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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mercredi 8 février 2006

141e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Égalité des chances

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour l’égalité des chances (nos 2787, 2825).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant au sous-amendement n° 584 à l’amendement n° 3 rectifié portant article additionnel après l’article 3.

Après l’article 3 (suite)

M. le président. Sur l’amendement n° 3 rectifié, je suis saisi d’une série de sous-amendements.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir le sous-amendement n° 584.

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, monsieur le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, monsieur le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances, mes chers collègues, cet amendement, qui vise le champ d’application du contrat première embauche, pose à nouveau le problème de la discrimination en précisant que le contrat ne pourra être rompu en raison des mœurs du salarié.

Je sais que le Gouvernement et la commission vont me répondre que les mœurs du salarié ne sauraient justifier un licenciement. Mais l’objectif de notre amendement est de réfléchir sur la différence entre les licenciements légitimes pour cause réelle et sérieuse, pour raison économique ou pour faute grave et les licenciements dans le cadre du CPE qui feront l’objet d’une lettre de licenciement non motivée. Vous expliquez d’ailleurs que les salariés continueront malgré tout d’être protégés lorsque l’ordre public social, pour reprendre l’expression de M. Borloo, sera en cause et notamment contre les discriminations.

Le Gouvernement a donc essayé de limiter le champ d’application, en précisant que lorsqu’on n’est pas dans l’ordre public social, il n’y a pas besoin de motivation, mais que bien évidemment le licenciement en raison de l’origine ou de l’orientation sexuelle est interdit.

Il y a bien là une contradiction sur la question de la motivation. Lorsqu’un salarié craindra d’avoir été licencié pour ces raisons-là, il ira devant le conseil des prud’hommes. Et pour sortir de cette accusation grave dont les conséquences pour lui seraient terribles, l’employeur devra alors faire état des motifs réels du licenciement de ce salarié. Or il se trouve que dans un certain nombre de circonstances, les raisons de ce licenciement sont à la fois un impératif moral mais aussi financier pour l’entreprise et pour le salarié.

Ces amendements montrent bien qu’il ne suffit pas de se réfugier derrière la référence à l’ordre public social pour échapper à cette contradiction majeure qui résulte de votre choix d’une lettre de licenciement sans motivation.

Je tiens à préciser à M. Begag, pour lever toute ambiguïté sur ce point, que c’est naturellement, s’agissant de discriminations à l’embauche ou de licenciement, que nous nous sommes adressés à lui. Ce sont des questions sur lesquelles il intervient régulièrement devant nous et encore lors de la discussion générale.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à ce sous-amendement.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 584.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 585.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. Nous avons souligné les risques que faisait courir aux salariés la mise en place du contrat première embauche mais nous avons également insisté sur ceux que, paradoxalement, il faisait courir juridiquement à l’employeur.

En effet, en cas de licenciement, en particulier s’il est fait état d’éventuelles discriminations, la charge de la preuve risque de revenir systématiquement à l’employeur. En outre, en cas de la contestation de la période d’essai la Cour de cassation pourrait choisir de la requalifier et de la réduire. J’ajoute que le dispositif présenté dans l’amendement du Gouvernement ne comporte aucune procédure contradictoire, alors que le Conseil constitutionnel a plusieurs fois élevé au rang de principe constitutionnel la notion de droits de la défense et donc l’application d’une procédure contradictoire. L’application de ce principe a été étendue à l’ensemble des procédures, y compris les procédures non juridictionnelles.

Votre projet, quant à lui, exclut l’application de l’article L. 122-14 du code du travail instituant le principe de l’entretien préalable pour tout licenciement individuel.

Il est vrai que dans le cadre du contrat nouvelle embauche, le Conseil d’État a considéré que ce principe ne devait pas s’appliquer en raison d’une procédure dérogatoire qui, elle, s’applique dans l’hypothèse d’une procédure disciplinaire mais pas nécessairement dans un autre type de procédure.

L’employeur, néanmoins, n’est pas informé de cette situation et peut légitimement penser, faute de précision dans votre texte, que l’absence de procédure contradictoire s’applique dans les deux cas, que le motif soit ou non disciplinaire. On aurait donc pu imaginer que, pour aller jusqu’au bout de votre logique, vous ayez introduit cette disposition dans le texte, ce que vous n’avez pas fait.

J’ajoute que l’on peut s’interroger sur la question de savoir s’il est logique de penser que ce principe du contradictoire est nécessaire en matière disciplinaire et ne le serait pas lorsque le motif est différent. Quoi qu’il en soit les conséquences de la procédure seront les mêmes sur un salarié déjà fragilisé par son âge – seize à vingt-cinq ans.

Je voulais porter cette inquiétude à votre connaissance, monsieur le ministre et je souhaite naturellement que vous puissiez nous apporter une réponse.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à ce sous-amendement.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 585.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 586.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Cet amendement s’inscrit dans la même réflexion. Il s’agit toujours de nous interroger sur le maintien d’une protection du salarié par référence aux questions d’ordre public alors que la lettre de licenciement ne comportera aucune motivation.

Ce type de licenciement par simple lettre adressée au salarié, sans entretien préalable, ni motivation constitue une régression extrêmement importante dans les relations entre employeurs et salariés, y compris dans les petites entreprises.

Le groupe socialiste avait déposé, dans les années quatre-vingt-dix, une proposition de loi instituant un conseiller du salarié afin d’assister les employés des petites entreprises, qui ne disposent pas de délégué du personnel. À cette époque, dans des entreprises de moins de onze salariés, celui qui recevait une lettre de licenciement, ne pouvait se faire assister. Nous avions imaginé cette nouvelle institution, le conseiller du salarié, dont le seul rôle est d’être présent à cet entretien. Beaucoup avaient raillé cette initiative, et le Gouvernement que nous soutenions avait à l’époque davantage subi qu’encouragé cette démarche.

Avec le recul, il est possible de dire que la présence dans le cadre des entretiens préalables, d’une personne neutre, inscrite sur une liste en préfecture, a entraîné le triplement des remises en cause du projet de licenciement, simplement parce que le dialogue avait été rétabli. Vous préférez faire l’économie de ce dialogue en ne retenant que le principe de la rupture.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à ce sous-amendement.

La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Je veux revenir très rapidement, monsieur le président, sur la possibilité de rompre le contrat sans motivation et sans entretien préalable. Vous n’avez pas été choqués, mes chers collègues, de voter un contrat à durée déterminée de cinq ans – on devrait plutôt parler d’une période d’essai de cinq ans – dans le cadre duquel le jeune pouvait être remercié sans entretien préalable, sans lettre de motivation.

M. Jean Leonetti. Sans formation !

M. Alain Joyandet. Tels étaient le emplois-jeunes : ce n’était rien d’autre que des emplois jetables. Cela ne vous choquait pas à l’époque.

M. Jean Leonetti. Circulez, il n’y a rien à voir !

M. Alain Joyandet. Ça fait des heures que nous subissons vos arguties juridiques, qui n’intéressent personne dans cet hémicycle, hormis quelques spécialistes. Vous nous permettrez donc de vous rappeler de temps en temps ce que vous avez fait. Alors que nous cherchons à sortir des gens de la galère dans laquelle ils sont aujourd’hui, soit parce qu’ils sont au chômage, soit parce qu’ils accumulent des CDD à répétition, quand ils ne connaissent pas des statuts encore plus précaires, alors que nous proposons à ces personnes un CPE, qui leur ouvre des droits dès les premiers mois d’exécution du contrat, nous devons supporter que vous nous asséniez vos reproches depuis des heures ! À quoi bon vous répondre encore, hormis une fois par heure, avec l’autorisation du président – j’aurai d’ailleurs bientôt usé de mon droit de tirage !

Vous, vous avez voté un contrat à durée déterminée de cinq ans, qui peut être rompu sans lettre de motivation, sans explication, sans entretien préalable.

M. Jean Leonetti. Sans formation !

M. Alain Joyandet. Les jeunes ne reçoivent aucune formation dans le cadre des emplois-jeunes. Je vous renvoie aux chiffres officiels, que nous a indiqués le rapporteur, dont je salue l’excellent travail consacré à ce sujet.

M. Yves Bur. Combien sont restés sur le carreau ?

M. Alain Joyandet. On a bien compris, chers collègues de l’opposition, que votre seul but est de continuer, sous-amendement après sous-amendement, à faire obstruction à nos débats, afin que ce projet n’aboutisse pas dans des conditions normales. Nous le regrettons très vivement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 586.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 587.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Il y a des moments délicieux dans la vie parlementaire.

M. Jean Leonetti. Pas celui-ci en tout cas !

M. Alain Vidalies. Il me semblait que nous étions en train de faire la loi, et que cela supposait des références juridiques minimales ! Puisque tel n’est pas le cas, comme vous venez de nous le dire, cher collègue porte-parole de l’UMP, je comprends mieux les incohérences que je débusque depuis quelques heures dans le texte du Gouvernement ! Je trouve quand même assez étonnant qu’un débat sur les conditions de rupture d’un contrat à durée déterminée soit pour vous l’occasion d’un moment de détente !

Il faut choisir, cher collègue : soit les emplois-jeunes sont des contrats à durée déterminée, soit il s’agit de contrats à durée indéterminée. En réalité les deux cas de figure sont possibles.

M. Jean Leonetti. Qu’est-ce qu’il raconte ?

M. Alain Vidalies. Cela dépend de la situation. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas de licenciement dans le cadre d’un contrat à durée déterminée, fut-elle de cinq ans : il y a simplement un moment où ce contrat arrive à terme

Quand on a décidé en quatre jours, comme vous l’avez fait, la possibilité, jamais vue jusqu’ici, de licencier sans motif, du jour au lendemain, ainsi que l’extension du champ de l’intérim, ce qui revient par définition à étendre le champ de la précarité, il me semble que l’on peut assumer politiquement cette démarche ! vous pouvez prétendre que cela permettra des créations d’emploi, même si nous n’y croyons absolument pas, mais évitez d’avancer les arguments que vous venez d’utiliser, car c’est prendre beaucoup de risque !

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables au sous-amendement n° 587.

Je le mets aux voix.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 588.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. Il faut varier les orateurs, comme on varie les plaisirs, puisque les uns vont avec les autres pour cette majorité !

M. Jean Leonetti. Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas !

M. le président. Variez, variez donc ! Tant que ce n’est pas avarié…

M. Gaëtan Gorce. Vous ne cessez de nous accuser d’obstruction, monsieur Joyandet. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Leonetti. Provocateur !

M. Gaëtan Gorce. Voilà que vous cherchez à m’empêcher de parler.

M. le président. Ne tombez pas dans la provocation de M. Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Ce n’est pas une provocation, monsieur le président, c’est un constat.

M. le président. Je vous rappelle, monsieur Gorce, que le règlement vous fait obligation de ne parler que de l’objet du sous-amendement, et que je peux vous interrompre si vous vous en éloignez. Parlez donc de votre sous-amendement.

M. Gaëtan Gorce. Je vais donc défendre mon sous-amendement, et je développerai ce que j’avais l’intention de dire en préliminaire en réponse au Gouvernement.

Nous avons commencé d’examiner tout ce qui touche au respect de l’égalité et aux discriminations. Je rappelle que le principe de non-discrimination figure dans notre Constitution et dans le préambule de la Constitution de 1946, et qu’il a été maintes fois confirmé par la jurisprudence constitutionnelle, ainsi que par la jurisprudence européenne. C’est en s’inspirant de l’expérience britannique que la Cour de justice des communautés européennes a construit sa jurisprudence, autour du concept de discrimination indirecte.

D’abord reconnu dans le domaine de la libre circulation des travailleurs migrants – je vous fais grâce de la référence précise à l’arrêt de la Cour de justice des communautés européennes –, ce principe a été étendu à l’égalité entre hommes et femmes par les arrêts Jenkins et Bilka.

L’ensemble de cette jurisprudence a été consacré par trois directives européennes, qui ont mis en œuvre le principe de discrimination indirecte. La directive 97/80 du 15 décembre 1997, pour être précis – à la différence du Gouvernement – consacre l’égalité entre hommes et femmes. Elle énonce qu’une discrimination indirecte existe lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre affecte une proportion nettement plus élevée de personnes d’un sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soient appropriés et nécessaires, et ne puissent être justifiés par des facteurs objectifs et indépendants du sexe des intéressés. Nous sommes au cœur de notre débat sur l’égalité des chances et les discriminations.

Les deux autres directives, adoptées en 2000, en donnent une définition similaire. La directive 2002/73 du 23 septembre 2002 définit la discrimination indirecte comme la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d’un sexe par rapport à des personnes de l’autre sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soient objectivement justifiés par un but légitime, et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires.

Au regard de ces définitions, le « contrat première embauche » est, de façon évidente, de nature à entraîner une discrimination : on peut même se demander s’il n’est pas fondamentalement discriminatoire. Quel paradoxe, de ce point de vue, de l’insérer dans un texte promouvant l’égalité des chances !

Le risque de condamnation de ce dispositif, et à travers lui de la France, par la Cour de justice des communautés européennes, est bien réel. En effet cette juridiction internationale a déclaré la qualifying périod, c’est-à-dire la période d’essai britannique, dont nous avons parlé tout à l’heure, contraire au droit communautaire parce qu’entraînant une discrimination indirecte prohibée. Ce contrat affectait en effet une proportion plus grande de femmes. La Cour de justice a retenu en outre qu’après quatorze ans d’application, la Grande-Bretagne était incapable d’apporter la preuve que l’institution de cette période d’essai avait eu un effet favorable sur l’emploi.

Cela signifie – et nous ne nous en réjouissons pas – que le Gouvernement devra prouver devant les juridictions européennes qu’il n’y aura pas de discrimination dans la façon dont ce texte sera appliqué, c’est-à-dire qu’il n’affectera pas particulièrement certaines catégories de la population, que certaines catégories ne seront pas plus que d’autres touchées par des ruptures anticipées du contrat pendant la période d’essai, sauf s’il parvient à démontrer que ce dispositif aura eu pour conséquence d’assurer à ces populations un accès plus rapide à l’emploi. Je doute que vous satisferez à ces nombreuses conditions, et j’attends que le Gouvernement nous apporte à ce propos tous les apaisements nécessaires.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à l’amendement.

Je mets aux voix l’amendement n° 588.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 589.

La parole est à M.  Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. Puisque le Gouvernement refuse de nous répondre sur le principe de l’égalité des chances, qui est pourtant au fondement de ce texte, et sur celui des discriminations…

M. Jean Leonetti. Il a déjà répondu !

M. Gaëtan Gorce. Il n’a pas répondu aux questions juridiques précises que nous lui avons posées. Nous allons donc essayer d’obtenir des réponses sur d’autres sujets. Nous nous attendons naturellement à ce que chacune de nos questions soit aussitôt qualifiée d’obstruction. Comme si le débat parlementaire avait pour seule fonction d’empêcher le Gouvernement d’agir !

C’est d’autant plus ironique que le Gouvernement a tous les moyens d’aboutir. Il est sûr, quelques heures plus tôt ou plus tard, de faire voter son texte. On ne nous fera pas croire que l’emploi des jeunes est suspendu à quelques heures de débats parlementaires en plus ou en moins ! En réalité, c’est l’appréciation de la nature de ce CPE qui dépend de ces quelques heures de débats parlementaires en plus ou en moins.

À ce propos, nous démontrerons par les sous-amendements suivants que le « contrat première embauche » tel qu’il nous est proposé n’est pas plus favorable qu’un contrat à durée déterminée, et est moins favorable qu’un contrat à durée indéterminée. Il a toutes les caractéristiques d’un contrat précaire d’une nouvelle espèce.

Monsieur Joyandet, vous vous précipitez, avec l’enthousiasme qui vous caractérise depuis le début de ce débat, pour nous dire que vous voulez sortir les jeunes de la précarité : nous démontrerons, arguments juridiques à l’appui, que votre précipitation ne fait au contraire qu’accroître les risques de précarité auxquels ces jeunes sont confrontés.

Je ferai observer en conclusion, monsieur le président, que nous avons posé au Gouvernement des questions de fond, autour desquelles nous souhaitions que le débat s’organise, plutôt qu’il ne parte dans cette multitude de sous-amendements. Hélas ! le Gouvernement nous a refusé les réponses qui nous auraient permis de débattre d’une façon plus ordonnée et plus claire.

Ainsi j’ai demandé hier au Gouvernement à plusieurs reprises s’il était prêt à assumer le fait qu’il avait supprimé 162 000 emplois pour les jeunes depuis 2002 : ce déficit d’emplois explique pour une part le chômage dont souffrent les jeunes.

Nous avons également demandé au Gouvernement – et cela a donné lieu à un débat un peu plus fourni – s’il considérait que le CPE était de nature à résoudre la question du chômage des jeunes, qu’il s’agisse de ceux qui sont les moins qualifiés comme de ceux qui sont les plus diplômés. il nous a répondu qu’il pensait qu’une mesure générale était de nature à apporter une solution, malgré la différence de situation. Nous allons maintenant lui demander s’il considère que le CPE est réellement un contrat à durée indéterminée, avec toutes les garanties qu’un tel contrat suppose, ou si au contraire il s’agit bien d’un contrat précaire d’une nouvelle sorte, comme nos arguments le démontreront dans la suite de cette discussion.

M. le président. La commission est défavorable à cet amendement.

Quel est l’avis du Gouvernement ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, ces trois sujets ont déjà été moult fois évoqués et abondamment développés. Notre préoccupation concerne l’ensemble des jeunes, et en particulier ceux qui, à hauteur de 40 % ; voire 50 % dans certains territoires – on l’a trop peu dit – sont condamnés au chômage et à la galère. Notre objectif est d’abord de donner une chance à ces jeunes-là.

Je voudrais dire un mot de la discrimination indirecte. J’ai déjà évoqué les conventions internationales et la jurisprudence constitutionnelle et celle du Conseil d’État consacrées à ce sujet. Le droit français a transposé à la fois la jurisprudence de la cour de justice de Luxembourg et les directives qui en sont issues. Le CPE ne déroge nullement au principe de non discrimination, et notamment à l’interdiction de la discrimination indirecte à l’égard des femmes, qui sont d’ailleurs les plus frappées par les contrats précaires. C’est pour elles notamment qu’il nous faut agir.

Je vous rappelle par ailleurs que notre texte relatif à l’égalité salariale rend effectif le principe d’égalité entre hommes et femmes.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. La présence de Catherine Vautrin et d’Azouz Begag démontre bien notre volonté de faire de cette année 2006 celle de l’égalité des chances.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz qui semblait vouloir répondre au ministre avant même qu’il ne parle !

M. Maxime Gremetz. Disons que voyant qu’il allait enfin parler, je m’apprêtais à répondre : c’est tellement rare qu’il réponde ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Comment pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, que le CPE est plus avantageux pour les salariés qu’un CDD – je précise que je combats ce statut, car je suis pour des emplois stables et durables – ou tout autre contrat précaire ?

Ainsi, monsieur le ministre – nous tomberons peut-être d’accord sur ce point – lorsqu’un CDD prend fin, il n’est pas possible d’avoir recours sur le même poste à un nouveau CDD avant l’expiration d’un "délai de carence" égal au tiers de la durée du contrat précédent. Dans le cas d’un CPE en revanche aucun délai n’est prévu : c’est vrai que c’est plus favorable, mais pour l’employeur, pas pour le salarié !

Si l’employeur rompt un CDD sans motif, il doit payer le jeune salarié jusqu’au terme prévu par son contrat. Il n’en est évidemment pas question s’agissant d’un CPE, dans le cadre duquel le jeune salarié peut être licencié à tout moment. Il sera possible de se séparer d’un salarié et de le remplacer par un salarié engagé dans le cadre d’un CPE, et non par un salarié en CDD. Un CDD ne peut être conclu pour accroissement temporaire d’activité si l’entreprise a procédé à un licenciement économique ; en revanche on pourra remplacer un salarié licencié par un salarié engagé dans le cadre d’un CPE : formidable !

Un salarié en CDD ne peut pas occuper un poste permanent de l’entreprise : si tel est le cas, son contrat doit être requalifié en CDI. Il sera en revanche possible de faire se succéder des salariés en CPE sur des postes qui devraient normalement être occupés par des salariés en CDI.

Autre différence, monsieur le ministre, vous qui vantez la grande qualité des CPE, on ne peut engager des salariés en CDD que dans des cas exceptionnels : soit dans le cas d’un surcroît exceptionnel de travail, soit pour remplacer un salarié absent. La signature d’un CPE dépendra, elle, du seul libre arbitre de l’employeur. On ne voit pas ce qui le conduirait à faire ce choix, sinon la possibilité de mettre le jeune salarié dehors sans motif.

Le gouvernement précise que le jeune en CPE recevra 8 % de son salaire brut en guise d’indemnités de rupture de son contrat. Est-ce vrai, oui ou non, monsieur le ministre, car vous n’en parlez pas beaucoup ? Je peux me tromper.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Oui.

M. Maxime Gremetz. Dans le cadre d’un CDD, le salarié reçoit 10 % d’indemnité de précarité d’emploi sur le salaire brut. Employer tous les moyens pour faire baisser le salaire, tel est le vrai objectif de votre CPE.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 589.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 173.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Ce sous-amendement tend à préciser qu’en cas de faute grave du salarié, l’employeur est tenu de respecter la procédure disciplinaire prévue à l’article L 122-41 du code du travail. Il faut en effet distinguer entre cause réelle et sérieuse et faute grave du salarié, notamment lorsque cette dernière est liée à une procédure disciplinaire.

La situation n’est déjà pas simple aujourd’hui. Lorsqu’un licenciement intervient en période d’essai et que l’employeur doit justifier le licenciement – par exemple parce qu’il fait l’objet d’une procédure pénale ou d’une action pour cause de discrimination –, s’il évoque un motif disciplinaire, le juge lui dira qu’il aurait dû respecter la procédure disciplinaire. Telles sont en effet les subtilités du droit, si peu convaincantes soient-elles. La situation est quelque peu paradoxale : si l’employeur n’avance aucun motif, il n’a pas à respecter cette procédure. Si en revanche il doit avancer un motif, et que ce motif est d’ordre disciplinaire, il doit la respecter, avec ses particularités. Telle est la situation que vous allez étendre sur une durée de deux ans, ce qui se traduira de grandes difficultés.

Il conviendrait que le Gouvernement nous réponde sur ce point, car il ne s’agit pas seulement d’une question technique : demain, du fait de l’innovation que vous allez leur imposer, ce sont les chefs d’entreprise et les salariés qui devront y répondre.

M. le président. L’avis de la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 173.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 56.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. À l’occasion de la défense de cet amendement, nous souhaitons revenir sur la notion de période d’essai de deux ans, qui est une véritable aberration et une violation caractérisée de notre droit du travail et de toute son histoire.

Avec ce contrat première embauche, vous vous attaquez, encore une fois de façon violente au droit du travail, et les maigres consolations prévues, ne pèsent pas lourd pour le jeune qui sera victime de la rupture de son contrat au cours de cette période de deux ans.

Il faut mesurer l’ampleur historique de l’atteinte que vous portez aux droits des travailleurs. Pendant tout le xixe siècle, le contrat de travail pouvait prendre fin par la volonté de l’une des parties. Dans la pratique, les travailleurs étaient ainsi placés dans une situation de précarité totale, soumis en permanence à la bonne volonté des patrons.

C’est l’époque où, à Paris, les ouvriers se rendaient chaque jour en place de Grève en quête d’un employeur pour trouver de l’embauche et étaient jetés de leur emploi sans règles, sans procédure et sans motifs.

M. Maxime Gremetz. Voilà !

M. Daniel Paul. Très vite, cependant, les tribunaux ont appliqué à la rupture du contrat de travail la notion d’abus de droit, afin de limiter les dégâts. La loi a ensuite intégré cette jurisprudence pour aboutir enfin à l’exigence d’un motif réel et sérieux pour licencier et à l’obligation de respecter une procédure précise. Cette protection demeure très insuffisante, puisque le licenciement pour un motif non économique est, avec la fin d’un CDD, le premier motif d’inscription à l’ANPE.

Aux termes de la loi, ces règles ne s’appliquent pas pendant la période d’essai, notion née en même temps que ces protections mêmes.

Avec ce nouveau contrat de travail, vous replongez les travailleurs en plein xixe siècle. Votre projet vise les travailleurs jeunes, ceux qui subissent le plus l’exploitation et la dureté du marché de l’emploi, ceux qui sont au chômage ou précaires, souvent depuis longtemps.

À ces jeunes vous dites : « Vous vous angoissiez au chômage : nous vous proposons un nouveau contrat » – mais vous oubliez de préciser qu’ils s’angoisseront deux ans de plus. Pendant deux ans, ils auront peur du moindre retard, ils viendront travailler même s’ils sont malades, ils s’angoisseront pour la plus petite erreur professionnelle et chaque jour ils se demanderont s’ils auront encore du travail le lendemain. Nous avons reçu de tels témoignages de salariés en CNE.

Le jeune salarié sera soumis, il acceptera toutes les tâches, tous les rythmes de travail, il n’exigera pas le paiement des heures supplémentaires et le respect de ses droits, et il n’osera pas se syndiquer. C’est ce que certains sociologues appellent la « barbarie douce ».

M. Alain Joyandet. C’est du Zola !

M. Daniel Paul. Vous regrettez pourtant la sous-représentation syndicale dans notre pays ! Mais comment pourrait-il en être autrement lorsqu’on fragilise le salariat et qu’on laisse 13 000 délégués du personnel ou représentants syndicaux se faire licencier ?

Jamais un gouvernement n’avait été aussi loin dans le développement de l’emploi précaire. Nous sommes depuis toujours opposés aux CDD et à l’intérim, parce que ces formes d’emploi précarisent les salariés, mais la période d’essai de deux ans empire encore la situation.

Le titulaire d’un CDD de six mois sait, en effet, qu’il a six mois de salaire assuré et qu’il bénéficie de quelques protections en sa qualité de salarié en contrat déterminé. Avec le contrat que vous proposez, c’est chaque jour que le salarié s’interroge sur le lendemain, avec toutes les difficultés qui s’ensuivent pour la recherche d’un logement, l’obtention d’un crédit et la formation d’un projet familial.

Face à ces situations, qui ne relèvent pas du fantasme, les promesses floues d’une meilleure indemnisation de la période d’inactivité n’atténuent pas les effets dévastateurs de ce contrat. En conséquence, conformément à notre logique, qui consiste à vouloir supprimer ce contrat, nous demandons la suppression de l’alinéa 10 de l’amendement.

M. le président. L’avis de la commission est défavorable.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. La conséquence directe de cet amendement serait de supprimer l’indemnité de 8 % et la contribution patronale de 2 % destinée à financer les actions d’accompagnement. Monsieur Paul, je vous ai entendu manifester pour le CDD un attachement auquel je ne m’attendais pas.

M. Daniel Paul. Mais non !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Le régime indemnitaire prévu est au moins aussi favorable que celui du CDD. En effet, certains accords collectifs prévoient des indemnités inférieures à 10 %, tandis que l’indemnité 8 % bénéficie d’un régime totalement exonéré.

M. Alain Vidalies. Grâce à qui ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je tiens également à rappeler que nous mettons en place un accompagnement personnalisé.

Votre démonstration, qui compare le CPE et le CDD, est donc tout à fait inexacte.

M. Daniel Paul. Je vous remercie de parler d’une « démonstration » !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Richard Cazenave. Il connaît bien le problème : il a licencié tout son personnel !

M. Maxime Gremetz. Attention, monsieur le ministre ! Regardez bien vos textes : les chiffres sont de 8 % et 10 %.

Je n’ai aucun attachement pour le CDD. Je me bats pour le droit au travail pour tous.

J’ai encore une bonne nouvelle à vous annoncer, monsieur le ministre : la journée de solidarité pour les personnes âgées et handicapées, cette journée de travail obligatoire que vous avez instaurée, a été supprimée dans le secteur de l’assistance, pour 5 000 salariés, par un accord de branche signé par tous les syndicats : le travail obligatoire a été sanctionné.

Les syndicats proposent de prendre l’argent là où il est : en augmentant un peu l’impôt sur les grandes fortunes, ou sur les 57 milliards de profits des entreprises du CAC 40.

Vous voyez en tout cas que la bataille est toujours payante.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 217.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Le sous-amendement n° 217 reprend l’interdiction de rupture du contrat pour motif discriminatoire. Il vient préciser dans le code votre argumentation sur la distinction entre le licenciement sans motivation et les limites que lui fixe l’article L 122-45 du code du travail. Il me semble donc pas qu’il y ait d’obstacle à ce que le rapporteur et le Gouvernement acceptent cet amendement.

Je dirai encore un mot de l’appréciation portée sur votre projet par l’ensemble des partenaires sociaux. Il est ici question, en effet, de la vie dans l’entreprise et, si vous évoquez souvent votre connaissance et votre expérience en la matière, il existe aussi des acteurs qui représentent ceux dont nous parlons aujourd’hui – salariés et employeurs.

Pour ce qui concerne les salariés, nous savions que toutes les organisations syndicales de salariés étaient hostiles au projet, à l’exception de la CGC qui, dans un premier temps, adoptait une approche interrogative de l’objectif de ce contrat.

Tous les parlementaires ont été destinataires d’une lettre signée de M. Van Craeynest, nouveau président de la CGC, qui pose le problème dans les termes que nous ne cessons de reprendre : « Comme pour le CNE, il nous semble indispensable que le salarié reçoive une explication à son renvoi par l’employeur. Les droits de la défense, qui existent depuis 1973 dans notre pays, ne peuvent être rayés d’un trait de plume. Nous proposons également que la prime de précarité soit progressive avec le temps passé sous CPE. Il s’agirait d’une mesure de bon sens, qui montrerait que notre pays ne se dirige pas vers un État de non-droit ».

M. Maxime Gremetz. C’est ce qui arrivera si on les laisse faire !

M. Alain Vidalies. Voilà donc l’appréciation de la CGC sur la réalité de votre projet : organiser un État de non-droit. Je comprends, dès lors, pourquoi le porte-parole ne veut pas faire de droit !

M. le président. L’avis de la commission et du Gouvernement est défavorable.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 217.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 122.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. L’alinéa 11 de votre texte introduit deux nouveautés.

D’abord, la limitation à douze mois du délai dans lequel il est possible de contester la rupture du contrat. Cette mesure figure certes déjà dans le CNE, mais cela n’a rien d’étonnant, puisque vous avez procédé par « copier-coller ».

Si nous avons eu dans cet hémicycle un débat sur la loi vous autorisant à légiférer par ordonnances, nous n’avons pas pu avoir de discussion précise sur le texte du décret qui a été pris ensuite. C’est lors de sa parution au Journal officiel que nous l’avons découvert, et avec lui ces nouveautés du droit du travail, dont celle-ci.

Après avoir introduit cette mesure pour le CNE, vous l’introduisez aujourd’hui dans le CPE : on peut s’attendre à ce qu’elle s’applique aussi au contrat seniors, et ainsi de suite ! Pourquoi réduisez-vous à douze mois la durée de contestation est bien supérieure à douze mois ? Aucune contestation, en effet, n’est aujourd’hui soumise à un délai aussi bref – pas même les impôts ni les contestations de factures.

Quand on est en situation de fragilité dans l’emploi – en CNE ou en CPE –, on n’a pas toujours la capacité de réagir dans l’année, de trouver un avocat – car le salarié n’a vraiment pas intérêt aujourd’hui à se présenter sans avocat devant les prud’hommes, surtout pour une rupture de contrat pour laquelle il n’est pas nécessaire d’indiquer de motif.

Il est donc inadmissible de réduire ce délai à un an. Ou alors vous feriez mieux d’aller au bout de votre logique et de dire qu’il n’est pas possible de contester la rupture du contrat de travail : cela empêchera bon nombre de salariés, qui auront été informés de leurs droits, de protester contre ces ruptures.

En effet, de nombreux salariés, notamment dans les petites entreprises, n’ont aucune connaissance de leurs droits.

M. le président. Veuillez conclure, je vous prie.

Mme Martine Billard. Je sais par expérience que, dans une PME, il est très difficile à un salarié d’obtenir le texte de la convention collective dont il dépend. Demander ce texte exige une audace qui, avec un CPE, peut provoquer un licenciement immédiat.

M. le président. L’avis de la commission est défavorable, comme celui du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur Larcher, pourriez-vous nous dire, en quelques mots pour ne pas alourdir notre discussion, si, à votre avis, nous avons affaire à un contrat à durée indéterminée, ou à un contrat à durée déterminée ou précaire ? Et si c’est un contrat à durée indéterminée, en quoi considérez-vous qu’il est plus proche d’un CDI que d’un CDD ?

M. Jean Leonetti. Parce que c’est un CDI ! Ça n’a rien à voir avec un CDD !

M. Gaëtan Gorce. Ah si, cela a à voir, monsieur Leonetti. Nous, nous considérons que, dans le tiercé des trois contrats que nous présente le Gouvernement, le CDI, le CDD et le CPE, celui-ci arrive bon dernier. C’est sans doute le pire des contrats que l’on puisse proposer, mais j’aimerais que le ministre nous indique les arguments qui le poussent à le défendre. Je sais qu’il est attaché à démontrer que son CPE, sur lequel il a misé, arrive en tête, ou à tout le moins en seconde position.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 122.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 211.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, je me vois obligé de combler les blancs du Gouvernement et ses silences. Mais je suis persuadé qu’ils ne dureront pas.

M. Alain Joyandet. Vous auriez dû faire de la radio !

M. Gaëtan Gorce. Monsieur Joyandet, vous passez votre temps à dire qu’on n’est pas là pour faire du droit, qu’on ne devrait pas s’exprimer ; vous voulez maintenant nous envoyer à la radio ! Nous serions heureux que vous fassiez de temps en temps une intervention utile.

La question qui nous est posée est de savoir si nous avons affaire à un CDI, et sinon, en quoi le CPE est préférable à un CDI ou pire qu’un CDD.

D’abord, s’agissant du rapport entre le contrat première embauche et le contrat de travail à durée indéterminée, je pense que pendant toute la discussion que nous avons eue tout à l’heure sur les motifs de rupture, la démonstration a été faite que le CPE ne pouvait pas être assimilé à un CDI puisque ses conditions de rupture renvoient à l’avant-loi de 1973 – vous voyez, monsieur Joyandet, que je suis très sérieux, et je pense qu’on ennuierait les auditeurs d’une radio, mais pas ceux qui s’intéressent au droit du travail. Si l’on considère que la base du CDI, ce sont les garanties de la rupture, on voit qu’il y a là déjà une différence importante qui pose problème.

Par ailleurs, je fais observer à cette assemblée que vous avez défini, monsieur le ministre, votre contrat première embauche par dérogation à la quasi-totalité des articles relatifs à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée : sur les quarante-neuf articles concernés, vous n’en avez conservés que quatre, dont l’un sur le transfert du contrat de travail – ce qui est bien la moindre des choses – et l’autre sur l’intervention du conseiller du salarié, ce qui nous plonge en plein paradoxe puisque vous avez exclu la notion d’entretien préalable en cas de licenciement alors que vous avez maintenu la possibilité d’un recours au conseil du salarié. Celui-ci verra donc son rôle rendu inopérant par les dispositions mêmes que vous avez introduites. Mais sans doute ne vouliez-vous pas déroger à la totalité des dispositions relatives à la rupture, sinon plus rien ne vous aurait rattaché, même pas une feuille de vigne, à la définition du contrat de travail à durée indéterminée. Sans doute la décence juridique vous a-t-elle interdit d’aller jusqu’à une telle nudité, malgré votre volonté de développer la précarité sociale.

J’ajoute que le motif économique n’est pas non plus requis pour justifier le licenciement de ces salariés – même s’ils sont comptabilisés dans les effectifs dans le cas d’un plan social. Le CPE n’a donc aucun rapport avec le CDI quant à la motivation du licenciement.

Pour plus tard, naturellement, la suite de ce feuilleton.

M. le président. L’avis de la commission et du Gouvernement est défavorable.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Si le Gouvernement continue à faire comme cela, je vais demander souvent des suspensions de séance. Le débat n’a eu lieu ni avec les organisations syndicales ni en commission ; trois ministres sont présents et aucun ne répond, pas plus que le rapporteur et le président de la commission ! Cela veut dire que la représentation nationale, c’est « cause toujours ! ». Respectez au moins la représentation nationale ! Même si vous n’avez pas grand-chose à dire parce que vous ne savez pas quoi dire, inventez quelque chose ! Vous avez des experts avec vous tout de même ! Ne restez pas silencieux comme ça !

Je vais poser une question au ministre.

M. le président. Votre question doit avoir un rapport avec le sous-amendement en discussion, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Tout à fait, monsieur le président – je ne demande pas encore une suspension de séance, mais ça va venir ! Monsieur le ministre de l’emploi et du travail – ou du chômage et de la précarité, comme on veut –, comment appréciez-vous le fait qu’une entreprise emploie aujourd’hui en France des salariés polonais qui sont payés avec un lance-pierre ? Bolkestein est-il ou non arrivé en France ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ça vous fait réagir ; là vous allez répondre !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 211.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre s’il souhaite dire un mot sur cette directive Bolkestein, qui n’a pas grand-chose à voir avec le texte en discussion.

M. Maxime Gremetz. Si, monsieur le président ! C’est le CPE polonais ! (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je dois d’abord redire à M. Gorce que le contrat première embauche est un CDI doté d’une période de consolidation d’au maximum deux années dont on déduit les autres contrats et stages, d’un préavis et d’indemnités de cessation de contrat, sans oublier le doublement de l’allocation forfaitaire…

Mme Martine Billard. C’est peu !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …en cas d’absence d’indemnités de chômage et le droit individuel à la formation. Pardonnez-moi de me répéter ainsi, monsieur le président. Sans doute est-ce nécessaire à la pédagogie.

Quant au second sujet, monsieur Gremetz, sachez que j’ai donné les instructions nécessaires. J’ai fait procéder à un certain nombre de contrôles, et je le dis très clairement : le Gouvernement sera sans faiblesse. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et il n’y a pas de directive Bolkestein parce qu’il n’y a toujours pas de projet de directive et que le gouvernement français, ainsi notamment que le député européen Jacques Toubon, se bat de manière très forte (Mêmes mouvements)

Mme Martine Billard. Laissez-nous rire !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …pour que le principe du pays d’accueil s’applique avant toute adoption d’un projet de directive relative aux services. Nous sommes un des pays les plus en pointe sur ce sujet. Je l’affirme clairement parce que ça suffit, ces procès d’intention sur la position du gouvernement français ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Daniel Paul. Alors retirez le CPE !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Notre gouvernement est le plus exigeant en matière de services d’intérêt général et de services d’intérêt économique général, et pour le respect du principe du pays d’accueil. C’est le combat que nous menons. Alors, j’en ai assez de recevoir des leçons de la part de ceux qui ont laissé passer des projets de directive sans réagir ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Bur. C’est un procès d’intention du procureur Gremetz !

M. le président. Nous n’allons pas entamer un débat sur cette affaire.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Je ne sais pas pourquoi le ministre s’énerve à ce point. S’il veut organiser un débat sur la directive Bolkestein, nous sommes tout à fait prêts à y participer dès maintenant. D’ailleurs, la semaine prochaine, le 14 février, le Parlement européen aura à se prononcer sur un projet de directive, et la question est simple : que fera l’UMP ? Sur ce point, nous avons les plus grands doutes et les plus grandes craintes. Vous pouvez toujours faire des moulinets, monsieur le ministre, mais l’important est ce que font les parlementaires de votre majorité au Parlement européen. On verra. Je ne fais pas de procès d’intention.

Monsieur le président, je demande une suspension de séance d’une demi-heure pour réunir mon groupe (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) parce que les conditions dans lesquelles travaille en ce moment l’Assemblée nationale ne sont pas acceptables. Il y a trois ministres au banc du Gouvernement, le président de la commission et le rapporteur,…

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Eh bien alors ?

M. Jean-Marc Ayrault. …mais mes collègues, avec qui je viens de faire le point, me disent qu’on ne peut plus travailler comme ça : on ne répond pas à nos questions ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maurice Giro. Ça fait quatre jours qu’on répond toujours aux mêmes questions !

M. Jean-Marc Ayrault. Je viens d’ailleurs, monsieur le ministre, d’en avoir la preuve à travers la formulation expéditive que vous venez de faire pour définir le contrat première embauche. On vous dit que c’est une période d’essai de deux ans,…

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Mais non ! C’est une période de consolidation !

M. Jean-Marc Ayrault. …et vous employez des formules alambiquées qui démontrent qu’il n’en est rien. On ne peut donc pas continuer comme cela. Je demande que, lorsque nous interpellons le Gouvernement ou la commission, on nous réponde sincèrement, sérieusement. Prenez le temps qu’il faut, mais répondez-nous sans dérision et sans ironie.

Monsieur le président, vous qui êtes si attaché aux droits de l’Assemblée nationale, je répète que le cœur de ce projet, tout le monde le sait maintenant, c’est le contrat première embauche, qui fait suite au contrat nouvelles embauches. Et c’est à travers un seul amendement du Gouvernement que nous devons l’examiner. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Bur. Le disque est rayé !

M. Jean-Marc Ayrault. Ne nous demandez pas de nous saborder. Nous ferons jusqu’au bout notre travail, mais pour cela, nous devons nous organiser. C’est pourquoi je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance d’une demi-heure.

M. le président. Étant donné le nombre de députés de votre groupe présents, un quart d’heure suffira amplement. (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en venons au sous-amendement n° 212.

Pouvons-nous considérer qu’il est défendu, monsieur Gorce ?

M. Gaëtan Gorce. Non, monsieur le président : je vais le défendre.

M. le président. Allons, un bon mouvement ! (Sourires.)

M. Gaëtan Gorce. Je le défendrai, ne serait-ce que pour permettre à mes collègues de regagner leurs places après cette suspension de séance. Par parenthèse, monsieur le président, vos minutes me semblent mesurées avec un chronomètre d’employeur, et non pas de salarié !

M. le président. Quinze minutes, c’est quinze minutes !

M. Gaëtan Gorce. De bien courtes minutes ! (Sourires.) Mais il vous revient de fixer les conditions du débat.

En soulevant tout à l’heure la question des motifs, j’avais utilisé l’image de la feuille de vigne masquant à peine la différence entre votre CPE et un contrat précaire, monsieur le ministre. Je voudrais maintenant souligner combien il est problématique d’assimiler le CPE à un contrat à durée indéterminée. Le simple fait qu’il ne comporte pas de terme ne permet pas de le qualifier comme tel, car il n’est pas soumis, lors de sa conclusion, aux règles qui régissent le CDI.

Conçu comme le mode normal de la contractualisation de la relation de travail, le CDI peut ne pas être établi par écrit – et, s’il l’est, une simple lettre peut suffire. Il n’en va pas de même pour le CPE, qui, dans l’amendement que vous nous présentez, doit être établi par écrit. C’est bien le signe que nous avons affaire à un contrat spécial, et non à un CDI de droit commun. Dans le droit du travail, seuls les contrats atypiques sont soumis à cette exigence de l’acte écrit.

Pourquoi donc les auteurs du projet ont-ils prévu une telle disposition ? On peut se le demander, d’autant qu’aucune formalisation particulière n’est demandée dans l’amendement gouvernemental : rien sur la rédaction de cet écrit, rien sur les conditions qu’il devrait mentionner, rien sur les formes qu’il devrait prendre ! Exiger que le contrat première embauche soit passé par écrit, c’est le rapprocher du contrat à durée déterminée, lequel doit être conclu par écrit tout comme le contrat d’intérim.

Enfin, contrairement à l’usage normal, l’exigence de l’écrit n’est pas sanctionnée. Pourquoi, dès lors, l’introduire ? Pourquoi passer si près du contrat précaire – « le coup passa si près », comme disait l’autre – et s’en éloigner brusquement au moment où l’on touche presque au port ? Sans doute parce qu’il ne s’agit de rien d’autre que d’entretenir la confusion et d’éviter qu’un parlementaire socialiste malintentionné en déduise qu’il ne s’agit pas d’un contrat à durée indéterminée, mais bel et bien d’un contrat précaire.

Comme il ne se trouve pas, dans cet hémicycle, de parlementaire animé par d’aussi noirs desseins, je suis persuadé que le Gouvernement va saisir l’occasion que je lui donne pour faire toute la clarté sur cette ambiguïté.

M. le président. Merci, monsieur Gorce. J’ai bien noté qu’il y avait des parlementaires socialistes malintentionnés.

M. Gaëtan Gorce. Pas du tout ! Pas plus qu’il n’y a de président de séance malintentionné !

M. le président. Naturellement ! (Sourires.)

L’avis de la commission est défavorable, tout comme celui du Gouvernement…

M. Maxime Gremetz. La commission peut donner son avis elle-même, monsieur le président ! Son président et son rapporteur sont payés pour cela !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je l’ai donné, monsieur Gremetz, mais on ne m’a pas entendu. Je suis d’un naturel un peu timide ! (Sourires.)

M. le président. Sur le vote du sous-amendement n° 212, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

En attendant, je donne la parole à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. J’aimerais que M. le ministre s’explique enfin sur cette modification du délai. Nous n’avons pas pu débattre du CNE du fait de l’utilisation de la procédure des ordonnances, et maintenant, sous prétexte qu’il a été fixé par une ordonnance, on applique ce délai à un nouveau contrat. J’imagine qu’on nous l’imposera ensuite pour d’autres contrats, sous prétexte qu’il est en vigueur pour le CPE !

Pourquoi, monsieur le ministre, en ce début d’année 2006, modifiez-vous tout à coup un délai pourtant constant dans notre code du travail ? Vous nous devez une réponse ! Il est en effet impossible de soutenir que le CPE est la meilleure des solutions, que c’est l’équivalent d’un CDI, et, dans le même temps, de transformer par petites touches le droit du travail de telle sorte que, dans six mois, vous nous annoncerez que vous supprimez tous les contrats divers et variés pour en faire un seul. Le « copier-coller » que vous avez effectué entre le CNE et le CPE, vous nous le referez dans six mois en arguant qu’il en est ainsi puisque l’Assemblée l’a déjà voté. La moindre des choses serait de nous répondre sur ce point précis.

M. le président. Voulez-vous dire un mot, monsieur le ministre ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Oui, monsieur le président.

M. Maxime Gremetz. Ah ! Bravo !

M. François Brottes. Tout de même !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Modérez vos transports, monsieur Gremetz ! Je me contenterai de rappeler que le délai est de deux mois pour contester un décret ou une ordonnance, de douze mois pour contester un licenciement. Je confirme à l’Assemblée nationale que c’est, selon nous, un délai raisonnable.

M. Gaëtan Gorce. Et la question que je vous ai posée à propos de la forme écrite du CPE, monsieur le ministre ?

M. le président. Ne voulez-vous pas dire un mot, monsieur Joyandet ? Nous avons encore un peu de temps avant de procéder au scrutin… (Rires.)

M. Alain Joyandet. Dans une autre vie, j’ai été journaliste de radio, monsieur le président : quand on demandait d’envoyer le sujet et qu’il n’arrivait pas, il fallait faire patienter les auditeurs. Puisque vous me demandez de faire du remplissage, je remarque que M. Ayrault a demandé une énième suspension de séance au prétexte que le Gouvernement ne répondait pas aux questions de l’opposition. Pourtant, le Gouvernement répond à ces questions – toujours les mêmes ! – depuis de nombreuses heures maintenant.

M. Maxime Gremetz. Quand il répond, tout va bien !

M. Alain Joyandet. Nos collègues socialistes sont en train de nous expliquer, et l’UDF avec eux, que le CPE et le CNE vont créer des difficultés. On se croirait dans une assemblée de prud’hommes !

M. François Brottes. C’est indigne d’être prud’homme ?

M. Alain Joyandet. Un de vos orateurs a dit que le porte-parole de l’UMP ne voulait pas faire de droit, voire qu’il n’y connaissait rien. En tout cas, je me méfie beaucoup des spécialistes.

Mme Martine Billard. Que pourrions-nous faire d’autre que du droit dans une assemblée législative ?

M. Alain Joyandet. Pour l’instant, le CPE n’existe pas encore.

M. Maxime Gremetz. Mais il a déjà fait des dégâts !

M. Alain Joyandet. Or, aujourd’hui, la diversité des contrats de travail dits « normaux » est telle que nos juridictions prennent un retard considérable dans le règlement des affaires. Vous êtes en train de nous expliquer qu’un contrat nouveau va créer nombre de problèmes alors que les contrats actuels ne sont déjà pas clairs.

Mme Martine Billard. Justement !

M. Maxime Gremetz. Vous nous apportez un très bon argument !

M. Alain Joyandet. Je n’y comprends plus rien ! Je ne suis pas un spécialiste, mais je sais que les jeunes de notre pays vous regardent.

M. Maxime Gremetz. C’est vous qu’ils regardent, et de travers !

M. Alain Joyandet. Croyez-moi, ils constatent le décalage entre leur situation précaire et le cinéma que vous nous imposez depuis plusieurs jours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. L’UDF est accusée d’examiner le CPE sur le plan juridique. Il me semble pourtant que l’objet de notre présence dans cet hémicycle est d’inscrire un nouveau contrat de travail dans notre droit !

On nous dit que ce contrat va réduire la précarité des jeunes. Mais personne n’a proposé de supprimer le CDD ou le contrat d’intérim qu’il est supposé remplacer. Nous sommes donc en droit de penser que le CPE vient seulement compléter la panoplie des contrats précaires et de nous interroger sur son intérêt. Ce n’est pas en en rajoutant une pile au droit du travail qu’on va le simplifier ! L’UDF considère que pour embaucher, les entreprises doivent pouvoir s’appuyer sur un code du travail lisible pour savoir où elles vont. Si on le change tous les six mois, on n’y arrivera pas ! Cela dit, je m’abstiendrai sur le sous-amendement n° 212.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 212.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Rappel au règlement

M. Maxime Gremetz. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz. La majorité nous reproche de ne pas donner une bonne image de l’Assemblée nationale, mais le non-débat auquel elle s’obstine y nuit encore plus ! Je pensais que cette enceinte était le lieu approprié pour débattre d’un projet qui engage l’avenir des jeunes.

M. le président. Où voulez-vous en venir ?

M. Maxime Gremetz. Pour que les membres de la majorité se reprennent, je demande une suspension de séance de dix minutes.

M. le président. Pour réunir les deux membres de votre groupe présents, une minute suffira.

M. Maxime Gremetz. Oh, monsieur le président !

M. le président. Je suis maître du temps qu’il convient d’accorder.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante, est reprise après quelques instants.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d’un sous-amendement n° 123.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Je suis surprise d’entendre un collègue nous reprocher de faire du droit dans cette assemblée. Nous sommes élus pour cela !

M. Alain Joyandet. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

Mme Martine Billard. En France, les lois sont codifiées, contrairement à l’Espagne, par exemple, où elles ne le sont pas. Comme nous avons une tradition de codification, nous devons travailler sur les articles du code. Vous n’êtes pas spécialiste, nous en sommes désolés, mais c’est l’UMP qui vous a choisi comme porte-parole sur ce texte. On fait avec ce qu’on a, mais la moindre des choses, s’agissant d’un projet de loi qui porte sur le droit du travail, c’est d’en discuter en termes de droit du travail.

En l’espèce, le onzième alinéa de l’amendement du Gouvernement introduit la même nouveauté que pour le CNE avec la notion d’envoi de la lettre recommandée. Or la procédure a toujours fait référence à la date de présentation de la lettre recommandée, c’est-à-dire la date à laquelle le facteur vient la présenter au domicile du salarié. C’est à partir de cette date que vont courir les délais de préavis et de licenciement. Si le salarié ne retire la lettre qu’au bout de huit jours, c’est son problème.

La nouveauté que vous introduisez avec l’envoi pose le problème de la preuve : comment prouver à quelle date l’envoi a été effectué ? En outre, vous vous plaignez souvent des irrégularités de délais entre la date de dépôt d’une lettre à La Poste et celle de son arrivée. Même en admettant que la privatisation arrange tout cela, il n’y a aucune certitude sur le délai : 24 heures, deux jours, plus ? À l’incertitude sur la date de l’envoi, vous ajoutez, dans un texte de loi, celle du délai d’acheminement. Sans compter les grèves – toujours possibles, même si vous êtes contre – à La Poste ! Considérerez-vous dans ce cas que c’est la date à laquelle l’entreprise a posté la lettre qui compte ? Il n’y a aucune jurisprudence en ce sens !

M. Alain Joyandet. Il est vrai que c’est un sujet capital pour l’emploi des jeunes !

Mme Martine Billard. C’est en effet un sujet capital pour l’emploi des jeunes et pour les entreprises. Hormis sa bonne foi, quelle preuve qu’il a effectivement envoyé la lettre le chef d’entreprise pourra-t-il opposer à la jurisprudence ? Vous avez beau jeu de dire que nous faisons de la procédure quand vous vous préoccupez de l’emploi.

M. Alain Joyandet. C’est sûr !

Mme Martine Billard. Si vous créez de nouveaux emplois, on peut penser qu’ils seront destinés aux jeunes. Mais si vous n’en créez pas, à qui prendrez-vous ceux qui existent pour les leur donner en CPE ? Il n’y a pas trente-six solutions : soit vous créez des emplois, soit vous les redistribuez entre les différentes catégories. Or le but n’est pas de dépouiller Pierre pour habiller Paul, mais de garantir un emploi à l’ensemble des salariés du pays.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Maxime Gremetz. Enfin ! On ne l’entendait plus !

M. Laurent Hénart, rapporteur. J’avais un chat dans la gorge !

La commission a rejeté ce sous-amendement, notamment parce que l’idée de date de présentation ne s’applique pas dans la procédure de licenciement.

Mme Martine Billard. Article L. 122-14-1 du code du travail !

M. Laurent Hénart, rapporteur. On le retrouve surtout en matière de délais. Nous nous étions entendus pour interroger le Gouvernement sur la différence entre la date de notification, utilisée notamment pour les licenciements dans le cadre du contrat à durée indéterminée, qui est le plus proche du CPE, et la date d’envoi retenue dans le texte. Il me semble que l’important est d’avoir un éclaircissement à ce sujet. En tout état de cause, avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je l’ai déjà dit cet après-midi : c’est la date d’envoi qui fait foi. En cas de grève, la jurisprudence permet de déduire les délais. L’essentiel est que le délai de prescription spéciale de douze mois n’est opposable au salarié que s’il a été expressément mentionné dans la lettre de licenciement. C’est donc à l’employeur qu’il appartient de le mentionner.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Il est de l’intérêt de tout le monde, dans une procédure de licenciement, de connaître la date à prendre en considération pour l’exécution et pour le délai de recours. Selon le rapporteur, l’innovation de la date d’envoi est d’autant plus fondée que la date de présentation n’existe pas. Non seulement elle existe, mais c’est même la règle générale. Je cite l’article L. 122-14-1 du code du travail : « L’employeur qui décide de licencier un salarié doit notifier le licenciement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ; la date de présentation de la lettre recommandée fixe le point de départ du délai-congé. »

M. Laurent Hénart, rapporteur. Du délai-congé !

M. Alain Vidalies. Le point de départ de tout ! La question n’est pas spécifique au droit du travail. Elle concerne la notification en général des décisions ayant des conséquences pour le destinataire de la lettre ou qui ouvrent un délai. Jamais vous ne trouverez un exemple dans le droit, y compris dans le droit civil, où l’Assemblée ait retenu la date d’envoi comme celle qui crée des droits. C’est une question de bon sens. Et si la personne a déménagé ? Et si une erreur est volontairement commise sur l’adresse ? Dès lors que c’est l’expéditeur qui crée le délai, il dispose de plusieurs solutions pour que celui-ci coure sans que le destinataire le sache. Il y a donc une insécurité juridique. Même si nous ne sommes pas d’accord, entendons-nous au moins pour faire une loi sûre, que tout le monde puisse connaître et respecter. Vous nous proposez là une innovation qui n’a strictement aucun sens et vos explications ne trouvent aucun écho dans le code du travail. Elle constituerait, au contraire, une singularité de plus pour ce contrat, qui en présente déjà beaucoup et auquel il faudrait quand même laisser quelques références communes avec le droit en général !

M. le président. Sur le vote du sous-amendement n° 123, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. François Brottes, pour répondre au Gouvernement.

M. François Brottes. Monsieur le ministre, vous n’ignorez pas – vous êtes un spécialiste aussi de ces questions –, que, depuis l’adoption de la loi de régulation postale, La Poste n’est plus le seul opérateur à procéder aux envois recommandés. En cas de mouvement social, celui-ci ne touchera pas tous les opérateurs et l’on pourra donc toujours reprocher à l’émetteur de n’avoir pas utilisé celui qui était disponible pour envoyer la lettre recommandée.

La seule bonne date de départ de la procédure de licenciement est la date de présentation du courrier recommandé, c’est-à-dire lorsque le salarié accuse réception de l’information, au demeurant dramatique, qui lui est envoyée. Cela est d’autant plus important dans le contexte actuel où l’excellent opérateur qu’est La Poste n’est plus le seul à proposer ce service et où nous nous trouvons dans une situation quelque peu flottante, un bon nombre d’opérateurs jouant aux apprentis sorciers en la matière.

Ce point éclaire nos débats au vu de réformes récentes. Je n’évoque même pas la privatisation éventuelle de l’opérateur postal. Je parle de l’ouverture à la concurrence des envois en recommandé, disposition qui a été adoptée nuitamment…

Mme Marylise Lebranchu. C’est vrai !

M. François Brottes. …par le biais d’un amendement au projet de loi relatif à la régulation postale. Nous l’avions dénoncée, le Gouvernement s’en était remis à la sagesse de l’Assemblée. Toujours est-il que c’est devenu la loi de la République et bon nombre d’opérateurs s’y mettent aujourd’hui.

Sur des questions aussi importantes, on ne peut pas improviser. Du temps où La Poste était un opérateur en situation de monopole, reconnu pour sa compétence et sa performance, l’envoi était sécurisé. Maintenant qu’il peut être confié à n’importe qui, il faut garantir les droits des destinataires destinataire de courriers recommandés.

M. Yves Bur. Procès d’intention !

M. François Brottes. Le rapporteur a eu raison de réclamer des réponses précises sur cette question. C’est un vrai problème. Le nouvel éclairage que j’ai apporté au débat, monsieur le président, est d’insister sur le fait que nous sommes dans un nouveau contexte de transport des lettres recommandés.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Hénart, rapporteur. Afin de lever toute ambiguïté, je précise que l’article du code du travail mentionné par M. Vidalies concerne le préavis, le point de départ du délai-congé, et que le neuvième alinéa de l’amendement du Gouvernement, relatif lui aussi au préavis, dispose bien, comme dans le code du travail, que le délai court à partir de la présentation du courrier.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Bien sûr !

M. Laurent Hénart, rapporteur. Nous ne traitons pas ici du préavis, du point de départ du délai-congé, mais de la prescription. Pour le CDI, aux termes de l’article L. 321-16 du code du travail, celle-ci ne court pas à partir de la présentation, mais de la notification. C’est pourquoi je jugeais préférable, dans un souci de stabilité juridique, d’en rester à la terminologie adaptée du CDI sur laquelle une jurisprudence s’est constituée, et que j’interrogeais le Gouvernement sur une éventuelle différence entre envoi et notification.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 123.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 594.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. Il est regrettable que le Gouvernement n’ait pas répondu à cette question, non plus qu’à la précédente portant sur la nécessité d’un écrit pour la conclusion d’un CPE, contrat supposé être à durée indéterminée mais dont toutes les caractéristiques nous amènent, petit à petit, à l’assimiler sinon à un contrat à durée déterminée, en tout cas un contrat précaire.

Après les motifs de licenciement et l’établissement par écrit de ce contrat, ma comparaison portera sur l’indemnisation auquel il donne droit.

Sauf en cas de faute grave ou lourde, la rupture d’un contrat de travail à durée indéterminée, ouvre droit à indemnisation, laquelle, conformément au droit commun de la responsabilité, dépend de la nature et de l’étendue du préjudice subi par le salarié. Elle peut donc varier selon les cas. Or, dans le cas d’un contrat première embauche, cette indemnité est fixée forfaitairement par la loi à 8 %, c’est-à-dire moins que dans le cas d’un CDD. Ce n’est donc pas la nature et l’étendue du préjudice subi par le salarié qui déterminera son montant.

Cette disposition est aux antipodes de celles qui régissent le contrat à durée indéterminée, mais rejoint, par contre, celles du contrat à durée déterminée ou du contrat de travail temporaire. Elle rappelle l’indemnité que l’employeur doit, en application des articles L. 122-3-4 et L. 124-4 du code du travail, verser au salarié au terme d’un contrat temporaire ou en intérim,.

Fixée à 10 % depuis la loi du 17 janvier 2002, cette indemnité est « destinée à compenser la précarité » de la situation du salarié, et c’est d’elle que vous vous êtes inspirés pour le CPE. Sinon, pourquoi auriez-vous prévu une disposition de cette nature ? L’indemnité de 8 % est bel et bien une indemnité de précarité qui ne dit pas son nom, tout comme le CPE est un contrat précaire qui ne dit pas son nom.

Son existence même trahit le malaise des auteurs de ce texte devant les dispositions relatives à l’indemnisation puisque l’absence d’application de celles-ci durant deux ans permet le versement d’une indemnité semblable à celle prévue pour un CDD. Elle s’apparente donc davantage à une indemnité de précarité qu’à l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse qui aurait dû normalement s’appliquer.

Si j’ai pris ces trois exemples, monsieur le président, c’est pour procéder à une comparaison aussi fine que possible entre le CPE et les CDD et les CDI. Après avoir procédé au « test d’ADN », monsieur le ministre, je constate que le CPE n’est pas un CDI : il en diffère par les motifs de licenciement, la forme du contrat et l’indemnisation auquel il donne droit. C’est bien un contrat précaire.

La démonstration est faite. À supposer que M. le ministre accepte de nous répondre, ce qui n’est pas garanti, il aura du mal à nous persuader que ce que je me suis évertué à démontrer au cours de mes différentes interventions ne correspond pas à la réalité.

C.Q.F.D. ! Le CPE n’est qu’un contrat précaire. Et je montrerai tout à l’heure, avec votre bienveillance, monsieur le président, sur laquelle je sais pouvoir compter dans l’intérêt même de ce débat et pour la qualité de celui-ci, que ce contrat est même moins bon qu’un CDD.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis. Défavorable.

M. le président. J’indique dès à présent que, sur le vote du sous-amendement n° 594, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Mesdames, messieurs les députés, je vous renvoie au dernier alinéa de l’amendement dans lequel sont prévues les conditions et modalités selon lesquelles un salarié embauché sous le régime du CPE peut bénéficier de la convention de reclassement personnalisé et j’en profite pour faire le point sur ce dispositif que nous avons mis en place au printemps dernier.

Depuis huit mois, 30 000 personnes en ont bénéficié, ce qui représente plus de 106 000 entretiens, un grand nombre d’ateliers de préparation à l’emploi, 23 000 envois en prestation et près de 5 000 envois en formation spécifique.

La convention de reclassement personnalisé est un vrai dispositif de sécurisation du parcours de retour vers l’emploi.

M. Francis Vercamer. C’est vrai !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Nous avons bien l’intention de renforcer ce dispositif pour les titulaires d’un CPE dont le contrat viendrait à être rompu. C’est un élément supplémentaire, me semble-t-il, pour donner au parcours de retour vers l’emploi plus de chance et plus de force. En même temps, grâce à ce dispositif, nous accompagnerons encore davantage les jeunes les plus précaires et les plus en difficulté. En effet, il ne suffit pas d’avoir un emploi. Le jeune doit parfois être également accompagné, à l’instar de ce que font les missions locales, pour lui éviter de vivre des ruptures successives du fait de ses difficultés d’insertion.

C’est d’ailleurs ce que nous allons demander au service public de l’emploi. Comme vous le voyez, c’est ce parcours d’accès à l’emploi dont nous faisons notre priorité au travers du contrat première embauche.

M. Maxime Gremetz. Ne croyez pas cela, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Je veux d’abord porter à la connaissance de notre assemblée une information très importante : de trois amendements à l’heure, nous sommes passés à six. Nous avons doublé notre rythme

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Grâce au Président !

M. Maxime Gremetz. Vous nous encouragez à ralentir !

M. Alain Joyandet. Et cela grâce au Président. À ce train-là, nous avons de grandes chances d’avoir terminé nos travaux à la fin de la semaine prochaine… Cela nous obligera à revoir les dates des vacances parlementaires. Sinon, cela risque de poser un problème.

Cela étant dit, je suis consterné par le degré de détail dans lequel on entre. Madame Billard, je n’ai pas dit que je ne comprenais rien au droit, mais que je ne comprenais rien à votre position. Pour avoir créé ma première entreprise à vingt-quatre ans, j’ai fait un peu de droit et connais un peu les problèmes de l’emploi.

Mais comment peut-on passer autant de temps sur le problème des envois en recommandé ? Le délai court-il à partir de la date d’envoi ou de la date de réception ? On perçoit même, sous-jacent à ces questions, un procès d’intention à l’égard des entreprises, que vous soupçonnez d’adresser exprès le courrier à une mauvaise adresse pour que le délai commence à courir plus tôt.

M. François Brottes. Personne n’a dit cela !

M. Alain Joyandet. Vous l’avez pensé si fort que plusieurs d’entre nous l’ont entendu.

Mme Martine Billard. Même pas !

M. Alain Joyandet. Vous auriez pu aussi évoquer le cas des destinataires qui n’iraient pas retirer leurs envois recommandés !

Mme Martine Billard. Je propose de retenir la date de présentation !

M. Alain Joyandet. Vous savez bien, chère collègue, que le destinataire d’une lettre recommandée doit souvent aller la chercher à La Poste. Il en est averti par un imprimé déposé dans sa boîte aux lettres et ne signe donc rien à ce moment-là.

Mme Martine Billard. Eh bien, l’imprimé suffit : c’est une preuve !

M. Alain Joyandet. Si la boîte aux lettres n’est pas la bonne, la mauvaise foi de personne ne saurait être mise en cause.

Quand, dans un débat comme celui qui nous occupe, où l’on se creuse la tête pour trouver des solutions pour l’emploi des jeunes,…

M. Maxime Gremetz. Vous ne vous creusez pas beaucoup la tête !

M. Alain Joyandet. …on passe plus de dix minutes à traiter de l’envoi des recommandés, c’est la preuve qu’on fait de l’obstruction et cela explique le rythme des six amendements à l’heure. Heure après heure, sous couvert de codifier la loi, vous poursuivez votre obstruction systématique. Préciser la loi, c’est évidemment le rôle du Parlement mais, à ce train, ce n’est pas admissible.

Au nom du groupe UMP, je regrette une fois de plus l’attitude de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Avec cet amendement du Gouvernement, vous changez complètement le droit du travail et vous nous accusez de faire de l’obstruction !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 594.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 595.

Je ne suis pas encore saisi d’une demande de scrutin public mais, comme je ne vais pas manquer de l’être, je décide moi-même, conformément au règlement, de l’annoncer. Cela vous évitera de m’en faire la demande par écrit et cela me permettra de faire courir le délai à partir de maintenant afin d’essayer d’atteindre une vitesse d’examen de sept sous-amendements à l’heure ! (Sourires.)

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. Maxime Gremetz. En avez-vous le droit, monsieur le président ?

M. le président. Oui, monsieur Gremetz, j’en ai le droit !

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour soutenir le sous-amendement n° 595.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, je ne vous imaginais pas adepte du stakhanovisme, doctrine qui date d’une époque révolue et qui a sévi dans un pays avec lequel je ne vous sentais aucune attache. Je peux en conclure que nous ne prendrons pas un rythme trop élevé. Pour notre part, nous adopterons celui qui permettra d’obtenir des réponses à nos questions, ce qui n’a pas été possible pour l’instant. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

J’ai fait la démonstration, sans être démenti, que le CPE n’était pas un contrat à durée indéterminée. Je n’ai entendu aucune objection de la part du Gouvernement. Je vais voir si j’obtiens des réactions plus virulentes, plus précises et plus convaincantes après avoir démontré que le CPE est pire encore qu’un contrat à durée déterminée.

Contrairement à ce que semble penser notre collègue Joyandet, je vais le faire non parce que nous chercherions à gagner du temps, mais parce que nous voulons apporter dans le débat toutes les précisions nécessaires pour que chacun puisse se faire une opinion. Je le fais à l’intention de mes collègues dans cet hémicycle, de nos concitoyens à l’extérieur de cette enceinte et des partenaires sociaux.

Premier élément qui caractérise ce CPE, qui est en retrait par rapport à un contrat à durée déterminée : l’absence de formalisme.

Jusqu’à présent, le législateur s’était efforcé d’entourer les contrats précaires de règles particulières assurant une certaine protection. Ainsi, tant le CDD que le contrat en intérim doivent être établis par écrit – c’est d’ailleurs une similitude avec le CPE. Mais ils doivent alors comporter un certain nombre de mentions particulières, qui sont protectrices pour le salarié.

Le non-respect de ces mentions est sanctionné par la requalification du contrat de travail précaire en CDI. En matière de CDI, l’article L. 122-3-1 du code du travail, modifié par la loi du 12 juillet 1990 – voyez que c’est précis –, a posé le principe selon lequel, à défaut d’écrit, le contrat à durée déterminée était réputé être à durée indéterminée.

La Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 21 mai 1996, que ce texte instaure une présomption irréfragable de contrat à durée indéterminée.

S’agissant du contrat de travail temporaire, les textes imposent la rédaction d’un écrit avec des mentions obligatoires, en ce qui concerne tant le contrat de mise à disposition que le contrat de mission.

Ce n’est pas ce que prévoit le CPE, qui est donc en retrait, y compris par rapport à ces contrats.

Dans un arrêt du 12 juin 1981, la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que l’omission de l’écrit entraînait la nullité du contrat en tant que contrat de travail temporaire. Rien de tel n’est prévu dans le contrat première embauche, lequel n’est assorti d’aucun formalisme ni d’aucune sanction.

Si je continue mon « test ADN », la comparaison avec le CDD va progressivement tourner au désavantage du contrat première embauche. Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, je ne procède pas par assertions, en avançant des arguments d’autorité ; je me livre simplement à une démonstration.

M. François Brottes. C’est très clair !

M. Gaëtan Gorce. J’ai pris l’exemple le plus simple : l’absence de formalisme. Je pourrais tout aussi bien évoquer la limitation du domaine de recours et l’incertitude liée au contrat. J’arrête là mon propos, mais je serai obligé d’y revenir afin d’étayer notre démonstration et d’assurer la clarté du débat.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à ce sous-amendement.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je souhaiterais dire un mot de la convention de reclassement personnalisé.

L’UDF n’est pas contre ce que propose le Gouvernement. Et je tiens à féliciter M. le ministre pour cette excellente mesure, qui, dans le Nord, a été testée sur les salariés du textile. Nous ne pouvons qu’approuver les bonnes mesures. Nous les encourageons. Je dirai même que nous les « poussons ».

M. Yves Bur. C’est le tri sélectif ! (Sourires.)

M. Francis Vercamer. En ce qui concerne le CPE, je reconnais que M. le ministre fait des efforts pour essayer de donner aux jeunes des moyens de s’insérer. Mais je ne suis pas convaincu qu’il s’agisse là d’un bon contrat de travail. Je me suis déjà expliqué à cet égard. J’ai posé des questions. Mais je n’ai pas obtenu de réponses.

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je suis quelque peu étonnée par les propos de M. Joyandet – même si ce n’est pas la première fois qu’il se livre à ce genre d’affirmations depuis le début de ce débat – selon lesquels nous ferions de l’obstruction, nous ne poserions pas les bonnes questions et nous livrerions une bataille de procédure.

Je vous ai interrogé ce matin, monsieur le ministre, sur la croissance, qui m’apparaît comme un élément essentiel à la création d’emplois.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Bien sûr !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je n’ai obtenu aucune réponse de votre part. Mme Billard vous a, elle aussi, interrogé hier après-midi.

Mme Martine Billard. Pas sur la croissance !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. MM. Vidalies et Gorce également. En vain ! Vous nous accusez de faire de la procédure, mais, lorsque nous posons des questions d’ordre économique, nous n’obtenons pas de réponse.

J’en reviens au CPE. Pourquoi, monsieur Joyandet, sommes-nous inquiets ? J’ai relu, pendant les interruptions de séance, le rapport de la commission. Je peux comprendre – car telle est votre position idéologique – que vos collègues de la majorité souhaitent « un petit peu de souplesse dans le droit du travail ».

M. Maxime Gremetz. Oh ! là ! là !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. On peut admettre un tel point de vue. Mais j’ai relevé, à la page 71 du rapport, des propos qui me paraissent inquiétants – c’est pourquoi je vous parlais ce matin d’ « effet d’aubaine » pour les entreprises. Une de nos collègues a déclaré que « son expérience dans l’entreprise lui a montré que le premier frein à l’embauche réside moins dans le coût que représente un salarié que dans la crainte de l’employeur de ne pas pouvoir se séparer de ce dernier dans le cas où il ne conviendrait pas au poste… » – on peut encore le comprendre – « …ou en cas de baisse de l’activité de la société ». Ainsi que je l’ai souligné en commission, on risque de voir apparaître des contrats de travail qui ne répondront qu’aux besoins de l’entreprise : « J’ai une hausse de chiffre d’affaires ; j’embauche. Je n’en ai plus ; je vire. » Il s’agit non d’un problème de droits, mais d’un problème de protection. Je ne suis pas sûre que cela soit bon pour les entreprises.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 595.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

……………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je suis saisi d’un sous-amendement n° 213.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. Le sous-amendement n° 213 va me permettre de poursuivre la démonstration engagée, puisque nous étions convenus, depuis le début de notre débat sur le contrat de première embauche, que les sous-amendements serviraient de base à une discussion qui ne pouvait pas porter directement sur l’esprit ni sur le fond de l’amendement.

J’ai pris tout à l’heure l’exemple de l’absence de formalisme et j’ai souligné que le CPE était moins protecteur pour le salarié qu’un CDD. Je prendrai un deuxième exemple – qui, monsieur le ministre, n’ébranlera, sans doute pas votre conviction, qui, manifestement est déjà faite. Il s’agit de la limitation du domaine de recours du contrat première embauche.

Ainsi que vous le savez, le contrat de première embauche est limité aux jeunes de moins de vingt-six ans recrutés par les entreprises de plus de vingt salariés. Comme dans tout contrat précaire, les conditions de recours au contrat première embauche sont limitées. Mais, du point de vue de la protection, cette limitation est, là encore, sans comparaison aucune avec la limitation des cas de recours prévus en matière de contrat de travail à durée déterminée et de contrat de travail temporaire.

On sait en effet que l’employeur ne peut recourir à un contrat de travail à durée déterminée ou à un contrat de travail temporaire que dans un certain nombre de cas spécifiés. Autrement dit, les contraintes que subira le salarié – notamment quant à l’absence de certitude sur la durée de son emploi – sont compensées par les conditions spécifiques dans lesquelles le recours à ces contrats pourra intervenir.

Ceux-ci peuvent être regroupés en quatre catégories : le remplacement des salariés absents ; l’accroissement temporaire d’activité ; la variation inhérente à la nature de l’entreprise ; enfin, les contrats aidés. Mais, pour ces derniers, le législateur a instauré des procédures de contrôle, ainsi que des sanctions. En effet, dans le cadre de l’action en requalification, le juge prud’homal est appelé à contrôler le motif du recours au contrat de travail à durée déterminée ou au contrat de travail temporaire. En cas de non-respect des règles applicables, l’employeur est sanctionné par la condamnation à une indemnité de requalification. C’est ce que prévoient les articles L. 122-3-13 et L. 124-7-1 du code du travail. À cette sanction peut également s’ajouter, dans certaines hypothèses spécifiquement précisées, une sanction pénale.

Une telle protection n’est pas prévue en matière de contrat de première embauche. Que se passera-t-il lorsqu’un salarié invoquera devant un tribunal la non-conformité au texte légal ? Ce sera par exemple le cas d’un contrat première embauche conclu dans une entreprise de moins de vingt salariés. Comment, monsieur le ministre, cette question juridique pourra-t-elle être résolue ? Certainement pas à l’avantage de l’entreprise, ni du salarié ! C’était le deuxième élément de ma démonstration, dont vous connaissez maintenant le leitmotiv : « C’est moins bien qu’un CDI, c’est peut-être pire qu’un CDD. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Ce sous- amendement est satisfait par l’alinéa 24 de l’amendement n° 3 rectifié du Gouvernement, aux termes duquel les personnes dont le contrat première embauche aura été interrompu bénéficieront de la convention de reclassement personnalisé.

La commission l’a donc repoussé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, un certain nombre de questions vous ont été posées par M. Gorce, qui sont restées sans réponse : la qualification du contrat, vos projets en ce qui concerne les jeunes, votre approche globale de leur place dans la vie active.

Nous avons eu le contrat nouvelle embauche. Il y a eu aussi, à la même époque, l’idée de sortir les jeunes de vingt-six ans de l’effectif pour la mise en place des délégués du personnel ou des comités d’entreprise – idée à laquelle le Gouvernement a dû alors renoncer car le Conseil d’État a craint qu’une telle disposition ne soit incompatible avec les engagements européens de la France. Il semble qu’il y ait dans votre esprit une distinction entre l’accès à la citoyenneté politique – fixée à dix-huit ans – et l’accès à la citoyenneté sociale. Tel est le message que vous adressez aux jeunes depuis plusieurs semaines. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 213.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. Gaëtan Gorce. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. On va trop vite ?

M. Maxime Gremetz. Oui !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.

M. Gaëtan Gorce. Si nos explications vont relativement vite, monsieur le président, les réponses du Gouvernement tardent à venir.

Nous sommes dans une sorte d’échange stéréophonique dans lequel une seule des baffles fonctionnerait, l’autre étant malheureusement en panne.

M. Jean Leonetti. Ce n’est pas de la stéréophonie, mais de la mono amplifiée !

M. Gaëtan Gorce. Après la petite musique de l’opposition, on attendait la flûte traversière, le moment béni de la harpe. Bref, on espérait que le Gouvernement entonne enfin sa partition. Mais notre oreille musicale reste déçue.

M. Maxime Gremetz. On n’entend qu’un ronflement !

M. Georges Tron. Tout ça, c’est du pipeau !

M. Gaëtan Gorce. Le Gouvernement reste silencieux.

M. le président. Tout le monde n’est pas sur la même partition ! (Sourires.)

M. Gaëtan Gorce. Pour permettre à M. Joyandet d’élargir sa gamme et au Gouvernement de retrouver l’ensemble de la partition, je demande une suspension de séance de quinze minutes, afin de réunir mon groupe. Cela permettra peut-être au Gouvernement d’apporter les réponses nécessaires aux questions que nous avons posées.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente, est reprise à vingt-trois heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d’un sous-amendement n° 596.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. J’ai indiqué tout à l’heure les problèmes que pouvait poser le CPE par rapport au CDD. En poursuivant mes investigations, j’ai trouvé d’autres éléments défavorables au CPE : en particulier, l’incertitude liée à la durée du contrat.

Je rappelle à ceux qui auraient manqué d’attention – et dans cet hémicycle, ils sont peu nombreux – que les deux arguments précédents portaient sur l’absence de formalisme et la limitation du domaine de recours au contrat première embauche.

Avec l’incertitude liée à la durée du contrat, je poursuis par petites touches le dessin qui, malheureusement, révèlera lorsque l’on aura relié les différents points, un peu comme dans certains jeux, un contrat précaire.

Le contrat à durée déterminée et le contrat de travail temporaire sont garantis pour une certaine durée, ce qui est à la fois une faiblesse et un avantage, car pendant cette période, le titulaire n’est pas concerné par des motifs de rupture, hors situation exceptionnelle, force majeure ou faute grave. Or tel n’est pas le cas du contrat première embauche, ce qui démontre qu’il est moins favorable – et c’est un élément central – que le CDD.

Aux termes de l’article L. 122-1-2 du code du travail – paragraphe I et II – le contrat de travail à durée déterminée doit comporter un terme fixé avec précision dès sa conclusion. Il peut être renouvelé une fois pour une durée déterminée qui, ajoutée à la durée du contrat initial ne peut excéder dix-huit mois. Il existe cependant une exception à ce principe pour les contrats de remplacement, les contrats saisonniers ou les contrats d’usage, lesquels peuvent ne pas comporter de terme précis. Mais dans cette hypothèse, le paragraphe III de l’article L. 122-1-2 dispose que le contrat conclu ainsi sans terme précis doit l’être pour une durée minimale et qu’il a pour terme la fin de l’absence du salarié remplacé ou la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu.

M. le président. Monsieur Gorce…

M. Gaëtan Gorce. Je comprends votre impatience de connaître ma conclusion, monsieur le président. Malheureusement, celle-ci sera sans surprise : durée maximale, durée minimale, autant de garde-fous qui sont présents dans ces contrats précaires, mais qui sont inexistants dans le contrat première embauche.

Je sais que je mets un terme à une attente intolérable et à un suspense particulier, mais, force est de constater que le CPE apparaît ainsi comme une convention échappant à tout contrôle avec un pouvoir de l’employeur sans contre-pouvoir, sans garantie de durée. Pendant les deux années de la période d’essai dite de consolidation, il est plus fragile et plus précaire qu’un contrat à durée déterminée.

M. Borloo, qui n’est, malheureusement, plus présent pour débattre avec nous, a prétendu que nous défendions le CDD. Bien entendu, nous ne le défendons pas car nous préférons le CDI. Mais comparé au CPE, le CDD, c’est mieux que le CPE. Dans le tiercé entre ces trois contrats, le CPE arrive bon dernier, et je ne suis pas sûr qu’il méritait de prendre le départ !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. La commission a étudié ce sous-amendement avec beaucoup d’intérêt car il contient une excellente idée. Il propose en effet de faire profiter les jeunes dont le contrat première embauche aurait été rompu de la convention de reclassement personnalisé.

Cette convention, puisque l’on parle de précarité, je crois utile d’en dire quelques mots. Elle prévoit une période de huit mois pour se reconstruire : bilan de compétences, orientation, soutien psychologique, validation des acquis de l’expérience, activation du droit individuel à la formation, orientation vers les métiers en recrutement.

La loi de cohésion sociale de janvier 2005 a permis d’étendre la convention aux entreprises de moins de mille salariés. Un accord entre les partenaires sociaux, début avril, une convention, fin avril, et un arrêté d’extension du ministre en mai ont rendu le dispositif opérationnel.

Mais le sous-amendement étant pleinement satisfait par l’alinéa 24 de l’amendement n° 3 rectifié du Gouvernement, la commission l’a repoussé. Néanmoins, nous partageons votre avis, monsieur Gorce, sur le fait que l’ouverture de cette convention constitue une véritable arme contre la précarité.

M. le président. Sur le vote du sous-amendement n° 596, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement en discussion ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Le congé de reclassement, d’une durée de neuf mois, est prévu dans les entreprises de plus de mille salariés et permet aux salariés licenciés pour motif économique de bénéficier d’une rémunération et d’une formation.

Dans la loi de cohésion sociale, nous avons voulu que les salariés des entreprises de moins de mille salariés puissent bénéficier de droits très proches. Voilà pourquoi la convention de reclassement personnalisé a été mise en place. J’en donnais tout à l’heure un premier bilan d’étape.

Pour prendre en considération la nécessité de cet accompagnement, notre amendement prévoit clairement que les partenaires sociaux devront ouvrir des négociations afin que cette convention de reclassement personnalisé s’applique aux titulaires d’un CPE.

J’en profite, monsieur le président, pour évoquer l’encadrement des cas de recours au CPE, sujet dont nous avons parlé à plusieurs reprises. Seuls les cas de recours au CDD ou à l’intérim sont limitativement encadrés par le code du travail : article L. 124-2-1 et article L.122-1-1. En revanche, en matière de CDI, le principe est la liberté. S’agissant du CPE, je confirme, si besoin en est, qu’il constitue un contrat à durée indéterminée, qui se différencie du CDI de droit commun exclusivement par le fait qu’il existe une période de consolidation de deux ans au maximum, pendant laquelle les règles de rupture sont dérogatoires. Je rappelle que peuvent être déduits de cette période les formations en alternance et les stages et que les droits du salarié en matière de préavis et d’indemnité sont accrus. Le champ du CPE est en conséquence ouvert, à la seule exception des emplois saisonniers.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, nous avons du mal à comprendre la solution que vous avez retenue, au regard de la démonstration que vous venez de faire.

Si le CPE constitue un véritable CDI, aucun de ses éléments ne devrait permettre d’établir un lien avec le CDD ou l’intérim. Or, pour des raisons que vous n’avez pas expliquées, vous avez pris soin de préciser que l’emploi saisonnier est exclu de son champ. Cela implique-t-il que les secteurs que vous n’avez pas cités y sont inclus ? Dans le même temps, je vous le rappelle, vous avez élargi les conditions de recours à l’intérim.

Dans ces conditions, je ne comprends pas comment vous pouvez continuer à affirmer que vous entendez lutter contre la précarité par le CPE car il y a une contradiction entre votre texte et l’analyse que vous en proposez.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 596 .

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d’un sous-amendement n° 57.

Je décide, en vertu du deuxième alinéa de l’article 65 de notre règlement, que l’Assemblée se prononcera par scrutin public sur le sous-amendement.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir le sous-amendement n° 57.

M. Daniel Paul. La loi n’a jamais fixé la durée de la période d’essai. Ce sont les conventions collectives ou les contrats individuels qui la fixent, étant entendu que le contrat individuel ne peut jamais prévoir une durée supérieure à celle de la convention collective. La jurisprudence de la Cour de cassation est très claire à ce sujet : il s’agit d’une période destinée à tester la valeur professionnelle d’un salarié. Pour être conforme à cet objet, elle doit donc être courte. En conséquence, les conventions collectives fixent des durées relativement limitées : un mois pour les ouvriers et les employés, trois mois pour les cadres.

La jurisprudence a abondamment établi que la période d’essai ne devait pas être détournée de son objet. La Cour de cassation considère comme une fraude le fait de prévoir une durée excessive pour cette période.

Supposons que vous mainteniez votre projet d’inscrire dans la loi que la période d’essai est de deux ans. Comme les conventions collectives peuvent toujours prévoir des dispositions plus favorables aux salariés, elles auront la possibilité de retenir une période d’essai de un à trois mois, selon les catégories professionnelles. Pour que votre projet soit opérationnel, il vous faudrait donc rédiger un article précisant que toutes les dispositions des conventions collectives relatives aux périodes d’essai sont caduques. Il vous faudrait, pour la première fois dans l’histoire des conventions collectives, interdire aux partenaires sociaux de prévoir au profit des salariés des dispositions plus favorables que la loi. Cela constituerait une remise en cause du fondement même de la loi ayant instauré les conventions collectives, alors même que vous vous vantez d’être un partisan du dialogue social. Votre projet est, de ce point de vue, une attaque sans précédent contre la négociation collective. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le MEDEF vous a bien mal inspiré sur ce point.

M. le président. L’avis de la commission de la commission et celui du Gouvernement sur le sous-amendement sont défavorables.

Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 57 .

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d’un sous-amendement n° 176.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour le soutenir.

M. Jean Gaubert. Si l’histoire n’était pas aussi triste, je pourrais commencer en plagiant Coluche : « C’est l’histoire d’un mec ». Il était boucher dans un supermarché du Pas-de-Calais. Recruté en contrat nouvelles embauches, il a profité de son samedi libre pour faire ses courses chez son employeur. Mais le fait de déambuler en jogging, mal fagoté, alors que l’on peut croiser des clients au détour d’un rayon n’a pas plu. Dès le lundi, il était convoqué par sa direction : elle l’a remercié en lui reprochant une tenue négligée qui ne correspondait pas à l’image du magasin. Rien n’a été écrit. L’employeur a pu se débarrasser de son employé sans motiver sa décision : voilà l’effet CNE !

Monsieur le ministre, vous nous expliquez depuis plus d’une semaine que de telles choses ne peuvent pas arriver. Dans ce cas, la moindre des choses, c’est que ce patron voyou soit poursuivi, mais cela ne sera malheureusement pas possible, car il avait le droit pour lui. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Bur. Caricature !

M. Jean Gaubert. C’est le sort que connaissent les jeunes qui ont dû accepter le fameux CNE.

Ce cas, je ne l’ai pas inventé : c’est un témoignage qui a été recueilli par un syndicat qui s’appelle la CFTC.

M. le président. La commission et le Gouvernement émettent un avis défavorable à l’adoption de ce sous-amendement.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Nous allons à partir de maintenant donner des exemples, fondés sur des témoignages.

M. le président. Pardonnez moi de vous interrompre, monsieur Vidalies, mais j’avais oublié de dire que j’avais décidé que, sur le vote du sous-amendement n° 176, il y aurait un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Veuillez poursuivre, monsieur Vidalies.

M. Alain Vidalies. Pour ceux qui auraient des doutes sur leur authenticité, je peux fournir les noms, les dates et même demander aux personnes concernées de venir dire ce qui leur est arrivé.

Dans le cas cité par M. Gaubert, il faut souligner que si le salarié avait eu un autre type de contrat de travail, il aurait été impossible à son patron de motiver le licenciement par le fait que sa tenue ne correspondait pas au standing du magasin. Avec le CNE, celui-ci a indiqué le motif verbalement, mais il n’a pas eu à le notifier dans la lettre de licenciement. C’est ce qui attend beaucoup de jeunes avec le CPE.

M. le président. Monsieur le ministre, voulez-vous ajouter quelque chose, nous avons encore trois minutes avant de procéder au scrutin.

M. François Brottes. Trois minutes et trente secondes ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Joyandet. Si ce n’est pas de l’obstruction, ça !

M. le président. Calculer à la seconde près pour retarder les débats, c’est vraiment donner une bien mauvaise image de notre Parlement.

Vous avez la parole, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. J’aimerais apporter une précision à propos du sous-amendement n° 176. Nous devons la protection aux salariés titulaires d’un mandat syndical ou représentatif et à leurs suppléants : aucune des situations auxquelles le code du travail attache une protection n’est évidemment exclue.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Une telle protection relève pour nous de l’évidence.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Ça va mieux en le disant !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Peut-être que ça va mieux en le disant, mais nous avons défendu dans nombre de nos sous-amendements des choses qui nous semblaient aussi relever de l’évidence ; or dans certains cas, vous avez pris soin de confirmer les protections offertes par le code du travail, et dans d’autres, non. Que faut-il en conclure ? Qu’il y a des différences dans les protections ou simplement que le Gouvernement n’a pas toujours envie de nous répondre ?

L’évidence n’est cependant pas complète car les jeunes de moins de vingt-six ans demeurent dans la minorité sociale selon vous.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 176.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi de trois sous-amendements, nos 59, 126 et 216, pouvant être soumis à une discussion commune. Les sous-amendements nos 59 et 126 sont identiques.

Je décide que sur le vote des sous-amendements identiques nos 59 et 126, ainsi que sur le vote du sous-amendement n° 216, l’Assemblée se prononcera par scrutin public.

Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir le sous-amendement n° 59.

M. Dominique Tian. Ce sous-amendement vise à inclure les femmes enceintes au nombre des personnes protégées contre une rupture de contrat.

J’ai été quelque peu étonné que l’amendement du Gouvernement précise que « La rupture du contrat doit respecter les dispositions législatives et réglementaires qui assurent une protection particulière aux salariés titulaires d’un mandat syndical ou représentatif. » Les femmes enceintes méritent le même genre de protection.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir le sous-amendement n° 126.

Mme Martine Billard. Une fois de plus, le rôle des députés Verts est d’apporter des précisions, n’en déplaise à M. Joyandet, afin d’éviter toute ambiguïté par la suite.

À l’heure actuelle, une salariée ne peut pas être licenciée pendant une période d’essai pour le simple fait d’être enceinte et le licenciement doit être motivé. Or, comme le ministre s’obstine à nous répéter qu’il ne s’agit pas d’une période d’essai, mieux vaut donc prévoir dans la loi, dès maintenant, dans quel cadre entrent les femmes enceintes, afin d’éviter d’aller devant les prud’hommes pour créer une jurisprudence.

J’en profite pour poser une question au ministre : un salarié en CPE aura-t-il droit au congé parental ?

M. Alain Vidalies. Bonne question !

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffmann-Rispal, pour soutenir le sous-amendement n° 216.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Les femmes enceintes doivent avoir quelques garanties supplémentaires. Si une femme embauchée en CPE depuis quatre mois tombe enceinte, cela la mène à treize mois après lesquels elle peut être licenciée. Pour peu qu’entre-temps, elle connaisse quelques soucis et qu’elle se retrouve seule avec son enfant, elle risque d’être confrontée à de vraies difficultés. Le Gouvernement ferait un geste en acceptant un de ces amendements dans la mesure où les bancs de sa majorité partagent cette préoccupation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Ces sous-amendements sont l’occasion, pour le Gouvernement, d’apporter des précisions sur l’application de mesures d’ordre public social. C’est l’article L. 122-25-2 du code du travail qui protège les femmes enceintes.

La question est de savoir si, comme nous l’avons très bien évoqué pour l’article L. 122-45 relatif aux discriminations, cet article s’applique. Si c’est le cas, il serait préférable de ne pas adopter ces sous-amendements et de rester dans le cadre d’un article d’ordre public dont la jurisprudence est établie.

Je souhaiterais que le ministre nous apporte des éclaircissements sur ce point.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. D’abord, je confirme à Mme Billard que le congé parental s’applique, bien évidemment.

Mmes Billard et Hoffman-Rispal et M. Tian soulèvent un sujet essentiel que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer et auquel le code du travail consacre déjà un long développement.

La protection de la femme enceinte contre tout licenciement en considération de son état de grossesse fait partie des grands principes de l’ordre public social, principe consacré par la Cour de justice des Communautés européennes – il s’agit de l’arrêt Dekker de 1990 – et clairement retranscrit dans notre jurisprudence administrative et aux articles L. 122-25 et suivants de notre code du travail, articles qui s’appliquent aussi bien au CNE qu’au CPE.

Concrètement, cela signifie que licencier une salariée au motif qu’elle serait enceinte serait illicite et devrait naturellement et obligatoirement être censuré par le juge.

Je comprends l’attention que portent les auteurs des trois sous-amendements à cette situation particulière, mais répéter les mêmes dispositions dans diverses lois ne pourrait qu’affaiblir l’ordre public social. Nos débats traduisent notre préoccupation en la matière. Je souhaite donc le retrait de ces sous-amendements.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Le rapporteur semble sensible à ces trois sous-amendements qui proviennent de divers bancs.

Monsieur le ministre, vous nous dites que l’employeur ne peut envoyer de lettre de licenciement au motif que la personne est enceinte et nous sommes d’accord sur ce point. Mais la difficulté, qui n’existait pas jusqu’à présent, c’est qu’avec le CPE il pourra envoyer une lettre sans motif. Voilà pourquoi il faut adopter l’un de ces sous-amendements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Hénart, rapporteur. Monsieur le président, l’article L. 122-25-2 du code du travail dispose que : « Aucun employeur ne peut résilier le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit en application de l’article L. 122-26,…

M. Alain Vidalies. Lisez la suite !

M. Laurent Hénart, rapporteur. …qu’elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines qui suivent l’expiration de ces périodes. » C’est clair.

M. Alain Vidalies. Certes. Mais l’article se poursuit ainsi : « Toutefois, et sous réserve d’observer les dispositions de l’article L. 122-27… ». Il y a donc une exception !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je vous renvoie à l’alinéa 5 de l’amendement du Gouvernement qui précise que « Ce contrat est soumis aux dispositions du code du travail, à l’exception, pendant les deux premières années courant à compter de la date de sa conclusion, de celles des articles L. 122-4 à L. 122-11, L. 122-13 à L. 122-14-14 et L. 321-1 à L. 321-17 de ce code. » Vous le voyez, aucun des articles qui font l’objet des préoccupations de l’amendement ne sont exclus.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Si la mention de la protection des femmes enceintes doit affaiblir le droit commun, pourquoi donc avoir tenu à faire figurer une mention concernant la protection des représentants du personnel ? Soit on cite tout le monde, soit on ne cite personne.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je maintiens mon sous-amendement en précisant que l’argument de M. Tian est de bon sens.

En outre, la protection que vous évoquez porte sur une période d’essai de trois mois. Avec le CPE, il n’y aura pas d’obligation de motiver la rupture du contrat de travail pendant deux ans ! C’est la salariée qui devra démontrer que c’est parce qu’elle était enceinte qu’elle a été victime d’une rupture de contrat de travail.

Il faut donc vraiment mieux assurer la situation des femmes enceintes.

M. le président. Nous allons maintenant procéder aux scrutins qui ont été annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc d’abord mettre aux voix les sous-amendements nos 59 et 126.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Nous allons maintenant procéder au scrutin sur le sous-amendement n° 216.

Je le mets aux voix.

Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d’un sous-amendement n° 124.

Sur le vote de ce sous-amendement, je décide que l’Assemblée se prononcera par scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Ce sous-amendement vise à préciser que, « pendant un arrêt pour cause de maladie, le contrat de travail ne peut être rompu sans être motivé expressément ».

Un salarié peut être licencié pour absence prolongée dans la mesure où cela porte préjudice à l’activité de l’entreprise. Mais il faut veiller à ce qu’une absence de courte durée ne serve pas de prétexte pour licencier sans avoir à fournir de motif. En l’absence de motivation, le salarié est tenté de considérer que son licenciement est abusif et d’aller devant les prud’hommes, ce qui induit des procédures lourdes pour le salarié et pour l’employeur, tandis que, si la rupture est clairement motivée, n’attaqueront leur employeur que les salariés considérant qu’il y a un abus. Le nombre de recours en sera limité.

Il ne s’agit pas d’interdire la rupture du contrat pendant l’arrêt de travail, mais d’éviter d’alourdir inutilement la charge des prud’hommes, impératif sur lequel tout le monde insiste depuis hier. Ce sous-amendement serait donc très utile, sous cette forme, soit sous une autre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 124.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je suis saisi du sous-amendement n° 125, sur le vote duquel l’Assemblée sera appelée à se prononcer par scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre le sous-amendement n° 125.

Mme Martine Billard. C’est fantastique, monsieur le président ! Je vais finir par ne plus regretter de ne pas appartenir à un groupe puisque mes sous-amendements font l’objet de scrutins publics ! (Sourires.)

M. le président. Cela m’évite que quelqu’un d’autre le demande. Je peux le faire, alors je le fais, et c’est très bien comme ça ! (Rires.)

Mme Martine Billard. L’amendement du Gouvernement autorise une même entreprise à enchaîner les CPE les uns derrière les autres. Jusqu’à présent, il existait un garde-fou contre les ruptures abusives : le délai de carence entre deux contrats, de six mois en général, porté à un an en cas de licenciement économique. Avec le CPE, l’employeur n’a plus aucune obligation : sur un même poste de travail, il peut recruter consécutivement plusieurs jeunes de moins de vingt-six ans.

Au-delà des cas individuels, la précarité se généralise dans le monde du travail. Si rien n’est prévu pour limiter les effets d’aubaine, monsieur le ministre, cela signifie clairement que vous voulez, à terme, d’étendre ce contrat à l’ensemble des salariés. Comment expliquer autrement que vous acceptiez que les jeunes se succèdent à un même poste de travail tout en laissant, du moins pour le moment, les moins jeunes bénéficier d’un CDI ?

Mon sous-amendement prévoit qu’il devra s’écouler un an après une rupture du contrat à l’initiative de l’employeur avant que celui-ci puisse à nouveau embaucher un jeune en CPE pour le même poste de travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Mme Billard a eu une très bonne idée pour éviter d’aggraver encore la précarité que risque de causer le CPE.

J’ai reçu récemment dans ma permanence à Toulouse un jeune de vingt-cinq ans qui avait été embauché le 1er novembre dernier au service et à la plonge chez un restaurateur. Il a reçu sa lettre de licenciement à la mi-janvier.

M. Georges Tron. Pour quelle raison ?

M. Gérard Bapt. C’est vous qui me le demandez ! Le patron n’était pas obligé de répondre, figurez-vous ! Il se trouve que, sans doute un peu honteux, il a donné une explication, que je vais vous fournir : une baisse d’activité pendant les semaines d’hiver.

M. Georges Tron. Elle est bonne !

M. Gérard Bapt. C’est votre avis et il sera noté au Journal Officiel.

M. Georges Tron. Tant mieux !

M. Gérard Bapt. Heureusement, ce jeune a eu la chance de trouver un nouveau contrat dans la restauration rapide avec livraison à domicile, activité qui marche mieux l’hiver que l’été.

M. Georges Tron. Parfait !

Mme Catherine Génisson. Vos interruptions sont indécentes !

M. Gérard Bapt. Autrement dit, dès la fin de l’hiver, son contrat sera à nouveau rompu et il devra trouver un CNE dans un restaurant pour l’été, par exemple sur les côtes du Languedoc.

M. Yves Bur. L’essentiel, c’est qu’il travaille !

M. Gérard Bapt. Il aura ainsi la chance de faire le tour de France puisque, l’hiver revenu, il pourra visiter les stations de montagne.

Dans un tel cas de figure, le CPE est plus intéressant que le CDD puisque le salarié pourra être licencié en fonction de la fonte des neiges, imprévisible par définition !

M. le président. Monsieur Bapt, merci beaucoup.

M. Gérard Bapt. Si vous êtes contents de cette situation, il est heureux que ce soit inscrit au Journal officiel.

M. Bernard Accoyer. Quelle démagogie !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Cet échange a eu au moins un mérite, c’est de nous montrer un député de l’UMP, qui vient d’arriver, demander à M. Bapt pourquoi le licenciement avait eu lieu. Il se trouve que nous débattons depuis deux semaines du licenciement sans motif ! Jugez du niveau ! Eh bien, monsieur, ce licenciement a été prononcé sans raison, et avec votre approbation !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 125.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

J’annonce d’ores et déjà un scrutin public sur chacun des sous-amendements restant en discussion sur l’amendement n° 3 rectifié du Gouvernement, conformément au règlement. Il s’agit des sous-amendements nos 495, 169, 128, 459, 600, 601, 214, 189, 58, 129, 215, 157 et 190.

Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je suis saisi du sous-amendement n° 495.

La parole est M. Francis Vercamer, pour le soutenir.

M. Francis Vercamer. Ce sous-amendement a pour but d’éviter qu’un salarié soit embauché deux fois de suite en CPE dans la même entreprise alors qu’il y a eu rupture du contrat de travail. Pourquoi prévoir d’emblée dans le texte un délai de trois mois ? On se demande bien pourquoi le même salarié reviendrait dans la même entreprise pour occuper le même emploi ! Le code du travail ne comporte rien de tel. Cette disposition est inutile, voire contraire à la dénomination même du contrat « première embauche ». Pourquoi prévoir une « deuxième embauche » caractérisée ? (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Je voudrais très rapidement expliquer à nos collègues les conséquences qu’aurait emporté l’adoption des sous-amendements nos 59 et 126 qui n’ont été repoussés que d’une voix. Les femmes enceintes auraient été protégées pendant neuf mois au lieu des douze mois et demi prévus par l’article que vous vouliez écarter : il faut en effet ajouter le congé maternité et quatre semaines d’invalidité derrière. Notre vote a prolongé la protection de trois mois et demi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En ce qui concerne le sous-amendement n° 495, le contresens est le même. D’abord, il est prévu un délai de trois mois entre deux CPE. De plus, dans le cadre du contrat première embauche, les périodes travaillées préalablement sont déduites de la période de consolidation de sorte que, si un deuxième CPE est conclu, sa période de consolidation sera réduite et la précarité du jeune salarié aussi.

La commission a repoussé ce sous-amendement.

M. Claude Gaillard et M. Georges Tron. Très bien !

M. le président. L’avis du Gouvernement sur le sous-amendement est défavorable.

Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 495.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Aujourd’hui, monsieur le président, il y a eu une grande réunion de la gauche. Sa première décision a été de se rassembler et de tout faire pour vous empêcher de faire voter le CPE.

À la lumière de ces événements, je demande une suspension de séance.

M. le président. Comme la réunion s’est déjà tenue, je vous accorde une minute, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Ah non, monsieur le président !

M. le président. C’est moi qui décide !

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas possible !

M. le président. Vous avez clairement dit que votre objectif, c’était d’empêcher le vote !

M. Maxime Gremetz. Mais non !

M. le président. Votre seule idée, votre seule obsession ce soir, c’est de faire de l’obstruction pour empêcher le vote. Ce n’est pas l’idée que je me fais du Parlement ! Vous avez fini par avouer ce que nous soupçonnions depuis longtemps mais que je ne voulais pas croire !

M. Maxime Gremetz. Comment pouvez-vous croire une chose pareille !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue, le jeudi 9 février 2006, à zéro heure vingt-cinq, est reprise à zéro heure vingt-six.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour un rappel au règlement.

M. Alain Joyandet. Je finis par être choqué de l’attaque en règle dont fait l’objet dans cet hémicycle une catégorie de nos concitoyens : les employeurs.

M. Yves Bur. Autant dire le diable !

M. Alain Joyandet. La stratégie de l’opposition est claire, depuis qu’elle a annoncé qu’elle allait citer une liste d’exemples.

Je pense à tous ces gens qui ont créé des entreprises, à ces milliers de PME-PMI où, à l’origine, les relations se fondent sur la confiance avant même la signature du contrat de travail. Dans ce pays, il n’y a pas que des gens qui font subir de mauvais traitements à leurs salariés !

M. Yves Bur. Heureusement, ils sont minoritaires !

M. Alain Joyandet. À cet instant, je réaffirme solennellement que les chefs d’entreprise, dans leur immense majorité, se comportent en citoyens dignes, respectables et qu’ils ne correspondent pas au tableau que vous nous dépeignez, mesdames, messieurs de l’opposition ! C’est absolument scandaleux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour un rappel au règlement.

M. Alain Vidalies. Si les propos enflammés qui viennent d’être tenus sont exacts, (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), je me demande pourquoi vous nous présentez un texte qui vise, en supprimant tous les contrôles en matière de licenciement, à rassurer les entrepreneurs, lesquels n’embaucheraient pas parce qu’ils auraient peur du droit du travail.

M. Georges Tron. C’est confus !

M. Alain Vidalies. C’est, mot pour mot, l’explication qui est donnée ! La présentation de ce projet de loi révèle que c’est vous qui aviez une vision négative du rapport que les employeurs entretiennent avec le droit du travail et de leur comportement vis-à-vis des salariés ! Personne ne demandait rien ! Je ne suis même pas certain que les entreprises elles-mêmes aient souhaité un tel texte.

Je tiens à vous livrer le témoignage d’un directeur des ressources humaines d’une PME de l’aéronautique assez importante. Je ne l’ai pas sollicité, puisqu’il figure dans un quotidien du Sud-Ouest. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Alain Vidalies. Ce directeur donne son avis sur le CPE. Je tiens à préciser que je ne le connais pas. Il déclare : « Compte tenu du niveau de professionnalisation dont nous avons besoin ici (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Georges Tron. Où est le rappel au règlement ?

M. Alain Vidalies. Pourquoi ne voulez-vous pas entendre ce témoignage ? Vous n’avez que le mot « entreprises » à la bouche et vous refusez que je vous en parle ! Du reste, au nom de quoi vous instituez-vous leur porte-parole ? Vous ne connaissez rien au texte ! Repartez donc là d’où vous êtes venu et profitez-en pour lire le projet de loi ! C’est incroyable ! Ce témoignage ne fait que quatre lignes ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) De fait, ce que vous refusez d’entendre, tous, c’est la vérité des entreprises sur le terrain !

M. le président. Monsieur Vidalies, lisez votre témoignage.

M. Alain Vidalies. Je ne ferai aucun commentaire, monsieur le président, à moins qu’on ne m’interrompe.

Le directeur déclare : « Compte tenu du niveau de professionnalisation dont nous avons besoin ici avec un niveau important de responsabilité, je ne vois pas l’intérêt du contrat première embauche. » Questionné sur ce sujet, le DRH répond sans détour : « Pour nous, le contrat de qualification répond bien à la demande car avec le CPE j’imagine mal que l’on investisse pendant douze mois, dix-huit mois ou deux ans sur quelqu’un et qu’on l’abandonne après. Ce contrat convient plutôt aux diplômés qui n’arrivent pas à s’intégrer dans une entreprise. Et puis, on n’a pas besoin de deux ans pour savoir si un salarié est capable de rester ou non. » Voilà le témoignage d’un chef d’entreprise, qui fait partie de ceux que nous défendons. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour un rappel au règlement.

M. Daniel Paul. Je suis presque d’accord avec M. Joyandet.

M. Alain Joyandet. Nous allons faire l’union de la droite et du parti communiste !

M. Daniel Paul. Là n’est pas la question, cher collègue. Mais il est vrai que dans notre pays nombreux sont les responsables d’entreprises qui veulent faire correctement leur travail d’employeurs. Néanmoins, il suffit de regarder l’état du tissu des PME et des PMI pour s’apercevoir qu’elles sont de plus en plus soumises aux grands groupes financiers ou industriels et que les employeurs ne sont plus libres de faire leur travail correctement.

M. Alain Joyandet. C’est vrai !

M. Richard Mallié. La faute à qui ?

M. Daniel Paul. Les exemples d’employeurs contraints, voire mis en difficulté, abondent aujourd’hui. Sur vos propres bancs, depuis huit jours, on s’est d’ailleurs largement inquiété du fait que ce texte aggravera l’insécurité dans laquelle se trouvent déjà les employeurs. Cet aspect-là de la question doit être pris en compte car il est caractéristique de l’évolution de notre société.

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 169, sur le vote duquel, je le rappelle, j’ai décidé qu’il y aurait un scrutin public.

La parole est à M. Jean Launay, pour soutenir ce sous-amendement.

M. Jean Launay. Le sous-amendement n° 169, pour être de précision, n’en est pas moins très important, puisqu’il concerne le délai de carence entre deux contrats première embauche. À de multiples reprises, nous avons déjà souligné le risque de rotation systématique, voire organisée, des CPE. Si nous insistons sur le sujet, au risque de fatiguer certains de nos collègues, c’est en raison du lien très fort existant entre le CPE, que nous examinons aujourd’hui, et le CNE que vous avis mis en place hier.

N’en déplaise à M. Joyandet, je livrerai un témoignage supplémentaire qui a le mérite de rappeler que, même si on a trop souvent tendance à l’oublier, la loi est faite pour protéger les plus faibles. De plus, loin des amalgames que vous vous efforcez de faire accroire, nous respectons les chefs d’entreprise !

Il s’agit d’un commercial embauché en CNE dans la région d’Angers en vue de faire des démarchages dans trois départements des Pays-de-la-Loire : sa zone d’intervention a été peu à peu étendue à cinq départements et la liste des tâches a bientôt comporté des livraisons, ce qui n’est pas le rôle d’un commercial. Il s’en est plaint à son patron : son licenciement est intervenu dans les jours qui ont suivi, sans qu’aucune procédure soit possible, car pour attaquer son employeur devant les prud’hommes, il lui aurait fallu, dans un premier temps, démissionner, pour plaider, dans un second temps, le changement de fonction. Puisque rien n’était écrit, l’employeur a pu se débarrasser de son employé sans motiver sa décision.

M. Alain Joyandet. Se « débarrasser » !

M. Jean Launay. Voilà l’effet CNE ! Et voilà ce qui justifie notre ténacité exemplaire : nous redoutons que l’effet CNE ne se reproduise avec le CPE, que vous voulez introduire en urgence, et sous forme d’amendement, en profitant de l’examen d’un projet de loi visant à favoriser l’égalité des chances.

M. le président. L’avis de la commission sur le sous-amendement est défavorable.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Défavorable.

M. Vidalies a évoqué les contrats de professionnalisation – et non de qualification, comme il l’a dit.

M. Georges Tron. Il n’y connaît rien ! Cela fait un an et demi pourtant qu’ils ont changé de dénomination !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Près de 16 000 de ces contrats ont été signés en décembre, lesquels peuvent être naturellement associés à un CPE, la période de professionnalisation venant alors en minoration des deux années – comme tout autre contrat.

D’autre part, M. Gaubert a évoqué l’absence d’écrit. Or, je souhaite rappeler qu’un CPE doit être établi par écrit. En conséquence, y compris dans le cas évoqué par M. Launay, les modifications éventuelles doivent être portées sur le contrat et toute rupture ne peut se faire que dans le cadre de ce contrat écrit.

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Enfin, quant aux statistiques de l’ANPE qui ont été évoquées ici, je rappelle que sur les 280 000 CNE recensés – on oublie qu’il ne s’agit pas de contrats passés entre l’État et les salariés, mais entre des employeurs et des salariés –…

M. Maxime Gremetz. On ne l’oublie pas !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …l’ANPE rapporte quelque mille cas de cessation. Certes, ceux qui ont été évoqués ici méritent attention – et surtout un autre approfondissement qu’une présentation médiatique –, mais il ne faudrait pas en déduire que le contrat nouvelle embauche entraînerait une plus grande précarité ! La pire des précarités, je ne cesse de le répéter, c’est le chômage ! Or, puisque 30 % de ceux qui ont embauché en CNE disent l’avoir fait parce que ce type de contrat existe,...

M. Georges Tron. Évidemment !

M. Maxime Gremetz. C’est faux !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …il me suffit de multiplier 280 000 par 30 % pour savoir que notre démarche a permis la création de 85 000 emplois en sept mois !

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. Alain Joyandet. Vous l’avez reconnu vous-même !

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Notre politique de l’emploi est donc un véritable succès ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Alain Joyandet. C’est vrai !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur Joyandet, c’est nous qui défendons les petites entreprises, pas vous ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Du reste, si vous les écoutiez autant que vous le dites, vous sauriez que la CGPME – elle n’est pas la seule – n’est pas favorable aux contrats première embauche parce que, remarque-t-elle, les PME connaissent déjà de grandes difficultés à recruter et à former des jeunes : lorsqu’elles y ont réussi, ce n’est pas pour les voir partir !

M. Georges Tron. Cela va de soi !

M. Maxime Gremetz. C’est la CGPME elle-même qui affirme que la création du CPE rendra encore plus difficile le recrutement des jeunes ! Écoutez les responsables des PME, plutôt que de parler à leur place !

M. Georges Tron. Nous les écoutons !

M. Maxime Gremetz. Ils affirment eux-mêmes que le CPE ne les intéresse pas car il aura pour conséquence d’écarter les jeunes des PME ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais la vérité vous gêne ! Et je ne parle même pas des entreprises sous-traitantes qui sont de plus en plus nombreuses à être dominées par ceux-là même qui prennent les décisions à la tête des multinationales.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je ferai une seconde observation. Monsieur le ministre, vous ne pourrez pas tenir le discours, qui a été le vôtre à l’instant, devant le moindre ouvrier, salarié ou militant syndical ! Vous ne dites pas la vérité, et vous le savez fort bien ! Vous ne pouvez pas contester l’étude que j’ai évoquée tout à l’heure ! Vous avez prétendu que les CNE ont créé 280 000 emplois : or 71 % d’entre eux auraient de toute façon été créés sous forme de CDD ou de CDI !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Et les 30 % restant ?

M. Maxime Gremetz. La vérité, c’est donc bien que vous substituez des CNE à des CDI et que le CNE n’a fait qu’aggraver la flexibilité.

M. le président. Je vous remercie, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Il était important, monsieur le président, de rappeler cette vérité.

M. le président. Vous aurez toute la nuit pour le faire !

Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 169.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements, nos 128 et 459, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir le sous-amendement n° 169.

Mme Martine Billard. J’ai écouté avec attention M. le ministre qui nous a annoncé un nombre élevé de créations d’emplois. Pourtant, monsieur le ministre, les chiffres fournis par votre propre ministère indiquent que l’emploi, en France, stagne !

M. Maxime Gremetz. Oui !

Mme Martine Billard. Où sont donc passés les emplois créés ?

M. Georges Tron. Le chômage diminue !

M. François Brottes. Le pire, c’est qu’il y croit !

Mme Martine Billard. À moins qu’il ne faille en conclure qu’il y a eu plus d’emplois détruits que créés ! Nous n’avons donc pas beaucoup avancé !

Quant au chômage qui diminue, je tiens à rappeler que le nombre d’allocataires du RMI a augmenté de 6 % en un an : il s’agit donc bien du système des vases communicants ! Monsieur le ministre, avant d’énoncer des certitudes ou d’avancer des chiffres, vous feriez peut-être mieux d’évoquer la situation de l’emploi dans son ensemble.

M. Maxime Gremetz. Absolument !

Mme Martine Billard. Il existe évidemment des entreprises qui respectent le code du travail et, par voie de conséquence, leurs salariés ! Mais, monsieur Joyandet, il existe également des automobilistes qui conduisent de façon responsable. Il n’en existe pas moins des lois qui visent à encadrer leur comportement, parce que tous les automobilistes ne se montrent pas spontanément responsables au volant de leur voiture et que le rôle de la loi est de retenir ceux qui seraient tentés, dans un moment d’égarement, par un quelconque écart. C’est la même chose en matière de respect du code du travail.

Certes, sur les bancs de l’UMP, certains – pas tous – rêveraient de supprimer totalement le code du travail.

M. Bernard Accoyer. Comment peut-on dire de telles bêtises ? C’est affligeant !

Mme Martine Billard. J’ai bien précisé : certains ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Vous prenez vos désirs pour la réalité !

Mme Martine Billard. À droite, d’aucuns ont expliqué que le code du travail engendrait des lourdeurs inutiles…

M. le président. Je vous prie de conclure, madame Billard.

Mme Martine Billard. …et qu’il convenait donc de le réduire, voire de le supprimer ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Lorsqu’un nouveau dispositif est créé, il est normal de prévoir les protections correspondantes. D’où le sous-amendement n° 128.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir le sous-amendement n° 459.

M. Francis Vercamer. Ce sous-amendement vise à porter le délai de carence de trois à six mois entre deux CPE effectués par le même salarié dans la même entreprise.

Je ne reviens pas sur la démonstration de Mme Billard afin de ne pas rallonger le débat, mais je tiens à dire à mes collègues qui sont à gauche…

M. Georges Tron. La gauche, c’est de l’autre côté !

M. Francis Vercamer. Je voulais dire qui sont à ma gauche !

…je tiens à leur dire qu’il ne sert à rien de lancer des quolibets à l’endroit de ceux qui défendent leurs convictions : leurs invectives ne font que rallonger le débat ! La discussion des sous-amendements s’est en effet beaucoup ralentie depuis l’arrivée de certains de nos collègues.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables aux deux sous-amendements.

La parole est à M. François Brottes.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Comme le Gouvernement n’a pas souhaité commenter cet amendement,…

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Tout à fait !

M. François Brottes. …il me semble nécessaire de demander une explication. En effet, je n’ai pas forcément tout compris, et nous sommes en droit d’obtenir quelques éclaircissements de la part de ceux qui nous proposent ce texte.

Un délai de trois mois est prévu entre le contrat premier embauche et le contrat deuxième embauche, puisqu’il s’agit du même salarié. Au bout de quatre mois de travail en contrat première embauche, le salarié a droit à deux mois d’allocations forfaitaires. Si je compte bien, il est payé pendant quatre mois par l’entreprise, deux mois par l’allocation forfaitaire et, au bout d’un mois de congés, on le reprend en contrat deuxième embauche.

Je pense qu’on atteint là des sommités en matière de vice. On voit en effet quels dégâts peuvent causer les modalités d’utilisation des différentes mesures proposées par le texte. Va-t-on instaurer le contrat première embauche de quatre mois, suivi du contrat deuxième embauche de quatre mois, suivi d’un contrat troisième embauche de quatre mois ? À moins que je n’aie pas bien compris, monsieur le rapporteur,…

M. Georges Tron. Ce qui est possible !

M. François Brottes. …mais vous êtes là pour nous expliquer. Je crois que la séquence que je viens d’évoquer, qui pourrait devenir la règle et se banaliser, est loin d’être vertueuse.

M. Maxime Gremetz. Elle est faite pour ça ! Vous avez très bien compris !

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. J’essaie, comme notre collègue François Brottes, de comprendre, mais nos collègues de la majorité nous interrompent en nous disant qu’il est possible que nous ne comprenions pas.

M. Georges Tron. Ce n’est pas insultant !

M. Gaëtan Gorce. En effet, puisque nous n’avons pas le sentiment que tout soit compréhensible dans ce texte, le Gouvernement doit pour nous éclairer.

Pourquoi, lorsque le contrat première embauche est rompu par un employeur, peut-il être repris au bout d’un délai de trois mois ? Qu’est-ce qui explique ce délai de carence qui peut créer, comme l’a très bien démontré Mme Billard, un risque de réutilisation de ce contrat par ruptures successives afin de contourner la réglementation ? Ce risque justifie l’idée d’introduire un délai supplémentaire qui nous paraît une garantie. Le plus simple serait de ne pas permettre la reconduction d’un CPE dans une même entreprise, sauf délai assez long, afin d’éviter les dérives possibles.

Nous souhaitons que le Gouvernement nous éclaire sur ses intentions en la matière – l’exposé des motifs est en effet beaucoup trop général. Nous devons disposer de toutes les informations nécessaires face au risque d’une succession de contrats, telle que nous la dénonçons dans le cas des contrats précaires. Le Gouvernement pourrait peut-être rassurer cette partie de l’hémicycle, puisque l’autre a manifestement du mal à s’en émouvoir.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 128.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Nous allons maintenant procéder au scrutin sur le sous-amendement n° 459…

M. Maxime Gremetz. Vous allez trop vite, monsieur le président !

M. le président. Monsieur Gremetz, j’ai compris que vous vouliez gagner du temps. Du reste, vous l’avez avoué tout à l’heure.

M. Maxime Gremetz. Non ! (« Si ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Pour ma part, j’ai bien l’intention de terminer l’examen de l’amendement n° 3 rectifié, même si cela doit nous mener jusqu’à six heures du matin !

Mes chers collègues, je mets aux voix le sous-amendement n° 459.

Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Rappel au règlement

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Monsieur le président, ce rappel au règlement concerne le déroulement de nos travaux.

Je viens d’interroger le Gouvernement sur une disposition qui figure au quatorzième alinéa et qui s’articule avec une disposition beaucoup plus éloignée dans le texte.

Or, au début de nos travaux, nous avons indiqué qu’il nous semblait important de souligner que si l’on traitait point par point des éléments de cet amendement – qui est un projet de loi à lui tout seul –, on ne pouvait pas bien comprendre une disposition à tel moment du débat, dès lors qu’elle s’articulait avec une disposition ultérieure devant être examinée plus tard. Le Gouvernement doit donc fournir un minimum d’explications.

Il ne s’agit ni d’un procès d’intention ni de la volonté de ralentir les débats, mais d’une question de bon sens, monsieur le président.

M. Maxime Gremetz. Absolument !

Reprise de la discussion

M. le président. Nous allons aborder l’examen du sous-amendement n° 600, sur le vote duquel un scrutin public a été annoncé. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Monsieur Gremetz, vous avez avoué tout à l’heure que, au cours de la réunion de la gauche qui s’est tenue cet après-midi, vous aviez décidé de tout faire pour empêcher le vote de l’amendement du Gouvernement. (Vives protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Marc Francina. Si ! M. Gremetz l’a dit !

M. le président. J’ai toujours respecté les droits de l’opposition.

M. Richard Mallié. Trop !

M. le président. Non, ce n’est jamais trop !

En tout cas, je trouve que cet aveu donne une image détestable de cette assemblée. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour défendre le sous-amendement n° 600.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. J’ai moi aussi reçu des témoignages. Je vais vous en livrer un pour vous montrer à quel point le CNE a déjà provoqué beaucoup de précarité, et qu’il en sera de même avec le CPE.

Un jeune ayant obtenu un CAP en menuiserie-aluminium en 2005 trouve un CNE en septembre. À tout juste dix-huit ans, il était satisfait. Cependant, son lieu de travail se trouvant à trente kilomètres de chez lui, il a été obligé de déménager, de quitter un studio, d’être aidé pour avoir une caution, car même en vélo il ne pouvait pas se rendre sur ce lieu de travail…

M. Alain Joyandet. Et il n’y avait pas de route pour qu’il s’y rendre !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Ne riez pas ! Je vous ferai parvenir son témoignage, monsieur Joyandet.

Tout se passait bien, je le cite : « Au bout d’un mois, le patron me dit combien il est content de moi et m’encourage à continuer et à passer mon permis. » Ainsi, au bout de trois mois, il était toujours satisfait. Quelques jours plus tard, il devait effectuer un déplacement ; or, d’un seul coup, le déplacement a été annulé et le jeune homme licencié : « Mon travail n’est pas en cause. On me recommandera de futurs employeurs », écrit-il. Depuis, il a eu dix-huit ans, il a passé le permis de conduire, engagé des frais et se retrouve sans emploi.

Nous ne sommes pas en train de critiquer les employeurs,…

M. Maxime Gremetz. Mais non !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. …ainsi que vous nous le reprochez du matin au soir, nous ne sommes pas en train de mettre en garde les salariés contre le patronat. Nous disons simplement que quand on rompt ce qui existe depuis des années et qui protège des milliers de salariés, quelques garanties doivent leur être apportées.

Quand on considère les dégâts causés par le CNE, et ceux que provoquera le CPE, on peut se poser des questions à propos des contrats que vous allez réserver aux seniors. Mme Billard parlait hier d’un texte sur l’emploi des seniors que nous aurions bientôt à examiner. À quand le CDE – le contrat dernière embauche ? Les personnes de plus de cinquante ans auront-elles des contrats de trois mois, six mois comme l’a évoqué M. Brottes ?

Je comprends tout à fait les inconvénients liés à la baisse des chiffres d’affaires des entreprises, mais on va finir par se retrouver avec le même salarié en CPE durant six mois, puis sans travail pendant trois mois, et de nouveau embauché dans la même entreprise pendant trois mois, salarié qu’on prend, qu’on licencie quand on n’en a plus besoin et qu’on reprend par la suite.

Votre projet constitue tout de même une sacrée atteinte au droit du travail !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Hénart, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je vais répondre à un certain nombre de questions qui m’ont été posées au cours du débat.

M. Maxime Gremetz. Ah !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Madame Hoffman-Rispal, vous avez évoqué l’emploi des seniors qui est l’autre priorité du Gouvernement. Nous parlons des jeunes, certes, mais vous savez que, lors de la réforme des retraites de 2003, il a été prévu que les partenaires sociaux engagent une négociation sur l’emploi des seniors et que le Gouvernement accompagne cette négociation par un plan d’action.

Le 13 octobre dernier, les partenaires sociaux sont parvenus à un projet d’accord. Trois organisations ont confirmé leur intention de le signer, tandis qu’une quatrième ne s’est pas encore prononcée ; seule la CGT ayant exprimé son désaccord, tout en continuant à participer aux travaux de préparation du plan national d’action des seniors.

Le Gouvernement présentera ce plan d’ici à la mi-mars, avec pour objectif de faire remonter le taux d’activité des seniors, qui se situait à un peu plus de 33,5 % il y a trois ans, à 50 % d’ici à 2010.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Pour atteindre cet objectif, nous ne prévoyons pas de contrat dernière embauche, pour reprendre votre expression, mais de faire en sorte que les seniors ne soient plus la variable d’ajustement des entreprises, comme ce fut le cas pendant tant d’années. (Interruptions sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. C’est faux, vous traitez les jeunes et les seniors comme des variables d’ajustement !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Le bilan à quarante-cinq ans, la formation tout au long de la vie, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, l’aménagement des fins de carrière, notamment grâce au tutorat – qui revêtira une importance essentielle pour préparer l’entrée des jeunes dans les entreprises – sont autant de vrais sujets sur lesquels nous avons apporté des réponses.

Vous avez ensuite évoqué le délai de carence entre deux CPE, et plus particulièrement la possibilité pour l’employeur de recruter à nouveau un même jeune dans l’entreprise après un délai de trois mois. L’employeur a-t-il intérêt à ce qu’un salarié enchaîne les CPE puisqu’il devra s’acquitter à chaque rupture d’une indemnité de cessation de contrat de 8 % ?

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Oui ! il y a intérêt !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. M. Brottes a décrit un hypothétique enchaînement de CPE. Je vous rappelle, monsieur le député, que les tribunaux appliquent à la rupture du contrat la notion d’abus de droit. À cet égard, l’intervention de M. Launay me donne l’occasion de répondre plus au fond à la question et de réaffirmer très clairement la place du droit et de la jurisprudence.

Indépendamment du contrat première embauche ou du contrat nouvelle embauche, la jurisprudence distingue entre ce qui relève des conditions de travail et ce qui relève de l’objet même du contrat de travail. Une modification substantielle du contrat implique l’accord du salarié, qu’i s’agisse d’un changement de fonction ou d’un changement de zone de démarchage – M. Launay évoquait le passage de trois à cinq départements, si je me souviens bien. Cette jurisprudence s’applique quelle que soit la nature du contrat et vaut donc pour le CNE comme pour le CPE.

J’ai souhaité apporter à l’Assemblée nationale l’ensemble des éclairages souhaités sur des questions pas toujours en rapport avec l’objet du sous-amendement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je reviens sur l’éclairage de M. le ministre à propos de l’emploi des seniors. Il s’agit d’un autre aspect de la précarité.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Oui ! Et qui existe !

Mme Martine Billard. Nous ne pouvons qu’être tous d’accord pour souhaiter que les seniors aient du travail jusqu’à l’âge de la retraite. Or, s’ils n’en ont pas, ce n’est tout de même pas leur faute, mais celle de leurs employeurs qui les mettent à la porte !

M. Maxime Gremetz. Ils les licencient !

Mme Martine Billard. Ce ne sont en effet pas les salariés qui démissionnent volontairement à cinquante-cinq ans pour on ne sait quelle raison.

On se montre très imaginatif de nos jours : on n’ose plus parler de salariés de plus de cinquante ans ou de plus de cinquante-cinq ans, mais de seniors ! Ce joli mot ne nous indique cependant pas à quel âge on le devient.

Je rappelle en tout cas que, à la suite de la réforme des retraites, la durée de cotisations requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein est de quarante ans dans le secteur privé, durée qui sera bientôt de quarante-deux ans.

Or, monsieur le ministre, le fameux accord que vous évoquiez prévoit un contrat de dix-huit mois, renouvelable une fois, destiné aux chômeurs de plus de cinquante-sept ans. À la fin du second contrat de dix-huit mois, on arrive certes à l’âge de soixante ans, mais pour prendre sa retraite à taux plein, il faudra avoir cotisé pendant quarante ans – bientôt quarante-deux –, ce qui suppose qu’on ait commencé à travailler suffisamment jeune. Sinon le salarié doit travailler jusqu’à soixante-cinq ans pour toucher sa retraite à taux plein.

M. Maxime Gremetz. Eh oui !

M. le président. Il est temps de conclure, madame Billard.

Mme Martine Billard. Aussi, ce fameux contrat senior ne règlera donc, au mieux, que les problèmes des salariés entre cinquante-sept et soixante ans ; au-delà, il ne règle rien du tout puisque ledit senior se retrouvera au chômage de soixante à soixante-cinq ans !

M. Maxime Gremetz. Absolument !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, je souhaite revenir sur votre démonstration à propos du recours à l’abus de droit en partant de l’exemple présenté par M. launay.

Dans la pratique, il faudrait que l’employeur en question soit bien innocent pour notifier un licenciement pour modification unilatérale des conditions de l’exercice du contrat de travail, fussent-elles essentielles.

De toute façon, vous lui donnez en effet la possibilité de procéder à un licenciement sans motif. On tourne en rond !

Nous sommes attachés à la notion d’abus de droit qui figure dans le code du travail, mais, en l’occurrence, on se heurte au problème de la charge de la preuve. Voilà la grande difficulté !

Si, dans l’hypothèse où nous nous plaçons, le salarié reçoit une lettre de licenciement sans motif, c’est lui qui doit saisir le conseil des prud’hommes.

M. le président. Merci, monsieur Vidalies.

M. Alain Vidalies. J’ai à peine commencé, monsieur le président !

Libre ensuite à l’employeur de se prévaloir ou non de l’argument que vous évoquiez, monsieur le ministre.

Mais on en revient toujours au même problème : en l’absence de motif de licenciement, la détermination de la charge de la preuve devient essentielle. Mais cette précision fait défaut à votre texte.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l’amendement n° 600 .

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Rappels au règlement

M. Gaëtan Gorce. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.

M. Gaëtan Gorce. Si je vous ai bien entendu, monsieur le président, vous avez déclaré à notre collègue Gremetz que vous étiez disposé, si nécessaire, à prolonger les débats jusqu’à six heures du matin.

M. le président. Pourquoi pas ?

M. Maxime Gremetz. On va faire les trois huit !

M. Gaëtan Gorce. Pourquoi prolonger nos débats, alors que l’on peut les poursuivre demain matin, peut-être jusqu’à dimanche ?

M. le président. Pour une raison simple, monsieur Gorce : M. Gremetz m’a annoncé que l’union de la gauche s’était réunie dans le seul but d’empêcher de voter l’amendement n° 3 rectifié. J’avais l’intention de lever la séance plus tôt, mais ces propos ne correspondent pas à l’image que je me fais du Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Je n’entends pas polémiquer avec vous, monsieur le président. Jusqu’à présent, les débats se sont bien déroulés, hormis quelques incidents de part et d’autre. Certains de nos collègues de la majorité sont d’ailleurs arrivés en séance avec des intentions querelleuses. Je regrette la tournure prise par nos débats et vous demande une suspension de séance – pas symbolique – au nom de mon groupe afin de me concerter avec mes collègues.

Nous nous étions entretenus, monsieur le président, de la suite de nos travaux : vous aviez évoqué la possibilité de travailler jusqu’à une heure du matin. Il est une heure cinq et l’on dit que vous seriez prêt à y passer la nuit. Si nous continuons ainsi, je crains une succession d’incidents qui freineront nos travaux.

M. Alain Joyandet. Cela fait trois jours que l’opposition multiplie les incidents !

M. Pierre-Louis Fagniez. On ne peut pas travailler sous la menace, monsieur Ayrault !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous souhaitez que l’on respecte l’Assemblée nationale : tirons-en les conclusions qui s’imposent.

M. le président. Monsieur le président Ayrault, je terminerai l’examen de l’amendement n° 3 rectifié, puisqu’on a manifesté de la mauvaise volonté à cet égard. On peut terminer en cinq minutes ou en deux heures ! Je souhaite la première solution, tout en laissant, comme je l’ai fait, chacun s’exprimer.

M. Pierre-Louis Fagniez. Respectons-nous les uns les autres !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous prétextez une déclaration, monsieur le président, mais, pour ma part, je n’ai tenu aucun propos de cette nature.

M. Yves Bur. C’est l’union de la gauche !

M. Jean-Marc Ayrault. Si vous saisissez ce prétexte, j’en prends acte, mais vous en subirez les conséquences. (« Des menaces ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

C’est sortir de la logique de la présidence que de prendre prétexte d’un argument politique pour décider de l’organisation de nos travaux.

M. Richard Mallié. Et vous, que faites-vous en ce moment ?

M. Jean-Marc Ayrault. Pour ma part, je n’accepte pas une telle façon de faire et je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance afin de me concerter avec mes collègues.

M. le président. Je vous accorde une suspension de cinq minutes.

M. Jean-Marc Ayrault. Ce n’est pas acceptable !

M. le président. Je considère que c’est une insulte à l’endroit de la présidence que de ne pas vouloir examiner le texte mais de faire durer les débats en m’empêchant de les conduire comme je l’entends. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Pourtant, j’ai donné la parole à chacun, dans le respect des droits de l’opposition. Je suis profondément vexé.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à une heure cinq, est reprise à une heure quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

Mme Marylise Lebranchu. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour un rappel au règlement.

Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le président, vous nous avez dit, et nous vous croyons volontiers, que vous vous sentiez insulté par ce qu’avait déclaré M. Gremetz. Mais nous aussi, M. Ayrault l’a expliqué, nous nous sentons blessés par cette interprétation. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous ne sommes pas là pour mener un combat décidé ailleurs, mais pour nous opposer au CPE et à son vote, qu’il ait lieu tout à l’heure ou plus tard, parce que nous pensons qu’il s’agit d’un mauvais texte et que le code du travail est mis en péril à la fois par le CNE et par le CPE.

Par conséquent, il est logique que nous utilisions nos sous-amendements pour…

M. Yves Bur. Pour rallonger le débat !

Mme Marylise Lebranchu. …essayer d’en convaincre l’Assemblée.

M. Bernard Accoyer. Mais vous n’avez pas d’arguments !

Mme Marylise Lebranchu. Bien sûr, vous l’aurez noté aussi bien que moi, nous n’avons que peu de chance de faire changer d’avis le Gouvernement comme la majorité. Mais nous sommes totalement convaincus qu’après le CNE, c’est une erreur que d’instituer le CPE pour nos jeunes. D’ailleurs, si 30 % des CNE correspondent à des créations d’emploi, pourquoi les 70 % restants ne sont-ils pas des CDI, s’ils répondent à des besoins réels ? Pourquoi les emplois qui auraient été pourvus en CDI l’ont-ils été en CNE ? C’est un vrai souci. Et nous devons l’assumer devant la société française.

En arriver au CPE, selon nous, c’est mettre en difficulté les jeunes. En effet, alors qu’il s’agit de mettre le pied à l’étrier pour ceux qui éprouvent des difficultés, on ouvre la possibilité de mettre en CPE tout le monde. Je le répète, il est logique que nous défendions, ici, nos positions, parce que nous pensons que c’est une mauvaise chose.

M. Richard Mallié. Défense ne veut pas dire obstruction !

Mme Marylise Lebranchu. D’autant que M. Borloo ayant évoqué l’éventualité d’un autre contrat, nous ne pouvons que craindre la généralisation du CNE.

Comprenez, monsieur le président, que nous ne voulions nullement vous insulter. Si M. Gremetz a utilisé une expression qui vous a choqué, nous en prenons acte, mais admettez qu’il est logique que nous nous opposions.

M. Yves Bur. Cela donne une bonne idée de ce qu’est l’union de la gauche !

Mme Marylise Lebranchu. Pareille réflexion, monsieur Bur, est insultante elle aussi : que vous n’aimiez pas l’union de la gauche, soit, mais j’ai envie de vous rappeler qu’en démocratie, il y a une majorité et une opposition, qui se doivent respect mutuel. Ayant moi-même siégé au banc du gouvernement, sous une autre majorité, j’ai connu des séances interminables. Je n’en pense pas moins que les parlementaires, qui étaient à l’époque dans l’opposition, étaient de bonne foi et qu’ils défendaient âprement leurs positions parce qu’ils ne croyaient pas à ce que nous proposions.

Voilà pourquoi, monsieur le président, vous comprendrez que nous soyons blessés.

M. le président. Madame Lebranchu, je vous remercie du ton sur lequel vous avez fait ce rappel au règlement. Je ne conteste absolument pas que vous soyez, c’est votre droit, opposés à ce projet de loi. J’ai toujours voulu, depuis que je suis président de l’Assemblée, respecter les droits de l’opposition.

M. Richard Mallié. Trop !

M. le président. Ce n’est jamais trop !

Nous avons consacré de nombreuses heures à ce débat ; j’ai donné la parole à tout le monde, au-delà même de ce qui pouvait être considéré comme normal par mes propres « amis ». Ne serait-il pas normal que nous achevions, avant la fin de cette séance, l’examen des sept ou huit sous-amendements qui restent sur l’amendement n° 3 rectifié ? Après le vote sur cet amendement, il restera beaucoup d’autres amendements et articles dont nous pourrons discuter, demain, tranquillement.

Voilà quinze heures que je suis au perchoir. Je souhaite que le débat sur ces sous-amendements se déroule bien. Nous pouvons le mener tranquillement, ou dans l’affrontement. Que chacun fasse valoir ses arguments, mais pourquoi vouloir ne voter cet amendement que demain ? N’est-ce pas un peu vain, dès lors qu’il y a une majorité et une opposition…

Mme Marylise Lebranchu. Mais, dans ces conditions, ce n’est plus la peine que nous venions !

M. le président. …et qu’il faudra bien en prendre acte, à un moment ou à un autre ? N’envenimons pas les choses et conservons le ton employé par Mme Lebranchu.

La parole est à M. Alain Joyandet, pour un rappel au règlement.

M. Alain Joyandet. Notre débat s’est divisé en deux périodes. Hier après-midi, il fut tout à fait constructif et intéressant. Chers collègues de l’opposition, vous avez soulevé de véritables problèmes et on vous a fourni des réponses. Très souvent, vous l’avez reconnu, nous avons tenu un langage de vérité. Nous avons accepté votre technique du sous-amendement, pour aborder tous les sujets, c’était bien normal. Tout cela a déjà été dit aussi.

À un moment donné, ce qui a envenimé les choses, tous les arguments ayant été plusieurs fois exposés, les réponses plusieurs fois fournies, c’est que vous ayez opté pour une autre stratégie : multiplier des exemples qui étaient, reconnaissez-le, un peu caricaturaux.

M. Maxime Gremetz. Oh ! Non ! Arrêtez !

M. Alain Joyandet. C’est ce qui a mis le feu aux poudres.

Cela dit, et pour répondre à l’appel à la sérénité du président, j’affirme que nous trouvons tout à fait normal que l’opposition exerce son droit, et je considère que, globalement, nous avons eu l’occasion d’aborder l’ensemble des sujets, en nous respectant mutuellement.

M. le président. Alors, continuons à nous respecter.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour un rappel au règlement.

M. Alain Vidalies. On peut dire les choses calmement, certes, et néanmoins franchement. Et puisqu’elles sont dites publiquement, je vais vous exposer notre sentiment sur ce qui se joue en ce moment, et qui n’est absolument pas lié aux incidents que vous avez évoqués, monsieur le président.

On hésite encore, tant au sein du Gouvernement que de la majorité, sur l’opportunité de recourir au 49-3. Vous-même, êtes de ceux qui pensent que ce n’est pas nécessaire. Et pour en faire la démonstration, il faut que l’examen de l’amendement instituant le CPE soit voté ce soir.

Quant au texte, il était prévu, initialement, d’achever son examen demain après-midi. Pour cela, nous avons dû travailler dans des conditions critiquables. Ainsi, ce n’est certes pas la première fois mais c’est assez rare, nous avons siégé ce matin en même temps que se réunissaient toutes les commissions. Moi-même j’ai dû quitter la commission des lois sans avoir étudié tous les amendements sur le projet relatif aux droits de succession. Vous m’avez objecté que c’est la conférence des présidents qui en avait décidé ainsi. Dont acte.

Tout cela a été organisé. Reste que, pour nous, membres de l’opposition, il s’agit d’un texte très important, qui concerne toute l’opinion publique française. Le fait que nous en terminions l’examen cette nuit ou demain matin nous est complètement égal. Mais vous en avez fait un enjeu politique.

M. le président. Pas du tout !

M. Alain Vidalies. En tout cas, c’est ainsi que nous l’avons ressenti, et nous avons voulu vous donner notre appréciation sur la tournure que le débat avait prise.

M. le président. Monsieur Vidalies, ce n’est pas moi qui en suis responsable, mais quelqu’un qui siège du côté gauche de l’hémicycle !

Par ailleurs, il vous reste 25 articles et 378 amendements à examiner : c’est dire que vous aurez la possibilité, demain, toute la journée, de poursuivre le débat aussi longtemps que vous le voulez. Vous le savez, j’ai pris mes dispositions pour être là demain, après-demain, samedi et dimanche…

M. Bernard Pousset. Nous aussi !

M. le président. …car je souhaite, je le répète, que cela se déroule tranquillement.

Alors, poursuivons sereinement l’examen des sous-amendements qui restent sur l’amendement n° 3 rectifié.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz. Je serais – si je vous comprends bien, monsieur le président – le responsable de tout cela ! (Rires.) À votre sourire, je vois d’ailleurs que vous m’avez parfaitement compris : lorsque j’ai fait référence à l’union de la gauche, je plaisantais, naturellement – d’autant que, pour ma part, je trouve qu’elle ne sert à rien !

M. Alain Vidalies. Il était le seul à être contre !

M. Maxime Gremetz. Mais vous avez saisi cette petite occasion et, prétextant que nous faisions de l’obstruction politicienne, vous avez décidé que nous achèverions l’examen de l’amendement traitant du CPE cette nuit et qu’il serait donc voté aujourd’hui !

M. le président. Nous sommes déjà demain ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. Nous avons tout l’avenir devant nous ! Nous avons tout notre temps !

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 601.

Je rappelle que j’ai décidé que, sur le vote de ce sous-amendement et des suivants, l’Assemblée se prononcera par scrutin public.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir ce sous-amendement.

M. Alain Vidalies. Avant de défendre ce sous-amendement, je voudrais revenir sur le débat qui avait eu lieu au moment de la discussion du texte autorisant le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances, s’agissant de la mise en place du CNE. Vous aviez alors, monsieur le ministre, pris l’engagement – j’ai sous les yeux le compte rendu des débats – d’en faire le bilan avant de passer à la phase suivante. Vous n’avez pas respecté cet engagement sans nous fournir aucune explication. Comment peut-on prétendre que tout a été dit ? Pourtant, ce n’est pas rien : le problème ne concerne pas que les députés, mais toutes les organisations syndicales, tous ceux qui participent aux négociations.

Pourquoi, depuis le 30 juin, avez-vous changé d’avis sur la nécessité d’une évaluation avant d’étendre le dispositif du CNE et de nous proposer le CPE ?

Lors de la création du CNE, vous aviez, compte tenu des conditions de rupture du contrat de travail, envisagé une indemnité plus importante que celle habituellement à la charge de l’employeur : je reprends là vos propos. Pourquoi avoir abandonné cette idée ? Pourquoi n’avoir pas tenu cette promesse d’une sorte de compensation à la précarité, promesse que vous aviez faite dans un grand moment de lucidité, reconnaissant implicitement qu’il s’agissait bien là d’un contrat précaire.

Mardi, lors des questions au Gouvernement, nous n’avons pas obtenu de réponses à nos interrogations. Il a fallu des heures et des heures pour que nous découvrions, ici – certains d’ailleurs pensaient le contraire – et surtout dans la presse, qu’une entreprise pourrait enchaîner, sur le même poste, sans aucun délai de carence, les recrutements en CPE, et qu’un jeune pourrait, jusqu’à ce qu’il atteigne ses vingt-six ans, enchaîner un nombre infini de contrats « première embauche », si mal nommés ! Il y a donc incohérence entre le titre du projet et la réalité ; du reste, le Gouvernement a fini par en convenir. Nous avons proposé de changer le titre. Vous n’avez pas voulu. Puisqu’on a gardé le titre, eh bien, changeons le contenu !

M. le président. La commission est défavorable au sous-amendement n° 601.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Avis défavorable.

Nous avons rendez-vous en 2008. Mais j’indique que nous avons mis en place, dans les Vosges et dans d’autres secteurs qui connaissent des difficultés, par exemple à Romans, dans l’Isère, des conventions de reclassement personnalisé « plus », assorties d’indemnités, d’un délai, d’actions de formation, d’accompagnement et de validation des acquis de l’expérience. Et nous en préparons d’autres. Nous allons donc au-delà de ce qu’avaient prévu les partenaires sociaux en affectant à ce dispositif des moyens issus du chômage partiel ou des congés de conversion.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. M. le ministre n’a malheureusement pas répondu à Alain Vidalies. On peut dire : « Embrassons-nous, folle ville ! ». Chacun est prêt à reprendre une formule célèbre de la vie parlementaire, mais il serait préférable que nous puissions le faire après être allés au bout de nos débats. La question que nous vous posons et à laquelle vous ne répondez pas est celle de la succession des contrats.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. J’y ai déjà répondu !

M. Gaëtan Gorce. Plusieurs salariés en CPE peuvent se succéder sur un même poste de travail, et ce sans le moindre délai de carence. Cette situation n’est pas acceptable, pas plus que celle qui permet à un jeune d’enchaîner les CPE dans différentes entreprises, sans délai de carence là non plus. C’est bien une précarisation des salariés qui est ainsi organisée.

Vous dites que nous nous répétons, mais nous ne faisons que dénoncer cette précarisation. J’ai passé une partie de la soirée, sans, là non plus, obtenir de réponse, à donner des exemples montrant que le CPE était moins favorable qu’un CDI ou qu’un CDD. En voici un autre : cette disposition n’apporte aucune garantie au salarié. C’est, selon nous, un abus de droit caractérisé.

Je profiterai de l’examen de l’amendement suivant pour justifier à nouveau notre critique.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 601.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je suis saisi d’un sous-amendement n° 214, sur lequel l’Assemblée se prononcera par scrutin public.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. Ce sous-amendement répond à notre souci d’apporter des garanties complémentaires aux salariés en CPE. Mais auparavant, je tiens à achever ma comparaison du CPE avec le CDI et le CDD – une démonstration n’étant satisfaisante qu’une fois terminée.

La rupture du contrat première embauche est beaucoup plus arbitraire que la rupture d’un contrat à durée déterminée. C’est un élément de plus qui montre que le CPE est moins protecteur. Le législateur n’a pas souhaité soumettre pendant deux ans le contrat première embauche aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée. C’est son principe même. Il aurait pu s’inspirer des textes relatifs à la rupture des contrats de travail à durée déterminée ou des contrats de travail temporaires. Mais là encore, il a choisi une protection bien moindre. Je rappelle qu’en application de l’article L. 122-3-8 du code du travail, sauf accord des parties, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance qu’en cas de faute grave ou de force majeure. Un salarié en CDD est donc mieux protégé, pendant la durée de son contrat, qu’un salarié en CPE.

M. Borloo, qui semble nous avoir oubliés ce soir, nous disait hier qu’il ne fallait pas mettre sur le même plan le merveilleux CPE, qu’il avait concocté dans le secret de son cabinet et que nous avons, comme les syndicats, découvert dans la presse, et le CDD honni, qui s’est néanmoins développé sous votre responsabilité et qui, selon vous, serait moins protecteur.

Or je ne cesse de démontrer depuis plusieurs heures, au risque de vous lasser, que le CPE est en réalité moins protecteur. Il est certes écrit, mais dépourvu de formalités, et les conditions d’indemnisation sont moins favorables. Enfin, les conditions de rupture offrent moins de garanties. Il conviendrait que nous puissions mener à terme nos débats, car les protections que vous présentez comme étant satisfaisantes sont pour nous très insuffisantes. Et au risque de vous irriter, monsieur le président, il ne s’agit pas d’un effet de rhétorique, mais de la réalité du texte qui nous est présenté et sur lequel le Gouvernement, embarrassé, ne nous a jamais donné de réponses précises. Ma dernière démonstration ne joue pas en faveur du contrat première embauche, qu’on voudrait nous faire voter dans des conditions qui ont été mille fois dénoncées sans pour autant s’améliorer.

M. le président. L’avis de la commission sur le sous-amendement est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je regrette l’absence de réponse systématique du Gouvernement sur des questions aussi graves. Si la tonalité de nos débats nous permet d’avoir une argumentation constructive, nous souhaiterions obtenir des réponses du rapporteur et du ministre.

M. Larcher a dit tout à l’heure que le juge pouvait être saisi pour abus de droit. Mais pour qu’un tel abus soit dénoncé, encore faut-il qu’il y ait un droit !

Comme M. Gorce vient de le rappeler, un contrat première embauche peut être signé et dénoncé au bout de trois mois. Un employeur pourra donc, le lendemain du jour où il aura congédié sans motif un salarié en CPE, signer un autre CPE avec un autre salarié sur le même poste de travail. Si ce n’est pas un abus de droit, c’est un « abus de CPE » !

Notre façon de dénoncer cette situation vous permet peut-être de promouvoir une disposition qui vous convient auprès de certains acteurs, et c’est sans doute la raison pour laquelle vous ne répondez pas.

En tout cas, le texte ouvre la possibilité d’enchaîner les CPE à des périodes choisies par l’employeur : se succéderont ainsi dans l’entreprise une série de contrats précaires. Voilà pourquoi nous souhaitons vivement avoir une réponse de M. le ministre.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 214.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je suis saisi d’un sous-amendement n° 189.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Laurent Hénart, rapporteur. L’objectif de ce sous-amendement est de traiter un sujet évoqué en commission avec Mme Billard : dans quel cadre allons-nous mettre en œuvre la loi du 4 mai 2004 sur la formation tout au long de la vie pour les jeunes embauchés en CPE ?

Ce sous-amendement place la mise en œuvre du droit individuel à la formation ouvert aux titulaires d’un CPE dans les conditions visées aux articles L. 933-2 à L. 933-6 du code du travail, c’est-à-dire dans les conditions applicables aux titulaires d’un CDI. Sans entrer dans le détail, j’indique que l’article 933-2 fait bénéficier les salariés des dispositions des conventions et accords collectifs plus favorables que la loi, que l’article 933-4 garantit le bénéfice de l’allocation formation pour le salarié qui part en formation et exerce son droit, et que, enfin, l’article 933-6 organise, même si les négociations de mise en œuvre ne sont pas abouties pour l’instant, la transférabilité du droit individuel à la formation en cas de licenciement – point sur lequel Mme Billard avait demandé à la commission de travailler.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. La formation professionnelle est fondamentale pour les titulaires d’un contrat première embauche, et elle est organisée, qu’il s’agisse du DIF, du plan de formation – sujet qui aurait pu être évoqué lors de l’examen du sous-amendement précédent –, de la période de professionnalisation ou du congé individuel de formation. Le DIF est issu d’un accord adopté à l’unanimité par les partenaires sociaux, et sa transférabilité fait quant à elle l’objet d’un travail avec ces derniers et avec le Conseil national pour la formation tout au long de la vie. C’est un droit important, qui sécurise le parcours professionnel.

Le Gouvernement émet donc un avis très favorable à l’adoption de ce sous-amendement.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je remercie le rapporteur d’avoir étudié la question de la transférabilité. On rentre dans le droit commun, c’est bien, mais il n’y a pas non plus de quoi s’enthousiasmer. Toutes les études montrent en effet que la formation a tendance à se concentrer sur certaines catégories de salariés, dont ne font pas partie les jeunes, les femmes et les travailleurs non qualifiés.

Rentrer dans le droit commun est une bonne chose, car il semble normal que les salariés en CPE aient les mêmes droits que les autres. Mais permettez-moi de mettre un bémol : vous ne pouvez faire croire aux jeunes que tout est réglé et qu’ils bénéficieront de nombreuses formations. Car au regard des difficultés d’accès à la formation dans le cadre existant, il est à craindre que les salariés en CPE soient les derniers servis, ne serait-ce que parce qu’un employeur sera peu disposé à investir sur quelqu’un qui peut partir du jour au lendemain.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Je suppose, monsieur le ministre, que l’ouverture des droits se fera au prorata temporis, à raison de vingt heures par année d’activité ? Au bout de six mois, cela fera donc dix heures ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Oui.

M. Alain Vidalies. Ne faisant pas l’objet d’un texte pour l’instant, ce point méritait d’être confirmé. Chacun pourra ainsi mesurer l’étendue du droit qui, dans son principe, est une bonne chose, mais est assez limité dans son quantum : au bout de deux ans, cela ne fera que quarante heures.

Votre sous-amendement, monsieur le rapporteur, et c’est une bonne chose, se réfère à des articles du code du travail. Mais dans la mesure où celui-ci ignore l’objet curieux que vous êtes en train de créer, comment certaines de ses dispositions pourront-elles s’appliquer à un licenciement sans motif ? Je pense en particulier à la première phrase de l’article L. 933-6, qui prévoit que le droit individuel à la formation est transférable en cas de licenciement du salarié – sur ce point, vous avez fait allusion à la négociation en cours –, sauf pour faute grave ou faute lourde. Quelle est la procédure dans ce dernier cas, dès lors qu’il s’agit d’un licenciement sans motif ? Aujourd’hui, un salarié commettant une indélicatesse est licencié pour faute lourde, et le code du travail prévoit qu’il peut être privé du transfert de ses droits. Mais s’il est licencié sans motif et qu’il réclame ses droits, l’incohérence de la loi qu’entraîne l’apparition de cet « objet juridique non identifié » va conduire à des difficultés. Votre louable souci d’étendre des droits sur le fondement du code du travail, monsieur le rapporteur, se heurte donc à nouveau, malgré votre bonne foi, à l’incohérence du texte.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 189.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté.

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 58, sur le vote duquel un scrutin public a été annoncé.

La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.

M. Daniel Paul. Nous arrivons au terme de l’examen de l’amendement n° 3 rectifié, qui instaure le CPE. Je ne reviendrai pas sur les manœuvres politiques qui ont conduit à son examen dans les conditions que l’on sait.

Profitant du renouvellement de génération des salariés, vous imposez ce contrat pour les jeunes avant de généraliser le CNE pour tous les salariés. C’est très grave. Nous l’avons dit tout au long de ce débat, et Raymond Soubie l’a d’ailleurs reconnu cette semaine dans la presse : « Si on veut généraliser le CNE rapidement, on fait disparaître le CDI dans l’économie française et on crée une rupture tellement considérable, qu’on peut se demander si ce ne serait pas faire œuvre d’apprenti sorcier que de le tenter. »

Aujourd’hui, lorsqu’elles embauchent, les entreprises ont le choix entre trois contrats de travail, le CDI, le CDD et l’intérim, qui offrent chacun une flexibilité suffisante en cas de changement d’avis de l’une ou l’autre des parties. En créant un contrat assorti d’une possibilité de rupture sans motif par l’employeur à tout moment pendant les deux premières années, le Premier ministre introduit une nouvelle forme de précarité – lui-même emploie le terme de « flexibilité » – qui n’existe pas dans les contrats actuels.

À contre-courant de plusieurs études européennes et américaines analysant les mesures de protection des travailleurs comme autant de freins à l’emploi et à la productivité, celle que vient de publier l’Organisation internationale du travail distingue « un effet positif et bénéfique de l’ancienneté sur la productivité ». Menée par des chercheurs de l’Organisation dans six secteurs majeurs de treize pays européens, l’étude expose que les « salariés ayant une ancienneté intermédiaire de cinq à dix ans contribuent le plus fortement à la productivité de l’entreprise », notamment parce que « la stabilité permet aux entreprises d’investir dans leurs effectifs sur le long terme, et, du coup, dans une formation qui leur est propre ».

Si l’apogée se situe à 13,6 ans, il semblerait néanmoins, « en tenant compte des salaires et de la productivité, qu’il y ait toujours un bénéfice à retenir les travailleurs au-delà de 13,6 ans, jusqu’à ce que les salaires dépassent la productivité ». L’économie dans son ensemble aurait également avantage à la stabilité de l’emploi qui permet « un pouvoir d’achat continu et croissant et une stimulation de la demande des consommateurs ». Nous sommes loin de la précarité générale instaurée par le CNE et confirmée par le CPE. Vous feriez bien de vous inspirer d’études de cette nature plutôt que de suivre les exigences du MEDEF. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. L’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je souhaite répondre au silence du Gouvernement, monsieur le président. (Sourires.)

Selon certains témoignages, un certain nombre de grandes entreprises ont décidé de geler toute embauche en attendant la promulgation de cette loi.

M. Gaëtan Gorce. Évidemment !

M. François Brottes. Vous affirmez que le CPE va améliorer la situation de l’emploi : il faut évidemment s’attendre à un important effet d’aubaine. En raison de l’aspect « Kleenex » du CPE – amplement démontré par nos débats –, les entreprises ont, de leur point de vue, parfaitement raison d’attendre.

Il est important que les Français – en particulier les demandeurs d’emploi – sachent que l’on est en train d’inventer une usine à jeter les salariés du jour au lendemain, …

M. Daniel Paul. Exactement !

M. François Brottes. …sans autre forme de procès.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 58.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je suis saisi du sous-amendement n° 129, sur le vote duquel, je le rappelle, un scrutin public a été annoncé.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir ce sous-amendement.

Mme Martine Billard. Au moment où nous parvenons à la fin du débat sur l’amendement n° 3, il reste deux points dont nous avons peu discuté.

Le premier ne pouvait pas être abordé par la technique du sous-amendement : il s’agit du logement. Sur ce sujet, l’alinéa 17 de l’amendement se contente de préciser que l’employeur est tenu d’informer le salarié des dispositifs de garantie existants. Le Gouvernement a vanté les mérites du CPE dans les médias en affirmant qu’il ouvrait le droit au dispositif Locapass. Évidemment ! Si l’on se réfère à la fiche publiée par le site portail du Gouvernement – une source incontestable, donc –, peuvent bénéficier du Locapass les jeunes de moins de trente ans : étudiants boursiers, en formation ou en stage, en recherche ou en situation d’emploi ; les salariés d’une entreprise du secteur assujetti au 1 % logement, y compris les travailleurs saisonniers ; les salariés en mobilité professionnelle ou encore les autres entrants. Presque tous les jeunes peuvent en bénéficier. Que le CPE ouvre ce droit est donc la moindre des choses. Il ne s’agit pas d’un droit nouveau.

L’indemnité de rupture du CPE est l’autre argument invoqué par le Gouvernement pour nous convaincre que son nouveau contrat est fantastique. Versée pendant deux mois, elle est de 492 euros par mois. Rappelons que l’allocation minimale versée par les Assedic s’élève à 750 euros, soit 258 euros de plus. Le fantastique avantage a donc ses limites.

Je suis par ailleurs inquiète – et c’est le sens de mon sous-amendement, monsieur le ministre – du fait que l’indemnité soit versée par le fonds de solidarité créé par la loi du 4 novembre 1982. Ce fonds, qui n’avait initialement pour but que de verser l’allocation spécifique de solidarité, a dû par la suite prendre en charge la prime de retour à l’emploi, la prime mensuelle et l’allocation forfaitaire de rupture d’un CNE, auxquelles s’ajoute donc aujourd’hui l’indemnité liée au CPE. Or le budget pour 2006 prévoit une réduction de la subvention que l’État lui alloue. Ma question est donc la suivante : comment un fonds dont les ressources sont en baisse peut-il répondre à une demande en augmentation ? C’est une impossibilité, sauf à transférer les allocataires de l’ASS vers le RMI.

M. le président. La commission est défavorable au sous-amendement.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. En ce qui concerne le Locapass, je rappelle, madame Billard, qu’une convention est en cours de discussion avec les gestionnaires du 1 % logement. Nous étudions la possibilité d’étendre le dispositif sur la totalité du bail et de faire passer de dix-huit à vingt-quatre mois la période de prise en charge des mensualités. Nous négocions également sur la question importante – notamment pour les jeunes – de la caution.

Par ailleurs, nous aurons à examiner – probablement demain – un amendement n° 1 du Gouvernement, qui incite les grandes entreprises à faire plus d’efforts en faveur de l’apprentissage. Vous disiez à l’instant, monsieur Brottes, qu’elles avaient mis fin à l’embauche et attendaient avidement la promulgation du CPE, ce qui est peut-être une description un peu rapide de la situation. Pour ma part, je leur demande de signer plus de contrats de professionnalisation ou d’apprentissage : le taux de la taxe d’apprentissage sera en effet augmenté si le nombre de titulaires de ces contrats reste en deçà d’un certain seuil, fixé à 1 % en 2006, à 2 % en 2007 et à 3 % en 2008. Aujourd’hui, les apprentis ne représentent qu’entre 0,5 % et 0,7 % des effectifs des grandes entreprises, lesquelles pensent atteindre 0,8 % au cours de l’année.

Il ne faut pas oublier ces mesures, et considérer dans sa globalité le projet de loi pour l’égalité des chances. N’avons-nous pas discuté, la semaine dernière, du renforcement de la formation en alternance et de son importance au sein d’un parcours d’insertion dans l’emploi ?

M. Alain Vidalies. Cette partie-là du texte, au moins, vous y croyez !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je crois très fort à l’ensemble. Votre humanisme, monsieur Vidalies, ne vous autorise pas à juger de la foi des autres.

M. Alain Vidalies. Je vous le concède !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Brottes, vous avez évoqué l’abus de droit. Celui-ci n’a pas besoin de base légale : c’est un principe général du droit qui existe sans texte et s’applique donc au CPE.

La question de la faute, et donc du droit disciplinaire, a également été abordée. Je me dois d’apporter des précisions sur ce point, afin que notre débat soit le plus clair et le plus complet possible. La procédure contradictoire continue à s’appliquer, de même que les notions de faute grave et de faute lourde.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Comment ?

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. On comprend bien pourquoi ces réponses viennent aussi tardivement, alors même qu’elles éclairent nos débats d’une manière singulière.

Le droit du licenciement verra en fait s’appliquer deux régimes concomitants : le droit du licenciement sans motif et, lorsque l’employeur voudra éviter un certain nombre de ses conséquences, la procédure du licenciement disciplinaire, celle qui existe déjà aujourd’hui.

Je ne suis pas sûr que les entreprises s’y retrouveront : dès lors qu’il y aura un licenciement, il faudra bien, en fin de compte, qu’elles motivent leur décision parce qu’elles devront dès le départ décider d’utiliser une procédure ou l’autre. Comme le salarié, pour contester le licenciement sans motif, essaiera de prouver la discrimination, les experts-comptables, conseils juridiques et autres professionnels libéraux qui conseillent les entreprises vont les pousser, pour se mettre à l’abri, à multiplier les licenciements pour faute grave, pour que l’on ne leur reproche pas par la suite de recourir systématiquement à la procédure allégée. En fin de compte, le résultat, en termes de relations sociales, sera exactement l’inverse de celui recherché.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 129.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je décide que l’Assemblée se prononcera par scrutin public sur l’amendement n° 3 rectifié, tel qu’il a été modifié par les sous-amendements adoptés.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je suis saisi d’un sous-amendement n° 215 sur le vote duquel un scrutin public a été annoncé.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le soutenir.

M. Gaëtan Gorce. J’ai parcouru la longue route qui nous amène à considérer, étape après étape, et après les déclarations du Gouvernement, que le CPE est un contrat précaire. Pour autant, je n’ai obtenu aucune réponse précise du Gouvernement sur l’absence de formalisme, sur la limitation du domaine de recours, sur la limitation liée à la durée du contrat ou sur la rupture arbitraire. Rien de tout cela n’a ému en quoi que ce soit le représentant du Gouvernement, ni même la majorité. J’ai démontré que le CDI et ses principales caractéristiques n’étaient pas respectés.

Reste, s’agissant de la comparaison avec le CDD, l’absence de contrôle. Là encore, je pense que cela ne va pas vous émouvoir. Or cela mérite d’être rappelé, ne serait-ce que pour que ceux qui s’intéresseront à ce débat et à ce texte puissent y trouver les références nécessaires. L’effectivité d’un droit dépend évidemment de la capacité que l’on a à le faire respecter devant le juge, mais ce n’est pas ce qui semble s’imposer à la lecture de votre projet. Contrairement aux contrats de travail à durée déterminée, le CPE échappe, comme vous le savez, à l’action en requalification, un classique du droit du travail pourtant reconnu par la Cour de cassation. Par ailleurs et paradoxalement, alors que vous encouragez plutôt à la pénalisation de notre société, aucune disposition pénale n’est prévue en cas de non-respect des textes intéressant ce CPE. Mais, ce qui est plus grave, c’est que votre contrat limite les conditions de recours au juge. On l’a évoqué, j’y reviens et j’insiste sur ce point. À la très grande différence du contrat précaire traditionnel, il est prévu que toute contestation portant sur la rupture se prescrit désormais par douze mois. En matière salariale, certes, la prescription est quinquennale et déroge à la prescription trentenaire. Il est toutefois inédit de prévoir une action se prescrivant sur un délai calculé en mois. Cela caractérise bien ce contrat spécial et précaire qu’est le CPE. On observera d’ailleurs que le délai de douze mois court à compter de la lettre de congédiement, ce qui pose le problème également soulevé par mon collègue et ami François Brottes, sur lequel nous n’avons pas non plus obtenu de réponse satisfaisante. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

M. Gaëtan Gorce. L’argument est parfaitement réversible, mon cher collègue. En tout cas, nous sommes tout de même parvenus à forcer votre attention ! Je sais qu’il est difficile, en matière sociale, d’aller au-delà d’une simple condescendance, mais nous aurons au moins essayé !

M. Richard Mallié. Vous n’avez pas le monopole du cœur !

M. le président. Il est trop tard pour polémiquer !

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, il ne s’agit pas de polémiquer. Il existe une différence de fond entre cette majorité et l’opposition. La majorité a tenté de faire croire – et vous aussi d’une certaine manière, pardonnez-moi de le faire remarquer – que nous étions dans une tactique d’obstruction, alors que nous avons traité du fond tout au long de ce débat.

M. Richard Mallié. Le disque était rayé alors !

M. Gaëtan Gorce. Nous avons démontré en permanence, références juridictionnelles et jurisprudentielles à l’appui, que ce contrat première embauche était un contrat précaire, moins favorable, et de loin, qu’un CDI, et – c’est un comble – moins favorable qu’un CDD, contrat le plus précaire !

Puisque nous voici à la fin de cette discussion sur le CPE, la moindre des choses est d’essayer de tirer quelques conclusions. De toute évidence, le contrat première embauche est, durant ses deux premières années, un contrat précaire – personne ne m’a démontré le contraire – pouvant être remis en cause chaque journée, chaque heure, voire, pourquoi pas, chaque seconde. Même s’il peut être assorti de conditions de préavis, rien n’empêche l’employeur de décider de le rompre, à tout moment et à toutes conditions qu’il aura lui-même fixées. Précaire parmi les précaires, il ne prévoit aucun garde-fou. Même s’il ne répond pas aux critères essentiels du contrat de travail à durée indéterminée, il reste, pendant ces deux années, vous l’avez qualifié ainsi, un CDI – un faux CDI, selon nous. Il est un contrat de travail à durée indéterminée au rabais, moins protecteur pour les salariés que les contrats de travail précaires classiques. Il est précaire au sens étymologique du terme, du latin precarius, c’est-à-dire « ce que l’on obtient par la prière ». Faut-il que l’on aie foi en vous pour croire que ce contrat ne l’est pas ! La foi que nous pourrions avoir dans la capacité de ce gouvernement à faire respecter ces dispositions est très faible, ne serait-ce qu’au regard de l’expérience que nous avons des textes que vous avez fait voter par cette assemblée, il est vrai, sans difficulté.

Nous combattons donc ce texte et continuerons de le combattre. Nous souhaitons que la discussion se poursuive au Sénat. Le choix de la procédure d’urgence nous a privés d’un débat en commission et nous empêchera de discuter de ce CPE en deuxième lecture. Ce sont les dernières minutes que nous pourrons consacrer au CPE. Ce sont peut-être les dernières minutes que nous pourrons consacrer à un contrat à durée indéterminée de type classique, tel qu’il fonctionne dans notre pays, protégé selon les lois votées sous notre majorité, qui se réclamait d’autres valeurs, puisqu’elle avait su protéger le salarié, tandis que vous prétendez défendre l’emploi en limitant les protections.

M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue !

M. Gaëtan Gorce. Veuillez m’excuser de vous importuner, monsieur le président. Mais nous abordons là une question de fond sur laquelle la différence est marquée entre la majorité et l’opposition, ce que je tenais à le réaffirmer avant de clore cette discussion.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à ce sous-amendement.

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour répondre au Gouvernement.

M. Gaëtan Gorce. Je répondrai à un gouvernement silencieux. Pendant quatre ans, il a été passif puisque rien n’a été fait en faveur de l’emploi. L’urgence, telle une danse de Saint-Guy dont on ne voit d’ailleurs guère de trace dans cet hémicycle, s’est brusquement emparée de ce gouvernement et il a présenté trois plans d’urgence pour l’emploi au cours des derniers mois.

Lorsque nous sommes amenés à discuter dans le détail des dispositions qu’on lui présente, il préfère ne pas répondre. Sans doute attend-il la conclusion de ce débat, sans pour autant apporter de réponse. Mais nous connaissons déjà cette pratique que nous avons expérimentée avec M. de Villepin, qui vient à cette tribune, nous assène ses vérités pour ensuite nous quitter, laissant les ministres débattre avec nous, même si c’est un plaisir, monsieur le ministre, d’avoir à faire à vous ! Je ne suis cependant pas certain qu’il y ait véritablement débat, mais uniquement quelques échanges !

Cette situation n’est pas acceptable, monsieur le président. En effet, aucun de nos arguments, tout au long de ces heures que vous avez trouvées un peu longues, n’a reçu de réponse. Je l’ai dit la semaine dernière, avant-hier et hier : à aucun moment, le Gouvernement n’a justifié les 160 000 emplois supprimés pour les jeunes dans les différents budgets ! Lorsque j’ai comparé les années 2002 et 2005, je n’ai pas obtenu de réponse.

M. le président. Je vous remercie, monsieur Gorce !

M. Gaëtan Gorce. Laissez-moi poursuivre, monsieur le président !

Comment peut-on débattre, alors que l’on ne travaille pas sur les données admises par le Gouvernement et qui résultent de tels documents ? Il en allait de même de la situation des jeunes au chômage. Il s’agit d’un gouvernement fantôme, qui, malheureusement, mène une politique bien réelle…

M. le président. Nous avons compris que vous ne souteniez pas le Gouvernement !

M. Gaëtan Gorce. …et met le droit des salariés en danger, ce qui ne favorisera pas l’insertion des jeunes.

M. le président. Je vous remercie, monsieur Gorce !

M. Gaëtan Gorce. On peut traiter l’opposition de manière cavalière. Je constate pour conclure, monsieur le président, que l’on peut faire de grandes déclarations lors des vœux sur la défense du Parlement, pour les oublier aussitôt le mois de janvier terminé !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 215.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je suis saisi d’un sous-amendement n° 157, sur le vote duquel un scrutin public a été annoncé.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. Ce sous-amendement examiné en fin de soirée est très important parce qu’il tend à réintroduire – et j’espère que le Gouvernement l’acceptera – une discussion avec les partenaires sociaux, et ce même si nous sommes opposés au CPE. C’est un des grands reproches adressé à juste titre au Gouvernement. On ne lance pas une réforme aussi fondamentale du droit du travail, du droit des contrats – et en particulier des contrats qui lient le salarié et l’employeur –, sans consulter les partenaires sociaux, même s’il semble possible d’affirmer qu’ils ne seront pas tout à fait d’accord. Nous sommes dans un monde où des dizaines de milliers de salariés employés dans de petites entreprises ne sont pas représentés syndicalement. Les salariés qui travaillent dans de toutes petites structures, qui ne comptent parfois même qu’un seul employé, doivent pourvoir être défendus.

Je ne résiste pas ici à la tentation de lire ce témoignage à M. le ministre Larcher, qui, je le crois, comprendra ma démarche.

Ce courrier concerne une personne, unique employée, et totalement désemparée. Je cite : « Mon épouse a travaillé pendant trois mois dans une clinique vétérinaire en CDD. À l’issue du CDD, son employeur lui a fait signer un contrat nouvelles embauches. Quinze jours après, elle a été virée sur simple lettre recommandée sans aucun motif. Son employeur lui a même dit qu’il n’avait aucun motif pour la licencier. Nous ne savons toujours pas pourquoi car, quelques jours auparavant, il lui avait annoncé qu’il était satisfait de son travail. Elle n’a aucun recours : ni prud’hommes ni inspection du travail. En plus, elle est obligée de travailler encore quinze jours avant son exclusion définitive. Que faire maintenant ? À noter qu’aucune secrétaire du vétérinaire n’est restée plus de trois mois jusqu’à présent. »

Loin de moi l’intention d’affirmer ici qu’une profession libérale très honorable, telle que celle des docteurs vétérinaires, exploite plus ses salariés que les autres.

M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue.

M. Serge Blisko. Mais dans ce type d’activité, le salarié se retrouve seul face à l’employeur et doit avoir un syndicat pour le défendre.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à ce sous-amendement.

La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Nous arrivons au terme de cette discussion.

Monsieur Gorce, vous vous êtes plaint tout à l’heure de ne pas être considéré. Rendez-nous au moins cette justice : nous vous avons écouté patiemment et attentivement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) J’ai, quant à moi, écouté avec attention l’ensemble de votre argumentaire.

Vous vous êtes évertué à comparer, notamment le CDD et le CPE. Qu’il s’agisse des bénéficiaires, de la durée du contrat, de la période d’essai, du droit à la formation, de l’indemnisation, de l’insertion sociale – et je vous épargnerai, monsieur le président, la lecture du comparatif que j’ai en ma possession –, le CPE est considérablement plus avantageux que le CDD traditionnel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine Billard. Mais non !

M. François Brottes. Deux ans de période d’essai !

M. Alain Joyandet. Telle est la réponse que je tenais à apporter à M. Gorce. Je n’entrerai pas dans le détail. Je souhaitais cependant que ce soit précisé, alors que nous arrivons au terme de notre débat, à tous ceux qui s’intéressent à ce problème et qui liront le Journal officiel.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Ce texte rompt avec toute l’histoire sociale que le peuple français a bâtie depuis environ un siècle et qui a consisté à ce que, texte après texte, loi après loi, acquis après acquis, la situation de tous les salariés soit améliorée. C’est la première fois sans doute, dans notre pays, qu’un recul aussi important est imposé à une partie de la population, avec l’objectif de l’étendre à l’ensemble des salariés.

De plus, la droite apporte la preuve que la politique peut changer les choses, et je l’en remercie. Une volonté politique peut faire changer les choses.

M. Georges Tron. Ce n’est déjà pas mal !

M. Marc Francina. Laignel l’avait dit !

M. Daniel Paul. Je souhaite que, très rapidement, une autre volonté politique s’y substitue. Je répondrai au collègue qui vient d’intervenir que nous aurons très prochainement l’occasion de reparler du CPE non pour le maintenir, mais pour revenir dessus !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 157.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je suis saisi d’un sous-amendement n° 190, sur le vote duquel un scrutin public a été annoncé.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre ce sous-amendement.

M. Laurent Hénart, rapporteur. Les heures que nous avons passées à débattre ont montré que ce nouveau contrat à durée indéterminée, qui cherche à établir un nouvel équilibre, pendant cette période de consolidation, entre la rupture légale et des protections nouvelles personnelles apportées au salarié, méritait d’être évalué.

Nous reprenons ici une initiative de Claude Gaillard, rapporteur du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures d’urgence pour l’emploi, qui avait posé le principe de l’évaluation du contrat nouvelles embauches. Ce sous-amendement vous propose la même date, le 31 décembre 2008, et la même méthode, c’est-à-dire une commission regroupant les services de l’État et les partenaires sociaux, organisations patronales et organisations représentatives des salariés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Le Gouvernement est favorable à ce sous-amendement qui prévoit une évaluation à la même date que pour le contrat nouvelles embauches.

Je vous confirme, monsieur Blisko, que les partenaires sociaux auront à se saisir de la convention de reclassement personnalisé et que, comme le Premier ministre l’a annoncé le 16 janvier, une concertation sera ouverte sur l’ensemble des contrats de travail. Quant aux limitations au recours au juge, même les vétérinaires sont dans le droit commun, j’aurai l’occasion d’y revenir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je ne reviendrai pas sur ce qui s’est passé tout à l’heure mais je le regrette.

Franchement, monsieur le rapporteur, vous rendez-vous compte de ce que vous nous avez dit ? C’est fondamentalement choquant. Vous proposez par votre sous-amendement que, comme pour le CNE, une évaluation soit faite au plus tard au 31 décembre 2008.

M. Serge Blisko. C’est de la provocation !

M. Jean-Marc Ayrault. C’est se moquer du monde ! Le Premier ministre, en effet, sans consulter le Parlement puisque la décision a été prise par ordonnance, avait dit publiquement et avait dit aux partenaires sociaux qu’il n’y aurait aucune modification ultérieure du code du travail sans un bilan et une évaluation préalable du CNE.

Nous ne pouvons donc pas vous croire, pas plus là-dessus que sur le reste, car l’évaluation, naturellement, n’a pas eu lieu et vous continuez allégrement à modifier le code du travail. Vous vous êtes même assis sur une loi car, en l’occurrence, ce n’est pas simplement une commission qui devait rendre un rapport. Il s’agit de la loi sur le dialogue social qui prévoit qu’avant toute modification du code du travail, il y aura concertation et négociation. Vous l’avez méprisée. Nous ne pouvons donc pas vous faire confiance.

C’est un acte législatif particulièrement grave, qui sera lourd de conséquences, dont vous prenez la responsabilité. Ce n’est pas une loi sur le travail des jeunes, c’est une loi pour faciliter le licenciement. Pourquoi répondez-vous si peu aux questions de l’opposition, monsieur le ministre ? Parce que, heure après heure, se dévoile la vérité. Vous faites voter une réforme en profondeur du code du travail comme on n’en a pas vu depuis longtemps. Il s’agit bien de faciliter le licenciement de tous les jeunes et, demain, de tous les salariés. Nous ne pouvons l’accepter.

Qu’on ne nous reproche pas d’avoir fait notre travail. Il n’y a pas d’arbitre qui annonce la fin d’une récréation. Ce n’était pas une récréation, c’était une œuvre de pédagogie politique en direction des Français. On comprend votre silence, parce que vous n’aviez pas envie de vous expliquer, mais la bataille n’est pas terminée. Elle continuera demain sur les autres articles du projet de loi. Croyez bien que vous nous retrouverez. Vous retrouverez également les sénateurs mais aussi les Français. Nous prenons donc date. Vous avez pris une grave responsabilité, vous devrez l’assumer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 190.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté.

Avant que je ne mette aux voix l’amendement du Gouvernement, je vais donner la parole à un orateur de chaque groupe.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Ce contrat première embauche, bizarrement nommé puisque nous avons démontré pendant ces deux jours qu’il n’en avait que le nom, est censé lutter contre la précarité dont sont victimes les jeunes salariés dans notre pays.

Il est assez bizarre de lutter contre la précarité en augmentant le nombre de types de contrats sans régler la question de fond. Bien sûr, il ne s’agit pas de rester immobile, mais il ne faut pas non plus bouger pour bouger. Le Président de la République a d’ailleurs expliqué à un moment donné, ce qui lui a été vite reproché sur les bancs de sa majorité, qu’il s’agissait de sécuriser le parcours professionnel tout au long de la vie. Il faut créer de l’emploi, sans mettre en concurrence les différentes catégories de salariés en fonction de l’âge, de la zone d’habitation ou de la taille des entreprises, mais vous ne voulez pas en entendre parler. Visiblement, ça ne vous intéresse pas plus que ça.

Avec le CPE, vous instaurez la rotation perpétuelle, le jeu des chaises musicales. Il va falloir courir le plus vite possible pour occuper un poste de travail jusqu’à ce qu’on en soit éjecté pour laisser la place à d’autres, et ainsi de suite jusqu’à ses vingt-six ans, âge où l’on aura peut-être la chance d’obtenir un autre contrat.

Ce type de contrat ne crée aucun emploi pour les jeunes, il augmente la précarité et ouvre la porte à une généralisation des contrats précaires. Vous comprendrez donc qu’au nom de l’ensemble des députés Verts, je vote contre l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Personne n’est dupe. Avec ce texte, sous couvert de flexibilité, vous voulez tout simplement institutionnaliser dans notre pays la précarité, qui avait déjà atteint des sommets car cela fait belle lurette que les frontières mises en place pour l’intérim ont été allégrement franchies par les entreprises.

Vous répondez ainsi aux attentes du MEDEF. Sa présidente ne s’y est d’ailleurs pas trompée en déclarant, phrase désormais célèbre : l’amour et la vie sont précaires, pourquoi pas le travail ?

C’est un recul social sans précédent, je l’ai dit tout à l’heure. C’est la première fois sans doute qu’un tel recul serait imposé à notre peuple. C’est aussi la première fois qu’une génération de jeunes vit plus mal que ses parents. C’est ça aussi la réalité de la crise, et vous voulez l’institutionnaliser dans notre pays.

Nous avons combattu ce recul social avec les armes qui sont les nôtres, dans l’opposition. Souvenez-vous, mes chers collègues de la majorité, de la façon dont vous avez réagi il y a quelques années lorsqu’une autre majorité avait voulu faire voter les 35 heures. Nous voulions faire une loi de progrès, vous aviez voté contre (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), vous l’aviez combattue. Vous voulez faire une loi de régression, nous l’avons combattue et nous continuerons à la combattre. C’est notre rôle, en effet, d’appeler les forces démocratiques à poursuivre le combat contre une telle régression et le peuple à réagir de façon que l’on revienne sur ce texte le plus rapidement possible.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. En conclusion de cette première partie de notre débat, je ne peux m’empêcher de citer, comme il m’arrive parfois de le faire à ces heures tardives, ce Cyrano de Bergerac pour lequel nous sommes quelques-uns dans l’hémicycle à avoir une passion particulière. À quelques minutes de sa mort, presque dans les bras de Roxane, il disait : « je me suis donc battu, madame, et c’est tant mieux, pas pour mon vilain nez mais pour vos beaux yeux ».

Ces beaux yeux pour lesquels nous nous sommes battus, c’est la jeunesse et son droit à l’insertion. Nous nous sommes mobilisés contre sa précarité. D’autres solutions existent et cela méritait bien que nous soyons présents. Celui qui a dit que c’est tellement plus beau lorsque c’est inutile aurait naturellement siégé dans ce débat aux côtés de l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. S’il y avait eu dialogue social, nous aurions peut-être moins bataillé dans cet hémicycle. Cela aurait permis d’éviter que d’aucuns se prétendent les représentants des jeunes ou des employeurs, et nous aurions peut-être eu un éclairage plus précis de la position de chacun.

J’ai essayé de vous démontrer que le CPE était un contrat précaire pour les jeunes, mais aussi que, comme le CNE d’ailleurs, il mettait les entreprises dans une insécurité juridique qui ne va pas les inciter à embaucher. Dès que la jurisprudence fera son œuvre, elles délaisseront ce type de contrat et rompront même les contrats signés.

Le CPE est un empilement supplémentaire dans un code du travail déjà difficilement compréhensible par les petites entreprises, les commerçants, les artisans et même, parfois, les plus grosses entreprises. Cela ne va donc pas non plus les pousser à embaucher et à traiter avec nous du problème de l’emploi. Or je vous le rappelle tout de même que l’emploi est d’abord traité par les entreprises avant d’être traité par le Parlement.

Le groupe UDF n’est pas contre la flexibilité, mais ça ne passe pas par un contrat supplémentaire. Il faudrait regarder ce qui bloque dans le code du travail et essayer de trouver des solutions avec les partenaires sociaux pour alléger peut-être les procédures, simplifier, rendre le code plus compréhensible et donner plus de place au dialogue social. C’est ça d’abord la flexibilité, ce n’est pas essayer de détourner le code du travail par un amendement qui, à mon avis, ne réglera rien.

Le groupe UDF reste opposé au CPE en dépit des interventions des uns et des autres, parce que c’est une mauvaise réponse. C’est un contrat amoindri par rapport au CDI, et je ne vois donc pas ce qu’il vient faire dans un texte sur l’égalité des chances. Par ailleurs, il ne va en rien régler la réalité des choses, c’est-à-dire le problème des offres d’emploi non pourvues, déjà nombreuses aujourd’hui mais qui le seront encore plus demain, vu la pyramide des âges.

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Il a beaucoup été question de précarité tout au long de ce débat. Mais c’est en ce moment que les jeunes la subissent, avec un taux de chômage de 20 % et 70 % des embauches en CDD. Certains mettent jusqu’à dix ans avant de trouver leur voie dans l’insertion !

La conclusion que l’opposition a tirée de ce débat, c’est qu’il ne faut rien faire. Nous, nous pensons au contraire que cette situation n’est pas une fatalité. En Allemagne, par exemple, où le taux de chômage des jeunes n’est que de 11 %, les solutions mises en œuvre vont à l’inverse de celles que vous recommandez. Nous ne pensons pas que le travail se partage, mais qu’il doit, comme l’amour, se multiplier. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Les mesures proposées par le Gouvernement – nous en avons longuement débattu, je n’y reviendrai donc pas – visent toutes à sortir les jeunes de la précarité et à leur permettre d’accéder à l’emploi dans de meilleures conditions. Une véritable rupture s’est produite entre les jeunes et le monde économique dans lequel ils souhaitent entrer.

Saint-Exupéry déplorait que l’on construise trop de murs et pas assez de ponts. Nous n’avons pu construire un pont avec l’opposition. J’espère que nous avons pu en établir un entre notre jeunesse en déshérence et un monde du travail qui souhaiterait l’accueillir mais a peut-être besoin pour ce faire de davantage de flexibilité.

Nous sommes en définitive beaucoup plus optimistes que l’opposition. Nous croyons aux vertus du contrat de confiance. Un peu plus de flexibilité, de dialogue, de contrat et un peu moins de règle administrative pourront sans doute rétablir ce contrat de confiance. J’espère que ce pont, que nous avons essayé de construire en soutenant le Gouvernement, sera solide et représentera un plus pour l’avenir de notre jeunesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Gorce, citant Cyrano, vous auriez pu conclure ainsi : « Et à la fin de l’envoi, je touche » !

M. Gaëtan Gorce. Ne me tentez pas !

M. le président. Car nous « touchons » bien à la fin de l’envoi, j’entends de ce débat ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je vous remercie, monsieur le président, d’avoir présidé vous-même plusieurs des séances sur les cinq que nous avons consacrées à cet amendement du Gouvernement – preuve que nous avons débattu de façon approfondie et que les échanges ont été nombreux. Je remercie également le rapporteur et tous les députés qui ont participé à ce débat.

Nous sommes tous d’accord sur le constat : 22,7 % de jeunes au chômage, soit deux fois plus que la moyenne nationale, c’est insupportable. Mais nous avons décidé d’y remédier. Et là, citer Cyrano ne suffit pas… (Sourires.) Il faut former les jeunes, les accompagner, construire leur entrée dans l’emploi.

Tel est l’objet de ce nouveau compromis social, que j’évoquais cet après-midi, entre les réalités d’un monde économique qui a besoin de fluidité et une jeunesse qui a besoin de sécurité dans son parcours professionnel. Le contrat première embauche est une nouvelle arme dans une bataille pour l’emploi que nous avons engagée voilà maintenant quatre ans. Il prendra place aux côtés du droit individuel à la formation, des conventions de reclassement personnalisé, de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, des contrats de professionnalisation. Depuis quatre ans nous travaillons pour que notre pays en finisse avec le chômage structurel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l’amendement n° 3 rectifié, modifié par les sous-amendements adoptés.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Ce matin, à dix heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2787, pour l’égalité des chances :

Rapport, n° 2825, de M. Laurent Hénart, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 9 février 2006, à deux heures trente-cinq.)