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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 7 décembre 2005

93e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

Loi de finances rectificative pour 2005

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2005 (nos 2700, 2720).

Nous abordons la discussion générale.

Discussion générale

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, premier orateur inscrit.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je ne reprendrai pas l’excellente démonstration de Didier Migaud, mais je rappellerai tout de même que, de 1997 à 2002, les comptes de la France répondaient aux critères de l’euro et que ceux de la sécurité sociale étaient équilibrés.

L’audit que vous avez commandé en 2002, avait prévu que le déficit devrait s’élever à 2,6 %. Acceptez son résultat ! Malheureusement, du fait de votre politique, nous dépassons les 3 %, même si vous avez tenté de nous faire croire en présentant ce collectif, monsieur le ministre, qu’il se situait à 3 % ! Or ce déficit est artificiel, puisqu’il tient compte de la soulte de France Télécom. Quelle est donc la situation aujourd’hui ?

La croissance est largement inférieure à ce qu’avait, à l’époque, prévu Nicolas Sarkozy. Alors qu’elle devait être de 2,5 %, elle atteindra peut-être 1,5 %. Le prix du pétrole s’est envolé, mais vous avez toujours refusé de prendre en compte les effets négatifs pour les ménages de la hausse de cette facture pétrolière qui a tout de même entamé les performances de croissance. Le pouvoir d’achat est en berne et bien inférieur à ce qu’il était en 2002. Enfin, vous vous glorifiez de la baisse du chômage, dont vous savez pertinemment qu’elle est artificielle. En effet, l’emploi salarié n’aura progressé que de 0,3 % sur un an, avec une forte baisse des effectifs industriels, tandis que les défaillances d’entreprises continuent leur forte progression : en hausse de 3,3 %, elles atteindront cette année 42 018 cas.

Au total, la lecture du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi conduit à une remise en cause générale de toutes les prévisions et hypothèses présentées par Nicolas Sarkozy à l’automne 2005. Vous pourriez dire, à juste titre, monsieur le ministre, que la situation laissée par votre prédécesseur était calamiteuse, comme avait eu le courage de le reconnaître Alain Juppé en 1995 !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Mon prédécesseur n’est pas Laurent Fabius ! Si tel avait été le cas je l’aurais dit !

M. Augustin Bonrepaux. Il y a eu un intermède avec M. Gaymard, mais votre prédécesseur était Nicolas Sarkozy, même si vous êtes gêné de le reconnaître, alors que cela vous fait plaisir !

Le déficit pourrait donc, au mieux, atteindre 3 % du PIB cette année, voire dépasser ce chiffre.

Quant à la dette, vous voulez nous donner des leçons de gestion, mais vous n’avez pas de quoi être fier. Elle explose en effet uniquement sous les gouvernements dont vous avez la responsabilité : 17 % sous les gouvernements Balladur et Juppé et 9 % aujourd’hui.

De plus, que faites-vous en faveur des collectivités locales ? Vous leur transférez des charges, tout en leur interdisant d’augmenter les recettes et en les poussant à l’emprunt. Hervé Mariton, d’ailleurs, n’a cessé de reprocher aux différents élus de ne pas y avoir eu recours. Or les élus sont peut-être parfois plus responsables que certains ministres. C’est pourquoi, ils rencontreront effectivement beaucoup de difficultés, car ils refuseront d’endetter leurs collectivités, ce qui laisse mal augurer des investissements et du fonctionnement des services publics.

La situation financière est donc déplorable.

Quelles mesures proposez-vous dans ce collectif ?

En plafonnant la taxe professionnelle, vous étranglez totalement les collectivités locales. Trois articles sont intéressants, puisqu’ils reconnaissent qu’il y a eu une erreur d’appréciation dans les évaluations et cela, comme toujours, à l’avantage du Gouvernement. Il admet finalement une dette de 406 millions d’euros, mais la réalité est tout autre, puisque les comptes administratifs des départements font état d’un déficit de 487 millions. Là aussi, vous essayez de « rabioter » ! Cela prouve que nous avions raison lorsque nous avons dénoncé le transfert précipité du RMI, lorsque nous disions que la TIPP n’était pas une ressource évolutive et qu’il se produirait un transfert des charges de l’État vers les collectivités locales.

Aujourd’hui, ces comptes irréfutables nous donnent raison. Le détail de ce total montre qu’il existe de fortes disparités entre les départements. Les 29 millions pour le département du Nord ou les 16 millions pour celui du Pas-de-Calais, qui seront certes compensés, donnent la mesure du déficit qui s’annonce pour l’année prochaine. Le dispositif que vous proposez pour rattraper l’année 2004 n’est donc que provisoire.

Pourtant, vous refusez de prendre en compte les propositions de la commission consultative d’évaluation des charges puisque vous ne voulez pas intégrer le déficit dans la masse, ce qui réduirait effectivement les charges de moitié.

Quelle est la situation pour 2005 ?

Le déficit a doublé parce que le nombre de RMistes a augmenté – même si certains départements ont essayé de le limiter – et que vous avez vous-même, décidé une augmentation de 1,8 % du RMI. Vous avez plafonné la taxe professionnelle du département du Nord à près de 75 %. Pour un département que je connais bien, celui de l’Ariège, le déficit s’élève à 2,5 millions, soit cinq points d’impôts. Vous me répondrez que je ne cite pas les mêmes chiffres qu’il y a quelques jours. C’est vrai mais j’ai eu connaissance, depuis, des comptes de novembre qui font état d’une nouvelle aggravation du déficit. Avec la réforme de la taxe professionnelle, ces cinq points d’impôts représentent 8,75 % des impôts pour les ménages. À vous entendre, la décentralisation ne se traduit pas par une augmentation d’impôts. Comment alors peut-on combler ce déficit ? Quelqu’un peut-il ici me répondre ?

Ces comptes laissent, par ailleurs, apparaître que la compensation de la TIPP est inférieure à ce qu’elle était lorsqu’elle nous a été transférée en 2003. Vous ne respectez pas les règles constitutionnelles. Quand en prendra-t-on conscience ? J’aurai l’occasion, lorsque je défendrai la motion de renvoi en commission, de donner un certain nombre d’arguments, qui émanent aussi de votre majorité, et dont vous devrez tenir compte.

L’article 3 montre également que le problème est le même pour les régions. On nous a dit qu’elles ne supportaient pas les charges de la décentralisation. Or nous nous apercevons aujourd’hui qu’on leur doit 43 millions. Si les décisions avaient été prises l’année dernière, avant le vote du budget, les augmentations d’impôts auraient été beaucoup plus limitées.

Si vous ne prenez pas de décision maintenant, vous devrez assumer la responsabilité des futures augmentations d’impôts.

Par ailleurs, non contents d’avoir baissé l’impôt sur le revenu et l’impôt de solidarité sur la fortune, vous vous attaquez maintenant à l’épargne, et pas n’importe laquelle. Quand il s’agit des actions, vous prenez des mesures d’allégements fiscaux. En revanche, vous vous montrez très sévères avec l’épargne réglementée. J’en veux pour preuve la baisse autoritaire du taux du livret A à 2 %.

M. Michel Bouvard. Si le taux du livret A a diminué, c’est parce que les taux d’intérêt avaient baissé !

M. Philippe Auberger. Le taux du livret A augmentera le 1er février !

M. Augustin Bonrepaux. Effectivement, il sera porté à 2,25 % parce que les taux d’intérêt augmentent.

M. Michel Bouvard. Voilà !

M. Augustin Bonrepaux. Le gain sera donc nul pour le contribuable.

Vous avez également réduit le taux du plan épargne logement.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’Etat. Vos amis ont voté pour !

M. Augustin Bonrepaux. Le groupe socialiste de l’Assemblée nationale vous a déjà fait savoir qu’il ne le voterait pas.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Mais le groupe socialiste du Sénat l’a voté !

M. Philippe Auberger. Ils n’en sont pas à une contradiction près avec le groupe socialiste du Sénat !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous êtes gêné, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. Tout à l’heure, vous allez encore nous présenter des amendements dans la précipitation parce que vous n’avez pas bien préparé ce projet. Il a donc pu arriver que l’un de nos camarades du Sénat se trompe à une ou deux heures du matin.

M. Philippe Auberger. Ce n’est pas gentil pour les sénateurs !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je le dirai à Nicole Bricq !

M. Augustin Bonrepaux. Vous pouvez !

M. le président. N’interrompez pas M. Bonrepaux, il va conclure !

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, je suis bien obligé de répondre au ministre lorsqu’il m’interrompt !

En tout cas, monsieur le ministre, vous diminuez le taux de l’épargne réglementée, c'est-à-dire celle qui bénéficie aux plus modestes tandis que vous distribuez toutes les largesses à l’autre. Une fois de plus, vous pratiquez l’injustice.

Vous prenez, là encore, une décision à crédit car, vous le savez, cette mesure ne s’appliquera que dans cinq ans, c'est-à-dire au mieux en 2012. Il reviendra donc à vos successeurs d’en assumer la réalisation.

La taxe sur les billets d’avion constitue un geste en faveur de la solidarité. On aurait donc pu penser que cette disposition susciterait l’enthousiasme sur les bancs de la majorité. Au contraire, on assiste à une levée de bouclier, le groupe UMP étant plus habitué à tenir un discours de réduction que de solidarité. En tout cas, si la mesure a pu être adoptée en commission, c’est grâce au groupe socialiste, qui continuera à refuser tous les amendements de suppression déposés par vos amis.

Néanmoins nous sommes conscients que cette taxe ne suffit pas et qu’il faut en revenir à une taxation des transactions financières pour dégager davantage de moyens en faveur de la solidarité et pour lutter contre la spéculation. Mais de cela, vous ne voulez pas, à tel point que le rapporteur général a déposé un amendement de suppression pour le retirer ensuite car il s’est retrouvé un peu penaud.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Je voulais vous faire plaisir, monsieur Bonrepaux ! C’était ma minute d’indulgence !

M. Augustin Bonrepaux. Finalement, vous ne voulez pas de cette solidarité, non plus que la régularisation des transactions financières.

Monsieur le ministre, vous comprendrez donc que nous voterons contre cette loi de finances rectificative pour 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, s’agit-il d’un projet de loi de finances rectificative chargé d’ajuster des recettes et des dépenses par rapport à la loi de finances initiale…

M. Michel Bouvard. Oui !

M. Charles de Courson. …ou d’un texte fourre-tout qui reprend ce que vous n’avez pas pu introduire dans la loi de finances initiale pour 2006 ?

Si vous n’êtes certes pas le premier à faire ce genre de choses, il n’est pas acceptable pour un Parlement digne de ce nom que de nombreux amendements, et non des moindres, tombent à la dernière minute. Qu’on en juge : 400 millions pour la prime de Noël, des amendements d’annulations correspondants et un amendement qui vise à faire récupérer par l’État 2,5 des 5 milliards d’euros de dettes du FFIPSA à la fin de l’année. Et l’on attend aussi l’amendement relatif à la TVA sur les péages autoroutiers qui porte sur 1 milliard d’euros environ, cet amendement dont nous avons eu connaissance par la presse mais que le Gouvernement n’a toujours pas déposé.

M. François Rochebloine. On l’attend !

M. Charles de Courson. De telles méthodes de gestion des finances publiques sont peu transparentes.

Sur le fond, le Gouvernement ne tient pas assez compte des incertitudes de la conjoncture sur les évaluations des recettes fiscales puisqu’il maintient sa prévision de croissance du PIB révisée à 1,75 % en volume. La croissance acquise à la fin du troisième trimestre atteint 1,4 %. Il suffirait donc d’une croissance de l’ordre de 0,35 % au quatrième trimestre pour que l’objectif gouvernemental soit atteint.

Malheureusement, d’après l’INSEE, les indicateurs avancés en matière de consommation pour le quatrième trimestre ne sont pas bons. En octobre, la consommation a chuté de 0,6 % et le moral des ménages s’est encore dégradé en novembre, l’indice tombant à moins 33 points, contre moins 30 points au mois octobre, soit l’un des plus bas niveaux depuis de nombreuses années. Il semble que les événements survenus dans les banlieues aient contribué à cette chute brutale.

En matière d’investissements, les entreprises paraissent vouloir reprendre un rythme plus soutenu sans que cette reprise soit très importante.

En ce qui concerne les exportations, on constate depuis de nombreux mois déjà une perte de compétitivité de la France qui se traduit par une dégradation de nos parts de marché et cela pèse sur notre croissance.

Aussi, le groupe UDF estime-t-il, comme l’OCDE, la Commission européenne et le consensus des experts, que la prévision de croissance pour 2005 est légèrement surestimée de 0,2 point. Les amateurs de statistiques me répondront que c’est moins que l’incertitude sur l’indicateur, mais soyons prudents !

Vous évaluez les pertes de recettes fiscales à 2,8 milliards, sans changement d’ailleurs par rapport aux prévisions intégrées dans la loi de finances pour 2006, ce qui n’est pas déraisonnable, car un milliard d’euros supplémentaire pourrait manquer.

En revanche, les 800 millions de recettes non fiscales supplémentaires sont, comme d’habitude, constituées d’une augmentation des recettes de poche : 600 millions sur la COFACE et 600 millions au titre du reversement de la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat. Ces deux principales recettes compenseront la chute de 750 millions d’euros des cessions du patrimoine immobilier de l’État.

Le Gouvernement tient ses objectifs en matière de dépenses et de solde par des annulations massives de crédits qui portent sur une proportion sept fois plus élevée sur les crédits d’investissement que sur les crédits de fonctionnement.

Les annulations de crédits prévues dans les décrets d’avance, décrets d’annulation – compte non tenu de l’amendement portant sur 400 millions qui a été déposé tout à l’heure mais qui ne change pas fondamentalement les chiffres – représentent 5,5 milliards. Elles portent sur 3,9 milliards d’euros de crédits de fonctionnement, soit 1,5 % des 258 milliards de crédits ouverts en fonctionnement, et sur 1,6 milliard d’euros de crédits d’investissement, soit 5,3 % des 30 milliards de crédits d’investissement civils et militaires.

D’un autre côté 98 % des ouvertures de crédits concernent les dépenses de fonctionnement, soit 2,2 milliards d’euros. Au total, les annulations nettes des ouvertures de crédits atteignent 1,8 milliard pour les crédits de fonctionnement, soit une baisse de 0,8 %, et 1,6 milliard pour les crédits d’investissement, soit une diminution de 5,3 %.

La dérive des finances publiques conduit donc vers toujours plus de dépenses de fonctionnement et toujours moins d’investissements. Il ne reste plus aujourd’hui que 16 milliards d’investissements civils, soit 5,6 % du budget de l’État.

Au total, la réduction du déficit budgétaire s’élève à 1,1 milliard – 44,6 milliards au lieu de 45,7 milliards –, puisque la réduction nette de dépenses de 3,1 milliards permettra de compenser une perte nette de recettes de 2,2 milliards.

J’en viens au volet fiscal et à sept points dont le traitement conditionnera le vote final du groupe UDF.

Premier point : la taxe de solidarité sur les billets d’avion.

En l’état des positions de nos partenaires, notamment européens, le groupe UDF ne votera pas cette mesure. En effet si nous sommes tous d’accord sur la majoration de 200 millions d’euros pour lutter contre les pandémies, il suffirait de voter des amendements visant à annuler des crédits prévus sur d’autres missions de l’État. L’UDF est contre une telle disposition, car cette taxe ne devrait être mise en œuvre que dans un cadre communautaire. À défaut, elle sera antiéconomique car elle se traduira par une perte de richesses évaluée par les professionnels à 100 millions d’euros environ et la destruction de 3 000 emplois. J’ajoute que cette mesure est discriminatoire : pourquoi l’appliquer seulement au transport aérien et non au TGV, qui lui est substituable ?

Deuxième point : la TVA sur les péages autoroutiers.

En la matière, vous n’avez toujours pas déposé les amendements relatifs à cette disposition.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Nous avons appris par la presse qui nous a communiqué les amendements du Gouvernement – méthode pour le moins originale – que vous voulez inverser une règle de droit. En effet, quand une entreprise se trompe dans une facturation de TVA, elle doit supporter la charge de son erreur, ce qui est logique. Or vous proposez de faire payer à leurs clients le prix de l’erreur commise, et cela malgré une décision de la Cour de justice des Communautés européennes et un arrêt du Conseil d’État en date de la fin du mois de juin 2005 qui a annulé une circulaire de l’un de vos prédécesseurs, Mme Parly, donnant instruction aux sociétés d’autoroute de ne pas émettre les factures permettant le remboursement de la TVA.

Je vous le dis tout net, monsieur le ministre, un tel amendement aura des effets catastrophiques puisqu’il aboutira à fragiliser encore un peu plus un secteur dont 25 à 30 % des entreprises sont déjà en déficit et qui ne gagne qu’à peine 0,2 point de chiffre d’affaires. Vous allez faire descendre les transporteurs routiers dans la rue. Vous feriez mieux, comme je le propose, d’étaler dans le temps le remboursement de la dette ainsi constatée, ce qui a pu être fait dans d’autres domaines.

Troisième point : vous venez de déposer un amendement portant sur une reprise de la dette du FFIPSA de 2,5 milliards.

Cela fait deux ans que le groupe UDF soulève ce problème. L’État a préféré ne pas reprendre la dette du BAPSA, qui s’élevait à 3,2 milliards lors de sa suppression, afin qu’elle n’apparaisse pas dans l’exécution du budget de l’État, et la transférer au FFIPSA. Cependant comme aucune mesure de redressement du FFIPSA n’a été prise, il continue à perdre entre 1,7 et 1,9 milliard d’euros chaque année. Sa dette devrait donc s’élever à 5 milliards à la fin de l’année et à 6,7 milliards environ l’année prochaine. Vous proposez de récupérer ces 2,5 milliards de dette, ce qui sera considéré comme une perte dans le compte de résultat de l’État.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Non !

M. Charles de Courson. Bien sûr que si, monsieur le ministre ! Cela veut dire que vous vous appauvrissez de 2,5 milliards, et nous le constaterons lors de la loi portant règlement définitif du budget.

Néanmoins la question de fond qui est posée au Gouvernement n’est pas là ; elle est beaucoup plus grave : comment trouver des recettes permanentes pour rééquilibrer le FFIPSA ? Nous attendons toujours votre position, monsieur le ministre. Nous avons pris connaissance d’un amendement cet après-midi mais nous n’avons eu aucune explication, pas même de la part du rapporteur général qui nous a répondu que vous réfléchissiez. Je rappelle que nous approchons de la fin décembre.

Quatrième point : les finances départementales.

Sous la pression des présidents de conseil général, vous avez décidé d’abonder de 475 millions les compensations versées au titre du RMI, mais cette rallonge exceptionnelle concerne l’année 2004 et elle ne sera pas reconductible en 2006 pour l’année 2005. Monsieur le ministre, votre politique budgétaire à l’égard des collectivités locales va se traduire par une véritable catastrophe dans les départements.

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Charles de Courson. À titre d’exemple, l’augmentation des prestations définies par l’État, y compris la prestation de compensation du handicap, la PCH, dont on attend toujours la définition, se traduit dans mon département – lequel a la fiscalité la plus basse de France...

M. Michel Bouvard. Pas pour tout !

M. Charles de Courson. ...car il a été le plus rigoureux dans sa gestion – par un coût supplémentaire de 32 millions nets des transferts de recettes en six ans. Cette somme se décompose en 22 millions qui sont imputables à la gauche, à cause surtout de l’APA et des 35 heures, et en un peu plus de 10 millions du fait des deux derniers gouvernements. J’ai aussi intégré les mesures concernant le SDIS pour 4 millions qui se partagent équitablement entre les deux.

Sachant qu’un point de fiscalité vaut, dans le département de la Marne, 1 million, il nous a fallu augmenter en deux ans la pression fiscale de 19 millions. Pourtant, elle était restée constante depuis vingt ans ; elle avait même diminué. Qui dit mieux ? Nous avons décidé de ne pas y toucher l’année prochaine et l’année suivante non plus, mais nous ne pourrons pas tenir indéfiniment.

Le problème est réel. Le Premier ministre va recevoir les présidents de conseil général le 15 décembre, mais que pourra-t-il leur dire puisque la loi de finances est quasiment bouclée ? Il leur vendra des commissions et des études, mais la réalité n’en sera pas changée pour autant.

Cinquième point : la fiscalité de l’épargne.

Vous allez certes dans la bonne direction, monsieur le ministre, mais, comme je l’ai souligné à plusieurs reprises en commission ainsi que le rapporteur général, il existe un double problème d’équilibre.

Tout d’abord, le dispositif de taxation des plus-values qui nous est présenté est excessif pour ceux qui détiennent des valeurs mobilières dans des sociétés de capitaux et insuffisant pour ceux qui possèdent des parts dans des sociétés de personnes ou des entreprises individuelles. Il faut trouver un plafond homogène de façon à ne pas créer de discrimination entre les différentes structures juridiques.

Ensuite, il existe une disparité entre le placement direct en valeurs mobilières dans les entreprises, individuelles ou de capitaux, et le placement indirect via les PEA et l’assurance-vie. L’UDF a donc proposé un mécanisme destiné à restaurer l’équité. Notre rapporteur général nous a promis qu’il essaierait de déposer un amendement qu’il sait perfectible. Nous ne soutiendrons la réforme de la fiscalité de l’épargne que dans la mesure où elle sera équilibrée et plafonnée de façon à éviter que les plus riches soient totalement exonérés là où les moyens et les petits ne le seraient que pour une faible part.

Sixième point : les cotisations sociales agricoles des exploitants agricoles en Corse.

C’est la cinquième fois en quinze ans que les gouvernements successifs nous soumettent des annulations de dettes sociales et fiscales. Les quatre premières mesures ont été autant d’échecs et, au sein de la commission Glavany à laquelle j’ai eu l’honneur d’appartenir, tout le monde était d’accord sur le fait qu’il ne fallait plus continuer à prendre en charge et à annuler les dettes fiscales et sociales. Pourtant, on continue ! Certes, les montants sont modestes : 5,7 millions. En ce qui me concerne, je ne sais plus comment expliquer ce type de mesure aux exploitants marnais qui paient leurs cotisations sociales. Je ne voterai donc pas cette disposition. J’ai toujours essayé d’être un bon républicain et je ne voterai pas un dispositif qui aboutit au résultat inverse à l’objectif visé, c’est-à-dire un minimum d’équité fiscale.

Septième et dernier point : l’assimilation au plan fiscal du complément de retraite mutualiste, le COREM, et du PERP.

Elle ne se justifierait que si les avantages fiscaux correspondants étaient conditionnés aux mêmes règles. J’ai déposé un amendement en ce sens, monsieur le ministre, et j’espère que vous le soutiendrez.

Voilà les sept points sur lesquels je voulais intervenir car les mesures fiscales sont beaucoup plus importantes que la loi de finances rectificative proprement dite. C’est en fonction des réponses qui me seront faites par le Gouvernement et la majorité que le groupe UDF arrêtera sa position finale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le projet de loi de finances rectificative qui nous est présenté cette année a la curieuse prétention de rompre avec la logique qui voulait que les collectifs budgétaires se présentent comme de véritables auberges espagnoles. Malheureusement, il ne se contente pas de finaliser l’exercice budgétaire puisqu’il propose un nouveau train de mesures fiscales destinées à gonfler le portefeuille des contribuables favorisés et à privilégier le capitalisme boursier au détriment d’une économie valorisant l’emploi stable et le travail correctement rémunéré.

Avant que d’en venir à l’inventaire de ces mesures, je me permets d’abord de relever qu’en faisant apparaître un creusement du déficit à 46,8 milliards d’euros, au lieu des 45,2 milliards prévus à l’origine, le présent projet de loi jette une lumière peu flatteuse sur la sincérité de vos lois de finances initiales. Je le souligne car, assez régulièrement, le Gouvernement se fait fort de faire taire toute critique sur les évaluations parfois hasardeuses auxquelles il se livre. Il s’en prend cette année encore aux oiseaux de mauvais augure qui, notamment à Bruxelles, pronostiquent des résultats économiques en deçà de ses prévisions bien optimistes.

Il est tout de même frappant, monsieur le ministre, que vous en appeliez aujourd’hui à la responsabilité des Français plutôt que de vous interroger sur la pertinence de vos choix politiques et budgétaires. Ainsi, vous ne mettez aucunement en cause l’inadaptation, pourtant criante, de vos mesures au regard non seulement de votre objectif principal, à savoir l’emploi, mais aussi des attentes de nos concitoyens en termes de justice sociale et de pouvoir d’achat. Votre refus, pour la deuxième année consécutive, de décider un rattrapage de la prime de Noël à hauteur de l’inflation est révélateur de vos choix politiques.

J’ajoute que l’aggravation du déficit, qui était attendue bien que constamment sous-estimée par Bercy, est d’autant plus préoccupante à nos yeux qu’elle découle notamment le fruit de moins-values fiscales qui s’élèvent à 2 milliards d’euros et que l’année qui s’achève aura été marquée par des annulations de crédits records de 6 milliards d’euros. Votre politique économique est un échec mais vous demeurez droits dans vos bottes, insensibles à l’ensemble des signaux qui devraient vous alarmer.

J’en viens maintenant aux mesures prévues dans le projet de loi et, tout d’abord, à sa mesure clef : la réforme des plus-values sur les cessions d’actions.

Votre majorité s’est attachée, depuis quatre ans, à défendre une politique systématique de réorientation de l’épargne vers les placements en actions. C’est ce choix qui nous vaut encore aujourd’hui la mesure d’exonération des plus-values réalisées sur les actions cédées après huit ans de détention.

Curieusement, le Gouvernement et la plupart des parlementaires de la majorité n’ont jamais de mots assez forts pour se lamenter sur les effets néfastes de la globalisation financière sur notre économie. Elle nous est toujours présentée comme une terrible fatalité à l’annonce des plans sociaux et des restructurations qui se multiplient alors qu’ils n’ont plus aujourd’hui pour seule justification que la fameuse création de valeur pour les actionnaires. Les fonds de placement opèrent une pression destructrice sur l’emploi, les salaires et les investissements productifs. Vous savez fort bien que les mesures que vous préconisez n’ont d’autre objet que d’alimenter cette logique. Rien ne sert donc de verser ensuite des larmes de crocodile sur les dégâts causés.

Vous êtes malheureusement fidèles à la politique que vous poursuivez depuis quatre ans et qui ne vise qu’à favoriser le capital au détriment du travail. En témoignent le CAC 40, les profits qui ont augmenté de plus de 60 % en deux ans et les salaires des patrons qui ont progressé, durant la même période, entre 9 et 14 %. La caissière de Carrefour, elle, a dû se contenter d’une hausse de salaire de 1,7 %.

Nous estimons quand à nous que l’État doit prendre ses responsabilités. En matière d’épargne, cela signifie avant tout qu’il doit garantir à l’épargne réglementée des taux satisfaisants. Cette dernière, qui n’est pas liée au rendement du travail, pourrait en effet constituer un authentique levier pour le développement économique, en permettant de réorienter les masses financières disponibles vers des investissements utiles à la collectivité : 1’emploi, la formation, la recherche, la construction de logements, le rééquilibrage de nos territoires.

Vous ne proposez, vous, que de reverser le capital au capital en vous faisant les chantres d’une fuite en avant. Dès lors, comment apprécier l’unique mesure du projet de loi qu’il faut bien qualifier de généreuse : la mise en place de la fameuse taxe sur les billets d’avion ? Que pèse-t-elle face à la prodigalité dont vous faites preuve avec tant d’opiniâtreté à l’endroit des plus favorisés ? Cette taxe parafiscale devrait rapporter au mieux 200 millions d’euros alors que le bouclier fiscal coûtera à lui seul 400 millions d’euros, dont 250 millions au profit des 14 000 ménages français les plus aisés ? Pourquoi en faire peser le coût sur les usagers et non pas sur les compagnies pétrolières qui fournissent le kérosène et dont les profits faramineux permettent raisonnablement de penser qu’elles pourraient être mises à contribution ? Je rappelle que les profits de Total ont battu des records historiques : 12 milliards, à comparer aux 200 millions d’euros proposés par le Président de la République. Quant aux cinq plus grandes compagnies pétrolières du monde, elles ont engrangé 100 milliards d’euros de profits. Nous voici projetés dans une autre dimension.

Il ne faudrait pas oublier la taxe Tobin sur les transactions financières qui, même fixée au taux dérisoire de 0,1 %, rapporterait plus de 80 milliards d’euros. Une telle manne, tout le monde le reconnaît, permettrait de régler les problèmes d’alimentation, de santé et d’éducation des pays défavorisés. Qu’est-ce qui empêche une telle décision ? Certainement pas sa complexité de mise en œuvre : il suffirait de faire preuve d’un peu de volonté politique, certes à l’échelle mondiale. Mais si l’on ne pose pas la question, on ne risque pas d’avancer en matière de coopération et d’aide aux pays défavorisés.

Vous nous dites que la plupart des mesures fiscales que vous nous présentez ont vocation à renforcer l’attractivité de notre territoire. Il s’agit encore d’une supercherie, à moins qu’il ne faille parler d’aveuglement, voire d’erreur si l’on est plus indulgent.

Vous n’avez de cesse de faire de la fiscalité et du niveau des prélèvements obligatoires le bouc émissaire de nos difficultés économiques. Vous n’avez jamais de mots assez forts pour fustiger le caractère prétendument confiscatoire de l’impôt. La baisse des impôts est présentée comme l’alpha et l’oméga de votre politique économique, mais elle s’adresse seulement aux plus privilégiés, dont vous nous expliquez sans rougir qu’ils sont la force vive de notre pays.

Or Patrick Artus, je tiens de nouveau à le rappeler, nous explique que les plus riches « ne font rien d’utile de leurs milliards et que leurs profits ne servent ni à la demande ni à l’investissement ». Encore qu’avec la TVA sur les péages autoroutiers, vous soyez peut-être en train d’inventer l’impôt sur l’impôt.

Plus grave encore, ce discours traduit votre ignorance des réalités socio-économiques. Dois-je rappeler que le conseil des impôts, pourtant peu suspect de gauchisme, avait lui-même pris le contre-pied de vos analyses, en partie à son corps défendant, notamment lorsqu’il soulignait cette évidence : « Pour les personnes physiques en situation de choisir la localisation de leurs activités, comme pour les entreprises, le paramètre fiscal n’est qu’un élément dans un arbitrage complexe. Celui-ci peut faire intervenir l’offre de services publics, les mécanismes de protection sociale, le coût de la vie, et surtout, le salaire offert dans les autres pays pour des fonctions analogues » ?

Ce qui se trouve affirmé ici à demi-mot, c’est qu’une politique sociale ambitieuse, la promotion de services publics de qualité, une politique des salaires dynamique et la recherche sont des facteurs d’attractivité essentiels, qui ont, en outre, la vertu tout aussi essentielle d’intéresser l’ensemble de nos concitoyens et non la caste restreinte de ceux que vous privilégiez.

De même, contrairement à vos affirmations, les PME indépendantes – celles qui ne relèvent pas de la déconcentration des grands groupes – n’ont pas tant besoin des cadeaux fiscaux que vous proposez d’accorder à leurs propriétaires que de crédits à taux bonifiés – c’est-à-dire dont les frais sont limités – pour financer durablement leur activité et leurs emplois. Elles ont également besoin de crédits pour la recherche-développement, alors que ce sont aujourd’hui les grands groupes qui monopolisent le soutien public. Plus que tout, elles ont besoin que les grands donneurs d’ordre arrêtent de les saigner, ce qu’elles n’omettent jamais de nous rappeler lorsque nous rencontrons leurs dirigeants. Tel est, pour les PME, le fond du problème.

Dès lors, les mesures fiscales que vous préconisez, en reflétant l’étroitesse de vos grilles d’analyse, trahissent le peu de cas que vous faites de la recherche de l’intérêt général. Le Gouvernement n’a aucunement pour ambition d’apporter des réponses concrètes aux attentes légitimes de nos concitoyens, notamment les plus fragiles d’entre eux, en termes de conditions de vie décentes et d’épanouissement social et personnel.

Il n’est dès lors même pas besoin d’évoquer votre désastreuse politique sociale pour comprendre que votre politique économique, qui contribue à l’aggravation des inégalités sociales, est vouée à l’échec, notamment parce que les pertes de recettes fiscales consécutives à la multiplication des mesures d’exonération ces dernières années nuisent durablement aux soubassements de notre attractivité : nos services publics, notre protection sociale, notre tissu économique et nos petites entreprises. Travailler pour l’attractivité de la France exigerait une tout autre politique.

Ce projet de loi ne modifie en rien la politique budgétaire du Gouvernement qui continue d’ignorer les attentes de nos concitoyens dans le seul but d’améliorer les profits des entreprises, les gains des actionnaires et le train de vie des plus favorisés. C’est votre politique qui a conduit le pays à la grave crise qu’il a récemment connue car, en renforçant les inégalités, elle crée des frustrations, nourrit l’exaspération et, au bout du compte, comme l’a souligné le Père Delorme, conduit à la violence, analyse que, ce matin, les Renseignements généraux ont confirmée.

Arrêtez de nourrir l’exaspération sociale et ses conséquences prévisibles, faute de quoi d’aucuns pourraient penser que la violence vous sert.

La simple annulation des dispositions fiscales hasardeuses votées cette année aurait permis de dégager 6,2 milliards d’euros, somme considérable qui aurait pu servir à lutter efficacement contre la grande pauvreté et l’exclusion qui minent nos quartiers populaires.

Aussi ne serez-vous pas étonnés que, dès lors que vous avez fait le choix d’ignorer ces priorités, les député-e-s communistes et républicains votent contre le projet de loi de finances rectificative.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Jean-Pierre Balligand. Mme Thatcher en pantalon ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Marc Le Fur. C’est un compliment !

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative appelle de notre part peu de commentaires, compte tenu du fait que sa ligne générale est simple, même si elle a été enrichie, comme le rapporteur général l’a souligné, d’un très grand nombre d’apports techniques complémentaires…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Comme c’est joliment dit !

M. Hervé Mariton. …dont la maîtrise est pour nous très stimulante. Mais l’essentiel n’est pas là : l’équilibre du collectif traduit surtout une gestion sérieuse, caractérisée par une bonne stabilité de la dépense. La consommation de 3 milliards d’euros de crédits de reports permettra de commencer l’exercice 2006 de manière plus vertueuse.

De fait, d’importantes économies résultent de la régulation budgétaire, qui est l’un des seuls chemins permettant de conduire à la stabilité de la dépense. Dans la situation difficile que nos finances publiques connaissent actuellement, l’indispensable stabilité de la dépense – faut-il le rappeler ? – est l’un des engagements que le Gouvernement a pris, qu’il poursuit texte budgétaire après texte budgétaire et qu’il tient. Tant mieux ! C’est, depuis quelques années, l’une des caractéristiques prépondérantes de notre politique budgétaire.

Il est évidemment plus facile de contrôler la dépense que les recettes. Encore faut-il le vouloir. Le Gouvernement et la majorité le veulent : tant mieux ! Si la maîtrise des recettes se révèle toujours une opération délicate, c’est qu’elle dépend pour une large part de la conjoncture : en 2005, les recettes se sont effritées de 2 milliards d’euros, ce qui n’est qu’un moindre mal, vu la conjoncture. À n’en pas douter, c’est la politique à la fois structurelle et conjoncturelle adoptée par le Gouvernement qui a permis de limiter les dégâts.

Le déficit d’exécution est convenablement maîtrisé puisqu’il passe d’un peu plus de 45 milliards d’euros à 46,8 milliards. Cependant, comme je l’ai rappelé au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2006, son niveau demeure trop élevé. En effet, si la capacité du Gouvernement à maîtriser la dépense publique et à ne pas laisser déraper le déficit d’exécution dans une période d’effritement des recettes nous procure une réelle satisfaction au moment d’examiner ce collectif, nous n’en devons pas moins garder présent à l’esprit que le niveau actuel du déficit demeure supérieur à ce que notre pays peut et doit supporter.

C’est pourquoi le projet de loi de finances rectificative nous offre l’occasion de rappeler que le nécessaire effort de pédagogie sur la situation des finances publiques doit être constamment poursuivi. Lors de l’examen du collectif budgétaire de l’an dernier, alors que chacun, ici, se félicitait d’une exécution en amélioration de 10 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale 2004, je m’étais permis de souligner que d’aucuns se livraient peut-être à des déclarations un peu trop optimistes : la baisse du déficit devait conduire à des analyses plus tempérées.

Compte tenu de la situation actuelle des finances publiques, que nous maîtrisons plutôt assez bien depuis 2002, mais qui, bien que résultant d’engagements pris et d’erreurs de gestion commises en d’autres temps, continue de peser sur nos choix, nous devons toujours prendre soin d’avoir un message modeste. L’an dernier, à la même époque, je le répète, alors que, pour des raisons tout à fait légitimes dont il convenait évidemment de féliciter le Gouvernement, nous avions la joie de constater une amélioration de 10 milliards d’euros, je me demandais comment nous pouvions à la fois surfaire notre satisfaction et maintenir la pédagogie nécessaire auprès de nos compatriotes visant à leur faire comprendre l’état de nécessité des finances publiques. On ne peut témoigner d’une joie excessive et rappeler aussitôt après à nos concitoyens les efforts qu’il reste à accomplir.

Monsieur le ministre, nous devons établir un diagnostic lucide et ne jamais relâcher les efforts à fournir en vue de maîtriser la dépense publique, le déficit, et la dette.

Du reste, le rapport Pébereau a eu récemment le mérite de nous rappeler que l’amélioration des finances publiques, qui demeure notre préoccupation principale, doit être accompagnée d’un effort constant de pédagogie. Il est primordial de conserver à l’esprit cette exigence, lorsque, au gré des événements, nous évoquons, jour après jour, devant nos concitoyens, l’évolution de la conjoncture économique et de la conjoncture fiscale.

Le rapporteur général a évoqué les polémiques soulevées cet été, comme l’an dernier, autour de la fiscalité pétrolière. Nos compatriotes se saisissent volontiers de ces sujets populaires, voire passionnels, qui se prêtent volontiers à la pédagogie. On ne fait d’ailleurs pas de pédagogie sur des sujets qui n’intéressent personne. Je le répète : la pédagogie est un enjeu essentiel, si nous voulons expliquer à nos concitoyens les conditions nécessaires du redressement des finances publiques et les leur faire partager.

Les perspectives actuelles sont celles d’une baisse de 100 millions d’euros des recettes fiscales pétrolières d’ici à la fin de l’année 2005, une fois le solde des plus-values de TVA et des moins-values de TIPP établi. Or, monsieur le ministre, parce qu’elles étaient probablement nécessaires pour des raisons sectorielles, le Gouvernement a pris et la majorité a soutenu et continue de soutenir des mesures financières en faveur du transport routier – notamment le dégrèvement des taxes professionnelles – ou du monde agricole : je pense à la taxe sur le gaz naturel ou à celle sur le gazole.

Ces mesures, je le répète, sont nécessaires dans une perspective sectorielle. Toutefois lorsque nous aurons à débattre de la TVA sur les péages perçus par les sociétés d’autoroute, laquelle, effectivement, n’a pas été acquittée – c’est une question complexe –, il nous faudra bien, à un moment ou à un autre, aborder la situation d’ensemble du transport routier, notamment au travers du type de soutien que l’État doit ou non continuer d’accorder à cette profession, alors même qu’il a déjà pris en sa faveur, entre autres dispositions que nous soutenons, des mesures importantes de dégrèvements.

Ces mesures sectorielles ont pleinement leur sens, mais certains de nos compatriotes ont compris qu’il ne s’agissait que d’une manière de répartir cette manne pétrolière.

Cette année, je trouve que, globalement, les dégâts ont été limités et les possibilités d’explications préservées. L’an dernier, en revanche, nous avions assisté à un scénario curieux de répartition à l’avance de plus-values dont nous avons constaté in fine qu’elles s’étaient transformées en moins-values.

Or, aussi simple que ce soit, comment voulez-vous, à la fin, que nos compatriotes comprennent ? Évidemment, ils ont envie d’entendre de sympathiques nouvelles : par exemple que l’augmentation du pétrole, donc des carburants et autres combustibles, peut être l’occasion de recevoir quelque chose.

À cet égard, l’explication donnée, selon laquelle l’État a moins gagné d’argent et que, dans le même temps, malgré tout, il en distribue, a été meilleure, plus compréhensible cette année que l’année dernière. Or ce point est délicat et il faut probablement beaucoup de courage, même si ce n’est pas un effort insurmontable, pour indiquer que, à cause des moins-values et de l’augmentation du prix de telle matière première, il n’y a pas grand-chose à redistribuer, sauf dans des situations extrêmes répondant à une autre logique. Nous devons donc poursuivre notre réflexion sur ces questions.

Ainsi, lorsque vous avez décidé de prendre des mesures de solidarité comme l’aide à la cuve, nous les avons soutenues. Il s’agit en effet d’une bonne mesure puisque c’est la solidarité qui doit être mise en avant et sollicitée. Toutefois, il convient de bien expliquer à nos concitoyens ce qui relève du raisonnement économique d’une part et ce qui relève de la solidarité de l’autre.

Je n’ajouterai rien sur ce sujet, mais il m’apparaissait important de souligner qu’aucune occasion ne doit être manquée dès lors qu’il s’agit d’expliquer à nos concitoyens la situation de nos finances publiques.

Monsieur le ministre, ce collectif budgétaire est l’occasion pour la majorité de tenir ses engagements, ce dont nous nous réjouissons.

La compensation du surcoût du RMI dont bénéficient les départements paraîtra certes insuffisante à notre collègue M. Bonrepaux, insuffisante par construction.

M. Didier Migaud. Par réalisme !

M. Hervé Mariton. On se rappellera simplement que les 450 millions d’euros dont il est question dans le collectif budgétaire, ne résultent pas de la seule traduction financière de la décentralisation. La compétence a certes été transférée…

M. Augustin Bonrepaux. Il faut admettre que la compensation n’est pas évolutive, c’est tout ! Reconnaissez la réalité !

M. Hervé Mariton. …mais nous n’avons probablement pas sur tous les bancs la même vision de la décentralisation et ce débat a le mérite de rappeler certaines réalités. Vous avez de la décentralisation la même définition que ce poète patoisant de chez moi à propos du socialisme : « Mi foumaï, tou païou », c’est-à-dire : « Je fume, tu paies ».

M. Alain Rodet. Vous parlez très mal le patois !

M. Augustin Bonrepaux. Vous, vous transférez les déficits !

M. Hervé Mariton. En fait vous entendez simplement changer le panneau devant un guichet sans mener une véritable politique dans la compétence qui vous a été transférée. Vous constatez alors qu’elle vous coûte cher et vous demandez à l’État de payer. Je trouve qu’il s’agit d’une vision humiliante de la décentralisation, mais c’est la vôtre.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand. Vous ne manquez pas d’air ! Vos propres amis politiques, dans les conseils généraux, disent le contraire de ce que vous dites ici ! Parlez-en donc à l’ADF !

M. Hervé Mariton. En tout cas, puisqu’il est bon, de temps en temps, de mettre de l’huile dans les rouages, Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, avait pris l’engagement d’accorder 450 millions d’euros de plus aux conseils généraux. Cet engagement est tenu et nous nous en félicitons. Nous pouvons néanmoins attirer l’attention sur la nécessité de ne pas engager chaque année une discussion reconventionnelle visant à aligner la contribution de l’État sur la dépense des conseils généraux, à moins de risquer, pour certains, d’enregistrer des moins-values le jour où cette dépense baissera.

Le deuxième engagement tenu est celui que le Président de la République avait pris il y a quelques mois d’augmenter l’aide aux pays du tiers-monde dans la lutte contre le sida. Dans notre groupe, nombre de collègues pensent qu’une taxe n’est jamais, en soi, une bonne nouvelle.

M. Charles de Courson. Mais ?

M. Hervé Mariton. Nombre de collègues pensent que la taxe proposée n’est sans doute pas parfaite et gagnerait à être mieux définie.

M. Charles de Courson. Mais ?

M. Hervé Mariton. En effet, je pense, ainsi que la majorité du groupe UMP, que ce système, s’il n’est pas parfait, a la vertu d’exister et de constituer un bon début.

Face à une tragédie aussi grave que l’épidémie du sida en Afrique, nous considérons que nous n’avons pas le droit de ne pas essayer, de ne pas innover, de ne pas lancer des propositions concrètes qui, si elles ne sont pas parfaites, ont le mérite d’exister.

M. le président. Monsieur Mariton, il faudrait conclure.

M. Hervé Mariton. Le troisième engagement tenu à l’occasion de ce collectif budgétaire, est la réforme du régime fiscal des plus-values de cession. Cet engagement, pris au début de 2005 est ainsi tenu dans l’année même ce qui honore à la fois l’exécutif et la majorité.

Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, un collectif raisonnable, étape nécessaire avant l’exécution du budget 2006 et avant la préparation du projet de loi de finances pour 2007 ; projet de loi de finances à propos duquel, avec Thierry Breton, vous avez exprimé le souhait de vous diriger vers une norme d’augmentation de 0 % en valeur. Nous nous en réjouissons, d’autant que beaucoup a été fait dans des circonstances très difficiles depuis trois ans, comme l’a montré l’exécution budgétaire 2005.

Néanmoins il faut poursuivre et accentuer l’effort pour 2006 et 2007 à travers une meilleure maîtrise de la dépense, une meilleure maîtrise du déficit et une meilleure maîtrise de la dette. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Très bien !

M. le président. Je crois que les orateurs suivants éclaireraient l’Assemblée en maîtrisant, pour leur part, leur temps de parole. (Sourires.)

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances rectificative est un exercice annuel convenu. Il a théoriquement pour but, notamment, d’adapter le plafond des dépenses du budget de l’État et les données générales de l’équilibre budgétaire lorsque la conjoncture économique a modifié les conditions d’exécution de la loi de finances initiale.

Le premier et principal problème que pose ce collectif budgétaire, est qu’il ne prend pas suffisamment en compte, justement, la réalité de la conjoncture. Il faut bien admettre que le Gouvernement est frappé d’une redoutable schizophrénie en matière de diagnostic économique et financier.

C’est d’abord Jean qui rit, qui ne cesse de claironner le retour prodigieux de la croissance : plus 0,7 % au troisième trimestre 2005. Il oublie du même coup qu’il ne peut y avoir de rebond que si l’on part de très bas, ce qui était précisément le cas cette année : plus 0,3 % au premier trimestre, suivi d’un très petit plus 0,1 % au deuxième trimestre, ce qui devrait donne une croissance annuelle d’environ 1,5 %, c’est-à-dire bien loin des 2,5 % qui avaient servi d’hypothèse à M. Sarkozy pour bâtir la loi de finances pour 2005.

Le même Jean qui rit communique sans relâche, par ailleurs, sur la baisse du nombre de chômeurs : on en compterait 130 000 de moins depuis sept mois.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Réjouissez-vous en !

M. Jean-Pierre Balligand. C’est le cas puisque je fais parler Jean qui rit !

Cette baisse serait liée à la signature des 200 000 contrats nouvelle embauche.

Malheureusement, une analyse un peu plus précise de la situation donne un tout autre éclairage. Le nombre des chômeurs au sens du BIT – qui comptabilise les personnes réellement sans emploi, et pas seulement les inscrits à l’ANPE – a augmenté de 254 000 depuis mai 2002. De surcroît – et c’est plus inquiétant – les créations nettes d’emplois sont insignifiantes dans le secteur marchand – plus 0,3 % sur un an, et même moins 2,4 % dans l’industrie – alors qu’on constate une très forte augmentation du nombre des emplois subventionnés par l’État.

La plus grande part de la baisse du chômage a donc bien été décidée sur ordonnance, grâce à un cocktail de créations d’emplois aidés, le plus souvent très précaires, mais aussi grâce aux radiations administratives de masse : au bas mot 60 % des chômeurs sortis des statistiques, si l’on en croit diverses études publiées par les directions régionales du travail.

En revanche il y a aussi un Jean qui pleure dans ce Gouvernement, en la personne de Thierry Breton.

Le ministre de l’économie n’a en effet pas pu résister au plaisir tout libéral de communiquer, avec le catastrophisme qui sied et l’esprit polémique que l’on sait, sur les quelque 2 000 milliards d’euros de dettes de la France. Cela me rappelle Eugène Labiche prêtant à l’un de ses personnages ces propos : « Ce n’est pas pour me vanter, mais il fait rudement chaud aujourd’hui. »

Le Gouvernement aurait pu se montrer légitimement effarouché si tout le monde ne connaissait déjà ce chiffre, économistes, élus et même journalistes. Il n’est guère que le ministre des finances pour faire mine de le découvrir au bout de neuf mois passés à Bercy.

Ensuite, c’est votre Gouvernement et ceux qui l’ont précédé depuis 2002 qui ont contribué à l’explosion de cette dette. C’est même une réalité sur laquelle nous, députés socialistes, vous avons alertés sans relâche depuis juin 2002 ; vous n’avez qu’à reprendre nos différentes interventions, notamment dans cet hémicycle.

En effet, contrairement aux idées reçues ultra-libérales, les socialistes au pouvoir savent, mes chers collègues, ce que maîtriser la dette veut dire. En effet, entre 1997 et 2002, non seulement la dette publique n’a jamais dépassé le seuil fatidique des 60 % du PIB défini par le traité de Maastricht, mais elle a même diminué année après année pour s’établir à 56 % du PIB au moment de votre arrivée au pouvoir.

M. Didier Migaud. Eh oui ! Voilà la réalité !

M. Jean-Pierre Balligand. Qu’avez-vous fait de cette gestion ? Qu’avez-vous fait de votre prétendue maîtrise du déficit budgétaire,…

M. Didier Migaud. Des trous !

M. Jean-Pierre Balligand. …argument phare de l’ancien ministre des finances M. Sarkozy puisque ce déficit sera plus élevé en 2005 qu’en 2004 et que la France dépasse invariablement les 3 % du PIB depuis 2002 ? Qu’avez-vous fait de la croissance française, toujours plus forte que la moyenne européenne jusqu’en 2001 et presque jamais depuis ?

Ces questions doivent être posées franchement. Derrière elles, ce sont des réalités idéologiques douloureuses qui se profilent, au moment où la frange la plus libérale de votre mouvement semble avoir pris la main sur l’ensemble des sujets politiques, lois de finances et fiscalité comprises.

La vérité, c’est que la gauche est tout simplement meilleure gestionnaire des finances publiques que la droite. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Encore le tableau que je dresse de l’état de l’économie française n’est-il que partiel !

M. Jean-Louis Dumont. Étonnement à droite !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. N’est-il pas aussi un tout petit peu partial ?

M. Jean-Pierre Balligand. Il faudrait également évoquer votre insouciance prévisible, donc coupable, dans l’estimation du prix du pétrole, un prix que vous avez rêvé à 36,50 dollars le baril dans la loi de finances initiale et dont la moyenne à ce jour s’établit autour de 55 dollars.

Il faudrait encore faire le constat de la progression inexorable des défaillances d’entreprises, pendant malheureux d’un simulacre de créations d’emplois.

On pourrait aussi mentionner le solde préoccupant du commerce extérieur français, dont le montant n’a même pas été évoqué par M. Mariton. Pendant ce temps, nos voisins allemands sont en train d’exporter massivement, retrouvant leur première place industrielle en Europe. Pour vous, nenni ! Vous n’avez rien fait sur ce plan depuis trois ans.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’herbe est toujours plus verte chez le voisin… jusqu’au jour où l’on s’aperçoit que c’est du gazon synthétique !

M. Jean-Jacques Descamps. Et les 35 heures !

M. Michel Bouvard. Le SPD n’a pas imposé les 35 heures !

M. Jean-Pierre Balligand. Je rappelle que le commerce extérieur s’est dégradé de 13 milliards d’euros depuis l’an dernier.

Tout cela, nous vous le disions déjà lors de la discussion du collectif budgétaire de 2004, car vous étiez déjà là, monsieur le ministre du budget.

Permettez-moi de citer les propos que je vous tenais alors : « Cette stabilisation apparente du budget de l’État dissimule mal une altération historique de la dette publique, qui frôlera 65 % du PIB en 2005. » Je reconnais m’être trompé : nous en sommes aujourd’hui à 65,8 % !

« Vos prévisions de croissance pour 2005, ajoutais-je, apparaissent une nouvelle fois largement surestimées, avec à la clé le risque d’un alourdissement d’au moins 0,4 % du déficit budgétaire. » La dégradation partielle que vous assumez aujourd’hui est de 3,6 %, soit 0,2 point de PIB…

Votre persistance dans l’autosatisfaction ne pouvait pas donner d’autre résultat que celui que nous constatons dans ce collectif budgétaire. Faute de vouloir reconnaître vos erreurs, qui sont aussi celles de vos prédécesseurs, vous n’avez pris en compte qu’à la marge la dégradation des finances publiques.

Le calcul est simple : le déficit du budget de l’État s’établissait fin octobre à 53,6 milliards d’euros, contre un peu plus de 51 milliards d’euros l’an dernier, soit une aggravation de 2,6 milliards. Or votre prévision de solde d’exécution budgétaire n’a été corrigée, pour l’élaboration de ce collectif, que de 1,6 milliard, passant à 46,8 milliards d’euros contre 45,2 l’an passé. Où est passée la différence, dont le montant n’est tout de même pas négligeable ? En tout état de cause, cela atténue la portée du nouvel objectif que vous vous fixez pour cette année, à savoir un déficit de 44,1 milliards d’euros, objectif de toute façon intenable si l’on en croit les autorités bruxelloises.

Sachant ce qu’un budget doit à la conjoncture, je me garderai bien d’accuser le Gouvernement de tous les maux, mais je l’accuse de mauvaise gestion de l’argent public, sous ses dehors policés qui flattent sans vergogne des thématiques individualistes et anti-étatiques directement écrites par certaines officines.

M. Philippe Auberger. Qu’entendez-vous par là, mon cher collègue ? Des officines de pharmacie ?

M. Jean-Pierre Balligand. Nous aurons, mes collègues socialistes et moi, l’occasion de revenir au fil de la discussion sur l’ensemble des dispositions de ce projet de loi de finances rectificative, qui exigent pour la plupart des éclaircissements du Gouvernement, appellent pour certaines des améliorations et démontrent pour beaucoup la justesse de nos raisonnements passés. J’en veux pour preuve, notamment, les articles 2, 3 et 4, qui ajustent ponctuellement, à la hausse, la compensation des transferts de compétences aux départements et aux régions, signe que nous avions raison de dénoncer une opération insuffisamment financée.

Les incertitudes pour l’avenir demeurent cependant, notamment en ce qui concerne le RMI. Je ne suis pas mécontent, à cet égard, de l’amendement de notre collègue Michel Bouvard – même s’il peut largement être amélioré –, qui me rappelle certains débats que nous avons eus lors de l’examen du projet de loi de sécurité financière.

Je serai particulièrement attentif à deux sujets, sur lesquels le groupe socialiste exige une réponse circonstanciée du Gouvernement.

Le premier concerne la redevance audiovisuelle. En effet je crains que votre article 7, qui plafonne le versement aux organismes de l’audiovisuel public, ne soit en réalité l’aveu d’une double imposition effective des ménages en 2005, qui aurait grossi de facto le produit de la redevance. Je ne manquerai pas de revenir sur ce sujet, que j’ai déjà abordé dans une question orale sans débat. Je dispose d’exemples concrets et il faut que Gouvernement s’explique.

Le second est relatif au fonds de réserve pour les retraites. À cet égard les débats actuels sur son utilité incontestable – il suffit de lire la presse économique – et la nécessité de sa pérennité ne doivent pas vous laisser mutiques ni insensibles. Le Gouvernement doit impérativement s’engager à lui affecter des recettes supplémentaires, provenant notamment du produit des privatisations en cours. Nous pourrions d’ailleurs revenir sur ce dernier sujet, vu le camouflet qui vous a été infligé par le Conseil de la concurrence à propos de la privatisation des sociétés autoroutières.

Beaucoup d’économistes parlent du fonds de réserve pour les retraites et certains chefs d’entreprise, et non des moindres, vous interpellent à ce sujet : la moindre des choses serait que vous nous éclairiez, à l’occasion de la discussion de ce collectif, sur vos intentions en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous entamons l’examen du collectif de 2005, c’est-à-dire une opération d’ajustement de l’exercice budgétaire en cours, je souhaite d’abord exprimer ma satisfaction de constater qu’il s’agit bien d’une conclusion de l’année budgétaire, et non, comme tous ceux qui ont eu à travailler à la préparation de la LOLF l’ont dénoncé, d’un complément, voire d’un rattrapage de la loi de finances pour l’année suivante.

Le projet de loi constate la régulation effectuée au cours de l’exercice, officialisant la réduction nette de 3 milliards d’euros de crédits, et ouvre un montant limité de crédits de 1,026 milliard, gagé par des annulations.

Ainsi adopté, le projet de loi de finances rectificative respectera également le plafond de dépenses déterminé par la loi de finances pour 2005, et ce, comme l’a souligné M. le rapporteur général, pour la troisième année consécutive. Ce fait sans précédent mérite d’être salué et doit être porté au crédit du Gouvernement et de la majorité qui le soutient.

Je salue aussi les progrès effectués dans la gestion des reports de crédits. Alors que la LOLF, dans son article 15, a établi à 3 % le plafonnement des reports, l’action engagée permet de faire passer ces reports de 9,7 milliards d’euros en début d’exercice à environ 5 milliards d’euros. Nous abordons ainsi l’exercice 2006 dans les meilleures conditions. Permettez-moi d’insister sur cette évolution éminemment positive, sachant que beaucoup d’importance a été accordée à ce sujet lors de l’examen de la loi de finances pour 2006, et en particulier de son article 57.

En revanche, monsieur le ministre, qu’il me soit permis cette année encore, alors que la loi de finances pour 2006 instaure pour la première fois un encadrement des mises en réserve, de souligner le caractère profondément perturbant d’une régulation, certes indispensable, mais dont les responsables de la gestion des crédits publics sur le terrain ont le sentiment qu’elle est un obstacle et qu’elle les empêche d’atteindre les objectifs de performance qui leur sont assignés.

Certes, les annulations de crédits auront été en 2005 d’un niveau inférieur à celui de 2004. Pour autant, cette régulation, qui a été notifiée, comme le prévoit la LOLF, à notre commission, n’aura pas été sans incidences sur la qualité de l’action publique : même si l’information précoce de février, portant sur des gels à hauteur de 4 milliards d’euros, a permis d’anticiper, un nouveau gel de 1 milliard d’euros est intervenu au cours de l’été, et s’y est ajouté celui qui portait sur une partie des reports de crédits de 2004, nécessaire pour les raisons que j’ai dites mais qui a renforcé l’effet cumulatif.

Au-delà du gel, ce sont 4,9 milliards d’euros de crédits qui auront été annulés, soit 0,2 % de plus que le seuil de 1,5 % fixé par l’article 14 de la LOLF. Et au-delà du débat portant sur l’assiette de crédit à retenir – lequel donnera sans doute au Gouvernement l’occasion de justifier un pourcentage différent du mien – j’insiste sur le fait que la loi organique voudrait qu’il soit procédé à ces annulations dans le cadre du collectif. Si cette obligation ne figure pas dans la lettre du texte, elle est conforme, selon moi, à son esprit.

M. le rapporteur général a évoqué les différents décrets d’avance pris au cours de l’exécution pour 2005. Je n’y reviendrai donc qu’en évoquant deux points.

Le premier concerne les OPEX, qui représentent 421 des 611 millions d’euros mis en place sur le titre III du ministère de la défense. Cette inscription traduit, cette année encore, la sous-évaluation manifeste des crédits des OPEX en LFI pour 2005. Je relève toutefois un aspect positif : cette ouverture est pour la première fois gagée intégralement par des crédits du ministère de la défense.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est exact !

M. Michel Bouvard. De plus, l’inscription des crédits pour les OPEX dans la loi de finances pour 2005 poursuit l’effort de réévaluation engagé pour porter ceux-ci à la moyenne constatée ces dernières années. Nous n’y sommes pas encore, mais il y a un progrès. Nous ne pouvons que vous encourager à poursuivre dans cette voie, monsieur le ministre.

Le second point concerne la majoration de 444 millions d’euros de crédits ouverts au chapitre 31 pour le financement des agents de la fonction publique.

Je ne méconnais pas, monsieur le ministre, la difficulté de l’exercice qui consisterait, avant même l’ouverture d’une négociation avec les partenaires sociaux sur les traitements de la fonction publique, de prévoir la somme nécessaire dans le budget de l’État. Pour autant, vous conviendrez que l’acte rectificatif en cours d’exercice, compte tenu de son incidence budgétaire massive, n’est pas satisfaisant.

Cet exercice se reproduira en 2006 puisque, de la même manière, il n’est pas prévu, sauf erreur de ma part, d’évolution des rémunérations dans la loi de finances initiale. Cela doit nous inciter à adopter une approche globale de la part du budget de l’État consacrée à la rémunération des agents et à engager plus activement une réflexion avec les organisations syndicales sur l’évolution des rémunérations et des effectifs dans la durée. À mon sens, il serait hautement souhaitable que de telles négociations puissent avoir lieu, non plus globalement, mais au minimum au niveau de chacune des fonctions publiques, en prenant en compte leur situation propre et l’évolution des besoins et des carrières.

À l’heure actuelle, les choix s’imposent aux collectivités territoriales alors même que celles-ci, avec la décentralisation, aspirent à plus d’autonomie. Or l’autonomie, c’est aussi la capacité des collectivités territoriales à mener des négociations sur ce qui représente une part importante de leurs dépenses budgétaires.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est juste !

M. Michel Bouvard. Parmi les mesures budgétaires nouvelles, je veux saluer les dispositions relatives à l’affectation d’une part supplémentaire de TIPP aux départements dans le cadre du transfert du RMI. Nous avons entendu beaucoup de choses à ce sujet, mais je constate que l’engagement pris est globalement respecté et qu’un ajustement a en outre été effectué concernant le FSL. Il faut rendre hommage aux travaux de la commission d’évaluation des charges, que nous avons instituée, car ils ont permis ces rectifications.

L’opposition peut toujours soutenir que cela apporte la preuve qu’elle avait raison de dénoncer une mauvaise compensation en début d’exercice budgétaire ; je constate pour ma part que la commission d’évaluation des charges fonctionne, et j’aurais bien aimé qu’elle existât au moment de la création de l’APA !

Plusieurs députés du groupe socialiste. C’était le cas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Certes, mes chers collègues, mais désormais elle est présidée par un élu : c’est toute la différence !

M. Michel Bouvard. Cela aurait peut-être permis d’éviter que certains départements ne soient compensés qu’à hauteur de 27 %. S’il ne me manque que 1 % pour le RMI, je m’en contente : c’est beaucoup mieux que près de 75 % !

Au surplus, cet effort de 475 millions d’euros de TIPP intervient dans un contexte difficile pour l’État, puisque le produit de cette taxe est inférieur à celui qui était prévu dans la loi de finances initiale. Lors de la discussion du projet de loi finances, pourtant, quels fantasmes n’a-t-on pas nourris sur les éventuelles recettes supplémentaires dans ce domaine !

Je constate aussi la progression du produit de l’ISF. Les travaux de M. le rapporteur général sont à cet égard très instructifs : 17,5 % par rapport à 2004, année au cours de laquelle la progression avait déjà été de 13,3 %. Il convient de bien étudier la nature de cette évolution, qui semble directement liée à l’accroissement du nombre des redevables : plus 18 %, principalement, j’imagine, dans la tranche d’entrée. J’y vois une corrélation directe avec l’évolution des prix de l’immobilier.

M. Charles de Courson. Absolument !

M. Alain Rodet. Un vrai Sherlock Holmes !

M. Michel Bouvard. Il faudra donc poursuivre la réflexion sur le problème de la prise en compte de la résidence principale. En effet au-delà de la fiscalité locale sur le foncier bâti, l’ISF joue de fait un rôle de surtaxe nationale sur le foncier bâti, dont la progression représente un enrichissement virtuel et non productif. Faut-il taxer une plus-value immobilière latente sur la résidence principale lorsque la loi sur les plus-values sort la résidence principale de l’imposition sur les plus-values ?

Je me demande où est la cohérence !

M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il n’y en a pas !

M. Michel Bouvard. Le projet de loi de finances rectificative propose également, ainsi que le ministre l’a exposé, une réforme d’ampleur de la fiscalité des plus-values réalisées par les actionnaires et par les entrepreneurs individuels. Au moment où nos entreprises doivent faire face à un important renouvellement générationnel, ces mesures s’inscrivent dans une démarche d’ensemble pour faciliter leur transmission, préserver leur capacité productive et leurs emplois. Il s’agit sans doute de l’un des meilleurs moyens de lutter contre les délocalisations, qui commencent souvent par la délocalisation du capital.

Des dispositions sont également proposées pour les entreprises en phase de démarrage, complétant utilement les mesures prises depuis le début de la législature en faveur des créations d’entreprise, lesquelles doivent s’inscrire dans la durée.

Ces efforts doivent être bien compris de nos concitoyens : ils ne relèvent pas d’une démarche idéologique, dans laquelle certains voient un nouveau cadeau aux entreprises, mais de la conviction que c’est sur ce tissu d’entreprises – à transmettre et nouvelles – que peut s’imprimer la croissance sociale voulue par le Gouvernement, à l’esprit et à l’appellation de laquelle je souscris.

Cette croissance sociale suppose, dans le même temps, de veiller à ce que certains actes, limités à quelques dirigeants de très grandes entreprises, ne soient pas considérés comme de la défiance sociale. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé à la commission des finances, qui a bien voulu l’accepter, un amendement portant, sans en interdire la pratique, qui relève du libre choix des entreprises et de leur conseil d’administration, sur les parachutes dorés.

Comment justifier que des indemnités, de licenciement ou de départ selon la requalification choisie, dépassant des montants vertigineux, que l’immense majorité de nos concitoyens ne peuvent même pas conceptualiser – jusqu’à 29 millions d’euros récemment ! – relèvent des mêmes règles fiscales que celles qui s’appliquent aux ouvriers victimes d’une délocalisation ? Exclure ces indemnités de la base de calcul de l’impôt sur les sociétés crée une moins-value pour le budget de la nation. L’amendement que je propose tend à fixer un seuil raisonnable. Dans le cas précité des 29 millions d’euros – qui constitue une exception, certes, mais nuisible à l’image des entreprises, de leurs dirigeants et même de notre pays –, la perte de recettes pour l’État peut être estimée à 8,7 millions d’euros, soit 60 % du budget accordé par le ministère du tourisme pour une campagne annuelle de promotion du tourisme français par Maison de la France.

Parmi les autres dispositions proposées, je souhaite, après Hervé Mariton, souligner les mesures en faveur du transport routier, soumis à une concurrence sévère en matière de cabotage, mal encadré, et de dumping social, ce qui rend urgente l’harmonisation européenne. Il faudra toutefois veiller à privilégier une approche globale des questions posées par la profession, parmi lesquelles figure le différend d’interprétation relatif au remboursement de la TVA sur les péages. Il conviendrait de s’interroger sur les causes des difficultés structurelles du transport routier dans notre pays et sur les mesures à mettre en œuvre au niveau européen pour remédier aux distorsions de concurrence. Cela serait sans doute plus utile que de soutenir fiscalement et systématiquement le secteur sans remédier à la situation, en prenant le risque d’aggraver encore les déséquilibres avec d’autres modes de transport. Là aussi, il est nécessaire de renouveler les approches. Cette mesure de l’impact d’une disposition en amont, aurait, sans rien enlever à sa générosité, été utile s’agissant de la taxe sur les billets d’avion.

Le projet de loi de finances rectificative, qui s’inscrit dans une logique de maîtrise de la dépense, de soutien au développement économique et de l’emploi par les PME, mérite notre soutien. Il appelle aussi à amplifier l’effort sur les réformes structurelles et de méthode qu’il convient de mettre en œuvre pour adapter notre pays à un environnement économique plus concurrentiel au sein de l’Union européenne et dans le monde. C’est sans doute le message qu’avec Thierry Breton vous avez souhaité adresser à nos concitoyens, en évoquant le poids de la dette publique dont l’annuité va se trouver mécaniquement augmentée dès 2006 par la hausse des taux d’intérêt. Je suis profondément convaincu que les Français l’ont entendu. C’est pourquoi il faut traduire davantage dans les actes la rationalisation des structures de l’État, la maîtrise de l’inflation normative et réglementaire, si coûteuse pour la collectivité. Il s’agit de préserver les capacités d’investissement de la France, dont on a bien compris que chaque effort de régulation pèse sur elle, et de freiner la dépense de fonctionnement qui la mine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Rodet.

M. Alain Rodet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le collectif budgétaire pour 2005 souligne les risques qu’a pris le Gouvernement en présentant, voilà quelques semaines, le projet de loi de finances pour 2006. Il démontre que l’exercice budgétaire – alors que la loi organique sur les lois de finances devait l’approfondir et le perfectionner – s’apprécie de plus en plus comme une procédure aléatoire, changeant au gré des circonstances. Certains ont voulu y voir une tentative, timide mais bien intentionnée, pour corriger les impressions défavorables laissées par la première partie de la loi de finances, fortement ressenties dans le cadre du quatre-vingt-huitième congrès des maires de France, où les allégements d’impôts sur le revenu des contribuables les plus aisés, qui représentent une perte pour les finances de la nation de 3,5 milliards d’euros, ont été vivement mis en cause et stigmatisés. Il s’en est suivi une entreprise de communication – pas forcément convaincante – sur l’article 18 du présent projet, portant création d’une taxe de solidarité sur les billets d’avion, voulue, nous dit-on, par le chef de l’État pour financer des programmes de développement, à commencer par la lutte contre le sida. Un rapport commandé l’an dernier à Jean-Pierre Landau, alors conseiller financier à l’ambassade de France à Londres, a servi de base à l’établissement de cette taxe, ce travail étant lui-même inspiré par les contributions à la conférence de Monterrey de l’ancien président mexicain Zedillo et de l’ancien président de l’Union européenne Jacques Delors.

Cette taxe a fortement divisé nos collègues de la majorité en commission des finances. Quant aux professionnels du transport aérien, ils ont fait connaître avec vigueur leur opposition. À mon sens, le principal reproche qui peut lui être fait, c’est son faible rendement : les estimations qui nous ont été communiquées indiquent une ressource potentielle annuelle de 210 millions d’euros. Dès lors, il ne me paraît pas très juste de déclarer cette disposition « anti-aérienne » ! Dans sa version actuelle, la taxe serait symbolique et relativement indolore.

M. Charles de Courson. Ce n’est pas exact !

M. Alain Rodet. D’ailleurs, si on en restait là, elle apparaîtrait vite comme un cache-misère permettant de se donner bonne conscience à peu de frais, au moment où tant de voix s’élèvent pour déplorer la faiblesse de l’aide au développement et l’égoïsme des pays les plus développés. Autre faiblesse soulignée, cette taxe est, pour l’instant, franco-française puisque seuls la Grande-Bretagne et le Chili envisageraient de s’y rallier.

L’article 18 du projet de loi nous permet toutefois d’ouvrir deux débats de fond importants. D’abord, il nous rappelle que le transport aérien, qui a indéniablement des contraintes, bénéficie d’un avantage exorbitant avec la détaxe totale du kérosène, seul carburant a être exonéré aujourd’hui. Dès lors, ne convient-il pas de forcer les milieux de l’aviation civile internationale à se saisir de cette particularité, sous l’égide des grandes organisations internationales – ONU, Banque mondiale – pour remettre en chantier les principes d’une taxation ? Ensuite, puisque pour des raisons soit techniques soit politiques, le principe d’une taxe sur les transactions financières n’a aucune chance de déboucher à court ou moyen terme, n’est-il pas temps de réfléchir à une autre solution consistant en une taxe, même modérée, pouvant être assise sur le kérosène ?

Les députés socialistes, sans illusion sur l’efficacité réelle de l’article 18, considèrent cependant qu’il a au moins le mérite d’ouvrir un débat utile, susceptible, pour peu qu’on s’en donne la peine, de déboucher sur une taxe internationale dédiée au développement et prenant en compte les problèmes d’environnement. Et pour terminer, je citerai à l’intention de nos collègues de l’UMP un mémorialiste du XVIIIe siècle : « C’est un grand avantage de n’avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative témoigne de la maîtrise des finances publiques dans l’exécution de la présente loi de finances. En effet, le déficit prévisionnel pour 2005 a été ramené de 45 milliards à 44 milliards d'euros, hors utilisation des crédits de report, le montant des crédits annulés par rapport à la loi de finances initiale, soit 3 milliards d'euros, étant supérieur aux moins-values de recettes constatées, soit 2 milliards d'euros. Les ouvertures de crédits prévues pour 1 milliard d'euros ont été gagées par autant de crédits annulés. Bref, ce projet de loi de finances rectificative a été entièrement gagé par redéploiements, ce qui indique bien une maîtrise des finances publiques.

En dépit de ces résultats, le déficit du budget de l'État reste élevé : 46,8 milliards d'euros, qui viennent accroître inexorablement une dette atteignant déjà 1 100 milliards d’euros. C'est beaucoup : presque 20 000 euros par habitant et 80 000 euros par contribuable assujetti à l'impôt sur de revenu, sans doute plus que la dette individuelle de la plupart des Français ! C’est dire que la situation est préoccupante.

Néanmoins, en attendant le prochain rapport de M. Pébereau sur la situation de la dette publique, l’information qui est donnée sur son niveau est parfois biaisée. En effet, certains parlent de l'endettement global de notre pays en ajoutant aux 1 100 milliards d’euros d’endettement de l'État les 450 milliards d’euros des pensions dues aux fonctionnaires de l'État, voire les pensions des agents des collectivités locales et des services hospitaliers, pour 450 milliards également. Mais ces sommes ne sont pas comparables et ne peuvent pas s’additionner.

Le régime des pensions de l'État est un régime par répartition : ce sont les cotisations de l’année qui financent les pensions à payer dans l'année. Dès lors, il n'est pas légitime de compter comme endettement ce qui sera payé demain avec des ressources courantes. Seules justifieraient d’être considérées comme provisions les réserves faites pour atténuer les variations de la contribution annuelle de l’État d’une année sur l’autre – qui seraient inférieures à 450 milliards –, en fonction de l'évolution démographique des cotisants et des pensionnés.

Quant aux retraites des agents des collectivités locales et des agents hospitaliers, elles font l'objet d'un régime spécifique dans le cadre de la CNRACL, bien connue des élus locaux. Dès lors, il n'est pas légitime d'additionner les engagements de cette caisse à ceux de l'État. Gérée par la Caisse des dépôts et consignations avec un conseil d’administration, elle fonctionne de façon autonome par répartition et est astreinte à trouver son équilibre. Plus encore, elle verse une contribution à la compensation et à la surcompensation.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est juste !

M. Philippe Auberger. Et si elle n’arrive pas, une année donnée, à équilibrer ses comptes, elle doit puiser dans ses réserves. Dans ces conditions, il n’est pas justifié d’additionner ces 450 milliards d’euros à la dette de l’État.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je suis d’accord !


M. Philippe Auberger
. De façon générale, les communications faites par le Gouvernement au nom de l'État sur la situation budgétaire du pays ou les discussions conflictuelles et sans fin entre l'État et les collectivités locales sur le montant des dépenses transférées, l'évolution des dépenses des collectivités locales et de la fiscalité locale ont un effet déplorable sur la psychologie de nos concitoyens. Ce ne sont pas des spécialistes des finances publiques, ils s’embrouillent dans les chiffres et les mécanismes, n'y comprennent pas grand-chose, n’ayant pas eu de cours de finances publiques ni en primaire, ni en secondaire.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Hélas !

M. Philippe Auberger. Il est normal que tout cela leur paraisse compliqué, mais ils se rendent compte – et d’ailleurs on le leur dit – que la situation globale est préoccupante et que les risques d'une hausse de la fiscalité de l'État ou des collectivités locales pour y faire face sont réels.

Joue dès lors ce que l’on appelle le principe de Ricardo – qui a encore été évoqué récemment par le président de la BCE, M. Jean-Claude Trichet – selon lequel, face à une menace d’aggravation de la fiscalité, il faut se prémunir en développant l’épargne préalable de précaution, ce qui entraîne un accroissement de l’épargne liquide et des mouvements erratiques de la consommation, alors que celle-ci constitue l’un des moteurs essentiels de notre économie.

Il y a donc un effort de communication, de clarification et de pédagogie à faire dans ce domaine.

Parallèlement, la Banque centrale européenne vient, malheureusement, de décider d'augmenter d'un quart de point son principal taux directeur. Cela paraît peu, mais cela va renchérir le coût de notre dette publique, toutes choses égales par ailleurs, d'au moins 250 millions d'euros, ce qui n'est pas rien. Et rien ne dit qu'il s'agit d'une décision ponctuelle. M. Trichet veut nous rassurer sur ce point mais il n’y parvient pas tout à fait. Cela fait peser une menace supplémentaire sur le budget. Rappelons que le coût de ce quart de point représente le quart des crédits supplémentaires inscrits par redéploiement dans ce collectif,

De plus, ce renchérissement du coût de l'argent au jour le jour peut avoir des répercussions sur l'activité économique et le niveau des investissements déjà très bas et plutôt révisé à la baisse.

Il est déjà certain que cette augmentation du taux d'intérêt à court terme va entraîner une augmentation à due concurrence du taux des crédits à la consommation et du taux des crédits immobiliers aux particuliers à taux variable alors que ce sont souvent les plus modestes qui utilisent ces types de crédit.

Cela va entraîner aussi une hausse des taux des prêts à taux variable aux collectivités locales et du fait de la répercussion sur le taux du livret A, une augmentation du taux des prêts au logement social, alors qu'on vient à peine de diminuer celui-ci à la faveur d'une baisse du taux de la commission de centralisation de cette forme d'épargne.

Bref, une telle décision, même si elle conduit à casser quelque peu les anticipations d'inflation, ne sera bonne ni pour l'activité, ni pour l'emploi à court terme.

Je m’attarderai quelques instants sur une mesure très importante et très intéressante, qui recueille naturellement notre assentiment : l’aménagement de l’imposition des plus-values pour les détenteurs de valeurs mobilières.

Elle a pour effet, tout d’abord, de favoriser la transmission d'entreprises : dès lors que les titres à céder sont détenus depuis une certaine durée, les dirigeants des petites et moyennes entreprises qui viennent à céder leurs titres pour partir à la retraite seront exonérés de l'imposition des plus-values. Cette mesure était très attendue. Beaucoup de cessions étaient retardées faute de cette exonération, et certains chefs d’entreprise s’installaient même à l’étranger préalablement à une cession afin d’échapper à cette imposition.

Pour les autres valeurs mobilières détenues par les particuliers, le seuil d'exonération de 15 000 euros en montant des ventes est faible alors que la tendance des gérants est de faire tourner les portefeuilles, ce qui leur permet de se rémunérer sur les commissions de vente et d'achat. Ils rendaient ainsi leurs activités lucratives. Or, il est sain, pour le marché, d'avoir des détenteurs d'actions, personnes privées, afin d'animer le marché, leur comportement étant différent, moins moutonnier et plus réactif que celui des gérants d'OPCVM. De plus, ils ont un affectio societatis pour les entreprises dont ils détiennent des actions beaucoup plus fort que ces derniers.

Il a bien sûr été affirmé – notamment dans un grand quotidien du soir – que cela allait favoriser les détenteurs d'actions, c'est-à-dire en général des personnes ayant des revenus supérieurs à la moyenne. Mais ce dispositif s'accompagne de contraintes strictes, puisqu’il faudra détenir des actions au minimum pendant six ans, ce qui n'est pas rien.

En vérité, l'on a assisté depuis deux ans à des modifications substantielles de la fiscalité des valeurs mobilières avec la suppression de l'avoir fiscal, remplacé par un abattement de 50 % sur les dividendes, ramené désormais à 40 %, et maintenant avec cet aménagement de l'imposition des plus-values.

M. Augustin Bonrepaux. Cela fait beaucoup !

M. Philippe Auberger. Non, mais c’est de moins en moins lisible, notamment pour les particuliers.

De plus, d’autres mesures s’y ajoutent, comme l’abattement à la base de 1 220 euros pour une personne seule ou 2 440 euros pour un couple, l’exonération des plus-values dans la limite de 15 000 euros, le régime du PEA, le régime de l’assurance-vie. Cela devient un peu confus. Il serait temps, monsieur le ministre, d’envisager une refonte complète de la fiscalité des valeurs mobilières, afin de la rendre plus lisible et plus cohérente et de redonner ainsi aux véhicules particuliers comme le PEA ou l’assurance-vie, tout leur attrait pour les patrimoines modestes.

Enfin, il conviendrait de réfléchir sur le niveau actuel de la fiscalité pour les entreprises pétrolières. En effet, du fait de la forte hausse des prix du pétrole, ces entreprises ont vu leurs bénéfices augmenter dans des proportions considérables. Par ailleurs, elles ne se montrent pas allantes, c'est le moins que l'on puisse dire, pour incorporer des biocarburants dans les produits raffinés, comme le leur imposent la directive européenne et le plan français de relance des biocarburants. Enfin, la Grande-Bretagne vient de décider de renforcer la taxation des entreprises pétrolières et le Congrès des États-Unis a remis cette question à l'étude. La France peut difficilement rester à l'écart de cette évolution.

Sous le bénéfice de ces réserves, le groupe UMP approuvera ce collectif budgétaire de fin d'année, consécration en fin d'année d'une gestion difficile mais maîtrisée et raisonnable de nos finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Andrieux.

Mme Sylvie Andrieux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que dire de plus qui n'ait déjà été dit lors du débat du projet de loi de finances ?

Alors que les perspectives économiques demeurent largement inférieures aux prévisions de Bercy, le présent projet de loi de finances rectificative est à l'image du budget 2006 : injuste et peu sincère !

Il n’est sincère ni sur les prévisions de croissance ni sur le pouvoir d'achat des Français : tous deux restent désespérément bas et même largement inférieurs à ceux de 2002, malgré l'opération de communication mensongère de la majorité qui brandit le partage des salaires. Parallèlement, le chômage est tout juste stabilisé à 9,7 %, l'emploi atone – en progression de 0,3 % – avec une forte baisse des effectifs industriels : 2,4 %. Alors que le prix du pétrole est en constante augmentation, phénomène sous-estimé par le Gouvernement, les Français n'ont pas le moral.

Le projet de loi que vous nous soumettez est, par ailleurs, trompeur et injuste : après l'allégement de l'ISF voté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, vous proposez une nouvelle disposition provocatrice qui profitera, une fois de plus, à ceux qui disposent d'un gros patrimoine : l'exonération totale des plus-values boursières au bout de huit ans. Mais où vous arrêterez-vous ?

Monsieur le ministre, si vous souhaitez vraiment engager un dialogue efficace et sans langue de bois avec les Français et les collectivités locales, je vous invite à vous pencher plus concrètement sur leurs préoccupations quotidiennes ainsi que celles concernant le futur, car elles impliquent directement l'État.

A titre d'exemple, permettez-moi de vous entretenir de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, où va être lancé le chantier d'ITER sur le site de Cadarache aux confins des départements des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse, des Alpes de Haute-Provence et du massif des Alpes, projet que nous avons tous ensemble défendu âprement. La réalisation d'un programme d'une telle ampleur implique des retombées non seulement économiques mais aussi sociales dans un grand nombre de secteurs. A cette occasion, de nouveaux besoins financiers et structurels apparaissent, notamment en termes de construction de logements pour les actifs de Provence-Alpes-Côte d'Azur et d'infrastructures ferroviaires menant au site de Cadarache. Ces besoins, monsieur le ministre, il appartient à l'État de les financer, ne serait-ce que par cohérence et pour la réussite globale d'un projet ambitieux qui devrait marquer l'histoire technologique de notre pays.

L'implantation d'ITER dans la région a déjà pour conséquence, comme vous pouvez l’imaginer, le développement de la spéculation foncière autour du site. Il appartient donc à l'État, en tant que garant du droit au logement, de donner aux établissements publics fonciers – les EPF –, et particulièrement à l'EPFR de PACA, les moyens d'assurer l'aménagement du territoire en tant que principal instrument de maîtrise publique en la matière. Parallèlement à ITER, il faudra aussi permettre à l'EPFR d'assurer les missions qui lui ont été dévolues, notamment de résoudre les problèmes liés au déficit de terrains pour développer le logement, en vue de la réalisation d'un projet de mixité sociale et de renouvellement urbain.

Dans ces conditions, le doublement des moyens de l’EPFR de PACA par le biais d'une augmentation de la taxe spéciale d'équipement me paraît non seulement une mesure légitime, mais également indispensable à l'accueil d'un chantier aussi emblématique qu'ITER. C'est là tout l'intérêt d'une négociation concertée sur le financement de l'EPFR avec l'État : elle récompenserait les efforts que nous faisons pour rendre notre région plus solidaire en menant une politique de maîtrise foncière et en facilitant l'accessibilité au logement.

Par ailleurs, il ne faut rien négliger, comme je l’ai déjà dit, pour que ITER soit un succès en termes d'aménagement du territoire. Or, si le site retenu est accessible par le réseau autoroutier, il n'est desservi que par une ligne ferroviaire vétuste et non reliée au réseau international. L'installation d'ITER va pourtant générer des flux importants de trafic, notamment entre les grandes métropoles – Marseille, Aix – et Cadarache, mais aussi en direction des Alpes du Sud – départements des Alpes de Haute-Provence et des Hautes-Alpes – où se situent les principales disponibilités foncières. De nouvelles infrastructures généreraient un développement économique, universitaire et social porté par l'ensemble des régions de l'arc méditerranéen et de l'Italie du nord.

J'avais déposé, en juin dernier, avec mon collègue des Hautes-Alpes, M. Joël Giraud, une proposition de loi à ce sujet, que je présente aujourd'hui sous la forme d'un amendement : le défi est d’élaborer un plan d'aménagement en maîtrisant la flambée du foncier, en répondant aux besoins en équipement et en logements pour les populations actuelles et futures, tout en évitant d’aggraver les inégalités fiscales entre collectivités. La collaboration sereine de l'État et des collectivités est donc indispensable pour garantir le respect de l'intérêt général, la qualité de vie des habitants et le rayonnement technologique et scientifique de la France dans le monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Descamps, dernier orateur inscrit.

M. Jean-Jacques Descamps. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir longtemps délibéré sur le projet de loi de finances pour 2006, nous revenons à l’exercice 2005 avec le collectif budgétaire qui nous permet de clore l’année,…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En beauté !

M. Jean-Jacques Descamps. …après avoir affiné les prévisions de recettes et de dépenses.

Permettez-moi tout d’abord, monsieur le ministre, de rendre hommage à votre professionnalisme et à votre capacité de résistance. Vous passez quelques mois difficiles. Même dans votre majorité, on ne vous a pas laissé tranquille. Il est vrai que c’est pour la bonne cause – l’objectif étant que notre camp tout entier gagne. Par ce texte, vous nous proposez des mesures de régulation budgétaire permettant de respecter strictement l’engagement de dépenses prévues dans le projet de loi de finances initiale, dépenses qui resteront donc stables en volume par rapport à 2004.

C’était déjà le cas en 2004 par rapport à 2003. Et vous avez pris un engagement similaire pour 2006. C’est une bonne performance de s’inscrire dans la durée, même si je suis de ceux qui pensent que, au risque de mécontenter certains lobbies, on aurait pu faire encore un peu mieux. Mais il aurait fallu pour cela être plus exigeant vis-à-vis des administrations publiques, et ce n’est peut-être pas le cas de tous les ministères.

Le ministre des finances a eu raison, ces jours-ci, de s’exprimer avec une grande franchise et de dire clairement aux Français qu’il faudra bien finir par réduire la dette publique, par conséquent les déficits, et prendre dans les années qui viennent les mesures drastiques…

M. Augustin Bonrepaux. C’est mal parti !

M. Jean-Jacques Descamps. …de réduction des dépenses, d’encouragement à la croissance et de cession d’actifs non stratégiques.

Il est vrai que les esprits sont peu préparés à cette épreuve de vérité – certains l’ont encore dit ce soir. Nous devons faire preuve de beaucoup de pédagogie auprès de nos concitoyens. Ce n’est pas à vous, monsieur le ministre, que ce discours s’adresse, puisque, comme porte-parole du Gouvernement et ministre du budget, vous en faites beaucoup. Mais je crois qu’on peut agir avec encore plus de pugnacité. Certains d’entre nous souhaitaient, dès 2002, que cet effort de pédagogie soit entrepris, car cela prend du temps. Cela dit, ne pleurons pas sur les occasions passées et regardons l’avenir avec courage et lucidité !

Votre collectif a le mérite de rectifier le tir pour maintenir l’équilibre initialement prévu, tout en tenant compte des événements extérieurs, qui sont souvent venus compromettre vos hypothèses de base. Ces événements étaient souvent, d’ailleurs, les conséquences d’une politique irresponsable, voire mauvaise de nos prédécesseurs. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous avez trouvé les annulations et les transferts nécessaires. Nous vous en savons gré. Mais le collectif comporte surtout, comme c’est souvent le cas, des mesures nouvelles, particulièrement importantes cette fois-ci, de caractère fiscal, qui faciliteront, dans les années à venir, l’adaptation de notre pays au monde économique et social moderne.

Vous avez prévu des mesures favorisant la stabilité de l’actionnariat individuel dans les entreprises familiales par exemple, et d’autres mesures assurant les transmissions d’entreprises ou les reprises de fonds de commerce – ce qui est important dans des petites villes comme les nôtres.

Gilles Carrez a eu raison de mettre en valeur la réforme des plus-values sur les cessions d’actions. Il faut aussi saluer les mesures d’aide aux exportations et en particulier les dispositions visant à encourager les cadres à s’expatrier.

Je ne peux également qu’approuver les efforts de simplification et de libération des contraintes en matière économique et fiscale.

Je terminerai en évoquant une mesure qui me paraît malheureusement négative et qui n’est en aucune façon conforme à l’action du Gouvernement tendant à remettre de l’ordre dans la gestion de l’État. Il s’agit du projet, souhaité par le Président de la République, tendant à abonder un fonds d’aide au développement des pays africains subsahariens.

M. Charles de Courson. Vous avez raison de le regretter !

M. Jean-Jacques Descamps. J’ai beaucoup de respect pour le Président de la République.

M. Didier Migaud. Haro sur le Président ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Descamps. Il a d’ailleurs tout à fait raison sur le fond.

M. Augustin Bonrepaux. Vous pouvez le respecter, alors !

M. Jean-Jacques Descamps. C’est ce que je fais !

Mais, s’il a raison sur le fond, la solution qu’il propose ne me paraît appropriée.

M. Hervé Novelli. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Descamps. Sans doute l’aide à ces pays – dans l’esprit du Millénaire pour le développement, qui a été décidé à New York, puis à Monterrey, au Mexique – est-elle essentielle. Tout comme est nécessaire un accord international entre les pays développés ou en voie de développement – au moins les pays européens et ceux du continent américain. On ne réussira pas à trouver une solution si les pays riches ne parviennent pas à un accord. Mais pourquoi décider tout seul la création d’une taxe alors qu’on essaie, dans le même temps, de simplifier la fiscalité ou de diminuer le prélèvement de l’impôt et qu’on a renoncé au système de taxes affectées ? Pourquoi créer une taxe sur les billets d’avion ? Pourquoi pas sur tous les transports ?

M. Jean-Louis Dumont. Sur les croisières maritimes, par exemple ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Descamps. Pourquoi pas tout simplement une dotation budgétaire en valeur absolue – ou relative par rapport au PIB ? Je vous rappelle que nous avons voté, ce matin, une mesure – qui n’était pas prévue – d’un montant de 288 millions d’euros destinée à financer la prime de Noël. Cela signifie que l’on peut trouver assez facilement des économies de l’ordre de 200 millions lorsque l’on veut bien s’en donner la peine.

M. Charles de Courson. Excellent !

M. Jean-Jacques Descamps. Le Président de la République veut, nous dit-on, montrer l’exemple. Mais si cet exemple n’est pas suivi, pourquoi désavantager momentanément nos compagnies aériennes et nos plates-formes aéroportuaires ? Pourquoi ne pas s’en ternir simplement à une dotation budgétaire, largement améliorée. Je rappelle que la dotation budgétaire était en 1992 de 0,6 % du PIB avant de tomber à 0,4 % On pourrait revenir à la dotation budgétaire de 1992.

Il vaut mieux que nous négociions avec les pays européens voisins plutôt que de vouloir nous distinguer seuls, en pensant que cela encouragera les autres à nous suivre. Ce n’est pas ainsi que nous parviendrons à les convaincre. Nous reviendrons demain sur cette question. Peut-être nous proposerez-vous des solutions plus acceptables ?

Je voudrais, monsieur le ministre, revenir un instant sur le projet de loi de finances pour 2006, non encore adopté définitivement par le Parlement, et appeler à nouveau solennellement votre attention, au nom d’un certain nombre de mes collèges, sur les effets pervers du plafonnement des réductions d’impôt relatives à la loi Malraux.

M. Jean-Louis Dumont. Ah !

M. Jean-Jacques Descamps. La solution imaginée ne nous permettra pas de sauver cette loi, et toute la rénovation des centres-villes risque d’être stoppée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il est nécessaire de travailler encore sur ce sujet, avant que le débat s’achève au Sénat et que la commission mixte paritaire se réunisse.

M. Augustin Bonrepaux. Le Gouvernement fait des bêtises !

M. Jean-Jacques Descamps. Cette mesure n’est bonne ni pour la croissance, ni pour nos artisans, ni pour notre patrimoine, ni pour nos petites villes historiques.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Descamps. Aussi, monsieur le ministre, je souhaite, comme un certain nombre de mes collègues, que vous reveniez lors de la discussion devant le Sénat sur la disposition adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale.

En dépit des quelques réserves que je viens de formuler, vous pouvez compter sur mon soutien à ce projet de loi de finances rectificative.

Chacun devrait reconnaître – cela fait partie de la pédagogie à développer à l’attention de nos concitoyens – que le Gouvernement travaille activement pour l’avenir du pays. Certes les députés siégeant dans la partie gauche de notre hémicycle refusent-ils de l’admettre. Pour notre part, et, je le répète, malgré les réserves que nous exprimons sur les textes que vous nous proposez, nous soutiendrons globalement votre action. C’est notre fierté. Et c’est tous ensemble que nous gagnerons dans les années qui viennent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Mesdames, messieurs les députés, à l’issue de cette très intéressante discussion générale, je souhaite apporter aux intervenants quelques éléments de réponse et quelques commentaires.

Monsieur Bonrepaux, vous avez évoqué la « situation financière déplorable de la France », l’« augmentation de la dette ». Je ne veux pas répéter les propos que j’ai tenus en réponse à M. Migaud. Je dirais simplement que je vous trouve bien sévère à l’égard des ardoises laissées par le gouvernement Jospin. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous parlons là très largement de ce que nous avons eu à payer après. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) La formule est brevetée : M. Jospin lui-même a revendiqué le « droit d’inventaire » !

M. Philippe Auberger. Tout à fait ! Exerçons notre droit d’inventaire !

M. Augustin Bonrepaux. Vous avez augmenté la dette ! Il y a une différence !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Laissez-moi parler, monsieur Bonrepaux ! Je ne vous ai pas interrompu.

Je rappellerai pour mémoire : les 35 heures – coût : 15 milliards –, les 48 000 créations d’emplois sur la durée de la législature, trois prestations nouvelles, notamment l’APA, dont chacun se souvient. Divers foyers de dépenses ont été créés, qui ont constitués, monsieur Bonrepaux, une charge terrible pour les départements.

M. Augustin Bonrepaux. Ce serait moins terrible, si vous assuriez la compensation à hauteur de 50 % !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Bref, tout cela entraînait des dépenses considérables !

Nous avons beaucoup discuté des finances locales. Aussi n’y reviendrai-je pas, si ce n’est pour souligner que nous inscrivons dans le collectif, comme je m’y étais engagé, les fameux 457 millions d’euros pour le RMI.

À M. de Courson, que je vois installé sur les bancs de l’UMP (Sourires) et c’est sans doute ce qui m’a conduit à trouver son intervention très intéressante (Rires.) –, je ferai observer que tous les gouvernements sont conduits à amender leur collectif. Cela fait partie de la règle du jeu. C’est évidemment à l’Assemblée nationale que l’essentiel des amendements sont déposés. Il s’agit là donc d’un rituel auquel je n’avais aucune raison particulière de vouloir échapper. Ce qui a changé, en revanche, par rapport à ce qui a pu se produire dans des exercices précédents, c’est que le collectif proposé est parfaitement équilibré et qu’il n’alourdit pas la charge.

M. Michel Bouvard. C’est exact !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Toutes les dépenses nouvelles sont gagées, comme j’en avais pris l’engagement. Vous l’avez d’ailleurs rappelé, monsieur Bouvard !

M. Charles de Courson. Sauf les 2,5 milliards du FFIPSA !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. De plus, ce collectif comporte des dispositions fiscales innovantes, qui sont en pleine cohérence – M. Descamps l’a souligné – avec ce que nous avions dit jusqu’à présent.

Vous vous êtes montré, monsieur de Courson, un peu critique sur la prime de Noël. Mais vous savez fort bien qu’il n’y a pas d’alourdissement ! Cela correspond exactement à ce qui avait été décidé par le Premier ministre. Il en est ainsi pratiquement chaque année.

Je voudrais m’attarder un instant sur le problème de l’utilisation des autoroutes par les transporteurs. C’est un sujet très important, qui mérite des explications.

M. Michel Bouvard. En effet !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Jusqu’au 1er janvier 2001, les tarifs payés par les utilisateurs d’autoroutes n’étaient pas soumis à la TVA.

M. Michel Bouvard. Exact !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Les transporteurs routiers n’acquittaient donc pas cet impôt au titre de leur utilisation du réseau autoroutier français. J’insiste sur ce point majeur.

La Cour de justice des Communautés européennes a pris en septembre 2000 la décision de considérer que les péages autoroutiers devaient entrer dans le champ d’application de la TVA.

M. Charles de Courson. À compter de quelle date ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. À compter de 2001…

M. Charles de Courson. Non !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. À compter de 2001, les prix des péages ont été soumis à la TVA, et donc augmentés à due concurrence pour les poids lourds.

M. Charles de Courson. Sans respecter la décision de la Cour de justice !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cette augmentation a été, comme il se doit, neutre pour les transporteurs routiers, puisqu’ils ont acquis le droit de déduire la TVA venue majorer le montant des péages.

Pour la période qui précédait 2001, les transporteurs routiers ont réclamé la restitution de la taxe qu’ils n’avaient pas acquittée. C’est là, sans doute, monsieur de Courson, un point de divergence entre nous. Le Conseil d’État a jugé, le 29 juin 2005, que les transporteurs routiers étaient fondés à demander aux concessionnaires d’autoroutes des factures rectificatives pour les péages payés avant 2001 faisant apparaître la TVA, qu’ils n’avaient pas payée.

M. Charles de Courson. Au 1er janvier 1996 !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous aurez l’occasion, monsieur de Courson, de m’expliquer ultérieurement votre point de vue.

M. Charles de Courson. Absolument !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Dès lors se pose la question de savoir si ces factures rectificatives doivent ajouter au prix initial la TVA qui avait été omise à tort ou, au contraire, individualiser celle-ci au sein même de ce prix. Cette question n’est pas tranchée par la jurisprudence.

M. Charles de Courson. Si !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est là, monsieur de Courson, que se justifie pleinement l’amendement que je dépose.

Le Conseil d’État présume, en l’absence de stipulation contraire, que lorsqu’une facture n’individualise pas la TVA, le prix facturé doit être considéré comme étant exprimé toutes taxes comprises.

M. Charles de Courson. Oui !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La Cour de cassation estime, quant à elle, que les usages commerciaux impliquent que, sauf stipulation contraire, les prix s’entendent hors taxes.

M. Charles de Courson. En matière fiscale, ce n’est pas la Cour de cassation qui est compétente, mais le Conseil d’État.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si ! Elle l’est en matière commerciale.

M. Charles de Courson. Non !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le Gouvernement avait donc le devoir de trancher. C’est pourquoi nous avons souhaité préciser et uniformiser les modalités d’émission de factures rectificatives.

S’agissant d’une taxe omise à tort, il a retenu la solution consistant à ajouter sur les factures rectificatives cette taxe au prix initialement payé. Une disposition en ce sens sera donc ajoutée au projet de loi que je vous soumets.

Cette solution est celle qui respecte le mieux les équilibres contractuels initiaux parce que l’augmentation du prix des péages en 2001 – lorsque la TVA a commencé à être effectivement perçue sur les péages – montre que le prix précédent était considéré par tous les opérateurs économiques comme hors taxes.

M. Charles de Courson. Non !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. En outre, il s’agit d’une décision en équité...

M. Charles de Courson. Non !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …où nous trouvons le principe de la neutralité de la TVA. L’individualisation du montant de la TVA dans le prix initial permettrait à tout professionnel ayant accepté de payer une facture n’incluant pas la TVA de déduire un impôt qu’il n’a pas acquitté. Cette solution conduirait à un enrichissement sans cause.

M. Philippe Auberger. C’est évident !

M. Charles de Courson. Non !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur de Courson, vous avez beau dire non, c’est ainsi que les choses se sont passées.

M. Charles de Courson. Nous aurons ce débat demain !

M. Alain Joyandet. Le ministre a raison !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Bien entendu, les professionnels du transport routier auraient souhaité que le Gouvernement adopte l’autre solution laquelle aurait permis à un certain nombre d’entreprises déjà actives entre 1996 et 2000 – et qui auraient conservé leurs factures, ce qui est bien sûr le cas – de bénéficier de versements de l’État à un moment où cette profession connaît une situation difficile. Je le conçois aisément. Mais dans le même temps, chacun doit aussi comprendre que dans ce domaine, le remboursement aux entreprises les plus anciennes du secteur du montant théorique d’une taxe qui en réalité n’a jamais été acquittée serait incompris par les Français et ne peut pas être l’instrument adapté pour y répondre. Certes, cela peut améliorer la trésorerie de certaines entreprises à court terme, mais cela n’a pas de sens sur le plan économique. À l’extrême, un transporteur individuel retraité pourrait prétendre au remboursement alors qu’une jeune entreprise réalisant d’importants investissements et installée après 2000 ne serait pas aidée !

Les transporteurs routiers n’empruntant pas les autoroutes n’enregistreraient aucun gain alors que des transporteurs étrangers seraient fondés à demander à l’État français la restitution d’un impôt qu’ils n’ont jamais acquitté ! Vous voyez combien tout cela donnerait lieu à des situations aussi inéquitables qu’inextricables.

M. Philippe Auberger. Surréalistes !

M. Charles de Courson. Je vous répondrai sur ce point, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’évoquerai un autre point, non polémique, pour bien comprendre l’esprit dans lequel nous abordons cette question.

Le Gouvernement a pris par ailleurs des mesures structurelles en faveur de la compétitivité du transport routier de marchandises qui sont très significatives. Depuis un an, le remboursement de TIPP au titre du gazole professionnel a été déplafonné et accéléré. Le coût pour le contribuable est de 60 millions d’euros. Le dégrèvement de taxe professionnelle réservé aux camions de plus de seize tonnes est passé, par étapes, de 122 à 700 ou 1 000 euros, selon les caractéristiques du véhicule, et a été étendu aux camions de 7,5 tonnes et plus.

M. Michel Bouvard. Il faut aussi se préoccuper de l’harmonisation au niveau européen.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Absolument !

Le coût pour le contribuable est de 265 millions d’euros. S’ajoutent à cela la transposition des directives sur le temps de travail qui a permis un élargissement des périodes de calcul des temps de service des conducteurs et des mesures législatives pour atténuer la répercussion de la hausse du prix du pétrole sur les chargeurs et limiter la durée du cabotage transfrontalier.

Je tenais, monsieur de Courson, à répondre aussi précisément que possible à votre argument sur ce sujet essentiel à nos yeux.

S’agissant du FFIPSA, il s’agit d’une dette qui a déjà été comptabilisée en comptabilité maastrichtienne. Cette dette est par ailleurs héritée du BAPSA. Par solidarité avec le régime des exploitants agricoles, l’État en reprend le stock, mais la coordination nécessaire sur la charge de la dette sera évidemment opérée.

Voilà, monsieur de Courson, pour répondre à quelques points de votre intervention au contenu très fourni et très intéressant, même si vous comprendrez que je ne puisse pas vous rejoindre sur tous les sujets, mais j’en ai apprécié le ton plus modéré que lors de nos précédents échanges. À force de nous côtoyer, nous nous comprenons mieux ! (Sourires .)

M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Balligand, merci d’avoir bien voulu mettre en évidence les indicateurs récents très positifs que nous constatons aujourd’hui grâce à la politique du Gouvernement ! (Sourires.)

M. Hervé Novelli. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous avez également noté, en bon observateur de la société que vous êtes, la forte reprise au troisième trimestre – je suis content de ne pas avoir été le seul à le constater – le très bon niveau de la consommation et la décrue très nette du chômage. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Je suis heureux de voir que vous vous réjouissez avec nous !

Pour le reste, vous avez été très dur, trop sans doute.

M. Jean-Pierre Balligand. Injuste ?

M. Hervé Novelli et M. Philippe Auberger. Oui !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Car nous avons tenu à l’euro près, je l’ai dit à M. Migaud tout à l’heure qui a bien voulu en convenir…

M. Didier Migaud. Pas du tout !

M. Philippe Auberger. Maintenant, il se rétracte !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous avons tenu, à l’euro près, la dépense votée et ce collectif est entièrement gagé.

Quant au fonds de réserve des retraites, je veux bien parler de tout avec vous, monsieur Balligand, mais pas de retraite. Nous, nous aurons un bilan à présenter aux Français, et de quoi leur parler d’avenir, alors que le vôtre se résume à quelques rapports qui n’ont abouti à aucune décision !

M. Jean-Pierre Balligand. Toujours est-il que vous n’avez pas abondé le fonds de réserve !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Figurez-vous, monsieur Balligand, que nous pouvons nous targuer d’avoir fait une sacrée réforme !

M. Jean-Pierre Balligand. Le rendez-vous des prochaines années sera décisif !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Merci, monsieur Bouvard, pour vos propos d’encouragement. Ensemble, nous avons en grande partie résorbé la bulle des reports et c’est sans doute l’un des points dont nous pouvons être, collectivement, le plus fiers : il n’était en effet pas si simple de passer de 14 milliards de reports en 2002 à 5 milliards aujourd’hui.

M. Hervé Novelli. C’est vrai.

M. Michel Bouvard. Il faudra veiller à ne pas les réalimenter !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous pouvez compter sur moi pour éviter un tel gâchis. S’agissant du financement des mesures salariales, il est très difficile, comme vous le soulignez, d’afficher ce qu’il en sera avant la négociation.

M. Michel Bouvard. En effet, c’est un problème de méthode !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous serons évidemment attentifs à la maîtrise de la dépense publique, mais aussi à la réflexion globale sur les conditions de travail des fonctionnaires. Sur tous ces sujets, nous avançons en proposant un certain nombre d’innovations et d’éléments de modernisation, mais nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la conférence des finances publiques qui, pour des raisons techniques liées au calendrier parlementaire, sera décalée de quelques jours.

Nous reviendrons sur les parachutes dorés, monsieur Bouvard, au cours du débat. Je rejoins bien sûr vos préoccupations, mais je me pose la question de savoir s’il faut aller plus loin.

M. Hervé Novelli. Non !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous en débattrons, mais pour ma part, je suis très réservé sur ce sujet. Nous avons déjà, vous le savez, accru la transparence de la décision sur les indemnités – désormais prise par les actionnaires.

M. Michel Bouvard. C’est vrai.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Et je ne voudrais pas que la formule retenue aille au-delà de ce que l’on pourrait souhaiter. Mais nous en parlerons, car le débat est important.

M. Jean-Jacques Descamps. Très bien.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Auberger, vous avez évoqué les 2 000 milliards de dettes et d’engagements financiers de l’État. Je vous sais gré d’avoir bien distinguer les deux. Thierry Breton et moi-même sommes très attentifs à ce qu’il n’y ait pas d’amalgame : la dette effective de l’État s’élève à 1 117 milliards, le solde relevant des engagements hors bilan, avec la marge d’erreur d’évaluation classique en la matière. Cela forme un ensemble très composite, clairement retracé dans le compte général de l’administration, ce qui permet de bien prendre la mesure des choses. Le rapport Pébereau nous aidera à faire œuvre de pédagogie sur ce sujet auprès des Français. Ce travail de pédagogie, monsieur Auberger, est très important, car il ne s’agira pas simplement de constater qu’il y a des dettes, tout le monde le sait, mais de dire ce que l’on va faire et de décider des mesures à prendre, à court et moyen terme, pour engager la résorption de la dette. Cela passe par la gestion active de la dette et par la maîtrise de la dépense publique.

M. Hervé Novelli. Tout à fait !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est en effet l’accumulation des déficits qui fait la dette. Nous devons être capables de maîtriser la dépense publique et de la rendre plus efficace au quotidien…

M. Hervé Novelli. Et de l’abaisser !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. On ne peut pas se satisfaire de cette formule, monsieur Novelli. Ce qui compte, c’est de faire le meilleur service public au meilleur coût ! Dans de nombreux cas, cela signifie qu’on l’abaisse, mais dans d’autres cas, cela peut vouloir dire qu’on l’augmente.

M. Hervé Novelli. Globalement, mieux vaut l’abaisser.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vous donne un exemple. Si un audit sur l’efficacité de la police aux frontières à Roissy conclut à la nécessité d’augmenter ses effectifs, faudra-t-il, monsieur Novelli, lui en affecter moins, au motif que certains souhaiteraient – vous, peut-être – ne pas remplacer les départs en retraite ?

M. Jean-Jacques Descamps. Vous caricaturez !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ce n’est nullement une caricature, je peux citer mes sources !

En tout de cause, si on le faisait, ce serait irrationnel eu égard aux besoins du service public. Dans d’autres domaines, en revanche, on sait qu’on aura à le faire.

M. Hervé Novelli. Globalement, il faudra l’abaisser, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Globalement, nous nous y retrouverons, monsieur Novelli !

Je rejoins Sylvie Andrieux dans son souhait d’engager un dialogue direct et sans détour avec les collectivités locales, sujet de prédilection de M. Bonrepaux qui, je l’espère, ne m’en voudra pas de la remercier d’avoir élargi l’approche de ces questions, ce dont je me suis réjouis.

M. Hervé Novelli. C’était moins misérabiliste !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Cela dit, madame, je ne partage pas toutes vos réflexions. (Sourires.) Il n’en reste pas moins que la conférence des finances publiques sera l’occasion de revoir ces différents sujets, et de lever certains malentendus. Il est à souhaiter que nous serons capables de sortir du sacro-saint clivage droite-gauche qui nous fait tant de mal, afin de nous permettre de nous retrouver de manière consensuelle au service de la République !

Monsieur Descamps, quel moment agréable j’ai passé avec vous ! (Sourires .)

M. Jean-Jacques Descamps. Tout le plaisir était pour moi ! (Sourires .)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous m’aviez plutôt habitué à un ratio « 10 % » d’enthousiasme et « 90 % » de « légères réserves » Là, j’étais au bord des larmes… Un tel enthousiasme et une telle sympathie dans les compliments m’ont sincèrement touché.

M. Charles de Courson. Sauf pour la taxe de solidarité !

M. Jean-Jacques Descamps. Et la loi Malraux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’y viens. Bref, ayant été très sensible à vos encouragements d’autant plus précieux qu’ils ne sont pas si fréquents, je vous en sais gré.

S’agissant de la taxe sur les billets d’avion, j’espère, au cours du débat, parvenir à vous convaincre. Nous y passerons le temps qu’il faut…

M. Hervé Novelli et M. Jean-Jacques Descamps. Prévoyez plusieurs jours !

M. Michel Bouvard. Nous entrons dans une zone de turbulences… (Sourires .)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je suis à votre entière disposition. Nous engagerons un débat de fond demain à l’occasion de l’examen de l’article concerné, car je connais vos réserves en la matière.

S’agissant du dispositif Malraux, qui vous tient tant à cœur, ce qui prouve que les aides d’État, c’est parfois bien utile, monsieur Descamps, surtout lorsqu’il s’agit de déductions fiscales,…

M. Jean-Jacques Descamps. L’État s’y retrouve !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …je veux simplement vous mettre en garde qu’exclure totalement le dispositif Malraux du champ du plafonnement des niches fiscales nous mettrait dans une situation de fragilité constitutionnelle. À l’inverse, en intégrer une partie préserve la logique des critères que j’ai retenus, dont celui du retour sur investissement.

Je comprends vos inquiétudes sur la complexité du système et nous travaillerons ensemble à sa simplification. Pour l’heure, donnons sa chance au produit. Nous verrons bien au fil du temps quelle en sera l’évolution. Mais je partage votre souci de pragmatisme et de simplicité. Ce n’est pas le jour que j’ai annoncé le lancement de la déclaration de revenus pré-remplie…

M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …que je vais défendre d’inutiles complexités fiscales. Ce serait une mauvaise journée !

Merci donc de cette précieuse contribution dans ce débat passionnant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue pendant cinq minutes.

(La séance, suspendue le jeudi 8 décembre 2005 à zéro heure quinze, est reprise à zéro heure vingt.

M. le président. La séance est reprise.

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, lors de la discussion générale, je n’ai pas eu le temps de m’exprimer à propos des problèmes posés par votre conception de la décentralisation et des transferts de charges.

J’aimerais d’abord vous rappeler ce qu’était la décentralisation à l’origine. Elle associait aux transferts de charges des compensations évolutives : la dotation de décentralisation, qui évoluait comme la DGF, soit l’inflation et deux tiers de la croissance du PIB, la vignette automobile ainsi que la taxe sur les droits de mutation.

M. Michel Bouvard. Vous l’avez plafonnée !

M. Augustin Bonrepaux. M. le président de la commission des finances et vous-même, monsieur le ministre, aimez à dire que cette dernière augmente beaucoup. Mais si elle augmente, c’est justement pour compenser les charges de décentralisation qui persistent car nous avons toujours des collèges à construire ou à rénover et des transports scolaires à assurer. J’ajoute, monsieur Bouvard, qu’il est heureux que nous l’ayons plafonnée car certains départements en tiraient des recettes excessives.

Permettez-moi de m’étonner, monsieur le ministre, que vous ne pensiez pas à pratiquer davantage la péréquation, alors même que vous soulignez que son principe est inscrit dans la Constitution. Il faudrait, par exemple, travailler à mieux répartir les recettes issues de la taxe sur les droits de mutation, dont il est tant question.

Le département des Alpes-maritimes n’a, paraît-il, aucune difficulté pour compenser le transfert du RMI. Mais le produit par habitant de la taxe sur les droits de mutation y est quatre à cinq fois plus élevé que dans les départements les plus pauvres : 169 euros contre 40 euros pour le Cantal, 30 euros pour la Corrèze et 34 euros pour la Creuse. Citons encore le département des Yvelines – 130 euros par habitant –, du Var – 145 euros –, ou des Hauts-de-Seine – 183 euros. Il y aurait donc beaucoup à faire en matière de péréquation.

Pour votre part, vous transférez les charges, mais vous plafonnez les recettes. Reconnaissez-le au moins ! Cette année, l’affectation des recettes de la TIPP est inférieure à celle de 2004. Voilà bien une anomalie puisque, loin de la compensation à l’euro près annoncée, il y a une diminution de celle-ci.

Au-delà de la baisse des recettes, il faut prendre en compte l’augmentation du nombre de RMIstes, qui a été cette année en moyenne de 2,4 % à l’échelon national. Pour la première fois depuis des années, dans mon département, l’augmentation a été inférieure, avec 1,8 %. Mais dans d’autres départements, la progression est encore de 3 % à 6 % : 4,9 % dans le Finistère, 6,1 %  en Eure-et-Loir. Autrement dit, les progressions sont différentes d’un département à l’autre mais la charge reste tout aussi importante.

Le déficit entraîné par le transfert du RMI sera deux fois plus élevé cette année que la précédente. Dans mon département, il atteignait à la fin du mois de novembre, 2, 461 millions contre 1,078 million en 2004. Fin décembre, il s’élèvera sans doute à 2,8 millions, ce qui représente 5 % d’impôts supplémentaires. Or le plafonnement des bases de la taxe professionnelle va nous obliger à augmenter les autres impôts, en particulier les impôts des ménages. Au total, la hausse de l’imposition sera donc de 8,75 %.

En examinant les comptes que vous nous avez fournis, on constate d’importantes différences d’un département à l’autre. Pour le Nord, la compensation est de 29 millions cette année. On peut penser qu’elle sera de 60 millions, l’année prochaine, ce qui impliquera tout de même une hausse de la fiscalité de 4 % ou 5 %. Mais comme les bases de ce département sont plafonnées à plus de 70 %, la hausse des impôts ne sera pas de 4 % ou 5 % mais de 7 % ou 8 %.

Cela vous paraît-il normal ? Pouvez-vous encore prétendre que la décentralisation se fait sans charges supplémentaires pour les collectivités locales ? Quelle réponse pouvez-vous nous apporter ? Notez bien que je ne polémique pas : je fais des constats à partir de chiffres certains, connus à ce jour.

Je peux vous donner l’exemple du département de la Creuse. Vous allez lui rembourser cette année 800 000 euros. On peut penser que, sur la même tendance, le déficit sera de 1,5 million, ce qui représente encore 5 % d’impôt. Comme ce département est moins plafonné, cela se traduira par une augmentation de 7 %.

Pensez-vous que les départements les plus défavorisés, que ces populations, qui sont souvent parmi les plus pauvres, peuvent supporter ces charges supplémentaires ? J’aimerais bien que vous nous fassiez part de votre sentiment sur ce point parce que c’est une question fondamentale, une question qui va provoquer de toute façon une contestation et un climat insoutenable entre les départements et le Gouvernement.

Puisque vous voulez mettre les choses sur la table, commençons à le faire dans les assemblées qui sont faites pour cela ! Vous nous parlez d’une grande conférence sur les finances publiques, mais à quoi va servir cette conférence quand vous avez tout décidé, que vous ne compensez rien et que la loi de finances est votée ? À quoi ça sert sinon à essayer encore de faire passer la pilule en donnant l’impression que l’État fait beaucoup pour les collectivités locales ? Je considère, moi, que l’État ne fait que ce que le Parlement a décidé. Celui-ci a souvent confisqué aux collectivités locales sous forme de taxes, sous forme de taxe professionnelle, en disant que ce serait compensé. L’État respecte les engagements qui ont été pris, pas plus. Qu’on ne vienne donc pas nous dire de regarder ce que fait l’État pour les collectivités locales, et que ce ne soit pas une raison pour transférer la plus grande partie des charges sur les collectivités locales.

Le rapporteur de la mission d’information avait écrit que, finalement, la décentralisation n’entraînait aucune charge pour les collectivités locales. C’était faux, et cela montre bien que ce rapport était écrit à l’avance. Qui, en effet, peut contester le fait que ce soit une charge pour les collectivités locales, une charge qui n’est pas compensée ?

J’espère bien, monsieur le ministre, que vous nous apporterez quelques réponses. Vous remarquerez que je ne parle que de choses concrètes, simples, que tout le monde peut vérifier. Il n’y a plus personne aujourd’hui pour me dire que la TIPP est une taxe évolutive. Vous êtes là, le président de la commission des finances est là, le rapporteur général n’est pas là mais vous lui ferez la commission…

M. Michel Bouvard. Il va arriver !

M. Augustin Bonrepaux. Personne ne peut dire que la TIPP est une taxe évolutive. D’ailleurs vos amis ne le disent pas non plus. J’espère que vous les entendrez un peu plus que vous n’entendez l’opposition ici. Nous venons d’avoir un débat sur la taxe professionnelle, vous avez tout de même reconnu, le président de la commission des finances aussi, que la situation des départements était intenable, mais vous continuez.

Pour les TOS, on nous a dit de ne pas nous inquiéter car, la première année, ils seraient pris en charge par l’État. Pensez-vous qu’on peut prendre en charge cinquante, quatre-vingts, une centaine d’agents sans leur donner de directives, sans organiser leur travail ? Vous trouvez que ça ne coûte pas cher ? Vous ne trouvez pas qu’il faut au moins un ou deux agents pour assurer cela ? Et où est la compensation ?

Nous attendons d’ailleurs encore la compensation pour les emplois aidés. On nous dit qu’elle va venir. Comment organiser le travail pour 2006 quand nous ne savons pas aujourd’hui ce quelle sera ? Nous verrons les effets à la longue. Les charges évoluent chaque année d’un peu plus de 3 % et je crains que le produit de la taxe sur les conventions d’assurance n’évolue pas de la même façon. En 2003, on me disait que mes craintes n’étaient pas justifiées. Pour la TIPP, elles le sont.

Je disais, monsieur le rapporteur général, que l’évolution de la TIPP n’était pas celle que vous annonciez à l’époque.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est pour ça qu’il y a une garantie constitutionnelle.

M. Augustin Bonrepaux. Oui, il y a une garantie qu’elle restera au niveau de 2003.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle ne peut pas descendre au-dessous !

M. Augustin Bonrepaux. Oui, mais le Gouvernement augmente normalement le RMI chaque année, et le nombre de RMIstes augmente malheureusement aussi. Pouvez-vous donc m’expliquer comment on peut financer ? Je disais que, pour certains départements, le déficit était de 8 à 9 %, mais je ne vais pas recommencer ma démonstration pour ne pas retarder le débat.

Pour la région, à un degré moindre certes, il y avait aussi un transfert de charges, et d’ailleurs, monsieur le rapporteur général, vous énumérez dans votre rapport toutes les charges qui ont été transférées. L’année dernière, la commission d’enquête niait pratiquement le fait qu’il y ait des transferts de charges pour les régions. Il y en a tellement qu’il faut compenser aujourd’hui 48 millions qui n’avaient pas été attribués.

Je crois d’ailleurs, monsieur le ministre, que, si la décision du Premier ministre de compenser les 450 millions avait été prise avant le mois de janvier, avant que les départements ne votent leurs budgets, les augmentations n’auraient pas été aussi importantes. Si vous voulez éviter une explosion en 2006, il faudrait que nous ayons une réponse. Il me semble tout de même que le moins qu’on puisse exiger, c’est que le surcoût qu’on a reconnu en 2004 soit pérennisé, ce que nous avons demandé à la commission consultative d’évaluation des charges. On nous disait que c’était soumis à l’arbitrage du Premier ministre. Le Premier ministre a changé, et il n’arbitre toujours pas. Seulement nous sommes confrontés nous, à la préparation des budgets pour 2006 et, aujourd’hui, aucun conseil général sérieux ne peut prévoir ce que sera l’équilibre de son budget et, surtout, quel niveau d’imposition il sera obligé de demander aux contribuables.

Pour les régions, il en est de même, peut-être à un degré moindre, mais en tout cas, le déficit montre bien que, là aussi, il y a un transfert non compensé.

Je disais que la décentralisation était un transfert de charges. La précédente décentralisation, je vous le rappelle, avait rendu le pouvoir aux élus, c’était aussi la fin de la tutelle. Votre décentralisation et ce que vous êtes en train de faire maintenant, c’est le retour d’une tutelle financière puisque, quand vous plafonnez la taxe professionnelle, vous paralysez l’action des collectivités locales. D’un côté, vous accroissez les charges et, de l’autre, vous réduisez les recettes. Pour les départements, la TIPP est pratiquement stabilisée, quand elle n’est pas en régression, la taxe sur les conventions d’assurance est elle aussi stabilisée, et vous plafonnez la taxe professionnelle. Dites-moi donc quel choix il nous reste, parce qu’il y a les TOS, les personnels de l’équipement, ce qui va venir, c’est-à-dire la compensation du handicap,…

M. Michel Bouvard. Ça, c’est un vrai problème !

M. Augustin Bonrepaux. …et puis les SDIS.

Vous nous dites que le plafonnement de la taxe professionnelle permet d’éviter les délocalisations. Oui, mais que nous demandent les entreprises ? Elles veulent des routes convenables, des routes déneigées, elles demandent l’accès au haut débit, et on paie avec quoi ? Quand on nous empêche d’augmenter nos ressources, on paie avec quoi ? D’un côté, vous accroissez les charges et, de l’autre, vous plafonnez les recettes.

Je suis tout de même un petit peu surpris du comportement du Gouvernement, ou même de la majorité. On nous transfère les charges et on nous dit de les assumer. Pourquoi pas ? Mais le Premier ministre décide que les présidents de conseil général vont devoir contrôler la présence des élèves dans les écoles et sanctionner les familles en cas d’absence. C’est la démission de l’État devant les problèmes qui lui incombent et devant ses responsabilités régaliennes ! La sécurité, ce n’est pas encore une compétence des départements ! L’éducation nationale, ou alors il faut nous dire que ça a changé, ça reste une compétence de l’État, et ce n’est pas encore le département qui verse les allocations familiales ! Qu’est-ce que c’est ce montage où l’on va dire au président du conseil général de confisquer les allocations familiales – de quel droit, au nom de quoi ? – et de les mettre sur un compte d’attente ? C’est la démission des responsables ! Jusqu’à présent, quand les enfants ne vont pas à l’école, c’est à l’inspecteur d’académie, aux représentants de l’État, de dire que les allocations familiales ne doivent pas être versées aux familles.

S’il y a décentralisation, monsieur le ministre, il faut aussi que l’État assume ses responsabilités ! S’il y a décentralisation, pourquoi créer une nouvelle dotation d’insertion, dont une partie sera décentralisée et l’autre recentralisée ? Sur la base de quels critères ? Est-ce que cela sera réservé uniquement aux élus de l’UMP ? On n’en sait rien. Est-ce que c’est ça la décentralisation ? En tout cas, il ne faut pas essayer de nous faire croire que 80 ou 100 millions de crédits supplémentaires vont compenser le milliard qui fait défaut.

Enfin, dernière surprise, je reçois une lettre de M. le ministre Philippe Bas, qui doit bien connaître, certainement mieux que moi, le fonctionnement de l’enfance en difficulté et qui me demande d’engager de toute urgence un débat dans le département pour voir comment améliorer les choses. Un tel débat, nous l’avons fait l’année dernière, nous ne l’avons pas attendu !

M. Michel Bouvard. M. Bonrepaux a raison sur ce point !

M. Augustin Bonrepaux. S’il considère que les ministres vont mieux gérer ce service, qu’il recentralise et qu’il le prenne en charge, et qu’il dise que nous sommes des irresponsables ! On décentralise et, ensuite, on veut nous caporaliser. Il me semble qu’il y a un certain nombre de contradictions entre ce que vous prétendez être la décentralisation et vos propres décisions.

Les élus en ont assez ! La coupe est pleine pour les élus de gauche, mais aussi pour les autres, même s’ils n’osent pas trop le dire parce qu’ils appartiennent à la majorité. Vous-même, monsieur le ministre, vous avez reconnu, comme le président de la commission des finances, qu’il y avait des problèmes surtout pour les départements.

Je vous livre quelques extraits des propos tenus par un de vos collègues du Sénat, peut-être y porterez-vous davantage d’attention.

« Les départements souffrent tout particulièrement ! Les dépenses liées à l’APA, au RMI, à la prestation compensatoire du handicap, ou aux services départementaux d’incendie et de secours, s’imposent à eux, toujours croissantes, alors même que l’impact budgétaire de l’acte II de la décentralisation ne s’est pas encore fait sentir. Avec des recettes quasi fixes, comment financer des dépenses décidées par d’autres et par nature évolutives ? […] Du côté des recettes, quelles seront les conséquences de la réforme de la DGE des départements, du plafonnement de la taxe professionnelle et de la création du bouclier fiscal ? […] Surtout, nous devons adapter les recettes des départements à la nature de leurs dépenses. Ce n’est pas le cas dans ce budget. […] Le RMI ne saurait être financé par une taxe qui diminue quand le prix du baril de pétrole augmente. »

L’auteur de cette analyse, qui résume ce que je ne cesse de dire, est M. de Raincourt, président du conseil général de l’Yonne, que certainement M. Auberger connaît mieux que nous.

J’ai essayé d’exposer ces problèmes pour obtenir une réponse et surtout des solutions. Il ne suffit pas de nous dire qu’on va organiser une grande conférence, il faut dire quelles réponses concrètes vous allez apporter. Nous ne pouvons nous rendre à la conférence qu’en ayant l’assurance que l’État va commencer à tenir ses engagements.

Au-delà de ce problème important, je pourrai aussi parler de la réforme de la fiscalité de l’épargne qui est particulièrement injuste. C’est toujours l’épargne des plus favorisés que vous améliorez alors que l’épargne réglementée est soumise à rude épreuve. D’ailleurs, elle ne recouvre pas que les foyers modestes : tous les petits épargnants y ont recours. Or ces avantages ont été fortement amoindris : de la baisse historique de la rémunération du populaire livret A, qui certes va augmenter de 0,25 %, jusqu’à la fiscalisation progressive du PEL qui va connaître un nouveau palier en 2006 – que bien sûr nous ne voterons pas ; s’il y a eu quelques erreurs au Sénat…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Tout le groupe socialiste du Sénat l’a votée !

M. Michel Bouvard. Il y a un courant « blairiste » au Sénat !

M. Augustin Bonrepaux. …le groupe socialiste de l’Assemblée nationale ne le votera pas !

Et puis il y a la suppression du plan d’épargne populaire et son remplacement par un produit beaucoup moins avantageux. Cela fait beaucoup !

En revanche, pour les PEA, le plafond des investissements en franchise totale d’impôt a connu une forte progression depuis 1993, passant de 180 000 euros à 360 000 euros.

En 2003, vous avez amélioré le seuil de cession en deçà duquel les plus-values sont totalement exonérées sur un portefeuille de titres ordinaires, en le portant de 7 500 euros à 15 000 euros. Et la réforme de l’avoir fiscal, dans le cadre de la loi de finances, a eu en outre pour conséquence de tripler l’effet de l’abattement sur les dividendes perçus, comme l’a un peu déploré M. Auberger.

Aujourd’hui, vous nous proposez un dispositif à la fois injuste et hypocrite – puisqu’il ne s’appliquera que dans cinq ans et que d’autres auront à le financer.

On nous dit qu’il s’agit d’encourager les investissements mais la mesure n’est pas uniquement réservée aux investissements en France. N’est-ce pas encore la même logique d’avantager toujours ceux qui ont le plus ?

Quant à la taxe de solidarité sur les billets d’avion, je la défendrai brièvement, parce que personne à cette tribune ne l’a fait. Je n’ai pas entendu le groupe UMP dire qu’il fallait la voter.

Elle constitue un geste de solidarité en direction des pays en difficulté, touchés par une maladie dont tout le monde déplore les effets. Cette taxe représentera entre un et quatre euros pour la majorité des passagers et un peu plus dans les classes affaires, où l’on bénéficie de davantage de services – de dix à quarante euros. Mais ce n’est pas avec 210 millions que l’on réglera tous les problèmes. Il faut aller plus, vers une taxation des finances que nous avons proposée et qui est inscrite dans la loi. Cette taxe est un premier geste. Nous la défendrons et nous nous opposerons à tous les amendements qui auraient pour objet de la réduire.

Monsieur le ministre, sur ce budget nous serons positifs chaque fois qu’il ira dans le sens de la solidarité et de l’amélioration de la décentralisation. Malheureusement, pour l’instant, ce n’est pas le cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. À cette heure tardive, je serai très bref, d’autant que les sujets abordés, avec le talent qu’on lui connaît, par M. Bonrepaux, sont des sujets dont nous avons eu le plaisir de débattre longuement à l’occasion du projet de loi de finances pour 2006. Ces questions sont difficiles. Nous avons essayé d’y apporter des réponses. J’ai reconnu que les départements étaient un sujet majeur, et qu’il fallait trouver une sortie par le haut, notamment à travers une réflexion globale sur l’insertion. Nous y reviendrons lors de la discussion des amendements, mais aussi l’année prochaine. Sur ces sujets majeurs, nous aurons, je l’espère, l’occasion d’accomplir des progrès significatifs.

Mais pour l’heure je demande à l’Assemblée de repousser cette motion.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Voilà des mois que nous parlons des collectivités locales et des équilibres de finances et ce sera encore le cas dans les mois à venir.

M. Bonrepaux défend avec une grande sincérité et une ténacité presque bretonne (Sourires), sur ces problèmes de collectivités locales, des arguments qui ne sont pas tous inexacts. Mais nous sommes sur deux orbites différentes : celle des collectivités locales qui estiment, aujourd’hui comme hier, que l’État leur transfère des responsabilités sans les moyens correspondants ; et celle de l’État, qui prend de plus en plus en charge une partie extrêmement importante – cette année encore, 3 milliards pour la taxe professionnelle, en l’absence desquels il faudrait augmenter la DGF de 8,5 %.

Le malheur, c’est que les collectivités ne le savent pas. De plus, l’empilement des mesures est tel qu’il est difficile d’aimer ce que l’on ne comprend pas !

Aussi la conférence budgétaire jouera-t-elle un rôle important pour mettre à plat l’ensemble de ces dispositifs. Alors les collectivités verront que l’État fait beaucoup pour elles. Le fait-il bien ? C’est une autre question et je crois que c’est le cœur du débat. Mais, de grâce, ne demandons pas davantage à l’État quand on voit l’évolution des attributions aux collectivités ces dix dernières années : plus 11 milliards d’euros de prise en charge de la taxe d’habitation et de la taxe professionnelle.

C’est la raison pour laquelle il serait bon, pour sortir de ce débat, d’avoir l’ensemble de ces éléments le plus rapidement possible et que cette conférence ait lieu fin janvier afin que nous évitions les faux débats pendant les trois mois de préparation des budgets municipaux, départementaux ou régionaux.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour une explication de vote au nom du groupe UMP.

M. Michel Bouvard. La motion de renvoi en commission de M. Bonrepaux ne traitait que d’un aspect limité du projet de loi de finances rectificative, celui des collectivités territoriales. Le groupe UMP est très attentif à l’évolution des rapports entre l’État et les collectivités territoriales. Il a constaté – et cela s’est notamment traduit dans ce collectif budgétaire – le travail satisfaisant de la commission d’évaluation des charges, instance dont il est démontré qu’elle a fait ses preuves, que son travail est honnête. Bien évidemment, cela n’ôte rien aux débats sur la question du plafonnement de la taxe professionnelle, qui ne concerne pas le collectif budgétaire, mais la loi de finances initiales que nous avons déjà examinée. Rien ne justifie donc la motion de renvoi en commission, si ce n’est le besoin du porte-parole du groupe socialiste de s’exprimer sur cette question.

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n’est pas adoptée.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

M. le président. Sur l’article 1er, je suis saisi d’un amendement n° 133 rectifié.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Lorsque les entreprises estiment que leur résultat au titre d’un exercice sera moins bon que celui de l’exercice précédent, elles peuvent réduire leur dernier acompte d’impôt sur les sociétés. Par symétrie, l’article 1er prévoit que les très grandes entreprises, dont la plupart estiment leurs bénéfices fiscaux à l’occasion de la publication trimestrielle de leurs comptes consolidés, majorent le dernier acompte lorsque leurs perspectives de résultats sont meilleures.

Par cet amendement, le Gouvernement vous propose que pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 5 milliards d’euros – les grands groupes – ces nouvelles dispositions s’appliquent lorsque le bénéfice estimé est supérieur d’au moins 25 % à celui de l’année précédente, ce qui permettra aux finances publiques de bénéficier plus rapidement de l’amélioration en 2005 des résultats des grandes entreprises françaises favorisée par la politique économique menée depuis 2002.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Avis favorable, mais je fais observer à M. le ministre, qu’il s’agit de l’article 1er du projet de loi de finances rectificative, lequel a fait l’objet d’une délibération en conseil des ministres il y a à peine quinze jours. Or par cet amendement il nous en propose une réécriture substantielle.

Certes, je vois l’intérêt de la mesure. Il s‘agit d’avoir deux dispositifs. Le premier de 1 milliard à 5 milliards, le second, au-dessus de 5 milliards.

Mais cette rédaction aurait dû figurer dans le texte initial : l’article 1er d’une loi de finances a toujours un aspect symbolique !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 133 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié par l’amendement n° 133 rectifié.

(L’article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 1er.

Je suis saisi d’un amendement n° 1.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Rejet !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 258.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Dans un contexte de tension très forte sur les prix des produits pétroliers, comparable à celle que connaît aujourd’hui l’économie mondiale, la majorité précédente avait mis en place, dans le cadre de l’article 11 de la loi de finances pour 2001, un prélèvement exceptionnel sur les compagnies pétrolières. Ce prélèvement était justifié par la constatation que, hors de toute décision propre à ces entreprises, leurs résultats s’améliorent mécaniquement en période de forte hausse des prix du pétrole.

Ainsi, il apparaissait légitime de considérer qu’une partie de ces revenus exceptionnels soit réaffectée, par l’intermédiaire du budget général, au profit de l’ensemble des Français.

Le Gouvernement, par la voix du ministre de l’économie, a un temps fait référence à une telle taxation exceptionnelle, mais s’est contenté, pour y renoncer, de vagues engagements sur une transmission plus rapide des variations de cours à la baisse vers les prix à la pompe, promesses qui n’ont d’ailleurs pas été faites par l’ensemble des acteurs.


Ne subsiste donc que la mesure votée en loi de finances pour 2005, qui prévoit de limiter le montant de la dotation pour hausse des prix, et donc l’impôt dû par les entreprises pétrolières.

Cette mesure reste insuffisante. Il est donc proposé d’en amplifier l’effet en réduisant le niveau maximal de la dotation de 15 à 5 millions d’euros. il s’agit donc de limiter les réductions de l’impôt sur les sociétés dû par les compagnies pétrolières. Nous pensons que cet amendement mérite de retenir l’attention de notre assemblée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission avait rejeté cet amendement lorsqu’il avait été présenté lors de l’examen de la première partie de la loi de finances.

Nous partageons votre préoccupation, monsieur Migaud, et c’est bien pour cette raison que la dotation pour provision pour hausse de prix a été plafonnée l’année dernière à hauteur de 15 millions. Vous jugez ce plafond insuffisant, mais je vous ferai observer que l’effet de l’article 1er, que nous venons d’adopter, est beaucoup plus important en termes d’accélération de rentrées fiscales, même s’il s’agit d’un dispositif de trésorerie. Voilà pourquoi votre amendement ne me paraît pas utile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Avis également défavorable, étant donné que nous aurons demain une discussion concernant la taxe sur les billets d’avion.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Je ne partage pas totalement votre point de vue, monsieur le rapporteur général, même si je le comprends. En effet la disposition que l’Assemblée vient de voter est purement comptable, et nous souhaitons une mesure qui aille au-delà.

La mesure que vous évoquez, monsieur le ministre, dont nous aurons en effet l’occasion de débattre demain, ne me paraît de même nature : une taxe sur les voyages aériens me paraît étrangère à notre débat d’aujourd’hui sur les bénéfices des compagnies pétrolières. Je rappellerai d’ailleurs à ce propos que les compagnies aériennes bénéficient aujourd’hui d’une exonération totale sur le carburant, qui ne bénéficie à aucun autre mode de transport.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 258.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 262.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Les articles 28 et 29 de la loi de finances pour 2004 ont tiré la conséquence de la suppression de la taxe sur les achats de viande en prévoyant la création d’une taxe d’abattage et une forte hausse des tarifs de la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat. Pour certaines surfaces commerciales, notamment celles qui n’ont pas d’activité alimentaire, la hausse des taux conduit à une hausse de cotisations parfois très importante. Face à cette situation, Le Gouvernement s’est contenté de renvoyer à une mission d’étude la prise en compte de ces difficultés.

Dans l’attente d’une réforme plus complète, il est donc proposé de lisser l’effet de la hausse des taux pour les contribuables, en prévoyant que la hausse ne pourra être supérieure à 50 %.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je suis défavorable à cet amendement. Vous vous souvenez sans doute, monsieur Bonrepaux, que nous avons adopté la semaine dernière un amendement, proposé par Hervé Novelli, qui va dans le sens que vous souhaitez. Il a pour effet d’alléger cette taxe, notamment pour les petites surfaces. Cet allègement devrait représenter 10 % des recettes de cette taxe, soit 60 millions d’euros.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’avis est défavorable à l’amendement n° 262, ainsi qu’à l’amendement suivant, n° 263. En effet, monsieur Bonrepaux, nous devons examiner dans la suite de notre débat un amendement de M. Novelli, qui me paraît apporter de très bonnes réponses aux problèmes posés par la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat, la TACA. C’est pourquoi il me semblerait opportun que vous le retiriez au bénéfice de celui de M. Novelli.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je veux bien retirer cet amendement, si j’ai l’assurance que je pourrai à nouveau le proposer au moment où nous examinerons l’amendement de M. Novelli. Nous verrons alors quel est le meilleur.

M. le président. Ce n’est pas possible !

M. Augustin Bonrepaux. Il m’est difficile de juger pour le moment si l’amendement de M. Novelli est meilleur que le mien ! J’aimerais au moins avoir quelques garanties.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 262.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n° 263.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le défendre.

M. Augustin Bonrepaux. Cet amendement de repli prévoit que la hausse des taux ne pourra être de plus de 100 %.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 263.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 2

M. le président. Nous en venons à l’article 2.

Je suis saisi d’un amendement n° 176.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Rédactionnel.

M. le président. L’avis du Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 176.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 177.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Rédactionnel.

M. le président. Avis favorable du Gouvernement.

Je mets aux voix l’amendement n° 177.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 197.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. La compensation versée aux départements doit correspondre aux dépenses exécutées par les conseils généraux au titre de l’allocation du RMI et du RMA en 2004, soit 5,428 milliards d’euros.

Actuellement, la compensation du RMI est basée sur les dépenses exécutées de l’État en 2003, ce qui a provoqué un déficit pour les départements en 2004 évalué par l’État à 456,8 millions d’euros, sans tenir compte des indus. En 2005, les prévisions laissent à penser que l’écart sera plus important : la comparaison des sept premiers mois de l’année 2005 par rapport à la même période de 2004 montre que le déficit a doublé.

C’est pourquoi la prise en compte, dans la compensation, des dépenses 2004 des conseils généraux est une réponse à la limitation des coûts de trésorerie et du manque à gagner pour les départements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement. le principe de la compensation, qui a été posé par la loi de 1983, avant d’être intégré dans la Constitution en 2003, pose très clairement que ce sont les dépenses constatées au moment du transfert qui doivent être compensées. Ce sont donc les dépenses exécutées par l’État en 2003 qui sont compensées.

La commission consultative d’évaluation des charges a cependant accepté de prendre en compte des dépenses afférentes à des décisions prises en 2003, mais qui ne pouvaient pas être comptabilisées en 2003 : il s’agit des dépenses exécutées au titre de l’allocation du revenu minimum d’activité.

En revanche, l’octroi d’une compensation financière de 457 millions d’euros aux départements est un geste supplémentaire de l’État, mais n’est en rien obligatoire aux termes de la Constitution. Cette compensation exceptionnelle au titre de l’année 2004 ne doit donc en aucun cas être intégrée dans la base du droit à compensation des années ultérieures.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 197.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 201.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Dumont. La paupérisation qui frappe un nombre croissant de ménages entraîne une augmentation des dépenses assumées par les départements au titre du RMI et du RMA. Comme Augustin Bonrepaux vous l’a démontré à maintes reprises, il existe une distorsion entre ces dépenses croissantes et les mécanismes de compensation prévus.

C’est pourquoi il vous propose par cet amendement de donner force de loi au principe « copéen », exprimé par la formule rituelle, et désormais quasi historique, de la compensation « à l’euro près ».

Faute de pérennisation de cette compensation, présentée comme exceptionnelle par le Gouvernement et par le rapporteur général à l’instant, les départements seront inéluctablement victimes d’un effet de ciseaux entre le produit de la ressource transférée et la progression des dépenses liées au RMI et au RMA. Il faut donc préserver les finances départementales, et donc les contribuables, contre les conséquences dramatiques de cette évolution. Ces conséquences seront d’autant plus dramatiques que l’État conserve les recettes et ne transfère pas les ressources nécessaires pour couvrir les dépenses de RMI-RMA.

Cet amendement est l’expression logique du besoin qu’ont les départements de la solidarité nationale afin de faire face à la paupérisation des populations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement est contraire, à la fois à la loi de 1983 et à l’article 72-2 de la Constitution.

M. Jean-Louis Dumont. Mais pas au principe de solidarité nationale !

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 201, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. On ne peut pas continuer à soutenir comme vous le faites, monsieur le rapporteur général, que la décentralisation s’est accompagnée d’un véritable transfert des ressources et qu’il n’y a donc aucun problème. Il faudrait au moins nous dire comment les départements doivent financer le différentiel entre les dépenses liées aux compétences transférées et la compensation prévue. On ne peut pas contester le caractère inéquitable de cette compensation, puisque vous avez transféré une ressource qui n’évolue pas, alors que les dépenses augmentent ! Et elles augmentent du fait du Gouvernement : c’est lui qui a pris la décision – légitime – de revaloriser le RMI ; surtout, c’est lui qui provoque l’accroissement du nombre des bénéficiaires du RMI par une politique qui aggrave le chômage et la précarisation.

Je vous mets également en garde, chers collègues de la majorité qui appartenez à des exécutifs départementaux, vis-à-vis du transfert que risque de provoquer la loi sur le handicap.

N’oublions pas non plus que les contrats d’avenir ou le RMA représentent des charges supplémentaires pour les départements qui font preuve de bonne volonté : ce sont eux qui sont pénalisés dans le système actuel. En dépit des 60 millions d’euros supplémentaires que vous prévoyez de leur attribuer, le différentiel subsiste, comme vous l’avez reconnu vous-même, monsieur le ministre. Si vous voulez prouver votre bonne volonté, il faudra bien que vous acceptiez l’un de nos amendements.

Compte tenu de l’importance de cet amendement, nous avons demandé un scrutin public, et nous le ferons d’ailleurs pour tous les autres amendements de l’article 2, qui est fondamental pour les collectivités locales.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. À la différence de l’amendement précédent, celui-ci pose un problème de principe, un problème juridique lié notamment aux conditions des transferts de compétences qui ont été fixées depuis 1983.

La représentation nationale ne peut ignorer que, puisque cette compétence a été transférée par l’État, celui-ci n’a plus le moyen de contrôler l’action des collectivités départementales en matière de RMI, pour tenter d’encadrer l’évolution du nombre de bénéficiaires ou pour favoriser l’insertion et le retour à l’emploi de ces derniers. Dès lors, il n’est pas logique que l’État doive financer chaque année des actions qu’il ne maîtrise plus.

Le débat doit certes se poursuivre entre l’État et les collectivités territoriales sur l’évaluation des transferts de charges et sur leur prise en compte, mais l’amendement ne peut être reçu en l’état, et le groupe UMP ne peut donc s’y associer.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l’amendement n° 201.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La demande systématique de scrutins publics, qui exprime une certaine irritation de la part de M. Bonrepaux, laisse penser que l’Assemblée a déjà beaucoup travaillé aujourd’hui et qu’il serait plus sage de reprendre le débat demain matin.

Ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Aujourd’hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2005, n° 2700 :

Rapport, n° 2720, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 8 décembre 2005, à une heure vingt.)