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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 30 mars 2006 

187e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

Parcs nationaux
et parcs naturels marins

Transmission et discussion du texte
de la commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 2873).

La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Jean-Pierre Giran, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre de l’écologie et du développement durable, mes chers collègues, la commission mixte paritaire s’est réunie le 21 février dernier et a analysé les différences qui pouvaient exister entre la vision de l’Assemblée nationale et celle du Sénat.

Je ne reviendrai pas, à ce stade de la procédure, sur l’ensemble des dispositions du projet de loi, mais j’en rappellerai brièvement l’esprit et les finalités.

En réformant la loi fondatrice de 1960 pour l’adapter à un nouveau contexte marqué par la décentralisation et par la volonté de créer des parcs outre-mer, ce projet de loi conforte la conception française des parcs nationaux, où protection de la nature et maintien sur place des populations, loin d’être opposés, sont intimement liés.

Ce projet renforce ainsi la cohésion territoriale des parcs en unifiant leur périmètre autour d’un projet commun matérialisé par une charte, et démocratise leur fonctionnement en associant davantage les acteurs locaux à leur gestion. Les parcs nationaux comporteront désormais, au-delà de leur cœur, zone centrale réglementée et à forte protection, une aire d’adhésion dans laquelle sera menée une politique de développement durable, sur la base d’une démarche volontaire.

Quant à l’autre axe du projet de loi, la création de parcs naturels marins, nouvel outil de gestion concertée des aires marines, notre assemblée, suivie en cela par le Sénat, a souhaité lui conférer un caractère plus ambitieux et plus général, en l’inscrivant dans la constitution d’un réseau national d’aires marines protégées et en élargissant à cette fin les missions de l’agence destinée à les gérer.

Le nombre relativement réduit d’articles adoptés conformes – cinq – ne doit pas troubler notre assemblée. En réalité, les points d’accords entre l’Assemblée nationale et le Sénat ont été nombreux et systématiques sur tous les sujets importants : nouvelle composition du conseil d’administration proposée par l’Assemblée nationale, affirmation du rôle du président de l’établissement public du parc national, création d’un établissement public « Parcs nationaux de France », précisions apportées au contenu de la charte et aux modalités d’adhésion. Les amendements du Sénat sont presque toujours de précision et les discussions en commission mixte paritaire n’ont porté que sur un nombre réduit de dispositions que je vais énoncer.

La commission a d’abord validé la faculté pour l’établissement public du parc national de conclure des conventions avec des partenaires extérieurs pour la mise en œuvre de la charte, mais a souhaité distinguer la nature des relations contractuelles selon le caractère de droit public ou privé des organismes concernés.

S’agissant du rôle du conseil scientifique, qui a été renforcé par notre assemblée, la commission mixte paritaire a repris l’exigence d’une consultation de cette instance en formation plénière pour les travaux ou activités ayant un impact notable sur le cœur du parc national.

En ce qui concerne la gouvernance des parcs nationaux, la commission a estimé que la présence d’un député et d’un sénateur parmi les membres de droit de chaque conseil d’administration, introduite par le Sénat, n’était pas souhaitable, compte tenu des conséquences possibles d’une interprétation politique de leur désignation sur le fonctionnement de l’établissement public.

M. Patrick Ollier, président de la commission mixte paritaire. Très bien !

M. Jean-Pierre Giran, rapporteur. La CMP a souhaité également opérer une distinction entre la limite d’âge applicable aux candidats à la présidence, qui doit rester celle de droit commun – soixante-cinq ans, quel que soit le parc –, et la possibilité pour les présidents en exercice de poursuivre leur mandat jusqu’à leur terme, parfois au-delà de soixante-cinq ans, afin d’assurer une certaine stabilité dans la politique conduite par le conseil d’administration.

À l’article 9, la réglementation de la pêche et la circulation en mer dans le cœur d’un parc national ont fait l’objet de vifs débats, et c’est à l’issue d’un vote extrêmement serré que la CMP a opté pour un pouvoir de proposition du directeur de l’établissement public du parc national aux autorités de l’État compétentes en mer. Je regrette, pour ma part, que la commission n’ait pas voulu aller plus loin car, sur le terrain, on s’aperçoit qu’il peut être nécessaire de disposer de pouvoirs de police afin de faire respecter la réglementation par des populations très nombreuses qui visitent l’été criques et calanques.

M. François Rochebloine. C’est valable dans tous les domaines !

M. Jean-Pierre Giran, rapporteur. En outre, la commission a clarifié les dispositions relatives à la charte dans les départements d’outre-mer et réaffirmé l’obligation de compatibilité avec le schéma d’aménagement régional, qui n’apparaissait plus que de façon implicite dans la rédaction retenue par le Sénat. Or la restauration de cette lisibilité de la loi est indispensable si l’on veut répondre aux interrogations des acteurs locaux et voir se concrétiser rapidement le projet tant souhaité de parc des Hauts de La Réunion.

Les dispositions particulières au parc amazonien en Guyane font désormais l’objet d’un chapitre distinct, prenant en compte ses spécificités, notamment le rôle joué par les autorités coutumières et la reconnaissance de droits d’usage collectifs dans la forêt.

S’agissant de la prévention du « biopiratage », la commission a modifié la procédure prévue pour l’accès aux ressources génétiques, afin de mieux partager la responsabilité de leur affectation entre conseil régional et conseil général de Guyane.

Par ailleurs, compte tenu des engagements que vous avez pris, madame la ministre, d’engager une réflexion sur la préservation des rares espaces naturels existant encore en milieu urbain – je pense à Rueil-Malmaison – la commission a maintenu la suppression de l’article 11 ter relatif aux parcs naturels urbains. Elle a confirmé, dans le même temps, les dispositions relatives aux parcs naturels régionaux introduites par le Sénat, qu’il s’agisse de la faculté de proroger la validité de la charte en cas de changement de circonstances de droit ou de fait, du régime indemnitaire applicable aux syndicats mixtes les gérant ou de la possibilité de confier à ces derniers l’élaboration d’un SCOT. Elle a donc pris acte de l’élargissement du titre du projet de loi qui est désormais dévolu aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins mais aussi aux parcs naturels régionaux, tout en souhaitant que la dimension emblématique des parcs nationaux ne soit pas occultée.

Enfin, la commission a souligné son attachement au maintien d’une procédure nationale de recrutement des gardes-moniteurs, tout en reconnaissant la nécessité de mieux valoriser les connaissances de terrain des populations locales.

Le présent projet de loi assure un équilibre entre le renforcement de la protection des parcs nationaux et la démocratisation de leur fonctionnement. Je souhaiterais vivement que le consensus que j’ai pu observer tant en première lecture qu’au Conseil national de la protection de la nature qui commence à émettre un avis sur les projets de décret et où l’unanimité s’est fait jour à trois ou quatre abstentions près, puisse prévaloir encore aujourd’hui. Cela donnerait une force et une légitimité supplémentaire à ceux qui, demain, sur le terrain devront appliquer cette réforme.

Mes chers collègues, un vote unanime célébrerait l’un des éléments les plus emblématiques de la conscience nationale : nos territoires d’exception. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission mixte paritaire.

M. Patrick Ollier, président de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues un consensus s’est fait jour entre le Sénat et l’Assemblée nationale et, comme l’a indiqué le rapporteur, il y a eu, sur tous les bancs de cette assemblée, une volonté de parvenir à un texte équilibré.

Un accord a été très facilement trouvé en commission mixte paritaire, et je tiens à remercier l’ensemble des groupes politiques pour avoir eu une attitude responsable au-delà des clivages traditionnels, et avoir manifesté une réelle volonté d’œuvrer à la protection de notre environnement. Ils se sont en cela inscrits dans la droite ligne du chemin que vous avez montré, madame la ministre, avec beaucoup de courage et de clairvoyance, afin de régler une affaire en suspens depuis quatorze ans.

Celle-ci a eu pour point de départ une expérimentation que j’avais lancée lorsque j’étais président du parc national des Écrins dans les Hautes-Alpes. Nous avons essayé de convaincre une administration qui ne voulait pas céder – M. Giran, président du parc national de Port-Cros peut en témoigner.

Madame la ministre, je tiens à remercier vos collaborateurs qui ont fait preuve d’ouverture, de disponibilité, d’objectivité et de responsabilité. Ils nous ont aidés à trouver les voies d’un accord permettant d’adapter les parcs nationaux à la décentralisation, de tenir compte avec plus de réalisme des problèmes de terrain et de se lancer dans des opérations tout à fait officielles et organisées de mise en réseau international. J’apprécie beaucoup que nous ayons pu créer une entité fédérant l’ensemble des parcs nationaux de France. J’espère que nous serons à la pointe de cette mise en réseau sur le plan international.

M. le rapporteur Giran, avec son expérience en tant que président du prestigieux parc de Port-Cros a apporté sa note personnelle avec beaucoup de compétence et de pugnacité. Je tiens à lui rendre hommage, les rapporteurs ayant un rôle très important dans l’élaboration de la loi.

Je rappelle que le statut des parcs nationaux date de 1960 ; il était donc temps de l’actualiser. Jusqu’à présent, la logique de fonctionnement était trop administrative. Aujourd’hui, nous allons répondre à l’aspiration légitime des populations concernées sur le terrain par la mise en place de ces parcs nationaux, sans lesquelles le parc ne pourrait pas vivre ni prospérer. Il leur appartient maintenant de s’adapter aux temps nouveaux et de faire en sorte que, grâce à des partenariats rendus possibles par des chartes, ces parcs ne soient plus imposés de Paris mais bien acceptés sur le terrain.


C’est toute l’ambition de ce texte, et je vous remercie, madame la ministre, de l’avoir faite vôtre et de nous avoir aidé à la mettre en œuvre.

S’agissant des suites à donner, il faut, compte tenu des problèmes causés par l’entrée en vigueur des lois, que les décrets d’application sortent très vite. Je souhaite que vous ayez à cœur de les publier au plus tôt car ils revêtent une importance cruciale pour l’avancement de plusieurs projets, notamment à La Réunion, en Guyane et même dans les calanques. Le combat de notre ami Guy Teissier pour un parc d’un nouveau type nous ouvre des perspectives différentes.

Je n’irai tout de même pas jusqu’à dire que son approche est la même que la mienne en ce qui concerne les parcs naturels urbains. À cet égard, je tiens à remercier notre rapporteur, M. Giran, d’avoir cité une ville qui m’est chère, Rueil-Malmaison. Je me bornerai à déclarer que l’amendement que j’ai déposé et que votre commission a bien voulu adopter n’avait d’autre but que de lancer un signal. Il faut comprendre que, dans certaines villes, il est encore temps, au-delà des documents d’urbanisme traditionnels, de prendre des prescriptions particulières dans le cadre de procédures claires et rigoureuses. Il s’agit là, vous l’aurez compris, surtout d’une œuvre de pédagogie. Le Parlement et le Gouvernement doivent faire prendre conscience aux populations de la nécessité d’une action d’ensemble pour protéger les espaces naturels de manière irréversible. La notion de parc naturel urbain me semble être un outil adapté.

Je vous remercie, madame la ministre, de m’avoir entendu et je n’en veux pas à mes collègues sénateurs d’avoir repoussé mon amendement. Je n’ai pas essayé, en tant que président de la CMP, de le rétablir car je pense que le signal a été bien reçu. Je souhaite seulement que le groupe de travail qui doit être mis en place se réunisse rapidement. Sachez, madame la ministre, que j’ai totalement confiance dans votre action dans ce domaine.

Un mot enfin sur l’emploi. Nous nous sommes tous battus pour faire en sorte que l’expérience de terrain soit prise en compte dans l’examen des candidatures à la fonction de garde-moniteur des parcs nationaux. Il s’agit d’une disposition essentielle pour passer, comme je l’ai dit, du parc imposé au parc accepté. Il faut à tout prix faire bouger les normes nationales rigides qui imposent toujours et partout l’uniformité à des gens aux modes de vie différents, plus ou moins réceptifs à des règles édictées de Paris et qu’ils sont trop souvent habitués à subir.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission. La reconnaissance de l’expérience des territoires rendra l’espérance à tous ces jeunes qui cherchent des emplois. Il y a là incontestablement une voie qui s’ouvre à eux dans les hautes vallées de montagne qui se désertifient, mais dont les habitants ont envie de rester, de vivre au pays, mais sont obligés de partir faute de trouver un emploi sur place. Grâce à cette disposition, quelques jeunes pourront rester.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je vous remercie également d’avoir été la ministre qui aura mis ce projet en œuvre. Vous avez permis que ce qui a été préparé devienne aussitôt que possible réalité. Grâce à ce texte, les parcs nationaux vont entrer dans une phase de modernisation, à la satisfaction de chacun, sur tous les bancs de l’Assemblée. Soyez-en remerciée, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie et du développement durable.

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je me réjouis que le travail accompli par la commission mixte paritaire ait parfaitement complété le travail de très haute qualité mené, comme vous l’avez souligné, dans un climat serein et constructif, tant à l’Assemblée nationale les 30 novembre et 1er décembre 2005, qu’au Sénat fin janvier.

Dès mon discours de présentation du projet de loi, j’avais appelé de mes vœux un tel climat de travail, en rappelant que les parcs nationaux appartiennent à un patrimoine qui nous est commun, au-delà des clivages politiques ; et que ce qui nous rassemble au service de la préservation et de la gestion de ces espaces exceptionnels doit être plus fort que ce qui nous divise. Si l’enjeu de nos débats était notre vision de l’essentiel et de l’avenir, nous devions nous engager sans doute avec passion, mais aussi avec mesure et respect. Je m’étais déclarée attentive à tout ce qui pouvait nous unir au service d’un intérêt supérieur et prête à améliorer le projet du Gouvernement.

Vous avez devant vous une ministre pleinement satisfaite car le débat a répondu entièrement à ses vœux. Vous avez apporté la démonstration convaincante qu’un débat parlementaire serein, conduit de toutes parts dans un esprit constructif, peut enrichir et conforter un projet que le Gouvernement a mûri en s’inspirant d’un excellent rapport rendu au Premier ministre par un parlementaire en mission. La qualité des contributions et des échanges, et la hauteur de vue de vos débats ont largement contribué à ce succès.

Je tiens à remercier tout particulièrement et au premier chef le rapporteur, Jean-Pierre Giran, qui a fait preuve, tout au long du débat, d’une passion communicative alliée à une vision claire et exigeante. En même temps, il s’est appuyé sur sa grande expertise découlant des investigations qu’il a menées dans le cadre de sa mission et de son expérience de président du conseil d’administration du parc national de Port-Cros et de président du collège des présidents de conseil d’administration de parc national.

Je sais que M. Giran regrette de n’avoir pas été suivi par le Gouvernement sur la question des pouvoirs réglementaires en mer. Je tiens cependant à l’assurer que les représentants de l’État en mer, qui se sont montrés extrêmement attentifs à notre débat, ont bien compris le niveau d’exigence, notamment en termes de réactivité aux sollicitations du parc, et qu’ils apporteront leur concours plein et entier au service de l’ambition d’excellence du parc national de Port-Cros.

Saluons également M. le président de la commission des affaires économiques, M. Patrick Ollier qui a très brillamment mobilisé au service du débat ses intuitions, son expérience et ses convictions d’ancien président du parc national des Écrins et d’ancien président du collège des présidents de conseil d’administration, en même temps que ses talents incontestables et incontestés de président de commission et d’orateur.

Je sais que vous regrettez, monsieur le président Ollier, s’agissant de votre proposition de parc naturel urbain, de ne pas avoir été suivi par le Gouvernement. Sans doute est-ce le propre des visionnaires que de se heurter à la nécessité de prendre le temps de l’expertise et de convaincre ses partenaires. Je puis vous assurer que je n’oublie pas votre suggestion et que je vous donnerai rapidement les moyens de chercher à me convaincre.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Merci, madame la ministre.

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Je veux aussi remercier l’ensemble des auteurs d’amendement et des orateurs, de toutes sensibilités politiques, qui ont su confronter leurs analyses de façon sereine et constructive pour dégager ensuite une ligne politique claire, prospective et ambitieuse que le Gouvernement aura à cœur de traduire dans la vie des parcs nationaux, des parcs naturels marins et des parcs naturels régionaux.

En définitive, nous avons abouti à un texte de grande qualité et je me réjouis qu’il puisse être voté aujourd’hui. Je regrette autant que vous le retard pris par l’adoption définitive du texte issu de la commission mixte paritaire, mais je tiens à vous rassurer sur les intentions du Gouvernement. Il veut aller très vite, et même exceptionnellement vite, dans la publication des décrets d’application. À ma demande, mes services ont d’ores et déjà élaboré des projets de décret et la consultation des divers partenaires concernés a commencé aussitôt connu le texte adopté par la commission mixte paritaire.

Ainsi, la première réunion de travail, d’ailleurs positive, sur le projet de décret d’application sur les parcs nationaux a eu lieu le 8 mars 2006 avec le comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’UICN. Il est en effet de la plus haute importance de vérifier l’adéquation du projet de décret sur les parcs nationaux français avec les règles et standards internationaux.

Je suis par ailleurs particulièrement heureuse de vous informer que les deux projets de décret sur les parcs nationaux et sur les parcs naturels marins ont été examinés le 13 mars, lors d’une première réunion avec l’ensemble des ministères concernés, et le 23 mars par le Conseil national de protection de la nature. M. Jean-Pierre Giran, qui siège de droit dans ce dernier conseil en tant que représentant des parcs nationaux, a pu constater à cette occasion que l’esprit de consensus qui a prévalu dans vos débats sur le projet de loi s’étendait aux discussions sur les projets de décret.

Par ailleurs, une première version du projet de décret sur les parcs naturels régionaux a été soumise à la concertation le 24 mars.

Ce calendrier serré doit permettre au Gouvernement de publier les décrets d’application de la loi au tout début du mois de juillet. Ils offriront une base juridique ferme et stabilisée pour organiser les enquêtes publiques concernant les projets de parc national des Hauts de la Réunion et de parc amazonien en Guyane, sachant qu’entre-temps, le travail préparatoire aura, pour chacun d’entre eux, été poursuivi en lien très étroit avec les élus.

Je suis enfin heureuse de vous informer que le Premier ministre a signé le 13 mars l’arrêté de prise en considération du parc amazonien de Guyane et que cet arrêté a été publié le 14 mars au Journal Officiel.

Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie encore vivement pour votre contribution extrêmement positive et pour le climat serein qui a prévalu au cours des débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer mon collègue et ami Jean Lassalle qui avait été le brillant porte-parole de l’UDF sur ce texte.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Et ancien président du parc régional des Pyrénées !

M. François Rochebloine. Il a choisi de s’engager aujourd’hui dans un autre combat avec tout autant de passion. Je tiens ici à saluer son engagement au service d’une cause juste, son courage et sa détermination dans sa lutte pour défendre la vie de sa magnifique vallée, au risque de mettre la sienne en danger. Je souhaite et j’espère qu’une solution sera trouvée très rapidement.

Bien que le contexte de son choix soit tout autre, je ne peux m’empêcher néanmoins de faire le lien entre son combat et son travail sur ce texte sur les parcs nationaux. Il s’agit finalement dans les deux cas de défendre ce qu’il appelle son « coin », de défendre les gens qui l’habitent et le façonnent. Tel est bien l’objectif de la création d’un parc national : les règles qui y sont appliquées doivent permettre la sauvegarde de sites magnifiques et la préservation de modes de vie particuliers.

Nous tenons donc à remercier les efforts du Gouvernement pour sauvegarder un patrimoine si fragile. Nombreuses sont les mesures du texte qui visent à la préservation et à la mise en valeur des parcs, que ce soit en fixant des objectifs à atteindre ou en réglementant les travaux et les activités. Les efforts qui sont demandés et qui sont faits doivent être tout entiers tournés vers la zone protégée, le « cœur » du parc. Grâce à ces mesures, les mentalités évoluent peu à peu et les hommes peuvent alors recréer, ou renforcer le lien qu’ils entretiennent avec leur environnement, avec la nature. Ils sont désormais plus prompts et mieux armés pour la préserver.


Évoquer les parcs nationaux, c’est immédiatement songer à la nature sauvage des États-Unis et à John Wayne chevauchant à travers des paysages magnifiques dans La Prisonnière du désert. Pour autant, il ne faudrait pas oublier les hommes qui y vivent et qui concourent à l'existence, au développement et à l'enrichissement d’un environnement qui nous fait rêver.

Au cours des débats, le groupe UDF a rappelé combien, à ses yeux, il était important de prendre en considération le plan local, même pour un parc dit « national », et ce d’un triple point de vue : environnemental, évidemment, démographique et économique. L'une des raisons d'être du projet de loi était d’ailleurs de répondre au sentiment de frustration des élus et de la population, auxquels l’organisation actuelle des parcs nationaux donne trop souvent l’impression d’être dépossédés de leur territoire, du fait qu’elle ne leur laisse que peu de place, alors même qu'ils sont les principaux acteurs de la gestion quotidienne de ces magnifiques espaces. Non sans pertinence, Jean Lassalle nous a dit un jour qu'il ne lui viendrait pas à l'idée de demander des comptes au maire de Paris sur ce qu'il fait pour entretenir l'Arc de Triomphe et la Tour Eiffel !

Ce texte vise donc à toiletter les dispositions législatives, déjà anciennes puisqu’elles datent de 1960, sur lesquelles repose l'organisation des parcs, en les adaptant, notamment, à la réalité.

Les hommes, entend-on dire souvent, salissent, gâchent ou détruisent : or les hommes savent aussi créer, mettre en valeur et protéger. Il faut faire confiance aux populations locales, qui aiment les espaces où elles vivent et sont prêtes à faire beaucoup pour les défendre.

Voilà pourquoi le groupe UDF, et plus particulièrement Jean Lassalle, ont défendu trois idées allant en ce sens. Tout d'abord, les parcs créés doivent rester à taille humaine. Permettre la création de parcs trop grands nuirait à la cohérence de l’action, et donc à son efficacité, puisqu’il deviendrait nécessaire d’arbitrer entre des intérêts trop divergents qui finiraient par ignorer les nécessités. L'identification au territoire protégé est à ce titre une variable primordiale pour sa défense et sa promotion. C’est pourquoi nous nous réjouissons vivement que l'amendement sénatorial prenant en compte la « continuité géographique » des communes pour leur participation à l'aire d'adhésion ait été retenu dans la rédaction finale du texte. Bien que son utilité diffère de celle du cœur du parc, la zone d'adhésion doit être entièrement tournée vers celui-ci et donc regrouper des populations conscientes de ses besoins.

Il s’agit, en suite, de prendre en considération la vie des populations locales en conciliant la création des parcs nationaux et le maintien de la présence active de l'homme. À cette fin, des conditions de vie décentes doivent être assurées aux populations et aux acteurs locaux qui y résident. À moins d’être conçus comme autant de sanctuaires contribuant à l’exode des populations et à l’abandon par l’homme de ces beaux espaces, les parcs nationaux peuvent être des outils au service d'un plus grand dynamisme en matière d'économie et d'emploi qu’il convient à la fois d’encourager et d’encadrer. Si la beauté n'existe que dans le regard que les hommes portent sur elle, il s’agit d’instaurer un cercle vertueux : les parcs doivent permettre la création d'emplois directs et indirects, ces derniers en attirant de nouvelles populations. À ce titre, nous nous réjouissons de l’inscription dans la loi de la représentation des habitants au sein du conseil d'administration : c’est une bonne mesure qui contribuera à entrer dans ce cercle vertueux.

Enfin, le rôle des élus locaux doit être vivement soutenu puisqu’ils sont, avec les habitants, les mieux à même, en prenant des décisions efficaces, d'apporter des solutions utiles aux populations qu'ils administrent et à l’environnement qu’ils protègent. Il convient donc de renforcer leur rôle, notamment l'initiative dont disposent les collectivités locales dans la conclusion de contrats avec les entreprises des communes et visant à les associer à la mise en œuvre des orientations de la charte, en particulier si ces collectivités se sont organisées en vue de développer des partenariats avec les parcs. Dans cette volonté d'associer vie des parcs et développement local, nous avions déposé des amendements qui allaient un peu plus loin que le texte. Ils n'ont malheureusement pas été retenus et nous le regrettons. Toutefois le projet de loi va dans le bon sens. C’est pourquoi nous le soutiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président de la commission mixte paritaire et M. Jean-Pierre Giran, rapporteur de la commission mixte paritaire. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains

M. Jacques Desallangre. Chacun va chercher ses exemples dans des régions différentes. François Rochebloine a évoqué John Wayne : j’évoquerai, quant à moi, les ours slovènes. Il y a peu, en effet, madame la ministre, vous avez annoncé la réintroduction prochaine de cinq plantigrades slovènes dans les Pyrénées. Cette décision a soulevé l’hostilité d’une large partie des habitants des vallées concernées, à commencer par celle des bergers, légitimement inquiets pour leurs troupeaux, en raison de l’appétit vorace des ours. Le débat suscité par cette décision est assez significatif de la façon dont, après deux siècles d’un développement économique particulièrement dévastateur pour notre environnement, on cherche à concilier le respect de celui-ci, notamment la protection volontariste de la biodiversité, et l'encouragement au développement des activités humaines.

C’est donc bien dans le cadre d’un équilibre difficile à trouver que se situe notre débat sur la réforme du statut des parcs nationaux et des parcs naturels marins.

Les parcs nationaux, qui ont été créés en 1960, recouvrent aujourd'hui à peine 0,01 % du territoire, pour l’essentiel des zones montagneuses exceptionnelles par la richesse de leur faune et de leur flore, leur beauté, leur histoire et leur originalité. Ils ont incontestablement rempli la mission pour laquelle ils ont été créés : préserver certaines zones du bétonnage ou des dégradations diverses qui les menaçaient. Toutefois, il est évident que le cadre législatif de 1960 ne correspondant plus aux réalités d'aujourd'hui, un véritable toilettage était devenu nécessaire, d’autant plus que d’autres régions, souhaitant créer des parcs nationaux, voient aujourd'hui leur projet de facto bloqué. De plus, la loi de 1960 n'est pas exempte de certains travers, puisqu’elle a, non seulement, occulté la dimension culturelle des territoires protégés mais, plus largement encore, parfois contribué à construire d’en haut les parcs nationaux, c'est-à-dire sous la seule impulsion de l'État sans prendre suffisamment en considération les revendications diverses des habitants des régions concernées et de leurs élus. Si, avec le temps, la greffe a pris, il convient néanmoins de réduire les réactions de rejet qui surviennent parfois. C'est bien pourquoi nous ne contestons pas, madame la ministre, l'opportunité du projet de loi.

Au cours de la discussion parlementaire, une de nos principales interrogations a été levée : elle portait sur la distinction entre le cœur des parcs et son aire d'adhésion, qui a été bien précisée.

Nous approuvons évidemment la création de chartes de parcs nationaux, qui favoriseront l'implication des élus dans la vie du parc et la prise en considération de leurs revendications. Elles renforceront la dimension humaniste des parcs nationaux sans permettre toutefois, puisqu’elles relèveront d’une autre logique juridique, que soit dénaturé l’esprit initial des parcs, à savoir la préservation d’un environnement exceptionnel.

Cela dit, certaines des interrogations que nous avions lors du dépôt du projet à l’Assemblée nationale subsistent encore. La principale porte sur la composition des conseils d'administration des parcs nationaux.

Cette question fondamentale est en partie renvoyée à l'article 6 et aux décrets de création des parcs nationaux. Le projet de loi précise simplement que les administrateurs représentant les collectivités territoriales et ceux choisis pour leur compétence locale détiennent la moitié au moins des sièges du conseil d'administration.

Il s'agit là d'une décentralisation tacite qui n'est pas sans danger : le renforcement du poids des élus locaux dans le conseil d'administration des parcs comporte en effet un triple risque : celui, tout d’abord, de fragiliser leur dimension d'intérêt national ; celui, ensuite, d’entraîner un déclassement des parcs dans l'échelle de classement de l'UICN – l’Union mondiale de la nature – ; celui, enfin, en donnant aux représentants des intérêts locaux la majorité dans les conseils d'administration, de conduire à un effacement de l'objectif premier : la protection d'espaces naturels exceptionnels.

Il ne convient pas, en effet, d’oublier combien les pressions sont fortes, parfois, pour remettre en cause le patrimoine que les parcs nationaux représentent. Ils sont souvent situés à l'interconnexion de grands massifs, donc de grands domaines skiables potentiels – situation qui doit être particulièrement prise en considération en cette période de recul de l'enneigement et donc de perte d'attractivité des stations de faible altitude.

La lourde responsabilité que le projet de loi confie aux élus locaux doit également être mise en perspective avec la politique de rationnement budgétaire des parcs poursuivie par le Gouvernement. Nous sommes en droit de nous interroger : la plus grande décentralisation opérée par le projet de loi n'est-elle pas aussi la conséquence du désengagement financier de l’État ?

Tels sont les aspects du projet de loi qui suscitent nos plus vives inquiétudes et expliquent que les députés communistes et républicains s’abstiendront.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire

M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le paradoxe – mais en est-ce vraiment un ? –, c’est qu’en raison même de l’importance de son enjeu, le projet de loi, loin de soulever un débat difficile, a suscité un dialogue constructif. On ne pouvait rêver d’un débat plus fructueux, que ce soit entre nous, dans cet hémicycle, ou entre les deux assemblées. Sans doute le devons-nous à la fois à la qualité des hommes qui y ont participé, à la qualité du texte lui-même et à la grande expérience du rapporteur et du président de la commission, en matière de gestion des parcs nationaux. Ils ont pu nous aider à baliser les difficultés et à trouver des équilibres intelligents, dans l’intérêt de la nouvelle législation.

Nous ne partons assurément pas de rien : le texte fondateur de 1960 a permis la constitution d’un réseau important de parcs nationaux. Toutefois, le Gouvernement avait pu observer que depuis longtemps, en France, aucun nouveau parc national n’avait été créé, ce qui est le signe de difficultés réelles à surmonter.

Le monde a changé, chacun le sait, depuis 1960. Tout d’abord, la décentralisation, engagée depuis vingt ans, et qui n’est toujours pas terminée, a constitué un véritable choc dans notre appréhension de la gestion de la vie locale – que le projet de loi a su prendre en considération. Ensuite, la gouvernance a changé, même si elle n’a pas encore atteint ce point de perfection que tous nous souhaitons, sous la forme d’une démocratie participative appelée, sinon à se substituer à la démocratie représentative, du moins à la compléter. Enfin, nous avons tous pris conscience que la conservation de la biodiversité était devenue, depuis 1960, sous le poids de la nécessité, un enjeu majeur. Certes, la mise en œuvre par le Gouvernement de la stratégie de la biodiversité y a eu sa part, mais cette prise de conscience a surtout été progressive : il suffit d’évoquer Rio de Janeiro ou Johannesbourg. La conscience écologique n’est plus aujourd'hui l’apanage d’un parti politique : elle traverse l’ensemble de la société, entraînant un nouveau regard sur les parcs nationaux et la nécessité d’une nouvelle législation. Il était, par ailleurs, nécessaire d’agir outre-mer, où le besoin impérieux de création de parcs nationaux se fait sentir.

Telles sont donc, brièvement résumées, les raisons ayant conduit à ce projet de loi. Le débat auquel il a donné lieu, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, en commission comme dans l’hémicycle, a permis de parvenir, comme l’a rappelé notre rapporteur, à un véritable consensus entre nos deux assemblées, laissant à la commission mixte paritaire le soin d’améliorer la rédaction finale du texte – telle est sa mission – sans achopper sur de véritables divergences.

Nous sommes passés aujourd'hui du parc imposé au parc accepté. Gageons que les décrets d’application sortiront rapidement, permettant, grâce à l’effort que nous avons tous accompli, la création en France de nouveaux parcs. Ils constituent en effet, madame la ministre – d’autres l’ont dit avant moi –, un élément essentiel de notre patrimoine national, auquel nos compatriotes sont très attachés.


Je suis très sensible, par ailleurs, aux propos de M. le rapporteur au sujet de la création d’un établissement des « Parc nationaux de France », qui fédérera les politiques menées et permettra à la France de participer aux réseaux internationaux. Il est en effet fondamental, à mes yeux, que la France témoigne de son action. Nous ne devons pas oublier que notre pays est celui qui a inscrit une charte de l’environnement dans sa Constitution ; aussi, en la matière, ne devons-nous pas avoir peur de porter un message fort, à vocation universelle, comme nous l’avons fait pour les droits de l’homme.

La deuxième partie du texte nous tient à cœur, même si, bien sûr, les dispositions relatives aux parcs nationaux sont essentielles. Je fais allusion ici aux questions maritimes, moins connues du grand public qui a du mal à imaginer ce qu’est un parc naturel marin. Autant on se représente facilement un parc naturel terrestre, avec par exemple ses montagnes – songeons à la vivante évocation de notre collègue Jacques Desallangre à propos des ours –, autant tout ce qui touche à la mer se révèle plus complexe tant il est vrai, notamment, que les poissons, par définition, restent sous l’eau et que les mammifères marins ne nous sont guère plus visibles. De plus, on associe en général la mer à l’infini, sa perception s’en révélant d’autant plus difficile.

Ainsi le Gouvernement a proposé la création de parcs naturels marins, outils de protection très pertinents. Cette proposition a été unanimement adoptée à quelques réserves et quelques améliorations près, du reste pas décisives. Par ailleurs, et j’y suis sensible, le Gouvernement a accepté d’aller dans le sens que j’avais personnellement proposé, en instaurant, sur le modèle de l’établissement public des parcs nationaux, un outil de cohérence avec l’agence des aires maritimes protégées. Permettez-moi de profiter de l’opportunité qui m’est offerte pour en dire un mot afin d’enfoncer le clou.

La France, c’est 11 millions de kilomètres carrés d’espaces maritimes – c’est-à-dire, dans la zone économique exclusive, vingt fois la surface de son territoire métropolitain – qui renferment un potentiel, une richesse patrimoniale colossale méconnue, à savoir 60 % de la biodiversité. De surcroît, ce patrimoine couvre toutes les latitudes, tous les océans et borde tous les continents.

Aussi était-il légitime que la France, deuxième puissance maritime du monde, se dote d’un outil qui lui permette de mettre en cohérence ses politiques maritimes de protection. Aujourd’hui, 0,0001 % des 11 millions de kilomètres carrés évoqués sont protégés, c’est-à-dire presque rien. Nous adoptons donc un dispositif grâce auquel la France, tout en gérant mieux son patrimoine, pourra satisfaire ses engagements internationaux, qu’il s’agisse de la convention de Rio ou des accords conclus à l’issue des différents sommets de la Terre.

Ce dispositif permettra dans le même temps à la France de participer au réseau international des aires maritimes protégées. Ainsi nous mettrons en réseau les réserves naturelles, le domaine public maritime quand il aura été affecté au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, les aires de protection définies par les arrêtés de biotopes marins, la partie maritime des parcs régionaux. Afin de rendre cette politique cohérente, j’espère la création la plus rapide possible de parcs naturels marins, certains projets devant sortir des tiroirs où ils se trouvent.

À ce sujet, madame la ministre, vous n’avez pas dit grand-chose à propos des décrets d’application. Permettez-moi de compléter l’information de mes collègues en leur indiquant que, si mes renseignements sont bons, un décret est en cours d’élaboration sous l’égide d’une commission nationale de concertation, mise en place récemment au travail intéressant et fructueux de laquelle votre administration m’a fait l’honneur de participer. Nous semblons donc avancer dans la bonne direction.

C’est donc avec une grande satisfaction que le groupe UMP que je représente à cette tribune, après un travail législatif très positif, votera le projet de loi et se trouvera, madame la ministre, à vos côtés et aux côtés de votre administration pour que son application soit un nouveau succès pour le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, dernier orateur inscrit, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons ce matin pour adopter les conclusions du rapport de la commission mixte paritaire, chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins, après le vote du Sénat le 14 mars 2006.

Est-il utile de rappeler que ce texte, déposé le 26 mai 2005 sur le bureau de l’Assemblée nationale, pour lequel le Gouvernement a déclaré l’urgence, a été examiné par les sénateurs deux mois après l’avoir été par les députés, que la commission mixte paritaire n’a été réunie que trois semaines plus tard, et que notre assemblée ne statuera définitivement qu’aujourd’hui 30 mars 2006.

Il se sera donc écoulé quatre mois entre ces deux délibérations, temps relativement long qui ne peut que nous conduire à nous interroger sur le bien-fondé, dans le cas présent, du recours à la procédure d’urgence. Procédure que je veux dénoncer car elle nous prive des possibilités de débattre et d’amender le texte qu’une deuxième lecture nous aurait offertes.

Je voudrais en revanche me féliciter du climat empreint de sérénité qui a présidé à nos travaux. J’ai d’ailleurs déjà eu l’occasion, lors de la première lecture de ce texte, de saluer le travail constructif réalisé sous l’impulsion du rapporteur Jean-Pierre Giran, qui a montré son grand intérêt pour la protection de la nature et qui a manifesté le souci d’associer l’opposition à l’élaboration de cette loi. Nous devons aujourd’hui reconnaître que nombre des craintes que le projet suscitait chez les élus et les acteurs de la protection de la nature ont été en grande partie levées.

Je souhaite, pour ma part, relever les dispositions permettant l’appropriation du parc par les populations locales grâce à la création d’une aire d’adhésion et à la mise en œuvre d’une charte qui traduira un vrai projet de territoire.

Le rôle du conseil scientifique va être renforcé puisque ce dernier devra être consulté dans son ensemble pour les travaux importants projetés dans le parc national, qu’il s’agisse des espaces terrestres ou maritimes.

Le projet prévoit la création d’un conseil d’administration représentatif et équilibré dans lequel nous retrouverons des représentants de l’État, des représentants des collectivités territoriales, mais aussi des membres choisis, certains pour leur compétence nationale, d’autres pour leur compétence locale, parmi lesquels figureront des représentants des associations de protection de l’environnement, des propriétaires, des habitants et des exploitants, des professionnels et des usagers.

La procédure de désignation du directeur sera plus démocratique, puisque le ministre le nommera sur une liste de trois noms arrêtés par un comité de sélection paritaire, présidé par le président du conseil d’administration et soumise pour avis à ce conseil.

À l’article 14 bis A, le Sénat a prévu de diversifier les modes de recrutement des agents des parcs nationaux, l’expérience et les connaissances du patrimoine naturel, culturel et paysager devant être prises en compte.

Grâce à la compréhension des deux rapporteurs, figure désormais dans le texte un chapitre sur les parcs naturels régionaux précisant le contenu de la charte de parc naturel dont la validité est portée de dix à douze ans. L’organisme de gestion du parc naturel régional émettra un avis sur l’élaboration ou la révision des documents de planification, d’aménagement et de gestion des ressources naturelles qui le concernent. Sont également fixées les conditions dans lesquelles le syndicat mixte d’un parc naturel régional exercera ses compétences dans l’élaboration, le suivi et la révision d’un schéma de cohérence territoriale.

Enfin, lors de votre communication en conseil des ministres le 25 novembre dernier sur la mise en œuvre de la stratégie nationale pour la biodiversité, vous avez annoncé, madame la ministre, que deux mesures fiscales seraient étendues des sites Natura 2000 aux zones centrales des parcs nationaux, réserves naturelles, sites classés et espaces naturels remarquables du littoral. Il s’agit, d’une part, de la déduction des revenus fonciers des dépenses de travaux de restauration et de gros entretien à visée écologique et paysagère, et, d’autre part, de l’exonération de trois quarts des droits de mutation sur les successions et donations entre vifs, afin d’inciter les propriétaires à une gestion sur le long terme préservant la biodiversité.

Toutefois, comme lors du débat en première lecture, je souhaite vous faire part de mes réticences au sujet du nouvel outil de gestion des espaces maritimes : le parc naturel marin dont l’objet est de permettre la création d’aires marines protégées.

En effet, je ne comprends toujours pas pourquoi sa création se révèle nécessaire alors qu’existent déjà différents outils de protection comme les zones de protection écologiques, les zones de cantonnement, les arrêtés de biotopes marins, les réserves naturelles marines et les parcs nationaux.

Selon nous, le parc naturel marin constituera un outil réglementaire très centralisé difficile à mettre en œuvre. C’est pourquoi nous continuons de penser qu’il ne s’agit que d’une mesure d’affichage et nous craignons fort qu’il ne faille attendre très longtemps la création du premier parc naturel marin.

Personnellement, je me réjouis de constater que, dans sa grande sagesse, le Sénat a pris la décision de supprimer le chapitre sur les parcs naturels urbains.

M. Patrick Ollier, président de la commission mixte paritaire. Eh bien, merci, monsieur Chanteguet !

M. Jean-Paul Chanteguet. S’il est vrai qu’une telle proposition présentait une ouverture vers la protection de la nature dans les communes urbaines, il n’en est pas moins vrai que les espaces verts urbains ont avant tout une vocation récréative et de ressourcement.

De plus, vous l’avez dit, monsieur le président Ollier, les collectivités et leurs groupements, grâce à leurs compétences en matière d’urbanisme, ont les moyens d’assurer, par les PLU et les SCOT, la protection de ces espaces. Les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager auxquelles la protection de la nature et la conservation de la biodiversité seraient ajoutées, constitueraient, elles aussi, un bon outil ; d’ailleurs, certaines collectivités vont dans ce sens en adoptant des Agendas 21.

Le risque de confusion, d’amalgame entre les outils de protection du patrimoine naturel, compte tenu de l’appellation commune « parc naturel », ne peut que nous conduire à rejeter cette proposition. Le risque d’illisibilité est bien trop important : n’entendons-nous pas déjà parler des parcs naturels nationaux ?


Nous reconnaissons tous que ce texte marque de nombreuses avancées. Grâce à lui, plusieurs projets de parcs nationaux devraient aboutir, comme ceux de Guyane et des Hauts de la Réunion. Néanmoins, il importe que le contenu du décret d’application permette le maintien du classement des parcs nationaux français en catégorie II de l’UICN. À ce propos, je note avec satisfaction qu’un projet de décret a déjà été élaboré et qu’il a été soumis pour avis, dans le cadre de réunions de consultation, au comité français de l’Union mondiale de la nature.

Pour autant, à l’instar des associations de protection de la nature, nous ne pouvons considérer que ce texte constitue un élément décisif d’une politique ambitieuse et volontariste de création d’aires protégées. Comme je l’ai indiqué et développé en défendant la question préalable, il manque à la France une véritable politique du patrimoine naturel en faveur de la biodiversité.

Bien sûr, madame la ministre, vous pourrez invoquer la démarche stratégique en faveur de la diversité biologique, lancée par Mme Roselyne Bachelot, et les sept plans d’action sectoriels que vous avez vous-même mis en place en novembre dernier et qui concernent les domaines de l’agriculture, de la mer, du patrimoine naturel, de l’urbanisme, des infrastructures, de l’aménagement du territoire et de l’action internationale. Toutefois, est-il normal que la représentation nationale n’ait pas à débattre de la disparition de la biodiversité, qui constitue pourtant, après le réchauffement climatique, la plus grande problématique environnementale actuelle ?

Enfin, nous ne pouvons passer sous silence la faiblesse et la diminution des crédits consacrés au programme 153, intitulé « Gestion des milieux et biodiversité », du budget de votre ministère : la baisse atteint 17 % sur trois ans pour les parcs nationaux et 19,6 % pour les crédits de paiement des parcs naturels régionaux. Ce n’est pas le maintien au niveau de 2005 des crédits pour les réserves naturelles – eux-mêmes en baisse par rapport à 2004 – qui portera les moyens consacrés par l’État à sa politique de préservation et de gestion des milieux au-dessus des 0,05 % du budget national !

Madame la ministre, le groupe socialiste reconnaît les progrès que comporte ce texte mais tient à dénoncer le manque de mobilisation et d’ambition de nos responsables politiques face à l’érosion dramatique de la biodiversité. Aussi s’abstiendra-t-il.

M. le président. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.

Personne ne demande la parole dans les explications de vote ?...

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Mardi 4 avril 2006, à neuf heures trente, première séance publique :

Questions orales sans débat.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programme pour la recherche :

Rapport, n° 2945, de M. Jean-Michel Dubernard ;

Discussion du projet de loi, n° 2154, autorisant l’adhésion au protocole modifiant la convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes :

Rapport, n° 2301, de M. Guy Lengagne au nom de la commission des affaires étrangères ;

Discussion du projet de loi, n° 2155, autorisant l’approbation du traité sur le droit des marques :

Rapport, n° 2362, de M. Jacques Remiller au nom de la commission des affaires étrangères ;

Discussion du projet de loi, n° 2605, autorisant l’approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel :

Rapport, n° 2875, de M. Bruno Bourg-Broc au nom de la commission des affaires étrangères ;

Discussion du projet de loi, n° 2785, autorisant l’approbation d’accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire :

Rapport, n° 2874, de M. Roland Blum au nom de la commission des affaires étrangères.

(Ces deux derniers textes faisant l’objet d’une procédure d’examen simplifiée en application de l’article 107 du règlement.)

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 2870, modifiant la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense :

Rapport, n° 2920, de M. Jean-Louis Léonard au nom de la commission de la défense et des forces armées.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures cinq.)