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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 26 janvier 2006

126e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

ordre national de la profession d’infirmier et d’infirmière

Discussion d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Luc Préel et plusieurs de ses collègues relative à la création d’un ordre national de la profession d’infirmier et d’infirmière (nos 2309 rectifié, 2804).

La parole est à M. Olivier Jardé, suppléant M. Jean-Luc Préel, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Olivier Jardé, suppléant M. Jean-Luc Préel, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre de la santé et des solidarités, mes chers collègues, la création d’un ordre national de la profession d’infirmier et d’infirmière est une question récurrente dans cet hémicycle. C’est d’ailleurs la seconde fois au cours de cette législature que le groupe UDF présente une proposition de loi sur ce thème.

Jean-Luc Préel vous présente ses excuses de ne pouvoir défendre lui-même son texte et je le remercie de m’avoir fait confiance pour le suppléer.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C’est courageux, bravo !

M. Olivier Jardé, rapporteur suppléant. Le rôle des infirmiers et des infirmières est primordial puisqu’ils font l’interface entre les malades qui souffrent et le corps médical dont les gestes sont de plus en plus techniques. Ce sont eux qui écoutent les patients, qui restent à leur chevet.

Il y a moins d’un an, nous avons voté la loi relative à la fin de vie. Or, la question des soins palliatifs – corollaire de ce texte –, soulève d’importants problèmes éthiques que seul un ordre professionnel peut résoudre. Enfin, cette profession devient de plus en plus complexe et nécessite une formation initiale et continue de qualité.

Comment est représentée cette profession qui regroupe tout de même 450 000 personnes ? Elle l’est de façon éclatée par 150 syndicats et associations. Si l’on observe cette situation d’un peu plus près, on note que seulement 4 % des infirmiers et des infirmières appartiennent à un syndicat et 8 % à une association. Quel peut être, dès lors, l’interlocuteur susceptible de bien représenter cette profession pour discuter de son avenir auprès du Gouvernement ?

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, portait création d’un conseil des professions d’infirmier, de masseur-kinésithérapeute, de pédicure-podologue, notamment. Plus je lis cette loi, plus je l’apprécie, même si elle ne concerne que les professionnels exerçant une activité libérale. Reste que ce conseil est quelque peu battu en brèche par la création plus récente d’un ordre des masseurs-kinésithérapeutes et d’un ordre des pédicures-podologues.

On peut donc se poser la question de la nécessité d’un ordre national de la profession d’infirmière et d’infirmier. Tout d’abord, qu’est-ce qu’un ordre ?

Un ordre a un rôle éthique, mais également de formation, d’organisation, de représentativité et de rassemblement – rôle indispensable au moment où l’on envisage de donner de nouvelles fonctions aux infirmiers et aux infirmières, de redistribuer les compétences.

D’ailleurs, lors des manifestations du printemps dernier, la création d’un tel ordre était l’une des revendications des infirmiers et des infirmières en grève. Si ceux exerçant dans le secteur libéral ont très vite été acquis à cette revendication, un consensus de plus en plus large se dessine aujourd’hui chez les salariés.

Sur les 450 000 infirmiers et infirmières, 53 000 exercent dans le secteur libéral, 147 000 sont salariées dans le privé et 250 000 dans le secteur hospitalier public.

Quelle est la situation en Europe ? Il existe des ordres professionnels infirmiers – qui ont montré leur utilité – aussi bien en Espagne, en Italie qu’au Royaume-Uni, au Danemark ou en Irlande.

Nos collègues Richard Mallié et Maryvonne Briot – que je salue – ont déposé une proposition de loi allant dans le même sens. Je pense que le texte dont il est question aujourd’hui va être adopté sans aucun problème. (Sourires.) Toutefois, si par malheur il ne l’était pas, je me rangerais bien sûr aux côtés de nos deux collègues pour soutenir le leur.

Que contient la présente proposition déposée par l’UDF ?

Elle prévoit des dispositions relatives à la représentativité des infirmiers et des infirmières, mais également relatives à l’éthique, aux sanctions – toute profession doit pouvoir s’auto-sanctionner –, et à la formation. Cette proposition aborde par ailleurs la question du rôle important de cette profession dans la définition des orientations de la santé publique.

Cet ordre doit être parfaitement démocratique. C’est pour cette raison que nous proposons que les dirigeants soient élus pour quatre ans par différents collèges – on a vu, en effet, que certaines branches étaient plus importantes que d’autres.

La question s’est posée de savoir à quel niveau l’ordre exercerait ses compétences : le département ou la région ?

M. Pierre-Christophe Baguet. Face à l’ampleur du sujet, ce n’est pas le débat !

M. Olivier Jardé, rapporteur suppléant. C’est quand même une question qu’on peut se poser. Je pense, pour ma part, que si l’on veut un organisme efficace, et malgré le nombre important d’infirmiers et d’infirmières, le niveau régional est de très loin préférable. On constate d’ailleurs que l’ordre des médecins, pour ce qui le concerne, remet en cause l’échelon départemental pour en faire progressivement glisser les compétences au niveau régional.

Certes, comme on compte beaucoup plus d’infirmiers que de médecins – pratiquement dix fois plus – se pose un problème spécifique de gestion. Toutefois, le meilleur niveau d’efficacité pour le secteur de la santé reste, semble-t-il, la région plus que le département. Notre proposition de loi va donc dans ce sens mais, bien sûr, le débat demeure complètement ouvert.

M. Pierre-Christophe Baguet. Comme l’UDF !

M. Olivier Jardé, rapporteur suppléant. En effet…

Nous avons apporté quelques modifications au texte initial pour tenir compte des ordonnances du 26 août 2005.

Je regrette, bien entendu, que nous n’ayons pu examiner les articles en commission. Je pense néanmoins que l’ordre national de la profession d’infirmier et d’infirmière verra le jour. En tout cas, je continuerai, je ne dirai pas le combat, mais tout au moins à favoriser la création de cet ordre, car je suis intimement persuadé que celui-ci est indispensable et que cette profession le mérite. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Paul Bacquet. Bravo ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, pour la deuxième fois au cours de cette mandature, l’Assemblée nationale est amenée à se prononcer sur la proposition de création d’un ordre infirmier. Si le texte qui vous est soumis aujourd’hui diffère peu de la proposition examinée le 28 janvier 2003, le contexte, lui, a bien changé.

En janvier 2003, les positions étaient claires : la plupart des professionnels salariés, mais aussi libéraux, n’étaient pas favorables à la création d’un ordre : la loi du 4 mars 2002 leur semblait avoir clos, au moins provisoirement, la réflexion en prévoyant la création d’un Conseil interprofessionnel des professions paramédicales pour les libéraux. Par ailleurs, d’autres sujets leur paraissaient prioritaires.

Après avoir écouté les uns et les autres, je suis convaincu que la réflexion dans ce domaine a évolué. Au sein même de la profession, une attente s’est créée, pour certains d’un ordre, pour d’autres d’une structure qui assure la représentation unitaire de la profession infirmière et porte ses projets.

Je voudrais rappeler à mon tour le rôle central des 460 000 infirmières et infirmiers de France dans la chaîne de soins, ainsi que la diversité de leur statut, en établissement de santé, en libéral, au sein de l’école ou de la médecine du travail. Les infirmiers mettent en œuvre des protocoles de soins toujours plus complexes, ce qui a justifié l’extension de leur champ de compétences et la création de spécialités techniques en anesthésie et au sein des blocs opératoires. Dans le cadre de leur rôle propre surtout, ils ont promu une approche différente de la prise en charge du malade : je pense bien sûr aux soins palliatifs, mais aussi à la prise en charge de la douleur. N’oublions pas non plus leur compétence en matière d’éducation thérapeutique et de prévention, sujet auquel vous savez que j’attache une grande importance, tant nous avons besoin de diffuser davantage cette culture dans notre pays.

Quelles sont donc les attentes de ceux qui prônent la création d’un ordre ?

D’abord, l’organisation et la validation des outils d’amélioration des pratiques professionnelles : sont concernées aussi bien l’EPP que la formation médicale continue, rendue obligatoire par la loi de santé publique. Une instance professionnelle devrait également contribuer, en lien avec la Haute autorité de santé, à élaborer et surtout à diffuser les bonnes pratiques ; elle devrait porter la réflexion sur le champ de compétences infirmier, l’accès à la prescription et le partage des tâches avec le corps médical – sur ce dernier thème, des expérimentations sont déjà en cours et d’autres vont être lancées. Pour dépasser ce stade, j’ai missionné dès hier la Haute autorité de santé afin qu’elle nous fasse des recommandations de méthode pour généraliser la démarche de partage des tâches. Je lui demande notamment de faire des recommandations plus précises sur le suivi des malades chroniques, un sujet qui concerne au premier plan les infirmières et les infirmiers.

L’attente des professionnels porte également sur l’élaboration et le contrôle de la déontologie. Il est vrai que les infirmiers se sont dotés en 1993 de règles déontologiques sans qu’un ordre ait été créé à cet effet. Mais quelle peut être la portée des règles si l’on ne dispose pas des moyens pour les faire appliquer ? Nous savons bien que les infirmiers libéraux, en particulier, ne peuvent les faire appliquer faute d’instance disciplinaire. Et, quand bien même une sanction frapperait un professionnel, lui interdisant d’exercer au sein d’un établissement, rien ne garantit réellement, en l’état actuel du droit, que ce même professionnel ne pourra pas continuer à exercer ailleurs, par exemple en s’installant en libéral.

La troisième attente concerne la prospective démographique, appuyée sur la fonction traditionnelle d’enregistrement des diplômes confiée aux ordres. Avec l’entrée en vigueur progressive, à compter de juillet 2006, du répertoire partagé des professions de santé, le rôle des DDAS dans l’enregistrement des diplômes va disparaître et les instances professionnelles vont devenir le point d’entrée principal de l’information sur le professionnel et son activité.

Telles sont aujourd’hui les attentes d’une partie importante du monde infirmier.

M. Pierre-Christophe Baguet. Cela prouve qu’il est urgent d’agir !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ces attentes se nourrissent aussi de l’exemple d’autres professions de santé, comme les masseurs-kinésithérapeutes ou les podologues, qui bénéficieront bientôt d’un ordre – les décrets ont été examinés en Conseil d’État le 24 janvier –, ou de celui de plusieurs pays européens de cultures très diverses qui ont créé des instances fédérant la profession infirmière : c’est le cas du Portugal, de l’Italie, de l’Espagne, mais aussi du Royaume-Uni.

Qu’on ne s’y trompe pas toutefois : pour beaucoup d’acteurs du monde infirmier, l’ordre ne saurait être l’alpha et l’oméga de leur profession. Il ne doit ni être un exutoire, ni masquer les autres attentes des professionnels infirmiers, que le Gouvernement connaît et prend déjà en compte. Libéral ou salarié, l’infirmier n’a qu’un seul métier, le soin des patients, et il partage une seule éthique, l’humanisme.

Reste que les attentes des professionnels peuvent être différentes selon leurs conditions d’exercice.

S’agissant des infirmières libérales, le conseil de l’UNCAM a adopté le 19 janvier les propositions d’orientations pour les négociations avec les syndicats représentatifs. Il s’agit désormais de négocier avec elles des évolutions importantes de leur pratique professionnelle : l’affirmation de leur rôle propre, par le développement de la « démarche de soins infirmiers », et la reconnaissance de leur place dans le suivi des malades chroniques et l’éducation thérapeutique ; leur participation accrue à la prise en charge des soins palliatifs ; l’évolution de la nomenclature des actes infirmiers.

S’agissant des infirmières exerçant en établissement de santé, j’ai décidé de lancer cette semaine des négociations sur la fonction publique hospitalière avec les partenaires sociaux. Mon objectif est de rendre attractive une profession trop souvent perçue sous le seul angle de la charge de travail.

La réponse la plus adaptée, j’en suis convaincu, réside dans l’amélioration des conditions de travail. Il s’agit en particulier de réactiver les contrats locaux d’amélioration des conditions de travail pour, entre autres choses, réduire la pénibilité, prévenir les risques professionnels et la violence, garantir l’hygiène et la sécurité au travail.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous devons aussi créer un meilleur environnement professionnel. Il faut faciliter l’accès à une crèche pour la jeune infirmière, en mutualisant par exemple, plus que cela n’est le cas aujourd’hui, les crèches relevant des établissements hospitaliers, de l’État ou des collectivités territoriales. Nous voulons également faciliter l’accès au logement, notamment dans des régions où les loyers sont particulièrement élevés. J’envisage aussi d’autres pistes, comme la mise en place de garanties de paiement de la caution locative ou l’attribution de logements sociaux locatifs supplémentaires.

Enfin, l’amélioration des conditions et de l’organisation du travail passe par une réflexion sur la seconde carrière des personnels, afin de tenir compte de la pénibilité des tâches et du nécessaire aménagement des postes en fonction de l’âge. Ce point figure dans les thèmes de négociation avec les partenaires sociaux hospitaliers, que je rencontrerai de nouveau demain matin.

Tout cela participe de notre volonté de créer des conditions favorables au recrutement et à la pérennisation de l’emploi infirmier. Le Gouvernement s’attache actuellement à traiter ces demandes, qui correspondent à autant d’attentes fortes de la part des infirmiers.

J’en reviens maintenant à la présente proposition de loi. Celle-ci, je le répète, a le mérite de nous faire débattre à nouveau de la création d’un ordre à un moment où les esprits ont évolué. Le Gouvernement n’est toutefois pas favorable à l’adoption de ce texte en l’état, et donc au passage à la discussion des articles, pour plusieurs raisons essentielles où il n’entre aucune intention polémique.

En premier lieu, les missions que le projet tend à confier à l’ordre ne sont pas précisément et justement définies. (Murmures sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Je ne suis d’ailleurs pas le seul à le penser : c’est aussi l’avis d’un grand nombre d’organisations. La compétence de l’ordre, dans la rédaction proposée aujourd’hui, serait pour ainsi dire universelle : l’élaboration et le contrôle de la déontologie, certes, mais également la délivrance d’agréments pour les établissements de formation, la validation des projets de formation continue, l’élaboration, la validation et la diffusion des règles de bonne pratique.

Or, si une instance moderne d’organisation d’une profession ne doit pas se réduire à l’élaboration de la déontologie, ses missions doivent néanmoins prendre en compte les compétences d’autres institutions : ainsi l’agrément des établissements de formation a-t-il été confié aux régions par la loi de décentralisation, et l’élaboration des règles de bonne pratique relève d’abord de la Haute autorité de santé. De même, on peut s’interroger sur la légitimité d’une telle structure pour valider les programmes de formation continue, alors que d’autres acteurs, nous le savons bien, sont amenés à intervenir sur ce sujet.

J’estime donc que chaque mission doit être évaluée, pesée, au regard de son utilité et de la valeur ajoutée qu’elle apporterait à l’organisation de la profession. Qu’est-ce qui justifierait la création d’une structure nouvelle et autonome, quel bénéfice en retirerait la profession ? J’ai pour ma part indiqué, en décrivant ce que sont les attentes du monde infirmier, quelles étaient les fonctions et les missions qui devraient être prises en compte.

En second lieu, les options d’organisation qui sont proposées doivent être soumises à concertation. La proposition de loi envisage de ne créer que deux niveaux d’ordres. Cette position, dont je saisis la logique, ne fait toutefois pas l’unanimité, et c’est un euphémisme,…

M. Pierre-Christophe Baguet. Certes, mais on peut en débattre !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …car beaucoup d’associations souhaitent un échelon départemental. Quid de cet échelon dans le présent texte ?

De même, la répartition des représentations au sein du Conseil national de l’ordre donne le reflet d’une profession extrêmement fragmentée, voire éclatée : on distingue neuf catégories d’infirmiers, certaines d’entre elles étant subdivisées en trois ou quatre sous-catégories. Est-ce bien l’image que la profession souhaite donner d’elle-même, alors que la demande de création d’un ordre procède d’abord de la volonté de disposer d’une représentation unitaire de la profession ? Ce parti pris ne va pas de soi. Selon moi, il doit être discuté davantage avec les intéressés.

Pour l’essentiel, les réserves du Gouvernement tiennent à la méthode. La création d’un ordre pour 460 000 professionnels n’est pas une mesure anodine. Elle doit être largement débattue et concertée au sein de la profession.

M. Pascal Terrasse. Absolument !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Après le temps des discussions et de la concertation vient celui des décisions. Or la proposition n’aborde pas ou contourne de fait plusieurs des problèmes de fond que soulève la création d’un ordre et que nous font valoir les organisations qui n’y sont pas favorables. En premier lieu vient la question de la cotisation,…

Mme Catherine Génisson et M. Pascal Terrasse. Très juste ! Qui va payer ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. …de son principe et de son montant, qui pourrait probablement être modulé en fonction du statut, libéral ou salarié. Cette question trouve-t-elle une réponse claire et précise – à défaut d’être consensuelle – dans ce texte ?

Il s’agit en second lieu de l’articulation des procédures disciplinaires mises en place par l’ordre avec celles qui sont propres aux établissements de santé, notamment publics. La proposition de loi omet l’organisation de la procédure disciplinaire, créant au passage des obligations déontologiques sans donner les moyens juridiques de les sanctionner.

Évoquons également l’avenir du Conseil supérieur des professions paramédicales,…

M. Pascal Terrasse. C’est en effet un point important !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …organisme consultatif auprès du ministre de la santé, qui se trouverait à nouveau vidé d’une partie de sa substance par la création d’un ordre. Quant au Conseil interprofessionnel des professions paramédicales, créé par la loi du 4 mars 2002, la création d’un ordre infirmier lui enlèverait définitivement toute raison d’être. Dans ce cas, pourquoi ne pas le supprimer ? Mais comment alors assurer la concertation interprofessionnelle dont il avait la charge ?

En compagnie de Philippe Bas, j’ai réuni le 12 janvier dernier l’ensemble des syndicats et des associations intéressés à la question de l’ordre infirmier, après les avoir rencontrés à différentes reprises, au cours des mois qui ont suivi ma prise de fonctions, dans des réunions bilatérales ou multilatérales. C’était une première. J’ai pu constater à cette occasion que les positions exprimées par les uns et les autres demeurent tranchées. À une exception près, les syndicats représentatifs de salariés se sont dits opposés à la création d’un ordre, rejetant plus la structure en elle-même que les avancées dont elle serait porteuse mais soulevant aussi des questions auxquels le texte présenté ce matin n’apporte pas de réponses. Les associations y sont pour leur part favorables, et tout particulièrement les trente-huit qui sont regroupées au sein du groupe Sainte-Anne. Au risque d’être pris pour un incorrigible optimiste – mais je crois que le pessimisme est d’humeur et que l’optimisme est de volonté –, j’ai estimé toutefois que ces lignes de position n’étaient pas figées et qu’il y restait une place pour le dialogue, afin de définir le contour d’une structure qui, sans entrer en concurrence avec les organisations syndicales, doit assumer des missions d’organisation et de gestion de la profession actuellement vacantes ou mal exercées.

J’ai proposé une méthode, qui a été acceptée, et ai nommé hier une personnalité connue et appréciée des associations et des syndicats, M. Édouard Couty,…

M. Pascal Terrasse. Excellent choix !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …ancien directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins et actuellement à la Cour des comptes, pour une mission de concertation. Cette mission a un terme précis et rapproché : d’ici à la mi-mars, M. Couty devra avoir organisé les réunions multilatérales et bilatérales nécessaires pour rapprocher les différents points de vue et aboutir à une proposition que j’espère consensuelle. Au terme de ce délai, il me remettra ses conclusions et le Gouvernement prendra ses responsabilités.

S’il est vrai que nous devons enfin prendre les décisions qui s’imposent dans ce dossier, il me semble que le temps consacré à la concertation n’est pas perdu, puisqu’il permettra d’éviter de créer des lignes de fracture alors qu’il y a lieu de rassembler sur ce sujet. En recevant tous les protagonistes, il m’est apparu qu’un consensus n’était sans doute pas simple, mais nullement impossible.

Aussi, je m’engage à ce que nous ayons un rendez-vous avant l’été, non plus pour aborder le sujet, mais cette fois-ci pour lui apporter des solutions, en débattre et voter. « Enfin ! » diront certains. Certes, mais je prends cet engagement devant vous car je sais que vous êtes nombreux sur ces bancs (Sourires)

M. Hervé Morin. N’exagérons rien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …à vouloir aborder cette question au-delà des clivages politiques, et qu’il en va de même dans le monde infirmier.

Il est vrai que la concertation a duré longtemps, trop longtemps même pour certains, mais il ne faut pas pour autant précipiter les choses à quelques semaines de l’échéance que j’ai fixée : à la mi-mars, nous disposerons de tous éléments pour nous décider.


Nous pourrons effectivement débattre et voter sur ce sujet avant l’été. En cas d’adoption de la loi qui découlerait de ce rendez-vous, les décrets d’application seraient pris immédiatement pour que des élections à l’ordre puissent avoir lieu au premier semestre 2007, ce que souhaitent d’ailleurs les associations. Je ne vous demande pas aujourd’hui de ne pas passer à la discussion des articles de la proposition de loi sur la foi de la promesse de voir plus tard. Non. Je m’engage sur des délais précis.

M. Pascal Terrasse. Nous vous le rappellerons, monsieur le ministre !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous n’aurez pas à le faire, rassurez-vous. Quand je prends des engagements, je les respecte.

Mesdames, messieurs les députés, voilà ce que le Gouvernement voulait vous dire et vous proposer aujourd’hui. Les défis que doit relever la profession infirmière sont nombreux. J’ai présenté hier un plan pour la démographie médicale, qui traitera en premier lieu la question des généralistes dans les zones sous-médicalisées, puis, au mois de juin, celle de l’ensemble des personnels hospitaliers. Je souhaite que les acteurs paramédicaux prennent également toute leur place dans ce plan. Des zonages sont actuellement effectués par les missions régionales de santé, qui concernent notamment les infirmières et les infirmiers. Je sais que tous ces sujets sont sur la table et que les infirmiers et les infirmières ont besoin de reconnaissance. Les patients la leur ont déjà accordée depuis bien longtemps parce qu’ils savent quelle est leur place dans le système de santé. À nous de le faire maintenant en nous plaçant face à nos responsabilités.

Ce que vous propose le Gouvernement en vous demandant de ne pas passer à la discussion des articles,…

M. Pierre-Christophe Baguet. Quelle déception !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …c’est de lui laisser le temps d’améliorer encore un texte…

M. Pierre-Christophe Baguet. Les parlementaires sont là pour ça !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …qui, j’en suis certain, sera dans quelques semaines à la hauteur de l’attente des professionnels infirmiers et infirmières. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons tend à créer un ordre national de la profession d’infirmier et d’infirmière. Au-delà des missions classiques dévolues à un ordre professionnel – élaboration et application d’un code déontologique, gestion des conflits, formation continue et adaptation à l’évolution permanente des techniques de soins –, un tel ordre innoverait en se posant en véritable interlocuteur du ministère pour les orientations de santé publique. Il permettrait à la profession de se gérer elle-même, dans un esprit de liberté, de responsabilité et de démocratie, pour dispenser des soins de qualité dans l’intérêt des malades. C’est là une revendication quasi-unanime de la profession. Ce fut même la principale lors des grèves du printemps dernier.

Je remercie Jean-Luc Préel, qui malheureusement ne peut pas être avec nous ce matin, d’aborder une nouvelle fois avec sa proposition de loi la question de la création d’une institution très attendue. Et je m’étonne de l’accueil que lui a réservé la commission des affaires culturelles en refusant de passer à la discussion des articles et en décidant d’en suspendre l’examen.

L’organisation de cette profession mérite notre attention : aujourd’hui, les infirmiers et les infirmières sont représentés par 150 associations ou syndicats : 8 % adhèrent à une organisation professionnelle et 4 % à une confédération syndicale. On ne dénombre pas moins de 450 000 infirmiers et infirmières, dont 50 000 libéraux, 147 000 salariés dans le privé et 250 000 salariés dans le public. Face à un tel éclatement, un ordre professionnel jouerait un rôle irremplaçable de représentation et de rassemblement tout en prenant des initiatives dans le domaine de la déontologie, de la discipline professionnelle et de la formation professionnelle.

Plusieurs professions de santé ont déjà bénéficié de la création d’un ordre et de nombreux pays européens possèdent un ordre national infirmier. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, en Espagne, au Royaume-Uni, au Danemark, en Italie, en Irlande, les infirmiers et les infirmières ont leur ordre et sont représentés dans divers organismes européens ou mondiaux, notamment au Conseil international des infirmières. Au sein de ce CII, la France occupe une place d’affiliée, qui la met au trente-septième rang des 112 pays membres. Or, si la profession était unifiée au sein d’un ordre, elle serait la première section nationale. Est-il nécessaire de souligner que nos infirmières souffrent et payent les frais de ce déficit de représentation à l’échelle européenne, internationale et nationale même ?

La création d’un ordre pour la profession d’infirmier et d’infirmière a déjà fait couler beaucoup d’encre dans notre assemblée. Je rappelle pour mémoire la proposition de loi du 21 octobre 1997 déposée par Bernard Accoyer, celle du 26 novembre 1997, signée par pas moins de soixante-quatre députés,…

M. Pierre-Christophe Baguet. Huit ans déjà !

M. Claude Leteurtre. …aujourd’hui encore députés ou membres du Gouvernement, et celle du 8 juin 1998, fruit de la fusion des propositions de loi citées précédemment, qui a fait l’objet d’un débat la même année.

Le gouvernement socialiste de l’époque s’était opposé à la création d’un tel ordre et nombreux avaient été ceux qui avaient regretté le sectarisme de la majorité d’alors. Beaucoup avaient également déclaré que, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons dans cet hémicycle, certains sujets pouvaient nous rassembler, la création d’un ordre étant de ceux-là.

Un débat a eu lieu en janvier 2003 à l’initiative de l’UDF, qui avait inscrit dans sa niche parlementaire une proposition de loi portant création d’un ordre. Le Gouvernement a refusé cette création au motif que la structure envisagée était trop lourde. Prenant en compte cette critique constructive, la nouvelle proposition allège le dispositif de maillage territorial en ne proposant plus l’institution d’un conseil départemental pour des raisons de coût.

Le contexte a aussi évolué et l’on note, comme le souligne le rapporteur dans son rapport, une progression dans les esprits de l’idée d’un ordre professionnel. Cette revendication, je le répète, était au cœur de la journée nationale d’action et de grève du 12 mai 2005 à Paris. Elle est désormais portée par des collectifs aussi importants que le GIPSI, l’APOIIF et le groupe Sainte-Anne. Le 14 octobre dernier, vous avez, monsieur le ministre, reconnu la légitimité de cette aspiration : « Je connais le désir de nombreux professionnels de voir les 450 000 infirmiers se doter d’une structure représentative de leur profession. Ils souhaitent lui assigner les missions traditionnelles d’un ordre. Je pense aussi qu’une structure est nécessaire dans le monde infirmier pour porter et développer l’évaluation des pratiques professionnelles et la diffusion des bonnes pratiques de soins, en lien avec la Haute autorité de santé ». Je constate que vous êtes constant dans vos déclarations et je prends acte de vos engagements.

Une telle attente a aussi été manifestée récemment dans notre enceinte, lors de l’audition, le 7 décembre 2005, du groupe Sainte-Anne par le groupe d’études sur les professions de santé de l’Assemblée nationale, présidé avec talent par notre collègue Richard Mallié. Enfin, depuis le début de l’année 2006, le directeur général de la santé et vous-même, monsieur le ministre, avez rencontré une délégation comprenant l’essentiel des institutions représentatives de la profession infirmière pour évoquer la pertinence de la création d’un ordre professionnel.

Pourtant, après avoir écouté avec beaucoup d’attention mes collègues, il me semble que, sur quelque banc qu’ils siègent, le plus grand nombre de ceux qui dans le passé soutenaient la création d’un ordre spécifique à chacune des professions médicales et paramédicales s’y opposent aujourd’hui. Personnellement, je le regrette, car j’ai une perception différente des besoins du personnel et du système de santé.

Un ordre des infirmiers répondrait à une vraie demande et à un réel besoin de la population, qui compte de plus en plus de personnes dépendantes. Ce serait, me semble-t-il, la meilleure façon d’honorer cette belle profession et d’assurer tous les infirmiers et infirmières de France de notre reconnaissance pour la tâche qu’ils accomplissent avec dévouement. Ils y trouveraient un moyen d’exprimer leur conception de la politique de santé et d’affirmer de manière unie leurs revendications. C’est tout particulièrement nécessaire aujourd’hui dans le cadre de la réflexion menée sur le transfert des compétences, la nomenclature et la rémunération des actes. L’ordre aurait en outre l’avantage de satisfaire le souhait de la profession, qu’elle soit exercée à titre libéral ou salarié, d’être rassemblée dans une même structure interdisciplinaire, sur une base démocratique, élective, décentralisée et selon le principe de subsidiarité.

Vous le savez, l’UDF est très attachée – et pas seulement en paroles – à la construction européenne. Dans de nombreux pays, les règles européennes ont été appliquées pour organiser la formation des élèves infirmiers dans le système LMD des universités. En France, on fait comme si cela n’existait pas. On ne mesure pas la place que cet ordre pourrait prendre et ce qu’il pourrait apporter à la construction d’un nouveau cursus de formation conforme aux directives européennes. Je suis conscient que certains syndicats représentant la fonction publique hospitalière s’y opposent par crainte d’un empiétement sur leurs compétences. Je tiens, au nom du groupe UDF, à les rassurer : il y a une place et un rôle pour chacun, l’organisation de la représentation des médecins, avec un ordre et des syndicats, le montre bien.

Je suis persuadé qu’un grand nombre d’entre vous souhaiteront s’associer à cette démarche, qui répond aux intérêts des patients, du système de santé et d’une bien belle profession.

M. Pierre-Christophe Baguet. Tout à fait !

M. Claude Leteurtre. C’est pourquoi je vous demande, au-delà des clivages politiques, de faire preuve de responsabilité, de courage et de modernité lors du vote sur le passage aux articles. J’ai bien noté, monsieur le ministre, votre engagement qu’un ordre voie le jour durant cette législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Pierre-Christophe Baguet. Excellent !

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Richard Mallié. Quelle solennité !

Mme la présidente. La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UDF nous propose aujourd’hui, dans le cadre de la deuxième fenêtre parlementaire dont il dispose,…

M. Pierre-Christophe Baguet. Nous n’en avons que deux !

Mme Janine Jambu. …de revenir une nouvelle fois sur la problématique de la création d’un ordre infirmier, qu’il a déjà abordée en 1998 puis en 2003. S’il salue la constance en la matière de Jean-Luc Préel, le groupe des député-e-s communistes et républicains s’opposera encore à la création d’un tel ordre. Permettez-moi de préciser pourquoi.

Tout d’abord, la création d’un ordre n’est pas un souhait partagé par la profession, associations d’infirmières libérales comprises. Vous ne pouvez, en effet, vous appuyer sur un sondage – sur lequel il y aurait, par ailleurs, beaucoup à dire – qui a recueilli moins de 2 000 réponses pour plus de 400 000 professionnels.

La quasi-totalité des organisations syndicales, à l’exception de la CGC, sont contre et, parmi les associations, beaucoup ne trouvent pas cette création pertinente et ont des avis partagés. L’ONSIL et Convergence, par exemple, sont très mesurées.

M. Richard Mallié. Ce n’est pas ce que m’ont dit les membres de ces associations !

Mme Janine Jambu. Les motivations principales invoquées, liées à l’exercice professionnel, ne sont pas plus convaincantes.

On veut nous faire croire que cette institution aidera à la reconnaissance de la profession et constituera un appui pour faire progresser les statuts, les principes éthiques, les conditions de travail et les salaires dans le cadre de négociations avec les pouvoirs publics.

Or, plusieurs obstacles se dressent devant le prétendu bien-fondé de ces préoccupations légitimes et l’utilité d’un ordre pour y remédier.

Au regard de la situation actuelle, la création d’un tel ordre n’est pas justifiée. En effet, les conditions d’exercice comme les sanctions sont déjà réglementées par les textes. L’éthique est organisée par le décret n° 2004-802 qui réunit dans un seul texte décret de compétence et code de déontologie.

Les professionnels donnent déjà leur avis sur le code de déontologie par l’intermédiaire du Conseil supérieur des professions paramédicales et du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière.

Pour ce qui concerne les manquements aux règles de la profession, les compétences sont déjà établies : pour le secteur privé, elles relèvent des prud’hommes, et pour le secteur public, du tribunal administratif.

De surcroît, les devoirs généraux auxquels sont soumis les professionnels du secteur libéral sont définis dans les articles R. 4312-33 à R. 4312-48 du code de la santé publique, y compris en matière de remplacement.

Dans le public, le respect des règles professionnelles relève du conseil de discipline et du pénal. Dans le privé, il est soumis au contrôle des pouvoirs publics sanitaires et du juge pénal.

Comme vous le voyez, il n’est pas besoin d’instituer une hiérarchie ordinale pour assurer la discipline et préserver l’éthique.

Concernant l’aspect le plus sensible, à savoir la représentativité comme force d’appui pour faire grandir les revendications de la profession, là encore, nul besoin d’un ordre.

La compétence infirmière est déjà déterminée par l’attribution du diplôme d’État infirmier, le DEI, qui, seul, donne le droit d’exercer la profession. Par ailleurs, il existe déjà des instances nationales dans lesquelles siègent des représentants de la profession infirmière : le CSPPM – le Conseil supérieur des professions paramédicales –, et le CSFPH – le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, lesquels sont chargés de réfléchir et de conduire des négociations sur l’amélioration de l’ensemble du statut.

Les tenants de la création de l’ordre mettent également en avant qu’il serait chargé de définir le contenu des programmes de formation. Mais celui-ci n’est pas déterminé par une « puissance supérieure » mais défini dans la concertation avec les représentants de la profession et après avis du CSPPM, dans lequel siègent des infirmiers.

Je précise d’ailleurs que toutes les formes organisationnelles siègent au sein de la commission infirmiers : les organisations syndicales, les représentants des infirmiers salariés ainsi que ceux des infirmiers libéraux, les associations de cette profession. Pourquoi l’ordre devrait-il servir d’intermédiaire entre les associations, les syndicats et le ministère, qui seul est habilité à publier des textes réglementaires ?

Ce n’est pas non plus avec la création d’une structure ordinale que l’on fera avancer la juste revendication de formation supplémentaire. Les instances existent déjà pour porter cette exigence.

Ce que doivent faire les pouvoirs publics, c’est infléchir leur politique de numerus clausus, revaloriser à la fois la formation et la profession d’infirmier, et donner aux conseils des pouvoirs décisionnels et d’auto-saisine. Ces derniers n’ont, en effet, actuellement qu’une utilité limitée car ils ne sont que des instances de consultation, sans pouvoirs contraignants. Il faut vraiment les redynamiser pour leur faire jouer tout leur rôle.

Ce n’est pas d’une structure ordinale que la profession infirmière a besoin mais bien d’actions convergentes pour obtenir les moyens de faire respecter la législation et reconnaître et respecter le rôle des infirmiers.

Tous les systèmes d’alerte existent pour signaler les dysfonctionnements, les erreurs, les comportements à risques, les atteintes à l’éthique ou à la législation. Ce qui manque, c’est la volonté ou la possibilité de les dénoncer et de se faire entendre par les décideurs.

Il n’y a donc aucune justification pratique à la création d’un tel ordre. Seules des raisons idéologiques président à l’instauration d’une telle institution dans la mesure où il existe déjà de nombreux dispositifs de protection de l’usager, du professionnel et du titre même d’infirmier.

J’ajouterai que la création d’un ordre implique une adhésion à ce dernier pour pouvoir exercer et le paiement d’une cotisation. Mais les infirmières ne veulent pas de cela. M. Préel a prévu la parade en affranchissant son dispositif d’une telle cotisation. Mais qui paiera dans ce cas ? Il serait inconcevable que ce soit le contribuable via une dotation d’État ou encore notre système de protection sociale !

Lorsque vous avez reçu les représentants de la profession, monsieur le ministre, vous avez annoncé un temps de concertation sur la nécessité de la création d’un ordre. Vous avez même dit réfléchir à la création d’une autre structure. Il est bon de s’interroger. Quel serait, en effet, le sens d’une telle structure ? Quelle interaction aurait-elle avec les conseils existants ? Ces derniers seraient-ils amenés à disparaître ? J’apprécie votre prudence, monsieur le ministre.

Vous le voyez, il n’est pas utile de mettre en place de nouvelles structures et encore moins un ordre, qui ajouterait la confusion à 1’inefficacité. Donner les moyens aux structures existantes de fonctionner et de jouer pleinement leur rôle, en les dotant, comme nous l’avons dit, de pouvoirs décisionnels et d’auto-saisine conviendrait parfaitement. C’est particulièrement important en matière de contrôle des pratiques professionnelles comme du contenu des formations et pour la revalorisation du statut d’infirmier, notamment à l’approche de réformes importantes comme la réforme LMD ou le transfert d’actes.

C’est le vrai moyen de témoigner de la considération pour ces professionnels, pour leur métier, leur engagement, leur dévouement. C’est uniquement par ce biais que vous vous inscrirez résolument dans une démarche de reconnaissance de leur pratique au quotidien. C’est ce que, nous comme eux, appelons de nos vœux.

Si nous ne nous opposerons pas à la discussion de ce texte – nous demeurons, en effet, attachés aux droits du Parlement et à la possibilité qu’il offre à chaque groupe de présenter le texte qu’il veut et de l’examiner au fond, y compris les articles –,…

M. Jean-Paul Charié. Voilà une bonne nouvelle !

Mme Janine Jambu. …il n’en demeure pas moins que nous voterons contre car, pour toutes les raisons que je viens de présenter, nous sommes opposés à la création d’un ordre national infirmier.

M. Pierre-Christophe Baguet. C’est dommage !

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà maintenant trois ans que j’assume la fonction de président du groupe d’études sur les professions de santé à l’Assemblée nationale, trois ans que ce groupe écoute, rencontre, auditionne les différentes organisations représentant les professionnels de la santé. La question de la création d’un ordre infirmier, je la connais donc bien. Pour avoir creusé et fouillé ce sujet avec les associations et syndicats infirmiers, je sais ce que la profession attend en la matière,... mais aussi ce qu’elle n’attend pas.

Pas plus tard que le 7 décembre dernier – M. Leteurtre l’a souligné – en présence de Jean-Luc Préel, dont je déplore ici l’absence, celle-ci me semblant pour le moins incongrue,…

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Oui, où est-il ?

M. Hervé Morin. Il est en mission à l’étranger !

M. François Bayrou. M. Jardé l’a brillamment remplacé !

M. Richard Mallié. …j’ai organisé une nouvelle audition du groupe d’études sur ce thème, regroupant un grand nombre de représentants de professionnels. C’était loin d’être la première rencontre sur le sujet, mais elle a confirmé un véritable tournant en la matière : nous avons, en effet, constaté que la profession avait, elle aussi, fait du chemin. Alors qu’il y a quelques mois encore, beaucoup avançaient, contre la création d’un ordre, le manque d’unanimité dans la profession, cette attitude appartient désormais au passé. Qu’ils soient libéraux ou salariés, d’une mouvance syndicale ou associative ou d’une autre, les infirmiers semblent être parvenus à maturité sur la question et s’être rendus à la nécessité de se doter d’un ordre.

Si les Français ont la fâcheuse tendance de se regarder un peu trop le nombril, les infirmiers français ont eu, eux, l’intelligence d’aller voir au-delà de nos frontières. Et il ne leur a pas fallu une longue immersion chez nos voisins pour réaliser que, de l’Italie au Québec, en passant par l’Irlande, cela faisait longtemps que leurs homologues européens avaient compris l’importance de disposer d’un interlocuteur privilégié et d’une véritable instance de représentation. D’où le quasi-consensus qui se dégage aujourd’hui – et ce à juste titre – au sein de la profession.

Après ces quelques remarques, il n’est pas difficile de deviner ma position, qui est aussi celle du groupe UMP, sur la question de la création d’un ordre infirmier. J’y suis en effet pleinement favorable,…

M. François Bayrou. Mais nous n’allons rien faire !

M. Richard Mallié. …et les professionnels savent qu’ils peuvent compter sur notre pleine mobilisation en la matière.

M. Hervé Morin. Que de temps perdu !

M. Richard Mallié. Toutefois, le groupe UMP ne votera pas la proposition de loi qui nous est soumise et demande à ce que la discussion ne soit pas engagée sur les articles.

M. Hervé Morin. Évidemment : elle est proposée par le groupe UDF !

M. Richard Mallié. Contrairement à ce que dit M. Morin, nous soutenons la création d’un ordre, mais nous ne pouvons adhérer à la proposition que nous examinons aujourd’hui,…

M. François Bayrou. Une nouvelle fois !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Mais laissez parler l’orateur !

M. Richard Mallié. …et ce pour trois raisons simples.

La première est une question de calendrier. Comme je l’ai rappelé, la profession s’est rassemblée presque dans son ensemble sur cette question. Cela étant, même si une nouvelle étape a été franchie, nous ne sommes encore qu’au bord du chemin. Une concertation ministérielle est engagée sur le sujet – M. le ministre nous l’a indiqué –, nous devons lui laisser le temps de se dérouler.

À ce sujet, nous savons qu’une réunion s’est tenue, le 12 janvier dernier, au ministère de la santé, en votre présence, monsieur le ministre, avec des représentants de la profession. Quels ont été les principaux enseignements tirés de cette rencontre ? Quelles remarques et quelles revendications les syndicats et les associations ont-ils formulées à cette occasion ?

L’occasion nous est donnée d’engager plus avant le dialogue. Ne la manquons pas.

Vous connaissez mieux que moi, monsieur le ministre, l’importance d’être à l’écoute des professionnels. La presse nous rappelle allègrement, ces derniers temps, combien les négociations peuvent parfois se révéler âpres et douloureuses. Je sais, en effet, à quel point les négociations conventionnelles engagées actuellement avec les professions de santé sont semées d’embûche.

Mais ne nous laissons pas effrayer par la difficulté. Les professionnels attendent des engagements de la part des pouvoirs publics. Il est temps de leur faire savoir que nous les avons entendus !

Leurs revendications sont justes, et nous le savons.

Comment, en effet, ne pas être scandalisé de voir que le déplacement d’une infirmière à domicile, pour un prélèvement sanguin par exemple, est rémunéré deux euros ? Qui donc aujourd’hui se déplace pour deux petits euros ?

Mme Janine Jambu. Eh oui !

M. Richard Mallié. Qu’il s’agisse d’un plombier ou d’un dépanneur d’électroménager, aucun n’accepterait de voir son déplacement facturé à ce prix. C’est tout simplement scandaleux ! Et comment accepter qu’un professionnel soit rémunéré 4,35 euros pour une intraveineuse, 2,90 euros pour une intramusculaire et 7,25 euros pour un prélèvement sanguin ?

Le forfait quotidien pour un malade en fin de vie peut aller jusqu’à 217 euros, mais le professionnel est obligé de se rendre au chevet du patient au moins trois fois par jour et il peut être amené à se déplacer vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Vous comprenez bien que tout cela doit être revu.

Si les négociations conventionnelles font la une de bien des quotidiens spécialisés, c’est toutefois votre bilan d’étape sur l’état d’avancement de ces négociations que je souhaite entendre aujourd’hui, monsieur le ministre. Je ne crois pas trop m’avancer en disant que les infirmiers, seront, eux aussi, particulièrement intéressés de savoir où en sont les négociations.

Je parlais du calendrier. Monsieur le ministre, compte tenu des discussions à engager avec la profession d’infirmier dans les mois à venir, je sais que le calendrier à tenir ne vous laissera pas grand répit en la matière. En effet, si aujourd’hui c’est plus spécifiquement à la création d’un ordre infirmier que nous nous intéressons, ce n’est pas la seule question d’actualité. À titre d’exemple, la délégation de tâches occupera très prochainement le devant de la scène. La réforme de l’assurance maladie a, à juste titre, favorisé l’interprofessionnalité et la constitution de réseaux de soins. En la matière, la délégation de compétences est appelée à prendre une place essentielle et provoquera d’importantes modifications au cœur même de la profession d’infirmier.

Une importante concertation doit, là encore, être menée, non seulement avec les professionnels infirmiers, mais aussi avec les médecins, les kinésithérapeutes, les pharmaciens, tous ceux qui seront concernés par la délégation de compétences. Je sais, monsieur le ministre, que ce dossier vous tient aussi beaucoup à cœur. C’est pourquoi vous me permettrez une dernière digression, afin de connaître le point de la situation. Les discussions sont-elles déjà entamées ? Quels sont les pistes explorées et les enseignements tirés des premières réflexions ? Il me semble essentiel qu’un bilan régulier et précis soit établi.

Mais revenons à la question de la création de l’ordre et au texte qui nous est proposé. La première raison qui expliquait la volonté du groupe UMP de refuser la discussion des articles tenait donc au calendrier. Je le répète, il est essentiel de nous donner le temps et les conditions nécessaires pour parvenir à une concertation sereine.

La seconde raison qui justifie notre opposition est une question de fond. Lors de l’examen du texte, la semaine dernière, en commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur les six amendements déposés par le rapporteur, deux étaient relatifs à la correction d’erreurs matérielles et trois concernaient la mise à jour du texte, à la suite de l’adoption de l’ordonnance du 26 août 2005. Les chiffres parlent donc d’eux-mêmes.

Premièrement, ce texte est, pardonnez-moi l’expression, mal ficelé. Préparé sans doute avec un peu trop de hâte, il recèle des erreurs de codification non négligeables et oublie des pans entiers de notre droit. À titre d’exemple, aucune modification du code de la sécurité sociale n’est prévue par la proposition qui nous est soumise. La création d’un ordre engendre pourtant des modifications notables en la matière.

Deuxièmement, les amendements de mise à jour constituent la preuve irréfutable – le rapporteur l’a indiqué – que le texte n’est plus d’actualité. En matière législative, nous savons combien les choses évoluent. Nous ne pouvons donc accepter que, sous prétexte que le groupe UDF dispose d’une niche, et que la question de la création de l’ordre recueille désormais un certain consensus, un texte déjà dépassé soit ressorti du fond d’un tiroir.

Troisièmement, une question de forme découle directement des failles que je viens d’évoquer. Nous savons que lors, d’une niche parlementaire, nous n’avons pas le temps d’opérer matériellement la transformation radicale d’un texte. Le président Debré me rejoindra sur ce point, j’en suis convaincu : un excès d’amendements n’est jamais souhaitable pour un travail législatif serein.

M. Hervé Morin. C’est laborieux !

M. Richard Mallié. Or la proposition étudiée mériterait un véritable nettoyage. Peut-être pas au Karcher (Sourires) je vous l’accorde, mais tout au moins un véritable ravalement (Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française), que nous n’avons pas le temps d’engager ici.

Monsieur le ministre, nous avons eu de nombreux échanges sur le sujet et je suis désormais convaincu de la volonté gouvernementale de permettre à une instance représentative de la profession de voir le jour. Ce n’est qu’une question de temps.

Parfois le temps nous presse un peu, nous bouscule. Si nous voulons qu’au début de l’année 2007, des élections concernant les infirmiers puissent se tenir, nous devons nous atteler à la tâche législative dans les meilleurs délais. Pour parvenir à assurer cette échéance, il est impératif que le dossier soit bouclé, au niveau législatif avant la fin du mois de juin. Compte tenu des éventuelles navettes entre les deux assemblées, le délai est raisonnable. Il restera quatre mois pour que les décrets d’application nécessaires à l’entrée en vigueur du dispositif soient pris. Sur ce point, monsieur le ministre, je ne suis pas aussi optimiste que vous. (Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, sur un échéancier. Les députés du groupe UMP sauront prendre leurs responsabilités. Nous consacrerons, au mois d’avril prochain, une niche parlementaire à l’examen du texte proposé. Vous engagez votre parole, non seulement devant les députés, mais aussi et surtout devant les professionnels. Et elle sera tenue.

Si la sagesse pousse aujourd’hui le groupe UMP à ne pas discuter les articles de ce texte, c’est uniquement pour que nous examinions un texte solide, actualisé, sur lequel nous aurons travaillé en concertation avec les professionnels. Moi-même je me mobiliserai plus que jamais sur cette question et c’est ma parole que j’engage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à saluer la place de plus en plus importante des infirmières et infirmiers, tous secteurs confondus, dans notre système de soins. J’ai envie de dire que nos concitoyens aiment leurs infirmières, comme ils aiment leurs sapeurs-pompiers.

M. François Bayrou. Oh !

Mme Catherine Génisson. C’est une profession aimée. Je me félicite, comme citoyenne, mais aussi en qualité de professionnelle de santé, que ce texte nous donne l’occasion de l’exprimer avec force. Les raisons qui animent les revendications de cette profession sont légitimes et nous devons y répondre : la reconnaissance de la profession, la volonté d’unité et d’encadrement. Voilà des motifs qui emportent une réelle unanimité. La question de la création d’un ordre national de la profession nous a déjà été soumise à de nombreuses reprises, sans parvenir à convaincre. Je saluerai à ce sujet la constance de Jean-Luc Préel et remercierai Olivier Jardé de l’avoir suppléé en tant que rapporteur.

Ce texte répond-il aux demandes de la profession ? Le groupe socialiste ne le pense pas. En effet, la création d’un ordre infirmier n’apparaît pas comme une nécessité, puisque les instruments reconnaissant la profession existent bel et bien. La loi Kouchner du 4 mars 2002 prévoyant la création d’un conseil des professions paramédicales place les infirmiers au sein d’un système intégré de soins paramédicaux. Il serait bon de savoir pourquoi cette loi n’est pas appliquée et les raisons pour lesquelles les décrets d’application ne sont jamais sortis.

Le conseil des professions paramédicales est une proposition intéressante, quand l’existence de la profession se diversifie chaque jour davantage : exercice libéral, hospitalier, présence des infirmières dans le secteur médico-social, dans le monde du travail ou éducatif. Leur champ de compétences est élargi. La mission parlementaire sur la fin de vie avait souligné le rôle fondamental joué par les infirmiers. Cette fonction est d’ailleurs très insuffisamment reconnue sur le plan financier.

Le sujet de la délégation du transfert de compétences est également devant nous. Toutes ces questions et bien d’autres encore montrent que notre approche doit être globale et non catégorielle en matière d’organisation des professions de santé, sans méconnaître bien évidemment la spécificité de chacune d’entre elles. Au moment où le travail en réseau s’impose, la dispersion des professions de santé en différents ordres me semble terriblement réductrice. On peut d’ailleurs comprendre que cette revendication soit exprimée par une partie des infirmières, quand un conseil de l’ordre a été rétabli pour les masseurs-kinésithérapeutes et les podologues-pédicures. Mais je pense que, là aussi, la réponse est inadaptée.

En outre, le code de la santé publique définit les modalités d’exercice de la profession en secteur salarié ou en secteur libéral et fixe clairement les règles professionnelles et déontologiques à respecter à l’égard des patients et entre collègues. Parallèlement, le Conseil supérieur national, doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, traite les problèmes spécifiques de la profession, puisqu’il comprend une section spéciale pour les infirmières et infirmiers.

Créer un ordre, c’est promouvoir une vision éclatée de la gestion du système de soins, alors que les besoins d’une gestion globale en réseau n’ont jamais été aussi forts et que les infirmiers et infirmières sont un maillon aussi essentiel de la chaîne des soins. S’il est vrai que l’Ordre des médecins est favorable à cette création, on peut aisément constater qu’il n’y a pas d’unanimité au sein de la profession, puisque la majorité des fédérations syndicales représentatives sont hostiles à la création d’un ordre infirmier. Comme l’a souligné un de nos collègues lors des travaux de notre commission, il est indispensable d’attendre les remontées des états généraux de la profession, qui se déroulent actuellement. Cela nous permettra de mieux connaître la position de l’ensemble des infirmiers sur le sujet et de mieux encadrer notre travail parlementaire.

Monsieur le ministre, nous nous félicitons que vous ayez confié une mission à M. Édouard Couty. Nous nous félicitons également de votre engagement à présenter un texte et de votre volonté de résoudre cette question d’ici le début de l’été. J’espère néanmoins que cela ne donnera pas lieu à une session extraordinaire...

II faut aussi réfléchir à une organisation générale des professions de santé. On constate les limites du fonctionnement du Conseil de l’Ordre des médecins, même s’il s’est considérablement adapté ces dernières années. Il s’interroge sur la dérive du rôle syndical que l’on veut lui faire jouer, sur la lourdeur des tâches et les difficultés rencontrées par ses membres, pour concilier leur vie professionnelle et leur fonction de juriste.

Le Conseil de l’Ordre a eu – reconnaissons-le sans aucune acrimonie – beaucoup de mal à se faire entendre quand il s’est agi de rappeler les règles élémentaires de déontologie sur le sujet de la permanence des soins.

L’organisation générale des professions de santé est fondamentale. À cet égard, 1e rapport de notre collègue Philippe Nauche, en août 2000, a eu pour principal mérite de préciser les conditions de création d’un office des professions paramédicales. Il doit répondre aux attentes de ces professionnels en matière de gestion de la profession, de participation à la réflexion sur les politiques de santé – c’est un sujet important qui concerne l’ensemble des professions de santé –, de définition et de mise en œuvre de bonnes pratiques professionnelles. Un office doit aussi faire une place aux usagers et favoriser la conciliation entre professionnels, mais aussi avec les assurés eux-mêmes Ces missions, concluait Philippe Nauche, « seraient plus larges que celles habituellement imparties aux ordres professionnels ».

Si cet office avait été mis en place, nous pourrions aujourd’hui réfléchir à son évolution puisqu’il n’avait été envisagé que pour que les infirmiers libéraux.

Actuellement, c’est une logique collective qui anime la profession, une volonté de travailler ensemble, de pluralisme et de pluridisciplinarité. La création d’un ordre serait donc une réponse terriblement réductrice face à ces impératifs.

M. Gérard Bapt. Très bien !

Mme Catherine Génisson. Par ailleurs, le texte présente de nombreuses lacunes. Il néglige le niveau départemental et les relations entre les différents niveaux de représentation. Que se passerait-il par exemple, si un conseil de l’ordre régional refusait une candidate ou un candidat accepté par un autre conseil régional ? Autre critique fondamentale : quelle compétence aurait-il en matière de délivrance de labels de qualité pour les actions de formation continue, alors qu’il s’agit de la compétence exclusive de l’État. Il ressort de l’article 1er que l’ordre infirmier n’aurait aucun lien avec les autres professions paramédicales réunies dans le conseil des professions, ce qui témoigne d’une vision morcelée du système de soins.

L’article 3, d’autre part, qui modifie l’article L. 4311-15 du code de la santé publique, prévoit que l’exercice de la profession est soumis à l’inscription obligatoire à l’ordre, créé par l’article 5. Cette modification aurait des conséquences très néfastes, car elle donnerait à l’ordre un pouvoir démesuré, un monopole sur la profession qui ne manquerait pas d’entraîner des exclusions injustifiées.

Cette obligation représente par ailleurs une évidente atteinte au principe démocratique et constitutionnel de liberté d’adhésion à un syndicat ou une association, car une cotisation annuelle serait obligatoire pour pouvoir exercer le métier, cotisation dont les modalités d’application ne sont pas précisées. Y aurait-il une différence entre les cotisations des médecins qui exercent en secteur libéral et les salariés ? Il faudrait revoir l’ensemble de ces questions.

Évitons d’instaurer une rigidité ordinale. Gardons-nous de tomber dans société organisée de façon catégorielle, d’une société normée.

M. Gérard Bapt. Corporatiste !

Mme Catherine Génisson. Les infirmières expriment des revendications légitimes. Nous devons les écouter et leur répondre. Nous devons le faire dans une approche globale comme le réclame la majorité de la profession. C’est pour cela que nous sommes défavorables au passage à l’examen des articles.

M. Gérard Bapt. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Briot.

Mme Maryvonne Briot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, régulièrement, depuis maintenant dix ans, la proposition de loi visant à créer un ordre infirmier revient en discussion à l’Assemblée nationale. Déjà en 2003, Jean-Luc Préel avait déposé une proposition de loi en ce sens.

Si nous regardons de plus près la réglementation qui régit la profession d’infirmière, nous constatons que les règles et les compétences professionnelles sont clairement définies dans les décrets du 18 février et du 15 mars 1993.

Ces deux textes – connus de toutes les infirmières – sont la base de la profession car tout y est défini : les règles déontologiques, les devoirs envers les patients, ainsi que les devoirs envers leurs confrères pour les infirmiers libéraux. Les actes professionnels sont identifiés de façon très précise : soit ils sont prescrits par le médecin, soit ils sont décidés par l’infirmière elle-même dans la compétence propre qui lui est reconnue par décret.

Ces dispositions réglementaires impliquent nécessairement que l’exercice professionnel et le titre soient protégés et que les règles professionnelles soient respectées. Or l’organisation actuelle de la profession ne permet pas d’assurer ces fonctions essentielles en raison de l’absence d’instance disciplinaire indépendante.

Une telle protection est cependant indispensable dans la mesure où l’infirmier agit le plus souvent par délégation.

L’obligation faite aux infirmiers d’appliquer des prescriptions médicales écrites, datées et signées par le médecin ne peut se concevoir que s’ils peuvent faire respecter le droit d’exiger du médecin une attitude conforme aux règles professionnelles.

Or en cas de contrôles opérés par les caisses d’assurance maladie, les infirmiers libéraux notamment affrontent seuls les plaintes déposées par les caisses, parfois au plan pénal, fondées le plus souvent sur le non respect des règles de prescription. Des sanctions parfois sévères leur sont infligées sans qu’ils puissent bénéficier d’une aide institutionnelle.

Il existe donc, à l’évidence, des vides juridiques. Le contrôle du respect des règles professionnelles doit être exercé par les professionnels eux-mêmes et non par des autorités extérieures à la profession.

Pour ces motifs, il devient donc nécessaire et urgent de créer une instance de régulation de la profession infirmière, une structure unique, indépendante et représentative de tous les modes d’exercice, libéral ou salarié, public ou privé.

Depuis 2003, la profession infirmière s’est fortement et très rapidement mobilisée et organisée. À ce jour, plus de trente-huit associations et syndicats infirmiers, tous exercices confondus – infirmières salariées du public et du privé, infirmières libérales, spécialisées, cadres infirmiers cadres pédagogiques, directeurs de soins infirmiers – se sont réunis pour réfléchir à la création d’une structure ordinale. C’est suffisamment exceptionnel pour mériter d’être souligné. En vingt-cinq ans d’ancienneté, je n’ai jamais vu une telle mobilisation.

De nombreuses réunions, plus de trente, ont été organisées dans toutes les régions de France afin de permettre à tous les professionnels de s’exprimer et de débattre sur la création ou non d’un ordre infirmier.

Aujourd’hui même, les états généraux des infirmiers diplômés d’État sont organisés. Le but d’une telle réunion est d’analyser les réflexions menées au niveau régional pour aboutir à une position consensuelle. Les infirmiers ont démonté depuis plusieurs mois leur capacité d’organisation et de réflexion autour de ce sujet. Il me paraît donc logique et incontournable de tenir compte de leur avis avant de discuter d’un texte les concernant. Pour une fois, écoutons-les avant de légiférer à leur place !

Nous ne pouvons légiférer sans l’apport des réflexions des infirmières et des infirmiers, sauf à produire un texte décalé par rapport à leurs souhaits.

J’estime, en tant que députée, que mon devoir est d’adapter la législation aux besoins des professionnels concernés par un texte de loi et pas de l’imposer de manière arbitraire.

M. Louis Giscard d’Estaing. Absolument !

Mme Maryvonne Briot. Permettez-moi de vous donner un exemple de la discordance de ce texte avec les souhaits de la profession.

Il ressort des réflexions des réunions régionales un point important : la nécessité de créer un niveau départemental dans l’organisation de l’ordre. Or le texte en discussion aujourd’hui ne prévoit que deux niveaux, national et régional. La profession estime que le niveau départemental est essentiel pour garder la proximité.

M. Louis Giscard d’Estaing. Tout à fait !

Mme Maryvonne Briot. La profession qui compte, je le rappelle, plus de 450 000 infirmiers, souhaite également organiser une instance de conciliation au niveau départemental car il lui semble important de dissocier la conciliation qui doit être au plus près du professionnel et du patient, de la fonction disciplinaire qui se doit d’être à distance du problème à traiter.

M. Michel Diefenbacher et M. Richard Mallié. Très bien !

Mme Maryvonne Briot. Or le texte ne répond pas à cette demande. J’estime qu’il est indispensable de prendre le temps de consulter les professionnels avant de voter un texte les concernant. C’est la raison pour laquelle, nous ne devons pas discuter aujourd’hui les articles de cette proposition de loi.

Néanmoins, les demandes de la profession ne doivent pas, une nouvelle fois, monsieur le ministre, rester lettre morte. Il semblerait qu’un ordre infirmier fort de plus de 450 000 professionnels suscite quelques craintes. Mais les infirmiers ne veulent pas un ordre professionnel pour revendiquer. C’est le rôle des centrales syndicales. Laissons-leur ce rôle !

Ils veulent une structure qui rassemble la profession, un espace de réflexion et de proposition pour faire évoluer la profession dans un souci de qualité des soins.

M. Michel Diefenbacher. Très juste !

Mme Maryvonne Briot. J’ai noté avec satisfaction, monsieur le ministre, votre engagement fort dans la réflexion sur la création d’une structure ordinale et je vous en remercie. Les infirmiers et les infirmières mettent beaucoup d’espoir en vous. Ils vous seront reconnaissants de répondre à leurs demandes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je répondrai brièvement aux différents intervenants. À Claude Leteurtre, je dirai que j’ai répondu dans mon intervention liminaire à certaines de ses questions. Je voudrais par ailleurs le remercier d’avoir rappelé la constance de mes positions sur le sujet, qui rejoint du reste celle des aspirations de la profession et aussi d’un grand nombre de parlementaires.

Mme Jambu considère que la création d’un ordre est inutile dans la mesure où la profession est déjà représentée par le Conseil supérieur des professions paramédicales, CSPPM, et le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière tout en reconnaissant que ces structures avaient leurs limites. Les missions du CSPPM se sont en effet réduites avec les lois de décentralisation dont j’ai fait état. Il nous faut aujourd’hui organiser quelque chose de plus efficace et dessiner les contours d’une autre structure professionnelle.

Richard Mallié m’a interrogé sur les suites de la réunion du 12 janvier. Les positions qui s’y sont exprimées sont encore tranchées, c’est vrai, mais elles peuvent évoluer et un terrain d’entente peut être trouvé. En ce qui concerne les négociations conventionnelles, je me suis réjoui que, dans sa réunion du 19 janvier, le conseil de l’UNCAM ait dégagé des orientations claires. J’espère que nous allons pouvoir aboutir le plus tôt possible afin d’offrir des perspectives claires, lisibles et ambitieuses à la profession infirmière.

Vous avez souhaité connaître ma position sur la délégation de tâches. Cette notion n’est pas simplement d’ordre sémantique. Nous menons un travail important avec le Conseil de l’Ordre des médecins sur cette question. Les positions ne sont pas figées. La délégation de tâches est une question très structurante pour notre système de santé, à laquelle M. Mallié et le président Dubernard s’intéressent beaucoup.

Je veux vous confirmer que j’ai saisi la Haute autorité de santé pour qu’après une première vague, de nouvelles expérimentations aient lieu. Permettez-moi de vous en donner le détail. La première vague avait concerné le suivi, par des infirmiers, de malades atteints d’hépatite C au service de gastro-entérologie de Montélimar, des malades d’un service de diabétologie de Nantes et ceux d’un service d’hémodialyse de Lisieux. Nous sommes en train d’évaluer ces expérimentations afin de savoir si elles peuvent être généralisées.

Une seconde vague de dix expérimentations de délégation de tâches va être lancée, dont neuf concernent les infirmiers, preuve qu’ils sont au cœur de ce dispositif. Il s’agit de suivre, au service d’oncologie de Saint-Nazaire, des malades ayant une prescription médicale de chimiothérapie à domicile ; de réaliser des actes d’échocardiographie à Marseille ; de suivre des malades atteints d’une insuffisance rénale au stade prédiabétique au service de néphrologie à l’hôpital Bichat ; les malades atteints d’une tumeur du système nerveux en neurologie, à La Pitié-Salpêtrière, y compris le suivi de paramètres biologiques et la prescription de certains médicaments. Au service de gastro-entérologie de l’hôpital Henri-Mondor, le suivi de malades atteints d’une hépatite C stabilisée est assuré par un infirmier ; en urologie, à l’institut Montsouris, certains actes sont également délégués à un infirmier, comme en gastro-entérologie au CHU de Lille et dans le Poitou, où les infirmiers libéraux assurent une part du suivi des malades atteints d’un diabète de type 2.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous le voyez, des expérimentations de délégation de tâches sont aujourd’hui en cours partout dans notre pays.

J’ai aussi à cœur que nous puissions réduire le temps d’évaluation afin d’envisager la généralisation de ces procédures dans les meilleurs délais. Elles sont très attendues par la profession infirmière mais aussi par les patients. Nous sommes là au centre des évolutions qui contribuent à la modernisation de notre système de santé.

Catherine Génisson s’est interrogée sur le devenir du conseil interprofessionnel des professions paramédicales. Vous le savez, depuis la loi du 9 août 2004, qui a créé deux ordres, l’un pour les masseurs-kinésithérapeutes, l’autre pour les podologues, il nous faut envisager cette nouvelle étape pour la profession infirmière.

Je me félicite également que vous approuviez, madame la députée, le principe de la mission confiée à Édouard Couty. Je vais transmettre à l’ensemble des parlementaires qui se sont exprimés ce matin le contenu précis de la lettre de mission qui lui a été adressée. Si vous le souhaitez, je vous rendrai également compte des conclusions qu’il me remettra à la mi-mars, de façon que règne la plus grande transparence sur la méthode que j’ai proposée.

Maryvonne Briot rappelait l’existence de lacunes dans l’organisation de la profession et de vides juridiques préjudiciables à la fois aux professionnels et aux patients. Je partage votre analyse, madame la députée. Je sais aussi comme vous avez à cœur de servir la profession infirmière.

Je crois aussi que nous avons besoin d’un meilleur contrôle en matière de déontologie. C’est un souci légitime. Les positions de la profession à ce sujet ont d’ailleurs évolué, comme vous l’avez rappelé. C’est un fait qu’aujourd’hui, les associations infirmières se sont fédérées pour étudier cette question, notamment autour du groupe Sainte-Anne, dont nous connaissons la qualité du travail de réflexion. Je tiens à vous dire qu’avec le travail mené par Édouard Couty, nous disposerons d’un avis précis sur l’opportunité de créer un échelon départemental.

Mesdames, messieurs les députés, voici les réponses que je tenais à apporter aux interventions de grande qualité de l’ensemble des orateurs. Vous comprendrez que si je vous ai donné ce nouveau rendez-vous avant l’été, c’est que je vous demande de ne pas voter en faveur du passage à la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur le passage à la discussion des articles

Mme la présidente. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales, n’ayant pas présenté de conclusions, l’Assemblée, conformément à l’article 94, alinéa 3 du règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.

Conformément aux dispositions du même article du règlement, si l’Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

Sur le passage à la discussion des articles de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe UDF d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Dans les explications de vote, la parole est à M. François Bayrou.

M. François Bayrou. C’est la troisième fois, je crois, que le groupe UDF présente devant l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à créer un ordre pour la profession infirmière. J’aimerais expliquer pour quelles raisons, en m’appuyant sur le débat que nous venons d’avoir.

Nous avons entendu les deux arguments traditionnels de ceux qui refusent cette reconnaissance.

Les premiers, à gauche, prétendent qu’il n’y en a aucun besoin puisque de nombreux dispositifs existent déjà et que les choses ont été réglées précisément par décret. Autrement dit, ils envisagent les problèmes rencontrés par la profession à partir du sommet : c’est l’État qui impose verticalement la manière dont on doit les traiter. Pour notre part, nous considérons qu’il est au contraire nécessaire de prendre en compte ce que les infirmiers et les infirmières ressentent et ce qu’ils pensent des difficultés de leur métier mais aussi des questions profondes auxquels ils sont confrontés.

Les deuxièmes, à l’UMP, considèrent que nous avons le temps. Une fois de plus !

M. Jean-Paul Charié. Mais c’est faux !

M. François Bayrou. M. Mallié a ainsi déclaré qu’il fallait absolument se donner du temps. Mais il y a des années et des années, voire des décennies que l’on attend !

M. Jean-Paul Charié. Nous nous sommes engagés sur les délais !

M. François Bayrou. Cette volonté de reporter des décisions, que l’on reconnaît pourtant comme étant importantes, est une manière de refuser la réalité. J’en veux pour simple preuve ce qu’a déclaré à la tribune M. Mallié en toute honnêteté : « Vous nous dites, monsieur le ministre, que nous aurons le temps pour les décrets d’application. Je ne suis pas aussi optimiste que vous ».

Cette position d’attente ne traduit pas une conception élevée du rôle du Parlement. S’il y a des choses à changer dans le texte, il suffit de présenter des amendements. Il y a, rappelons-le, deux lectures à l’Assemblée nationale et au Sénat, puis une procédure de concertation avant un troisième vote. Nous pouvons fort bien avoir des divergences sur l’opportunité de créer un échelon départemental. Nous estimons, par exemple, qu’une délégation suffit et qu’il est inutile de multiplier les échelons. Mais à ce moment-là, réglons les choses par le débat.

Deux raisons principales font que nous défendons, seuls, si j’ai bien compris, la création d’un ordre infirmier.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Démagogie !

Mme Muriel Marland-Militello. J’ai honte !

M. François Bayrou. Monsieur le professeur Dubernard, je sais bien que, quand on est professeur de médecine, on considère que les infirmiers et les infirmières, c’est tellement secondaire que s’en préoccuper, cela relève de la démagogie. (Protestations sur les bancs de l’Union pour un mouvement populaire – Plusieurs personnes applaudissent dans les tribunes ; elles sont immédiatement priées de quitter les lieux.)

Mme la présidente. S’il vous plaît !

M. François Bayrou. Mesdames, messieurs, il ne faut pas applaudir lorsqu’on se trouve dans une tribune du public. Mais je me permets de saluer ce mouvement de spontanéité. (Protestations sur les bancs de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. C’est scandaleux !

Mme la présidente. Monsieur Bayrou, vous savez très bien que le règlement interdit toute manifestation dans les tribunes ! Je demande donc aux personnes qui y sont assises de garder leur calme !

M. François Bayrou. C’est ce que je viens de dire !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. La médiocrité a des limites !

M. François Bayrou. Vous avez l’impression qu’il s’agit de problèmes secondaires, qui tiennent au terrain, à la base. Nous, nous estimons qu’il s’agit de problèmes essentiels. C’est la raison pour laquelle nous présentons de nouveau ce texte envers et contre tous.

Il n’est plus temps d’attendre, mais d’agir. Deux raisons principales le justifient.

La première raison tient à la reconnaissance de la profession. Les médecins ont un ordre et personne, pas même la gauche, ne propose de l’abroger.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Cela pourrait se discuter !

M. Hervé Morin. Vous avez validé la création d’un ordre des podologues !

M. François Bayrou. Les kinésithérapeutes ont un ordre, les podologues aussi. Mais vous ne voulez pas que les infirmiers et les infirmières, que vous considérez comme étant de deuxième zone, en aient un. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Arrêtez-le !

M. François Bayrou. Votez avec nous …

Mme Muriel Marland-Militello. J’ai honte !

M. François Bayrou. … et vous aurez le temps des deuxième et troisième lectures pour réfléchir.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ce n’est pas comme ça que vous serez élu Président de la République !

M. François Bayrou. Ça, c’est une affaire entre les Français et moi, monsieur Dubernard !

La société française a besoin de modes d’expression qui ne soient pas seulement organisés par l’État.

La deuxième raison tient aux problèmes éthiques, liés notamment à la fin de vie, auxquels sont confrontés les infirmiers et les infirmières. Ce sont des problèmes extrêmement lourds, qui ne doivent pas être réglés par des décrets du sommet, mais par la réflexion, les examens de conscience, les questionnements moraux. Nous voyons bien combien ces choses peuvent être pénalisantes et lourdes à porter, notamment à travers les procès qui ont lieu à l’heure actuelle.

Voilà pourquoi il s’agit à nos yeux d’une urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Les interventions précédentes ont montré à quel point, les uns et les autres, nous attachons de l’importance aux revendications légitimes des infirmières et des infirmiers.

M. Jean-Paul Charié. Merci, madame !

Mme Catherine Génisson. J’ai sans doute fait un peu sourire en disant que nos concitoyens aimaient leurs infirmières autant qu’ils aiment leurs sapeurs-pompiers, mais c’est la réalité. Cette profession est respectée, admirée et estimée et personne ici n’a remis en cause sa nécessité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le débat a été intéressant. Les uns et les autres, nous avons reconnu qu’il était nécessaire qu’une instance spécifique soit mise en place pour que la profession infirmière puisse s’exprimer, à la fois sur ses revendications propres, sur les modes de conciliation avec les patients, sur les règles disciplinaires et, de manière générale, sur l’évolution du métier.

Nous avons une divergence entre nous : certains sont favorables à la création d’un conseil de l’ordre, d’autres considèrent que d’autres solutions sont possibles, dans la mesure où les ordres ne semblent pas être la réponse la plus adaptée à l’heure actuelle pour répondre à ces demandes légitimes. Sans vouloir faire de procès et rouvrir des débats anciens, je rappelle que le Conseil national de l’Ordre lui-même s’interroge sur les dérives de son fonctionnement.

C’est sur ce point que porte notre divergence. Nous n’en avons aucune sur la nécessité de traiter le problème de manière urgente. M. le ministre nous a fait part des expérimentations très intéressantes qui se déroulent actuellement en matière de délégations et de transferts de compétences. Dans les services hospitaliers, médecins, infirmières délibèrent ensemble sur ce sujet fondamental, eu égard aux problèmes de démographie médicale.

Gardons notre sérénité, montrons-nous responsables. Quelles que soient nos divergences de fond, je peux dire en toute objectivité que le texte présente des lacunes sur de nombreux sujets. Reste qu’une mission va débuter et que des états généraux se tiennent actuellement, Mme Briot en a fait état. La concertation se fait à tous les niveaux. Donnons-nous le temps nécessaire pour faire des propositions que chacun puisse valider. Je maintiens donc notre opposition au passage à la discussion des articles.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Madame la présidente, j’ai été mis en cause, je demande la parole !

Mme la présidente. Monsieur Dubernard, nous allons procéder au vote. Vous aurez la parole en fin de séance pour un fait personnel.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je demande une suspension de séance !

M. Hervé Morin. Le scrutin a été annoncé, on ne peut pas suspendre la séance !

Mme la présidente. Monsieur Morin, laissez-moi présider !

M. Hervé Morin. Appliquez le règlement !

Mme la présidente. Je donne la parole à M. Jean-Michel Dubernard, pour une explication de vote.

M. Jean-Michel Dubernard. Permettez-moi de faire trois remarques rapides.

Premièrement, Mme Briot, M. Mallié, Mme Génisson ainsi que M. le ministre ont tenu des propos de bon sens, qui correspondent à la réalité de ce que vit le monde infirmier.

Deuxièmement, à titre personnel, je voudrais dire au professeur d’histoire qu’est M. Bayrou…

M. François Bayrou. Je n’ai jamais été professeur d’histoire !

M. Jean-Michel Dubernard. …qu’il ne connaît peut-être pas grand-chose au fonctionnement des services hospitaliers. Qu’il vienne au pavillon B de l’hôpital Édouard-Herriot, il apprendra un peu ce qu’est la vie médicale : quand on est chirurgien, on ne peut pas se passer des équipes infirmières, avec qui on entretient toujours de très bonnes relations.

Troisièmement, je veux dire combien je suis scandalisé que l’on commence la campagne présidentielle sur les bancs de cette assemblée à quinze mois de l’échéance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Madame la présidente, je demande la parole, pour une explication de vote.

M. Hervé Morin. Non, ce n’est pas possible !

Mme la présidente. Je regrette, monsieur Mallié, mais M. Dubernard a déjà fait une explication de vote au nom de votre groupe.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je me suis exprimé en tant que président de la commission et, à ce titre, j’ai le droit d’intervenir quand je le souhaite !

M. Richard Mallié. Dans ce cas, je demande une suspension de séance de dix minutes, afin de réunir mon groupe. (Protestations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La suspension de séance ne peut intervenir qu’après le vote qui a été annoncé.

Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le passage à la discussion des articles de la proposition de loi.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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Mme la présidente. Le scrutin est ouvert.

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Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n’est pas adoptée.

Ordre du jour des prochaines séances

Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 2709 rectifié, portant engagement national pour le logement :

Rapport, n° 2771, de M. Gérard Hamel, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 2765, de M. François Scellier, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures quinze.)