types d’impôts sur le revenu, l’un allant aux collectivités locales, l’autre à l’État. La comparaison européenne ne justifie donc pas l’intégration de la taxation sur la résidence principale.

En outre, est-ce justifié ? Absolument pas ! Nous nous sommes battus pendant quinze ans pour tenter de déconnecter les décisions des assemblées locales des conséquences sur leurs recettes de certaines mesures prises par l’État, notamment en matière de dégrèvements. Par ailleurs, il n’existe aucune corrélation entre la pression de la fiscalité locale et le franchissement du seuil de 60 %.

Même si elle pratique une fiscalité très basse, il suffit pour une collectivité d’accueillir un contribuable disposant d’un très gros patrimoine mais de faibles revenus pour se retrouver concernée par le bouclier fiscal au point de devoir rembourser, deux ans plus tard, une partie du trop perçu au prorata de l’impôt local. La position du Gouvernement sur ce point est donc absurde.

Il existe deux façons de remédier au problème : l’une, radicale, et qui fait l’objet de plusieurs amendements, consisterait à ne pas prendre en compte les impôts locaux sur la résidence principale dans le calcul du bouclier ; l’autre serait de les maintenir mais sans prévoir de récupération. Je ne parle pas de la tentative de compromis consistant à ne prendre en compte les impôts locaux que lorsqu’ils sont à l’origine du franchissement du seuil de 60 % et à imputer sur le montant global de la DGF la moitié des 43 millions d’euros que représenterait leur part dans le coût du bouclier fiscal.

J’ai fait l’École nationale d’administration, mes chers collègues, et je n’en ai pas honte, …

M. Hervé Novelli. Vous auriez dû faire Polytechnique !

M. Charles de Courson. …mais si l’on voulait faire croire que les élus issus de cette maison ont perdu tout bon sens, on ne s’y prendrait pas autrement. Je voudrais donc décerner à cette invention le brevet de la plus belle usine à gaz ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

J’ajoute, en tant qu’humaniste et membre d’un parti qui l’est également, que la responsabilité collective est le contraire de la justice.

Enfin, ce mécanisme est purement symbolique : rappelons qu’il porte sur un montant de 20 millions d’euros, sur plus de 30 milliards de dotation globale de fonctionnement. Peut-on croire qu’il permettra une véritable régulation ? C’est absurde. Il faut donc abandonner cette idée,…

M. Didier Migaud. Absolument !

M. Charles de Courson. …d’autant que vos références européennes sont infondées. Je peux vous le démontrer pays par pays, de l’Allemagne à la Suède en passant par la Finlande et le Danemark.

La réponse à la troisième question est tout à fait incroyable.

Qui va bénéficier du bouclier fiscal, dont le coût est estimé à 400 millions d’euros ? Le Gouvernement, notez-le, ne dit rien sur ce sujet. Il a fallu que je m’adresse aux membres de son cabinet pour obtenir une première information, confirmée depuis par le rapporteur général, dont je cite le rapport : « Votre rapporteur général a indiqué que, parmi les 93 000 bénéficiaires de ce plafonnement, 14 000 le seraient au titre de l’ISF. En ce qui concerne la part que l’ISF représenterait dans les 400 millions d’euros, ne disposant pas de la ventilation du coût, il a estimé qu’il convenait de retenir un ordre de grandeur des deux tiers. »

Mme la présidente. Monsieur de Courson, veuillez conclure. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Launay. Il faut le laisser parler.

M. Jean-Louis Dumont. C’est intéressant !

M. Jean-Claude Sandrier. Très instructif !

Mme la présidente. Je ne fais qu’appliquer le règlement.

M. Charles de Courson. Il y a donc deux catégories de bénéficiaires.

Les uns, au nombre de 14 000, sont assujettis à l’ISF et vont bénéficier au total de 250 millions d’euros,…

M. Jean-Claude Sandrier. Un véritable pactole !

M. Charles de Courson. …soit une moyenne d’environ 16 000 euros de réduction d’impôt par personne.

M. Jean-Claude Sandrier. Mais s’en contenteront-ils ?

M. Charles de Courson. Pour les désigner, monsieur le ministre, ne parlez surtout pas de « classes moyennes », sauf à vouloir nous faire hurler de rire ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Surtout lorsque l’on sait que le quart des 5 milliards de baisses d’impôt – PPE comprise – va bénéficier à 110 000 personnes.

Mme la présidente. Monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Pourquoi instituer un bouclier fiscal alors que l’ISF est déjà plafonné à 85 % des revenus ? En effet, si l’on ne tient pas compte de la CSG et de la CRDS, qui sont incluses dans le calcul du plafonnement de l’ISF, le plafond actuel IR + ISF équivaut déjà à 75 % ou 77 %.

Il faut savoir que ces 14 000 personnes qui bénéficieraient du bouclier fiscal au titre de l’ISF sont des gens extrêmement riches. Il s’agit en effet de contribuables détenant des actifs importants mais à faible rendement : par exemple, les détenteurs d’une participation importante dans une grande entreprise qui ne distribue pas un sou de dividendes, …

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je ne comprends pas. De combien de temps dispose-t-il ?

M. Charles de Courson. …ou les propriétaires d’une très belle villa ou d’un hôtel particulier dont ils ont hérité tout en ne disposant que de revenus modestes. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Monsieur de Courson, j’ai demandé à chacun de respecter son temps de parole. Vous n’avez aucune raison de déroger à ce principe.

M. Charles de Courson. J’ai presque fini, madame la présidente et je crois que c’est intéressant. En outre, je suis le seul orateur de mon groupe à prendre la parole.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Et alors ?

Mme la présidente. Ce n’est pas une raison !

M. Charles de Courson. Mais si vous voulez que nous soyons cinq à la demander, c’est possible.

M. Jean-Louis Dumont. Son intervention est intéressante !

M. Charles de Courson. J’en viens à la deuxième catégorie de bénéficiaires, les 79 000 personnes qui bénéficieront de 150 millions d’euros, soit une moyenne de 1 900 euros par tête. Ceux-là ne sont pas assujettis à l’ISF, donc ce sont leur impôt sur le revenu et leurs impositions locales portant sur la résidence principale qui leur font dépasser le seuil de 60 %. Comment cela est-il possible ? C’est très simple : ces gens occupent de très belles maisons, dont ils ont hérité ou qu’ils ont achetées il y a très longtemps, lorsque leur valeur était beaucoup moins élevée.

Ainsi, on comprend mieux les motivations de cette réforme.

Mme la présidente. Monsieur de Courson, faites preuve de correction à l’égard de vos collègues !

M. Charles de Courson. Le Gouvernement, ne voulant pas s’attaquer à la réforme de l’ISF, a recours au bouclier fiscal pour dissimuler sa non-réforme. (Approbations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Dumont. C’est une dissimulation !

M. Charles de Courson. En conclusion, et parce que je suis quelqu’un de constructif, je me demande ce qu’il aurait fallu faire.

A ce sujet le groupe UDF fait deux propositions très simples.

La première consiste à abaisser le taux de plafonnement de l’ISF de 85 à 70 %.

Mme la présidente. Monsieur de Courson, je vais couper votre micro ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Charles de Courson. Le débat promettrait d’ailleurs d’être intéressant, car c’est la gauche, je le rappelle, qui, au temps de Michel Rocard, avait initialement fixé ce taux à 70 %.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est incroyable !

Mme la présidente. Monsieur de Courson, tout le monde a respecté son temps de parole. Ce n’est pas correct !

M. Charles de Courson. Je termine.

La seconde proposition est un abattement de 300 000 euros sur la résidence principale. Ce serait une mesure de justice, mais le Gouvernement, sur ordre du Président de la République, s’y oppose.

La seule mesure que nous avons fini par arracher après dix ans de lutte est l’abaissement du seuil de 75 à 50 % pour les groupes familiaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. C’est fini, monsieur de Courson !

M. Jean-Claude Sandrier. Il est intarissable !

M. Charles de Courson. Ces deux propositions auraient été bien acceptées parce que, contrairement au bouclier fiscal, elles sont logiques et cohérentes.

Mme la présidente. Je ne connais qu’une personne, parmi nos collègues, qui fassent preuve d’un tel manque de respect à l’égard du règlement.

M. Hervé Novelli. Maxime Gremetz !

M. Charles de Courson. C’est une comparaison un peu abusive !

M. Jean-Louis Dumont. Et une mise en cause personnelle !

Mme la présidente. J’espère que ce mauvais exemple ne sera pas suivi.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Au contraire des orateurs précédents, monsieur le ministre, je suis favorable au bouclier fiscal. Je souhaite simplement en relever certaines insuffisances et vous appeler à y remédier.

Lors de la discussion générale sur la première partie du projet de loi de finances, je vous avais déjà alerté sur le douloureux problème des habitants modestes de l’île de Ré, injustement imposés à l’ISF et redressés sur dix ans alors qu’ils ne sont même pas, en raison de leurs faibles revenus, assujettis à l’IRPP. Jamais ils n’auraient pu imaginer qu’ils seraient un jour considérés comme de riches citoyens.

Le problème est connu : la spéculation qui sévit dans ces zones à vocation touristique a fait monter les prix des terres agricoles, exploitées ou non, et des habitations, fussent-elles dépourvues de confort, à des niveaux sans rapport avec la réalité économique. Les services fiscaux ont établi leurs estimations sans discernement, sur toutes les propriétés, et de nombreux petits possédants se sont retrouvés taxés, à leur grande stupéfaction et surtout à leur grande détresse, car, faute de vendre la maison qu’ils occupent et le jardin qui assure une partie de leur subsistance, ils ne peuvent payer cet impôt. Voudrait-on les obliger à se placer contre leur gré en maison de retraite qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Une parcelle de 60 ares, sur laquelle un couple de retraités rétais cultive encore 20 ares de vignes et quelques légumes, est ainsi estimée à 1,2 million d’euros.

M. Jean-Louis Dumont. C’est moins cher à Jonville, dans la Meuse !

M. François Guillaume. Je vous laisse deviner les conséquences fiscales d’une telle estimation.

Il faut comprendre leur révolte lorsqu’ils apprennent que les objets d’art ne sont pas taxés et que leur commerce n’est même pas imposé au titre des plus-values. Or le bouclier fiscal n’est pas, pour eux, une solution suffisante. Même limité à 60 % des revenus, l’impôt prend une part substantielle de leur maigre retraite. Précisons que les retraites agricoles s’échelonnent de 4 500 à 15 000 euros par an. Si le fisc prélève 60 % de la pension la plus faible, il ne reste que 1 800 euros. Peut-on vivre toute une année avec une telle somme ?

Il n’est pas anormal que les héritiers de ces petits propriétaires payent, au moment de la succession, des impôts sur les plus-values réalisées. Toutefois il me paraît indispensable d’exonérer les petits retraités et d’exclure de la base de l’ISF, au titre des biens professionnels, toutes les terres exploitées, qu’elles soient ou non en zone constructible. Il vous appartient, monsieur le ministre, d’en prendre l’initiative, de la manière qui vous conviendra, afin de ne pas prolonger une injustice grave au détriment d’une population modeste.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Permettez-moi, monsieur le ministre, cette question un peu naïve : combien la baisse des impôts prévue pour les plus riches coûtera-t-elle aux plus pauvres, qui sont les plus nombreux ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La réponse à cette question n’est pas sans rapport avec le maintien de la paix sociale qui nous préoccupe tant ces jours-ci, puisqu’elle risque d’entraîner une stigmatisation des riches.

La mise en place du bouclier fiscal risque de poser des problèmes dans certains villages, notamment en montagne. Je sais que vous êtes sensible à leur situation, monsieur le ministre. Vous avez fait preuve d’une attitude constructive, par exemple, au sujet de la reconnaissance de la superficie comme critère d’attribution de la DGF. Vous voyez que je ne recherche pas la polémique !

Mme Christiane Taubira. N’en faites pas trop tout de même !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Un mot gentil, ce n’est pas désagréable dans ce monde de brutes !

M. François Brottes. Ces villages de montagne, que nombre d’entre nous connaissent bien, comptent beaucoup de résidents n’y vivant pas à l’année, bien qu’y ayant déclaré leur habitation en résidence principale. Il s’agit souvent de personnes ayant pris leur retraite après avoir bien gagné leur vie. Elles apportent avec leurs impôts locaux une ressource indispensable à la commune. Certains prétendent en effet qu’il suffit de réaliser des économies pour réduire les impôts. Cependant certaines communes n’ont pas d’autres ressources que l’imposition des ménages : elles ne disposent pas d’entreprises, pas d’industrie, et il leur est difficile d’en attirer sur leur territoire car elles privilégient, ce qui est normal, l’environnement naturel, les paysages et la biodiversité. Le bouclier fiscal risque donc de les priver de recettes sur lesquelles elles comptent pour maintenir un minimum de services et permettre à leurs résidents permanents d’y rester.

L’impact des nouveaux résidents est pourtant important : leur arrivée a entraîné une spéculation foncière et immobilière qui interdit souvent à la population locale de se loger et donc de rester au pays. Elle pénalise l’activité en hiver, trop de volets restant alors clos. Et voilà maintenant que le Gouvernement va priver ces villages d’une part indispensable de leurs ressources ! Les maires seront obligés de se battre à mains nues – pour le coup sans bouclier, eux – pour la survie de leur commune. De tout cela ne peut naître que la désespérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Belle défense du monde de la montagne !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je souhaite apporter des réponses aux nombreuses interrogations qui ont été soulevées et peut-être réfuter certaines objections. Nous aurons ainsi le débat de fond susceptible de faciliter ensuite l’examen des amendements.

Ce plafonnement à 60 % est une grande première en France, même s’il a été instauré en d’autres temps ; j’y reviendrai. En tout état de cause, cette mesure résume assez bien l’esprit de la réforme fiscale que nous vous proposons, laquelle repose sur deux piliers : la justice et l’attractivité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Migaud. Quel culot !

M. Henri Nayrou. La justice !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela vous étonne !

Premier pilier : la justice.

Sur les 93 000 personnes qui bénéficieront de ce dispositif, 81 000, soit près de 90 %, sont dans le premier décile de revenu. Elles figurent donc parmi les plus modestes.

M. Henri Nayrou. Les plus modestes parmi les plus riches !

Mme la présidente. Monsieur Nayrou !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il est dommage de balayer cela d’un revers de main et de s’en tenir à des visions très archaïques qui consistent à se critiquer les uns les autres ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, seul M. le ministre a la parole !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. À voir comme vous êtes impatients, je comprends que vous voulez obtenir toutes les réponses. Détendez-vous, cela va venir !

Évoquer la notion de justice nécessite de préciser quels contribuables seront concernés. Il s’agira, comme je l’ai indiqué, des contribuables aux revenus modestes et tenus d’acquitter des taxes foncières sur leur logement, des artisans qui ont eu une année difficile, des agriculteurs, monsieur Guillaume, dont la récolte a été mauvaise…

M. Didier Migaud et M. Augustin Bonrepaux. Il y a d’autres solutions !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …de certains créateurs d’entreprise dont l’activité met du temps à démarrer.

M. Charles de Courson. Pour quelle somme ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Contrairement à ce que vous pensez, notre dispositif n’est pas seulement réservé aux contribuables les plus aisés et c’est en grande partie parce que nous avons choisi d’y inclure les impôts locaux.

Second pilier : l’attractivité.

Je reconnais que cela représente une petite différence avec la gauche.

M. Didier Migaud. Rien ne vous permet de dire cela !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Que n’ai-je entendu, depuis l’ouverture de ce débat, sur ces fameux riches qu’il fallait pointer du doigt. C’est tout juste si l’on n’explique pas que ce sont de mauvais Français ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) En fait ce plafonnement vise à mettre enfin la France au niveau des standards européens en matière fiscale.

M. Alain Gest. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. De ce point de vue, il est grand temps que l’on comprenne dans cet hémicycle que l’on ne peut pas aller chercher la croissance, l’emploi, l’attractivité du territoire, que l’on ne peut pas pleurer des larmes de crocodile quand des entreprises se délocalisent et ne pas prendre de décisions courageuses en matière fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Vous racontez des blagues !

M. Didier Migaud. C’est un prétexte, rien n’est prouvé !

M. Gérard Bapt. On croirait entendre Mariton !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Un certain nombre de pays l’ont fait. Un plafonnement de l’impôt sur le revenu et des impôts locaux a été institué en Suède et en Espagne, où vos amis socialistes ne semblent pas l’avoir remis en cause ; je pourrais naturellement citer d’autres exemples.

En réponse à certains propos que j’ai entendus dans la bouche de députés du groupe socialiste, je tiens à rappeler que le plafonnement de l’ISF a été inventé par les socialistes.

M. Didier Migaud. On connaît l’histoire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Certains ne s’en souviennent plus. (Murmures sur les bancs du groupe socialistes.)

Il a été question d’amnésie quand Gilles Carrez a rappelé que vous en faisiez preuve dans le domaine des simulations. J’ajoute que tel est également le cas en ce qui concerne le plafonnement. Je suis désolé de devoir vous dire que nous ne sommes pas les grands inventeurs du concept de plafonnement : c’est M. Rocard ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Vous confondez tout !

M. Didier Migaud. Cela fait vingt-cinq fois que vous le répétez, mais nous connaissons l’histoire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. À ma connaissance, M. Rocard était un Premier ministre socialiste !

M. Augustin Bonrepaux. À quel taux était le plafonnement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le vôtre se situait à 70 % ; le nôtre est à 60 % ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous aviez donc institué un taux de 70 % pour l’ensemble : impôt sur le revenu, impôt sur la fortune et CSG mais vous aviez exclu les impôts locaux, c’est vrai, monsieur Migaud, ce qui était profondément injuste et incorrect (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), car, de ce fait, des contribuables modestes n’ont pas pu en profiter. Heureusement, notre philosophie est différente de la vôtre.

M. Charles de Courson. Arrêtez !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le coût de votre mesure, monsieur Migaud, se situe au même niveau que celui de la nôtre, mais elle ne profitait qu’aux contribuables les plus aisés.

M. Didier Migaud. De combien ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’y arrive, monsieur Migaud. Je n’ai pas fini de vous répondre !

M. Didier Migaud. C’est laborieux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oh, c’est laborieux ! Vous avez tous parlé pendant une heure et demie et je vous ai écouté sagement. Je prends cinq minutes pour vous répondre, et vous me dites que c’est laborieux. Excusez-moi de vous ennuyer, mais je continue.

M. Didier Migaud. C’est votre raisonnement qui est laborieux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Notre dispositif a effectivement vocation, et nous l’assumons, à mettre « les pieds dans le plat » à propos de la surtaxation.

M. Didier Migaud. C’est plutôt la main dans la confiture !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous devons assumer cette progressivité de l’impôt sans pour autant nous engager dans une logique confiscatoire que je vous propose de partager monsieur Migaud.

M. Didier Migaud. Et vous allez me citer !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oui, parce que je n’aurais jamais osé, en tant que ministre délégué au budget, parler d’impôt confiscatoire. Le ministre qui collecte l’impôt hésite à employer le mot. Donc, il cite les grands auteurs.

M. Didier Migaud. Vous allez encore sortir une phrase de son contexte !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce n’était sûrement pas dans le bon contexte, mais, comme vous n’arrêtez pas de nous citer, permettez-moi de le faire à mon tour.

Vous étiez sévère à l’époque avec vos amis. En effet, à propos du projet de loi de finances pour 1999, vous aviez écrit : « La règle du plafonnement constitue l’une des principales innovations du dispositif de l’ISF par rapport à celui de l’impôt sur les grandes fortunes qui l’a précédé. La justification d’origine du plafonnement tient à la volonté d’ôter tout caractère confiscatoire à l’impôt sur l’actif net. » (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Moi, je vote Didier Migaud ! Je ne peux pas vous dire mieux.

M. Augustin Bonrepaux. Alors, pourquoi en rajouter ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Sur les 93 000 bénéficiaires du dispositif de plafonnement des impôts, moins de 6 000 se trouvent parmi les 10 % de ménages les plus aisés. Seules 16 800 sur les 330 000 personnes assujetties à l’ISF bénéficieront du dispositif. Je vous donne les chiffres et je les assume.

M. Richard Cazenave. Très bien !

M. Augustin Bonrepaux. Pour quel montant ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’y arrive !

Ces 16 800 contribuables sont, pour environ un tiers, dans le premier décile, donc dans la plus basse tranche d’imposition. C’est très exactement ce que M. Guillaume a dénoncé.

M. Didier Migaud. On ne va pas pleurer sur l’île de Ré !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. On trouve des contribuables à l’ISF dans tous les déciles de revenu et un tiers d’entre eux ont des revenus modestes. C’est ce qui est aberrant et il nous faut l’intégrer dans notre raisonnement.

M. Augustin Bonrepaux. À force d’alléger les plus riches, il n’en reste plus ! (Sourires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Quant au coût du dispositif, il sera au total de 400 millions dont 280 millions au profit du dernier décile. Cela reflète la très forte concentration de l’impôt dans notre pays. Il est donc tout à fait logique de parvenir à ces chiffres. De ce point de vue, la grande différence entre notre plafonnement et le vôtre, c’est qu’il concerne aussi les contribuables aux revenus modestes.

M. Didier Migaud. Combien de personnes ?

M. Augustin Bonrepaux. Vous n’avez pas dit combien cela coûtait !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je viens de vous répondre !

Le sondage que nous avons fait réaliser par l’institut CSA…

M. Augustin Bonrepaux. Vous faites les questions et les réponses !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. … – non, ce sondage a été réalisé par un institut d’opinions – montre que 71 % des Français sont favorables à ce dispositif. Je ne sais pas, monsieur de Courson, si les Français sont intelligents ou non. Vous sembliez en douter.

M. Charles de Courson. Ils ne savent pas de quoi il s’agit !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En tout état de cause, il serait intéressant de se pencher sur la ventilation. En effet, monsieur de Courson, tout le monde n’est pas énarque. (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Charles de Courson. C’est bien le problème !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous avez fait toute une histoire avec les énarques !

Les Français ont très vite compris qu’il était peut-être temps, dans notre pays, de fixer un plafond en matière d’impôts sur le revenu.

M. Charles de Courson. Le plafond existe !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Quel que soit leur niveau de compréhension, monsieur de Courson, ils sont proches de tous les partis politiques. On constate ainsi que 65 % des sympathisants du parti socialiste approuvent cette mesure. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Ils ne savent pas ce dont il s’agit !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je ne voulais pas le dire uniquement pour ne pas vous inspirer durant le congrès (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais j’ai craqué ! Si seulement cela permettait de faire évoluer le débat ! Prenez l’exemple des socialistes allemands et de tout ce qui se passe en Europe.

M. Didier Migaud. C’est caricatural !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur de Courson, je ne veux pas gâcher la fête à l’UDF, mais 70 % de ses sympathisants considèrent également que notre mesure est bonne.

M. Charles de Courson. On ne leur a pas expliqué !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Bien sûr, on ne leur a pas expliqué. Vous avez totalement raison ! Mais peut-être ne l’avez-vous pas expliqué non plus à M. Bayrou. En effet, lorsqu’il était candidat à la campagne présidentielle, en 2002, il disait : « Je reviendrai sur le mécanisme du plafonnement du plafonnement, qui a contribué fortement à la délocalisation et à la fuite de beaucoup de nos talents. »

M. Charles de Courson. Absolument !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je votais Migaud ; je vote maintenant Bayrou !

M. Charles de Courson. Nous avons proposé une mesure et vous ne l’avez pas acceptée !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Elle correspond très exactement à ce que nous proposons !

M. Charles de Courson. Pas du tout !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Enfin, monsieur de Courson, vous voulez exclure les impôts locaux. Est-ce une bonne idée ?

M. Charles de Courson. Oui !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Dans le sondage, la question a été posée. Il en ressort que 70 % des partisans de l’UDF sont d’accord avec le plafonnement qui inclut les impôts locaux. C’est même plus que pour l’ensemble des Français.

Monsieur de Courson, vous parlez sans arrêt du retour sur le terrain, de ces énarques qui ont les pieds sur terre. Dans ce domaine, j’en connais quelques-uns qui, interrogés dans le cadre de ce sondage, ont trouvé que, pour une fois, le Gouvernement que vous critiquez sans cesse a eu une bonne idée. Moi qui rêvais de vous retrouver sur ce terrain, je ne vous y ai même pas vu. Sachez que je verse presque des larmes ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cet élément de notre réforme fiscale – et ce sera mon dernier point – est absolument essentiel. C’est un message que nous adressons à l’ensemble des Français, à ceux qui aujourd’hui sont dans la difficulté comme à ceux qui prennent des risques et investissent. Cette mesure est cohérente avec l’action que nous voulons mener pour retrouver une croissance économique « avec les dents », parce qu’elle ne tombera pas du ciel. Nous avons besoin d’une économie qui crée de l’emploi et des activités d’entreprises en France ; enfin, nous voulons assumer, nos convictions. C’est une affaire de courage politique !

M. Hervé Novelli. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Donc, mesdames, messieurs les députés, je souligne ici, en conscience, que cette mesure est structurante pour notre politique économique. Elle est aussi un message pour l’ensemble des observateurs étrangers qui voudraient voir dans notre pays une volonté de redressement, afin d’être en pole position en Europe. Avec tout ce que nous vivons de difficile, cette année, c’est enfin un message d’encouragement majeur pour l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Rappels au règlement

M. Didier Migaud. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Migaud, pour un rappel au règlement.

M. Didier Migaud. Je tiens à faire ce rappel au règlement pour que nous nous mettions d’accord sur les conditions de ce débat.

Monsieur le ministre, vous avez pris l’habitude de citer certains d’entre nous en sortant les phrases de leur contexte et, surtout, en les isolant des propositions formulées à l’issue d’un raisonnement.

M. Richard Cazenave. Il est gêné !

M. Didier Migaud. J’ai effectivement commis un rapport sur l’impôt de solidarité sur la fortune, mais je vous invite à en lire les conclusions : elles n’ont strictement rien à voir avec les mesures que vous proposez, de même que vos mesures n’ont strictement rien à voir avec la justice fiscale.

M. Richard Cazenave. Où est le rappel au règlement ?

M. Didier Migaud. Quant à ce fameux sondage, il faut savoir de quoi on parle, car cela essentiel pour la suite de nos travaux. Il ne me semble ainsi pas illégitime que 71 % des Français répondent oui lorsqu’on leur pose une question du genre : « Souhaitez-vous être riches et bien portants ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les mesures doivent-elles profiter aux classes moyennes ? Les mesures doivent-elles répondre à la justice fiscale ? ». Toute autre réponse serait surprenante ! Il est même étonnant que votre sondage ne soit pas plus favorable encore. Le gros problème, c’est que nos concitoyens sont victimes d’intoxication de la part du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) qui ment comme il respire sur les dispositions fiscales qu’il propose !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est aimable ! Nous sommes des menteurs, en plus !

M. Didier Migaud. Quelque peu, monsieur le ministre !

Mme la présidente. Monsieur Migaud, je vous ai donné la parole pour un rappel au règlement, vous vous êtes déjà exprimé sur l’article !

M. Didier Migaud. Mon rappel au règlement est fondé. Il faut, en effet, éviter d’utiliser, madame la présidente, des arguments qui ne peuvent que fausser les termes de ce débat. Cela relève donc de l’article 58, alinéa 1, de notre règlement !

Mme la présidente. Je n’en suis pas sûre, monsieur Migaud !

M. Didier Migaud. Laissez-moi aller jusqu’au bout de mon raisonnement, madame la présidente, sinon nous vous demanderons de suspendre la séance pour vous expliquer le pourquoi de notre intervention. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Monsieur Migaud, vous devez comprendre que je suis garante des règles de fonctionnement de cette assemblée.

M. Didier Migaud. Me permettez-vous de terminer mon raisonnement ?

Mme la présidente. Permettez-moi, monsieur Migaud, dans ces conditions, de vous rappeler les règles de fonctionnement de cette assemblée.

M. Didier Migaud. Je crois les connaître, madame la présidente !

Laissez-moi au moins le temps de m’expliquer. Attendez la fin de mon raisonnement pour juger s’il relève ou non d’un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Bref, monsieur le ministre, les réponses que vous avez données n’ont pas grande signification. Il est important d’expliquer à nos concitoyens que les mesures que vous proposez n’ont strictement rien à voir avec les intérêts des classes moyennes mais sont concentrées sur un petit nombre de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Merci, monsieur Migaud, de m’avoir entendue.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, je vous félicite de lire, un peu tardivement, le programme électoral de François Bayrou. Non seulement ce dernier avait demandé qu’on revienne au plafonnement dit Rocard, mais le groupe UDF a déposé à de multiples reprises un amendement en ce sens ; or vos prédécesseurs s’y sont systématiquement opposés.

Le groupe UDF n’a jamais été contre le plafonnement, mais, s’il faut un plafonnement, c’est pour l’ISF. Il n’est pas nécessaire de plafonner l’impôt sur le revenu puisque le taux marginal supérieur est de 48 % et qu’il baisse progressivement. Cela est tout à fait cohérent. Vous ne faites donc que rendre hommage à François Bayrou qui, lui, avait évoqué la question alors que l’actuel Président de la République vous a interdit pendant des années d’en parler. C’est sous sa direction que vous avez refusé tous les amendements du groupe UDF tendant à revenir au plafonnement Rocard, donc à supprimer le plafonnement du plafonnement.

M. Richard Cazenave. C’est incompréhensible !

M. Charles de Courson. Quant au sondage, les personnes interrogées savaient-elles ce dont il s’agissait ? Non.

M. Marc Laffineur. Vous prenez les Français pour des imbéciles ?

M. Jean-Claude Sandrier. Non ! C’est une question d’information !

M. Charles de Courson. Je vous lance un défi. Si vous en êtes d’accord, réalisons un sondage en demandant aux Français s’ils sont pour la réduction des impôts. Vous aurez 100 % de réponses favorables. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas sûr !

M. Charles de Courson. Demandez-leur ensuite s’ils sont d’accord pour qu’on arrête ou qu’on diminue un certain nombre de services publics : 90 % d’entre eux répondront non.

Les sondages pour mener la politique fiscale n’amènent qu’à réduire les impôts sans diminuer les charges, et à aggraver les déficits publics ; c’est l’une de nos critiques fondamentales.

Mme la présidente. Monsieur de Courson, je vous indaique, comme à M. Migaud, que ce n’est pas un rappel au règlement. En plus, vous avez doublé votre temps de parole tout à l’heure alors que M. Migaud avait respecté le sien.

M. Didier Migaud. Merci !

M. Charles de Courson. Enfin, vous nous dites que ce ne sont pas 14 000 personnes assujetties à l’ISF comme nous l’avait indiqué le rapporteur général, mais 16 800 qui vont bénéficier du bouclier fiscal, et cela pour 280 millions et non plus 250 millions. Vous avez oublié de nous préciser comment se répartissent ces 280 millions entre les déciles. Je vous pose donc une question très simple : combien ira au dernier décile ?

M. Gérard Bapt. Très bonne question !

Mme la présidente. Monsieur Nayrou, c’est pour un rappel au règlement que vous me demandez la parole ?

M. Henri Nayrou. Oui.

Mme la présidente. Sur quel article est-il fondé ?

M. Henri Nayrou. L’article 58.

Monsieur le ministre, est-il logique de justifier une « réforme » fiscale sur la base de sondages erronés ou farfelus ?

M. Gérard Bapt. Frelatés !

M. Henri Nayrou. Vous auriez pu demander par exemple aux personnes interrogées si elles aiment le champagne à l’apéritif : 83 % d’entre elles auraient répondu oui et on se serait étonné du fait que 17 % seulement souhaitent en boire après le repas. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Monsieur Nayrou, ce n’est pas un rappel au règlement. J’ai fait la même remarque à vos deux collègues. Je pense que ce n’est pas correct, y compris vis-à-vis de moi.

M. Jean-Jacques Descamps. C’est un détournement de procédure !

M. Henri Nayrou. Madame la présidente, il n’est pas logique de justifier de telles mesures fiscales par un sondage dont la fiabilité n’est pas assurée.

M. Hervé Novelli. Ce n’est pas un rappel au règlement !

Mme la présidente. Vous êtes bien d’accord avec moi, monsieur Nayrou, que ce n’est pas un rappel au règlement.

M. Henri Nayrou. Mon rappel au règlement est bien fondé sur l’article 58 du règlement. Ou alors on ne peut plus parler.

Mme la présidente. Non, ce n’est pas un rappel au règlement ; c’est une intervention sur le fond. J’ai fait la même remarque à vos deux collègues ; ils l’ont entendue.

M. Henri Nayrou. Laissez-moi terminer. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Cazenave. Quel manque de respect envers la présidence !

M. Henri Nayrou. Monsieur le ministre, aller chercher dans la liste des 93 000 bénéficiaires les plus pauvres des plus riches, c’est-à-dire les moins riches des plus riches.

M. Richard Cazenave. Cela a déjà été dit ! Cela n’apporte rien !

M. Henri Nayrou. Cela me rappelle le Président de la République quand il disait qu’il fallait baisser les impôts pour favoriser la croissance et l’emploi. On a vu ce que cela a donné !

M. Richard Cazenave. Ce n’est pas un rappel au règlement ! Respectez la présidence !

Mme la présidente. Monsieur Nayrou, terminez, s’il vous plaît.

M. Henri Nayrou. Bref, il est inacceptable qu’on use de tels artifices.

Mme la présidente. Monsieur Nayrou, il aurait été nettement plus simple de vous inscrire sur l’article. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement, ai-je cru comprendre.

M. Augustin Bonrepaux. Tout à fait.

Il est tout de même surprenant que, sur une question aussi importante, nous ne puissions pas avoir de réponse. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous avons longuement disserté sur les simulations. Tout à l’heure, on nous a expliqué que, selon notre règlement, l’Assemblée devait pouvoir disposer de tous les éléments d’appréciation.

M. Richard Cazenave. Sur quel article ce rappel au règlement est-il fondé ?

M. Augustin Bonrepaux. Les alinéas 1 et 3 de l’article 58.

Si vous voulez que le débat se poursuive, le ministre doit nous dire exactement combien de personnes vont bénéficier des 280 millions. Lors du débat sur l’ISF, on n’était pas capable de nous dire qui bénéficiait des 70 millions. On nous parlait de quelques dizaines de milliers ; il n’y en avait même pas deux dizaines.

À combien de contribuables vont bénéficier les 280 millions d’allègements ? C’est une réponse précise, simple, que je vous demande, monsieur le ministre.

J’ai indiqué tout à l’heure que nous voulions bien avancer…

Mme la présidente. Monsieur Bonrepaux, comme je l’ai dit à vos collègues, ce n’est pas un rappel au règlement.

M. Hervé Novelli. Absolument !

M. Augustin Bonrepaux. …mais à condition d’avoir obtenu toutes les réponses. Sinon, nous serons obligés d’aller les chercher ailleurs.

J’attends donc une réponse précise, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Il est fondé sur l’article 58, alinéas 1 et 3, et il tend à appeler nos collègues à en venir au fond du débat.

J’avais entendu, ces derniers jours, que les socialistes allaient nous démontrer combien notre débat sur la réforme budgétaire paraîtrait incongru. Or je constate que, pour l’instant, nous n’avons entendu aucun élément de fond, aucun argument pertinent contre le plafonnement de l’impôt. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Bapt. Vous n’étiez pas là !

M. Hervé Mariton. Comme vous l’avez dit très justement au Gouvernement, ce ne sont pas les sondages qui doivent à eux seuls inspirer notre réforme ; c’est tout simplement le bon sens, et je crois que le bon sens commande d’avoir un plafonnement de l’impôt.

Vous auriez le droit de dire que vous êtes contre, mais vous n’osez pas (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) parce que vous comprenez bien qu’il ne faut pas aller contre le bon sens, et vous nous noyez dans une accumulation de détails et d’arguties de procédure. Passons donc maintenant à l’examen des amendements.

Mme la présidente. Monsieur le ministre, je vous donne la parole et je lèverai ensuite la séance.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je peux répondre ce soir, madame la présidente.

Mme la présidente. Comme vous voulez, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai déjà répondu tout à l’heure, mais je vais recommencer.

M. Didier Migaud. On vous a posé une question claire !

M. Gérard Bapt. Répondez et nous irons manger tranquillement !

M. Augustin Bonrepaux. Combien de personnes bénéficieront des 280 millions ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En gros, sur les 93 000 bénéficiaires, il y en aura 81 000 dans les premiers déciles et, pour le décile supérieur, environ 6 000.

M. Augustin Bonrepaux. Et ces 6 000 bénéficieront de combien ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Laissez-le parler !

Mme la présidente. Monsieur Bonrepaux, vous avez posé une question. Laissez le ministre répondre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Madame la présidente, compte tenu de l’ambiance un peu agressive, je pense que vous avez raison et que ce n’est pas idiot de lever la séance. Nous reviendrons sur le sujet ce soir dans le calme.

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour
de la prochaine séance

Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Articles non rattachés (suite).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)