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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 8 mars 2006

163e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Mme la présidente. En cette Journée internationale de la femme, M. Jean-Louis Debré a souhaité me céder la présidence de cette séance. (Applaudissements sur tous les bancs.) Hasard du calendrier, c’est la deuxième fois depuis le début de la législature que cette opportunité nous est offerte.

Je salue cette initiative hautement symbolique, comme l’est l’accrochage des portraits d’Ingrid Betancourt et de Clara Rojas aux grilles du Palais Bourbon. (Applaudissements.)

L’égalité entre les hommes et les femmes n’est pas encore aboutie dans notre pays. La parité non plus. Par contre, les violences faites aux femmes s’imposent comme une triste réalité. Comment, en ce jour, ne pas penser à ces millions de femmes qui, dans le monde, ne bénéficient ni de liberté ni des droits fondamentaux qui leur sont toujours refusés ? Saluons ensemble leur patience et leur courage. (Applaudissements sur tous les bancs.)

questions au Gouvernement

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

place des femmes dans la société

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, aujourd’hui 8 mars, les femmes sont célébrées dans le monde entier. En France, nous sommes fondés à nous réjouir, car ces dernières années ont vu des avancées dans leur situation, sur le plan tant de leur vie personnelle que de leur activité professionnelle ou de leur engagement dans la société.

La France possède à la fois un fort taux d’activité des femmes et un taux de fécondité parmi les plus élevés en Europe. De nombreux acteurs du monde économique placent aujourd’hui l’égalité professionnelle au cœur de leurs préoccupations. L’égalité professionnelle et l’égalité salariale sont en effet un moyen de rendre les femmes libres et autonomes et de leur permettre de lutter contre les violences économiques et domestiques dont elles sont victimes.

Vous avez récemment porté devant notre assemblée, madame la ministre, deux projets de loi en ce sens, consacrés respectivement à l’égalité salariale et à la répression des violences au sein du couple. Nous souhaiterions savoir aujourd’hui quelles nouvelles actions vous entendez mettre en œuvre, en collaboration avec vos collègues, afin d’aller plus loin encore dans ces combats et afin qu’un plus grand nombre de femmes puissent refuser la violence, accéder à une véritable égalité professionnelle et occuper ainsi dans la société la place qui leur revient. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame la présidente, je tiens d’abord à remercier le président de votre assemblée, qui a souhaité inviter une centaine de jeunes femmes à assister aujourd’hui à cette séance de questions d’actualité. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

C’est à juste titre que vous rappelez, madame Zimmermann, le chemin parcouru dans notre pays. Il reste cependant certains points sur lesquels il convient encore d’avancer.

Vous avez d’abord cité l’emploi des femmes. Il est vrai qu’il subsiste dans notre pays des difficultés inacceptables. Entre un homme et une femme, à poste égal, la différence de salaire est encore de 20 %. Les conseils d’administration des entreprises comprennent moins de 10 % de femmes. On compte plus de 50 % de femmes dans la fonction publique, mais pas à des postes de responsabilité.

Avec le projet que vous avez adopté voici quelques semaines nous poursuivons un objectif ambitieux : supprimer en cinq ans les différences de salaire entre les hommes et les femmes. C’est la première fois qu’un texte de loi prévoit un calendrier et une évaluation qui nous permettront de mesurer les progrès accomplis.

Pour ce qui concerne l’accès des femmes aux postes de responsabilité, la représentation nationale a souhaité fixer à 20 % le nombre de femmes présentes au minimum dans les conseils d’administration des entreprises.

Ce sont là des éléments concrets qui peuvent faire bouger les choses.

Sur la question du travail à temps partiel subi, nous travaillons avec Gérard Larcher, à aider les femmes à s’engager dans des parcours professionnels leur permettant de vivre correctement de leur travail.

Vous pouvez donc constater que les actions sont nombreuses et que la mobilisation du Gouvernement est importante. Cette mobilisation doit toutefois s’accompagner aujourd’hui de celle de toute la société. La Journée des femmes, ce n’est pas le 8 mars : c’est toute l’année. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, veuillez baisser le ton de vos conversations personnelles, afin que nous puissions mieux entendre les oratrices. (Applaudissements.)

pauvreté

Mme la présidente. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour le groupe socialiste.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur le Premier ministre, l’observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale a remis son rapport la semaine dernière. Vous ne pouvez plus le nier : vous avez désormais la preuve que la pauvreté augmente depuis votre arrivée aux responsabilités. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Bien que certains chiffres remontent à 2003, vous voyez comme nous sur le terrain que la situation se dégrade. La faiblesse de la croissance économique, la hausse du chômage et sa moins bonne indemnisation, le sacrifice des emplois aidés sont évidemment en cause. Si vous vous êtes réjoui de l’amélioration des chiffres du chômage à la fin de l’année 2005, vous avez oublié que, dans le même temps, les bénéficiaires de minima sociaux, en particulier du RMI, étaient plus nombreux. Il n’y a pas de reprise de l’emploi dans notre pays, comme l’attestent malheureusement les chiffres du mois de janvier.

En outre, ce rapport mesure bien – et cela prend un relief particulier en ce 8 mars – les catégories de la population les plus touchées par la pauvreté aujourd’hui. Les femmes, surtout lorsqu’elles élèvent seules leurs enfants, sont parmi les plus concernées par cette aggravation, et vous n’avez rien fait pour limiter le travail à temps partiel subi, qui est largement à l’origine de cette situation et dont les revenus ne permettent pas de vivre décemment.

M. Lucien Degauchy. Et vous, qu’avez-vous fait ?

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Alors que la pauvreté pèse toujours autant sur les jeunes de moins de vingt-cinq ans, un phénomène nouveau et inquiétant apparaît dans notre société : l’accroissement de la pauvreté chez les personnes âgées.

Ma question est donc la suivante : tiendrez-vous compte de ce rapport alarmant sur la pauvreté dans notre pays ? Allez-vous changer de politique ou prendrez-vous toujours des mesures qui plongent dans la précarité et l’exclusion les plus fragiles de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame la députée, il est des sujets sur lesquels il est important que nous puissions nous en tenir aux faits, et à eux seuls.

Je salue le travail réalisé pour le rapport remis au Gouvernement le 22 février et qui fait référence à deux critères utilisés pour définir le taux de pauvreté monétaire : selon le critère français, la France passe de 5,9 % à 6,3 % et, selon le critère européen, elle stagne.

Ne nous jetons pas des chiffres à la figure, madame Hoffman-Rispal.

M. Lucien Degauchy. Ils n’ont rien fait !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Quand on parle de pauvreté, on parle avant tout d’hommes et de femmes. Comme l’exprime le rapport dans ses recommandations, il faut d’abord changer les critères, parce que la pauvreté monétaire ne montre pas, à elle seule, les difficultés. Ensuite, il convient d’apporter des solutions concrètes. Comme je n’ai pas envie d’être désagréable (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste), je n’insisterai pas sur le fait que ce rapport repose sur des chiffres de 2002-2003. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

La seule question qui se pose aujourd’hui est de savoir quelles solutions nous sommes capables d’apporter.

Le premier travail est l’accompagnement des femmes vers l’emploi. Nous venons de faire voter la loi de retour à l’emploi et nous travaillons sur le temps partiel subi, car il est malheureusement vrai que le cocktail associant, pour les femmes, le statut de chef de famille monoparentale et le temps partiel subi conduit à ce qu’on appelle la nouvelle pauvreté.

Il est vrai aussi que si ces femmes n’ont pas de logement, c’est parce qu’on n’en a pas construit assez, et vous savez quand : comme par hasard, entre 1997 et 2002 ! (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons, quant à nous, mis en chantier les logements sociaux dont nous avons besoin.

Vous voyez, madame Hoffman-Rispal, que si les constats sont importants, les solutions valent encore mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

égalité entre les femmes et les hommes

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe Union pour la démocratie française. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés de l’Union pour un mouvement populaire. Et la Journée des femmes ?

Mme la présidente. Mes chers collègues, la parole est à M. Jardé, et à lui seul.

M. Olivier Jardé. Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, une récente étude demandée au ministère de l’éducation nationale révélait que le niveau intellectuel des petites filles était supérieur à celui des petits garçons, et que cela se poursuivait dans le primaire et dans le secondaire, pour aboutir, au baccalauréat, à un taux de réussite de 85 % pour les filles et de 80 % pour les garçons.

Au niveau professionnel, malheureusement, la situation est différente, avec un taux de chômage de 10,6 % pour les femmes contre 8,8 % pour les hommes. Si l’on observe une relative égalité au niveau des rémunérations, les carrières professionnelles accusent, quant à elles, des différences alarmantes.

En ce 96e anniversaire de la Journée des femmes, le groupe UDF a voulu marquer sa détermination en faveur du droit des femmes en demandant justement à un homme de prendre la parole. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Madame la ministre, ma question est simple : que comptez-vous faire pour qu’il y ait enfin une réelle égalité entre les hommes et les femmes dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le député, nous serons au moins d’accord sur un point : la parité est, par définition, une affaire d’hommes et de femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe socialiste.)

Nous souhaitons réaliser ensemble cette mixité. Les femmes, qui représentent 52 % de la population de notre pays, attendent aujourd’hui d’occuper leur juste place, et toute leur place. Pour y parvenir, il faut faire vivre cette égalité, que ce soit dans l’emploi, où elle permet une meilleure autonomie, ou dans la vie politique, où nous pouvons, sur tous les bancs de cette assemblée, réfléchir à la possibilité de permettre aux femmes d’accéder aux responsabilités. C’est la raison pour laquelle nous vous proposerons dans quelques semaines, avec le ministre d’État, un texte visant à réaliser la parité dans les exécutifs.

La parité tient également au respect que l’on doit aux femmes : c’est toute la question de la lutte contre les violences, car la violence est par définition manque de respect, ce qui n’est pas tolérable dans notre pays.

Tel est le sens de la mobilisation du Gouvernement sur ce sujet. Vous venez d’adopter un texte, qui sera examiné demain en commission mixte paritaire. L’égalité est enfin assurée quant à l’âge du mariage, fixé à dix-huit ans pour les hommes comme pour les femmes, et la notion de respect est enfin intégrée dans le code civil.

Cette notion, nous devons la graver dans les textes : respecter les femmes, c’est permettre qu’elles aient toute leur place dans notre pays. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

CONTRAT PREMIÈRE EMBAUCHE

Mme la présidente. La parole est à Mme Janine Jambu, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Janine Jambu. Monsieur le Premier ministre, la pauvreté et la précarité s'écrivent d'abord au féminin pluriel. Ce 8 mars est la journée des femmes qui souffrent dans notre pays, mais surtout celle des femmes qui luttent. Elles étaient nombreuses hier, jeunes étudiantes, salariées et toutes les autres qui, avec un million de manifestants dans tout le pays, ont porté haut et fort le rejet du CPE que vous leur offrez comme perspective d'avenir.

« Contrat Précarité Exploitation » et « Cadeau au Patronat Encore » pouvait-on lire sur les calicots. C’est dire si la lucidité de cette jeunesse est grande : elle voit derrière le CPE la généralisation des emplois corvéables et jetables à merci, le droit divin patronal et unilatéral de licencier sans motif, qui s’étendrait bientôt à tous. C’est dire aussi la combativité et l’espoir de nos jeunes car l’action engagée va connaître de nouveaux développements.

Elles et ils aspirent à réussir leur vie, à s’épanouir dans leur vie personnelle et professionnelle, dans leurs passions. N’y a-t-il pas un autre avenir à leur offrir ? Une autre réflexion à conduire à partir des 600 000 emplois libérés chaque année par les départs en retraite dans les dix ans à venir ? Des formations qualifiantes, des emplois stables et bien rémunérés, des négociations sur la gestion prévisionnelle des emplois, les organisations syndicales et les organisations étudiantes veulent bien en discuter, mais elles rejettent le modèle de précarité généralisée que vous voulez leur imposer. Du CPE, les jeunes disaient hier : « C’est pas mieux que rien, c’est pire que tout ! ». Allez-vous, monsieur le Premier ministre, enfin les entendre et retirer ce dispositif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Roy. CPE, contrat de miséreux !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Pierre Brard. Et les femmes alors ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame Jambu, vous évoquez l’avenir de notre jeunesse, donc la préparation de l’avenir de notre pays.

S’agissant de la proposition que votre groupe a présentée, relative à la négociation de plans de gestion prévisionnelle des emplois, vous avez raison : c’est le bon chemin. (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je me permets de vous rappeler, puisque vous avez été présente jusqu’à trois ou quatre heures du matin pendant l’examen du projet de loi de cohésion sociale, que c’est ce texte qui a introduit l’obligation pour les entreprises de plus de 300 salariés de négocier un plan prévisionnel de gestion des ressources humaines prévoyant notamment le passage et l’intégration de la jeunesse dans les entreprises françaises. Vous savez également qu’il a prévu que, pour les entreprises de moins de 300 salariés, cela relevait des négociations de branche.

Je peux vous dire que, neuf mois après l’adoption de ce texte, beaucoup de branches ont commencé à négocier cette « gestion prévisionnelle des emplois et des compétences », expression un peu techno mais qui veut bien dire : préparer l’avenir. Je vous indique que la fonderie, par exemple, est en train de mettre en place son plan de gestion prévisionnelle.

Au fond, madame Jambu, je crois que nous sommes tous d’accord (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) : il faut avoir un dispositif large. Ainsi nous nous mobilisons à la fois sur l’apprentissage et sur les contrats de professionnalisation qui préparent l’avenir.

Le CPE n’est qu’un outil. Ce ne sera pas le droit commun. Il ne concernera qu’un petit nombre de recrutements dans le dispositif français, comme le CNE, qui représente 10 % à 12 % des embauches. Lorsqu’elle correspond réellement à nos besoins, vous savez que la gestion prévisionnelle est notre façon de procéder. Nous regarderons d’ailleurs attentivement votre proposition de loi. (Murmures sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

sécurité routière

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Le Brethon, pour le groupe UMP.

Mme Brigitte Le Brethon. Monsieur le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, les statistiques des accidents corporels de février 2006 sont maintenant connues. Je souhaiterais que vous les commentiez.

Chacun constate que le comportement des conducteurs, par la contrainte ou volontairement, se modifie au volant et sur les deux-roues. Rappelez-vous 2002 : nous avions enregistré près de 8 000 morts dans l’année – cela était considéré comme une fatalité – et 138 000 blessés, soit 20 000 personnes de plus que l’ensemble des habitants de ma ville de Caen, ce qui est énorme ! En 2005, nous allons encore dépasser les 100 000 blessés. Au lendemain d’un accident corporel, lorsqu’on lit dans la presse qu’il n’y a que des blessés, nous sommes rassurés parce que des vies ont été épargnées. Pourtant derrière le mot « blessés », il y a des drames personnels, des drames familiaux, des vies brisées.

Monsieur le ministre, quelles sont les actions que vous allez entreprendre pour pérenniser la baisse du nombre des morts et, surtout, celle des blessés dans les mois à venir ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Madame Le Brethon, vous avez évoqué les chiffres de février en matière de sécurité routière. Ils ont été très bons puisque le nombre de tués en février 2006 est inférieur de 2 % à celui des morts en février 2005. En fait ce résultat significatif a été obtenu grâce à la bonne volonté de tout à chacun.

En 2006, par rapport à 2002, toujours sur le mois de février, il y a eu moitié moins de tués sur les routes, ce qui démontre l’efficacité de l’effort engagé à la demande du Président de la République, Jacques Chirac, et qui doit être poursuivi.

Il semble que les trois raisons principales de cette baisse soient : moins de vitesse, moins d’alcool et davantage de ceinture de sécurité. Cela explique cette diminution très forte.

Néanmoins il est indispensable de poursuivre nos efforts et d’essayer d’aller au-delà des résultats actuels. En effet il subsiste deux inégalités : une entre les départements, certains d’entre eux ne connaissant pas d’évolution favorable ; l’autre entre les véhicules, je pense en particulier aux deux-roues. J’ai donc demandé, en liaison avec le ministre de l’intérieur, que, dans les départements où il n’y a pas eu une réduction significative – nous avons même parfois relevé, au contraire, une hausse du nombre de tués –, on fasse un audit très précis afin de déterminer les raisons pour lesquelles on n’arrive pas à faire baisser les chiffres, et pour mettre en œuvre des politiques plus précises, plus fines et plus efficaces.

S’agissant des deux-roues, je n’accepte pas la situation. Nous savons tous, les uns et les autres, que l’on utilise de plus en plus des scooters, des cyclomoteurs ou des motos, en particulier dans les grandes villes. Nous devons donc faire en sorte que les usagers de deux-roues aussi soient épargnés en termes d’accident et réduire le nombre de tués et de blessés. Cela n’est pas le cas aujourd’hui puisque les chiffres continuent à monter.

J’ai rencontré les représentants de l’ensemble des associations de motards et de cyclos. Nous sommes en train de mettre en place un plan, basé sur le volontariat parce que nous ne ferons rien contre eux. Il ne s’agit pas de stigmatiser une catégorie d’usagers de la route mais de faire en sorte qu’eux aussi bénéficient de mesures de sécurisation, d’une meilleure formation, quitte bien sûr, quand c’est nécessaire, à appliquer les sanctions indispensables. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

nouveaux risques sanitaires

Mme la présidente. La parole est à Mme Josette Pons, pour le groupe UMP.

Mme Josette Pons. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, la grippe aviaire en France, le chikungunya à La Réunion et à Mayotte, la dengue en Guyane : tous nos concitoyens de métropole et d’outre-mer sont inquiets face à ces épidémies ou à ces menaces qui prennent des proportions très importantes. L’épidémie de chikungunya, à La Réunion, a pris une ampleur considérable depuis deux mois et touche aujourd’hui plus de 186 000 personnes.

La protection des Français face aux nouveaux risques sanitaires est devenue, en l’espace de quelques mois, une question d’urgence appelant la réactivité et l’efficacité des pouvoirs publics. Le Premier ministre a décidé une mobilisation générale contre ces épidémies. Elle sera fondée sur trois axes : la prévention, la réponse sanitaire et la gestion des conséquences économiques.

La solidarité nationale doit, dans ces situations, être mise en œuvre et l’État doit apporter des réponses. La réaction et la mobilisation du Gouvernement pour faire face à ces situations nouvelles sont à la hauteur des besoins grâce à des mesures spécifiques et adaptées aux risques liés à ces différentes épidémies : aides financières, campagnes d’information, campagnes de démoustication, confinement des élevages, et bien d’autres mesures encore. Il semblerait aujourd’hui que, grâce à ces mesures, le mouvement de panique provoqué par la grippe aviaire s’estompe. Néanmoins l’épizootie demeure. Le virus H5N1 persiste et pourrait peut-être muter.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire le point sur l’action du Gouvernement quant à la protection de tous les Français face à ces nouveaux risques sanitaires et nous indiquer comment vous comptez améliorer les dispositifs de cette veille sanitaire à la lumière des récents événements ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Madame la députée, il est vrai que notre pays, comme tous les autres pays du monde, est aujourd’hui confronté à l’émergence ou à la réémergence d’un grand nombre de maladies infectieuses. Vous avez parlé du chikungunya à Mayotte et à La Réunion, de la dengue, qui frappe également à La Réunion. Depuis dimanche soir, j’étais en Guyane, en Guadeloupe et à la Martinique pour faire le point sur notre état de préparation face à ces maladies infectieuses.

Il est d’abord certain que nous devons nous mobiliser sur tous les fronts en commençant par la prévention, avec la démoustication. À cet égard je tiens à insister sur le fait que la démoustication est l’affaire de tous, certes de l’État et des collectivités locales, mais il appartient aussi à chacun des habitants concernés de la prendre en charge chez soi et autour de chez soi, pour que notre action soit davantage efficace encore.

Nous devons également nous mobiliser en faveur de la prise en charge des malades en faisant le nécessaire pour renforcer, à court, moyen et long terme, les réponses aux besoins médicaux sur place ; et pour assurer le développement de la recherche parce que nous ne pouvons plus supporter au XXIe siècle que, année après année, nos départements et territoires d’outre-mer soient confrontés à la dengue, au Chagas sans pouvoir apporter, comme nous le voyons aujourd’hui avec le chikungunya, de réponse thérapeutique. Voilà pourquoi la mobilisation de la recherche est une priorité. La lutte contre les maladies infectieuses doit être une priorité de santé publique en France comme pour toute la communauté internationale.

Toutefois il nous faut aussi, pour pouvoir agir et anticiper, avoir des informations fiables et rapides. C’est pourquoi le Président de la République a souhaité que l’on puisse évaluer notre système de veille sanitaire. J’ai donc confié au professeur Girard le soin de conduire une mission, la plus large possible, d’évaluation et d’amélioration de notre système de veille sanitaire en métropole comme pour l’ensemble de l’outre-mer. Dans quatre mois il me rendra un rapport précis avec des pistes de travail que nous explorerons sans délai.

Dans deux mois nous aurons un rapport d’étape, mais, sans attendre, j’ai décidé, après avoir vu notre état de préparation à la Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, de procéder au renforcement de ce réseau de veille sanitaire parce que la France, dans ses départements et territoires d’outre-mer, est confrontée à l’émergence de maladies infectieuses. Notre priorité, c’est l’action et l’anticipation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

cpe

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo, pour le groupe socialiste.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ma question s’adresse à M. Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. (« Il est parti ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, vous avez une drôle de conception de la gestion de la chose publique en pratiquant avec cynisme le double langage : dans les couloirs de l’Assemblée nationale et du Sénat, devant les parlementaires de droite comme de gauche, vous vous exprimez en employant les qualificatifs les plus violents contre le CPE, indiquant que, depuis le début, vous y êtes opposé. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En revanche, ici, dans l’hémicycle, avec le verbe haut et beaucoup d’hypocrisie (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), vous le défendez avec acharnement. Il est vrai que vous êtes assis aux côtés du Premier ministre, et que solidarité gouvernementale oblige.

Cette façon de procéder ne crédibilise pas la parole du politique, d’autant plus lorsqu’il est ministre et en charge du dossier. (« Borloo ! Borloo ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Cela étant je reconnais que vous avez raison concernant le CPE. J’ai donc envie de vous dire : « Courage, monsieur le ministre ! Expliquez au Premier ministre que le CPE va accroître la flexibilité pour les jeunes de moins de vingt-six ans sans leur apporter de garanties ; que les jeunes seront, avec ce contrat, la variable d’ajustement des entreprises parce que jetables pendant deux ans et que, aujourd’hui, le Gouvernement ne peut pas dire qu’il ne s’est rien passé. »


La démonstration est faite et elle est éclatante : plus d’un million de Français ont manifesté hier leur colère dans toutes les villes de notre pays. Plus de 60 % de nos concitoyens rejettent le CPE : jeunes, salariés du privé et du public, retraités. Les dangers du CPE, largement camouflés lors de son lancement, ont été peu à peu mis à jour. Chacun a pris conscience qu’il s’agissait d’un débat majeur pour l’avenir de la société. « Nous voulons un autre monde, un autre avenir, la solidarité, une place pour chacun » : voilà ce que vous disent des millions de jeunes et leurs familles.

Ma question, monsieur le ministre, est donc simple : allez-vous expliquer au Premier ministre tout ce que vous pensez réellement du CPE en lui conseillant d’entendre nos concitoyens ? Eux aussi en ont marre et ils demandent le retrait du CPE et l’ouverture de véritables négociations. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

S’il vous plaît ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste dont les députés se mettent à scander : « Borloo ! Borloo ! ».)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. La première des précarités et des inégalités (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) c’est que le taux de chômage des jeunes filles de nos quartiers soit supérieur de 5 % à celui des jeunes garçons (« Borloo ! Borloo ! »sur les bancs du groupe socialiste. – « Larcher ! Larcher ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) dans un environnement où le taux moyen s’élève déjà à 40 % ! (Bruits continus sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Ce que Jean-Louis Borloo (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et moi-même, sous l’autorité du Premier ministre, voulons briser, c’est justement cette précarité faite de CDD et de CDI (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui, pour les trois quarts, sont rompus au cours de la première année. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Deflesselles. C’est intolérable ! Il faut intervenir, madame la présidente !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Ce que nous proposons avec le CPE, c’est un filet de sécurité qui permette aux jeunes d’en finir avec la précarité et l’éternel retour à la case départ ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. S’il vous plaît !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Ce qui est inacceptable, c’est de voir les jeunes galérer depuis vingt ans !

Le CPE, avec la professionnalisation et le filet de sécurité que le Premier ministre nous a demandé de mettre place en concertation avec les partenaires sociaux, nous donne la possibilité d’en finir avec cette précarité ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

premier anniversaire de la Charte de l’environnement

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour le groupe UMP.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le garde des sceaux, il y a un an, le Parlement réuni en Congrès adoptait la charte de l’environnement. Attendu et réclamé depuis longtemps par les associations, voulu par le Président de la République, ce texte est ainsi entré dans le préambule de la Constitution, aux côtés de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Prenaient ainsi valeur constitutionnelle les principes de prévention, de réparation des dommages, de transparence et de participation du public, ainsi, bien sûr, que le principe de précaution qui a été au cœur de beaucoup de nos débats. Ce texte posait enfin l’exigence d’éducation à l’environnement à laquelle nous sommes très attachés.

Un an après, quel bilan provisoire pouvons-nous tirer de l’application de cette charte ?

Mme Christiane Taubira, MM. Jean-Pierre Blazy et Yves Cochet. Zéro !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Plusieurs lois viendront bientôt en discussion, qui seront autant d’occasions de décliner ces principes : loi sur la transparence en matière nucléaire, loi sur les OGM et loi sur l’eau. Les sujets sont nombreux.

La justice n’est pas muette non plus, qui se réfère à la charte : une jurisprudence se développe ainsi, à un rythme d’ailleurs très raisonnable par rapport aux craintes qui avaient pu s’exprimer.

De grands défis s’imposent à nous, comme la lutte contre l’effet de serre, qui réunit actuellement trente députés issus de toutes les formations politiques dans une mission d’information où chacun est frappé par l’ampleur et la gravité du phénomène.

Enfin, au quotidien, nos concitoyens s’interrogent et parfois nous interpellent sur tous ces sujets, en particulier sur celui de l’impact de l’environnement sur la santé : c’est l’objet de l’article 1er de la charte (M. Borloo revient dans l’hémicycle. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui devrait tous nous intéresser.

M. Gérard Bapt. Borloo, le retour !

Mme la présidente. S’il vous plaît, mes chers collègues, laissez Mme Kosciusko-Morizet poursuivre son intervention.

M. Albert Facon. Il faudrait fermer la buvette !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Je cite cet article : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».

Un an après la constitutionnalisation de la charte de l’environnement, quel regard portez-vous sur elle, monsieur le garde des sceaux, et, surtout, quelles perspectives donnez-vous à sa mise en œuvre ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (« Borloo ! Borloo ! sur les bancs du groupe socialiste.)

Je vous en prie, mes chers collègues ! Mme Robin-Rodrigo a reçu sa réponse, n’y revenons pas.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, comme vous l’avez justement souligné, nous fêtons aujourd’hui un autre anniversaire : celui de la constitutionnalisation de la charte pour l’environnement. Vous avez pris une part prépondérante dans son élaboration (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) et le Gouvernement vous remercie de votre question. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

En février 2005, nous délibérions de cette charte, le 28 nous la votions en Congrès et le 1er mars, elle fut promulguée par le Président de la République qui l’avait voulue.

Cette loi, désormais constitutionnelle, éclaire l’action du Gouvernement, que ce soit en matière de protection sanitaire – Dieu sait combien cette question est d’actualité –, ou pour les projets de loi relatifs à la santé, à l’eau ou à l’énergie que vous avez cités.

Cette charte a également conforté l’évolution de l’opinion publique sur les questions d’environnement. Les statistiques et les sondages montrent en effet que ces dernières comptent désormais parmi les toutes premières préoccupations des Français.

Vous avez enfin évoqué la question précise des contentieux. D’aucuns étaient opposés à la charte de l’environnement parce qu’ils craignaient que ceux-ci explosent. Or on observe le contraire. Peu de juridictions se réfèrent directement à la charte, mais celle-ci, en définissant un cadre législatif cohérent sur lequel elles peuvent s’appuyer, leur permet d’éclairer leurs décisions.

Cet anniversaire est donc une occasion de rappeler que les valeurs constitutionnelles de l’environnement, qui inspirent toute notre législation, sont devenues des valeurs fondamentales pour la France, parce que le Président de la République l’a voulu et parce que vous leur avez accordé vos suffrages. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

contrat nouvelles embauches

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, pour le groupe UMP.

Mme Marie-Anne Montchamp. Monsieur le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste), depuis de nombreuses semaines, nous entendons, sur certains de nos bancs, une série de contrevérités sur l’emploi, parfois émaillées de quelques propositions idéologiques.

Or, en matière d’emploi, notre pays se trouve confronté à trois paradoxes.

Le premier est que le chômage touche plus de 2,5 millions de nos compatriotes, alors que 300 000 offres d’emploi ne sont pas pourvues, notamment dans des secteurs, comme le BTP, où les attentes sont très fortes.

Deuxième paradoxe, plus grave encore : bien que la croissance de notre population active ralentisse fortement, 20 % des jeunes restent durablement à l’écart de l’emploi.

Troisième et dernier paradoxe : notre droit du travail est sans doute l’un des plus protecteurs en Europe et pourtant, nos compatriotes éprouvent un fort sentiment de précarité. Ce sentiment est légitime, mais l’utiliser comme une arme politicienne est détestable et ne fait que l’accroître ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

De façon réaliste et courageuse, le Gouvernement a mis l’emploi et la lutte contre le chômage au cœur de ses priorités en prenant une série de mesures : accompagnement personnalisé des chômeurs, valorisation du retour à l’emploi ou mise en place du chèque emploi service universel. Les choses avancent.

L’une de ces mesures, le contrat nouvelles embauches, a été particulièrement appréciée des très petites entreprises. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) Celles-ci y ont en effet vu l’occasion de reprendre leur programme d’embauches qui stagnait depuis plusieurs mois.

Pouvez-vous donc informer notre assemblée, monsieur le ministre délégué, sur les derniers chiffres de l’utilisation du CNE par les petites entreprises ? Ces chiffres sont en effet fondamentaux pour éclairer nos débats, en particulier celui sur l’emploi des jeunes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. M. Larcher a répondu à ma place, je réponds pour M. Larcher : quelle meilleure réponse donner à Mme Robin-Rodrigo ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Voilà qui prouve que la solidarité du pôle social et du Gouvernement est totale ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Dégonflé !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Comme vous le savez, madame Montchamp, ceux qui n’ont rien à dire doivent bien inventer des manœuvres ou simplement distiller du doute !

En vérité, il faut à la fois débloquer les freins à l’emploi et améliorer la sécurisation des parcours professionnels. L’un n’est pas concevable sans l’autre.

M. Patrick Lemasle. Dites ce que vous pensez !

Mme la présidente. M. Lemasle, je vous en prie.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. C’est cet équilibre que le Gouvernement cherche sur le CNE,…

M. Augustin Bonrepaux. Et sur le CPE ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …qui représente de 10 à 12 % des contrats de travail – soit environ 330 000 – signés par les toutes petites entreprises. On sait que, sans le CNE, plus d’un tiers de ces dernières n’auraient pas recruté.

M. Christian Bataille. Mais si !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Tout salarié bénéficiaire du CNE serait par ailleurs aujourd’hui sans emploi.

Que ce soit pour le licenciement économique, avec la convention de reclassement personnalisé, le développement de l’apprentissage ou la professionnalisation, l’objectif est bien de desserrer les freins à l’emploi. Néanmoins, dans le même temps, on n’a jamais autant sécurisé le parcours professionnel que sous ce gouvernement et cette majorité ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Augustin Bonrepaux. Menteur !

détection précoce des troubles comportementaux

Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Darciaux, pour le groupe socialiste.

Mme Claude Darciaux. J’aurais aimé, monsieur Borloo, que vous répondiez à la question de Mme Robin-Rodrigo : vous auriez ainsi pu nous dire si vous êtes bien contre le CPE en public, et pour en privé ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Accoyer. C’est le contraire !

Mme Claude Darciaux. C’est le contraire, oui : chacun aura compris.

Monsieur le Premier ministre, suite au rapport de l’INSERM sur les troubles comportementaux chez l’enfant et l’adolescent et dans le cadre de la préparation du plan de prévention de la délinquance, vous envisagez une détection très précoce de ces troubles.

Cette proposition va à l’encontre du rapport de février 2006, intitulé L’enfant d’abord, produit par la mission parlementaire présidée par Patrick Bloche, et dont la rapporteure était Valérie Pecresse. Ce rapport a d’ailleurs été conforté par M. de Broissia, président du conseil général de Côte d’Or et Mme Claire Brisset, défenseure des enfants.

L’ensemble du volet concernant la protection de l’enfance de ce rapport a été voté à l’unanimité par les membres de la commission ; il met clairement en évidence la nécessité de privilégier la prévention des risques par la médiation et l’accompagnement global et médico-social de la famille, et ce, en renforçant le rôle pilote des conseils généraux.

Quant à vos propositions de dépister, dès le plus jeune âge, les enfants susceptibles d’avoir un parcours les conduisant à la délinquance, de créer des carnets de comportements, à remplir dès la naissance, et de demander aux professionnels de la petite enfance de devenir des auxiliaires de police, n’aboutiraient-elles pas au fichage des enfants et, plus globalement, n’attenteraient-elles pas à leurs droits ?

Mme la présidente. Veuillez poser votre question, ma chère collègue !

Mme Claude Darciaux. Avoir volé un cube à trois ans vous vaudra-t-il d’être considéré comme délinquant récidiviste à dix ans pour avoir volé une gomme ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Avec une telle approche, les premières bêtises d’enfant risquent d’être interprétées comme l’expression d’une personnalité pathologique.

Monsieur le Premier ministre, alors que la pétition « Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans » a déjà recueilli plus de 65 000 signatures, entendez-vous renoncer à cette inquiétante proposition et vous référer davantage aux cent préconisations du rapport parlementaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Madame la députée, je vous réponds au nom de M. le Premier ministre et à la place de M. Nicolas Sarkozy (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) qui est, en ce moment même, comme vous le savez, dans l’avion qui le conduit aux Antilles. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Votre question me donne, du reste, l’opportunité de rappeler que cela fait vingt-deux ans qu’aucun ministre de l’intérieur ne s’est rendu dans ces départements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je précise, pour être tout à fait complet, que le Premier ministre s’y rendra lui-même prochainement.

Vous m’interrogez sur le rapport de l’INSERM, dont je vous rappelle qu’il s’agit d’un organisme créé en 1964 qui ne dépend, ni de près ni de loin, du ministère de l’intérieur, de ses directions et de ses services.

Que contient ce rapport ? Vous l’avez évoqué : que la colère, l’agressivité, les troubles de conduite chez l’enfant – c’est d’ailleurs son titre –, doivent inciter à observer ces enfants, à les accompagner et à les soigner mieux ; il y a unanimité sur ce point.

Face à ce constat, nous proposons simplement que la communauté éducative, les services de PMI et la médecine scolaire, agissent, d’abord, pour que les souffrances des enfants soient repérées et, ensuite, pour que les centres d’action médico-sociale précoce, les services médico-scolaires et les services pédo-psychiatriques les prennent en charge. Cela ne saurait heurter personne, madame la députée.

M. André Chassaigne. Si, justement !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Les Anglais, les Allemands, les Canadiens, beaucoup de nos voisins ont engagé des initiatives de ce genre. En France même, ponctuellement, trop ponctuellement, certains centres d’action médico-sociale mènent des actions remarquables en ce domaine.

Vous me posez des questions précises. Je vais y répondre clairement.

D’abord, il n’y a, de notre part, aucune velléité d’instrumentaliser les soignants. (« Si ! Si ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Ensuite, il n’est nullement envisagé de dresser un fichier d’enfants. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Enfin, il n’est pas question de repérer de potentiels futurs délinquants, pour la bonne raison qu’il n’y a pas, effectivement, d’unanimité dans la communauté scientifique.

Ce que nous proposons est simple, clair et net : généraliser ce qui a déjà marché ponctuellement, à savoir aider les enfants qui accumulent les difficultés, afin qu’ils puissent réussir ensuite leur vie. Cela signifie, et j’espère que nous nous retrouverons sur cet objectif, que, pour le Gouvernement, il vaut mieux prévenir que guérir ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Commencez par soigner le CPE !

contrats de projets

Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, pour le groupe UMP.

Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud. Ma question s’adresse à M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire.

Lors du comité interministériel d’aménagement et de compétitivité des territoires qui s’est tenu hier, le Gouvernement a fixé les grandes orientations des futurs contrats de projets pour les années 2007 à 2013. Ces documents prennent la suite des actuels contrats de Plan État-région, qui représentaient, sur sept ans, un engagement global de l’État de 19,5 milliards d’euros. À la fin de 2005, le taux moyen d’exécution de ces contrats ne s’établissait qu’à 65 %. On peut donc considérer qu’une année supplémentaire sera nécessaire pour remplir les objectifs fixés.

Nous savons que ces contrats ont souffert, et depuis longtemps, de grandes faiblesses : retards d’exécution, dérives financières et illisibilité du dispositif. D’ailleurs, l’Assemblée nationale, par le biais de sa commission des affaires économiques, a consacré de nombreux rapports à ce sujet, incitant le Gouvernement à corriger un dispositif souffrant de si graves faiblesses structurelles.

Au lendemain du CIACT, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous expliquer en quoi le nouveau dispositif que le Gouvernement met en place, sera plus vertueux que l’ancien ? Comment être sûr que, cette fois, la parole de l’État sera bien respectée ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Madame la députée, en transformant les contrats de Plan État-région en contrats de projets État-région, nous ne nous contentons pas de changer de nom, nous changeons aussi de méthode et de comportement.

D’abord, nous affirmons notre volonté de rigueur et de vérité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Le Premier ministre, Dominique de Villepin, a voulu que, pour la première fois depuis vingt ans, le calendrier du contrat de Plan soit respecté, en achevant l’actuel contrat à la date prévue, c’est-à-dire le 31 décembre 2006. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Cela est tout à l’honneur de l’État. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et nous nous donnons les moyens de le faire !

À ceux qui demanderaient pourquoi nous ne prolongeons pas l’actuel contrat de Plan, nous répondons : pourquoi diluer des moyens identiques sur une durée plus longue ? Nous engageons des moyens financiers sans précédent, avec 1,5 million d’euros supplémentaires en 2006, notamment sur le volet transports et infrastructures. Je rends hommage, à cet égard, au travail de Dominique Perben. Nous atteindrons, à la fin de 2006, un taux de consommation de 81 % alors qu’il n’avait atteint, pour le contrat de Plan précédent, qu’à peine 79 %.

M. Christian Bataille. Menteur !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Ensuite, nous affirmons notre volonté d’efficacité en alignant la durée des futurs contrats de projets sur celle des financements des programmes européens 2007-2013. La France a réussi à conclure une excellente négociation européenne, en obtenant que les fonds structurels pour l’aménagement du territoire et les aides à finalité régionale soient portés à un très bon niveau. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Enfin, nous voulons des contrats de projets qui soient mieux identifiés, pour être mieux exécutés car réalisables à coup sûr. Ils seront ciblés sur trois grands thèmes : la compétitivité des territoires, le développement durable et la cohésion sociale et territoriale.

M. Augustin Bonrepaux. C’est faux !

M. Christian Bataille. Menteur !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il y aura encore, je l’affirme, un volet territorial très important, mais ciblé sur des actions plus précises.

Vous le voyez, tout cela traduit un grand pragmatisme. Avec Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), nous entendons mettre un terme à certaines dérives. Je rappelle que la signature de Lionel Jospin sur le contrat de Plan 2000-2006 a été critiquée par la Cour des comptes, dont je cite les observations formulées dans le rapport du 16 février dernier (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) : « Affichage purement politique, sous-estimation des projets, mauvaise évaluation, sous-financement. » (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous avons enclenché, en la matière, un véritable changement de culture. Nous l’assumons, et même nous le revendiquons. Vous le voyez, nous remettons simplement les pendules à l’heure ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

apprentissage

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe UMP.

Mme Pascale Gruny. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

L’emploi, en particulier celui des jeunes, est la priorité du Gouvernement et de notre majorité. Les solutions sont multiples et le Gouvernement s’attache à n’en négliger aucune. Le CPE en constitue une mais ce n’est pas la seule. L’apprentissage en est une autre, importante, pour l’insertion professionnelle de nos enfants. Il permet de répondre à un double objectif : pourvoir de nombreux postes au sein des entreprises et fournir un emploi stable et valorisant aux jeunes.

En effet, l’activité économique repose, en grande partie, sur la possibilité pour les entreprises de trouver des collaborateurs formés à l’ensemble de leurs métiers. Par ailleurs, l’apprentissage est une réponse à l’échec scolaire et représente une chance pour les 120 000 jeunes qui sortent du système éducatif sans aucun diplôme. L’apprentissage est un véritable passeport pour l’emploi ; 84 % des Français y sont d’ailleurs favorables.

C’est pourquoi le Gouvernement s’est mobilisé pour développer l’apprentissage et reconnaître cette filière comme une orientation scolaire à part entière.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part du bilan, à ce jour, des mesures prises pour soutenir l’apprentissage et des moyens déployés par le Gouvernement pour en faire une réelle filière d’insertion professionnelle ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Madame la députée, oui, l’apprentissage et la professionnalisation sont de vraies sécurités pour l’entrée dans l’emploi, une entrée qui s’effectue ainsi sans rupture et avec beaucoup moins de difficultés que pour ceux qui n’en ont pas bénéficié. Leur développement est l’objectif que nous nous sommes fixé tant dans la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 que dans la loi pour l’égalité des chances. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

L’objectif de 500 000 apprentis en 2009 sera rempli. Au mois de janvier, par exemple, le nombre de contrats d’apprentissage a augmenté de 20 % et celui des contrats de professionnalisation a progressé de 30 %.

Quant à la loi sur l’égalité des chances, elle ouvre de nouvelles perspectives : en imposant aux entreprises de plus de 250 salariés de compter 3 % de leur effectif en formation par alternance, nous créons 150 000 postes nouveaux en alternance ou en professionnalisation.

Nous considérons que l’alternance, du CAP à bac +5, est la voie de la réussite. Avec Gilles de Robien, nous préparons l’ouverture de CFA à l’université, afin de permettre aux étudiants qui ont besoin d’une professionnalisation, de ne plus entrer de manière aussi chaotique sur le marché du travail.

L’apprentissage junior, quant à lui, constitue une vraie chance pour remédier à l’errance scolaire et éviter que les intéressés se retrouvent dans la cohorte des 60 000 jeunes qui sortent, chaque année, du système scolaire sans aucune qualification.

Voilà donc notre ambition pour les jeunes : lutter contre la précarité et leur donner une vraie chance pour l’avenir ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt sous la présidence de M. Jean-Louis Debré.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est reprise.

Égalité des chances

Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 2931).

La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, monsieur le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances, mesdames, messieurs les députés, je souhaite vous rendre compte des travaux de la commission mixte paritaire qui a étudié hier soir le texte adopté par le Sénat. Ce texte, bien que riche et traitant de nombre de sujets de société, repose sur trois axes principaux.

Premièrement, sur l’emploi et l’accès à l’emploi, les travaux de l’Assemblée et du Sénat ont permis de sécuriser les différentes mesures proposées par le Gouvernement, d’améliorer le statut des jeunes et des adultes concernés et de développer les moyens de formation disponibles dans l’ensemble des parcours individualisés.

Pour ce qui concerne l’apprentissage, l’Assemblée et le Sénat ont renforcé le suivi scolaire des apprentis juniors jusqu’à seize ans, en prévoyant un suivi pédagogique personnalisé, la désignation d’un tuteur pour chaque élève et un mécanisme légal de retour au collège d’origine à la demande de l’apprenti. Le Sénat a d’ailleurs ajouté la possibilité que le parcours d’initiation au métier, commencé à quatorze ans, puisse être prolongé à quinze ans et jusqu’à seize ans, ce qui confirme le caractère facultatif du départ en apprentissage à quinze ans des jeunes concernés par la filière.

Quant au statut des jeunes durant cette période de découverte des métiers, l’Assemblée et le Sénat ont veillé à ce que la gratification perçue par les élèves dans un cadre professionnel soit versée sous forme de monnaie sonnante et trébuchante et que leurs droits sociaux soient mieux garantis.

Enfin, le Sénat a encadré la disponibilité du maître d’apprentissage pour accompagner l’apprenti dès quinze ans et a appelé les partenaires sociaux à négocier sur le statut du maître et sa disponibilité.

En ce qui concerne les stages, au-delà de la mesure du Gouvernement rendant obligatoire leur rémunération après le troisième mois, l’Assemblée et le Sénat ont posé le principe de l’impossibilité d’effectuer un stage en dehors d’une convention associant le stagiaire, l’employeur et l’établissement chargé de la formation. En outre, le Sénat a précisé un statut social minimal du stagiaire, que l’Assemblée a approuvé.

S’agissant du contrat jeune en entreprise, le travail de l’Assemblée nationale a été confirmé par le Sénat : ce contrat sera ouvert jusqu’à vingt-cinq ans et les jeunes issus des zones urbaines sensibles ainsi que les jeunes sans aucune qualification bénéficieront d’une surcote d’exonération de charges. Par ailleurs, le Gouvernement sera habilité à moduler les exonérations de charges afin que les employeurs qui emploient ces jeunes en CDI pendant plus de deux ans bénéficient pleinement de cette exonération, ce qui est une forme d’incitation à la vertu pour les entreprises.

L’Assemblée a proposé de renforcer le droit individuel à la formation des jeunes sous contrat première embauche et de prévoir pour ce contrat un mécanisme d’évaluation comparable à celui que nous avons prévu pour le contrat nouvelle embauche. Ces mesures ont été confirmées par le Sénat.

Le deuxième grand volet de ce projet de loi tend à mobiliser toute une série d’acteurs – collectivités locales, associations, organismes spécialisés – afin de renforcer les actions éducatives, notamment au profit des jeunes et des familles les plus démunis. Je rappelle à ce propos la réforme en profondeur de la politique de la ville et l’innovation que constitue le contrat de responsabilité parentale.

La réforme de la politique de la ville repose sur deux axes : le développement des zones franches urbaines et la création d’une agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances.

Pour ce qui est des zones franches urbaines, les travaux de l’Assemblée et du Sénat ont, là aussi, convergé. Les PME, mais aussi les associations installées dans ces quartiers, bénéficieront d’exonérations fiscales plus importantes lorsqu’elles embauchent.

Enfin, le Sénat, reprenant une proposition de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, a supprimé la modification de la loi Royer. L’installation de multiplex, ainsi que les surfaces sans seuil, seront donc soumises aux règles de droit commun afin de respecter l’équilibre commercial et culturel de chaque bassin d’emploi.

Quant à l’agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’Assemblée et le Sénat ont précisé ses objectifs et veillé à ce qu’elle s’intéresse de manière prioritaire aux habitants des zones urbaines sensibles, mais également aux populations les plus en difficulté habitant en dehors de ces quartiers. Par ailleurs, les deux assemblées ont fait en sorte que son conseil d’administration regroupe l’ensemble des forces vives du pays : les représentants des associations, des parlementaires, des acteurs du monde économique par le biais des réseaux consulaires, les caisses de sécurité sociale et les organismes de mutualité.

S’agissant du contrat de responsabilité parentale, j’en rappelle l’esprit en quelques mots. Il s’agit d’un outil intermédiaire entre la médiation et la répression, entre les réseaux d’appui qui soutiennent les familles en difficulté à leur demande et la machine judiciaire qui sanctionne les manquements. Ce contrat permettra au président du conseil général, qui a la compétence en matière de protection de l’enfance, d’allier mesures éducatives et rappel des devoirs des familles au bénéfice des enfants.

L’Assemblée et le Sénat ont apporté deux principales améliorations au dispositif.

Ils ont d’abord donné aux maires, aux inspecteurs d’académie et aux préfets un pouvoir d’initiative en leur permettant de saisir le président du conseil général, qui, en retour, rend une décision motivée à ces autorités. Le Sénat a rappelé le principe de libre administration des collectivités locales, le contrat de responsabilité parentale n’étant qu’un outil parmi d’autres de la politique du conseil général en matière de protection de l’enfance.

En second lieu, l’Assemblée a voulu encadrer strictement la suspension des allocations familiales, en limitant sa durée – quelques mois renouvelables, dans la limite d’une année – et en précisant celles des prestations qui pouvaient être suspendues : les allocations familiales d’abord, le complément familial ensuite.

L’essentiel du débat entre les deux assemblées a en fait porté sur le volet de la lutte contre les discriminations, sujet délicat, puisque cette priorité du Gouvernement – partagée, je crois, par les parlementaires des deux chambres, au-delà des divisions politiques – touche à des principes constitutionnels, à des droits et des libertés, à des éléments fondamentaux du pacte républicain.

En ce qui concerne la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, l’Assemblée avait déjà encadré de manière stricte les pouvoirs de sanction qui lui étaient confiés par le projet. Le Sénat a proposé, à une large majorité, une voie alternative, celle de la transaction pénale, diligentée par la Haute autorité – dont les agents seront habilités à constater les infractions –, mais homologuée par le juge.

Les députés ont admis la plus grande efficacité d’une telle procédure, dont la constitutionnalité est de surcroît mieux garantie. Non seulement le Conseil constitutionnel aurait pu trouver à redire à la rédaction initiale, mais celle-ci nous exposait à des recours devant les tribunaux, soit au motif que l’action de la Haute autorité empiéterait sur les prérogatives du juge pénal, soit en raison d’une contradiction avec nos engagements européens ou internationaux. L’Assemblée s’est donc ralliée à la position sénatoriale.

En ce qui concerne le CV anonyme, autre grand sujet de débat en matière de lutte contre les discriminations, la CMP a veillé à ce que l’obligation d’anonymat ne vise pas à la fois les candidats et les salariés, ce qui aurait été de nature à créer une grave incertitude juridique pour ces derniers, mais ne porte que sur les documents écrits diffusés lors du recrutement. Nous avons proposé, avec le président About, un amendement qui pose cette obligation pour les entreprises de plus de cinquante salariés et en soumet la mise en œuvre à un décret en Conseil d’État. La commission l’a adopté à l’unanimité, en souhaitant fortement qu’il incite les partenaires sociaux à conclure leurs discussions sur le sujet, quitte à améliorer le dispositif esquissé par le Parlement en le rendant plus efficace et mieux adapté aux possibilités pratiques des employeurs.

Sur l’ensemble du texte, qui touche à des aspects essentiels du pacte républicain, ce sont ainsi plus de deux cents amendements parlementaires qui auront pu être adoptés. Ils sont venus enrichir le projet initial du Gouvernement. Pour ce qui concerne notre assemblée, sur les cinquante amendements présentés par la commission et qui n’étaient ni rédactionnels ni de précision, quarante-huit ont été retenus par le Gouvernement dans le texte soumis à la procédure du 49-3. Le débat parlementaire a donc non seulement permis d’affiner et de préciser le texte, mais même d’y ajouter nombre de mesures nouvelles allant dans le sens des priorités affichées par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Rappels au règlement

M. Yves Durand. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. À ce stade de la discussion, monsieur Durand, vous ne pouvez prendre la parole que pour un rappel au règlement.

M. Yves Durand. C’est bien mon intention.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour un rappel au règlement.

M. Yves Durand. Je souhaite, au nom du groupe socialiste, m’élever une fois de plus contre le bouleversement que connaît notre calendrier : la réunion de la CMP, d’abord prévue ce matin, s’est tenue hier soir, et nous procédons un jour plus tôt à l’examen de son texte en séance publique. De nombreux parlementaires, qui avaient prévu d’être présents à cette séance importante, ne pourront finalement pas y assister. De tels changements nuisent à la sérénité de nos travaux.

Je regrette également, une fois de plus, l’absence du Premier ministre. Je ne peux nier la qualité des ministres présents, M. Larcher et M. Begag, mais le Premier ministre est le chef du Gouvernement. Or je remarque qu’il n’a jamais participé à nos débats sur cet important sujet. Nous ne l’avons vu qu’une seule fois, lorsqu’il a décidé d’appliquer au texte l’article 49, alinéa 3 de la Constitution, mettant ainsi un terme à la discussion.

M. Gaëtan Gorce. Je demande également la parole pour un rappel au réglement.

M. le président. Si nous voulons que le débat soit le plus clair possible, il n’est peut-être pas opportun de multiplier les rappels au règlement.

L’ordre du jour prioritaire a été établi conformément à la Constitution. Par ailleurs, les principaux orateurs sont présents, et je m’en félicite. Je sais que vous vous préparez à saisir le Conseil constitutionnel mais je constate que les ministres sont là, que la Constitution est respectée, ainsi que notre règlement.

J’irai toutefois au-delà du respect de ce règlement en vous accordant la parole pour un deuxième rappel au règlement, monsieur Gorce.

M. Pierre-Louis Fagniez. M. Gorce est un privilégié !

M. Gaëtan Gorce. Je vous remercie de votre bienveillance, monsieur le président.

Alors que les débats reprennent sur le projet pour l’égalité des chances, Yves Durand a eu raison de rappeler dans quelles conditions ils avaient été interrompus : le Premier ministre a traité cette assemblée comme un hussard ne traiterait pas une cantinière ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. En cette journée internationale des femmes, soyez aimables à l’égard des cantinières !

M. Gaëtan Gorce. J’ai le plus grand respect pour elles ; un peu moins pour les hussards, cependant.

M. Pierre-Louis Fagniez. Macho !

M. Gaëtan Gorce. Si je dis cela, monsieur le président, c’est naturellement pour réveiller l’autre partie de l’hémicycle (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), mais, surtout, parce que la seule réponse que le Gouvernement trouve à apporter aux manifestations qui ont réuni, hier, quelques centaines de milliers de personnes, notamment des jeunes, est d’accélérer l’adoption de ce texte. Autrement dit, il continue à vouloir passer en force. C’est une méthode inqualifiable, qui justifie que l’opposition exprime à nouveau son désaccord.

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Je souhaite d’abord vous remercier, monsieur le rapporteur, pour les travaux qui ont été conduits en commission mixte paritaire, mais aussi pour ceux que vous avez menés avec le président Dubernard…

M. Alain Vidalies. Où est-il, à propos ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …et les membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale.

Souvenons-nous des mois d’octobre et de novembre, lorsque nous prenions brutalement conscience de la situation des jeunes, dont beaucoup étaient au désespoir. Dans de nombreux quartiers, leur taux chômage se révélait supérieur à 50 %. Parfois, nous ne pouvions même pas en donner une estimation, malgré le rapport de la commission Fauroux, car ces jeunes n’étaient inscrits nulle part : ni auprès des missions locales, ni auprès de l’agence nationale pour l’emploi. C’est pourquoi, répondant à la demande du Premier ministre, nous avons, avec Jean-Louis Borloo, engagé auprès des maires, des missions locales, des agences locales de l’emploi, une action destinée à pousser ces jeunes à s’inscrire afin de bénéficier d’un vrai filet de sécurité. Près de 25 000 d’entre eux l’ont fait depuis la fin du mois de novembre. Nous devons poursuivre cette démarche.

Nos débats, s’ils ont leur importance, ne doivent pas nous faire oublier ce sur quoi nous nous sommes engagés. J’entends en effet trop peu parler de celles et de ceux qui restent en dehors du jeu, ayant parfois recours à la violence ou à la révolte…

Mme Janine Jambu et Mme Muguette Jacquaint. Oh, non !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …pour exprimer leur désespérance. Nous connaissons leur situation : vous êtes, madame Jacquaint, élue dans un département où l’on relève de nombreuses difficultés, mais je connais également cet univers, car le mien comprend des villes comme Trappes, Les Mureaux, Chanteloup-les-Vignes, Mantes-la-Jolie ou le Val-Fourré.

Notre objectif est l’emploi des jeunes, …

Mme Janine Jambu. Dès quatorze ans ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. …notamment de ceux qui sont restés en dehors de tout système, ainsi que le développement de la formation. L’entrée dans l’emploi, pour eux, se fait de façon chaotique, comme si toute une génération était sacrifiée. Les analyses de plusieurs sociologues ont d’ailleurs permis de cerner ce que Louis Chauvel appelle le « bizutage social » qui frappe depuis vingt ans une génération.

Notre politique s’intéresse également aux territoires, notamment à travers le renforcement de la politique de la ville. Aujourd’hui, le principe des zones franches urbaines nous rassemble tous. Pourtant, moi qui fus, au Sénat, le rapporteur du texte qui les créait, je me souviens qu’il a fallu batailler pour leur reconnaissance.

M. Éric Raoult. Eh oui !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. J’ai même vu des rapports rédigés sur commande afin de les condamner. Aujourd’hui, ces zones franches, sans être la panacée, apportent la vie, l’espoir, l’emploi. Nous devons poursuivre afin de donner aux territoires la capacité de sortir de la désespérance et du vide économique.

Quant à la politique de cohésion sociale, elle a besoin d’être moins cloisonnée, mieux rassemblée, plus globale. Les préfets à l’égalité des chances répondent à cette exigence. Ils agiront avec les élus, parce que l’on ne peut rien faire sans les territoires et leurs élus, qu’il s’agisse des communes, des départements, des régions, des communautés de communes ou d’agglomération, des communautés urbaines.

La lutte contre les discriminations est un sujet majeur. Comme de nombreux parlementaires, comme le rapporteur, j’observe les difficultés rencontrées par de nombreux jeunes, même diplômés, pour trouver un emploi. L’opération d’outplacement de 6 000 jeunes diplômés des quartiers en apporte un nouveau témoignage. Nous devons réaliser une révolution culturelle, celle de la diversité. C’est l’objectif de ce texte.

L’apprentissage junior n’est pas, comme on a voulu le présenter, l’abaissement de l’obligation scolaire de seize à quatorze ans. (« Si ! Si ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Marc Nudant. Bien sûr que non !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Non !

M. Gaëtan Gorce. Assumez vos décisions !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Il vise à ce que les personnes qui feront ce choix ne rejoignent pas les 60 000 jeunes qui sortent, chaque année, du système scolaire sans qualification. Il est aussi une manière de nous interroger sur le processus d’éducation : dans les zones d’éducation prioritaire, mais aussi ailleurs, les jeunes sont souvent orientés trop tard, et ont une connaissance imparfaite des métiers susceptibles de leur offrir des débouchés dans l’avenir. Cette situation se poursuit jusqu’à l’université.

Prenons l’exemple des 15 000 STAPS qui espèrent obtenir au maximum 400, 800, voire 1 000 emplois.

M. Yves Durand. Combien de postes y a-t-il au CAPES ?

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Il y a, en matière d’orientation, un pacte de confiance à renouveler avec la jeunesse. L’apprentissage junior sera une chance à condition que nous nous attachions à maintenir le lien avec le collège et que l’on s’appuie sur le tutorat. Apport de la Haute assemblée, le tuteur doit demeurer auprès du jeune, du centre de formation et de l’entreprise.

Cet apprentissage doit aussi nous conduire à créer des passerelles entre la filière classique et la filière professionnelle. D’autres pays l’ont fait, pourquoi en serions-nous incapables en France ? Nous devons, bien entendu, nous ouvrir les uns aux autres et faire de la filière professionnelle une grande voie républicaine d’accès à un emploi, du CAP jusqu’à bac + 5.

M. Jean-Marc Nudant. Très bien !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Quant au contrat première embauche, c’est un outil qui ne mettra pas en péril le CDI ou d’autres formes de contrats dont nous aurons sans doute à débattre. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Les trois quarts des sorties de CDI ont lieu avant la fin de la première année. Nous devons méditer cela ! Il est inexact de dire, comme je l’ai parfois entendu, que le CDI serait une sorte de garantie identique à celle que propose la fonction publique.

M. Gaëtan Gorce. Je ne vois pas en quoi cela justifie le CPE !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Le contrat première embauche, en offrant souplesse et sécurité, sera un élément du parcours d’accompagnement personnalisé pour le jeune vers l’emploi, mais pas uniquement. Ce sera en quelque sorte un CIVIS prolongé. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

La plupart des ruptures de contrat d’apprentissage interviennent dans les premiers mois. Nous devons donc inventer un filet de sécurité avec la possibilité d’une convention de reclassement personnalisé. L’accompagnement doit permettre au jeune de se consolider face l’entreprise. C’est la reprise de la formule de la période de consolidation. La réponse à la précarité d’aujourd’hui et d’hier ne réside sûrement pas dans un énième contrat dans le secteur public, mais bien dans la relation avec les entreprises, car c’est là que se construira demain le véritable parcours des jeunes vers l’emploi.

M. Gaëtan Gorce. Vous avez perdu ce débat !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Ce projet reconnaît et encadre les stages, ce qui n’avait jamais été fait avant. Ces stages ne pourront plus être un moyen de détourner l’emploi ou de maintenir des filières sans débouché. Tout le monde devra balayer devant sa porte, y compris un certain nombre de grands médias qui donnent parfois des leçons et avec lesquels il sera bon de faire le point.

M. Éric Raoult. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Les stages doivent être reconnus comme un élément de professionnalisation, qui doit aussi accompagner le cursus scolaire ou universitaire. Ainsi, pour éviter les abus, la commission mixte paritaire a adopté le texte suivant : « Ces stages, à l’exception de ceux qui sont intégrés à un cursus pédagogique, ont une durée initiale ou cumulée, en cas de renouvellement, qui ne peut excéder six mois. »

S’agissant des zones franches urbaines, quarante-huit des cinquante amendements de votre commission des affaires sociales ont nourri le texte final. Ainsi, avec le Sénat, vous avez recentré le dispositif d’exonération sur les entreprises de moins de cinquante salariés et refusé la possibilité de dérogations pour les surfaces commerciales et pour les multiplex cinématographiques. Le Gouvernement a pris acte du choix du Parlement à qui il appartient aussi de se prononcer sur ce sujet.

Les missions de l’agence nationale de cohésion sociale ont été précisées pour les distinguer de celles exercées sur les territoires spécifiques. Des représentants du Parlement et des associations participeront à son conseil d’administration et les agents du FASILD ne seront transférés qu’avec leur accord.

En ce qui concerne la lutte contre les incivilités, le Sénat s’est attaché à préciser les conditions dans lesquelles le maire pourrait proposer des transactions aux personnes ayant commis de tels actes. Je me souviens d’interventions dans cet hémicycle sur ce point. Le contrat de responsabilité parentale – et le Gouvernement partage les conclusions de la CMP – est destiné à aider les parents désemparés, qui ont parfois baissé les bras, à assumer de nouveau leurs responsabilités face aux enfants et à les accompagner dans leurs fonctions.

M. Gaëtan Gorce. C’est un gouvernement « lacrymal » !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Il n’est pas question, en cas de défaillance, de supprimer les allocations familiales, mais de suspendre dans certains cas toute ou partie du versement pour le seul enfant concerné.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Cela existe déjà !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Enfin, ce projet de loi comporte un ensemble de mesures pour agir contre les discriminations. Je les évoquais, voici un instant. Il s’agit du renforcement effectif du pouvoir de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, du principe de transactions pénales et des pouvoirs de contestation tels que vous les avez définis, et de la légalisation des contrôles à l’improviste permettant de dénoncer des délits trop souvent impunis.

M. Gaëtan Gorce. Et les vôtres seront sanctionnés par le peuple !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Azouz Begag a longuement évoqué ce sujet devant vous.

Le curriculum vitae anonyme est un outil parmi d’autres qui doit prendre également en compte les éléments de la négociation interprofessionnelle, comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur.

Monsieur le président, nous aurons eu au total, à l’Assemblée nationale et au Sénat, 129 heures 30 de débat sur ce texte.

M. Alain Vidalies. Ce n’est pas assez !

M. Philippe Vuilque. La discussion a été interrompue honteusement !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Avant de conclure, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux, sur tous les bancs, qui ont participé à ce débat sur le fond et pas simplement sur la forme. Nous devons toujours avoir à l’esprit que la cohésion sociale et les valeurs de la République imposent qu’aucun de ces jeunes ne demeure à l’écart, comme nous l’avons pendant trop longtemps observé. La volonté du Gouvernement est de faire de tous les jeunes de vrais enfants de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Rappels au règlement

M. Alain Vidalies. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour un rappel au règlement.

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, au moment où le Gouvernement et la majorité se félicitent de la fin de ce débat et poussent un ouf de soulagement, je note, avec regret, que les deux ministres ont donné un éclairage nouveau sur les objectifs du Gouvernement et le contenu du texte.

Après trois semaines de débat, M. Borloo – le procès-verbal en fera foi – a expliqué benoîtement à notre assemblée que le CPE ne concernerait qu’un petit nombre de recrutements. J’ai envie de dire, comme un éditorialiste hier : « Tout çà pour çà ? » Et nous n’étions pas encore au bout de nos surprises !

Nous avons constaté un début de désarroi gouvernemental après les manifestations d’hier.

M. le président. Monsieur Vidalies, un rappel au règlement doit porter sur le déroulement des débats.

M. Alain Vidalies. J’en viens à la forme du débat, monsieur le président.

M. le président. Vous aurez tout le loisir dans quelques instants de vous exprimer sur le fond, puisque vous êtes inscrit dans la discussion générale.

M. Alain Vidalies. C’est vrai, monsieur le président.

M. le président. Je rappelle les termes de notre règlement dans un souci de sincérité et de lisibilité des débats !

M. Alain Vidalies. Cela évitera d’autres rappels au règlement, monsieur le président.

Nous débattons de ce projet de loi depuis maintenant trois semaines. Vous avez, monsieur le président, suivi assez longuement nos débats. M. Larcher vient d’utiliser une expression totalement nouvelle, dont personne ne peut d’ailleurs mesurer la portée, en expliquant que le CPE serait une sorte de « CIVIS prolongé ». Comprenne qui pourra ! Tout le monde vient de l’entendre. Soit le Gouvernement est dans un tel désarroi qu’il dit n’importe quoi…

M. Jean-Marc Nudant. Et vous que dites-vous donc !

M. Alain Vidalies. …ce dont nous pouvons lui donner acte, soit le CPE est un CIVIS prolongé et il faut recommencer le débat. Pouvez-vous nous expliquer, monsieur le ministre ce que cela signifie ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Cela nous intéresserait beaucoup tout comme le million de Français qui ont manifesté hier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Gaëtan Gorce. Vous n’en avez pas fini avec le CPE !

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Mon rappel au règlement a trait à l’organisation de nos débats, monsieur le président.

J’ai rappelé le contenu de ce projet de loi pour l’égalité des chances. Permettez-moi, monsieur le ministre, de m’étonner que vous répondiez aux questions qui auraient pu éventuellement être posées si nous avions pu véritablement débattre de ce texte dans son ensemble.

Nous avons discuté d’un amendement créant le CPE, proposition qui ne figurait pas, à l’origine, dans ce projet.

M. Philippe Vuilque. Tout à fait !

Mme Muguette Jacquaint. Je serais presque tentée de dire, monsieur le ministre, qu’il conviendrait de reprendre notre débat depuis le début.

M. Gaëtan Gorce. Ils ont peur du débat depuis le début !

Mme Muguette Jacquaint. Le CPE est certes un point fondamental, mais nous n’avons pas pu nous exprimer sur d’autres articles tout aussi importants, la discussion ayant été stoppée du fait du recours à l’article 49-3. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous rappelle les termes de l’article 58, alinéa 2 qui dispose :

« Si, manifestement, son intervention n’a aucun rapport avec le Règlement ou le déroulement de la séance, ou si elle tend à remettre en question l’ordre du jour fixé, le Président lui retire la parole. » (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Néanmoins, pour l’instant, monsieur Durand, je vous donne la parole pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre-Louis Fagniez. Quelle bienveillance !

M. Jean-Marc Nudant. C’est trop !

M. Yves Durand. M. Vidalies vient de poser une question précise et importante à M. Larcher. Je voudrais qu’il nous réponde tout de suite. Si tel n’était pas le cas, je demanderais, au nom de mon groupe, une suspension de séance.

M. le président. Ce ne peut pas être le cas.

La suspension est de droit puisque vous avez une délégation.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le ministre, vous êtes un homme compétent, donc estimable, …

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Merci !

M. Éric Raoult. Quand ça commence comme ça…

M. le président. Ça commence bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …même si vous êtes aujourd’hui commis d’office, …

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Avec joie !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …en bon avocat d’un mauvais dossier auquel, de plus, vous ne croyez peut-être guère. Notre sympathie vous est donc acquise, au sens étymologique du terme, c’est-à-dire que nous partageons votre souffrance, politique. (Sourires.)

M. Alain Cousin. Que de compassion !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Mais qu’arrive-t-il au Premier ministre ? Il n’est pas là aujourd’hui, M. Borloo non plus, alors qu’il y avait un million de manifestants hier. La situation est un peu en décalage par rapport à notre environnement immédiat.

Mme Sylvia Bassot. C’est vous qui êtes décalé !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Il serait convenable que le Premier ministre soit présent lui aussi au banc du Gouvernement pour débattre de ce texte controversé, dont un million de manifestants ont hier réclamé le retrait. Je n’ose pas vous suggérer de faire le 202 sur l’interministériel pour le convaincre de venir vous rejoindre. Matignon n’est pas si loin qu’il ne le pense du Palais-Bourbon.

Si Dominique de Villepin persiste à être absent aujourd’hui, il aura finalement bien peu honoré de sa présence ce débat législatif, sinon quatre minutes, cinq peut-être, le 23 février, pour annoncer un recours au 49-3, ce qui n’est pas très gratifiant pour l’Assemblée. Reconnaissez que c’est bien peu, et admettez qu’on puisse se faire une autre idée du débat législatif, voire de la considération que pourraient attendre les députés qui, eux, sont élus au suffrage universel.

Oui, décidément, qu’arrive-t-il à M. de Villepin ? On le disait gaulliste, et il verse dans les excès du libéralisme économique. On le croyait attaché au modèle social français, et il démantèle le droit du travail en créant pour les jeunes le CPE, le contrat première embauche, qu’il serait, soyons francs, plus exact d’appeler contrat premier licenciement. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Gaëtan Gorce. Eh oui !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. De plus, il le fait de telle manière que l’article qui le crée sera très probablement censuré par le Conseil constitutionnel.

M. de Villepin semble d’ailleurs bien seul dans son camp, avec le sentiment, très romantique, d’avoir raison seul contre tous. Bref, c’est Chateaubriand version 2006. Il a choisi, je crois, d’ignorer les objections des deux ministres directement concernés, celui de l’emploi et celui du travail. Il a négligé d’entendre le sentiment de sa propre majorité, …

M. Éric Raoult. Pas du tout !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …car de nombreux élus, attachés à une certaine justice sociale, comme nous le sommes nous-mêmes, sont, on le sait, très réservés sur ce texte. Il a même refusé d’écouter la présidente du MEDEF, Laurence Parisot, qui a déclaré avec justesse…

M. Alain Cousin. Ça va faire plaisir aux communistes !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Si Mme Parisot dit quelque chose d’exact, il n’y a pas de raison de ne pas être d’accord avec elle !

M. Éric Raoult. C’est un vrai radical !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Mme Parisot a donc déclaré qu’il n’était jamais bon de traiter la jeunesse comme une catégorie à part.

Que vous n’écoutiez pas la CGT, la CFDT, FO, l’UNSA et tous les syndicats ouvriers, …

M. Gaëtan Gorce. C’est dommage !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …on pouvait s’y attendre. Que vous refusiez d’être attentif aux organisations d’étudiants, dont l’UNEF, on pouvait le prévoir, même sans avoir de grands talents prédictifs. Mais il est étonnant que vous n’entendiez pas le MEDEF, dont le Gouvernement est si proche (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.), l’organisation patronale à la présidence de laquelle s’est porté un moment candidat votre ancien collègue Francis Mer, naguère ministre de l’économie et des finances. Cela, personne ne pouvait le prévoir.

M. Éric Raoult. C’est un peu hors sujet !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Bref, dans votre camp, seul le Premier ministre paraît défendre sincèrement le CPE, sans doute sans l’appui de son ministre d’État, qui est assez silencieux sur ce projet, comme s’il semblait balancer entre deux attitudes : d’une part, le désagrément de voir le Premier ministre reprendre ses idées pour mieux le concurrencer auprès des électeurs de droite, d’autre part, la satisfaction, peu dissimulée, de le voir chuter dans les sondages, du fait de l’attachement opiniâtre qu’il met à imposer le CPE, en dépit du désaveu de 65 % des Français.

M. Éric Raoult. C’est un peu politicien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Le Premier ministre est bien seul sur sa position dans sa propre majorité, qui le soutient à contrecœur, faute de pouvoir faire autrement ; et la gauche est bien minoritaire dans cette assemblée, je ne vous le révèle pas.

M. Éric Raoult. Elle l’est aussi dans le pays !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Au plan parlementaire, la cause est donc entendue. Le CPE sera voté tout à l’heure par les députés de la majorité, puis par le Sénat. Toutefois, au-delà du Parlement, tel qu’il est depuis 2002, et après lui, il y a dans la procédure législative le Conseil constitutionnel, avec sa fonction éminente : vérifier que les lois sont conformes à la Constitution.

Nous faisons confiance à la juridiction constitutionnelle ; nous voulons la croire indépendante ; nous savons que, depuis trente-cinq ans, elle a souvent pris des décisions courageuses qui allaient contre le vœu du gouvernement, qu’il appartînt à la gauche ou à la droite. Les députés socialistes et radicaux de gauche, sans doute rejoints par leurs collègues communistes, Verts et non inscrits de gauche, la saisiront donc de la loi créant le CPE.

Nous le ferons en invoquant quatre principaux griefs, deux tenant au fond et deux à la forme.

D’abord, établir une discrimination en fonction de l’âge méconnaît à l’évidence le principe d’égalité entre les salariés. Un jeune de vingt-cinq ans et un autre de vingt-six ans occupant le même poste de travail dans la même entreprise seront traités très différemment. Le premier pourra être licencié sans motif explicite et par une simple lettre recommandée, votre texte excluant l’application de l’article L. 122-14 du code du travail. En revanche, le second sera convoqué à un entretien préalable au cours duquel l’employeur devra lui indiquer le ou les motifs du licenciement envisagé.

Le Conseil constitutionnel a reconnu la valeur constitutionnelle du principe d’égalité, notamment en matière sociale, dès sa décision du 20 juillet 1983, et il a souligné que le législateur ne pouvait y déroger que pour des raisons d’intérêt général.

Le Gouvernement tentera de soutenir que le CPE contribuera à réduire le chômage, mais M. Borloo parlait ce matin même d’un très petit nombre de recrutements. La raison d’intérêt général me paraît donc rétrécir à l’usage. En réalité, chacun le sait bien, au lieu de susciter des embauches supplémentaires, le CPE se substituera le plus souvent à des CDI classiques ou à des CDD qui auraient été conclus si ce dispositif n’avait pas été créé. Il s’agira surtout d’un effet d’aubaine pour les entreprises.

Le second grief de fond est constitué par l’atteinte aux principes fondamentaux du droit du travail.

Certes, vous avez subitement et bizarrement rebaptisé période de consolidation la période d’essai du CPE, mais il s’agit bel et bien d’une période d’essai, et celle-ci durera deux ans, au lieu d’un à trois mois pour les autres CDI.

Comme le rappelait déjà Gaëtan Gorce en défendant la première exception d’irrecevabilité, cette longueur, très excessive, est contraire à plusieurs de nos engagements internationaux, dont la Charte sociale européenne et, surtout, la convention 158 de l’OIE sur les règles de licenciement, adoptée en 1982 et ratifiée par la France.

Cette convention permet à un État membre de déroger à ces règles pour les travailleurs effectuant une période d’essai, mais « à condition que la durée de celle-ci soit raisonnable ». La chambre sociale de la Cour de cassation, qui me paraît plus habituée à considérer ces problèmes que le Conseil d’État, a donné son interprétation du caractère raisonnable de cette période en jugeant abusive une période d’essai de trois mois pour un coursier et d’un an pour un cadre supérieur.

Maintenant, avec le CPE, un employeur aura deux ans pour apprécier si un jeune salarié de vingt-cinq ans donne satisfaction dans son travail. Le DRH d’Auchan, de Carrefour ou de Casino aura deux ans devant lui pour décider finalement, après mûre réflexion, si une jeune femme de vingt-cinq ans, caissière conservera son emploi.

Le DRH de Total, société qui a réalisé 120 milliards d’euros de profits cette année…

M. Jean-Charles Taugourdeau. Non, 12 milliards !

M. Alain Joyandet. Il n’est pas à un zéro près !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …aura, de même, 730 jours pour apprécier si un jeune agent d’entretien ou un manutentionnaire payé au SMIC, fait bien son travail ou s’il doit être licencié, sans motif explicite, au 729e jour de son CPE.

Par sa durée manifestement abusive, cette période dite de consolidation de deux ans pour un CPE est donc évidemment contraire à la convention de l’OIT, engagement international souscrit par la France. Or, faut-il le rappeler, l’article 55 de la Constitution confère aux traités internationaux une autorité supérieure à celle des lois. La loi nationale ne peut contrevenir à un engagement international, qui n’est pas un simple chiffon de papier comme devrait vous le rappeler le Conseil constitutionnel.

Restent deux griefs de forme auxquels le Conseil constitutionnel sera attentif, compte tenu de sa jurisprudence sur la procédure d’élaboration et d’adoption de la loi, en particulier sur les règles régissant l’exercice du droit d’amendement.

En premier lieu, l’article 3 bis, qui crée le CPE, a été introduit par voie d’amendement gouvernemental dans le texte de M. Borloo. Or le projet de loi pour l’égalité des chances était censé répondre au malaise social révélé par la crise des banlieues et réduire le sentiment de précarisation croissante de nos concitoyens, en particulier les jeunes.

Juxtaposer, dans le même texte, lutte contre l’anxiété sociale et renforcement de la précarité rappelle cette figure de style qui associe deux mots contradictoires et qu’on appelle oxymoron – comme « douce violence » ou « obscure clarté ». Cependant si Corneille était écrivain, vous êtes législateur. Là, nous sommes dans le droit du travail, qui n’a pas besoin de cette loi « égalité des chances et précarité des jeunes » qui est un oxymoron politique.

On préférerait voir le Gouvernement respecter la simple logique et la cohérence politique, mais le Conseil constitutionnel ne peut l’y contraindre. II est là pour censurer les irrégularités juridiques, mais pas les incohérences intellectuelles. Vous soutiendrez donc, contre toute évidence que, formellement, l’article relatif au CPE n’est pas dépourvu de tout lien avec l’objet du projet de loi sur l’égalité des chances, ce que le Conseil, en sa mansuétude, risque d’admettre.

Toutefois, le Conseil exige que les dispositions issues d’un amendement « n’excèdent pas, par leur ampleur, les limites inhérentes au droit d’amendement ».

II l’a encore rappelé, le 11 juillet 2001, pour des dispositions issues d’un amendement gouvernemental : « les adjonctions ou modifications ainsi apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les exigences qui découlent des premiers alinéas des articles 39 et 44 de la Constitution, dépasser, par leur objet et leur portée, les limites inhérentes au droit d’amendement. » Quand tel n’est pas le cas, Conseil juge que les articles résultant de tels amendements ont été adoptés selon une procédure législative irrégulière et les censure.

Or, au plan de la procédure, l’article 39 de la Constitution, que chacun connaît bien, dispose que « les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d’État. » Certes, avant de l’adopter au conseil des ministres du 11 janvier, le Gouvernement a pris l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi sur l’égalité des chances, mais ce texte ne comportait pas alors les dispositions créant le CPE, car celles-ci résultent d’un amendement gouvernemental rédigé et déposé après coup, postérieurement à la consultation du Conseil d’État.

Pour tenter de justifier ce défaut de consultation, le Gouvernement tient un double langage.

Devant le Conseil d’État, il assure que le CPE est identique au CNE et que le projet d’ordonnance créant le CNE lui ayant été soumis, il n’y avait pas lieu de le consulter à nouveau.

En revanche au Parlement et dans les médias, nous avons entendu dix fois M. de Villepin soutenir que le CPE est essentiellement différent du CNE, car il comporte d’autres dispositions pour les salariés telles que le décompte, dans la période d’essai, des formations en alternance ou stages effectués dans l’entreprise, les droits à indemnisation du chômage dès le quatrième mois, ou le droit individuel à la formation dès le premier.

En réalité, d’autres différences, encore plus importantes, existent. D’une part, le CNE peut concerner tous les salariés quel que soit leur âge, alors que le CPE concerne exclusivement les moins de vingt-six ans. D’autre part, le CNE est réservé aux petites entreprises de moins de vingt salariés, tandis que toutes les entreprises de vingt salariés et plus, quelle que soit leur dimension, peuvent recourir au CPE.

En tout état de cause, monsieur le ministre, on ne peut soutenir une chose et son contraire : c’est ce qu’Henri Bergson appelait une « argumentation sautillante ».

Si, comme vous l’affirmez, le CPE est essentiellement original par rapport au CNE, alors cela signifie que le Conseil d’État s’est vu soumettre un texte qui, après sa consultation, a été substantiellement modifié.

Avec ce projet de loi sur l’égalité des chances, profondément modifié postérieurement à la consultation du Conseil d’État, on retrouve exactement le même cas de figure que pour la loi Raffarin sur l’élection, des conseillers régionaux : saisi alors par les députés socialistes, radicaux de gauche, communistes, Verts et aussi UDF, le Conseil constitutionnel avait déclaré, le 3 avril 2003, contraire à la Constitution une disposition essentielle du texte, parce qu’elle n’avait pas été soumise au préalable au Conseil d’État. Il motivait ainsi sa décision, comme il risque de le faire dans huit jours : « Considérant qu’en substituant, pour l’accès au second tour des élections régionales, un seuil égal à 10 % du nombre des électeurs inscrits au seuil de 10 % du total des suffrages exprimés retenu par le projet de loi soumis au Conseil d’État, le Gouvernement a modifié la nature de la question posée au Conseil d’État, que ce seuil de 10 % des électeurs inscrits n’a été évoqué à aucun moment lors de la consultation du Conseil d’État, que les requérants sont dès lors fondés à soutenir que cette disposition du projet de loi a été adoptée selon une procédure irrégulière. »

Bref, ce grief relatif au défaut de consultation du Conseil d’État suffirait déjà, à lui seul, à justifier la censure, par la juridiction constitutionnelle, de l’article relatif au CPE.

Au-delà des considérations juridiques, cette censure marquerait l’obligation de respecter les règles du jeu législatif. Elle soulignerait qu’un Premier ministre ne peut avancer au pas de charge ou agir à la va-vite pour faire profondément réformer ou bouleverser le droit du travail par sa majorité. En effet, dans ce cas précis, éluder les procédures c’est aussi transgresser la démocratie. En France, celle-ci s’impose à tous, même à l’homme pressé de Matignon, qui nous rappelle ce personnage de Paul Morand, lancé, sans succès, dans une perpétuelle course de vitesse, course contre le temps et, finalement, course contre lui-même, qui se finit très mal.

Monsieur le ministre, vous disposez d’une majorité massive et fidèle – forcément fidèle – tant ici qu’au Sénat : 509 parlementaires UMP, sans compter le renfort, certes aléatoire et sporadique, des parlementaires UDF. Néanmoins, au-delà du vote parlementaire, si différent aujourd’hui de la volonté populaire, se trouve la mission éminente du Conseil constitutionnel, gardien de la loi suprême, qui est notre loi commune, à tous.

Comme vous l’avez demandé au Parlement, vous demanderez sans doute aussi au Conseil constitutionnel de statuer dans l’urgence – ce serait cohérent – c’est-à-dire dans le délai de huit jours, imparti par l’article 61-3 de la Constitution. Si le Sénat vote ce soir ou demain, jeudi 9 mars, le Conseil devrait alors rendre sa décision d’ici au 17 mars, c’est-à-dire à la fin de la semaine prochaine.

Considérant les griefs invoqués, et la jurisprudence du 3 avril 2003 – moins de trois ans – il y a tout lieu de croire qu’il censurera l’article relatif au CPE. Alors, plutôt que d’attendre cette censure, ne vaut-il pas mieux le retirer dès maintenant, comme le demandent tant de Français qui le tiennent pour ce qu’il est : injuste, inefficace et inconstitutionnel ?

Hier, dans un sondage publié par Les Échos, 65 % des Français se sont prononcés contre ce projet et un million de manifestants ont demandé, avec détermination et dignité, son retrait. Alors, nous vous le demandons, ici et aujourd’hui : écoutez la voix du peuple français si vous voulez vraiment le servir. Il y a cent ans, à cette tribune, Jaurès disait qu’en démocratie, renoncer à une erreur n’est pas une faiblesse, mais une force. Nous vous souhaitons cette force-là. C’est la seule qui fasse les vrais hommes d’État et les grands serviteurs de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Schwartzenberg, puisque vous avez parlé de souffrance, je vais vous dire la mienne : c’est celle, que nous partageons, de voir autant de jeunes connaître de telles difficultés d’emploi et particulièrement – Laurent Hénart le sait – quand on a en charge l’insertion professionnelle des jeunes ; celle de savoir que, si l’on n’a à leur proposer que des CDD à répétition ou de l’intérim, on en laissera mois après mois, toujours un peu plus sur le bas-côté de la route. Dans ce cas-là, oui, je veux bien accepter le terme de souffrance.

Vous avez aussi évoqué Total qui, entre nous soit dit, a fait 12 milliards d’euros de profits. Or Texaco en a eu 36 milliards : souhaitez-vous vraiment que Total perde de l’argent et soit racheté par Texaco ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. -Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Dufau. Vous mettez de l’huile sur le feu !

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Il me semble un peu facile de réduire le sujet à ce genre de propos. J’attendais, monsieur Schwartzenberg, autre chose de votre part. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Durand. Ce n’est pas une réponse !

M. François Loncle. C’est une réponse indigne !

M. Gaëtan Gorce. Où était le CPE dans tout ça ?

M. le président. Dans les explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité, la parole à M. Alain Joyandet, au nom du groupe UMP.

M. Alain Joyandet. M. Schwartzenberg a au moins eu le mérite de présenter des arguments correspondant au type de motion qu’il a défendu alors que, généralement, dans ces procédures, le temps de parole est souvent utilisé à répéter des arguments politiques. Je lui rends donc hommage pour s’en être véritablement tenu au sujet, même si bien sûr, nous ne partageons pas son analyse.

M. Alain Vidalies. Pourquoi ? Répondez, cela sera intéressant !

M. Alain Joyandet. Selon M. Schwartzenberg le CPE méconnaîtrait le principe d’égalité des salariés. C’est l’un de ses arguments les plus forts.

M. Alain Vidalies. Non, ce n’est pas celui-là !

M. Alain Joyandet. C’est faux car, dès son embauche un jeune en CPE aura une situation identique à celle des autres salariés de l’entreprise.

M. Alain Vidalies et M. Jean-Pierre Dufau. Pas sur les conditions de licenciement !

M. Alain Joyandet. Même salaire, mêmes droits et obligations tels qu’ils sont fixés par le code du travail et les accords collectifs, même suivi médical et mêmes horaires de travail : autant d’éléments qui font que M. Schwartzenberg a tort de dire que le CPE méconnaît le principe d’égalité entre les salariés.

M. Gaëtan Gorce. Si c’est vous qui défendez le texte devant le Conseil constitutionnel, nous sommes sûrs du résultat !

M. Alain Joyandet. Il ajoute que la période de consolidation du CPE est, comme le contrat nouvelles embauches, une période d’essai…

M. Alain Vidalies. C’est vrai !

M. Alain Joyandet. …qui serait donc portée à deux ans, – au lieu d’un à trois mois pour les autres CDI – ce qui serait contraire à plusieurs de nos engagements internationaux, dont la Charte sociale européenne et, surtout, la fameuse convention 158 de l’OIT.

En fait, une période de consolidation n’a absolument rien à voir avec une période d’essai. Le Conseil d’État a d’ailleurs souligné, dans son arrêt du 19 octobre 2005, que, si le contrat est rompu lors de la période de consolidation, le salarié a droit à un préavis et à des indemnités qui augmentent avec l’ancienneté, ce qui n’est pas du tout le cas dans une période d’essai.

Ce sont donc bien deux notions totalement différentes.

Par ailleurs le Conseil d’État a jugé, par ce même arrêt, que le CNE, auquel vous avez fait également allusion, respectait la convention 158 de l’OIT en matière de licenciement.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. On verra ce que le Conseil constitutionnel en pensera !

M. Alain Joyandet. En effet, monsieur le député, mais puisque, pour une fois, vous avez développé des arguments ayant quelque rapport avec la motion que vous défendiez, permettez-moi d’y opposer, sans polémiquer, des arguments juridiques, même s’il reviendra évidemment à la haute juridiction de trancher.

M. Alain Vidalies. Vous n’avez pas répondu sur l’absence de saisine du Conseil d’État !

M. Alain Joyandet. Et puisque vous avez ajouté à ces arguments juridiques des commentaires sur le fond, permettez-moi de vous dire que ma lecture du texte est très différente de la vôtre : le CPE constitue en réalité une véritable chance pour ces jeunes d’entrer dans l’entreprise.

La précarité, dont vous parlez sans cesse, existe déjà aujourd’hui, comme nous le constatons sur le terrain : combien voyons-nous de jeunes qui mettent plusieurs années à entrer dans l’entreprise ? Et encore ne sont-ils pas embauchés dans le cadre de contrats à durée indéterminée, ce que sera, de façon incontestable, le CPE. Ces jeunes pourront désormais échapper à l’enchaînement des CDD, à la succession des missions d’intérim. Ces jeunes apprennent parfois seulement le vendredi à 17 heures que la mission ne sera pas prolongée la semaine suivante ; et s’ils n’ont pas cumulé les mois de travail, ils n’auront pas droit à des indemnités de licenciement. Voilà, mes chers collègues de la majorité, la précarité à laquelle nous voulons mettre fin, et nous pouvons en être fiers.

M. Alain Vidalies. Avec un « CIVIS prolongé » !

M. Alain Joyandet. On ne peut certes pas exclure la possibilité d’effets d’aubaine, mais quelle importance si cela permet à un grand nombre de jeunes de trouver un premier emploi ? Voilà ce qu’ils nous demandent tous, qu’ils soient diplômés ou non. Tous nous disent que leur problème est d’acquérir une première expérience.

Il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que le CPE, en dépit des effets d’aubaine éventuels, permettra sans doute à des dizaines de milliers de jeunes de trouver un emploi qu’ils n’auraient pas obtenu sans lui.

Le CNE en est la preuve. Toutes les études consacrées à ce sujet montrent que 30 % des employeurs n’auraient pas embauché s’il n’y avait pas eu le CNE.

M. Yves Durand. Il n’y a pas d’évaluation officielle !

M. Alain Joyandet. Souhaitons ensemble, monsieur Schwartzenberg, que cette disposition joue dans l’intérêt des jeunes. Nous sommes là non pas pour faire la guerre à quiconque mais pour œuvrer dans le sens de l’intérêt général et pour la jeunesse de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour le groupe socialiste.

M. Philippe Vuilque. Vous avez, Roger-Gérard Schwartzenberg, avec le talent qu’on vous connaît, exposé les quatre motifs qui vont nous conduire à voter cette exception d’irrecevabilité.

Parmi ces motifs, deux sont de fond : d’abord, comme vous l’avez très bien démontré, ce texte introduit une discrimination en fonction de l’âge ; il porte ensuite atteinte aux principes fondamentaux du droit de travail, et je pense que c’était le cœur de votre démonstration. En effet la durée excessive de la période d’essai – deux ans – est totalement disproportionnée au but poursuivi et est contraire tant à la jurisprudence qu’à la convention de l’OIT, ne vous en déplaise, monsieur Joyandet.

On constate d’ailleurs que les prud’hommes commencent à requalifier le CNE et à exiger que des licenciements de salariés embauchés dans ce cadre soient motivés : on peut s’attendre à ce qu’ils agissent de même pour le CPE.

À ces deux motifs de forme importants s’ajoutent des motifs de forme.

Ainsi le CPE a été introduit par voie d’amendement dans un projet de loi dont il constitue pourtant le cœur : c’est tout de même un peu fort de café ! Cette procédure est particulièrement cavalière.

Le Conseil d’État n’a donc pas été consulté sur le dispositif. On est obligé de se demander, monsieur le ministre, ce que vous craigniez. Aviez-vous peur que le Conseil d’État ne l’approuve pas totalement ? C’est en tout cas à nos yeux un motif d’annulation par le Conseil constitutionnel.

Quant au recours à l’article 49-3 pour faire passer le texte dans une assemblée où vous détenez une large majorité…

M. Gaëtan Gorce. Scandaleux !

M. Philippe Vuilque. …il prouve votre affolement sur ce sujet. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je rappelle que le gouvernement de Lionel Jospin n’a jamais utilisé le 49-3. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous avions, nous, à cœur de poursuivre jusqu’au bout la discussion parlementaire, même si nous avons connu des débats difficiles.

M. Bernard Accoyer. C’est faux ! L’opposition ne pouvait pas s’exprimer dans cet hémicycle !

M. Philippe Vuilque. Ce n’est pas très reluisant d’utiliser une telle procédure quand on détient une telle majorité ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) De ce fait nous n’avons pas pu discuter du reste du texte, ce qui est totalement inadmissible.

Pour ces raisons nous voterons l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe UDF.

M. Francis Vercamer. J’ai, en cette fin d’après-midi, le sentiment d’un immense gâchis. L’égalité des chances aurait dû nous rassembler bien au-delà des clivages politiques traditionnels. C’était l’occasion pour nous de chercher des solutions au mal des banlieues, à la discrimination, à la galère dont souffrent ceux qui manifestent chaque jour dans les rues leur rejet de la société, quand ils ne l’expriment pas par des conduites malheureusement plus violentes. Mais le CPE est venu, par voie d’amendement, gâcher cette chance de traiter au fond la question de l’égalité des chances.

Comme vous le savez, le groupe UDF est opposé au CPE…

M. Francis Delattre. Pourquoi ?

M. Francis Vercamer. …non par posture (« Si ! Si ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) ni par idéologie (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) mais par pragmatisme.

M. Bernard Accoyer. Par démagogie !

M. Jean-Marc Nudant. Par conviction ?

M. Francis Vercamer. Il est très simple de démontrer que le CPE entraînera un accroissement de la précarité. Si le Gouvernement voulait réellement lutter contre les petits boulots, il suffisait de supprimer parallèlement le CDD et l’intérim. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.) Il aurait alors clairement démontré son souhait que le CPE remplace le CDD et l’intérim, auxquels les entreprises recourent de façon abusive. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Le Gouvernement aurait pu également s’efforcer de simplifier et d’alléger, comme la majorité s’y était engagée en 2002, un code du travail excessivement complexe pour les PME, en supprimant un certain nombre de contrats. Nous l’aurions compris et le Gouvernement trouvera toujours l’UDF à ses côtés pour s’attaquer aux sujets les plus difficiles. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous l’avez vu à propos des retraites, l’UDF estimant même que le Gouvernement n’allait pas assez loin dans ce domaine.

Ce CPE est-il susceptible de répondre aux attentes des jeunes et de la société ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste. – « Oui ! Oui ! sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Eh bien non ! Pensez-vous que vingt heures par an de formation au titre du droit individuel à la formation suffiront à satisfaire le désir des employeurs de disposer d’un salarié formé et expérimenté ? Eh bien non !

Aujourd’hui près de 500 000 offres d’emploi ne sont pas pourvues, alors que la France compte cinq millions d’exclus. Le CPE est-il à même de remédier à cette absurdité ? (« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Sûrement pas ! Demain, 700 000 emplois nouveaux vont se libérer du fait des départs à la retraite. Croyez-vous que le CPE permettra à des jeunes de recevoir une formation suffisante pour remplacer des salariés qui comptent trente ans d’expérience et une qualification bien supérieure ? Bien sûr que non !

Voilà les raisons de fond qui nous font désapprouver le CPE. Restent les questions de droit.

Étant donné mon parcours de chef d’entreprise et de conseiller prud’homme, rien de ce que vous pourrez me dire ne me convaincra que la Cour de cassation appliquera un texte contraire à une disposition internationale. La convention 158 de l’OIT impose la motivation du licenciement, excepté en cas de période d’essai. S’il s’agit, comme on nous le dit, d’une période de consolidation et non d’essai, alors il faudra motiver le licenciement. Si c’est bien une période d’essai, la convention impose qu’elle soit d’une durée raisonnable. Or deux ans ne peuvent pas être considérés comme une durée raisonnable. Dans les deux cas ce texte n’est pas conforme à la convention.

On peut donc prévoir un contentieux abondant, source d’une insécurité juridique permanente pour l’entreprise. Or je ne crois pas que l’insécurité juridique favorise l’embauche. Pensez-vous qu’un chef d’entreprise va embaucher sans avoir de garanties pour l’avenir ? Une entreprise embauche si elle a confiance en l’avenir. L’insécurité juridique et la précarité sont des freins à la croissance.

Voilà pourquoi le groupe de l’UDF n’est pas favorable au CPE. Est-ce pour autant que nous allons voter en faveur de l’exception d’irrecevabilité ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Eh bien non ! (Rires et exclamations sur les mêmes bancs.) Quand j’entends l’orateur de l’opposition prêcher à la tribune contre la précarité alors que le gouvernement auquel il appartenait avait créé, avec les emplois-jeunes, une précarité de cinq ans, je ne peux pas non plus, malheureusement, faire confiance à la gauche.

Voilà pourquoi le groupe de l’UDF s’abstiendra. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Muguette Jacquaint. Concernant le texte sur l’égalité des chances, j’aurais aimé partager votre optimisme, monsieur Vercamer, mais, mon cher collègue – et d’autres d’ailleurs – une véritable égalité des chances suppose d’autres choix politiques…

M. Francis Delattre. Le communisme ?

M. André Berthol. Le Goulag !

Mme Muguette Jacquaint. …qu’une politique uniquement favorable aux privilégiés et à leurs richesses insolentes, au détriment de l’éducation nationale, de la formation, de l’emploi, du développement économique et d’une véritable politique du logement.

M. Bernard Deflesselles. Il faut tout nationaliser !

Mme Muguette Jacquaint. Voilà ce qui aurait dû être au cœur de notre débat si nous avions discuté d’une véritable égalité des chances.

La vérité, c’est que ce gouvernement mène depuis quatre ans une politique entièrement opposée à l’égalité des chances, puisqu’elle va dans le sens d’un accroissement constant de la flexibilité et de la précarité. On ne cesse de nous répéter que si la France n’est pas compétitive, c’est parce que les salariés sont trop payés. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Deflesselles. C’est faux ! On n’a jamais dit ça ! C’est scandaleux !

Mme Muguette Jacquaint. Quand on ne cesse de diminuer les salaires, de remettre en cause les acquis sociaux, on crée toujours plus de précarité et de pauvreté. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En fait d’égalité des chances ce texte vise à introduire, après le CPE, encore un peu plus de précarité et de pauvreté. C’est d’ailleurs pourquoi le Gouvernement a dû avoir recours à cette méthode autoritaire : il fallait faire passer coûte que coûte, au forceps, un texte condamné par l’ensemble des Français – que cela vous plaise ou non – puisque 56 % des jeunes de ce pays le refuse.

Voilà pourquoi nous voterons pour l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'exception d'irrecevabilité.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Question préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est dans l’urgence, pour ne pas dire la précipitation, que nous en arrivons à la dernière étape de l’examen du projet de loi pour l’égalité des chances. Pour autant, le débat n’est pas clos.

Je veux d’abord réaffirmer notre profond mécontentement quant aux conditions dans lesquelles se sont déroulés nos débats et nos travaux parlementaires sur un sujet aussi important.

Vous avez déclaré l’urgence, ce qui vous permet d’éviter le débat – mais c’est une habitude – puis vous avez procédé par amendement afin de vous épargner la consultation des partenaires sociaux et le passage devant le Conseil d’État, avant de recourir à l’article 49-3 pour clore prématurément l’examen du texte ; enfin, vous avez accéléré les travaux du Sénat et organisé à la hâte une CMP.

M. le Premier ministre se donne le beau rôle après l’importante mobilisation sociale qui a rassemblé hier près d’un million de personnes (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Georges Tron. 400 000 personnes seulement !

M. Bernard Accoyer. La gauche n’a jamais su compter !

Mme Muguette Jacquaint. …en se prétendant ouvert à la discussion et attentif aux propositions.

Le mois qui vient de s’écouler a pourtant apporté la preuve du contraire. Faut-il y voir un aveu de faiblesse ou une supercherie ? L’avenir nous le dira.

Depuis plusieurs années, la situation se dégrade dans certains quartiers, du fait de politiques gouvernementales qui renforcent la relégation sociale et les discriminations. Il nous faut des mesures concrètes et efficaces, au lieu de celles que vous nous proposez aujourd’hui. En effet, le chômage est deux fois plus important dans les zones urbaines sensibles, où 40 % des jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans sont demandeurs d’emploi, et où le nombre des retards scolaires dépasse de dix points la moyenne nationale.

La ségrégation spatiale s’aggrave dans notre pays. C’est inacceptable, mais les faits sont là : plusieurs millions de nos concitoyens vivent dans l’insécurité professionnelle et sociale, c’est-à-dire dans une précarité d’un autre âge, alors que l’argent coule à flots pour quelques privilégiés et les gros actionnaires.

Quand ils ne sont pas abandonnés par notre système éducatif ou mis au chômage, les jeunes ne se voient offrir que des emplois précaires qui ne leur permettent pas de vivre dignement ni de bâtir des projets d’avenir. La jeunesse de notre pays a besoin d’un plan de réforme en profondeur du monde du travail, définissant avec les intéressés une autre orientation politique pour l’ensemble de la société, au lieu du saupoudrage et des choix archaïques que vous nous présentez et qui ne feront qu’aggraver encore la situation.

Les dispositions phares de votre projet de loi – le contrat première embauche, l’apprentissage junior et le travail des nuit des mineurs – sont de véritables provocations !

Nous ne pouvons accepter le contrat première embauche, et ce n’est pas le nouveau coup de force du Gouvernement, qui veut précipiter son adoption, qui lui donnera plus de crédibilité. Le CPE est une attaque frontale contre le CDI et un contresens total dans la lutte contre le chômage.

Nous dénonçons le CPE, qui constitue un véritable lynchage du contrat de travail stable. Comble de la précarité, il fait miroiter un CDI aux jeunes, mais au bout de deux ans seulement, pendant lesquels ils pourront se faire licencier du jour au lendemain par simple lettre, sans motif ni recours. Ce n’est même plus un contrat de six mois, ni même de trois mois, mais un contrat au jour le jour ! Comme avec le CNE, les salariés pourront être remerciés et mis à la porte du jour au lendemain !

Le CPE est encore moins protecteur que le CDD…

M. Bernard Deflesselles. C’est une contre-vérité !

Mme Janine Jambu. Non, c’est juste !

Mme Muguette Jacquaint. …dont on connaît pourtant l’utilisation regrettable et ses conséquences sociales. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Janine Jambu. Très bien !

Mme Muguette Jacquaint. Par exemple, la rupture d’un CDD doit être motivée, contrairement à celle du CPE. Cette absence de motif signifie la soumission totale à l’arbitraire et une limitation des recours. C’est un déni de droit qui nous fait reculer d’un siècle.

M. Bernard Deflesselles. Vous faites du Zola !

Mme Muguette Jacquaint. Je pourrais vous faire visiter certains quartiers, monsieur, que visiblement vous ne connaissez pas ! Le ministre lui-même a reconnu qu’il existait aujourd’hui dans notre pays des poches de pauvreté qui pourraient être décrites par Zola.

M. Bernard Deflesselles. Lorsque la gauche était au Gouvernement, qu’a-t-elle fait ?

Mme Muguette Jacquaint. Moi, monsieur, je me bats aux côtés de ces personnes !

De plus la supercherie du Gouvernement ne s’arrête pas là puisque vous justifiez cette mesure par la panne que connaîtrait l’emploi dans notre pays. Or ce n’est pas vrai. L’effet du papy-boom est incontestable. D’après les rapports les plus sérieux, les départs à la retraite vont en effet libérer 600 000 emplois par an de 2005 à 2010, soit 7,5 millions de postes à pourvoir d’ici à 2015.

Vous n’avez qu’une ambition : casser le CDI par le CNE et le CPE pour permettre à certains employeurs d’embaucher de la manière la plus flexible possible, sans aucune protection pour les salariés. La réalité, c’est que vous voulez briser le CDI, qui reste le fondement du contrat de travail. Si l’on rapproche le phénomène du papy-boom et l’instauration du CNE et du CPE, il est évident que vous voulez aider le MEDEF à modifier en profondeur la nature de l’emploi dans notre pays. C’est une occasion historique que vous lui offrez ! D’ailleurs, il ne s’en plaint pas. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pour faire passer la pilule, vous n’hésitez pas à brandir la menace du chômage et à faire croire que l’emploi se résume aujourd’hui à la précarité.

M. Bernard Deflesselles. Alors tout va bien !

Mme Muguette Jacquaint. Si la précarité existe dans notre pays, c’est que les emplois qui se créent ou qui se libèrent sont remplacés par des emplois précaires : CDD, temps partiel ou CNE. Sur quatre contrats à durée indéterminée qui se libèrent, trois sont transformés en contrats précaires. Néanmoins, majoritairement, le CDI demeure la règle : sur 22 millions de salariés, 19 sont employés en CDI, les CDD et autres contrats courts ne représentant que 11 % de l’emploi en France. Toutefois, ce chiffre a doublé en dix ans et cette tendance se poursuit, mais elle concerne les offres nouvelles et touche les mêmes catégories de personnes. Le CDI reste donc le noyau dur, malgré la multitude de contrats de travail déjà créés afin d’y déroger.

Avec le CNE puis le CPE, c’est cette réalité que vous voulez détruire, à la demande du patronat. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La semaine prochaine, lors de l’examen de notre proposition de loi visant à soumettre à la négociation sociale les conditions de remplacement des départs à la retraite, nous vous proposerons de négocier un plan de gestion prévisionnel des départs à la retraite dans les entreprises de plus de dix salariés, afin de favoriser le recrutement de jeunes par des contrats stables, et non avec des CPE, CNE, CIE – contrats initiative emploi – ou encore au RMA, le revenu minimum d’activité.

S’agissant des plus jeunes, vous inventez l’apprentissage junior et vous légalisez leur travail de nuit afin de remédier à l’insuffisance de notre système scolaire, voire à son échec. Dès leur annonce, ces mesures ont suscité les plus vives protestations des partenaires sociaux, mais vous êtes restés sourds. En réalité, l’apprentissage junior n’est pas une bonne idée.

M. Bernard Deflesselles. Si !

Mme Muguette Jacquaint. Au lieu d’octroyer des moyens suffisants à notre système éducatif, tant humains que financiers, vous faites preuve de complaisance face à la déliquescence actuelle, en préférant rogner sur les budgets de l’éducation nationale et en éjectant le plus précocement possible certains jeunes de l’école. Quel signal adressez-vous là à ces enfants et à leurs parents !

M. Bernard Deflesselles. Un bon signal !

Mme Muguette Jacquaint. Plonger ainsi ces enfants, déjà en rupture sociale, dans le monde du travail qui, lui aussi, a des codes, les condamne à un échec d’autant plus douloureux qu’il est présenté comme une dernière chance. Voilà une politique du renoncement que nous ne pouvons accepter.

Nous avons besoin d’une réforme ambitieuse de l’école, à tous les niveaux, afin de donner à chaque enfant un accès égal aux savoirs, à la culture et à la citoyenneté. L’apprentissage et la professionnalisation doivent être un libre choix individuel, et non une voie de rattrapage. C’est aussi là que se situe l’égalité des chances.

Pour le reste, vous vous contentez de ressortir vos recettes pour améliorer l’emploi des jeunes dans les quartiers difficiles. Au lieu de mesures incitatives à l’embauche et du conditionnement des aides, c’est encore Noël pour le patronat, puisque vous lui offrez de nouveaux allégements fiscaux, pouvant atteindre quatorze ans dans le cadre de la réforme des zones franches urbaines, et sans la moindre condition.

Face à la tentation grandissante de transformer ces zones franches urbaines en zones d’effet d’aubaine, il faudrait mesurer l’efficacité de ces dispositifs, car cela rompt complètement avec l’approche qui fut celle du législateur au moment de leur création, sur laquelle il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire mais que nous devons juger avec recul et pragmatisme.

M. Éric Raoult. Vous les acceptez pourtant à La Courneuve !

Mme Muguette Jacquaint. Vous profitez également de ce texte pour créer l’agence nationale de cohésion sociale, qui suscite encore bien des craintes, notamment en ce qui concerne l’avenir du FASILD, le fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations.

Quant aux mesures de police, prévues aux titres III à V, elles montrent à quel point vous vous êtes enfermés dans votre culture de la répression et de la sanction, sans considération des conditions sociales, qui peuvent pousser à certains errements que l’on connaît. En suspendant le droit à l’aide sociale, originellement attribué pour aider à élever les enfants, votre contrat de responsabilité parentale va pénaliser encore un peu plus les familles déjà en difficulté et écrasées par un système qui ne leur laisse aucune chance. Quel terrible contresens !

Vous choisissez d’accabler des enfants qui sont en échec scolaire, ou qui connaissent des difficultés sociales avec leur famille, au lieu de les aider à surmonter leurs difficultés. C’est incompréhensible. Alors que votre texte a pour objet de lutter contre les discriminations, cet article a une logique totalement inverse. Suspendre les prestations familiales aboutit à précariser les familles en difficulté et à pénaliser leurs enfants. C’est une véritable mesure discriminatoire.

Enfin, vous dénaturez le sens des allocations familiales. Elles sont faites pour compenser la charge que représente un enfant et non pour jouer un rôle de sanction. Pour l’UNAF, cela revient à ajouter du malheur au malheur, ce qu’on ne saurait accepter.

Le dernier point que je souhaite évoquer relève des réformes de la HALDE, sur laquelle nous n’avons pas pu, non plus, nous prononcer en raison du 49-3.

Ce projet a pour but de doter la HALDE de la faculté d’infliger des sanctions pécuniaires. Y a-t-il une justification à étendre ses attributions jusqu’au droit de sanction ? Est-ce au détriment des procédures pénales, qui peuvent être conduites par ailleurs ? Si non, on ne peut accepter une justice négociée ; si oui cela s’apparente à de la double peine.

La lutte contre les discriminations, aussi essentielle soit-elle, ne peut se faire au détriment des libertés individuelles.

L’urgence sociale telle qu’elle s’est exprimée mérite d’autres réponses que celles proposées dans ce texte. On ne peut trouver une issue uniquement dans des mesures strictement législatives. Il faut également des moyens budgétaires, donc remettre en cause votre loi de finances ; mais de cela vous ne voulez pas entendre parler.

Des lois importantes ont été adoptées, mais combien d’entre elles ne sont pas appliquées aujourd’hui, faute de moyens financiers, humains ou de sanction ?

Nous nous opposons avec vigueur à ce projet. Nous sommes contre les mesures qu’il contient – comme celles qui ont été introduites par voie d’amendement du Gouvernement –, qui ne font que sacrifier notre jeunesse, particulièrement le CPE et l’apprentissage junior, reléguant au rang de vœu pieux l’égalité des chances.

Dans ces conditions et pour ces motifs, nous vous proposons de voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je n’ai pas d’orateur inscrit dans les explications de vote sur la question préalable et je n’ai pas reçu de demande de scrutin public.

Je mets aux voix la question préalable.

M. Alain Joyandet. Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président. C’est trop tard, monsieur le député ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Le vote est engagé !

M. Francis Vercamer. Très bonne présidence !

M. Bernard Deflesselles. Excellent président ! (Sourires.)

M. le président. Je mets donc aux voix la question préalable.

(La question préalable n’est pas adoptée.)

Rappel au règlement

M. Gaëtan Gorce. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.

M. Gaëtan Gorce. Puisqu’il n’y a pas eu d’explication de vote sur la question préalable, je tiens à faire observer que le Gouvernement reste, dans ce débat – cela concerne donc bien son organisation –, obstinément sourd à ce qui peut lui être dit. Même si la souffrance – qui n’est pas celle du jeune Werther, mais qui mérite néanmoins romantiquement d’être soulignée, comme l’a fait Roger-Gérard Schwartzenberg – du ministre est visible, puisqu’on le laisse désormais seul à assumer la défense d’un texte que bien peu revendiqueront une fois que les manifestations auront reprises, et même si cette souffrance peut nous émouvoir, ce qui nous émeut davantage, c’est l’inquiétude de nos concitoyens, des jeunes et des salariés, face à ce texte.

Autisme par rapport aux syndicats, refus d’un véritable débat parlementaire, incapacité à adapter et votre discours et le fond par rapport à l’inquiétude des Français, voilà ce qui caractérise votre attitude. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Simon. Et vous, qu’avez-vous fait ? Ne donnez pas de leçon, pas vous !

M. Gaëtan Gorce. Nous voulions – dans le peu de temps qui nous est laissé puisqu’il n’y aura peut-être pas le 49-3 ce soir, l’habitude n’en sera pas prise – souligner à nouveau dans cet hémicycle que, chaque fois qu’un gouvernement, qu’un Premier ministre s’enferme dans son bunker, droit dans ses bottes ou droit dans les escarpins ou les chaussures qu’il aura choisies (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Yves Simon. Vous y connaissez quelque chose ?

M. Gabriel Biancheri. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Gaëtan Gorce. …chaque fois qu’il se conduit de cette manière, qu’il refuse d’écouter les Français, qu’il creuse le fossé de défiance entre les Français et un gouvernement, il commet une mauvaise action envers la nation et les jeunes. (Protestations continues sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ce gouvernement veut continuer à passer en force. Il est incapable d’adapter son discours.

M. le président. Monsieur Gorce,…

M. Gaëtan Gorce. Je voulais insister sur ce point à ce moment du débat. Merci, monsieur le président !

M. le président. Moi je veux insister sur le règlement de l’Assemblée. Or vous en étiez venu au fond !

Nous allons passer à la discussion générale et donner la parole à M. Alain Vidalies, si vous n’y voyez pas d’inconvénient !

M. Gaëtan Gorce. Aucun !

M. le président. Alors ne faites pas de rappel au règlement !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au lendemain de manifestations qui ont rassemblé des centaines de milliers de Français, au premier rang desquels les jeunes, le Gouvernement nous contraint à un vote définitif sur le projet de loi créant le contrat première embauche. Ce vote intervient dans des conditions de précipitation révélatrices d’un début de panique politique du Gouvernement et d’une majorité confrontée au rejet croissant de ce texte.

Vous êtes pressé d’en finir ! Désolé, le débat va se poursuivre et s’amplifier, d’abord, bien sûr, à travers les manifestations, mais aussi dans le débat politique.

Si vous ne renoncez pas, dans un sursaut de lucidité, alors la question de l’abrogation du contrat première embauche et de son cousin germain, le contrat nouvelles embauches, sera au cœur du débat démocratique dans quelques mois.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les fées de la démocratie politique et de la démocratie sociale ne se sont pas penchées sur le berceau du CPE.

M. Gaëtan Gorce. Très bien !

M. Alain Vidalies. La création du CPE a été annoncée par le Premier ministre dans une conférence de presse le 16 janvier 2006, sans aucune concertation préalable avec les partenaires sociaux.

M. Gaëtan Gorce. C’est vrai !

M. Alain Vidalies. Cette démarche ignorait vos engagements de tirer un bilan du contrat nouvelles embauches, instauré dans les entreprises de moins de vingt salariés par ordonnance au mois d’août 2005, avant toute extension.

Cette démarche oublie les dispositions de la loi Fillon sur le dialogue social, qui imposait la saisine préalable des partenaires sociaux, selon le texte que vous aviez vous-mêmes voté et dont vous nous aviez vanté les mérites.

M. Gaëtan Gorce. Très juste !

M. Alain Vidalies. Sitôt dit, sitôt voté et sitôt oublié, monsieur le ministre !

Il faut dire que, dès le début, vous avez eu conscience de faire un mauvais coup ou d’être partie prenante, mêlé à un mauvais coup dont la seule justification réelle est la compétition interne à l’UMP entre son président, ministre de l’intérieur, et le Premier ministre en vue de l’élection présidentielle. Sinon, comment expliquer ce choix d’instaurer le CPE par voie d’amendement à la loi sur l’égalité des chances ?

Ou il s’agit d’une grande loi, et elle méritait de suivre le parcours noble prévu par la Constitution pour un projet de loi. Ou il s’agit d’un coup fourré, et alors on comprend mieux le parcours chaotique de ce texte.

On s’interroge d’ailleurs sur les objectifs du Gouvernement, sur les objectifs chiffrés de ce texte. Avez-vous vraiment l’ambition, à travers ce texte, de régler le problème du chômage des jeunes ? On peut s’interroger.

Je me suis procuré le compte rendu analytique, cette fois-ci officiel, des questions d’actualité de cet après-midi. Monsieur le ministre, on n’y comprend vraiment rien ! Je tiens d’ailleurs à citer M. Borloo, répondant à la question d’actualité de Mme Jambu, car c’est véritablement une œuvre ! Il a en effet déclaré : « Le CPE, au même titre que le CNE, ne sera qu’un outil supplémentaire et en aucun cas le droit commun. Tout comme le CNE, il ne concernera qu’un petit nombre de recrutements. » Voilà ce que dit le ministre, et voilà ce sur quoi nous débattons depuis des semaines.

La réalité est que ce gouvernement est aujourd’hui dans la panique. On est en train de nous expliquer que tout cela ne servirait pas à grand-chose. Il ne sert donc à rien de voter dans la précipitation.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Très bien !

M. Alain Vidalies. Il n’y a aucune cohérence et vous-même, monsieur le ministre, avez d’ailleurs concouru à ce climat assez singulier de cette journée en nous parlant d’un « CIVIS prolongé », expression sur laquelle je m’interroge pour connaître la portée de cette nouvelle appellation du contrat première embauche.

On s’orienterait donc vers un petit nombre de recrutements qui ne seraient, en réalité, que des CIVIS prolongés. Tout cela n’est pas très sérieux et démontre où nous en sommes dans ce débat aujourd’hui.

Créé par voie d’amendement, inséré dans un texte dont le débat est interrompu par le Gouvernement en application de l’article 49-3 à l’Assemblée nationale, débattu au Sénat dans des conditions indignes jusqu’à la nuit de dimanche à lundi, le CPE nous revient dès ce jour après une réunion de nuit de la commission mixte paritaire.

Vous êtes tellement pressés d’en finir que vous avez même refusé que le vote solennel intervienne dans des conditions habituelles, c’est-à-dire mardi ou mercredi prochain, pour l’imposer dès ce soir dans la précipitation et dans la quasi-clandestinité.

Vous espérez en finir ce soir avec le CPE. Vous avez tort car le débat va se poursuivre dans le pays. C’est d’ailleurs un débat utile qui, chaque jour, contredit vos arguments et démasque la réalité de vos objectifs.

Rappelons ici que le Gouvernement et la majorité ont engagé le débat autour de deux chiffres : 22 % de taux de chômage des jeunes de quinze à vingt-cinq ans, et onze ans, délai pour qu’un jeune accède au contrat à durée indéterminée.

Le premier chiffre était destiné à dramatiser la situation pour justifier la violence de la solution du CPE. Je reprends ici, pour vous répondre, les propos de Gérard Cornilleau, économiste à l’OFCE : « Quand on entend ce chiffre [22 %], on peut imaginer que près d’un quart des jeunes recherche un travail, ce qui est faux. Ce chiffre résulte de la circonstance particulière que le taux d’activité des quinze–vingt-quatre ans en France n’atteint que 37,5 %. Il paraît plus pertinent de comparer les taux de chômage par rapport à l’ensemble des quinze–vingt-quatre ans.  Ce chiffre atteint 7,9 % en France, 10,8 % en Espagne, 8,3 % en Italie pour une moyenne européenne de 7,5 %. » Voilà la réalité !

Le chiffre de onze ans pour accéder à un contrat à durée indéterminée est aussi une manipulation. Ce n’est pas une moyenne, mais le délai nécessaire pour que l’ensemble d’une classe d’âge accède au contrat à durée indéterminée, c’est-à-dire le délai nécessaire pour que les plus en difficulté surmontent ce handicap et rejoignent la moyenne de la classe d’âge au moins dans le statut de l’emploi, c’est-à-dire dans le contrat à durée indéterminée.

Les chiffres dont vous disposiez, notamment les rapports du CERQ, auraient dû vous amener à une solution exactement inverse à la généralisation de la précarité pour tous les jeunes de moins de vingt-six ans.

M. Gérard Bapt. Très bien ! C’est ça la vérité !

M. Alain Vidalies. En effet le vrai problème, la vraie difficulté récurrente, c’est celle des jeunes sans diplôme ou sans formation, ce qui justifierait une réponse ciblée – et non la généralisation de la précarité–, avec une forte incidence fondée sur l’alternance, un vrai engagement de l’État pour ces jeunes.

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. Alain Vidalies. Non seulement vous avez manipulé la réalité des chiffres, mais vous avez aussi caché à l’Assemblée nationale, pendant tout le débat,…

M. Gérard Bapt. Scandaleux !

M. Alain Vidalies. …les conclusions du rapport Proglio qui écartait la nécessité d’un contrat spécifique pour les jeunes et affirmait le rôle irremplaçable du contrat à durée indéterminée.

Chaque jour qui passe détruit votre argumentation. C’est maintenant une étude des professeurs Cahuc et Carcillo, qui estime à 70 000 emplois sur dix ans, chiffre dérisoire, la création nette d’emplois qui sera engendrée par le CNE et le CPE.

M. Gérard Bapt. La réalité est là !

M. Alain Vidalies. C’est aussi l’article, il y a deux jours, du professeur Philippe Martin, intitulé fort opportunément « Tout ça pour ça ». Tout ça pour ça, oui, c’est-à-dire pour rien en termes de création d’emplois !

Chaque jour qui passe anéantit votre argumentation sur le maintien des protections. J’ai lu un article du journal Sud Ouest publié ce jour même, expliquant une nouvelle fois qu’une jeune fille, dans ma circonscription, embauchée en CNE et ayant malencontreusement eu l’idée de dire qu’elle était enceinte a reçu sa lettre de licenciement ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Muguette Jacquaint. Eh oui !

M. Yves Simon. C’est du réchauffé ! Arrêtez !

M. Alain Vidalies. Vous me direz bien sûr qu’elle bénéficiait d’une protection en raison de sa grossesse, mais personne ne pourra prouver qu’elle a été licenciée pour ça. Malheureusement, c’est ce que vous avez organisé. Je tiens cet article à votre disposition. Il traduit la réalité ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Néri. Voilà, monsieur Larcher !

M. Alain Vidalies. Au cours du débat, vous avez été obligé de reconnaître qu’un employeur pourrait ainsi, sans limite, employer successivement des jeunes en CPE sur un même poste de travail. Oui, sans limite !

Vous avez également dû reconnaître que, jusqu’à son vingt-sixième anniversaire, un jeune pourrait être engagé en CPE par plusieurs employeurs successifs. Vous n’en avez pas fini, car, avec le CPE, c’est la précarité généralisée que vous voulez imposer à tous les jeunes de moins de vingt-six ans.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Les emplois jeunes, c’était cinq ans !

M. Alain Vidalies. La précarité maximale, c’est le licenciement sans motif. Vous n’avez même pas pensé à la suspicion qu’éveillera, chez les futurs employeurs, la lecture des CV de ces jeunes.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Et les emplois jeunes ?

M. Yves Simon. Combien ont-ils coûté et pour quel résultat ?

M. Alain Vidalies. C’est une situation fort humiliante que de fournir à un employeur éventuel un CV sur lequel figure la mention d’un licenciement sans aucune justification. Pas de motif de licenciement, pas d’entretien préalable, des salariés jetables : cela nous ramène au code du travail de 1928. Voilà ce que vous avez voté, mesdames et messieurs de l’UMP. En attendant la France d’après, les Français ont droit à la France d’autrefois.

Je comprends que vous soyez pressés d’en finir, mais notre position est claire : le débat sur le CPE n’est pas fini. Si vous n’y renoncez pas, nous espérons bien qu’il se trouvera un jour, dans cette assemblée, une majorité pour abroger le CPE. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Gérard Bapt. Démonstration imparable et accablante !

M. Yves Simon. Ce sont les propos tenus qui sont accablants !

M. le président. Profitons-en tant qu’il n’y a pas de rappel au règlement. (Sourires.)

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le projet de loi sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer se voulait une réponse forte aux violences urbaines que nous avons connues à l’automne dernier. À ce titre, il aurait pu − il aurait dû − être l’instrument d’une mobilisation nationale en faveur des quartiers urbains. Au-delà de nos appartenances et de nos divergences politiques, nous aurions pu décider ensemble d’un véritable plan Marshall des banlieues, un plan qui aurait pu survivre aux alternances politiques et démontrer la détermination de la nation tout entière à résoudre les difficultés des populations les plus reléguées de notre pays. Bref, nous aurions pu forger l’instrument de la cohésion nationale pour davantage de cohésion sociale.

Au lieu de cela, l’examen de ce texte nous aura donné l’occasion de laisser libre cours à l’expression de nos divisions nationales les plus caricaturales, celles-là mêmes qui expliquent que nous ayons abouti à la situation actuelle.

Aujourd’hui, l’impression dominante est celle d’un triple gâchis. Bien qu’imparfait, ce texte comportait en effet des mesures intéressantes qui ont été totalement occultées lorsque le Gouvernement a ajouté in extremis, pour des raisons de pure opportunité, les dispositions créant le contrat première embauche. De plus, le débat qui, à l’Assemblée nationale, a été précipité et tronqué par le recours à l’article 49-3, avait été préparé dans une totale absence de considération pour la démocratie sociale et sans aucun dialogue avec les partenaires sociaux. Enfin, l’adoption du CPE a provoqué une contestation sociale grandissante, et l’anxiété des jeunes face au risque du chômage et de la précarité est montée d’un cran. Était-il vraiment utile d’en rajouter ?

Bien des dispositions de ce projet de loi étaient discutables et méritaient d’être amendées. Cela a pu être fait au Sénat, où la discussion a démontré combien une démocratie majeure et responsable a intérêt à laisser au Parlement le temps de débattre des projets de loi qui lui sont soumis.

Certaines dispositions recueillent notre assentiment. Il en est ainsi, tout d’abord, du principe de l’apprentissage junior, pour lequel des garanties, dans le domaine de l’encadrement éducatif, ont été apportées.

Nous approuvons, par ailleurs, la volonté du Gouvernement de sécuriser les stages professionnels.

Nous sommes également sensibles à la création d’un service civil, qui offre aux jeunes en difficulté la possibilité d’acquérir des savoir-faire dans le cadre de missions au service de la collectivité. Le groupe UDF aurait cependant souhaité que ce service civil soit obligatoire, de manière que chacun consacre un moment de sa vie à l’intérêt général.

Nous nous félicitions enfin qu’ait été adopté un amendement du groupe Union centriste-UDF du Sénat sur l’anonymat des curriculum vitae. Je me suis efforcé, depuis plus de deux ans, de promouvoir l’inscription dans la loi du CV anonyme. C’est à l’initiative de l’UDF que, dans le cadre de l’examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, la décision de confier une mission de réflexion à Roger Fauroux avait été prise : le rapport qu’il a rendu était très instructif. Le débat a pu progresser, pour déboucher sur cet amendement qui marque une avancée concrète, réelle et importante de la législation dans le domaine de la lutte contre les discriminations à l’embauche.

Toutefois cette disposition ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Puisque vous avez voulu faire du CPE la mesure phare de ce projet de loi, vous ne vous étonnerez pas que l’avis du groupe UDF sur cette mesure lui dicte son choix.

À l’instar du CNE, le CPE nous apparaît comme un contrat doublement trompeur. Il l’est, d’abord, pour le jeune salarié, puisque, au lieu d’être un marchepied vers l’emploi, il l’installe dans la précarité d’une relation de travail qui, pendant deux ans, peut être interrompue à tout moment par l’employeur, sans qu’il soit besoin de motiver le licenciement. Permettre de licencier un salarié sans raison, ne correspond pas à notre conception d’une législation du travail moderne et protectrice. Pour faciliter l’instauration d’un climat de confiance dans la relation de travail, les règles du jeu doivent être claires et stables.

Le CPE est également trompeur pour l’employeur, dans la mesure où l’absence de justification du licenciement ouvre la voie à une multiplication des recours devant les juridictions prud’homales. Certes, il n’y a là que l’application normale du droit, mais cela ne fait qu’augmenter l’insécurité juridique dont se plaignent déjà de nombreux chefs d’entreprise.

Cette insécurité ne peut en outre qu’être renforcée par les doutes pesant sur la conformité de ce contrat aux engagements qu’a pris notre pays lorsqu’il a ratifié la convention 158 de l’Organisation internationale du travail. Celle-ci stipule en effet qu’« un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise ». Certes, l’article 2 permet de déroger aux dispositions de la convention pour « les travailleurs effectuant une période d’essai ou n’ayant pas la période d’ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée d’avance et qu’elle soit raisonnable ». Je rappelle que la Cour de cassation considère comme raisonnable une période d’essai maximale de trois mois. L’absence de justification du licenciement pendant deux ans nous fait donc douter de la conformité du CPE à cette convention.

J’ajoute que, en créant un contrat de travail supplémentaire, avec son régime juridique spécifique, on ne fait que compliquer davantage ce droit du travail que la majorité voulait simplifier. Depuis 2002, les interventions législatives sur le droit du travail ne font, en effet, que se multiplier : suspension puis abrogation de certains articles de la loi de modernisation sociale, réforme partielle de la procédure du licenciement, réforme du dialogue social, création du contrat jeune en entreprise, suppression des CES et CEC, création du CIVIS, lui-même mis en veilleuse avec la création des contrats d’avenir et du contrat d’accompagnement dans l’emploi, création du CNE et, maintenant, du CPE, dans l’attente de l’entrée en vigueur des contrats seniors. La législation du travail évolue ainsi continuellement, à intervalles réguliers, sans avoir de véritable impact sur les créations d’emploi, sans gagner en lisibilité.

Or, pour embaucher sereinement, les employeurs sont demandeurs de lisibilité et de stabilité de la loi. Ils ont moins besoin d’un contrat de travail supplémentaire − il n’y en a déjà que trop − que d’une croissance économique soutenue par des décisions efficaces de l’État dans les domaines économique et fiscal. Ils attendent également de l’État qu’il assure une meilleure adéquation entre leurs besoins de recrutement et la formation des jeunes et, plus généralement, des demandeurs d’emploi.

Nous avions présenté des amendements visant à rendre plus sûr le contrat, tant pour les salariés que pour l’entreprise : vous les avez refusés. Il ne s’agit pas ici de nier la gravité des difficultés que connaissent les jeunes pour entrer sur le marché du travail et avoir accès à l’emploi pérenne, mais le CPE est une réponse inadaptée.

Nous sommes également bien conscients que la souplesse et la flexibilité sont nécessaires au monde de l’entreprise. La sécurité des salariés ne peut être assurée si l’on met en cause la capacité de l’entreprise à évoluer dans son univers concurrentiel.

De même, les performances et la compétitivité de l’entreprise ne peuvent pas être obtenues aux dépens du salarié. L’UDF est convaincue que nous ne pouvons avancer réellement dans ce domaine qu’avec les partenaires sociaux, dans la logique d’un rapport gagnant-gagnant entre employeurs et salariés.

Pour l’UDF, d’autres solutions existent, comme une meilleure adéquation des formations aux besoins des entreprises, une sécurisation accrue des parcours professionnels, la modernisation d’un CDI qui confère aux salariés des droits et des garanties s’accentuant avec l’ancienneté, un droit à la formation pour tous. De ce point de vue, le CPE est une décision à contresens. Il creuse un peu plus le fossé existant entre nos concitoyens et l’entreprise, alors qu’il y a urgence à réconcilier les Français avec le monde économique. Pour toutes ces raisons, le groupe UDF n’approuvera pas ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le Gouvernement fait passer en force et au pas de charge le projet de loi mal nommé « égalité des chances ». Nous regrettons vivement que le nécessaire débat sur les raisons qui devraient nous inciter à prendre des mesures en faveur d’une meilleure cohésion nationale, d’une lutte efficace contre les discriminations, ait été occulté par l’amendement du gouvernement instaurant le CPE.

Nous aurions souhaité une analyse du malaise qui s’est exprimé dans nos banlieues, une discussion argumentée sur les causes qui condamnent de nombreux citoyens de notre pays à la relégation sociale, sur les difficultés de nos quartiers qui se sont embrasés l’automne dernier. Nous souhaitions une discussion de fond pour des mesures de fond. Au lieu de cela, le Gouvernement s’est illustré par l’instauration d’une loi d’exception suivie d’un projet de loi dénaturé par des dispositions inacceptables, aux premiers rangs desquelles figurent le CPE et l’apprentissage junior.

Malgré vos multiples tentatives pour y faire échec, la contestation s’est faite forte et massive. L’opposition n’a cessé de grandir à mesure que le CPE était dévoilé. On comptait hier, dans tout le pays, un million de manifestants.

M. Georges Tron. Un million ?

Mme Janine Jambu. Oui, un million !

M. Alain Joyandet. Ce sont des anciens francs ! (Sourires.)

M. Jean-Charles Taugourdeau. Que des jeunes !

Mme Janine Jambu. Il y avait en effet une majorité de jeunes. Vous êtes mal informés, chers collègues. Il faudrait que vous vous teniez au courant.

M. Éric Raoult. S’il n’y avait que des jeunes, il ne devait pas y avoir de communistes, alors !

Mme Janine Jambu. Il y en avait !

Vos actions de communication pour minimiser l’importance du recul social auront été vaines. Après avoir déclaré l’urgence, il ne vous restait donc plus qu’à imposer le 49-3 et à bousculer le travail des sénateurs afin d’accélérer l’adoption définitive du texte.

Pourtant, vos résultats en matière de politique sociale et de lutte contre le chômage auraient dû vous appeler à plus de modestie et tempérer vos certitudes. Mais, sensibles aux seules voix du MEDEF, vous avez franchi un pas supplémentaire dans le démantèlement du droit du travail.

M. Alain Joyandet. Il paraît pourtant que le MEDEF n’est pas très favorable au CPE !

Mme Janine Jambu. Avec le CPE, vous préférez privilégier la liberté d’entreprendre sur le droit au travail auquel aspirent nos concitoyens. Profitant d’un renouvellement des générations, vous imposez ce contrat aux jeunes, avant de généraliser le CNE pour tous les salariés. Cela est extrêmement grave pour le monde du travail. Raymond Soubie le reconnaît dans une tribune parue dans la presse économique : « Si on veut généraliser le CNE rapidement, on fait disparaître le CDI dans l’économie française et on crée une rupture tellement considérable, qu’on peut se demander si ce ne serait pas faire œuvre d’apprenti sorcier que de le tenter. »

Vous êtes seuls, avec le MEDEF, à croire que c’est la casse du CDI qui permettra le développement de l’emploi des jeunes. Pour nous, il résultera plutôt de la libération de 600 000 emplois par an d’ici à 2015, par suite des départs à la retraite liés au papy-boom. M. le ministre Borloo a d’ailleurs déclaré tout à l’heure que le groupe communiste faisait des propositions sérieuses : je regrette que nous n’ayons pas eu l’occasion d’en discuter, mais peut-être l’aurons-nous tout à l’heure.

Ces créations d'emplois ne doivent pas se faire sur des contrats précaires, ni même être largement et aveuglément subventionnés par les fonds publics. Il y a matière à créer des emplois stables, ce que ce gouvernement refuse d'envisager, préférant faire l'apologie du CNE et du CPE qu’il sera possible aux employeurs de rompre à tout instant et sans motif. C'est une véritable épée de Damoclès qui pèse au-dessus de la tête des jeunes employés, déjà souvent exploités.

Vous qui prétendez tout faire pour stimuler la croissance, vous feriez mieux de tenir compte de cette analyse qui permet de penser que le CPE, outre qu’il fragilisera le CDI, freinera la croissance. Or, sans croissance, il n'y a pas de perspectives d'amélioration de la situation sociale. Mais peu vous importe peut-être, du moment que les dividendes des actionnaires battent tous les records.

Quant à l'apprentissage junior et à la légalisation du travail de nuit des apprentis, ils constituent de nouveaux reculs sociaux à ajouter à une liste déjà bien longue à l'actif de cette majorité.

Si l’on peut partager le diagnostic d'une école qui ne fonctionne pas, qui n'est plus l'ascenseur social censé produire l'égalité des chances, on ne peut pas pour autant s'y résigner. C’est pourquoi nous nous y opposons. En effet ses dysfonctionnements, comme ses insuffisances, ne signifient pas pour autant que la solution se résume à moins d'école. C'est bien le projet de ce gouvernement qui, parallèlement à l'apprentissage junior, prive l'école de moyens financiers et humains suffisants.

Le rôle du collège doit être de dispenser l'enseignement de base indispensable à la polyvalence future des adolescents. En outre, il est impératif de le faire évoluer pour privilégier des compétences comportementales comme l'ouverture d'esprit, le sens critique, les capacités d'adaptation et les méthodes de travail.

Il faudrait certainement réfléchir à des méthodes d'enseignement plus concrètes qui feraient le lien entre les savoirs dispensés et l'intérêt de les assimiler. En revanche il est inconcevable de lancer des jeunes de quatorze ans dans une activité sans leur donner les armes pour rebondir et évoluer par la suite.

Par ailleurs, à l’instar de certaines organisations patronales, nous ne pensons pas qu'afficher l'apprentissage comme une voie de garage pour les jeunes en difficulté, pour ceux que l'école rejette, soit le meilleur moyen de le revaloriser, ce qui est pourtant nécessaire. Être en situation de choisir pour soi-même, là commence l'égalité des chances. Avec l’apprentissage junior, le Gouvernement n’offre pas cette possibilité.

Enfin, les différentes mesures de police contenues dans ce texte, comme la suspension des allocations familiales, constituent un contresens total. Plutôt que de prendre en compte la situation de ces familles et de comprendre pourquoi les enfants agissent ainsi, ce gouvernement préfère appliquer la sanction.

Vous ne tenez pas compte des conditions de logement, vous ne vous représentez pas les conséquences que cela peut avoir sur les enfants de voir leurs parents au chômage, mais aussi leurs frères et sœurs, en dépit des études qu’ils ont faites et des formations qu'ils ont suivies.

Vous ne vous interrogez pas sur les raisons qui poussent ces enfants à l'absentéisme quand ils ne croient plus aux vertus de l'école ou qu’ils constatent que celle-ci n’a pas les moyens de les soutenir lorsqu’ils sont en situation d’échec. Classes surchargées, encadrement défaillant, etc : tout cela est à prendre en compte pour apprécier la situation comme il se doit avant d'appliquer la sanction.

Le Gouvernement ne s'interroge pas plus sur le manque de structures pédopsychiatriques, par exemple, pour prendre sérieusement en charge les enfants turbulents, ni sur le renforcement de la présence de la médecine scolaire pour cerner les difficultés des enfants.

Il n'y a aucune justification raisonnée quant au choix de la sanction au détriment de l'aide.

Au final, le projet de loi, loin de s’attaquer au fondement des inégalités, renforce l'enfermement des populations pauvres et, de fait, démultiplie l'humiliation. Nous ne pouvons pas vous suivre dans cette logique.

Vous le voyez, les raisons sont nombreuses pour rejeter votre texte qui ne répond en rien à l'urgence sociale exprimée cet automne. Loin de remettre en question votre politique, vous restez droits dans vos certitudes par idéologie, malgré les erreurs manifestes de votre gestion, que confirment les derniers chiffres du chômage et de la pauvreté, mais aussi les prévisions économiques. Comment, dans un tel contexte, prétendre à plus d'égalité des chances ? C'est impossible.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte sur l'égalité des chances que nous allons voter dans quelques instants comporte d’incontestables avancées sociales.

La première des actions sociales ne consiste pas à distribuer l'argent public à tout va mais de tout faire pour que chacun puisse avoir un travail. C’est pourquoi, le gouvernement de Dominique de Villepin a souhaité s'attaquer en profondeur au mal qui ronge notre société, le chômage. Il n'y a aucune raison que nous ne parvenions pas, comme l'ont fait nombre de nos voisins européens, à faire reculer le chômage de manière significative et durable dans notre pays.

M. André Schneider. Très bien !

M. Alain Joyandet. L'égalité des chances, c'est avant tout cela : permettre à celui ou celle qui le souhaite de se réaliser dans sa vie grâce à un travail. Le travail est non pas une aliénation, mais le moyen d’être acteur de la nation, d’élever sa famille et de pouvoir transmettre à ses enfants les fondamentaux de notre vie sociale.

M. Éric Raoult. Très bien !

M. Alain Joyandet. L’égalité des chances, c'est de disposer, en fonction de sa position sociale, familiale, intellectuelle, géographique, d'une solution adaptée aux circonstances dans lesquelles chacun se trouve. Ce texte doit être resitué dans l'action que conduit le Gouvernement en faveur de l’emploi, notamment au travers de ce grand plan de cohésion sociale que nous avons voté ici même, un plan qui prévoit des moyens jamais égalés, aussi bien pour le logement, pour l’emploi que pour nos équilibres sociaux. Il reprend l’esprit dans lequel nous travaillons pour réduire le chômage : un traitement social du chômage pour les publics les plus fragiles et un traitement économique pour tous les autres.

Le traitement social, ce sont tous les emplois aidés, notamment dans le secteur non marchand. Le dispositif mis en place commence à porter ses fruits, il répond parfaitement à tous ceux de nos concitoyens les plus fragiles, très éloignés de l'emploi et les aide à remettre le pied à l’étrier. Ainsi, par exemple, les quarante personnes qui percevaient auparavant le RMI ou l’ASS et auxquelles la ville de Vesoul, dont je suis maire, a proposé un contrat d’avenir, nous sont très reconnaissantes.

Mme Janine Jambu. Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !

M. Alain Joyandet. Madame Jambu, nous agissons en faveur des plus fragiles. Vous n’en avez pas le monopole !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Chaque fois qu’on fait quelque chose, ça les embête !

M. Alain Joyandet. Nous n'avons fait que notre devoir envers ces personnes très volontaires qui retrouvent leur dignité grâce à cette activité en contrepartie de laquelle elles perçoivent un salaire. Elles ne demandent qu'à reprendre pleinement leur place dans notre société.

Nous n’avons, certes, pas les mêmes convictions que la gauche (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui fait campagne sur le thème de la distribution de l’argent public que la France n'a d’ailleurs plus depuis longtemps (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), et qu’elle doit emprunter, ou encore sur celui de la réduction du temps de travail.

Nous, nous croyons au travail, à sa place centrale dans une société de valeurs.

M. Yves Durand. C’est pour cela que vous créez du chômage !

M. Alain Joyandet. Nous croyons au mérite, nous croyons à la récompense. Si ceux qui ne travaillent pas gagnent autant que ceux qui travaillent, comment notre pays pourra-t-il avancer ?

Néanmoins chacun sait, monsieur le ministre, qu’il n’est pas facile de réformer ce pays, surtout tant que l’opposition de gauche campera sur ses positions démagogiques (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste), laissant croire à nos concitoyens que l’État peut tout, encore tout, et à n'importe quel prix. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Marcel Dehoux. Vous verrez en 2007 !

M. Alain Joyandet. Mesdames, messieurs de la gauche, vous manquez à votre devoir de vérité.

M. Éric Raoult. Eh oui !

M. Alain Vidalies. Vous avez perdu toutes les régions !

M. Alain Joyandet. Il n’y a plus qu’en France, hélas ! que l'on voit cela. Heureusement, certains responsables de gauche se sont fait entendre, notamment pour saluer les propositions réalistes que vous avez présentées, monsieur le ministre.

Mme Janine Jambu. Quelle argumentation élaborée !

M. Alain Joyandet. Les mêmes avaient salué également des politiques identiques menées par des gouvernements de gauche dans d'autres pays européens. Malheureusement les sociaux-démocrates sont encore très minoritaires au sein de l'opposition – il nous faudra encore attendre un peu –, ce qui a l’a conduit à voter contre le plan de cohésion sociale. Avouez que c’est un peu fort de café ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Éric Raoult. C’est une honte !

M. Alain Joyandet. S’agissant du traitement économique, l’autre volet qui concerne l’emploi marchand, le Gouvernement propose des solutions novatrices. Là encore, monsieur le ministre, vous n’avez pas joué les apprentis sorciers puisque la flexibilité que vous proposez existe dans nombre de pays qui ont d’excellents résultats en termes de chômage. Au Danemark notamment, où le taux de chômage est de 5 %, la flexibilité est complète et ce sont les salariés de ce pays qui ont le plus fort sentiment de sécurité de tous les pays européens.

M. Alain Vidalies. Arrêtez ces comparaisons scandaleuses !

M. Yves Simon. Cela vous gêne !

M. Alain Vidalies. Le Danemark indemnise les chômeurs à hauteur de 90 % !

M. Alain Joyandet. Fidèle à elle-même, face à notre démarche courageuse, l’opposition a tout rejeté en bloc, caricaturant le texte, répandant la peur dans la jeunesse de notre pays, alors même que, depuis plusieurs années, la gauche n’avait fait aucune proposition sérieuse.

M. Alain Vidalies. Assumez ce que vous faites ! N’ayez pas honte !

M. Alain Joyandet. Le chômage des jeunes est insupportable et hypothèque lourdement l’avenir de notre société. Chacun s’accorde sur ce point.

M. Alain Vidalies. Vous avez détruit les emplois aidés !

M. Alain Joyandet. La conclusion qu’en tire l’opposition est qu’il est urgent de ne toucher à rien.

M. Alain Vidalies. C’est faux !

M. Alain Joyandet. Faisons du surplace, verrouillons les blocages. Pire même, la gauche n’a pas hésité, sur ce texte sur l’égalité des chances, à bloquer notre assemblée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), obligeant le Gouvernement à recourir au 49-3, pour pouvoir ensuite le caricaturer et prétendre qu’il refusait le débat ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Durand. Même Sarkozy ne vous croit pas !

M. Alain Vidalies. Parlez-en à ceux qui manifestent !

M. Alain Joyandet. Monsieur le président de l’Assemblée, il faudra peut-être mener un jour une réflexion sur le fonctionnement de notre institution.

M. Alain Vidalies. Pour aboutir à encore moins de démocratie ?

M. Alain Joyandet. Je suis très attaché au respect des droits du Parlement, mais ce qui s’est passé lors de la discussion de ce texte m’a profondément choqué. En effet si chacun ici a des droits, il a aussi des devoirs : à la majorité le devoir de soutenir le Gouvernement, à l’opposition le devoir de s’opposer, mais en aucun cas le droit de bloquer l’institution ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Alain Vidalies. Rappelez-vous ce que vous avez fait lors du débat sur le pacs !

M. Yves Durand. Avec vous, il faudrait que l’opposition se taise !

M. Alain Joyandet. Et après cela, vous osez nous reprocher de ne pas avoir voulu le débat...

M. Alain Vidalies. C’est vrai !

M. Alain Joyandet. …alors que c’est vous qui l’avez empêché.

M. Éric Raoult. Eh oui !

M. Jean-Charles Taugourdeau. En demandant suspension sur suspension !

M. Alain Joyandet. Vous ne voulez pas que l’on débatte de la réforme de l’apprentissage, que toute la France attend et que nous mettons en œuvre,…

M. Alain Vidalies. Pour faire travailler les jeunes à quatorze ans !

Mme Muguette Jacquaint. Approuvez-vous la précarité ?

M. Alain Joyandet. …du succès des formations en alternance,…

M. Alain Vidalies. Quel progrès que celui de la légalisation du travail de nuit des apprentis !

M. Alain Joyandet. …de l’accès au crédit bancaire que permettra le CPE, du Locapass,…

M. Alain Vidalies. Parlons-en !

M. Alain Joyandet. …de l’indemnisation du chômage auquel il donnera droit, contrairement aux emplois jeunes.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Eh oui !

Mme Muguette Jacquaint. Les jeunes auront droit aux ASSEDIC : quel bel avenir !

M. Alain Joyandet. De tout cela, vous ne vouliez pas parler !

M. Alain Vidalies. Les Français vont vous répondre !

M. Alain Joyandet. Mes chers collègues de la majorité, nous pouvons soutenir la comparaison entre ce que nous proposons aujourd’hui aux jeunes de notre pays et ce que l’opposition a fait pour eux lorsqu’elle était au pouvoir.

M. Georges Tron. Très bien !

M. Alain Joyandet. Les zones franches urbaines, vous ne vouliez pas en parler non plus. Vous vouliez même les supprimer alors que, chacun le sait, elles ont apporté une véritable bouffée d’oxygène à certains quartiers et à certains jeunes.

Mme Janine Jambu. Ce n’est pas vrai !

M. Éric Raoult. Vous tenez un double langage car vous les critiquez ici mais vous êtes bien contents d’en récupérer dans vos circonscriptions.

M. Alain Joyandet. Monsieur le président, j’ai du mal à m’exprimer, j’espère que les interruptions seront décomptées de mon temps de parole.

Le texte pour l’égalité des chances combat également les discriminations et je comprends, mes chers collègues du gauche, que vous refusiez cette discussion,.

M. Alain Vidalies. C’est vous qui avez arrêté le débat, avec le 49-3 !

M. Alain Joyandet. Combien de jeunes nous expliquent qu’en raison de leur nom, de leur couleur de peau, de leur adresse, ils n’obtiennent même pas de réponse quand ils envoient un CV ?

M. Alain Vidalies. Le ministre a dit que c’était un petit nombre !

M. Alain Joyandet. Je comprends, monsieur Vidalies, que cela vous embête que ce soit cette majorité qui s’attaque aux discriminations. De tout cela, vous ne vouliez pas qu’on parle. C’est pourquoi vous avez fait arrêter nos débats.

Oui, mes chers collègues, c’est notre majorité, c’est notre Gouvernement qui mettent en place les conditions pour donner de nouvelles chances à notre jeunesse, cette jeunesse qui cumule des handicaps et qui ne peut pas s’en sortir si nous ne lui donnons pas d’atouts supplémentaires.

Mme Muguette Jacquaint. C’est votre Gouvernement qui jette un million de jeunes dans la rue !

M. Alain Joyandet. On comprend évidemment que vous ne vouliez pas parler de tout cela.

M. Jean-Pierre Dufau. Attention aux caricatures !

M. Alain Joyandet. Avec le CPE que vous avez pu caricaturer à outrance, vous tenez un os et vous ne voulez pas le lâcher. Le CPE représente l’arbre qui cache la forêt : la grande union de la gauche contre le CPE vous permet de masquer votre manque d’idées et l’ambition des personnalités à l’approche des élections présidentielles. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Simon. Eh oui ! C’est creux !

M. Alain Joyandet. Défiler contre le CPE vous laisse du temps pour régler vos problèmes internes.

M. Claude Gaillard. Eh oui !

M. Alain Joyandet. Mes chers collègues, la précarité dont on parle tant, ce n’est pas nous qui allons l’instaurer avec ce texte de loi. La précarité, c’est en ce moment qu’elle existe.

Mme Muguette Jacquaint. Cela fait quatre ans que vous êtes au Gouvernement.

M. Alain Joyandet. Interrogez les jeunes qui nous écoutent, comme nous l’avons fait, qui, diplômés ou non, sont au chômage, qui mettent parfois plusieurs années avant de trouver un travail et d’entrer durablement dans la vie active, enchaînant CDD, périodes d’intérim et semaines d’inactivité.

M. Alain Néri. Ils vous ont répondu hier après-midi !

Mme Muguette Jacquaint. Ils étaient dans la rue, les jeunes !

M. Alain Joyandet. C’est à cette galère-là que nous voulons mettre fin. Notre intention n’est nullement de créer plus de précarité.

Mme Muguette Jacquaint. Quand même !

M. Alain Joyandet. Face à cette situation, que tout le monde dénonce, il n’y a que deux attitudes possibles.

M. Alain Vidalies. On va dans le mur et on accélère.

M. Alain Joyandet. L’attentisme, le conservatisme, la démagogie, le langage de la facilité et de la distribution publique. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cela peut marcher électoralement, il faut faire attention. Nous l’avons malheureusement constaté dans le passé et nous en payons la dette aujourd’hui et pour un certain temps encore.

L’autre attitude…

M. Alain Vidalies. C’est la positive attitude !

M. Alain Joyandet. …consiste à oser proposer de nouvelles solutions fondées sur la confiance, sur la réalité, sur la responsabilité, sur le refus de l’assistanat à fonds perdus, sur la création d’un nouveau pacte de confiance entre les jeunes et leurs employeurs, publics et privés...

Mme Muguette Jacquaint. Tu parles !

M. Alain Joyandet. …des solutions qui expriment une fraternité sans faille. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés-e-s communistes et républicains.)

Nous faisons tout pour que chacun ait un travail, pour que chacun ait un logement, pour que chacun se sente respecté dans notre société où qu’il soit, d’où qu’il vienne et quel que soit son statut.

Mme Muguette Jacquaint. Dites ça aux maires qui refusent de construire des logements sociaux !

M. Alain Joyandet. Mes chers collègues, si l’on regarde globalement ce que nous faisons, avec le plan de cohésion sociale, avec les nouvelles dispositions de ce texte sur l’égalité des chances, auxquelles on peut rajouter les mesures de retour vers l’emploi, je crois sincèrement que nous pouvons être fiers de notre action publique au service de l’intérêt général dans la vérité que nous devons à nos concitoyens pour rétablir ensemble la France que nous aimons, celle de la responsabilité et de l’engagement individuel, dans le respect de chacun.

M. Alain Néri. Oh ! là ! là !

M. Alain Joyandet. C’est la société de l’effort, certes, mais c’est aussi la société d’un plus juste partage des fruits du travail collectif dans une société généreuse et fraternelle. C’est pour cela que nous allons continuer à vous soutenir, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Néri. Il en a bien besoin !

M. Jean-Pierre Dufau. Sonore mais creux !

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Monsieur le président, puis-je me permettre de rappeler au collègue qui vient de s’exprimer que l’utilisation du 49-3 est de la responsabilité du Gouvernement, non de l’opposition. Quand le Premier ministre est arrivé en plein débat l’autre jour, débat par ailleurs intéressant – vous-même en aviez souligné la profondeur – pour arrêter la discussion et appliquer le 49-3, nous avons été surpris certes, mais je ne crois pas qu’on puisse dire que c’est l’opposition qui a déclaré l’arrêt de nos débats.

M. Yves Simon. Surpris mais tellement réjouis !

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, avec le CPE, vous avez voulu tromper les Français, surtout les jeunes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Charles Taugourdeau. Mais non !

M. Yves Simon. Vous n’avez rien compris !

M. Yves Durand. Vous avez voulu leur faire croire qu'un tel contrat pouvait être une solution au chômage des jeunes qui explose d’ailleurs, du fait de la politique économique conduite depuis bientôt quatre ans, alors qu'en fait ce contrat n'est que l'institutionnalisation de la précarité.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Le CPE est une des solutions.

M. Yves Durand. Vous avez même voulu leur faire croire, et vous avez réussi pendant un moment, que la période de consolidation de deux ans pouvait être une période sereine pendant laquelle le jeune ne pouvait pas être licencié et que le couperet ne tomberait qu'au bout de vingt-quatre mois.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Ce n’est pas vrai !

M. Yves Durand. Or, chacun l'a maintenant bien compris, c'est dès le lendemain d’une embauche que le licenciement peut intervenir.

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est impensable !

M. Yves Durand. Vous avez voulu faire croire que le seul choix qui se présente aux Français serait, je viens encore de l’entendre, entre votre projet et l'immobilisme.

M. Yves Simon. Tout à fait !

M. Yves Durand. Or le débat parlementaire a permis de montrer, même si nous aurions préféré qu’il se poursuive ici et au Sénat, que nous avions des propositions, mais vous n'avez jamais daigné les entendre.

M. Yves Simon. Lesquelles ? On les cherche !

M. Yves Durand. Nous avons passé des heures, de jour et de nuit, à poser des questions, à faire des propositions.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Oui, pendant les suspensions.

M. Éric Raoult. Quelles propositions ?

M. Yves Durand. À aucun moment, le Gouvernement n’a souhaité les entendre.

M. Yves Simon. Paroles, paroles…

M. Yves Durand. M. le Premier ministre a méprisé le Parlement en ne participant à aucun moment au débat,…

M. Jean-Louis Idiart. Eh oui !

M. Yves Durand. …débat d’ailleurs tronqué par la déclaration de l’urgence. Il n’est venu à l'Assemblée que pour arrêter brutalement la discussion par l'article 49-3.

Le Premier ministre et le Gouvernement ont négligé le dialogue avec les organisations syndicales, malgré vos propres engagements, inscrits dans la loi que vous avez vous-même fait voter par votre majorité. En fait, dès la création du CNE que, malgré vos engagements là aussi, vous n’avez d’ailleurs jamais voulu évaluer. Aujourd’hui encore, votre seul objectif est la remise en cause du droit du travail et la précarisation générale de l'emploi.

Les déclarations de M. Jean-Louis Borloo cet après-midi le confirment ; mon collègue Vidalies les a rappelées tout à l’heure. Il avoue que, en fin de compte, le CPE ne créera que très peu d’emplois, démontrant par là même que l’objectif principal, ce n’est pas l’emploi des jeunes, mais bien le démantèlement du code du travail.

M. Jean-Pierre Dufau. Très juste !

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, il n’est plus temps de comprendre la colère, comme le Premier ministre l’a dit hier ; il est vraiment urgent d’ouvrir enfin les portes de votre bureau à une véritable négociation. Au mépris du Parlement et des partenaires sociaux, n’ajoutez pas, je vous en prie, le mépris pour les jeunes qui se sont mobilisés nombreux hier.

M. Yves Simon. C’est vous qui êtes méprisants.

M. Jean-Marc Nudant. Vous n’avez pas le monopole des jeunes !

M. Yves Durand. Évitez de couper, une fois de plus, une grande partie de la jeunesse de l’État que provisoirement, aujourd’hui, vous représentez.

M. Yves Simon. Quelle réponse leur apportez-vous ?

M. Yves Durand. Monsieur le ministre, la seule condition pour retrouver la sérénité, la seule solution pour qu’une coupure, dramatique pour tout le monde que l’on soit de gauche ou de droite, n’ait pas lieu, la seule solution c’est, vous le savez bien au fond de vous-même, le retrait de votre CPE.

M. Yves Simon. C’est l’immobilisme !

M. Yves Durand. C'est pour cela que nous voterons contre ce projet de loi ; c’est pour cela que nous vous demandons le retrait du CPE avec la majorité des Français qui se mobilisent de plus en plus nombreux contre votre objectif d’installer la précarité pour tous.

M. Jean-Pierre Dufau. Très bien !

M. Yves Durand. Le débat ne peut pas se clore par ce vote. N’en doutez pas, nous saurons le poursuivre pour que, enfin, la raison triomphe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour l’égalité des chances, une fois de plus dans l’urgence, autrement dit dans la précipitation.

Franchement, d’autres collègues de l’opposition l’ont souligné : inscrire au dernier moment un vote solennel par scrutin public ce soir, mercredi 8 mars, alors que beaucoup de nos collègues avaient prévu de participer aux manifestations de la journée des femmes est le dernier artifice trouvé par le Gouvernement pour faire passer un texte impopulaire coûte que coûte ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Néri. Très juste !

Mme Christine Boutin. Étant donné le nombre de femmes députées, ce n’est pas très gênant !

M. Yves Cochet. Faut-il à ce point que le Gouvernement soit terrorisé par la montée du mécontentement et le coup de semonce donné hier par les manifestations de la jeunesse de ce pays contre le contrat première embauche, faut-il que vous soyez peureux pour, une fois de plus, maltraiter à ce point l'agenda parlementaire ?

Ce texte, initialement censé répondre à la crise des quartiers en difficultés, fait éclater au grand jour l'échec de votre politique. Cet énième passage en force du Gouvernement constitue une occasion supplémentaire de casser la protection des salariés dans le droit du travail. Le CPE est, en outre, en contradiction avec la convention 158 de l'Organisation internationale du travail signée par la France.

M. Georges Tron. Vous l’avez déjà dit dix fois dans le débat !

M. Yves Cochet. Cette convention interdit les licenciements sans motifs, sauf pendant une « période d'essai » qui doit être d'une durée « raisonnable ». Et la jurisprudence a établi qu'un délai raisonnable, c'est quelques mois, certainement pas deux ans. Deux ans à vivre dans la précarité, l'insécurité professionnelle, à la merci d’un licenciement, deux ans sans pouvoir se projeter dans l'avenir, vous ne ferez croire à personne que c'est « raisonnable », même si vous rebaptisez cette période d’essai de « période de consolidation ». Bref, pour tous les jeunes de moins de vingt-six ans, vous instaurez « l'égalité de la malchance » !

Monsieur le ministre, la situation de l'emploi des jeunes est certes préoccupante…

M. Yves Simon. Ah !

M. Yves Cochet. …mais c'est vous qui êtes aux commandes du pays depuis quatre ans maintenant. À votre arrivée, vous ne juriez que par les contrats du secteur marchand. Vous avez alors pratiqué des coupes claires dans tous les emplois publics ou associatifs. Vous avez détruit les emplois jeunes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Oui, vous avez détruit les emplois jeunes. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Ce n’est pas vrai.

M. Yves Cochet. Demandez aux associations sur le terrain ce qu’elles en pensent.

Vous avez supprimé des emplois aidés, réduit les subventions aux associations sans vous préoccuper des conséquences sur l'emploi et dans les quartiers. Le résultat, on l’a vu en novembre dernier. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Néri. Cela vous fait mal !

M. Noël Mamère. Vous n’aimez pas entendre de tels propos !

M. Yves Cochet. Les gouvernements UMP sont ensuite passés à la glorification des exonérations de cotisations patronales et des avantages fiscaux : les entreprises, tout type confondu, subiraient – c’est d’ailleurs également ce que dit le MEDEF – « trop de charges ». Les exonérations, soit 21 milliards pour 2006, et les diverses aides fiscales devaient enfin relancer l'emploi. Pourtant les réalités ont été plus fortes que vos présupposés idéologiques : les charges dites allégées n’ont pas créé d’emplois.

Cet été, vous avez créé le CNE, contrat nouvelles embauches, par ordonnance, c'est-à-dire, une fois de plus, avec le grand souci démocratique qui vous caractérise et dans la précipitation.

Ce contrat de travail hybride n'est pas un CDI, ne comporte pas de période d'essai en bonne et due forme. Cela ressemble évidemment aux deux ans de période d'essai que vous avez ensuite élargis au CPE, ce qui est, de nouveau, contraire à la jurisprudence.

Le chiffre du chômage baisse-t-il ? Quand cela semble le cas c'est tout simplement par un effet de vases communicants entre chômage d’un côté, contrats aidés, radiations et RMI, plus de 120 000, de l’autre.

M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes. Non.

M. Yves Cochet. Mais si, c’est de l’arithmétique ; ce n’est pas une politique.

Tout cela est renforcé par le retournement en 2005 de la démographie concernant la population active. Les statistiques officielles montrent que la création d'emploi stagne. D’après l’INSEE, 42 000 emplois ont été créés en 2005, chiffre différent que celui que vous avancez, monsieur le ministre.

De plus le Premier ministre annonce déjà, sans même essayer de faire semblant, que la prochaine étape sera le démantèlement définitif du CDI dans les six mois à venir, démantèlement pour tout le monde cette fois-ci.

Sur le reste du projet de loi, libéralisme et conservatisme font bon ménage. Pourtant, les gisements d'emplois existent, tous les parlementaires de l’opposition et Martine Billard vous l’ont dit. Encore faudrait-il oser mettre l'effort de la communauté nationale sur les emplois d'utilité sociale et environnementale répondant aux besoins et aux urgences. Mais vous êtes tellement rétrogrades que vous ne voyez pas de salut hors des sentiers battus.

Vous refusez de relancer l’emploi associatif, pourtant si utile. Vous refusez d’agir contre l’effet de serre, ce qui créerait beaucoup d’emplois, notamment dans le secteur des bâtiments et des énergies renouvelables. Vous préférez renvoyer toute notre jeunesse à la précarité, limitant son horizon à une vision au jour le jour de son emploi et de son avenir.

Il est très peu question d’égalité des chances et de cohésion sociale dans votre projet de loi. Les députés verts comme l’opposition voteront résolument contre et vous demandent instamment d’écouter ce qui s’est passé et ce qui se passera demain dans la rue, de revenir en arrière sur la création néfaste du CPE. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste – Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Rappels au règlement

M. Jacques Brunhes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour un rappel au règlement.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, rien ne nous aura été épargné. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les conséquences en seront considérables sur la place et le rôle de l’Assemblée dans les institutions.

Premièrement, le Gouvernement déclare l’urgence, laquelle vise à entraver le débat, puisqu’elle signifie une seule lecture ici et une lecture au Sénat. C’est donc sur le texte du Sénat que l’on se prononce quand l’urgence est déclarée.

Deuxièmement, le Gouvernement a légiféré par amendements. L’article 3, qui porte pour l’essentiel sur le contrat première embauche, est issu d’un amendement du Gouvernement, ce qui interdit son passage en Conseil d’État, évite la consultation des partenaires sociaux et prive les députés de leur droit d’amendement.

Je me permets, monsieur le président, de vous rappeler que j’étais à vos côtés lorsque nous sommes allés à l’Élysée pour présenter les vœux de l’Assemblée nationale au Président de la République. Vous aviez alors fait un discours, que vous avez publié et envoyé à l’ensemble de nos collègues.

M. Jean Glavany. De belles paroles !

M. Jacques Brunhes. Et que disiez-vous dans ce discours ? Que légiférer par amendement était une anomalie (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste) et que le Gouvernement, qui l’avait déjà fait au mois de décembre, ne devait pas poursuivre dans cette voie. Le Gouvernement a pourtant poursuivi dans cette voie, ce qui, au bout du compte, prive les députés d’une partie de leurs prérogatives, puisqu’on ne peut pas amender un amendement, mais seulement le sous-amender. Cela donne la primeur au Sénat, inversant la place respective de nos deux chambres dans les institutions.

Cela est encore vrai avec le 49-3, dès lors qu’il empêche le débat d’ensemble sur le texte. Or l’article 49-3 ne peut pas être appliqué au Sénat où le texte en discussion a fait l’objet – le ministre l’a souligné hier – de quatre-vingt-dix heures de discussion. La CMP a donc travaillé sur le texte du Sénat, ce qui signifie purement et simplement – cela est extrêmement grave – que l’Assemblée nationale devient une chambre d’enregistrement du Sénat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est une perversion de nos institutions.

Pour couronner le tout, la conférence des présidents a refusé le vote solennel pour lui préférer un simple scrutin public, alors qu’il s’agit d’un texte majeur qui suscite de nombreuses oppositions à cause de son contenu antisocial. Ce n’est pas normal et c’est la raison pour laquelle, monsieur le président, je vous demande solennellement, au nom du groupe communiste, de suspendre notre séance avant les explications de vote et de renvoyer celles-ci ainsi que le vote à mardi ou mercredi prochains. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. Je vous rappelle, monsieur Brunhes, les dispositions de l’article 65-1 du règlement : « Le scrutin public peut être décidé en conférence des présidents qui, sous réserve des dispositions de l’article 48 de la Constitution, en fixe la date. »

A plusieurs reprises, d’ailleurs – et vous le savez, puisque ce n’est pas la première fois que vous faites partie de cette conférence des présidents –, la conférence a décidé que le vote interviendrait immédiatement après l’examen des articles en discussion. Ce n’est donc pas une nouveauté.

En tout état de cause, l’article 65-1 de notre règlement précise que la décision de la conférence doit tenir compte des prérogatives en matière d’ordre du jour que le Gouvernement tire de l’article 48 de notre Constitution. Or le ministre délégué aux relations avec le Parlement a indiqué à la conférence des présidents qu’il s’opposait au report du vote à mardi prochain.

En conséquence, et conformément à la règle, notre conférence des présidents a décidé que le scrutin public aurait lieu dans quelques instants.

M. Jean Glavany. Vous mettez donc à la poubelle votre discours au Président de la République ?

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Lors d’un premier rappel au règlement, monsieur Vidalies a posé une question précise à monsieur Larcher sur ses déclarations concernant un nouveau concept, le « civis prolongé ». Vous avez vous-même dit, monsieur le président que, dans le cadre de la discussion générale, nous obtiendrions de la part du ministre qui allait s’exprimer – du moins le croyions-nous – des éclaircissements sur ce « civis prolongé ». Or, au cours de la discussion générale, il n’y a eu aucune explication : le ministre est resté systématiquement muet sur le sujet.

Je demande donc instamment, au nom du groupe socialiste, à monsieur le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, avant les explications de vote et pour que celles-ci se fassent en toute connaissance de cause, ce qu’il entend par ce concept de « civis prolongé » qu’il vient d’inventer. S’il ne nous répondait pas, nous considérerions que ce serait une preuve supplémentaire du mépris pour notre assemblée.

M. le président. Le Gouvernement n’a pas l’intention de s’exprimer. Nous allons donc en venir aux explications de vote.

M. Jean Glavany. Quel courage !

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Gaëtan Gorce pour le groupe socialiste.

M. Gaëtan Gorce. Le vote qui va se dérouler dans cet hémicycle est censé mettre un terme à la discussion que nous avons eue ; peut-être va-t-il mettre un terme, en réalité, à la vie du contrat première embauche.

Croire en effet qu’il aura suffi de bousculer le Parlement, d’ignorer les partenaires sociaux et de précipiter ce vote et nos discussions comme cela a été fait dans des conditions parfaitement ahurissantes pour laisser derrière soi le problème du contrat première embauche, ce serait commettre plus qu’une erreur d’appréciation, une faute. En effet le problème du chômage des jeunes est toujours là, et il sera toujours là malgré la mise en place du contrat première embauche, mais vous aurez ajouté au chômage des jeunes et aux problèmes d’insertion qu’ils connaissent une crise de défiance : défiance à l’égard de votre gouvernement et du Premier ministre, qui n’a pas tenu les engagements qui étaient les siens quand il promettait d’écouter les Français et le Parlement, quand il laissait penser qu’il aurait de la question une approche non pas compassionnelle mais plus sociale et plus conforme aux vœux des Français.

A travers ce débat – et ce n’est finalement pas le plus mince de ses mérites – le masque est tombé, révélant la réalité de la politique du Gouvernement, celle de MM. Villepin et Sarkozy qui ne divergent que par leurs discours. Cette politique est directement orientée contre ce que nos concitoyens considèrent comme des garanties essentielles, parmi lesquelles le droit pour chacun de ne pas être licencié sans délai et sans motif. C’est bien pourtant ce que vous avez décidé de faire : introduire de l’arbitraire là où la loi et la négociation sociale avaient établi des protections et des garanties équilibrées.

Nous avons trois raisons fortes de nous opposer à votre texte.

La première tient au fait que vous avez commis une grave erreur de méthode. Vous avez considéré que l’on pouvait agir dans ces domaines contre les partenaires sociaux et contre le Parlement. Vous considérez aujourd’hui, malgré l’avertissement qui vous a été lancé hier, que vous pourriez le faire sans les jeunes, comme vous le faites d’ailleurs sans les entreprises.

Vous commettez ensuite une erreur de diagnostic, parce que votre conviction – celle que nous combattons dans cet hémicycle – est que, face aux problèmes qui sont posés à notre économie et à notre société, la réponse en termes d’embauches résiderait dans l’abaissement et la réduction des protections. C’est le contraire qu’il faut faire. Nous ne partageons pas votre analyse selon laquelle c’est en réduisant les droits des salariés – en facilitant non pas l’embauche mais le licenciement – que l’on soutiendra par un paradoxe cruel l’emploi dans ce pays. Cette analyse est une erreur et elle ne peut conduire qu’à l’échec : échec économique, social et civique. Nos concitoyens ne partagent pas davantage cette analyse, et votre politique ne fait qu’entretenir leur inquiétude.

Votre troisième erreur grave est une erreur de ciblage. Malgré tous les défauts de votre CPE, on aurait pu imaginer qu’il était capable d’apporter un début de commencement de solution à la question du chômage des jeunes, mais ce ne sera pas le cas. Il n’aura pas pour résultat plus d’emploi pour les jeunes mais plus de précarité pour tous les jeunes. Le contrat première embauche va en effet généraliser la précarité à l’ensemble des jeunes, à ceux qui sont aujourd’hui embauchés en contrat à durée indéterminée dans les meilleures conditions qu’offrent notre droit, comme à ceux qui éprouvent des difficultés d’insertion.

Comment peut-on prétendre résoudre par une mesure générale et, qui plus est, injuste, le problème des jeunes, caractérisés au regard de l’emploi par une très grande diversité de situations liée notamment à leur niveau de qualification ?

Nous avons bien compris que le Premier ministre ne s’intéressait à ce débat que s’il avait lieu dans les médias. Nous avons bien vu aussi qu’il a perdu ce débat dans les médias. Il l’a perdu devant les Français qui n’approuvent pas ce que vous êtes en train de faire. Vous allez aujourd’hui remporter dans cet hémicycle une victoire à la Pyrrhus, qui vous fait peut-être penser que vous possédez un blanc-seing mais pour laquelle, au bout du compte, vous serez sanctionnés. Le 49-3 que vous avez imposé à cette assemblée, ce sont les Français, bientôt, qui vous l’appliqueront, car ils se souviendront de ce que représente votre politique, celle de MM. Sarkozy et Villepin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

En nous opposant à ce texte, nous nous opposons à une erreur de jugement en matière de politique de l’emploi ; nous nous opposons à une erreur politique qui conduira les jeunes à plus de précarité ; nous nous opposons à un texte qui réduit les garanties des salariés. Nous nous opposons donc à une injustice sociale qui ne peut vous faire espérer regagner la confiance des Français et des jeunes.

Nous croyons en la jeunesse de ce pays ; nous connaissons son enthousiasme, sa volonté d’apprendre et sa volonté de travailler. Cette volonté, vous ne la servez pas à travers vos propositions, mais vous la contrecarrez ! (Vives protestations puis claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous sommes donc fiers de dire aujourd’hui que ce texte que vous votez, nous l’abrogerons demain parce qu’il est le symbole de l’injustice qui caractérise votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer pour le groupe UDF.

M. Francis Vercamer. Force est de constater que l’examen de ce projet de loi pour l’égalité des chances s’apparente à la chronique d’une occasion manquée : l’occasion manquée d’affirmer avec force la volonté de la nation tout entière, après les violences urbaines, d’assurer à chacun – et notamment aux plus jeunes de nos concitoyens, qui vivent dans les quartiers difficiles – qu’il est évidemment possible dans notre pays de faire quelque chose de sa vie.

Nous savons tous en effet que la détresse sociale qui s’est exprimée par la violence dans les quartiers provient pour une grande part du chômage de masse qui y sévit. Qu’on soit jeune et sans formation ou, pire, jeune avec une qualification et des diplômes, si on ne trouve pas de travail on a le sentiment de ne pas avoir d’avenir. Et dans une société qui semble ne vous réserver aucun avenir, comment se sentir respecté, comment se sentir citoyen à part entière ?

Toute l’ambition de ce projet de loi était d’apporter des réponses à ce double sentiment d’exclusion : exclusion sociale et exclusion de la communauté nationale. Certes il comporte un certain nombre de mesures qui apportent chacune des éléments de réponse. Je pense par exemple à l’apprentissage junior, à la sécurisation des stages professionnels, au service civil, au renforcement des zones franches urbaines, à l’anonymat des CV, mesures que nous approuvons naturellement.

Nous sommes en revanche plus circonspects sur d’autres dispositions, comme par exemple l’agence nationale de cohésion sociale, compte tenu des actions qui pouvaient être menées avec efficacité par le FACILD.

Surtout vous avez voulu faire du CPE la mesure-phare de ce projet de loi ; c’est donc au regard de cette simple et seule mesure que le groupe UDF s’est déterminé. Or le CPE est un contrat doublement trompeur, qui n’assure ni au salarié ni à l’employeur les garanties d’une relation stable et solide.

En effet, ce contrat installe le salarié dans la précarité d’une relation de travail qui, pendant deux ans, peut être interrompue à tout moment par l’employeur sans que le licenciement soit motivé. Il augmente ainsi l’insécurité juridique de l’employeur dans la mesure où l’absence de justification du licenciement ouvre la voie à une multiplication des recours devant les juridictions prud’homales. Ce constat achève de nous convaincre que la création du CPE est en contradiction avec la volonté jadis affichée par ce gouvernement de simplifier notre droit du travail. Vous y ajoutez un contrat supplémentaire avec ce régime spécifique et ses risques particuliers.

Nous sommes convaincus également que ce n’est pas avec le CPE que l’on donnera aux jeunes le sentiment qu’un avenir professionnel stable leur est accessible et qu’ils seront davantage respectés. A l’automne dernier, la crise des banlieues a été le symptôme d’une société qui a trop longtemps avancé dans l’ignorance d’une partie d’elle-même. Vous proposez le CPE comme solution ; c’est pour nous un contresens qui s’apparente à un non-sens. C’est la raison pour laquelle le groupe UDF ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Avant de donner la parole à l’orateur suivant, je vais d’ores et déjà faire annoncer le scrutin.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Muguette Jacquaint. La précipitation avec laquelle le Gouvernement tente de faire adopter son texte est indigne, nous le répétons. C’est une faiblesse que de vouloir légiférer dans ces conditions. Cela constitue la preuve que vos mesures, tout particulièrement le CPE, ne sont pas partagées.

Bousculer le Parlement comme vous le faites ne donnera pas davantage de crédibilité au CPE : 400 000 manifestants au mois de février, près d’un million hier et plusieurs milliers de femmes ce soir à Paris montrent que ce nouveau contrat de travail est rejeté massivement.

La jeunesse de notre pays, rejointe en cela par une majorité de salariés, ne veut pas d’un contrat de travail qui la soumet au droit divin de l’employeur. Elle ne veut pas d’un contrat de travail qui lui impose deux ans de mise à l’essai, sans protection, et qui peut être rompu à tout moment, sans justification, sans motivation. Elle ne veut pas de ce contrat de travail qui méprise toutes les recommandations internationales imposant une justification à la rupture du contrat de travail et des protections pour les salariés.

Avec le CPE, tous les abus seront possibles, comme on le voit déjà avec les nombreux contentieux auxquels donne lieu le CNE. Cette instabilité juridique n’est bonne ni pour les entreprises, ni pour les salariés, ni pour l’économie et l’emploi. D’ailleurs, le CNE n’a pas vraiment créé d’emplois. De l’aveu même du Premier ministre, un tiers de ces contrats aurait donné lieu à des créations d’emploi. Les deux tiers restant ont suscité des effets d’aubaine au profit des employeurs. Le CPE risque de connaître le même sort.

Puisque le Premier ministre dit qu’il attend des propositions concrètes, nous lui en ferons une dès la semaine prochaine, consistant à saisir l’opportunité des milliers de départs à la retraite attendus pour donner des emplois aux jeunes. Le Premier ministre nous dit aussi qu’il est temps d’écouter, de discuter, de faire preuve d’ouverture et de dialogue. Que ne faut-il pas entendre ! Cela fait en effet des semaines que les organisations syndicales, les associations de jeunesse, de nombreux élus et citoyens demandent un dialogue. Il est un peu tard. Dire cela aujourd’hui est une preuve de faiblesse, pire encore : une hypocrisie ! Nous aurions dû au moins pouvoir discuter, faire des propositions, mais cela a été impossible en raison du recours à l’article 49-3, sans parler de cette CMP organisée dans l’urgence, avec un vote solennel qui n’en est pas un.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet pour le groupe UMP.

M. Alain Joyandet. Ici nous nous adressons généralement à la présidence, au Gouvernement, à nos collègues, mais permettez-moi, monsieur le président, de m’adresser aussi, au-delà de cet hémicycle, à la jeunesse qui grâce aux nouvelles technologies peut nous écouter. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je veux dire à ces jeunes que le texte que nous nous apprêtons à voter contient de très grandes avancées sociales, qu’il s’agisse des mesures historiques contre la discrimination (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), de la réforme de l’apprentissage attendue par plus de 70 % des Français, ou du droit au logement et au crédit que nous ouvrons aux jeunes grâce au contrat à durée indéterminée qu’est le CPE. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Tout cela vient après le plan de cohésion sociale et les mesures pour le retour à l’emploi.

J’invite donc les jeunes à comparer ce qui leur est proposé à droite et ce qui leur est proposé à gauche ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je salue aussi les responsables socialistes qui ont osé dire que nous prenions de bonnes mesures, les mêmes d’ailleurs que dans certains pays européens dirigés par des socialistes. Mais les sociaux-démocrates restent malheureusement encore très minoritaires à gauche, ce qui fait que l’opposition a tout refusé, allant même jusqu’à voter contre le plan de cohésion sociale : c’est un comble !

Je tiens à dire aux jeunes que c’est la gauche qui a bloqué l’Assemblée nationale, qui a empêché le débat d’avoir lieu (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) en obligeant le Gouvernement à recourir au 49-3. Je dis donc aux jeunes : méfiez-vous de la démagogie. Ceux qui l’utilisent ne vous respectent pas et ne préparent pas la société de l’avenir.

En vérité, la gauche veut refaire son unité sur le CPE. Pendant que l’on parle du CPE, on ne traite pas des divergences entre ses leaders qui ne sont d’accord sur rien. Ils ne pensent qu’à discuter les responsabilités. Ils ne font aucune proposition, ne présentent aucun projet sérieux. Encore une fois j’invite les jeunes à comparer ce que proposent la droite et la gauche. Non, chers amis de l’opposition, nous n’avons pas les mêmes valeurs ! (Rires et vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour nous, le travail est une valeur. Il est la compensation de ce que l’État peut apporter à chacun de nos concitoyens.

Pendant trois semaines, nous avons dû faire face à une gauche irresponsable, sans projet, qui n’a pas hésité à bloquer l’Assemblée nationale, ce qui rend d’ailleurs nécessaire une véritable réflexion sur le fonctionnement de nos institutions, monsieur le président. Comme beaucoup ici, j’ai été choqué par le fait que l’opposition ne se contente pas de s’opposer, mais se permette de bloquer l’institution nationale sur un sujet d’intérêt général qui touche à l’avenir de la jeunesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour ma part, je suis fier de soutenir ce texte novateur, généreux et fraternel (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.), fier de refuser la démagogie comme l’immobilisme. Il faut aller de l’avant. Si nous ne tentons rien, rien ne changera. Le Gouvernement tente quelque chose de nouveau. Je suis convaincu que la jeunesse suivra et je sais que nous avons fait œuvre utile pour l’intérêt général, pour notre pays. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l’ensemble du projet de loi pour l’égalité des chances, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 1206, relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information :

Rapport, n° 2349, de M. Christian Vanneste, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)