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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 15 mars 2006

171e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

situation des Finances publiques

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, votre ministère vient de publier les perspectives économiques pour 2006-2007, qui montrent que la dérive des finances publiques se poursuit. En effet, les résultats définitifs de l’année 2005 montrent l’extrême gravité de la situation.

M. Didier Migaud. C’est vrai !

M. Charles de Courson. Le poids des dépenses publiques dans la richesse nationale s’est encore alourdi, atteignant le taux record de 54,2 %.

M. Didier Migaud. C’est vrai également !

M. Charles de Courson. Quant aux prélèvements obligatoires, ils ont eux aussi augmenté, atteignant le taux record de 44,3 % de la richesse nationale, niveau le plus élevé depuis 1999.

M. François Liberti. Oh là là !

M. Charles de Courson. Alors que le Gouvernement s’est engagé à respecter les deux critères de Maastricht imposant un déficit et une dette publique inférieurs respectivement à 3 % et à 60 % de la richesse nationale, notre endettement public a atteint 66,4 % en 2005, soit le niveau le plus élevé depuis la guerre.

M. Lucien Degauchy. Le Gouvernement n’est pas responsable de tout !

M. Charles de Courson. Notre déficit n’a été maintenu que d’extrême justesse sous la barre des 3 %, uniquement grâce à la comptabilisation d’une soulte de 7,7 milliards d’euros versée pour l’essentiel par EDF et GDF.

Il y a plus grave. Les perspectives pour 2006 sont tout aussi inquiétantes. Malgré des hypothèses optimistes du Gouvernement, supérieures à celles des prévisionnistes indépendants ou dépendant de la Commission européenne, les déficits publics ne baissent pratiquement pas, la pression fiscale et sociale ne diminue pas, le poids des dépenses publiques, malgré une sous-estimation de celles des collectivités territoriales et de la sécurité sociale, ne recule qu’à peine et la dette publique n’est qu’en très légère baisse.

M. le président. Avez-vous une question à poser, monsieur de Courson ?

M. Charles de Courson. Elle sera très simple. Devant la gravité d’un tel constat, quand le Gouvernement va-t-il enfin mettre en place les mesures correctrices que préconisent la Commission européenne ainsi que de nombreux experts, et qu’exige l’intérêt général, afin de redresser les finances publiques françaises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean Roatta. M. de Courson est dans l’opposition maintenant ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, bien que le Gouvernement ait pris les mesures nécessaires pour permettre aux finances publiques de retrouver la dynamique qui doit être la leur, nous n’avons pas exactement la même lecture de la situation.

Tout d’abord, nous avons connu pendant l’année 2005 une croissance qui, selon une estimation précoce de l’INSEE, s’élèverait à 1,4 %, alors que, vous le savez, on attendait plutôt un chiffre de 1,75 %.

M. Augustin Bonrepaux. On n’entend pas !

M. François Liberti. Articulez, monsieur le ministre !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Quant au petit sursaut mécanique auquel vous avez fait référence, établissant la dette à 66,4 % du PIB contre 65,8 % attendus, il tient simplement à un changement de numérateur.

Deuxièmement, nous avons eu de meilleures rentrées fiscales à la fin de l’année, qui nous ont apporté une trésorerie plus importante que celle que nous escomptions. Nous aurions pu affecter cet argent au remboursement de la dette publique, mais il nous a paru plus intéressant de le conserver pour faire face aux dépenses du début de l’année 2006. Reste une bonne nouvelle : la valeur absolue de cette somme, elle, n’a pas bougé !

En ce qui concerne la dynamique engagée par le Premier ministre pour réduire l’endettement et les déficits de la France, je rappelle que l’engagement a été pris, le 11 janvier, dans le cadre de la Conférence nationale des finances publiques, de proposer un plan quinquennal, dont nous débattons actuellement, Jean-François Copé et moi-même. Ce plan sera discuté devant le Parlement et nous nous engagerons ensemble, monsieur le député, à atteindre avant 2010 un endettement inférieur à 60 % et à faire passer le déficit public de 3 à 0 %.

Enfin, contrairement à ce que vous dites, à Bruxelles où j’étais encore avant-hier et hier, les perspectives de la France sont jugées de plus en plus conformes à la réalité.

Je ne partage donc pas du tout votre analyse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Néri. Zéro !

Contrat PrEmière embauche

M. le président. La parole est à M. Pierre Goldberg, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Pierre Goldberg. Monsieur le Premier ministre, votre politique, vos choix et votre philosophie enfoncent les jeunes étudiants et les jeunes déjà exclus du monde du travail dans le pire des marasmes.

Le résultat d’une politique au seul service du MEDEF,… (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Goasguen. Le MEDEF est contre le CPE !

M. Pierre Goldberg. …c’est l’exclusion des élèves les plus en difficulté dès l’âge de quatorze ans, le travail de nuit autorisé dès quinze ans et la punition des familles les plus fragiles par la suspension du versement des allocations familiales !

M. Alain Néri. Honteux !

M. Pierre Goldberg. Rien ne semble vous arrêter pour imposer d’une manière ou d’une autre, mais le plus souvent de façon autoritaire, un partage plus inégalitaire que jamais des richesses créées entre le capital et ses actionnaires, d’une part, et, d’autre part, le travail et les salariés.

Maintenant, pour poursuivre la casse du droit du travail, vous imposez le CNE instaurant la précarité pour les salariés de plus de vingt-six ans, et le CPE pour mieux exploiter les jeunes et les faire virer de l’emploi… (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je répète pour le cas où vous n’auriez pas compris : le CPE pour mieux exploiter les jeunes et les faire virer de l’emploi sans motif, ce qui aboutit purement et simplement à leur interdire tout rêve d’une vie meilleure. En effet, pendant deux ans, ils travailleront sans pouvoir commencer à construire leur avenir. Ce que vous leur offrez est terrible, monsieur le Premier ministre.

Mais vous avez commis une grave erreur. Dans votre volonté de déréglementation continue et autoritaire du droit du travail, vous avez compté sans la prise de conscience, la mobilisation, la protestation et surtout sans l’intelligence aiguisée du peuple de France qui, dans sa large majorité, vous condamne, à commencer par les jeunes qui, une nouvelle fois, assument avec lucidité et courage leurs responsabilités. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Goldberg, avez-vous une question à poser ?

M. Pierre Goldberg. J’y viens, monsieur le président !

Monsieur le Premier ministre, retirez le CPE pour débloquer la situation ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Retirez-le par respect pour le peuple français ! Retirez-le car vous êtes déjà déjugé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, nous avons reçu aujourd’hui même de l’ACOSS les chiffres du CNE, dont vous venez de parler longuement.

Je vous rappelle nos débats de juillet dernier. Nous vous disions alors que si une commerçante qui emploie deux ou trois personnes…

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. François Liberti. Cela ne prend plus !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …ou un artisan ou un petit chef d’entreprise ne sont pas certains d’avoir une activité suffisante et hésitent à embaucher, quitte à renoncer à une commande, il faut essayer de lever les freins à l’emploi. Neuf mois plus tard, nous en sommes à 355 000 contrats signés (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), dont 49 000 ce mois-ci (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire).

J’en viens au CPE et à une question très légitime que vous aviez posée. À vous entendre, le CNE allait s’imposer à tous dans toutes les entreprises. Nous vous avions répondu au contraire qu’il ne s’appliquerait que dans certains cas. Les chiffres sont là : le CNE représente 10 à 11 % des contrats. Autant dire qu’il n’est utilisé que lorsqu’il est nécessaire.

Comme vous aviez prétendu que le CNE se généraliserait dans les entreprises, vous essayez aujourd’hui de faire croire à la jeunesse de France que le CPE s’appliquera à tous les jeunes, alors qu’il sera réservé à ceux qui ont besoin d’une première expérience. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) Ces jeunes, vous les avez reçus dans vos permanences et ils vous l’ont dit : ils veulent travailler, mais on leur demande partout une expérience qu’ils n’ont pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Violences dans les stades

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Maxime Gremetz. Ce sont toujours les mêmes qui s’expriment !

M. le président. Taisez-vous, monsieur Gremetz !

M. Claude Goasguen. Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, ma question traite d’une forme de violence encore plus inacceptable que les autres, puisqu’elle se déchaîne à l’occasion de ce qui devrait être une manifestation de jeu, de sport, et que, depuis plusieurs années, les stades sont, notamment lors des matchs de football, le lieu de toutes les agressions, de toutes les haines raciales et de tous les débordements.

C’est ainsi que ce qui devrait être un avantage pour une circonscription – le fait de posséder un stade qui permet le développement de l’économie et du commerce – devient un handicap considérable. C’est le cas pour ma circonscription avec le Parc des princes, devenu trop souvent, hélas ! le lieu de tels affrontements. Il est temps d’en finir. (« Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Vous avez nommé un commissaire divisionnaire, M. Lepoix, et promis des mesures administratives. Nous demandons maintenant des sanctions sévères pour que les matchs de football redeviennent ce qu’ils ont toujours été : un moment de jeu, de sport et de joie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député, je veux d’abord rendre hommage au monde du rugby. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) En effet, dimanche dernier, le match France-Angleterre s’est déroulé remarquablement. Quatre-vingt mille spectateurs étaient rassemblés et il n’y a eu ni bagarre ni incident. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme Martine David. Démagogie !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. S’agissant du football, je voudrais associer à votre action celle de Pierre-Christophe Baguet. Ce qui se passe dans un certain nombre de stades ou de clubs est réellement inadmissible. Le 23 janvier, les députés ont voté un texte qui permet désormais aux préfets d’interdire administrativement de stade les supporters violents. J’ai pris aussitôt les décrets d’application. Le Conseil d’État a donné son feu vert hier. Cela signifie que la loi et le décret s’appliqueront dès dimanche prochain.

M. Christian Bataille. Nous sommes sauvés ! (Sourires.)

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Pour le PSG, trente individus seront interdits de stade et convoqués au commissariat de police pendant la durée du match, car il est de prétendus supporters qui font honte à leur club.

M. Christian Bataille. C’est ridicule !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Des supporters racistes et violents n’ont rien à faire dans les tribunes de nos stades. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Alors que hurlent ceux qui n’ont jamais rien fait (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), je remercie le groupe UMP d’avoir fait inscrire dans sa niche parlementaire du mois d’avril une proposition de loi qui permettra de dissoudre certaines associations de supporters qui font honte à leur club. Je demande au Parlement de voter ces mesures. Ainsi, à l’instar des Anglais et des Espagnols, nous aurons des stades où l’on pourra revenir en famille. Il n’était que temps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Christian Bataille. Aucun intérêt national !

CONTRAT PrEmière eMBAUCHE

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré dimanche soir à la télévision être à l’écoute des jeunes Français, de ceux qui manifestent et de ceux qui veulent étudier. Mais il ne suffit pas d’écouter ; encore faut-il entendre ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Il faut entendre les organisations étudiantes, les syndicats de salariés, les présidents d’université, l’ensemble de la gauche et les élus de l’UDF ou même de l’UMP qui demandent le retrait du CPE.

Face à cette demande, vous vous tenez droit dans vos bottes – plutôt dans vos escarpins, d’ailleurs (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) – et vous demeurez sourd. Vous n’entendez même pas un de vos ministres qui demande une expérimentation de six mois du CPE, non plus qu’un de vos prédécesseurs à Matignon qui voudrait que soient précisées les obligations de l’employeur et les motivations du licenciement. Vous ne voyez même pas qu’un de vos ministres, la semaine dernière, a quitté l’hémicycle lorsqu’il était interrogé sur le CPE – certainement pour mieux vous soutenir ! (« Borloo ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous avez fait passer le CPE avec brutalité, refusant le dialogue social, refusant le débat parlementaire, utilisant le 49-3 alors que vous bénéficiez d’une majorité écrasante et passant en force pour éviter la réaction des jeunes et des Français. Pourquoi tant de précipitation si ce n’est pour masquer que le CPE est bien un contrat précaire ?

« Travailler plus pour gagner plus », disiez-vous pour mieux attaquer les 35 heures ; or nous constatons aujourd’hui la baisse du pouvoir d’achat. De même, vous prétendez vouloir aider les jeunes avec le CPE, alors que vous en faites une « génération précarité » (« Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et que vous portez gravement atteinte au code du travail en permettant de licencier à tout moment sans motif.


Monsieur le Premier ministre, où conduisez-vous le pays ?

M. Jean-Marie Le Guen. Dans le mur !

M. Jean-Paul Bacquet. Depuis quatre ans, vous collectionnez les records de déficits, qu’il s’agisse de celui, historique, du commerce extérieur, de celui de la sécurité sociale ou de la dette. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Posez votre question, je vous prie.

M. Jean-Paul Bacquet. Demain, vous détiendrez le record de l’impopularité, car vous conduisez, hélas ! le pays au désespoir, voire au désordre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, il ne suffit pas d’écouter : il faut entendre. Il est urgent de retirer le CPE, car la colère gronde contre l’inacceptable et vous en êtes pleinement responsable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Vous savez pertinemment que notre collègue a raison !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, il y a environ un an, lors de la campagne pour les élections régionales, nous avons entendu de grandes déclarations du parti socialiste, qui nous a expliqué qu’il allait s’occuper de l’emploi des jeunes…

M. Augustin Bonrepaux. N’esquivez pas : répondez à la question !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. … et créer 100 000 « emplois tremplin » en un an. Où sont-ils ?

M. Julien Dray. Ils ont été créés. Sortez un peu de votre ministère !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ils ne sont pas stabilisés, ne sont pas de vrais emplois et restent pour le moins confidentiels. Pendant ce temps, nous avons créé 135 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Julien Dray. Vous n’y connaissez rien ! Venez visiter l’Île-de-France !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, des nuances peuvent exister, nous pouvons avoir des manières différentes de nous exprimer mais, dans le combat que nous menons pour laisser une chance aux jeunes et leur offrir un véritable passeport pour l’emploi, nous sommes tous solidaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

conseil des ministres franco-allemand

M. le président. La parole est à Mme Irène Tharin, pour le groupe UMP.

Mme Irène Tharin. Monsieur le ministre des affaires étrangères, le Président de la République Jacques Chirac et la Chancelière allemande Angela Merkel se sont réunis hier à Berlin à l'occasion d'un conseil des ministres franco-allemand. Cette réunion de travail avait notamment pour objet de forger une position commune à l'approche du prochain Sommet européen des 23 et 24 mars.

De nombreux sujets ont été évoqués par les deux chefs d'État, parmi lesquels le contenu de la nouvelle « directive services », qui a été récemment réécrite par le Parlement européen dans un sens beaucoup plus respectueux de la législation du travail de chaque État membre et protecteur du droit des salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Cette réunion a également porté sur la définition d'une stratégie commune européenne dans le domaine de l'énergie. On mesure en effet aujourd'hui combien une politique énergétique commune s'impose en Europe face aux défis qui attendent chacun des États membres dans ce secteur sensible. En effet, le marché de l'énergie est important, non seulement parce qu’il en va de la compétitivité internationale de nos fleurons industriels, mais aussi parce que ce secteur stratégique conditionne notre indépendance.

Enfin, cette réunion a permis d'évoquer les enjeux d'avenir pour l'Union européenne, en particulier les efforts budgétaires qui vont être consentis dans le domaine de la recherche, car l’on sait que c'est en allant dans cette direction que l'Europe assurera dans le futur ses capacités à créer de la croissance économique et restera un acteur international de premier plan.

Monsieur le ministre, ces sujets sont importants pour l'avenir de l'Europe et pour l'avenir de la France en Europe et dans le monde. Pouvez-vous détailler à la représentation nationale les conclusions que le Président de la République et la Chancelière allemande ont pu tirer de cette journée de travail et pouvez-vous nous confirmer que le couple franco-allemand demeure bien le moteur de la construction européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Madame la députée, nous pouvons tirer deux enseignements du sixième conseil des ministres franco-allemand.

Le premier, c’est la large convergence de vues entre l’Allemagne et la France dans la préparation du prochain Conseil européen, qui aura lieu la semaine prochaine. D’abord sur l’énergie, car nous défendrons ensemble la même politique européenne de l’énergie, fondée sur la sécurité de l’approvisionnement et le respect de l’environnement. Ensuite sur la « directive services », puisque nos deux pays défendront ensemble l’approche équilibrée du Parlement européen.

Le deuxième enseignement, c’est la qualité de la coopération bilatérale, notamment dans le domaine de la recherche et de l’innovation, puisque – c’est l’Europe des projets, dont parlait le Premier ministre – trois projets très concrets verront le jour : concernant Internet, le moteur de recherche franco-allemand Quaero ; en matière de recherche médicale, l’IRM franco-allemand destiné au dépistage des maladies neuro-dégénératives ; enfin, le projet biophotonique, que le ministre de la recherche, M. Goulard, a présenté hier au conseil des ministres. Nous avons également signé deux accords, l’un sur la sécurité routière, l’autre sur l’interconnexion des trains à grande vitesse.

Le couple franco-allemand va bien et ce conseil des ministres a été très constructif. Comme l’a dit hier la Chancelière Angela Merkel, « nous voulons faire comprendre que la France et l’Allemagne sont le moteur de la coopération européenne. » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

emploi des seniors

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour le groupe de l’UMP.

M. Laurent Wauquiez. Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement,…

M. Christian Bataille. Retirez le CPE !

M. Laurent Wauquiez. … le débat actuel se concentre sur l’emploi des 20-30 ans mais, quelles que soient les convictions des uns et des autres, il ne doit pas éclipser la situation des personnes qui se situent à l'autre bout de l'échelle démographique, les seniors.

Quelques chiffres suffisent à planter le décor : le taux d'emploi des seniors est de 38 % en France, de 70 % en Suède et de 60 % au Royaume-Uni. C'est une honte pour notre pays et, surtout, une souffrance pour les seniors qui, à mesure qu'ils avancent en âge, se voient exclus de fait du marché de l'emploi.

Cette situation est le résultat de la politique malthusienne qui a été pratiquée depuis 1981, il faut avoir le courage de le reconnaître, par toutes les majorités. On pensait que, pour faciliter l'emploi des jeunes, il fallait inciter les seniors à partir en retraite.

Cette vision résignée du travail est une erreur majeure, car les pays qui réussissent gagnent sur les deux fronts : l’emploi des jeunes et celui des seniors. Le principal défi pour notre pays est de maintenir la solidarité entre les générations.

Nous devons donc rompre avec ce passé et ces erreurs que nous avons trop longtemps entretenues. Vous avez déjà mis en place des mesures importantes, comme l'encadrement des préretraites, le renforcement de la formation continue, le cumul emploi-retraite ou le plan santé au travail – mesures qui ont d'ailleurs été appliquées avec succès par des entreprises telles que le groupe Michelin – et ces questions ont fait l'objet d'un accord interprofessionnel signé par les partenaires sociaux.

Aujourd’hui, il faut aller plus loin. Vous avez annoncé dernièrement l'adoption d'un plan national d'action. Quels sont, très concrètement, les mesures que vous envisagez de prendre, les moyens qui seront mis en œuvre et les objectifs que vous vous fixez ? Aujourd'hui, c'est sur le terrain qu’il faut redonner un sens à l’expression « emploi des seniors ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, au fond, lorsque le Premier ministre a lancé sa bataille pour l’emploi, il entendait répondre à trois questions : celle des jeunes, qui veulent travailler, mais à qui l’on dit qu’ils manquent d’expérience – c’est le débat actuel –, celle des salariés expérimentés, mais à qui l’on dit qu’ils sont trop âgés – c’est la question de l’emploi des seniors – et celle des chefs de petites entreprises, qui hésitent à recruter : c’est le CNE. Telles sont les trois sujets de la bataille pour l’emploi, les trois caractéristiques qui nous distinguent de nos partenaires européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

S’agissant des seniors, un travail en profondeur a été fait. Le Gouvernement a lancé un plan national pour l’emploi des seniors…

M. Augustin Bonrepaux. On voit le résultat !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …et les partenaires sociaux – six organisations – ont signé, le 13 octobre dernier, un accord interprofessionnel qui a été définitivement conclu ces derniers jours.

Cet accord prévoit notamment des CDD de dix-huit mois renouvelables une fois, afin de permettre aux seniors d’apporter leur expérience dans un cadre qui n’est pas celui du CDI traditionnel, un bilan de milieu de carrière dès quarante-cinq ans et l’adaptation des conditions de travail à cette période de la vie.

Gérard Larcher présentera, à la fin du mois, l’ensemble des mesures – trente et une – qui, comme l’avait demandé le Premier ministre, ont été discutées en profondeur avec les partenaires sociaux. Pour ce secteur, nous faisons du « spécifique », comme nous l’avons fait pour les petites entreprises et comme nous le faisons pour une certaine partie des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

contrat de location a l’essai

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe socialiste.

M. Michel Vergnier. Monsieur le Premier ministre, nous vous répétons inlassablement que, avec le CNE et le CPE, vous généralisez la précarité. C’est un fait, et j'en veux pour preuve la déclaration de l'Union nationale de la propriété immobilière, qui – et je cite la dépêche AFP de ce jour – vient de se déclarer « favorable à l'introduction d'un nouveau type de contrat de location dit à l'essai, directement inspiré du CPE. »

Aux neuvième et vingt-et-unième mois, le propriétaire pourrait donner congé au locataire avec un préavis de trois mois. Au bout de deux ans sans préavis, le bail rentrerait dans le droit commun.

Les propriétaires, nous dit-on, veulent des locataires convenables et des loyers corrects.

M. Claude Goasguen. Et alors ?

M. Michel Vergnier. « Ce bail à l'essai induit une certaine précarité, mais c'est mieux que de ne pas avoir de logement », a poursuivi M. Perrin, dont l'idée a germé il y a six mois, au moment de la mise en place du CNE et de la proposition de CPE par le Gouvernement. Il y a peu de chance, indique-t-il avec cynisme, qu’un jeune se retrouve licencié et privé de logement au même moment.

Cette proposition vous a été soumise, monsieur le Premier ministre, mais on a demandé de ne pas l’ébruiter tout de suite car ce n’était pas le bon moment, compte tenu de l’ambiance actuelle. Pouvez-vous nous donner très clairement la position de votre gouvernement sur ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Vergnier, je suis un peu stupéfait que l’on n’ait pas demandé à un spécialiste du logement de poser cette question, car cela fait des années que, à chacun de ses congrès, cette organisation formule la même revendication. Elle m’a été présentée alors que je venais d’être nommé au ministère de la ville et elle est adressée périodiquement à tous les gouvernements depuis plusieurs années.

La question qui est posée est celle des logements vacants (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) que les propriétaires hésitent à louer.


Si vous aviez été si sensible à ce problème, monsieur Vergnier, vous auriez soutenu la loi sur l’engagement national pour le logement. Contrairement à ce que vous affirmez, le dispositif Locapass renforce le droit des titulaires de CNE ou de CPE à obtenir un logement. Nous avons prévu un allégement de l’impôt sur le revenu pour les propriétaires qui décideraient de remettre sur le marché un logement vacant dans les dix-huit mois qui viennent, à hauteur de 30 % du montant des loyers perçus. Ne vous en déplaise, nous ne faisons que consolider l’accès au logement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Vidalies. Vous n’avez pas répondu à la question !

blocage des universités

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Colot, pour le groupe de l’UMP.

Mme Geneviève Colot. Monsieur le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, quinze universités sur quatre-vingt-quatre sont actuellement fermées.

M. Maxime Gremetz. Bien plus !

Mme Geneviève Colot. Des groupuscules extrémistes souvent incontrôlés aggravent la situation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Des affrontements violents ont lieu et des blessés sont à déplorer. Il convient de saluer le sang-froid et la maîtrise dont font preuve les forces de l’ordre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le ministre, une nouvelle fois, la liberté du plus grand nombre est bafouée, la démocratie niée. Dans certaines assemblées générales, le vote à main levée est imposé et le vote à bulletin secret refusé.

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. La belle affaire !

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est la démocratie de gauche !

Mme Geneviève Colot. Les locaux sont bloqués, inaccessibles à ceux qui veulent continuer de travailler. C’est donner raison à la violence !

M. François Liberti. Elle vient de vous, la violence !

Mme Geneviève Colot. En Essonne, des manifestations spontanées d’étudiants qui souhaitent suivre leurs cours ont lieu, soutenues par un grand nombre d’élus de votre majorité réunis en comité.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que nos jeunes qui veulent travailler puissent le faire, pour que leurs droits soient reconnus et que la démocratie soit défendue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche.

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Madame la députée, à ce jour, quinze de nos quatre-vingt-quatre universités sont en effet bloquées, souvent par une minorité, et une trentaine sont partiellement perturbées. C’est dire, mesdames et messieurs les députés, que la majorité des locaux universitaires est accessible aux étudiants qui souhaitent travailler.

M. Maxime Gremetz. Tout va bien ! Il ne se passe rien !

M. le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Aujourd’hui, une majorité d’étudiants sont au travail, parce qu’ils en ont décidé ainsi ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Une immense majorité des présidents d’université, quant à eux, font en sorte que la liberté d’étudier soit assurée et je rends hommage à leur esprit de responsabilité. Ils savent, en effet, qu’une formation de qualité est le plus sûr moyen d’accéder à l’emploi et nous travaillons d’ailleurs ensemble depuis des mois à améliorer les formations universitaires, ce qui constitue, comme le CPE, un enjeu essentiel en termes d’accès à l’emploi. Encore faut-il que les étudiants puissent travailler comme ils le souhaitent.

Cet appel à la responsabilité que vous lancez, madame la députée, cet appel au respect de la liberté d’autrui et au respect de l’intérêt des étudiants, nous le lançons avec vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

journée « portes ouvertes »
dans les palais de justice

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe UMP.

M. Guy Geoffroy. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux. Hier, partout en France, ont été organisées à l’initiative des magistrats des opérations « portes ouvertes » auxquelles de très nombreux élus ont eu l’occasion de participer. Certains membres de la commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau se sont ainsi rendus hier matin au palais de justice de Paris.

De l’avis unanime, ces rencontres ont été positives. Elles ont permis de nouer, d’entretenir ou de développer des contacts et des échanges à un moment où la justice est interrogée – et s’interroge elle-même – sur sa place dans la société et doit rendre compte de son travail au peuple au nom duquel elle rend ses décisions.

J’ai deux questions à vous poser, monsieur le garde des sceaux. La première consiste simplement à vous demander si vous entendez renouveler ce type d’opération. La seconde est relative à un aspect qui a tenu une grande place lors de ces échanges, celui des moyens (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), étant toutefois précisé que la question de la justice – et c’est valable pour les autres secteurs de l’action de l’État – ne saurait se résumer à celle des moyens qui lui sont consacrés.

La majorité et les gouvernements qui se sont succédé depuis 2001 ont considérablement fait progresser notre justice en matière d’organisation, de structuration et de moyens. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, sur quelles bases vous allez continuer à mettre en ordre de marche notre justice dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation pour la justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je me réjouis de l’opération « portes ouvertes » organisée hier par l’ensemble des syndicats de magistrats, à laquelle certains parlementaires et nombre de Français ont en effet participé dans l’ensemble de la France. Je m’en réjouis d’autant plus que, le 16 février dernier, j’ai réuni les chefs de cours pour leur suggérer d’ouvrir les portes de leur juridiction cet automne, à l’occasion de journées que nous appellerons « Justice ouverte », destinées à faire comprendre aux Français et à leurs représentants le travail quotidien de la justice – en un mot, à leur faire comprendre comment fonctionne la justice.

Un tel rapprochement est indispensable, et nous savons en particulier depuis les travaux de la commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau combien les Français le souhaitent. Je rappelle à ce propos que ce sont des centaines de décisions de justice de qualité qui sont rendues chaque jour par nos magistrats, et que la justice ne se résume évidemment pas à cette affaire.

En ce qui concerne votre deuxième question, relative aux moyens, je veux souligner que le retard dont souffre le budget de la justice ne date pas d’hier. C’est votre assemblée qui a voté en 2002 la loi d’orientation et de programmation de la justice voulue par le président de la République, qui a permis en quatre ans de faire passer ce budget de 1 milliard à près de 6 milliards d’euros, ce qui représente une hausse de près de 25 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pour autant, nous sommes encore loin de ce que j’estime nécessaire, et j’appelle de mes vœux une autre loi d’orientation et de programmation de la justice entre 2007 et 2012. Ainsi, tous ensemble, nous témoignerons de nos grandes ambitions pour la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

finances de l’hôpital public

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste.

M. Gérard Bapt. Ma question est relative à la situation des hôpitaux et s’adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités. Elle s’adresse également à M. le Premier ministre, car il serait bon que le Gouvernement s’abstienne, sur ce sujet, de faire preuve d’un entêtement comparable à celui qu’il a montré sur le CPE, s’il veut éviter le déclenchement d’un autre conflit social majeur.

Monsieur le ministre, au moment où les services d’accueil des urgences sont chroniquement saturés malgré le plan urgence, au moment où l’on attend un début de concrétisation du plan santé mentale un an après son annonce, au moment où les tarifications des actes en cancérologie ont diminué de 7 % en moyenne malgré la mise en œuvre du plan cancer lancé à l’initiative du Président de la République, au moment où quelque 600 millions d’euros de crédits engagés ont été reportés sur les budgets 2006 du fait d’une carence budgétaire en 2005, voilà qu’une insuffisance de financement record, de l’ordre de 1,2 à 1,5 milliard d’euros…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est faux !

M. Gérard Bapt. …va affecter le fonctionnement de nos hôpitaux cette année ! La raison en est l’insuffisance de l’ONDAM hospitalier figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale que vous avez votée, messieurs de la droite, mais aussi la circulaire budgétaire que vous venez d’adresser aux établissements, qui comporte notamment une diminution de 1 % en moyenne des tarifications d’actes.

Les hôpitaux seront mis dans l’incapacité de maintenir l’emploi et dans l’obligation de reporter des investissements au moment où les pouvoirs publics leur demandent, à juste titre, de se préparer à une éventuelle pandémie de grippe aviaire !

Monsieur le ministre, allez-vous donc, alors qu’on leur demande toujours plus, donner enfin à nos hôpitaux les moyens d’assumer toutes leurs missions, ou bien le Gouvernement va-t-il rester aussi sourd qu’il l’est pour le CPE, au risque de déclencher de nouveaux conflits majeurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, quand on n’a pas d’idées ni de propositions pour l’hôpital, il est certainement plus confortable d’assener des contrevérités, comme vous venez de le faire pendant deux minutes trente ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste –Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Puisque vous avez participé aux débats dans le cadre du PLFSS, vous savez comme moi que l’hôpital disposera de 2 milliards d’euros de plus à la fin de l’année 2006 qu’à la même date en 2005, et que l’ONDAM hospitalier progressera encore cette année. En vérité, votre intervention vous a été inspirée par la Fédération hospitalière de France, qui a publié un communiqué auquel j’ai répondu aussitôt pour remettre les pendules à l’heure. Il y a eu pendant des années des reports de charges mais cette année, justement, et pour la première fois, l’ONDAM tient compte des 650 millions d’euros qui ont déjà été intégrés et pris en charge au titre des dépenses.

M. Christian Bataille. Votre réponse n’est pas claire !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Quant aux missions d’intérêt général, monsieur le député, elles augmentent cette année de 12,6 %, ce qui n’a jamais été le cas.

En ce qui concerne le dialogue social avec les organisations, j’ai ouvert avec l’ensemble des organisations représentatives du personnel…

M. Jean-Marie Le Guen. Comme d’habitude !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …tous les chantiers qui les concernent. Si vous vous intéressez au dossier de l’hôpital, faites des propositions ! Pour l’instant, nous n’avons rien vu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

comportement de responsables politiques

M. le président. La parole est à M. Jacques Domergue, pour le groupe de l’UMP.

M. Jacques Domergue. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous interroger sur la dérive que nous avons observée ces derniers mois dans l’attitude et dans les propos de plusieurs hommes et femmes politiques.

Quand j’entends un ancien président de l’Assemblée nationale, M. Emmanuelli, dire lors des débats sur le droit d’auteur que ce n’est pas le texte qu’il faut retirer, mais le ministre, je suis outré ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Quand je vois Mme Ségolène Royal, présidente de la région Poitou-Charentes et présidentiable présumée, interdire à des entreprises qui veulent créer des emplois le bénéfice des aides de l’État sous prétexte que ces emplois feront appel au CPE ou au CNE, je dis que c’est un scandale ! (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Elle bafoue la loi et elle met en danger l’emploi dans sa propre région !

Quand le président de ma propre région, Georges Frêche, accuse les forces de l’ordre d’être responsables des émeutes…

M. Julien Dray. Et le résultat des dernières cantonales, vous vous en souvenez ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Socialiste voyou !

M. Jacques Domergue. …quand cet homme, en présence d’un Jack Lang rendu sourd, traite nos compatriotes les harkis, dont certains sont morts pour la France, de « sous-hommes » – un mot que nous n’avions pas entendu depuis les heures les plus sombres de notre République – je dis que c’est une honte pour notre région ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)


Alors, monsieur le ministre, je m’interroge sur l’image que ces hommes et ces femmes donnent à notre jeunesse et à notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Et toi, tu t’es vu ?

M. Jacques Domergue. Comment voulez-vous que nous soyons respectés dans cet hémicycle si nous ne donnons pas l’exemple ? Comment voulez-vous que les jeunes se reconnaissent dans les hommes politiques et ne s’éloignent pas de nous ?

Devant ces comportements indignes, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pouvez-vous donner votre sentiment pour celles et ceux qui prétendent à de hautes fonctions ? Rappelez-leur ces règles élémentaires de la démocratie et de la République qui s’imposent à tous, y compris aux membres de l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Quel scandale !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean Glavany. Copé faisant la morale : c’est un comble !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Domergue, les dérives auxquelles nous avons assisté à gauche, ces derniers temps,…

M. Jean Glavany. N’importe quoi !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …doivent avoir en effet une explication. On peut en tout cas y réfléchir. Peut-être sont-elles dues tout simplement au fait que la gauche française n’a plus de ligne politique claire ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et comme elle ne propose ni n’assume rien, elle recourt donc à la langue de bois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) De fait, quand on entre dans le détail, il y a un décalage incroyable entre un parti socialiste français qui ne regarde pas la réalité telle qu’elle est, et les partis socialistes espagnol et allemand qui, eux, font preuve de courage dans les réformes. (Les députés du groupe socialiste et du groupe communiste et républicain se lèvent et se dirigent vers les bancs du Gouvernement. – Mmes et MM les huissiers s’interposent.)

M. Augustin Bonrepaux. C’est une honte !

M. Bernard Roman. C’est incroyable !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Copé démission !

M. le président. Du calme !

Monsieur Copé, poursuivez votre intervention. (La voix de l’orateur est couverte par les protestations des députés du groupe socialiste et du groupe communiste et républicain.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Votre attitude, mesdames et messieurs, illustre votre conception du dialogue ! (Les députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent.)

M. Didier Mathus. C’est scandaleux !

M. Christian Paul. C’est nul ! C’est zéro !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Copé démission ! Copé démission ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Messieurs les députés, sortez, si vous le souhaitez !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Dehors ! Dehors !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Non, c’est au ministre de quitter l’hémicycle ! Les députés sont chez eux, ici ! (Les députés du groupe socialiste et du groupe communiste et républicain restent debout et groupés au bas des travées et scandent « Des excuses ! Des excuses ! »)

Grippe avaire

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, pour le groupe de l’UMP.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, levez la séance !

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, la psychose s’installe peu à peu. L’épizootie de grippe aviaire suscite en effet toutes les inquiétudes. (Les députés du groupe socialiste et du groupe communiste et républicain scandent : « Copé démission ! Copé démission ! »)

M. le président. Vous donnez un spectacle épouvantable ! Quittez tranquillement l’hémicycle !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Non !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est au ministre de sortir !

M. le président. Poursuivez, monsieur Morel-A-L’Huissier ! (Protestations redoublées des députés du groupe socialiste et du groupe communiste et républicain rassemblés au pied de la tribune.– Le brouhaha couvre entièrement la voix de l’orateur.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Dehors ! Dehors !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes ici chez nous !

M. le président. Vous avez le droit de manifester. Mais faites-le dehors ! Faites preuve d’un peu de dignité !

Poursuivez, monsieur Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Cela a commencé dans les rayons de boucherie. Aujourd’hui, une quarantaine de pays, hors Union européenne, applique un embargo total sur les importations de volailles françaises. Les oiseaux migrateurs sont attendus avec crainte. Les cas de comportements irrationnels se multiplient – comme dans cette assemblée, cet après midi. Les maires, les services vétérinaires, les pompiers et la police reçoivent chaque jour des coups de téléphone à ce sujet. Les cellules d’information se multiplient, ici et là. Le Gouvernement a lui-même mis en place un numéro vert pour répondre à toutes les interrogations. Les communes de France ont également reçu une instruction des préfets sur les mesures à prendre.

Au-delà de l’action du Gouvernement, l’OMS dénombrait récemment 177 cas humains de grippe aviaire dans le monde depuis le début de l’épidémie en 2003, dont 98 se sont soldés par la mort du malade. Ce type d’information fait incontestablement peur.

Monsieur le ministre, je connais votre implication et celle du Gouvernement sur ce dossier. Je salue en outre toutes les initiatives prises en la matière. Je crains cependant que la psychose ne s’installe durablement dans notre pays. (Les députés du groupe socialiste et du groupe communiste et républicain, toujours debout et groupés au bas des travées, scandent : « Copé, des excuses ! Copé, des excuses ! »)

Monsieur le ministre, vous avez déjà fait beaucoup et je vous en remercie. Mais, aujourd’hui, au regard de l’ampleur de l’angoisse, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre encore pour rassurer la population française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Claquements de pupitres et huées ininterrompus.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Monsieur le président, levez la séance !

M. le président. Ce n’est pas vous qui m’imposerez cette décision ! Sortez tranquillement ! Faites preuve d’un peu de dignité !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Dehors ! Dehors !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur Morel-A-L’Huissier, sur un sujet comme celui de la grippe aviaire, pour lequel nous devons tous nous mobiliser, ce sont les Français qui nous donnent l’exemple de la sérénité, du calme et du bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ils attendent que, dans la concertation et la transparence, nous disions tout ce que nous savons et ce que nous faisons pour améliorer notre plan de lutte contre cette maladie.

Que ce soit par le biais de notre action avec le ministère de l’agriculture au niveau de la consommation, de l’instauration du numéro d’information à destination du grand public ou de notre site, nous voulons donner aux Français les réponses aux questions qu’ils se posent.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Copé voyou !

M. Didier Mathus. Copé et son appartement de fonction !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous avons décidé d’améliorer en permanence le plan français avec de nouveaux moyens de protection mais surtout en communiquant. Le Premier ministre a ainsi souhaité que, dès le mois prochain, nous développions l’information auprès des acteurs de santé qui seraient en première ligne, et du grand public. Une chose est certaine : la psychose n’est pas une fatalité. Nous avons fait le pari de la transparence et de l’information, et nous savons pouvoir compter sur la sérénité et le bon sens des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, alors que le brouhaha n’a pas cessé.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance est suspendue.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Jean-Luc Warsmann.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

saisine pour avis d’une commission

M. le président. J’informe l’Assemblée que la commission de la défense nationale et des forces armées a décidé de se saisir pour avis du projet de loi portant création d’une délégation parlementaire pour le renseignement.

rappel au règlement

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je souhaite revenir sur les incidents qui ont marqué cet après-midi la séance des questions au Gouvernement.

Nous assistons depuis plusieurs semaines à un véritable dévoiement de cette séance par certains membres du Gouvernement et une partie des députés de la majorité.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Pas du tout !

M. Jean-Marc Ayrault.. La situation s’est encore aggravée et a atteint cet après-midi son paroxysme avec la question d’un député de l’UMP et la réponse téléphonée du ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, Jean-François Copé. Pour l’opposition, c’est inacceptable, comme cela doit l’être pour l’ensemble de la représentation nationale !

Sans reprendre l’expression grandiloquente du Premier ministre qui, venant nous annoncer le recours à l’article 49-3, a parlé de « l’amphithéâtre de la démocratie », je vous rappelle que l’Assemblée est le lieu de la représentation des Français, qui nous ont accordé leur confiance et nous ont donné mandat de les représenter dans leur diversité.

Les séances des questions au Gouvernement, qui ont lieu les mardi et mercredi après-midi, donnent aux députés, de la majorité comme de l’opposition, l’occasion de vivre des moments forts avec le Gouvernement. Ces moments importants de la démocratie exigent du Gouvernement une écoute attentive et des réponses précises.

Les députés interrogent le Gouvernement avec leur passion et leurs convictions, et ce n’est pas toujours un moment de tendresse. Ils attendent des ministres qu’ils ne s’expriment pas comme du haut de la tribune du congrès de l’UMP, mais qu’ils donnent des réponses concrètes et précises.

Il arrive parfois que les députés de la majorité utilisent cette séance pour mettre en cause des personnalités de l’opposition, qui plus est membres de l’Assemblée nationale. Lorsqu’un député est mis en cause, tant par un membre du Gouvernement que par un député de la majorité, pendant les questions au Gouvernement, il ne peut répondre car le Règlement l’interdit. C’est d’une partialité insupportable, et c’est surtout une méthode inacceptable ! Nous ne pouvons pas continuer ainsi.

Je m’adresse au représentant du Gouvernement qui se trouve parmi nous, le ministre de la culture et de la communication, pour qu’il demande en notre nom au Premier ministre de prendre ses responsabilités. Il est temps que tous les membres du Gouvernement soient rappelés à leur devoir, et les députés de l’UMP à un peu plus de respect !

Plusieurs députés du groupe UMP. Surtout ceux de l’opposition !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous le demandons solennellement, pour pouvoir poursuivre nos travaux dans des conditions de dignité et de respect mutuel acceptables. Nous n’avons pas de leçons de politique à recevoir, ni du Gouvernement, ni de personne !

Plusieurs députés du groupe UMP. Nous non plus !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous demandons simplement à la majorité d’utiliser des arguments politiques plutôt que de recourir à des attaques personnelles. Nous comprenons bien que le Gouvernement est dans une situation difficile…

Plusieurs députés du groupe UMP. Pas du tout !

M. Christian Paul. Il est aux abois !

M. Jean-Marc Ayrault. …et que la tentation est grande pour lui de caricaturer ses adversaires politiques. Mais il donne ainsi le sentiment de perdre son sang-froid, de craindre l’avenir, d’avoir perdu la confiance. Le Premier ministre doit se ressaisir s’il veut rester digne des éminentes fonctions qu’il occupe ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je vous demande donc, monsieur le ministre, d’être notre porte-parole auprès du Premier ministre pour qu’il demande à tous les membres du Gouvernement de faire en sorte que les séances des questions au Gouvernement se déroulent à nouveau normalement : chacun s’interpelle, sans complaisance certes, mais dans le respect des convictions des autres. Quoi qu’il en soit, vous n’empêcherez pas l’opposition de jouer son rôle !

M. Patrice Martin-Lalande. Qu’elle le joue dignement !

M. Jean-Marc Ayrault. Son rôle est de représenter une partie des Français, critiquer le Gouvernement et contrôler son action. Elle continuera de faire son travail, quelles que soient les méthodes d’intimidation utilisées par le Gouvernement et la majorité ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Paul. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le ministre, j’attends que vous rassuriez la représentation nationale, que vous montriez le respect du Gouvernement envers l’opposition, bref que vous rétablissiez la dignité du Parlement. Surtout, il faut montrer aux Français qu’il ne s’agit que d’un incident, même s’il s’est répété depuis plusieurs semaines, et qu’une prise de conscience a eu lieu. Nous ne revivrons pas de tels moments, qui ont obligé les députés de gauche à se lever pour protester et exiger du Gouvernement le retour des conditions normales du débat démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je vous donne acte, monsieur le président Ayrault, de votre rappel au règlement !


M. le président.
Nous allons passer au projet de loi sur les droits d’auteur…

M. Augustin Bonrepaux. Nous avons interrogé le Gouvernement !

M. le président. Dès que M. le ministre souhaitera s’exprimer, il le fera !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Ayant été interpellé, je voudrais répondre, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, dans cette assemblée, nous avons, dans le respect de nos convictions, une certitude : ce lieu est celui de la liberté d’expression reconnue à chacun par les lois de la République. Je le dis avec un peu de force, mais aussi d’humour, parce que je crois avoir moi-même fait l’objet d’un certain nombre de propos qui dépassaient peut-être les limites du strict débat démocratique. (« Absolument ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mais je crois que nous sommes dans une période passionnée, difficile, violente où les antagonismes, au sein de la société française et même sur le plan international, sont des réalités et vont le demeurer. La responsabilité de chacun est de savoir, dans le respect total de la liberté d’expression reconnue à tous, ne pas dépasser une ligne au-delà de laquelle le propos devient une attaque personnelle. Cela peut nous réunir. En tout cas, c’est l’état d’esprit dans lequel je suis, comme l’ensemble du Gouvernement, pour répondre en permanence aux interpellations, aux critiques, aux propositions, avec la vivacité qui peut exister dans cet hémicycle. Il est d’ailleurs possible de retrouver, si l’on est passionné par l’histoire du Parlement, des débats qui furent forts et animés ici même. Ce lieu est celui de la liberté, de la vivacité d’esprit, dans le respect mutuel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

DROIT D’AUTEUR
dans la société de l’information

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (nos 1206, 2349).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles et s’est arrêtée à l’amendement n° 259 rectifié à l’article 8.

Article 8 (suite)

M. le président. Nous abordons donc la discussion de cet amendement n° 295 rectifié.

Rappels au règlement

M. Patrick Bloche. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Bloche, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Bloche. Mon rappel au règlement porte sur l’organisation de nos travaux, monsieur le président.

Comme toujours, lorsque nous examinons un projet de loi, il y a une histoire, un fil conducteur, si j’ose dire. Hier soir, nous avons arrêté nos débats après une demande de suspension de séance du groupe socialiste, à laquelle le président de séance, qui n’était autre que le président de l’Assemblée nationale, a répondu par la levée de la séance en nous donnant rendez-vous cet après-midi, conformément à l’ordre du jour de l’Assemblée.

Sans remonter au 20 décembre, je me contenterai de rappeler l’épisode d’hier soir et d’exprimer notre perplexité – et le terme est faible. En effet, nous avons découvert de manière impromptue que le rapporteur de la commission des lois avait retiré de son propre chef un amendement, pourtant voté par la commission des lois ! Nous avons donc déjà une première interrogation sur les pouvoirs du rapporteur de retirer un amendement, non pas personnel mais de la commission des lois !

Il s’agit de l’amendement n° 30 rectifié et il était présent dans la liasse qui nous avait été distribuée. En passant directement à l’amendement n° 6, deuxième rectification, nous avons zappé le 30 rectifié ! Or l’amendement n° 30 rectifié dû à l’initiative de notre rapporteur était loin d’être anodin, puisqu’il indiquait que le nombre de copies privées ne pouvait être inférieur à un. En cela, il traduisait au moins le souci que le nombre de copies privées ne soit pas égal à zéro !

Nous avons le souci majeur, dans le cadre de l’examen de l’article 8, de préserver une copie privée. On peut se gargariser de mots, parler de droit à la copie privée plutôt que d’exception à la copie privée, nous considérons que les dispositions de ce projet de loi menacent la copie privée !

M. le président. Nous sommes dans un débat de fond et plus dans un rappel au règlement ! Veuillez conclure, monsieur Bloche ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Bloche. Je termine, monsieur le président.

Nous avons posé de légitimes questions sur les raisons qui ont amené le rapporteur à retirer de son propre chef cet amendement et attendons toujours les réponses. C’est l’objet de ce rappel au règlement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Nous sommes totalement dans le cadre du rappel au règlement.

Nous nous sommes quittés hier soir sur une confusion, sur le trouble de M. Bloche, comme l’a dit le président de l’Assemblée nationale, à l’issue d’une procédure que nous avons eu quelque difficulté à comprendre. Un amendement déposé par la commission des lois, défendu par la commission des lois, a été retiré au profit, nous a-t-on dit, d’un autre amendement adopté par la commission des lois. Mais cet autre amendement fait disparaître le Parlement s’agissant des modalités de la copie privée ! Ce changement a des conséquences considérables puisque, désormais, ce sera, semble-t-il, une commission d’experts qui devra définir la copie privée et les conditions de son exercice.

Monsieur le président, nous avons demandé des explications sur le sens de ce changement de pied. Pourquoi le Parlement ne pourrait-il plus décider en la matière ? Nous souhaitons obtenir une réponse précise à cette question.

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Bien entendu, le rapporteur reviendra sur l’avis que la commission a donné sur les amendements en question. Mais je voudrais, comme cela a déjà été fait lors d’une précédente séance, dire ce qu’il convient à propos de l’amendement n° 30 rectifié.

J’ai sous les yeux – et tous les fidèles de la commission des lois n’ont pas manqué de lire ce document – le compte rendu n° 27 de la séance de la commission des lois du mercredi 1er mars. À propos de l’article 8, il est écrit : « La commission a accepté un amendement n° 258 du rapporteur réaffirmant le bénéfice de l’exception pour copie privée. » Le paragraphe suivant nous intéresse par rapport à ce qui vient d’être dit : « La commission a ensuite examiné un amendement n° 259 du rapporteur, destiné à remplacer l’amendement n° 30 précédemment adopté par la commission, afin de confier au collège des médiateurs le soin de fixer les modalités d’exercice de la copie privée. » Je rappelle que cela est une pratique très fréquente ; un amendement est retiré au bénéfice d’un autre, l’un puis l’autre, chacun en leur temps, étant étudiés par la commission. Ce qui figure au paragraphe qui suit est également intéressant car c’est la synthèse des propos de M. Paul, en écho au retrait de l’amendement n° 30 et au dépôt, et donc à l’examen de l’amendement n° 259 : « M. Christian Paul a reconnu que les changements technologiques permanents peuvent justifier le rôle donné au collège des médiateurs. »

Il en ressort, s’agissant de ce non-événement qu’est le retrait de l’amendement n° 30 rectifié et la discussion du 259 rectifié,…

M. Didier Migaud. Le dessaisissement du Parlement n’est pas un non-événement !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. …que les choses se sont passées en commission tout à fait naturellement, sans que personne n’y voie quelque malice. Il était important de le rappeler aujourd’hui car il ne faudrait pas que germe dans l’esprit de ceux qui nous regardent et qui nous écoutent l’idée que, sur cet amendement comme à propos de tous les autres et d’une manière générale sur l’ensemble du texte, le travail préliminaire en commission n’a pas été fait comme il convient, c’est-à-dire de manière très sérieuse.

M. Christian Paul. La citation est incomplète, monsieur le président !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Je rappelle, après l’avoir fait la semaine dernière, que la commission s’est réunie à de très nombreuses reprises, dont quatre fois au titre de l’article 91, ce qui est assez exceptionnel, mais était tout à fait justifié dans ce cas.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Certes, nous pouvons argumenter sur l’amendement n° 30 rectifié. Néanmoins, une décision a été prise par le Gouvernement qui est, très clairement, de ne pas trancher au niveau de la loi les conditions d’exercice de la copie privée, mais de transférer cette compétence au collège des médiateurs. C’est une décision lourde de conséquences, qui appellera un débat de fond à l’article 9. Je suggère donc, y compris aux collègues socialistes, de nous acheminer vers cet article 9 et de prendre le temps d’en discuter !

L’amendement n° 259 rectifié de M. Vanneste est limpide : « Les modalités d’exercice de la copie privée sont fixées par le collège des médiateurs ». En mon nom personnel et au nom de François Bayrou, je redis que nous sommes très réservés sur ce point ; nous allons donc prendre le temps, à l’article 9, d’expliquer dans le détail pourquoi. Ne parlons plus de l’amendement n° 30 rectifié et venons-en à l’article 9 qui constitue le cœur du débat !

M. le président. Je partage votre souhait !

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je voudrais faire un rappel au règlement à plusieurs titres.

D’abord, que nous sommes effectivement très intéressés par les motifs du retrait de l’amendement du rapporteur. On nous dit qu’il a été retiré en commission des lois. Peut-être ! Mais, mes chers collègues de la majorité, vous-mêmes et le Gouvernement nous avez habitués, depuis maintenant dix jours, à ces allers et retours, à ces va-et-vient d’amendements et de textes ! Par conséquent, lorsque nous avons redécouvert, hier, l’amendement du rapporteur dans la liasse, nous avons pensé que, pris de remords, il l’avait remis en discussion.

Au fond, qu’il l’ait retiré en commission des lois ou qu’il l’ait fait hier sous la pression de tel ou tel intérêt en présence – ce que je crois profondément –, il serait bon qu’en tant que rapporteur de ce texte, il nous éclaire sur les motifs pour lesquels il l’a retiré. En effet, cet amendement est essentiel.

M. le président. Nous allons rendre immédiatement la parole au rapporteur !

M. Christian Paul. Attendez, monsieur le président, car je voudrais aborder un deuxième point concernant la citation tronquée de M. Geoffroy. Au fond, en retirant cet amendement, le rapporteur donne un signal très clair qui signifie que, pour certaines œuvres, l’exception pour copie privée, le droit à l’exception dont vous vous glorifiez depuis hier,…

M. Frédéric Dutoit. Disparaîtra !

M. Christian Paul. …est supprimé ! Cette loi est, pour la copie privée, comme le Triangle des Bermudes ! Et c’est sur ce point que le rapporteur devra s’expliquer, et sans attendre d’autres articles de ce texte.

J’en viens à la citation de M. Geoffroy qui m’a cité avec une liberté que je n’ai pas l’intention de lui retirer. Monsieur Geoffroy, après l’extrait très incomplet que vous avez cité, on peut lire, dans le même compte rendu de notre commission, ceci : « M. Christian Paul […] a cependant exprimé sa crainte que ce rôle [donné au collège des médiateurs] ne soit excessif en l’absence d’une feuille de route permettant d’encadrer l’activité du collège des médiateurs. »

Eh bien, l’amendement du rapporteur, tout transparent qu’il fût à l’époque, aurait été pour le collège des médiateurs sinon une feuille de route, du moins un garde-fou. Maintenant, si M. Vanneste considère que le Parlement doit abdiquer sur cette question et veut en confier la sous-traitance au collège des médiateurs pour édicter la norme pour la copie privée, cela nous promet de beaux jours !

M. le président. Quel franc dérapage par rapport au règlement ! Nous ne sommes pas dans des rappels au règlement, mais dans un débat de fond !

La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Je voudrais répondre à la commission parce que nous sommes effectivement à un moment tout à fait décisif de ce débat. Voilà plusieurs jours que nous parlons de la copie privée, que le ministre nous explique avec des grands trémolos que la France est enviée dans le monde entier…

M. Christian Paul. Et au-delà ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Mathus. …pour l’action qu’elle va mener dans le domaine de la copie privée. Puis voilà que, subrepticement, le rapporteur retire la seule disposition qui permettait de garantir un minimum d’exercice du droit à la copie privée !

C’est un minimum d’exercice du droit à la copie privée qui est retiré de la loi aujourd’hui puisque, en gros, le Parlement dira que cela ne le regarde pas, que ce soin est laissé à l’expertise d’un collège des médiateurs. Et pendant que nous y sommes, pourquoi pas un sous-amendement du Gouvernement selon lequel, par exemple, les médiateurs seraient choisis parmi des experts nommés par le SNEP ou la SCPP ? Le Gouvernement arriverait ainsi au bout de sa démarche dans ce domaine, avec une loi d’interdiction de l’exercice du droit à la copie privée !


Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste, pour soutenir l’amendement n° 259 rectifié.

M. Christian Vanneste, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Sur un sujet d’une telle importance, dont les incidences sont capitales pour notre pays − il en va de l’avenir de notre culture −, je souhaite que chacun reconnaisse l’honnêteté intellectuelle de ceux avec lesquels il est amené à échanger. Pour notre part, nous avons réaffirmé notre objectif à plusieurs reprises : il s’agit de faire valoir le droit à l’exception pour copie privée. Nous l’avons encore redit très clairement hier.

M. Christian Paul. Vous le dites, mais vous ne le faites pas ! C’est le grand écart !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Depuis le début des travaux préliminaires à la rédaction de mon rapport, je me suis attaché à mettre ce principe en œuvre.

Cela dit, nous nous heurtons à une difficulté : comment adapter le droit à l’incessante évolution technologique ? Autrement dit − et contrairement à ce que certains suggèrent −, si, pour l’avenir, nous affirmons le droit à l’exception pour copie privée, nous devons, pour l’heure, résoudre certains problèmes, notamment celui, extrêmement concret, des DVD. Les copies analogiques se dégradent, tandis que les copies numériques se conservent et sont d’une qualité égale aux originaux.

M. Christian Paul. Christophe Colomb découvre le numérique ! (Sourires.)

M. Christian Vanneste, rapporteur. On le voit, cette possibilité de multiplier les copies à l’infini présente de grands risques. Dans le cas du DVD, on ne peut pas limiter à une ou à quelques-unes le nombre des copies : la première permet à son tour de réaliser une infinité de répliques.

M. Didier Migaud. Cela veut dire qu’il n’y a plus de copie privée pour les DVD !

M. Dominique Richard. De toute façon, il n’y en a pas pour le moment !

M. Christian Vanneste, rapporteur. C’est à cette difficulté technique que je me suis heurté : elle concerne le présent et disparaîtra sans doute à l’avenir, comme l’a clairement affirmé le directeur de la SACD lors d’une de nos réunions de travail. Nous souhaitons tous que, demain, les conditions techniques soient réunies pour rendre possible la copie de DVD sans risques.

Avec l’amendement n° 30, j’avais proposé une première solution en autorisant une copie au minimum. Je me souviens que des critiques se sont élevées, certains considérant que cela signifiait qu’une seule copie serait autorisée. Mon amendement comportait un risque et j’ai eu tort de donner un chiffre, dont certains se sont emparés et qu’ils ont brandi…

M. Christian Paul. Maintenant, c’est zéro !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Ce n’est pas du tout zéro.

M. Patrick Bloche. C’est zéro pointé !

M. Christian Vanneste, rapporteur. C’est ce que décidera le collège des médiateurs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) en fonction des possibilités techniques.

M. Didier Migaud. Pourquoi êtes-vous député, dans ce cas ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Soyons lucides : d’un côté, vous avez le droit et, de l’autre, vous avez l’évolution technologique. À la vitesse à laquelle, grâce à votre participation assidue, mes chers collègues, nous avançons dans l’examen de ce projet de loi, comment voulez-vous que nous puissions adapter la loi à la réalité de l’évolution technologique ? Il nous faut, pour cela, une autorité administrative indépendante et intermédiaire.

M. le président. Merci, mon cher collègue.

M. Didier Migaud. Laissez-le finir : c’est intéressant !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Pardonnez-moi d’être un peu long, monsieur le président, mais nous avons entendu beaucoup d’interventions sur cette question et je m’efforce d’être aussi clair que possible.

Une seconde question est infiniment plus importante : c’est celle de la survie de l’industrie du cinéma en France, que tous les gouvernements, depuis des décennies, ont soutenue.

Mme Christine Boutin. Nous sommes tous d’accord là-dessus ! Mais là n’est pas la question !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Elle contribue fortement à l’identité de notre pays et nous n’avons pas le droit de fragiliser la création cinématographique en laissant, par exemple, la porte ouverte aux téléchargements illégaux de films sur internet.

J’ai donc posé le problème et nous allons y répondre de façon très pragmatique. Ce faisant, je m’appuie sur la jurisprudence.

M. Didier Mathus. Ce sont les députés qui font la loi, ce n’est pas la jurisprudence !

M. Didier Migaud. La jurisprudence se fait à partir de la loi !

M. Christian Vanneste, rapporteur. L’arrêt « Mulholland Drive » de la Cour de cassation du 28 février dernier est extrêmement clair à cet égard.

M. Didier Mathus. On se moque de ce que fait la Cour de cassation !

M. Christian Vanneste, rapporteur. « L’atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre, propre à faire écarter l’exception de copie privée s’apprécie au regard des risques inhérents au nouvel environnement numérique quant à la sauvegarde des droits d’auteur et de l’importance économique que l’exploitation de l’œuvre, sous forme de DVD, représente pour l’amortissement des coûts de production cinématographique. » La jurisprudence a donc acté le problème du DVD. Nous en tirons aujourd’hui les conséquences, parce que nous avons choisi d’être responsables devant l’avenir de notre culture et, singulièrement, de notre cinéma.

M. Didier Migaud. Vous devriez démissionner !

M. Didier Mathus. Renoncez à siéger !

Mme Martine Billard. On n’a qu’à laisser la Cour de cassation légiférer !

M. le président. L’amendement n° 259 rectifié fait l’objet de trois sous-amendements, nos 276, 326 et 299.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour soutenir le sous-amendement n° 276.

M. Frédéric Dutoit. Je ne m’étais pas aperçu que le rapporteur avait défendu son amendement n° 259 rectifié. Mais s’il en est ainsi…

M. le président. Il en est ainsi.

M. Frédéric Dutoit. Comme nombre de nos collègues, nous l’avons dit et nous le redirons, la création du collège des médiateurs porte gravement atteinte aux compétences du législateur, et la démonstration que vient de faire M. le rapporteur en témoigne une fois de plus. Il n’est ni sérieux ni responsable de vouloir confier à une juridiction d’exception…

M. Christian Vanneste, rapporteur. Ce n’est pas une juridiction d’exception !

M. Frédéric Dutoit. …le pouvoir de décider des conditions d’exercice du droit à la copie privée et, par conséquent, du droit d’usage des œuvres. C’est d’autant plus irresponsable que la création de cette structure intervient dans un contexte préoccupant pour l’avenir du droit à la copie privée. Celle-ci est aujourd’hui sérieusement menacée et votre texte participe de la liquidation de la copie privée au profit d’une copie contrôlée, ce qui n’a rien à voir.

Il suffit, pour se convaincre de cette menace, de prendre connaissance de l’arrêt de la Cour de cassation dans l’affaire dite « Mulholland Drive » que M. le rapporteur vient d’évoquer. La formulation en est très préoccupante, car la Cour indique qu’il faut apprécier l’atteinte à l’exploitation normale d’une œuvre « en tenant compte de l’incidence économique qu’une telle copie peut avoir dans le contexte de l’environnement numérique ».

Monsieur le rapporteur, vous nous avez donné hier deux explications qui sont également fausses. D’une part, vous avez considéré − et vous venez de le répéter − qu’il était nécessaire de prendre en compte la jurisprudence. C’est faux.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Ce n’est pas inutile !

M. Frédéric Dutoit. Car ce n’est pas à la jurisprudence d’éclairer le Parlement, mais au Parlement d’éclairer la jurisprudence.

M. Christian Paul. Très bien ! Voilà un vrai législateur !

M. Frédéric Dutoit. Il est un peu facile de se retrancher derrière la jurisprudence pour justifier ses mauvais coups.

D’autre part, vous avez, avec force lyrisme, affirmé que la Cour de cassation avait entendu placer le droit d’auteur au-dessus de tout. Ce n’est absolument pas ce qu’elle dit lorsqu’elle parle « des incidences économiques » de la copie dans l’environnement numérique. Les éditeurs de vidéos ne s’y sont pas trompés et ont d’ailleurs salué cette décision, par laquelle, disent-ils, la Cour « a confirmé qu’il n’existait pas de copie privée à partir de DVD, car celle-ci porte atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre sur le marché ». Ne trompez pas les Français, monsieur le rapporteur : ce qui est placé au-dessus de tout, ce ne sont pas les auteurs, c’est le marché. Les atteintes au droit à la copie privée ne poursuivent qu’une finalité purement commerciale et financière. Admettez une fois pour toutes que vous servez ces intérêts, et non ceux des auteurs.

Pour finir, monsieur le rapporteur, vous nous avez enfin expliqué hier, avec tout autant de lyrisme, que le droit d’auteur était le plus sacré des droits de la propriété. À l’appui de votre démonstration, vous avez cité Le Chapelier. Mais ayez l’honnêteté de livrer la citation en entier. Ce qu’il disait est décisif pour notre débat. Comme nous tous, il considérait que la propriété intellectuelle était « la plus sacrée, la plus légitime, la plus inattaquable », mais il ajoutait cette phrase qui devrait vous interpeller : « Lorsqu’un auteur fait imprimer un ouvrage ou représenter une pièce, il les livre au public, qui s’en empare quand ils sont bons, qui les lit, qui les apprend, qui les répète, qui s’en pénètre et qui en fait sa propriété. » Voilà le droit essentiel dont vous voulez aujourd’hui priver nos concitoyens au nom d’un droit d’auteur qui n’est, pour vous, que le prétexte à la défense unilatérale des intérêts commerciaux des éditeurs de contenus. C’est inacceptable.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour soutenir le sous-amendement n° 326.

M. Didier Mathus. Notre sous-amendement précise que, dans la mesure où la rémunération pour copie privée est perçue, on ne peut imposer des mesures techniques interdisant cette copie, ce qui est, nous semble-t-il, la moindre des choses. Cependant, le rapporteur a d’ores et déjà abdiqué sa mission de législateur, en nous expliquant qu’il fallait laisser faire la Cour de cassation.

M. Dominique Richard. Il n’a pas dit cela !

M. Didier Mathus. Curieuse conception de la République et des droits du Parlement ! Il me semble au contraire que c’est à la loi d’encadrer la jurisprudence et de définir les limites dans lesquelles elle s’exerce.

Notre proposition affirme donc un principe qui nous paraît élémentaire. Dans la mesure où, lorsque le consommateur achète un CD ou un DVD vierges, il acquitte une taxe au titre de la redevance pour copie privée et soutient donc, entre autres, le spectacle vivant, il paraît légitime que, dans le même temps, des mesures techniques de protection ne l’empêchent pas d’exercer ce droit. Où allons-nous si nous ne pouvons nous accorder sur une telle évidence ? Allons-nous légiférer jusqu’à l’absurde ? Le texte dont nous discutons est-il à ce point inféodé aux intérêts financiers qu’il nous forcerait à bafouer l’intérêt minimal des consommateurs ? Nous ne pouvons que nous interroger sur la dérive du projet de loi.

À ce propos, je vous invite à lire la tribune que le président de l’UFC-Que Choisir ? a publiée ce matin. Il adresse au Gouvernement un avertissement sévère sur le mépris que celui-ci témoigne aux consommateurs.

M. Didier Migaud. Il était en colère, le président !

M. Bernard Carayon. C’est du lobbying ! C’est le lobbying des actions collectives !

M. Christian Paul. Ce sont des millions de lobbyistes ! C’est le peuple !

M. Didier Mathus. Aujourd’hui, le Gouvernement témoigne une telle bienveillance à certains intérêts financiers que l’on peut parfaitement acquitter la taxe sur la copie privée et ne pas pouvoir exercer ce droit. Monsieur le ministre, comptez-vous mettre fin à cette iniquité ?

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir le sous-amendement n° 299.


Mme Christine Boutin
. M. Suguenot m’a demandé de présenter son sous-amendement, ce que je fais volontiers, bien que je ne sois pas favorable à la création du collège de médiateurs, ce dont je m’expliquerai par la suite.

M. Suguenot estime, avec notre collègue M. Nicolas, que le rôle dévolu, par l'amendement du rapporteur, au collège des médiateurs doit être complété afin d’apparaître plus clairement.

Ce collège doit garantir le bénéfice de l'exception pour copie privée aux utilisateurs sans que des limites soient fixées à cet exercice. Fixer de telles limites ferait échapper la copie privée à son statut actuel d'exception au droit exclusif de l'auteur pour rejoindre celui de droit exclusif à part entière, préservant ainsi l'exception pour copie privée dans le monde numérique. Enfin, un collège de médiateurs ne saurait avoir pour rôle de fixer des « modalités d'exercice » d'un droit : cela relève du pouvoir réglementaire.

Pour éviter ces écueils, la rédaction actuelle gagnerait donc à s'inspirer du considérant 51 de la directive européenne.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois sous-amendements ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable au sous-amendement n° 276, dans la mesure où celui-ci est inutilement redondant.

Son avis est également défavorable au sous-amendement n° 326 qui, d’une part, préjuge la décision du collège des médiateurs, et, d’autre part, repose sur un curieux raisonnement, fondé sur l’idée que la rémunération est due lorsqu’il y a copie. À l’inverse, l’amendement de la commission lie partiellement la rémunération pour copie privée à l’utilisation de mesures de protection, ce qui est beaucoup plus cohérent.

Enfin, le sous-amendement n° 399 n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j’y suis défavorable, car il sera satisfait par l’article 9 du projet de loi, qui donnera au collège des médiateurs un pouvoir d’injonction, avec possibilité d’astreinte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement n° 259 rectifié et sur les trois sous-amendements ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le moment est important : voilà en effet que nous examinons concrètement les moyens de garantir l’exception pour copie privée.

N’ayons pas peur de le dire : nous cherchons un point d’équilibre.

M. Didier Mathus. Allons !

M. le ministre de la culture et de la communication. Certains ici, et je m’en étonne, semblent oublier quel capital extraordinaire et fragile constituent l’industrie musicale et l’industrie cinématographique.

M. Christian Paul. Vous le redécouvrez !

M. le ministre de la culture et de la communication. Notre objectif est de concilier l’exception pour copie privée avec la préservation de ce capital, en faisant en sorte que la technologie continue, au fur et à mesure de son évolution, à garantir cette exception.

Nous aurons ce débat à l’article 9, mais je souhaite qu’un collège de médiateurs, susceptible d’accompagner les évolutions de la technologie, assure cette conciliation au nom d’une logique qui aille au-delà du fragile équilibre économique. Outre la chronologie des médias dans le domaine du cinéma, nous avons la fierté d’une diversité musicale, cinématographique et littéraire. Ce n'est pas être médiocre ou défendre certains intérêts, au sens caricatural du terme, que de vouloir la protéger.

Cette remarque d’ordre général étant formulée, j’émets un avis défavorable au sous-amendement n° 276 : évoquer la protection de la copie privée dans le contexte de la régulation de mesures techniques de protection introduit en effet une ambiguïté plus qu’une clarification.

J’émets également un avis défavorable au sous-amendement n° 326. Nous y reviendrons, là aussi, à l’article suivant, mais le collège des médiateurs n’a pas pour seule ambition de restreindre une liberté d’accès.

M. Frédéric Dutoit. Comment peut-on en être sûrs ?

M. Didier Mathus. Vous lui donnez carte blanche !

M. le ministre de la culture et de la communication. Il aura un pouvoir d’injonction, c’est-à-dire qu’il pourra ordonner certaines mesures à celles et ceux qui voudraient illégalement restreindre le droit à l’exception pour copie privée.

Ce pouvoir d’injonction...

M. Richard Cazenave. Sous astreinte !

M. le ministre de la culture et de la communication. ...garantira tout simplement, à partir du moment où le droit d’auteur n’est pas sacrifié, le droit à l’exception pour copie privée.

M. Richard Cazenave. C’est un garant !

M. le ministre de la culture et de la communication. Ne voyez donc pas le collège des médiateurs comme un « restricteur » de liberté. Il sera là au contraire pour appliquer la loi, dont il vous revient souverainement de décider du contenu. Il est vrai – et le rapporteur a eu raison de le faire – que nous sommes parfois conduits à citer la jurisprudence de la Cour de cassation. Mais ce n’est d’aucune manière pour figer les choses. C’est simplement pour vous informer, sachant qu’il vous appartient de définir la loi, que la Cour de cassation comme tous les tribunaux devront appliquer.

Enfin, j’émets un avis défavorable au sous-amendement n° 299 puisque l’article 9 du projet prévoit déjà que le collège des médiateurs peut émettre « une injonction prescrivant, au besoin sous astreinte, » – comme le faisait remarquer Richard Cazenave – « les mesures propres à assurer le bénéfice effectif de l’exception. »

En revanche, bien sûr, l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 259 rectifié est favorable.

M. le président. Au vu de l’importance du sujet, je propose de donner la parole à un orateur par groupe. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe Union pour la démocratie française.) C’est plus que le règlement ne l’autorise : je ne devrais en effet, en tout et pour tout, ne donner la parole qu’à deux d’entre vous.

M. Patrick Bloche. Ce serait la première fois depuis le 20 décembre !

M. le président. Le groupe socialiste peut très bien ne désigner qu’un orateur, sachant qu’à l’article suivant de nombreux intervenants sont d’ores et déjà inscrits.

M. Patrick Bloche. Mais il y a un amendement et trois sous-amendements !

M. Christian Paul. Ce n'est pas comme cela qu’il faut fonctionner, monsieur le président !

M. le président. C’est pourtant comme cela que l’on fonctionnera : il y a un règlement à l’Assemblée.

M. Patrick Bloche. Nous demanderons des suspensions de séance !

M. le président. Eh bien, il y aura des suspensions ! Le respect pour notre assemblée, votre groupe n’avait pourtant que ce mot-là à la bouche tout à l'heure.

La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Christian Paul. Quel mépris pour le Parlement ! Il est vrai qu’à cet égard on a déjà vu à l’œuvre la majorité pendant la séance des questions au Gouvernement !

M. Didier Mathus. C’est le Parlement que l’on verrouille !

M. Christian Paul. L’urgence ne vous suffit même pas !

M. Didier Mathus. Légiférez donc par ordonnances !

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, si je n’étais seul sur ces bancs, je revendiquerais également la possibilité d’avoir plus d’un orateur par groupe. (Sourires.) Néanmoins, je suis solidaire de mes camarades du groupe socialiste.

Pour en revenir à notre discussion, il conviendrait a minima, monsieur le ministre, d’accepter, même si je suis opposé au collège des médiateurs, le sous-amendement n° 299 soutenu par Mme Boutin. En effet, comme l’indique l’exposé des motifs, un collège de médiateurs – précision dont j’ai déjà fait état – ne peut avoir pour rôle de fixer des « modalités d’exercice » d’un droit : ce dernier relève du pouvoir réglementaire.

Je soutiens, en revanche, sans réserve le sous-amendement n° 326 proposé par Patrick Bloche, car il a le mérite de la cohérence, ce qui n'est pas le cas de votre texte. En effet, pourquoi interdire la copie sur un support pour lequel l'utilisateur a déjà payé une redevance pour copie privée ? Faisons preuve de cohérence ! Comment d’ailleurs concevoir qu’on maintienne cette taxe alors que – atteignant les sommets de l'absurde ! – le Gouvernement, tout en prétendant défendre la copie privée, annonce que le nombre de copies autorisées pourra être égal à zéro ?

M. Richard Cazenave. C’était le débat d’hier !

M. Frédéric Dutoit. Quelle chose formidable que ce droit à ne pas copier ! Quelle innovation !

Mais une autre absurdité est à souligner : votre loi, monsieur le ministre, va aggraver la fracture numérique, car les restrictions, que vous cautionnez, à l'usage privé des œuvres vont toucher de plein fouet tous les utilisateurs peu avertis des nouvelles technologies, qui seront la proie des DRM, tandis que les utilisateurs avertis, d'une part et – catégorie bien différente – les vrais pirates, d'autre part, ne seront nullement affectés : ils contourneront les restrictions dont ils n'auront que faire. En d'autres termes, votre loi va porter préjudice aux utilisateurs de bonne foi et laisser indifférents ceux qui, par exemple, exploitent commercialement des copies pirates. Elle ne permettra pas d'augmenter le revenu des auteurs, bien au contraire.

Enfin, le surcoût des DRM et des dispositifs anti-copie –que vous saluez comme un progrès, alors qu'il ne s'agit que d'un recul – va peser tant sur le revenu des auteurs que sur les prix imposés aux consommateurs. Les seuls gagnants seront les fournisseurs de DRM, qui vendront des licences hors de prix aux producteurs : quel progrès pour la culture et pour le droit d'auteur !

Ce n’est pas le droit d’auteur que vous défendez, monsieur le ministre, mais les propriétaires des logiciels et des DRM !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, je vous demande de bien vouloir donner la parole à deux orateurs de mon groupe, car l’UDF est plurielle et je ne partage pas du tout le même avis que mon collègue Jean Dionis du Séjour sur le sujet qui nous occupe.

J’ai présenté un amendement n° 365 – qui maintenant figure, pour je ne sais quelle raison, à l’article 9 – dont la rédaction est la même, à la virgule près, que l’amendement n° 259 rectifié de notre rapporteur.

Je voudrais, tout d’abord, lever une ambiguïté. Nous devons prendre nos responsabilités et non faire référence à la jurisprudence de la Cour de cassation.

Nous parlons ici du DVD, donc du cinéma. Quitte à déposer un amendement, interdisons au moins la copie des DVD, ce qui ne changera rien à la situation actuelle. On protégerait ainsi une industrie qui emploie 150 000 personnes, sachant également qu’en pérennisant la chronologie des médias, qui n’autorise la sortie d’un film sur DVD que six mois après sa sortie en salle, on protégerait par là même le monde de la culture – les comédiens, les intermittents pour lesquels nous nous battons les uns et les autres, les techniciens, les réalisateurs et les diffuseurs de film – et la diffusion de la culture par le cinéma jusque dans nos villages.

Permettre la copie des DVD, ce serait, puisque le choix n’est qu’entre zéro copie ou des copies à l’infini, bouleverser toute cette industrie et donc le monde de la culture, jusqu’à la rémunération des chaînes payantes qui, au bout de la chaîne, financent la culture elle-même.

Dans ce contexte, fixons un cadre au collège des médiateurs, car on ne peut non plus laisser une autorité de médiation sans règles, et disons clairement que l’autorité de médiation devra interdire la copie des DVD. Pour le cinéma, il faut en effet faire attention à ce que l’on fait, car la situation n’est pas du tout la même que, par exemple, pour les CD musicaux.

Personne ne remet en cause les autorités indépendantes qui existent. Aussi gardons-nous de toute hypocrisie. Personne – même si les politiques ont toujours la tentation de récupérer de la main gauche le pouvoir donné de la main droite – ne conteste en effet l’autorité de la CNIL, du CSA, de l’ART ou de l’ARCEP, de même que personne ne conteste celle de la FCC aux États-Unis : quand celle-ci prend une décision, tout le monde s’y plie. Faisons donc preuve également en France de maturité, et donnons du pouvoir à cette autorité indépendante qu’est le collège des médiateurs, après avoir pris soin, je le répète, de bien préciser son cadre d’action.

L’interdiction de la copie, n’empêche d’ailleurs pas de trouver d’autres solutions pour le DVD. Je pourrais proposer ainsi qu’en achetant un DVD à 20 euros, on puisse bénéficier d’un deuxième exemplaire pour 25 euros, voire d’un troisième pour 30 euros, ce qui, par exemple, permettrait à chacun de disposer de copies dans les différents lieux – maison de campagne ou autre – qu’il fréquente.

Des solutions innovantes existent. Il nous faut y réfléchir, tout en cherchant à protéger l’industrie du cinéma.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Monsieur le président, je reviendrai d’abord sur l’organisation de nos travaux, car un amendement et trois sous-amendements étant en discussion, il convient que je ne sois pas le seul orateur de mon groupe à pouvoir répondre à la commission et au Gouvernement. La charge est trop lourde pour qu’elle ne soit pas répartie. (Sourires.)

M. Christian Vanneste, rapporteur. Quelle modestie !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Vous jouez collectif !

M. Patrick Bloche. L’esprit collectif est la marque de fabrique du groupe socialiste, comme d’autres groupes sans doute.

Un peu de clarté me semble nécessaire dans la confusion qui me semble régner.

Première remarque : comme nous l’avons affirmé dès le mois de décembre, il ne s’agit aucunement pour nous de remettre en cause le financement spécifique du cinéma, dont nous savons toutes et tous qu’il repose sur la chronologie des médias.

M. Christian Paul. Absolument !

M. Patrick Bloche. Deuxième remarque : ce qui nous gêne dans ce débat, c’est que si le Gouvernement ne répond pas à nos questions, le rapporteur, lui, s’abrite – comme le montre l’exposé des motifs de l’amendement n° 259 rectifié – derrière l’arrêt de la Cour de cassation du 28 février 2006, ce qui a d’ailleurs amené M. Xavier de Roux, membre de la majorité et faisant autorité en la matière, à faire remarquer en commission des lois – ainsi que cela figure dans le compte rendu de la réunion du 1er mars au cours de laquelle nous avons auditionné pour la première fois M. le ministre – que « la Cour de cassation applique naturellement le droit en vigueur et non la loi future. »


Compte tenu de la légitimité qui est la nôtre, qui est la plus grande qui soit en démocratie puisque c’est celle du suffrage universel…

M. Richard Cazenave. M. le ministre a déjà dit tout ça tout à l’heure !

M. Patrick Bloche. …il nous revient – puisque nous avons ce choix, assumons-le pleinement – de suivre ou non l’arrêt de la Cour de cassation.

M. Dominique Richard. Évidemment !

M. Richard Cazenave. Le ministre l’a dit tout à l’heure.

M. Patrick Bloche. Ne prenons pas prétexte, comme l’a fait M. le rapporteur, de cet arrêt de la Cour de cassation du mois d’avril 2006 pour éviter tout débat.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Je n’ai pas dit ça !

M. Patrick Bloche. Si, c’est l’explication que vous avez fournie, monsieur le rapporteur, pour ne pas ouvrir le débat.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Absolument pas ! Je vous ai parlé de l’état de la technologie, ce n’est pas la même chose.

M. Patrick Bloche. La problématique est compliquée, nous en convenons, mais ayons au moins un débat sur le nombre de copies autorisées concernant les DVD.

Ce débat permettrait d’éclairer nos concitoyens sur ce que certains ici ont qualifié de droit à la copie privée. Nous avions même interpellé le ministre lors de la réunion de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales du 1er mars. Celui-ci avait évoqué le chiffre de cinq ou six. Cela mérite un débat et la représentation nationale doit s’exprimer. C’est ce que nous demandons avant tout.

Ce que nous contestons, c’est la confusion des genres. Et je voudrais rebondir sur les propos du ministre. Il nous a demandé d’attendre l’article 9, qui donne au collège des médiateurs un pouvoir d’injonction. Bien sûr que le collège des médiateurs a un pouvoir d’injonction. Personne ne le conteste, c’est écrit noir sur blanc. Mais l’amendement n° 259 rectifié qui nous est proposé par M. le rapporteur donne à ce même collège des médiateurs un pouvoir de régulateur, et ça c’est nouveau.

Donner à la même institution à la fois un rôle de régulateur et un rôle d’arbitre avec un pouvoir d’injonction introduit une confusion totale : le collège des médiateurs va être juge et partie.

Ce que nous contestons encore plus, c’est que l’on confie à ce collège des médiateurs la gestion de cette exception pour copie privée. Nous considérons que ce n’est pas son rôle.

Enfin, comment s’articuleront le rôle du collège des médiateurs et le rôle de la commission pour copie privée ?

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. La réponse est dans l’article 9 !

M. Patrick Bloche. Nous avons à plusieurs reprises posé cette question. Elle est essentielle. Sinon, on risque de voter une loi qui ne fonctionnera pas, mais c’est depuis longtemps la conviction de l’opposition.

M. le président. La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave. Il faut vraiment qu’on écoute ce que chacun a à dire. Le ministre a en particulier déjà répondu à ces différentes questions tout à l’heure.

Il a été dit que le collège des médiateurs sera chargé de garantir le bénéfice de l’exception pour copie privée, qu’il pourra, aux termes de l’article 9, imposer sous astreinte aux ayants droit de modifier les protections techniques pour assurer le bénéfice de cette exception.

Il a été dit également que ses décisions pourront être contestées en appel devant la cour d’appel de Paris. Comme toute juridiction, elle peut faire l’objet d’un recours, nous ne sommes pas dans le non-droit. Nous sommes dans des procédures tout à fait habituelles, fléchées, connues.

Cet outil aura donc pour objectif principal de garantir l’exception pour copie privée et il pourra faire l’objet d’appel devant la cour d’appel s’il ne remplit pas sa mission. Les citoyens pourront se saisir de cet outil pour faire valoir leurs droits. Nos débats seront parfaitement éclairants pour confirmer, conforter cette mission fondamentale que nous donnons à ce collège des médiateurs et montrer que nous considérons avec humilité que les évolutions de la technique ne nous permettent pas dès aujourd’hui de dire ce que doivent être, support par support, les différentes garanties.

Notre collègue de l’UDF l’a très bien dit : ne peut-on imaginer que des solutions de médiation pourraient intervenir dans le cinéma, via une offre commerciale, qui concilient ce qui aujourd’hui semble inconciliable et qui ne relèveraient pas de la législation ? La loi doit affirmer des principes, une volonté mais elle ne peut, dans des sujets aussi complexes qui mettent en jeu des intérêts aussi contradictoires, trancher une fois pour toutes.

La commission pour copie privée a une autre mission, et je reviens à l’article 8, monsieur le président. Cette mission a été réaffirmée par un arrêté du 15 mars 2000 pour tenir compte justement des évolutions de la technologie et de l’apparition depuis sa création, il y a une vingtaine d’années, des nouveaux modes de diffusion et notamment de l’évolution de l’internet.

J’indique à nos collègues qui ont peut-être zappé cet épisode qu’ils devraient se reporter à cet arrêté du 15 mars 2000, dont l’auteur ne devrait pas être très éloigné des bancs qu’ils occupent aujourd’hui, pour savoir exactement ce que le législateur à l’origine, puis le pouvoir réglementaire, a voulu faire en réactualisant la mission de cette commission pour copie privée. Celle-ci est composée, à parité, de membres de différents groupes chargés également de confronter les visions et de trouver une synthèse, sous le contrôle bien sûr des législateurs.

Soit on ne veut pas comprendre ou on préfère être amnésiques par rapport à ses actions passées, lorsque l’on était au pouvoir, et on se comporte comme nos collègues socialistes aujourd’hui. Soit on prend ses responsabilités, et on vote l’amendement du rapporteur et ensuite les articles 8 et 9 qui constituent un ensemble cohérent pour garantir le droit à l’exception pour copie privée et mettre en place les outils juridiques pour que ce droit ne soit pas simplement une incantation mais une réalité vivante, qui puisse suivre l’évolution de la technologie.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Très bonne intervention !

M. Laurent Wauquiez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je vous remercie, monsieur le président, de donner la parole à deux orateurs du groupe UDF. L’UDF est une grande famille, aux opinons diverses sur ce point, et je voudrais, en respectant ce qu’a dit mon collègue Baguet, exprimer la position du groupe et la mienne sur cet amendement n° 259 rectifié, qui organise le transfert de la gestion de la copie privée au collège des médiateurs.

Nous sommes opposés à cet amendement, alors même que je suis favorable depuis le début, j’ai même été un peu seul au début, à la directive européenne et à ce texte. L’objet social du collège des médiateurs est de régler les différends entre copies privées et mesures techniques de protection.

Si l’article 9 est adopté, nous aurons, d’un côté, la commission pour copie privée, article L.311-5, avec des pouvoirs très importants – le type de support, le taux et les modalités de versement de la rémunération – et, de l’autre côté, le collège des médiateurs, qui, lui, sera chargé de définir les limites, technologie par technologie, et les compatibilités avec les DRM. Nous aurons donc deux instances, l’une étant chargée de définir l’espace de la copie privée, et éventuellement le préjudice que cela cause aux auteurs, l’autre s’occupant du financement pour couvrir ce préjudice.

Franchement, instituer deux instances indépendantes pour traiter, globalement, le même problème, du moins avec de fortes interconnexions, ne nous semble pas raisonnable.

Plus fondamentalement encore, qui arbitrera la tension entre mesures techniques de protection et droit à la copie privée car celle-ci est inévitable ? Bien qu’étant favorable aux mesures techniques de protection et opposé à la licence légale, je sais que cette tension existera.

On nous dit que ce sera le collège des médiateurs, c'est-à-dire une autorité administrative, et on justifie ce raisonnement en prenant l’exemple de l’ARCEP, de la CRE, du CSA…

M. Didier Mathus. Cela n’a aucun rapport !

M. Jean Dionis du Séjour. Mais nous ne sommes pas du tout dans le même cas de figure. Les autorités de régulation sont légitimes, aux yeux de l’Europe, quand il y a consanguinité entre l’État actionnaire et l’État régulateur. Mais ce n’est vraiment pas le cas ici.

On évoque la jurisprudence : après tout, la jurisprudence n’a qu’à continuer à empiler les arrêts. Il est vrai que la technologie évoluant rapidement, la jurisprudence est pour le moins éclatée, on l’a bien vu sur le problème des droits d’auteur.

Je crois qu’il faut faire preuve de bon sens et de sagesse, et, même si c’est difficile parce que les pressions seront fortes de la part des auteurs, des consommateurs, du mouvement familial et des internautes, il faut dire que c’est à l’État de garantir l’intérêt général, que c’est au Parlement d’élaborer la loi et au Gouvernement de prendre les mesures d’ordre réglementaire.

Nous ne sommes pas contre le fait qu’il existe une commission consultative, mais c’est le rôle de l’État de définir l’intérêt général. Pourquoi l’administration, par exemple la direction du développement des médias, ne pourrait-elle pas éclairer ce type de position ?

Voilà pourquoi le groupe UDF, tout en respectant la position de notre collègue, est opposé à cet amendement et à l’article 9.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Sur ce point, et sur ce point seulement, je suis d’accord avec M. Dionis du Séjour.

M. Frédéric Dutoit. C’est une exception !

Mme Martine Billard. Le conflit entre les deux instances est patent. Le rapporteur nous explique que le collège des médiateurs s’occupera par exemple des supports et des techniques de protection disponibles. Mais la commission pour copie privée se penche déjà sur cette question des supports. Dans ses réunions, elle se pose déjà la question de savoir s’il faut étendre ou non la redevance, à quel montant il faut fixer ces redevances sur tel ou tel nouveau support ou s’il faut baisser la redevance. En voulant rajouter une instance, vous allez créer une usine à gaz.

S’agissant de la méthode, certains collègues de l’UMP nous reprochent de revenir toujours sur la même question. Mais ce n’est pas de notre faute. Reconnaissez qu’il aurait été plus facile de discuter de cet amendement si, préalablement, nous avions examiné la création de ce fameux collège des médiateurs, qui n’intervient qu’à l’article suivant. Comment discuter de la mission du collège des médiateurs alors qu’on ne l’a pas encore créé ?

En outre, l’arrêt de la Cour de cassation anticipe une loi et même la transposition de la directive. En effet, la directive n’a jamais parlé de la défense des intérêts économiques de la production puisque son sujet, c’était le droit d’auteur. La Cour de cassation aurait dû, dans sa décision, se limiter à la défense du droit d’auteur et ne pas prendre en compte la question du marché et de l’environnement économique des producteurs – il y a là un glissement que j’ai déjà dénoncé. Nous ne pouvons pas reprendre en notre nom la décision de la Cour de cassation parce qu’elle est extérieure au champ du projet de loi et de la directive.

Le véritable problème, c’est l’abandon depuis hier de nos prérogatives de législateur. Nous les transférons à une autorité, sans fixer aucune limite. S’il faut respecter la chronologie des médias, que se passera-t-il pour les films qui sont sortis depuis dix, quinze ou vingt ans ? Il n’y aura toujours aucun droit à la copie privée sur ces films. Ils pourront certes être reproduits sur support DVD mais dans ce cas-là, ce sont les droits du producteur qui seront concernés puisqu’on aura effectué un transfert sur un autre support, non les droits d’auteur.


Pour conclure, si l’on ne fixe pas de minimum, le collège des médiateurs risque de se retrouver dans la même situation et de ne pas réussir à fixer des normes sur lesquelles s’accorder – on le verra au moment de la discussion de l’article 9. Dans ces cas-là, il faudra repasser devant la justice, avec les mêmes problèmes de jurisprudences différentes, ce qui obligera à légiférer de nouveau pour trancher enfin entre les différents arrêts.

Par ailleurs, les décisions du collège des médiateurs étant susceptibles d’appel, on retombe, là aussi, sur une procédure jurisprudentielle, sans que le législateur ait fixé de cadre légal minimal.

Tout ceci n’est pas très sérieux, et il aurait mieux valu discuter d’abord du collège des médiateurs et ensuite de ses attributions. Par ailleurs, nous devrions d’abord, en tant que législateurs, fixer un cadre minimum avant de faire intervenir une instance de proposition, qui laisse en dernier ressort la décision finale aux pouvoirs publics dans la mesure où il s’agit de questions qui relèvent de l’intérêt général. Cela permettrait de concilier plus simplement l’ensemble des intérêts en cause, ceux des auteurs, des producteurs et des consommateurs, ces derniers ayant, contrairement à ce qui a été dit hier, la même importance que les précédents.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je voudrais souligner l’importance à nos yeux du sous-amendement n° 326 que Didier Mathus a présenté tout à l’heure et qui vise à encadrer le rôle et la mission de ce collège des médiateurs, dont nous n’approuvons pas le principe. Comme vous avez néanmoins décidé de le créer, il faut bien que nous nous efforcions de lui donner sa feuille de route.

Sur ce sous-amendement comme sur l’ensemble de l’article 8, nous aurions pu avoir un vrai débat de politique culturelle à propos de la musique et de la filière musicale, que nous n’assimilons pas seulement à un capital, ne partageant pas votre approche de l’art en termes de rente.

Nous avons en revanche la conviction qu’il faut préserver la liberté de création et ses mécanismes de financement, ici en jeu. Les consommateurs en effet ne sont pas dupes. Si l’on en vient à interdire la copie d’œuvres sur les supports assujettis à la rémunération pour copie privée – et c’est vers cela que l’on se dirige désormais à pleine vitesse –, il est évident que les consommateurs se révolteront et refuseront d’acquitter une redevance, contestable non sur son principe mais sur son montant, dès lors que l’on restreint progressivement la possibilité de copie sur les DVD ou les CD vierges.

Vous parlez beaucoup aujourd’hui, monsieur le rapporteur, des DVD vierges, parce que vous êtes traumatisé par la décision de la Cour de cassation et que vous pliez le genou devant les juges. Mais les risques sont multiples, et demain une autre juridiction peut statuer sur un autre support ou le collège des médiateurs peut prendre une mauvaise décision sur le nombre de copies possible sur tel ou tel support numérique. Nous ne sommes donc à l’abri de rien.

M. Richard Cazenave. On fait appel dans ce cas-là !

M. Christian Paul. Ce qui est sûr en revanche, puisque dans ce débat le pire est toujours sûr, c’est que l’on va voir la redevance pour copie privée se réduire progressivement, entraînant un vrai problème de financement de la filière musicale. A un moment, monsieur le ministre, où vous refusez la TVA à 5,5 %, où votre budget baisse et où vous refusez la redevance sur les fournisseurs d’accès, vous mettez de surcroît en péril la redevance pour copie privée en refusant le sous-amendement défendu par Didier Mathus. Ce n’est pas un carré magique, c’est un cercle vicieux !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 276.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 326.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 299.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 259 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 31.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Christian Vanneste, rapporteur. L’amendement n° 31 de la commission a le même objet que l’amendement n° 87 de notre collègue Patrick Bloche. Il vise à améliorer l’information du consommateur lorsqu’il achète une œuvre sous forme numérique. Le code de la consommation prévoit d’ores et déjà la nécessité d’une information du consommateur sur les restrictions à l’usage principal d’un produit ou d’un service. Ces dispositions sont très complètes, et la jurisprudence a eu l’occasion de les appliquer. Il apparaît néanmoins utile de les compléter de façon spécifique, en prévoyant une obligation d’information du consommateur propre au code de la propriété intellectuelle et portant sur l’existence et l’identification des mesures techniques mises en place.

L’amendement n° 31 de la commission est cependant préférable pour plusieurs raisons. Il ne vise pas que les œuvres mais aussi les objets protégés par des droits voisins, notamment les phonogrammes, vidéogrammes que sont les CD et DVD, qui sont bien les objets visés par l’amendement. Il renvoie les modalités détaillées de l’information au décret, ce qui est indispensable pour donner un sens concret, opérationnel et adaptable à l’obligation d’information. Enfin, la question des limites aux possibilités de bénéficier de l’exception de copie privée est mieux identifiée juridiquement, l’amendement n° 87 mentionnant l’accès à l’œuvre et son utilisation, ce qui n’inclut pas juridiquement la copie de l’œuvre. Par ailleurs la notion d’utilisation est potentiellement trop large.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 31, car l’information des consommateurs est importante et légitime.

Pour les raisons que vient d’indiquer le rapporteur, nous nous prononcerons en revanche contre l’amendement n° 87, même si ses objectifs sont les mêmes. L’amendement du rapporteur est plus précis et répond davantage aux intérêts des consommateurs.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. La rédaction de l’exposé des motifs de l’amendement du rapporteur est une forme d’aveu. Il y est dit explicitement que les MTP peuvent contenir des limites à la possibilité de bénéficier de l’exception de copie privée.

Le rapporteur admet donc implicitement que les MPT s’opposent à l’exercice du droit à la copie privée, ce qui est une manière de reconnaissance de ce que nous expliquons depuis le début de ce débat. Et si on tolère l’existence de MTP contraires à l’exercice du droit à la copie privée, je crains que la situation ne devienne ingérable.

Je voudrais par ailleurs revenir à un point antérieur du débat. Ce qu’a dit notre collègue Martine Billard est tout à fait pertinent. Nous sommes tous plus ou moins d’accord pour considérer que la question du cinéma est plus complexe et que, contrairement à la musique, les échanges de fichiers sur le cinéma peuvent mettre en cause le financement du cinéma.

Cela étant, au-delà de la difficile question de la chronologie des médias, qu’est-ce qui légitime, une fois passés les délais nécessaires à la bonne exploitation des films en salle, en DVD, puis à la télévision, l’existence de mesures de protection techniques qui interdiraient la copie sur DVD ? Sauf à inventer des MTP qui s’autodétruiraient au-delà de la période où la copie est soumise à contrôle !

Vous êtes en train, monsieur le ministre, de créer un texte dont tout le monde sait d’ores et déjà qu’il est inapplicable et qu’il ne sera pas appliqué, puisqu’il faut toute une batterie de décrets pour le mettre en œuvre et que, d’ici à ce que ces décrets soient publiés la prochaine directive sur le droit d’auteur sera sortie des limbes de Bruxelles. Cela démontre une fois de plus l’absurdité de l’exercice auquel tente de se plier le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Il me semble, pour reprendre ce que vient de dire Didier Mathus, qu’à la vitesse où l’on transpose, il ne faut pas attendre la nouvelle directive. Il nous a fallu cinq ans pour transposer celle-ci…

M. Christian Paul. C’est eux qui ont mis cinq ans, pas nous !

M. Jean Dionis du Séjour. Le groupe UDF soutiendra cet amendement. Le droit à DRM est inscrit dans la directive européenne, et c’est un droit que nous estimons légitime. Ceci dit, les DRM étant une matière complexe, il nous semble tout à fait positif que le consommateur soit informé des limitations qu’ils entraînent. Mais les modalités de cette information devant être fixées par décret en Conseil d’État, je souhaiterais que le ministre nous donne des indications sur le calendrier envisagé ainsi que sur la nature même de ces modalités. Il serait intéressant en effet de savoir comment on entend informer le consommateur.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur Dionis du Séjour, dès que nous en aurons terminé avec le débat législatif, mon énergie sera décuplée pour que tous les documents réglementaires soient élaborés dans les meilleurs délais possibles.

M. Christian Paul. Utilisez-la donc pour répondre au Parlement !

M. le ministre de la culture et de la communication. Mon objectif est évidemment que les dispositions que nous avons prévues et qui doivent être complétées par la voie réglementaire soient prises dans les meilleurs délais. C’est une obligation si nous voulons être opérationnels. Nous avons déjà perdu beaucoup de temps et il ne faut pas en perdre davantage pour faire entrer en vigueur ces nouvelles dispositions, protectrices de droits et créatrices de libertés nouvelles.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Nous venons d’évoquer deux amendements qui me semblent pourtant différents. L’amendement n° 31 porte sur la limitation de la lecture et le n° 87 sur la limitation de la copie. Or jusqu’ici nous n’avions parlé que des limitations apportés à la copie, et l’amendement de la commission, sur la limitation de la lecture, opère donc un glissement dans le débat. Pouvez-vous donc, monsieur le rapporteur, préciser vos intentions.

M. le président. Je mets donc aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 87.

La parole est à M. Christian Paul, pour le soutenir.

M. Christian Paul. Que nos collègues de la majorité se ressaisissent, à commencer par le rapporteur et le président de la commission ! Madame Billard vous interpelle sur un point très précis, soulignant une grave imperfection de l’amendement du rapporteur. Il me semblerait conforme à la dignité du Parlement de lui répondre sur cette question de la limitation apportée à la lecture.


Le périmètre de l’amendement n° 87 est beaucoup large que celui de l’amendement n° 31. Il s’agit en effet d’informer le consommateur sur toutes les mesures techniques de protection que comporte l’œuvre qu’il achète : non seulement celles qui viendraient limiter la lecture ou la copie – c’est indispensable –, mais aussi celles qui pourraient avoir pour conséquence la collecte de données personnelles de l’utilisateur au profit du fournisseur. M. Carayon s’est lui-même inquiété hier de tels procédés ! C’est donc un débat très grave. Nous courons aussi le risque que ces mesures techniques de protection soient considérées comme des sources de vices cachés et limitent l’usage du produit, au-delà de sa lecture initiale. Il est donc indispensable que les consommateurs sachent comment ils pourront utiliser ce qu’ils achètent et connaissent les conséquences sur le plan pratique de ces mesures techniques. Celles-ci peuvent également entraver l’interopérabilité, en dépit de toutes les précautions que vous prenez et dont nous ne sommes pas dupes. L’amendement n° 87 nous paraît donc essentiel pour la protection du consommateur. Il a pour objectif de l’informer sur l’utilisation de ses achats et sur le contenu précis des mesures techniques. Il va donc bien au-delà de ce que prévoit l’amendement n° 31 que vous avez défendu, monsieur le rapporteur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Ce qui va de soi va encore mieux en le disant ! Je soulignais tout à l’heure notre parfaite identité de vue sur cette question et la très grande proximité des deux amendements.

Vous mettez l’accent sur la distinction entre la copie et la lecture, mais nous souhaitons bien évidemment que les utilisateurs soient informés de toute limite apportée à la copie comme à la lecture. C’est un problème essentiel qui concerne notamment la compatibilité des supports. L’amendement n° 31 fait partie des mesures que j’ai souhaité intégrer au texte pour l’équilibrer en faveur des consommateurs en y inscrivant leur information transparente qui vaut, je le répète, pour la copie et pour la lecture. Quant à l’amendement n° 87 présenté par M. Bloche, il ne parle que de l’accès, ce qui est la même chose que la lecture, sans mentionner la copie.

M. Christian Paul. Vous ne l’avez pas bien lu !

M. Christian Vanneste, rapporteur. J’approuve votre argument, madame Billard, mais il va plutôt dans le sens de l’amendement n° 31.

Mme Martine Billard. Non, parce que vous ne parlez que de la lecture !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Absolument pas !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Nouvelle confusion dans le débat. Cela n’est pas la première du reste, et je crains que cela ne soit pas la dernière. Les explications du rapporteur à partir des observations pertinentes de Mme Billard ne sont guère convaincantes.

Je lis l’amendement n° 87 pour que tout le monde l’ait bien à l’esprit : « Les titulaires de droits informent les consommateurs de manière précise et explicite des caractéristiques essentielles de toute mesure technique appliquée à une œuvre protégée et des restrictions qu’elle implique sur l’accès à cette œuvre et sur son utilisation, en ce qui concerne en particulier le nombre ou l’utilisation des copies susceptibles d’en être établies. » Nous rejoignons en cela l’obligation résultant de l’article L. 111-1 du code de la consommation : « Tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service. »

De la même manière, nous nous inscrivons plus que vous ne le faites dans l’esprit de la directive dont l’article 6.4 prévoit que «… les États membres prennent des mesures appropriées pour assurer que les bénéficiaires des exceptions ou limitations prévues par le droit national… puissent bénéficier desdites exceptions ou limitations… lorsque le bénéficiaire a un accès licite à l’œuvre protégée ou à l’objet protégé en question. »

Protéger la lecture de l’œuvre que l’on achète est un minimum syndical ! Notre amendement est en outre l’expression la plus concrète qui soit de l’exception pour copie privée, de ce droit à copier une œuvre et de la nécessité d’informer préalablement l’acheteur. Je ne vois donc vraiment pas, monsieur le rapporteur, en vertu de quoi vous pouvez vous y opposer, d’autant qu’il présente l’immense avantage de ne pas renvoyer à un décret les modalités de l’information due au consommateur. Sans doute M. le ministre éprouve-t-il une grande jouissance à la perspective d’une activité réglementaire débordante, pour compenser une activité législative moins convaincante, mais inscrivons plutôt ces modalités dans la loi.

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Vous connaissez mon engagement auprès des familles et des consommateurs. Monsieur le ministre, pourquoi refuser l’amendement n° 87, qui n’est d’ailleurs pas en contradiction avec l’amendement n° 31 ? Les deux pourraient parfaitement être acceptés. Cela étant, l’amendement n° 87 me semble plus clair, plus global et plus explicite.

Mme Martine Billard. Et nettement mieux rédigé !

M. Christian Paul. Exactement !

Mme Christine Boutin. Il est dans l’intérêt commun des auteurs, des maisons d’édition et des consommateurs que tous connaissent les règles du jeu. Il est normal que les maisons d’édition informent les consommateurs des limitations d’utilisation des supports et il est normal que les consommateurs sachent exactement à quoi ils ont droit. Je vous demande, monsieur le ministre, de nous répondre de façon plus précise que par le mot : « défavorable ». Je sais bien qu’il y a un différent entre nous dans l’interprétation. Je constate d’ailleurs qu’il est transversal et que ce texte est l’occasion d’une expression démocratique…

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

Mme Christine Boutin. …puisque tout le monde peut exprimer sa différence. Nous sommes en désaccord sur la philosophie du texte, mais en l’occurrence il ne s’agit que d’informer les consommateurs, de leur dire quels sont leurs droits. Donnez-nous des explications plus claires qu’un simple avis défavorable !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Vanneste, rapporteur. C’est un débat redondant. L’amendement n° 31 concerne bien la lecture, ou ce que M. Bloche appelle l’accès, et la copie mentionnée au titre de « l’exception prévue au 2° de l’article L. 122-5 ». Il est vrai que ce renvoi est quelque peu elliptique, mais cette formulation juridique correspond à la manière dont on rédige habituellement la loi.

M. Christian Paul. Ici vous êtes rapporteur, pas professeur !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Je ne répèterai pas les raisons pour lesquelles l’amendement n° 31 est préférable à l’amendement n° 87, mais j’insiste sur le fait qu’il renvoie la mise en œuvre du texte à un décret. Cela dit, les deux amendements sont très proches. Sur le fond, nous sommes d’accord. Votons donc ensemble et mettons un terme à cette discussion !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Je partage tout à fait la position de mes amis socialistes et de Mme Boutin sur l’amendement n° 87 défendu par M. Bloche. C’est le minimum de ce qu’il faut accepter en matière d’information des consommateurs. Dans une tribune publiée aujourd’hui, le président de l’UFC-Que Choisir s’est d’ailleurs inquiété des arguments populistes utilisés sur cette question. Monsieur le ministre, il faut absolument que vous acceptiez l’amendement n° 87, car l’amendement n° 31 de la commission est limité. L’information sur les mesures techniques de protection doit concerner tous les supports, pas les seuls vidéogrammes.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 87.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 8, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 8, ainsi modifié, est adopté.)

Article 9

M. le président. Sur l’article 9, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Dominique Richard.

M. Dominique Richard. Je souhaite tout d’abord souligner l’avancée considérable que marque l’article 8, malgré ce que certains veulent faire croire. C’est en effet la première fois qu’est instituée dans notre droit l’exception pour copie privée, c’est-à-dire la garantie que tout un chacun, à partir d’une œuvre légalement acquise, pourra effectuer des copies pour son entourage.

S’agissant de l’article 9, je souhaite répondre à M. Dutoit, qui a parlé tout à l’heure d’une juridiction d’exception. Il faut recadrer les choses. D’abord, le collège de médiateurs est une autorité administrative comme il en existe déjà trente-quatre dans notre droit. Cela n’est donc en rien une novation. Ensuite, il ne délibère pas de façon exorbitante du droit commun, pour peu qu’il siège en deux collèges distincts selon qu’il s’agit d’instruction ou de décision. Et il agit sous le contrôle du juge, en l’occurrence la cour d’appel de Paris. Enfin, c’est le seul outil qui permettra de réagir rapidement aux évolutions technologiques. Je pense notamment à la question du DVD dont nous avons déjà longuement débattu. On sait en effet que, d’ici à un an à peine, la technologie Blu-ray offrira de nouvelles garanties sur la copie de DVD quand le parc des lecteurs sera suffisant.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.


M. Patrick Bloche
. M. Richard a la mémoire courte : l’exception pour copie privée est garantie depuis la loi de 1985, dite loi Lang, votée à l’unanimité sur ces bancs.

M. Patrice Martin-Lalande. Le numérique, c’est autre chose que l’analogique !

M. Patrick Bloche. Mais il est vrai que le ministre de la culture de l’époque avait fait preuve d’un peu plus de professionnalisme… (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Cazenave. C’est une attaque ad hominem : exactement ce que critique M. Ayrault !

M. Michel Herbillon. Tout à fait ! C’est une attaque personnelle !

M. Richard Cazenave. Ne soyez pas désobligeant inutilement, monsieur Bloche !

M. le président. Monsieur Bloche, venez-en à votre propos et allez au fond du sujet, s’il vous plaît !

M. Patrick Bloche. Quand je parle de manque de professionnalisme, ce n’est pas pour être désagréable vis-à-vis de M. le ministre. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Herbillon. Non ! C’était une louange !

M. Richard Cazenave. Que nous n’avons pas bien comprise !

M. Patrick Bloche. En matière de louanges, monsieur Herbillon, vous êtes champion toutes catégories à l’égard des ministres de votre majorité. Nous ne saurions vous battre !

M. Richard Cazenave. Encore une attaque !

M. Patrick Bloche. J’ai le plus grand respect tant pour la personne de M. le ministre que pour sa fonction. C’est la situation de confusion où nous sommes plongés à la troisième semaine de débat qui me fait parler d’amateurisme ou de manque de professionnalisme. En tout cas, vous l’aurez compris, il n’y aura pas, comme en 1985, vote unanime de notre assemblée sur ce projet de loi.

M. Richard Cazenave. La seule différence, c’est que, à l’époque, il y avait une opposition plus intelligente !

M. Patrick Bloche. L’article 9 nous plonge dans la plus grande perplexité. En matière de propriété intellectuelle, littéraire et artistique, compte tenu du climat historiquement passionnel qui prévaut et du conflit d’intérêt qui existe – dans ce secteur, les lobbies jouent pleinement leur rôle, comme nous avons pu le vérifier à l’occasion de l’examen de ce projet de loi –, une médiation apparaît nécessaire, surtout lorsque l’enjeu est aussi important que le droit à copie privée – élément majeur de la démocratisation culturelle puisqu’il permet l’accès du plus grand nombre au savoir.

En 1998, dans le cadre d’une mission qui m’avait été confiée, je me suis penché sur ces questions et ai remis au Premier ministre de l’époque, Lionel Jospin, un rapport sur la présence internationale de la France et la francophonie dans la société de l’information, intitulé « Le désir de France » .

M. Christian Paul. Excellent rapport !

M. Patrick Bloche. Je précise, pour éviter toute confusion, que je ne touche aucun droit d’auteur sur ce rapport paru, comme tout document officiel, à La Documentation française.

Je m’étais permis à l’époque de souhaiter une médiation pour toutes les questions de propriété intellectuelle. Mon rapport avait d’ailleurs donné naissance au CSPLA, le conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, dont je ne suis pas certain, à l’usage, qu’il soit réellement une instance de médiation – mais c’est une autre affaire.

La création d’une institution de médiation pourrait donc paraître légitime. Le problème est que vous confiez à une autorité administrative indépendante des compétences qui, dans l’État de droit, reviennent naturellement au juge. Dès qu’il est question de litige, on pense en effet tout de suite au juge et, plus généralement, à l’institution judiciaire, avec la garantie d’indépendance qui y est attachée.

Le ministre a certes indiqué que le collège des médiateurs aura un pouvoir d’injonction et que ses décisions feront l’objet d’un appel. Qu’il apporte des garanties, je n’en disconviens pas, mais il reste que, après les votes intervenus sur l’article 8, vous faites du collège des médiateurs à la fois un régulateur et un arbitre des litiges, sans les garanties offertes par le juge. Vous dessaisissez les juges de leurs prérogatives alors que la légitimité du collège des médiateurs sera contestée. Voilà ce qui explique notre réticence à l’égard de cet article, d’autant que nous nous demandons comment il pourra s’appliquer : si chaque citoyen est amené à saisir le collège des médiateurs pour tout litige dû à la mise en œuvre des mesures techniques de protection et à la restriction de son droit légitime à la copie privée, cela pose la question des moyens humains et budgétaires dont le collège disposera. Nous aimerions, monsieur le ministre, avoir des éclaircissements à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Mon intervention – cela ne vous étonnera pas – s’inscrit totalement dans la ligne de la démonstration de M. Bloche.

La décision que vous proposez à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, est loin d’être innocente. Lorsque nous avions lancé les rencontres parlementaires sur la société de l’information, il y a quelques années – Patrick Bloche s’en souvient – nous nous étions demandé si la révolution numérique créait une révolution juridique, c’est-à-dire, en particulier, si les modes de régulation à l’âge numérique devaient évoluer de façon substantielle ou si, au fond, les institutions de la République suffiraient : le Parlement pour voter la loi, le juge pour l’appliquer, éventuellement d’autres autorités de régulation dans leurs missions propres.

Je crains que ce collège des médiateurs ne crée une confusion des genres, si ce n’est des sentiments, en dessaisissant à la fois le Parlement et le juge.

Dans des domaines aussi complexes, on peut imaginer des modes de régulation d’une nature différente, mais, bien évidemment, avec un objet plus limité. Le développement des technologies, la nécessité de procéder à des expertises, la diversité des intérêts en présence peuvent inciter, en effet, dans certains domaines – Patrick Bloche vient de l’indiquer pour la propriété littéraire et artistique – à créer une instance qui ait un rôle à la fois de conciliation, de proposition, d’avis – en direction du Gouvernement ou du Parlement –, de facilitation et – pourquoi pas ? – de médiation. Mais, en l’occurrence, vous sautez de la stricte médiation à la sous-traitance : le collège des médiateurs va édicter une norme et l’appliquer.

Patrick Bloche a cité un excellent rapport. J’en citerai un autre, moins excellent, intitulé « Du droit et des libertés sur l’internet » rédigé il y a cinq ans. Je vais vous le faire porter, monsieur le ministre. Il doit encore y en avoir un exemplaire à la bibliothèque. Il a été publié en 2000 sous Creative Commons. Aujourd’hui, on l’éditerait de manière à ce que son accès soit plus facile, y compris pour les ministres de la République.

Dans ce rapport, nous disions très clairement qu’il ne fallait pas abdiquer la nécessité de faire des lois dans le domaine de l’Internet. On peut imaginer une co-régulation, un mode nouveau de régulation, mais le Parlement doit jouer son rôle.

M. Jean Dionis du Séjour. Bien sûr !

M. Christian Paul. Et le juge, quand il s’agit de trancher véritablement un différend, doit également prendre toute sa part.

L’autorité administrative présumée indépendante que vous mettez en place dénote une information insuffisante de ce que doit être l’État de droit à l’âge numérique. C’est un des vices évidents de ce texte. Il est sans doute encore temps d’y remédier. Nous défendrons donc des amendements pour essayer de limiter la casse. C’est notre rôle dans ce débat puisque vous ne vous départissez pas, monsieur le ministre, d’une assurance qui frise l’entêtement et que vous n’acceptez aucun amendement de l’opposition ni même de la majorité – quand des amendements sont adoptés, ils le sont contre vous, ce qui sera peut-être le cas sur cet article ? Vous conviendrez que ce n’est pas une bonne manière d’aider le Parlement à faire son travail.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Je ne ferai pas allusion au rapport que j’avais moi-même écrit en 1998 sur la convergence numérique (Sourires). Je veux simplement réfuter l’argumentation de M. Dominique Richard.

Il existe déjà 34 autorités administratives, pourquoi pas 35, nous dit-il. Certes ! Mais, lorsque l’État, dans des lois précédentes, a estimé légitime de créer une autorité administrative de médiation, c’était dans des matières où il était lui-même partie prenante.

M. Jean Dionis du Séjour. Bien sûr !

M. Didier Mathus. Si le CSA et, avant lui, d’autres autorités de régulation de l’audiovisuel, ont été mis en place, c’est parce qu’il y avait une télévision publique. Il paraissait dès lors légitime que le régulateur soit une autorité indépendante qui ne puisse être suspectée d’aucune connivence politique et d’aucun parti pris ou d’intérêt. Cela vaut pour l’ART et pour toutes les autorités administratives.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Didier Mathus. Mais, ici, il y a complet dessaisissement du législatif et de l’exécutif. Rien dans ce projet de loi n’encadrera l’exercice de la médiation confiée à un collège. Une telle démarche a quelque chose de profondément choquant.

Le rapporteur a fait adopter tout à l’heure un amendement extraordinaire : il sera possible de mettre en vente des CD qu’on ne pourra pas lire. C’est très exactement le sens de l’amendement qui a été adopté !

M. Christian Paul. A contrario oui !

M. Didier Mathus. Mais il faudra l’indiquer sur le boîtier. Cela revient à dire : « Attention, vous achetez un compact disc mais vous ne pourrez pas le lire ! Comme nous sommes très honnêtes, nous vous prévenons ! » C’est quand même la moindre des choses ! C’est comme si vous autorisiez la vente de bonbons empoisonnés à la condition que ce soit inscrit sur le paquet. On marche sur la tête ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Cazenave. Il ne faut pas dire cela comme ça !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Votre amendement revient au même !

M. Didier Mathus. Cela témoigne de la dérive actuelle et des rapports de forces qui existent en ce domaine : on considère comme tout à fait normal de mettre en vente des disques qui ne sont pas lisibles. Tout ce qui est demandé est d’en avertir le public, ce qui, avouons-le, est la moindre des choses.

Le glissement que l’on voit à propos du collège des médiateurs procède de la même logique : devant le rapport de forces qui s’est instauré au bénéfice de certains groupes financiers et industriels, on renonce à légiférer et on renvoie le dossier à un collège des médiateurs.

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Le projet de loi vise à instaurer un collège des médiateurs pour, d’une part, fixer les modalités d’exercice de la copie privée et, d’autre part, garantir le bénéfice de l’exception pour copie privée. Or ces deux missions apparaissent totalement contradictoires. D’un côté, le collège fixe les modalités d’exercice, ce qui revient à fixer les limites d’une exception dont les utilisateurs bénéficiaient naturellement jusqu’à présent. De l’autre, il est supposé garantir le bénéfice de cette exception, qui n’est pas supposée souffrir d’autres limites que celles fixées par le texte.

Le sentiment que donne cette rédaction est que la copie privée défendue dans ce texte n’est pas celle qui est définie par la loi et qui a été réaffirmée par la grande majorité des décisions de jurisprudence.

Ce texte défend en réalité une copie restreinte, ce qui est très différent. La copie privée, la vraie, ne souffre pas, en effet, d’autres limitations que celles données par la loi, aux articles 122-5 et 211-3 du code de la propriété intellectuelle : elle doit être effectuée, premièrement, par le copiste, deuxièmement, pour son usage privé. Peu importe l’origine de la copie et surtout la loi n’a jamais entendu que le nombre de copies privées effectuées par le copiste puisse être limité. La raison en est très simple : le statut de la copie privée est intrinsèquement rattaché à celui de la vie privée – excusez-moi du peu ! Or, il n’est pas acceptable que l’on puisse revenir sur un principe aussi fondamental.

On ne peut donc accepter un quelconque contrôle sur l’usage qui est fait des œuvres au sein de millions de familles. C’est pourtant ce que ce texte vise à légitimer et à faire accepter par le biais de ce collège des médiateurs.

Quelle équité y aurait-il à décider d’un nombre uniforme de copies d’une œuvre alors que celle-ci peut être acquise tant par des célibataires ou de simples couples que par des familles nombreuses ?

Par ailleurs, dans son rôle de garant du bénéfice de l’exception pour copie privée, ce collège des médiateurs n’interviendra jamais qu’a posteriori, c’est-à-dire une fois que le mal sera fait.


De plus, on conçoit mal qu’il soit saisi individuellement par tel ou tel consommateur. Peut-on imaginer que chaque consommateur ait le temps, le courage et la pugnacité nécessaires pour saisir ce collège à chaque fois qu’il achète un CD, dont le nombre de copies a été limité à trois au lieu de cinq ?

Enfin, mes chers collègues, systématiquement, depuis de nombreuses années, quand le politique – c’est-à-dire nous tous – a un problème à régler, il crée un « comité Théodule », ajoutant par là même à la confusion de l’exercice de la responsabilité et de l’autorité.

Comment pouvons-nous revaloriser le rôle du Parlement si, à chaque fois, que nous rencontrons une difficulté, nous nous dessaisissons de nos pouvoirs ?

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Le groupe UDF – et tout spécialement François Bayrou, mais pas Pierre-Christophe Baguet – …

M. Patrice Martin-Lalande. C’est subtil !

M. Jean Dionis du Séjour. …s’opposera à la création de ce collège de médiateurs.

Premièrement, sa création est contraire à la directive européenne –, ou du moins, n’est pas prévue par cette dernière. J’aimerais que l’on examine ce point calmement. La directive européenne prévoit-elle cela ? Non ! Dans son considérant 46, la directive européenne indique : « Le recours à la médiation pourrait aider utilisateurs et titulaires de droits à régler les litiges. La Commission, en coopération avec les États membres au sein du comité de contact, doit réaliser une étude sur de nouveaux moyens juridiques de règlement des litiges concernant le droit d’auteur et les droits voisins. » La Commission européenne nous renvoie donc à une instance de médiation.

Or vous, monsieur le ministre, vous ne créez pas une agence de médiation puisque le projet de loi indique clairement que les décisions du collège des médiateurs auront valeur exécutoire.

Votre collège des médiateurs est donc une autorité de régulation. Il faut lui donner son vrai nom. Nous sommes loin de ce que prévoit en son article 6, alinéa 4, la directive européenne. Et vous savez que, à l’UDF, on ne badine pas avec une directive ! (Sourires.) On y lit, en effet : « Les États membres prennent des mesures appropriées pour assurer que les bénéficiaires des exceptions ou limitativement prévues par le droit national […] puissent […] en bénéficier. » Il est ainsi prévu au niveau européen que cette autorité est de la compétence des États. Votre texte est, à cet égard, contraire à la directive européenne.

Deuxièmement, on observe une véritable confusion et un risque de conflit entre la commission de la rémunération pour la copie privée et le collège des médiateurs. Comment voulez-vous que ça marche ? Au collège des médiateurs incomberait la définition de l’espace de la copie privée – le nombre d’exemplaires par type de supports, etc. À la commission pour la copie privée – article L. 122-5 du code de la propriété industrielle – incomberait le type de support éligible, le taux de rémunération et les modalités de versement. Qui ne voit pourtant le lien entre l’espace de la copie privée, le préjudice porté aux auteurs et le financement à lever ?

Je vous en supplie, monsieur le ministre, soyons cohérents et confions à une même commission l’ensemble de ces pouvoirs. Sinon, une grande confusion risque de s’instaurer.

M. Christian Paul. Monsieur le ministre, écoutez l’UDF, pour une fois !

M. Jean Dionis du Séjour. Je me permets, monsieur le ministre, de vous alerter sur ce sujet.

M. Didier Mathus demandait d’une manière plus générale qui devait être le régulateur. Cette question engage les droits du Parlement. Le régulateur doit être légitime. Votre commission sera peut-être légale, mais, fondamentalement elle sera illégitime. Le régulateur, c’est l’État. Or on nous envoie un régulateur indépendant. Celui-ci n’a de justification que lorsqu’il y a contradiction entre l’État actionnaire et l’État régulateur. C’est pour cela que les directives européennes ont créé l’ACRE, le CSA, l’ART. Vous avez besoin d’une autorité de régulation, car l’État français possède France-Telecom à hauteur de 40 % et il ne peut être à la fois actionnaire et régulateur.

Nous plaidons pour que l’État – le Parlement en matière de lois, le Gouvernement en matière de règlements – récupère le pouvoir de régulateur. Si un comité consultatif est nécessaire, créez-le ! Mais pourquoi empiéter sur les capacités de l’administration ? Où est passée la DDM dans cette affaire ?

On nous dit que la commission pour la copie privée fonctionne bien. C’est vrai ! Mais, on peut tout de même s’interroger. Je voudrais vous redonner les chiffres de la croissance des recettes de la commission de la copie privée : 95,31 millions en 2001 ; 125,48 millions en 2002 ; 145,97 millions en 2003 ; 164,94 millions en 2004. Le taux de croissance est supérieur à 15 % par an. Il me semble que le régulateur et le Parlement auraient été en droit de la mettre en garde sur cette rapidité et auraient dû lui conseiller de ralentir cette croissance. Nous déposerons des amendements sur ce point.

Monsieur le ministre, il n’est pas facile de faire le partage entre l’intérêt général, entre l’intérêt légitime – mais sectoriel – des auteurs et l’intérêt légitime des consommateurs, des familles et des internautes. C’est à l’État, par le biais législatif et réglementaire, de définir ce qui en l’occurrence doit être l’intérêt général.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit

M. Frédéric Dutoit. Cet article est fondamental. Si nous ne sommes pas toujours d’accord avec M. Dionis du Séjour – c’est le moins que l’on puisse dire –, celui-ci s’est demandé avec juste raison si un collège de médiateurs avait vocation à fixer l’étendue des droits des usagers, s’agissant de l’exercice des libertés fondamentales. La directive européenne ne le demande pas. La création d’un tel collège serait même contraire à la directive européenne. L’argumentation de M. Dionis du Séjour devrait, monsieur le ministre, vous faire réfléchir.

Le groupe des député-e-s communistes et républicains est opposé à la création du collège des médiateurs. Mais, sur ce sujet comme sur d’autres, le Gouvernement reste « droit dans ses bottes », sans tenir aucun compte des observations que nous formulons. Je n’ai entendu à aucun moment, le ministre ou le rapporteur répondre à la représentation nationale sur les raisons qui conduisent à écarter le législateur de la définition du cadre d’exercice de la copie privée.

Je sais, monsieur Richard, que beaucoup d’autorités indépendantes existent – beaucoup trop à mon goût. Nous devrions engager une réflexion plus globale dans notre pays sur le rôle du Parlement et de ces autorités. En effet, nous déléguons trop facilement les prérogatives parlementaires à ces autorités indépendantes. Qui, dans notre pays, est garant de l’intérêt général ?

Ce qui est choquant, ce n’est pas seulement la démarche du Gouvernement, c’est aussi son obstination à ne jamais répondre aux questions qui lui sont posées.

Je voudrais revenir sur les propos tenus tout à l’heure par M. le rapporteur. Pour lui, le droit à la copie des DVD pourrait être envisagé, un jour, moyennant des dispositions techniques. Il s’en serait assuré auprès du président de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques. Celui-ci est-il un représentant élu de la nation ? Depuis le début de ce débat, nous assistons à certains dérapages, qui ont au moins le mérite d’éclairer la représentation nationale sur les interlocuteurs de la majorité et l’autorité qui leur est reconnue.

Ce propos m’a frappé, car je vois d’emblée de quoi il est question. La copie des DVD sera sans doute autorisée et jugée peu dangereuse quand certaines DRM, dangereuses pour les utilisateurs, recevront l’agrément d’une commission « Théodule », qui décidera s’il est, par exemple, légal ou non d’intégrer dans les DVD des DRM dans lesquelles sera inscrit le numéro de la carte de crédit de l’utilisateur. À en croire le rapporteur, ces DRM s’imposeront demain pour être la défense des droits d’auteurs et le progrès de l’humanité ! Il n’est pas exclu que l’on approuve ce type de DRM pour autoriser à l’avenir la copie privée.

De quel droit de regard disposeront les députés sur ces évolutions ? D’aucun ! Cela relèvera en effet, de la compétence du collège des médiateurs. C’est une raison supplémentaire qui nous conduit à exprimer notre hostilité à l’article 9. Nous voterons donc les amendements tendant à sa suppression.

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez

M. Laurent Wauquiez. Un vrai débat s’est instauré sur cet article, qui met en jeu notre conception du rôle de l’État et du Parlement. Il ne faut pas le fuir. Nous comprenons les positions prises par les uns et les autres, et je partage certaines réserves émises en ce qui concerne la multiplication des autorités administratives indépendantes.

M. Christian Paul. Très bien !

M. Laurent Wauquiez. Mais nous devons avoir le courage de reconnaître que nous sommes tous responsables de la multiplication des autorités administratives indépendantes. Tous les gouvernements, depuis une vingtaine d’années y ont largement contribué.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. Laurent Wauquiez. Il existe deux justifications du recours à une autorité administrative indépendante.

Premièrement, le recours à une autorité administrative indépendante s’impose – M. Dionis du Séjour l’a rappelé – quand il y a un soupçon de collusion possible entre l’État et divers intérêts. C’est une partie des justifications invoquées par les directives communautaires. Je suis assez réticent à l’égard de cet argument, qui pose comme principe que l’État n’est pas totalement indépendant. Mais cela fait partie des contraintes qui justifient la mise en place de la CRE et de l’ART.

Deuxièmement – et cet élément me paraît très important – nous assistons dans ces domaines, à des évolutions technologiques très rapides. Les débats sont extrêmement techniques. La lucidité nous oblige à nous interroger sur les capacités du Parlement à légiférer et à prendre des décisions. Nous nous heurtons – et l’examen du projet de loi en a été l’illustration – à nos limites. Le Parlement ne doit pas pour autant abdiquer ses pouvoirs. La loi doit fixer suffisamment de cadres, de façon à éviter que l’on n’aboutisse à la confiscation par l’autorité administrative indépendante du rôle et de la responsabilité du législateur.

Nous devons reconnaître honnêtement les limites de nos compétences techniques – certains d’entre nous en ont apporté la preuve, moi le premier hier soir – sur des sujets extrêmement techniques comme le MP4 ou les fichiers MP3.

M. Christian Paul. C’est fair-play !

M. Laurent Wauquiez. Ce secteur connaît en outre une évolution des technologies extrêmement rapide. Prenons l’exemple du DVD. Nous allons répondre dans la loi à la question de savoir si le DVD permet aujourd’hui d’ouvrir ou non la possibilité de deux, trois ou cinq copies privées.

Mais une évolution technique permettra peut-être, à l’avenir, dans un an ou deux, d’ouvrir plus largement le recours à la copie privée.

Nous nous heurtons ici aux limites de notre compétence parlementaire : la durée de nos débats, l’étendue de nos compétences techniques et l’évolution de la technologie. Nous sommes dans un domaine où il est concevable d’avoir recours à une autorité administrative indépendante à condition – et cela relève de l’appréciation de chacun d’entre nous – que nous estimions avoir suffisamment exercé notre travail de législateur.


De ce point de vue, je citerai la Suède, considérée comme un modèle dans le domaine de la protection du droit des internautes, qui a recours à l’ombudsman et au médiateur, autorité administrative indépendante, pour encadrer ces différentes techniques.

Enfin, je rappelle que la CNIL est un très bon exemple d’une autorité administrative indépendante qui a exercé son pouvoir dans le sens de la protection des consommateurs et des individus. Une autorité administrative ne basculera pas forcément dans un sens ou dans un autre.

M. Dominique Richard et Mme Valérie Pacresse. Très bien !

M. Frédéric Dutoit. N’en rajoutez pas !

M. Christian Paul. C’est très « balancé », mais on ne sait pas très bien de quel côté de la balance vous penchez ! (Sourires.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 287 et 369, de suppression de l’article 9.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 287.

Mme Martine Billard. J’ai écouté avec intérêt M. Wauquiez. Notre critique a justement porté sur le fait que les députés n’aient pas pu entendre l’ensemble des acteurs concernés, notamment sur la partie technique.

L’article 9 prévoit que le collège des médiateurs sera composé de trois personnalités qualifiées nommées par décret, dont deux seront choisies « parmi des magistrats ou des fonctionnaires appartenant, ou ayant appartenu, à un corps dont le statut garantit l’indépendance ; ils désignent ensuite le troisième médiateur... »

De quels moyens disposeront-ils ? Pour ma part, je ne vois pas très bien comment deux magistrats peuvent être plus compétents que la cinquantaine de parlementaires qui ont suivi ce débat de bout en bout, qui sont le plus au fait de la question et qui ont le plus travaillé.

J’estime que l’on plonge dans l’inconnu avec ce collège de médiateurs. Quelle sera sa compétence technique en la matière ? Immense point d’interrogation !

Le collège de médiateurs est chargé de définir les modalités de l’exercice de la copie privée en prenant en compte les différents types de contenu, les différents modes d’exploitation et les techniques de protections. Face à une telle responsabilité, il va de soi qu’il faut une grande compétence technique.

Le collège gère aussi les différends portant sur le bénéfice des exceptions ce qui, du reste, était sa seule compétence au départ. Pour ma part, j’étais défavorable au dessaisissement de la puissance publique. Maintenant, ses compétences ont été étendues ; non seulement le collège gère les différends portant sur le bénéfice des exceptions introduits à l’article 1er, mais il doit aussi s’occuper des types de contenu, de supports, y compris la programmation des DRM. On est donc en droit de se demander comment il va procéder.

Permettez-moi de revenir à l’amendement n° 31 du rapporteur à l’article 8 : « Toute limitation de la lecture d’une œuvre, d’un vidéogramme ou d’un phonogramme, ou du bénéfice de l’exception prévue au 2° de l’article L. 122-5 et au 2° de l’article L. 211-3, résultant de mesures techniques mentionnées à l’article L. 331-5 fait l’objet d’une information de l’utilisateur. »

S’agissant de la limitation de lecture d’une œuvre, on peut comprendre qu’il s’agit d’une œuvre mise à disposition sur le réseau Internet et on sait donc que les DRM peuvent limiter la lecture. Mais s’agissant de la limitation de la lecture d’un vidéogramme ou d’un phonogramme, cela signifie que l’on introduit subrepticement la possibilité de limiter la lecture de supports physiques, ce qui n’est actuellement pas le cas.

Cela veut-il dire que le collège des médiateurs sera aussi chargé de gérer les différends sur l’utilisation des DRM ? Pour l’instant, ce n’est pas le cas, puisqu’il ne doit gérer que les différends portant sur le bénéfice des exceptions.

Reconnaissez tout de même, monsieur le ministre, que l’on finit par aboutir à un texte, en première et dernière lecture à l’Assemblée, difficilement lisible suite aux modifications continuelles par le biais d’amendements émanant tant du Gouvernement que du rapporteur.

On saisit mal les conditions dans lesquelles le collège pourra travailler. Quels seront les moyens dont il disposera ? Quelles sont ses compétences ? Comment n’y aura-t-il pas de conflit entre la médiation et la définition de tout ce qui tourne autour de la copie privée ? Tout à l’heure, notre collègue M. Richard disait que le collège siégerait en formations séparées pour éviter d’être juge et partie. Je veux bien que les trois personnalités siègent une fois pour gérer les différends et la fois suivante pour définir la copie privée. Mais il s’agira toujours des mêmes personnes. En tout état de cause, ce n’est pas précisé dans l’article tel qu’il est rédigé.

Enfin, comment, sur l’ensemble du territoire, sera-t-il possible pour un citoyen de saisir individuellement le collège des médiateurs, s’il s’estime lésé parce qu’une mesure technique de protection l’empêche de bénéficier de l’exception pour copie privée ?

Mme Claude Greff. Par Internet !

Mme Martine Billard. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 9.

M. le président. Présentez-vous l’amendement n° 369, monsieur Baguet ?

M. Pierre-Christophe Baguet. J’aimerais m’exprimer sur l’article, monsieur le président.

M. le président. Nous en sommes aux amendements, monsieur Baguet, mais vous pourrez vous exprimer dans ce cadre.

Cela dit, puis-je considérer, monsieur Dionis du Séjour que l’amendement n° 369 est défendu, car il me semble que vous avez pu dire tout le bien que vous pensiez de l’article 9 tout à l’heure ! (Sourires.)

M. Jean Dionis du Séjour. En effet, monsieur le président. Vous pouvez considérer que notre amendement a été largement défendu et que le groupe UDF demande la suppression de l’article 9.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements de suppression ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. L’avis de la commission est évidemment défavorable.

La mission du collège des médiateurs consiste à adapter le droit à l’évolution de la technologie, cela a été souligné à plusieurs reprises. Il s’agit de faire en sorte que cette instance réponde à trois objectifs principaux. Premièrement, prendre des décisions rapidement – ce que ne pourraient faire ni le Parlement ni même les juridictions – de façon efficace et homogène, ce que ne font pas les juridictions puisque nous avons eu des décisions parfois contradictoires.

Deuxièmement, s’agissant des rapports entre le législateur et la société civile, la loi, vous le savez bien, mes chers collègues, ne peut se situer qu’au niveau du général. Elle ne peut pas aller dans le sens du particulier. D’où la nécessité de faire appel à des instances intermédiaires, à des autorités administratives qui peuvent davantage s’adapter à la réalité, souvent fluctuante. Les tribunaux peuvent faire valoir l’équité, conception très importante. La loi ne peut qu’être juste, elle ne peut pas être équitable. Elle ne peut pas s’adapter aux situations particulières qui relèvent des tribunaux.

C’est la raison pour laquelle j’ai dit tout à l’heure qu’il y a un problème avec les DVD et que j’ai rappelé la jurisprudence. Il ne s’agit pas de dire que le Parlement doit être soumis à la jurisprudence, mais que le Parlement ne peut ignorer la société civile et sa réalité quotidienne. Les tribunaux, eux, sont en phase avec cette réalité quotidienne.

Troisièmement, je me tourne vers Mme Boutin, pour lui dire que bien évidemment il n’y a de garantie du droit à la copie privée que s’il y a des limites. Vous ne pouvez garantir un droit que s’il est limité : vous ne pouvez garantir un droit absolu. Si la copie privée était un absolu, permettant une infinité de copies privées, nous ne pourrions évidemment pas la garantir. D’abord, pour une raison simple, c’est que cela serait en contradiction totale avec une règle fondamentale de la directive européenne, à savoir le test en trois étapes.

Enfin, il faut souligner que M. le ministre et moi-même avons toujours cherché à aller plus loin que la directive européenne.

Mme Martine Billard. On ne l’avait pas remarqué !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Nous avons voulu que l’équilibre soit plus favorable aux utilisateurs, aux consommateurs, aux internautes que ce n’est le cas dans la directive européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) .)

M. Didier Mathus. C’est le contraire !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Lisez donc, mes chers collègues, la directive européenne qui n’envisage la copie privée que d’une manière restrictive.

Vous semblez craindre de voir disparaître la copie privée, mais si notre loi ne corrigeait pas la directive européenne, votre réflexion pourrait avoir un sens. Je ne dis pas qu’elle serait confirmée, mais elle pourrait avoir un sens.

M. Didier Mathus. Vous avez pris trois exceptions sur dix !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Le considérant 39 de la directive européenne précise que les exceptions pour copie privée ne doivent faire obstacle ni à l’utilisation de mesures techniques ni à la répression de tout acte de contournement. De ce point de vue, la directive européenne est infiniment plus dure que notre texte lequel prend en compte l’intérêt des internautes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux amendements de suppression ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Nous devons être fiers du travail que nous accomplissons. Vous venez, à l’article 8, de garantir le droit à l’exception pour copie privée. Comme Laurent Wauquiez et Dominique Richard l’ont dit avec beaucoup de talent, nous voulons créer à l’article 9 une structure opérationnelle pour régler les différends entre titulaires de droits et utilisateurs. Il ne s’agit donc en aucune façon d’un dessaisissement du Parlement, puisque c’est lui qui fixe les principes, mais d’éviter d’avoir à le réunir régulièrement pour anticiper sur les évolutions de la technologie.

Il a fallu trois ans pour élaborer le texte de 1985 sur la copie privée. Alors, on peut toujours faire tous les reproches de la terre à ce projet de loi, mais je crois, pour ma part, que vous faites œuvre utile. Et nous pouvons, ensemble, car il s’agit d’un travail collectif, être fiers d’affirmer que nous allons plus loin que la transposition de la directive européenne s’agissant de l’exception pour copie privée comme de l’interopérabilité, c’est-à-dire la lecture, sur tous supports, d’une œuvre. Le point d’équilibre que nous avons trouvé est donc tout à fait essentiel.

M. Richard a posé la question de savoir si le collège des médiateurs ne risquait pas d’être juge et partie. À l’instar du CSA qui dispose à la fois d’un pouvoir de régulation et de règlement des litiges et qui fonctionne de manière harmonieuse, le collège, afin qu’il n’y ait pas de confusion des genres, siégera dans des formations différentes selon les cas pour éviter d’être juge et partie. C’est exactement la règle qui prévaut au conseil supérieur de l’audiovisuel.

Le collège des médiateurs sera chargé de garantir le bénéfice de l’exception pour copie privée. Il est doté pour cela de moyens juridiques adaptés qui sont en faveur des bénéficiaires de la copie privée. Il pourra – et c’est très important – imposer sous astreinte aux ayants droit de modifier les mesures techniques de protection pour assurer le bénéfice de l’exception pour copie privée.

Le procès-verbal de conciliation qu’il dresse a force exécutoire et fait l’objet d’un dépôt au greffe du tribunal d’instance. Ses décisions – je le rappelle car c’est très important – peuvent être contestées devant la cour d’appel de Paris.

Il apprécie l’exercice de la copie privée au regard du test en trois étapes, c’est-à-dire lorsqu’elle ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni ne cause un préjudice injustifié, votre rapporteur l’a rappelé.

Pour faire écho au propos de Laurent Wauquiez, ce mécanisme unifié donne la souplesse nécessaire pour s’adapter aux évolutions technologiques rapides.

J’ai parlé du capital de création, du capital de talent, du capital de mémoire, du capital d’imagination pour le futur – certains se sont gaussés de ce terme de « capital » – qui existent dans notre pays pour le livre, le cinéma et la musique. Des règles s’appliquent aujourd’hui : si la technique permet de les faire évoluer, le collège des médiateurs en prendra acte et pourra modifier un certain nombre de dispositions. C’est très important.

Ce mécanisme unifié, et j’insiste car cela représente un avantage pour les consommateurs, permettra l’égalité afin que la copie privée soit la même pour tous. Là aussi, c’est très important.


Autre question, évoquée par Jean Dionis du Séjour : y-a-t-il confusion des genres entre la commission de la copie privée et le collège des médiateurs ?

Rappelons qu’il y a deux grandes catégories de fonctions et de responsabilités.

La commission de la copie privée évalue la rémunération des ayants droit, ce qui est essentiel. Et ceux qui se préoccupent, comme moi, du financement de la création ont pu constater que cette instance a élargi le nombre de supports éligibles, d’où une augmentation des recettes. Voilà une responsabilité qui implique aussi de suivre les évolutions de la technologie.

Le collège des médiateurs, pour sa part, apprécie la conformité au test en trois étapes, en déterminant notamment les éventuelles atteintes à l’exploitation normale de l’œuvre. Il doit présenter les garanties d’indépendance qui lui permettent d’avoir certains pouvoirs du juge, en particulier la faculté de prononcer une injonction sous astreinte.

En d’autres termes, le Parlement n’est en aucune manière dessaisi des principes que vous allez poser et fixer. Simplement, nous veillons, comme les orateurs de l’UMP l’ont souligné, à disposer d’une structure opérationnelle, dotée de pouvoirs réels, à même de suivre les évolutions de la technologie.

Pour terminer sur un propos plus politique, je vous dirai que je ne fais pas partie de ceux qui pensent que nous devons, les uns ou les autres, nous défausser de nos pouvoirs ou de nos responsabilités.

M. Christian Paul. C’est pourtant ce que vous faites !

M. le ministre de la culture et de la communication. Nous sommes ici dans le lieu de la confrontation entre l’exécutif et le législatif et chacun doit assumer ses responsabilités.

Nous estimons nécessaire que cette autorité, indépendante, permanente, et dotée de moyens, – novation parmi d’autres, déjà adoptées – puisse garantir l’effectivité des principes que vous aurez adoptés afin qu’ils entrent en vigueur dans la vie quotidienne des internautes et des consommateurs.

M. Christian Paul. Ce serait beau, si c’était vrai !

Mme Claude Greff. Mais c’est vrai !

M. le ministre de la culture et de la communication. On peut toujours se rassurer à bon compte en pensant que le simple fait de légiférer va tout régler, encore faut-il avoir le souci que les progrès se concrétisent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, je précise tout d’abord que, contrairement à ce qui est indiqué, je ne suis pas cosignataire de l’amendement n° 369. Si je m’interroge sur le fonctionnement du collège des médiateurs, j’adhère à son principe.

À ceux qui dénoncent le risque d’une superposition des compétences, je citerai le cas de l’ARCEP et du CSA. En cas de litige, il est toujours possible de recourir au Conseil de la concurrence ou encore aux tribunaux. Et le système ne fonctionne pas si mal car les deux autorités arrivent à couvrir sans trop de difficultés ce secteur qui connaît de très grandes évolutions technologiques.

De plus, face à ces changements rapides, le Parlement est là pour fixer des caps. Il a ainsi posé de grandes orientations pour la TNT, dans la loi d’août 2000, que Didier Mathus connaît bien. Le CSA l’a ensuite mise en œuvre, en recourant notamment à des experts extérieurs, qui ont permis de répondre avec souplesse à ces évolutions attendues par un très grand nombre de nos concitoyens. Et aujourd’hui, on en voit le résultat : la TNT est un succès.

Enfin, le secteur de l’audiovisuel et des télécommunications est caractérisé par un paritarisme très développé. Le dialogue social, le dialogue professionnel sont toujours nourris et de nombreux accords sont co-signés, sous l’autorité du Gouvernement. J’en veux pour preuve l’accord sur le cinéma, qui s’est conclu, certes un peu tardivement, au mois de décembre. Les acteurs de ce secteur, même s’il traverse des crises difficiles, parviennent toujours à se mettre d’accord, dans le sens de la défense des intérêts de nos concitoyens, sous quelque gouvernement que ce soit.

Je voterai donc contre ces amendements de suppression.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 287 et 369.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 147 et 91, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M.  Jean Dionis du Séjour, pour soutenir l’amendement n° 147.

M. Jean Dionis du Séjour. M. Wauquiez nous explique qu’on crée une autorité en cas d’évolution technologique rapide. Pourtant, nous n’en avons pas créée dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique…

M. Christian Paul. Encore heureux !

M. Jean Dionis du Séjour. …alors qu’une même tension existait entre les fournisseurs d’accès et les consommateurs.

S’agissant de la copie privée, monsieur le ministre, je trouve choquant que l’on fasse cohabiter deux structures. C’est une construction totalement baroque. Comment décider que celle qui aura à définir l’espace de la copie privée n’aura aucun lien avec elle qui déterminera sa rémunération ?

Mon amendement propose donc de supprimer l’une des deux instances et de séparer les problèmes liés à la copie privée de ceux qui ont trait à l’exception en faveur des personnes handicapées. Il est prévu que l’autorité de régulation soit saisie de ces deux types de différends. Mais de quoi ses membres seraient-ils spécialistes : de la copie privée ou du handicap ? Seraient-ils choisis parmi des magistrats indépendants, ce qui peut se concevoir, ou bien parmi des socio-profesionnels ? Et dans ce cas, quelles garanties d’indépendance par rapport à leur milieu d’origine seraient apportées ?

Monsieur le ministre, nous vous proposons donc de mettre un peu d’ordre alors que la plus grande confusion règne à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n° 91.

M. Patrick Bloche. En cette troisième semaine de débats, nous avons du mal à partager le sentiment de fierté qui anime encore le ministre,…

M. Christian Vanneste, rapporteur. Et le rapporteur !

M. Patrick Bloche. …sans doute adepte de la méthode Coué.

Quelle fierté peut-on avoir à transposer la directive de 2001 de façon aussi restrictive ?

M. Christian Paul. Aucune !

M. Patrick Bloche. Nous avons été amenés à plusieurs reprises à montrer que, contrairement aux affirmations péremptoires de notre rapporteur, cette transposition ne respectait pas l’équilibre établi entre le contrôle de l’usage des œuvres et la préservation de la copie privée. Nous y insistons, mais c’est notre rôle : la copie privée est malmenée. D’autant plus, ne l’oublions pas, que lorsque nous sommes entrés dans ce débat, le 20 décembre, tout internaute qui revendiquait son droit à la copie privée et contournait les mesures techniques de protection pour l’exercer se voyait assimilé à un contrefacteur, passible à ce titre d’une peine de trois ans de prison ou d’une amende de 300 000 euros. Il est utile de rafraîchir la mémoire de certains ici, notamment celle du ministre, pour qu’il rabatte un peu de sa fierté.

Pour notre part, nous avons le souci de prendre en compte les considérants de la directive. L’un d’eux prévoit ainsi que les « mesures techniques doivent être compatibles avec les exceptions ou limitations relatives à la copie privée ». Un autre recommande par ailleurs, de manière plus générale que vous ne le faites et sans en faire une obligation, ce qui est un élément déterminant, que le recours à la médiation puisse aider les utilisateurs et titulaires de droits à régler les litiges.

Nous souhaitons donc que, comme pour les brevets, un nombre restreint de tribunaux de grande instance soit désigné pour régler les différends relatifs à la copie privée et aux mesures techniques de protection. Nous opérons ainsi un retour légitime à la justice de notre République, marquée du sceau de l’indépendance, car elle seule peut garantir le droit à la copie privée, le collège des médiateurs ne saurait s’y substituer. La commission de la copie privée et les tribunaux de grande instance désignés formeraient un ensemble cohérent et efficace, de nature à protéger ayants droit et consommateurs. À ce titre, le Parlement ne doit pas déléguer son pouvoir de régulation. Ni la justice, ni le Parlement ne peuvent être dessaisis de leurs compétences respectives.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Comme ils sont assez différents, je m’attacherai à répondre à chacun de leurs auteurs.

Monsieur Dionis du Séjour, je vais vous faire une confidence. Il se trouve que lorsque j’ai commencé à travailler sur le projet de loi en tant que rapporteur, j’ai eu la même idée. Moi non plus, je n’aime pas la multiplication des autorités indépendantes, que j’appelle quelquefois des « machins ».

M. Frédéric Dutoit. De Gaulle va réclamer un droit d’auteur !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Mais mes recherches m’ont conduit à m’apercevoir que vouloir fondre les deux autorités en une seule était une fort mauvaise idée. En effet, celles-ci ne sont pas de même nature et ne remplissent pas les mêmes fonctions. La commission de la copie privée émane de la société civile : elle rassemble les ayants droit et les utilisateurs. L’État a pour rôle de les mettre en face les uns des autres et de trouver des voies de conciliation, ce qui n’est pas toujours facile car les conflits internes entraînent des blocages. J’imagine mal dans ces conditions qu’on lui confie la tâche de résoudre des problèmes urgents. Si nous voulons que le collège des médiateurs ait un rôle d’arbitre, il ne peut renfermer en son sein des intérêts divergents. Certes, sa création n’était pas prévue dans la directive européenne, mais cela fait partie du « plus » que nous lui apportons.

Monsieur Bloche, nous ne pouvons accepter non plus l’idée d’un recours aux seuls tribunaux. Tout simplement, parce que nous connaissons le caractère contradictoire et fluctuant de leurs décisions sur les sujets qui nous occupent. La création d’un collège des médiateurs repose sur l’idée d’une instance compétente spécialisée, susceptible de prendre des décisions rapides et homogènes, ce dont les consommateurs ont besoin. Bien évidemment, le dernier mot appartiendra à la justice, en appel. L’efficacité et l’homogénéité, gage d’égalité, seront donc alliées à l’autorité de la justice.

Avis défavorable aux deux amendements, donc.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?


M. le ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements n° 147 et 91 qui rompent totalement l’équilibre du projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 147.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 370.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le soutenir.

M. Jean Dionis du Séjour. Il est défendu.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à cet amendement.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 257, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 275.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 257.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Cet amendement vise à préciser la mission du collège des médiateurs, pour lui conférer clairement un rôle de régulateur des mesures techniques, afin de garantir l’exception de copie privée.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour soutenir le sous-amendement n° 275.

M. Frédéric Dutoit. Graver ses propres compilations à partir de ses CD, extraire son morceau favori d’un disque pour l’écouter sur son ordinateur ou encore dupliquer un DVD pour en disposer à la fois chez soi et dans sa maison de campagne…

M. Dominique Richard. Dans sa datcha ! (Sourires.)

M. Frédéric Dutoit. …autant de pratiques très répandues et parfaitement légales que le Gouvernement souhaite proscrire, à tout le moins restreindre.

Pour ce faire, vous entendez légitimer les dispositifs techniques installés par les éditeurs et les producteurs sur les supports matériels afin d’en limiter la duplication. Vous proposez de mettre en place un collège de médiateurs qui aurait pour rôle de réguler les mesures techniques afin, dites-vous, de garantir l’exception de copie privée.

Compte tenu des incertitudes juridiques sur le champ d’exercice du droit à la copie privée, notre sous-amendement n° 275 tend à préciser que celui-ci s’exerce sur tous les supports numériques, y compris les DVD, à l’inverse de ce qui est induit par l’arrêt de la Cour de cassation du 28 février 2006.

Ainsi, nous vous proposons d’apporter des précisions dans votre texte, tout en regrettant que votre démarche aille dans le sens de la légitimation des dispositifs anticopie utilisés par les producteurs et éditeurs pour brider la copie privée. Dans le domaine musical, cela fait quelque temps que les majors ont commencé. Des centaines de CD incopiables sont aujourd’hui dans les bacs. Le dernier CD de Céline Dion, pour ne citer que celui-ci, est équipé en Europe de la technologie Key2Audio de Sony. Il est illisible sur un ordinateur PC ou Mac et rend impossible la duplication d’un exemplaire pour l’écouter en voiture ou l’extraction d’une piste vers un baladeur numérique. Voilà donc une bien mauvaise surprise pour les acheteurs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. La commission est défavorable à ce sous-amendement pour deux raisons.

D’une part, ce n’est pas le caractère numérique du support qui importe, mais celui du format.

D’autre part, l’amendement aurait pour effet d’exclure la garantie de la copie privée pour les œuvres sur support analogique, ce qui serait effectivement un peu paradoxal, en raison de l’origine même de la copie privée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 275 et l’amendement n° 257 ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 275 pour les mêmes raisons que celles que vient d’indiquer M. Vanneste. En revanche, il est favorable à l’amendement n° 257.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 275.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 257.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 88.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Nous n’arrivons toujours pas à être convaincus de la pertinence de la création de cette nouvelle autorité administrative indépendante, trente-cinquième ou trente-sixième organe selon la comptabilité pointilleuse de Dominique Richard.

Didier Mathus, avec beaucoup de pertinence et les compétences qu’on lui connaît, a rappelé, à juste titre, l’importance de l’indépendance à l’égard du pouvoir politique et exécutif. C’est toute la justification de l’existence du Conseil supérieur de l’audiovisuel, de l’Autorité de régulation des télécommunications et d’autres autorités administratives indépendantes.

Ce ne sera pas le cas ici et, en l’occurrence, nous sommes face à une création qui est peut-être la traduction d’une exception française, que les spécialistes et les bons connaisseurs du dossier pourraient peut-être qualifier de « regardise ».

Où est la rapidité de la procédure dont nous parle le rapporteur quand on sait qu’il pourra être fait appel des décisions du collège, que le juge de première instance pourra être dessaisi et que le collège des médiateurs arbitrera des litiges en exerçant son pouvoir d’injonction ? Voilà pourquoi nous avions voulu faire référence, à travers l’amendement n° 91 que vous avez refusé, à un nombre restreint de tribunaux de grande instance compétents.

Soucieux de l’indépendance de cette nouvelle instance que vous souhaitez si fièrement et si ardemment créer, nous proposons qu’elle soit présidée par un membre en activité ou honoraire de la Cour de cassation désigné par le vice-président de la Cour de cassation, et composée de deux membres en activité ou honoraires du Conseil d’État et par le premier président de la Cour des comptes, et de deux personnalités qualifiées nommées par décret conjoint du ministre chargé de la consommation et du ministre chargé de la culture.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis Défavorable !

M. Patrick Bloche. C’est un peu court !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Je note que, puisqu’il souhaite mieux assurer l’indépendance du collège des médiateurs, M. Bloche n’en récuse pas la logique, ce dont je me félicite.

J’ajoute que l’amendement n° 34, que nous allons examiner dans quelques instants, apporte des précisions puisqu’il prévoit que les trois membres du collège des médiateurs obéiront à une logique d’indépendance absolument parfaite. Là, il s’agira de traiter des questions d’antériorité de fonctions dans des secteurs privés, afin qu’il n’y ait pas de possibilité d’interférence.

Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable à l’amendement n° 88.

En tout cas, je constate, monsieur Bloche, que vous entrez dans une bonne logique.

M. Patrice Martin-Lalande. Bienvenue, monsieur Bloche !

M. le ministre de la culture et de la communication. J’aurais seulement souhaité que vous le fassiez plus tôt !

M. Patrick Bloche. Non, notre souci est simplement d’essayer de limiter les dégâts !

M. Frédéric Dutoit. Cela s’appelle un amendement de repli !

M. le président. La parole est à M.  Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous maintenons, quant à nous, notre opposition s’agissant de la création de cette autorité administrative et nous essayons de sauver les meubles en vous faisant deux suggestions.

D’abord, l’article 9 prévoit que le troisième médiateur sera nommé par les deux premiers. Voilà un mécanisme pour le moins « exotique » ! Cette cooptation ne nous semble pas très heureuse.

Ensuite, s’agissant de l’Autorité de régulation des télécommunications électroniques et des postes, l’ARCEP, que je connais bien, les administrateurs sont nommés par le président de l’Assemblée nationale, par le président du Sénat et le Président de la République. Il y a là un équilibre dont on pourrait peut-être s’inspirer.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Monsieur le ministre, notre amendement n° 88 est un amendement de repli. Il ne s’agit pour nous en aucun cas d’entrer dans la logique de ce collège de médiateurs. Nous essayons simplement de limiter les dégâts.

Jusqu’à présent, la jurisprudence des TGI était plutôt équitable, en reconnaissant globalement le caractère licite du download, et c’est bien ce qui vous gêne. Comme les juges ne sont pas suffisamment dociles, bienveillants à l’égard des intérêts que vous souhaitez défendre, vous les dessaisissez.

M. Patrice Martin-Lalande. Propos scandaleux !

M. Didier Mathus. La CNIL ayant par ailleurs refusé l’application de l’un des articles scélérats de la loi pour la confiance dans l’économie numérique qui prévoit de donner la capacité de poursuivre à des sociétés privées, vous la dessaisissez en mettant en place un collège de médiateurs fabriqué à façon.

Quant au souhait du ministre d’en garantir l’indépendance, ce qui vient de se passer avec le directeur de cabinet du président du CSA, recruté par le président de France Télévisions six mois après avoir participé à sa nomination, nous permet d’avoir quelques doutes sur le caractère offensif et combatif du ministre sur ce point. Le ministre en charge de la communication n’a pas dit un mot sur ce grave problème. Les grandes déclarations sur l’indépendance des autorités administratives sont donc toutes relatives.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel n° 32 de la commission.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel n° 33 de la commission.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 34.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Il s’agit d’un amendement déontologique qui vise à ne pas mêler les intérêts privés passés d’un médiateur avec sa fonction actuelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. C'est bien le minimum syndical que d’écrire dans la loi que : « Aucun des médiateurs ne peut délibérer dans une affaire impliquant une entreprise ou une société contrôlée, au sens de l’article L. 233-16 du code du commerce, par une entreprise dans laquelle lui-même, ou le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il a, au cours des trois années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat.»

Cet amendement n° 34 ne suffit en rien à assurer l’indépendance du collège. D’ailleurs, comme l’a rappelé Didier Mathus, nous avons été amenés à nous plaindre à de nombreuses reprises de l’absence d’indépendance de certaines autorités administratives. Pour les républicains que nous sommes, la meilleure garantie d’indépendance qui soit, c’est tout simplement la justice.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement est adopté.)


M. le président.
Nous en venons à l’amendement n° 35.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Il s’agit d’un amendement important dans la mesure où il vise à renforcer encore les garanties offertes aux utilisateurs, en favorisant la saisine du collège des médiateurs le plus en amont possible.

Nous étions partis de l’idée qu’il ne devait intervenir qu’une fois le produit mis sur le marché, mais, à la réflexion, nous estimons préférable d’anticiper, pour éviter le problème au lieu de devoir le résoudre.

M. le président. Sur cet amendement, je suis saisi d’un sous-amendement n° 411 du Gouvernement, qui va être mis en distribution.

La parole est à M. le ministre, pour donner son avis sur l’amendement n° 35 et présenter son sous-amendement.

M. le ministre de la culture et de la communication. Ce sous-amendement précise l’amendement qui serait alors rédigé ainsi : « Le collège est saisi par toute personne bénéficiaire des exceptions mentionnées au premier alinéa ou par une personne morale agréée qui la représente. Il peut également émettre des recommandations soit d’office, soit sur saisine des personnes physiques ou morales visées à l’alinéa précédent. » L’intention du rapporteur est respectée, mais la rédaction est plus claire.

M. le président. Quel est l'avis du rapporteur sur le sous-amendement ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Tout à fait favorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Ne sachant pas par cœur l’article L. 411-1 du code de la consommation et n’ayant pas d’exemplaire sous la main, je demande une suspension de séance pour m’en procurer un et comprendre pourquoi la référence a été supprimée par le sous-amendement du Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Grâce à la suspension que vous avez accordée à mon groupe, monsieur le président, j’ai pu trouver un code de la consommation dont l’article L. 411-1 dispose : « Les conditions dans lesquelles les associations de défense des consommateurs peuvent être agréées, après avis du ministère public, compte tenu de leur représentativité sur le plan national ou local ainsi que les conditions de retrait de cet agrément sont fixées par décret. » Je voudrais tout simplement, et sans aucun mauvais esprit, comprendre pourquoi le sous-amendement n° 411 du Gouvernement a supprimé la référence explicite à l’article L. 411-1.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Mesdames et messieurs les députés, mon sous-amendement élargit encore le périmètre. Notre objectif est de privilégier la démarche a priori en autorisant la saisine par le plus grand nombre possible de « bénéficiaires des exceptions mentionnées au premier alinéa ou par une personne agréée qui la représente », pour construire une sorte de jurisprudence qui évitera au collège des médiateurs d’être encombré par les litiges individuels.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. J’ai écouté avec intérêt les explications de M. le ministre qui veut donc élargir les possibilités de saisine. Sa déclaration m’amène à m’interroger, comme nous l’avions fait il y a douze à dix-huit mois, à propos de la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations,...

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Et pour l’égalité !

M. Patrick Bloche. ...mais sans obtenir de réponse. Quels seront les moyens budgétaires et humains mis à la disposition du collège des médiateurs ? Seront-ils à la hauteur de la faculté de saisine que vous voulez très large, monsieur le ministre ? De combien de fonctionnaires disposera-t-il ? Quel sera son budget, sachant que les arbitrages ont dû être rendus ?

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je rappelle notre opposition à l’article 9. Vous ne faites que tenter de limiter la casse. N’aurait-il pas été plus simple, finalement, d’autoriser la saisine à tout citoyen qui a intérêt à agir dans le cadre de l’exception pour copie privée ou handicap ? La copie privée, je le souligne, concerne absolument tout le monde !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. M. Bloche a posé une bonne question. Le collège des médiateurs, qui a vocation à être une structure opérationnelle, sera doté de moyens lui permettant de fonctionner. Je ne suis pas en mesure de préciser dès maintenant le nombre de techniciens et de fonctionnaires qui lui seront affectés, ni leur catégorie, mais soyez sûr que le collège disposera des moyens financiers et humains suffisants pour exercer sa mission. J’y veillerai.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 411.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35, modifié par le sous-amendement n° 411.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)


M. le président.
Je suis saisi de deux amendements, nos 89 et 36, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n° 89.

M. Patrick Bloche. Je le répète avec insistance : il ne s’agit pas pour nous de valider les dispositions prévues à l’article 9 mais, compte tenu de l’existence du fait majoritaire dans l’hémicycle – c’est la base même de la démocratie – de tenter, par des amendements et des sous-amendements dits de repli, de corriger ces mêmes dispositions ou de les préciser.

Dans l'intérêt des parties, l’amendement propose que ce que nous aurions aimé appeler une commission de médiation se prononce dans un délai de deux semaines sur les litiges dont elle est saisie. Compte tenu des incidences possibles de tels différends sur la vie privée ou en matière de concurrence, il est nécessaire, selon nous, que la loi habilite la commission à saisir pour avis la Commission nationale de l'informatique et des libertés, à laquelle nous avons déjà eu l’occasion de faire référence à plusieurs reprises au cours du débat, ou le Conseil de la concurrence, dans des conditions comparables à celles prévues par l'article 17-1 de la loi sur la liberté de communication relatif aux pouvoirs du Conseil supérieur de l'audiovisuel en matière de règlement des différends entre éditeurs et distributeurs.

Compte tenu de la technicité des évaluations requises, cet amendement propose également que la commission puisse saisir la Direction générale de la sécurité des systèmes informatiques selon des modalités comparables à celles prévues par le décret n° 2002-535 du 18 avril 2002 relatif à l'évaluation et à la certification de la sécurité offerte par les produits et les systèmes des technologies de l'information.

Avec cet amendement, chacun peut le noter, nous cherchons de nouveau à faire œuvre utile.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Défavorable, évidemment : la commission ne peut que rejeter cet amendement par cohérence avec le rejet de la transformation du collège des médiateurs en commission de médiation, dépourvue de tout autre pouvoir que de conciliation.

De manière générale, tout ce que cet amendement prévoit, à l’exception du délai, est de nature réglementaire, comme l’est l’ensemble du code de procédure civile, et pourra être prévu par décret, si cela se révèle utile.

Par ailleurs, une des demandes de l’amendement n° 89 est satisfaite par l'amendement n° 36 de la commission qui prévoit que le collège rendra ses décisions dans un délai de deux mois, bien plus raisonnable qu'un délai de quinze jours.

M. Patrick Bloche. C'est vous qui parliez de rapidité !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Il faut en toute chose garder mesure ! Deux mois est un délai raisonnable, ni trop long ni trop court, qui laisse le temps de prendre une bonne décision.

Je vous remercie de reconnaître que je suis un homme de mesure.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Défavorable à l’amendement n° 89.

Le projet de loi ne remet aucunement en cause l’application des dispositions de protection de la vie privée que vous avez adoptées en 2004, en modifiant la loi de 1978. La CNIL peut notamment, de sa propre initiative ou à la demande de consommateurs, contrôler les traitements automatisés réalisés.

Le texte du projet de loi ne porte pas davantage atteinte aux compétences du Conseil de la concurrence : les dispositions qui répriment sévèrement les atteintes au traitement automatisé de données et que vous avez renforcées à l’occasion du vote de la loi pour la confiance dans l’économie numérique sont pleinement applicables. Il restera donc possible d'engager des actions, y compris au plan pénal, si elles se révèlent nécessaires.

En ce qui concerne la recherche, le Gouvernement proposera d'amender – par le biais des amendements nos 261 et 262 – les articles 13 et 14 afin d'exclure du dispositif pénal les actes entrepris à des fins de recherche.

Le Gouvernement est en revanche favorable à l'amendement n° 36. Je tiens à ajouter, monsieur Bloche, que l'obligation des délais resserrés entraînera le renforcement des moyens.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Hier matin, aux députés qui étaient invités dans les tribunaux de grande instance de leur circonscription, les juges ont dit qu’après Outreau ils souhaitaient mettre l’accent sur le manque de moyens de la justice.

Or, cet après-midi, le ministre nous annonce dans l’édification de son grand œuvre – la plus grande usine à gaz d'Europe occidentale pour contrôler Internet – la création d'un collège de médiateurs doté de moyens. Si chacun peut le saisir, les demandes se compteront par milliers, voire par dizaines de milliers. Il faudra alors créer un si grand nombre de postes qu’on s’apercevra qu’il aurait peut-être mieux valu faire confiance au juge et augmenter les moyens de la justice.

Le rapporteur propose en effet un délai de deux mois reconductibles : autant dire quatre mois ! Dans la société contemporaine, c’est loin d’être une réaction rapide à la demande d’un consommateur. Ce débat révèle une fois de plus l'absurdité et l'injustice du projet gouvernemental. Les moyens qui seront consacrés au nouvel appareil bureaucratique que sera le collège des médiateurs auraient été mieux utilisés à renforcer ceux de la justice, à laquelle, de plus, on aurait pu faire confiance.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Nous sommes tous d'accord sur le fait que la justice manque de moyens. Ne lui confions donc pas un supplément de dossiers à traiter,…

M. Didier Mathus. Faisons-lui confiance !

M. Pierre-Christophe Baguet. …si une autorité peut être habilitée à la soulager ! L’idéal, évidemment, serait que le collège des médiateurs et la justice aient, tous deux, les moyens suffisants ! À défaut, contentons-nous de la proposition du ministre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 365.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le soutenir.

M. Pierre-Christophe Baguet. L'amendement n° 365, que nous avons déjà évoqué à propos de l’amendement n° 259 rectifié de la commission, vise à confier les modalités d'exercice de la copie privée à l'Autorité de médiation et de protection de la propriété littéraire et artistique.

Je tiens à ajouter que je regrette de n'avoir pas déposé un amendement spécifique aux DVD. J'espère que nos collègues sénateurs s'en chargeront en vue de donner des garanties au monde du cinéma et de préciser la mission de cette autorité de régulation.

Nous aurons l’occasion de revenir sur le sujet.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Cet excellent amendement n'est malheureusement pas bien placé dans le texte. De plus, il est satisfait par l'amendement n° 259 rectifié. Je suis néanmoins très heureux qu’il souligne la question des DVD, que j’ai moi-même évoquée à plusieurs reprises.

Je propose à M. Baguet de retirer son amendement.

M. Pierre-Christophe Baguet. Mon amendement ayant été satisfait par l’amendement n° 259 rectifié, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 365 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 90.

La parole est à M. Didier Mathus, pour le soutenir.

M. Didier Mathus. La directive prévoyait la création d'un comité de contact chargé d'évaluer l'évolution rapide du marché numérique. Chacun s’est plu à reconnaître la rapidité des évolutions dans ce domaine. C’est pourquoi il ne faut jamais cesser de rappeler que la directive que nous transposons avec cinq ans de retard a elle-même été conçue à une époque où ce qui fait l’essentiel de ce qui nous occupe – l’échange de fichiers sur Internet – n’existait pas sous la forme actuelle. C’est dire le décalage de notre débat !

Il paraît donc légitime d’avoir une capacité d’évaluation de l’évolution du marché numérique. C’est pourquoi, l'amendement n° 90 vise à permettre à ce que nous aurions aimé nommer la commission de conciliation, et qui s’appelle le collège des médiateurs, d'organiser des consultations publiques. Il tend également à lui confier la rédaction d'un rapport public, dans des conditions comparables à celles qui sont prévues pour le CSA. Un des objectifs de ce rapport serait de fournir une évaluation d'ensemble de l’ampleur et des caractéristiques des mesures techniques, notamment de la limitation du nombre de copies qu'elles peuvent impliquer. Compte tenu de l'impact des mesures techniques de protection sur la manière dont les usagers pourront accéder aux différents types d'œuvres et en faire usage, cette évaluation sera un élément essentiel du débat public.

Elle est également indispensable à la mise en œuvre de l'article 5-2-b de la directive, lequel prévoit que la compensation équitable due au titre de la copie privée « prend en compte l'application ou la non application des mesures techniques », disposition que le projet de loi n'a pas transcrite alors qu'il constitue un élément essentiel d'équité et d'équilibre entre utilisateurs et titulaires de droits.

Du reste, je tiens à rappeler que contrairement à ce que prétend le rapporteur, la France s’apprête à procéder à la transposition la plus répressive de tous les pays européens, comparable à celle de la Grèce.

M. Laurent Wauquiez. C’est bien, la Grèce !

M. Didier Mathus. Notre amendement propose une meilleure transparence et une capacité de confrontation et d’échanges, afin de permettre une réelle évaluation des évolutions du marché numérique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Défavorable, par cohérence avec le rejet de la commission de médiation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Défavorable.

Je tiens néanmoins à souligner que le Gouvernement n’est évidemment pas opposé à la transparence des travaux du collège des médiateurs, ni à ce que celui-ci organise des consultations sur des domaines relevant de sa compétence. Plusieurs dispositions répondent déjà à ce souci, notamment en qui concerne le rapport d’activité ou les recommandations que le collège peut faire.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Faites un effort, monsieur le rapporteur ! Il est dix-neuf heures quarante : l'hypoglycémie vous gagnerait-elle déjà ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Elle nous gagne tous, mes chers collègues, et c’est légitime à cette heure. Je n’ai pas voulu me montrer désagréable.

Monsieur le rapporteur, ne prenez pas un prétexte sémantique – nous avons utilisé les mots « commission de médiation », qui nous paraissent plus appropriés, et non « collège des médiateurs » – pour rejeter notre amendement ! Le ministre, lui, a fait l'effort de répondre sur le fond, même si, il est vrai, sa réponse ne nous satisfait pas.

Entrant dans votre logique – cela devrait vous réjouir, au moins momentanément –, Didier Mathus et moi souhaitons que le collège des médiateurs fonctionne dans des conditions comparables à celle du CSA. Ainsi, l’article 18 de la loi relative à la liberté de communication prévoit notamment un rapport public – nous insistons bien sur ce dernier mot. Il ne s'agit donc pas d'une question de transparence mais de médiatisation du travail du collège des médiateurs, laquelle s’accompagnerait de la possibilité de faire des consultations publiques et des recommandations.

Sans doute, monsieur le ministre, répondrez-vous que nous chargeons la barque ! J’ai entendu vos propos relatifs aux moyens dont le collège des médiateurs disposera pour répondre aux très nombreuses demandes qui lui seront adressées, consécutives à votre souhait d’étendre aussi largement que possible les possibilités de saisine. À titre d’exemple, si je vous ai bien compris, une association qui défend le logiciel libre pourra saisir le collège des médiateurs. Dans ce cas, la publication d'un rapport public peut représenter une charge supplémentaire. Mais il convient d’aller jusqu’au bout de la logique : si nous nous inquiétons des moyens alloués au collège des médiateurs, c'est que nous nous inquiétons du budget de la culture.

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.


M. Laurent Wauquiez
.
Même si l’on peut trouver louable votre proposition de permettre au collège des médiateurs d'organiser des consultations publiques et de lui confier la rédaction d'un rapport public, l’argument qui me semble déterminant contre votre amendement est que je suis pas sûr qu’il relève du domaine de la loi.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Bien sûr que non !

M. Laurent Wauquiez. Je ne connaissais pas l’exception évoquée par M. Bloche concernant le CSA dont le rapport public serait prévu par la loi. En tout cas, et je l’ai vérifié, le rapport public de la CNIL, ainsi que celui du médiateur de la République, ne sont pas prévus, eux, par la loi. Aussi je pense, dans le cas présent, qu’il n’est pas forcément de bonne pratique législative que la loi prévoie la rédaction d’un rapport public.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Bloche. Je pense que les parlementaires ici présents, de la majorité comme de l’opposition, ont montré leur souci non seulement de travailler sur le fond, mais aussi d’avancer dans l’examen du projet de loi.

Nous avons traité de deux articles importants : l’article 8 et, à l’instant, l’article 9. Or il est dix-neuf heures quarante-cinq et j’estime légitime…

M. Pierre-Christophe Baguet. Il a raison !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Serait-ce de l’hypoglycémie ?

M. Patrick Bloche. Eh bien oui, monsieur le rapporteur !

M. le président. Trois orateurs seulement sont inscrits, soit quinze minutes d’intervention au total sur l’article 10, et seul un amendement rédactionnel est déposé. Vous pourriez donc, monsieur Bloche, intervenir sur l’article 10 dont nous achèverions l’examen vers vingt heures.

M. Patrick Bloche. L’intensité du travail des députés de l’opposition a été tel pour essayer d’améliorer l’article 9 – et nous regrettons, au passage, qu’aucun de nos amendements n’ait été retenu –, que je demanderai à la présidence de la séance de faire preuve de compréhension pour que nous puissions souffler un peu et que je puisse préparer mon intervention, sans doute très fondatrice, sur l’article 10.

M. le président. Je veux bien, dans ce cas, reporter votre intervention, mais je vais donner la parole aux deux autres inscrits sur l’article 10.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je renonce.

M. le président. La parole est donc à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Je crois qu’engager, à ce stade, la discussion sur l’article 10 n’est pas raisonnable. L’urgence décrétée par le Gouvernement contraint déjà de façon considérable les débats du Parlement en limitant le nombre de navettes. Par ailleurs, nous atteignons le comble du ridicule puisque ce texte, sur lequel le Gouvernement maintient l’urgence, est en réalité en discussion depuis le mois de décembre.

Nous ne pouvons donc accepter, en plus, qu’on essaie de nous faire examiner à marche forcée un certain nombre d’amendements. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous rappelle que la séance doit prendre fin dans un quart d’heure seulement !

M. Didier Mathus. Je crois, monsieur le président, qu’il serait tout à fait raisonnable de lever la séance...

M. Laurent Wauquiez. L’autorité du président est remise en cause !

M. Didier Mathus. …et de donner à ce débat sa respiration nécessaire, c’est-à-dire de ne pas tenter, j’insiste, de nous faire avancer à marche forcée.

M. le président. Il n’y a pas de marche forcée, monsieur Mathus !

Je devrais considérer que vous êtes intervenu sur l’article 10.

La parole est à M. Bloche. Est-ce pour un rappel au règlement ?

M. Patrick Bloche. Je souhaite en effet faire un rappel au règlement sur l’organisation de nos travaux, car je crois que nous n’avons pas été assez clairs.

Je demande une suspension de séance d’une demi-heure.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Une minute !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Trois minutes !

M. le président. Nous aborderons donc à la reprise l’examen de l’article 10 avec l’intervention de M. Bloche.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

modification de l’ordre du jour

M. le président. M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement a informé M. le président de l’Assemblée nationale que l’ordre du jour de la séance de demain après-midi est aménagé de la façon suivante : la discussion du projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, reprendra à quinze heures et sera interrompue à dix-sept heures trente pour achever la discussion en deuxième lecture du projet de loi sur les offres publiques d’acquisition.

ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 1206, relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information :

Rapport, n° 2349, de M. Christian Vanneste, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)