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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 16 mars 2006

175e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

DROIT D’AUTEUR
dans la société de l’information

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (nos 1206, 2349).

La conférence des présidents a décidé que l’examen de ce projet pourra se poursuivre demain matin et demain après-midi.

M. Laurent Wauquiez. Quelle chance ! (Sourires.)

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles et s’est arrêtée à l’amendement n° 339 portant article additionnel après l’article 14.

Après l’article 14

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l’amendement n° 339.

M. Christian Paul. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, cet amendement vise à garantir l’avenir de la webradio. À l’heure où la rareté des fréquences hertziennes induit une concentration de l’offre musicale autour de quelques stations et une surexposition de titres phares – ce qui a sans doute beaucoup contribué à réduire les revenus des artistes –, la webradio est un vecteur essentiel de la diversité culturelle. C’est pourquoi nous vous invitons à en prendre la défense, d’autant qu’elle assure au public un accès licite à la musique.

Mais elle est aujourd’hui handicapée par un cadre juridique incertain. La tentative de règlement contractuel webcasteurs-producteurs a en effet échoué en raison d’un différend entre producteurs et artistes sur l’exercice des droits numériques de ces derniers. La situation d’insécurité juridique qui en résulte nuit gravement aux initiatives et aux investissements. C’est donc bien l’avenir de la radio, ainsi que des centaines d’emplois qui sont en jeu. Tous les portails et sites web français ayant des projets de webradios publics ou privés sont à l’arrêt depuis plus de deux ans en raison d’une l’incertitude juridique quant au régime applicable ; un secteur entier se retrouve ainsi en panne. Les seules offres de webradios françaises restent cantonnées à une rediffusion en ligne simultanée et intégrale de leur programme hertzien, exploitation d’ailleurs couverte par le régime de licence légale.

L’écoute de la radio en ligne progresse avec l’essor du haut débit. Bientôt, les auditeurs se connecteront grâce aux nouveaux matériels qui se diffusent progressivement dans le grand public. Malheureusement, cet essor ne profite ni aux sociétés ni aux artistes français car l’audience se répartit aujourd’hui autour de quelques centaines de radios essentiellement étrangères. Nous devons remédier à cette situation.

Afin de prendre en compte les évolutions technologiques favorisant la convergence, d’assurer des conditions de concurrence loyales et de faire cesser la discrimination dont sont victimes les webradios, il est urgent de redéfinir le champ de la licence légale en fonction du mode d’accès aux œuvres – qu’il soit en flux continu ou à la demande – dans le respect du droit communautaire et des traités internationaux.

En effet, si la législation internationale affirme un droit de rémunération au titre des droits voisins dans le cadre des services en ligne, le droit exclusif ne s’applique que lorsque l’œuvre est mise à la disposition du public à la demande, de manière à ce que chacun puisse avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.

Or cette définition ne s’applique pas aux services de diffusion numérique en flux continu, car l’œuvre n’est pas accessible au moment choisi individuellement : elle est incorporée dans une programmation identique pour tous, qu’il n’est pas possible d’individualiser ou d’influencer.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons de modifier le troisième alinéa de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle.

M. le président. J’indique à M. Bloche, qui m’a fait parvenir une demande de scrutin public sur l’amendement n° 339, que sa délégation expirait à dix-sept heures trente. En principe, il ne peut donc plus s’en prévaloir. Toutefois, souhaitant que le débat se poursuive dans une ambiance de cordialité et de respect mutuel, je fais tout de même annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. Bernard Carayon. Respectez le règlement ! Vous créez un dangereux précédent !

M. Michel Piron. Soyons magnanimes !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 339.

M. Christian Vanneste, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission a donné un avis défavorable sur cet amendement, identique à l’amendement n° 83 portant article additionnel après l’article 4, qui a été repoussé par la commission, puis par l’Assemblée nationale en première lecture.

M. Christian Paul. Faut-il persévérer dans l’erreur ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Je peux vous répéter, mon cher collègue, les raisons de notre refus. Cet amendement tend à exclure des droits voisins des artistes et des producteurs la diffusion des phonogrammes sur internet – par exemple, vous l’avez dit, dans le cas des webradios. Or celles-ci fonctionnent très différemment de la radiodiffusion classique. Leur étendre la licence légale ouvrirait une immense brèche dans la protection des œuvres sur internet, alors même que ce texte vise à lutter contre les téléchargements illicites.

M. Christian Paul. Mais il ne s’agit pas de téléchargements illicites !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Par exemple, certaines webradios permettent à l’internaute de construire lui-même son programme, selon un mécanisme interactif sans doute très intéressant, mais peu respectueux du droit d’auteur s’il a pour effet de contourner quasiment toute rémunération. Une mission de médiation avait été confiée il y a quelques années à un membre du Conseil d’État, M. Raphaël Hadas-Lebel, laquelle avait conclu à l’impossibilité d’un consensus sur cette question.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 339, et peut-être aussi présenter l’amendement n° 263, deuxième rectification.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. L’amendement n° 339 est identique à l’amendement n° 83, lequel a effectivement été rejeté par votre assemblée.

L’absence de droit exclusif pour la radiodiffusion se justifie par sa nature de marché secondaire d’exploitation des phonogrammes. Le maintien d’un droit paraît en revanche nécessaire en vue de maîtriser le nouveau marché de la webradio, qui constitue un marché primaire.

Une démarche contractuelle est tout à fait envisageable, ainsi qu’en témoigne la signature, en mars 2004, d’un accord entre la SESAM et AOL, pour autoriser cette dernière société à diffuser des œuvres en streaming, c’est-à-dire permettre l’écoute en ligne, laquelle constitue d’ailleurs un progrès pour le consommateur.

J’ajoute que ni la convention de Rome, ni la directive n’imposent l’extension de la licence légale aux services de webradios. Enfin, il s’agit d’une question complexe dont l’encadrement réglementaire exige un cadre détaillé et spécifique afin de traiter l’ensemble des questions, telle que la nature de la programmation.

Telles sont les raisons pour lesquelles j’émets un avis défavorable à cet amendement.

Quant à l’amendement suivant, n° 263, deuxième rectification,…

Mme Martine Billard. Il n’a absolument rien à voir !

M. Christian Paul. Bien sûr : il concerne les amendes infligées aux internautes !

M. le ministre de la culture et de la communication. …il est essentiel, et je souhaite que l’ensemble des parlementaires présents, ainsi que tous ceux qui sont intéressés d’une manière ou d’une autre par ce dossier, puissent bien mesurer la portée de mes propos.

Tous les acteurs qui contribuent à alimenter les échanges illégaux d’œuvres ne relèvent pas du même niveau de responsabilité. Une distinction claire doit être établie entre l’internaute qui télécharge un morceau de musique pour son usage personnel, les personnes physiques ou morales qui incitent au téléchargement illicite des œuvres, et celles qui tirent profit d’œuvres illégalement mises en ligne, parfois même avant leur commercialisation.

Le droit d’auteur et les droits voisins sont pleinement protégés. Ceux qui y porteraient atteinte seraient exposés à des sanctions pour contrefaçon. Cependant, il n’est pas concevable aujourd’hui qu’un internaute qui télécharge illégalement un morceau de musique pour son usage personnel puisse risquer d’aller en prison.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse. Cela paraît élémentaire, en effet !

M. le ministre de la culture et de la communication. Il est donc nécessaire de graduer les sanctions pour mieux les adapter à la gravité des faits.

En créant un régime dérogatoire au délit de contrefaçon, cet amendement différencie clairement les responsabilités et institue une graduation proportionnée des sanctions. Il traite de façon appropriée les actes de simple téléchargement, ainsi que la mise à disposition qui, dans les systèmes d’échange pair à pair, en résulte généralement de façon automatique.

Ces actes seront passibles d’une contravention de première classe pour un téléchargement seul ou de deuxième classe, s’il s’accompagne de mise à disposition.

Ainsi, cet amendement concoure-t-il à l’objectif du projet de loi : préserver le droit d’auteur des risques nouveaux générés par la société de l’information et la diffusion numérique des œuvres, tout en conciliant cet objectif avec la liberté de communication, donc les échanges via Internet.

Je souhaite qu’au moment où nous entamons ce débat sur cette question essentielle vous donniez acte au Gouvernement d’avoir présenté l’ensemble du dispositif en précisant la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire. J’ai tenu – et c’est absolument essentiel pour la clarté de notre débat –,…

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. C’est la vraie transparence !

M. le ministre de la culture et de la communication. …à ce que tous les éléments de la responsabilité de cette offre nouvelle et de ce point d’équilibre soient ici portés à votre connaissance.

Cet amendement met un terme à une période fâcheuse d’incompréhension pendant laquelle un certain nombre d’internautes ont pu avoir le sentiment non seulement de ne pas disposer d’une offre légale – le texte la fait naître – mais, le cas échéant, d’être injustement sanctionnés.

Ce qui a été une interpellation par voie de presse – et la presse est libre, comme vous l’êtes ici dans cet hémicycle –,…

M. Frédéric Dutoit. Vous aussi !

M. le ministre de la culture et de la communication. …mettant en lumière le risque pour l’internaute d’encourir une peine de prison disparaîtra de notre champ d’horizon, si vous adoptez cet amendement. Ce progrès considérable permet de préserver le droit d’auteur, beau principe qui n’est pas une valeur héritée du passé, mais la préservation pour l’avenir de la diversité culturelle et artistique. Nous sommes au XXIe siècle et nous devons, par souci d’équilibre, concilier les apports de la technologie et un certain nombre de principes permanents.

J’ai voulu que ce qui, dans ces dispositions, relève du pouvoir réglementaire donne, bien évidemment, lieu à des débats et à un questionnement par nature légitimes.

M. le président. Nous allons d’abord engager la discussion sur l’amendement n° 339 qui a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Il est tout de même extraordinaire que nous ne soyons pas capables de fixer, en mars 2006, un cadre juridique sécurisant pour le développement des webradios en France. Le rapporteur a très étonnamment dit que cette disposition avait été discutée et rejetée en première lecture. Sans doute faisait-il référence à nos débats du mois de décembre et au fait que nous étions censés examiner ce texte en deuxième lecture au mois de mars ! (Sourires.)

M. Christian Vanneste, rapporteur. Je me suis mal exprimé, je vous l’accorde !

M. Christian Paul. D’autant que l’urgence a été imposée !

M. le président. N’interrompez pas M. Bloche !

M. Patrick Bloche. Tout le monde sait que la webradio est l’avenir de la radio. Or ce n’est pas tous les « quatre soirs » que nous légiférons sur ce domaine. Nous avons pour une fois l’opportunité à portée de main législative de nous inscrire dans une perspective à plus long terme alors que nous avons souvent dit que ce projet de loi visait à retarder des échéances inéluctables et que sa durée de vie législative serait nécessairement brève.

Tout le monde sait que la rareté des fréquences hertziennes a conduit à une concentration et à une standardisation de l’offre musicale. Or Internet, nous le savons tous ici, est avant tout une culture de la diversité. C’est même plus une culture de la diversité qu’une culture de la gratuité, ô combien stigmatisée dans cet hémicycle.

M. Michel Piron. Ce n’est pas une culture, c’est un outil !

M. Patrick Bloche. En l’occurrence, la webradio permet aujourd’hui d’assurer, compte tenu de la rareté des fréquences hertzienne, la diversité musicale, donc la diversité culturelle. De ce fait, nous considérons que le public doit pouvoir accéder par ce biais en toute légalité à la musique.

Notre amendement vise à sortir de ce cadre juridique incertain. Comme le rappelait Christian Paul, la piste du règlement contractuel entre webcasteurs et producteurs a été malheureusement abandonnée. À défaut de solution contractuelle, comme cela nous arrive régulièrement, réglons par la loi, donc de manière équilibrée, cette question. Nous savons toutes et tous que tous les portails et sites web français ont des projets de webradios publiques et privées qui sont bloqués depuis plus de deux ans à cause de cette incertitude juridique. Tout un secteur créateur de diversité culturelle et créateur d’emplois est ainsi en panne. En effet, aujourd’hui, les seules offres de webradios françaises restent cantonnées à une diffusion en ligne simultanée et intégrale de leurs programmes hertziens : le « simulcasting ». Et permettez-moi ce clin d’œil : cette diffusion en ligne simultanée et intégrale de programmes hertziens est une exploitation bien entendu couverte par la licence légale !

Construisons ensemble et au-delà de nos divergences l’avenir et assurons aux webradios le développement qu’elles attendent depuis maintenant plus de deux ans ! Donnons un cadre juridique sécurisé aux webradios !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Notre collègue Patrick Bloche soulève une vraie question.

Tout le monde sait qu’aujourd’hui la fréquence hertzienne est rare et ne suffit ni pour les radios d’informations politiques et générales ni pour les radios musicales. Selon un rapport de l’Observatoire de la musique, la diversité musicale n’est pas suffisante et pourrait être beaucoup plus étendue qu’elle ne l’est aujourd’hui. Les webradios sont une solution à saisir pour mieux l’assurer. Nous avons légiféré pour retarder des renégociations d’autorisations de fréquences et le plan FM 2006, lancé avec votre soutien, monsieur le ministre de la culture et de la communication, est actuellement débattu par le CSA. Nous avons l’occasion, ce soir, d’envoyer un signal au CSA pour qu’il prenne en compte cet aspect du problème. Le service public, auquel on reproche d’être passéiste, a été l’un des premiers à lancer sur Radio France, à l’initiative de M. Delannoy, une webradio sportive qui obtient de bons résultats. Comme vient de le rappeler notre collègue Patrick Bloche, ce système mérite d’être développé.

Ayant commis un rapport sur la radio et la fréquence FM, je soutiendrai, à titre personnel, l’amendement n° 339.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je répondrai à M. Bloche que parler d’une culture d’Internet ou du web introduit une grave confusion. En effet, il ne s’agit que d’un instrument susceptible de servir une ou des cultures. La confusion entre le contenant et le contenu justifie que l’on prenne position sur des textes visant à préserver la diversité culturelle qui peut être servie ou desservie par ce qui n’est qu’un outil : Internet ou le web. Cet outil peut aussi bien servir l’uniformité des messages d’une manière désolante à travers des systèmes dominants que la diversité en protégeant la création et le droit d’auteur. Nous sommes là au cœur du sujet. Nous devons éviter cette confusion très prégnante entre le contenant et le contenu.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Ce que vient de dire M. Piron, n’a pas de rapport direct avec l’amendement proposé par mes amis socialistes. Je rebondirai toutefois sur ses propos parce que ce débat m’intéresse beaucoup. À vous entendre, monsieur Piron, le web et Internet ne sont pas une nouvelle culture. Certes, mais avouez tout de même que leur utilisation favorise l’accès à la culture qui modifiera considérablement l’appropriation culturelle dans sa diversité pour l’ensemble de la planète. Il convient de travailler à l’ajustement de la diversité culturelle et de l’exception culturelle françaises. L’offre diverse de contenus culturels ne correspond pas forcément à la non-marchandisation de la culture.

Comme je l’ai précisé lors de l’examen du projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique, à la différence de tout autre média, on n’a pas, avec Internet, d’un côté des émetteurs institutionnels privés ou publics et, de l’autre, les récepteurs. Chaque individu sur la planète peut être à la fois émetteur et récepteur, ce qui change beaucoup ce que certains, notamment marxistes, ont appelé les rapports sociaux.

M. Christian Vanneste, rapporteur. La repentance !

M. Frédéric Dutoit. Bien d’autres utilisent aussi ce concept universel.

Votre texte, monsieur le ministre, accuse déjà du retard, tant la vie a évolué. Les webradios existent et il faut leur donner ce cadre juridique dont elles ont besoin pour pouvoir se développer.

C’est pourquoi le groupe communiste votera avec enthousiasme l’amendement proposé par nos amis socialistes.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Cet amendement, bien qu’il ne comporte que quelques lignes, pourrait être pour les webradios ce que fut la loi sur les radios libres au début des années 80. Si vous aviez été ministre de la culture en ces temps d’innovation technologique, monsieur le ministre, auriez-vous laissé dire que les radios libres pouvaient porter atteinte à la diversité culturelle ? Elles ont au contraire donné un souffle considérable à la diffusion de la musique et permis à des générations de musiciens et de chanteurs français de présenter leurs œuvres et d’épanouir leurs talents. Elles ont été interdites pendant des années et puis, à un moment donné, Jack Lang étant ministre de la culture, le Parlement a fait le choix de les autoriser.

M. Laurent Wauquiez. Pourquoi Jack Lang n’est-il pas avec nous ? C’est une belle personnalité de la culture ! Et il est contre la licence globale !

M. Christian Paul. Vous allez sans doute refuser cet amendement, mais sachez au moins pourquoi. Le rapporteur a donné des arguments, mais ce n’est pas ce qui est en cause. Les webradios dont nous parlons, et c’est très clair dans l’exposé sommaire, ont une programmation en flux continu.

Si vous vous inquiétez vraiment pour la rémunération des artistes, travaillons à nouveau ce sujet – on peut le faire dans cette séance – et essayons d’améliorer la licence légale. Il n’est pas question de diffuser des contenus ayant un caractère illicite, il s’agit bien de contenus diffusés de façon légale. Nous avons à reconstruire un système de rémunération. Comme le disait Patrick Bloche, c’est à portée de main. Nous sommes dans la même situation qu’en 1981, quand une avancée était possible. Il faut être capable de la saisir. Ce n’est pas une révolution, ce n’est pas une décision iconoclaste. On peut tout à fait respecter les droits des artistes, y compris les droits exclusifs, qui ne sont pas en cause dans ce type de radios.

Je vous demande vraiment de réfléchir avant de prendre votre décision car le Parlement ne reviendra pas sur la question avant au moins dix-huit mois. Il faudra sans doute y revenir dans dix-huit mois parce que cette loi sera forcément éphémère, y compris pour de telles raisons. Il y aura une poussée très forte de la société et des acteurs les plus innovants, de toutes les sensibilités politiques, pour que le Parlement français prenne enfin une loi de sagesse sur ces questions. N’attendez donc pas dix-huit mois, voire davantage, faites-le ce soir.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l’amendement n° 339.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

L’amendement n° 263 deuxième rectification a été présenté.

Il fait l’objet de deux sous-amendements, nos 274 et 329.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour défendre le sous-amendement n° 274.

Mme Jacqueline Fraysse. Vous devriez être favorable à ce sous-amendement, monsieur le ministre, puisque, selon l’agence Reuters, vous déclariez le 22 février que le projet de loi devait garantir l’exception pour copie privée, qui donne à chacun la liberté de copier des œuvres pour lui et pour ses proches. Dans ce contexte, il paraît tout à fait inopportun de proposer à la représentation nationale un amendement qui contredit vos déclarations.

Pis encore, l’amendement n° 263, deuxième rectification, tel qu’il est rédigé, comporte une contradiction fondamentale puisque, selon vos déclarations, une reproduction à des fins personnelles est par définition licite et qu’elle ne saurait donc être « non autorisée ».

Cette contradiction reflète bien sûr la faible motivation du Gouvernement à satisfaire les légitimes attentes des internautes. Comme le soulignait fort justement l’Union fédérale des consommateurs, UFC-Que choisir, dans une déclaration du 7 mars, vous allez à contresens de l’histoire numérique, et c’est à tort que le projet de loi du Gouvernement s’attaque aux échanges privés des consommateurs et prévoit de créer par décret des contraventions, privant ainsi le Parlement d’un débat légitime.

C’est tout autant à tort que vous soumettez l’usage privé des œuvres achetées par les consommateurs au contrôle unilatéral des professionnels, anéantissant de fait la notion et l’esprit même de la copie privée.

Telles sont donc nos préoccupations. Voilà pourquoi notre sous-amendement propose de supprimer les mots « non autorisée », qui sont contradictoires avec vos déclarations d’intention.

M. Bernard Carayon. Nous n’avons rien compris ! Peut-elle recommencer ?

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir le sous-amendement n° 329.

M. Patrick Bloche. Ce sous-amendement vise à clarifier la notion de mise à disposition résultant directement et à titre accessoire d’une reproduction.

La formulation retenue pourrait être comprise comme ne concernant que les mises à disposition résultant d’un acte de téléchargement initié par l’utilisateur d’un système d’échange. Or de telles mises à disposition peuvent être induites par la seule utilisation d’un système d’échange, imposant, par exemple, le partage des fichiers du disque dur de l’ordinateur connecté au service de communication au public en ligne. Une telle mise à disposition serait également effectuée à des fins personnelles et non commerciales. Il est donc logique de l’inclure plus explicitement dans l’article ainsi amendé.

Le ministre nous a annoncé cet après-midi que nous allions vivre avec l’amendement n° 263, deuxième rectification, un grand moment de notre histoire nationale. Comme nous savons tous ici que nous légiférons sous les yeux du monde entier… et même au-delà (Rires), nous en mesurons l’intensité. C’est la raison pour laquelle nous demanderons des scrutins publics, pour marquer dans l’histoire de l’Assemblée nationale ce moment que nous vivons collectivement.

Cela dit, il n’est tout de même pas inutile de rappeler à cet instant, aujourd’hui, 16 mars, que c’est parce qu’une majorité de députés de cette assemblée nationale, siégeant sur tous les bancs, ont voté un amendement légalisant le téléchargement et créant en contrepartie une rémunération nouvelle pour la culture que notre débat a pris une tout autre tournure et que des marges de manœuvre se sont dégagées pour préserver le droit à la copie privée. Comme vous en êtes convenu, monsieur le ministre, avec beaucoup d’honnêteté, nous sommes alors sortis du champ de la contrefaçon. Un internaute, n’étant plus un contrefacteur, n’est plus passible de trois ans de prison et de 300 000 euros d’amende. Donc bravo aux députés qui, le 21 décembre, dans cet hémicycle, ont cassé la logique du tout répressif du projet de loi qui nous avait été présenté initialement !

Nous revendiquons donc une large part de paternité de cet amendement n° 263, deuxième rectification (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Dominique Richard. C’est se parer des plumes du paon !

M. Patrick Bloche. …car, aussi insuffisant soit-il, il n’aurait jamais vu le jour si nous ne nous étions pas rassemblés majoritairement sur une logique visant à casser ce projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Que cet amendement existe est vraiment la preuve la plus tangible que l’aspect le plus liberticide de ce projet de loi est tombé grâce au vote historique du 21 décembre.

À partir de là, vous avez fait un choix surprenant et presque paradoxal car vous ne légalisez pas le téléchargement et vous maintenez un contexte de gratuité alors que nous voulions, nous, assurer une rémunération supplémentaire pour la culture. Le système dissuasif que vous nous présentez aujourd’hui, en passant de trois ans de prison et 300 000 euros d’amende à 38 euros d’amende, puisque c’est le prix d’une contravention de première classe,…

M. Michel Piron. Cela devient prosaïque !

M. Patrick Bloche. …montre que vous êtes rentré dans un paradoxe étonnant. Restant dans l’interdiction du téléchargement, paradoxalement, vous banalisez la gratuité.

Grâce à une majorité de députés réunis dans cet hémicycle le 21 décembre, les 10 millions d’internautes qui pratiquent le peer to peer ne sont plus des délinquants potentiels, mais des contrevenants potentiels. Dans la mesure où vous renvoyez tout au pouvoir réglementaire, puisqu’il s’agit de contraventions, nous avons un certain nombre de questions précises à vous poser. Il est essentiel, comme l’a souligné très justement le président de la commission des lois, que l’infraction soit définie précisément par vous, monsieur le ministre, puisque c’est vous qui serez maître de la voie réglementaire une fois que la loi sera votée, si elle l’est. De fait, l’infraction sera-t-elle constituée pour chaque acte de téléchargement, pour chaque morceau téléchargé ? Qui fera les constatations ? Qui contrôlera ? Qui établira le lien entre l’adresse IP et l’identité de l’internaute ? Ce sont déjà des premières questions auxquelles nous souhaiterions avoir des réponses.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et les deux sous-amendements ?

M. Christian Vannesterapporteur. L’amendement du Gouvernement est l’une des conséquences, effectivement, de la concertation que le Gouvernement a engagée à la fin du mois de décembre. Dans le projet de loi initial, les internautes se livrant à des téléchargements illicites à des fins personnelles ou non commerciales, de même que ceux qui communiquaient au public des œuvres protégées à des fins non commerciales, s’exposaient aux sanctions pénales applicables au délit de contrefaçon, à savoir trois ans de prison et 300 000 euros d’amende. Même si chacun savait bien que jamais des peines pareilles n’auraient été appliquées, c’était un signal fort. Nous avons la possibilité de le corriger. Il faut s’en féliciter.

Sur tous les bancs de notre assemblée, on a considéré que cette disposition pouvait paraître déséquilibrée.

M. Christian Paul. Que je sache, vous n’avez pas voté notre amendement, monsieur le rapporteur !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Si vous aviez lu les amendements que j’avais déposés à l’époque, vous auriez vu que ce que je dis est parfaitement dans la logique du point de vue que je défendais à l’époque.

J’avais moi-même présenté plusieurs amendements, adoptés par la commission, réservant la sanction pénale découlant de l’assimilation au délit de contrefaçon au contournement des seules mesures techniques de protection.

Dès le début de nos débats, en décembre, le Gouvernement a tenté d’introduire davantage de discernement dans l’application de ce régime de sanction à travers le mécanisme de réponse graduée. La concertation qui s’était engagée sur le sujet a permis d’aller plus loin avec cet amendement n° 263, deuxième rectification, puisque, désormais, le téléchargement non autorisé ou la communication au public d’œuvres, d’interprétations, de phonogrammes ou de vidéogrammes ne relèvent plus que d’un régime de contravention. Il appartient au pouvoir réglementaire de définir les conditions de mise en œuvre d’un tel régime. Vos explications, monsieur le ministre, répondent parfaitement aux interrogations que la commission avait soulevées lorsque vous êtes intervenu devant elle.

La commission a accepté cet amendement, et j’émets bien sûr un avis favorable à son adoption.

Le sous-amendement n° 274 paraît être le fruit d’une incompréhension du dispositif de l’amendement du Gouvernement. Si cet amendement supprime le délit de contrefaçon pour les téléchargements et mises à disposition illicites, il ne prévoit pas pour autant de les rendre licites car cela reviendrait à mettre le doigt dans le principe de la licence globale. Comme le soulignait M. Paul tout à l’heure, je n’ai pas voté l’amendement qui instituait la licence globale,…

M. Christian Paul. Nous nous en doutions !

M. Christian Vanneste, rapporteur. …et la majorité est revenue sur cette question. Le dernier alinéa de l’amendement prévoit que ces actes seront sanctionnés par des contraventions, ce qui constitue une forme de proportionnalité adaptée de la sanction à la faute.

Le sous-amendement est contradictoire avec l’amendement.

M. Frédéric Dutoit. Ça, c’est vrai !

M. Christian Vanneste, rapporteur. J’y suis donc défavorable.

Quant au sous-amendement n° 329 de M. Bloche, il est satisfait par le deuxième alinéa de l’amendement du Gouvernement qui répond parfaitement à son interrogation.

Nous visions le même objectif ; nous l’avons atteint et je vous remercie d’avance de voter l’amendement du Gouvernement auquel manifestement vous adhérez.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux sous-amendements ?

M. le ministre de la culture et de la communication. En ce qui concerne le sous-amendement n° 274, l’avis du Gouvernement est défavorable et je pense que vous n’en serez pas surpris : c’est cohérent avec notre position sur la licence globale et le principe de rémunération des artistes.

Quant au sous-amendement n° 329, comme vient de le dire votre rapporteur, il est d’une certaine manière satisfait par l’amendement de Gouvernement, et il n’a donc plus lieu d’être.

Bien que l’examen de la loi ne m’y contraigne pas, mais afin de clarifier les enjeux, permettez-moi de revenir sur les questions évoquées. C’est important pour vous-mêmes, au moment où vous serez amenés…

M. Christian Paul. À télécharger !

M. le ministre de la culture et de la communication. …à voter, mais aussi pour nos concitoyens qui sont vivement intéressés par nos débats.

Tout d’abord, le champ des infractions dont les auteurs sont susceptibles d’encourir des contraventions est clairement circonscrit. Il s’agit du téléchargement illicite et du téléchargement illicite avec mise à disposition automatique de l’œuvre. Avec cet amendement, ces actes ne relèvent plus de la contrefaçon, punie de 300 000 euros d’amende et de trois ans de prison. C’est légitime : les sanctions de la contrefaçon ont été mises en place pour réprimer des actes essentiellement lucratifs alors que la problématique nouvelle des échanges gratuits entre internautes ordinaires nécessite une nouvelle échelle des peines, mieux proportionnée. Nous souhaitons également, comme vous le verrez lors de l’examen d’articles à venir, que les fournisseurs d’accès à internet soient tenus d’informer régulièrement les internautes des valeurs de la propriété intellectuelle et du droit d’auteur.

Sortir de la contrefaçon permet aussi de sortir de la procédure du délit, peu adaptée à la réalité des actes commis, qu’il s’agisse des perquisitions ou des garde à vue. Cette évolution ne peut impliquer pour autant de légitimer ces actes, mais de leur appliquer des sanctions adaptées, proportionnées. Il n’est donc plus question que l’internaute ordinaire risque la prison et 300 000 euros d’amende. Il sera désormais passible d’une contravention.

Vous n’aviez pas eu le temps au mois de décembre de débattre de l’amendement du Gouvernement, mais je rappelle que la première étape du principe de responsabilité à l’égard de l’internaute qui téléchargeait illégalement était le mail d’information. Je ne vais pas rouvrir ce débat qui n’a pas eu lieu, mais je n’ai jamais pensé un seul instant que l’internaute ordinaire qui téléchargeait illégalement devait être passible de prison. On me l’a envoyé à la figure par voie médiatique. Aujourd’hui, par le vote de cet amendement, vous mettrez un terme définitif à cette question.

Des parlementaires, dont certains sont présents ce soir, m’ont demandé, au cours des nombreuses conversations que nous avons eues après les débats du mois de décembre, si la prison n’était pas une sanction trop élevée pour l’internaute qui téléchargeait illégalement. Lorsque je leur ai répondu qu’il n’en était pas question, j’ai vu alors une sorte d’apaisement les gagner.

Comment avez-vous pu croire un seul instant qu’il en était autrement ?

M. Christian Paul. C’est pourtant simple ! Vous n’avez pas pris position quand des internautes ont été condamnés par les tribunaux !

M. le ministre de la culture et de la communication. Ce débat est porteur d’une nouvelle très importante : il n’est plus question que l’internaute ordinaire risque la prison et 300 000 euros d’amende. Il sera désormais passible d’une contravention.

Le projet de loi institue une gradation proportionnée des sanctions. Elles seront adaptées aux fautes commises. Cette proportionnalité des sanctions sera dissuasive afin de garantir le droit d’auteur et de responsabiliser les internautes sans les pénaliser trop lourdement.

La première question, très importante, qui a été évoquée lors des débats du mois de décembre est celle de la protection de la vie privée. Il ne s’agit pas de surveiller les internautes, mais de surveiller les œuvres.

Mme Martine Billard. Précisez !

M. Christian Paul. Quelle différence ?

M. Patrick Bloche. Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est une formule !

M. le ministre de la culture et de la communication. Écoutez, nous avons le droit d’avoir un arc-en-ciel de convictions politiques...

M. Christian Paul. Il ne s’agit pas de politique, mais de la vie de tous les jours !

M. le ministre de la culture et de la communication. …mais il est très important d’affirmer calmement qu’il n’est pas question de surveiller les internautes, ni d’interférer dans la vie privée et dans la liberté de communication, mais de surveiller les œuvres.

Comme vous avez eu l’intelligence de le rappeler dans un souci de clarification, c’est l’auteur qui détermine le régime juridique de diffusion d’une œuvre. Il peut choisir de diffuser gratuitement son œuvre parce qu’il a besoin de se faire connaître ou de vouloir vivre du produit de son travail.

La technologie est donc un facteur de progrès car elle permet d’attacher à l’œuvre un certain nombre de signaux. Des d’amendements permettant que des informations soient données aux consommateurs ont d’ailleurs été votés.

Les constats de téléchargement illicite seront opérés par des logiciels pair à pair qui téléchargeront l’adresse IP de l’internaute contrevenant.

M. Christian Paul. Sauf si vous avez rendus illégaux les logiciels pair à pair !

M. le ministre de la culture et de la communication. L’infraction sera donc constatée par un officier de police judiciaire. Le procureur pourra alors demander l’identité de l’internaute à son fournisseur d’accès. Cette procédure est totalement protectrice des libertés individuelles. En d’autres termes, il ne s’agit pas de la surveillance de l’internaute, mais de la surveillance de l’œuvre, de son pedigree.

Beaucoup d’entre vous s’interrogent ensuite, et c’est tout à fait légitime, sur l’effectivité des sanctions.

M. Pierre-Christophe Baguet. En effet !

M. le ministre de la culture et de la communication. On abandonne la prison, comme élément de responsabilité, mais où en est-on ? L’annonce d’une sanction est-elle fictivement maintenue ou bien sera-t-elle appliquée à l’unité, à l’œuvre ? Assisterons-nous à une multiplication des amendes ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Christian Paul. Oui, dites-le nous !

M. le ministre de la culture et de la communication. Écoutez ! Ce que je vais vous dire, c’est très important.

M. Christian Paul. Nous sommes tout ouïe !

M. le ministre de la culture et de la communication. Il n’est pas question que le téléchargement illégal soit plus attractif que le téléchargement légal. Il ne faut ni banaliser la gratuité, ni étrangler financièrement les internautes. Les sanctions seront liées au constat de l’acte de téléchargement. La contravention prévue est de 38 euros pour un simple acte de téléchargement et de 150 euros pour un téléchargement avec mise à disposition d’œuvres. Un décret en Conseil d’État déterminera précisément les critères fixant les contraventions, qui pourront être des limitations dans le temps ou des seuils établis en fonction du nombre d’œuvres ou du poids des fichiers.

M. Christian Paul. On ne sait pas ce qu’il en sera !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je travaillerai à ces questions de manière très précise avec mes collègues de la justice et de l’intérieur. Et, dans le souci de rendre ces sanctions effectives, des services spécialisés doivent être constitués. De même qu’il existe des services spécialisés dans le domaine de la cybercriminalité, des services spécialisés de l’État doivent être constitués sur ces questions liées au droit d’auteur et à internet.

M. Christian Paul. Combien de fonctionnaires ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Voilà toutes les informations que je voulais vous communiquer. J’ai le sentiment qu’avec ce dispositif nous pourrons atteindre un point d’équilibre. Symboliquement, cela n’entraverait en rien votre liberté de critique et d’opposition. Des points de vue frontaux se sont exprimés, mais sur ce point d’équilibre, nous devrions pouvoir nous rassembler.

Par ailleurs, comme tout ministre de la République, je suis à la disposition du Parlement et de la commission des lois…

M. Pierre-Christophe Baguet. N’oubliez pas la commission des affaires culturelles !

M. le ministre de la culture et de la communication. …et de toutes les commissions. En tant qu’ancien député, je ne dérogerai jamais à ce principe.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le ministre de la culture et de la communication. En d’autres termes, après vous avoir annoncé un certain nombre de principes très clairs, si vous souhaitez m’entendre à nouveau lorsque je rédigerai le décret, libre à chacune des commissions de l’Assemblée nationale de le demander. Cela ne me pose aucun problème, même s’il s’agit du domaine réglementaire, car sur ces sujets l’information du Parlement est une nécessité absolue. Je n’ai rien à cacher. Et si j’en parle avec un peu de passion c’est que je tiens à ce point d’équilibre. Je souhaite qu’internet permette la diffusion des œuvres et des artistes et la rémunération de leur travail et que les internautes soient responsabilisés. Il ne faut pas caricaturer : les jeunes ont des valeurs et les défendent.

M. Christian Paul. Oui, dans la rue, en ce moment même !

M. le ministre de la culture et de la communication. La jeunesse respecte la diversité culturelle, et le travail artistique ; elle soutient des jeunes talents qui s’expriment.

Il est donc légitime et sain de différencier les responsabilités : aux systèmes qui veulent faire de l’argent en détournant les droits d’auteur, une sanction pénale, à l’internaute, dans un premier temps, la responsabilité, l’information et la pédagogie collective – nous devons ensemble diffuser un certain nombre de valeurs – et des sanctions individualisées qui sont celles de la contravention. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 263, deuxième rectification, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Le ministre vient de nous apporter quelques éclaircissements. Jusqu’à présent nous n’avions pas eu beaucoup de réponses aux questions que nous avions posées, tant ici qu’en commission. Nous en sommes quand même à la cinquième rectification, ce qui montre que le Gouvernement n’a pas beaucoup de certitudes. Si la version actuelle n’envoie plus les internautes en prison, son application n’en soulève pas moins encore beaucoup de questions.

Monsieur le ministre, vous nous répétez constamment que ce sont les œuvres qui seront surveillées et les auteurs qui détermineront le régime de diffusion. Vous venez de nous expliquer que le constat s’effectuera par un logiciel peer to peer et qu’on demandera à un officier de police judiciaire de remonter jusqu’au propriétaire de l’adresse IP, ce qui est parfois difficile, procédure utilisée actuellement dans les cas de pédophilie, de racisme et d’antisémitisme. D’ailleurs, l’amendement n° 228 indiquait qu’il est souvent impossible de préciser que l’auteur de la contrefaçon est le titulaire de l’abonnement à Internet et du numéro IP correspondant.

Par ailleurs, vous dites que les actes de simple téléchargement seront désormais passibles d’une contravention de 38 euros et ceux qui s’accompagnent d’une mise en ligne d’une amende de 150 euros. On voit là ressurgir cette obsession d’interdire le peer to peer. Comme il est assez rare qu’on ne fasse que télécharger, l’amende sera systématiquement de 150 euros et non de 38 euros. Je vois mal comment vous parviendrez à détecter un téléchargement individuel d’une œuvre sur Internet, à moins qu’il y ait dénonciation. Finalement, je ne sais pas dans quel cas s’appliquera l’amende de 38 euros. Ne laissez donc pas croire qu’il y aura deux sortes d’amendes puisque c’est celle de 150 euros qui s’appliquera systématiquement.

À moins que, comme vous l’aviez laissé entendre pour la peine de prison prévue dans la première version de l’amendement, elle ne doive jamais être appliquée.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Mais non !

Mme Martine Billard. Vous savez très bien que la loi que nous allons voter ne sera pas appliquée. Mais une telle méthode pourrait paraître bizarre de la part du législateur et de la commission des lois.

M. le ministre de la culture et de la communication. Madame Billard, un peu de sérieux ! Vous savez très bien qu’il s’agit de cas extrêmes !

Mme Martine Billard. Par ailleurs, à la question que nous vous posons depuis le début, à savoir si c’est la connexion, la durée ou le nombre d’œuvres téléchargées qui sont visées, vous nous répondez que c’est le Conseil d’État qui le précisera. Et que se passera-t-il quand le nombre d’œuvres téléchargées sera différent du nombre d’œuvres mises en ligne ? Je trouve tout cela pour le moins dommageable, alors que ce texte est à l’étude depuis deux ans et en discussion à l’Assemblée nationale depuis le mois de décembre.

M. le président. Veuillez conclure, madame Billard.

Mme Martine Billard. Je conclus, monsieur le président.

Nous avons déploré, à plusieurs reprises, que l’Assemblée se trouve de plus en plus dessaisie de son pouvoir de législateur.

M. Laurent Wauquiez. C’est de la démagogie, madame Billard !

Mme Martine Billard. Là, elle ne peut même plus être informée des décisions qui pourront être prises. Il est pourtant important que les justiciables de ce pays puissent savoir quelle sera réellement l’étendue de la sanction et quels seront les recours possibles.

M. le président. La parole est à Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. Madame Fraysse, je ne comprends pas du tout le sous-amendement que vous avez présenté. J’ai l’impression que vous jouez à front renversé. De deux choses l’une : soit la reproduction est autorisée, soit elle ne l’est pas. Le but de l’amendement du Gouvernement est de faire en sorte qu’une reproduction non autorisée ne soit pas pénalisée. Alors que les députés du groupe socialiste et du groupe communiste ainsi que Mme Billard ont indiqué qu’il fallait être précis afin que les juges aient une très faible marge d’interprétation, vous prenez le risque que les juges décident que seule la reproduction autorisée ne sera pas soumise à la pénalisation. Voilà pourquoi je souhaiterais que vous puissiez nous expliquer à nouveau votre logique.

Monsieur Bloche, vous nous avez dit, à juste titre, que c’est grâce au vote intervenu en décembre dernier que nous avons pu rediscuter et rééquilibrer le système entre contravention et pénalisation des internautes. Je rappelle que ce vote émanait majoritairement des députés du groupe UMP.

M. Christian Paul. Mais pas du rapporteur !

M. Laurent Wauquiez. Vous y allez donc un peu fort lorsque vous dites que c’est votre enfant et que c’est grâce à vous qu’on sort de la pénalisation des internautes.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. C’est de la captation d’héritage.

M. Patrick Bloche. Je vous le concède, monsieur Wauquiez ! Je suis parfois excessif !

M. Pierre-Christophe Baguet. Quel aveu !

M. Laurent Wauquiez. Je vous remercie de le reconnaître. Il vous arrive parfois d’être quelque peu excessif ou lyrique !

Désormais, seul compte l’avenir. Les députés socialistes, les députés communistes et les Verts ont-ils l’intention de voter cet amendement ? Soit on en reste à la situation actuelle avec le risque d’emprisonnement des internautes…

M. Frédéric Dutoit. Ce n’est pas le débat !

M. Dominique Richard. Si !

M. Laurent Wauquiez. ...soit vous acceptez de sortir de la pénalisation individuelle.

M. Frédéric Dutoit. C’est une manœuvre politicienne !

M. Laurent Wauquiez. Voilà pourquoi le scrutin public sur cet amendement a toute sa signification.

Enfin, monsieur Paul – et j’espère que vous me le pardonnerez et que cela ne remettra pas en cause notre commerce équitable – vous avez évoqué la figure historique de Jack Lang, icône du parti socialiste sur toutes les questions relatives à la culture et au web. Je ne peux toutefois pas m’empêcher de relever que jamais celui-ci n’a été présent dans ce débat plus de trente secondes !

M. Dominique Richard. C’est l’Arlésienne !

M. Laurent Wauquiez. Je n’ose pas imaginer qu’il y ait un double jeu, entre l’extérieur de cet hémicycle, où MM. Lang et Hollande…

M. Jean Dionis du Séjour. Et Mme Hidalgo !

M. Laurent Wauquiez. …dont toutes les positions sont officielles et retranscrites par l’AFP, envoient des signaux aux artistes en expliquant qu’ils sont contre la licence globale, contre le droit des internautes et pour la protection des artistes, et l’intérieur de l’hémicycle, où MM. Paul et Bloche, dont je reconnais la qualité du travail et respecte la position, réaffirment leur soutien aux internautes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur Wauquiez, comment pouvez-vous penser un seul instant que les députés socialistes, membres d’un grand parti démocratique qui a vocation à gouverner ce pays…

M. Michel Herbillon. Le plus tard possible !

M. Christian Paul. …puissent s’exprimer ici sur des questions aussi essentielles sans qu’il y ait eu, au sein de leur groupe, un débat et une délibération collective approfondie…

M. Laurent Wauquiez. C’est bien pour cela que je suis surpris que M. Lang ne soit jamais venu !

M. Christian Paul. …ainsi que des prises de position réitérées, rappelées ici même par Jean-Marc Ayrault il y a moins de quarante-huit heures.

S’agissant de l’amendement n° 263, nous avons bien entendu tout à l’heure que le rapporteur vous appelait, mesdames, messieurs de la majorité, à un vote disciplinaire après ce qui fut le vote libre du mois de décembre.

Mais je voudrais surtout m’attacher, monsieur le ministre de la justice, pardon de la culture…

M. Patrick Bloche. Pour le moment, c’est le ministre de l’intérieur !

M. Christian Paul. Ce soir, il est surtout le ministre de la justice puisqu’il interpelle les parquets, les tribunaux de notre pays, afin de les mobiliser.

Ce n’est plus le texte de M. Aillagon ni celui du mois de décembre, il s’agit d’un amendement n° 263 qui en est à sa deuxième rectification. C’est dire l’effort qui est fait pour accoucher de ce monstre dont, pour ma part, je ne revendique pas la paternité.

Nous sommes passés, mes chers collègues, de la riposte graduée à la riposte dégradée ! La riposte graduée, c’était au mois de décembre dernier. Le monde entier nous regardait, ébloui par le génie français qui se déployait en particulier dans ce texte. La riposte est dégradée pour plusieurs raisons. D’abord, on est passé de la lumière à l’ombre.

En décembre, c’était le Parlement qui décidait. Au mois de mars, la décision sera prise dans l’ombre des bureaux de la rue de Valois qui rédigeront un décret.

Le ministre a fait état de ses offres de présence, mais comme il a mis deux ans à venir à l’Assemblée nationale, cela nous renvoie au mois de mars 2008 !

Nous sommes passés d’un régime pénal très aggravé, que les juges français répugnaient à mettre en œuvre, à un régime contraventionnel qui constitue, à bien y regarder, tant pour les internautes que pour les artistes, la pire des solutions, en tout cas la plus hypocrite.

Pour les internautes, ce sera l’incertitude juridique totale : 38 euros ou 150 euros, ou bien 38 euros et 150 euros ? Multipliés par combien de contraventions ?

Qu’est-ce qu’un acte de téléchargement ? Nous ne quitterons pas l’Assemblée avant de le savoir, puisque c’est la qualification de la contravention que vous avez définie dans le flou le plus absolu.

Par ailleurs, le dispositif ne sera pas dissuasif. Le téléchargement continuera de plus belle, grâce au déploiement du haut débit et aux contournements qui sont déjà en train d’être imaginés parce qu’il existe en la matière un génie planétaire. Les remparts de papier seront donc très vite contournés. Il s’agit en fait d’une sorte de dépénalisation qui ne dit pas son nom. Ce n’est pas la légalisation. La légalisation, c’est ce que nous avons voulu et proposé au mois de décembre, et certains d’entre vous en étaient d’accord. C’est une sorte de dépénalisation qui ne dit pas vraiment son nom et qui pose nombre de problèmes.

Concrètement, comment les choses vont-elles se passer ? Dans le cas des radars automatiques sur la route, pour reprendre une comparaison qui est souvent faite dans la presse, il existe une base légale précise, et les photos permettent au propriétaire du véhicule de contester l’infraction s’il n’était pas au volant. Ici, sur quoi va-t-on se fonder pour savoir qui était devant le clavier ?

Je ne suis pas le seul à m’inquiéter, d’où mon lapsus délibéré. C’est bien le garde des sceaux que nous voudrions voir ce soir dans l’hémicycle.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Paul.

M. Christian Paul. Laurence Pécaut-Rivolier, présidente de l’Association nationale des juges d’instance, lesquels formeront un maillon de la chaîne alambiquée – on peut à bon droit parler d’un véritable alambic judiciaire pour qualifier le traitement des infractions – déclarait aujourd’hui : « La navette entre les officiers de police judiciaire et le juge de proximité suppose une procédure très complexe pour chaque infraction. Je ne vois pas comment mettre en branle une machine aussi lourde pour 38 euros, ou même 150 euros d’amende. »

M. Laurent Wauquiez. Ce n’est pas la procédure que nous entendons privilégier, justement !

M. Christian Paul. « Les juges de proximité – et nous serons tous d’accord avec elle – n’ont actuellement ni le temps, ni les compétences pour absorber ce travail. » Oui, il faudrait entendre le garde des sceaux.

M. le président. Merci, monsieur Paul.

M. Christian Paul. Nous avons besoin de comprendre ce qu’est l’acte de téléchargement. Est-il constitué dès le premier morceau, ou bien au dixième morceau, voire au millième ?

M. le président. Monsieur Paul, si tout le monde se comporte comme vous, nous n’avancerons pas.

M. Christian Paul. Une dernière question, concernant les usages. Aujourd’hui, des centaines de milliers de blogs diffusent de la musique, et, tous les jours, les internautes échangent des fichiers musicaux par messagerie. S’agit-il d’une mise à disposition passible d’une amende de 150 euros ? Le projet de loi méconnaît la réalité des pratiques.

Je terminerai par une formule qui se veut humoristique : l’amendement Vivendi rend-il coupable MSN ? Les pratiques culturelles quotidiennes sont-elles condamnables à vos yeux ?

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Cet amendement est en effet très important, d’où notre intention de rappeler, dans le temps qui nous est imparti, les termes du débat. Quel modèle culturel voulons-nous construire dans un monde où Internet sera le vecteur majeur de diffusion ?

Le groupe UDF propose deux objectifs majeurs : d’une part, promouvoir plus que jamais la création culturelle et il propose des pistes, notamment pour son financement ; d’autre part, saisir les possibilités offertes par Internet pour une diffusion de la culture plus large, plus diversifiée et plus populaire. Nous pouvons sans doute nous rassembler là-dessus.

Quant au chemin à suivre, l’UDF considère que la consommation de la culture sur Internet doit devenir l’assiette principale de la rémunération des auteurs, d’où notre soutien aux plates-formes légales payantes. Elles restent très insuffisantes – trop peu ergonomiques, trop chères, leur catalogue est trop limité – mais c’est la direction à prendre. C’est pourquoi aussi nous soutenons les mesures de protection techniques, à condition qu’elles soient respectueuses des libertés privées. Il y a là, nous en sommes d’accord avec Mme Billard, une tension réelle. Nous soutenons enfin de façon responsable, contrairement au PS dont le discours n’est pas responsable, un dispositif de sanction. Devons-nous, oui ou non, transposer la directive européenne ? Je rappelle que son article 8 invite les États membres à mettre en place des sanctions « efficaces, dissuasives et proportionnées ».

Mme Martine Billard. Efficaces !

M. Jean Dionis du Séjour. Mêmes si les conditions n’étaient pas satisfaisantes – il était trop tard, nous n’en avions pas débattu – vous aviez proposé en décembre, monsieur le ministre, un concept intéressant : la riposte graduée.

Si certains éléments étaient inacceptables, comme la police assurée par des agents assermentés des sociétés de répartition – la fameuse police privée de l’Internet condamnée ici même par François Bayrou –, d’autres à reprendre, comme la gradation des sanctions, le principe de la responsabilisation de l’abonné et la prévention par l’envoi de messages d’avertissement avant sanction méritaient d’être retenus.

Nous avons déposé un amendement qui n’a pu être retenu, pour de simples raisons de gestion de la séance. Nous renonçons à la levée de la forclusion par souci d’apaisement et l’amendement sera transmis au Sénat. Mais je voudrais aller au fond du débat en posant les questions qui restent en suspens. L’amendement visait à traduire la réponse graduée autour de principes simples.

C’est à l’État, à sa police, de contrôler le respect de la loi, et non aux sociétés privées. Vous en êtes convenu, monsieur le ministre.

Il faut ensuite une chaîne claire entre la détection, le contrôle et la sanction. La question de la responsabilisation de l’abonné doit être clairement posée. Vous ne pourrez pas en faire l’économie, monsieur le ministre, et vous devriez vous exprimer sur ce point. Sinon, le volet sanction restera illusoire. Il faut aussi laisser à l’abonné le temps de se mettre en conformité. L’abonné peut être le père ou la mère de famille, et les contrevenants leurs enfants adolescents. Dans ce cas, les messages d’avertissement se justifient pleinement.

Enfin, le système doit être rustique pour que les coûts de gestion des contraventions restent modiques. À défaut, elles ne seront pas recouvrées. S’il faut une enquête pour chaque téléchargement, l’enjeu sera trop faible, qu’il s’agisse de 38 ou même de 150 euros, et on en reviendra au téléchargement gratuit.

M. le président. Vous avez épuisé votre temps de parole, monsieur Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous voterons l’amendement 263, deuxième rectification, monsieur le ministre, car il est conforme à l’article 8 de la directive européenne qui réclame la mise en œuvre de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives. Il est aussi indispensable à l’émergence du modèle économique et culturel que nous appelons de nos vœux. Nous sommes prêts à vous suivre, monsieur le ministre, mais il nous manque des réponses sur des points importants.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Nous voterons contre cet amendement.

M. Christian Paul. Et même des deux mains !

M. Frédéric Dutoit. Votre intervention, monsieur Wauquiez, qui voulait faire accroire que notre intention est de sanctionner plus lourdement les internautes, était des plus politiciennes.

M. Laurent Wauquiez. C’est pourtant la réalité !

M. Michel Herbillon. Tel sera bien le résultat d’un vote négatif !

M. Frédéric Dutoit. Nous sommes contre le projet de loi car il ne répond toujours pas aux besoins en matière de rémunération des auteurs et de développement des échanges sur Internet. Et nous voterons contre un amendement inefficace qui pénalisera inutilement les téléchargements sur Internet.

M. Laurent Wauquiez. Il s’agit au contraire d’une dépénalisation !

M. Frédéric Dutoit. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler que vous avez retiré hier un amendement visant à respecter le droit à la copie privée. Je l’aurais voté très volontiers puisque j’étais d’accord.

M. Laurent Wauquiez. Ce n’est même pas politicien, c’est au-dessous de la ceinture !

M. Frédéric Dutoit. Cette pénalisation sera inefficace, Mme Billard l’a amplement expliqué. Si vous avez reculé dans ce domaine, et Patrick Bloche a eu raison de le souligner, c’est bien parce que le 21 décembre 2005, les députés ont voté, à trente contre vingt-huit, deux amendements. Parmi eux figuraient deux communistes, heureusement ! Ce vote historique a permis à un vrai débat de s’ouvrir au sein de la société. Nous devons tous nous en féliciter.

M. Michel Herbillon. On ne va pas refaire le match !

M. Frédéric Dutoit. Enfin, j’avoue mon scepticisme. Comment constatera-t-on l’infraction de téléchargement simple ? Vous avez parlé, monsieur le ministre, de services spécialisés de l’État dans la lutte contre la cybercriminalité ? Est-ce à dire que les téléchargements sont des crimes ? Vous vous efforcez pourtant de nous convaincre du contraire ! De quels moyens disposeront ces services ? Surveilleront-ils au hasard les communications des internautes, pratique qui s’apparente à l’interception de communications privées ? De telles opérations sont soumises, me semble-t-il, à l’autorisation du juge.

Votre projet ne permettra pas une reconnaissance des droits d’auteur dans la société de l’information et leur juste rémunération. Il ne sanctionnera pas les internautes qui pratiquent le « téléchargement illégal ». Bref, ce projet est d’ores et déjà obsolète et le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je vous remercie, monsieur le président, de donner la parole à chacun d’entre nous.

Sans reprendre dans le détail ce qu’a dit mon collègue Dionis du Séjour, j’insisterai sur le fait que, pour responsabiliser 8 millions d’internautes qui téléchargent quotidiennement sans penser à mal, mais illégalement, il faut une politique globale et équilibrée. Je rappelle à cet égard le credo de l’UDF : responsabilisation, pédagogie, sanction proportionnée et applicable car crédible. Il faut agir, comme le recommande le code civil, « en bon père de famille ». Nous nous félicitons donc que ces internautes passent du statut de criminels potentiels à celui de simples contrevenants. Nous souscrivons à cette évolution positive qui doit, comme l’a souligné Jean Dionis du Séjour, aller de pair avec le développement de plates-formes légales, accessibles, diversifiées et concurrentielles puisque la licence globale, à laquelle l’UDF s’est opposée depuis le début, n’est pas réaliste.

La pédagogie ciblée restant pour nous une priorité absolue, nous nous sentons un peu frustrés par cet amendement. C’est pourquoi je voudrais vous faire une suggestion.

J’avais proposé, à l’époque où les fournisseurs d’accès s’étaient lancés dans la surenchère à la puissance, de rappeler que le piratage nuit à la création artistique. Je souhaiterais que notre assemblée rende l’inscription de cette formule obligatoire sur les sites commerciaux et facultative sur les sites personnels, ceux-ci souscrivant comme une charte de défense de la diversité culturelle.

Par ailleurs, en dépit de cet amendement, des interrogations demeurent, relatives notamment au dépistage des téléchargements : il sera plus facile dans le cas d’un film dont le fichier pèse 750 Mo que dans celui d’une œuvre musicale – chacun, ici, en est conscient. Vous concluez votre amendement par un renvoi à des décrets en Conseil d’État. Monsieur le ministre, pourquoi ne pas créer, comme l’a fait le ministre de la santé et de la famille à propos de la loi sur le handicap de février 2005, des groupes de travail qui, n’oubliant personne – ils seraient composés de représentants du monde professionnel et du monde associatif, de parlementaires et de simples internautes –, permettraient de préparer la rédaction de ces décrets très importants, puisqu’ils assureront la crédibilité des dispositions que nous allons adopter ?

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je ferai deux remarques préalables.

Premièrement, monsieur Wauquiez, il est vrai, j’ai été excessif en revendiquant, fût-ce en partie seulement, la paternité de ce mauvais amendement n° 263, deuxième rectification. C’est que, ayant présidé durant un an une mission d’information sur la famille et les droits des enfants au sein même de notre assemblée – Pierre-Christophe Baguet en a été membre –, j’ai tenté de promouvoir une vision si extensive de la paternité, et de la maternité,…

M. Jean Dionis du Séjour. Vous serez pardonné !

M. Patrick Bloche. …que j’ai été également conduit à assumer celle de ce petit monstre juridique – ainsi que l’a fort justement baptisé Christian Paul.

Frédéric Dutoit a rappelé à juste titre que le vote du 21 décembre, manifestement – je reprends un adverbe qui, hier soir, a suscité une longue discussion –, est à l’origine de cet amendement déposé le 27 février 2006.

Secondement, monsieur le ministre, puisque vous avez fait part de votre disponibilité pour faire le tour de toutes les commissions – mieux vaut tard que jamais –, je vous conseille de vous rendre très rapidement devant la commission des affaires étrangères : nous légiférons en effet sous le regard du monde entier.

En ce qui concerne le fond de l’amendement n° 263, deuxième rectification, je vous poserai quelques questions, après avoir analysé de façon détaillée une délibération de la CNIL du 23 décembre 2003. C’est que je souhaite vous interroger de façon précise sur la procédure de constatation des contraventions sur Internet et que vous vous êtes visiblement inspiré de la constatation automatique des infractions routières. De ce fait, il convient d’analyser les conditions retenues pour légaliser, comme vous nous le proposez, un tel dispositif.

La CNIL a examiné les fondements juridiques permettant d’autoriser à titre expérimental la création d’un dispositif visant à automatiser la constatation de certaines infractions routières. Elle indique que « le fondement juridique de ce dispositif résulte de la combinaison des articles 529-11 du code de procédure pénale, qui dispose notamment que “l’avis de contravention prévu par les articles 529-1 et 529-8 peut être envoyé à la suite de la constatation d’une contravention au code de la route réalisée grâce à un appareil homologué de contrôle automatique”, et L. 130-9 du code de la route, qui pose le principe de la force probante des constatations automatisées ainsi effectuées et fixe la liste des infractions qui, à terme, seront concernées par ce dispositif. »

Dans le cas de la constatation des infractions des téléchargements, deux questions ne sont pas traitées : qu’en est-il des modalités des constatations de contravention ? À ce jour, il n’existe aucune base légale pour utiliser un constat automatique des contraventions de téléchargement.

Mme Martine Billard. Absolument !

M. Christian Paul. Très juste !

M. Jean Dionis du Séjour. Il a raison !

M. Patrick Bloche. Par ailleurs, quand bien même un tel dispositif serait utilisé, quelle serait la valeur probante d’un tel constat ? Il n’existe aucune base légale pour asseoir la force probante d’un constat informatisé des contraventions pour téléchargement.

C’est pourquoi il me faut vous poser plusieurs questions. Comment seront collectées les infractions ? Va-t-on créer une police de l’Internet ? Si oui, sera-t-elle privée ou publique ? À ce titre, il faut savoir qu’en matière de code de la route, la CNIL a relevé, pour accepter le dispositif présenté, que le centre, « où seront effectués l’ensemble des opérations nécessaires à l’identification des titulaires du certificat d’immatriculation du véhicule en infraction et l’envoi de l’avis de contravention, gère et exploite le système d’informations automatisé. Il est placé sous la supervision de six officiers de police judiciaire, chargés notamment de valider les constats d’infractions effectués par les dispositifs de contrôle automatisé. »

M. Laurent Wauquiez. Votre temps de parole est dépassé ! Moi, je parle deux minutes, et là…

M. Patrick Bloche. Dernière question : comment les citoyens pourront-ils contester ces constats ? Vous n’êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, que la contestation est un élément essentiel des droits de la défense.

M. Christian Paul. Absolument !

M. Patrick Bloche. Sur le sujet, la CNIL « souligne cependant que les règles ainsi applicables ne permettent pas une contestation efficace de la sanction encourue automatiquement dès lors que le titulaire du certificat d’immatriculation n’a pas la possibilité d’accéder, dès réception de l’avis de contravention, à l’ensemble des informations le concernant, y compris à la partie du cliché représentant le conducteur de son véhicule, à l’exception toutefois de la partie du cliché représentant le ou les éventuels passagers. En conséquence elle recommande que soit étudiée une modification des règles de la procédure pénale applicables à ce traitement automatisé. » Elle ajoute : « En l’état du droit et dès lors que la constatation et le traitement de l’infraction relèvent de la procédure pénale, …

M. le président. Il est temps de conclure, monsieur Bloche.

M. Patrick Bloche. …la Commission considère que le projet d’arrêté portant création du traitement expérimental envisagé doit indiquer de façon explicite que le centre de traitement national est placé sous la responsabilité du procureur de la République dont dépendent les officiers de police judiciaire en charge de la supervision du centre. »

Monsieur le ministre, pour nous l’avoir promis, vous nous devez des précisions sur le sujet.

C’est pourquoi, il convient de rappeler…

M. le président. Il est vraiment temps de conclure, monsieur Bloche.

M. Patrick Bloche. Je conclus, monsieur le président.

M. Jean Dionis du Séjour. L’UDF est frustrée ! Quel laxisme !

M. Patrick Bloche. Il s’agit d’une question très importante.

M. le président. Concluez.

M. Michel Piron. Il serait temps, en effet !

M. le président. Monsieur Piron, laissez M. Bloche conclure !

M. Patrick Bloche. C’est pourquoi il convient de rappeler que s’il appartient au titulaire du pouvoir réglementaire de créer des contraventions – ce que vous nous proposez de faire –, il appartient au législateur de fixer en vertu de l’article 34 de la Constitution les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques et la procédure pénale.

M. Laurent Wauquiez. Pénale ! Vous le reconnaissez vous-même !

M. Patrick Bloche. Notre responsabilité est, à cet égard, directement engagée. Or, pour conclure, monsieur le ministre, …

M. Christian Vanneste, rapporteur. Vous concluez sans cesse !

M. Patrick Bloche. Ne riez pas, monsieur le rapporteur !

…comme le projet de loi ne donne aucune précision relative aussi bien aux modalités de constat qu’à la procédure pénale et aux droits de la défense applicables aux contraventions,…

M. Laurent Wauquiez. Pénale, et pas contraventionnelle ! Vous le reconnaissez vous-même ! Vous marchez sur la tête !

M. Patrick Bloche. …les contraventions pour téléchargement seront, nous vous l’affirmons, mes chers collègues, vraisemblablement frappées d’inconstitutionnalité. Refusant de courir un tel risque, les députés socialistes voteront contre l’amendement n° 263, deuxième rectification.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, les explications que je vous ai fournies précédemment me semblent avoir été aussi claires que précises.

Messieurs Baguet et Dionis du Séjour, il convient de rappeler l’origine de l’ensemble du dispositif qui, par-delà les sanctions, est relatif au respect du droit d’auteur lié à Internet. L’objectif, c’est de garantir une sécurité juridique pour le droit des auteurs qui suscite une offre nouvelle et légale, accompagnée d’un modèle économique susceptible d’évoluer, afin d’être véritablement attractif.

M. Pierre-Christophe Baguet et M. Jean Dionis du Séjour. Bien sûr !

M. le ministre de la culture et de la communication. Par ailleurs, vous avez raison d’insister sur la nécessité de procéder à des actions de sensibilisation. Celles qui seront dirigées vers les plus jeunes de nos concitoyens devront être menées à l’école, afin de permettre la diffusion et le partage de l’information sur les enjeux relatifs au droit d’auteur, à la propriété intellectuelle, à la rémunération du travail artistique ou aux possibilités ouvertes par la technologie – enjeux qui sont autant de valeurs.

Le premier mécanisme que nous avions évoqué – chacun s’en souvient – était un courriel d’information en cas de constat d’une infraction. Vous serez amenés, à l’amendement n° 260, à rendre obligatoires pour les fournisseurs d’Internet des messages d’information et de sensibilisation adressés à tous les abonnés sur le droit d’auteur et la propriété intellectuelle. Cet effort de pédagogie est absolument nécessaire.

M. Pierre-Christophe Baguet. En effet !

M. le ministre de la culture et de la communication. J’ai également rappelé que j’étais disponible, c’est normal. Toutefois, dois-je rappeler, monsieur Christian Paul, qu’un ministre ne s’invite pas dans les réunions des commissions de l’Assemblée nationale ou du Sénat, mais que ce sont les commissions qui décident souverainement d’entendre ou non un membre du Gouvernement ?

M. Christian Paul. Vous avez déjà vu beaucoup de commissions refuser d’entendre un ministre ?

M. Patrick Bloche. C’est une attaque dirigée contre le président Dubernard !

M. le ministre de la culture et de la communication. C’est le règlement, il est donc normal que je m’y soumette. Je vous ai simplement rappelé, étant donné l’importance des enjeux, que je suis prêt à effectuer un travail de concertation en vue d’élaborer les textes réglementaires. Toutes les commissions qui le souhaiteront y participeront, y compris celle des affaires étrangères où je me suis déjà rendu.

M. Christian Paul. C’est ce soir que les décisions doivent être prises ! Ce n’est pas dans deux ans, ni même dans trois mois !

M. le ministre de la culture et de la communication. Madame Billard et monsieur Dutoit, je tiens à être très clair afin de prévenir l’apparition de peurs inutiles. Il ne s’agit pas de surveiller les internautes, mais les œuvres.

Mme Martine Billard. Vous le répétez sans cesse, mais cela ne veut rien dire !

M. Patrick Bloche. C’est une formule vide de sens !

M. le ministre de la culture et de la communication. Elle a, au contraire, une signification essentielle ! Si vous ne voulez pas le comprendre, c’est que cela vous gêne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine Billard. C’est un peu facile !

M. le ministre de la culture et de la communication. En ce qui concerne l’effectivité des sanctions, vous savez très bien que les trois ans de prison et les 300 000 euros d’amende avaient suscité une peur légitime tout en étant à ce point disproportionnés qu’ils n’étaient pas applicables. Nous veillerons à l’équilibre des sanctions. Comme je l’ai déjà souligné, il n’est pas question que le téléchargement illégal soit plus attractif que le téléchargement légal. Il ne s’agit ni de banaliser la gratuité ni d’étrangler financièrement les internautes.

L’objet même de l’amendement n° 263, deuxième rectification, c’est la différenciation des responsabilités.

Mme Martine Billard. Comment ?

M. le ministre de la culture et de la communication. En d’autres termes, il est évident que les instructions que le garde des sceaux donnera au parquet en la matière et que les dispositions opérationnelles que le Premier ministre souhaite prendre au travers de la constitution de cellules spécialisées au sein des services de l’État feront porter le dispositif de surveillance et de contrôle et l’application de la loi pénale en priorité sur ceux qui sont susceptibles d’être directement placés en situation de responsabilité pénale. Je vous l’ai déjà dit : ce sont les systèmes ou les entités qui font de l’argent en contournant le droit d’auteur qui doivent faire l’objet d’un contrôle renforcé. Telles sont les dispositions que vous allez adopter : le point d’équilibre auquel le Gouvernement est parvenu justifie son adoption par l’Assemblée nationale.

Rappel au règlement

M. Patrick Bloche. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Bloche. Nous souhaitons coopérer à condition qu’on réponde à nos questions.

M. Marc Laffineur. Ce n’est pas vrai !

M. Patrick Bloche. Monsieur le ministre, nous avons beaucoup travaillé sur le dispositif que vous nous proposez, nous avons examiné des délibérations de la CNIL et nous vous avons posé des questions précises, notamment sur les garanties de la défense prévues par la loi et sur la base légale de vos propositions. Or vous n’avez répondu à aucune d’entre elles. Telle est la raison pour laquelle, j’en suis désolé, je demande une suspension de séance afin que notre groupe puisse tirer les conséquences de cette situation.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures dix-sept.)

M. le président. La séance est reprise.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 329.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 274.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 263, deuxième rectification.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale a adopté.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 264 du Gouvernement et 48 de la commission, pouvant être soumis à une discussion commune.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 264 qui est un amendement de coordination ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Favorable, et la commission retire l’amendement n° 48.

M. le président. L’amendement n °48 est retiré.

Je mets donc aux voix l'amendement n° 264.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 267 rectifié.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani. Cet amendement a pour objectif de poser des règles du jeu claires, transparentes et valables pour tous.

Il me semble légitime que les interprètes, les musiciens, les auteurs continuent à bénéficier de la rémunération prévue par la loi, même lorsque la culture circule grâce à l’Internet.

Permettez-moi de préciser que, comme pour l’amendement que j’ai déposé à l’article 12, adopté hier soir après amélioration, l’intention n’est pas ici de prohiber la pratique du peer to peer, mais au contraire d’en promouvoir une utilisation respectueuse des droits des artistes rémunérés par le droit d’auteur et les droits voisins.

À cet égard, les responsabilités ne doivent pas porter sur les internautes, mais essentiellement sur les professionnels du virtuel que sont les éditeurs de logiciels de peer to peer. Des innovations technologiques récentes permettent d’identifier le flux des contenus échangés sur les réseaux de peer to peer et ainsi de rémunérer les ayants droit des œuvres culturelles.

Les éditeurs de logiciels de peer to peer connaissent ces technologies et peuvent donc les mettre en œuvre. Dès lors, mes chers collègues, il me semble justifié de les obliger à les intégrer aux applications qu’ils mettent à la disposition du grand public, du moins lorsqu’il est avéré que leurs logiciels sont utilisés pour des échanges de contenus culturels au préjudice des ayants droit.

C’est dans cet esprit que mon amendement vous propose d’intégrer dans la loi des mesures préventives inscrivant les éditeurs de logiciels de peer to peer dans un processus de juste rémunération des créations culturelles.

Certes, le code civil prévoit déjà la sanction des fautes commises par les personnes morales qui donnent la possibilité à des internautes de violer en toute impunité les obligations de rémunération des ayants droit au titre du droit d’auteur et des droits voisins. Ils peuvent donc déjà être condamnés par le juge civil, mais il me semble plus opportun d’associer les éditeurs de logiciels de peer to peer à une démarche coopérative avec les ayants droit sans qui la création serait impossible.

Une telle proposition ne va dénaturer ni les caractéristiques essentielles des logiciels concernés, notamment de nature technique ou économique, ni leur destination initiale. Mon amendement ne vise pas, bien sûr, à détruire la technologie du peer to peer, mais il garantit au contraire une utilisation de ces logiciels respectueuse des droits de chacun.

Cette évolution sera d’autant plus bénéfique pour tous que des obligations identiques s’imposeront à tous les éditeurs de logiciels. C’est pourquoi cet amendement vous propose que leur responsabilité puisse être engagée dès lors qu’ils se refusent à intégrer cette nouvelle fonctionnalité dans leurs logiciels sans motif raisonnable.

Ce faisant, nous donnerons aux différents acteurs de l’Internet les moyens de développer une technologie respectueuse des droits de tous, qu’il s’agisse du droit des internautes qui ne frauderont plus et ne risqueront donc plus d’être sanctionnés, des droits de tous les ayants droit et de la culture française en général, chaque acteur pouvant dès lors continuer à vivre de la rémunération de ses œuvres et produits culturels, ou des droits des éditeurs de logiciels, traités sur un pied d’égalité puisque tous devront respecter la même loi.

Pour conclure, je rappellerai que cet amendement ne va pas empêcher le développement des logiciels mais, au contraire, permettre aux artistes et aux producteurs de la scène culturelle française de continuer à vivre du produit de leur art.

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 388 à l’amendement de M. Mariani.

La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour le soutenir.

M. Laurent Wauquiez. Le domaine dont il est question est difficile, comme en témoignent les réactions sur les bancs de l’opposition.

M. Christian Paul. Les défenseurs de la liberté sont là, c’est vrai ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Laurent Wauquiez. La façon d’opposer défense de la liberté et artistes est un peu facile, mais ne revenons pas sur ce sujet.

Mme Martine Billard. Cela n’a rien à voir avec ce dont nous sommes en train de discuter !

M. le président. La parole est à M. Wauquiez et à lui seul !

M. Laurent Wauquiez. Il faut parvenir à concilier deux impératifs partagés par nous tous, me semble-t-il.

Il s’agit, d’une part, de préserver le logiciel libre, et nous devons, sur ce point, nous en tenir à cette idée défendue notamment par M. Carayon, selon laquelle une technique n’est pas en soi illégale. D’autre part, nous devons rester lucides et reconnaître la possibilité de détournements allant dans le sens d’une exploitation commerciale au-delà du raisonnable.

À propos de cet équilibre, nous avons essayé de travailler dans deux directions. Il s’agissait d’abord d’éviter de traquer les internautes pour concentrer davantage notre action vers les intermédiaires. Ensuite, et il me semble que nous pouvons nous reconnaître dans cette forte conviction, à la pénalisation à tous crins, je préfère une action moins dure, reposant sur des mesures de prévention permettant de corriger des exploitations commerciales illicites.

Même si je comprends la préoccupation légitime exprimée par notre collègue Mariani, qui va dans le sens de la défense des artistes, nous avons essayé de savoir dans quelle mesure nous pourrions améliorer son amendement, travaillant en concertation avec les représentants des producteurs du logiciel libre et des artistes.

J’espère que nous sommes parvenus à un juste équilibre. Équilibre dans lequel, d’ailleurs, madame Billard, si vous y êtes attentive, vous retrouverez certaines de vos remarques d’hier puisque, si je ne m’abuse, vous aviez insisté sur le fait qu’il valait mieux se situer sur le terrain de l’utilisation plutôt que sur celui de l’édition.

C’est pour cette raison que les pouvoirs que nous proposons d’octroyer au juge reposent sur deux principes. Le premier est la constatation d’une utilisation « manifestement » illégale qui aboutit à un téléchargement illicite ; on se place donc ici du côté de l’utilisation du logiciel et non pas du côté de l’édition. Le second principe repose sur cette garantie de l’utilisation « manifestement » illégale, et je ne doute pas que M. Paul et M. Bloche relanceront le débat, marquant leur préférence pour le terme « exclusivement ».

M. Christian Paul. Nous essayons déjà de comprendre ce que vous proposez !

M. Laurent Wauquiez. Enfin, l’idée est de se situer dans le cadre d’une exploitation commerciale, expression dans laquelle vous reconnaîtrez le texte de la directive européenne.

Cette proposition s’inspire des mesures en vigueur dans les pays étrangers, mais prévoit un nombre de garde-fous important qui nous permettent d’atteindre un juste équilibre entre préservation du logiciel libre d’une part et lutte contre une dérive vers des exploitations commerciales abusives d’autre part.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Voilà qui est bien !

M. le président. Toujours sur l’amendement n°°267 rectifié, je suis saisi d'un sous-amendement n° 327.

La parole est à M. Christian Paul, pour le soutenir.

M. Christian Paul. Pour sous-amender correctement, encore faudrait-il comprendre ce que souhaite M. Mariani, ce qui, du reste, est relativement simple, mais aussi ce que souhaite M. Wauquiez qui, en revanche, est une fois de plus…

Mme Jacqueline Fraysse. Compliqué !

M. Christian Paul. …opaque.

M. Michel Piron. C’est l’équilibre qui semble opaque à ces messieurs !

M. Christian Paul. M. Mariani est constant dans la défense de l’amendement « Vivendi-Mariani », se relayant patiemment depuis hier avec M. le rapporteur. Je n’y reviendrai pas : nous avons longuement indiqué qu’à vouloir frapper les éditeurs de logiciels on se trompait de cible puisque les logiciels de peer to peer sont une technologie neutre pouvant faire l’objet d’usages très différents, pour le meilleur comme pour le pire.

Ce sont donc bien les usages illicites qu’il faut viser ou éventuellement les intermédiaires s’ils poursuivent des buts commerciaux au détriment des artistes, dans un cadre manifestement illégal. Or, ceux dont vous parlez sont bien les éditeurs de logiciels.

Il apparaît par conséquent de façon très claire, une fois de plus, monsieur Mariani, que vous vous trompez radicalement de cible. D’ailleurs, les réactions que nous enregistrons depuis hier de la part de toute la communauté du logiciel libre,…

M. Michel Piron. Écoutez donc cela : « la communauté du logiciel libre » !...

M. Christian Paul. …des innovateurs du logiciel en France qui tous ont écouté vos prises de position avec beaucoup d’attention, nous donnent à penser que vous êtes en train de commettre une colossale erreur de stratégie. C’est ce que semble vouloir signifier la réaction de l’un des meilleurs spécialistes de ces questions, que je lisais encore tout à l’heure, en la personne de M. Philippe Aigrain, que vous connaissez, monsieur Carayon, puisqu’avant d’avoir inspiré nos réflexions, il a inspiré les vôtres.

Nous ne saurions donc un instant accueillir favorablement l’amendement de M. Mariani. Le but de ce sous-amendement n° 327 était, au fond, de lui permettre de retrouver éventuellement un peu de crédit en lui assignant le but de mettre fin à certaines pratiques que nous pouvons d’ailleurs dénoncer d’un commun accord.

Plus étrange est le sous-amendement de M. Wauquiez dont on ne sait réellement qui il vise. En effet, monsieur Wauquiez, si vous semblez à l’oral assez convaincant dans l’exposé des motifs de votre sous-amendement, puisque vous paraissez avoir enfin compris, après sans doute vingt-quatre heures de méditation et de remords…

M. Laurent Wauquiez. Pas d’arrogance, monsieur Paul, ça ne vous ressemble pas !

M. Christian Paul. …qu’un logiciel de peer to peer ne pouvait faire l’objet d’une sanction judiciaire pour les motifs que vous évoquez, vous n’êtes en revanche pas convaincant à l’écrit quand vous sous-amendez l’amendement « Vivendi-Mariani » ou « Mariani-Vivendi », je ne sais plus qui en est le père ou l’auteur ou encore le porteur.

M. Patrick Bloche. Ce n’est pas le saint-esprit en tout cas…

M. Christian Paul. À relire ce que serait l’amendement « Mariani-Vivendi-Wauquiez », au-delà de la nouvelle rédaction que vous proposez du premier alinéa de cet article, reste qu’au deuxième alinéa, c’est bien l’éditeur du logiciel qui est frappé par les mesures que vous souhaitez voir votées par le Parlement.

Vraiment, monsieur Wauquiez, nous ne pouvons pas vous suivre sur ce sous-amendement. Depuis deux jours, nous voyons une méthode cosmétique gagner du terrain : la majorité veut donner l’impression d’entendre le cri de tous ceux qui se révoltent devant les mauvais choix qu’elle fait, mais, quand il s’agit d’écrire précisément la loi, elle se retrouve encore à contresens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 267 rectifié et sur les sous-amendements nos 388 rectifié et 327 ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. L’amendement de M. Mariani tend à prévoir une forme de sanction civile pour les éditeurs de logiciels. La commission avait émis un avis défavorable.

M. Patrick Bloche. Enfin la raison a prévalu !

M. Christian Paul. Mais le rapporteur parle à l’imparfait, ce qui ne laisse rien présager de bon.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Je souhaite toutefois relever que cet amendement s’inscrit dans une certaine logique, que nous avons déjà vue à l’œuvre et qui découle des travaux de la commission Sirinelli pour le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. Cette commission avait très clairement invoqué la responsabilité civile des éditeurs de logiciels, et l’amendement est en cohérence avec cette position.

Cependant, la commission des lois a estimé que la cible visée par l’amendement était trop large. Je considère pour ma part que le sous-amendement de M. Wauquiez rétablit un équilibre, ce qui me conduit à donner, à titre personnel, un avis favorable à l’amendement de M. Mariani s’il est ainsi sous-amendé : la cible se trouve suffisamment restreinte, mais l’on reste dans un certaine logique tendant à exonérer les internautes et à viser les véritables responsables, à savoir les éditeurs de logiciels qui tirent profit du piratage découlant de la vente de leurs logiciels.

M. le président. Je suppose que vous donnez un avis défavorable au sous-amendement n° 327 de M. Bloche, monsieur le rapporteur…

M. Christian Vanneste, rapporteur. En effet, monsieur le président : le sous-amendement de M. Bloche va complètement à l’encontre de l’amendement de M. Mariani.

M. Christian Paul. C’était bien le but !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 267 rectifié et les sous-amendements nos 388 rectifié et 327 ?

M. le ministre de la culture et de la communication. J’émets un avis favorable à l’amendement n° 267 rectifié de M. Mariani (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 388 rectifié. Ce sous-amendement de M. Wauquiez illustre parfaitement l’équilibre que nous devons ménager pour concilier l’indispensable protection des auteurs à l’ère numérique et l’innovation technologique, car il convient de protéger aussi la capacité scientifique et technique de notre pays. Notre objectif est de développer tout à la fois notre potentiel culturel et artistique et notre potentiel scientifique.

Je sais que le droit commun du référé tel que le déterminent les articles 808 et 809 du nouveau code de procédure civile prévoit déjà que le juge peut prendre toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser un dommage. Mais il n’est pas normal que les internautes soient considérés comme les seuls responsables et qu’ils soient instrumentalisés à des fins commerciales par des éditeurs de logiciels, qui les conduisent à commettre des infractions et en tirent profit. Au-delà de l’apparente gratuité des échanges, ces éditeurs alimentent une véritable économie souterraine au détriment des créateurs. Il est donc utile de compléter le dispositif pénal, qui sanctionnera au fond l’intention frauduleuse avec des peines dissuasives, par des dispositions civiles qui sanctionneront l’évidence.

Cet équilibre suppose toutefois les garanties indispensables que vous avez évoquées, monsieur Wauquiez. Il s’agit en premier lieu de l’intervention au cas par cas du juge, qui demeure le garant des droits et libertés. Il s’agit ensuite de réserver le dispositif aux cas où il y a évidence manifeste que le logiciel participe d’une logique commerciale et que les éditeurs tirent profit des actes illicites. Il est absolument essentiel de déterminer de cette façon le périmètre visé. On a pu observer dans d’autre pays des avancées similaires, à ceci près qu’elles sont de nature jurisprudentielle, étant donné les traditions juridiques propres.

Je suis favorable au dispositif proposé. Patrick Bloche ne s’étonnera donc pas que je sois défavorable à son sous-amendement n° 327.

M. le président. Vous êtes nombreux à vouloir vous exprimer sur cet amendement, mes chers collègues. Je vous demanderai donc de limiter autant que possible votre temps de parole.

M. Frédéric Dutoit. Il y a pourtant beaucoup à dire, monsieur le président !

M. Pierre-Christophe Baguet. Certes !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Une précision d’abord : il ne s’agit pas d’un amendement Vivendi, mais d’un amendement Philips. En effet, il s’agit de contraindre à l’adoption, dans les logiciels de peer to peer, d’une nouvelle technologie connue sous le nom de Snocap et développée par Shawn Fanning, l’ancien responsable de Napster, pour la société Philips. Un accord a déjà été conclu, par exemple, avec Universal Music, et l’on essaie aujourd’hui de faire pression pour que tous les logiciels de peer to peer adoptent la technologie Snocap, ce qui en fera un équivalent des DRM.

Le développement des plateformes payantes était censé garantir le droit d’auteur. Or voilà que l’on en remet une couche en n’autorisant le peer to peer qu’avec la technologie Snocap – puis, j’imagine, avec d’autres technologies de même nature qui se développeront. Cela revient à interdire toute autre possibilité de peer to peer, alors que celui-ci ne sert pas qu’à des échanges illégaux : à l’origine, il n’était pas du tout prévu pour cela, et l’on peut constater aujourd’hui son utilisation croissante dans les échanges universitaires, par exemple.

Par ailleurs, l’amendement n° 261, qui réécrit l’article 13, punit déjà d’une peine de six mois d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de « procurer » des moyens de contourner les mesures techniques de protection. Maintenant, on enjoint l’éditeur, qui est en l’espèce distributeur, de prendre des mesures pour empêcher ou limiter l’usage illicite de son logiciel. Or nous parlons toujours d’un outil, qui peut avoir un usage licite ou illicite. Ce n’est pas l’outil qui détermine son usage !

L’amendement n° 267 rectifié prévoit la saisine du tribunal de grande instance, qui « peut ordonner, sous astreinte, toute mesure nécessaire ». Ne risque-t-il pas d’y avoir contradiction, dans certains cas, entre la nouvelle sanction prévue ici et celles qui sont introduites à l’article 13 ?

C’est bien le problème du développement des logiciels de peer to peer qui est posé. Ceux-ci, je le répète, ne sont pas intrinsèquement illégaux, contrairement à ce que l’on voudrait établir avec cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Nous voici à un autre moment crucial du débat. Aux termes de cet amendement, « lorsqu’un logiciel est manifestement utilisé pour le partage illicite d’œuvres ou d’objets protégés par les livres Ier et II, le président du tribunal de grande instance, statuant en référé à la demande de tout titulaire des droits sur ces œuvres ou objets, peut ordonner, sous astreinte, toute mesure nécessaire à la protection desdits droits et conformes à l’état de l’art. Il peut notamment enjoindre l’éditeur du logiciel de prendre toutes mesures pour en empêcher ou limiter l’usage illicite autant qu’il est possible. Ces mesures ne peuvent toutefois avoir pour effet de dénaturer ni les caractéristiques essentielles ni la destination initiale du logiciel. »

Or, dans le cas de logiciels libres, l’éditeur est souvent un groupe multinational d’individus dont chacun contribue à une partie différente du logiciel, de façon non nécessairement coordonnée. Il n’y a pas d’interlocuteur unique identifié. Il est donc parfois impossible de s’adresser à l’éditeur et de tenter de le contraindre à quoi que ce soit.

Toujours dans le cas de logiciels libres, une fois le code source disponible quelque part, il n’est plus possible de revenir en arrière car toute personne en ayant sa propre copie pourra à loisir reconstituer la version d’origine du logiciel. Essayer d’imposer qu’un logiciel libre contienne des mécanismes de limitation quels qu’ils soient est donc vain car, justement, l’utilisateur ayant accès aux sources peut toujours retirer tout élément du logiciel qui ne lui conviendrait pas.

Pour un éditeur de logiciels tel que la société Sun Microsystems, par exemple, le problème se complique encore un peu. En effet, une bonne partie de l’offre logicielle de cette société – et, à terme, la totalité – est en open source. Ces logiciels intègrent des fonctionnalités telles que des serveurs web, courriel, FTP, qui peuvent tous être utilisés très légitimement, mais aussi servir à construire des sites hébergeant et permettant le partage d’œuvres protégées. Le système d’exploitation français Mandriva est lui aussi livré en open source. Même s’il était demandé à son éditeur d’y intégrer des mécanismes empêchant de servir, par exemple, des fichiers MP3, un utilisateur pourrait très facilement récupérer les sources et se construire une nouvelle version n’intégrant plus ces mécanismes.

En fait, pour que l’amendement n° 267 rectifié soit techniquement réaliste, il conviendrait d’interdire à l’ensemble de la planète de créer des logiciels open source permettant le partage de fichiers. Ce n’est pas réaliste car ces logiciels existent déjà, et il serait dangereux pour la France de tenter de pratiquer une telle censure à l’encontre des auteurs des logiciels et protocoles qui sont aujourd’hui utilisés par des sociétés tout à fait légitimes, et qui leur sont souvent indispensables.

On peut aussi s’interroger sur la portée du sous-amendement n° 410 du toujours très inspiré M. Wauquiez, qui vise les logiciels manifestement utilisés à une échelle commerciale. Vivendi Universal, qui est pourtant à l’origine de l’amendement n° 150, deuxième rectification, et donc, par dérivation, du n° 267 rectifié, ne réalise sans doute pas que son plus grand succès commercial en matière de jeux utilise le protocole BitTorrent pour distribuer les mises à jour critiques. Or ce protocole est un protocole peer to peer régulièrement utilisé par les internautes échangeant des œuvres protégées. Vivendi souhaite-t-il mettre en péril un jeu grâce auquel il perçoit 12 euros par mois de chacun de ses plus de 5 millions d’abonnés ? C’est peu probable !

M. Laurent Wauquiez. De quel jeu s’agit-il, monsieur Dutoit ?

M. Frédéric Dutoit. Ce qui est probable, c’est que cette société n’a tout simplement pas conscience du risque.

De même, le serveur web Apache fait fonctionner une très grande partie des serveurs web de l’Internet. Certains l’utilisent pour construire des sites d’échange d’œuvres protégées. Faut-il dès lors céder à la tentation de demander à la fondation Apache d’apporter des modifications à son serveur pour qu’il refuse de servir des fichiers MP3 ou BitTorrent ?

Ce serait impossible puisque Apache est un produit open source, dont l’utilisateur peut à loisir retirer les fonctionnalités indésirables. De plus, cela ne fermerait pas pour autant les sites déjà en place. Il faudrait donc, pour qu’un tel modèle soit efficace, mettre en place un filtrage aux frontières, ce qui est proprement impensable, à moins de vouloir imiter la Chine, le Yémen ou l’Arabie saoudite. Quelle modernité !

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je n’abuserai pas de mon temps de parole.

M. Michel Piron. C’est rassurant ! (Sourires.)

M. le président. Nous verrons ! (Sourires.)

M. Patrick Bloche. Je m’inquiète que vous puissiez douter de ma parole, monsieur le président.

Beaucoup a déjà été dit par mes collègues, que je résumerai ainsi : vous êtes en train de nous resservir l’amendement n° 150, deuxième rectification.

M. Christian Paul. Eh oui ! C’est tous les soirs !

M. Patrick Bloche. La logique est exactement la même : au lieu de condamner les usages illicites, notamment ceux qui ont un but lucratif, on prend la grosse Bertha et on atteint la technologie.

M. Laurent Wauquiez. Vous allez donc voter le sous-amendement n° 388 rectifié !

M. Patrick Bloche. Les développeurs aussi seront condamnés pour des usages de leurs créations qu’ils ne contrôlent pas. Vous ne pouvez pas demander aux éditeurs de logiciels de se porter garants et de maîtriser l’usage qui est fait de leurs créations. La démonstration que vient de développer Frédéric Dutoit est très pertinente. L’amendement, même modifié par le sous-amendement de M. Wauquiez, parle de l’éditeur. Or le logiciel libre, qui est à la base de la plupart des logiciels de peer to peer, étant un logiciel open source, la notion d’éditeur n’a pas de sens sur le plan juridique. Si bien que cet amendement fait de Vivendi l’arroseur arrosé.

Si cet amendement était voté, il aurait pour conséquence de pénaliser les développeurs de logiciels de peer to peer en France, ce qui les contraindrait à s’expatrier.

M. Christian Paul. Et à ne surtout pas revenir !

M. Patrick Bloche. Aux yeux du monde, nous aurons une législation d’exception, et pas d’exception culturelle. Quel développeur de logiciels prendra un tel risque, sachant qu’il se trouvera immanquablement un producteur de films, un distributeur, un éditeur de DVD, une plateforme de VOD pour considérer que son logiciel sera « manifestement utilisé pour le partage illicite d’œuvres ou d’objets protégés » ? S’il n’a aucun effet sur les logiciels existants, en revanche, cet amendement comporte un risque évident pour les futurs logiciels. Encore une fois, vous tuez l’innovation et la recherche dans notre pays. C’est incompréhensible !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Sur cet amendement, le groupe UDF émettra, comme hier sur l’amendement n° 150, deuxième rectification, un vote négatif. En soi, cette proposition n’est pas illégitime. Sur ce point, nous ne partageons pas les arguments de nos collègues socialistes. L’éditeur est bien responsable de ce qu’il écrit, et quand il n’inclut pas une fonction DRM, il sait pertinemment ce qu’il fait.

Mme Martine Billard. Les DRM ne sont pas obligatoires !

M. Jean Dionis du Séjour. Certes, mais l’éditeur sait néanmoins ce qu’il fait. Si nous sommes défavorables à cet amendement, c’est, encore une fois, parce que ses dispositions ne figurent pas dans la directive. Nous serions bien inspirés de revenir à une démarche de transposition. Pour l’UDF, on ne badine pas avec les directives européennes, qui créent une législation la plus homogène possible dans un marché européen. Or j’ai pu constater que la plupart des initiatives nationales que nous prenons sont bien souvent discutables.

Sur le fond, les DRM seront adoptés comme une protection légitime des œuvres par les auteurs et les ayants droit. Seuls les logiciels peer to peer qui intégreront la fonctionnalité de cette gestion des droits pourront gérer les œuvres avec DRM. S’ils veulent entrer sur un marché au potentiel considérable, les éditeurs de logiciels libres n’auront pas d’autre choix que d’intégrer cette fonctionnalité. D’ailleurs, le fondateur de Linux a déclaré que cela ne lui posait aucun problème. S’ils n’intègrent pas la fonction de gestion des DRM, ils seront marginalisés. Le débat est entre leurs mains. J’ai envie de vous dire, monsieur le ministre : laissez-les vivre et trancher !

Mme Martine Billard. N’est-ce pas, monsieur Vanneste ! (Sourires.)

M. Jean Dionis du Séjour. Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous opposerons à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Vous vous employez – je ne sais si c’est délibérément ou par méconnaissance – à étouffer l’innovation avec ces amendements successifs. Dès ces mesures adoptées, les « déclinologues » ne manqueront pas de les citer en exemple des mauvais choix – un de plus ! – faits pour la France.

Sur le plan juridique, comment cela se passera-t-il concrètement ? Les usagers, les exploitants commerciaux de plateformes de logiciels peer to peer peuvent, certes, être incriminés dans certains cas. Mais que les éditeurs le soient au titre de la responsabilité pour autrui me paraît une construction juridique tout à fait baroque.

Du point de vue informatique – et c’est un débat que nous aurions dû avoir bien en amont de notre discussion dans l’hémicycle –, comment identifier le fautif quand un logiciel de peer to peer aux usages multiples est élaboré, selon les principes du logiciel libre, par dix, cent ou mille développeurs ? On peut se dire que ces amendements ne servent à rien et ne seront jamais appliqués, mais vous ne semblez pas l’entendre ainsi.

On a l’impression ce soir que se révèlent les incohérences qui existent au sein de l’UMP. Au début de l’année, M. Sarkozy avait pris des engagements que nous avions écoutés avec beaucoup d’attention. Puisque ses conseillers se pressent ce soir aux portes de notre hémicycle, sans doute inquiets des positions que vous prenez, je voudrais vous rappeler les engagements qu’il avait pris devant la communauté des arts, des lettres, des éditeurs de logiciels, des internautes et quelques sociétés de droit judicieusement choisies : garantir l’interopérabilité, ne pas empêcher le développement de l’industrie de l’internet et des nouvelles technologies, en particulier du logiciel libre, laisser les innovations telles que les webradios se développer. Mes chers collègues, ce soir vous avez, délibérément ou par méconnaissance, piétiné deux des saints principes que le président de l’UMP avait voulu offrir en étrennes à la France au début de l’année 2006 !

Cela laisse augurer une sérieuse reprise en mains de vos troupes dans les jours à venir !

M. Michel Herbillon. Vous n’êtes pas le meilleur exégète de la parole de M. Sarkozy !

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 267 rectifié, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. La fatigue aidant, j’ai peut-être manqué la présentation par M. Wauquiez du sous-amendement n° 410.

M. le président. Non, il l’a retiré.

M. Pierre-Christophe Baguet. L’amendement n° 267 rectifié de M. Mariani n’est pas acceptable en l’état. Mais il le devient avec le sous-amendement n° 388 rectifié, qui prévoit que l’exploitation commerciale peut être civilement interdite par le juge, sans entraver la capacité de réflexion ou d’imagination des développeurs de futurs logiciels susceptibles d’améliorer les échanges directs et privés entre les internautes. Puisque plusieurs marques privées ont été citées dans cet hémicycle, ce qui ne laisse pas de m’étonner, je tiens à dire que cet amendement a fait l’objet d’une longue concertation avec le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Le rapporteur l’a abondamment rappelé !

M. Pierre-Christophe Baguet. Il faut, en effet, le dire à nos collègues qui siègent sur les bancs de gauche de cette assemblée, et qui en appellent au dialogue social et au paritarisme. Dès lors qu’une docte assemblée composée de spécialistes issus des milieux professionnel, associatif, créatif et artistique, a mûrement réfléchi à un tel amendement, on peut lui faire confiance.

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

M. Laurent Wauquiez. La plupart des orateurs de l’opposition ont critiqué l’amendement, mais il me semble qu’avec le sous-amendement que je propose, l’équilibre est tout à fait différent.

M. Christian Paul. Cela ne règle rien !

M. Laurent Wauquiez. Leurs objections consistent à dire qu’il ne faut pas confondre l’outil et l’usage, que les dispositions sont inapplicables et que la France serait la seule à les prendre.

M. Patrick Bloche. Tout à fait !

M. Laurent Wauquiez. S’agissant de la confusion entre l’outil et l’usage, Mme Billard souhaitait que l’on agisse selon le critère de l’utilisation. C’est bien ce que nous faisons !

Mme Martine Billard. Non !

M. Laurent Wauquiez. Contrairement à ce que disait M. Dionis du Séjour, la rédaction du sous-amendement est calquée sur celle de l’article 8.3 de la directive : « les États membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin ».

Enfin, s’agissant de l’inapplicabilité de ce dispositif que la France serait la seule à mettre en place, d’autres pays que la Chine ou le Yémen l’ont transposé dans leurs lois respectives sur la propriété littéraire et artistique : …

M. Patrick Bloche. Ce n’est pas de la transposition !

M. Laurent Wauquiez. …l’Autriche, à l’article 80-1-A, qui ouvre exactement les mêmes pouvoirs au juge ; la Belgique, à l’article 87 ; la Finlande, à l’article 60-C et la Grèce, à l’article 64-A. Visiblement, plusieurs pays recourent au même dispositif !

M. Jean Dionis du Séjour. Quatre sur vingt-trois !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 388 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, le sous-amendement n° 327 tombe.

Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l’amendement n° 267 rectifié, modifié par le sous-amendement n° 388 rectifié.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté.

Je suis saisi d’un amendement n° 260, faisant l’objet de deux sous-amendements nos 277 et 268 rectifié.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 260.

M. le ministre de la culture et de la communication. Le téléchargement et la mise à disposition illicite par échange sur Internet d’œuvres protégées ont pris une ampleur qui porte atteinte aux droits des créateurs et qui, à terme, menace la musique et le cinéma français. Chaque internaute doit prendre conscience de cet enjeu de société.

En complément des dispositions d’information déjà votées à l’article 7 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique et en amont d’éventuelles actions judiciaires, il est indispensable de renforcer les actions d’information et de sensibilisation des internautes sur les dangers du piratage pour la création artistique. La prévention est essentielle et les fournisseurs d’accès à Internet doivent, à l’évidence, jouer en ce domaine un rôle central vis-à-vis des internautes.

Par l’amendement n° 260, le Gouvernement propose qu’ils transmettent à leurs abonnés des messages électroniques de sensibilisation aux dangers du piratage pour la création artistique. Il est fondamental de préserver les libertés des internautes et, particulièrement, le droit à la vie privée.

Je souligne que ces messages de prévention sont généraux et non pas individualisés, contrairement à ce qui était prévu dans le projet au mois de décembre,…

M. Jean Dionis du Séjour. C’est dommage !

M. le ministre de la culture et de la communication. …afin de respecter totalement la vie privée des internautes. Ils ne sont ainsi liés à aucune surveillance d’aucune sorte.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir le sous-amendement n° 277.

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement n° 260 du Gouvernement soulève la question du rôle financier des fournisseurs d'accès à l’Internet au-delà d'ailleurs du financement des mesures de sensibilisation.

À cet égard, le Conseil économique et social, dans son rapport sur les droits d'auteur de 2004,…

M. Christian Paul. Excellent rapport !

Mme Jacqueline Fraysse. …a fort bien posé le problème en ces termes : « Les fournisseurs d'accès à Internet, le plus souvent hébergeurs de sites, sont les opérateurs du nouveau médium, que leurs services soient payants ou non. Ils agissent de façon considérable dans les échanges commerciaux numérisés, et dans la transmission de données, notamment culturelles. La globalisation des échanges économiques numérisés renforce l'aspect d'équipement public des fournisseurs d'accès. Pour autant, les échanges sur Internet concernant les biens culturels créent une complexité sans précédent des circuits de perception et de répartition des droits, rendue d'autant plus inextricable que la technique fournit en même temps les moyens de contrôle et de contournement de tout contrôle. Le risque existe à grande échelle que le droit d'auteur ne s'exerce pas sur les biens culturels échangés à haut débit sur des fichiers hyper comprimés, transmis bientôt par simple courrier électronique.

« Le point réel de contrôle des flux financiers qui doivent revenir à bon droit à la création se situe dans l'exercice même du métier de fournisseur d'accès. Le médium constitué se comporte comme le médium des médias. À ce titre, l'exonérer de toute contrainte légale sur les contenus transmis reviendrait à abandonner la rémunération du créateur.

« En conséquence, le Conseil économique et social propose que, sur le nouveau médium Internet, les fournisseurs d'accès soient mis à contribution pour financer la création littéraire et artistique. »

Ces réflexions sont très intéressantes. Elles soulignent la nécessité de responsabiliser les opérateurs, qui doivent être considérés comme garants du système, avec les conséquences financières que cela implique : ils doivent, notamment, assumer financièrement l’intégralité des actions d’information en direction des internautes.

C’est pourquoi nous proposons un sous-amendement à l’amendement n° 260 pour ajouter, après le mot : « adressent », les mots : «, à leurs frais, ».

M. Frédéric Dutoit. Très bien !

M. le ministre de la culture et de la communication. Nous sommes d’accord !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 260 et le sous-amendement n° 277, et défendre le sous-amendement n° 268 rectifié.

M. Christian Vanneste, rapporteur. La commission a émis un avis favorable à l’amendement du Gouvernement. Il correspond à l’esprit de ce projet de loi : faire preuve de pédagogie envers les internautes. Et les informations données aux internautes avant qu’il ne soit question de sanctions font, à l’évidence, partie de cette pédagogie.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. En effet !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Quant au sous-amendement n° 277, il tend, de façon très juste, à ce que les messages de sensibilisation transmis aux internautes soient pris en charge financièrement par les fournisseurs d’accès à Internet. C’est conforme à notre intention initiale mais, comme l’on dit, cela va encore mieux en le disant. C’est la raison pour laquelle la commission a également émis un avis favorable.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Très bien !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Enfin, j’ai moi-même proposé un sous-amendement qui tend à remplacer le mot : « piratage », terme inutilement stigmatisant,…

M. Christian Paul. Comme c’est émouvant !

M. Christian Vanneste, rapporteur. …par les mots : « téléchargement et mise à disposition illicites »,…

M. Michel Piron. C’est moins romantique !

M. Christian Vanneste, rapporteur. …ce qui est infiniment plus juste sur le plan juridique et convient beaucoup mieux à la rédaction d’une loi.

Mme Martine Billard. C’est vraiment parce que vous n’aviez pas le choix !

M. Christian Paul. C’est le coup de minuit !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements en discussion ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est favorable aux sous-amendements nos 277 et 268 rectifié.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 277.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité. (« Enfin, le consensus ! » sur plusieurs bancs.)

Je mets aux voix le sous-amendement n° 268 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 260, modifié par les sous-amendements adoptés.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Suspension et reprise de la séance 

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le vendredi 17 mars 2006 à zéro heure cinq, est reprise à zéro heure vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 15

M. le président. Sur l’article 15, je suis saisi d'un amendement n° 49.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Il s’agit d’un amendement d’harmonisation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15, modifié par l'amendement n° 49.

(L'article 15, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Nous passons aux amendements portant articles additionnels après l’article 15.

Après l’article 15

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n50.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.

M. Christian Vanneste, rapporteur. L’amendement n° 50 concerne la perception de droits d’auteur et de droits voisins sur la rediffusion de programmes audiovisuels à partir d’antenne collective dans les immeubles d’habitation collective.

La Cour de cassation, dans l’arrêt Parly II du 1er mars 2005, a assimilé les syndicats de copropriétaires à des entreprises de spectacles lorsqu’elles réacheminent des signaux de télévision reçus initialement par une antenne collective. Il va de soi que contraindre les syndicats de copropriétaires à payer une redevance de droit d’auteur pour cela n’est guère admissible, même si cela correspond à l’état de la loi. Ce serait d’autant moins admissible pour l’acheminement de chaînes gratuites diffusées et reçues à l’origine en hertzien, qu’il soit analogique classique ou numérique aujourd’hui avec la TNT.

On pourrait sans doute imaginer que, par la voie contractuelle, les sociétés de gestion de droits signent avec les syndicats de copropriétaires des contrats les autorisant à procéder à ce réacheminement sans rémunération. Dans ce cas, on ne voit pas bien l’intérêt d’obliger à de telles procédures, qui ne feront qu’alourdir inutilement la vie des copropriétés, sans aucune justification.

Par ailleurs, cette voie contractuelle pourrait toujours être remise en cause. Un professeur de droit, spécialiste de droit de la propriété intellectuelle, écrivait après l’arrêt de 2005 : « En résumé, la solution retenue par la Cour de cassation ne heurte pas le droit positif. Mais sa mise en œuvre peut perturber la compréhension du droit d’auteur dans le corps social. N’oublions pas qu’il est important d’asseoir, tant juridiquement que sociologiquement, le droit d’auteur. » On ne saurait être plus clair. On voit à travers cette citation combien la préoccupation exprimée dans cet amendement rejoint la préoccupation générale du texte, qui est effectivement de conforter les droits d’auteur et leur logique même.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 100.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Cet amendement pourrait faire l’objet d’une attention particulière et d’un signe – nous n’en avons eu aucun depuis le 20 décembre – du rapporteur, comme du Gouvernement, puisque aucun amendement ou sous-amendement du groupe socialiste n’a bénéficié d’un avis favorable.

En instaurant en 1985 la rémunération pour copie privée, le législateur avait entendu soutenir les secteurs de la création les plus directement concernés en créant un flux régulier de revenus en leur faveur. À cet effet, il a notamment souhaité qu'un quart de cette ressource – que l’on appelle communément, pour ceux qui suivent ces questions, les 25 % – soit consacré à des actions d'intérêt général visant, aux termes de l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle, des actions d'aides à la création, de diffusion du spectacle vivant et de formation.

Vingt ans après, ces secteurs connaissent d'importantes évolutions techniques et un élargissement à d'autres modes d'exploitation : distribution en ligne, téléphonie mobile ou encore webradios.

Il convient donc que les actions d'intérêt général, financées par le quart de cette ressource, contribuent à leur meilleure adaptation au nouvel univers numérique : en premier lieu, pour soutenir la numérisation des catalogues, le développement d'offres numériques diversifiées, en particulier de la part des auteurs, artistes et producteurs indépendants ; en second lieu, pour favoriser la compréhension et le respect des droits de propriété littéraire et artistique comme des usages licites reconnus aux consommateurs.

De telles actions devraient également bénéficier aux secteurs de l'écrit et de l'image fixe que le législateur a inclus en 2000 parmi les bénéficiaires de la rémunération pour copie privée, sans que la définition des actions d'intérêt général prévue par l'article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle leur soit alors étendue. Nous avons fixé cette limite à 2 %.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. L’article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle prévoit aujourd’hui que 25 % du produit global de la rémunération pour copie privée financent des actions collectives en faveur de la création menée par les sociétés de perception et de répartition des droits, comme la SACEM ou la SACD.

Cet amendement a deux objets. Il propose d’abord que 2 % de ces 25 % soient affectés à des actions collectives de pédagogie pour sensibiliser le public à l’importance de la rémunération des auteurs. Cela semble être assez intéressant, mais mériterait d’être analysé de manière plus précise. En effet, ce ne sont pas des actions collectives portant sur l’ensemble du domaine de la lutte contre la contrefaçon qu’il s’agirait de financer par ce prélèvement, mais uniquement celles concernant la contrefaçon d’œuvres artistiques, et non la contrefaçon industrielle ou la contrefaçon de marques, qui n’ont pas à être financées par un prélèvement sur les CD et DVD vierges. L’assiette est donc beaucoup trop large. De plus, les internautes ne sont plus passibles du délit de contrefaçon, mais d’une simple contravention.

L’amendement propose aussi, c’est le second point, d’étendre le champ des actions collectives en faveur de la création, de la diffusion du spectacle vivant et de la formation des artistes – secteurs à l’économie fragile – à un domaine nouveau assez vague, celui des actions en faveur de la diversité et de l’innovation en matière d’offre culturelle sous forme numérique. Cette proposition peut se comprendre compte tenu de l’extension de la copie privée réalisée en 2000 aux supports numériques et au développement de l’offre culturelle sous forme numérique, mais ce second point mériterait lui aussi une analyse plus complète, car, en l’état, il paraît beaucoup trop imprécis.

Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Avis défavorable également. Il importe d’éviter tout éparpillement des actions susceptibles de bénéficier des aides visées à l’article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle. Le bénéfice de celles-ci, réservées jusqu’à présent aux activités de création, de diffusion et de formation, ne saurait être étendu à des actions d’accompagnement qu’il appartient aux sociétés concernées de mener et de financer. Les actions d’éducation et de sensibilisation des publics sont tout à fait nécessaires. L’amendement que vous avez voté imposant aux fournisseurs d’accès à Internet de diffuser un certain nombre d’informations sur le droit d’auteur et la propriété intellectuelle va dans ce sens.

M. Christian Paul. On ne l’a pas voté !

M. le ministre de la culture et de la communication. De la même manière, les campagnes nationales d’information menées et financées par l’État, notamment au sein de l’univers scolaire – je pense au guide de la « Net attitude » ou au tour de France des collèges –, sont des vecteurs appropriés pour diffuser un certain nombre de principes et de valeurs.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je n’en reviens pas que M. le rapporteur puisse dire de cet amendement qu’il est imprécis. Car en matière d’imprécision, il est orfèvre vu le nombre d’amendements et de sous-amendements imprécis qui ont été votés depuis le 20 décembre dans cet hémicycle.

Je regrette vraiment votre réponse, monsieur le rapporteur, comme je regrette celle du ministre. Nous voulions participer de cette action collective en faveur des ayants droit. Refuser d’adopter cet amendement est une nouvelle illustration du fait que les grands perdants de ce projet de loi, une fois qu’il sera voté, vont être les auteurs et les artistes !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 100.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 199.

Avant de donner la parole à M. Jean Dionis du Séjour, pour le soutenir, j’informe l’Assemblée que sur le vote de l’amendement n° 199, je suis saisi par le groupe Union pour la démocratie française d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Dionis du Séjour, pour soutenir l’amendement n° 199.

M. Jean Dionis du Séjour. La rémunération pour copie privée instituée par la loi de 1985 prévoit que 25 % de cette rémunération est destinée à des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes. Ce pourcentage pourrait peut-être revu dans le cadre de ce projet de loi. Pourquoi ne pas passer de 25 à 30 % ? Cela représenterait 8 millions d’euros supplémentaires, somme non négligeable étant donné la stagnation, voire le recul du budget du ministère de la culture.

M. Christian Paul. La régression !

M. Dominique Richard. Non ! Regardez les chiffres, chers collègues : plus dix millions pour le spectacle vivant !

M. Jean Dionis du Séjour. Je peux me tromper, mais M. le ministre me corrigera.

Un tel prélèvement serait-il vraiment exorbitant pour les auteurs et les ayants droit ? Je me suis penché sur l’évolution de la copie privée, débat qui nous a longuement occupés. Je vous rappelle les chiffres : en 2000, la rémunération pour copie privée a rapporté 82,17 millions d’euros ; 95,31 millions d’euros, en 2001 ; 125,48 millions d’euros, en 2002 ; 145,97 millions d’euros en 2003 et 164,84 millions d’euros, en 2004. Soit un doublement en quatre ans.

C’est pourquoi nous proposons d’augmenter ce fonds d’aide à hauteur de 30 %, ce qui aurait des conséquences extrêmement positives pour les auteurs.

Cela serait d’autant plus justifié que la rémunération pour copie privée instituée par la loi de 1985 prévoit que 25 % de cette rémunération est destinée à l’aide à la création. Mais ce pourcentage n’est affecté qu’après déduction des frais de gestion des sociétés de perception et de répartition des droits qui s’élèvent en moyenne à 5 %. Par conséquent, les 25 % ne sont perçus que sur les 95 % restant et non sur la totalité de la rémunération pour copie privée.

Nous avons là une belle occasion de légiférer et de donner un signe positif en faveur de l’aide à la création et de la diffusion du spectacle vivant, véritable enjeu pour nos territoires. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé un scrutin public sur le vote de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Cet amendement vise à relever le taux de la fraction du produit de la rémunération pour copie privée qui bénéficie aux actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes en le portant de 25 à 30 %.

Le taux de 25 % paraît suffisant pour financer les actions culturelles. En effet, cela représente tout de même plus de 40 millions d’euros par an du fait du développement de la copie privée numérique.

Par ailleurs, il s’agit d’un prélèvement sur des sommes collectées pour compenser des pertes de droits qui pourraient tout aussi bien être répartis directement entre les auteurs, les artistes et les producteurs.

En outre, le taux des frais de gestion censé justifié cet amendement, selon son exposé sommaire, n’est pas si élevé, puisqu’il n’atteint que 5 %. De plus, on comprend mal la logique des auteurs de l’amendement consistant à relever de 25 à 30 % un prélèvement sur un produit dont ils demandaient dans un amendement précédent la disparition. Soit la rémunération pour copie privée est utile, notamment parce qu’elle finance aussi des actions de soutien général à la création, et il faut les maintenir,…

M. Christian Paul. Pour les DRAC !

M. Christian Vanneste, rapporteur. …soit elle est inutile et il n’y a pas vraiment de raison de relever la fraction qui va aux actions de soutien à la création.

L’avis de la commission a donc été défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. L’augmentation du taux de prélèvement pour les aides à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes est en apparence séduisante. Mais cette augmentation priverait les titulaires de droits du juste retour des rémunérations auxquelles ils ont droit, qui leur permettent de poursuivre leur activité créatrice. Je pense que le même objectif peut être atteint par une diminution des frais de gestion des sociétés de gestion de droits.

Pour répondre à un certain nombre d’interpellations récurrentes sur les crédits de l’État affectés au spectacle vivant, j’indique que, certes, l’on pourrait faire mieux, mais il est faux de dire qu’ils sont en diminution.

M. Christian Paul. Non !

M. le ministre de la culture et de la communication. De la même manière, il est faux de dire que nous avons mis des crédits en réserve. Ce spectre a été levé et, grâce à un arbitrage du Premier ministre, j’ai été en mesure, s’agissant du spectacle vivant, de déléguer à toutes les directions régionales des affaires culturelles les sommes qui ont été inscrites au budget de 2006 et que j’ai ensuite individualisées. Il n’y a donc pas eu de mise en réserve des crédits déconcentrés affectés au spectacle vivant.

M. Christian Paul. On dit seulement qu’ils ont diminué !

M. le ministre de la culture et de la communication. C’est encore plus faux !

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Contre l’amendement, monsieur le président.

Je m’attendais presque à ce que le Gouvernement donne un avis favorable à cet amendement, afin de compenser la baisse des crédits de l’État…

M. Christian Paul. Cache-misère !

M. Patrick Bloche. ….destinés au spectacle vivant et l’assèchement financier des DRAC depuis quatre ans. Les tables rondes État-collectivités territoriales se passent maintenant le plus souvent entre collectivités territoriales, et la DRAC est aux abonnés absents faute de crédits déconcentrés pour soutenir des actions en direction du spectacle vivant.

Je m’attendais donc presque à ce que le Gouvernement émette un avis favorable, parce que c’est une manne supplémentaire qui compense son désengagement et le fait que, de plus en plus, l’État se repose sur les collectivités territoriales.

Pour notre part, nous comprenons le sens de l’amendement de notre collègue Dionis du Séjour, mais nous ne ferons pas ce cadeau au Gouvernement. Nous sommes cohérents et nous ne poursuivons qu’un seul but, celui d’assurer la légitime rémunération des auteurs et des artistes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Conformément à cette logique, nous ne voulons pas déshabiller Pierre pour habiller Paul. C’est pourquoi nous voulons maintenir le taux de rémunération des auteurs et des artistes.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. La copie privée a tout de même rapporté deux fois plus en quatre ans. On ne peut donc pas dire que les auteurs s’en sont mal portés. Et la commission « copie privée » a même élargi la base en incluant les baladeurs par exemple. La ressource a été prélevée sur les consommateurs et les industriels.

Vingt et un an après, il n’est pas scandaleux de reposer le problème et de se demander si le pourcentage de 25 % ne pourrait pas être modifié : je ne vois pas pourquoi il serait intangible.

M. le ministre a raison de dire que des d’économie sont possibles sur les frais de gestion des sociétés de perception et de répartition. À 15,7 % de frais de gestion, la SACEM est à un niveau élevé, elle le reconnaît elle-même et elle va devoir faire des efforts au niveau européen.

Que les socialistes veulent des crédits publics, des crédits d’État, c’est après tout cohérent de leur part, même si on aurait pu espérer un comportement plus moderne, mais il est indéniable que leur position est cohérente sur le plan idéologique.

M. Michel Piron. Et avec quelle persévérance !

M. Jean Dionis du Séjour. Mais je me tourne vers mes collègues de la majorité : pourquoi refuser ce changement ? Nous avons une ressource en pleine expansion, les auteurs sont servis. Pourquoi l’aide à la création n’en profiterait-elle pas ? J’en appelle à la liberté de mes collègues de la majorité.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Cela tourne au comique de répétition entre nous, monsieur le ministre ! Depuis maintenant deux semaines, vous vous obstinez à tenter de nous faire croire que votre budget en faveur du spectacle vivant est en augmentation. Je ne sais pas sur quelles années vous vous fondez. La question qui est posée est de savoir si en 2006 celui-ci augmente. Les artistes et les organisateurs de festivals ne se posent pas la question de savoir s’il y a trois ans avec M. Aillaguon ou il y a dix ans avec l’un de vos prédécesseurs, les crédits ont augmenté.

Vous en étiez même réduit il y a quelques instants à nous avouer – même si ce sont de bonnes nouvelles – que la régulation est moins forte que prévue ou qu’elle a été partiellement levée. Cela dit, j’ai le souvenir que le rapport de notre collègue Dassault indiquait de façon très précise que les crédits destinés aux manifestations de spectacle vivant de l’été prochain avaient baissé de 8,5 %. Est-ce vrai ou faux ? Qui de M. Donnedieu de Vabres ou de M. Dassault a raison ? Vous nous devez à tout le moins une réponse, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour clore cette discussion.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur Dionis du Séjour, je peux partager votre volonté d’établir une rémunération juste et équilibrée en faveur de la création et la diffusion du spectacle vivant, rémunération qui a été instituée dans la loi de 1985. Cela procède d’une conception du financement de la culture qui me paraît très intelligente, et nous pourrions y réfléchir à nouveau au regard des évolutions de la société de l’information à l’ère numérique, même si le Gouvernement n’a pas voulu explorer cette piste.

Cela dit, je suis surpris que cette proposition vienne de vous. En effet, si je vous ai bien compris, vous êtes farouchement opposé à ce que les fournisseurs d’accès ou le commerce électronique soient mis à contribution. Vous préférez faire porter l’effort sur les utilisateurs plutôt que sur ceux qui tirent le plus de profit de la diffusion des supports aujourd’hui, des téléchargements demain, une fois le projet de loi adopté. Pour notre part, nous sommes très farouchement favorables à ce que la rémunération issue de la redevance pour copie privée soit affectée au spectacle vivant, mais nous voterons contre votre amendement, qui est un cavalier.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 199.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 198.

La parole est à M. Christian Paul, pour le soutenir.

M. Christian Paul. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 198.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 200.

La parole est à M. Christian Paul, pour le soutenir.

M. Christian Paul. Une partie des sommes perçues au titre de la redevance pour copie privée est affectée à des fonds de soutien aux auteurs et aux artistes-interprètes. Cependant l’accès à ces fonds est souvent conditionné à l’adhésion à une société de gestion collective.

Notez bien que notre objectif n’est pas de remettre en cause l’existence ou le fonctionnement de ces sociétés. Nous avons d’ailleurs à de nombreuses reprises, tout au long de ce débat, voulu vous convaincre que la gestion collective des droits constituait une solution, parmi d’autres, promise à un grand avenir à l’ère numérique. Si l’Internet doit financer la culture, nous estimons que c’est en partie par le biais de modes de gestion de ce type, appelés à évoluer.

Mais pour corriger la discrimination qui existe actuellement, notre amendement s’inspire de nouvelles méthodes juridiques de diffusion des œuvres, telles que les licences Creative Commons, en rendant les fonds de soutien accessibles aux non-adhérents des sociétés de gestion.

Vous avez là l’occasion de faire un geste d’ouverture et de montrer que vous êtes à l’écoute de la modernité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. L’article L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle prévoit que la rémunération est perçue par les sociétés de gestion collective pour le compte des ayants droit, sans faire de distinction entre les titulaires de droit. Votre amendement, introduit donc une précision inutile. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 200.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Avant l’article 16

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 51, portant article additionnel avant l’article 16.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.

(L'amendement est adopté.)

Article 16

M. le président. Sur l’article 16, je suis saisi d’un amendement n° 304.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Christian Vanneste. Il s’agit d’un amendement à la fois de cohérence et d’équité. Il vise à prendre en compte parmi les personnes publiques soumises à la future loi, la Banque de France et les autorités administratives indépendantes dotées de la personnalité morale, telles que l’Autorité des marchés financiers, la Haute autorité de santé ou encore la future Agence française de lutte contre le dopage.

En l’état actuel, le projet de loi ne vise que les agents de l’État, des collectivités territoriales ou des établissements publics administratifs. Or les agents de la Banque de France ne peuvent entrer dans aucune de ces catégories.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 304.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 152 rectifié.

La parole est à M. Dominique Richard, pour le soutenir.

M. Dominique Richard. Le principe selon lequel les universitaires demeurent titulaires de leurs droits d’auteur sur leurs propres productions est admis depuis le XVIIIe siècle. Cet amendement vise à permettre que les nouvelles dispositions introduites par les articles 17 et 18 ne soient pas applicables à ces agents, auteurs d’œuvres dont la divulgation n’est pas soumise au contrôle préalable de leur hiérarchie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Cet amendement pose un problème important de principe. En effet, les articles 17 et 18 ont pour objet de définir le droit d'auteur des agents publics, qu'il s'agisse du droit moral ou du droit patrimonial.

Inversant la logique en vigueur depuis un avis du Conseil d'État de 1972, l'avis Ofrateme, qui dénie en grande partie tout droit d'auteur au fonctionnaire, ces articles posent le principe que les agents publics disposent d'un droit d'auteur analogue à celui de tous les créateurs, mais avec des aménagements substantiels destinés à ne pas empêcher le fonctionnement normal de l'administration.

Ainsi, le droit moral ne permet pas à l'agent public de s'opposer à une modification de l'œuvre décidée dans l'intérêt du service par l'autorité hiérarchique, sauf si la modification porte atteinte à son honneur ou à sa réputation.

De son côté, l'article 18 prévoit que, en cas d'exploitation commerciale de l'œuvre, la personne publique employeur dispose d'un droit de préférence et que, en l'absence d'exploitation commerciale, les droits sont cédés automatiquement dès leur naissance à l'employeur public.

Ces dispositions du projet sont nécessaires et légitimes, sous réserve de quelques améliorations rédactionnelles que proposent les amendements de la commission nos 52, 53, 55 et 56. Elles sont cependant en contradiction avec le statut et les exigences liées à la fonction exercée par les professeurs de l'enseignement supérieur. La commission avait estimé, ainsi qu'il est dit dans le rapport au dernier alinéa de la page 128, que les dispositions du statut des enseignants du supérieur et des chercheurs leur permettraient de déroger à la règle générale proposée par les articles 17 et 18.

Le rapport indique ainsi que le principe retenu « ne vaut cependant pas, à l'évidence, pour le cas des créations par des agents publics exerçant une fonction se caractérisant par une grande autonomie intellectuelle, voire une indépendance de jugement, même si celle-ci s'inscrit dans une hiérarchie administrative. Peuvent ainsi être cités les cas des professeurs d’université, des conservateurs de musées, des commissaires du Gouvernement auprès des juridictions administratives. Pour ces différents corps de fonctionnaires, les dispositions prévues par le présent article ne devraient trouver à s 'appliquer réellement que pour autant que les dispositions de leur statut ne garantissent pas leur indépendance.».

Il est préférable de l’indiquer ici explicitement afin d’éviter toute ambiguïté. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable à l’amendement n° 152 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 152 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article, modifié par les amendements adoptés.

(L'article, ainsi modifié, est adopté.)

Article 17

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 52. Il s’agit d’un amendement rédactionnel de la commission, auquel le Gouvernement est, je suppose, favorable.

M. le ministre de la culture et de la communication. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 53, amendement rédactionnel de la commission, auquel le Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 17, ainsi modifié, est adopté.)

Article 18

M. le président. Sur l’article 18, je suis saisi d’un amendement n° 54.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Cet amendement concerne les activités de recherche faisant l’objet de contrats de partenariat avec des entreprises ou des organismes privés. Si l’on veut encourager ce type de contrat, il faut éviter que les partenaires privés soient dans l’incertitude quant aux titulaires des droits sur les résultats des recherches qu'ils cofinancent, ou alors qu’ils soient contraints de signer avec chaque chercheur, individuellement, parce que le laboratoire ne serait pas titulaire de droits.

Or l'article 18 du projet prévoit que, dans le cas de l'exploitation commerciale d'une œuvre de l'esprit créée par un agent dans l'exercice de ses fonctions ou d'après les instructions reçues, la personne publique employeur ne dispose que d'un droit de préférence et ne bénéficie pas d'un transfert de droit à la naissance de l'oeuvre.

Cet amendement propose de déroger au principe posé par l'article 18, en n'appliquant pas les dispositions nouvelles ne conférant qu'un droit de préférence à l'organisme public employeur de son agent auteur, s’il s’agit d’un d'EPST ou d’un EPSCT, dans le cas d’activités de recherche menées en partenariat avec le secteur privé.

Ainsi, les partenariats de recherche public-privé pourront être négociés de manière rationnelle. Cet amendement s’accompagne d’un amendement de coordination, n° 56.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 305.

Il s’agit d’un amendement de coordination.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 305.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 55.

Il s’agit d’un amendement rédactionnel, auquel le Gouvernement est, je suppose, favorable.

M. le ministre de la culture et de la communication. En effet, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 56. Il s’agit d’un amendement de coordination, qui a déjà été présenté par M. le rapporteur et auquel le Gouvernement est favorable.

M. le ministre de la culture et de la communication. Oui, monsieur le président !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article, modifié par les amendements adoptés.

(L'article, ainsi modifié, est adopté.)

Article 19

M. le président. Sur l’article 19, je suis saisi d’un amendement n° 57.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 19, modifié par l'amendement n° 57.

(L'article 19, ainsi modifié, est adopté.)

Article 20

M. le président. Sur l’article 20, je suis saisi d’un amendement n° 58.

La parole est à M. le rapporteur pour le soutenir.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 20, modifié par l'amendement n° 58.

(L'article 20, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 20

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 20.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour défendre l’amendement n° 213.

M. Jean Dionis du Séjour. Cet amendement vise à renforcer la transparence de la gestion des sociétés de perception et de répartition des droits, en particulier la ventilation de l'affectation des sommes collectées par ces sociétés, sachant que leurs frais de gestion atteignent un niveau plus élevé que ceux de leurs homologues en Europe.

Notre amendement institue un contrôle de gestion par la Cour des comptes, laquelle a plus particulièrement vocation à prendre le relais de la commission permanente de contrôle. Il s'agit, en conséquence, dans un souci de transparence maximale, due notamment aux ayants droit adhérents des sociétés de répartition des droits, d'organiser un contrôle à deux niveaux. L'organisation d'un tel contrôle paraît être le complément nécessaire à l'information due aux associés et au ministère de la culture.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. S’il est vrai que la gestion des comptes des sociétés de perception et de répartition des droits fait l’objet de critiques récurrentes, justifiées ou non, cette proposition ne peut être retenue. En effet, elle est en complète contradiction avec le fait que ces sociétés privées gèrent de l’argent privé, et non de l’argent public.

C’est précisément pour cette raison que la commission de contrôle de sociétés de droit d’auteur, créée par la loi du 1er août 2000, a été placée par principe hors du champ de la Cour des comptes. En pratique, elle est en très proche puisque son président est statutairement un conseiller maître de la Cour. De même, elle siège dans les locaux de la Cour, qui assure également son secrétariat et fournit une part importante des rapporteurs.

Par ailleurs, la commission de contrôle a déjà pour mission de contrôler les comptes et la gestion des sociétés de droit d’auteur, ainsi que le précise le II de l’article L. 321-13 du code de la propriété intellectuelle.

Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Avis défavorable pour les mêmes raisons que le rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 213.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 203.

La parole est à M. Christian Paul, pour le soutenir.

M. Christian Paul. Monsieur le président, en raison de l’importance de cet amendement, qui nous impose, à Patrick Bloche et à moi-même, de rassembler quelques informations, je vous demande une suspension de séance de cinq minutes.

M. le président. Je veux bien vous accorder une suspension de séance de quelques minutes, mais je vous demanderais de vous organiser à l’avenir afin que nous n’ayons pas à interrompre nos débats pour vous permettre de rassembler vos documents.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à une heure, est reprise à une heure cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n° 203.

M. Patrick Bloche. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 203.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 206 rectifié.

La parole est à M. Christian Paul, pour le soutenir.

M. Christian Paul. L’amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 206 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 207.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Bien que les accords fixant le niveau et les modalités de répartition de la redevance soient conclus entre les ayants droit et les représentants des consommateurs, ces deux types d'acteurs ne sont pas aujourd'hui systématiquement mis en relation lors d'un accès à un service de communication en ligne. Voilà ce qui justifie l’amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 207.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 208 rectifié.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Cet amendement vise à introduire un nouveau titre dans le livre III du code de la propriété intellectuelle. Ce titre a vocation à accueillir les articles visant à encadrer les actes de mise à disposition du public d’œuvres protégés via Internet.

Nous proposons donc que le titre V soit intitulé : « Mise à la disposition du public, à la demande, d’un phonogramme, d’une œuvre graphique, photographique, d’illustration ou de dessin ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 208.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 367 rectifié.

La parole est à M. Dominique Richard, pour le soutenir.

M. Dominique Richard. Comme chacun sait, le secteur du disque subit depuis ces dernières années de graves difficultés qui menacent la diversité des œuvres et des répertoires et celle des acteurs économiques, du producteur au détaillant.

Cet amendement vise à créer un mécanisme de crédit d'impôt spécifique à la production phonographique. Le Gouvernement a déjà formulé un accord de principe à la mise en œuvre d'un tel mécanisme, et des discussions avec Bruxelles sont en cours.

Il serait utile, monsieur le ministre, que le Parlement dispose d'informations précises sur l’état de ces discussions, comme vous l’a déjà demandé M. Martin-Lalande lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2005.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement, mais j’y suis tout à fait favorable à titre personnel. En effet, ce projet d’aide est une excellente idée, en germe depuis plus de six mois, puisque les représentants des producteurs indépendants me l’ont soumis en juin dernier. Il conviendrait maintenant de lui donner vie, dès que la Commission européenne, à qui il a été notifié, l’aura accepté.

Il s’agit en effet, au moment même où le secteur de l’industrie musicale subit une forte diminution de son chiffre d’affaires, de soutenir la production musicale française, au bénéfice de la diversité culturelle. Il faut souligner que ce dispositif sera concentré sur les plus petites structures, puisque son montant sera plafonné à 500 000 euros par entreprise et par an.

Ce serait donc un élément complémentaire du projet de loi, particulièrement opportun pour améliorer la rentabilité de ce secteur, qui a vu de nombreuses structures disparaître ces deux dernières années.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Je vous remercie, monsieur le député, d’avoir rappelé ici les mécanismes de financement que j’ai proposés au début de l’année à la Commission européenne.

le crédit d’impôt proposé doit permettre de soutenir les PME et les très petites entreprises du secteur de l’industrie musicale, ce qui est tout à fait essentiel.

Nos espoirs d’obtenir l’accord de la Commission européenne, aussi bien en ce qui concerne les aides au cinéma ou à la production audiovisuelle qu’en ce qui concerne l’industrie musicale, sont légitimement fondés sur la victoire que nous avons remportée à l’UNESCO en matière de reconnaissance de la diversité culturelle.

M. Christian Paul. Si cela doit se passer comme pour la TVA sur la restauration, on préfère attendre de voir avant d’y croire !

M. le ministre de la culture et de la communication. La question de savoir quelle catégorie d’entreprises doit être soutenue fait parfois l’objet de polémiques. Comme vous l’avez très justement rappelé, les plafonds prévus permettront le financement d’une centaine d’entreprises indépendantes, auxquelles nous sommes très attachés, les uns et les autres, qu’il s’agisse du logiciel, du potentiel scientifique ou, en l’occurrence, du potentiel musical de notre pays.

Je vous rappelle que le Gouvernement prépare deux autres mesures qui s’inscrivent dans la même perspective. Le fonds d’avances remboursables aux industries musicales, nouveau dispositif géré par l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles, l’IFCIC, et entré en vigueur en janvier 2006, bénéficie d’une dotation de 1,8 million d’euros. Les prêts accordés seront au maximum de 150 000 euros, à un taux d’intérêt de 4 %. Le dispositif de soutien aux commerces de biens culturels, instauré au sein du FISAC en 2003, vise à favoriser l’offre de proximité et la distribution physique, essentielles à nos yeux : ce dispositif a vocation à soutenir des boutiques ou des lieux de diffusion culturelle qui souhaitent développer une offre de produits culturels – une enveloppe d’un million par an y sera consacrée jusqu’en juin 2006.

Ces mesures ne sont pas négligeables. En effet, si l’Internet permet la diffusion la plus large des œuvres musicales, l’offre de proximité et le soutien aux entreprises indépendantes restent très importants.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 367 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 59.

La parole est à M. le rapporteur pour le soutenir.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Vous avez pu constater, monsieur le président, que je n’ai pas cherché à ralentir nos débats. Mais je voudrais, avant que nous abordions, avec l’article 21, la question du dépôt légal, attirer votre attention, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, sur les menaces que certaines initiatives de la Commission européenne font peser sur les sociétés de gestion collective de droits. Les dispositions que nous venons d’évoquer sont en effet applicables aux sociétés de perception et de répartition des droits, les SPRD.

Je pense que la préoccupation que je vais exprimer ici est propre à nous rassembler, au-delà des clivages qui nous opposent. Ces initiatives, prises au nom de la concurrence, ont en définitive des conséquences gravement néfastes aux auteurs et aux artistes.

Je voudrais, monsieur le ministre, évoquer tout particulièrement deux attaques récentes en provenance de deux directions différentes de la Commission européenne. L’une provient de la direction générale « marché intérieur », non pas sous la forme d’une directive, qui aurait été l’objet d’un débat au Conseil des ministres européens ou au Parlement européen, mais par le biais d’une recommandation. Celle-ci vise à instaurer une concurrence entre les sociétés de gestion collective des droits. Son intérêt est évident, non pour les auteurs et les artistes, mais pour ceux qui gèrent les portefeuilles de droits, c’est-à-dire principalement les grands éditeurs comme Universal, Sony ou EMI.

Très concrètement, si l’on peut déjà s’inscrire dans n’importe quelle société de gestion collective européenne, par exemple en Allemagne, c’est à une société de gestion collective française qu’il revient de gérer les droits sur notre territoire. Or, tel ne sera plus le cas demain, pour le plus grand préjudice de la SACEM et d’autres sociétés de gestion collective, qui commencent déjà à y perdre.

La deuxième attaque récente, plus dangereuse encore, est une initiative de la direction de la concurrence qui vise à créer, pour les utilisateurs, une concurrence sur les tarifs, qui risque d’avoir pour grave conséquence la rupture des accords de réciprocité. Tout le monde va y perdre.

Pour préserver l’intérêt des sociétés de gestion collective et, bien sûr, des auteurs et des artistes que représentent ces sociétés, je souhaitais alerter notre assemblée sur ces deux initiatives funestes de la direction du marché intérieur et de la direction de la concurrence de la Commission européenne.

Je note d’ailleurs que la directive « services », dite encore « directive Bolkestein », n’exclut pas de son champ d’application les services culturels, l’amendement déposé en ce sens par les députés socialistes européens ayant malheureusement été rejeté.

M. Christian Paul. Par l’UMP !

M. Patrick Bloche. Tout cela s’inscrit dans un contexte où la Commission européenne veut aussi remettre en cause la rémunération pour copie privée, à laquelle nous avons toutes et tous rappelé combien nous sommes attachés.

Nous sommes ici au cœur d’un problème dont nous devons nous saisir de toute urgence. Ce serait, par exemple, une manière de donner un sens et un contenu très concrets à la convention signée à l’UNESCO sur la diversité culturelle.

Monsieur le ministre, je voulais que vous puissiez profiter du débat qui nous réunit encore ce soir pour pouvoir – ce serait, si je ne me trompe, la première fois dans cet hémicycle – dire votre inquiétude et les initiatives que vous comptez prendre pour permettre à nos sociétés de gestion collective de continuer à représenter dans de bonnes conditions les intérêts de leurs sociétaires.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 59.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre

M. le ministre de la culture et de la communication. La question posée par M. Bloche est importante. Elle porte, au fond, dans différents domaines, sur l’articulation entre la politique française et celle de la Commission européenne.

Aussi tardivement que ce soit, nous sommes en train de transposer une directive et savons d’emblée que des réflexions sont en cours au sein de la Commission européenne, notamment sur la copie privée.

Les dispositions que vous êtes en train d’adopter, qui seront gravées dans la loi française, nous mettront en position de force pour mener sur cette question une discussion très vigoureuse au sein de l’Union européenne, afin de maintenir le droit à l’exception pour copie privée, tel que vous l’avez élaboré.

En deuxième lieu, les dossiers, je le répète, sont nombreux, à commencer par celui des aides nationales que nous avons créées en cinquante ans de politique culturelle française et qui nous ont permis de préserver une filière musicale et une filière cinématographique importantes. Notre pays a été considéré comme le mouton noir, le mauvais élève de la classe européenne, parce que nous récusions fortement l’idée que les strictes lois du marché devraient régir les biens et les échanges culturels et artistiques.

Aujourd’hui, dans un contexte international très politique, où l’on veut protéger les identités nationales, la spécificité de la politique culturelle française n’apparaît plus comme une exception regrettable, mais comme une méthode à suivre. J’ai d’ailleurs eu à ce sujet des discussions très directes et très franches avec le président de la Commission européenne, car nous nous trouvions, pour certains conflits pendants, dans une situation paradoxale : notre pays risquait des procédures judiciaires tandis que la plupart des pays de l’Union européenne nous envoyaient des délégations en vue de reproduire chez eux les mesures prises par la France.

Pour justifier le système français d’aide au cinéma, j’ai donc choisi la stratégie de la transparence vis-à-vis de la Commission européenne. Tout en nous gardant d’avoir la grosse tête et d’être irréalistes, il faut bien reconnaître que nos débats sont suivis partout et que ce qui se dit ici est suivi à la Commission européenne. Je suis donc respectueux des prérogatives de la Commission et des décisions que doit prendre, et j’attends, dans un avenir que j’espère aussi proche que possible, une décision positive qui serait un événement considérable.

Les sociétés de gestion de droits collectifs sont, elles aussi, un élément très important. Je mènerai sur ce sujet, au sein de la Commission européenne et du conseil des ministres de la culture de l’Union européenne, les bagarres nécessaires pour que notre système ne soit pas pénalisé.

Article 21

M. le président. Sur l’article 21, je suis saisi d’un amendement n° 167.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir cet amendement.

M. Jean Dionis du Séjour. L’amendement n° 167 a pour objet le dépôt légal de fichiers numérisés, notamment pour en favoriser l’accès aux associations de non-voyants, pour qui il s’agit d’un progrès majeur, compte tenu de l’existence de logiciels de synthèse vocale particulièrement opérants.

Pour autant, avec l’amendement n° 272 présenté à l’article 1er du projet de loi, le Gouvernement nous a proposé une avancée très intéressante en prévoyant que les documents imprimés, dès lors qu’ils sont mis à la disposition du public, font l’objet d’un dépôt sous la forme d’un fichier numérique, lorsque celui-ci existe, auprès d’organismes désignés par les titulaires de droits et agréés par l’autorité administrative, dans un standard ouvert au sens de l’article 4 de la loi n° 575-2004 du 21 juin 2004, et sont rendus accessibles aux seules personnes morales et établissements précités, qui garantissent la confidentialité et la sécurisation de ces fichiers.

J’ai reçu les responsables de l’édition, qui étaient initialement éloignés de cette position, et il me semble qu’un véritable travail de compromis a été réalisé, tant pour maintenir l’avancée que représente le dépôt légal de fichiers numérisés que pour écouter ce qu’en dit le syndicat national de l’édition, en nous efforçant d’établir – car le moins qu’on puisse dire est que ce n’est pas encore le cas – une relation de confiance entre ce syndicat et la BNF.

Le Gouvernement a donc réalisé un bon travail, qui se solde par une avancée sociale et un compromis entre des points de vue qui étaient éloignés, et je tiens à en donner acte au ministre.

En conséquence, je retire l’amendement n° 167.

M. le président. L’amendement n° 167 est retiré.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 60.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai ensemble les amendements nos 60 à 71 de la commission des lois, qui ont tous le même objet. Ils corrigent en effet les articles nos 21 à 28 du projet de loi consacré au dépôt légal d’Internet pour tenir compte de deux modifications importantes des textes intervenues depuis le dépôt du projet de loi, en novembre 2003.

L’amendement n° 60 tient compte de la codification, par l’ordonnance de codification du 20 février 2004, du contenu de l’article 1er de la loi du 20 juin 1992 relative au dépôt légal dans le code du patrimoine.

L’amendement n° 61 est de coordination avec l’article 1er de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, qui modifie l’article 2 de la loi du 30 septembre 1986, pour y introduire le concept de communication au public par voie électronique, regroupant la communication audiovisuelle d’une part, et la communication sur Internet d’autre part – ce concept devant être substitué à celui de communication publique en ligne.

Parmi ces onze amendements, seul le n° 64, deuxième rectification, modifie le texte sur le fond, en apportant deux précisions utiles.

La première est qu’il est nécessaire de prévoir une disposition de nature législative pour permettre aux organismes chargés du nouveau dépôt légal de l’Internet d’obtenir du CSA et des organismes gérant les noms de domaines sur Internet les informations nécessaires à la sélection des sites à archiver. Une disposition réglementaire ne serait en l’occurrence pas suffisante.

En second lieu, le dépôt légal est garanti par une sanction pénale pour celui qui s’y oppose irrégulièrement, en application de l’article L. 133-1 du code du patrimoine. Mais compte tenu du fait que le droit pénal est d’interprétation stricte et que la sanction prévue est potentiellement grave, avec une amende de 75 000 euros, il est nécessaire de déterminer précisément les contraintes qui s’imposent aux organismes dont les sites font l’objet de la collecte, et en particulier d’indiquer explicitement que le codage de l’accès aux sites ne doit pas pouvoir empêcher cette collecte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Avis favorable sur les amendements nos 60 et 61.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je souhaite revenir très brièvement sur l’amendement n° 167, car M. le président, en pilotant cette séance à un rythme soutenu, ne nous a pas permis de reprendre cet amendement retiré par M. Dionis du Séjour, qui était pourtant essentiel pour crédibiliser réellement l’exception pour les personnes handicapées, notamment pour les non voyants, dont nous craignons, monsieur le ministre – mais là aussi, il sera possible de faire un bilan de vos choix au bout de quelques mois – qu’en absence d’un véritable dépôt légal des fichiers numérisés, l’avancée que vous avez voulu réaliser depuis le début du mois de décembre reste, en partie du moins, lettre morte, ou qu’elle ne produise pas d’effets suffisants, c’est-à-dire ne crée pas les moyens permettant aux personnes non-voyantes d’accéder aux contenus littéraires ou pédagogiques.

La rédaction de l’amendement n° 272 nous paraît ne pas encore trancher véritablement entre ce qui est facultatif et ce qui est optionnel, alors que nous voulions vraiment instituer une exception véritable, un droit réel.

Je tenais à ce que ces réflexions figurent au Journal officiel pour inspirer le législateur à l’avenir.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 60.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 61.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 21, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 21, ainsi modifié, est adopté.)

Article 22

M. le président. Sur l’article 22, je suis saisi d’un amendement n° 62. Il s’agit d’un amendement de coordination auquel le Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix cet amendement.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 62. Il s’agit également d’un amendement de coordination, auquel le Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix cet amendement.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 22, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 22, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 22.

Après l’article 22

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n° 214.

M. Patrick Bloche. Les signes, signaux, écrits, images, sons ou messages de toute nature faisant l’objet d’une communication publique en ligne sont stockés en de multiples formats. Les spécifications de nombre de ces formats, comme par exemple celui du traitement de texte Microsoft Word, ne sont pas aujourd’hui publiques, rendant leur accès et leur transformation difficiles, voire impossibles.

De telles transformations sont cependant nécessaires pour permettre aux personnes morales visées à l’alinéa 7 de l’article 122-5 du code de la propriété intellectuelle de rendre accessibles les œuvres déposées aux personnes visées au même article, c’est-à-dire aux personnes handicapées.

Aussi les signes, signaux, écrits, images, sons ou messages de toute nature faisant l’objet d’une communication publique en ligne doivent-ils, selon nous, être déposés dans un format ouvert, dont la publicité des spécifications techniques et l’absence de restriction d’accès ou de mise en œuvre sont garantes de son utilisation par les personnes morales que je viens de citer.

L’adoption de cet amendement contribuerait à rendre accessible les livres aux personnes atteintes d’un handicap. Elle constituerait donc pour elles un progrès majeur en matière d’accès au savoir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. L’amendement n° 214 tend à imposer aux gestionnaires de sites Internet un dépôt légal de leur site dans un format ouvert. Ce dispositif ne correspond pas du tout au mécanisme retenu par le projet de loi et par les opérateurs directement concernés que sont la Bibliothèque nationale de France et l’INA pour le dépôt légal d’Internet.

En effet, à un dépôt obligatoire pour les gestionnaires des sites, qui n’aurait quasiment aucun sens dans la mesure où les sites changent en permanence, a été préféré le principe d’un dépôt essentiellement par collecte et aspiration des sites par la BNF et l’INA, de façon également à ne pas créer d’obligations supplémentaires pour les professionnels.

En revanche, il peut exister un obstacle dans cette démarche, lié au fait que certains sites ont un accès codé ou crypté.

C’est pourquoi la commission a adopté l’amendement n° 64, deuxième rectification, comme je l’ai dit tout à l’heure, dans lequel est prévue l’obligation pour les personnes comprises dans le champ du dépôt légal d’Internet de ne pas faire obstacle à la collecte des informations dans le cas où l’accès à leur site serait codé. L’amendement n° 214 est donc en grande partie satisfait.

Par ailleurs, s’agissant de la forme, l’amendement n° 214 ne peut de toute manière pas être retenu car il modifie la loi du 20 juin 1992, abrogée le 20 février 2004 et codifiée depuis au sein du code du patrimoine. De plus, la notion de « communication publique en ligne » n’est plus juridiquement correcte : il faudrait parler de « communication publique par voie électronique ». L’amendement n’est pas mûr au regard des évolutions juridiques. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 214.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 215.

La parole est à M. Christian Paul, pour le soutenir

M. Christian Paul. Après le retrait de l’amendement n° 167 de M. Dionis du Séjour, je me réjouis que nous puissions évoquer à nouveau la situation des personnes handicapées, en particulier des aveugles et des malvoyants.

Monsieur le ministre, nous avons vraiment la possibilité de faire passer dans les actes, dans le concret, cette avancée que nous voulons, et vous également – je sais que vous avez tenté de le faire avec l’amendement n° 272 –, pour cette catégorie de nos concitoyens qui sont cruellement laissés à l’écart de la lecture. Je vous demande vraiment de nous dire comment le dispositif que vous avez imaginé peut fonctionner.

On voit bien que les éditeurs – ils l’ont dit d’ailleurs – ne sont pas très favorables à toute obligation nouvelle, mais quelle serait la charge réelle pour eux, puisqu’il ne s’agit pas de numériser le patrimoine littéraire qu’ils ont dans leurs catalogues mais de légiférer pour l’avenir ? Quelle charge nouvelle créerait réellement cet amendement pour les éditeurs français ? Il s’agit de déposer un format numérique. Or aujourd’hui, il n’y a pas un livre qui soit édité sans avoir été préparé, maquetté, mise en forme, sous un format numérique. C’est une évidence. Il s’agit simplement pour eux de déposer ces fichiers numériques à la Bibliothèque nationale de France en même temps que l’ouvrage en format papier. Ça ne réclame donc aucun investissement supplémentaire.

Nous vous donnons ainsi l’occasion, sans coût supplémentaire pour l’État, la Bibliothèque nationale et les éditeurs, de rendre véritablement possible l’accès à des contenus, en particulier littéraires, pour les personnes handicapées. Vous savez que les livres transcrits en braille sont extrêmement peu nombreux par rapport à l’ensemble de la production éditoriale. Les systèmes de transcription restent en effet très coûteux : il faut scanner les ouvrages avant de les retranscrire en braille, ce qui rend ce dispositif d’un coût prohibitif.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, sans déplacer l’équilibre, sans demander un sacrifice particulier aux éditeurs, on peut rendre vraiment un immense service à quelques dizaines de milliers de Français. Je vous invite donc vraiment, mes chers collègues, à voter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement en discussion ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. L’amendement n° 215 a un objet légèrement différent du précédent. Il vise cette fois à imposer à tous ceux qui sont soumis au dépôt légal pour les livres de procéder à ce dépôt sous forme numérique.

M. Christian Paul. Non !

M. Christian Vanneste, rapporteur. Cet amendement va dans le sens de la pratique puisque la BNF reçoit déjà des dépôts légaux de livres accompagnés de fichiers.

Il se heurte néanmoins à trois objections. Tout d’abord, certains éditeurs ne souhaitent pas passer par un traitement informatique et préfèrent des conditions d’impression artisanale à l’ancienne. Pourquoi leur imposer cette contrainte ? Ensuite, les modalités précises du dépôt légal, telles que le nombre et la forme des exemplaires, sont du domaine réglementaire. Enfin, cet amendement ne peut de toute manière pas être retenu sous cette forme car il modifie la loi du 20 juin 1992 abrogée le 20 février 2004, et codifiée depuis au sein du code du patrimoine. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Comme l’a dit tout à l’heure Jean Dionis du Séjour, je crois que nous sommes parvenus à un bon équilibre avec l’amendement n° 272 du Gouvernement, qui a été adopté. Il prévoit que les documents imprimés, dès lors qu’ils sont mis à la disposition du public, font l’objet d’un dépôt sous la forme d’un fichier numérique, lorsque celui-ci existe, auprès d’organismes désignés par les titulaires de droits et agréés par l’autorité administrative, dans un standard ouvert. Ces fichiers sont rendus accessibles aux personnes morales et établissements visés par cet amendement, qui les mettent ensuite à la disposition des personnes handicapées. Ce dispositif répond à l’objectif qui doit nous rassembler tous : l’accessibilité des œuvres pour les personnes handicapées. Il est opérationnel. C’est un bon point d’équilibre. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. M. Paul et moi-même ne sommes pas convaincus que l’amendement n° 272 réponde totalement, à travers l’exception prévue pour les personnes handicapées, à la problématique que nous posons. En l’occurrence, monsieur le rapporteur, la faiblesse de votre réponse, évoquant encore, en 2006, le travail des moines copistes, est patente.

Notre problème, c’est que vous restez dans le facultatif, dans le volontaire, dans l’optionnel, alors qu’il fallait inscrire dans la loi une démarche beaucoup plus volontariste. Nous avons voté une loi, il n’y a pas si longtemps, qui traduisait une volonté politique, même si celle-ci était insuffisante pour l’opposition. Mais cela ne peut se faire qu’à partir du moment où on établit des normes, des règles qui conduisent effectivement à ce que les personnes handicapées se voient ouvert un accès qui aujourd’hui leur est fermé. Nos amendements s’inscrivent dans une démarche d’égalité de droits.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 215.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 23

M. le président. Sur l’article 23, je suis saisi d’un amendement n° 64, deuxième rectification. Cet amendement de précision a déjà été défendu.

M. Christian Vanneste, rapporteur. En effet, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 23 est ainsi rédigé.

Article 24

M. le président. Sur l’article 24, je suis saisi d’un amendement n° 65.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l’article 24 qui n’a plus de justification.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 24 est supprimé.

Article 25

M. le président. Sur l’article 25, je suis saisi d’un amendement n° 66.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 66.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 67. C’est un amendement de coordination.

M. le ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement y est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 67.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 68. Il est rédactionnel.

M. le ministre de la culture et de la communication. Et le Gouvernement y est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 68.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 25, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 25, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 25

M. le président. Nous en venons à deux amendements portant articles additionnels après l’article 25.

Je suis saisi d’un amendement n° 229.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir cet amendement.

M. le ministre de la culture et de la communication. Je retire l’amendement n° 229 car l’amendement 64, deuxième rectification, présenté par M. le rapporteur répond à l’objectif poursuivi.

M. le président. L’amendement n° 229 est retiré.

La parole est à M. le ministre, pour défendre l’amendement n° 230.

M. le ministre de la culture et de la communication. L’amendement répond à une demande de la Commission européenne de mise en conformité. Il ne modifie pas la pratique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 230.

(L'amendement est adopté.)

Article 26

M. le président. Sur l’article 26, je suis saisi d’un amendement, n° 69, de coordination.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n° 70, de coordination, auquel le Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 70.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 26, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 26, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 26

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 231, portant article additionnel après l’article 26.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir cet amendement.

M. le ministre de la culture et de la communication. La Commission européenne considère qu’une infraction au droit communautaire existe, au titre de l’article 12 du traité, dès lors qu’elle est potentielle. L’incompatibilité d’une législation nationale avec le droit communautaire ne peut être définitivement éliminée qu’au moyen de dispositions internes à caractère contraignant ayant la même valeur juridique que les dispositions qui doivent être modifiées. Afin d’éviter la poursuite de la procédure par un avis motivé, il convient de modifier partiellement les articles L. 311-2 et L. 214-2 du code de la propriété intellectuelle. Ces articles précisent que les droits de copie privée et de rémunération équitable sont répartis aux ayants droit si les phonogrammes et vidéogrammes ont été fixés pour la première fois en France.

Il importe donc, sans modifier la pratique, de mettre en conformité le code de la propriété intellectuelle avec les règles communautaires et dès lors de remplacer les mots : « en France », par les mots : « dans un État membre de la Communauté européenne ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 231.

(L'amendement est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à une heure quarante, est reprise à une heure cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 27

M. le président. Sur l’article 27, je suis saisi d’un amendement n° 71 de la commission.

Il s’agit d’un amendement de coordination.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 71.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 27, modifié par l’amendement n° 71.

(L’article 27, ainsi modifié, est adopté.)

Avant l’article 28

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 232 portant article additionnel avant l’article 28.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre de la culture et de la communication. Ce projet de loi nous offre l’occasion de transposer une autre directive européenne touchant au droit d’auteur : la directive relative au droit de suite, que nous devions transposer avant le 1er janvier 2006.

Le droit de suite est un pourcentage versé aux artistes plasticiens et à leurs héritiers lors de chacune des reventes successives de leurs œuvres sur le marché.

En France, ce droit, qui existe depuis 1920, est de 3 % et, dans les faits, il n’est appliqué que pour les ventes publiques aux enchères. On dit qu’il fut créé à l’occasion de la revente de L’Angélus de Millet, après la guerre de 1914-1918. Le propriétaire du tableau s’était considérablement enrichi, alors que la famille de l’artiste était dans la gêne. Beaucoup d’artistes, ainsi que leurs familles, avaient souffert de la guerre : le droit de suite était une manière de remédier à des situations socialement difficiles.

Une majorité de pays de l’Union européenne, dont l’Allemagne, l’Espagne ou la Pologne, appliquent aussi un droit de suite. Ce n’est pas le cas du Royaume-Uni, place largement dominante sur le marché de l’art contemporain.

La directive européenne du 27 septembre 2001 harmonise le droit de suite et les taux applicables à l’ensemble des pays de l’Union. C’est une bonne chose, compte tenu de la concurrence que se livrent Paris et Londres sur le marché européen. Cette directive, quand elle aura été mise en œuvre dans tous les États membres, permettra en effet à nos professionnels de travailler dans des conditions de concurrence égales par rapport à Londres et au reste du marché intérieur.

Elle instaure une dégressivité des taux applicables en fonction du montant de la vente. En outre – c’est là un point essentiel –, elle plafonne à 12 500 euros le droit susceptible d’être versé pour une œuvre. Ces deux dispositions devraient permettre d’enrayer la délocalisation des ventes vers les places dépourvues de droit de suite, telles que New York.

Je sais que les professionnels n’en restent pas moins inquiets des conséquences de la transposition de cette directive. C’est le cas des galeries, qui n’acquittaient pas de droit de suite jusqu’à présent, mais cotisent en contrepartie depuis plusieurs années au régime de sécurité sociale des artistes.

C’est aussi le cas des sociétés de vente volontaire, qui, par l’application des taux prévus par la directive européenne, vont voir le droit de suite augmenter d’environ un quart. C’est pourquoi, à la demande du Premier ministre, le Gouvernement fera en sorte que le décret d’application pris en Conseil d’État permette une transposition aussi proche que possible des conditions dont bénéficieront les Britanniques – ce qui est essentiel pour éviter des délocalisations d’activité.

Ainsi, le futur décret devra fixer les conditions dans lesquelles les galeries françaises pourront bénéficier du même délai d’adaptation que leurs homologues britanniques. En effet, les États membres qui n’appliquaient pas le droit de suite en ont obtenu une dispense dérogatoire jusqu’en 2010, voire 2012, pour les ventes d’œuvres d’artistes décédés. Telle est notamment l’option qui a été retenue par le Royaume-Uni.

Or les ventes des galeries sont exclues du droit de suite que la France applique, comme je l’ai rappelé, depuis 1920. Le risque est donc de créer artificiellement, pendant quatre à six ans, une dégradation des termes de la concurrence, au détriment des galeries françaises vis-à-vis de leurs homologues, notamment britanniques.

Afin d’éviter toute dissymétrie choquante, le Gouvernement veillera à maintenir des conditions de concurrence aussi proches que possible.

Le même décret fixera le seuil de prix de vente à partir duquel les ventes sont soumises au droit de suite, dans la fourchette de 0 à 3 000 euros prévue par la directive.

Permettez-moi enfin d’attirer votre attention sur un rendez-vous important : la directive prévoit que la Commission européenne présente avant le 1er janvier 2009 un rapport sur son application et ses effets, notamment du point de vue de la compétitivité du marché européen.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 232.

(L’amendement est adopté.)

Article 28

M. le président. Sur l’article 28, je suis saisi d’un amendement n° 72 de la commission.

Il s’agit d’un amendement de correction.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 72.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 73 de la commission.

Il s’agit d’un amendement de cohérence, monsieur le rapporteur.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Cela fait plusieurs fois que, dans la rédaction des amendements, je vois figurer le terme : « Communauté européenne ». Ne serait-il pas temps de se référer à l’« Union européenne » ?

Le ministre pourrait-il nous rassurer sur ce point ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 73.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 28, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 28, ainsi modifié, est adopté.)

Article 29

M. le président. Sur l’article 29, je suis saisi d’un amendement n° 74 de la commission.

Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Favorable, monsieur le président.

Permettez-moi aussi de répondre à M. Dionis du Séjour : je ne voudrais pas lui laisser le sentiment que nous sommes « ringards » ou pas assez vigilants.

Après vérification, puisque la Constitution de l’Union européenne n’a pas été adoptée, nous sommes tenus, pour certaines dispositions, d’utiliser le terme d’« Union européenne » et pour d’autres, celui de « Communauté européenne ».

M. Jean Dionis du Séjour. Toutes mes excuses, monsieur le ministre !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 74.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 75 de la commission.

Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle.

Le Gouvernement y est favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 75.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 76 de la commission.

Il s’agit d’un amendement de coordination.

Le Gouvernement y est favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 76.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 77 rectifié de la commission.

Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Le Gouvernement y est favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 77 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 29, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 29, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 29.

Après l’article 29

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 78 de la commission.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 78.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 79.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Nous tenons à cet amendement qui vise à supprimer une disposition votée dans la loi du 6 août 2004, laquelle avait réformé celle de 1978, dite « informatique et libertés ».

Nous souhaitons que le dernier alinéa de l’article 9 de la loi du 6 août 2004, qui autorise la constitution de fichiers d’infractions au code de la propriété intellectuelle, soit supprimé.

La création de ces fichiers répertoriant des contrevenants est autorisée au motif qu’elle permettrait de freiner le téléchargement illégal de musique et de films en ligne.

Contre toute attente – nous avions protesté fermement, à l’époque ! –, ce droit a été ouvert à des sociétés privées de perception et de gestion des droits d’auteur et des droits voisins. Cette disposition entraîne trois problèmes majeurs : le premier est technique ; les deuxième et troisième sont juridiques.

Tout d’abord, il convient de critiquer la fiabilité des fichiers ainsi constitués en raison du risque d’erreur élevé qu’ils présentent. À titre d’exemple, on sait aujourd’hui que la marge d’erreur du système de traitement des infractions constatées est de 25 %, bien qu’il soit géré par l’État, sous le contrôle direct de l’autorité judiciaire, ce qui n’est pas le cas des fichiers précités. On sait également que ce risque est accru lorsque l’on autorise les croisements de fichiers.

Or, en pratique, c’est ce qu’entraîne la disposition contestée, puisque sa mise en œuvre repose sur la collecte automatique – on retrouve le terme « automatique » –, donc sans discernement, d’adresses IP répertoriées par des logiciels qui surveillent les réseaux et fonctionnent en monitoring.

À cet égard, je souhaiterais faire une remarque sur l’identification des adresses IP. Il faut savoir deux choses à ce propos. D’abord, tous les internautes n’ont pas d’adresse IP fixe, et certains – ils sont de plus en plus nombreux – ont des adresses IP variables. Comment parviendra-t-on à les identifier ? À mon avis, cela va devenir très rapidement impossible. Par ailleurs, certains logiciels dits « anonymiseurs » permettent d’attribuer une adresse IP masquant celle de l’internaute. Il est impossible donc, dans ce cas-là aussi, d’identifier les internautes.

J’en arrive à notre deuxième critique sur ce dernier alinéa de l’article 9 de la loi de 1978. Cette disposition constitue une entorse grave à des principes de nature constitutionnelle. En effet, elle autorise des personnes morales de droit privé à effectuer, notamment, des rappels à la loi. C’est ainsi que des messages électroniques sont envoyés aux adresses IP, via les fournisseurs d’accès, par des sociétés de perception et de gestion du droit d’auteur et de droits voisins à des usagers d’Internet. Or, le rappel à la loi est assimilable à « une sanction pénale », qui, dans le cas d’espèce, est prise en totale méconnaissance de nos principes constitutionnels, puisqu’elle est prononcée par une société privée, sur la base d’une présomption de culpabilité établie par des moyens pour le moins discutables.

Troisièmement, cette disposition constitue une atteinte à la liberté de conscience et à la vie privée. En effet, nul ne peut, au nom de la défense du droit d’auteur, ni même au nom de la création culturelle, privatiser l’espace public.

Pour toutes ces raisons, il convient de supprimer l’autorisation donnée à des sociétés privées de constituer des fichiers de données à caractère personnel.

On pouvait sans doute considérer, à l’époque, qu’il s’agissait d’une mesure d’attente, mais, compte tenu du travail que nous avons effectué en examinant ce projet de loi, tout contestable qu’il soit, et compte tenu aussi de la conviction que vous avez d’avoir mis en place un dispositif qui protège réellement le droit d’auteur et les droits voisins, je pense qu’il serait sain et sage au regard de notre constitution d’adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. L’amendement n° 79 tend à abroger un dispositif introduit très récemment dans la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, pour permettre aux sociétés de perception et de gestion des droits d’auteur de constituer des fichiers d’infractions pénales au code de la propriété intellectuelle. Il serait très prématuré de revenir sur ce dispositif qui est entré en vigueur il y a moins d’un an.

En outre, dans le contexte de téléchargement illicite sur Internet, ce dispositif est utile, même si tout le monde est d’accord pour rechercher plutôt des voies de sanctions civiles, telles qu’un message d’avertissement ou la déconnexion d’Internet, avant des sanctions pénales. Cette mesure répond en tout cas à l’objectif d’intérêt général qui s’attache à la sauvegarde de la propriété intellectuelle et de la création culturelle. Je m’étonne que certains ne l’admettent pas.

Par ailleurs, il est suffisamment encadré pour qu’il ne puisse pas donner lieu à des débordements. Le Conseil constitutionnel l’a validé, mais en y posant, c’est vrai, des conditions qui l’encadrent de manière très rigoureuse. Les données ainsi recueillies ne pourront acquérir un caractère nominatif que dans le cadre d’une procédure judiciaire – soulignons ce point – et par un rapprochement avec des informations dont la durée de conservation est limitée à un an. La création des traitements en cause est subordonnée à l’autorisation de la CNIL.

Compte tenu de l’ensemble de ces garanties, et eu égard à l’objectif poursuivi, la disposition contestée est de nature à assurer l’équilibre entre le respect de la vie privée et les autres droits et libertés. Elle est donc parfaitement constitutionnelle.

De son côté, la CNIL a accepté une partie des traitements envisagés sur la base de ce texte mais, c’est vrai, a refusé ceux qui dépassaient le périmètre de l’autorisation comme ceux qui lui paraissaient donner lieu à une surveillance trop systématique des particuliers sur Internet.

Vous voyez donc que ce dispositif est parfaitement encadré, qu’il a été validé par le Conseil constitutionnel et qu’il est suivi par la CNIL. Il serait donc préférable de le conserver. C’est pourquoi la commission donne un avis défavorable à l’amendement n° 79.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. La disposition que vise à supprimer cet amendement a été créée par la loi, adoptée par le Parlement à l’été 2004, modifiant la loi de 1978. Ce régime équilibré a été, je le rappelle, validé par le Conseil constitutionnel. Il prévoit, notamment, un strict contrôle de la CNIL, dont l’autorisation préalable doit être recueillie. C’est, évidemment, une garantie essentielle. La CNIL a d’ailleurs montré qu’elle entendait exercer scrupuleusement ce contrôle, puisqu’elle a refusé un dossier en octobre 2005 et n’a accepté, à ce jour, qu’un seul dossier.

Le système prévu récemment donne donc toute satisfaction. Par conséquent, j’émets un avis défavorable à l’amendement n° 79.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 79.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 166.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le soutenir.

M. Jean Dionis du Séjour. L’amendement n° 166 est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 166.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Seconde délibération

M. le président. La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave. Nous sommes parvenus à la fin de nos travaux. Je souhaiterais – nul n’en sera surpris car l’information avait filtré hier à la faveur de la discussion de certains amendements – proposer une nouvelle rédaction d’un certain nombre d’alinéas de l’article 7. Il s’agit de clarifier les dispositions concernant l’interopérabilité. Comme nous n’avons pu le faire par voie d’amendements, nous sommes contraints d’en passer par une autre procédure.

Par conséquent, en vertu de l’article 101, premier alinéa, de notre règlement, je sollicite une seconde délibération sur l’article 7.

M. le président. En application de l’article 101 du règlement, M. Richard Cazenave demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 7 du projet de loi.

La commission accepte-t-elle cette seconde délibération, monsieur le vice-président de la commission ?

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. En réponse à la demande formulée par notre collègue, Richard Cazenave, je vous fais savoir, monsieur le président, que la commission accepte la seconde délibération sur l’article 7.

M. le président. La seconde délibération est de droit.

Rappels au règlement

M. Christian Paul. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, pour un rappel au règlement.

M. Christian Paul. À ce point de la discussion, mes chers collègues, nous assistons, en quelque sorte, à une épreuve de vérité.

Je suis prêt, monsieur Cazenave, à reconnaître votre volonté d’améliorer le texte, et vous êtes d’autant mieux inspiré que celui-ci n’est pas bon et que vous n’aurez plus l’occasion de le faire, puisque la procédure d’urgence ne nous permettra pas de mener à nouveau une vraie discussion sur le fond.

Cette demande de seconde délibération vient, de fait, sanctionner des débats particulièrement chaotiques, comme on en a rarement connu pendant cette législature.

On peut, monsieur le ministre, mettre cela sur le compte de la complexité de ces questions, qui sont nouvelles pour le législateur et qui mettent en jeu des pratiques culturelles émergentes. Mais il faudra aussi chercher – d’autres le feront, le Conseil constitutionnel, probablement – quelles sont les responsabilités et quelles fautes ont été commises.

Ce qui a lancé le signal du désordre dans la procédure, ce fut le retrait de l’article 1er, que vous avez souhaité, puis auquel vous avez renoncé, contre l’avis du président, Jean-Louis Debré : lui, a défendu clairement le bien-fondé de ce retrait. Nous en avions conclu – je ne crois pas trahir sa pensée – qu’il n’était pas très favorable à la réintroduction de cet article.

Le résultat est un texte insécurisé, très opaque sur beaucoup de points, nous l’avons démontré avec opiniâtreté, Patrick Bloche, Didier Mathus et moi-même, ainsi que nos collègues de l’ensemble des formations de la gauche ; un texte insécurisé, disais-je, pour tout le monde : pour les internautes comme pour les artistes, pour les producteurs comme pour les développeurs de logiciels libres.

Là où vous cherchiez à verrouiller et à réprimer, vous avez produit une illusion sécuritaire qui devrait appeler, d’ici peu, l’abrogation de la loi, ou en tout cas sa réécriture sur des bases totalement différentes.

À présent, vous nous demandez, mes chers collègues, une seconde délibération sur l’article 7, dont vous avez, monsieur Cazenave, implicitement dénoncé les manques, notamment dans le domaine de l’interopérabilité, qui est le sujet le plus sensible de cet article.

Nous souhaitons, bien sûr, engager le dialogue.

Mais, comme le règlement de notre assemblée le permet, en son article 101, alinéa 3, nous sollicitons une suspension de séance, afin que la commission des lois puisse se réunir et présenter, par écrit, un nouveau rapport sur cet article. Il s’agit d’une question extrêmement importante et, reconnaissons-le, très sensible – d’ailleurs, vous vous y êtes cassé les dents ! Avant de nous prononcer sur le fond, nous allons donc devoir prendre connaissance – à deux heures du matin ! – d’une « charrette » d’amendements !

Même si vous ne l’avez pas dit, monsieur Geoffroy, je suis sûr que vous souhaitez ardemment cette réunion, pour que la commission puisse enfin remplir son rôle sur ce texte !

M. Patrick Bloche. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Bloche. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 et concerne l’organisation de nos travaux.

Faisons un bref rappel historique. Initialement, l’article 7 du projet de loi visait à créer un nouvel article L. 131-5 dans le code de la propriété intellectuelle, visant à définir les mesures techniques de protection et à garantir la compatibilité entre mesures techniques, en créant une obligation de délivrance des licences de ces mesures.

Cela n’avait donc rien à voir avec l’interopérabilité, contrairement à ce que disait l’exposé des motif et le corps du texte.

Ce nouvel article était composé de trois alinéas. À la suite de nos débats, il en comprend désormais huit.

En réalité, nous avons déjà débattu de cet article dans la nuit du 22 décembre. À l’époque, M. le ministre expliquait, avec la grande modestie qu’on lui connaît : « Les dispositifs que nous vous proposons sont en avance par rapport à la stricte transposition de la directive européenne. Je suis fier de le dire, sur ce sujet comme sur celui de la réponse graduée, nous jouons le rôle d’éclaireur pour les pays de l’Union européenne. »

M. Christian Paul. De boy scout !

M. Patrick Bloche. Ce désormais fameux article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, à l’exception de son premier alinéa, a été totalement réécrit par rapport à sa version initiale. Dès le mois de juin 2005, notre groupe proposait un amendement n° 85 le réécrivant. Quant au groupe de l’UMP – notamment M. Cazenave et M. Carayon –, il a proposé trois rédactions différentes au cours de nos débats : une première version sous la forme d’un amendement n° 143, enregistré à la séance le 8 décembre 2005, une deuxième avec un amendement n° 240, enregistré à la séance le 20 décembre 2005, et une troisième avec un amendement n° 253, enregistré à la séance le 21 décembre 2005.

Vous demandez maintenant une seconde délibération et nous en prenons acte. Mais, loin d’être anecdotique, elle ne fait que traduire la grande confusion dans laquelle vous tentez de rédiger cette loi, que nous écrivons pourtant sous les yeux du monde entier…

Bien entendu, je partage la demande de Christian Paul de réunir la commission des lois. En outre, je précise que cette procédure rouvre la possibilité de déposer des amendements à l’article 7, et telle est bien l’intention du groupe socialiste.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à deux heures quinze, est reprise à trois heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 7

M. le président. Nous abordons l’examen, en seconde délibération, des amendements à l’article 7.

Je rappelle que le rejet des amendements vaut confirmation de la décision prise en première délibération.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Vanneste, rapporteur. La commission s’est réunie et a examiné six amendements : quatre présentés par M. Cazenave et plusieurs de ses collègues, deux par M. Bloche et un certain nombre de membres de son groupe.

M. Jean Dionis du Séjour. Et notre sous-amendement ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. La commission n’a pas examiné le sous-amendement n° 7 de M. Baguet et de M. Dionis du Séjour. Sans doute a-t-il été déposé trop tardivement.

M. Jean Dionis du Séjour. Vous plaisantez !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Il a été examiné, mais pas défendu.

M. Christian Vanneste, rapporteur. En effet. Pardonnez-moi, mon cher collègue, je me suis mal exprimé.

Les quatre premiers amendements tentent de trouver le meilleur équilibre entre l’exigence d’interopérabilité et le respect des droits d’auteur.

L’amendement n° 1 est rédactionnel, et la commission a émis un avis favorable à son sujet, de même que sur l’amendement n° 2, qui tend à garantir la mise en œuvre de l’interopérabilité.

À l’amendement n° 3, qui prévoit que « le conseil de la concurrence ordonne l’accès aux informations essentielles à l’interopérabilité » s’il constate « des pratiques anticoncurrentielles de la part d’un fournisseur de mesures techniques », la commission a préféré l’amendement n° 5 de M. Bloche et ses collègues, lequel permet à tout intéressé de « demander au président du tribunal de grande instance statuant en référé d’adjoindre sous astreinte à un fournisseur de mesures techniques de fournir les informations essentielles à l’interopérabilité ».

La commission a également émis un avis favorable sur l’amendement n° 4, qui réaffirme l’exception de décompilation.

Elle a en revanche repoussé l’amendement n° 6 de M. Bloche, jugeant excessif le fait d’évoquer la publication du code source plutôt que le simple accès à ce code.

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Afin d’éviter tout malentendu, je précise à nouveau que le sous-amendement n° 7 de M. Baguet et de M. Dionis du Séjour, quoique non défendu, a bien été examiné par la commission, qui l’a finalement rejeté.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1.

La parole est à M. Richard Cazenave, pour le soutenir.

M. Richard Cazenave. Je remercie le Gouvernement et la commission de nous avoir permis de travailler à nouveau sur l’interopérablité, dont l’exercice va être clarifié par les mesures que nous proposons. Inspirés par notre culture industrielle dans le domaine du logiciel libre et désireux d’éviter toute solution qui s’apparenterait à de la vente liée, nous nous apprêtons à adopter, sur ce sujet, la législation la plus avancée en Europe.

Nous avions déjà enregistré des avancées importantes en décembre dernier : la non-brevetabilité des mesures techniques de protection, conformément à la décision du Parlement européen selon laquelle tout logiciel n’est pas brevetable ; le respect de l’interopérabilité, que ne doivent pas empêcher les mesures techniques de protection ; la notion de standard ouvert ; la sécurité des systèmes d’information et des données personnelles introduite par des amendements cosignés par mon collègue Carayon après l’article 7, mission particulière confiée à la DCSSI et à la CNIL ; enfin, nous avons inscrit aux articles 13 et 14 l’exception de contournement d’une mesure technique de protection et la fourniture de moyens de contournement pour la recherche, l’interopérabilité et la sécurité informatique.

Les amendements que nous venons de déposer, à l’occasion de cette seconde délibération, permettront de clarifier considérablement l’exercice de l’interopérabilité.

L’amendement n° 1 est de nature rédactionnelle. Il tend à supprimer la dernière phrase du troisième alinéa du texte proposé pour l’article L. 331-5 du code de la propriété intellectuelle, tout en introduisant une référence à la loi du 30 septembre 1986.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Ces amendements ont pour objet de clarifier, et c’est fondamental, l’article 7 et de préciser nos objectifs en matière d’interopérabilité.

En premier lieu, ils posent le principe selon lequel les mesures techniques ne doivent pas empêcher la mise en œuvre de l’interopérabilité, tout en respectant les droits d’auteur portant sur l’œuvre. L’utilisateur – et ce principe nous a toujours guidés – doit pouvoir lire une œuvre légalement acquise sur le support ou logiciel de son choix.

Nous souhaitons également donner toute sa place au logiciel libre qui est une force de la création française de logiciel et une chance pour la concurrence.

Pour mettre en œuvre ces principes, deux voies sont prévues par ces amendements : la première concerne la fourniture par les éditeurs de mesures techniques des informations nécessaires à l’interopérabilité et la seconde s’adresse directement aux problématiques du logiciel libre.

Sur l’amendement n° 1, j’émets un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 2, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 7.

La parole est à M. Bernard Carayon, pour soutenir l’amendement n° 2.

M. Bernard Carayon. L’amendement n° 2 précise que les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d’empêcher la mise en œuvre effective de l’interopérabilité, dans le respect du droit d’auteur.

Grâce à cette disposition, l’interopérabilité ne restera pas un concept, mais pourra entrer dans les faits – ce à quoi le Parlement, comme le Gouvernement, est attaché – dans le souci de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles et de protéger les consommateurs.

Enfin, la réaffirmation de l’exception de décompilation, qui n’est soumise à aucune condition, sera une véritable garantie pour l’interopérabilité.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir le sous-amendement n° 7.

M. Jean Dionis du Séjour. Pour ma part, je n’ai pas pu participer aux tractations menées au sein de la grande alliance PS-UMP (Rires sur divers bancs), qui donnent à la fin de ce débat une touche très allemande.

J’en viens au sous-amendement. Il est intéressant et nos collègues devraient s’en inspirer.

Pour le moment, l’article 7 dispose que « les mesures techniques ne doivent pas empêcher la mise en œuvre de l’interopérabilité dans le respect du droit d’auteur », puis passe brutalement à la définition suivante : « On entend par information essentielle à l’interopérabilité la documentation technique… » Se contenter de cela lors d’une seconde délibération n’est pas glorieux ! Il manque une précision ! En effet, il n’a pas été auparavant fait référence à ces « informations essentielles ».

Soucieux de fluidité et de logique, le groupe UDF propose donc de compléter le dernier alinéa de l’amendement n° 2 par la phrase suivante : « Les fournisseurs de mesures techniques donnent l’accès aux informations essentielles à l’interopérabilité. »

Soyons clairs. Les fournisseurs de mesures techniques bloquent aujourd’hui l’interopérabilité. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il existe aujourd’hui des enjeux considérables en matière de parts de marché. Les fournisseurs ont parfaitement conscience qu’ils devront s’engager dans une démarche de normalisation, mais, pour le moment, ils veulent accroître leurs parts de marché. L’État français n’a d’autre choix que de les mettre sous pression légale et ne doit pas se cacher derrière son petit doigt. Je souhaiterais donc que ce sous-amendement soit accepté.

L’UDF n’a guère eu de motif de satisfaction au cours de ce débat. Ce serait donc un geste sympathique, dans cette ambiance quelque peu allemande, de nous associer – et pourquoi pas Mme Fraysse, si elle dépose un amendement – à la grande alliance !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement et l’amendement ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. Ce sous-amendement est certes sympathique, mais il est satisfait par l’amendement n° 5 que la commission a approuvé.

M. Jean Dionis du Séjour. Non, cela n’a rien à voir !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Avis défavorable au sous-amendement, mais favorable à l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon. Je serais assez favorable à l’entrée du FDP entre dans la grande coalition ! (Rires sur divers bancs.)

Si ce sous-amendement ne change effectivement pas grand-chose sur le fond, il fournit une transition stylistique qui n’est pas dépourvue d’utilité.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. J’avoue avoir mal compris l’argument du rapporteur. Comment peut-il dire que l’amendement n° 5 satisfait mon sous-amendement, alors que ce dernier a pour objet d’ajouter de la fluidité et d’énoncer clairement que la responsabilité incombe aux fournisseurs de mesures techniques ?

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 7.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2, modifié par le sous-amendement n° 7.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 5 et 3, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 3 fait l’objet d’un sous-amendement n°8.

La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l’amendement n° 5.

M. Christian Paul. Nous avons tenté, dans l’ultime ligne droite de ce débat, de vous aider à réécrire – nécessité fait loi – l’article 7, qui restait en effet très en deçà de ce que le monde entier attendait de la délibération de la grande nation sur cette question. (Sourires.)

Si les amendements nos 5 et 6 du groupe socialiste étaient adoptés dans leur intégralité, nous pourrions éviter un certain nombre de mises à mort du logiciel libre. Mais il ne faudrait pas, pour autant, croire que cet effort de réécriture, de lifting, même s’il permet des avancées substantielles, lèvera la menace qui pèse sur l’innovation, du fait des amendements dits « Vivendi Universal », qui ont été votés hier et aujourd’hui…

M. Michel Piron. Mais nous ne faisons que soutenir la création !

M. Christian Paul. …et qui seront, me semble-t-il, le péché originel de ce texte.

M. Michel Piron. Il ne manquait plus que ça !

M. Christian Paul. Même si nous sommes prêts à voter les amendements de clarification et de réécriture – et j’apprécie d’ailleurs l’expression « transition stylistique » de M. Carayon dans la mesure où elle rend parfaitement compte de la situation –, Patrick Bloche et moi serons amenés, en vertu de l’article 101, alinéa 1, de notre règlement, à demander une seconde délibération sur l’amendement n° 150, deuxième rectification, adopté hier.

S’agissant de l’amendement n° 5, nous défendons depuis le début de ce débat, et même depuis le printemps 2005, l’idée selon laquelle tout intéressé – entreprise ou particulier – doit pouvoir demander au président du tribunal de grande instance statuant en référé d’enjoindre sous astreinte à un fournisseur de mesures techniques de fournir les informations essentielles à l’interopérabilité.

Un autre scénario était effectivement possible : le recours au Conseil de la concurrence, ce qui n’était pas une mauvaise idée, monsieur Cazenave. Toutefois le périmètre n’est pas le même. Notre proposition permet aux particuliers, qui ne se trouvent pas dans une logique strictement commerciale, de faire appel au juge. Nous ne voyons, en effet, pas pourquoi le Conseil de la concurrence deviendrait dans notre pays le garant de l’interopérabilité, alors que cette garantie nous paraît relever de la compétence du juge judiciaire et, en l’espèce, du tribunal de grande instance.

Par ailleurs, cet amendement introduit l’idée selon laquelle tout intéressé peut se voir fournir presque gratuitement les informations essentielles à l’interopérabilité. En effet, il prévoit que, seuls, les frais de logistique sont exigibles en contrepartie par le fournisseur.

M. le président. La parole est à M. Richard Cazenave, pour soutenir l’amendement n° 3.

M. Richard Cazenave. La commission ayant voté en faveur de l’amendement n° 5, l’amendement n° 3 est tombé, puisqu’il couvre le même domaine.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Dites plutôt qu’il est retiré !

M. Richard Cazenave. L’amendement n° 3 est retiré !

M. le président. L’amendement n° 3 est retiré.

En conséquence, le sous-amendement n° 8 tombe.

La commission a déjà indiqué qu’elle était favorable à l’amendement n° 5.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Dans le système précédemment établi, le Conseil de la concurrence était compétent, et cela me semble préférable. Cela dit, je ne suis pas défavorable à la compétence du tribunal de grande instance. Par contre, je suis défavorable à la fixation de frais exigibles.

Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon. Nous avons toutes les raisons de croire dans la vertu de l’autorité judiciaire, d’une manière générale d’abord, et ensuite pour trancher ce type de contentieux. Je me demande simplement si la saisine de l’autorité judiciaire en l’espèce n’est pas superflue dans la mesure où la privation d’un droit – l’accès aux informations en question – entraînerait de fait la possibilité pour tout citoyen de saisir l’autorité judiciaire.

Cela dit, même si cette proposition de nos collègues socialistes m’apparaît dans le fond un peu superflue juridiquement, je crois que nous pouvons la suivre. Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas convaincu que la solution proposée soit supérieure à celle qui prévoit l’intervention du Conseil de la concurrence, mais on peut de temps en temps faire confiance à ceux qui ne vous ont pas manifesté la même confiance sur des sujets pourtant de bon sens.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 4.

La parole est à M. Richard Cazenave, pour le défendre.

M. Richard Cazenave. Cet amendement prévoit que toute personne désireuse de mettre en œuvre l’interopérabilité est autorisée à procéder aux travaux de décompilation. L’exception de décompilation peut être mise en œuvre de façon immédiate et permanente. C’est une rédaction plus claire et plus efficace de cette exception ainsi réaffirmée dans notre droit.

M. le président. La commission a déjà indiqué qu’elle était favorable à cet amendement.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 6.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le défendre.

M. Patrick Bloche. À cette heure aussi tardive, très sincèrement, la première réflexion qui me vient à l’esprit, c’est que l’on a raté quelque chose en ne créant pas une mission d’information parlementaire commune, comme l’avait demandé le groupe socialiste à la fin de l’année 2004. Nous voyons bien, en effet, qu’à partir du moment où nous nous mettons autour d’une table, nous sommes capables, au nom de l’intérêt général, de dépasser un certain nombre de clivages habituels et de faire du bon travail. Ce que nous avons fait sur l’article 7 en commission des lois, certes à une heure tardive et à partir d’une seconde délibération demandée par M. Cazenave, c’est du bon travail. Nous le faisons de manière progressive, et je m’en réjouis totalement. S’il y avait eu une mission d’information parlementaire sur cette question, nous aurions sans doute écrit un autre projet de loi.

Sans reprendre les propos très complets de Christian Paul sur l’amendement n° 5, je rappelle que l’objectif en ce domaine est évidemment de préserver le logiciel libre. Je ne vais pas non plus vous répéter ce que je vous ai dit à plusieurs reprises, mais je rappelle simplement pour mémoire les quatre libertés qui doivent être données à un utilisateur pour qu’un logiciel puisse être effectivement appelé logiciel libre : exécuter le logiciel comme il le souhaite, notamment sans avoir à payer quoi que ce soit, étudier son fonctionnement, le modifier et le redistribuer.

L’amendement n° 6 prévoit qu’on ne peut pas interdire la publication du code source et de la documentation technique d’un logiciel indépendant interopérant pour des usages licites avec une mesure technique de protection d’une œuvre. C’est un amendement simple qui vise à préserver le logiciel libre des dispositions prévues pour réprimer le contournement des mesures techniques de protection à des fins de contrefaçon.

Cet amendement n’a pas reçu un avis favorable de la commission des lois, mais nous espérons que le travail collectif que nous faisons en direct contribuera à parfaire un dispositif qui apporterait les garanties que nous demandons depuis bientôt un an puisque nous avons déposé ces amendements dès juin 2005 lors de l’examen du projet de loi en commission des lois.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Vanneste, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Rien dans la rédaction proposée par le Gouvernement n’interdit la publication du code source d’un logiciel libre. Par contre, ce code source ne doit pas comporter de commentaires destinés à porter atteinte aux droits portant sur l’œuvre. C’est un point d’équilibre fondamental.

J’ai déjà répondu à plusieurs reprises sur la publication de ce code source, et je n’y reviens pas. Par contre, l’expression d’usages licites n’est pas adaptée car elle est à la fois trop large et trop ambiguë. C’est la raison pour laquelle je ne peux pas émettre un avis favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon. Cet amendement n’apporte rien de substantiel à l’excellent équilibre auquel nous sommes parvenus collectivement, Gouvernement, majorité et opposition. Malgré tout, je pense que nous pouvons achever notre discussion par un geste de magnanimité à l’égard de l’opposition, qui le mérite bien à cette heure-ci.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 7, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Dans l’esprit qui a été celui de M. Cazenave pour nous permettre de réécrire de façon aussi parfaite l’article 7, voté à l’unanimité de l’hémicycle, et pour préserver le logiciel libre auquel nous sommes, à quatre heures moins vingt du matin, tous très attachés, nous demandons, en vertu de l’article 101, alinéa 1, de notre règlement, une seconde délibération sur l’amendement n° 150, deuxième rectification.

M. le président. Je vais suspendre la séance pour examiner cette question.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à trois heures quarante, est reprise à trois heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Monsieur Bloche, vous avez demandé une seconde délibération sur l’amendement n° 150, deuxième rectification, qui est devenu l’article 12 bis. Selon la pratique de notre assemblée, le champ de la seconde délibération a été défini au moment où elle a été demandée par l’un de nos collègues, et la commission a accepté de se réunir pour en discuter.

Si l’on vous suivait, il s’agirait d’une troisième délibération. Vous comprendrez ce qu’une telle procédure, aurait d’excessif.

Néanmoins, étant donné le climat consensuel,…

M. Michel Piron. Œcuménique même !

M. le président. œcuménique ou au moins apaisé…

M. Jean Dionis du Séjour. C’est la grande alliance !

M. le président. …dans lequel se termine ce débat, que j’ai connu à d’autres moments plus vif, je vais, de façon très exceptionnelle, demander à la commission si elle accepte de se réunir pour examiner de cette demande. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission. Le président a très bien résumé l’état de la question. La demande de seconde délibération a donné lieu à une réunion fructueuse de notre commission, dans l’esprit de notre règlement. Il s’agit maintenant en quelque sorte d’une demande reconventionnelle, qui n’a pas été formulée durant la réunion de la commission, mais seulement lors de notre retour dans l’hémicycle.

La recherche d’une approche commune sur l’article 7 a été menée à bien par la commission. Elle n’est donc pas favorable à une nouvelle délibération sur l’amendement n° 150, deuxième rectification.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je comprends bien que la commission, en refusant cette seconde délibération, entend en quelque sorte voter une seconde fois l’amendement Vivendi. C’est sa responsabilité, mais il était de la nôtre de proposer de le réécrire afin de préserver les intérêts des éditeurs de logiciels libres français et de soutenir l’innovation. Nous savons bien que vous êtes majoritaires et que vous pouvez imposer ce soir vos décisions, mais nous savons aussi que, depuis plusieurs semaines, une bataille d’idées s’est engagée dont nous avons le sentiment que nous sommes en train de la gagner.

Nous avons souhaité, avec tous nos collègues socialistes et communistes, utiliser ce soir toutes les ressources de la procédure…

M. Michel Herbillon. Cela ne nous a pas échappé !

M. Christian Paul. …pour éviter les conséquences gravissimes qu’auront de nombreux articles de cette loi. Cela nous a ainsi conduits à demander une réunion de la commission des lois, qui s’est en effet déroulée dans le climat qu’a décrit Patrick Bloche, et à amender la deuxième rédaction de l’article 7 proposée par M. Cazenave. Nous avons fait feu de tout bois jusqu’à quatre heures du matin pour tenter d’améliorer ce texte. Nous n’y sommes hélas parvenus que sur un article, sur la trentaine que compte ce texte, celui relatif à l’interopérabilité.

Monsieur le président, il n’y a rien de consensuel ni d’œcuménique dans notre démarche. Ce texte demeure très mauvais. Un mauvais texte donnera probablement une mauvaise loi. Reste à espérer que le Sénat l’améliorera. Notre rôle a été de nous battre pied à pied, de pointer les erreurs et les mauvais choix du Gouvernement et leurs conséquences gravissimes.

Ne vous méprenez pas sur notre état d’esprit ! Même si nous avons voulu, à chaque instant, apporter notre contribution, cela n’a été possible que bien peu de fois. Outre le coup d’arrêt porté en décembre dernier, seules deux avancées considérables ont été réalisées : l’exception prévue pour les bibliothèques et les mesures que nous venons de voter sur l’interopérabilité.

Telle est, ni plus, ni moins, la photographie de nos débats. Nous n’en tirons ni gloire, ni avantage, mais il m’apparaissait important que nous nous quittions ce matin sur une vision précise de ce qui s’est déroulé depuis plusieurs semaines dans cette assemblée.

M. le président. La parole est à M. Bernard Carayon.

M. Bernard Carayon. L’amendement que vous incriminez, monsieur Paul, nous l’avons rééquilibré par un sous-amendement que vous n’avez pas voté.

M. Christian Paul. Parce qu’il n’y a pas d’équilibre !

M. Richard Cazenave. Mais si !

M. Bernard Carayon. Il n’est donc pas convenable de le critiquer.

M. Christian Paul. Si l’opposition vous gêne, elle peut sortir !

M. Bernard Carayon. Vous avez eu un comportement qui est bien connu en politique : vous avez fait le choix de la politique du pire, qui est aussi la pire des politiques !

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour une brève intervention.

M. Patrick Bloche. Je n’ai jamais abusé de la parole, monsieur le président. (Rires.)

M. le président. Chacun appréciera, monsieur Bloche.

M. Patrick Bloche. J’ai toujours respecté le temps qui m’était imparti par le règlement de l’Assemblée nationale.

M. le président. Au fait !

M. Patrick Bloche. Grâce au vote intervenu sur l’article 7 à cette heure tardive de la nuit, les grands gagnants seront les consommateurs, c’est-à-dire nos concitoyens et au final l’intérêt général. Je regrette, après Christian Paul, qu’il n’y ait pas eu de deuxième délibération sur l’amendement n° 150, deuxième rectification, devenu l’article 12 bis. Cet article n’apporte rien à la loi et ne fera que pénaliser gravement l’innovation et la recherche sur les logiciels peer to peer dans notre pays.

Je rappelle enfin que, tant pour des raisons de forme – les innovations en matière de procédure parlementaire – que pour des raisons de fond – nous jugeons non constitutionnelles nombre de dispositions, notamment le dispositif de réponses graduées –, nous saisirons le Conseil constitutionnel.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Au terme de la discussion des articles, je tiens, au nom du Gouvernement, à vous remercier, monsieur le président, pour la façon dont vous avez conduit nos débats et je vous prie de transmettre ces remerciements à M. le président de l’Assemblée nationale ainsi qu’à tous les vice-présidents qui se sont succédé au perchoir.

Je tiens à remercier également le rapporteur, le président et le vice-président de la commission des lois, qui ont remarquablement accompli leur tâche dans des conditions qui n’ont pas été faciles, ainsi que l’ensemble des députés qui ont pris part à ce très beau débat. J’avais pris l’engagement de la disponibilité, ce qui était la moindre des choses pour un tel débat de société.

À ceux qui ont voté les articles du texte ainsi que les amendements proposés par le Gouvernement, enrichis du travail passionné des parlementaires, je puis assurer qu’ils ont fait œuvre utile. Ce texte n’était pas facile. Réconcilier auteurs et créateurs avec la toute nouvelle technologie qu’est Internet est un défi auquel peu ont accepté de se mesurer tant il était difficile. Nous avons accompli des avancées qui vont bien au-delà de ce qu’imposait la transposition de la directive européenne. Les mesures que nous avons adoptées concernant la copie privée ou bien encore l’interopérabilité constituent des avancées considérables qui – trêve d’ironie – seront, n’en doutez pas, largement observées.

Je remercie les parlementaires de l’UMP…

M. Christian Paul. Et ceux de l’UDF ?

M. le ministre de la culture et de la communication. …qui ont voté des dispositions permettant d’éloigner le spectre de la prison pour les internautes, grâce à la différenciation des responsabilités ; c’était un enjeu essentiel.

Mais le plus important est que la sécurité juridique que vous offrez, grâce à l’élaboration de cette loi, permettra à une offre nouvelle de naître. Les musiciens, les cinéastes, les jeunes talents qui se lancent dans cette carrière comme les plus confirmés pourront faire rayonner leur œuvre grâce à Internet. Sans sécurité juridique il ne pouvait y avoir d’offre nouvelle. Ce texte permettra, je l’espère, à cette offre d’être la plus attractive possible. À chacun son rôle : au Parlement et au Gouvernement de faire œuvre utile en définissant le cadre juridique, aux créateurs et aux professionnels de l’utiliser au mieux pour que le plus grand nombre possible d’œuvres puissent être diffusées grâce à Internet.

Merci de ce travail, et même si le terme peut paraître inapproprié, je suis fier, et je souhaite que vous le soyez également, de ce débat qui a été long et passionné. Il était utile et important de le mener à bien. J’espère qu’au moment du vote solennel, vous aurez chevillé au cœur le sentiment d’avoir fait œuvre utile au profit de nos concitoyens, des artistes, des créateurs, des auteurs et des internautes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi.

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet, auront lieu le mardi 21 mars, après la déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen.

ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Mardi 21 mars 2006, à neuf heures trente, première séance publique :

Questions orales sans débat.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen des 23 et 24 mars 2006 et débat sur cette déclaration.

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.

Discussion du projet de loi organique, n° 2883, relatif à l’élection du Président de la République :

Rapport, n° 2934, de M. Pierre Morel-A-l’Huissier, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 2611 rectifié, relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs :

Rapport, n° 2966, de M. Dominique Juillot, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 17 mars 2006, à trois heures cinquante-cinq.)