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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 22 novembre 2005

73e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

Loi de finances pour 2006

Deuxième partie

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (nos 2540, 2568)

Rappel au règlement

M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Nous avions, la semaine dernière, demandé des simulations. Nous les avons reçues. J’en remercie M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cependant, je m’interroge car j’ai constaté quelques différences, significatives, entre ces simulations et celles que nous avions eues auparavant, et je vais en citer un exemple.

Prenons le cas d’une commune de 600 habitants qui vient de perdre une entreprise importante et n’a donc plus que les bases d’EDF, puisqu’il ne lui reste que quelques commerces, un boucher, un boulanger et un épicier. Dans la précédente simulation, elle était plafonnée à 97 % ; elle ne l’est plus qu’au-dessous de 40 %. Je souhaiterais savoir si, pour la communauté de communes d’Auzat-Vicdessos, c’est la simulation que nous venons de recevoir qui vaut ou celle que nous avions reçue la semaine dernière.


Par ailleurs, je constate, au banc du Gouvernement, la présence du ministre délégué au budget. Mais cette question concerne surtout les collectivités locales, et le ministre concerné a tenu vendredi dernier un discours très ouvert en reconnaissant que cette réforme allait entraîner de multiples problèmes. Il a cité l’exemple de la commune d’Issoire, à laquelle il semble porter un certain attachement et où le plafonnement est très élevé – de l’ordre de 87 % –, et il a souligné la nécessité de trouver une solution pour les communes se trouvant dans le même cas.

Afin d’éclairer nos débats et pour une meilleure prise en compte des problèmes par le Gouvernement et le Parlement, il me semble nécessaire que M. le ministre délégué aux collectivités territoriales vienne expliquer à la représentation nationale comment les collectivités locales vont pouvoir gérer de telles situations.

ARTICLES NON RATTACHÉ (suite)

M. le président. À la demande de la commission des finances, nous allons maintenant examiner deux amendements portant article additionnel après l’article 57, avant de reprendre le cours de l’examen des articles non rattachés.

Après l’article 57

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 260, deuxième rectification.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Cet amendement de précision vise à modifier, conformément à la loi organique, l’insertion du tableau qui vous est soumis.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 260, deuxième rectification.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 260, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 261, faisant l’objet d’un sous-amendement, n° 680.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit, par cet amendement, de reprendre l’article 57 sur les reports de crédits, non en article de récapitulation, mais en mesure budgétaire.

M. le président. La parole est à M. le ministre pour soutenir le sous-amendement n° 680 et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 261.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le Gouvernement émet un avis favorable à l’amendement n° 261, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 680.

Ce sous-amendement a trait aux reports, sujet sur lequel nous menons, avec la commission des finances, un combat commun, et vise à réduire les reports de crédits, conformément à la LOLF.

Au début de la législature, le montant, historique, des reports s’élevait à 14 milliards d’euros. Nous sommes parvenus à un montant prévisionnel d’environ 5 milliards au début de 2006, soit une réduction de 75 %. Ce résultat, assez spectaculaire pour devoir être souligné, montre que nous avons véritablement essayé de réduire la bulle des reports.

Cela étant, en termes de méthodologie, quelques exceptions à la règle des 3 % sont nécessaires, au moins pour cette période de transition. Nul ne pourra contester la légitimité des dérogations que je propose donc par le sous-amendement n° 680. Elles concernent le ministère de la santé pour les mesures de prévention et de lutte contre la grippe aviaire, les charges communes pour la « prime à la cuve » de 75 euros – très rapidement mise en place à la suite de la décision du Premier ministre –, le ministère de l’intérieur, essentiellement pour les crédits de dotation globale d’équipement et de dotation de développement rural, et le financement des services départementaux d’incendie et de secours, le ministère de l’outre-mer, pour les subventions d’équipement versées aux collectivités ultramarines victimes de dégâts causés par les calamités naturelles, s’agissant notamment des victimes du séisme en Guadeloupe, le ministère de la ville et l’ANRU au titre du plan de rénovation urbaine, le ministère des transports, pour les dépenses d’investissement nécessaires à la gendarmerie des transports aériens et aux liaisons aériennes d’aménagement du territoire, et le ministère de l’économie pour les programmes informatiques interministériels engagés sur plusieurs années dans la modernisation des applications budgétaires et comptables de l’État. Il s’agit d’une liste de dérogations précises et limitées qui illustrent notre volonté de réduire la bulle des reports.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission ne l’a pas examiné, mais je voudrais à mon tour dire quelques mots sur la question des reports.

L’article 57 autorise le report de crédits de 2005 sur 2006. Alors que le budget de 2005 était voté en mode traditionnel, selon l’ordonnance de 1959, nous votons le budget de 2006 selon la nouvelle organisation en missions et en programmes. Des dispositions transitoires sont donc nécessaires pour autoriser le basculement sur 2006 de crédits d’investissement non utilisés en 2005.

Mais entre l’ordonnance de 1959 et la LOLF, quelle méthode faut-il choisir ? La loi organique interdit de reporter plus de 3 % des crédits d’un même programme d’une année sur l’autre. En fin de compte, le Gouvernement a adopté le principe selon lequel ce plafond s’appliquera dès 2006 pour les reports de 2005. Cette règle est très rigoureuse, car la nouvelle organisation comprend 130 ou 140 programmes au lieu de 850 chapitres l’an dernier. Appliquer la règle des 3 % chapitre par chapitre, présente certes des difficultés, mais c’est une nécessité.

L’article 57 initial retenait essentiellement des chapitres concernant des crédits de dépenses militaires. C’est indispensable, car les reports de crédits sur ces chapitres intégrés dans la loi de programmation militaire sont nombreux et s’élèvent à 2,7 milliards d’euros, et il faut un plan d’apurement car, l’an prochain, quand il faudra reporter les crédits de 2006 sur 2007, la règle des 3 % devra être respectée.

Par ailleurs, nous avons été confrontés, lors du changement de majorité en 2002, à un grave problème dans l’analyse des comptes. Les reports sur 2002 de crédits non utilisés en 2001 s’élevaient à 14 milliards d’euros. Autrement dit, le budget 2002 et l’apparente exécution dans les clous de 2001 étaient vidés de leur sens puisque 14 milliards de crédits avaient été basculés d’un exercice sur l’autre. Année après année, le Gouvernement a essayé de réduire ce montant de reports : on est passé de 14 à 10 milliards, puis à 8. Aujourd’hui, les reports sur 2006 se réduisent à 5 milliards d’euros.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Soit une diminution de 75 % !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est un effort considérable et indispensable. Le principe est que l’Assemblée vote une enveloppe de crédits qui doit être respectée à l’euro près, au risque d’enlever tout son sens à l’autorisation parlementaire. Pour pouvoir contrôler la bonne utilisation des crédits, les reports d’un exercice à l’autre doivent être limités. C’est pourquoi l’article 57, qui semble avant tout technique, est fondamental pour la maîtrise des dépenses publiques.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. L’intervention du rapporteur général me permettra d’être bref. Le Gouvernement a bien compris qu’en matière d’emplois comme de report de crédits, il ne s’agit pas de simple récapitulation, mais du respect de l’autorisation parlementaire. Je salue l’effort du Gouvernement pour réduire le report des crédits. Cependant, la loi organique permet, sous réserve d’autorisation parlementaire, de dépasser le plafond des 3 %.

Pour le ministère de la défense, les reports concernent 95 % d’un programme, ce qui est considérable. Quels que soient les engagements de la loi de programme, il est indispensable d’apurer ces reports. Le ministère de la défense s’était fait fort, lors des discussions sur la préparation du budget de 2005, de consommer les crédits et de ramener les reports à moins de 3 %. Nous en sommes encore très loin. Il est donc nécessaire d’y travailler. Cela étant, il y a eu des progrès sur la sous-estimation des OPEX, puisqu’on se rapproche du niveau qu’on connaît chaque année lors du vote de la loi de règlement. Le problème des reports n’est donc pas seulement dû aux OPEX.

Par ailleurs, n’est-il pas temps d’envisager, pour certains ministères, la création d’une ligne de dépenses imprévues ? Chaque année, nous subissons des catastrophes naturelles, phénomène qui, au même titre que les calamités agricoles, sur un territoire aussi vaste que le nôtre, y compris l’outre-mer, génère des dépenses supplémentaires. L’utilisation à ce titre des reports ne se fait pas toujours à bon escient : il serait plus prudent d’avoir une ligne de crédits propres.

Cela étant, je vous donne acte, monsieur le ministre, de l’effort considérable que vous avez accompli pour réduire les reports de crédits.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, j’évoquerai l’une des propositions que vous nous soumettez dans votre sous-amendement n° 680 concernant le ministère de l’intérieur et le chapitre 67-50. Comme je l’avais dit à votre prédécesseur, les reports de crédits sont dus à la création du fonds d’aide à l’investissement des services départementaux d’incendie et de secours.

Auparavant, le système de pourcentage forfaitaire sur les investissements de l’année n – 2 était simple et respectait les libertés des choix d’investissement des SDIS.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Charles de Courson. On a monté une véritable usine à gaz : chaque SDIS doit faire une demande de subvention au préfet de département, lequel la transmet au préfet de zone, qui se réunit avec ses collègues, pour prendre une décision quelques mois plus tard, et le montant n’est versé que sur présentation des factures. Le résultat, c’est que le SDIS de la Marne vient de toucher l’aide de 2004 – en réalité, on vient seulement de lui annoncer qu’il allait la toucher !

Je l’avais dit à votre prédécesseur, plutôt que de nous faire voter des autorisations de reports – qui représentent aujourd’hui un an, voire un an et demi de crédits non consommés – revenons donc au système de pourcentage forfaitaire, calculé sur le compte administratif de l’année n – 2, qui fera économiser du temps à tous vos fonctionnaires des préfectures, de la préfecture de région et du ministère de l’intérieur et évitera l’accumulation des retards de paiement, comme pour la DDR, pour ne citer que cet exemple !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.


M. Didier Migaud
.
Je comprends les raisons de l’amendement de la commission et du sous-amendement du Gouvernement, même s’ils montrent bien que les pratiques actuelles ne sont pas satisfaisantes.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Elles se sont tout de même beaucoup améliorées !

M. Didier Migaud. Il n’y avait pas de critique dans mes propos, monsieur le ministre délégué. Pourquoi vous emportez-vous ainsi, dès ma première intervention ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Pour vous mettre dans l’ambiance ! (Sourires.)

M. Didier Migaud. La règle, posée par la LOLF, de limiter au maximum les reports de crédits constitue un bon principe. Nous vivons, il est vrai, une période de transition, et je comprends qu’il soit nécessaire d’apporter certains aménagements. J’observe à cet égard que l’amendement et le sous-amendement donnent une latitude relativement importante puisque, si je comprends bien, la somme des reports pourra être pratiquement équivalente aux inscriptions pour 2005.

Je souhaitais seulement insister sur la nécessité de parvenir le plus tôt possible à une stricte application de la LOLF et de se donner les moyens d’élaborer des budgets plus proches de la réalité. Dans cette hypothèse, le recours aux reports de crédits resterait tout à fait exceptionnel.

Nous voterons le sous-amendement, monsieur le ministre, mais je tenais à rappeler l’esprit de la LOLF et la nécessité de s’y conformer.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 680.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 261, modifié par le sous-amendement n° 680.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Rappel au règlement

M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, avant que nous n’abordions l’article 67, je souhaite faire connaître à l’Assemblée les propos de M. le ministre délégué aux collectivités territoriales : « Les collectivités dont les bases plafonnées représentent la plus grande part des bases totales pourraient effectivement être mises en difficulté par les dispositions prévues dans le projet initial. J’ai bien entendu sur ce point le message des parlementaires et des élus locaux, et je peux citer l’exemple de la commune d’Issoire, située dans son département, et dont les bases plafonnées atteignent 64 millions, soit 86 % des bases totales. C’est pourquoi nous veillerons à adapter le mécanisme, sans remettre en cause son principe, afin de ne pas pénaliser les collectivités qui se sont montrées les plus vertueuses et de préserver celles qui ne pourraient supporter un ticket modérateur trop important au regard de leurs finances. Plusieurs aménagements demeurent possibles. Jean-François Copé vous les précisera et vous en présentera la faisabilité technique. »

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. N’est-ce pas remarquable, cette coordination entre les membres du Gouvernement ?

M. Augustin Bonrepaux. Dans l’attente de ces informations importantes, monsieur le président, et pour pouvoir comparer les simulations qui nous ont été remises – ce pour quoi je remercie M. le ministre délégué –, nous avons besoin de quelques instants pour nous concerter, avec mes collègues, notamment ceux élus dans de grandes villes ou dans des villes en difficulté…

M. Richard Mallié. Vous n’avez pas encore effectué la synthèse de ces informations ?

M. Augustin Bonrepaux. Mes chers collègues, si vous n’avez pas compris que ce dispositif va pénaliser tout le monde, vous n’avez rien compris !

M. Jean-Pierre Gorges. Il ne pénalise pas les entreprises ! Ni l’emploi !

M. Augustin Bonrepaux. Il me semble légitime d’y réfléchir. C’est pour cette raison, monsieur le président, que je vous demande une demi-heure de suspension de séance, afin que nous puissions comparer les différentes simulations, nous concerter et élaborer une argumentation à même de convaincre le Gouvernement, après quoi, peut-être, M. le ministre délégué pourra nous rassurer grâce aux déclarations annoncées par M. Hortefeux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, la suspension de séance demandée par mon collègue me permet de renoncer à intervenir pour l’instant.

M. le président. La suspension est de droit.

Je suspends la séance pour cinq minutes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures trente-cinq, est reprise à dix heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 67 (précédemment réservé)

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 67.

La parole est à M. Emile Zuccarelli.

M. Émile Zuccarelli. Cet article 67 tend à réformer la taxe professionnelle, et certaines choses valent qu’on y insiste.

À mon avis, on joue un peu trop avec la taxe professionnelle, qui est pourtant un élément essentiel des ressources locales, en particulier depuis la loi sur l’intercommunalité. J’ai le sentiment que nous commençons à filer un mauvais coton.

Concernant l’assiette, il y a, me semble-t-il, dans notre pratique fiscale, une dérive : l’impôt est ainsi considéré comme une sanction, un acte anormal qu’il conviendrait de rejeter. Or l’impôt est tout de même le premier élément de la citoyenneté et non une sanction. Il est normal que chacun l’acquitte en fonction de sa capacité contributive. Vous faites exactement le contraire, puisque vous rognez de tous côtés cette malheureuse assiette de la taxe professionnelle ! Je reconnais qu’un gouvernement précédent, de gauche, l’avait déjà réduite, mais dans une bonne intention, celle de ne pas pénaliser l’emploi en imposant les salaires. Aujourd’hui, ce n’est pas la même justification qui guide la suppression de cette assiette des investissements récents. Nous nous engageons dans la mauvaise direction. De fil en aiguille, il n’y aura bientôt plus d’assiette et, seules, les compensations perdureront. L’autonomie fiscale des collectivités – tellement vantée lors d’un récent débat constitutionnel et dont l’actuelle majorité s’est fait le chantre – sera bientôt réduite à néant.

Ensuite, le bouclier fiscal étant décidément devenu une manie, vous plafonnez la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée. Là aussi, c’est s’engager dans l’improvisation, donc dans une voie dangereuse. La taxe professionnelle a toujours été extrêmement critiquée, mais rien de mieux n’a été trouvé. Dans les réflexions de ces dernières années sur une éventuelle réforme de la taxe professionnelle, on avait imaginé l’éventualité de prendre la valeur ajoutée comme assiette. Cette idée séduisante présente toutefois l’inconvénient de devoir rester un impôt local, en sorte que la valeur ajoutée doit être déterminée au plan local. Or, dès qu’une entreprise compte plusieurs établissements, on ne peut calculer la valeur ajoutée sur le plan local. Et voilà que, pour complaire à quelque fantasme du MEDEF, vous instaurez un plafonnement général sur la valeur ajoutée. En bénéficieront, ainsi, des entreprises de dimension nationale, comptant plusieurs établissements, qui pourront alors demander que l’on vérifie, à l’échelon national, que le plafonnement leur est bien appliqué. Si, en cas de dépassement, c’est l’État qui dégrève ou allège l’impôt pour qu’il ne dépasse pas le plafond, pourquoi pas ? Cela ne me paraît pas très important en ces temps ! Nous sommes quelque peu là dans le fantasme ! J’ai toutefois cru comprendre que l’État n’en a absolument pas l’intention. Que se produira-t-il alors ? On n’en sait rien.

On joue donc beaucoup avec la taxe professionnelle et je suis inquiet pour les finances des collectivités locales.

M. Didier Migaud. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je concentrerai mon propos sur la partie de l’article qui tend à faire prendre une nouvelle fois en charge par l’État toute la différentielle des taux entre 1995 et 2004 et à sanctionner, à l’avenir, les collectivités locales, en fonction du plafond.

La thèse implicite, derrière les propositions du Gouvernement, est primaire. Ainsi, toute hausse de la taxe professionnelle doit, à l’avenir, être sanctionnée, que l’on applique un taux faible ou élevé, que vous ayez bien ou mal géré. Deuxième thèse : l’intercommunalité est une mauvaise chose, car elle pousse à la hausse de la dépense publique locale. Le Premier président de la Cour des comptes va d’ailleurs dans les prochaines heures faire une communication en ce sens devant le congrès des maires.

Mais le Gouvernement se garde de poser la question de fond. Quelles sont les causes profondes de la hausse de la dépense publique locale ? Ce sont, tout d’abord, les transferts de l’État, du moins pour les départements et dans une moindre proportion pour les régions, et non pour les communes et les intercommunalités. L’actuel gouvernement n’est pas responsable, puisque ce sont ses prédécesseurs de gauche qui ont obligé les conseils généraux à servir l’APA, prestation définie par l’État et dont il n’assure que 40 % à 45 %. On pourrait prendre d’autres exemples. Ainsi, qui a voté la loi sur les services départementaux d’incendie et de secours ? Qui définit les normes, mois après mois, année après année ? On ne veut, de plus, pas définir en les limitant les compétences des collectivités locales dans le cadre de la décentralisation. Tout le monde s’occupe de tout. A-t-on réformé l’intercommunalité dans ses rapports avec les communes ? Non ! Les structures s’accumulent, année après année ! Enfin, le système de prise en charge par l’État d’une part croissante de la fiscalité locale, gouvernement après gouvernement, depuis vingt ans, aboutit à l’irresponsabilité collective.

Le groupe UDF fait deux critiques fondamentales à l’article 67. D’abord, vous découragez ceux qui ont été rigoureux dans le passé et vous encouragez ceux qui ont été dépensiers en reprenant la célèbre maxime de Simon de Montfort : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. » En matière financière, on ne peut pas appliquer cette théorie. Ensuite, comme vos prédécesseurs de gauche notamment, vous réduisez l’autonomie fiscale des collectivités locales en moyenne à hauteur du quart des impôts directs. En effet, le plafonnement concerne la moitié de la base et la taxe professionnelle représente environ la moitié des impôts directs locaux. Au fond, c’est l’idée de Mme Thatcher : régulons la dépense publique locale par la recette locale, réduisons au maximum l’autonomie fiscale locale et finançons les collectivités locales par des dotations définies par l’État. Vous ne croyez plus à la démocratie locale, c’est-à-dire au contrôle par le peuple dans le cadre des élections locales de l’adéquation entre un niveau de pression fiscale et la qualité des services publics locaux.

À long terme, les conséquences seront extrêmement graves. D’abord, vous allez tout droit vers la nationalisation. Les gouvernements successifs en sont, certes, responsables, en particulier, lorsque M. Strauss-Kahn, alors ministre des finances, a supprimé la part salaire de la taxe professionnelle.

M. René Dosière. Nous l’avons compensée !

M. Charles de Courson. Ce n’est pas le débat ! Il s’agit, ici, de l’autonomie fiscale locale. On ne peut pas avoir un impôt « taxe professionnelle » assis uniquement sur les investissements des entreprises. Donc, on a programmé la mort de la taxe professionnelle, puisque vous la plafonnez à 3,5 % de la valeur ajoutée. Il vous suffira d’augmenter la cotisation minimale, puis de baisser le taux de plafond, et on aboutira à la nationalisation de cet impôt. Quelle collectivité locale acceptera alors d’investir pour accueillir des entreprises ? À terme, dans les cinq ou dix ans, vous aurez coupé les liens entre les entreprises et les collectivités locales.

Alors, me direz-vous, que fallait-il faire ? Il fallait engager des réformes structurelles en matière de compétences locales et de structures. Il convenait de les définir négativement de sorte que chacun cesse de s’occuper de tout. En effet, qui gère le tourisme ? Les communes, les intercommunalités, les départements, les régions et l’État ! Il en va de même du sport et de la culture. Comment voulez-vous réguler la dépense publique locale ? Quant aux compensations que verse l’État aux collectivités locales : y a-t-il une cohérence entre la politique que fixe l’État et l’indexation des compensations ? Non !

Enfin, voulons-nous, oui ou non, d’une démocratie locale ? Le groupe UDF a, historiquement, toujours défendu les libertés locales, car il croit à la démocratie locale. Au fil des dérives, avec la prise en charge croissante de la taxe d’habitation, de la taxe professionnelle, avec la suppression de la vignette, le plafonnement entre autres des droits de mutations, l’électeur local a cessé de faire le lien entre le niveau de la pression fiscale locale et les services publics. Il fallait restaurer ce lien et améliorer la démocratie locale. Vous êtes en train de l’asphyxier.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. À entendre nos collègues, monsieur le président, on pourrait se demander pourquoi le Gouvernement se fatigue et pourquoi la majorité dépense son énergie à défendre cette réforme.

Je citerai un court extrait d’une note de la Direction générale du Trésor et de la politique économique que j’ai reprise, l’été dernier, dans mon rapport sur l’évolution de la fiscalité locale : « Les fortes augmentations des taux locaux depuis 1995 induisent des montants de TP nette qui dépassent parfois 7 % ou 8 % de la valeur ajoutée de l’entreprise, seuil jugé rédhibitoire par les investisseurs étrangers. »

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi viennent-ils quand même ?


M. Hervé Mariton
. Ce seul constat justifie notre débat.

Il y a trois bonnes raisons au moins d’aller dans la voie qui nous est proposée. D’abord, nous réclamons depuis des années une réforme de la taxe professionnelle. Nous y sommes. Ensuite, le dispositif proposé protège les entreprises, qui ne doivent pas payer trop d’impôts. Enfin, il s’agit de modérer les augmentations d’impôts. Qui s’en plaindrait ?

La réforme est-elle parfaite ? Non et, nous l’avons évoqué en commission, il faudra sans doute y revenir.

M. Jean-Pierre Brard. Elle n’est pas bonne mais votons-la !

M. Hervé Mariton. Crée-t-elle des contraintes ? Oui, mais au demeurant parfaitement cohérentes avec la logique même de la réforme. Il s’agit de lutter contre les augmentations d’impôts. Une collectivité qui ne veut pas augmenter ses impôts sera-t-elle davantage contrainte demain ? Non. Une collectivité qui voudrait augmenter ses impôts aura-t-elle demain une contrainte supplémentaire ? Oui. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pascal Terrasse. Et la liberté d’administration ?

M. Hervé Mariton. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire. Nous voulons modérer les augmentations d’impôts, nous voulons protéger les entreprises, et c’est ce que nous faisons. Nous allons aussi, ce n’est pas niable, vers une certaine homogénéité des taux. C’est une contrainte qui n’est pas incohérente.

Rappelons le poids du prélèvement local sur les entreprises : 12 % du prélèvement qu’elles subissent du fait des administrations publiques. La taxation des investissements au niveau local est une singularité française, singularité qu’il convient de contenir quelque peu.

Le poids élevé de l’impôt local en France est un facteur de délocalisation. Les entreprises établies en France supportent des prélèvements locaux plus lourds que leurs concurrentes dans d’autres pays. Nous ne pouvons pas rester inactifs. C’est le niveau élevé des charges pesant localement sur les entreprises qui explique l’essentiel du surcroît de taxation supporté par les entreprises en France. Ayons cela en tête au moment d’aborder cette réforme.

L’impôt est particulièrement pénalisant pour les entreprises déficitaires ou au moment de l’implantation. Les secteurs à forte intensité capitalistique, donc l’industrie en particulier, sont les plus lourdement taxés.

Cet impôt, dont le poids n’a cessé d’augmenter en dépit de la suppression de la part salariale dans son assiette, nous devons le corriger. La taxe professionnelle représentait, en 1976, 1 % du produit intérieur brut, c’est deux fois plus vingt ans après et, en 2003, en dépit de la suppression de la part salariale, on reste autour de 2 % du PIB. En vingt ans, le coût net de la taxe professionnelle a augmenté de 20 %. Le plafonnement actuel ne joue que partiellement. Les taux ont augmenté depuis 1995 car, malheureusement, trop de collectivités ont manqué de sagesse en la matière.

La taxe professionnelle renchérit le coût des facteurs de production, elle pénalise l’investissement, la croissance et l’emploi. Elle handicape la France dans le commerce international. C’est un paramètre important dans le choix de localisation des entreprises, et il est donc essentiel de chercher à la modérer. C’est la réforme qui nous est proposée.

C’est une bonne réforme. Ce n’est pas une réforme parfaite, et je pense que le président et le rapporteur général auront l’occasion de l’exprimer. Il y a probablement quelques correctifs à apporter. Nous sommes là pour ça. Il y a sans doute aussi des correctifs à introduire dans le temps, mais, au moins, la réforme de la TP est enfin engagée et elle va dans le sens de la priorité qu’à l’UMP, nous nous sommes fixée : la relance de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un rappel au règlement, monsieur le président. Le groupe auquel je suis apparenté est réuni actuellement pour parler de ce sujet. Nous avons eu les simulations ce matin et cela mérite inventaire. Je vous demande donc une suspension de séance d’une demi-heure pour qu’on puisse discuter tranquillement.

M. le président. Monsieur Brard, nous sommes dans un débat organisé et la discussion des articles est commencée. Je vous ai donné la parole parce que vous êtes inscrit sur l’article, mais je ne peux pas vous la donner pour un rappel au règlement. Par ailleurs, pour demander une suspension de séance, vous n’avez pas de délégation de votre groupe.

M. Jean-Pierre Brard. Si ! La voici !

M. le président. Il faut alors la donner à la présidence.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, ce débat est suffisamment important pour qu’on prenne le temps…

M. le président. Nous le prenons !

M. Augustin Bonrepaux. …de le préparer. Nous avons eu les simulations, et je remercie M. le ministre d’avoir tenu parole, mais il nous faut du temps pour les étudier. Je vous ai demandé tout à l’heure une suspension de séance mais vous ne m’avez accordé que cinq minutes.

M. le président. Vous avez eu dix minutes !

M. Augustin Bonrepaux. Tout le monde reconnaît que cinq minutes, ce n’est pas suffisant. Il me semble légitime que notre groupe soit informé des nouvelles difficultés, de ce que nous venons de découvrir, et puisse prendre position. Un débat tel que celui-ci, où nous entendons les orateurs inscrits sur l’article, peut reprendre sans qu’il y ait un chamboulement de l’ordre du jour. Je crois que la demande présentée à la fois par le groupe communiste et par le nôtre est justifiée.

M. le président. Monsieur Bonrepaux, votre président de groupe vient d’arriver, et je vais lui donner la parole.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, retenu par d’autres réunions ce matin, je n’ai pas pu assister au début du débat, mais je serai là cet après-midi.

C’est un débat extrêmement important, mais le Parlement, c’est aussi la vie des groupes parlementaires. Ce n’est pas l’esprit, c’est la lettre même de notre règlement, et c’est conforme à la Constitution. Ce n’est pas une suspension de séance classique que je vous demande. Le groupe socialiste va se réunir dans quelques instants, comme tous les groupes parlementaires, à des horaires variables, en général le mardi, même si, aujourd’hui, certains vont arriver plus tard que d’habitude compte tenu des contraintes liées à la grève des transports. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Encore la faute de la majorité ! La faute à Mariton !

M. Jean-Marc Ayrault. Je dis les choses très honnêtement, monsieur le président, et je ne cherche pas à créer un incident. Si je voulais réunir tranquillement mon groupe, je pourrais utiliser la vérification du quorum. Ce n’est pas mon état d’esprit, je le dis aussi au Gouvernement, au président de la commission des finances et au rapporteur général qui, je crois, reconnaîtront que je suis sincère.

Nous avons une réunion de groupe maintenant. Nous devons évoquer ce texte, évidemment, pour la suite de nos débats, mais aussi le projet relatif au terrorisme, ce qui n’est pas un mince sujet. Nous ne pouvons pas en débattre en cinq minutes entre deux portes. Je vous demande donc d’interrompre les travaux et de les faire reprendre normalement après les réunions de groupe. Nous n’avons pas du tout l’intention de nous livrer à des manœuvres de retardement. Nous souhaitons simplement travailler dans des conditions normales. Notre groupe se réunit en séance plénière à partir de onze heures trente, et le bureau devrait déjà être réuni depuis cinq minutes.

Je vous demande donc, monsieur le président, d’entendre la demande des députés socialistes, qui, je crois, peut rejoindre celle de tous les autres groupes.

M. Jean-Pierre Brard. Non, dans la majorité, ça marche au sifflet !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je voudrais tout de même, monsieur Ayrault, tout en adoptant le même ton modéré que vous, faire deux ou trois remarques.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Gouvernement et la commission des finances ont été extrêmement attentifs à vos demandes de la semaine dernière. J’ai le souvenir que la discussion de la réforme fiscale que nous avions commencé d’évoquer a pris une tournure inutilement polémique parce que vous ne vouliez plus siéger si vous n’aviez pas les simulations que vous demandiez.

Plusieurs députés du groupe socialiste. C’est normal !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je sais que c’est normal, mais je me permets d’appeler votre attention sur le fait qu’en d’autres temps, ce qui était normal a été refusé par des gouvernements précédents. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pascal Terrasse. On va vous prouver le contraire !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous ne m’avez pas entendu crier quand vous avez parlé. Je demande simplement quelques brefs instants.

La semaine dernière, nous avons tenu compte de votre demande, et je vous ai donné des simulations comme jamais aucun gouvernement n’en a donné à aucune assemblée.

Par ailleurs, vous avez souhaité qu’on ne siège pas le week-end parce que vous aviez une activité liée à votre parti politique, ce qui est éminemment respectable. Là encore, nous avons dit oui. Je me permets de rappeler, parce qu’il faut bien le rappeler une fois, que nous sommes un peu contraints par la Constitution de la VRépublique sur les délais de discussion et de vote du budget. Nous avons décalé le vote de vingt-quatre heures, pour une bonne part à votre demande, afin de tenir compte de toutes les contraintes et il doit être voté demain.

Après avoir reçu les simulations,…

M. René Dosière. Ce matin !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …après avoir bien noté que nous n’avions pas siégé le week-end afin que vous puissiez tenir votre activité, tout à fait légitime, de parti politique, vous avez maintenant besoin d’une réunion de groupe pour débattre de ces sujets et d’autres.

J’appelle tout de même votre attention, monsieur le président du groupe socialiste, sur le fait qu’il serait opportun qu’à la suite de cette suspension de séance, d’une durée raisonnable, nous puissions travailler un peu ce matin. Sinon, nous n’en finirons pas. Nous avons de nombreux sujets en discussion, et je crois qu’il reste encore 150 amendements à examiner. Vous détestez par ailleurs, à juste titre, les séances de nuit. C’est vrai qu’on travaille moins bien la nuit que le jour…

M. Jean-Pierre Brard. Il fera jour demain !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Oui, mais pour voter.

M. Jean-Pierre Brard. Pour voter ou pour causer !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il faudrait donc essayer de trouver un bon poids et une bonne mesure, afin que l’on puisse terminer dans le délai imparti et dans un temps humainement raisonnable pour débattre dans de bonnes conditions de ce sujet essentiel.

M. le président. Monsieur le président du groupe socialiste, avant que vous ne repreniez la parole, je vais faire une proposition qui me paraît être un compromis honnête entre tous les points de vue.

À la place qui est la mienne, je suis garant du respect des décisions de la conférence des présidents, où vous siégez vous-même. Le président Debré a tenu compte de façon tout à fait républicaine du congrès de votre parti dans le calendrier parlementaire. C’est normal, ça s’est fait sous tous les gouvernements et pour tous les congrès des partis représentés à l’Assemblée nationale. Je vous propose une suspension de séance d’une demi-heure, ce qui me paraît objectivement un bon compromis.

Je vous donne la parole, monsieur Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je vous remercie de la manière dont vous traitez cette question, dans un esprit républicain. Je vais vous faire une toute petite contre-proposition,…

M. Jean-Pierre Brard. Une synthèse quoi ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Ayrault. Vous, vous n’êtes plus dans aucun parti politique, vous n’avez donc pas ce problème de synthèse !

M. Jean-Pierre Brard. Si ! Avec moi-même ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Ayrault. Il est déjà onze heures quinze. Serait-il possible que la séance reprenne à midi ? Nous serons ponctuels.

M. le président. N’étant pas marchand de tapis, j’accepte et je vais suspendre la séance jusqu’à midi.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à douze heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, inscrit sur l’article 67.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, la gauche est en situation de prendre le pouvoir puisque aucun de nos collègues de droite n’est présent… Mais, heureusement, M. Soisson, la sentinelle de l’Yonne et de la Bourgogne arrive !

M. Jean-Pierre Soisson. Pour vous empêcher de faire des erreurs !

M. Jean-Pierre Brard. Je regrette particulièrement l’absence de M. Mariton car nous avons eu droit tout à l’heure à tous les poncifs possibles : il y a toujours eu de riches et des pauvres, il y en aura toujours, ou encore la fiscalité locale est responsable de tous les maux.

Je suis maire depuis de nombreuses années, et jamais une entreprise, à Montreuil, n’a déposé son bilan en raison de la fiscalité locale, alors que, tout à fait légitimement, le taux de taxe professionnelle y est élevé : il est normal qu’une entreprise apporte son écot à la solidarité et paie pour les services qu’elle reçoit.

En réalité, c’est votre politique, monsieur le ministre, qui, en réduisant le pouvoir d’achat, pénalise les entreprises et fait que les carnets de commande des entreprises ne sont pas ce qu’ils devraient être.

Pour porter une appréciation sur la réforme de la taxe professionnelle qui nous est soumise, il nous est nécessaire d'avoir à l'esprit l'historique et les racines de cette réforme.

À l’origine, on trouve la volonté constante du MEDEF : et de Seillière en Parisot, il s’agit toujours de saborder la taxe professionnelle, considérée comme une charge indue dans une économie mondialisée. Ainsi, en 2002, le MEDEF déclarait déjà : « Cette exception fiscale est un frein non négligeable à la compétitivité des entreprises françaises. La taxe professionnelle frappe les facteurs de production avant toute création de richesse. » C’est en effet bien connu : une entreprise achète des machines avant d’avoir des commandes ! Non content de prendre nos concitoyens pour des imbéciles, le MEDEF ment puisque la taxe professionnelle est payée l'année n + 1, c'est-à-dire, évidemment, après et non avant la création de richesses. Mais je poursuis la citation du MEDEF à propos de la taxe professionnelle : « Son principe même est donc contestable […]. Enfin, l'absence de tout mécanisme régulateur a conduit l'État à verser des compensations à guichet ouvert et à chercher ensuite les moyens de limiter les aides aux entreprises. Les collectivités locales sont assurées de recevoir le produit voté, qu'il soit versé par les entreprises ou par l'État. »

Ainsi, les collectivités locales auraient bénéficié, grâce à la taxe professionnelle, d'un véritable pactole et elles ne l'avaient jamais remarqué ! Avec votre réforme cette époque sera, à coup sûr, bel et bien révolue. Certes, on ne va pas jusqu'à satisfaire intégralement le MEDEF – de connivence avec vous, il place la barre toujours plus haut pour que vous fassiez semblant de passer en dessous –, qui souhaite la disparition complète de la taxe professionnelle, mais un coup sévère est porté à cette taxe, en même temps qu'à l'autonomie fiscale et financière des collectivités locales.

Le Président de la République, dans le style régalien qui est la caractéristique de notre système constitutionnel – quel que soit le Président –, a décidé, alors que ce n’est pas de sa compétence, de réformer très profondément la taxe professionnelle, en particulier afin de limiter son poids sur les activités industrielles. Une nouvelle répartition de cet impôt entre les contribuables était certes tout à fait envisageable afin de promouvoir un meilleur équilibre, mais les collectivités territoriales ont insisté, dès l'origine, sur la nécessité de préserver le niveau de leurs ressources assuré par la taxe professionnelle.

Tel n'est pas votre choix. Avec son génie pour détourner le sens des mots, le Gouvernement a introduit la notion de ticket modérateur. Or celui-ci, pour nos concitoyens, implique de payer moins,…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est le cas.

M. Jean-Pierre Brard. …alors que vous réussissez à taxer davantage les communes ! C’est donc une compensation partielle. En outre, le Gouvernement envisager de figer la pression fiscale des collectivités au taux global de 2004 sur plus de la moitié de l'assiette de la taxe.

Enfin, figurerait dans l'assiette fiscale locale un solde comptable des entreprises, davantage soumis, comme tout flux, à des variations à la hausse ou à la baisse.

M. le président. Monsieur Brard, il faut conclure.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je ne doute pas que cela vous intéresse d’autant que vous êtes un élu local !

M. le président. Mais je suis malheureusement contraint de faire respecter le règlement, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous défends, monsieur le président, puisque votre fonction vous interdit d’intervenir dans le débat ! Accordez-moi donc un temps de parole un peu plus long.

Pour justifier ce mauvais coup contre les finances locales, vous brandissez, monsieur le ministre, le spectre des délocalisations et du caractère dissuasif de la taxe professionnelle pour les implantations d'entreprises. En réalité, une entreprise ne choisit pas de s’implanter en fonction de la fiscalité locale. À Montreuil où le taux de taxe professionnelle est élevé, les entreprises s’installent parce qu’elles trouvent la qualité du service dont elles ont besoin.

M. Michel Bouvard. Nombre de ces entreprises relèvent du secteur tertiaire.

M. Jean-Pierre Brard. J’ajoute que la taxe professionnelle est déductible du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés. Les autres paramètres, comme la fiscalité nationale, le coût des charges sociales, la productivité des salariés, les réseaux de transport, les politiques de santé publique et d'éducation, et plus globalement la qualité de vie sont pris en compte,

C'est donc sur le fondement d'un diagnostic erroné et en utilisant un remède pire que le mal que le Gouvernement a bâti ce projet sans en dévoiler toutes les conséquences, faute notamment de simulations rendues publiques, et avec la volonté de limiter l'opposition des élus locaux qui s'exprime pourtant largement contre ce projet.

N’est-ce pas faire preuve l’humour noir, monsieur le président, que de proposer de telles dispositions au moment où le congrès des maires se réunit ?

Savez-vous que si Enghien-les-bains, ville prolétaire s’il en est (Sourires), augmente la taxe professionnelle de 100, la commune sera taxée de 7 ? En revanche, si Alain Bocquet augmente la taxe professionnelle de 100 à Saint-Amand-les-Eaux, la commune sera taxée de plus de 80. S’il veut 100, il devra augmenter de 400 !

Si les besoins des collectivités augmentent, c’est en raison de votre politique qui réduit nos concitoyens à la pauvreté, quand ce n’est pas à la misère.

M. le président. La parole est à M. Michel Pajon.


M. Michel Pajon
. Les dispositions de l'article 67 du projet de loi de finances pour 2006 sont lourdes de menaces pour l'autonomie financière des collectivités territoriales, au point, monsieur le ministre, de susciter l’inquiétude jusque dans les rangs de votre majorité.

Vous nous proposez la mise en place d'un plafonnement réel de la taxe professionnelle à hauteur de 3,5 % de la valeur ajoutée des entreprises. À compter des impositions établies au titre de 2007, l'État prendrait en charge la part du dégrèvement correspondant à la différence entre la cotisation de taxe professionnelle, telle qu'elle découlerait des taux applicables en 2004, et 3,5 % de la valeur ajoutée.

Les collectivités territoriales supporteraient la part du dégrèvement qui résulterait des augmentations de taux intervenues à compter de 2004. Le choix de l’année 2004 comme année de référence n'est pas neutre : il est clair que le Gouvernement souhaite punir les régions de gauche qui ont augmenté la pression fiscale sur les entreprises. Est-il loyal d'imposer de telles mesures, dont les modalités d’application n’étaient pas encore connues en 2005 ? Compte tenu des hausses de taux observées cette année-là, le montant à la charge des collectivités territoriales s'élèvera à 469 millions d'euros, dont 225 millions d'euros pour les régions.

Les marges de manœuvre budgétaires de nombreuses collectivités territoriales vont être limitées, parfois de façon drastique. Ainsi, les bases d'imposition du département de la Manche sont plafonnées à 80,14 %, celles du département du Nord à 70,46 %. La situation ira en s'aggravant puisque l'augmentation des taux portera sur des bases de plus en plus réduites. Le Gouvernement prétend que ces mesures vont dans le bon sens parce qu’elles renforceraient l’attractivité du territoire tout en responsabilisant les collectivités. Ces arguments me semblent très réducteurs, quand ils ne relèvent pas d’une mauvaise foi évidente. D’abord, monsieur le ministre, les critères de l’attractivité d'un territoire ne se limitent pas à sa fiscalité : sans minorer l’importance du facteur fiscal, vous savez bien que d’autres éléments entrent en ligne de compte, telles la situation géographique, la présence d'un gisement de main d'œuvre qualifiée, l’existence d'infrastructures, de services publics, de politiques foncières d’incitation à l’installation des entreprises.

Le bilan des zones franches urbaines dressé dans le rapport au Parlement de 2002 est éclairant à cet égard. Selon ce rapport, « la politique de développement économique et d'emploi dans les zones franches urbaines a été d'autant plus effective lorsqu'elle a été accompagnée d'une véritable politique coordonnée d'accueil et de soutien aux entreprises. […].Les ZFU pour lesquelles les exonérations fiscales et sociales n'ont pas été accompagnées d'une stratégie de mise en œuvre n'ont pas obtenu de résultats significatifs ».

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est le bon sens !

M. Michel Pajon. Les collectivités jouent un rôle structurant dans le développement économique local. Ainsi, ma ville de Noisy-le-Grand consacre annuellement 500 000 euros à ce poste.

Ensuite, monsieur le ministre, les collectivités locales n’ont pas à être « responsabilisées » puisque leurs finances sont globalement saines. La préparation et l'adoption des budgets locaux sont soumises à des règles strictes. Leur déficit atteint 0,1 % du PIB en 2005, contre – dois-je vous le rappeler ? – 2,9 % pour celui de l'État. Encore ce chiffre de 0,1 % est-il dû en partie, selon la Cour des comptes, aux charges supplémentaires qu'elles ont à assumer.

Votre réforme entraverait au contraire l’autonomie de gestion financière de nos villes. Au moment où nos quartiers connaissent de graves difficultés, largement liées au désengagement de l’État des domaines social, culturel, sportif et associatif, vous nous privez d’un levier essentiel pour le devenir de nos villes. Les rapports arithmétiques entre l’évolution potentielle des taux de la taxe professionnelle, de la taxe d’habitation et de l’impôt sur la fortune suffisaient à modérer les hausses de taxe professionnelle dans nos villes, responsabilisant ainsi de fait les maires.

II n'y a pas de mystère, ou de « dérapages incontrôlés » : les hausses des impôts locaux sont la conséquence du désengagement massif de l'État et des transferts de charges qui ne se sont pas accompagnés du transfert des ressources correspondantes.

La remise en cause des contrats de plan pèse lourd sur le budget des régions.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. C’est incroyable d’entendre cela !

M. Michel Pajon. Les départements doivent trouver des recettes supplémentaires pour faire face à l'augmentation du nombre des allocataires du RMI. La réduction du périmètre des zones éligibles aux financements ANRU compromet des projets – c’est le cas dans ma ville de Noisy-le-Grand. Les besoins sont immenses en matière d'action sociale, d'éducation, de transports.

Par ailleurs, le dispositif que vous proposez aura de nombreux effets pervers. Il profitera d'abord aux grandes entreprises qui ont les moyens d'optimiser leurs choix fiscaux, mais il conduira les collectivités à réduire les aides octroyées aux PME, faute de rentrées fiscales suffisantes. Il entraînera de fortes inégalités sur le territoire, puisque les collectivités seront affectées plus ou moins durement par le plafonnement selon la structure de leur tissu fiscal.

Ce dispositif générera en outre des problèmes techniques, du fait notamment du traitement des demandes de plafonnement des entreprises multisites. Sans adaptation des applications informatiques, il sera difficile aux services fiscaux de mettre en œuvre votre réforme. Or on ignore combien de temps prendra cette adaptation.

Compte tenu de tous ces éléments, monsieur le ministre, nous ne pouvons que rejeter votre réforme de la taxe professionnelle.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je voudrais d’abord rappeler qu’à la demande du Gouvernement la commission Fouquet a travaillé pendant un an sur ce sujet de la réforme de la taxe professionnelle. Cette commission a fait des propositions claires : afin de garantir une meilleure répartition de la taxe professionnelle entre les entreprises les plus imposées et celles qui le sont le moins, il fallait donner pour base à cette imposition la valeur ajoutée. Une telle solution supposait une péréquation entre les entreprises qui sont fortement imposées et celles qui le sont faiblement.

Mais parce que le Gouvernement n’a pas eu le courage de faire cette réforme-là, il a préféré se défausser sur les collectivités en faisant le choix de plafonner la taxe professionnelle. Cela revient à les obliger à augmenter les impôts non plafonnés.

Le Gouvernement a donc choisi de faire payer surtout les ménages, au point qu’on peut se demander s’il ne cherche pas à se venger des électeurs, qui ont préféré en 2004 envoyer à la tête des régions et des départements des exécutifs de gauche.

M. Philippe Auberger. Les mauvais gestionnaires chassent les bons, c’est connu !

M. Augustin Bonrepaux. Tel semble être le message envoyé par le Gouvernement à ces électeurs : « Vous allez maintenant payer pour les entreprises ! ».(Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il s’agit en réalité d’une réforme exclusivement idéologique.

La baisse de sept milliards d’euros au titre de l’impôt sur le revenu n’aura servi à rien – ce n’est pas moi qui le dis, mais le président de la commission des finances. Et la baisse supplémentaire de quatre millions d’euros n’aura pas davantage d’effet. Nous aimerions savoir quelle efficacité peut avoir votre réforme. Si l’harmonisation était votre objectif, vous pouviez baisser l’impôt sur les sociétés.

Vous nous expliquez que votre réforme vise à lutter contre les délocalisations : à qui comptez-vous faire croire que les grands barrages hydroélectriques, ou les centrales nucléaires, risquent de se délocaliser si on ne plafonne pas la taxe professionnelle versée au titre de ces équipements ? Vous n’ignorez pourtant pas que les élus qui ont accepté ces installations sur leur territoire – ils sont d’ailleurs de moins en moins nombreux à les accepter – l’ont fait en échange de l’engagement qu’ils disposeraient de ce fait de moyens supplémentaires. Les conditions du plafonnement proposé ne leur laisseront pas d’autre issue que d’augmenter l’imposition des ménages.

Vous serez donc les seuls responsables des augmentations d’impôts que les collectivités locales seront contraintes de décider en 2006. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je peux le démontrer : l’État doit un milliard d’euros aux départements au titre de la compensation de la charge du RMI qui n’est pas couverte par les recettes de TIPP. Pour mon département, l’Ariège, cette garantie de ressources s’élève à deux millions d’euros, soit 4 % du produit de l’impôt. Malheureusement, en Ariège, les bases de TP diminuent constamment, du fait des difficultés qu’y connaissent les entreprises, notamment depuis le départ de Péchiney et la crise qui frappe le secteur du textile. Or vous allez interdire à ce département de faire évoluer les taux. La hausse des impôts locaux qui découlera de la non-compensation des charges liés au RMI et du plafonnement des bases de la TP vous sera donc entièrement imputable.

Il faut ajouter à cela la réduction de la dotation globale d’équipement à hauteur de 300 000 euros, ce qui représente environ 0,6 % des recettes fiscales, soit 0,9 % après application de votre réforme.

Au total, l’Ariège connaîtra en 2006 – et cette démonstration vaut pour tous les départements – une augmentation de ses impôts de l’ordre de 7,9 %, qui relève entièrement de la responsabilité du Gouvernement, et cela au moment où vous prétendez baisser les impôts !

Et je ne parle pas des charges nouvelles qui résulteront de certains transferts aux départements : TOS, emplois aidés, fonds divers, gestion du handicap, ou retour à l’emploi des RMIstes.

Chacun d’entre vous, mes chers collègues, pourrait se livrer aux mêmes calculs, que ce soit pour les communes ou les communautés de communes.

M. Alain Néri. C’est encore pire pour les communautés de communes.

M. Augustin Bonrepaux. En effet, les communautés de communes seront, quant à elles, asphyxiés, sauf, encore une fois, à augmenter l’imposition des ménages.

La baisse des impôts que vous annoncez est illusoire, puisqu’elle se transformera en réalité en une augmentation des impôts qui pèsent sur les ménages, ceux qui sont les plus injustes et les plus lourds pour les plus modestes. Voilà toute l’injustice de votre réforme.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. La réforme que vous proposez, monsieur le ministre, n’est pas une bonne réforme.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ça commence mal !

M. Didier Migaud. Ce point de vue est partagé bien au-delà des bancs de l’opposition, comme le montrent certains propos échangés sans témoin, voire certaines déclarations publiques.

En effet, cette réforme, purement idéologique, loin de régler la question de l’emploi, contrairement à vos assertions, aura des conséquences gravissimes pour nos finances locales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Elle sera bénéfique pour l’emploi !

M. Didier Migaud. Cela n’a jamais été démontré jusqu’à maintenant, monsieur le président de la commission des finances.

Je vous rappellerai que le gouvernement précédent avait déjà mené à bien deux réformes importantes de la taxe professionnelle. C’est à lui, en effet, que l’on doit la suppression de la base salariale de la taxe professionnelle – nous y reviendrons peut-être à l’occasion de l’examen des amendements – et l’instauration de la taxe professionnelle unique. Ces deux réformes avaient eu un effet de modération de la fiscalité locale en favorisant les intercommunalités, qui seront vraisemblablement remises en cause par la réforme que vous proposez.

Il y a beaucoup à dire sur cette réforme, et d’abord sur l’année que vous avez retenue comme année de référence, c’est-à-dire l’année 2004. Ce choix révèle l’esprit de revanche de la majorité et du Gouvernement. En dépit du léger correctif de 4,5 % que vous voulez apporter à votre projet initial, on voit bien qui est visé : il s’agit de punir les collectivités locales qui se sont vues contraintes d’augmenter leurs impôts en 2005 au-delà des 4,5 %. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Bocquet. Absolument !

M. Didier Migaud. Cette sanction rétroactive, outre qu’elle révèle une mesquinerie totalement déplacée chez le Gouvernement et sa majorité, me paraît relever du procès politique.

Plus grave encore, votre réforme remettra en cause l’autonomie financière des collectivités locales. À quoi bon vous être donné tant de peine pour modifier la Constitution, sous prétexte de consolider l’autonomie financière des collectivités locales, si c’était pour la remettre en cause aujourd’hui à travers cette réforme ?


La collectivité verra son autonomie financière de plus en plus réduite à mesure que le nombre de ces entreprises plafonnées augmentera. Ce mouvement de remise en cause de l’autonomie financière des collectivités a d’ailleurs déjà commencé et on peut en citer divers exemples.

Nous assisterons également à un transfert des grandes entreprises vers les PME – et vous semblez gênés par les exemples de ces transferts – ainsi que de la fiscalité des entreprises vers celle des ménages. En quelque sorte, vous poussez les intercommunalités à pratiquer une fiscalité mixte, avec, monsieur le président de la commission des finances, des effets absolument contraires au souhait que vous exprimez : les impôts des ménages augmenteront.

Aux a priori que j’ai déjà cités s’en ajoute un autre : les dépenses des collectivités locales seraient gérées par des élus irresponsables qui n’auraient pas conscience des conséquences de leurs décisions et qui feraient trop de dépenses inefficaces, voire somptuaires.

L’article que vous proposez, monsieur le ministre, a des conséquences que vous n’avez pas mesurées. Nous avons certes déposé de nombreux amendements pour y remédier, mais j’ai été surpris…

M. Jean-Pierre Brard. De la part de ce Gouvernement, rien ne devrait vous surprendre !

M. Didier Migaud. Certes !

M. Jean-Pierre Brard. Le pire n’est jamais certain, mais pas toujours évitable !

M. Didier Migaud. J’ai été surpris, disais-je d’entendre le ministre chargé des collectivités locales dire récemment en séance que « les collectivités dont les bases plafonnées représentent la plus grande part des bases totales pourraient effectivement être mises en difficulté par les dispositions prévues dans le projet initial. J’ai bien entendu sur ce point le message des parlementaires et des élus locaux ». Le président Bonrepaux a d’ailleurs cité l’exemple de l’Ariège. Je peux aussi citer celui, dans mon département, de la commune d’Issoire, dont le maire a siégé à deux reprises sur ces bancs, pour laquelle les bases plafonnées atteignent 64 millions, soit 86 % des bases totales, qui s’élèvent à 74 millions ».

Cette déclaration d’un membre du Gouvernement montre à quel point, faute de cohérence et de responsabilité dans sa présentation, faute de discernement et faute d’une étude pertinente de simulations, cette réforme est mauvaise. Elle est le résultat de beaucoup d’a priori et d’impréparation.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous dites cela parce que vous auriez aimé la faire !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Les orientations de l’article 67 sont utiles pour assurer la nécessaire protection des entreprises contre de possibles excès de fiscalité – cela s’est vu. Il est vrai que la fiscalité locale a augmenté plus vite que la fiscalité d’État,…

M. Jean-Pierre Brard. À qui la faute ?

M. Michel Bouvard. …en raison des transferts de compétences – mais pas seulement à cause d’eux – et qu’un encadrement est donc nécessaire.

M. Jean-Pierre Brard. M. Pinte l’a bien démontré.

M. Michel Bouvard. Pour autant, les dispositions de l’article 67 ne permettent pas d’échapper à certains effets pervers, qu’a bien voulu reconnaître le ministre délégué aux collectivités locales et sur lesquels je tiens, monsieur le ministre, à attirer votre attention afin que nous puissions progresser.

Pour avoir été pendant plus de vingt ans chargé des finances de mon département, j’évoquerai, sans nulle intention de jeter la pierre à quiconque, l’exemple que je connais le mieux : celui des départements. Ces derniers ont vu leur autonomie diminuer, avec l’abaissement des taux des droits de mutation – mesure ancienne, certes, mais imparfaitement compensée –, la suppression progressive, entre 1999 et 2003, d’une part des bases de la taxe professionnelle, avec une compensation également imparfaite, l’abattement de 30 % appliqué aux bases d’imposition du foncier bâti, la suppression du produit de la vignette, la réduction de la part du chiffre d’affaires prise en compte pour le calcul de la taxe professionnelle, la suppression des participations communales au contingent d’aide sociale et la suppression, prévue pour 2008, des participations communales aux dépenses des SDIS, au moment même où les normes évoluent et où se produisent d’autres transferts.

Les départements, qui sont sans doute les collectivités qui ont reçu le plus grand nombre de compétences nouvelles au titre de la décentralisation, rencontrent aujourd’hui, monsieur le ministre, des problèmes d’équilibre. Si certaines dépenses ont été plus ou moins bien compensées, comme le RMI, mieux compensé que l’allocation personnalisée d’autonomie – qui ne l’est, dans ma circonscription, qu’à hauteur de 27 % –, certaines augmentations mécaniques sont d’ores et déjà prévisibles, comme pour l’APA ou la nouvelle organisation des SDIS – et cela d’autant plus que l’État ne cesse de créer des normes ayant pour effet d’augmenter le nombre de pompiers par véhicule ou d’imposer aux pompiers de nouvelles spécialisations.

De même, les transferts liés au RMI représentent une charge importante, tout comme ceux des charges de voirie et des personnels y afférents, et ce d’autant plus que les grilles de rémunération qu’appliquent les collectivités ne sont pas forcément les mêmes que celles de l’État.

En outre, il faut bien le reconnaître, la loi sur le handicap n’est pas financée : dans le département dont je suis l’élu, les compensations apportées par la caisse d’autonomie s’élèveront à 3 millions d’euros, pour 15 à 20 millions d’euros de dépenses. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais cette situation évoluera dans le temps.

M. Jean-Pierre Brard. M. Bouvard fait honneur au Parlement : il dit la vérité !

M. Michel Bouvard. Outre qu’ils doivent assurer la gestion et éviter les dépenses somptuaires, les départements doivent faire face à des charges nouvelles. Le problème est particulièrement important pour ceux dont les ressources fiscales permettent le moins d’élasticité. Dans la quasi-totalité des départements, en effet, la taxe professionnelle est la principale ressource de fiscalité directe. Les droits de mutation ont certes progressé partout, mais ils représentent une recette en flux, susceptible de s’inverser dans la durée et sur laquelle on ne peut asseoir des dépenses durables, ce qui rend nécessaire de recourir à la fiscalité directe. Or, pour une quinzaine de départements, les bases sont plafonnées pour plus des deux tiers. Il peut s’agir aussi bien de vieux départements industriels, comme le Nord et le Pas-de-Calais, que de départements à tradition industrielle en zone de montagne, comme l’Ariège, ou de départements sans tradition industrielle, comme les Alpes de Haute-Provence ou l’Ardèche, qui ne sont pas riches, mais dont la matière fiscale est structurée de telle sorte que plus des deux tiers de la base est plafonnée. Demain, donc, le rendement de cette ressource, qui représente souvent plus de la moitié du produit de la fiscalité directe, va se trouver mécaniquement affaibli, et l’effet pervers qui en découlera pourra être le recours à la fiscalité des ménages ou à des arbitrages sur les dépenses obligatoires.

Comment échapper, par exemple, aux normes fixées en matière de transports scolaires ? Dans mon département, où le nombre d’enfants à transporter n’a pourtant guère augmenté, le budget des transports scolaires a augmenté, pour des causes mécaniques, de plus de 5 millions d’euros en six ou sept ans à cause de l’évolution des normes applicables aux autocars et du coût des appels d’offres. Certaines dépenses ont une évolution naturelle, sur laquelle nous n’avons pas prise. S’il est légitime que nous soyons raisonnables dans nos choix et nos arbitrages, nous ne devons pas nous trouver dépourvus devant cette augmentation mécanique. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je souhaiterais donc que,…

M. Jean-Pierre Brard. Le conditionnel est de trop !

M. Michel Bouvard. …pour des départements dont la fiscalité départementale n’est pas exorbitante et se situe dans la moyenne nationale, pour lesquels la part plafonnée de la base est importante et qui risquent de se trouver garrottés si l’on n’y prend pas garde, on puisse trouver les aménagements permettant d’éviter que la seule ressource soit demain l’augmentation de la fiscalité des ménages, laquelle ne sera d’ailleurs pas aisée, compte tenu du fait que la déliaison des taux n’a pas entièrement disparu.

Nous pouvons donc nous trouver, dans certains cas, dans l’impossibilité d’assumer les compétences que nous assumons traditionnellement, conformément à la loi. Dans cette réforme, la situation des départements est sans doute celle qui mérite le plus de vigilance, compte tenu des dépenses nouvelles que les départements ont eu à assumer au titre des transferts opérés dans les dernières années et de ce qui est encore à venir. Nul ne peut, à cet égard, jeter la pierre à quiconque, car, depuis vingt ans, personne n’a été tout à fait vertueux pour ce qui concerne ces transferts.

M. Jean-Pierre Brard. Comme dirait M. Méhaignerie !

M. Michel Bouvard. Pour autant, il faut que le législateur assure un certain encadrement de la fiscalité locale, pour mettre fin aux dérives.

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Efforçons-nous de voir clair sur cet article 67...

M. Jean-Pierre Brard. M. Copé est un maître flamand : il excelle dans le clair-obscur !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Laissez-moi vous éclairer, et vous serez ébloui !

M. Pascal Terrasse. …et sur la réforme de la taxe professionnelle. Augustin Bonrepaux a rappelé à juste titre que, dans le cadre du rapport Fouquet,…

M. Jean-Pierre Brard. Le surintendant ?

M. Pascal Terrasse. …experts, élus et spécialistes de la fiscalité locale ont étudié les moyens de modifier cette taxe. Le rapport met en évidence les contradictions d’une évolution de la taxe professionnelle et les conséquences dramatiques qu’aurait pour les collectivités territoriales un système visant à révolutionner cette taxe.

Il est vrai qu’il vous fallait, monsieur le ministre, répondre à l’exigence du Président de la République, qui, voulant coûte que coûte – et pour une fois – tenir, partiellement au moins, une de ses promesses électorales, tenait à réformer la taxe professionnelle. On voit bien que la décision a été prise sur un coin de table, sans réelle concertation avec les élus locaux – elle ne répond d’ailleurs pas à leur attente – et sans transparence, notamment en matière de simulations.

La question posée – celle des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle sur l’emploi et l’attractivité des territoires – est un peu courte. Il aurait été préférable d’engager une réflexion plus large – esquissée d’ailleurs dans le cadre de la commission sur la fiscalité locale et à la demande notamment de fédérations d’élus locaux, comme l’ADF, l’Association des maires de France ou l’Association des maires ruraux de France – pour envisager, selon le mot du président Pélissard, un « big bang de la fiscalité locale » et revoir entièrement la problématique de cette fiscalité, en prenant en compte les taxes d’habitation, les taxes professionnelles et les impôts spécialisés. Or tout est fait en dépit du bon sens et sans pragmatisme.

La mise en place de ce processus cache, me semble-t-il, une sorte de coup d’État contre les collectivités territoriales. Il ne s’agit pas seulement ici de l’autonomie fiscale ou financière des collectivités territoriales, mais d’un principe qui remet en cause la libre administration des collectivités territoriales. Je serai donc très attentif aux analyses que fera le Conseil constitutionnel de ce mécanisme qui bride les collectivités territoriales.

Ce matin, sur un plateau de télévision, un de nos collègues, homme important de la majorité, déclarait à propos des 20 % de logements sociaux, qu’il revenait aux électeurs, qui détiennent la souveraineté de décider, ce qu’ils peuvent faire tous les six ans par leurs votes. Il y a dans vos analyses une contradiction surprenante. Je crois profondément à la démocratie et au rôle citoyen de la souveraineté que représentent les élus, mais celle-ci n’a rien à gagner à des mécanismes qui brident les collectivités territoriales. Ce n’est pas par des mécanismes de ce type que vous développerez l’attractivité de nos territoires, si tant est que la France ne soit pas attractive, ce qui ne semble pas l’avis de Mme Clara Gaymard, chargée de ces dossiers.

M. Michel Bouvard et M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Cela n’a rien à voir !

M. Pascal Terrasse. Outre le désordre social, vous nous plongez aujourd’hui dans un désordre fiscal dramatique. Cette insécurité fiscale empêchera les collectivités territoriales de répondre à des exigences sociales très fortes.


On voit bien que chaque fois que l’on réduit la présence de l’autorité publique, quelle qu’elle soit d’ailleurs, en zone rurale ou en zone urbaine sensible, les conséquences sont lourdes. Comment, demain, les collectivités territoriales – que ce soit les départements, les régions ou les communes – et les élus locaux vont-ils pouvoir répondre aux exigences sociales à la place de l’État ? Derrière le désordre social que vous avez provoqué, derrière le désordre fiscal que vous êtes en train de mettre en place, c’est en réalité le désordre de notre démocratie même que vous êtes en train d’organiser. C’est pourquoi le groupe socialiste sera évidemment très attentif aux dispositions qu’adoptera l’Assemblée nationale.

Notre collègue Michel Bouvard a eu raison de rappeler qu’il y a des collectivités territoriales fiscalement vertueuses – je pense notamment au département de l’Ardèche. Mais vos mesures vont les mettre dans une situation extrêmement difficile que vous devrez expliquer, comme nous, aux électeurs. C’est une faillite du système que vous organisez, et cela n’est plus tenable.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Monsieur le ministre, je dois vous dire mon étonnement de voir qu’après tout le travail qui a été fait par la commission Fouquet pendant plusieurs mois, commission qui a rendu son rapport au début de l’année 2005, il y a eu une période d’attentisme extraordinaire et que, finalement, en catastrophe, vous nous présentez une réforme qui me paraît tout à fait improvisée.

La conclusion principale du rapport Fouquet était pourtant claire : le principal défaut de la taxe professionnelle, c’est son assiette. Or vous ne la modifiez aucunement. Vous décidez simplement qu’à partir de 2007, la taxe professionnelle ne pourra pas dépasser 3,5 % de la valeur ajoutée des entreprises.

Cette décision est non seulement improvisée mais elle est dangereuse sur le plan économique, contrairement à ce que pense M. le président de la commission des finances. Pourquoi ? Tout simplement parce que la valeur ajoutée ne fait pas l’objet d’une définition précise et que les entreprises ont justement la possibilité de minorer artificiellement cette valeur ajoutée en ayant recours à l’intérim ou en utilisant de façon optimale les marges de manœuvre offertes par le plan comptable en matière d’inscription des charges, de résultat financier ou de résultat exceptionnel.

Autrement dit, avec cette formule, on court le très grand risque de voir les entreprises, notamment celles à établissements multiples, procéder à des manipulations, certes légales, mais qui vont minorer leur valeur ajoutée et donc leur permettre de rentrer dans ce processus de plafonnement. On risque même d’arriver à des situations où le personnel fixe fera l’objet de licenciements pour être remplacé par du personnel intérimaire. C’était ma première observation.

Deuxièmement, en choisissant cette formule, vous cassez complètement l’intercommunalité. N’oubliez pas que 92 % des ressources fiscales des EPCI proviennent de la taxe professionnelle unique. La grande révolution de ces derniers temps en matière administrative a été le développement de l’intercommunalité, en particulier de celle à taxe professionnelle unique. Ainsi, 1 103 groupements, qui regroupent 14 000 communes et 40 millions d’habitants, sont sous ce régime. Comment vont-ils fonctionner avec une taxe plafonnée ? Les critiques qui émanent de votre majorité sur l’intercommunalité montrent bien que la droite n’a pas accepté ce mouvement intercommunal et qu’elle essaie par tous les moyens de le remettre en cause et de briser sa dynamique.

Troisième et dernière observation : comme Pascal Terrasse vient de vous le dire, cette disposition sera, bien entendu, déférée au Conseil constitutionnel, qui aura alors l’occasion de vérifier si elle ne remet pas en cause la libre administration des collectivités locales. Vous l’avez souvent saisi à propos des abaissements de fiscalité que la gauche avait décidés, et si vous relisez toutes les décisions qui ont été rendues, vous constaterez qu’il a toujours considéré qu’à partir du moment où on prévoyait une compensation, les ressources des collectivités locales étaient garanties, donc que leur libre administration n’était pas remise en cause. Mais il a laissé entendre que, dans certains cas, la question du respect de ce principe mériterait d’être posée. Or, dans le cas présent, vous vous attaquez non pas à une ressource secondaire, mais à la ressource principale des collectivités locales. Vous décidez qu’elle ne pourra plus évoluer, c’est-à-dire que vous en privez les collectivités, et ce sans compensation. On peut ainsi raisonnablement démontrer que vous portez atteinte à la libre administration des collectivités locales. En tout cas, il sera intéressant de voir quelle sera la position du Conseil constitutionnel là-dessus, d’autant qu’avec ce système vous créez une situation d’inégalité considérable entre les collectivités puisqu’on sait que, notamment dans les Hauts-de-Seine, le plafonnement ne concernera que moins de 30 % de la taxe professionnelle, alors qu’ailleurs il pourra atteindre 80 %.

Un dernier mot : vous auriez dû vous attaquer aux inégalités en matière de taxe professionnelle, qui sont le principal mal dont souffre nos communes, en proposant des mécanismes de péréquation, c’est-à-dire de prélever là où il y a beaucoup de recettes de taxe professionnelle avec des taux bas pour aider les collectivités dont les recettes de taxe professionnelle sont faibles. Il fallait faire cette péréquation horizontale entre les collectivités, sur un impôt qui est le plus inégalitairement réparti et qui crée le plus d’inégalités entre les collectivités. Or il n’y a rien en matière de péréquation parce que votre réforme est totalement improvisée et qu’elle est dangereuse pour notre économie, les collectivités et leur libre administration.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Monsieur le ministre, il est vrai que lorsque l’on examine cette réforme financière des collectivités locales, on ne peut qu’être très inquiet. Mais ce texte ne nous surprend guère parce que vous essayez de faire porter le chapeau de l’échec de votre politique aux collectivités locales. Je crois que vous n’avez pas tout à fait digéré la défaite de 2004 aux élections régionales et aux élections cantonales, ce qui fait qu’aujourd’hui, dans un esprit de revanche, vous essayez de faire croire qu’il y a une mauvaise gestion de ces collectivités et qu’elles seraient ainsi responsables de l’échec de la politique du Gouvernement.

Monsieur le ministre, on ne peut pas dire ça raisonnablement, et « sans esprit polémique » comme vous aimez à dire. Nous ne faisons pas de polémique, mais nous sommes obligés de constater que vous avez procédé à un transfert massif de compétences, notamment avec la loi sur les responsabilités locales. Or le but de ces transferts n’est à l’évidence ni la clarification des responsabilités ni une plus grande efficacité dans l’exercice des compétences transférées, mais bien plutôt le fruit d’une préoccupation strictement budgétaire de l’État, pour financer des baisses d’impôts aux plus favorisés ! Ce qui est dramatique dans votre opération, c’est que vous allez abaisser l’impôt sur les entreprises et que les collectivités locales seront obligées de le reporter sur les ménages.

M. Philippe Rouault. Et les efforts de gestion ?

M. Alain Néri. Là où votre opération est tout à fait inacceptable parce que d’une injustice rare, c’est que ce sont les ménages les moins favorisés qui seront les plus pénalisés. Vous le savez bien, monsieur le ministre : 50 % des Français ne paient pas l’impôt sur le revenu, donc ils n’ont pas bénéficié de votre baisse d’impôt sur le revenu. Il est vrai que vous aviez essayé de nous intoxiquer en disant qu’un sondage montrait que 83 % des Français étaient satisfaits de la baisse de l’impôt sur le revenu, alors que 50 % ne le paient pas ! Cela voulait-il dire que ces derniers étaient contents pour les autres ? Belle preuve de solidarité ! Non, tout cela nous prouve que vous manipulez l’opinion pour lui faire avaler la pilule !

Vous baissez également l’impôt sur la fortune, mais les ménages les plus modestes n’en bénéficieront pas ! Pourtant, ils seront, eux, contraints de payer l’augmentation des impôts locaux que vous nous imposez !

M. Patrick Ollier. Il vaut mieux être sourd que d’entendre de pareilles âneries !

M. Alain Néri. Il s’agit effectivement d’un transfert de charges, qui s’ajoute à d’autres. Ainsi, les départements ont été destinataires du RMI dès 2004, puis des routes nationales, du fonds de solidarité logement, et ils supporteront la charge des TOS des collèges dès 2006. Pour leur part, les régions ont pris en charge, en 2005, la formation des travailleurs sociaux, le fonctionnement des instituts de formation à des professions médicales et paramédicales, et, en 2006, elles devront pendre également en charge les TOS des lycées.

De plus, monsieur le ministre, ce transfert de compétences sans transfert des crédits afférents s’accompagne du désengagement de l’État dans des compétences exercées en commun auparavant, ainsi que de l’abandon de vos responsabilités dans des politiques publiques. À ce titre, pouvez-vous nous confirmer, oui ou non, que les contrats de plan, qui accusent un retard incontestable aujourd’hui, se verront prolonger d’une période de validité de deux ans ? Pouvez-vous nous le confirmer, oui ou non ?

Les ministres, et les responsables nationaux de votre sensibilité en appellent régulièrement aux collectivités locales pour venir en aide aux politiques que vous annoncez mais que vous ne financez jamais ! Dernier exemple en date : pour trouver 3 milliards d’euros nécessaires au financement du plan Borloo, le directeur de l’Agence nationale pour le renouvellement urbain se tourne vers les présidents de conseils généraux et de conseils régionaux en leur disant que le dispositif en train de sombrer et qu’il faut venir à son secours.

Dans le même temps, le Gouvernement se défausse sur les départements pour ce qui est de la prise en charge des personnes sans emploi. Vous nous dites que le nombre de chômeurs baisse, mais en réalité cette baisse est artificielle,…

M. François Grosdidier. N’importe quoi !

M. Alain Néri. …car ces chômeurs en moins basculent dans le RMI. Et, dans ce cas, la prise en charge de la détresse des plus défavorisés de nos concitoyens « bascule » sur les départements. Cela ne s’appelle-t-il pas précisément un transfert de charges ? Et ce sera encore une charge supplémentaire pour les conseils généraux. Face à l’augmentation du nombre de RMIstes et à l’absence de compensation, nous ne savons plus comment faire.

Je terminerai, monsieur le ministre, en vous disant une chose dont vous pourrez parler à M. Hortefeux, qui connaît bien le département du Puy-de-Dôme : dans ce département, on nous a remis une simulation qui montre que le plafonnement de la taxe professionnelle va nous coûter 2 millions d’euros. Un point de fiscalité représente 1,6 million. Vous êtes donc directement responsable de l’augmentation de 1,25 point de fiscalité locale, à laquelle s’ajoutent les coûts cachés de la décentralisation – on n’aura l’occasion de s’en expliquer –, qui représentent cinq points de fiscalité supplémentaires.

M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Néri.

M. Alain Néri. Donc, en réalité, l’État est responsable de six points et demi d’augmentation de la fiscalité dans le département du Puy-de-Dôme.

M. Yves Censi et M. François Grosdidier. Assumez vos responsabilités !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.


M. Jean-Pierre Soisson
.
En écoutant les différentes interventions depuis ce matin, vous pourriez penser, monsieur le ministre, qu’il est difficile de réduire, voire de limiter la progression de l’impôt dans ce pays !

M. Éric Besson. Et de réduire les inégalités aussi !

M. Jean-Pierre Soisson. La réforme proposée par le Gouvernement me paraît la réponse adaptée aux dérives constatées dans les régions et les départements en 2005. L’augmentation des impôts ne peut pas continuer !

En Bourgogne, la taxe professionnelle a augmenté de 75 % en un an. Une telle situation ne peut pas laisser indifférents les entreprises, les milieux professionnels et les pouvoirs publics. Elle appelle nécessairement une réponse. Comme cela a été souligné dans cet hémicycle, notre débat soulève le problème de la réforme de la fiscalité locale dans son ensemble.

Je m’en suis entretenu avec Henri de Raincourt et Charles-Amédée de Courson : les départements ne pourront pas continuer à financer leurs dépenses en se fondant uniquement sur la taxe professionnelle ou sur la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Une autre ressource devra être affectée, avec toutes les précautions nécessaires, aux régions et aux départements : nous n’éviterons pas le recours à la contribution sociale généralisée pour financer les dépenses locales.

Ce débat aura au moins eu le mérite de montrer que nous sommes au milieu du gué. Traversons la rivière et mettons en œuvre la réforme que j’appelle de mes vœux !

Celle-ci suppose néanmoins que l’on puisse mettre fin à l’enchevêtrement des compétences des collectivités locales : elle appelle donc une clarification et une simplification. Si l’on donne aux collectivités locales les moyens de financer leurs dépenses, on doit aussi leur demander de limiter leurs attributions aux textes et aux compétences définies par le législateur.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. S’il fallait limiter l’augmentation de la taxe professionnelle pour les régions, pourquoi avoir fait une réforme qui touche tout le monde ? Il fallait être plus clair dans vos intentions !

Je voudrais d’abord évoquer la question de l’autonomie des collectivités territoriales. Pour avoir œuvré à la suppression de la part salariale de l’assiette de la taxe professionnelle – essentiellement, d’ailleurs, à la demande des PME et des entreprises de services –, je me souviens avoir été sous le feu nourri des critiques, venant de tous les bancs, sur la question de l’autonomie des collectivités territoriales.

M. René Dosière. Et pourtant une compensation était prévue !

Mme Marylise Lebranchu. Tout à fait. Nous souhaitions donc réformer l’assiette de base ; or, beaucoup de membres de l’actuelle majorité poussaient des hauts cris, arguant que la mesure ne prévoyait pas de compensation « au franc, le franc », pour reprendre une formule bien connue – nous n’étions pas encore passés à l’euro.

La réforme dont nous débattons aujourd’hui est d’une tout autre nature. Il n’est pas question de compenser, mais de diminuer autoritairement une recette prévue. Ou, comme vous l’insinuez, les collectivités territoriales sont irresponsables et leurs prévisions sont idiotes ; ou les élus locaux sont raisonnables : dans ce cas, comment feront-ils ? Ils sont habitués à une gestion pluriannuelle avec les PPI. Comment désormais préserver ce mode de gestion rigoureux, fondé sur des simulations et des scénarios qui, par exemple, prennent en compte des sinistre industriels prévisibles ?

La région Bretagne dispose d’un petit budget : 750 millions d’euros. Si l’on applique la réforme telle qu’elle se présente, cela représentera au minimum 7,5 millions d’euros de moins, sachant que les impôts n’ont pas augmenté l’an passé et qu’un point d’impôt, dans cette région, représente 1,6 ou 1,7 million d’euros. Il faudra donc nécessairement trouver d’autres ressources.

M. Jacques Le Guen. Commencez par gérer correctement !

Mme Marylise Lebranchu. Vous pouvez vous énerver, monsieur Jacques Le Guen, mais RFF et l’État se faisant attendre, comment voulez-vous que la région trouve le milliard et demi nécessaire au financement du projet de TGV, alors que les participations de l’État et de RFF se font attendre et que chacun convient pourtant du bien-fondé du projet ?

M. Jacques Le Guen. Il faut bien faire des efforts et des choix !

M. François Grosdidier et M. Jacques Le Guen. Il faut gérer correctement !

M. le président. Mes chers collègues, laissez Mme Le Branchu s’exprimer.

Mme Marylise Lebranchu. J’ai l’habitude d’être interrompue et agressée par des gens discourtois, monsieur le président !

M. le président. Veuillez poursuivre sans interpeller directement vos collègues.

Mme Marylise Lebranchu. Je viens d’évoquer la région Bretagne et ce montage difficile, souhaité à juste titre par le président Pierre Méhaignerie et pour lequel une part de notre autofinancement fera défaut.

Les élus sont parfois de bons gestionnaires, certains sont réputés pour savoir attirer les entreprises. Je pense par exemple à la communauté de communes de Ploërmel. Elle n’est pas de gauche, loin de là, et celui qui la dirige fait souvent référence dans l’actuelle majorité. Il subira une perte de taxe professionnelle : c’est donc, n’est-ce pas, qu’il aura été irresponsable et peu rigoureux dans sa gestion ! Il ne le savait pas : je vais le lui apprendre !

Autre exemple : dans un pays sans atout géographique et éloigné de toute ville, la petite communauté de Baud a pourtant réussi à faire venir deux PME de qualité. Allez-vous aussi dire à cette communauté qui subira le plafonnement qu’elle n’est pas rigoureuse dans sa gestion ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Censi. Ce n’est absolument pas le sujet !

Mme Marylise Lebranchu. Vous avez voulu toucher aux prélèvements obligatoires. Quel en seront les effets sur les PME dynamiques et les entreprises de services, qui se trouvent actuellement dans une situation délicate ? C’est ce qu’éludent les études d’impact. En Bretagne, notre tissu d’entreprises étant essentiellement composé de PME, le plafonnement concernera plus de 50 % de la base d’imposition.

Nous sommes en train de rater le coche. Chacun sait que les pôles de compétitivité vont créer de lourdes différences entre les territoires : il faut donc revoir la réforme.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. À entendre certains dans cet hémicycle, l’impôt serait du vol ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) L’impôt permet d’offrir davantage de services aux populations et aux entreprises et de favoriser les investissements pour l’avenir.

M. François Grosdidier. Pas avec les cabinets pléthoriques de vos collectivités !

M. Yves Censi. Pour la gauche, c’est la propriété qui est le vol !

M. François Brottes. Chacun sait ici combien les pouvoirs publics soutiennent la formation, l’innovation, la recherche, l’aménagement du territoire grâce auquel les entreprises trouvent des sites viables et propices à leur développement. Tout cela ne se fait pas avec de la monnaie de singe ! Les collectivités locales – départements, régions, collectivités de proximité – disposent de fonds publics qui leur permettent de contribuer au développement économique et industriel de leur territoire. Ce n’est pas en baissant l’impôt que vous éviterez les délocalisations. Ce qui fait l’attractivité du territoire…

M. François Grosdidier. Ce n’est pas l’impôt, en tout cas !

M. François Brottes. Inutile de crier : écoutez plutôt ce que j’ai à vous dire, qui devrait vous étonner.

Sur quoi reposent les pôles de compétitivité, sinon sur l’injection d’argent public dans les territoires pour maintenir l’industrie ?

La puissance publique doit continuer à se donner les moyens d’intervenir pour favoriser le développement économique des territoires.

À mon sens, cette réforme obéit à trois mots d’ordre : improvisation, ingérence, injustice.

L’improvisation, d’abord. Les simulations qui nous ont été remises – nous vous en remercions – sont très approximatives, sinon fausses. Tout cela a sans doute été réalisé dans la précipitation, mais nous voilà privés d’une mesure d’impact précise.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. On ne vous en communiquera plus à l’avenir. Cela évitera ce genre de reproche !

M. François Brottes. L’ingérence ensuite. Votre réforme met à genoux les collectivités locales et bride leur autonomie. On leur en demande toujours plus, sans leur en donner les moyens. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Veuillez conclure.

M. François Grosdidier. Vous faites de l’obstruction, monsieur Brottes ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Brottes. Je n’ai pas épuisé mon temps de parole, mais puisque M. le président m’invite à écourter mon intervention, avec sa courtoisie habituelle,…

M. le président. Comme tout au long de cette matinée !

M. François Brottes. …je vais m’acheminer vers ma conclusion.

Troisièmement, votre réforme aura des effets pervers. Le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle est aujourd’hui alimenté par l’écrêtement du produit des communes ayant les bases les plus importantes. Or si l’on bride la capacité des collectivités à ajuster leur taux d’imposition, notamment lorsque survient un sinistre au niveau départemental – la fermeture d’Hewlett Packard en Isère, par exemple –,…

M. Jean-Pierre Gorges. Cela relève de la justice !

M. François Brottes. …comment sera alimenté ce fonds de péréquation qui est majoritairement destiné aux communes pauvres ? Dès lors que l’on bride le taux d’imposition et donc la capacité de réagir, on empêche toute péréquation. C’est là, sauf si j’ai mal compris la réforme et que vous me démontrez le contraire, un vrai risque pour les communes pauvres des départements, qui ne peuvent compter que sur la péréquation départementale.

Il faut donc supprimer l’article 67.

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. Nous sombrons dans la perversion fiscale. Les simulations très inquiétantes qui nous ont été remises révèlent des inégalités scandaleuses. Des communautés d’agglomération analogues à celle que j’ai l’honneur de présider, et dont le taux de chômage avoisine les 30 à 35 %, se voient taxées à 81 % ; celle de mon ami Michel Vaxès l’est à 88 %.

Comme nous n’avons eu ces documents que très tardivement, je sollicite une suspension de séance afin de réunir mon groupe et de peaufiner nos futures interventions.

M. le président. Il ne reste qu’un seul orateur inscrit sur cet article. Pouvons-nous l’entendre avant ?

M. Alain Bocquet. Dans ces conditions, je fais mon intervention.

M. le président. Vous avez la parole.


M. Alain Bocquet
. Monsieur le ministre, cette réforme de la taxe professionnelle s’inscrit dans une loi de finances dont l’objectif récurrent est de favoriser toujours et encore l’accumulation du capital sans se soucier du sort du monde du travail ni du développement solidaire des territoires, bref de la vie réelle de nos concitoyens : 6,2 milliards d’euros, au bas mot, seront ainsi soustraits au budget de l’État pour doper encore la rentabilité financière des entreprises, les gains des actionnaires et le train de vie des foyers les plus favorisés. À elle seule, la réforme de la taxe professionnelle coûtera 3,2 milliards d’euros aux finances publiques, dont 1,5 milliard au titre du plafonnement, réduisant de 13 % le rendement de cet impôt.

Ce cadeau fiscal bénéficiera, en majeure partie, aux grandes sociétés et à leurs filiales, qui utilisent déjà des subterfuges en matière de taxe professionnelle, ainsi qu’on peut le vérifier dans les différents territoires. Tel est le cas dans la communauté d’agglomération de la Porte du Hainaut, où un grand groupe a choisi la formule du leasing pour financer ses machines, ce qui lui permet d’éviter de payer la taxe sur cette partie du capital, avec toutes les conséquences financières que cela peut comporter pour nos collectivités.

Les communes, les agglomérations, les départements et autres collectivités territoriales étaient en passe d’être asphyxiées. Elles seront définitivement étouffées par la réforme de la taxe professionnelle.

Les simulations qui nous ont été communiquées montrent que les effets de cette mesure seront inégalement répartis. De grandes villes populaires subiront des contraintes drastiques, tandis que des communes aisées seront relativement épargnées par les conséquences du plafonnement. Cette injustice est d’autant plus inacceptable que l’argument selon lequel la réforme permettrait de créer un environnement favorable à l’emploi ne vaut pas : malgré toutes les exonérations de cotisations, tous les allégements d’impôt consentis au patronat depuis 2002, les créations d’emplois dans le secteur marchand restent au point mort. Au troisième trimestre, à peine 8 500 postes ont été créés en dépit d’une croissance de 0,7 %. Les largesses octroyées au capital servent uniquement à améliorer les marges et non à embaucher ou à augmenter les salaires.

Depuis des années, les députés communistes et républicains proposent une réforme de la taxe professionnelle qui consisterait à la moduler en fonction des efforts consentis pour l’emploi, la formation et l’augmentation des salaires. De cette réforme, pourtant démocratique et efficace, vous ne voulez pas.

Il est vrai que, dans le domaine fiscal, vous n’êtes pas à une erreur près. On marche même sur la tête : dans le cadre de la décentralisation et du transfert des charges, la part de la TIPP versée aux régions au titre de la compensation dépend – il fallait l’inventer ! – du volume de carburant utilisé localement ! Bonjour l’environnement, le développement durable, la sécurité routière !

Monsieur le ministre, votre politique fiscale ne tient vraiment pas compte les problèmes qui se posent aujourd’hui à notre société.

M. le président. La parole est à M. Éric Besson, dernier orateur inscrit sur l’article.

M. Éric Besson. En cette affaire, nous sommes victimes des promesses inconsidérées du président Chirac. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il avait annoncé tout à trac, lors de ses vœux il y a deux ans, une grande réforme de la taxe professionnelle, qui, sans mettre en cause l’autonomie financière des collectivités locales, pèserait moins sur les entreprises, notamment industrielles. Tout le monde se demandait comment le Gouvernement sortirait de la quadrature du cercle, le ministre de l’économie et des finances de l’époque, Francis Mer, faisant lui-même part de son scepticisme dans cet hémicycle. Nous savons aujourd’hui que c’est dans l’improvisation et l’injustice.

Cela est d’autant plus grave que la France connaît de graves inégalités de potentiel fiscal entre collectivités, aggravées par une gestion du budget de l’État qui vient compliquer le financement jusqu’à présent habituel d’infrastructures, notamment au titre de la DGE. À l’heure actuelle, dans nombre de communes, des maires apprennent ainsi que là où, d’habitude, ils bénéficiaient de l’aide de l’État pour leur salle dite d’animation rurale ou leur salle des fêtes, il n’en ira plus de même.

La réforme en cours aggrave encore ces injustices, et nous avons bien fait, monsieur le ministre, de vous demander la semaine dernière des simulations ; ces dernières les illustrent et montrent pourquoi vous n’encouragez pas les comportements vertueux.

Je prendrai l’exemple de ma commune, non que mes collègues et moi-même soyons obsédés par nos collectivités locales au point, comme vous l’avez suggéré la semaine dernière, de raisonner en potentats locaux – j’accepte totalement, pour ma part, les conditions dans lesquelles nous allons devoir agir –, mais parce que c’est celui que je connais le mieux.

Je suis maire depuis dix ans d’une commune défavorisée. Et bien que soumis à une très forte concurrence de voisins qui bénéficient de l’implantation d’une centrale nucléaire, nous n’avons pas touché au taux de la taxe professionnelle pendant dix ans. Or, selon les tableaux que vous nous avez fournis, ma commune, qui compte 4 455 habitants et dont les bases de taxe professionnelle sont de 8,56 millions, sera désormais plafonnée à 69,8 %. C’est une sanction extrêmement lourde pour une commune défavorisée où le taux de chômage est élevé et dont les élus ont tout fait pour attirer des activités industrielles, indispensables notamment pour notre population jeune et féminine très faiblement qualifiée.

La commune voisine de Saint-Paul-Trois-Châteaux accueille la centrale nucléaire EDF sur son territoire. Si je reprends vos simulations, cette ville, dont la population est de 7 600 habitants et dont les bases de taxe professionnelle sont de 91 millions d’euros, sera, elle, plafonnée à 53 %, contre 69,8 %, je le répète, pour la mienne. Voilà un exemple d’injustice flagrante entre deux communes situées à quelques kilomètres l’une de l’autre.

Monsieur le ministre, ce que vous faites va susciter un tollé général dans nos départements. Je comprends mieux maintenant vos réticences et vos scrupules à nous fournir les simulations. Désormais, non seulement vous allez entendre les élus locaux, mais, en plus, ils vont expliquer à la population comment vous aggravez les injustices. Cela vous promet des jours difficiles.

M. le président. Nous en avons terminé avec les interventions sur l’article 67.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour de l’assemblée

M. le président. L’ordre du jour des séances que l’Assemblée tiendra jusqu’au jeudi 8 décembre inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Ce document sera annexé au compte rendu.

Par ailleurs, les quatre premières questions au Gouvernement du mercredi 30 novembre seront consacrées à la lutte contre le sida.

La conférence des présidents a également décidé que le vote solennel sur le projet relatif au retour à l’emploi et au développement de l’emploi aurait le mardi 6 décembre après les questions au Gouvernement.

Enfin, les deux projets tendant respectivement à modifier les dates de renouvellement du Sénat et à proroger la durée du mandat des conseillers municipaux et des conseillers généraux renouvelables en 2007, inscrits à l’ordre du jour du mardi 6 décembre, donneront lieu à une discussion générale commune.

Ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Articles non rattachés (suite),

Articles de récapitulation,

Éventuellement, seconde délibération.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures vingt-cinq.)