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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 21 février 2006

144e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Dépôt d’une motion de censure

M. le président. Conformément à l'article 153 du règlement, j'informe l'Assemblée que M. le président a reçu, le mercredi 15 février 2006 à dix-sept heures trois, une motion de censure déposée par MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande, Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Martine Billard et cent quarante et un membres de l'Assemblée en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution.

La motion de censure a été notifiée au Gouvernement et affichée.

La Conférence des présidents a fixé à cet après-midi, après les questions au Gouvernement, la date de la discussion de cette motion de censure.

Nomination d’un député
en mission temporaire

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger M. Yannick Favennec, député de la Mayenne, d'une mission temporaire auprès du ministre de l'agriculture et de la pêche.

PRÉVENTION ET RÉPRESSION DES violences
au sein du couple

Discussion, en deuxième lecture,
d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs (nos 2809, 2851).

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, votre assemblée examine ce matin en deuxième lecture la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple.

Ce texte constitue une réponse efficace et indispensable à ces comportements insupportables. Je n’entends pas revenir aujourd’hui sur les chiffres très marquants des statistiques que nous avons citées en première lecture, et que nous avons tous ici encore en mémoire.

Je me félicite que ce texte fasse l’objet d’un très large consensus entre les deux assemblées et entre les différentes sensibilités politiques. À la suite de débats particulièrement riches, au cours desquels chacune des chambres a apporté sa pierre à l’édifice, a été adoptée une série de dispositions tout aussi justifiées les unes que les autres.

En ce qui concerne les dispositions civiles, permettez-moi tout d’abord de saluer le travail remarquable accompli par les deux assemblées, qui aboutit aujourd’hui à un dispositif cohérent permettant de mieux lutter contre les violences au sein du couple, sous toutes leurs formes.

Le consensus qui s’est établi autour de cette question a permis d’adopter plusieurs dispositions essentielles. Je pense, bien sûr, au relèvement à dix-huit ans de l’âge du mariage des femmes, adopté à l’unanimité par chacune des assemblées, et dont j’ai déjà eu l’occasion de souligner qu’il s’agit d’une excellente mesure. L’introduction de la notion de respect en tête des devoirs mutuels des conjoints énoncés à l’article 212 du code civil poursuit le même objectif d’égalité entre époux. Cette modification du code civil sera un symbole fort de notre conception de ce que doivent être les relations au sein du couple.

Je veux également rappeler les dispositions sur la lutte contre les mariages forcés, dont vous êtes à l’initiative et qui ont été reprises par le Sénat.

Suivant les recommandations de la mission parlementaire sur la famille et les droits de l’enfant, vous avez adopté plusieurs mesures qui renforcent le dispositif de lutte contre les mariages forcés. Ainsi, la réalité du consentement des futurs époux sera mieux contrôlée, notamment lorsque le mariage est célébré à l’étranger, et le parquet sera en mesure de poursuivre la nullité du mariage pour défaut de consentement.

Le délai d’action du procureur de la République a donné lieu à des débats particulièrement importants. Comme vous le savez, en l’état du droit, l’action en annulation du mariage pour vice de consentement ne peut plus être engagée lorsque les époux ont continué à cohabiter plus de six mois à compter du jour où la violence a cessé.

Votre assemblée avait porté à deux ans le délai pendant lequel le mariage peut être remis en cause. Je vous avais fait part, ici même, de mes interrogations sur ce délai de deux ans, qui peut parfois paraître court, en particulier lorsque le mariage a été célébré à l’étranger et que les faits ne sont dénoncés qu’au moment de la transcription, c’est-à-dire des années plus tard.

Je vous indiquais en outre que le Gouvernement avait engagé une réflexion sur la possibilité de faire du mariage forcé une cause de nullité absolue compte tenu de l’atteinte à l’ordre public qui est portée. Comme vous le savez, une telle solution aurait nécessité de fixer à trente ans le délai d’action, ce qui paraît, à bien des égards, excessif. Le Sénat a retenu une solution de compromis qui consiste à porter ce délai à cinq ans à compter du mariage. Je crois qu’il s’agit d’un bon équilibre et je me félicite que votre assemblée s’y rallie.

En ce qui concerne les dispositions pénales, la complémentarité et le travail des deux assemblées ont également été exemplaires.

Les dispositions permettant l’éloignement des conjoints ou concubins violents, issues de la loi du 12 décembre 2005 sur la récidive, mais qui se trouvaient à l’origine dans le texte adopté en première lecture par le Sénat, ont été complétées en deuxième lecture pour viser également les ex-conjoints et concubins, ainsi que les pacsés.

Votre assemblée a, quant à elle, complété ces dispositions notamment afin de faciliter la révocation d’un contrôle judiciaire que ne respecterait pas un conjoint ou un concubin violent.

S’agissant de la répression des violences conjugales, la circonstance aggravante liée à la qualité de la victime, dont la rédaction a été améliorée par l’Assemblée nationale, a été généralisée et étendue aux ex-conjoints et concubins, ainsi qu’aux pacsés. Il est ainsi prévu qu’elle s’appliquera notamment en cas de meurtre, et pas seulement en cas de violences.

Pour lutter contre la privation des pièces d’identité d’une personne par son conjoint ou son concubin, l’Assemblée nationale a préféré, à juste titre, créer une exception à l’immunité familiale prohibant les poursuites en cas de vol entre époux plutôt que créer une nouvelle infraction.

Enfin, votre assemblée a très utilement complété la proposition de loi par des dispositions permettant de mieux réprimer les mutilations sexuelles, la pédo-pornographie et le tourisme sexuel, infractions dont sont victimes les mineurs.

Le Sénat a bien évidemment accepté ces différentes dispositions sans difficulté, compte tenu de la légitimité de leur objectif. Seules deux questions restent en discussion et ont fait l’objet de d’amendements de votre commission.

La première question concerne le viol entre époux, dont traite l’article 4 de la proposition de loi. Faut-il simplement reconnaître qu’un tel viol est punissable, en consacrant la jurisprudence de la Cour de cassation, ou faut-il en faire une circonstance aggravante ?

La seconde question concerne le recours à la médiation pénale en matière de violence conjugale. Votre commission propose de rétablir l’article 5 bis B adopté en première lecture par votre assemblée, mais supprimé par le Sénat.

Le Gouvernement s’exprimera de façon plus détaillée sur ces amendements lors de leur examen. Je tiens tout de même à souligner que la seconde médiation pénale est utilisée avec une extrême prudence par les parquets, mais qu’elle peut parfois constituer un instrument efficace de règlement des conflits dans le couple.

En guise de conclusion, je voudrais remercier votre commission et en particulier son rapporteur, M. Guy Geoffroy, pour l’excellent travail qu’ils ont accompli.

Cette proposition de loi répond en effet à une indéniable nécessité juridique. Elle présente, en outre, un caractère symbolique fort. Dans l’intérêt des victimes comme dans celui de leurs enfants, nous nous devons de mettre en place un arsenal législatif plus cohérent et plus efficace.

Je vous demande en conséquence d’adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d’abord saluer le travail réalisé par les deux assemblées. Le texte que nous vous présentons pour cette deuxième lecture a été sensiblement enrichi par la discussion qui a eu lieu au Sénat.

Conformément à ce que nous vous avions indiqué en première lecture, la loi sur la récidive ayant été promulguée le 12 décembre 2005, le Sénat a pu étendre la mesure d’éloignement du conjoint qu’elle instaurait, à votre initiative, aux pacsés ainsi qu’aux anciens conjoints, anciens concubins et anciens pacsés. C’est une mesure essentielle, car la violence n’est pas cantonnée aux couples mariés ou aux concubins et, surtout, elle ne s’arrête pas avec la fin de la vie en couple : 31 % des décès surviennent au moment de la rupture ou postérieurement à celle-ci.

Les dispositions relatives aux relations au sein du couple ont aussi substantiellement évolué.

Le Sénat a introduit dans notre droit la notion de respect entre les époux, qui vient s’ajouter à leur devoir mutuel de fidélité, de secours et d’assistance. Le code civil mentionne, depuis son origine, le respect que l’enfant doit à ses père et mère. Et la loi du 4 mars 2002 a ajouté le respect que doivent les parents à la personne de l’enfant. La disposition adoptée par le Sénat permet ainsi de parachever l’évolution de notre droit en matière de relations intra-familiales. Elle va incontestablement contribuer à la prévention des violences tant il est vrai que celles-ci trouvent essentiellement leur origine dans l’absence de reconnaissance et de respect. Cet ajout permettra, en outre, à l’officier d’état civil, lorsqu’il célèbre un mariage, de mettre l’accent sur cette valeur fondamentale. C’est un moyen de prévenir toute violence ultérieure.

Le Sénat a souhaité revenir sur la mesure d’aggravation en cas de viol et d’agressions sexuelles entre époux, concubins ou pacsés. Il a préféré s’en tenir à la reconnaissance légale de l’existence du viol entre époux. Lors du long débat que nous avions eu ici à ce sujet, nous avions rappelé combien il serait paradoxal qu’un mari ivre qui frappe sa femme encoure les peines prévues pour les violences aggravées, mais qu’il n’encoure aucune aggravation de peine s’il la viole après l’avoir battue ! Il y a là incontestablement une problématique sur laquelle il convient de revenir, comme l’a fort justement indiqué votre rapporteur.

Enfin, le Sénat a renforcé les mesures visant à lutter contre les mariages forcés. Vous avez étendu, en première lecture, de six mois à deux ans le délai de demande de nullité du mariage pour vice de consentement en cas de cohabitation des époux. Ce délai a été porté à cinq ans par les sénateurs. C’est une avancée très intéressante.

À cet instant du débat, je veux remercier la commission, ainsi que vous, monsieur le rapporteur, pour le travail accompli. Mesdames, messieurs les députés, grâce aux enrichissements successifs que vous avez apportés à ce texte, notre pays pourra se doter d’une législation qui sera enfin à la mesure de ce fléau qui touche tant de femmes, et parfois des hommes, dans notre pays. La France, pays des droits de l’homme, sera ainsi, plus que jamais, fidèle à son message et à sa vocation. Je vous demande donc d’adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc à un moment important de la vie de ce texte, puisque nous arrivons à la deuxième et dernière lecture des dispositions sur lesquelles, comme l’ont souligné M. le garde des sceaux et Mme la ministre, nous avons beaucoup réfléchi et travaillé depuis quelques semaines au sein non seulement de la commission des lois mais de l’ensemble des instances qui, au sein de l’Assemblée nationale, permettent à nos travaux d’être nourris des meilleures réflexions et des meilleures propositions.

Je salue une fois de plus l’apport, que le Sénat n’a pas contesté, de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, et de la mission d’information sur la famille et les droits des enfants. Elles nous ont permis d’apporter à ce texte en première lecture des modifications substantielles et nécessaires, afin que cette proposition de loi, dont les principes de base nous paraissaient bons, prenne la dimension que nous en attendions et mette en œuvre rapidement les premières conclusions, d’ailleurs consensuelles, auxquelles était parvenue la mission d’information.

M. le garde des sceaux et Mme la ministre l’ont souligné : le Sénat a peu modifié le texte que l’Assemblée nationale avait substantiellement enrichi lors de son examen, mais il a continué le travail d’affinement des dispositions que cette dernière avait votées. Il est même allé jusqu’à apporter une dimension supplémentaire que le garde des sceaux a rappelée tout à l’heure.

La proposition défendue par M. Badinter au Sénat, laquelle visait à modifier l’article 212 du code civil que nous connaissons bien, puisque beaucoup d’entre nous sont officiers d’état civil, est essentielle. Cet amendement, que la commission a suggéré, sur mon initiative, d’adopter en l’état, vise à ajouter, préalablement aux termes de « fidélité, secours, assistance », celui de « respect ». Plus qu’un mot parmi d’autres, il s’agit d’un symbole. En effet, la proposition de loi vise non seulement à réprimer les violences au sein du couple, mais à les prévenir, ce qui suppose que le couple soit fondé sur des bases qui lui permettent, dans son essence même, d’empêcher toute dérive. Et la première d’entre elles, préalable à toutes les autres, est bien le respect.

Un des mérites, et non des moindres, de la proposition de loi, est de contenir cette modification substantielle, aux termes de laquelle l’article 212 du code civil, qui n’avait pas changé depuis 1804, sera rajeuni après plus de deux siècles d’existence et portera des valeurs essentielles.

Le Sénat a également souhaité donner plus d’homogénéité à l’ensemble des dispositions que nous avions introduites dans la loi pour lutter contre les mariages forcés. Je ne peux que suggérer à l’Assemblée de s’en tenir, comme la commission des lois, à ces dispositions nouvelles, certes, mais qui ne révolutionnent pas l’esprit des articles concernés. Je suis certain que, dans sa sagesse, l’Assemblée ira dans ce sens.

Comme l’a souligné Mme la ministre, deux questions restent en suspens, sur lesquelles la commission des lois a pris une position qui, je l’espère, sera pour l’essentiel celle de notre assemblée. Nous pourrons ainsi aborder la commission mixte paritaire dans le meilleur état d’esprit et conclure rapidement l’examen de ce texte, afin qu’il devienne bientôt loi de la République.

La première question est relative à la notion de circonstance aggravante en cas de viol entre époux. Je l’avais déjà expliqué ici même lors du vote de cette disposition en première lecture : il serait paradoxal, voire choquant, que, alors que la circonstance aggravante vaut pour diverses infractions pouvant être commises au sein du couple, nous en restions aux dispositions initialement prévues par le Sénat en ce qui concerne l’infraction gravissime qu’est le viol. Comment comprendre en effet que, tandis que le vol, par exemple la suppression par l’un des conjoints de documents nécessaires non seulement à la vie quotidienne mais, bien plus, à la dignité de l’autre, ou encore que le meurtre peuvent faire l’objet d’une circonstance aggravante, le viol, que la jurisprudence de la Cour de cassation considère bel et bien comme possible au sein du couple, en reste au stade d’incrimination reconnue, sans pouvoir faire l’objet d’une circonstance aggravante ?

J’ai donc proposé à la commission des lois, qui a bien voulu me suivre sur ce point, d’en revenir au texte que nous avions initialement voté.

M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien ! Restez ferme, monsieur le rapporteur !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. J’ai déjà informé nos collègues du Sénat, notamment le président de la commission des lois, de notre intention de maintenir cette disposition dans le texte définitif. J’ai bon espoir que les travaux de la commission mixte paritaire donneront raison à l’Assemblée nationale et que nos collègues sénateurs sauront comprendre l’intérêt juridique, social et politique – au bon sens du terme – qu’il y aurait à maintenir une telle disposition.

M. Pierre-Christophe Baguet. Nous comptons sur vous !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Pour ce qui est de la seconde question en suspens, la médiation pénale, je me ferai l’écho des propos du garde des sceaux.

En première lecture, nous avions beaucoup réfléchi sur cette question dont certains observent, à juste titre, qu’elle a souvent un effet pervers. Qui dit médiation pénale dit en effet reconnaissance par la victime des violences au sein du couple et donc de la responsabilité ayant entraîné ces violences.

M. Pierre-Christophe Baguet. Tout à fait !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Or il faut absolument éviter d’enfermer la victime des violences dans l’obligation de rendre compte d’événements qui surviennent au sein du couple, peuvent le mettre en péril mais ne justifient en aucune manière le recours à la violence.

Nous pensions – c’est d’ailleurs le sens de l’amendement qui vous avait été présenté en première lecture – que limiter le recours à la médiation pénale serait probablement une bonne chose. Nos collègues sénateurs ne nous ont pas suivis, pour des raisons différentes de celles que nous avions imaginées. Ils croient à l’efficacité de la médiation pénale pour lutter contre les violences au sein du couple. Je pense qu’ils font fausse route. En effet, c’est probablement la solution la moins appropriée dans la majeure partie des situations. C’est la raison pour laquelle, à défaut de la supprimer complètement, il faut tout faire pour en limiter l’accès et en réduire les effets pervers. J’ai par conséquent proposé, et la commission des lois m’a suivi sur ce point, de réintroduire dans le texte les dispositions que nous avions adoptées en première lecture. J’espère que le Gouvernement ira dans le même sens et qu’il nous donnera, en la matière, des assurances qui nous permettront d’avancer.

Nous n’avions pas voulu supprimer la médiation pénale en tant que telle. Peut-être faudra-t-il en rester à l’état actuel du droit. En l’occurrence, c’est au garde des sceaux de définir de manière précise la politique pénale qu’il entend proposer à l’ensemble des parquets. Peut-être souhaitera-t-il expliciter ce qui figure déjà dans le guide l’action publique, afin que, si le recours à la médiation pénale est maintenu, ce soit dans les cas où celle-ci règle les problèmes, ce qui n’est déjà pas facile, sans en poser de nouveaux, ce que nous devons absolument éviter.

De ce débat, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, doit sortir un texte porteur de solutions et d’évolutions sur un sujet sensible, et dont il n’est pas nécessaire de rappeler combien il cause de dégâts, de malheurs et même de drames dans notre pays.

Mais nous n’en aurons pas pour autant terminé. Nous l’avons longuement évoqué lors de nos travaux en première lecture : il faudra continuer à approfondir le sujet pour mesurer, grâce aux outils que nous mettons en place, les effets de la nouvelle législation sur les violences commises au sein du couple et pour progresser encore, soit dans le cadre de l’action réglementaire du Gouvernement, soit dans celui de l’action législative que nous aurons éventuellement à prolonger, afin d’aider les victimes de violences au sein du couple.

Grâce à ce texte, nous aurons conforté le cadre juridique dans lequel il est possible de prévenir, de combattre et de réprimer les violences. Mais il faut également accomplir le travail d’éducation dont nous avons beaucoup parlé dans cet hémicycle et qui a été longuement évoqué au Sénat.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout à fait.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Sans ce travail, l’œuvre législative à laquelle nous apportons la dernière pierre serait de peu d’effet. C’est en effet dans les consciences, par l’éducation et au cœur de notre société que, une fois la prise de conscience effectuée, les choses devront évoluer en profondeur.

Grâce au travail de l’Assemblée, à l’apport de la Délégation aux droits des femmes et de la mission d’information sur la famille, grâce à l’accompagnement, à l’écoute et aux propositions du Gouvernement auxquelles nous avons adhéré, grâce enfin au consensus qui, fort heureusement, nous réunit sur ce sujet délicat, nous avons l’espoir que la situation évolue dans le bon sens et, pourquoi pas, que soit éradiqué le drame que constituent les violences au sein du couple. Tel est le vœu que je forme, au moment de vous dire que votre commission des lois souhaite que le texte, ainsi qu’elle l’a amendé, soit adopté par l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et du groupe socialiste.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Valérie Pecresse.

Mme Valérie Pecresse. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons à la dernière étape de l’examen d’une proposition de loi sur les violences conjugales qui a déjà fait l’unanimité sur nos bancs. Je ne doute absolument pas qu’il en soit de même aujourd’hui, car nous nous souvenons tous des constats qui avaient été faits lors de la première lecture.

Je ne rappellerai qu’un seul chiffre, qui est suffisamment explicite : dans notre pays, une femme sur dix est victime de violences conjugales.

Consciente des drames vécus par ces femmes, je ne peux que me féliciter du travail parlementaire réalisé au Sénat et dans cet hémicycle pour renforcer la prévention et la répression des violences au sein du couple.

J’en suis d’autant plus heureuse que, dès l’adoption de la loi du 26 mai 2004 sur le divorce, j’avais été à l’origine d’un amendement étendant la possibilité d’évincer du domicile le concubin violent, et non plus seulement le conjoint violent. Jugé hors sujet, cet amendement avait fait l’objet d’un traitement bien sévère du garde des sceaux de l’époque, qui m’avait demandé de le retirer, tout en me promettant d’aller bientôt beaucoup plus loin dans ce domaine.

M. le garde des sceaux. Eh bien ! Nous y voilà !

Mme Valérie Pecresse. Je constate que c’est chose faite.

M. Pierre-Christophe Baguet. Vous êtes donc satisfaite.

Mme Valérie Pecresse. Je souhaite souligner la remarquable complémentarité du travail des deux assemblées. Et je remercie à ce titre nos collègues de la commission des lois du Sénat, qui ont contribué à préciser encore, de façon pertinente, le dispositif destiné à lutter contre les mariages forcés, que je vous avais présenté en première lecture au nom de la mission d’information sur la famille, dont j’étais la rapporteure.

M. Pierre-Christophe Baguet. Excellente rapporteure !

Mme Valérie Pecresse. Il faut le redire, les mariages forcés sont l’une des pires – sinon la première – formes de violence conjugale. La liberté d’aimer et de se marier est un droit fondamental de l’homme et de la femme, qui doit être affirmé sur le territoire de la République. Cette proposition de loi est donc également, pour cette raison, un symbole fort.

Il nous reste néanmoins aujourd’hui, à mon sens, une question à trancher : devons-nous rappeler explicitement dans la loi que, si une jeune femme ou un jeune homme fait l’objet de pression morale, voire affective, de la part de ses parents pour se marier, cela constitue un cas de nullité du mariage ?

Cela ne fait aucun doute pour la rapporteure de la mission sur la famille. Je vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter un nouvel amendement qui vise à faire explicitement de la contrainte au mariage – et particulièrement de la crainte dite révérencielle envers un ascendant – un cas de nullité du mariage. Nous aurons ainsi un dispositif législatif complet qui garantira enfin, sur notre sol, la liberté d'aimer à chacun de nos concitoyens.

Avant de conclure, je veux saluer l'action volontaire que le Gouvernement mène depuis trois ans afin de protéger, soutenir et accompagner les femmes – et les hommes – qui sont victimes de violences. Au-delà des dispositions de cette proposition de loi, nous devons être sûrs de répondre aux besoins des victimes, car notre responsabilité est également de les aider, tant moralement que matériellement. Pour ce faire, nous devons mettre en place des structures adéquates destinées à les accueillir et à les héberger et penser à leur suivi psychologique. Chacun le sait, au-delà des blessures physiques qu'il convient bien sûr de soigner, il existe très souvent un drame moral qu'il faut également prendre en considération pour permettre à ces victimes de se reconstruire.

Depuis trois ans, le Gouvernement a déjà fait beaucoup. En novembre dernier, madame la ministre, vous avez donné une nouvelle impulsion à cette action, en proposant, par exemple, de rendre possible l'hébergement dans des familles d'accueil et d'améliorer l'accompagnement médical des victimes grâce à la mise en place de nouveaux protocoles de prise en charge. Le temps d'un premier bilan de cette action sera bientôt venu, car c'est en évaluant la qualité des mesures que nous proposons que nous pourrons encore les améliorer, dans l'intérêt des victimes.

En attendant ce bilan, madame la ministre, monsieur le garde des sceaux, je tiens à ce que cette proposition de loi soit adoptée par notre assemblée, compte tenu du travail approfondi que la commission des lois et son rapporteur ont mené en lien avec la Délégation aux droits des femmes. Elle recevra donc tout le soutien du groupe UMP, qui la votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Danielle Bousquet.

Mme Danielle Bousquet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, au-delà des chiffres – sur le détail desquels je ne reviendrai pas, car ils ont été largement évoqués lors de la première lecture –, ce qui a marqué nos consciences, c’est l’importance méconnue de la violence envers les femmes dans les couples ainsi que son caractère universel.

Contrairement à ce que nous serions peut-être tentés de croire, tous les milieux sont touchés. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une autre approche de cette grave question s’imposait. En effet, la cause majeure de ce phénomène se trouve dans un modèle de société qui place les femmes en situation d’« infériorité naturelle ». Dès lors, il nous fallait élaborer collectivement une réponse globale, abordant le champ de la prévention comme celui de la sanction, ainsi que le souhaitaient les associations. Malheureusement, ce n’est pas celle que nous leur apportons. Ni notre assemblée ni les sénateurs en deuxième lecture n’ont ouvert de perspectives en matière de prévention, d’éducation des garçons au respect des filles, de soins pour les hommes violents ou de formation des professionnels concernés. À l’évidence, ce texte comporte essentiellement un volet répressif, fondé sur l’aggravation des peines, qui, il est vrai, comble parfois des lacunes du droit existant.

Au-delà de ces remarques qui, j’en suis sûre, sont largement partagées par l’ensemble de mes collègues, je regrette que cette proposition manque d’ambition et qu’elle soit un texte un peu fourre-tout, contenant des dispositions qui n’ont que peu de rapport avec l’objectif affiché : la lutte contre la violence au sein des couples. Au reste, son caractère hétéroclite a sans doute nui à l’instauration du grand débat de société que nous étions en droit d’attendre et que des pays voisins ont su animer. Aujourd’hui, les violences envers les femmes ne régressent ni au domicile, ni dans l’institution scolaire, ni dans l’espace public – des exemples récents l’ont largement montré. Sur ces questions graves, nous avons besoin de pédagogie, madame la ministre. C’est pourquoi ce grand débat « à vertu thérapeutique », comme le disait M. Bloche lors de la première lecture, est nécessaire. Or je crains que nous n’ayons manqué l’occasion de le susciter, faute d’avoir donné à cette question l’ampleur qu’elle méritait dans le débat public.

Pour autant, ce texte a minima a le mérite d’exister et il faudra lui donner un prolongement, madame la ministre. Les associations ne manqueront pas de nous le rappeler et il conviendra de leur allouer des moyens financiers, afin de les aider à promouvoir le travail militant remarquable qu’elles mènent inlassablement avec les femmes victimes de violences en les aidant à se reconstruire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, rares sont les sujets dont l’intensité dramatique appelle le Parlement à dépasser les clivages partisans pour adopter une position sinon unanime, du moins commune. En matière de violences conjugales, le bon sens et la justice doivent l’emporter sur toute autre considération.

La prise de conscience publique des violences au sein du couple est malheureusement récente, car très peu de victimes portent plainte. Le phénomène revêt pourtant une ampleur et une gravité considérables, que deux enquêtes approfondies ont récemment mises en évidence. La première, publiée en 2000, a montré que, dans notre pays, une femme sur dix est victime de violences conjugales ; la seconde, rendue publique en novembre 2005, a révélé que, en France, une femme meurt tous les quatre jours des suites de violences au sein du couple. Il ne faut cesser de répéter ces chiffres pour qu’ils rentrent dans la tête de chacun. Une situation aussi dramatique, dont la prise de conscience est si tardive, appelle une mobilisation de l'ensemble de notre société pour mettre un terme à ces actes insupportables et quelquefois particulièrement barbares.

Cela fait longtemps que le groupe UDF est convaincu de la nécessité de légiférer sur ce sujet, que ce soit au Sénat ou à l’Assemblée, où nous avons déposé une proposition de loi dès novembre 2004. Je salue donc les avancées du texte et les importants amendements qui ont été adoptés, en particulier pour lutter contre les mariages forcés, à la suite des travaux de notre mission sur la famille et les droits des enfants. Ces mesures constituent un symbole fort de notre volonté commune d’empêcher que des femmes et des hommes, de tous âges et de toutes conditions, ne soient contraints de se marier contre leur volonté.

La deuxième lecture a permis d'enrichir à nouveau le texte. Je pense en particulier à la disposition, introduite par le Sénat et que l'UDF souhaite voir maintenue, qui étend les mesures d'éloignement des auteurs de violences – qui ne s'appliquent aujourd'hui qu'aux infractions commises contre un conjoint ou un concubin – à l’ancien conjoint ou à l'ancien concubin de la victime et à la personne liée ou ayant été liée à la victime par un PACS. La clarification proposée par la commission va dans le bon sens. C’est une disposition que nous approuvons d’autant plus qu’elle figurait dans les propositions que nous avions faites dès novembre 2004.

Toutefois, comme notre rapporteur, je déplore que nos collègues sénateurs persistent dans leur volonté de maintenir une seconde médiation pénale et je me félicite que notre commission ait choisi de l’interdire. En effet, la médiation pénale n’est pas appropriée aux violences conjugales, car elle aboutit le plus souvent au retrait de la plainte et induit une dépénalisation de la procédure.

Je regrette également que le titre de la proposition de loi ait été modifié dans la précipitation à la fin de la première lecture à l’Assemblée nationale, modification sur laquelle nos collègues sénateurs ne sont pas revenus. Loin de moi l’idée de nier l’absolue nécessité de lutter contre les violences commises contre les mineurs, mais, d’une part, le ministre de la famille prépare pour le printemps un texte fort sur ce douloureux sujet et, d’autre part, cet ajout dilue la force du combat que nous devons tous mener contre les violences conjugales.

S’agissant de la modification de l’article 226-10 du code pénal relatif à la dénonciation calomnieuse, j’ai lu, monsieur le garde des sceaux, la réponse que vous avez faite à notre collègue sénatrice Mme Gautier, qui avait déposé un amendement sur ce sujet, mais convenez que la réflexion doit être poursuivie.

En tout état de cause, l'UDF souhaite aller plus loin. Nous rappellerons donc à nouveau au Gouvernement nos propositions, qu’il s’agisse de la sensibilisation des élèves aux violences conjugales et au sexisme, de la formation spécifique des personnels médicaux et paramédicaux, des magistrats et des policiers, de l’accroissement de la coopération entre les différents acteurs de la lutte contre les violences conjugales, de l'obligation de soins pour les auteurs de violences conjugales ou de la mise en œuvre d’un programme de construction de services et d'établissements assurant l'accueil, l'hébergement et le soin des victimes de violences conjugales.

À l'UDF, nous sommes convaincus qu'il nous faut mener une action globale, qui concerne à la fois les victimes, le grand public, les professionnels et les auteurs de violences eux-mêmes.

Il faut d'abord répondre au premier besoin qu'éprouvent les victimes de violences : se mettre à l'abri pour mieux se protéger et se soigner. À cet égard, la nouvelle mesure qui consiste à permettre l'hébergement dans des familles d'accueil me paraît intéressante, dans la mesure où elle est mieux adaptée à la période de nécessaire reconstruction à laquelle sont notamment confrontées les femmes victimes de violences.

Le deuxième axe d'une politique globale de prévention et de lutte contre les violences sexuelles doit porter sur les auteurs de violence, en renforçant les sanctions, mais aussi en favorisant le soin et la prévention. On sait, en effet, que 51 % des victimes qui succombent à ces violences ont déjà subi de tels actes auparavant. Il faut donc pouvoir intervenir beaucoup plus tôt, afin de mieux y remédier. Selon les experts, 20 % des hommes violents changent profondément de comportement lorsqu'ils s'engagent dans un processus de soins. Pour nous, il n'y a pas de fatalité à la répétition de la violence : tous les hommes sont amendables. Aussi le volet répressif doit-il s'inscrire dans un dispositif plus complet, qui s'attache également à prévenir et à soigner.

Enfin, ce sujet difficile nécessite une mobilisation et une sensibilisation des acteurs institutionnels, en particulier des juridictions, et du public. Le ministère de la justice, en liaison avec les autres départements ministériels concernés et les associations, doit continuer à intervenir pour améliorer l'efficacité de la réponse judiciaire contre les violences conjugales. Ainsi, le volume du contentieux ne doit pas conduire les parquets à automatiser la réponse pénale car, derrière chaque violence, il y a des femmes, des hommes et des enfants qui souffrent. À ce titre, il faut favoriser des démarches telles que la diffusion par le ministère de la justice du guide de l'action publique sur la lutte contre les violences au sein du couple. Ses recommandations doivent être réellement appliquées, qu'il s'agisse de la révélation des faits, avec le protocole de recueil de la plainte, ou de l'élaboration des procédures, notamment des conditions de prise en compte de la situation des enfants du couple.

Fondamentalement, les violences conjugales appellent des réponses autres que juridiques. Aujourd'hui, nous avons besoin d'un véritable changement des mentalités pour mettre fin à ces actes de violence et à ces souffrances. Dans un pays où la devise « Liberté, égalité, fraternité » est inscrite au fronton de tous les édifices publics, comment pouvons-nous tolérer la violence contre les femmes, l'un des plus grands scandales de notre époque en matière de droits humains ?

La proposition de loi que nous examinons répond à une indéniable nécessité juridique. Elle présente, en outre, un caractère symbolique fort. Dans l'intérêt des victimes comme de leurs enfants, nous nous devons de mettre en place un arsenal législatif plus cohérent et plus efficace. Parce que cette proposition de loi va dans le bon sens, le groupe UDF la votera.

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la violence envers les femmes, dans le couple ou ailleurs, quel que soit le lien unissant les individus, est aujourd'hui un véritable fléau social. Une femme sur cinq est victime de violences conjugales au cours de sa vie et six femmes meurent chaque mois des suites d'actes violents émanant de leur conjoint ou de leur ex-conjoint. Qu'elle soit physique, psychologique, verbale, émotionnelle, sexuelle ou économique, cette violence est toujours préjudiciable à l'intégrité et à la dignité de la personne et l’on ne peut supporter que ces comportements inacceptables soient banalisés. Aussi le législateur doit-il appréhender la violence dans toutes ces dimensions.

Cette violence se rencontre dans tous les groupes sociaux, économiques et culturels, dans toutes les classes d'âge, en milieu urbain comme en milieu rural. On constate même que la majorité des victimes ont une activité professionnelle et perçoivent un revenu personnel. Malgré les idées reçues, il n'y a pas de profil particulier et rien ne prédestine une femme à devenir victime de son conjoint. La violence dont l'enfant est témoin a sur lui les mêmes effets que s'il en était victime. Elle a de nombreux impacts sur sa santé. Il est donc plus que jamais urgent de réfléchir à toutes les mesures de protection des enfants concernés.

Venons-en à présent à notre texte et saluons l’adoption de certaines mesures figurant dans notre proposition de loi.

En deuxième lecture, le Sénat a apporté deux principales modifications au volet civil de la proposition de loi.

L’article 212 du code civil a été complété afin de prévoir que les époux se doivent mutuellement respect. Nous saluons sans réserve cette initiative sénatoriale.

Par ailleurs, le dispositif de lutte contre les mariages forcés a été utilement précisé. Les règles de Délégation des auditions ont ainsi été modifiées de manière à faciliter la réalisation de l’audition lorsque le mariage est contracté à l’étranger. De même, les délais de recevabilité des actions en nullité contre les mariages célébrés sans le consentement libre des deux époux ont été harmonisés et portés à cinq ans.

En revanche, nous regrettons que l’extension aux couples non mariés du dispositif d’éviction du conjoint hors du domicile conjugal ait été supprimée. Il s’agit là, nous semble-t-il, d’une nouvelle contradiction résultant de la mauvaise articulation entre le code civil et le code pénal. Nous défendrons donc un amendement visant au rétablissement de ce dispositif d’éviction.

Sur le plan pénal, le Sénat est revenu à sa position initiale visant à incriminer explicitement les agressions sexuelles entre conjoints, sans en faire une circonstance aggravante. Les débats devraient nous éclairer sur le bien-fondé de cette nouvelle qualification.

En outre, les sénateurs ont souhaité étendre les mesures d’éloignement du domicile prévues par la loi du 12 décembre 2005 précitée à l’ex-conjoint de la victime, à son ex-concubin ou au partenaire lié ou ayant été lié à elle par un PACS. Cela va dans le bon sens.

Dans son rapport paru mercredi 8 février, Amnesty International critique la manière dont la France agit face à ces violences.

Ce rapport s’interroge sur « la réponse des autorités à ces violences », la « timidité » de la justice prononçant des sanctions en deçà des minima légaux prévus par la loi et d’une façon hétérogène sur l’ensemble du territoire. Il s’interroge aussi sur l’absence « d’une véritable prévention », sur l’ « insuffisance » des capacités d’hébergement des victimes dans des lieux sécurisés, sur la formation inadéquate des policiers, des magistrats, des médecins.

Le rapport réclame à juste titre – et c’est toujours dans ce sens que nous avons souhaité intervenir – « un traitement judiciaire rapide et efficace des allégations de violence ainsi qu’un accompagnement social efficace », une « coordination et une politique volontariste » ainsi qu’une « sensibilisation et une vraie campagne d’information soutenue par l’État ».

Amnesty insiste sur « l’enfer » des victimes de violences conjugales, qui, après avoir osé « briser le silence », font l’objet de « représailles économiques » de la part de leur conjoint. Ces femmes confrontées à un véritable parcours du combattant pour accéder à la justice ne devraient plus jamais se trouver « face à l’incompréhension et à l’indifférence ».

Forts de ces constats, nous garderons bien en tête ce principe : avant de punir les violences, il faut les prévenir. Il faut aussi une prise de conscience nationale. Dans ce sens, nous tenons à rappeler que tout fonctionnaire, officier public ou autorité reconnue se doit de signaler tout délit ou crime porté à sa connaissance.

Pour changer les mentalités, nous demandons que l’État et les collectivités locales mettent sur pied des politiques de formation obligatoire initiale et continue de tous les personnels susceptibles d’intervenir en cas de violences faites aux femmes – y compris les mariages forcés –, ces formations devant être assurées par des personnels eux-mêmes dûment formés par les associations de solidarité aux victimes. C’est ce qui a été mis en place en Seine-Saint-Denis avec la création d’un observatoire départemental.

En amont, il faudrait que soit déclaré illégal tout texte ou toute image publicitaire et pornographique mettant en scène des femmes et revêtant un caractère humiliant ou discriminatoire ; par ailleurs, les associations doivent pouvoir se porter partie civile contre ces représentations sexistes.

Chaque jour, des milliers de femmes sont insultées en tant que femmes et parce que femmes, impunément. Ces propos ou ces images abaissent, agressent, avilissent. Tout comme les associations féministes, nous refuserons toujours que les femmes soient sous-protégées, sous-défendues, et sur-insultées. La domination de genre se combat ainsi.

Un autre élément nous préoccupe particulièrement : il s’agit du délit de dénonciation calomnieuse. Lorsque les plaintes pour violences sexuelles ont fait l’objet d’une ordonnance de non-lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement, les victimes poursuivies pour dénonciation calomnieuse par l’auteur des violences sont quasi automatiquement condamnées à des peines de prison avec sursis ou à des amendes.

Tout cela parce que les victimes sont dans l’impossibilité d’établir leur bonne foi. Comment le pourraient-elles, puisqu’elles ne peuvent évoquer les violences qui les ont conduites à déposer une plainte et qui sont, du fait d’une décision de justice antérieure, réputées fausses ? Leur présomption d’innocence est donc violée.

Comment dire qu’elles sont présumées innocentes si les juges saisis de la plainte pour dénonciation calomnieuse considèrent comme acquis que les violences dénoncées sont fausses et que, compte tenu de la nature des infractions, les plaignantes savaient qu’elles étaient fausses ? L’article 226-10 du code pénal doit donc être modifié – nous reviendrons sur cette disposition.

L’État et les collectivités locales doivent multiplier les structures d’accueil et d’hébergement pour les femmes victimes de violences, avec un accompagnement social adéquat.

Ces mêmes structures doivent cesser de voir leurs subventions diminuer, et être dotées de tous les moyens leur permettant de fonctionner correctement.

Plus généralement, toutes les femmes victimes devraient bénéficier, indépendamment de leur position sociale, d’un droit à l’assistance sociale intégrale. Ce droit comporterait l’information, le soutien psychologique, le soutien social, le suivi des réclamations des droits, l’encadrement éducatif des enfants, tous les soins médicaux et l’appui pour l’insertion professionnelle. Entre autres, il conviendrait également que les femmes victimes de violences soient prioritaires pour l’accès au logement, d’où l’importance de réaliser plus de logements sociaux.

Au-delà de ces principes de prévention et d’aide aux victimes, quelques mesures plus spécifiques permettraient de lutter efficacement contre les violences. À cet égard, nous approuvons les travaux en première lecture ayant introduit des dispositions telles que la lutte contre l’excision et les autres mutilations sexuelles, la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants et contre le tourisme sexuel.

Cette longue liste de revendications n’est pas seulement le signe d’une législation défaillante : nous devons surtout l’interpréter comme un appel sans équivoque à élaborer, à l’instar de nos amis espagnols, une loi-cadre contre toutes les violences faites aux femmes, contre les formes les plus diverses et les plus insidieuses de la violence de genre. C’est seulement ainsi que les violences conjugales en particulier et le sexisme en général deviendront une affaire d’État.

Avant de terminer, je souhaite rendre hommage une fois encore à toutes les associations et les organisations non gouvernementales dont les luttes et les nombreuses publications ont abouti à l’examen de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs, chacun dans cet hémicycle se félicite des avancées que comporte le texte sur la prévention et la répression des violences conjugales, que notre assemblée examine en deuxième lecture.

Chacun ici a conscience de l’importance du drame que représentent ces violences, importance confirmée par le dernier rapport d’Amnesty International. Il y a bien cette statistique terrifiante : tous les quatre jours, une femme meurt sous les coups de son partenaire. Il y a aussi les réseaux de prostitution, les mariages forcés, la polygamie, les excisions.

Mais il y a aussi ces nombreuses femmes humiliées, battues, ou psychologiquement abîmées, qui se taisent. Beaucoup se sentent en décalage avec la société actuelle et les clichés de la femme moderne. Elles se perçoivent comme anormales, atypiques et donc coupables de ce qui leur arrive. Plus personne d’éduqué, de moderne, croient-elles, n’est victime de cette violence dans un pays comme la France. Ces conceptions renforcent leur isolement et leur silence. Elles se sentent marginalisées.

Face à ce drame, il revient à l’État de réagir, de protéger les personnes contre les violences commises par d’autres.

L’arsenal répressif que nous étudions est nécessaire, mais il n’est pas suffisant. Aujourd’hui, il est temps de mettre en œuvre une véritable politique d’information à l’école, mais aussi auprès des femmes, qui n’ont souvent pas connaissance de leurs droits ni des moyens mis à leur disposition, et auprès des professionnels, qu’ils soient policiers, magistrats, travailleurs sociaux ou médecins. Ils convient également d’offrir aux femmes victimes un accompagnement adéquat.

Il est certain que, par le passé, la justice et la police n’ont pas toujours pris la mesure de la gravité des faits de violences conjugales, mais cela n’était que le reflet de la société de l’époque.

Sur ce dernier point, on peut espérer une amélioration du fait de l’évolution de la parité, madame la ministre. En effet, les femmes sont de plus en plus présentes dans les fonctions de policier, de médecin et de magistrat. Elles sauront, j’en suis sûre, mieux accueillir à l’avenir ces femmes en détresse, les mettre en confiance et de ce fait les aider plus efficacement.

Par ailleurs, je trouve très positive la modification de l’article 212 du code civil adoptée par le Sénat concernant l’introduction de la notion de respect mutuel entre les époux, qui vient s’ajouter aux obligations de fidélité, de secours et d’assistance. Cette notion de respect semblait aller de soi, mais l’évolution de la société nous conduit malheureusement à devoir insister sur les valeurs de base de notre société et à les préciser.

Inscrire le respect de l’autre parmi les obligations du mariage, du PACS et du concubinage est une disposition importante pour la prévention des violences envers les femmes.

Je suis sûre que ce texte permettra à notre pays, patrie des droits de l’homme, d’être également la patrie des droits de la femme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, dernier orateur inscrit.

M. Philippe Pemezec. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, ce que nous nous proposons de faire aujourd’hui, c’est combattre l’inacceptable ! Cette proposition de loi va permettre de combler les carences dont notre pays souffrait en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. Ces réformes, si elles sont adoptées, vont permettre de répondre efficacement au douloureux problème qui touche un trop grand nombre de nos concitoyennes, une situation intolérable qui n’avait pas trouvé de réponse adéquate jusqu’à ce jour.

Certes, la problématique de la violence conjugale et de la violence faite aux femmes en général est d’une très grande complexité, car elle recouvre des réalités très différentes, nul ne peut le nier, et c’est ce qui explique sans doute les insuffisances de notre politique en la matière. Car de quoi parle-t-on ici ? De violences physiques, bien sûr, mais de violences que l’on cherche, pour certaines d’entres elles, à maquiller par l’invocation de la coutume ou de la culture. De violences encore, qui prennent corps au sein du couple, une sphère trop longtemps sacralisée parce que touchant à la vie privée.

Ce dernier point explique certainement le fait que l’on a pendant très longtemps disposé de peu d’études et de statistiques. Cela est moins vrai aujourd’hui, mais il reste toujours difficile de disposer de statistiques fiables, en particulier en matière de violences conjugales.

Car loin de crier leur souffrance, les femmes victimes de violences conjugales ont plutôt tendance à s’isoler et à se replier sur elles-mêmes. Elles sont envahies par un sentiment de peur, de honte, de dévalorisation et de culpabilité et préfèrent vivre cette détresse en silence, loin du regard des autres.

La force de ce texte est de couvrir l’ensemble de cette réalité, de compléter intelligemment les dispositions existantes et d’offrir un arsenal répressif à la hauteur de l’ignominie des actes commis.

Le relèvement à dix-huit ans de l’âge légal du mariage, l’extension de la circonstance aggravante pour les violences commises par le conjoint ou le concubin, le renforcement de la lutte contre les mutilations et l’exploitation sexuelle des mineurs, voilà une réforme attendue qui nous fait aller dans le bon sens.

Mais nous savons d'ores et déjà qu'il nous faudra aller plus loin. Nous poursuivons ici un travail de fond. Avec cette loi, c'est la tradition et la culture au sens large que nous visons. Et, pour que les choses évoluent vraiment, c'est à nos enfants qu'il nous faudra répondre. Cela implique de miser sur la prévention, la sensibilisation et l'éducation. Voilà le grand chantier qui nous attend si nous voulons vraiment nous attaquer aux racines du mal.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C’est vrai !

M. Philippe Pemezec. Les quartiers les plus sensibles de nos villes sont particulièrement concernés. Tous les jours, des jeunes filles et des femmes y sont moralement victimes de cette violence. Leurs droits les plus élémentaires sont quotidiennement bafoués au nom de valeurs qui ne sont en réalité que barbarie. Une barbarie qui se traduit parfois dans des actes inimaginables – tournantes, jeune fille brûlée vive, etc. Il est donc impératif qu’un volet éducation et prévention soit mis en œuvre le plus tôt possible dans nos écoles.

Il est également nécessaire, et cette proposition de loi vise en partie cet objectif, de mettre en place des programmes de formation à destination des publics les plus à même d'être confrontés au phénomène de la violence faite aux femmes : médecins, infirmières, professeurs, policiers. C'est à ce prix que nous progresserons dans le dépistage.

Enfin, nous allons devoir réfléchir à l'amélioration de l'accompagnement des victimes de violences, en particulier par la généralisation, dans chaque département, de structures d'hébergement spécifiques. Sans remettre en cause le professionnalisme et le dévouement des services sociaux qui font un travail formidable, nous devrions également nous donner les moyens de poursuivre cet accompagnement psychologique et social au-delà de l'urgence.

Mais ces quelques pistes ne doivent pas occulter le gigantesque progrès que fait faire cette proposition de loi. C'est l'honneur de la France de rattraper son retard et d'adopter cette législation qui offre aux femmes françaises un des cadres juridiques les plus avancés des pays développés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles de la proposition de la loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pu parvenir à un texte identique.

Articles 1er BA et 1er C

M. le président. Les articles 1er BA et 1er C ne font l’objet d’aucun amendement.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Les articles 1er BA et 1er C, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 1er D

M. le président. Sur l’article 1er D, je suis saisi de deux amendements identiques, nos 11 et 12.

La parole est à Mme Valérie Pecresse, pour soutenir l’amendement n° 11.

Mme Valérie Pecresse. Cet amendement, déjà présenté en première lecture, prend en compte, dans sa nouvelle rédaction, les remarques faites par nos collègues sénateurs. Il s’agit, conformément aux conclusions du rapport de la mission sur la famille, adopté, je le rappelle, à l’unanimité par les députés des groupes socialiste, communiste, UMP et UDF, d’écrire dans le code civil que « l’exercice d’une contrainte sur les époux ou l’un deux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage ».

Entre mariage arrangé et mariage forcé, la frontière est souvent ténue, en effet. C’est le libre consentement de l’intéressé qui fait la différence. Nous souhaitons donc qu’à titre pédagogique la contrainte exercée par les ascendants constitue un cas de nullité.

Cette disposition vient en corollaire de l’absence de mesures pénales spécifiques pour réprimer les mariages forcés. Nous n’avons pas voulu introduire une pénalisation pour ne pas culpabiliser les jeunes époux. Mais nous tenons, en revanche, à ce que soit clairement réaffirmé dans le code civil que la contrainte au mariage constitue un cas de nullité.

M. le président. La parole est à Mme Danielle Bousquet, pour soutenir l’amendement n° 12.

Mme Danielle Bousquet. Actuellement, la crainte révérencielle n’est pas un cas d’annulation ni même de nullité d’un contrat. Nous considérons que la pression des parents, renforcée précisément par la crainte révérencielle, doit être un cas exprès de nullité. Si nous souhaitons éviter la pénalisation, nous tenons à ce que cette mention figure dans le code civil.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements identiques ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. En première lecture, nous avions effectivement adopté un amendement qui reprenait cette disposition sur le fond mais qui, sur la forme, prévoyait de la rattacher à l’article 1114 du code civil. Or nos collègues sénateurs, qui ont émis des doutes sur ce rattachement, ont supprimé la mesure. Les amendements nos 11 et 12 ont le mérite de reprendre l’idée, qui doit absolument être introduite dans la loi, et de prévoir de compléter en ce sens l’article 180 du code civil, en l’occurrence plus approprié que l’article 1114.

La nouvelle rédaction proposée répond ainsi parfaitement aux objections très légitimes exprimées par nos collègues sénateurs. La commission des lois a donc adopté ces deux amendements et j’invite à présent l’Assemblée à faire de même.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. S’agissant de préciser que l’exercice d’une contrainte est un cas de nullité de mariage, on peut comprendre le souci pédagogique de Mme Pecresse et de M. Bloche. Toutefois, la nullité du mariage forcé se déduit non seulement de l’article 146, mais également de l’article 180 lui-même, qui prévoit que le mariage peut être attaqué par les époux ou le ministère public. Cela ne fait l’objet d’aucun doute, mais la précision n’est pas inutile.

Quant à la crainte révérencielle, je veux lever toute ambiguïté. Selon le rapport de la mission d’information sur la famille et les droits de l’enfant, les dispositions de l’article 1114 du code civil empêcheraient l’annulation des mariages contractés sous la pression morale des parents. Or la jurisprudence a toujours admis que les violences ou les pressions morales, sous quelque forme que ce soit, constituent une contrainte, et donc un vice du consentement.

Cela étant, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je tiens, à mon tour, à insister sur l’importance de ces deux amendements présentés par la rapporteure de la mission sur la famille, Valérie Pecresse, et son président, Patrick Bloche. Nous avions en effet voté à l’unanimité cette partie du rapport car nous voulions insister sur l’aspect pédagogique du problème. Je me réjouis donc que vous vous en remettiez à la sagesse de notre assemblée, monsieur le garde des sceaux. Je me félicite également que le rapporteur soutienne ces amendements, auxquels je me rallierai évidemment, en ma qualité de représentant du groupe UDF.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pecresse.

Mme Valérie Pecresse. Monsieur le garde des sceaux, il ne s’agissait pas pour la mission sur la famille de chercher à influencer la jurisprudence en introduisant une disposition sur la crainte révérencielle. Nous avons simplement considéré qu’à l’égard des jeunes filles, il n’aurait pas été pédagogique de ne pas prévoir dans un article du code civil que la crainte révérencielle envers un ascendant était une clause de nullité des contrats. Nous avons estimé que, dans le cadre d’un large dispositif pédagogique de prévention des mariages forcés, il était logique de préciser que la crainte révérencielle est un cas de nullité.

Nous avons agi dans un souci de pédagogie, et non de juridisme étroit.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 11 et 12.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er D, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er D, ainsi modifié, est adopté.)

Article 1er E

M. le président. L’article 1er E ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L’article 1er E est adopté.)

Article 1er F

M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 1er F.

Après l’article 1er F

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 4 portant article additionnel après l’article 1er F.

La parole est à Mme Janine Jambu, pour soutenir cet amendement.

Mme Janine Jambu. La sensibilisation au problème des violences conjugales et de la prévention de ces dernières est primordiale. C'est pourquoi nous avons déposé de nouveau cet amendement.

À nos yeux, l'école est en effet le lieu où l'on peut sensibiliser les enfants dès leur plus jeune âge à la question de l'égalité entre les femmes et les hommes, et du respect mutuel qu'ils se doivent.

Les garçons, comme parfois les filles, sont aujourd'hui enfermés dans des représentations très stéréotypées de leur rôle et ont souvent une idée préconçue de leur place dans une société qui reste, il faut bien l'admettre, globalement machiste. Je ne reviendrai ici ni sur les commentaires sexistes qui ont suivi l'annonce de la candidature possible de Ségolène Royal à la Présidence de la République ni sur les propos déplacés du ministre François Goulard sur la nomination de femmes au sein des instances de direction de la recherche française.

Il est important qu’enfants et professeurs puissent dialoguer sur ce sujet, afin de briser certains tabous ou schémas comportementaux qui ne sont pas admissibles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cet amendement, déjà présenté en première lecture, avait été repoussé par la commission et l’Assemblée compte tenu de son caractère réglementaire et non pas de la disposition qu’il prétendait introduire. Il est évident, et cela a été souligné par de nombreux orateurs et repris par les ministres, que le travail de prévention est indispensable. Et bien sûr, l’éducation est un des éléments de la prévention.

Si donc je ne peux que renouveler l’avis défavorable de la commission sur cet amendement, je demande avec insistance au Gouvernement de prendre en compte le souci exprimé ici. J’invite plus particulièrement le ministère de l’éducation nationale à reprendre à son compte, d’une façon encore plus claire, cette exigence. L’enseignement de l’éducation civique doit comporter tous les éléments permettant de renforcer la prévention.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Sur le fond, nous partageons unanimement votre opinion, madame Jambu. Il est en effet indispensable que la parité et la place de la femme dans la société soient reconnues par tous et que certains propos puissent être sanctionnés.

Cela étant, votre amendement relève, comme vient de le dire le rapporteur, du domaine réglementaire. En outre, des textes permettent d’ores et déjà d’avancer sur cette question. Il en est ainsi, par exemple, de l’article 121-1 du code de l’éducation qui dispose que l’une des missions de l’école est la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, et le respect des droits de la personne. Il nous appartient donc aujourd’hui d’appliquer les dispositions existantes.

Nous finalisons actuellement une convention sur l’égalité entre les filles et les garçons. Six ministères sont concernés. Cette convention, qui portera sur les cinq années à venir, devrait être signée au cours de la première quinzaine du mois de mars.

S’agissant par ailleurs de l’éducation à la sexualité, nous venons de sortir un document que je vais vous remettre. Je m’étais engagée à le faire au cours de la première lecture : je vous le communique aujourd’hui.

Si donc nous sommes défavorables à votre amendement, madame la députée, sur le fond, nous nous activons à faire avancer les choses.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Nous avions déposé un amendement identique en première lecture. Comme l’a rappelé Janine Jambu, nous avons été nombreux à souligner combien il était important de sensibiliser le plus tôt possible les enfants au drame des violences conjugales.

Madame la ministre, je me réjouis que vous ayez apporté un exemplaire du document que vous vous étiez engagée à nous communiquer. Je constate que vous en avez au moins un exemplaire. Peut-être pourrez-vous en distribuer un à tous les députés présents ce matin. Puisque, de lecture en lecture, l’unanimité se fait sur l’importance de la sensibilisation, il convient de prendre vraiment des dispositions concrètes. Madame la ministre, monsieur le garde des sceaux, il faut commencer par rappeler à votre collègue de l’éducation nationale qu’il doit mener une action en ce sens dans les écoles.

Nous attendons avec impatience la signature de la première convention. Vous nous dites, madame la ministre, qu’elle devrait intervenir dans la première quinzaine de mars. Ce sera un beau cadeau de printemps pour les femmes victimes de violences conjugales. En tout cas, nous serons très attentifs à l’application réelle de cette convention.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 4

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu, inscrite sur l’article 4.

Mme Janine Jambu. Je voudrais revenir sur le délit de dénonciation calomnieuse et dire combien j’apprécie la façon dont le rapporteur a approfondi cette question.

Au Sénat, lors de l’examen de ce texte, le rapporteur et le ministre avaient affirmé que les interrogations formulées reposaient sur un malentendu : la victime n’est condamnée que si la dénonciation est inexacte. Ils ont prétendu ne pas connaître de victime de violences poursuivie pour dénonciation calomnieuse qui aurait été condamnée. Or, un certain nombre de personnes poursuivies pour violences sexuelles à l’encontre de femmes et d’enfants ont utilisé le délit de dénonciation calomnieuse.

Les victimes de violences sont supposées prouver leur bonne foi, mais on leur interdit d’évoquer des violences réputées fausses par une décision de justice antérieure ayant abouti à la relaxe, à l’acquittement ou à une ordonnance de non-lieu.

Ce qui nous gêne, c’est l’adverbe qui figure au deuxième alinéa de l’article 226-10 du code pénal : « La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision… ». Comment les victimes peuvent-elles se défendre et prouver leur bonne foi si on leur interdit d’évoquer les violences qui les ont poussées à déposer une plainte ?

Ces nombreuses victimes, traumatisées et humiliées, saisissent la justice pour que l’atteinte à leurs droits fondamentaux soit reconnue. Malgré la réalité de ces violences et l’exactitude de leurs déclarations, elles sont presque automatiquement condamnées.

C’est pour faire cesser ce scandale que nous souhaitons que la loi soit modifiée. Les associations connaissent bien ces victimes : Mme K., condamnée à trois mois de prison avec sursis et à verser 15 000 euros à l’homme qui l’a violée et harcelée ; Mme M., condamnée à verser 6 000 euros à l’homme qui l’a agressée et harcelée sexuellement ; Mme D., condamnée à verser un euro de dommages et intérêts à l’homme qui l’a agressée ; Mme P, condamnée à verser 11 500 euros à l’homme qui l’a agressée, harcelée et violée ; Mmes R et M, condamnées à deux mois de prison avec sursis et à verser 2 000 euros à l’homme qui a violé l’une et agressé l’autre.

La justice sortira renforcée si, en matière de condamnation pour dénonciation calomnieuse, les magistrats doivent reprendre l’intégralité du dossier pénal et motiver leur décision à la lumière de toutes les pièces. Outre qu’ils y trouveront suffisamment d’éléments pour relaxer la personne poursuivie, cette procédure permettra d’éviter les plaintes abusives des agresseurs qui instrumentalisent la justice pour poursuivre leurs agressions.

Il est regrettable que certaines méconnaissances juridiques servent d’argument politique. Bien que la réflexion du rapporteur m’ait beaucoup éclairée, je souhaiterais avoir des précisions sur ce point.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cet amendement, adopté par la commission des lois, vise à réintroduire une disposition importante que notre assemblée avait adoptée en première lecture et que le Sénat a supprimée : la circonstance aggravante qu’est le viol entre époux. J’ai demandé à la commission de revenir au texte initial, ce qu’elle a accepté. Tel est l’objet de cet amendement.

M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je voudrais tout d’abord rappeler qu’une violence sexuelle est une violence. Il est nécessaire d’insister sur ce point.

Nous savons que certaines femmes sont violées par leur compagnon, subissent un rapport sexuel sous la contrainte, souvent après avoir reçu des coups, voire des menaces de violence sur leurs enfants. Ces femmes sont d’autant plus impuissantes à réagir que les faits sont commis de façon secrète, par un agresseur protégé par l’intimité de la cellule familiale. La cellule familiale ne saurait impliquer je ne sais quel droit à la violence, pas plus que le lien contracté volontairement entre un homme et une femme ne saurait porter atteinte au consentement des femmes et à leur droit de disposer de leur intégrité physique.

Certes, je mesure l’étendue des problèmes juridiques que pose le viol quant à la difficulté de présenter des preuves, mais je pense que la démarche de votre rapporteur est juste et je suis favorable à cet amendement.

M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 4 est ainsi rédigé.

Article 5

M. le président. Sur l’article 5, je suis saisi d’un amendement n° 2.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. L’article 5 concerne l’éloignement du conjoint violent du domicile. Je vous rappelle qu’à l’issue de la commission mixte paritaire qui a abouti à la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive, nos collègues sénateurs se sont émus, craignant qu’elle ne prive de sa substance cette proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple. Leur inquiétude nous avait interpellés et nous les avons rassurés sur nos intentions dès la première lecture.

Nous avons alors enrichi l’article 5, tout comme nos collègues sénateurs qui ont souhaité que cet article reflète la logique intrinsèque du texte et que ses dispositions s’appliquent lorsque l’infraction est commise par l’ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne liée ou ayant été liée à la victime par un PACS.

Pour notre part, sans être irrévérencieux à l’égard de nos collègues sénateurs, nous souhaitons clarifier la rédaction de l’article du code de procédure pénale en différenciant les infractions commises par le conjoint de la victime, son concubin ou par la personne liée par à elle par un PACS – c’est l’éloignement du domicile conjugal – de celles commises par l’ancien conjoint ou concubin, ou par la personne ayant été liée à la victime par un PACS – c’est l’éloignement du domicile de la victime.

Cet amendement va jusqu’au bout de la logique de l’article 5 initial et le simplifie. C’est pourquoi la commission y est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Pour toutes les raisons évoquées par le rapporteur, le Gouvernement est favorable à cet amendement. Je rappelle d’ailleurs que 31 % des drames de la violence conjugale surviennent pendant ou après la rupture. Il importait donc d’adapter le texte à toutes les situations. L’amendement du rapporteur a l’avantage de clarifier le texte.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Je mets aux voix l’article 5, modifié par l’amendement n° 2.

(L’article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5 bis A

M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 5 bis A.

Article 5 bis B

M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 5 bis B.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 3 et 10.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 3.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cet article a trait à la médiation pénale, que nous avons évoquée longuement au cours de la discussion générale. Nos collègues sénateurs ont souhaité revenir sur la disposition que nous avions adoptée. Je propose à notre assemblée de la rétablir et de laisser à la commission mixte paritaire le soin de trouver un accord sur ce point important. J’ai eu l’occasion de dire en première lecture qu’en matière de violences au sein du couple, l’argument selon lequel un nouveau recours à la médiation pénale serait « mieux que rien » pouvait se révéler « pire que tout ».

M. Pierre-Christophe Baguet. C’est vrai !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. La médiation pénale est à utiliser avec infiniment de précautions. Je souhaite que cet article que nous avons voté en première lecture illustre la détermination de la représentation nationale à ne pas transformer les victimes de violences en responsables… Ce serait porter un mauvais coup à ces nombreuses femmes victimes de violences commises au sein du couple. La commission a donc voté cet amendement et j’invite l’Assemblée à faire de même.

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Autoriser le juge civil à statuer sur la résidence séparée des concubins en cas de violence au sein du couple a fait l’objet d’une proposition de loi du groupe des député-e-s communistes et républicains. Cette disposition a été adoptée en première lecture.

Le Sénat a supprimé cette disposition, au motif que l’article 220-1 du code civil ayant vocation à s’appliquer préalablement à une requête en divorce ou en séparation de corps, il n’est donc pas transposable aux concubins.

En outre, la notion de domicile conjugal n’existe pas en droit civil pour les couples non mariés, le dispositif de co-titularité du bail prévue par l’article 1715 du code civil étant réservé aux époux.

Malgré cette précision juridique, on déplore l’insuffisance des lieux d’accueil destinés aux femmes victimes de violences au sein du couple. Mais est-ce la seule façon d’agir ? Il nous semble injuste de mener une politique de prévention uniquement dans ce sens.

Pourquoi la victime devrait-elle quitter son foyer et s’éloigner de son entourage pour un hébergement incertain et impersonnel, ce qui renforcerait son sentiment de détresse, d’isolement et d’abandon ?

L’appréhension de la fuite, la peur de la misère et des obstacles matériels, la crainte de briser un équilibre en perdant les repères les plus élémentaires et l’enfermement dans le piège du quotidien pourraient être amoindris si les femmes avaient conscience que c’est à l’agresseur de partir. On peut supposer que son éloignement les encouragerait à porter plainte plus tôt et à refuser de vivre dans la terreur et la culpabilité. Cela permettrait d’inverser les rôles et le rapport de forces. Il s’agit donc d’une mesure de prévention et de protection.

Certes, dans sa rédaction actuelle, le code de procédure pénale dispose que l’auteur des faits doit éviter de se rendre en certains lieux et s’abstenir de rencontrer certaines personnes. Mais, en pratique, l’absence de mention expresse stipulant que cette interdiction peut s’appliquer à la personne qui, a priori, a vocation à occuper le logement parce qu’elle en est le propriétaire ou le locataire en titre peut amener le juge à hésiter à prononcer une telle interdiction. Dans le cadre de mes permanences, de nombreuses femmes me demandent pourquoi elles n’ont pas le droit de rester dans leur logement.

Il est nécessaire de mettre un terme à ces hésitations et de permettre au juge de prononcer plus systématiquement l’éloignement du domicile conjugal.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?

M. le garde des sceaux. La question qui est posée est, me semble-t-il, celle de la médiation : faut-il inscrire dans la loi le recours à une médiation ? Le rapporteur et moi-même avons réfléchi et, après avoir discuté avec M. Baguet, nous sommes parvenus à la conclusion suivante : tout d’abord, cette question relève du règlement plutôt que de la loi. Mais ce n’est pas le plus grave. Nous souhaitons tous – et en particulier le président de l’Assemblée – que la loi soit plus concise. Si ce n’est qu’une question de forme, nous pouvons attendre la CMP pour améliorer le texte. Le problème n’est pas là.

La question est de savoir si l’on touche à l’opportunité des poursuites au niveau du parquet. Autrement dit, à travers cet amendement, vous êtes en train de restreindre un peu le champ du choix du procureur. Vous admettrez que le garde des sceaux ne peut pas accepter cela ! Ce n’est vraiment pas le moment ! Je demande donc le retrait de cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pecresse.

Mme Valérie Pecresse. Je suis sensible aux arguments du garde des sceaux, bien que je sois également persuadée qu’il n’est pas souhaitable de renouveler les mesures de médiation pénale en cas de violences conjugales parce qu’elles peuvent être vécues par la victime comme un refus de la justice de juger son litige et donc, finalement, comme un renvoi devant une instance où elle se retrouvera en situation d’égalité, de dialogue ou de négociation avec quelqu’un qui l’a placée dans une situation d’inégalité et de violences.

Je ne suis pas favorable au recours à la seconde médiation, même si j’entends bien les arguments du garde des sceaux selon lequel le procureur a la liberté de poursuivre ou de ne pas poursuivre. Pour des cas particuliers, ce sera peut-être la bonne solution – des violences conjugales qui se répètent à distance, un alcoolique qui rechute, etc.

Le mieux, à mon sens, serait donc que le garde des sceaux s’engage, par circulaire, à recommander au procureur une médiation unique dans les cas de violences conjugales habituelles.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Mme Pécresse a raison car elle m’invite à expliciter ce que j’aurais dû dire de manière plus claire : je m’engage bien évidemment à attirer, par circulaire, l’attention des parquets sur cette question importante.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Le principe de la médiation est d’inviter les deux parties à faire un pas l’une vers l’autre dans une recherche d’apaisement. Or ce n’est pas le domaine qui nous occupe ce matin. Ce matin, nous sommes dans le cas de violences conjugales, pas dans la logique de l’apaisement. Il y, d’un côté, un agresseur, de l’autre, une victime, et il nous faut replacer notre débat dans le contexte.

Il ne s’agit pas pour moi de remettre en cause l’importance et les bienfaits de la médiation. Dans un grand nombre de cas, nous demandons des recours plus systématiques à la médiation, notamment dans les cas de divorces ou d’autres conflits. Mais le sujet qui nous préoccupe aujourd’hui n’est pas le conflit, c’est la violence, l’agression physique, morale sur une victime qui n’a pas les moyens de se défendre. Je suis donc un peu déçu car amener la victime à la médiation veut dire, en quelque sorte, qu’elle reconnaît ne pas avoir fait tous les efforts nécessaires pour éviter les coups, pour éviter les pressions morales. Cela me paraît condamner une deuxième fois la victime !

Monsieur le garde des sceaux, si l’on peut être sensible à vos arguments, j’invite néanmoins notre rapporteur à maintenir cet amendement ; à défaut, je le reprendrai au nom du groupe UDF. Madame la ministre, vous l’avez dit tout à l’heure : une violence est une violence et doit être jugée comme telle. On connaît la situation de nos tribunaux, parfois débordés. Le sujet des violences conjugales commence à être l’objet de l’intérêt marqué des procureurs, mais, vu la quantité des dossiers qu’ils ont à gérer, il est parfois tentant de renvoyer à une médiation pour essayer de trouver une solution amiable. Mais encore une fois, cette solution amiable peut se révéler pire que tout.

Je partage donc les propos du rapporteur : il faut maintenir cet amendement en attendant de trouver une solution avec nos collègues sénateurs en commission mixte paritaire.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je maintiens mon amendement.

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Monsieur le président, je tiens à présenter mes excuses parce que j’ai anticipé tout à l’heure sur deux autres amendements à venir. J’en suis navrée car j’ai provoqué une discussion qui n’aurait pas dû l’être, alors que je voulais retirer l’amendement n° 10, comprenant bien le souci qui guide les uns et les autres.

M. le président. L’amendement n° 10 est retiré.

La parole est à Mme Valérie Pecresse.

Mme Valérie Pecresse. Le groupe UDF devrait clarifier sa position car il me semble qu’elle comporte une petite contradiction. D’un côté, il dit qu'en cas de violences conjugales la médiation pénale est toujours nocive et, de l’autre, qu’il faut interdire uniquement la seconde médiation pénale.

Ou la médiation pénale n’est pas souhaitable en matière de violences conjugales parce que, comme le rapporteur l’a rappelé, la médiation n’est pas la solution et il faut la pénalisation immédiate – auquel cas, nous prenons les mesures qui s’imposent et n’autorisons pas la médiation pénale en matière de violences conjugales. Ou nous estimons qu’il peut y avoir, même en cas de violences conjugales, une possibilité de réparer les choses en dehors d’un contentieux pénal et, à ce moment-là, nous permettons la médiation pénale.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Mme Pécresse vient d’expliquer brillamment la différence entre la loi et la circulaire : la loi est d’application générale ; la circulaire, c’est du cas par cas. La loi ne vise pas les cas particuliers. Merci de l’avoir exprimé, madame !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je trouve que ma collègue Valérie Pécresse exagère ! On ne devrait pas polémiquer sur un sujet aussi important ! Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit, ma chère collègue ! La médiation est bien évidemment nécessaire ; simplement, elle ne doit pas être reconduite. Or nos collègues sénateurs en veulent une deuxième.

Pour ma part, je pense qu’une seule médiation suffit. Cela contraint un peu à trouver une solution immédiate et évite de différer dans le temps des sujets extrêmement douloureux. Une deuxième médiation pourrait induire la tentation de renvoyer à plus tard l’examen d’une situation qui est tout à fait dramatique !

Une médiation, oui, mais pas deux ! Sur ce point, je suis totalement le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ce débat est fondamental et je suis parfaitement en phase avec l’analyse du ministre sur les données juridiques de la question. Par contre, je crois qu’il faut – et la commission mixte paritaire nous y aidera probablement – purger la mauvaise querelle entre l’opinion émise par les sénateurs et l’opinion que nous émettrions en retirant l’amendement.

La position de nos collègues sénateurs est la suivante : la médiation pénale peut marcher en matière de violences conjugales, et il est inutile d’en supprimer la possibilité une deuxième, voire une troisième ou une quatrième fois.

Nous, nous disons que la médiation est proprement inverse à l’intérêt de la victime des violences conjugales. La question est donc de savoir, et j’ai bien entendu l’explication de Valérie Pecresse tout à l’heure, si une seule médiation est acceptable, si c’est rien ou si c’est en nombre illimité à la diligence du procureur qui doit pouvoir bénéficier, dans sa conduite, de toute sa liberté juridique en la matière.

S’il y a une première médiation, on peut penser que la notion de contexte de violences conjugales, telle qu’elle relève de la volonté du législateur au travers de cette loi, n’est pas encore parfaitement établie. Les associations nous disent et expriment avec force – même si elles n’ont pas d’argument décisif pour l’attester – que le contexte de la violence conjugale se voit tout de suite, qu'un certain nombre d’éléments permettent de l’observer immédiatement. Ce qui pourrait laisser entendre que jamais le procureur ne devrait entrer dans le cadre de la médiation pénale puisque lui-même aurait compris qu’il s’agit d’un contexte de violences conjugales et qu’il n’y a donc pas lieu de recourir à une médiation, laquelle suppose une répartition des fautes préalables à l’acte incriminé.

Nous, en sens inverse, pourrions dire que nous ne sommes pas encore suffisamment sûrs d’être dans un contexte avéré de violences conjugales, que nous nous en apercevons une fois qu’une médiation a eu lieu et que, puisqu’elle a échoué, elle a prouvé le contexte de violences conjugales. Ce qui justifie qu’il n’y ait plus recours à la médiation puisque nous sommes là dans le contexte avéré de violences conjugales. Le nœud de l’affaire est là.

Voilà pourquoi au terme d’un débat dans lequel nous n’avions pas voulu et peut-être pas su bien trancher entre le rien ou le tout, nous avions, à l’initiative de nos collègues de la Délégation aux droits des femmes, adopté cet amendement.

Je pense qu’il faudra – notre CMP sera très certainement utile et j’y serai porteur de toute la richesse de l’intervention du ministre, de celle de Valérie Pecresse et de la sagesse de nos collègues communistes – étudier avec nos collègues sénateurs comment sortir de cette difficulté pour qu’à l’arrivée, ce soient les victimes qui soient gagnantes. Le Parlement devra apporter l’éclairage qui permettra ensuite au Gouvernement, dans le cadre de sa politique réglementaire, de faire en sorte que la médiation, si elle intervient, le soit dans les cas où la violence conjugale n’est pas suffisamment avérée, pour qu’on se l’interdise dans la pratique juridictionnelle, et pour que les données très précises du garde des sceaux en direction des parquets permettent d’éviter qu’un tel recours ne soit utilisé. Car, je le répète, le recours à la médiation pénale en cas de violences conjugales avérées est la pire des solutions.

M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Je constate que le rapporteur n’a pas retiré son amendement ! Je voudrais mettre tout le monde devant ses responsabilités.

Mme Jambu a retiré son amendement. Mme Pecresse a parfaitement illustré pourquoi il n’était pas souhaitable de voter l’amendement de la commission. Tout à l’heure, j’ai fait une intervention sur laquelle je ne vais pas revenir, mais que tout le monde a, je crois, comprise.

Ce débat ne doit pas être entamé par la CMP car, je le redis, c’est reprendre, par un amendement, un pouvoir d’appréciation du parquet. C’est comme si le procureur de la République ne pouvait pas apprécier ! Ce n’est pas à la loi d’entrer dans les méandres de l’appréciation ! La loi est d’ordre général ! Si c’est du surmesure, c’est par définition le pouvoir réglementaire qui peut recommander ce que je me suis engagé à faire par circulaire ! Alors, ne dites pas : « On va trancher ce point en CMP » ! La loi ne peut pas le faire, ce n’est pas possible !

L’amendement n’étant pas retiré, je le dis clairement : avis très défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Danielle Bousquet.

Mme Danielle Bousquet. Nous soutiendrons également cet amendement parce que si, par principe, nous ne sommes pas favorables à la médiation en cas de violences dans le couple, dans ce cas précis parfaitement exposé par le rapporteur, nous pouvons ne pas être sûrs qu’il s’agit réellement de violences dans le cadre du couple. Par conséquent, la première médiation permet de le vérifier et, la preuve en étant faite, il va de soi qu’une seconde médiation ne peut absolument pas avoir lieu.

Cela conforte complètement la position consistant à dire que nous sommes opposés à la médiation, mais nous donnons effectivement la possibilité de vérifier si c’est bien de cette situation de violences dont il s’agit.

Par conséquent, nous soutenons, nous aussi, cet amendement.

M. le président. À l’issue de ce débat, je vais mettre aux voix l’amendement n° 3.

Je rappelle que cet amendement, présenté par le rapporteur au nom de la commission, a reçu un avis très défavorable du Gouvernement. Un amendement identique, n° 10, du groupe des député-e-s communistes et républicains a été retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 5 bis B demeure supprimé.

Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 5 bis.

Après l’article 5 bis

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 9.

La parole est à Mme Janine Jambu, pour le soutenir.

Mme Janine Jambu. Je vous épargnerai l’exposé des motifs puisque j’ai déjà défendu cet amendement dans ma précédente intervention.

M. le président. Effectivement, madame Jambu !

Quel est l'avis de la commission sur l’amendement n° 9 ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. L’article 220-1 du code civil auquel il est ici fait référence a vocation à s’appliquer préalablement à une requête en divorce ou en séparation de corps. Il ne peut donc jouer que pour les couples mariés et n’est pas transposable aux concubins.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis défavorable. Je comprends les motifs généreux qui peuvent conduire à vouloir étendre aux couples non mariés le dispositif prévu par l’article 220-1. Toutefois, du point de vue juridique, cela n’a guère de sens. Ainsi, pour les concubins et les partenaires d’un pacte civil de solidarité, il n’est prévu ni domicile conjugal ni procédure de divorce. Cela signifie que le logement occupé par le couple est soumis aux règles de droit commun − droit au bail ou droit de propriété −, qui s’appliquent sans que le juge aux affaires familiales ne puisse s’en affranchir pour attribuer le logement au concubin ou au partenaire victime.

Les mesures d’éloignement de l’article 220-1 sont par nature provisoires. En effet, elles sont caduques si aucune procédure de divorce n’est introduite dans les quatre mois. Si l’on appliquait cet article aux couples non mariés, il s’agirait d’une expulsion à durée indéterminée et sans indemnité, ce que l’on ne peut envisager.

Permettez-moi de donner quelques exemples des difficultés que cet amendement pourrait créer. Si le concubin violent est seul titulaire du bail et qu’il est expulsé, qui va payer le loyer ? Si les époux sont tenus à une solidarité pour les dettes de la vie courante, une telle solidarité n’existe pas pour les concubins. Si le concubin violent est seul propriétaire du logement et qu’il est expulsé, combien de temps sera-t-il privé de son bien ? Qui paiera les échéances du crédit ?

Pour les couples mariés, le prononcé du divorce mettra fin à ces mesures transitoires et ces questions seront réglées au moment de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux. Mais, pour les couples non mariés, il n’y a ni divorce ni régime matrimonial. Par conséquent, personne n’est en mesure de dire comment un tel article pourrait s’appliquer aux couples non mariés.

J’ajoute que l’instauration d’un dispositif civil d’expulsion du concubin n’a pas véritablement d’intérêt. Le dispositif pénal, renforcé d’ailleurs par cette proposition de loi, permettra en effet d’obtenir l’éloignement du conjoint violent. Si la réforme du divorce a créé un dispositif civil d’expulsion du conjoint violent, c’est parce que la dissolution du lien matrimonial donne toujours lieu à une procédure judiciaire civile, la procédure de divorce, et qu’il était avisé d’en profiter pour faire expulser le conjoint violent. Mais, pour les couples qui peuvent mettre fin à leur union sans le contrôle du juge, l’instauration d’une procédure civile est inadaptée et inefficace sur le plan juridique.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 5.

La parole est à Mme Janine Jambu, pour le soutenir.

Mme Janine Jambu. Les auteurs de cet amendement souhaitent combler un vide de la proposition de loi en renforçant la formation à la question des violences au sein du couple pour tous les acteurs concernés : personnel médical, travailleurs sociaux, magistrats et services de police.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cet amendement, déjà présenté en première lecture, avait reçu un avis défavorable de la commission, non pas, bien sûr, en raison de son contenu − qui pourrait s’opposer à ce que les personnels concernés aient la meilleure formation possible ? −, mais tout simplement parce que cette formation relève du règlement. Ces raisons valent d’ailleurs pour les amendements suivants.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 6.

La parole est à Mme Janine Jambu, pour le soutenir.

Mme Janine Jambu. Cet amendement tend à instaurer un plan national d’action contre la violence à l’égard des femmes. Il s’agit de coordonner les nombreuses initiatives locales mobilisées contre ce fléau.

Ainsi, le conseil général du Val-de-Marne a créé un observatoire de l’égalité et de la lutte contre les violences faites aux femmes. Il accorde d’importantes subventions aux quatre associations qui jouent un rôle primordial en la matière. D’autre part, je l’ai dit dans la discussion générale, il est à l’origine d’une importante campagne contre ces violences.

De son côté, le tribunal d’instance de Créteil a créé l’unité de consultation médico-judiciaire de Créteil, qui, en liaison avec les comités locaux de sécurité, accueille les femmes victimes de violences. Un travail a enfin été engagé avec l’ordre des médecins sur la question du secret professionnel, les praticiens souhaitant s’exprimer publiquement dans leur journal professionnel.

En conclusion, je voudrais dire que, afin de prévenir la violence faite aux femmes et de lutter contre ce phénomène, il est essentiel d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques conçues dans un cadre global en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés. À l’occasion de l’examen de ce même amendement en première lecture, Mme Ameline, alors ministre de la parité et de l’égalité professionnelle, nous avait assurés de l’engagement du Gouvernement en la matière, au travers d’un plan global de lutte contre les violences faites aux femmes présenté lors du conseil des ministres du 24 novembre 2004. Où en sommes-nous aujourd’hui ?

L’avantage du plan national pluriannuel que nous présentons serait d’obliger le Gouvernement à s’engager concrètement et dans la durée de l’action prévue. Ce plan serait ainsi le cadre idéal pour proposer des politiques cohérentes sur l’ensemble du territoire en coordonnant l’action des différentes institutions, associations et professionnels, concernés par la lutte contre les violences faites aux femmes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. La commission avait déjà repoussé cet amendement en première lecture. L’idée est certes généreuse, et on peut en comprendre l’intérêt, mais il s’agit également d’une véritable injonction au Gouvernement, que nous ne pouvons pas inscrire dans le corps de la loi.

Par ailleurs, le texte adopté en termes identiques par l’Assemblée et le Sénat lors des lectures précédentes répond en grande partie au souci très légitime exprimé par cet amendement. J’aurai l’occasion d’en reparler à propos de l’amendement suivant.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. J’ai déjà eu l’occasion, en première lecture, de m’exprimer sur ce sujet, mais c’est bien volontiers que je vous rappellerai mon commentaire. La France s’est déjà dotée, en novembre 2004, d’un plan pluriannuel pour la période 2005-2008 : dans chaque département, la préfecture a désigné un référent « hébergement violence » ; dans dix-neuf départements, un protocole de prévention et d’action contre les violences a été défini et ces conventions vont être généralisées en 2006 ; l’information du grand public est assurée par une campagne de communication sur des supports écrits et par une brochure que je tiens à votre disposition : les propos sexistes et homophobes sont réprimés par la loi du 30 décembre 2004 ; les subventions accordées à toutes les associations de lutte contre les violences faites aux femmes ont augmenté de 20 % en 2005.

Depuis la première lecture, nous avons encore avancé, travaillant notamment à l’aggravation des sanctions : si ce texte est voté, nous pourrons accomplir un progrès considérable.

Nous avons également mis en place de nouveaux dispositifs d’hébergement. Ainsi, nous avons recensé les places disponibles dans les CHRS et j’ai confié à l’IGAS une mission visant à faire le point et à me proposer des axes d’amélioration. Son rapport m’a été communiqué et mes services analysent la faisabilité des propositions. D’autre part, nous inaugurerons le 27 mars, dans la Drôme et en Ardèche, un nouveau dispositif d’accueil dans les familles.

En ce qui concerne l’accompagnement des femmes victimes, dont Mme Pecresse a parlé dans la discussion générale, Xavier Bertrand et moi-même avons mis en place des réseaux expérimentaux de professionnels de santé afin d’améliorer les parcours de soins et pour que, au-delà de la prise en charge physique, une prise en charge psychologique soit organisée. Cette expérimentation se poursuivra au printemps dans les sites sélectionnés : Créteil, Nantes et Clermont-Ferrand. Enfin, dans le cadre de la nouvelle convention UNEDIC du 18 janvier, les partenaires sociaux ont accepté de permettre aux femmes contraintes de déménager à la suite de violences de bénéficier du chômage involontaire.

En ce qui concerne la prévention et la prise en charge des hommes violents, j’ai confié au docteur Coutanceau une mission pour lutter contre la récidive. Il me remettra ses propositions à l’occasion de la prochaine réunion de la commission nationale de lutte contre les violences, le 21 mars prochain.

D’autre part, nous avons organisé un partenariat avec l’éducation nationale. De nouvelles actions de communication et d’information sont prévues : la brochure dont je vous parlais va être diffusée et une campagne à l’intention du grand public sera lancée au second semestre.

C’est en conjuguant leurs actions que les associations, auxquelles je veux rendre hommage, et les pouvoirs publics − qu’il s’agisse de l’État ou des collectivités − obtiendront des avancées concrètes. Il est préférable de renforcer les différents plans dont je viens de parler et qui relèvent plutôt du domaine réglementaire, de poursuivre ces actions et d’évaluer leur efficacité, plutôt que de lancer un plan supplémentaire. C’est pourquoi je suis défavorable à l’amendement n° 6.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 8.

La parole est à Mme Janine Jambu, pour le soutenir.

Mme Janine Jambu. Chaque année, à l’occasion du 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, des chiffres scandaleux révèlent le machisme et la domination masculine à travers le monde. Chaque année en France, le Gouvernement annonce des mesures supplémentaires pour sanctionner les auteurs d’agressions conjugales. Nous considérons que ce fléau méritait que l’on s’engage enfin dans la voix d’une politique volontariste de lutte contre toutes les formes de violence, qu’il s’agisse du viol, du harcèlement ou du mariage forcé.

Si nous avons été entendus sur certains points, nous demeurons un peu déçus par l’aspect uniquement répressif de la proposition de loi. Il aurait été nécessaire de mieux réfléchir à la prévention et à la sensibilisation de la société, à la promotion et au développement de l’éducation non sexiste dès la maternelle, à des mesures d’accompagnement des victimes et à une formation des personnels intervenant auprès des personnes agressées. Soyons un peu optimistes. L’enrichissement de cette proposition au cours des débats laisse deviner que nous allons peut-être dans le bon sens et qu’une loi-cadre sera enfin votée avant la fin de la législature.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Tout comme en première lecture, la commission a repoussé cet amendement, car les dispositions du texte permettent d’avancer dans la direction souhaitée. Je rappelle en effet que, avec l’accord du Gouvernement, nous avons voté l’article 5 bis qui prévoit que « le Gouvernement dépose, tous les deux ans, sur le bureau des assemblées parlementaires un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples » : pour une fois, une commission n’a pas craint d’accroître le volume et la complexité des documents produits. Nous avions d’ailleurs veillé, suivis en cela par le Sénat, à ce que ce rapport présente non seulement les mesures prises en faveur des victimes, mais également celles qui permettent d’accompagner les auteurs de violences. Nous sommes bien là sur le terrain de la prévention à laquelle vous êtes très justement attachée.

Cette proposition de loi est un premier pas, plus important que ses auteurs n’avaient pu le penser. Elle appelle une évaluation, qui fera l’objet du premier rapport présenté dans deux ans. Nous serons ainsi en mesure d’apprécier de manière contradictoire si les textes ont pu produire l’efficacité que nous en attendons. Après quoi, s’il apparaît que nous devons de nouveau modifier le dispositif, nous nous y attellerons. La loi-cadre dont vous parlez sera certainement l’un des éléments de cette progression pragmatique. C’est la raison pour laquelle, tout en partageant le souci exprimé par tous ces amendements, qui vont dans le bon sens, nous confirmons l’avis défavorable formulé en première lecture.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je tiens d’abord, madame Jambu, à vous remercier de votre constat : ce texte a en effet été considérablement enrichi.

Je relève, pour ma part, le fait que le travail interministériel a également permis d’avancer puisque le garde des sceaux, que j’avais saisi de la notion nouvelle de respect entre les époux, a bien voulu accepter qu’elle soit inscrite dans le code civil.

En tout cas, qu’il s’agisse de la notion de circonstance aggravante ou, en matière de prévention, du passage de quinze à dix-huit ans de l’âge nubile – une jeune femme de dix-huit ans est tout de même nettement plus mature qu’une jeune fille de quinze ans –, les dispositions adoptées ce matin constituent des éléments tout à fait importants.

Cependant, comme, parallèlement, un plan d’action, qui relève, je le répète, du domaine réglementaire, permettra également de faire avancer cette lutte, je suis conduite, sachant que je serai extrêmement vigilante sur l’ensemble de ces sujets, à être défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5 quater

M. le président. L’article 5 quater ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 5 quater est adopté.)

Après l’article 5 quinquies

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 7, portant article additionnel après l’article 5 quinquies.

La parole est à Mme Janine Jambu, pour défendre cet amendement.

Mme Janine Jambu. Cet amendement tend à donner aux victimes les moyens financiers de faire face aux séquelles sociales, physiques et psychologiques provoquées par les violences conjugales.

D'après le rapport du professeur Henrion de février 2001, la violence au sein des couples a une incidence majeure sur la santé des femmes, que ce soit du fait de blessures provoquées ou des affections chroniques qu'elle peut engendrer. Les coups reçus, l'état de tension, de peur et d'angoisse dans lesquelles elles sont maintenues par leur agresseur, ont de graves conséquences et sont à l'origine de troubles très variés. Selon l'OMS, ces femmes perdent entre une et quatre années de vie en bonne santé.

Que ce soit dans le domaine de la traumatologie, des pathologies chroniques, de la psychiatrie, de la gynécologie, de l'obstétrique ou de la pédiatrie, les conséquences des violences nécessitent une prise en charge médicale coûteuse qui ne saurait devoir être supportée par la seule victime. De même, la mise sous condition de ressources de l'aide juridictionnelle constitue un obstacle majeur à l'assistance juridique des victimes.

À l’instar de ce qui se pratique dans d'autres pays d'Europe, les victimes de violences conjugales devraient pouvoir bénéficier d'une indemnisation au même titre que les victimes d'attentats, d'accidents de la route ou de chasse.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. La commission avait repoussé un amendement identique en première lecture. Elle a fait de même en deuxième lecture, pour deux raisons.

La première tient au caractère disparate de la longue liste proposée : comme toute liste de ce type, le risque est grand, à trop vouloir prévoir, d’oublier quelques éléments.

La seconde raison me semble encore plus importante. En effet, des indemnisations sont déjà prévues sur le plan pénal, notamment pour les violences ayant entraîné une incapacité permanente ou supérieure à un mois. Tel est bien le cas des violences graves susceptibles d’entraîner les conséquences dont Mme Janine Jambu a donné quelques exemples malheureux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote sur l’ensemble de la proposition de loi, la parole est à Mme Danielle Bousquet, pour le groupe socialiste.

Mme Danielle Bousquet. Madame la ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui nous a permis de débattre des violences faites aux femmes dans le cadre du couple, est une avancée que nous notons avec satisfaction. Le terme « violences au sein du couple » nous semble à cet égard préférable à celui de « violences conjugales », dans la mesure où il recouvre d’autres hypothèses que le couple marié.

Prise au sérieux, la question des violences a pu faire l’objet d’un véritable travail dans cet hémicycle comme au Sénat, ce dont nous devons collectivement nous féliciter. Voilà enfin que, sur un sujet faisant parfois l’objet de plaisanteries un peu douteuses, un tout autre état d’esprit l’emporte.

Le regret que nous pouvons cependant avoir tient à l’approche par trop réductrice, la prévention étant totalement absente du texte. Vous nous avez expliqué, madame la ministre, les raisons qui ont prévalu à ce choix. Je ne suis pour autant pas convaincue, car la force de la loi me semblait indispensable en la matière.

Ce texte a toutefois le mérite de reconnaître le viol entre époux, et, même si nous savons à quel point la preuve sera difficile à apporter, nous approuvons bien évidemment cette avancée.

La proposition de loi constitue un premier pas, et nous la voterons donc, tout en insistant sur le fait qu’elle devra s’accompagner de campagnes nationales – dont je ne doute pas, madame la ministre, que vous saurez les mettre en œuvre – et, surtout, de moyens en faveur des associations qui en manquent cruellement, en particulier en matière d’insertion professionnelle et de logement.

J’en terminerai par l’insertion des femmes dans les familles d’accueil, dont vous parliez récemment, madame la ministre. Je souhaite qu’une évaluation de cette action intervienne rapidement après son lancement.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Bien sûr !

Mme Danielle Bousquet. Il convient en effet d’avoir un regard professionnel pour pouvoir répondre à la situation extrêmement difficile rencontrée par les femmes victimes de violences. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Janine Jambu. Madame la ministre, monsieur le garde des sceaux, au terme de cette dernière étape, je souhaiterais vous faire part de ma satisfaction devant la richesse de nos débats. Au cours de la navette, ce texte s'est enrichi de nombreuses dispositions prenant en compte de façon plus complète les violences conjugales, comme les mariages forcés, l'excision et les autres mutilations sexuelles, l'exploitation sexuelle des enfants ou encore le tourisme sexuel.

En revanche, je regrette le rejet de nos amendements pour le motif qu'ils relèveraient d'un caractère réglementaire ou qu'ils renverraient à des dispositions déjà en vigueur. Nos propositions en termes de prévention, de sensibilisation et d'indemnisation ne sont pourtant que le reflet des revendications des associations féministes ou de défense des droits de l'homme. Je reste donc persuadée qu'elles continueront d'alimenter une prise de conscience collective sur ce fléau de la violence au sein du couple. Si j’ai bien entendu vos arguments, je souhaite un grand débat de société sur toutes les formes de sexisme, de violence ou de discrimination dont sont victimes les femmes.

Seule une loi-cadre et la programmation de moyens pérennes en faveur de tous les acteurs concernés par ces questions garantiront enfin une politique volontariste et efficace. Dans l’attente de cette prochaine étape, nous voterons toutefois le texte qui nous est proposé.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le groupe UDF.

M. Pierre-Christophe Baguet. Face à un phénomène aussi grave et répandu, il faut conduire une attaque frontale et nous doter d’un projet global.

S’agissant de l’attaque frontale, nombre d’éléments très satisfaisants dans le texte permettent de la mener, qu’il s’agisse de l’article 5 relatif à l’éloignement du domicile du couple de l’auteur des violences – ce qui constitue le cœur même du texte, comme l’a souligné le rapporteur – ou de la lutte contre les mariages forcés.

Pour ce qui est, en revanche, du projet global, nous manquons encore, madame la ministre, d’éléments permettant d’achever sa construction, qu’il s’agisse de former les personnels concernés, d’informer le public, de sensibiliser les enfants dès le plus jeune âge, de renforcer la protection des victimes, de les accueillir et de leur donner la possibilité de se reconstruire à l’abri du conjoint violent, sans oublier l’obligation de soins pour les agresseurs ni la réparation du préjudice, notion que nous n’avons peut-être pas assez abordée.

La multiplication possible du recours à la médiation m’inquiète également, et j’espère que la commission mixte paritaire sera l’occasion d’un débat sur ce sujet, même si j’ai été attentif aux arguments que vous avez développés, monsieur le garde des sceaux. Si la médiation peut-être un atout dans ce genre de situation, il ne faudrait pas qu’elle conduise à une deuxième pénalisation des victimes, déjà fragilisées et affaiblies.

De même, il me semble qu’une réflexion reste à poursuivre sur la modification de l’article 226-10 du code pénal, relatif à la dénonciation calomnieuse.

Il n’en reste pas moins que ce texte me semble globalement très satisfaisant. Parce qu’il était très attendu, il faut désormais qu'il soit rapidement voté et que les décrets d’application soient pris le plus vite possible.

Pour conclure sur une note optimiste, je reviendrai sur la modification de l’article 212 du code civil, notre collègue sénateur Robert Badinter ayant proposé que si « les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance », ils se devaient aussi mutuellement respect : souhaitons qu’au-delà des heureux candidats au mariage, ce respect vaille pour tous les hommes et les femmes, dans notre pays et partout dans le monde.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pecresse, pour le groupe UMP.

Mme Valérie Pecresse. Je me félicite du texte, mais aussi des positions adoptées par tous les groupes de notre assemblée : sur les sujets de société vraiment importants, l’unanimité est essentielle, d’autant qu’elle renforce le sentiment de cohésion nationale derrière la cause des femmes.

Ce texte nous semble bon, car il a le mérite de lever un tabou, celui des violences qui s’exercent dans la sphère privée. La législation que nous allons adopter, fondée sur le respect et non pas seulement sur la pénalisation, me paraît ainsi particulièrement moderne et adaptée au XXIe siècle.

Contrairement à ce qui vient d’être dit, je crois désormais nécessaire que le législateur respecte de manière beaucoup plus stricte le domaine de la loi. L’apprentissage risque d’être long et difficile, mais, en tant que juriste, je suis très attachée à la frontière entre l’action publique, menée par les ministres, et la loi, qui doit être sinon sanctifiée, du moins préservée, en étant la plus simple et la plus courte possible.

Enfin, au-delà de ce texte relatif aux violences conjugales, je voudrais marquer toute ma satisfaction devant la politique menée par le Gouvernement en faveur des femmes, qu’il s’agisse de la prévention des mariages forcés, qui a été l’objet de la mission d’information sur la famille et sur lequel la délégation aux droits des femmes s’est également penchée, de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, projet de loi que vous avez porté, madame la ministre, et qui a permis d’introduire par la voie de nombreux amendements le principe de la parité dans le monde du travail, ou encore récemment, je le rappelle à mes collègues socialistes et communistes, de la loi contre les discriminations que nous avons votée, et qui vise notamment les discriminations sexistes.

Je tiens également à évoquer le congé parental raccourci qui a été proposé par Philippe Bas dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, qui permettra aux jeunes mères d’être rémunérées à 750 euros par mois en restant éloignées du monde du travail un an au lieu de trois, ce qui leur permettra de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle.

Ce texte, qui s’ajoute à tout ce corpus, complète donc l’action du Gouvernement en faveur des femmes et d’une société plus équilibrée, et, naturellement, le groupe de l’UMP le votera.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Discussion et vote sur la motion de censure, déposée en application de l’article 49, alinéa 2, de la Constitution par :

MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande, Roger-Gérard Schwartzenberg, Mmes Martine Billard, Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Éric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Évin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Mme Geneviève Gaillard, M. Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Élisabeth Guigou, Paulette Guinchard, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Éric Jalton, Serge Janquin, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Bruno Le Roux, Mme Marylise Lebranchu, MM. Michel Lefait, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin, Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mmes Ségolène Royal, Odile Saugues, MM. Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque, Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Joël Giraud, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. Yves Cochet, Noël Mamère et Emile Zuccarelli. (*)

À vingt et une heures, troisième séance publique :

Discussion du projet de loi, n° 2427 rectifié, portant réforme des successions et des libéralités :

Rapport, n° 2850, de M. Sébastien Huyghe, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures quarante-cinq.)

(*) Scrutin dans les salons voisins de la salle des séances ouvert, après l’intervention du dernier orateur, pour une durée de 30 minutes.