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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 22 décembre 2005

112e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

DROIT D’AUTEUR
dans la société de l’information

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (nos 1206, 2349).

Mes chers collègues, le Gouvernement ayant renoncé à terminer l’examen de ce texte avant l’interruption des travaux de l’Assemblée, et donc décidé de reporter la suite de la discussion après les vacances de Noël, je lèverai la présente séance un peu avant minuit.

Ainsi, tous les députés présents ce soir pourront s’exprimer autant qu’ils le souhaiteront, dans la mesure où ils m’auront demandé la parole à temps.

Je vous invite donc à mettre à profit les heures qui viennent pour faire avancer la discussion et en faciliter, par là même, la poursuite, plus tard.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 7.

Article 7

M. le président. Sur l’article 7, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.

Mme Muriel Marland-Militello. Monsieur le président, monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, l’article 7 est l’un des pivots du projet de loi, car il définit ce que sont les mesures techniques qui encadrent le téléchargement et la protection des œuvres sur internet.

En introduction de mon propos, je veux vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir entendu nos inquiétudes liées aux restrictions qu’imposait le projet de loi dans sa rédaction initiale, et de nous avoir proposé une réécriture du troisième alinéa de cet article.

Je craignais, en effet, les effets du secret qui devait entourer ces mesures techniques de protection et les risques qu’encourait l’internaute qui les aurait contournées, y compris s’il souhaitait se livrer à des opérations aussi simples que l’indexation de sa bibliothèque numérique.

Ces mesures techniques de protection ont la faculté de limiter le nombre de copies, la durée de vie du support ou de visionnage et, surtout, elles limitent aujourd’hui les moyens d’accéder aux œuvres, notamment par l’absence d’interopérabilité.

Personnellement, je ne redoute rien de plus que le monopole et les ventes liées qui découleraient logiquement de ces encodages d’œuvres. Ainsi, pour l’instant, la quasi-totalité des postes informatiques sont équipés du système d’exploitation Windows, et ce monopole permet de privilégier la suite bureautique du même éditeur. C’est la raison pour laquelle je vous renouvelle mes remerciements, car vous nous permettez de créer un espace de concurrence.

Je tiens également à insister sur un principe qui m’est cher. Les modes de consommation évoluent et nous devons nous adapter. Le changement fait peur, mais nous ne devons pas céder pour autant à la tentation de tout encadrer. En protégeant à l’excès, on entrave la liberté des usagers et des jeunes créateurs artistiques et informatiques.

Ce n’est pas une raison pour ne pas responsabiliser les consommateurs. Vous avez fait le choix de prévoir des sanctions graduées, après les en avoir informés. C’est, à mon avis, la meilleure méthode.

Cependant, tout au long du débat sur l’article 7, je proposerai que l’on privilégie le contrôle du premier accès à l’œuvre, ou la limitation de son utilisation, comme le prévoient les mesures techniques de protection. L’offre commerciale est balbutiante. Laissons donc le marché s’installer, communiquons et, surtout, n’allons pas au-delà des principes édictés par la directive européenne que nous transposons.

Je terminerai mon propos par une image. Nous avons le choix entre deux règles de conduite. Imaginons que nous soyons sur une autoroute où la limitation de vitesse est fixée à 130 kilomètres à l’heure. Ou bien nous ne laissons rouler sur cette autoroute que les voitures qui sont équipées d’un moteur qui ne permet pas de dépasser cette vitesse ; ou bien nous laissons toutes les voitures y circuler, et nous sanctionnons celles qui la dépassent.

M. Jean Dionis du Séjour. Alors, il faut poser des radars !

Mme Muriel Marland-Militello. Vous comprendrez que je préfère la deuxième solution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, je me félicite que le Gouvernement ait accepté de reporter la suite de ce débat après la rentrée de janvier. J’aimerais cependant exposer le fond de ma pensée sur ce projet de loi, en particulier à l’occasion de cet article 7 qui traite des mesures techniques de protection.

Comme beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, j’ai jeté un œil sur internet et j’ai eu le sentiment qu’une véritable campagne était en train de s’organiser, à grand renfort de citations d’artistes de renom, dans le but de répandre l’idée selon laquelle les députés, toutes formations politiques confondues,…

M. Jean Dionis du Séjour. Sauf l’UDF !

M. Frédéric Dutoit. …en votant les deux amendements contestés, la nuit dernière, seraient favorables à la gratuité totale du téléchargement d’œuvres culturelles sur internet. C’est totalement faux ! M. le ministre a précisé à nouveau cet argument de la gratuité, il y a quelques instants, à la radio.

Selon moi, je le répète, il s’agit de promouvoir la création littéraire et artistique. L’adapter aux nouvelles technologies, tout en sauvegardant le droit d’auteur, mérite une véritable confrontation des analyses et des perspectives, un vrai débat d’idées, sans tabou, sans exclusive. Le développement du service public de la lecture, le libre accès au savoir, la lutte contre la fracture numérique – qui n’est qu’une expression de la fracture sociale –, la diffusion libre des arts et de la culture, la liberté de création, la liberté de partager et de s’approprier cette création sont autant de questions qui nous poussent à un débat serein, débarrassé de toute polémique stérile.

Ainsi, le téléchargement libre de fichiers sur internet est un vrai sujet qui requérait un grand débat public national – j’espère que nous l’aurons – sur l’avenir du droit à l’information, à la connaissance et à la formation, via les nouvelles technologies. Au centre des échanges doivent figurer la juste rémunération des auteurs et la possibilité, pour tous les citoyens du monde, d’avoir librement accès à la connaissance.

Un grand chantier démocratique devrait s’ouvrir. L’avenir de la création est un enjeu de société qui justifie que l’on donne la parole aux professionnels, aux acteurs culturels, aux chercheurs, aux bibliothécaires, aux internautes, aux citoyens tout bonnement. Il implique une réflexion transparente et non opaque. Il en va du respect des droits et libertés individuels.

Ce débat décisif pour l’avenir de notre société aurait dû se dérouler dans un esprit d’ouverture qui permette à chacun de s’exprimer. Cette question ne peut, en effet, être traitée à la légère, sans que nos concitoyens en soient partie prenante.

Nous sommes, économiquement, culturellement et socialement, entrés dans l’ère de la numérisation et de la diffusion massive de la connaissance. La question informationnelle devient ainsi le cœur de l’organisation sociale et économique.

C’est pourquoi, je le redis encore une fois, la question des droits d’auteur et de la propriété intellectuelle constitue une étape cruciale dans la bataille pour la mainmise sur la valeur ajoutée informationnelle.

Avec ce projet de loi, au nom d’une extension considérable du champ d’application de la propriété intellectuelle, vous voulez, monsieur le ministre, stériliser la création et la diffusion du savoir (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. N’importe quoi !

M. Frédéric Dutoit. …dans des domaines aussi indispensables que la recherche ou la propagation des connaissances et de la culture.

La défense du droit d’auteur et de l’extension du domaine public devient donc une question citoyenne. Le droit d’auteur est un droit fondamentalement équilibré. À ce titre, le concept de droit d’auteur doit être défendu. Dès l’origine, il a impliqué le passage d’un « monopole » de l’auteur sur ses œuvres à un « droit de la société » à utiliser les œuvres. Le « monopole » de l’auteur, étendu ensuite à ses « ayants droit », est devenu droit au respect de l’œuvre, qui incorpore la « personnalité de l’auteur ». C’est donc un droit de la personne, ce qu’on appelle généralement une liberté.

Il concerne aussi le retour économique sur l’acte de création : l’auteur choisit l’éditeur qui vendra au mieux son travail, ce qui est censé l’inciter à produire d’autres œuvres, qui iront enrichir le stock global de connaissances de la société.

Je pense que, sur internet aussi, nous pouvons faire respecter ces principes.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Avec cet article 7, apparaît dans notre droit, à l’occasion de la transposition de la directive, le terme d’« interopérabilité ». Tel est l’enjeu de cet article qui est loin d’être anodin. C’est même le point essentiel de notre débat.

Ayant constaté qu’il était utile, pour être entendu dans notre hémicycle, de faire référence à des situations concrètes, je citerai deux exemples tirés de notre vie quotidienne…

M. Richard Cazenave. Vous l’avez déjà fait lors de votre intervention à la tribune !

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Il n’hésitera pas à récidiver !

M. Christian Paul. Ce matin, je me suis rendu dans un magasin parisien, comme sans doute nombre d’entre vous, pour procéder à quelques achats de Noël.

M. Richard Cazenave. Pendant ce temps, nous travaillions !

M. Christian Paul. J’ai choisi d’offrir à un être qui m’est cher un baladeur numérique. Ce faisant, j’ai pu constater que l’interopérabilité n’était pas de ce monde. Car, quel que soit le type d’appareil, aucun ne permettait d’accéder à l’ensemble de l’offre musicale offerte par les plateformes commerciales chères au ministre de la culture, ou par internet et les réseaux peer to peer.

Mon deuxième exemple est tiré, lui aussi, de la vie quotidienne de chacun d’entre nous. Je vous invite, mes chers collègues, à essayer d’accéder à l’enregistrement vidéo de nos séances sur le site de l’Assemblée, en utilisant un ordinateur muni d’un logiciel libre, de type Linux. Vous n’y parviendrez pas, car c’est sous un format Microsoft que sont stockées les archives de l’Assemblée nationale. Je livre cet exemple à votre réflexion : il s’agit bien d’une limitation d’accès, désormais banale, à ce qui n’est pas en l’occurrence une œuvre d’art, car si nos débats sont démocratiques, ils ne sont pas toujours des chefs-d’œuvre artistiques ! (Sourires.) Voilà en tout cas deux exemples qui illustrent parfaitement l’absence d’interopérabilité.

Alors, que faudrait-il faire, monsieur le ministre, dans ce projet de loi, ou dans un autre, une fois que nous aurons repris plus sérieusement ce travail, comme beaucoup le souhaitent ici ? L’enjeu essentiel est de créer, pour les industriels et les développeurs de systèmes informatiques, en particulier de logiciels libres, les conditions de la compatibilité de l’ensemble des systèmes. Or – Frédéric Dutoit l’a dit tout à l’heure avec passion et conviction – l’article 7, dans sa rédaction actuelle, ne permet pas d’atteindre cet objectif. C’est pourquoi le groupe socialiste a déposé un amendement, n° 85, qui vise à en améliorer la rédaction. Le moment venu, j’espère, monsieur le ministre, que vous voudrez bien attacher quelque crédit à cet amendement.

Pour respecter la tradition en cette veille de Noël, monsieur le ministre, je vais vous offrir le livre d’un auteur américain, pour que chacun comprenne bien que notre débat n’est pas franco-français. Nous traitons en effet d’une question politique d’ordre mondial. Je vous offrirai donc tout à l’heure, monsieur le ministre, l’ouvrage d’un universitaire et juriste américain, Lawrence Lessig, qui fut le conseiller du Président Clinton lors du contentieux qui l’opposa à Microsoft. Ce livre, L’avenir des idées, montre le déploiement à l’échelle mondiale de l’offensive menée par les grands de l’informatique pour confisquer la culture et internet. J’espère que, lorsque nous reprendrons ces travaux dans quelques semaines – ou, je l’espère, dans quelques mois – vous aurez médité cette œuvre de Lawrence Lessig dont je me sens très proche.

M. Guy Geoffroy. Comme c’est émouvant !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. J’insisterai, moi aussi, sur l’importance de l’interopérabilité de ces outils informatiques. Le sujet n’est pas nouveau, mais en tant que législateurs, nous devons envisager le long terme et élaborer des lois qui vont au-delà des matériels existants, car ceux-ci évoluent très vite, surtout les logiciels. Toute contrainte trop poussée obligerait les utilisateurs à renouveler régulièrement leur matériel. On nous dit que les systèmes de protection n’empêcheront pas les utilisateurs de faire une copie privée. Récemment, monsieur le ministre, vous avez dit qu’il serait possible d’en faire jusqu’à quatre ou cinq. Or rien de tel n’est proposé dans votre texte. Vous auriez pu indiquer un plafond. La seule proposition présentée dans un amendement est celle d’un chiffre plancher, mais on a du mal à imaginer un nombre de copies inférieur à 1, les demi-copies n’existant pas encore !

Surtout, le système repose sur la bonne volonté des opérateurs. Or une dépêche en provenance de Bruxelles indique que l’Union européenne menace Microsoft d’une amende pour n’avoir pas appliqué ses préconisations. En mars 2004, Bruxelles avait déjà condamné Microsoft pour avoir imposé, lors de l’achat de son système d’exploitation Windows, la vente de son logiciel audio et vidéo Media Player. Des protestations s’étaient d’ailleurs élevées à l’époque. En décembre 2005, Microsoft refuse toujours d’obtempérer et, face à une nouvelle condamnation, elle la prétend injustifiée. Elle refuse également de divulguer les protocoles informatiques nécessaires au dialogue entre Windows et les produits concurrents. Cela fera bientôt deux ans que Microsoft refuse de se plier aux décisions de Bruxelles. On ne peut donc que douter de la « bonne volonté » dont cette société fera preuve pour les échanges avec les logiciels libres.

Or nombre d’entreprises, et notamment des PME, ont choisi ces logiciels parce qu’ils coûtent moins cher et qu’ils les préservent des bugs récurrents sur les produits Microsoft. En raison de son quasi-monopole sur le marché, ceux-ci sont en effet la cible principale des virus. Il est donc fondamental de laisser la porte ouverte aux logiciels libres. Ils coûtent aussi moins cher aux administrations et aux institutions qui sont de plus en plus nombreuses à s’en équiper. Puisque nous cherchons à faire des économies budgétaires, abandonner Microsoft pour des logiciels libres me semble être une idée intéressante. Voilà pourquoi l’article 7 est très important. Nous verrons, lors de l’examen des amendements, jusqu’où le Gouvernement est prêt à aller pour garantir l’utilisation des logiciels libres et l’interopérabilité dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave. Avec cet article, nous abordons des questions plus décisives pour la communauté des internautes et pour les entreprises innovantes du secteur informatique, que celle, dont nous nous sommes occupés hier soir et qui nous occupera encore en janvier, de savoir quel doit être le type de licence ou comment les auteurs seront rémunérés.

Dans sa présentation initiale, M. le ministre a indiqué qu’il serait ouvert aux propositions, et je l’en remercie. L’article 7 concerne l’interopérabilité qui, aujourd’hui, n’existe pas vraiment, car, dans la pratique, il est très difficile de faire communiquer les systèmes entre eux, comme l’ont d’ailleurs rappelé les différents intervenants. Ce n’est donc pas le présent projet qui crée les difficultés. Nous devons veiller à rendre effective l’interopérabilité, car les mesures techniques ont pour objet de préserver les droits des auteurs, et non les fabricants de logiciels. On ne saurait donc aller vers le dépôt de brevets pour ceux-ci – Bruxelles le refuse d’ailleurs. Il s’agit au contraire de préciser que les logiciels libres doivent continuer à se développer dans notre pays.

Le groupe UMP a déposé plusieurs amendements, notamment les amendements nos 144 rectifié et 253, pour garantir la nécessaire interopérabilité, et donc le développement des logiciels libres et de la créativité.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Les interventions se suivent et se ressemblent, et je me réjouis de la convergence qui se dessine sur ce dossier. Le ministre appelait lui-même à la réconciliation et au rassemblement. Je suis certain qu’il saura donner aux amendements de la majorité et de l’opposition la réponse qui s’impose pour en créer les conditions.

L’interopérabilité, capacité de deux systèmes à échanger des données, est une condition préalable – j’insiste sur l’adjectif – à l’acceptation par les consommateurs, et donc par nos concitoyens, des mesures techniques de protection. Nous nous trouvons là au cœur de la problématique portée par l’article 7.

Mes collègues l’on dit et répété, en se fondant sur des exemples très concrets – ne faisons-nous pas, en ce moment, nos courses de Noël ? – : les consommateurs sont aujourd’hui confrontés à une offre complexe. L’incertitude quant à la capacité de lire une œuvre légalement acquise et dont l’usage est contrôlé par une mesure technique les dissuade d’acheter et freine donc considérablement le développement commercial des sites de vente en ligne – ce n’est défendre aucun intérêt particulier que de faire ce constat.

Il faut donc apporter aux consommateurs la garantie que les œuvres protégées dont ils font l’acquisition peuvent être converties dans un format accepté par le système de lecture dont ils disposent, comme dans l’exemple, souvent cité, d’un CD muni d’une mesure technique de protection que l’on veut écouter dans sa voiture. Une première condition est que le fournisseur de cette mesure technique ne puisse pas rendre ses clients captifs en bloquant la concurrence, soit par la rétention d’informations essentielles à l’interopérabilité, soit par le recours à des conditions discriminatoires et non équitables. Seconde condition : les acteurs du marché doivent faire en sorte que leurs logiciels respectent la loi et ne suppriment pas les informations électroniques jointes à une reproduction lorsqu’ils manipulent les flux les contenant.

Les députés socialistes ont donc déposé des amendements dans ce sens. Notre intention est également de répondre aux objectifs fixés par la Commission européenne lors de la revue de transposition de la directive 2001/29/CE, et de prendre en compte les attentes des nombreux acteurs – industriels et associations de consommateurs – qui ont exprimé le souhait que les fournisseurs de mesures techniques se mettent d’accord sur des formats pivots, aux spécifications publiques et librement implémentables par tous – ce que l’on appelle les « standards ouverts ».

Mais, sans signal fort d’un État membre – le nôtre, en l’occurrence –, les annonces de recherche à l’échelle européenne d’une solution d’interopérabilité des systèmes numériques de gestion de droits vont rester lettre morte. Nous verrons alors se former des consortiums de grandes sociétés principalement américaines et japonaises ou, plus vraisemblablement, nous assisterons au monopole d’un seul fournisseur américain, abusant notoirement de sa position dominante. Après avoir signé des accords stratégiques avec les grands producteurs de contenu, celui-ci pourra désormais imposer de façon parfaitement légale, à toutes les entreprises et au public européen, des licences sur ses technologies : Microsoft mettrait ainsi la main sur tout !

Or le texte du projet de loi est à cet égard insuffisant, car il ne prévoit qu’une licence obligatoire, et ne donnera pas à tous les acteurs concernés, et notamment aux développeurs, commerciaux ou non, de logiciels libres, la possibilité pratique de mettre en œuvre cette interopérabilité.

Pourtant, comme le soulignait, dans son rapport d’information sur la stratégie de sécurité économique nationale, notre excellent collègue de la majorité Bernard Carayon – signataire de l’amendement auquel M. Cazenave faisait à l’instant allusion –, la réponse à cette hégémonie américaine pourrait venir du logiciel libre. En entravant le développement de celui-ci, la France se priverait en outre de systèmes d’informations interopérables et sûrs, dépourvus de portes dérobées – les back doors –, utilisables par des personnes malintentionnées ou des services de renseignement étrangers.

Il me semble donc que la représentation nationale pourrait se retrouver sur un texte favorisant l’interopérabilité et l’accès aux standards ouverts.

M. le président. La parole est à M. François Bayrou.

M. François Bayrou. Comme le rapport l’indique à juste titre, l’article 7 constitue le cœur de la transposition de la directive. Mais, on l’a dit, la manière dont il est rédigé entraîne deux risques importants.

Le premier est d’ordre industriel. Les mesures techniques de protection peuvent permettre à ceux qui les contrôlent de mettre la main sur la totalité de la chaîne, jusqu’au lecteur, ce qui, on le comprend, représenterait un atout décisif dans la compétition entre fournisseurs d’équipements.

Le deuxième grand risque concerne le logiciel libre. Alors que d’aucuns affirment que rien, dans le texte, ne pourrait mettre en cause son développement – et le ministre y songeait probablement en évoquant la propagation de fausses nouvelles –, je voudrais expliquer par quel mécanisme le logiciel libre pourrait au contraire, selon certains esprits vigilants, se retrouver visé par la rédaction actuelle du projet de loi.

Dès l’instant où l’on considère que faciliter le détournement ou la suppression des mesures de contrôle peut être assimilé à un délit de contrefaçon, on voit bien, en effet, que le logiciel libre est également concerné : ses codes sources étant, par définition, laissés accessibles, il rend relativement aisée la suppression des mesures de contrôle.

Rappelons que l’article 13 assimile à un délit de contrefaçon le fait « de fabriquer ou d’importer une application technologique, un dispositif ou un composant ou de fournir un service, destinés à faciliter ou à permettre la réalisation, en tout ou en partie », du fait de porter atteinte à une mesure technique de protection. Une telle disposition pourrait donc interdire aux logiciels libres la possibilité de lire des phonogrammes protégés, voire exposer leurs auteurs à des poursuites judiciaires au motif qu’ils facilitent le détournement ou la suppression d’une protection. Ce risque n’étant nullement écarté par le projet de loi, une grande partie de la communauté internet, ainsi que les entreprises ou les administrations qui, telle la gendarmerie nationale, ont choisi les logiciels libres, craignent une insécurité juridique qui pourrait se révéler extrêmement nuisible pour ces derniers.

Tels sont les deux risques qu’il apparaissait nécessaire de mettre en lumière afin de mieux les écarter. Tous deux sont graves, l’un pour des raisons économiques, l’autre parce qu’il entraîne un déséquilibre entre les logiciels libres et les logiciels propriétaires.

En outre, certains interlocuteurs très bien informés…

M. Laurent Wauquiez. Citez vos sources !

M. François Bayrou. …mettent l’accent sur les difficultés stratégiques que pourrait entraîner la fragilisation du logiciel libre. Tout le monde sait, en effet, que ce dernier offre à certains services exposés une plus grande sécurité et une plus grande indépendance que les logiciels propriétaires, lesquels peuvent être contrôlés sans qu’on le sache. C’est là un troisième argument qui me semble mériter réflexion.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, je n’ai pas participé au débat jusqu’à présent, …

M. Laurent Wauquiez. C’est pourquoi nous sommes un peu inquiets !

M. Christian Paul. Laissez-le apporter un regard neuf !

M. Jean-Pierre Brard. …étant occupé notamment par la loi que nous propose le Gouvernement sur le logement et par certains aspects de la loi de finances. Je m’y suis cependant intéressé, car mon fils, qui a quinze ans et demi, …

M. Richard Cazenave. C’était hier que l’on tenait ce genre de discours ! Ce n’est plus le sujet !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Cazenave, je ne vous ai pas interrompu jusqu’à présent… puisque je n’étais pas là ! (Rires.) Laissez-moi donc poursuivre librement mon propos.

Vous avez donc réussi, monsieur le ministre, à susciter non seulement l’intérêt des intermittents du spectacle – et ce depuis déjà un certain temps –, mais aussi celui de tous les jeunes de notre pays. Vous le faites malheureusement de façon peu sympathique, à la faveur d’une position liberticide. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Certes, vous connaissant, je ne doute pas de vos intentions. Cependant, le projet de loi que vous nous présentez pourrait se révéler dangereux, et donne, en tout état de cause, le sentiment d’avoir été mal préparé.

Vous savez d’ordinaire prendre votre temps, monsieur le ministre. D’ailleurs, c’est ce que vous dites avec constance aux intermittents : il faut prendre le temps !

M. Richard Cazenave. Nous discutons de l’article 7 !

M. Laurent Wauquiez. Il est hors sujet ! Monsieur Dutoit, faites-lui un résumé des séances précédentes !

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi, dès lors, tentez-vous de nous faire avaler ce texte juste avant les vacances de Noël, de la même façon que nos grands-mères, prétendument pour notre bien, nous faisaient avaler de l’huile de foie de morue ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Instituteur de formation, je sais par expérience que faire comprendre un concept aux enfants nécessite souvent de raisonner par analogie.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Comparaison n’est pas raison !

M. Jean-Pierre Brard. Peut-être, mais moi, j’ai dit : analogie. Ne poussez donc pas trop loin la comparaison… Or, si je raisonne par analogie, partant du constat que vous offrez de facto une position monopolistique aux majors, …

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Cela n’a rien à voir ! Vous dites n’importe quoi !

M. Jean-Pierre Brard. Vous m’inquiétez, monsieur de Roux, car je vous sais spécialiste en la matière !

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Ce sont vos propos qui sont inquiétants !

M. Jean-Pierre Brard. Mais laissez-moi poursuivre ma démonstration, vous me direz ensuite si elle n’est pas fondée. Nous avons tout lieu de nous inquiéter de ce primat que vous accordez aux majors : Sony, Apple, Microsoft, notamment.

Raisonnant, donc, par analogie, je pense à ce que fait Monsanto en agriculture : la stérilisation des semences lui confère un monopole.

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Voilà que l’on passe aux OGM, maintenant ! On aura vraiment tout entendu !

M. Christian Vanneste, rapporteur. C’est bien ce que je disais : comparaison n’est pas raison !

M. Jean-Pierre Brard. D’une certaine manière, c’est la même chose qui nous est proposée : l’instauration d’un marché captif qui ouvre la possibilité d’une position monopolistique.

Face à cela, il faut protéger la liberté et l’universalité. Quelques grands artistes sont certes venus à votre secours, monsieur le ministre, mais il faut regarder à qui ils sont liés…

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. N’importe quoi !

M. Richard Cazenave. Nous sommes à l’article 7, monsieur Brard ! Il est question d’interopérabilité !

M. le président. Laissez M. Brard s’exprimer, monsieur Cazenave !

M. Jean-Pierre Brard. C’est un texte global. Bien que nous soyons à la veille de Noël, on ne peut le couper en tranches comme un morceau de foie gras.

M. Guy Geoffroy. Belle référence pour un communiste !

M. Richard Cazenave. Vous êtes hors sujet, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Et vous, vous ne cessez de m’interrompre !

M. Richard Cazenave. C’est le président qui va finir par vous interrompre !

M. Jean-Pierre Brard. Je voudrais pouvoir continuer mon propos tranquillement, si vous le permettez !

Il s’agit de préserver les principes de liberté et d’universalité et de nous défendre contre tout ce qui conduit à une forme de mondialisation en donnant la primauté aux majors.

M. Laurent Wauquiez. Faites-le taire, monsieur Dutoit !

M. Jean-Pierre Brard. Bien que vous soyez un jeune député, mon cher collègue, on ne vous voit pas souvent dans l’hémicycle… (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Franck Gilard. Ces propos sont inacceptables !

M. Jean-Pierre Brard. C’est à M. Wauquiez que j’ai dit qu’il était jeune, mon cher collègue, pas à vous : votre jeunesse est derrière vous !

M. le président. Poursuivez votre propos sans interpeller vos collègues, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Reconnaissez que j’ai été très patient jusqu’à présent, monsieur le président : c’est moi qui ai été sans cesse interpellé !

Je terminerai donc mon propos, monsieur le ministre,…

M. Guy Geoffroy. Enfin une bonne nouvelle !

M. Jean-Pierre Brard. …en notant que vous savez prendre votre temps quand il le faut, parfois même avec excès : la situation des intermittents, que vous continuez à refuser d’entendre, en est la parfaite illustration. Eh bien, prenez votre temps sur ce sujet également ! N’essayez pas de faire passer votre texte à l’esbroufe.

M. Laurent Wauquiez. En matière d’esbroufe, vous vous y entendez !

M. Jean-Pierre Brard. Reprenons toute la réflexion depuis le début. Aussi conclurai-je par une suggestion.

M. le président. Il vous faut en effet conclure, monsieur Bard.

M. Jean-Pierre Brard. Bien sûr, monsieur le président.

Depuis 2002, à plusieurs reprises, il a semblé bon à notre assemblée, lorsqu’elle s’est trouvée confrontée à des situations qui pouvaient le justifier, de se saisir elle-même et de mener ses propres investigations. C’est là donner une plus grande place au Parlement. Pourquoi notre assemblée ne constituerait-elle pas une de ces missions que le président Debré affectionne et qui permettrait de remettre l’ouvrage sur le métier ? En cette période de réveillon, monsieur le ministre, ce serait mieux que de servir la soupe aux majors ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Christian Paul. Ce sont là les propos d’un honnête homme, au sens classique du terme !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j’ai une conviction absolue : c’est de ne rien faire qui fait courir des risques. Comme beaucoup d’entre vous, je suis résolu à éviter la domination mondiale par quelques-uns. Je veux empêcher le cloisonnement et les monopoles abusifs. Ceux-ci existent bien, et nous voulons les combattre.

Ne rien faire, je le répète, ç’aurait été prendre non seulement du retard, mais aussi des risques. Or les dispositifs que nous vous proposons sont en avance par rapport à la stricte transposition de la directive européenne, je suis fier de le dire. Sur ce sujet comme sur celui de la réponse graduée,…

M. Christian Paul. « Riposte » !

M. le ministre de la culture et de la communication. …nous jouons le rôle d’éclaireurs pour les pays de l’Union européenne.

Je sais, monsieur Paul, que le simple fait de mentionner la réponse graduée vous dérange, parce que c’est une alternative intelligente, fondée sur l’information, la prévention et l’éducation.

M. Christian Paul. Avec des amendes de 1 500 euros ?

M. le ministre de la culture et de la communication. La question des logiciels est très importante. Là aussi, je suis fier de vous dire que, depuis 1994, le ministère de la culture et de la communication utilise des logiciels libres. C’est la première administration à l’avoir fait. À ceux qui ont tendance à lui donner sans cesse des leçons de gestion, je suis heureux de le rappeler !

M. Christian Paul. Ça, c’est pour Bercy !

M. le ministre de la culture et de la communication. Un travail important a été accompli sur les logiciels libres, et je précise que ce texte ne modifie en rien le droit des logiciels. Il ne remet pas en cause certains droits importants relatifs au logiciel libre, comme l’exception de décompilation, qui permet de décoder un logiciel pour en comprendre le fonctionnement et recréer un autre logiciel interopérable, celui-ci pouvant ensuite être diffusé sous une licence libre.

D’autre part, l’examen des amendements vous permettra de constater que nous avons réalisé des avancées qui permettront des clarifications nécessaires. Je remercie celles et ceux qui y ont contribué. Nous garantissons ainsi à d’éventuels nouveaux entrants dans le domaine des mesures techniques un accès aux fichiers existants. L’objectif du Gouvernement est de favoriser le développement de mesures techniques françaises et les entreprises françaises qui les fabriquent, tout en préservant le développement des services en ligne.

Là aussi, on peut faire de la démagogie, on peut raconter n’importe quoi,…

M. Christian Paul. À qui donc ces propos s’adressent-ils ?

M. le ministre de la culture et de la communication. …mais dans certains domaines, notamment celui du cinéma, le concept de « chronologie des médias » est essentiel.

M. Christian Vanneste, rapporteur. C’est exact !

M. le ministre de la culture et de la communication. Il faut dire la vérité. Je suis prêt, monsieur Brard, comme je l’ai fait tout à l’heure sur une radio très écoutée par les jeunes de notre pays, à expliquer les enjeux. Je le répète, je ne veux en aucune manière priver la jeunesse de France de la liberté que peut faire régner internet : je veux simplement rendre compatibles l’ouverture d’internet et le respect des artistes et de la création, ainsi que leur rémunération.

On pourra toujours m’accuser de n’avoir en tête que les grandes multinationales et les artistes au rayonnement mondial : c’est totalement faux ! Il faut considérer la réalité. Pourquoi nous sommes-nous mobilisés pour la bibliothèque numérique européenne ? Pour céder aux sirènes du capitalisme mondial ? Non ! Notre volonté est d’établir un équilibre. Comme nous l’a demandé le Président de la République, nous devons nous efforcer, dans ce domaine qui touche à la technologie la plus sophistiquée, de n’être dépendants de personne et d’assurer, conformément à la mission même du ministère de la culture et de la communication, la mise en rencontre des œuvres de l’humanité et du plus grand nombre.

Ce débat est certes extraordinairement technique, mais là aussi nous servons une valeur : celle de l’activité, du rayonnement et de l’indépendance de notre pays, qui doit mettre en place les protections nécessaires, non pas pour servir un quelconque dessein « hexagono-centré », mais pour donner à l’intelligence française et européenne les moyens de rayonner de façon autonome et souveraine. C’est donc aussi un débat très politique, qui nous permet de mesurer à quel point des dispositifs techniques servent en fait des valeurs.

S’il entre un peu de passion dans mon propos, c’est que je suis attristé par les clichés qui entachent parfois ces discussions. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Rappel au règlement

M. François Bayrou. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. François Bayrou, pour un rappel au règlement.

M. Richard Cazenave. Passons plutôt à l’examen des amendements, monsieur le président !

M. François Bayrou. Depuis le début de la discussion, le ministre a fait très souvent allusion à la riposte graduée.

M. le ministre de la culture et de la communication. « Réponse » !

M. François Bayrou. J’emploie le mot « riposte », monsieur le ministre, car c’est celui qui a été employé lorsqu’on a évoqué pour la première fois ce dispositif : c’était, sauf erreur de ma part, dans Le Parisien,…

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Quelle référence !

M. François Bayrou. …et ce journal indiquait que vous vous étiez rallié à cette solution préparée par un certain nombre d’intervenants. Je tiens à votre disposition la coupure de presse.

Le mot n’est d’ailleurs pas très important : réponse ou riposte, ce système introduit dans notre droit la police privée sur internet. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Cazenave et M. Laurent Wauquiez. Ce n’est pas le sujet de l’article 7 !

M. François Bayrou. Le ministre vient d’en parler, et c’est bien pourquoi j’ai souhaité faire ce rappel au règlement, mes chers collègues !

Monsieur le ministre, pour graduer la réponse, il faut identifier la personne en cause, ce qui ne peut se faire que de manière intrusive, en allant voir ce qui se passe lors des échanges de fichiers.

Mme Martine Billard. Eh oui !

M. François Bayrou. Là est pour nous la faiblesse. C’est une faute au moins contre l’esprit que cette disposition soit proposée par un amendement gouvernemental et qu’elle n’ait donc pas fait l’objet d’un examen préalable du Conseil d’État.

M. le président. Concluez, monsieur Bayrou.

M. François Bayrou. S’agissant des logiciels libres, le ministre nous affirme qu’ils ne sont pas en cause puisque l’accès aux codes des mesures de contrôle sera ouvert. Or la nature même du logiciel libre veut qu’il soit plus facile, voire très facile, d’extraire les mesures de contrôle, puisque les informaticiens disposent de l’intégralité des codes sources.

M. Laurent Wauquiez. C’est sans rapport avec l’article en discussion !

M. François Bayrou. Pas du tout : c’est l’article même !

M. le président. Vous devez conclure rapidement, monsieur Bayrou.

M. François Bayrou. Il me semble donc que les deux arguments avancés par le ministre pour démontrer la sécurité du dispositif sont de nature à renforcer les inquiétudes de la communauté des internautes devant ce texte.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas un rappel au règlement !

Reprise de la discussion

M. le président. Nous en venons à la discussion des amendements à l’article 7.

Je suis saisi d’un amendement n° 28.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Cet amendement de précision vise à éviter une ambiguïté sur le régime juridique de protection des logiciels.

En effet, les logiciels font l’objet d’une protection particulière, définie par l’article 7 de la directive 91/250 sur la protection juridique des programmes d’ordinateurs, transposée dans le code de la propriété intellectuelle par la loi du 10 mai 1994. Celle-ci exclut en particulier toute exception pour copie autre que la simple copie de sauvegarde.

C’est pourquoi la directive 2001/29, notamment par son article 1er, exclut que les mesures de garantie des dispositions de protection des œuvres qu’elle prévoit modifient en quoi que ce soit les dispositions existantes concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur.

Cependant, la rédaction du projet de loi, qui exclut l’application des mesures techniques efficaces aux logiciels, pourrait donner lieu à des interprétations a contrario qui concluraient que les dispositions de protection spécifiques aux logiciels, proches de celles prévues par l’article 7, ne s’appliquent plus. Nous demandons donc la suppression de la formule : « Ces dispositions ne sont pas applicables aux logiciels », qui est aussi ambiguë que dangereuse.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous sommes sur un sujet très important, qui requiert la plus grande clarté. La directive européenne ne concerne que les œuvres protégées. Tout empiétement sur le domaine du logiciel, qui n’est pas œuvre protégée, irait donc au-delà de la simple transposition. Je ne vois pas en quoi écrire qu’il s’agit d’une œuvre « autre qu’un logiciel » apporterait plus de clarté que la dernière phrase du paragraphe : « Ces dispositions ne sont pas applicables aux logiciels ». Il convient d’être rigoureux. La directive concerne des mesures techniques de protection sur les œuvres ; les logiciels ne sont pas des œuvres. La dernière phrase me semblait claire. Le rapporteur peut-il nous dire en quoi sa formulation est plus rassurante ?

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Au fond, les deux rédactions se valent. Ce qu’il est important de rappeler pour éclairer le choix du législateur, c’est qu’il n’y a pas de copie privée pour les logiciels. « Ces dispositions ne sont pas applicables aux logiciels » aurait pu suffire. Ce texte est suffisamment miné et comporte assez de chausse-trappes ou d’erreurs de rédaction. Inutile d’y ajouter un doute supplémentaire ! Vous voyez, monsieur le ministre, que nous nous efforçons d’être constructifs.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Je tiens à remercier Christian Paul, pour qui les deux rédactions, effectivement, se valent.

M. Christian Paul. C’est Noël ! (Sourires.)

M. Christian Vanneste, rapporteur. Néanmoins, la rédaction initiale comporte une ambiguïté, que la formulation proposée dans l’amendement permet de lever facilement.

M. Jean-Pierre Brard. Mais où se trouve cette ambiguïté ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Les œuvres et les logiciels ne se rapportant pas aux mêmes textes, il convient de bien les distinguer. Le présent texte ne faisant référence qu’aux œuvres, il est inutile et redondant d’indiquer que les dispositions ne sont pas applicables aux logiciels, ce qui pourrait signifier, de façon tout à fait inexacte, que les logiciels ne sont plus protégés. La rédaction que nous proposons est donc solide, suffisante, incontestable et dénuée de toute ambiguïté.

M. le président. Avant de donner la parole à M. de Roux, je dois vous rappeler nos règles : l’auteur de l’amendement présente celui-ci, puis la commission et le Gouvernement donnent leur avis avant que s’expriment deux orateurs, l’un pour, l’autre contre, dans un temps n’excédant pas cinq minutes. Je ne peux déroger à ces règles.

La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Je voudrais prendre prétexte de cet amendement de clarification pour dire qu’il faut arrêter de tout mélanger.

M. Jean Dionis du Séjour. Ça alors !

M. Jean-Pierre Brard. Reconnaissez que le texte est confus !

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Pas du tout, il est extrêmement clair ! Nous traitons de la protection du droit d’auteur, pas de la protection des logiciels, qui est un autre problème. Les notions d’interopérabilité et de mesures techniques ont pour objet d’obliger les opérateurs à fournir les mesures techniques nécessaires à la protection du droit d’auteur. Il ne s’agit que de cela. Ne tombons pas dans la démagogie en parlant d’autre chose !

Mme Martine Billard. Le texte du Gouvernement est plus clair. Une fois n’est pas coutume, nous le soutenons !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements, nos 134, 201 deuxième rectification, 136, 144 rectifié, 243 et 252, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 136 et 144 rectifié sont identiques.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour soutenir l’amendement n° 134.

M. Frédéric Dutoit. Cet amendement reprend les termes retenus par le législateur portugais pour transposer la directive européenne. Selon l’article 6.3 de cette dernière, la définition de la notion de mesures techniques de protection repose sur le cadre normal du fonctionnement d’une œuvre. Il apparaît ainsi que seuls sont visés les éléments dynamiques et non les éléments passifs, tels qu’un format de fichier, considéré isolément, ou encore une méthode de cryptage.

M. François Bayrou. Nous avons les mêmes inspirateurs que les communistes ! (Sourires.)

M. Richard Cazenave. Nous sommes tous d’accord sur ce point ! Avançons !

M. Frédéric Dutoit. Ce qui prouve, monsieur Bayrou, que les uns comme les autres nous sommes européens ! (Sourires.)

Au regard des principes de la directive, il apparaît donc nécessaire, afin d’éclairer en particulier les juridictions françaises, d’indiquer que la notion de mesures techniques exclut les formats, les protocoles, les méthodes de cryptage, de brouillage et de transformation. Ces derniers ne sont visés par la directive qu’au titre de leur participation à une mesure technique et non comme des mesures techniques à part entière. Il s’agit aussi d’éviter que des personnes physiques ou morales puissent se prévaloir du régime de protection des mesures techniques sur un format, un protocole ou une méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation pour exercer un contrôle sur l’ensemble des programmes informatiques les mettant en œuvre. C’est pourquoi je propose à notre assemblée de voter cet amendement, et je suggère à mes collègues de l’UDF de poursuivre l’argumentaire. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour soutenir l’amendement n° 201 deuxième rectification.

M. Laurent Wauquiez. Je soutiendrai en même temps les amendements nos 144 rectifié et 243.

S’agissant du format numérique, les précédents orateurs en ont très bien résumé la difficulté : il s’accompagne souvent de mesures techniques qui conditionnent sa lecture ou les opérations de re-engineering. Dans quelle mesure la protection de l’œuvre doit-elle s’étendre à ces mesures techniques ? Le risque est, bien évidemment, que les grandes multinationales telles que Microsoft utilisent leur force de frappe en matière de logiciels pour établir un pont entre les licences qu’elles accordent aux sociétés de distribution et leurs logiciels de diffusion.

Sur ce point, le droit anglo-saxon utilise la notion de fair use, selon laquelle le contournement d’une mesure technique, c’est-à-dire toute opération consistant à la transformer, s’apparente à une dénaturation de l’œuvre elle-même. Or le danger réside précisément dans l’assimilation de la mesure de cryptage, qui permet de protéger l’œuvre, à une mesure technique en tant que telle, toute opération sur le verrouillage de l’œuvre se trouvant dès lors assimilée à une dénaturation de l’œuvre elle-même.

Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier pour l’écoute attentive…

M. François Bayrou. La bienveillance ! (Sourires.)

M. Laurent Wauquiez. …dont vous avez fait preuve envers les industries du logiciel libre de notre pays. Nous devons trouver un chemin de traverse qui ne favorise pas les activités s’apparentant au piratage tout en évitant à l’industrie du logiciel libre de tomber sous le boisseau des grandes multinationales, principalement anglo-saxonnes. Afin de préserver la notion d’interopérabilité, qui permet de transformer un format numérique en un autre et qui a servi de fondement à l’activité de nombreuses start-up françaises, nous proposons de soustraire de la définition des mesures techniques le protocole, le format, la méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation. En revanche, lorsque l’interopérabilité a pour objet d’ouvrir la voie à une opération de piratage, il faut mettre le holà.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir l’amendement n° 136.

M. Jean Dionis du Séjour. Je reviendrai, pour fonder mon argumentation, à la directive que nous transposons : « On entend par “mesures techniques”, toute technologie, dispositif ou composant qui est destiné à empêcher ou à limiter les actes non autorisés par le titulaire d’un droit d’auteur ». Voilà qui est très précis ! D’ailleurs, je trouve en général la législation européenne beaucoup mieux rédigée que la nôtre, si vous me permettez ce plaidoyer pro-européen.

M. Jean-Pierre Brard. N’en rajoutez pas ! (Sourires.)

M. Jean Dionis du Séjour. Nous devons instaurer un vrai climat de confiance avec les industries du logiciel libre. Elles nous ont demandé que les éléments de méthodologie – protocole, format, méthode de cryptage, de brouillage, de transformation –, qui n’ont rien à voir avec des dispositifs opérationnels, soient clairement écartés des mesures techniques de protection. Elles ont raison sur le fond comme en matière de prolongement du droit européen. C’est pourquoi nous incitons tous nos collègues, qui semblent se retrouver dans une belle unanimité, à préciser l’article 7 dans ce sens.

M. Richard Cazenave. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Richard Cazenave, pour soutenir l’amendement n° 252.

M. Richard Cazenave. Il est retiré.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Je le reprends ! Il a d’ailleurs été approuvé par la commission.

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste, pour soutenir l’amendement n° 252 et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 134, 201 deuxième rectification, 136, 144 rectifié et 243.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Ces différents amendements proposent de limiter le périmètre des mesures techniques de protection, dont le contournement sera pénalement sanctionné en application des articles 13 et 14 du projet de loi. À l’exception du n° 252, ils visent à exempter de la protection des éléments qui figurent dans le texte même de la directive et qui ne peuvent, en conséquence, être écartés. Je rappelle que précisément les mesures de protection sont le cœur de la directive et de sa transposition. D’ailleurs, l’article 7 a été reconnu par tous comme le cœur du projet de loi que nous sommes en train d’examiner.

L’article 6 de la directive dispose que « Les mesures techniques sont réputées efficaces lorsque l’utilisation d’une œuvre protégée, ou celle d’un autre objet protégé, est contrôlée par les titulaires du droit grâce à l’application d’un code d’accès ou d’un procédé de protection, tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l’œuvre ou de l’objet protégé ou d’un mécanisme de contrôle de copie qui atteint cet objectif de protection ». C’est ce texte que reproduit quasi intégralement le troisième alinéa de l’article 7, et que contredit exactement l’alinéa que les amendements nos 134, 201 deuxième rectification, 136, 144 rectifié et 243 proposent d’insérer. Si ces derniers étaient adoptés, que pourrait bien signifier la loi ? On pourrait même craindre qu’ils n’empêchent Canal Plus ou d’autres chaînes cryptées d’utiliser un cryptage.

L’amendement n° 252 constitue, en revanche, une bonne réponse au problème posé en distinguant les méthodes de brouillage, cryptage et autres, selon qu’elles portent sur des objets protégés par des droits d’auteur ou des droits voisins ou non. L’avis de la commission est donc défavorable à tous les amendements en discussion commune, à l’exception de l’amendement n° 252.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Tous ces amendements ont le même objet et ne se distinguent que par quelques différences de rédaction, qui introduisent certaines nuances.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 144 rectifié, considérant que les amendements nos 201, deuxième rectification, 136, 243 et 252 servent le même objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Non !

M. Christian Paul. Le Gouvernement est donc favorable également à l’amendement n° 136 !

M. Richard Cazenave. Oui, puisqu’il est identique à l’amendement n° 144 rectifié.

M. Christian Paul. Il aurait été élégant de le dire !

M. le président. Monsieur Paul, les amendements nos 136 et 144 rectifié étant identiques, si le Gouvernement est favorable à l’un, il l’est forcément également à l’autre.

M. Christian Paul. Le préciser introduit un climat de tolérance !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je suis également favorable aux amendements nos 136 et 144 rectifié et défavorable à l’amendement n° 252, de sorte que je vois se profiler une unanimité de l’assemblée, à l’exception du rapporteur de la commission.

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Et de son vice-président !

Mme Martine Billard. L’amendement n° 252 diffère des autres par la précision – astucieuse – : « qui n’ont pas pour fonction de protéger des œuvres, des interprétations, des phonogrammes, des vidéogrammes ou des programmes, ». Cela signifie à rebours que, si une entreprise invente un protocole, un format, une méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation qui ont pour fonction de protéger des œuvres, des interprétations, des phonogrammes, des vidéogrammes ou des programmes, le forçage de ceux-ci constitue une infraction. Ce n’est pas ce qui est prévu dans les autres amendements. Il y a donc une différence de fond. En d’autres termes, sous couvert de préciser ce qui n’est pas une mesure de protection, le rapporteur en réintroduit une par la fenêtre par ce membre de phrase très subtil. C’est pourquoi il ne faut pas voter l’amendement n° 252.

M. Frédéric Dutoit. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai qu’il y a là matière à réflexion. Dans un premier temps, nous avons été sensibles à l’argumentaire de M. le rapporteur, mais, après analyse de son amendement, nous trouvons qu’il contient des éléments inquiétants. L’ajout du membre de phrase : « qui n’ont pas pour fonction de protéger des œuvres, des interprétations, des phonogrammes, des vidéogrammes ou des programmes » pose à nouveau la question de la frontière avec les logiciels libres.

Nous préférons nous en tenir à la rédaction des amendements nos 136 et 144 rectifié.

M. Christian Vanneste, rapporteur. C’est incroyable ! Quel manque d’élégance !

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Si la commission a ajouté le membre de phrase incriminé, c’est justement parce l’objet du projet de loi est, je le répète encore une fois, de protéger les auteurs et les droits d’auteur. Si l’on n’introduit pas cette précision, on vise beaucoup plus de biens, on étend considérablement le champ d’application de l’article 7 et l’on arrive finalement à une rédaction expressément contraire au texte de la directive, ce qui me paraît une bien curieuse transposition de cette dernière.

M. le président. La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave. L’amendement n° 144 rectifié est conforme à la directive et la précision qu’il propose a déjà été adoptée par d’autres parlements européens.

Sa rédaction apparaît à la réflexion la plus claire. Celle de l’amendement n° 252, par laquelle nous avons été tentés à un moment donné, en indiquant que les procédés de cryptage peuvent être considérés comme des mesures techniques dès lors qu’elles participent à la protection d’une œuvre, peut laisser entendre, indirectement, que les procédés de cryptage sont brevetables, ce que nous refusons tous sur ces bancs, y compris sur ceux de la commission des lois.

Faisons donc bien attention parce que, parfois, en voulant faire mieux, on aboutit à des rédactions contraires à l’effet recherché.

C’est pourquoi, in fine, nous sommes revenus, avec l’accord du Gouvernement, à la rédaction de l’amendement n° 144 rectifié qui, je l’ai déjà indiqué, a été adoptée par d’autres parlements européens, et qui paraît de nature à recueillir l’unanimité de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Je demande, monsieur le président, une suspension de séance de cinq minutes.

M. le président. Je propose, monsieur le président, de laisser intervenir avant tous les orateurs qui m’ont demandé la parole sur ces amendements.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Le débat avance, lentement…

M. Jean-Pierre Brard. Profondément !

M. Patrick Bloche. …sans emballement – et c’est heureux. Néanmoins, il n’est pas un facteur de clarification.

M. Jean-Pierre Brard. C’est étonnant !

M. Patrick Bloche. Nous vérifions le fait que certains amendements qui peuvent paraître, à la première lecture, comporter des dispositions interopérables, n’en comportent pas vraiment et nous avons besoin d’un esprit ouvert pour pouvoir en saisir la portée législative exacte.

Dans cet hémicycle, les orateurs parlent, soit à titre personnel pour défendre l’amendement qu’ils ont déposé ou pour s’exprimer sur celui en discussion, soit, dans le cas du rapporteur, du président ou du vice-président d’une commission, au nom de celle-ci.

M. Jean-Pierre Brard. Jusque-là, cela reste moral !

M. Patrick Bloche. Jusque-là, nous sommes dans le cadre du règlement de notre assemblée. Je laisse à M. Brard le soin de porter les jugements de moralité qu’il souhaite.

Or, ce qui est préoccupant, c’est que nous sommes actuellement dans une certaine confusion. Je voudrais que M. de Roux et M. Vanneste précisent qu’ils parlent à titre personnel car je n’ai pas le souvenir que la commission des lois se soit prononcée en faveur de l’amendement n° 252 contre les amendements nos 136 et 144 rectifié, dont la rédaction nous paraît plus claire et plus conforme à la préoccupation de tous, hormis du rapporteur et du vice-président de la commission.

Dans le domaine sensible qui nous occupe, à savoir l’interopérabilité, c’est-à-dire l’accès libre aux œuvres, nous devons savoir ce que nous votons.

Avant de suspendre la séance, je souhaiterais, monsieur le président, que vous demandiez ce qu’a décidé la commission sur ces amendements, si tant est qu’elle ait tranché entre eux.

M. le président. La parole est à M. Dominique Richard.

M. Dominique Richard. Au nom du groupe UMP, je demande, monsieur le président, une suspension de séance de cinq minutes.

M. le président. Votre souhait rejoint celui du vice-président de la commission. Je vais encore laisser s’exprimer deux orateurs qui ont demandé la parole sur ces amendements.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Une suspension de séance est, en effet, nécessaire – elle est d’ailleurs demandée par tous les groupes – parce que ces deux amendements posent des problèmes de lisibilité.

L’amendement du rapporteur nous paraît bien en ce qu’il semble protéger les chaînes cryptées, lesquelles, je le rappelle, sont les premiers financiers du cinéma dans ce pays.

M. le ministre de la culture et de la communication. Très bien !

M. Pierre-Christophe Baguet. Il ne faudrait pas porter nuitamment atteinte aux chaînes cryptées qui financent la culture française.

M. le ministre de la culture et de la communication. Il n’en est pas question !

M. Pierre-Christophe Baguet. Nous nous demandons cependant si l’amendement n° 252 ne pénalise pas les logiciels libres.

Nous ne voudrions pas, en adoptant cet amendement, pénaliser ces derniers, car nous défendons à la fois les chaînes cryptées qui financent le cinéma et les logiciels libres.

M. le ministre de la culture et de la communication. Moi aussi !

M. Pierre-Christophe Baguet. Je prends acte, monsieur le ministre, du fait que vous êtes d’accord avec le groupe UDF.

Il est nécessaire d’avoir une réponse en séance ou une suspension de séance permettant d’avoir des éclaircissements.

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi vouloir compromettre le rapporteur ?

M. le président. La parole est à M. François Bayrou.

M. François Bayrou. Pour éclairer les futurs lecteurs de ces débats,…

M. Jean-Pierre Brard. Et les électeurs par la même occasion !

M. François Bayrou. …je crois nécessaire de préciser qu’il y a deux questions distinctes.

Première question : nous ne voulons pas, sur l’ensemble de ces bancs, que les mesures de protection constituent un avantage pour certains grands opérateurs du secteur. Le système doit être à la disposition de tous. C’était le sens de l’amendement n° 144 rectifié déposé par mes collègues Dionis du Séjour et Baguet.

Seconde question : la rédaction de cet amendement a inquiété, à juste titre, les chaînes cryptées, qui avaient le sentiment qu’on allait faire sauter leurs verrouillages et mettre à la disposition de tous leurs programmes cryptés. Cela ne peut évidemment pas être le cas.

La rédaction que nous cherchons doit donc préciser deux points : premièrement, que le système est à la disposition de tous et interopérable et, deuxièmement, que ces dispositions ne concernent pas les procédés qui protègent les chaînes cryptées.

Une suspension de séance paraît donc s’imposer pour trouver la rédaction adéquate, les deux actuellement proposées étant ambiguës.

M. le président. Je peux maintenant donner droit aux demandes de suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Vanneste, rapporteur. L’ensemble des amendements, à l’exception de l’amendement n° 252, avaient été examinés par la commission, qui les avait tous repoussés.

L’amendement n° 252 a donc été rédigé dans le but de trouver une solution de synthèse. Néanmoins, comme l’a fort bien indiqué notre collègue Richard Cazenave, cette synthèse présentait un risque de brevetabilité.

M. Jean Dionis du Séjour. Eh oui !

M. Christian Vanneste, rapporteur. En revanche, l’amendement n° 144 rectifié présentait pour les chaînes cryptées de télévision une autre difficulté, que l’amendement n° 252 cherchait à éluder.

C’est la raison pour laquelle je propose, par un sous-amendement, n° 256, à l’amendement n° 144 rectifié, d’ajouter la phrase suivante : « Cette disposition ne concerne pas les chaînes de télévision. »

Ce sous-amendement permettrait d’éviter les deux écueils. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je suis donc saisi par M. Vanneste d’un sous-amendement, n° 256, visant à compléter l’amendement n° 144 rectifié par la phrase suivante :

« Cette disposition ne concerne pas les chaînes de télévision. »

Quel est l’avis du Gouvernement sur ce sous-amendement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Je retire l’amendement n ° 252.

M. le président. L'amendement n° 252 est retiré.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je souscris tout à fait au sous-amendement de M. Vanneste. Cependant, je voudrais que l’on fasse également mention des radios. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Rien n’interdit que, demain, nous ayons des radios numériques payantes.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Dieu nous en préserve !

M. Pierre-Christophe Baguet. À partir du moment où des supports sont payants, ils sont cryptés. Le problème se posera donc pour tous les supports, quels qu’ils soient.

La numérisation des radios est en cours. C’est déjà le cas pour une bonne partie d’entre elles, y compris dans le service public.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je me félicite du retrait de l’amendement n° 252.

Monsieur le ministre, vous avez précisé que le but n’était pas d’affaiblir la création culturelle. Sans doute l’habitude est-elle, dans les débats de notre assemblée, de considérer que la parole du Gouvernement vaut de l’or. Elle illustre en tout cas l’interprétation qui aurait pu être faite.

En cas de contentieux, il sera possible de se reporter au débat. Il n’y a pas lieu de rajouter une disposition à ce qui existe déjà dans la loi. Or le fait de forcer le cryptage donnant accès à Canal Plus – c’est bien ce qui est en jeu –…

M. Dominique Richard. Il n’y a pas que Canal Plus !

Mme Martine Billard. …ou à d’autres chaînes cryptées, afin d’éviter de payer l’abonnement, est déjà considéré par la loi comme un délit.

La précision que M. Vanneste propose d’ajouter par son sous-amendement n° 256 n’apporte rien. La parole du Gouvernement nous suffit. Nous pouvons parfaitement en rester à l’amendement n° 144 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je serai moins angélique vis-à-vis du ministre que Mme Billard, car parole de ministre n’est pas parole d’évangile. Cela dit, j’adhère entièrement aux propos de notre collègue Martine Billard qui s’est exprimée d’une façon fort pertinente.

Soit le sous-amendement du rapporteur est superfétatoire, comme elle vient de le dire implicitement, soit M. le ministre nous cache quelque chose, ce qui, venant de lui, serait fort possible.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Procès d’intention ! (Sourires .)

M. Jean-Pierre Brard. Car s’il est une vertu que l’on ne peut en effet vous dénier, monsieur le ministre, c’est bien l’habileté. Nous vous fréquentons depuis suffisamment longtemps pour connaître votre aptitude à nous faire prendre des vessies pour des lanternes ! (Sourires .)

M. le ministre de la culture et de la communication. Cela avait bien commencé, malheureusement cela se termine mal !

M. Jean-Pierre Brard. Vous savez fort bien, monsieur le ministre, que nous sommes dans un débat sémantique depuis un certain temps. Or je m’interroge toujours pour savoir si vous êtes ou non le leurre du Gouvernement. Je pense évidemment à un autre sujet, celui des intermittents, et mon opinion est de plus en plus partagée.

M. Richard Cazenave. Vous vous égarez !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous en prie, mon cher collègue.

M. Richard Cazenave. Ce n’est pas sérieux !

M. Jean-Pierre Brard. Je reviens à notre sujet. Monsieur le rapporteur, soit votre sous-amendement est superfétatoire et il ne faut pas le voter ou bien il ne l’est pas, et vous devez nous expliquer pourquoi.

Quoi qu’il en soit, si ce débat progresse c’est assurément dans la confusion !

M. Dominique Richard. Depuis que vous êtes là !

M. Christian Paul. Ce n’était pas mieux avant : c’est chaotique depuis le début.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. La difficulté est réelle car nous voulons mettre en place un certain nombre de mesures techniques de protection efficaces pour des œuvres audiovisuelles ou autres sans entraver le développement des logiciels libres.

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Tout à fait !

M. Jean Dionis du Séjour. Notre amendement n° 136 tendait à protéger le développement des logiciels libres. On propose de rajouter une phrase qui permet de protéger les productions audiovisuelles par des mesures techniques de protection. Pourquoi pas ?

Mais le problème de fond demeure. Je me permets de rappeler que dans la version initiale, le premier alinéa du texte proposé pour l’article L. 331-5 prévoyait que ces dispositions ne sont pas applicables aux logiciels. La suppression de cette phrase a introduit de la confusion dans nos débats. Mais, sous réserve que la remarque de mon collègue Baguet sur les radios soit prise en compte, nous soutiendrons les amendements nos 136 et 144 rectifié sous-amendés.

M. le président. La parole est à M. Dominique Richard.

M. Dominique Richard. Il n’y a pas, madame Billard, que des chaînes payantes cryptées. Nous avons adopté des dispositions permettant de crypter des émissions à caractère de grande violence ou à caractère pornographique.

Ce sous-amendement répond à l’ensemble de la question des cryptages télévisés et ne sert pas une chaîne en particulier.

M. Jean-Pierre Brard. Il faut maintenant faire la synthèse, comme au parti socialiste.

M. le président. Monsieur le rapporteur, acceptez-vous l’ajout proposé par M. Baguet ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. J’avoue n’avoir pas d’opinion sur le sujet. Je laisse donc le sous-amendement en l’état.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 134.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 256.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 136 et 144 rectifié, modifiés par le sous-amendement n° 256.

(Ces amendements, ainsi modifiés, sont adoptés.)

M. le président. Les amendements nos 201 deuxième rectification, 243 et 252 ont été retirés.

La parole est M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je n’ai pas compris, monsieur le président, si ma proposition sur les radios avait été prise en compte.

M. le président. Vous étiez pourtant en séance, monsieur Baguet. (Sourires.)

M. Pierre-Christophe Baguet. On est allé à une telle vitesse ! (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Dionis du Séjour. On a zappé !

M. Christian Paul. C’était du haut débit !

M. le président. Un sous-amendement ne peut pas être sous-amendé, monsieur Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Et l’auteur du sous-amendement ne peut-il pas ajouter à celui-ci la précision que je demandais ?

M. Christian Paul. Il n’a pas voulu.

M. le président. Les débats ne sont pas menés à tel rythme que vous ne puissiez suivre, monsieur Baguet ! (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je suis saisi de sept amendements, nos 253, 135, 85, 125 rectifié, 132, 143 et 240, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 125 rectifié et 132 sont identiques, ainsi que les amendements nos 143 et 240.

La parole est à M. Richard Cazenave, pour soutenir l’amendement n° 253.

M. Richard Cazenave. Cet amendement est décisif pour organiser l’interopérabilité et pour fixer les limites des mesures techniques.

Le développement de nouvelles générations de mesures techniques de protection, de nature logicielle, pose le problème de leur interopérabilité et du risque de voir se développer des pratiques anticoncurrentielles. Cela a été dénoncé, en insistant sur le risque de monopole entre les mains des grands groupes qui sont les principaux opérateurs.

Le droit du logiciel permet de réaliser cette interopérabilité de deux façons. Soit dans un cadre contractuel, le fournisseur de la mesure technique apportant dans ce cadre l’ensemble des éléments nécessaires à l’interopérabilité, y compris des éléments de logiciel protégés par le droit d’auteur, soit dans le cadre de l’exception de décompilation, dont parlait le ministre tout à l’heure, prévue à l’article L. 122-6-1, qui permet à un tiers de traduire le code du logiciel dans un langage plus intelligible, pour étudier le fonctionnement du logiciel, en déduire les algorithmes et méthodes utilisées, et réécrire ensuite un autre logiciel interopérable.

Il convient tout d’abord de rappeler que les mesures techniques ne doivent pas conduire à empêcher la mise en œuvre de l’interopérabilité, pour autant que celle-ci ne porte pas atteinte aux conditions d’utilisation de l’œuvre.

La protection juridique des mesures techniques mise en place par la directive 2001/29/CE et le projet de loi n’est pas une propriété intellectuelle sur les méthodes utilisées pour protéger les œuvres, interprétations, phonogrammes, vidéogrammes ou programmes. Elle sanctionne le contournement d’une mesure technique qui ne préserve pas le niveau de protection ou les conditions d’utilisation d’une œuvre, d’une interprétation, d’un phonogramme, d’un vidéogramme ou d’un programme. Pour autant, elle ne doit pas remettre en cause le statut juridique du logiciel qui relève du droit d’auteur et non du brevet.

M. Christian Paul. Très juste !

M. Richard Cazenave. C’est d’autant plus important qu’il y a déjà eu des tentatives à Bruxelles pour breveter des logiciels, ce que la France refuse à juste titre, car cela signifierait la mort du logiciel libre et l’assurance de la domination sans retour d’un seul producteur de logiciels. Il est donc très important de rappeler qu’il n’y a pas de brevetabilité du logiciel.

Si l’interopérabilité est réalisée dans un cadre contractuel, il faut renforcer les pouvoirs du juge de la concurrence pour éviter les pratiques anticoncurrentielles.

Il convient par ailleurs de rappeler le bénéfice de l’exception de décompilation prévue à l’article L. 122-6-1 pour permettre l’interopérabilité. Le présent amendement, cosigné par notre rapporteur, vise également à clarifier la définition du contournement, pour ne pas empêcher cette interopérabilité.

M. Laurent Wauquiez et M. Dominique Richard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour soutenir l’amendement n° 135.

M. Frédéric Dutoit. Cet amendement garantit que le fournisseur de cette mesure technique ne pourra pas rendre captifs ses clients en bloquant la concurrence, soit en faisant de la rétention d’informations essentielles à l’interopérabilité, soit en usant de conditions discriminatoires et non équitables. Il garantit aussi, pour ce qui concerne les informations électroniques jointes à une reproduction que tous les acteurs du marché pourront faire en sorte que leurs logiciels respectent la loi en ne supprimant pas de telles informations lorsqu’ils manipulent des flux en contenant.

Cet amendement permet également de répondre aux objectifs fixés par la Commission européenne lors de la revue de transposition de la directive 2001/29CE, ainsi qu’aux attentes de nombreux acteurs concernés par cette transposition – sociétés de gestion collective, auteurs de logiciels libres, industriels, associations de consommateurs. Tous ont en effet exprimé le souhait que les fournisseurs de mesures techniques se mettent d’accord sur des formats pivots aux spécifications publiques et librement implémentables par tous, ce qu’on appelle les standards ouverts.

Mais, sans signal fort d’un État membre, les annonces de recherche à l’échelle européenne d’une solution à l’interopérabilité des systèmes numériques de gestion de droits vont rester lettre morte. Elles ne conduiront qu’à des consortiums de grandes sociétés, principalement américaines et japonaises, ou, plus vraisemblablement, à un unique fournisseur américain qui abuse déjà notoirement de sa position dominante, et qui sera désormais en mesure d’imposer légalement à toutes les entreprises et au public européen des licences sur ses technologies parce qu’il aura signé des accords stratégiques avec les grands producteurs de contenus.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l’amendement n° 85.

M. Christian Paul. L’amendement de notre collègue Cazenave ne nous pose pas de problème majeur, mais je veux appeler l’attention de nos collègues de la majorité sur le fait que son périmètre paraît trop étroit, car il n’ouvre qu’à une catégorie d’acteurs industriels la possibilité d’accéder aux informations essentielles à l’interopérabilité. Si on fait référence à des pratiques anticoncurrentielles, c’est parce que l’on tente de préciser la manière dont les acteurs commerciaux peuvent se voir offrir les possibilités d’accéder à ces informations indispensables à l’interopérabilité.

Cet amendement est nécessaire, mais pas suffisant. Si seul l’amendement n° 253 était voté, on priverait un certain nombre d’acteurs, développeurs de logiciels libres non commerciaux notamment, de la possibilité d’accéder à ces informations essentielles à l’interopérabilité.

Je vous renvoie donc à notre amendement n° 85 tout en notant que M. Dutoit a présenté à l’instant un amendement assez proche.

Qu’avons-nous voulu faire avec cet amendement n° 85 ?

Nous avons d’abord voulu dénoncer les limites de la rédaction actuelle du projet de loi. Tel qu’il est rédigé, l’alinéa 3 de l’article 7 ne garantit pas véritablement l’interopérabilité. Or, nous souhaitons établir une capacité de l’ensemble des systèmes à échanger des données. Pour cela, il nous faut apporter la garantie que les œuvres protégées peuvent être converties dans un format accepté par les systèmes de lecture dont disposent les consommateurs qui en font l’acquisition. Les fournisseurs de mesures techniques ne doivent pas rendre leurs clients captifs en bloquant la concurrence ou en faisant de la rétention d’informations essentielles à l’interopérabilité.

Le texte initial prévoit simplement une licence obligatoire, mais ne permet pas à tous les acteurs concernés, notamment les développeurs de logiciels libres, commerciaux ou non-commerciaux, de disposer de la possibilité pratique de mettre en œuvre l’interopérabilité. Certes, le projet donne des directions, mais, en ces domaines, il n’est pas suffisant de fixer des objectifs théoriques, il faut dire concrètement comme ça marche. Quand on donne le menu, il faut aussi indiquer la recette et les ingrédients. Nous ne devons pas avoir une approche trop restrictive de la question car le développement des logiciels libres représente un enjeu majeur.

Je constate toutefois que, sur cette question totalement ignorée de la représentation nationale il y a encore deux ou trois ans, tous les groupes ont fait des progrès dans la compréhension du monde dans lequel nous vivons. C’est très important.

Je vous rappelle en outre, mes chers collègues, que de nombreux parlementaires européens, notamment des socialistes français, ont évité le pire, au début du mois de juillet, en s’opposant à ce que la Commission européenne et le Parlement européen organisent le brevet logiciel. Ce coup d’arrêt porté à cette dérive donne au Parlement français quelques obligations. Veillons à ce que, à notre tour, nous soyons à la hauteur de cet enjeu. Nous n’avons pas été saisis de la question du brevet logiciel, mais, sur la question de l’interopérabilité, je souhaiterais que le Parlement français prenne ce soir une décision courageuse en adoptant l’amendement que nous proposons.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 125 rectifié.

Mme Martine Billard. Cet amendement va dans le même sens que ceux présentés par mes collègues communistes et socialistes. Il va également plus loin que l’amendement n° 253 car, je suis d’accord avec Christian Paul, il faut oser aller plus loin. L’intérêt de l’interopérabilité tient à ce qu’elle soit mise en œuvre dans des conditions d’efficacité qui ne nécessitent pas constamment d’avoir recours à des instances, qui prolongent d’autant les délais.

J’ai déjà signalé que Microsoft, condamné par Bruxelles, n’a toujours pas accepté de se plier aux demandes européennes. Or, l’amendement n° 253 indique que « s’il constate des pratiques anticoncurrentielles de la part d’un fournisseur de mesures techniques, le conseil de la concurrence ordonne l’accès aux informations essentielles, dans des conditions, y compris de prix, équitables et non discriminatoires », ce qui implique qu’il ne prévoit pas d’interopérabilité ouverte. Soumettre l’interopérabilité à rémunération change en effet sa nature, cela devient un achat de droit. L’amendement de nos collègues introduit donc une restriction. Mon amendement, quant à lui, ne soumet pas l’interopérabilité à paiement puisque nous sommes favorables à des formats ouverts qui permettent les échanges entre systèmes différents.

L’expérience nous a démontré qu’il fallait aller plus loin en inscrivant dans la loi des obligations précises pour les fournisseurs de mesures techniques, sinon nous risquons d’être confrontés à des pratiques dilatoires, comme celles que nous connaissons aujourd’hui.

Cela concerne l’ensemble des entreprises, notamment les entreprises françaises qui souhaiteraient ne pas être contraintes par les logiciels de multinationales, mais aussi, et je rejoins Christian Paul sur cette question, les développeurs qui souhaitent effectuer un travail à leur propre profit, étant bien entendu que celui-ci ne peut être utilisé à des fins commerciales, car nous sommes tous bien d’accord sur le fait que les droits d’auteur doivent être garantis.

Ces dispositions sont d’autant plus importantes que les matériels évoluent vite. Si nous ne voulons pas obliger les consommateurs à racheter constamment les derniers modèles à jour pour pouvoir utiliser les supports en leur possession, il faut que les formats évoluent de manière telle qu’à tout moment l’interopérabilité soit garantie.

M. le président. L’amendement n° 132, identique à l’amendement n° 125 rectifié, n’est pas défendu.

L’amendement n° 143 est-il défendu ?

M. Richard Cazenave. Cet amendement est retiré, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 143 est retiré.

Et l’amendement n° 240 ?

M. Laurent Wauquiez. Il est retiré également.

M. Christian Paul. Dommage !

M. le président. L’amendement n° 143 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 253, 135, 85 et 125 rectifié ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. L’amendement n° 253 propose une solution équilibrée aux différentes contraintes posées et devrait recueillir l’assentiment général puisqu’il clarifie bien les contraintes de l’exigence d’interopérabilité.

En conséquence, la commission a repoussé les amendements nos 135, 85 et 125 rectifié, très proches, qui vont plus loin que le texte du projet de loi. Pour des raisons inverses, elle a donné un avis défavorable aux amendements nos 133 et 139 qui veulent supprimer toute contrainte d’interopérabilité.

C’est donc dans un esprit de synthèse que nous soutenons l’amendement n° 253.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces quatre amendements ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 253 car il précise, avec beaucoup de force, la nécessité de la concurrence, de l’ouverture et de l’interopérabilité, qui sont tout à fait essentielles. En conséquence, avis défavorable aux amendements nos 135, 85 et 125 rectifié.

M. Christian Paul. Quel aveu !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Notre amendement n° 137 se rattache au sujet de l’interopérabilité et nous aimerions le défendre par avance.

M. le président. Je préférerai que vous le fassiez au moment où il sera appelé dans la discussion.

M. Jean Dionis du Séjour. Je ferai cependant deux remarques sur les amendements en discussion.

Premièrement, ils descendent à un niveau de finesse tel qu’ils relèvent clairement du champ réglementaire : « On entend par informations essentielles […] une copie de reproduction protégée par une mesure technique, et une copie des informations sous forme électronique jointes à cette reproduction ». Or s’il y a bien un domaine où un décret s’imposerait, c’est bien celui des échanges entre logiciels propriétaires et logiciels libres. Nous risquons sinon de nous épuiser en précisions sur les conditions techniques, sans jamais être exhaustif. Car il est bien clair que nous n’échapperons pas à un dialogue très technique, tranché par l’État et la puissance réglementaire, sur les fournitures nécessaires à la mise en œuvre de l’interopérabilité. Une approche trop détaillée de la loi ne règle rien en la matière.

Deuxièmement, ces amendements s’inscrivent dans un contexte juridique extrêmement précis. L’article 1er de la directive à transposer indique dans son alinéa 2 : « La présente directive laisse intactes et n’affecte en aucune façon les dispositions communautaires existantes concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur ». On peut toujours se faire plaisir avec un amendement, mais s’il n’est pas en cohérence avec le droit européen en vigueur, il ne changera rien à la réalité de l’interopérabilité.

C’est pourquoi, dans notre amendement n° 137, nous avons choisi d’être en cohérence avec le droit communautaire tout en renvoyant à un décret, pris après rencontre entre fabricants et exploitants de logiciels propriétaires et développeurs et utilisateurs de logiciels libres, avec arbitrage de l’État. Vouloir rédiger un article de loi d’application directe dans ce domaine hypertechnique, c’est être, mes amis, un peu présomptueux.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Si les rapports de force n’étaient pas ce qu’ils étaient, nous pourrions nous rallier à votre position, monsieur Dionis du Séjour. Mais les pratiques de certaines entreprises, dont la plus célèbre, en matière de respect des contraintes communautaires nous obligent à adopter une approche plus fine des dispositions législatives visant à transposer les directives. Sinon, combien d’années aurions-nous à attendre avant que les propriétaires de logiciels acceptent de rencontrer les représentants du logiciel libre et de négocier ?

M. Jean Dionis du Séjour. L’État tranchera !

Mme Martine Billard. Par ailleurs, je note que parmi les cinq signataires de l’amendement n° 253, deux avaient co-signé un autre amendement, similaire aux amendements déposés par les membres du groupe socialiste et du groupe communiste et par les Verts. Mais, comme par hasard, cet amendement a été retiré. Or l’amendement n° 253 n’oblige pas à fournir des fichiers ouverts, qui permettent de pratiquer directement l’interopérabilité. En outre, il précise que les entreprises condamnées par le Conseil de la concurrence pour pratiques anti-concurrentielles seront quand même rémunérées pour l’accès à leurs fichiers. Il y a là une incohérence manifeste.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Nous avons bien compris que nos collègues de l’UMP allaient se rallier à l’amendement n° 253, en abandonnant les amendements identiques aux nôtres. Après l’avis favorable de la commission des lois et du Gouvernement, nous savons aussi que cet amendement a quelque chance d’être adopté, faisant tomber nos amendements.

Cet amendement a cependant d’incontestables vertus : il prévoit d’abord que « les mesures techniques ne doivent pas empêcher la mise en œuvre de l’interopérabilité », objectif que nous partageons, et précise, dans son deuxième alinéa, ce que l’on entend par informations essentielles.

En revanche, et cela a déjà été dit, nous nous étonnons que vous ne considériez les développeurs que comme des développeurs commerciaux. J’en veux pour preuve que la référence aux pratiques anticoncurrentielles nous place directement dans des logiques strictement commerciales. Pour notre part, nous souhaiterions que cet amendement n’oublie personne.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le président, je propose de sous-amender l’amendement n° 253 en y insérant les premier et troisième alinéas de l’amendement n° 85. Le premier alinéa prévoit que « Toute personne développant un système interopérant avec un système utilisant des mesures techniques doit pouvoir obtenir les informations nécessaires à cette interopérabilité dans un délai raisonnable et dans des conditions non discriminatoires » et le troisième alinéa que « Les fournisseurs de mesures techniques ne peuvent exiger de contrepartie financière pour la fourniture d’informations essentielles à l’interopérabilité que lorsque ces informations sont transmises sur un support physique et uniquement pour couvrir les frais d’impression, de stockage et de transport ».

M. Christian Paul. Très bien !

M. Patrick Bloche. Par ailleurs, il doit être bien clair que le prix doit être entendu comme le simple prix de mise à disposition des informations et non comme une nouvelle forme de propriété intellectuelle. Ce prix ne peut donc être que forfaitaire. Il doit être fixé à l’avance pour éviter toute contestation et il ne doit pas être indexé sur l’activité créative ou commerciale du destinataire des informations.

J’associe à ce sous-amendement, s’ils en sont d’accord, nos collègues Verts et communistes.

M. Frédéric Dutoit. Tout à fait !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement oral ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable…

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. …car la commission avait repoussé l’amendement n° 85. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 253. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 135, 85 et 125 rectifié tombent.

La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, une fois de plus se pose un problème de fond. C’est pourquoi, je demande, au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, une suspension de séance d’un quart d’heure.

M. le président. Avant de suspendre la séance, je suis saisi de plusieurs rappels au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Dominique Richard, pour un rappel au règlement.

M. Dominique Richard. Petit à petit, les choses deviennent claires,…

M. Jean-Pierre Brard. Vous trouvez ?

M. Dominique Richard. …le voile se lève, la mystification s’évapore. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Le monde du cinéma et celui de la musique nous ont interpellés tout au long de cette journée, nous expliquant que si nous ne revenions pas sur la licence globale le plus rapidement possible, ce serait la création française qu’on assassinerait. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) En n’autorisant pas une rémunération équitable qui garantit la capacité de continuer à créer, c’est l’internaute qu’on trompe,…

M. François Loncle. Délirant !

M. Dominique Richard. …l’internaute qui verra, après l’euphorie du premier temps, se réduire comme peau de chagrin la diversité de l’offre.

M. Patrick Bloche. C’est honteux !

M. Dominique Richard. Monsieur le ministre, il faudra revenir en janvier à l’architecture initiale et équilibrée de votre projet de loi, qui sécurise l’usage de bonne foi en dépénalisant, ce qui n’est pas le cas actuellement (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), et qui permet la viabilité économique de l’offre légale, seule à même d’offrir leurs chances aux jeunes artistes. Tout retard ne verra que fragiliser les internautes, les auteurs et les artistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour un rappel au règlement.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le ministre, dans quelques minutes nous allons interrompre nos travaux jusqu’au 17 janvier prochain, pour participer aux fêtes de fin d’année, qui offrent une formidable occasion d’échanges dans nos familles et avec nos proches. Or il serait extrêmement dommageable que nous nous séparions sans avoir levé une ambiguïté.

Hier soir, notre assemblée a voté, en toute souveraineté, la légalisation des téléchargements de fichiers. Si ce vote est respectable, son impact n’en a pas moins été redoutable. En effet, on a vu aujourd’hui l’ensemble de la communauté nationale de la culture se mobiliser : auteurs, artistes, chanteurs, comédiens, producteurs, syndicats, techniciens. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Si, mes chers collègues, et il y avait avec eux, au café Le Bourbon, près de l’Assemblée, Anne Hidalgo et le maire-adjoint chargé de la culture de la ville de Paris, lesquels ont montré à tout le monde les déclarations de M. Jack Lang, député socialiste !

M. Jean-Pierre Brard. Et alors ? Ce ne serait pas la première fois que Jack Lang se tromperait !

M. Pierre-Christophe Baguet. Pour rassurer les forces vives de la nation et éviter que les dommages d’hier soir ne s’amplifient davantage, il conviendrait, monsieur le ministre, que vous nous rassuriez solennellement.

M. le ministre de la culture et de la communication. Je l’ai déjà dit !

M. Pierre-Christophe Baguet. Je suis persuadé que l’écoute et le dialogue nous permettraient de trouver un juste équilibre entre la préservation des libertés publiques dans les échanges Internet et la très légitime rémunération du monde de la création.

Au-delà d’un engagement à organiser ce dialogue dès les prochains jours, il faudrait aussi que vous vous engagiez solennellement sur une seconde délibération.

M. Jean-Pierre Brard. Vous revendiquez le droit de capituler !

M. Pierre-Christophe Baguet. Cela aurait le mérite à la fois d’éclairer nos débats futurs et d’avoir des effets particulièrement apaisants dans nos familles, toutes plus attachées les unes que les autres à notre spécificité culturelle française.

M. Jean Dionis du Séjour et M. Christian Vanneste, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Mes chers collègues, il y a eu, tout au long du débat, des moments importants, parfois tendus, et nos conceptions ont pu évoluer sur ce sujet délicat.

Au début, j’ai été sensible à l’inquiétude des internautes. C’est pour cette raison notamment que je me suis abstenu sur l’amendement n° 21 qui a provoqué toutes nos discussions.

Le débat m’a permis, amendement après amendement, de mesurer l’ampleur des enjeux, en particulier en termes de création artistique, et j’espère que nous défendons tous ici la vitalité de la création artistique.

Le principal danger est l’opposition entre les milieux artistiques et Internet.

M. Guy Geoffroy. Évidemment !

M. Laurent Wauquiez. En tout cas, au groupe UMP, nous sommes nombreux à penser qu’il faut trouver une solution qui ne soit pas une solution d’eau tiède.

M. le ministre de la culture et de la communication. Ce n’est pas une solution d’eau tiède !

M. Laurent Wauquiez. Je suis sûr, monsieur le ministre, que vous partagez ce point de vue, puisque vous souhaitez, d’une part, préserver les droits d’auteur et, d’autre part, mettre en place des avancées pour les internautes.

Aussi, les députés du groupe UMP seraient-ils heureux de former avec vous un groupe de travail qui serait chargé d’élaborer une nouvelle rédaction de l’article 1er , qui protégerait la création artistique tout en contenant certaines avancées concrètes sur le prix et les conditions d’accès à Internet, la protection de la copie privée et la diversité de l’accès à Internet pour tous les artistes.

Monsieur le ministre, je sais l’énorme travail que vous avez fait sur ce point et j’espère que vous pourrez nous accompagner dans la constitution de ce groupe de travail.

M. le président. Mes chers collègues, je suis saisi d’un certain nombre de rappels au règlement qui sont en fait autant d’explications de non-vote. (Sourires.)

Je vais donner la parole à ceux qui me l’ont demandée. Puis le ministre conclura.

La parole est d’abord à Mme Françoise de Panafieu.

Mme Françoise de Panafieu. Monsieur le ministre, il nous est demandé de trouver les voies,…

M. Jean-Pierre Brard. Pour vous, ce serait plutôt les voix de l’investiture !

Mme Françoise de Panafieu. …et elles sont étroites, permettant à la fois de favoriser une diffusion plus large de la culture en direction des internautes et de préserver la création et les droits d’auteur. Chacun en convient, l’équilibre est très difficile à trouver.

Vous le savez mieux que quiconque, la création est fragile, elle peut facilement trébucher. Si elle a le sentiment d’être la laissée-pour-compte, l’incomprise et la mal aimée, elle s’assèche. Au bout du compte, tout le monde serait perdant : les créateurs bien sûr, mais aussi les internautes qui ne trouveraient plus la création puisqu’elle ne serait plus au rendez-vous.

En tant que secrétaire nationale de l’UMP chargée de la culture, je suis interpellée, depuis hier soir, comme beaucoup de mes collègues du groupe UMP, par des élus mal à l’aise et des créateurs malheureux. Et ces créateurs, vous les connaissez : Francis Cabrel, Patrick Bruel, Johnny Hallyday,…

M. Jean-Pierre Brard. Johnny Hallyday un créateur ? On aura tout vu !

Mme Françoise de Panafieu. …Michel Sardou, Enrico Macias, Jacques Dutronc et bien d’autres. Tous nous ont dit leur inquiétude

Monsieur le ministre, ne croyez-vous pas qu’il faudrait en effet créer un groupe de travail, pour répondre à la fois aux légitimes besoins des internautes tout en préservant cette création dont nous avons tous tellement besoin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, je ne m’attendais pas à ce happening final ! (Sourires.)

Le groupe UDF s’efforce d’avoir une position d’avenir, réfléchie. Il a essayé de garder un cap.

M. Jean-Pierre Brard. Changeant !

M. Jean Dionis du Séjour. Certainement pas, monsieur Brard ! D’abord, vous n’étiez pas là !

M. le président. Monsieur Dionis du Séjour, à cette heure tardive, ne vous laissez pas interrompre. Poursuivez.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous n’avons pas changé d’avis et nous disons ce soir ce que nous avons déjà dit hier soir, ce qui est déjà le mérite d’une grande famille politique.

Oui, la licence légale optionnelle est une supercherie. Et je remercie nos collègues de l’UMP d’avoir commencé à mettre un peu d’ordre dans leur groupe puisque c’est de là qu’est venu le problème. Cette supercherie intellectuelle commence à être démontée.

Oui, c’est un vrai débat que celui qui existe entre la licence légale et les plates-formes marchandes légales. Nous, nous sommes pour les plates-formes marchandes légales, avec comme perspective d’avenir une baisse de prix et un élargissement du catalogue. Nous défendions cette vision d’avenir et nous voyons aujourd’hui que les lignes bougent, ce qui n’est pas pour nous déplaire.

Un groupe de travail, soit, mais nous souhaitons surtout que le débat retrouve densité et sérieux. Des amendements très lourds ont été proposés, tant sur la licence légale que sur l’autorité de médiation ou sur la réponse graduée. Nous voulons recevoir des assurances en termes de calendrier et de méthode, en vue d’un débat parlementaire digne, serein et dense.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Si l’on peut s’émouvoir, c’est bien du vote de l’amendement n° 253 amputé des propositions de Patrick Bloche. Il y a là quelque motif légitime d’indignation et de regret. L’amendement n° 253 prive en effet une part importante de la communauté du logiciel libre de la possibilité de revendiquer le droit d’accès à l’interopérabilité, ce qui est une erreur.

M. Richard Cazenave. C’est faux !

M. Laurent Wauquiez. Bien sûr que non !

M. Guy Geoffroy. Affirmation sans fondement !

M. Christian Paul. Par ailleurs, s’agissant de ce que le président Dosière a très justement appelé des explications de non-vote, la loi de la République ne se fait pas au café Le Bourbon !

M. Jean Dionis du Séjour. Elle se fait au Palais Bourbon !

M. Christian Paul. Elle ne s’écrit pas au café du commerce !

M. Guy Geoffroy. Jack Lang, reviens...

M. Christian Paul. Le ministre aurait pu en effet s’inspirer de Jack Lang, car la dernière grande loi sur les droits d’auteur a été votée en 1985, et ce à l’unanimité.

M. Jean Dionis du Séjour. Cette fois-ci, on n’en prend pas le chemin !

M. Christian Paul. Il faudrait pour cela une autre méthode de travail, puisque celle qui a été utilisée a échoué : le Gouvernement n’a en effet écouté qu’un point de vue,...

M. Jean-Pierre Brard. Celui de Johnny Halliday !

M. Christian Paul. ...celui qui a d’ailleurs été relayé à l’instant, et n’a fait aucun cas de tous les autres. Il ne faut pas réunir un groupe de travail dans une soupente de la rue de Valois, mais créer une mission d’information parlementaire, comme le permet notre règlement – je crois savoir que le président de l’Assemblée nationale n’y est pas hostile, il l’a dit tout à l’heure aux députés socialistes – , mission qui associerait des députés et des sénateurs représentant tous les groupes, y compris l’UDF, qui, par moment, a tenté de faire prévaloir des solutions de sagesse face aux intentions liberticides du Gouvernement. En tout cas, pour notre part, nous ne pratiquerons pas la politique de la chaise vide.

Nous espérons qu’il sera mis fin dès les premiers jours de l’année 2006 à la méthode de travail chaotique qui a lamentablement échoué jusqu’à présent. Donnons-nous le temps de travailler : je ne connais pas d’autre façon de faire la loi.

M. Guy Geoffroy. Encore des leçons tous azimuts !

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Je ne voudrais pas que nous terminions la dernière séance de l’année sans que le groupe de l’UMP ait montré clairement qu’il est contre l’amendement qui a été adopté hier.

M. Jean Dionis du Séjour. Eh bien voilà !

M. Thierry Mariani. Les propos de la secrétaire nationale de l’UMP, Françoise de Panafieu, ou ceux de son président, Nicolas Sarkozy,...

M. Christian Paul. Il y avait longtemps que nous n’en avions pas entendu parler ! Il était temps de le ramener sur le devant de la scène !

M. Thierry Mariani. ...prouvent que l’UMP est attachée à ce que la création culturelle soit clairement reconnue. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Frédéric Dutoit. On resserre les boulons !

M. Guy Geoffroy. Nous sommes nombreux à aller dans ce sens !

M. Thierry Mariani. Comme d’autres, je pense que la licence globale est une supercherie.

De plus, nous savons d’expérience que le Gouvernement a les moyens de s’opposer à l’adoption finale d’un amendement d’origine parlementaire : je vous renvoie, mes chers collègues, à ce qui s’est passé avec la proposition visant à abaisser le taux de la TVA dans la restauration. Les auteurs, créateurs et artistes doivent savoir que nous ne maintiendrons pas cette disposition.

Monsieur le ministre, votre projet initial était équilibré : il préservait le libre accès à la culture et la juste rémunération des artistes. Je vous renouvelle tout mon soutien, et je souhaite qu’un groupe de travail soit constitué afin de favoriser l’accès à la culture sur Internet. Il permettra à l’ensemble de nos collègues, notamment à ceux qui ont voté hier l’amendement n° 21 sur la licence globale, de trouver les moyens de régler la question sans porter atteinte à la création et à sa juste rémunération. Si le texte voté hier était maintenu, toute la création serait en danger et nous serions ramenés des années en arrière.

M. Christian Paul. Fumisterie !

M. Thierry Mariani. Mais non !

J’ai la chance de présider depuis dix ans l’un de nos deux grands festivals d’opéra, les Chorégies d’Orange.

M. Patrick Bloche. Quel rapport ?

M. Thierry Mariani. Quel rapport ? demandez-vous. Eh bien, les artistes lyriques, comme les artistes de variété, sont inquiets de ce qu’il adviendra de la création si vos propositions sont adoptées.

M. Christian Paul. Mais que leur racontez-vous donc ?

M. Thierry Mariani. L’un de nos plus grands artistes lyriques, Roberto Alagna, a déclaré : « Cet amendement nous renvoie à une époque ancienne, que je croyais révolue, où les auteurs et les artistes étaient dépossédés de leurs droits contre une rémunération symbolique et dérisoire. » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est facile, monsieur Bloche, de balayer d’un revers de manche les propos de certains artistes, mais à céder à toutes les pressions libertaires, on en arrive à tuer la création ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Patrick Bloche. C’est plutôt vous qui cédez aux pressions !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Apparemment, le 22 décembre autour de minuit, nos collègues de l’UMP ont eu une révélation : ils ont découvert tout d’un coup qu’ils ne pouvaient pas continuer comme ça ! Il faut dire que ceux qui sont ici ne sont pas, à quelques exceptions près, ceux que nous avons vus hier soir.

M. Dominique Richard. Si !

M. Laurent Wauquiez. Vous insultez tous ceux qui ont suivi le débat !

Mme Martine Billard. On a changé de groupe UMP !

Après s’être divisé – je rappelle que vingt-deux de ses membres ont voté la licence globale et que vingt-six se sont prononcés contre – , le groupe de l’UMP déclare qu’il y a eu un petit problème et qu’il convient de constituer un groupe de travail…UMP. Pendant qu’on y est, on peut aussi dissoudre l’Assemblée, partir en vacances et laisser l’UMP régler ses problèmes avec son ministre ! Mais ne serait-il pas plus normal de saisir la commission des affaires culturelles de ce texte – ce qui n’a pas été le cas – ou de créer, comme le proposent certains de nos collègues, une mission d’information pour travailler convenablement avec les partenaires concernés et trouver des solutions consensuelles ?

Les députés UMP font fort en déclarant que l’amendement voté hier soir met en danger toute la création culturelle !

M. Dominique Richard. C’est la vérité !

M. Thierry Mariani. Tous les artistes le disent, même Joey Starr !

Mme Martine Billard. Combien sont-ils ? Il y a des milliers d’auteurs en France, alors ça ne veut pas dire grand-chose.

M. Laurent Wauquiez. Ils apprécieront !

Mme Martine Billard. Le débat ne porte pas sur la rémunération du droit d’auteur . Là-dessus, nous sommes tous d’accord : nous voulons protéger cette rémunération et nous voulons qu’elle soit équitable. Nos collègues UDF, eux, assument au moins leur position en faveur des plates-formes marchandes légales.

M. Dominique Richard. Nous aussi !

Mme Martine Billard. Mais il y a des auteurs qui sont d’accord pour passer par des plates-formes gratuites. Il faut laisser la possibilité de choisir. Il faut laisser la possibilité de rémunérer l’ensemble des auteurs, connus et moins connus, comme le permet, dans le domaine du livre, le droit au prêt, qui garantit la diversité culturelle. La licence globale adapte ce principe aux autres médias...

M. Dominique Richard. Elle n’est pas fiable !

Mme Martine Billard. ...et assure le maintien d’une création culturelle multiforme en permettant de rémunérer aussi les auteurs moins connus.

M. Guy Geoffroy. C’est le contraire !

Mme Martine Billard. Là est notre point de divergence.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Les troupes fraîches de l’UMP sont arrivées : on a retiré du front les soldats UMP qui avaient fraternisé avec la gauche et les internautes...

M. Laurent Wauquiez. Vous n’y étiez pas !

M. Jean-Pierre Brard. ...pour les remplacer par d’autres qui ont été conditionnés avant d’entrer dans l’hémicycle ! Mais comme on n’est pas sûr qu’ils soient loyaux jusqu’au bout, le président Accoyer veille en silence à la discipline des troupes.

M. Franck Gilard. Ce n’est pas un commissaire politique !

M. Jean-Pierre Brard. D’ailleurs, vous n’êtes pas assurés de tenir car certains veulent fuir à l’arrière (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et réclament du temps pour reconstruire le dispositif.

Les propos de M. Mariani étaient fort instructifs. Il nous rapportait les réactions qu’il a recueillies. Mais, chers collègues, il n’y a pas de mandat impératif ! Nous délibérons en notre âme et conscience...

M. Guy Geoffroy. Où est l’âme, où est la conscience ?

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Geoffroy, elles sont également réparties !

M. le président. Monsieur Brard, ne vous laissez pas distraire !

M. Jean-Pierre Brard. C’est un débat philosophique important !

M. le président. Certes, mais ce n’est plus l’heure ! Il est temps de conclure.

M. Jean-Pierre Brard. En réalité, la droite n’a pas de vision en matière de culture et de création. Elle est enfermée dans un terrible dilemme entre, d’un côté, les internautes et les intérêts fondamentaux de la création et, de l’autre, les lobbies auxquels elle est si sensible... Alors, certains à l’UMP, ceux qui avaient levé le poing hier, ont peur de leur propre audace et étouffent leur conscience. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous sommes habitués à vos renoncements. La génuflexion, c’est votre spécialité !

M. Laurent Wauquiez. Et la vôtre, la prière universelle ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Il est vrai que le général parlait déjà de « godillots », et il connaissait son sujet. Vous êtes fidèles à l’image qu’il se faisait de vous !

M. Laurent Wauquiez. Pas un seul argument de fond ! Monsieur Dutoit, soufflez quelques arguments à M. Brard afin qu’il ne soit pas ridicule !

M. Jean-Pierre Brard. « Pas de solution eau tiède », disait tout à l’heure un collègue. De fait, vous trouvez vos solutions dans les eaux glacées du calcul égoïste qui fabrique le profit des majors. Et pour sortir de l’impasse où ils vous ont enfermé hier, monsieur le ministre, il n’est plus d’autre solution que de siffler les arrêts de jeu et d’invoquer les mânes de Clemenceau en proposant la création d’une commission, pour ne pas perdre la face !

M. Dominique Richard. C’est une demande des socialistes !

M. Jean-Pierre Brard. Sur d’autres sujets, vous avez été meilleur, mon cher collègue, mais on ne peut pas attendre d’un député UMP qu’il soit bon tout le temps ! Une exception par mandat, on ne peut pas en demander plus !

M. le président. Concluez, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Pour notre part, nous sommes fidèles à l’amendement sur la licence globale et nous sommes certains d’être entendus par les internautes, la jeunesse, les créateurs et par tous ceux qui préparent l’avenir.

M. Guy Geoffroy. Vous êtes en train de faire du clientélisme !

M. Jean-Pierre Brard. Quant à nos collègues de l’UDF, ils sont fidèles à leurs options : ce sont de vrais libéraux, qui ne se masquent pas et qui sont favorables aux plates-formes marchandes légales – tandis que nous, nous réclamons le droit d’accès à l’interopérabilité et aux plates-formes gratuites et refusons la discrimination par le prix !

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Laurent Wauquiez. Enfin quelqu’un qui connaît son sujet !

M. Patrick Bloche. Chers collègues, nous arrivons maintenant au terme de nos travaux, placés depuis hier soir sous le signe du chaos : nous avons en effet été ballottés d’amendements réservés en sous-amendements déposés en séance, preuve de l’impréparation totale de ce projet de loi, impréparation dont la responsabilité essentielle incombe au Gouvernement.

D’ailleurs, aujourd’hui, un quotidien du soir a titré sur deux dossiers culturels : nous pouvons lire, côte à côte, un article qui est consacré aux intermittents écœurés et un autre qui relate notre séance d’hier soir. Ils constituent tous deux un double procès pour le Gouvernement actuel.

M. Dominique Richard. Ce quotidien du soir n’est pas parole d’Évangile !

M. Patrick Bloche. Jean-Pierre Brard, Pierre-Christophe Baguet, Frédéric Dutoit et moi-même faisons partie du comité de suivi des intermittents.

M. Jean-Pierre Brard. Et Étienne Pinte !

M. Patrick Bloche. Il n’est pas là, et je ne cite que les collègues présents.

M. Laurent Wauquiez. Et Dominique Richard ?

M. Patrick Bloche. Je voudrais qu’en ce 22 décembre, nous puissions rappeler au sein de cet hémicycle que les problèmes des intermittents sont loin d’être réglés et que ceux-ci vivront cette fin d’année dans la précarité la plus grande, puisqu’on s’oriente vers le plus mauvais choix qui pouvait être fait, à savoir la prorogation du protocole de juin 2003. Le Gouvernement depuis quatre ans nous propose une politique culturelle dont nous constatons aujourd'hui l’échec, car elle est sans visibilité, sans budget et sans ambition.

M. Laurent Wauquiez. Quand vous êtes mal à l’aise sur un sujet, vous cherchez un autre terrain.

M. Patrick Bloche. Afin d’en revenir au débat de ce soir, je tiens à m’adresser à Dominique Richard.

Cher Dominique Richard, nous avons travaillé ensemble sur de nombreux dossiers culturels.

M. Dominique Richard. Nous continuerons !

M. Patrick Bloche. C’est pourquoi, je vous l’avoue sincèrement, j’ai été attristé de vous voir vous livrer à cette facilité dans l’hémicycle, qui a consisté à appeler à la rescousse des artistes et des vedettes et de citer des noms connus du show-biz, alors même que, comme l’a rappelé Jean-Pierre Brard, nous n’avons pas de mandat impératif. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Dominique Richard. Vous avez bien cité un quotidien du soir !

M. Laurent Wauquiez. Les artistes apprécieront la manière dont vous les méprisez !

M. Patrick Bloche. De telles pratiques doivent être proscrites dans cet hémicycle.

En l’occurrence, il s’agit de légiférer en dehors de toute influence. Que comptiez-vous obtenir en nous citant ces artistes du show-biz ? Nous impressionner ? Nous terroriser ? Le monde de la création contre nous ! Que se passera-t-il lorsque nous sortirons de l’Assemblée nationale ? Chers collègues, nous légiférons en fonction de l’intérêt général !

M. Dominique Richard. Bien sûr !

M. Laurent Wauquiez. La création fait partie de l’intérêt général !

M. Patrick Bloche. Et l’intérêt général consiste à rassembler toute la collectivité nationale et à refuser de criminaliser les internautes tout en rémunérant tous les auteurs et tous les créateurs du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) J’en appelle aux vedettes du show-biz qui se trouvent enrôlées dans ce combat d’arrière-garde. Si elles se posent des questions sur leurs conditions de rémunération et qu’elles s’inquiètent de la vente des CD, qu’elles fassent d’abord le procès d’une industrie musicale concentrée entre les mains des majors du disque qui standardisent et uniformisent notre culture ! Telle est la réalité des choses !

Mme Martine Billard. Très juste !

M. Patrick Bloche. Qu’elles retrouvent leur liberté. Or, ce que nous avons voté hier leur permet non seulement de retrouver leur liberté, mais encore de bénéficier bientôt, si du moins nous allons au bout de notre démarche,…

M. Richard Cazenave. Sous la gauche, on avait beaucoup reculé !

M. Patrick Bloche. …d’une rémunération importante. La licence globale optionnelle, que nous avons inscrite hier provisoirement dans le projet de loi par le biais de deux amendements, dont un socialiste, ce sont, à la clef, plusieurs centaines de millions d’euros dont bénéficieront les artistes !

M. Jean Dionis du Séjour. Doucement pour les impôts !

M. Patrick Bloche. C’est le contraire de la gratuité ! Et n’invoquez pas le monde du cinéma, quand il n’est en rien concerné par ce dont nous traitons,…

M. Jean Dionis du Séjour et M. Dominique Richard. Mais si !

M. Patrick Bloche. …puisque le groupe socialiste, dès la question préalable, défendue par Christian Paul, a souligné que notre démarche ne concernait que la musique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Dominique Richard. Ce n’est pas vrai !

M. Christian Vanneste, rapporteur. M. Bloche ne sait plus ce qu’il dit !

M. Patrick Bloche. Chers collègues,…

M. le président. Laissez M. Bloche terminer, je vous prie.

M. Patrick Bloche. …vous ne pouvez pas – je vous renvoie au compte rendu analytique – contester un seul instant que, dans l’esprit même du communiqué du parti socialiste du 13 décembre dernier, Christian Paul, Didier Mathus, tous les autres orateurs du groupe socialiste et moi-même avons affirmé que seule la musique était concernée…

M. Dominique Richard. Ce n’est pas vrai !

M. Patrick Bloche. …et non le cinéma, du fait de la chronologie des médias.

Nous travaillons sur un double objectif de liberté et de responsabilité. Le code de la propriété intellectuelle s’est écrit à l’occasion de rendez-vous clefs, de dates importantes : 1957, 1985, 1994, 2005 et sans doute 2006. Si nous voulons vraiment que notre travail reste cohérent avec la manière dont le droit d’auteur a su s’adapter jusqu’à présent aux évolutions technologiques, il faut à tout prix maintenir ce que nous avons voté ensemble, hier soir, en transgressant nos clivages habituels.

Puisque l’Assemblée nationale, en cette affaire, a su reprendre la main et donner une belle image du rôle qu’elle joue dans notre système démocratique, une nouvelle fois, le groupe socialiste demande avec force la constitution d’une mission d’information commune…

M. Dominique Richard. Monsieur Brard l’a déjà proposée !

M. Patrick Bloche. …et non celle d’un groupe de travail UMP – quelle insulte pour ce que nous avons fait ensemble !

Nous faisons appel au président Debré, pour qu’en cette affaire, le Parlement, pointant l’impréparation et sans doute l’incapacité du Gouvernement à nous proposer un texte cohérent, reprenne la main et récrive le projet de loi dans le sens de l’intérêt général, afin de ne pas transformer les internautes en délinquants,…

M. Dominique Richard. N’importe quoi !

M. le ministre de la culture et de la communication. Invraisemblable !

M. Patrick Bloche. …mais d’assurer à la création culturelle de notre pays diversité et rémunération. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Martine Billard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je me suis déjà exprimé, je crois avec clarté et force, en début d’après-midi pour donner la position du Gouvernement. Je vous la rappelle : il est urgent d’agir et de légiférer parce que les propositions figurant dans le projet de loi du Gouvernement sont de vraies avancées.

Si ce soir la réponse graduée avait été adoptée, les internautes coupables d’une infraction auraient bénéficié d’une information et d’une mesure de prévention qui les auraient responsabilisés au lieu d’être passibles d’une sanction pénale.

M. Christian Paul. Mettez-les donc sur le bûcher !

M. le ministre de la culture et de la communication. Si le projet que le Gouvernement a déposé il y a quelques mois avait été adopté ce soir, la création aurait été mieux soutenue et un certain nombre d’idées fausses, que le Gouvernement aurait lui-même proposées si elles avaient été opérationnelles, auraient été écartées.

M. Christian Paul. Quel truisme !

M. le ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement fait preuve d’une grande constance dans son attitude et dans son action. D’aucuns m’ont reproché la passion que je manifeste.

M. Christian Paul. Pas nous !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je le dis avec force parce qu’il n’y a pas de chose plus urgente en cette période de démagogie, voire de renoncement : il faut affirmer certaines valeurs. Aux internautes de notre pays, je veux garantir l’accès à l’information et à la culture ; aux artistes et aux techniciens de notre pays, je veux garantir ce qui, pour moi, est une valeur non pas ringarde mais qu’il convient d’actualiser aux couleurs du XXIe siècle : le droit d’auteur et la propriété intellectuelle.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le ministre de la culture et de la communication. Tout est perfectible, et l’apport des parlementaires, durant le débat, est essentiel. J’ai travaillé avec chacune et chacun d’entre vous. Je défends ce projet avec passion : c’est pourquoi je tiens à rappeler que le ministre que je suis et l’ensemble du Gouvernement sont en permanence à la disposition des groupes parlementaires et des commissions. Si, d’ici à notre prochain rendez-vous sur ce projet de loi, vous souhaitez que nous travaillions en commun, j’y suis prêt. Je n’ai qu’un objectif : permettre aux mondes de l’internet et de la culture, aux artistes et aux techniciens, aux jeunes et aux moins jeunes, de se réconcilier autour de ce grand projet.

On peut toujours faire des procès d’intention. On peut toujours répandre de fausses rumeurs pour susciter des fantasmes et créer des peurs. Je vous assure que je ne ménagerai pas ma peine pour démentir les fausses rumeurs ou les fausses informations qui ont été répandues.

M. Frédéric Dutoit. Nous ne ménagerons pas non plus la nôtre pour démentir celles de ce soir !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je suis un homme d’engagement : c’est pourquoi je tiens à évoquer un sujet d’actualité brûlant, celui de l’assurance-chômage des artistes et des techniciens.

M. Jean-Pierre Brard. Parlons-en !

M. le ministre de la culture et de la communication. Chacun souhaitait une vraie négociation. Je suis heureux de constater que les partenaires sociaux ont décidé de prendre le temps nécessaire afin de ne pas avoir à conclure à la hâte, en quelques minutes, un protocole qui ne correspondrait pas aux besoins.

M. François Loncle. Voilà trois ans que le dossier est ouvert !

M. le ministre de la culture et de la communication. J’ai pris des engagements. Je le répète : j’ai constaté, sur ce sujet, qu’il fallait une vraie négociation...

M. Jean-Pierre Brard. Il faut voter !

M. le ministre de la culture et de la communication. …et que le vrai danger aurait été qu’elle n’ait pas lieu. C’est pourquoi je suis heureux de constater que les partenaires sociaux ont décidé de procéder à une vraie négociation.

Je vous rappelle l’engagement pris par le Premier ministre et annoncé devant les partenaires sociaux : l’État sera un partenaire solide. Heure par heure, comme depuis vingt-deux mois, je travaillerai à ce dossier, conscient de l’honneur qu’il y a à remplir cette magnifique fonction de ministre de la culture et de la communication. Je suis, je le répète, un homme de parole et d’engagement. Vous pouvez m’accuser de tous les maux ! Vous pouvez m’envoyer à la figure des articles de presse ! Je n’aurai pas, pour finir, la cruauté de citer les propos de certains responsables socialistes qui se sont exprimés de manière très différente de la vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Ça sent le requiem !

M. le président. Mes chers collègues, me faisant votre porte-parole, je voudrais, monsieur le ministre, vous remercier de la décision que vous avez prise de suspendre le débat sur ce texte, ce qui va nous permettre de préparer la fête de Noël dans de bonnes conditions. (Applaudissements.) Je tiens donc à souhaiter à chacun d’entre vous et au personnel de l’Assemblée de joyeuses fêtes.

suspension des travaux de l’assemblée

M. le président. Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, en application de l’article 28, alinéa 2, de la Constitution, de suspendre ses travaux pour les trois semaines à venir.

ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Mardi 17 janvier 2006, à neuf heures trente, première séance publique :

Questions orales sans débat.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement.

Discussion, du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 2332, relatif au volontariat associatif et à l’engagement éducatif :

Rapport, n° 2759, de Mme Claude Greff, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 23 décembre 2005, à zéro heure trente.)