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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du vendredi 5 mai 2006

211e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Immigration et intégration

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration (nos 2986, 3058).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 575 à l'article 24.

Article 24 (suite)

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement n° 575.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, mes chers collègues, nous proposons de supprimer l’alinéa 9 de l’article 24.

Nous tenons à dénoncer le caractère cumulatif des quatre conditions mentionnées pour définir les liens que l'étranger peut entretenir avec la France. Non content de cumuler ces conditions, l’ajout du terme "notamment" laisse à penser que les préfectures, chargées d'évaluer ces conditions, auront une marge d'appréciation on ne peut plus arbitraire, donc extrêmement large.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 575.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Nous observons une augmentation rapide du nombre de cartes de séjour temporaire délivrées en raison des liens personnels et familiaux, révélatrice d’une interprétation extensive de l’article 8 de la CEDH et du principe constitutionnel relatif au droit de mener une vie familiale normale.

Pour ces raisons, la commission est défavorable à l’amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 575.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 575.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7.

La parole est à M. Jérôme Rivière, pour le soutenir.

M. Jérôme Rivière. L’amendement n° 7 a pour objet de proposer une nouvelle écriture de l’article L. 313-11-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour préciser la notion d’atteinte disproportionnée.

Le respect dû à la vie privée et familiale tel que prévu par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est déjà très largement garanti par l'ensemble des dispositions du présent code relatives au droit au séjour des conjoints de Français, des parents de Français, des mineurs élevés en France, du regroupement familial et des apatrides. Ce n'est donc qu'à titre purement exceptionnel qu'un étranger qui n'est pas éligible aux autres catégories d'étrangers peut être admis au séjour, peut être recevable à alléguer de l'intensité des tiens tissés avec la France pour justifier que le priver de son droit au séjour reviendrait à porter une atteinte totalement disproportionnée à son droit fondamental de vivre dans le pays où se situe exclusivement le centre de ses intérêts.

Le caractère disproportionné de l'atteinte portée à sa vie privée et familiale ne saurait se déduire de la seule existence de liens de famille en France ou d'une vie privée que chaque individu développe sur le territoire où il vit. Par définition, l'existence de règles juridiques encadrant les conditions d'entrée et de séjour limite la liberté d'individus souhaitant venir s'installer en France, y compris pour venir retrouver des proches. L'existence de ces règles est légalement admise tant par le droit interne que par le droit européen ou international – comme le rappelait tout à l’heure Claude Goasguen –, dans le deuxième alinéa de l'article 8 de la CEDH.

Le caractère excessif qui entache d'illégalité un refus de séjour ne saurait apparaître que s'il est évident que l'atteinte portée aux droits fondamentaux d'une personne est manifestement excessive eu égard aux buts poursuivis par la législation nationale, dont l'objectif de limitation de l'immigration répond notamment à la préservation du bien- être économique et social d'une société, tel qu'énoncé à l'article 8 de la CEDH, qui ne saurait intégrer tous les candidats à l'immigration.

Ce caractère excessif doit donc demeurer exceptionnel et ne peut non plus emporter comme conséquence d'offrir un droit au séjour à des individus qui ont consciemment développé leur vie familiale en France, alors qu'ils s’y savaient déjà en situation irrégulière, leur liberté individuelle ne pouvant dès lors être opposée à l'État. C'est donc seulement dans des conditions très spécifiques, dans lesquelles des individus se retrouveront malgré eux privés de toute attache avec leur pays et ne plus en conserver qu'en France, qu'une dérogation pourra être admise.

Mais la vie privée et familiale en France, supposant que l'on y ait le centre de ses intérêts, suppose également que l'individu ait développé personnellement des liens avec le pays dans lequel il revendique le droit de vivre, ce qui suppose tout à la fois une réelle durée et stabilité de son séjour en France et une adhésion à la communauté nationale créant des liens dont l'intensité devra se révéler par une connaissance satisfaisante de notre langue, qui sera contrôlée par l'administration dans des conditions qui seront fixées par le pouvoir réglementaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. L’amendement que proposent MM. Rivière et Luca vise à renforcer les conditions de délivrance de la carte de séjour « liens personnels et familiaux », de manière à notre avis contraire à la jurisprudence de la CEDH.

M. Patrick Braouezec. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il pose en effet des conditions très strictes à l’exercice du droit de mener une vie familiale normale, alors que le Conseil constitutionnel n’accepte que des limites tenant à l’ordre public et à la santé publique.

Il ne nous semble par exemple pas possible de conditionner le droit au séjour familial par une maîtrise de la langue. C’est contraire à la Constitution et à la CEDH.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Vous nous proposez, monsieur Rivière, une réécriture complète de l’article L. 313-11-7, qui définit les cartes de séjour pour liens privés et familiaux. Cela pose un énorme problème.

En effet, la rédaction proposée par le Gouvernement est équilibrée, j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer précédemment dans la discussion. Elle est, qui plus est, pesée au trébuchet. Elle est conforme à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle est approuvée à la virgule près par le Conseil d’État.

On ne peut donc pas se permettre de dévier en quoi que ce soit de la rédaction initiale car cela ferait prendre des risques importants pour le texte. Il s’agit d’un problème de respect de la vie familiale et de critères d’appréciation.

Je vous demande donc, monsieur Rivière, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Rivière.

M. Jérôme Rivière. Je reconnais volontiers que réécrire totalement l’article L. 311-11-7 peut poser un certain nombre de difficultés, en particulier par rapport à l’interprétation et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. L’amendement s’apparente plutôt à un protocole additionnel à l’article 8 de la CEDH.

Je tenais, à l’occasion de la présentation de cet amendement, à insister sur le sentiment de « tunnel à immigration » que peut donner la transcription en droit français de l’article 8.

Cela dit, je retire l’amendement n° 7.

M. le président. L'amendement n° 7 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 472.

La parole est à M. Jérôme Rivière, pour le soutenir.

M. Jérôme Rivière. Les personnes éligibles au bénéfice du regroupement familial ne sauraient contourner cette procédure pour revendiquer un droit dérogatoire au séjour, sans se soumettre au droit commun qui suppose de satisfaire à des critères relatifs au logement et aux ressources, que le présent projet rend plus exigeants. Il serait au demeurant paradoxal d'admettre le droit au séjour du conjoint ou d'enfants d'un étranger vivant régulièrement en France qui n'ont pas demandé ou obtenu le bénéfice du regroupement familial, alors même que l'article L. 431-3 du présent code prévoit que le titre de séjour de ce dernier peut être retiré – en vertu de la loi de 2003 – pour avoir fait venir son conjoint ou ses enfants en dehors de la procédure de regroupement familial.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je suis d’accord sur le fond. Mais cela me semble déjà figurer dans l’article L. 313-11 du CESEDA.

L’amendement n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, je demande à M. Rivière de le retirer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je me rallie aux arguments du rapporteur et je demande le retrait de l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Rivière.

M. Jérôme Rivière. La commission n’a donc pas eu le temps d’examiner l’amendement. Mais, compte tenu des arguments du rapporteur, je retire l’amendement n° 472.

M. le président. L’amendement n° 472 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 170 rectifié.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

M. Noël Mamère. Il s’agit d’un amendement de repli, qui, comme chacun peut l’imaginer, ne va pas du tout dans le même sens que ceux présentés par M. Rivière. Ce dernier ne se contente pas d’un projet déjà très restrictif et très dur pour les étrangers.

M. Jérôme Rivière. Tout à fait !

M. Noël Mamère. Il veut encore le durcir, ce qui en dit long sur l’état d’esprit d’une partie de l’actuelle majorité.

M. Christian Vanneste. Cela prouve sa richesse !

M. Noël Mamère. Je comprends les difficultés qu’éprouvent MM. le ministre et le rapporteur pour tenter d’expliquer à notre collègue Rivière, à quelques-uns de ses collègues et à une partie de la majorité qu’on ne peut quand même pas aller trop loin et qu’il y a des limites à ne pas dépasser.

M. Christian Vanneste. Vous, vous les dépassez tout le temps !

M. Noël Mamère. L’amendement n° 170 rectifié est un amendement de repli. Il consiste à remplacer les mots « personnels et familiaux » par les mots « personnels ou familiaux », ce qui est plus conforme aux exigences de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Comme l’a reconnu M. Mamère, le remplacement des mots « liens personnels ou familiaux » par les mots « liens personnels et familiaux » élargit considérablement le champ d’application.

L’amendement a été repoussé par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je comprends l’argument de M. Mariani. L’amendement de M. Mamère élargit en effet assez considérablement le champ d’application.

Je vais essayer de démontrer que le mot « ou » va dans le sens de votre philosophie. On ne peut pas englober dans un même « paquet » les liens familiaux et personnels.

Nous pouvons avoir un célibataire ayant créé des liens personnels avec énormément de personnes. Il ne s’agit donc nullement de liens familiaux. Il peut cependant vouloir s’intégrer, participer à la vie de la cité, à celle de notre pays. La dissociation des liens familiaux et des liens personnels permettrait l’intégration de personnes ayant du mal à avoir des liens familiaux.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Rivière.

M. Jérôme Rivière. Je ne peux laisser M. Mamère citer imparfaitement, une fois encore, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Puisqu’il s’en inspire pour essayer de nous donner des leçons de morale, je lui rappelle que cet article évoque le respect de la vie privée « et » familiale.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Cela n’a absolument rien à voir, mon cher collègue, et je ne suis pas ici pour vous donner des leçons de morale.

M. Christian Vanneste. Vous seriez mal placé, d’ailleurs !

M. Noël Mamère. Je suis un représentant du peuple qui essaie de lire objectivement les conventions internationales et de respecter la hiérarchie des normes juridiques. La Convention européenne s’impose au droit français et, lorsque nous discutons d’un projet, veillons au moins à ce qu’il soit conforme aux conventions internationales ! Le contrat nouvelles embauches, que vous avez récemment mis en place, n’est pas conforme aux règles édictées par l’Organisation internationale du travail. D’ailleurs, les conseils de prud’hommes ne s’y sont pas trompés. Celui de Longjumeau a ramené le CNE à sa juste place, celle d’un contrat à durée indéterminée.

Cet amendement vise simplement à permettre à des étrangers demandant une carte de séjour de bénéficier, de la manière la plus normale qui soit, de l’application de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. C’est la raison pour laquelle je le maintiens.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 170 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 576.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Par cet amendement, je propose de supprimer les mots « notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité », dont l’objectivité est, là encore, difficile à mesurer. Si j’admets que l’on puisse apprécier l’ancienneté des liens personnels et familiaux, j’aimerais savoir comment l’on peut juger de leur intensité ou de leur stabilité, à moins d’utiliser une méthode quasi policière. On est dans l’arbitraire le plus total ! Je ne sais pas ce que c’est que l’intensité des liens familiaux. Je peux simplement vous dire que, depuis quatre jours, l’intensité des miens laisse à désirer, et j’espère que cela ne remettra pas en cause leur stabilité !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. M. Braouezec a bien compris ce que signifiaient ancienneté et stabilité. En se référant à l’intensité, on veut mesurer si les liens sont plus forts dans le pays d’origine ou en France. C’est d’ailleurs la jurisprudence de la Cour européenne.

M. Noël Mamère. C’est-à-dire ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je suis d’accord avec les arguments développés par M. Braouezec. En effet, ces critères sont d’un flou total. Ils sont la preuve que vous vous réfugiez derrière l’arbitraire. Ces mots montrent bien que ce texte n’est qu’un bricolage guidé par une idéologie…

M. Jacques Myard. C’est un expert qui juge !

M. Noël Mamère. …qui consiste à faire de l’étranger une sorte de bouc émissaire ou d’indésirable. Que veulent dire « intensité », « ancienneté », « stabilité » ? En fait, on exige des étrangers des vertus que nous n’avons pas forcément nous-mêmes.

M. Christian Vanneste. Parlez pour vous, monsieur Mamère ! Ne faites pas un cas général de vos turpitudes !

M. Jacques Myard. Qui sont nombreuses, publiques et avouées !

M. Noël Mamère. Je sais bien, monsieur Vanneste, qu’il existe, selon vous, une catégorie de Français qui seraient « moralement inférieurs ». Vous avez été condamné très justement par les tribunaux pour l’avoir dit.

M. Christian Vanneste. On verra !

M. Noël Mamère. Quand on voit de tels critères dans ce qui doit devenir une loi de la République, on est en droit de se dire que cette République est bien régressive !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je ne suis pas d’accord avec l’interprétation de M. le rapporteur. En effet, l’alinéa 9 de l’article 24 ne dit pas qu’il s’agit de comparer les liens de l’intéressé avec la France et ceux qu’il a avec la famille restée dans son pays d’origine. On appréciera l’ancienneté, la stabilité et l’intensité des liens en France pour juger de l’intégration, mais seulement « la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine ». Pourquoi ne pas parler de la nature des liens dans les deux cas plutôt que d’introduire des critères aussi subjectifs ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 576.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. Bernard Roman. On vient d’inventer l’amouromètre ! C’est magnifique !

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 261, 577, 578 et 579, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 261 est défendu.

M. Noël Mamère. Je le reprends !

M. le président. Vous ne pouvez le reprendre, monsieur Mamère, puisque j’ai dit qu’il était défendu. Vous n’auriez pu le reprendre que si Mme Boutin avait été là pour le retirer.

M. Noël Mamère. Je peux le défendre, monsieur le président !

M. le président. Non, car vous n’êtes pas cosignataire !

M. Noël Mamère. Je voudrais au moins dire pourquoi je suis d’accord avec cet amendement !

M. le président. Soit ! Vous avez la parole.

M. Noël Mamère. En l’absence de Christine Boutin, je vais lire son exposé sommaire, qui correspond tout à fait à l’esprit des amendements que je défends avec mes collègues du groupe des député-e-s communistes et républicains, du groupe socialiste, et parfois de l’UDF. Mme Boutin défend la même conception que nous de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, puisqu’elle estime que parler de liens personnels « ou » familiaux serait plus conforme au respect de cet article.

Sur les « critères d’appréciation », la prise en compte des conditions d’existence et de l’insertion d’une personne dans la société française ne peut à l’évidence pas concerner une personne qui ne possède pas de titre de séjour. Cela tombe sous le sens. Il paraît que le bon sens est l’une des plus grandes vertus défendues par le ministre de l’intérieur. Eh bien, voilà du bon sens !

Les « conditions d’existence » font référence aux ressources et au logement du demandeur, qui sont par définition instables s’agissant d’une personne dépourvue de titre de séjour, qui n’est pas autorisée à travailler.

L’exigence de l’insertion dans la société française est inapplicable. Non seulement cette notion est tellement floue qu’elle engendrera une interprétation arbitraire, mais encore elle est si difficile à atteindre qu’elle privera l’immense majorité des demandeurs d’un droit au séjour.

L’ajout de ces deux critères rend cette disposition inapplicable et constitue de ce fait une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale.

Quant aux critères qui permettent d’apprécier les liens personnels ou familiaux – intensité, ancienneté, stabilité et nature des liens avec la famille restée au pays –, ils relèvent davantage d’une circulaire que du législatif dans la mesure où ils ne sont pas contraignants. D’ailleurs, je rappelle à M. le rapporteur et à M. le ministre que ces critères apparaissent dans la circulaire d’application du 17 mai 1998, qui est citée dans les circulaires ultérieures d’application de la loi sur l’immigration.

En supprimant ces critères subjectifs, cet amendement vise donc à mieux prendre en compte les attaches personnelles de chacun et ainsi à préserver le droit à la vie privée de toute famille, notamment dans le cadre de la législation européenne concernant les attaches familiales. C’est un bon amendement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir les amendements nos 577, 578 et 579.

M. Patrick Braouezec. Nous avons déposé ces amendements au cas où la commission et le Gouvernement n’accepteraient pas de prendre en considération celui défendu par Noël Mamère, ce qui serait dommage, et au cas où l’Assemblée ne le voterait pas.

M. le président. Elle est libre !

M. Patrick Braouezec. Oui, mais j’ai remarqué que lorsque le rapporteur et le ministre sont d’accord sur un amendement, l’Assemblée le vote systématiquement.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Ce n’est pas très original !

M. Christian Vanneste. Cela s’appelle une majorité !

M. Patrick Braouezec. Certes, j’en conviens !

L’amendement n° 261 visant à supprimer quatre conditions pour la délivrance de la carte de séjour temporaire, nous avons pensé qu’il serait bon de dissocier ces éléments d’appréciation. L’amendement n° 577 tend ainsi à supprimer les mots : «, des conditions d’existence de l’intéressé ». L’amendement n° 578 vise à supprimer les mots : «, de son insertion dans la société française ». Quant à l’amendement n° 579, il a pour objet de supprimer les mots : « ainsi que de la nature des liens avec la famille restée dans le pays d’origine ».

Soyons clairs, subordonner l’attribution de la carte de séjour aux « conditions d’existence de l’intéressé », cela signifie que des personnes en situation difficile, mais qui veulent apporter leur contribution à la vie de notre pays, seront interdites de séjour.

Quant à l’insertion dans la société française, je ne vois pas comment elle peut être démontrée par quelqu’un qui n’a pas de ressources et qui ne peut pas travailler. Cela paraît compliqué. Cet étranger pourra mettre en avant une activité associative, mais cela sera-t-il pris en considération par les préfets ? Je ne suis pas sûr de leur bienveillance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Nous avons des critères de logement et de revenu très stricts et très clairs pour le regroupement familial. Le nombre de CST « vie privée et familiale » délivrées sur le fondement des liens privés et familiaux a fait l’objet d’une dérive incontestable – il est passé de 2 800 en 1998 à 13 000 en 2005 –, car les critères d’attribution étaient totalement flous. Pour éviter tout arbitraire, nous proposons d’encadrer la définition des « liens personnels et familiaux » par des critères que ces amendements tendent à supprimer. La commission est donc défavorable à l’amendement n° 261 de Mme Boutin, défendu par M. Mamère et soutenu par M. Braouezec. Quant aux amendements nos 577, 578 et 579, la commission ne les a pas examinés mais, à titre personnel, j’y suis défavorable puisque ce sont des amendements de repli.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis que la commission, mais je me vois obligé d’apporter quelques précisions.

D’abord, je veux porter à la connaissance de M. Mamère et de M. Braouezec un arrêt du Conseil d’État du 28 juillet 2000 selon lequel l’étranger concerné n’ayant produit aucun document établissant son insertion durable dans la société française, l’arrêté du préfet de police à son encontre n’a pas porté au droit de l’intéressé au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté.

En outre, nous estimons que la rédaction actuelle, très générale, a donné lieu à une jurisprudence fluctuante sur la notion d’atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale.

M. Patrick Braouezec. Pouvez-vous nous traduire cette phrase en langage normal ?

M. Noël Mamère. Tout le monde n’est pas juriste !

M. Patrick Braouezec. Pour moi, ce que vous venez de dire ou rien, c’est la même chose.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Ma conclusion va vous éclairer.

M. le président. Laissons donc le ministre poursuivre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je vous propose de réécouter attentivement cette décision du Conseil d’État relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France.

M. Patrick Braouezec. Avec plaisir.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. « Considérant l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France et vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, après avoir entendu en audience publique le rapport de M. X, maître des requêtes, les conclusions du commissaire du Gouvernement amènent aux considérants suivants », dont je vous épargne la lecture exhaustive, pour ne retenir que celui qui nous intéresse : « qu’il ne produit aucun document établissant son insertion durable dans la société française, qu’il résulte ainsi des pièces du dossier que l’arrêté du préfet de police n’a pas porté, au droit de l’intéressé au respect de la vie privée, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté. »

M. Patrick Braouezec. Très intéressant !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Laissez-moi poursuivre.

M. Patrick Braouezec. C’est délirant !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Votre amendement a pour objet de supprimer les critères d’appréciation des liens personnels et familiaux. Mais vous voyez que le Conseil d’État ne fait pas la même analyse que vous.

Mme Muguette Jacquaint. Il aurait déjà fallu le comprendre !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’est parce que la rédaction actuelle, très générale, a donné lieu à une jurisprudence fluctuante sur la notion d’atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale qu’on doit se référer aux critères d’intensité, de stabilité et d’ancienneté des liens familiaux, reconnus par une jurisprudence constante du Conseil d’État, que je viens de citer, dans son interprétation de l’article 8 de la CEDH.

Les liens personnels et familiaux s’apprécieront au regard des conditions d’existence, qu’elles soient personnelles ou non. En effet, dès lors que l’étranger est en situation irrégulière, ses conditions d’existence, assurées par ceux auprès desquels il vit, caractérisent par ce fait l’intensité de ses liens en France. Quant à la condition d’intégration à la société française, elle a été également reconnue par la jurisprudence récente du Conseil d’État du 23 novembre et du 7 décembre 2005.

Si je vous donne toutes ces précisions, c’est parce que, une fois de plus, vous nous proposez de supprimer une rédaction législative qui revient sur des décisions administratives.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pas tout à fait !

M. le président. Laissez le ministre conclure.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Mais si ! Je suis très surpris par votre attitude de législateur. Comment pouvez-vous préconiser de régler par une circulaire une question fondamentale ? Sincèrement, que représente le législateur que vous êtes, s’il abdique au profit de l’administration ?

Mme Muguette Jacquaint. Sur ce point, nous sommes d’accord !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous proposons un texte afin que le Parlement se saisisse du problème, qu’il introduise une nouvelle rédaction et évite que ce soit la seule interprétation de l’administration qui s’impose. Vous préférez peut-être que celle-ci dicte sa vision au Parlement, mais ce n’est pas ce que souhaite le Gouvernement. C’est la raison pour laquelle il émet un avis défavorable sur ces amendements.

Mme Muguette Jacquaint. Comme il a été difficile d’arriver à cette conclusion !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Ce développement un peu long était nécessaire, monsieur Braouezec, car le parlementaire expérimenté que vous êtes sait parfaitement que, demain, il pourra faire usage de ce débat pour tenter de mettre en pièces les dispositions législatives que nous vous proposons.

M. Bernard Roman. Ce n’est pas notre genre !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Comme nous n’avons pas l’intention de renoncer aux mesures que nous proposons au vote du Parlement, je me devais de faire référence aux décisions du Conseil d’État ou d’autres instances administratives.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le ministre, vous avez un extraordinaire don de prestidigitateur.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je pourrais vous retourner le compliment.

M. Patrick Braouezec. Vous nous dites que nous sommes là pour légiférer et que c’est à nous qu’il revient de faire les textes de loi, le législateur se devant de prendre le dessus sur l’administration. Certes ! Mais, au lieu du texte que vous défendez, vous pourriez nous en proposer un autre.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. Patrick Braouezec. Vous pourriez par exemple revenir sur la question des conditions d’existence de l’intéressé, dont le Conseil d’État dit – vous voyez que j’ai essayé de suivre – qu’elles dépendent de la personne avec lequel le lien familial est intense, ancien et durable. Mais, à moins d’inventer un amouromètre, je vois mal comment mesurer l’intensité d’un tel lien. Quant aux conditions d’existence, nous sommes là encore dans la subjectivité. De quoi parle-t-on ? Des revenus ? D’un type de logement ? Ce n’est pas défini.

M. Bernard Roman. Ces conditions d’existence sont forcément précaires !

M. Patrick Braouezec. En outre, pour revenir un peu en arrière, M. le rapporteur a cité des chiffres qui, à la lettre, nous font frémir. Entre 1998 et 2005, le nombre d’attributions de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » est passé de 2 800 à plus de 13 000. C’est réellement effrayant, puisqu’il a été multiplié par cinq.

Mais 13 000 personnes ne représentent jamais qu’une proportion infime de la population française. Sommes-nous incapables de considérer qu’il faut donner à des gens dépourvus de moyens matériels une chance de vivre ensemble sur notre territoire, en raison d’un lien familial intense ?

M. Jérôme Rivière. C’est votre idéologie : ce n’est pas la nôtre !

M. le président. Souhaitez-vous répondre, monsieur le rapporteur ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Oui, monsieur le président. Je suis d’accord avec vous, monsieur Braouezec : ce chiffre, même s’il a été multiplié par cinq, reste limité si on le rapporte à celui de la population française.

M. Patrick Braouezec. Il ne s’agit pas d’une invasion !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Le tout est de comprendre pourquoi il a explosé, alors que celui du regroupement familial est resté constant, aux alentours de 20 000 personnes.

Pendant seize ans, j’ai été maire de Valréas et j’ai observé ce qui se passait. Les gens comprenaient bien la situation. Quand ils voyaient qu’ils ne remplissaient plus les conditions du regroupement familial, soit parce qu’ils n’avaient pas le revenu, soit parce qu’ils n’avaient pas le logement nécessaires, l’astuce était simple et le mot facile à passer. Ils faisaient venir les membres de leur famille avec un visa touristique et, fin août, ceux-ci oubliaient de repartir. Ensuite, il n’y avait plus qu’à demander la régularisation au titre de la carte « vie privée et familiale ».

Pour ma part, je soutiens entièrement le Gouvernement. L’attribution de cette carte doit désormais dépendre de critères très stricts, sans quoi elle deviendra, pour tous ceux qui ne remplissent pas les conditions de logement et de revenu, un moyen enfantin de contourner le regroupement familial, ce qui, je le répète, ne rendra pas service aux enfants ou à l’épouse, qui ne disposeront jamais des moyens de s’intégrer.

M. Philippe Pemezec. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler au législateur les dispositions que le Conseil d’État devra appliquer demain si le texte est adopté et si la suppression proposée par ces amendements n’est pas retenue. Car je veux bien que l’on impute aux juridictions administratives la pression de la prescription légale, mais, si la loi dit tout et n’importe quoi, je ne suis pas certain que votre objectif de clarification sera atteint.

Je tiens à lire – c’est important – ce que devient le septième alinéa de l’article L. 313-11 quand on le complète comme vous suggérez de le faire, sachant que les six alinéas précédents définissent déjà certaines conditions d’attribution de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Celle sera attribuée de plein droit : « à l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n’entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté, de leur stabilité, des conditions d’existence de l’intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs réels de refus, sans que la condition prévue à l’article L. 311-7 soit exigée. »

Voilà de quelle manière le législateur prescrit aux instances administratives les principes qu’il entend introduire. On s’amuse ! Tout cela, en effet, ne relève pas de la précision législative, qui est de notre responsabilité, mais de l’entourloupe. On ne cherche qu’à fournir tous les motifs de refus possibles aux juridictions administratives.

Mme Muguette Jacquaint et M. Bernard Roman. Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si tel est l’objectif de la majorité, il faut annuler l’article 24 et écrire simplement que l’administration décidera qui vient en France et qui y reste. On gagnera du temps et cela correspondra mieux à l’œuvre législative que vous prétendez construire. Car j’affirme que le septième alinéa, tel que vous êtes en train de le composer, rend possible tout et son contraire. Dans dix ans ou dans un mois, tout le monde en conviendra, et vous serez enfin satisfaits.

Considérer que les conditions de vie – logement ou emploi – doivent être stabilisées, pour des gens qui, par nature, sont sans possibilité de logement ou d’activité, est, au regard de la simple honnêteté, une forfaiture. Comment voulez-vous qu’ils aient un logement quand ils ne connaissent, dans le meilleur des cas, que des processus d’hébergement ? Comment voulez-vous qu’ils aient un emploi, puisqu’ils sont cantonnés à la fraude en matière de droit du travail, problème dont nous avons débattu hier soir ?

Regardez la réalité et, si vous voulez construire la loi, ne donnez pas en fait aux juridictions administratives la possibilité de la reconstruire sans vous.

Mme Muguette Jacquaint et M. Patrick Braouezec. C’est tout le but de l’opération !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. À moins que votre but soit de ne rien dire dans la loi, afin que d’autres puissent décider à leur aise.

M. Julien Dray. Très juste !

M. Bernard Roman. Voilà un exposé remarquable !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 261.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 577.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 578.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 579.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 172 et 580.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 172.

M. Noël Mamère. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement n° 580.

M. Patrick Braouezec. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je crois que M. Braouezec et M. Mamère se sont laissé emporter par leur volonté enthousiaste de supprimer tout le texte.

M. Patrick Braouezec. Si seulement nous le pouvions !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Supprimer le dixième alinéa de l’article, comme vous proposez de le faire, reviendrait à exiger un visa long séjour pour les apatrides et des accidentés du travail. Je ne suis pas persuadé que c’est ce que vous souhaitez.

M. Noël Mamère. Expliquez-vous !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Relisez le texte. Vous comprendrez qu’il vaudrait mieux retirer ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Avis défavorable. Le Gouvernement partage l’analyse du rapporteur.

M. le président. Les amendements sont-ils retirés ?

M. Noël Mamère et M. Patrick Braouezec. Non, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 172 et 580.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 581.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 581.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 582.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 582.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 8.

La parole est à M. Jérôme Rivière, pour le soutenir.

M. Jérôme Rivière. Compte tenu de l’augmentation très forte du nombre des cartes de séjour pour soins – 454 en 1998, 6 300 en 2003, selon les chiffres que M. le ministre nous a communiqués tout à l’heure –, il me paraît indispensable de subordonner la délivrance de cette carte au caractère vital et immédiat du danger encouru.

En effet, le texte actuel mentionne seulement le caractère exceptionnel de la gravité de la pathologie, ce qui peut aboutir à la prise en compte de nombreuses pathologies affectant seulement des fonctions non vitales ou n’en menaçant pas la pérennité mais seulement le fonctionnement normal. Le risque vital doit donc formellement devenir un critère, auquel doit s’ajouter l’immédiateté.

Le système de santé français, qui figure en tête du classement mondial de l’OMS et qui garantit la gratuité de l’ensemble des soins médicaux aussi bien aux étrangers admis au séjour pour soins qu’à ceux demeurant en situation irrégulière, exerce sur les ressortissants des pays moins favorisés un effet d’attraction immense, justifiant à lui seul un projet migratoire. En outre, l’exigence du caractère habituel du séjour, pourtant prévue par le texte de l’article L. 313-11-11, a été invalidée par la pratique administrative.

La version actuelle du texte rend difficile la justification du refus de renouvellement du titre de séjour pour soins tant que la personne demeure affectée de la grave pathologie qui a initialement justifié son admission au séjour, et ce même si, depuis, sa maladie est stabilisée et peut être soignée dans le pays dont elle a la nationalité. L’administration, sur laquelle pèse l’obligation de respecter le secret médical, se trouve dès lors dans une situation inextricable. Par exemple, un asthme mal traité peut entraîner des conséquences affectant le processus vital d’un être humain, tout comme un diabète non contrôlé. Or, s’il ne s’agit pas d’un danger immédiat, il n’y pas de raison qu’un titre de séjour de cette nature soit délivré, pour autant qu’existe un traitement adapté à l’état du malade dans le pays dont il a la nationalité.

Ces précisions sont indispensables. Il ne s’agit pas d’avoir comme garantie l’accessibilité financière de l’étranger malade au traitement dans le pays dont il a la nationalité, comme certaines jurisprudences tendent à le demander, mais simplement de veiller à l’existence du traitement nécessaire à son état, dans des conditions satisfaisantes de diffusion dans le pays dont il a la nationalité ou dans tout autre État dans lequel il est librement admissible.

Mme Muguette Jacquaint. En somme, vous ne tolérez que les immigrés riches et bien portants !

M. Serge Blisko. Il vaut mieux ne pas être malade !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Tout d’abord, les chiffres qui figurent dans l’exposé sommaire de votre amendement ne sont pas exacts.

M. Jérôme Rivière. Ce sont ceux de l’AME, mais j’ai cité les chiffres du ministre au début de mon intervention.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Vous les avez en effet vous-même rectifiés : le nombre de cartes de séjour pour soins est de 6 000. La commission est défavorable à l’amendement car, si celui-ci était appliqué, les cartes délivrées aux étrangers malades ne le seraient plus qu’aux quasi mourants.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais c’est ce que souhaitent ses auteurs !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Néanmoins, si le principe même d’un droit au séjour pour raisons humanitaires n’est pas en cause, il est vrai que sa mise en œuvre n’est, de l’avis général, pas satisfaisante. À l’heure actuelle, la décision est prise par les services préfectoraux sur le fondement d’un rapport du médecin inspecteur de santé publique ou du chef du service médical de la préfecture de police. Or j’ai pu constater, dans le cadre de l’élaboration de mon rapport sur l’application de la loi de 2003, que cet avis est souvent des plus sommaires et se contente généralement d’une motivation stéréotypée.

J’émets donc un avis défavorable à l’amendement de MM. Rivière et Luca, mais je reconnais qu’il existe un problème. Je crois d’ailleurs que M. le ministre souhaite nous faire des propositions à ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous sommes évidemment défavorables à votre amendement, monsieur Rivière, et le ministre d’État a eu l’occasion de vous indiquer, lorsqu’il a répondu à votre intervention dans la discussion générale, qu’il n’avait nullement l’intention de modifier la loi qui définit les conditions de délivrance d’une carte de séjour à des étrangers gravement malades. Néanmoins, vous avez raison, les chiffres montrent que nous sommes très généreux – et que les abus sont fréquents –, puisque nous délivrons plus de deux fois plus de cartes de séjour à des étrangers gravement malades que le gouvernement de Lionel Jospin.

M. Julien Dray. C’est parce qu’il y a plus de malades !

Mme Muguette Jacquaint. Et pas assez de prévention !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Après avoir rencontré un certain nombre d’associations, notamment Solidarité sida, le ministre d’État a donc décidé de mettre en œuvre, sans changer la loi, un plan d’action qui nous permettra d’être généreux avec les étrangers gravement malades et fermes avec ceux qui fraudent. Trois mesures sont destinées à lutter contre la fraude.

La première vise à uniformiser les pratiques, en mettant en place les commissions médicales régionales qui viennent d’être créées par un décret du 27 février dernier. Elles donneront leur avis sur l’état de santé d’un étranger pour lequel le médecin inspecteur départemental a un doute et souhaite s’entourer d’une expertise complémentaire.

Il convient ensuite d’être plus exigeants vis-à-vis des médecins locaux qui bénéficient d’un agrément préfectoral. En cas d’abus – je pense aux médecins qui formulent un avis systématiquement positif –, l’agrément devra être retiré.

Enfin, et surtout, nous établirons d’ici à septembre 2006 une liste recensant les capacités sanitaires des pays d’origine par grands types de pathologie. Cette liste de référence sur l’offre de soins, élaborée conjointement par les ministères de la santé, des affaires sociales et des affaires étrangères dans le cadre du comité interministériel de contrôle de l’immigration, sera prête dès septembre 2006. Nous souhaitons par ailleurs faciliter les délivrances de visas aux étrangers malades qui, revenus dans leur pays d’origine, souhaitent passer quelques semaines en France pour s’y faire soigner.

Sur ces sujets délicats, nous devons dialoguer de manière confiante avec les représentants du monde associatif, dont l’Observatoire du droit à la santé des étrangers et Solidarité sida. En tout cas, nous ne verrions que des avantages à ce qu’un groupe de travail paritaire composé de représentants des administrations de l’intérieur, de la santé, des affaires étrangères et de représentants des associations, se réunisse régulièrement pour faire avancer ces dossiers.

Nous sommes donc défavorables à votre amendement, mais nous n’ignorons pas pour autant les chiffres, qui démontrent que la France est très généreuse et que des abus existent. C’est pourquoi le ministre d’État souhaite mener une nouvelle politique sur la base des propositions que je viens de vous faire, lesquelles figureront au compte rendu de nos débats.

M. le président. Monsieur Rivière, compte tenu des engagements pris par le Gouvernement, retirez-vous votre amendement ?

M. Jérôme Rivière. Non, je le maintiens.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je voterai contre cet amendement. Tout d’abord, monsieur le ministre, il existe sans doute quelques abus mais, sur 6 000 cartes délivrées, ceux-ci ne sont certainement pas très nombreux. Par ailleurs, je souhaite vous alerter sur la méconnaissance manifeste de la situation sanitaire des pays d’origine qui prévaut trop souvent en France.

J’ai récemment eu connaissance du cas d’un Algérien, entré sur notre territoire avec un visa de tourisme, qui est atteint d’une maladie parfaitement curable, mais par un médicament qui n’est pas diffusé en Algérie. Or les autorités sanitaires françaises refusent que ce traitement lui soit envoyé par la poste. Bien qu’elle ne puisse pas obtenir un titre de séjour pour raisons de santé, cette personne se maintient donc sur notre territoire car, si elle ne suit pas ce traitement, son état est susceptible d’évoluer rapidement.

Cela signifie, monsieur Rivière, que si l’on adoptait votre amendement, cette personne que l’on veut renvoyer en Algérie risquerait de revenir parce que le pronostic vital serait en jeu. Or j’attire votre attention sur le coût supplémentaire qu’entraîneraient une évacuation sanitaire, la prescription de traitements beaucoup plus lourds, voire le rapatriement du corps si elle venait à décéder. Je ne pense pas que cet amendement soit une bonne idée.

M. le président. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Là encore, il faut faire un peu d’histoire. En 1996, la France a expulsé un malade en phase terminale du sida et la majorité, qui venait de voter le texte permettant cette expulsion, s’en était mordu les doigts. Quelques mois plus tard, le ministre avait d’ailleurs lui-même reconnu qu’une grave erreur avait été commise et qu’il fallait éviter que ce type de situation ne se reproduise.

Par ailleurs, monsieur le ministre, on ne peut pas parler de générosité, comme vous l’avez fait. Il ne s’agit pas de faire la charité, mais d’être fidèles à nos valeurs et de venir en aide à des populations avec lesquelles nous avons une histoire commune et pour lesquelles notre pays est une référence. Il est de notre devoir d’accueillir ces personnes atteintes de pathologies graves qui, pour des raisons que nous connaissons, ne disposent pas dans leur pays des moyens de se soigner. Sans doute, comme toujours, existe-t-il des abus, mais ceux-ci sont mineurs.

Quant à l’augmentation du nombre des titres de séjour pour soins, elle est, hélas ! en partie liée au développement de certaines pathologies dans les pays d’origine. De nombreux enfants africains, par exemple, sont actuellement atteints de paludisme, lequel est en train de repartir à la hausse. Ces enfants doivent être soignés en France parce que, dans leur pays, on ne dispose pas des moyens de traiter cette maladie. Au départ, le pronostic vital n’est pas en jeu, mais nous savons que ce sera le cas si la maladie n’est pas traitée comme il faut. Et je n’ai pas besoin de rappeler l’explosion du nombre de cas de sida sur le continent africain. C’est pourquoi votre amendement est choquant, monsieur Rivière.

Il est d’autant plus choquant que vous citez à titre d’exemple l’asthme et le diabète comme deux maladies qui, n’engageant pas le pronostic vital, peuvent être traitées localement et ne doivent pas donner lieu à la délivrance d’un titre de séjour. Or, concernant le diabète, je suis bien placé pour vous assurer que si le pronostic vital n’est pas engagé au départ, cette maladie peut très vite devenir grave. Il est préférable de ne pas se prendre pour un docteur quand on ne connaît rien à la médecine, monsieur Rivière. J’estime que votre amendement n’a pas sa place dans ce débat, que vous avez recours à des références qui ne sont pas acceptables, et que la seule utilité de votre proposition sera de montrer qu’être prisonnier d’une idéologie peut conduire à dire et à écrire n’importe quoi.

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti.

M. Serge Blisko. Le docteur Leonetti !

M. Jean Leonetti. Je comprends très bien les motivations de Jérôme Rivière, qui prennent pour base des considérations statistiques, et je conçois, pour en avoir connu au moins un cas, que la fraude en ce domaine soit ressentie comme particulièrement scandaleuse. Il existe, monsieur Dray, un certain nombre de dysfonctionnements qui peuvent venir perturber notre vision de la générosité, qui constitue pourtant bel et bien un devoir international. Cela étant, M. le rapporteur et M. le ministre viennent de nous faire connaître un certain nombre de dispositions de nature à permettre une nette diminution de ces dysfonctionnements.

J’attire l’attention du groupe UMP sur le fait que la force de ce texte, c’est d’être équilibré. Comme l’a très bien expliqué Nicolas Sarkozy, il comporte une grande part de générosité et de solidarité, mais aussi une part de fermeté. Et c’est parce qu’il est équilibré qu’il est crédible et efficace.

J’estime qu’il est dangereux de vouloir introduire un aspect caricatural dans un texte qui, je le répète, a l’ambition d’être non seulement efficace, mais aussi conforme à la tradition d’ouverture, d’accueil et de générosité de la France, ainsi qu’à l’image de la France dans le monde.

Partout dans le monde, les médecins français sont allés apporter leurs connaissances, aider, soigner les personnes en difficulté. Il serait paradoxal que, sur notre territoire, leurs compétences puissent faire défaut à des malades ayant besoin d’eux. J’ajoute enfin que les frontières entre grande urgence et urgence modérée, risque vital et risque d’aggravation sont difficiles à tracer. Pour toutes ces raisons, et puisque M. Rivière a souhaité le maintenir, j’invite le groupe UMP à rejeter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Noël Mamère. Je demande la parole, monsieur le président !

M. Bernard Roman. Moi aussi !

M. le président. Non, la parole est à M. le ministre.

M. Bernard Roman. Dans ce cas, nous demanderons une suspension de séance ! Vous ne nous empêcherez pas de parler !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je ne vois aucun inconvénient à ce que M. Roman et M. Mamère s’expriment, bien au contraire. Chacun peut faire part de ses convictions, quelles qu’elles soient, et l’intervention de M. Leonetti vient de montrer qu’en ce qui concerne ce problème humain, les convictions personnelles dépassent le cadre strictement idéologique.

Si je reprends la parole, c’est parce que nous débattons d’un sujet qui me passionne à plusieurs titres, que ce soit en tant que responsable de collectivité locale, ancien parlementaire ou, aujourd’hui, en tant que ministre délégué à l’aménagement du territoire. J’ai récemment travaillé avec mon homologue marocain à l’organisation de partenariats – au moyen, notamment, de la mise en réseau à haut débit – entre dispensaires ou centres médicaux africains et CHU de nos deux pays, et je suis persuadé que la France a beaucoup à apporter en ce domaine.

Dans un texte qui propose une politique de l’immigration choisie en réponse à une immigration subie, notre propos doit être équilibré, c’est-à-dire à la fois généreux et ferme.

Les chiffres que j’ai sous les yeux, dont je n’ai pas fait état jusqu’à présent, sont assez spectaculaires. Je comprends que certains de nos concitoyens, en particulier les plus modestes, qui rencontrent parfois des difficultés dans l’accès aux soins pour eux-mêmes ou les membres de leur famille, soient choqués par ce qui peut apparaître comme une fausse générosité à l’égard de certaines populations étrangères.

Les abus existent, ne le nions pas. Quand un médecin agréé par une préfecture pour établir des constats, des expertises et des diagnostics, rend systématiquement des avis positifs, il faut tout de même se poser des questions. Ce que propose Nicolas Sarkozy permet à la fois d’apporter des réponses appropriées aux fraudes et de rester fidèles à notre tradition humaniste, qu’il s’agisse des soins apportés aux étrangers ou de l’aide extérieure en matière de codéveloppement.

Il importe, en ce domaine plus qu’en tout autre, d’empêcher que la politique de la France puisse faire l’objet d’une caricature. C’est pourquoi, comme l’a fait le ministre d’État à cette tribune, j’insiste sur le fait qu’il y a des limites à ne pas franchir dans le débat parlementaire. Votre amendement, monsieur Rivière, est au-delà de ces limites. Nous ne saurions donc l’accepter, mais profiterons en revanche de la discussion qu’il suscite pour formuler des propositions équilibrées.

Je tiens à ce que chacun comprenne bien quelle est la position du Gouvernement au sujet de la politique de soins à l’égard de certaines populations étrangères, mais aussi d’autres nations qui ont besoin de la contribution de notre pays pour développer leur propre politique de santé.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je veux moi aussi contribuer à éclairer la représentation nationale sur un certain nombre de dysfonctionnements concernant l’accueil des personnes malades, en utilisant pour cela un outil très utile, je veux parler de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers. J’entends M. Rivière et quelques-uns de ses collègues nous expliquer qu’il y a une augmentation exponentielle des demandes, et je voudrais expliquer en quoi cette idée est fausse. En réalité, ces chiffres s’expliquent aisément par le cumul de trois facteurs.

La montée en charge du dispositif créé en 1998 est le facteur explicatif le plus important. Ainsi, les comparaisons établies entre les premières années d’application et les suivantes n’ont que peu de sens.

La difficile sortie du dispositif explique aussi l’augmentation constante du nombre de titres de séjour délivrés. En effet, la plupart des malades concernés sont atteints d’une affection de longue durée. Ne pouvant plus bénéficier de plein droit d’une carte de résident après leur cinquième carte de séjour temporaire, ils sont obligés de renouveler leur carte de séjour temporaire tous les ans et contribuent de ce fait à l’augmentation du nombre de cartes de séjour temporaire. On voit donc que, s’il y a croissance du nombre des demandes de titres de séjour par des étrangers en raison de leur état de santé, cette croissance est en fait liée au refus d’accorder la carte de résident de plein droit après la cinquième carte de séjour temporaire. On peut estimer, au regard de ces observations, qu’une grande proportion des 4 795 personnes titulaires d’une carte de séjour en 2000 aurait pu bénéficier de plein droit d’une carte de résident, au plus tard en 2005, si cette disposition n’avait été supprimée.

Enfin, les restrictions portées au droit au séjour et au droit d’asile ont contribué à l’augmentation des demandes. Les détracteurs de ce droit en tirent argument pour prétendre qu’il ferait l’objet de détournements de procédure. Au contraire, il s’agit de personnes dont la demande – d’asile notamment – a été rejetée et qui se trouvent dans l’obligation de faire valoir leur état de santé pour éviter un éloignement qui constituerait pour eux une double mise en danger. L’ODSE cite à titre d’exemple le parcours d’une femme de l’ethnie hutu dont toute la famille a été massacrée lors du génocide que l’on connaît et qui, n’ayant pas pu faire valoir qu’elle était contaminée par le VIH, s’est vu refuser le droit d’asile par la France.

L’Observatoire fait d’autres observations très intéressantes. Il relève ainsi que le droit au séjour des malades étrangers connaît de plus en plus de difficultés dans son application, et énumère les dysfonctionnements les plus fréquemment cités par les associations.

Premièrement, l’augmentation du nombre de refus constatée depuis plusieurs années tend à faire des démarches contentieuses une étape obligée pour les malades étrangers. La plupart de ces refus sont motivés par un avis défavorable de l’autorité médicale. Plusieurs éléments incitent à y percevoir une détérioration des conditions de travail des médecins et le développement d’un climat de suspicion à l’endroit des malades étrangers.

Deuxièmement, les délais d’instruction réglementaires sont fréquemment dépassés.

Troisièmement, on peut regretter la délivrance abusive d’autorisations provisoires de séjour en lieu et place des cartes de séjour.

Enfin, les refus d’instruction, les taxes abusives, les rejets systématiques des demandes de carte de résident, la non-prise en compte des domiciliations administratives sont autant de dysfonctionnements supplémentaires.

Comme vous le voyez, les explications données par les associations et relayées par l’Observatoire du droit à la santé des étrangers permettent de constater que la réalité est bien différente de la présentation idéologique qui nous a été faite tout à l’heure par M. Rivière pour motiver son amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(L’amendement n’est pas adopté.)

modification de l’ordre du jour prioritaire

M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement vient de me faire savoir que la discussion du projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration se poursuivra le mardi 9 mai, après-midi, après les questions au Gouvernement, et le soir.

immigration et intégration (suite)

M. le président. Nous reprenons la discussion des articles du projet de loi relatif à l’intégration et à l’immigration.

Discussion des articles (suite)

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Monsieur le président, nous débattons depuis mardi seize heures. Les vice-présidents se sont succédé et nous avons eu, de l’avis unanime des ministres, du rapporteur et, jusqu’à présent, de l’ensemble des représentants des groupes, majorité incluse, un débat dense, sérieux et qui honore le Parlement. Cela a été possible car les différents présidents de séance n’ont manifesté aucune irritation à propos des demandes de prise de parole, y compris en réponse au ministre ou à la commission. Ils n’ont pas appliqué le règlement de façon draconienne, comme on peut être amené à le faire face à des situations d’obstruction.

Or il semble, monsieur le président, que vous ayez envie d’accélérer le rythme, et donc de limiter notre volonté de conserver à ce débat la densité qu’il mérite. Je vous demande, comme nous l’avons dit hier avec M. Raoult, qui l’a parfaitement compris, de permettre à l’ensemble des représentants qui souhaitent s’exprimer, et qui le feront en maîtrisant leur temps de parole, de le faire. Sur des sujets aussi importants, cela se justifie. Nous maintiendrons ainsi la qualité de nos débats.

Le ministre le souhaite. Du reste, et comme vous venez de l’indiquer, l’ordre du jour a été modifié en conséquence puisque le débat se poursuivra mardi prochain. Et l’opposition ne fait pas d’obstruction.

Monsieur le président, je vous demande une courte suspension de séance pour nous permettre d’examiner l’amendement n° 607 rectifié du Gouvernement. Je vous remercie vivement d’entendre cet appel.

M. le président. Monsieur Roman, je préside avec le plus de justice possible, et nous sommes largement au-delà de tout ce que le règlement prévoit.

M. Bernard Roman. Je ne parle pas du règlement !

M. le président. Je précise que, pour l’amendement de M. Rivière, le règlement prévoyait l’intervention d’un orateur contre : il y a eu un orateur contre, puis un orateur pour répondre à la commission et un autre pour répondre au Gouvernement – je l’ai fait sans discussion, alors que cela ne présente aucun caractère automatique –, et, après une seconde intervention du ministre, j’ai redonné la parole à un orateur.

Cela étant, il faut respecter un minimum de règles. On ne peut pas tout dire sur chaque amendement et, lorsqu’on ne peut plus prendre la parole, compte tenu du nombre d’intervenants inscrits, on attend l’amendement suivant pour faire valoir ses arguments.

Monsieur Roman, je n’en fais pas un cas personnel car j’imagine qu’il n’y avait aucune attaque personnelle dans votre intervention. Je rappelle cependant que j’ai laissé tout à l’heure vingt-quatre intervenants s’exprimer sur un amendement, et j’ai eu recours à une procédure dont M. Braouezec a eu la grande honnêteté de reconnaître que c’était la première fois qu’elle était utilisée. L’Assemblée s’est grandie à la fin de la séance de cet après midi lors d’un débat avec le ministre d’État dont tout le monde a salué la grande qualité.

Mais, lorsque nous discutons des amendements au fil de l’eau, il faut admettre qu’il y a des règles, celles-ci étant appliquées le plus largement possible. Je ne peux accepter, monsieur Roman, que, comme vous l’avez déjà fait à deux reprises, vous me menaciez d’un rappel au règlement lorsque je vous fais savoir que les places pour répondre au Gouvernement et à la commission sont déjà prises. Vous pouvez continuer à me menacer, moi, j’appliquerai alors strictement le règlement. Mais cela ne me semble pas une façon constructive de procéder.

Cela étant, vous avez demandé une suspension de séance, et celle-ci est de droit…

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, je demande la parole avant cette suspension de séance.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, j’ai bien entendu vos propos. Mais, pour que le débat soit le plus clair possible, nous avions plus ou moins décidé que, sur des sujets importants, chaque groupe pourrait s’exprimer. J’aurais ainsi aimé donner mon point de vue sur l’amendement n° 8 de M. Rivière. Peut-être le ferai-je à l’occasion de l’examen de l’amendement n° 9. Il eût cependant été utile que je le fasse avant le vote précédent. Je prends acte que vous n’avez pas voulu me donner la parole.

M. le président. Je le reconnais bien volontiers, car je ne peux pas donner la parole à tout le monde. Tout à l’heure, d’ailleurs, M. Mamère était particulièrement mécontent de n’avoir pas pu s’exprimer alors que les socialistes étaient intervenus.

M. Noël Mamère. Pas du tout !

Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Ne tentez pas de nous diviser !

M. le président. Je m’efforce de répartir les temps de parole de façon équitable.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. M. Roman demande une suspension de séance pour examiner l’amendement déposé par le Gouvernement à la suite de la discussion avec le ministre d’État à la fin de la séance de cet après-midi. Pour la lisibilité du débat, ne serait-il pas plus logique que la suspension intervienne après la discussion de l’amendement n° 9 de M. Rivière, le vote sur l’article 24 et l’examen de l’amendement n° 10 de M. Rivière après l’article 24 ?

M. le président. Absolument.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Peut-être M. Roman pourrait-il accepter cette suggestion ?

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Je reconnais bien volontiers que ce serait plus logique. Mais il ne s’agit pas d’une demande de suspension de convenance, monsieur le ministre. Elle est liée à l’attitude du président. Le règlement prévoit aussi les demandes de suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 24 (suite)

M. le président. Nous poursuivons la discussion de l’article 24.

L’amendement n° 9 n’est pas défendu.

Je mets aux voix l'article 24, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 24, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 24

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 24.

L’amendement n° 10 n’est pas défendu.

Je suis saisi d’un amendement n° 607 rectifié.

Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement n° 608.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 607 rectifié.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le président, je constate que l’opposition n’a pas encore regagné l’hémicycle. Or, pour éviter tout reproche, je souhaiterais qu’elle soit présente alors que je dois faire une communication sur l’ordre du jour de mardi et que je dois présenter l’amendement du Gouvernement. Je demande donc une suspension de deux minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-huit, est reprise à vingt-trois heures.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je profite de la présence de mon collègue François Baroin, ministre de l’outre-mer, pour vous indiquer que, conformément au changement d’ordre du jour de l’Assemblée, la reprise des débats sur ce projet de loi aura lieu le mardi 9 mai à seize heures, après les questions au Gouvernement.

Le Gouvernement souhaite que soient examinés en priorité les articles 67 à 79 de ce projet de loi, relatifs à l’outre-mer.

Je souhaitais porter ces informations à la connaissance de la représentation nationale et je laisse le ministre de l’outre-mer vous apporter quelques informations complémentaires.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’outre-mer.

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer. Je voudrais dire aux parlementaires, notamment élus d’outre-mer, que le Gouvernement a souhaité assurer leur résonance légitime aux dispositions prises en application des articles 73 et 74 de la Constitution, et qui portent plus spécifiquement sur la Guyane, la Guadeloupe et Mayotte.

M. Julien Dray. Il y aura de la négociation dans l’air, ce week-end !

M. le ministre de l’outre-mer. La qualité du travail fourni en commission et l’implication des parlementaires, toutes sensibilités confondues, nous promet un débat à la hauteur des attentes des membres de la représentation nationale ainsi que des populations, qui attendent des mesures adaptées à la situation évolutive et parfois inquiétante de ces territoires que sont la Guyane, la Guadeloupe et Mayotte. Je vous remercie, monsieur le président, de m’avoir permis de le dire.

Après l’article 24 (suite)

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 607 rectifié.

Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement n° 608.

La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire, pour soutenir l’amendement n° 607 rectifié.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Cet amendement précise l’engagement pris dans la discussion générale par le ministre d’État de mettre en place une commission nationale, dont je vais vous préciser les critères d’intervention.

L’admission exceptionnelle au séjour des étrangers en situation irrégulière donne lieu actuellement à une appréciation au cas par cas par les préfets. Il convient d’homogénéiser les pratiques préfectorales et de préciser les critères d’admission exceptionnelle au séjour, qui pourront prendre en compte des exigences humanitaires ou des motifs exceptionnels invoqués par les étrangers.

Une commission nationale, composée de représentants des pouvoirs publics et de la société civile, ainsi que d’élus, précisera ces critères et évaluera chaque année les conditions de leur application.

Cette commission pourra en outre être saisie par le ministre de l’intérieur des recours hiérarchiques formés contre un refus préfectoral d’admission exceptionnelle au séjour, et donnera son avis sur les demandes formées par les étrangers justifiant qu’ils résident habituellement en France depuis plus de dix ans.

Le décret qui sera pris en Conseil d’État tiendra compte de l’échange qui a eu lieu tout à l’heure avec certains membres de la représentation nationale, dont M. Braouezec, et des propositions qui ont été faites.

Cet amendement marque le souci du Gouvernement de rechercher l’équilibre en la matière et de rester à la fois ferme et juste.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le ministre, de quoi s’agit-il ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le député, cet instant me paraît important !

M. Patrick Braouezec. Justement !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous avons passé une grande partie de l’après-midi sur ce sujet. En tant que représentant du Gouvernement et du ministre d’État, ministre de l’intérieur, bien que cet amendement du Gouvernement ait déjà fait l’objet d’une large discussion, je souhaite que le débat puisse continuer devant la représentation nationale.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Cet amendement est l’émanation des discussions que nous avons eues cet après-midi avec le ministre de l’intérieur et confirme les engagements qu’il a pris. Je souhaite que la discussion soit aussi constructive que possible.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 607 rectifié et présenter le sous-amendement n° 608.

M. Thierry Mariani, rapporteur. L’amendement n° 607 rectifié n’a bien sûr pas été examiné en commission. À titre personnel, j’y suis favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 608, qui tend à exclure du dispositif de l’admission exceptionnelle les étrangers vivant en état de polygamie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. La discussion, qui fut en effet longue, intense et utile, a conduit le Gouvernement à déposer un amendement qui reprend, me semble-t-il, point par point les engagements qui avaient été pris au cours de la séance précédente. Le groupe UDF considère qu’il répond parfaitement aux préoccupations qui ont été exprimées.

Deux questions demeurent cependant. D’abord, pour que l’interprétation qui en sera faite ultérieurement soit claire, monsieur le ministre, pourquoi avez-vous intitulé la sous-section 7 « admission exceptionnelle au séjour » ? Est-ce que cela veut dire qu’elle sera accordée de façon exceptionnelle, ou que l’admission ne répond à aucun autre cas ? Je pense qu’il s’agit de cela, mais il est préférable de le préciser à l’intention des juges et des commissions.

Par ailleurs, on pourrait comprendre dans votre présentation que le droit discrétionnaire du préfet de délivrer les titres est remis en cause. L’harmonisation des pratiques préfectorales sur le territoire français implique-t-elle la disparition du droit spécifique des préfets ? Je ne le pense pas. Il faudrait préciser que ce n’est pas le cas.

M. Claude Goasguen. Le préfet décide, mais à partir de critères.

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. La deuxième question de M. Lagarde est particulièrement intéressante. Il serait utile pour notre assemblée de savoir par qui, en dérogation aux règles que nous fixons, des décisions exceptionnelles peuvent être prises.

Le point de départ de la discussion était le traitement d’une catégorie particulière d’étrangers, ceux qui résident en France depuis plus de dix ans. Or le dispositif que vous proposez concerne toutes les catégories d’étrangers, dont celle-là. Je veux bien le croire. On crée un dispositif général pour répondre au problème des étrangers vivant en France depuis dix ans…

L’amendement ajoute deux cas de délivrance d’une carte de séjour à un étranger en situation irrégulière : pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels mis en avant par l’étranger. La commission sera chargée de définir les critères d’admission exceptionnelle, c’est-à-dire les considérations humanitaires.

Tout d’abord, la commission donne un avis au ministre, mais quelle est la nature de cet avis ? S’agit-il d’un avis conforme ? Le ministre est-il en mesure de prendre la décision qu’il souhaite en dépit de l’avis de la commission ? Le texte doit être clair sur ce point. Si la commission, saisie pour juger d’une disposition législative destinée à régler certaines situations, ne donne pas un avis conforme mais qu’ensuite le ministre fait ce qu’il veut, le dispositif n’est qu’une usine à gaz supplémentaire qui n’aura pas l’utilité recherchée.

Dans les cas de recours hiérarchique, le ministre peut saisir la commission, qui doit donner un avis. Là encore, quelle est la nature de cet avis ?

Par ailleurs, si la commission réfute la décision qui a été prise et se prononce pour la délivrance du titre de séjour, le ministre est-il obligé de la suivre ?

Enfin, quelle est la nature précise de la saisine « de droit » de la commission pour tous les étrangers qui résident depuis plus de dix ans en France ? Cela signifie-t-il que les textes leur conservent les mêmes droits que précédemment – c’est-à-dire, sous réserve que leur dossier soit constitué et que leur présence depuis dix ans soit avérée, la capacité de se faire régulariser – ou s’agit-il d’un filtre supplémentaire qui n’a pour objet que de répondre à l’irritation de la gauche et au malaise d’une partie de la droite ? Dans ce cas, le texte n’apporte aucun élément nouveau.

En l’état actuel des choses, nous craignons, monsieur le ministre, que cet amendement ne soit qu’un texte d’affichage,…

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Non !

M. Bernard Roman.… une tentative de sortir de l’impasse qui ne répond pas aux préoccupations que nous avons soulevées cet après-midi.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, contre l’amendement.

M. Noël Mamère. Ce n’est pas pour le plaisir que nous sommes contre – nous aurions beaucoup aimé pouvoir voter cet amendement – mais le passage éclair du ministre de l’intérieur n’a fait qu’épaissir un peu plus le brouillard autour de cette question très importante.

Le ministre de l’intérieur a pratiqué la méthode du fourre-tout : à partir d’une situation particulière, très bien décrite par notre collègue Julien Dray, qui ne concerne que 3 000 personnes, victimes d’une succession de lois sur l’immigration toujours dictées par des raisons politiciennes et qui se trouvent aujourd’hui dans des situations infernales, il transforme la loi et rompt avec une philosophie qui date de 1984, avec une tradition qui a permis la régularisation de très nombreux étrangers. Nous avons tous l’occasion de recevoir, dans nos permanences de député ou nos bureaux de maire, ces personnes « ni expulsables, ni régularisables ». Avec mes collègues de l’opposition, je considère qu’on ne peut transformer la loi pour seulement 3 000 personnes.

Je voudrais préciser plusieurs points.

D’abord, du point de vue juridique, même si je ne suis pas un juriste – le ministre et le rapporteur sont, eux, entourés de techniciens qui pourront répondre –, l’examen d’une demande est un droit pour tous. Je répète : l’examen d’une demande est un droit pour tous. La querelle sur le plein droit est donc une querelle byzantine n’ayant rien à voir avec les droits fondamentaux.

Ensuite, si le Gouvernement établit des critères, avec des exigences humanitaires et des motifs exceptionnels, on peut considérer qu’une personne qui peut prouver qu’elle est en France depuis plus de dix ans vit, de fait, une situation dramatique. Vivre dix ans dans l’irrégularité, malgré la crainte de la police, du rejet aux frontières et l’exploitation dont elle peut faire l’objet de la part de ses employeurs, est une situation dramatique qui doit motiver la délivrance d’un titre de séjour.

Proposer une disposition aussi démagogique – je parle du ministre de l’intérieur, malgré son absence – consistant à faire croire, en utilisant des méthodes dignes des camelots, qu’il va, demain, raser pour beaucoup moins cher que la gauche et qu’il va aller beaucoup plus loin en réduisant à moins de dix ans la possibilité d’obtenir une carte de résident, c’est franchement prendre les gens pour des imbéciles ! Sa commission Théodule n’est qu’une commission paravent, une commission alibi ; elle sera engorgée et n’arrivera pas à répondre à toutes les demandes.

Si nous devions accepter la logique de cet amendement, il faudrait que figure textuellement, quasiment mot pour mot, la disposition selon laquelle la commission sera en particulier chargée d’étudier les preuves de l’ancienneté de résidence des demandeurs et que, lorsque ceux-ci peuvent justifier de dix années de présence en France, le critère humanitaire est rempli. Ainsi, nous aurions l’assurance que ces 3 000 personnes en situation particulière, que l’on appellera les « ni-ni », pourront être intégrées d’une manière formelle du point de vue du droit.

Je rejoins les interrogations formulées par mon collègue Bernard Roman sur le statut de cette commission et sur la valeur de ses avis. Jusqu’à nouvel ordre, elle serait composée par décision du Gouvernement et il semblerait que ses avis soient consultatifs, et non pas délibératifs, ce que nous regrettons. Comment voulez-vous qu’elle puisse régler le problème que nous avons essayé de résoudre pendant plusieurs heures dans cet hémicycle si nous ne disons pas et si nous n’écrivons pas que le préfet, dont les pouvoirs sont renforcés par cette loi – pouvoirs arbitraires et discrétionnaires –, est lié par les avis positifs émis par cette commission ?

Enfin, parce que c’est une question de droits fondamentaux à protéger relevant des principes du droit français, doit figurer en toutes lettres dans cet amendement la possibilité d’un recours en cas d’avis négatif de la commission. Il faut déterminer les recours et en fixer la juridiction, logiquement la juridiction administrative, éventuellement le Conseil d’État. Pour nous amener à souscrire à cet amendement, toutes ces conditions doivent être réunies, particulièrement cette dernière, c’est-à-dire la possibilité d’un recours garantissant les droits de ceux qui sont sur notre territoire.

En conclusion, il s’agit d’un amendement attrape-tout, répondant sans doute davantage à une volonté d’affichage au dehors de cet hémicycle qu’à la volonté de résoudre un vrai problème humain. Puissent nos collègues de la majorité qui étaient sur la ligne que nous avons défendue ne pas tomber – et je sais qu’à gauche nous n’y tomberons pas – dans le piège tendu par un ministre de l’intérieur pressé qui, une fois son piège posé, s’est empressé de repartir…

M. Thierry Mariani, rapporteur. Oh !

M. Noël Mamère. …et d’abandonner la représentation nationale. Mais nous ne lui en voulons pas car nous sommes assez grands pour défendre nos convictions.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je ne m’opposerais pas à cet article additionnel s’il allait jusqu’au bout, mais je ne voterai pas pour, car il ne constitue pas une avancée par rapport à la loi précédente, mais un recul. Toutefois, c’est votre loi et c’est à vous d’en faire ce que vous voulez ! Notre état d’esprit était et est toujours de faire en sorte que cette loi soit la moins mauvaise pour les ressortissants étrangers, mais nous ne pouvons pas voter des articles ou des amendements qui ne présentent pas des avancées par rapport à la loi de 2003.

Je ferai quatre remarques allant dans le même sens que les interventions de MM. Roman et Mamère.

D’abord, cette commission est une sacrée usine à gaz, qui aura à étudier non pas simplement – et je rejoins M. Roman – la question des personnes pouvant bénéficier d’une régularisation parce qu’elles atteignent dix ans de présence sur ce territoire, mais aussi les demandes les plus diverses. Cela n’a rien à voir avec ce dont nous avons discuté tout à l’heure. Étienne Pinte lui-même parlait de commissions départementales car la solution d’une commission nationale chargée de régler toutes ces questions paraît bien compliquée.

Deuxième remarque, et je rejoins Noël Mamère, bien évidemment, l’examen d’une demande est de droit, mais nous avions précisé qu'elle est plus que de droit, qu’elle est obligatoire ! Or l’amendement prévoit que « la demande d’admission exceptionnelle est soumise à l’avis de la commission. »

Je rejoins d’autres interrogations. Qu’en sera-il après cet avis ? M. Lagarde parlait du ministre, M. Mamère parlait du préfet. Qui prendra la décision ? Le ministre ? L’avis de cette commission sera-t-il transmis aux préfectures pour que les préfets prennent la décision ? La décision devra-t-elle suivre obligatoirement l’avis de la commission ? Ce point n’est pas précisé dans l’amendement. Y aura-t-il une possibilité de recours pour une personne qui aurait vu sa première demande non acceptée ?

Troisième remarque, le contenu même de l’amendement ne dit rien sur la composition de cette commission, mais cette précision figure dans son exposé sommaire. Un autre amendement apportera peut-être cette précision, en tenant compte de nos réserves formulées lors de la discussion de l’article 2.

Quatrième remarque, il manque également dans cet amendement un élément important : le principe d’harmonisation. Lors de notre débat avec le ministre de l’intérieur tout à l’heure, celui a en effet déclaré que les critères devaient être identiques d’un département à l’autre, d’une préfecture à l’autre.

Voilà pourquoi cet article additionnel ne me satisfait pas pleinement. En outre, nous aurions souhaité que vous entendiez l’ensemble des arguments que nous avons développés tout à l’heure sur la nécessité de régulariser de fait et de droit ces 2 000, 3 000, 4 000 personnes qui arrivent, chaque année, au bout de leurs dix ans de galère, de précarité, de souffrances, régularisation qui leur permettrait enfin de vivre dignement dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Je m’en veux un peu car, sur le fond, si nous avions demandé à un acteur du débat de 1996 et 1997 de venir participer à notre discussion, son intervention aurait été très utile. Cet acteur est aujourd’hui président de l’Assemblée nationale.

Cela dit, je remercie le cabinet du ministre d’avoir ressorti les débats de 1997 et de 1996 car ils vont me permettre d’apporter une réponse aux députés de la majorité. Je cite les propos du ministre de l’intérieur de l’époque, parus au Journal officiel du 19 décembre 1996, page 8639 du compte rendu des débats de l’Assemblée nationale. Interpellé à l’époque par des députés de sa majorité lui reprochant de délivrer un titre de séjour de manière automatique aux étrangers présents sur le territoire depuis plus de quinze ans et lui disant : « attention, appel d’air ! », le ministre  répond : « Première remarque : le risque migratoire est faible. » C’est bien M. Jean-Louis Debré, ministre de l’intérieur, qui fait cette déclaration ! Il le redit à plusieurs reprises dans ses interventions. Il ajoute : « Quoi qu’on puisse en penser, la possibilité de renvoyer effectivement les personnes en cause après quinze ans de séjour en France est quasi nulle, que l’on modifie ou non de manière corrélative l’article 25. En effet, celui qui prouve qu’il réside en France depuis quinze ans, même de manière irrégulière, est, de fait, intégré et la protection de la Convention européenne des droits de l’homme lui est acquise, sauf pour des motifs d’ordre public. » Voilà ce qu’affirmait à l’époque le ministre de l’intérieur, aujourd’hui devenu – peut-être est-ce la sagesse de ses interventions qui le lui a permis – président de l’Assemblée nationale !

À ce stade du débat, les choses doivent effectivement être clarifiées. Personne ici n’est naïf. Tout le monde l’a bien compris : nous avons soulevé un problème réel et la force de nos arguments a amené le ministre à se rendre compte qu’il fallait qu’il bouge pour donner le sentiment que, finalement, il n’était pas en train de faire une grave bêtise. Or c’est ce qui s’est passé tout à l’heure : comme le dit l’adage, il faut que tout bouge pour que rien ne change…

M. Jérôme Rivière. M. Dray a vu Le Guépard !

M. Julien Dray. …et le ministre de l’intérieur est un spécialiste de ce type de situation !

C’est très simple : dans notre République, lorsqu’un problème se pose, on crée une commission et, ainsi, on enterre le problème. Nous y sommes !

Nous, nous assumons sans aucun problème nos convictions, car nous considérons qu’il s’agit d'une situation exceptionnelle et qu’il n’y a aucun risque d’appel à des migrations ! Lorsqu’une personne est présente sur le territoire français pendant dix ans, sans discontinuité, et peut le prouver, nous affirmons qu’il s’agit d’une situation exceptionnelle, monsieur Jego, et que, de ce fait, la République doit prendre ses responsabilités ! Nous assumons et défendons notre position ici ! Voilà pourquoi nous avions mis en place un dispositif donnant la possibilité à une personne de démontrer sa présence sur le territoire depuis dix ans, d’apporter toutes les preuves allant dans ce sens, pour lui délivrer un titre de séjour ! C’était l’honneur de la République de comprendre, à un moment donné, ces gens capables de subir de telles situations aussi longtemps !

Il n’y avait aucun risque pour la République. Au contraire, c’était un geste de responsabilité. Vous vous rendez compte à présent que vous allez avoir un problème, et vous avez l’idée de créer une commission dont personne ne sait au juste comment elle fonctionnera. Cependant, vous tentez de fondre cette catégorie particulière d’immigrés dans l’ensemble plus vaste de tous les cas qui posent problème. Du coup, ces pauvres-là pâtiront du capharnaüm administratif, de l’inévitable surcharge des commissions, et ils seront encore plus mal traités. Nous ne voulons pas de cela, car nous estimons avoir une responsabilité à l’égard de ces gens qui, bien souvent, sont les victimes des évolutions de notre législation. Vous pourrez emballer ça de toutes les manières qu’il vous plaira, nous vous dirons toujours non.

D’ailleurs, les remarques formulées par mon collègue M. Roman étaient particulièrement fondées : dès qu’on entre dans le détail, on s’aperçoit que votre histoire ne tient pas, que le préfet ne sera pas lié par la décision de la commission. Dès lors, ce sera simplement « trois petits tours et puis s’en vont ». Voilà tout ce que vous nous proposez et que nous désapprouvons. Nous savons bien que, demain, certaines personnes seront placées en situation de clandestinité permanente et que, avec ce dispositif, vous avez inventé les clandestins à vie.

Mme Nadine Morano. C’est le contraire !

M. le président. La parole est à M. Yves Jego.

M. Yves Jego. À entendre l’opposition, on perçoit bien sa grande gêne… (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. Julien Dray a l’air très gêné !

M. Yves Jego. …et les difficultés qu’elle a à résoudre ses contradictions. Tout au long de l’après-midi, en effet, Julien Dray nous a expliqué que le dispositif des dix ans n’accordait pas automatiquement des papiers et permettait simplement d’examiner la possibilité d’en délivrer.

M. Julien Dray. On prend en compte ce qu’on appelle la valeur du dossier.

M. Yves Jego. Le ministre d’État a démontré que cette lecture de la loi était très contestable et Julien Dray vient d’ailleurs de corriger son propos, attribuant au passage la paternité du dispositif à ses amis politiques et considérant que l’honneur de la gauche avait été de donner automatiquement des papiers à tous ceux qui résidaient de façon irrégulière sur notre territoire depuis dix ans. Chacun l’aura bien entendu et la lecture du Journal officiel dévoilera vos contradictions de l’après-midi.

M. Julien Dray. Ça me fait peur ! Je tremble !

M. Yves Jego. Le problème qui se posait à nous était le suivant : nous devions régler un certain nombre de cas sur lesquels on appelait notre attention dans nos permanences et qui méritaient un traitement particulier. Pour cela, nous avions deux options. Celle que le parti socialiste semble défendre avec acharnement consiste à dire qu’il faut passer dix ans en situation irrégulière avant d’obtenir automatiquement des papiers.

M. Julien Dray. Il n’y connaît vraiment rien !

M. Yves Jego. Mais que se passe-t-il pour ceux dont la durée de séjour en France est inférieure à dix ans et qui mériteraient pourtant de bénéficier d’une régularisation ?

M. Julien Dray. Ça n’a rien à voir, ce n’est pas le débat ! Le droit et M. Jego, ça fait deux !

M. Yves Jego. Vous ne traitez pas cette question alors que, tout à l’heure, le ministre d’État a ouvert cette porte-là.

M. Julien Dray. C’est la tambouille de Montereau !

M. Yves Jego. C’est d’ailleurs bien cela qui vous gêne, car cette porte est plus largement ouverte que la vôtre.

Je me réjouis de cet amendement qui vient confirmer l’esprit de cette loi et les propos très clairs du ministre d’État. L’automaticité disparaît, on ne donne plus de prime à ceux qui, pendant dix ans, ont vécu des situations dont je veux bien reconnaître qu’elles sont épouvantables, mais qui le sont d’autant plus qu’elles sont illégales. Avec l’ancienne procédure, on enfermait dans l’illégalité celles et ceux qui voulaient rejoindre notre territoire : chacun comprend bien qu’on ne pouvait pas rester dans cette situation.

La nouvelle procédure, qui sera beaucoup plus efficace, beaucoup plus porteuse d’espoir, consiste à mettre en place, d’une part, une unification de l’action des préfets et, d’autre part, à l’échelon de chaque département, une possibilité très ouverte de régularisation. Elle bénéficiera à tous ceux qui le méritent pour des raisons humanitaires ou eu égard au caractère exceptionnel de leur dossier, qu’ils soient ou non restés dix ans sur notre territoire, car ce délai n’a aucun sens : pourquoi faire attendre dix ans une famille qui mériterait d’être régularisée au bout de trois, quatre ou cinq ans ?

M. Bernard Roman. « Qui mériterait » : qu’est-ce que ça veut dire ? À vous entendre, personne ne le mérite !

M. Yves Jego. Pour ce qui est de tous ceux qui sont en France depuis plus de dix ans, on leur garantira que leur cas sera examiné par la commission : telle est la réponse qui a été faite à M. Braouezec et je crois que ce dispositif est plutôt sage. Dans ce second cas de figure, monsieur Dray, on en revient donc à ce que vous imaginiez tout à l’heure être la législation, à l’automaticité de l’examen. La personne qui, depuis dix ans, est dans l’irrégularité, aura la certitude que la République examinera s’il convient de lui accorder le droit de vivre sur notre territoire.

M. Julien Dray. Ça s’appelle l’arbitraire !

M. Yves Jego. Je crois que nous tenons là un compromis.

M. Julien Dray. Il n’y a pas de compromis !

M. Yves Jego. On sent bien, dans vos propos, la gêne qui est la vôtre. Je me réjouis en tout cas de la clarté de ceux du ministre et que cet amendement vienne les traduire dans la législation. Nous avons là une solution beaucoup plus large, beaucoup plus forte et beaucoup plus efficace que celle pour laquelle vous plaidez.

M. Julien Dray. Dans la catégorie « j’ai eu un bon point du ministre », M. Jego se pose là !

M. Bernard Roman. Ça peut lui servir, la semaine prochaine !

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Je comprends mal les critiques de l’opposition. Nous avons demandé au ministre d’État de venir parmi nous afin d’essayer de mettre sur pied, ensemble, un nouveau dispositif concernant ceux qui, actuellement, ont la possibilité de demander la régularisation, dès lors qu’ils sont en mesure de prouver qu’ils résident depuis dix ans sur notre territoire. Entre la rédaction initiale du texte et l’amendement que nous tâchons de construire avec le Gouvernement et le rapporteur, on note une avancée importante. Non seulement nous traitons de nouveau, à la demande de notre collègue Braouezec, le cas de tous ceux qui sont en France depuis dix ans, mais nous offrons de surcroît la possibilité à ceux qui le souhaitent et qui n’ont pas dix ans de résidence sur le territoire national de faire également une demande.

On peut se demander comment le dispositif va s’articuler. Le ministre nous éclairera à ce sujet, qui a déjà été abordé dans la déclaration qu’a prononcée M. Sarkozy lorsqu’il a présenté son projet de loi. En attendant, je veux poser quelques questions.

Première question : les postulants à la régularisation vont devoir présenter leur demande devant les commissions départementales du titre de séjour. Le ministre a dit lui-même qu’elles ne fonctionnaient plus depuis longtemps − j’ignorais même leur existence −…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Elles ne fonctionnent plus depuis que leurs avis ont cessé de lier le préfet, en 1993 !

M. Étienne Pinte. …mais qu’il allait demander aux préfets de les réactiver. L’avis de la commission liera-t-il le préfet ? Par homothétie, on peut songer à une autre commission, que nous sommes plusieurs ici à bien connaître depuis que nous avons lutté pour la réforme de la double peine, la commission consultative départementale d’expulsion. Avant de prendre un arrêté d’expulsion, le préfet était obligé de demander l’avis de cette commission. Je peux vous assurer, pour avoir suivi de très près tous les dossiers qui sont passés devant ces commissions, que neuf fois sur dix − pour ne pas dire dix fois sur dix − le préfet suivait leur avis.

Deuxième question : les personnes résidant en France depuis plus de dix ans, pour lesquelles notre collègue Braouezec a sollicité une disposition particulière, devront-elles déposer leur requête devant la commission départementale du titre de séjour ou directement devant la commission nationale dont le ministre nous a tout à l’heure confirmé la création ?

Troisième question : lorsque le préfet aura considéré que l’avis de la commission départementale du titre de séjour n’allait pas dans le bon sens, il sera possible d’interjeter d’appel auprès du ministre, qui saisira alors la commission nationale. C’est ensuite, au vu de l’avis de la commission nationale, que le ministre de l’intérieur prendra sa décision. Je serais fort surpris que, dans la plupart des cas, comme pour les commissions départementales d’expulsion, l’autorité administrative ne suive pas, soit en première, soit en seconde instance, l’avis de la commission départementale ou celui de la commission nationale.

Telles sont les quelques questions que je voulais poser. J’ai pratiqué la commission départementale d’expulsion, et je puis vous assurer que le dispositif a plutôt bien fonctionné pour les doubles peines. Cette expérience me permet de penser que, si le travail de la commission départementale du titre de séjour est aussi bon, les craintes que certains peuvent aujourd’hui éprouver se révéleront infondées. Je suis donc plutôt satisfait de cette avancée positive. Si nous n’avions pas bataillé pendant des heures et des heures cet après-midi, nous n’en serions pas arrivés là ce soir.

Mme Juliana Rimane. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, vous me permettrez de répondre à Étienne Pinte, car je sais que son argumentation est sincère et que, lorsqu’il nous interroge, ce n’est ni pour nous mettre en difficulté ni avec des arrière-pensées politiciennes. Rappelez-vous, monsieur Pinte, que, si nous avons souhaité aborder l’alinéa 6 de l’article 24 en présence du ministre, c’était parce que nous caressions l’espoir − qui s’est avéré illusoire − de le convaincre, et qu’il prendrait en considération la situation, que vous aviez vous-même évoquée à l’article 2, des personnes qui vivent depuis plus de dix ans sur notre territoire et qui devraient donc, de droit, avoir accès à la régularisation. Nous avons essayé de lui prouver que cela ne touchait nullement les fondements de son projet de loi, mais il a considéré, à l’inverse, que cela mettait en cause son idée d’immigration choisie. Il n’a donc pas voulu admettre que l’on pouvait s’en tenir à la loi de 2003 et que la régularisation de droit devait être maintenue pour ces personnes présentes depuis plus de dix ans.

Dès lors, des propositions ont été avancées pour que ces personnes ne perdent pas tout espoir et qu’elles puissent tout de même faire valoir leurs droits. Mais, tel qu’il est rédigé, l’amendement portant article additionnel est une véritable usine à gaz. Je ne vois pas très bien comment on pourra gérer cela. Comme l’ont dit Noël Mamère et Julien Dray, ce n’est que de l’affichage. Quant à moi, je ne peux pas voter un dispositif qui est en retrait par rapport à la loi précédente. Notre logique, c’est de nous opposer à ce projet de loi : si nous étions aux responsabilités, nous aurions d’autres propositions à faire. Tout ce que nous pouvons dire, c’est : débrouillez-vous avec cet amendement, c’est votre responsabilité, c’est votre loi. Telle est, à ce moment précis, notre position. Nous ne sommes pas gênés, monsieur Jego. Nous faisons en sorte que la loi soit la moins mauvaise possible, mais ne nous demandez pas de cautionner un texte que nous désapprouvons.

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Je tiens à revenir à la fois sur les propos de M. Braouezec et sur l’étonnement de M. Pinte.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Est-il vraiment besoin de prolonger le débat ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il a déjà eu lieu !

M. Bernard Roman. Il est vrai que nos positions respectives sont claires et nous allons donc pouvoir passer au vote, mais ainsi tout aura été dit.

Notre position initiale était la même que celle de M. Debré, ministre de l’intérieur en 1997, et de M. Sarkozy, également ministre de l’intérieur en 2003, lorsqu’il a maintenu cette disposition : lorsqu’on est en France de manière irrégulière depuis plus de dix ans, on a un droit à être régularisé.

M. Yves Jego. C’est toujours ce que prévoit l’amendement.

M. Bernard Roman. Cette disposition, monsieur Jego, signifie que l’on a un droit, lorsque l’on a dix ans de présence, à déposer un dossier en préfecture, et cela sans crainte – encore que la circulaire du 21 février dernier me semble en totale opposition avec cette possibilité de dépôt de dossier. En tout cas, le droit de présenter ce dossier existe, et l’autorité compétente décide au vu des pièces, lesquelles doivent prouver une présence en France sans discontinuité pendant dix ans, si le droit à la régularisation est acquis.

M. Yves Jego. L’amendement ne change rien.

M. Bernard Roman. Bien sûr que si ! Il suffit de comparer ce qu’il en était avant et ce qu’il en sera après. Aujourd’hui, la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit aux étrangers qui résident en France depuis plus de dix ans.

M. Jean-Christophe Lagarde. M. Dray affirmait pourtant le contraire !

M. Bernard Roman. Parce que, monsieur Lagarde, cette délivrance n’est de plein droit qu’à partir du moment où le dossier est validé !

Aujourd’hui, je le répète, l’étranger présent sur notre territoire depuis plus de dix ans peut se présenter à la préfecture pour faire valoir son droit à la régularisation,...

M. Yves Jego. Et il repartira avec des papiers ?…

M. Bernard Roman. ...ce qui implique, logiquement, que la circulaire du 21 février ne puisse alors s’appliquer. S’il est placé en centre de rétention, le tribunal administratif ne pourra que constater qu’il doit être libéré. Avec la nouvelle législation, son droit à la régularisation n’existe plus. Il ne se rendra à la préfecture que pour soumettre son dossier à la commission nationale.

M. Yves Jego. Mais non, lisez l’amendement : c’est seulement l’automaticité qui disparaît.

M. Bernard Roman. Non, le droit à la régularisation n’existe plus, et c’est bien là tout le subterfuge : le mécanisme que l’on nous propose fait disparaître un droit que nous croyons, comme M. Debré en 1997 et M. Sarkozy en 2003, légitime ! Vous dites le contraire, mais c’est de l’affichage !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Yves Jego. Et vous, c’est de la caricature !

M. Bernard Roman. Nous ne voterons donc pas cet amendement même si, en dépit de son flou artistique, il améliore un peu – mais était-ce si difficile ? – le texte initial. En vérité, monsieur le ministre, vous faites semblant, pour entretenir l’espoir, de conserver un droit dont des gens ont dramatiquement besoin. C’est pire que tout puisque la politique reste la même ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Jego. C’est caricatural !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Une nouvelle fois ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Chacun doit-il vraiment prendre la parole deux fois ?

Mme Christiane Taubira. Le président préside !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous avez, monsieur le ministre, souhaité un large débat.

M. le président. J’avais en effet cru entendre qu’un large débat pouvait avoir lieu sur ce point.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je vous remercie, monsieur le président, d’en tenir compte, d’autant que j’avais été bref. Cependant, ce que j’ai entendu depuis m’oblige à quelques explications. Alors que le débat de cet après-midi était intéressant, les postures politiques, que je peux comprendre, conduisent en effet à certaines exagérations.

Le projet initial supprimait toute possibilité de régularisation. Certes, la loi actuelle constitue, avec le délai de dix ans, une sorte de pis-aller, une porte de sortie peu glorieuse, mais au moins permet-elle de traiter tout ce qui ne peut l’être autrement. Supprimer ce délai sans rien prévoir d’autre eût donc été une erreur.

Le ministre de l’intérieur a proposé, avec cet amendement, un certain nombre d’aménagements et d’avancées. Non seulement des régularisations seront possibles pour des gens dont la présence sur notre territoire dure depuis moins de dix ans,…

M. Yves Jego. Exact !

M. Jean-Christophe Lagarde. …mais davantage de situations seront également englobées grâce à la fixation d’autres critères.

M. Yves Jego. Ce qui gêne la gauche !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nos collègues soulèvent en effet certains problèmes, notamment celui du fonctionnement de la commission nationale.

Examinons déjà ce qu’il en est de la prise en compte du délai de dix ans. Nous avons été nombreux à le reconnaître, la régularisation n’intervient jamais au bout des dix ans : ces gens ne pensent pas, en effet, au cours des premières années, à garder les preuves de leur présence. Aussi le délai est-il aujourd’hui, pour être régularisé, de treize voire quinze ans. Il est donc bien de retenir aussi d’autres critères.

S’agissant de la décision du préfet, certains se demandent si ce dernier sera lié par l’avis de la commission et craignent l’arbitraire. Mais cet arbitraire, il existe aujourd’hui ! C’est le cas, par exemple, dans une certaine préfecture que M. Braouezec et moi-même connaissons bien.

M. Patrick Braouezec. Trop bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. Telle enveloppe adressée par telle administration pourra ainsi ne pas être considérée comme une preuve de présence, par exemple la troisième année, faisant repartir à zéro le délai de dix ans. Et cet arbitraire auquel l’étranger est ainsi soumis n’est même pas celui du préfet. C’est celui du guichetier, car c’est lui qui considère si tel ou tel dossier est complet ou non. Telle est en tout cas la situation dans mon département : M. Bartolone doit également le savoir.

On ne peut donc prétendre que le système actuel n’est pas arbitraire. Au contraire, je trouve qu’il y aura dorénavant moins d’arbitraire. Avec la création d’une commission où seront représentés des élus – vous pourrez vous-mêmes y siéger, mes chers collègues – et des associations qui défendent des étrangers en situation irrégulière, c’est à l’arbitraire du guichetier ou du préfet et de leur intime conviction qu’il sera mis fin, d’autant que le ministre a proposé – certes hors amendement, mais j’imagine qu’il va y revenir dans sa réponse – l’évaluation du dispositif.

Certains, donc, se demandent si le préfet suivra la commission. Mais aujourd’hui, il n’a de compte à rendre à personne s’agissant des éléments qu’il aura décidé ou non de retenir pour parvenir au délai de dix ans. Dorénavant, au contraire, il suivra, dans 90 à 95 % des cas, comme le soulignait Étienne Pinte, l’avis de la commission. Dans le cas contraire, il aura affaire aux élus – c’est-à-dire vous et nous – et aux associations, qui pourront même intervenir en amont, puisque les dossiers seront disponibles avant toute décision et non plus après.

Peut-être avez-vous raison aujourd’hui, mes chers collègues, puisque cette commission ne fonctionne pas encore. Faisons donc en sorte que l’État la mette en place et que les associations et les élus veillent à ce qu’elle fonctionne. C’est en effet un outil qui permettra d’accélérer les choses quand des situations humanitaires exceptionnelles se présenteront ou, simplement, quand quelqu’un aura été présent depuis suffisamment longtemps sur le territoire pour qu’un titre de séjour lui soit délivré afin de lui permettre, enfin, de vivre dignement.

M. Yves Jego. Très bien !

M. Julien Dray. C’est Alice au pays des merveilles !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Permettez-moi, mesdames et messieurs les députés, de vous rappeler que nous arrivons au terme de sept heures et demie de débat sur le contenu de l’article 24. Comme j’en avais exprimé le souhait ce matin, à la reprise de nos débats, le Gouvernement aura ainsi veillé à ce que chacun puisse s’exprimer pleinement et apporter sa contribution.

M. Julien Dray. Nous avons voulu vous faire plaisir !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Et vous avez réussi ! Voir chacun sur ces bancs se passionner pour ces questions m’a rempli d’enthousiasme !

Je tiens toutefois, avant que M. le président ne vous propose de passer au vote, à répondre aux questions que, les uns et les autres, vous avez posées.

Monsieur Roman, cette carte de séjour d’un an sera créée pour procéder à une régularisation soit à titre humanitaire, soit pour tout autre motif que l’étranger ferait valoir.

Par ailleurs, ce seront bien les préfets qui décideront, mais en application des critères définis par la commission. Je le précise à nouveau, le ministre pourra la saisir pour avis en cas de recours hiérarchique. De même, l’étranger qui justifie d’une résidence en France depuis dix ans, aura le droit de faire valoir devant elle ses arguments à être admis à séjourner sur notre territoire, conformément à une suggestion de M. Braouezec.

Monsieur Mamère, notre amendement pourrait certainement être amélioré, mais il ne saurait pour autant être dénaturé. Je vous confirme en tout cas les engagements pris par le ministre d’État lorsqu’il est venu compléter les assurances que je vous avais moi-même apportées dans le courant de l’après-midi : la commission harmonisera les pratiques de régularisation des préfets, mais sans avoir elle-même le pouvoir de décision.

Monsieur Lagarde, en cas d’admission à titre exceptionnel, c’est une carte d’un an renouvelable qui sera délivrée, par dérogation aux cas habituels de délivrance de la carte « vie privée et familiale ». Le préfet conservera un large pouvoir d’appréciation, déjà consacré sans texte par l’avis rendu le 22 août 1996 par le Conseil d’État. Pour le reste, je tiens à vous remercier de votre large contribution – qui a permis de faire progresser la compréhension de cet alinéa 6 de l’article 24 – et pour votre soutien.

Monsieur Braouezec, j’ai bien noté, et je vous en remercie également, que vous ne vous opposiez pas à cet amendement, qui reprend – vous aurez pu le mesurer –certaines des suggestions que vous avez présentées, notamment lorsque le ministre d’État nous a rejoints. Je voudrais d’ailleurs vous faire remarquer que l’indicatif vaut impératif en droit français. L’amendement du Gouvernement précise à cet égard que « la demande d’admission exceptionnelle au séjour formée par l’étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans est soumise à l’avis de la commission. » Que signifie l’expression « est soumise » sinon que l’admission doit lui être soumise ?

M. Patrick Braouezec. C’est donc automatique.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je rappelle également que la commission, ainsi que cela a été demandé sur tous les bancs, sera plurielle, puisqu’elle réunira des représentants des administrations et des associations, mais aussi des élus : et c’est une garantie que je tenais à apporter. L’harmonisation sera en outre assurée grâce à la définition de critères par la commission, le rapport annuel évaluant les conditions d’application du dispositif.

J’apporterai également une précision à propos des commissions locales du titre de séjour auxquelles, monsieur Braouezec, vous avez fait référence comme si elles constituaient pour nous une nouveauté. J’avais cru pourtant avoir moi-même souligné que ces instances généralement départementales existaient déjà et que nous ne faisions que les réactiver là où – reconnaissons-le – elles ne jouaient pas pleinement leur rôle.

Je rappelle toutefois qu’elles ne seront pas compétentes s’agissant de la carte de séjour dont nous parlons, puisque nous créons pour cette catégorie d’étrangers une commission nationale ad hoc. C’est donc cette dernière qui examinera directement les dossiers des étrangers concernés, qu’elle soit saisie par le ministre, lui-même saisi d’un recours hiérarchique, ou bien, de plein droit, par l’étranger qui réside en France depuis plus de dix ans.

Au total, qui décide ? L’État – soit le préfet, soit le ministre saisi d’un recours hiérarchique.

Que fait la commission ? Elle précise les critères de régularisation. Elle donne systématiquement un avis sur les demandes des étrangers qui résident en France depuis dix ans. Elle donne un avis au ministre saisi d’un recours hiérarchique et qui l’a sollicitée.

La commission créée par la loi est évidemment une grande avancée et je veux remercier M. Pinte pour son soutien à l’amendement, dicté par son souci d’humanité, amendement auquel il a apporté une utile contribution.

Monsieur Dray, contrairement à vous, les associations que nous avons consultées sont prêtes à entrer dans la logique de cette commission.

M. Julien Dray. Vos associations !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Dray, avec quelques autres sur ces bancs, sans doute à la suite de notre proposition d’ouvrir plus largement le débat parlementaire, vous avez décidé d’en profiter pour ralentir nos travaux.

M. Julien Dray. Non, on ne ralentit rien.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Votre problème, c’est que le ministre de l’État, ministre de l’intérieur, comme l’ensemble de ceux qui travaillent à ses côtés, qui ont proposé, choisi, élaboré la rédaction de l’article 24, et plus particulièrement de son alinéa 6, ont souhaité s’entretenir, pour qu’il n’y ait pas de contestation, avec l’ensemble des associations représentatives, notamment Emmaüs, la CIMADE, Africagora, le Secours catholique, et bien d’autres.

M. Julien Dray. Elles sont toutes en désaccord avec votre texte ! Vous n’en avez pas trouvé une seule qui vous soutienne ! Demandez à M. Goasguen, il les a toutes eues en direct, à la télévision.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Et c’est bien parce que, pour compléter l’article 24, nous avons proposé la création de cette commission nationale que l’ensemble des associations nous ont fait savoir qu’elles étaient en harmonie avec la vision du ministre d’État et du Gouvernement.

Mais contrairement à ce qui se passe pour les associations, avec lesquelles nous avons un accord,…

M. Julien Dray. Citez m’en une qui soit d’accord avec vous ? Il n’y en a aucune. L’UNI peut-être ? (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. … il est vrai que nous avons avec vous un vrai désaccord. Nous considérons en effet que le critère de dix ans n’est pas pertinent et nous souhaitons pouvoir régulariser des étrangers qui ont moins de dix ans de présence en France.

M. Yves Jego. C’est cela qui les gêne !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Vous voulez en rester à la régularisation automatique au bout de dix ans. Nous, nous organisons un débat beaucoup plus généreux, beaucoup plus ouvert puisque nous souhaitons permettre à la commission d’examiner la situation d’un certain nombre d’étrangers qui sont demandeurs avec moins de dix ans de présence sur le territoire national en situation irrégulière.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On en reparlera.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Mais nous ne voulons pas de l’automaticité de la régularisation. Ce que vous voudriez, c’est rester figés. Nous, nous voulons, au contraire, instituer plus d’humanisme, plus de dignité, plus de respect. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Nous voulons introduire une modernité dans les critères qui existent aujourd’hui. Nous voulons des décisions au cas par cas, quelle que soit l’ancienneté du séjour. Et nous voulons, je le répète, que les étrangers en France depuis dix ans aient le droit de faire valoir leurs arguments devant la nouvelle instance.

Je le rappelle, nous avons eu cet après-midi un débat particulièrement nourri. Le ministre d’État s’était engagé à cette tribune, après le débat avec les associations sur l’article 24, à créer, par circulaire, une commission nationale. Ce soir, nous en avons défini les critères, qui figureront dans la loi grâce un amendement gouvernemental. Il n’est désormais plus question de circulaire, même s’il était apparu lors de la discussion générale que, pour un certain nombre d’entre vous, cette proposition constituait déjà un progrès. Ce qui vous est proposé, c’est d’inscrire dans la loi par un amendement gouvernemental ce qui a fait l’objet d’une large discussion cet après-midi et qui, me semble-t-il, au terme de ce débat avec le ministre d’État, était considéré par un certain nombre d’entre vous comme une véritable avancée.

Certains évoquent une usine à gaz. Mais il me semble que l’architecture proposée par le ministre d’État est parfaitement respectée dans cet amendement : rien n’a été remis en cause.

En réalité, je crois, monsieur Dray, monsieur Roman, qu’une partie, et une partie seulement, de l’opposition, est gênée. Notre dispositif est équilibré. Il vous dérange. La création de cette commission est en parfaite cohérence avec le projet de loi en permettant une régularisation dans un esprit d’efficacité et de justice. Elle est conforme à la logique de l’immigration choisie.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Julien Dray. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Vanneste. Ah non ! Ça suffit !

Mme Chantal Brunel et Mme Françoise de Panafieu. On vote !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur le président, j’ai répondu. Maintenant, il faut passer au vote.

M. Julien Dray. Nous n’avons pas fait d’obstruction, mais si vous vous énervez, nous pouvons ralentir le rythme des débats. Vous allez perdre plus de temps !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Cela fait sept heures et demie, et même huit heures maintenant, que nous sommes sur le sujet.

M. Julien Dray. Ce n’est pas à vous que je m’adressais, monsieur le ministre, mais à certains parlementaires.

Vous parlez des associations. C’est formidable. Mais citez m’en une seule qui ait approuvé votre texte.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Des noms !

M. Julien Dray. Il n’y en a pas une ! Vous les avez reçues, et toutes, unanimement, ont condamné votre texte.

M. Claude Goasguen. En fait, il n’y a que Malek Boutih qui est d’accord.

M. Julien Dray. Même celles qui, peut-être par souci humanitaire, auraient pu essayer de vous ménager un soutien. M. Goasguen le sait : il a eu affaire, pas plus tard que mardi soir, au président de la CIMADE, qui lui a expliqué tout le mal qu’il pensait de son texte. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cela a été la même chose avec Emmaüs, avec tous les défenseurs des droits de l’homme… Ça ne colle pas, votre histoire, vous le savez très bien !

Mme Nadine Morano. C’est au parti socialiste que cela ne colle pas !

M. Julien Dray. Donc, n’essayez pas d’invoquer ici un soutien quelconque d’associations. Que les associations entrent ensuite dans le dispositif, une fois le texte adopté, c’est normal, elles doivent jouer leur rôle humanitaire. Mais ne dites pas qu’elles l’approuvent.

Par ailleurs, je tiens à préciser que nous ne sommes pas du tout gênés, nous avons simplement fait la démonstration que votre texte comportait une faille. Vous avez essayé de la combler mais vous créez aujourd’hui une situation ubuesque au regard des cas concrets qui vont vous être soumis.

M. Claude Goasguen. N’importe quoi !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

Mme Chantal Brunel. On vote !

M. Patrick Braouezec. Juste deux mots avant de passer au vote.

Je serai encore plus sévère que M. Dray, monsieur le ministre. Je vous le dis en toute sympathie : je trouve qu’il n’est pas honnête, honnête intellectuellement…

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Ah non ! Faites-moi plaisir, retirez ce mot.

M. Patrick Braouezec. Ce n’est pas facile à cette heure tardive, mais je vais essayer de trouver un autre mot pour ne pas vous blesser. Il n’est pas…

M. Jean-Christophe Lagarde. De bon aloi…

M. Patrick Braouezec. Voilà ! Il n’est pas de bon aloi….

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je préfère.

M. Patrick Braouezec. ….de dresser une liste d’associations que le ministre a effectivement rencontrées et de faire comme si ces associations soutenaient le projet de loi. M. Dray a raison, pas une seule association parmi celles dont vous avez dressé la liste n’est d’accord avec ce texte.

M. Claude Goasguen. C’est normal.

M. Patrick Braouezec. Alors, n’essayez pas de faire croire que les associations auraient donné leur assentiment sur tel ou tel article.

Seconde remarque : nous étions prêts à mettre notre touche dans l’architecture que vous évoquiez.

M. Claude Goasguen. Oh non ! Ne le faites pas !

M. Patrick Braouezec. Avec, justement, notre spécificité. Nous avions proposé de dissocier de ce texte sur l’immigration choisie, la question des personnes qui sont depuis plus de dix ans sur le territoire. Mais vous considérez que votre édifice est à prendre ou à laisser, qu’il s’agit d’un tout et qu’il ne peut pas y avoir la moindre « fantaisie », malgré les conséquences importantes pour les intéressés.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Au contraire.

M. Patrick Braouezec. Nous en prenons acte, mais ne nous demandez pas d’approuver l’architecture globale de votre projet. Pour nous, elle n’est pas bonne.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 608.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 607 rectifié, modifié par le sous-amendement n° 608.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Article 25

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, inscrit sur l’article.

M. Serge Blisko. Pour vous montrer que nous ne sommes pas des « obstructeurs », je me propose, monsieur le président, de défendre en même temps l’amendement n° 286.

M. le président. Si vous voulez, monsieur Blisko.

M. Serge Blisko. L’article 25 est important mais je ne suis pas sûr de l’avoir bien compris et je compte sur vous, monsieur le rapporteur, pour m’éclairer.

Cet article concerne les personnes qui se sont vu accorder la protection subsidiaire. Nous ne sommes pas des fanatiques de la protection subsidiaire, qui est en quelque sorte un droit d’asile de deuxième ordre. Cela concerne les gens qui ne rentrent pas tout à fait dans les caractéristiques de la Convention de Genève, mais qui sont néanmoins menacées dans leur pays d’origine. On a créé pour elles un statut intermédiaire qui, finalement, est protecteur. Ce statut succède à l’asile territorial de la loi Chevènement, qui avait été accordé assez parcimonieusement.

Les personnes qui bénéficient à titre personnel de la protection subsidiaire peuvent avoir un conjoint issu du même pays. Or, pour avoir un titre de séjour, le conjoint doit obtenir, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 25, si j’ai bien compris, un visa de long séjour accordé depuis le pays d’origine. Demander à une personne qui s’est mariée avec un réfugié, appelons-le ainsi, titulaire d’une carte de protection subsidiaire, de retourner dans le pays d’origine dont son conjoint est issu pour demander un visa me semble aberrant et extrêmement dangereux. C’est une mise en danger de la vie d’autrui. Je ne doute pas que nos services consulaires lui délivreraient le visa, mais cette personne pourrait être soumise à une sorte de chantage ou de pression pendant que son conjoint reste en France ; elle pourrait être à la merci des autorités policières du pays que le conjoint a fui.

Je me demande si nous ne sommes pas en train d’aggraver une situation. Ces personnes vont-elles être obligées, avec la disposition que nous avons votée il y a deux jours, d’aller réclamer dans leur pays d’origine un visa de long séjour pour rejoindre leur conjoint ?

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 520 et 286, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 520.

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement n° 520 s’inscrit dans la logique des principes que nous avons défendus depuis le début de l’examen de ce texte. Il tend à supprimer la référence à l’article L. 311-7 relatif à l’obtention d’un visa de long séjour, conformément à notre demande, qui n’a pas été acceptée, de suppression de l’article 2. Je rappelle que cet article pose le principe que la délivrance de la carte de séjour temporaire est subordonnée à la production d’un visa de long séjour. Or, conformément aux obligations légales de la France, l’obtention de ce visa de long séjour ne peut dépendre des autorités diplomatiques et consulaires, qui effectueront évidemment des choix arbitraires et discrétionnaires.

Telles sont les raisons qui nous conduisent à demander la suppression de l’alinéa 2 de l’article 25.

M. le président. L’amendement n° 286 a été défendu.

Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements n°s 520 et 286 ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Sans doute M. Blisko a-t-il en effet mal compris le but de l’article 25.

M. Serge Blisko. Cela peut arriver.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Bien sûr.

Le seul objectif de cet article 25 est de dispenser les personnes qui bénéficient de la protection subsidiaire de produire un visa de long séjour.

M. Serge Blisko. Ça c’est normal.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il n’en sera pas de même pour les conjoints et enfants de ces personnes restées au pays. C’est ce que vous critiquez, je pense.

M. Serge Blisko. Absolument.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Mais en supprimant l’alinéa, vous ne réglez en rien la question que vous soulevez.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Vous l’aggravez même.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Au contraire, si nous supprimions l’alinéa, nous supprimerions la dérogation concernant le visa de long séjour pour la personne protégée elle-même.

J’aurais pu comprendre que vous présentiez un amendement précisant que la condition prévue à l’article L.311-7 n’est pas exigée au deuxième aliéna de l’article L.313-13, comme cela est déjà le cas au premier alinéa, mais ce n’est pas ce que vous proposez.

En réalité, cet article est une simple mesure de coordination pour que la personne bénéficiant de la protection subsidiaire n’ait pas à demander de visa de long séjour.

Avis défavorable sur les deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. L’avis du Gouvernement est également défavorable. Comme votre rapporteur, je souhaite préciser à M. Blisko qu’il obtiendrait un effet tout à fait opposé à la démarche qu’il pensait engager. En effet, les personnes qui n’ont pas droit à l’asile mais courent pourtant de graves dangers si elles retournent dans leur pays peuvent bénéficier grâce à ces dispositions d’une carte de séjour. C’est, comme le rappelait Thierry Mariani la protection subsidiaire, dont le projet de loi ne modifie pas les conditions d’attribution. En revanche, si l’on adoptait cet amendement, ces personnes perdraient entièrement ce bénéfice.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. C’est en effet un mécanisme à double détente. Il est évident qu’il ne faut pas toucher à la protection subsidiaire dont bénéficie une personne menacée dans son pays, et j’admets qu’il est important, dans ce cas, qu’elle n’ait pas à demander de visa, ce qui serait stupide et contraire au but que nous poursuivons.

En revanche, j’ai quand même levé un lièvre, car le conjoint ou les enfants mineurs se retrouvent avec votre loi dans une situation extrêmement paradoxale. Imaginons, monsieur le président, que vous vous soyez enfui de votre pays. Pour vous rejoindre, votre conjointe ou votre fiancée est obligée de demander un visa, ce qui la contraint à se dévoiler aux autorités policières. Immanquablement, on va lui faire payer le fait que son conjoint se soit enfui en France où il a de surcroît obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire, ce qui signifie que l’OFPRA a reconnu qu’il était victime de persécution dans son pays. Cela peut évidemment avoir de très graves conséquences, car certains pays n’admettent pas qu’on les accuse de persécution.

Je concède que la rédaction de notre amendement est bancale, mais le problème demeure et je demande que le conjoint soit dispensé d’un titre de séjour pour éviter de se découvrir, même s’il n’est pas menacé directement. Je comprends le Gouvernement et le rapporteur, mais qu’ils me comprennent à leur tour. Il faut trouver une solution.

M. Julien Dray. Moi, j’ai compris !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 520.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 286.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 25.

(L’article 25 est adopté.)

Après l’article 25

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 373, portant article additionnel après l’article 25.

La parole est à Mme Chantal Brunel, pour le soutenir.

Mme Chantal Brunel. J’aurai, je pense, l’assentiment de mes collègues sur cet amendement, qui vise à empêcher la délivrance d’une carte de résident à un étranger poursuivi pour avoir commis sur un mineur de quinze ans des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, telle que l’excision.

Cet amendement a pour but de montrer que dans notre pays, où nous nous battons régulièrement pour l’égalité entre les hommes et les femmes, ce sont des pratiques inadmissibles, contraires à nos lois et à nos valeurs. Il est donc normal qu’on ne laisse pas entrer sur le territoire français des gens qui ne respectent ni nos valeurs ni nos lois.

J’ajoute que le président de la commission des affaires sociales a tenu à cosigner cet amendement parce qu’il a beaucoup travaillé sur les problèmes d’excision. Il tenait donc à s’y associer.

M. Jérôme Rivière. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable.

M. le président. Et du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 373.

(L’amendement est adopté à l’unanimité.)

Article 26

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 173, 287 et 522, visant à supprimer l’article 26.

M. Serge Blisko. Les deux premiers sont défendus.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 522.

Mme Jacqueline Fraysse. La séparation dans un délai de trois à quatre ans à compter du mariage ne peut suffire à faire supposer qu’il s’agit d’un mariage de complaisance. C’est un raccourci, et il me paraît qu’en tout état de cause la pérennité du droit de séjour ne peut pas être subordonnée aux aléas de la vie d’un couple. Pour ces raisons, nous considérons que cet article est abusif et qu’il devrait être supprimé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 173, 287 et 522.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 523, 142 et 479, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l’amendement n° 523.

Mme Muguette Jacquaint. Cet amendement concerne les cas où il y a rupture de la vie commune mais où le couple a eu des enfants, ce qui justifie à nos yeux que la carte de résident ne soit pas retirée au conjoint étranger. En effet, la Convention des droits de l’enfant, ratifiée par la France le 20 novembre 1989, établit dans son article 9, alinéa 3, l’impossibilité de priver un enfant de l’un ou l’autre de ses parents même s’ils sont séparés : « Les États parties respectent le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. »

J’ajoute que, si un couple a eu des enfants, il est exclu de considérer cette union comme un mariage de complaisance.

M. le président. Les amendements nos 142 et 479 sont identiques.

La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement n° 142.

M. Étienne Pinte. Cet amendement est presque le même que l’amendement n° 523 déposé par M. Braouezec. Il est un peu plus précis, puisque j’écris : « sauf si un ou des enfants sont issus de cette union ».

L’article 26 tel qu’il nous est présenté par le Gouvernement prévoit le retrait de la carte de résident remise au conjoint étranger s’il y a rupture de la vie commune pendant les quatre ans suivant la célébration de mariage. Cet article est donc conçu pour limiter les mariages dits de complaisance. Il ne peut toutefois s’appliquer, me semble-t-il, lorsque des enfants sont nés de cette union. L’existence d’enfants signifie bien qu’il ne s’agit pas d’un mariage de complaisance, car jamais on ne peut considérer un enfant comme un enfant de complaisance. De plus, ces enfants ont le droit, comme l’a rappelé Mme Jacquaint, d’être élevés par leurs deux parents, même si ceux-ci ne vivent plus ensemble. Refuser un titre de séjour à un des parents porterait atteinte aux droits des enfants à vivre en famille, droit reconnu par la Convention internationale des droits de l’enfant, dans son article 9.

M. le président. Sur l’amendement n° 142, je suis saisi d’un sous-amendement n° 606.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. En cas de rupture de la vie commune, il est logique que la carte de résident soit retirée au conjoint étranger, notamment pour pouvoir mieux lutter contre les mariages de complaisance.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il faut cependant protéger les personnes les plus vulnérables, en l’occurrence les enfants. Dans le cas où des enfants sont nés du mariage, nous rejoignons donc la proposition de M. Pinte et de Mme Boutin, mais à la condition que le parent étranger contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation de ces enfants depuis la naissance. Il s’agit de protéger les parents isolés.

M. Lagarde a déposé un sous-amendement qui va dans le même sens, mais nous avons le sentiment que la rédaction proposée par le Gouvernement est plus adaptée à l’objectif que nous cherchons à atteindre.

M. le président. Monsieur Lagarde, si le sous-amendement du Gouvernement était adopté, il ferait tomber le vôtre. Vous y ralliez-vous ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, il se trouve que je n’avais pas le sous-amendement du Gouvernement. Laissez-moi quelques instants pour le lire, puis je reprendrai la parole.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l’amendement n° 479.

M. Serge Blisko. Je me reconnais assez dans ce qu’ont dit Mme Jacquaint et M. Pinte, moins dans le sous-amendement du Gouvernement.

Je ne vais pas reprendre l’argumentation de mes deux collègues, qui m’a semblé fort juste. Il est difficile en effet de plaider pour la lutte contre les mariages de complaisance y compris quand il y a un enfant, parce que l’enfant de complaisance, cela devient extravagant !

Mais permettez-moi de m’arrêter un instant sur les vertus infinies que l’on exige des étrangers dans ce pays. Combien de Français arriveraient à remplir ce cahier des charges ! Il faut qu’ils respectent intégralement toutes les lois de la République, leur niveau d’alphabétisation doit être parfait, ou du moins bien supérieur à celui de beaucoup de Français, qui malheureusement souffrent d’illettrisme.

M. Jacques Myard. Vous avez l’intention de mettre dehors ces Français analphabètes ?

M. Serge Blisko. On leur demande d’avoir des capacités scolaires supérieures à celles de beaucoup de nos compatriotes, et je regrette que nombre de jeunes et de moins jeunes élevés dans ce pays ne soient pas encore au niveau du DILF – ce qui pose d’autres questions que nous n’allons pas résoudre ici.

On leur demande, évidemment, d’avoir choisi la bonne profession et de ne pas perdre leur emploi, sans quoi leur situation devient complexe. Hier, on leur demandait, s’ils étaient saisonniers, de ne pas dépasser un certain nombre de mois de travail par an. Aujourd’hui, on leur demande, s’ils sont mariés, pacsés ou en couple, de ne pas rompre leur vie commune avant quatre ans. Je vous rappelle qu’en région parisienne, même si nous le déplorons parce que cela crée de l’instabilité, 50 % des jeunes que nous marions divorcent avant quatre ans.

M. Jacques Myard. Il n’y a pas que les jeunes !

M. Serge Blisko. Et le soupçon continue ! S’ils ont un enfant, il faut en plus qu’ils prouvent qu’ils l’élèvent. C’est très louable et je suis d’accord : je n’aime pas les hommes ou les femmes qui, une fois qu’ils ont conçu un enfant, disparaissent sans contribuer aux charges de son éducation.

Ne pousse-t-on pas la sévérité un peu loin ? A l’aune de ce qu’on demande à ces étrangers, beaucoup de Français devraient perdre immédiatement leur nationalité et être chassés de ce pays ! Ne pourrait-on pas au contraire imaginer que ces hommes et ces femmes puissent avoir des difficultés conjugales ou des difficultés à élever un enfant ? La vie est moins rigide et moins parfaite que dans l’esprit des législateurs, qui font preuve dans cette affaire d’un manque d’indulgence et d’humanité qui montre bien que leur vrai projet, le vôtre, c’est d’exiger beaucoup plus des étrangers pour mieux verrouiller nos portes.

M. le président. Revenons à votre sous-amendement n° 399, monsieur Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Permettez-moi de dire à ceux qui ont parlé de mariages de complaisance – donc frauduleux – que si j’en crois ce que j’observe à mon modeste niveau, dans ma commune, c’est loin d’être la majorité des cas.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec et Mme Muguette Jacquaint. Bien sûr !

M. Jean-Christophe Lagarde. Pour qu’il y ait mariage de complaisance, il faut que les deux époux soient d’accord pour frauder. Parmi les mariages entre un Français et un étranger en situation irrégulière – qui représentent dans ma commune 20 à 25 % des unions – ces cas sont très minoritaires, voire ultra-minoritaires. On peut en effet définir le mariage de complaisance comme un mariage qui n’est pas fondé sur une intention matrimoniale réelle. Or il arrive très souvent que l’un est amoureux alors que l’autre est seulement à la recherche de papiers. Drancy est peut-être une exception dans notre pays, mais je pense qu’on peut dégager une statistique ayant valeur nationale et affirmer que les mariages frauduleux sont de l’ordre d’un pour mille en France.

Je soutiens donc pleinement l’amendement de M. Pinte ; du reste, si on ne s’y ralliait pas, on contreviendrait aux conventions internationales. Dans mon esprit, il est hors de question en effet de séparer les enfants de leurs parents.

Quant à mon sous-amendement, il visait moins le retrait de la carte de séjour que la dénonciation d’une situation moralement inacceptable. Il est effet des hommes, peu vertueux et peu scrupuleux, c’est le moins que l’on puisse dire, qui épousent des femmes, jeunes en général, leur font un enfant et les abandonnent ensuite. Et ces gamines  de dix-neuf, vingt ans, qui n’osent même pas demander une pension alimentaire, on les retrouve ensuite dans les services sociaux. Il fallait donc sanctionner de telles pratiques – en leur retirant au père la carte de résident – et dénoncer ce qui est un détournement du mariage : vous rencontrez, sans doute, madame Fraysse, comme d’autres, ce genre de situation. On doit donc imposer que le géniteur assume financièrement l’éducation de l’enfant. Je voulais dans mon sous-amendement, peut-être excessif, appeler l’attention sur cette pratique scandaleuse, immorale qui prive les enfants de leur père, les femmes de leur mari et de ressources matérielles. Je me rallie donc au sous-amendement du Gouvernement, même s’il peut comporter des failles, et je retire le mien.

M. le président. Le sous-amendement n° 399 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 523.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Avant de passer au vote sur le sous-amendement n° 606 du Gouvernement, je donne la parole à M. Pinte.

M. Étienne Pinte. Je suis favorable à ce sous-amendement, mais je crains qu’il ne soit source de contentieux. Comme l’a rappelé Mme Jacquaint, la Convention internationale des droits de l’enfant pose le principe de la non-séparation de l’enfant de ses parents, et il se peut que ce principe doive s’appliquer même si le père ne contribue pas à l’entretien de l’enfant.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 606.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 142 et 479, modifiés par le sous-amendement n° 606.

(Ces amendements, ainsi modifiés, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 350 et 466.

M. Étienne Pinte. L’amendement n° 350 est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, pour soutenir l’amendement n° 466.

Mme Nadine Morano. L’esprit de la loi sur l’immigration et l’intégration se fonde sur le sens des responsabilités mais aussi sur le sens de l’humanité.

M. Serge Blisko. C’est un scoop !

Mme Nadine Morano. Mon amendement a pour objet d’empêcher l’autorité administrative de procéder au retrait de la carte de résident de l’étranger qui, en raison des violences subies de la part de son conjoint français, a rompu la communauté de vie.

Cette proposition devrait faire l’unanimité. Avec Étienne Pinte, nous avons voulu nous préoccuper du sort des femmes battues, que nous devons protéger.

Mme Chantal Brunel. Très bien !

Mme Nadine Morano. Cette proposition rejoint la préoccupation du ministre de l’intérieur, qui s’est beaucoup exprimé à ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. La proposition de Mme Morano répond à la préoccupation des associations et des églises – une rencontre a d’ailleurs eu lieu à ce sujet avec le ministre d’État, ministre de l’intérieur. Retirer la carte de résident à une femme étrangère qui s’est séparée d’un Français parce qu’elle était victime de violences conjugales aurait été une profonde injustice.

Mme Chantal Brunel. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’est la raison pour laquelle je tiens à remercier Mme Morano et M. Pinte de leur proposition. Le Gouvernement, monsieur le président, émet donc un avis très favorable.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Il y a quelques semaines, nous avons débattu d’un texte pour mieux protéger les femmes victimes de violences conjugales et il me semble tout à fait normal de ne pas retirer la carte de résident à celles qui se séparent d’un conjoint qui les maltraite.

M. Jean-Christophe Lagarde. Parfaitement !

Mme Muguette Jacquaint. Sinon, on les condamne à continuer de subir ces violences.

Au-delà, il faudrait réfléchir aux moyens d’attribuer une carte de résident aux femmes battues, surtout quand elles ont des enfants, quand elles sont en situation irrégulière. Ce cas est fréquent – j’ai reçu récemment une de ces sans-papiers dans ma permanence – et pourrait entrer dans les situations exceptionnelles donnant droit à régularisation. Sinon, ce serait les condamner à continuer de subir ces violences sous la menace d’être renvoyées dans leur pays et séparées de leurs enfants. Face à cela, nous devrions faire preuve de ce fameux « sens de l’humanité » qui aurait mérité d’être un peu plus présent dans ce texte.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 350 et 466.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis l’unanimité.

Je suis saisi d’un amendement n° 334.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 334 est retiré.

Je mets aux voix l’article 26, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 26, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 26

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 326 portant article additionnel après l’article 26.

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.

M. Jacques Myard. Nous venons de parler d’humanisme et je me réjouis moi aussi…

M. Serge Blisko. Je crains le pire !

M. Jacques Myard. …que nous partagions le sens de l’humanité, comme le prouvent les amendements de bon sens que nous venons d’adopter à l’unanimité.

La loi que nous sommes en train de voter est une loi d’immigration et d’intégration. Et dans une démocratie, dans un État de droit, le premier principe, c’est le principe de responsabilité. La République ne peut donc admettre qu’un certain nombre d’étrangers – protégés parce qu’ils ne sont pas expulsables – commettent des actes de rébellion ou de révolte contre les forces publiques. Si tel est le cas, ils doivent être sanctionnés. Mais, comme je viens de le dire, ils ne peuvent être sanctionnés par l’expulsion, car ils sont protégés pas les dispositions des articles L. 521-2 et L. 521-3.

En revanche, nous devons leur donner un signe fort, ne serait-ce que pour leur faire comprendre que lorsqu’on est titulaire d’une carte de résident de dix ans, on doit respecter les lois, et faire la preuve que l’on veut véritablement s’intégrer à la société française. Or l’insertion n’est pas la rébellion ou la révolte contre l’autorité ou les personnes chargées de faire respecter les lois.

C’est la raison pour laquelle il paraît opportun de retirer la carte de dix ans aux personnes se comportant mal et qui font l’objet d’une condamnation définitive sur la base des articles 433-3, 433-4 ou 433-6 du code pénal et, de leur accorder, puisqu’elles ne sont pas expulsables, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».

C’est un signe fort qu’il faut leur adresser. Tout manquement à la règle doit être sanctionné. Je suis convaincu qu’on rend service aux étrangers en leur disant : « Attention, n’allez pas trop loin ! Vous êtes ici en tant qu’étranger. Vous avez le droit de rester en France, de bénéficier de droits, mais à condition de respecter les principes fondamentaux qui font la République. »

M. Jérôme Rivière. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis favorable. J’avoue que c’est bien la première fois que je vois Jacques Myard s’inspirer d’une directive européenne, au moins dans l’exposé sommaire de son amendement, mais c’est une bonne surprise ! (Sourires .)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’est un très bon amendement, monsieur Myard. Personne ne comprendrait en effet que nous exigions de celles et ceux qui souhaitent venir vivre en France de suivre un parcours civique avec la signature du contrat d’accueil et d’intégration et de se plier à un certain nombre de règles, mais que nous ne sanctionnions pas ceux qui disposent déjà d’une carte de résident et feraient preuve de comportements contraires aux règles de notre pays.

La sanction que vous proposez, à savoir le retrait de la carte de résident contre une carte de séjour d’un an et l’obligation d’effectuer un parcours civique pour reconquérir la carte de résident, me semble tout à fait appropriée. Le Gouvernement est donc très favorable à votre amendement.

M. Jacques Myard. Merci, monsieur le ministre.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 326.

(L’amendement est adopté.)

M. Serge Blisko. Je demande une suspension de séance afin de réunir mon groupe.

M. le président. Je vous accorde cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le samedi 6 mai à zéro heure quarante-cinq, est reprise à zéro heure cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d’un amendement n° 521.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le soutenir.

Mme Muguette Jacquaint. Beaucoup d’étrangers, détenteurs d’une carte de séjour les autorisant à travailler, sont obligés de la renouveler d’année en année. Au moment où l’on parle d’insertion des immigrés, il convient de faciliter leur accès à la carte de dix ans, comme le propose notre amendement. Rappelons qu’une telle disposition avait été votée à l’unanimité en 1984.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Et du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 521.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 27

M. le président. Aucun orateur inscrit ne souhaitant s’exprimer sur l’article 27, j’en viens à trois amendements identiques, nos 174, 288 et 544, qui tendent à supprimer cet article.

L’amendement n° 174 est-il défendu ?

M. Serge Blisko. Oui, monsieur le président.

M. le président. Et l’amendement n° 288 ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En durcissant les conditions requises pour bénéficier d’une carte de résident au titre de la vie privée ou familiale, le projet de loi retarde le moment où les membres d’une famille peuvent vivre en France de manière stable et accéder à certaines professions.

À cet égard, l’allongement de la durée de résidence non interrompue exigée des enfants ou du conjoint de l’étranger déjà titulaire d’une carte de résident ne se justifie pas et pourrait même être considéré comme excessif au regard des intérêts en cause. La durée de ce « stage » pour le conjoint ou les enfants qui ont bénéficié du regroupement familial est ainsi portée de deux à trois ans et il en va de même pour le parent étranger d’un enfant français ou le conjoint étranger d’un Français.

Outre le fait que l’allongement du délai ne saurait mieux garantir la société contre les mariages de complaisance, ni même assurer une meilleure intégration, il convient de rappeler que, s’agissant des conjoints, la date de l’opposabilité du mariage dépend de sa transcription sur les registres de l’état civil de Nantes quand il a été célébré à l’étranger, ce qui constitue en soi une précarisation administrative qu’il ne convient ni d’aggraver ni de cautionner.

Pour cette raison, nous proposons la suppression de l’article 27.

M. le président. L’amendement n° 524 est-il défendu ?

Mme Jacqueline Fraysse. Oui, monsieur le président.

M. le président. Sur ces amendements, la commission émet un avis défavorable, tout comme le Gouvernement.

La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Nous touchons au cœur de ce qu’est une texte d’affichage. À aucun moment, il ne nous a été expliqué pourquoi le délai a été allongé d’un an. Pourquoi trois ans ? Pourquoi pas cinq ans ? Cette année supplémentaire ne permettra pas de vérifier quoi que ce soit. Elle ne sert à rien d’autre que d’afficher un durcissement de la législation. Ces dispositions n’ont aucun fondement juridique. Mieux vaut favoriser la stabilité des liens créés que de les précariser.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 174, 288 et 524.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 263 et 525.

L’amendement n° 263 de Mme Boutin est défendu.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l’amendement n° 525.

Mme Muguette Jacquaint. Nous nous interrogeons sur la légitimité de l’allongement de la durée du mariage exigée pour l’obtention d’une carte de séjour. Quelle différence d’être marié depuis deux ans ou trois ans ? Et l’année prochaine, combien d’années faudra-t-il ? Ayons à l’esprit que certains couples de Français divorcent au bout de moins d’années.

Cette entorse en matière de droit à mener une vie familiale normale n’est absolument pas justifiée eu égard aux chiffres réels d’annulation des mariages une fois passé le délai pour l’obtention d’une carte de résident.

Nous demandons en outre que les statistiques fournies par les tribunaux de grande instance soient rendues publiques.

M. le président. La commission est défavorable à ces deux amendements.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Permettez-moi de préciser que l’article 27, comme les articles 28 et 29, est un article de coordination, en l’occurrence avec l’article 5. La discussion que vous avez ouverte, madame la députée, ne sera donc qu’une reprise de celle que nous avons déjà eue largement sur l’article 5.

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Je ne reprendrai pas l’argumentation développée par mes collègues. Mais je dois souligner que l’alinéa 3 place dans une grande difficulté psychologique celles et ceux qui, au sein de leur famille, ont des enfants ayant épousé des étrangers. Deux des conseillères municipales de ma ville ont des fils mariés à des Chinoises. J’ai moi-même quatre neveux et nièces d’origine coréenne. Pourquoi leurs conjoints devraient-ils patienter une année supplémentaire pour obtenir une carte de résident ? C’est absurde !

On a l’impression que ce texte est avant tout dirigé vers l’Afrique, qu’elle soit blanche ou de couleur, et qu’il en oublie la mondialisation. Lorsqu’on a des enfants qui travaillent aux quatre coins du monde, ils sont susceptibles d’épouser un étranger et je trouve vexatoire d’obliger leur conjoint à attendre un an de plus.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 263 et 325.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 83 de la commission, amendement rédactionnel auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 289.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La loi du 26 novembre 2003 avait déjà proposé de durcir les conditions d’octroi d’une carte de résident aux étrangers, séjournant régulièrement en France, parents d’un enfant français, en exigeant préalablement deux années de carte de séjour temporaire. Il nous est proposé de passer de deux à trois ans sans qu’aucune justification soit donnée, ainsi que l’ont dit Julien Dray et Étienne Pinte.

L’amendement n° 289 prévoit de revenir au principe qui veut qu’un parent reste aux côtés de son enfant pour l’élever. C’est d’ailleurs la traduction concrète des dispositions de la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la France le 7 août 1990, qui dispose qu’un enfant ne doit pas être séparé de ses parents, sauf si cette séparation répond à son intérêt. C’est pourquoi nous proposons que tout parent étranger d’un enfant français puisse bénéficier d’une carte de résident, comme le prévoyait la loi de 1998.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à cet amendement.

Je le mets aux voix. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. Étienne Pinte. Nous aurions aimé obtenir quelques explications !

M. le président. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Pourquoi cet allongement des délais de deux à trois ans que rien ne justifie ? Nous avons posé des questions sérieuses auxquelles nous aimerions obtenir des réponses. Depuis 2002, vous avez présenté trois textes modifiant la législation sur les mariages mixtes. Manifestement, cela vous obsède. Pourquoi une telle stigmatisation, alors que tous les observateurs considèrent que l’augmentation du nombre des mariages mixtes témoigne d’une meilleure intégration et qu’il faut les encourager ? Plutôt que de considérer qu’ils renforcent, enrichissent la communauté nationale et favorisent la formation de liens, vous créez des conditions supplémentaires de précarisation pour ces familles.

M. Claude Goasguen. Nous avons eu ce débat il y a deux jours !

M. Julien Dray. On pourrait l’avoir pendant des années !

M. le président. Nous en venons à un amendement de précision, n° 424, de la commission, auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 526.

Mme Jacqueline Fraysse. Une telle suspicion à l’égard des couples mixtes est très désagréable…

M. Julien Dray et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout à fait !

Mme Jacqueline Fraysse. …et si injustifiée que M. le ministre lui-même reste muet ! Il ne peut pas motiver une disposition comme l’alinéa 6, qui ne se justifie pas au regard des chiffres réels d’annulation des mariages. L’article 27, dans son ensemble, cautionne un arbitraire administratif supplémentaire et précarise conjoints et enfants majeurs de ressortissants français. Monsieur le ministre, je vous demande de nous expliquer quels sont les avantages de dispositions aussi inacceptables.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

Pour soutenir l’amendement n° 480 ?…

M. Serge Blisko. Non, monsieur le président, nous attendons dès maintenant une réponse qui conditionnera la suite de la discussion.

M. le président. M. le rapporteur s’apprêtait à vous la donner.

M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 526, car il convient de vérifier l’effectivité de l’intégration des conjoints de Français.

Nous l’avons déjà dit à de nombreuses reprises, aujourd’hui un mariage sur trois est mixte et un enfant sur dix est issu de ces unions.

M. Julien Dray. Et alors ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Nous avons donc quelques raisons de prendre des précautions.

M. Julien Dray. C’est précisément l’inverse !

M. Étienne Pinte. C’est absurde !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Madame Fraysse, vous me reprochez d’être muet.

Mme Jacqueline Fraysse. Je suis contente de vous entendre !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Pour ma part, je vous ai trouvée bien muette sur l’article 5 : et pour cause, vous n’étiez pas présente ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains, et du groupe socialiste.)

M. Julien Dray. Et où est M. Sarkozy ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je pense être suffisamment ouvert au débat depuis plusieurs jours !

Comme je l’ai déjà dit, l’article 27 n’est que de coordination par rapport à l’article 5, sur lequel je me suis déjà exprimé alors que vous n’étiez pas présente. Mais je veux bien reprendre mon argumentation.

Le mariage avec un Français est devenu le premier motif de l’immigration familiale, et 50 000 titres ont été délivrés en 2004.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et alors ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. La carte de résident est actuellement délivrée de plein droit au bout de deux ans. Or, pour lutter contre les mariages de complaisance et les mariages forcés, il est nécessaire que cette carte de dix ans ne soit pas attribuée automatiquement à raison du mariage et que le conjoint séjourne suffisamment dans notre pays pour s’y intégrer.

La carte de résident attribuée à un conjoint de Français ne sera donc plus accordée de plein droit après deux ans de mariage. Elle sera désormais délivrée après trois ans de mariage et si l’étranger respecte la condition d’intégration définie à l’article 5.

Je répète ainsi à l’article 27 ce que j’ai déjà dit lors de l’examen de l’article 5.

Mme Muguette Jacquaint. Mais c’est votre travail !

Mme Jacqueline Fraysse. Quand un député pose une question, on doit lui répondre !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je soutiens l’amendement n° 526.

Chacun reconnaîtra que je n’ai jamais cherché à stigmatiser quelque position que ce soit en la jugeant laxiste ou réactionnaire. Mais l’alinéa 6, qui constitue une création juridique et non une simple mesure de coordination, est une erreur. Un Français devra donc attendre trois ans que son conjoint soit libéré, par l’attribution de la carte de résident, de toutes les formalités administratives, dont nous savons ce qu’elles sont. Pendant certaines périodes, le conjoint ne disposera même pas de titre de séjour, car les délais de délivrance ne sont jamais respectés en raison notamment des files d’attente. En tout cas, c’est ce que je constate dans mon département.

Le délai de deux ans – avec attribution du titre temporaire au mariage et un seul renouvellement – me paraissait suffisant, et je ne comprends pas pourquoi il est proposé de le porter à trois ans. C’est pourquoi je suis favorable à la suppression de cet alinéa.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le ministre, je trouve vos propos inacceptables. Un débat a eu lieu sur l’article 5, en effet, et je suppose que le groupe communiste y a pris toute sa part. Je n’y assistais pas car j’avais d’autres obligations. Mon absence n’est pas le signe de mon désintérêt pour un texte que je considère très important. Pendant seize ans, j’ai été maire de Nanterre, ville où les problèmes liés à l’immigration sont bien réels, et je suis toujours députée de la circonscription Nanterre-Suresnes. C’est dire que je m’intéresse beaucoup à ce débat.

M. Jérôme Rivière. Personne ne prétend le contraire !

Mme Jacqueline Fraysse. Maintenant, je suis là, monsieur le ministre, et vous devez répondre aux questions que je vous pose, comme à celles de MM. Pinte, Lagarde ou Dray.

L’article 27, dites-vous, est de coordination avec l’article 5. Quand nous vous demandons pourquoi vous portez le délai de deux à trois ans, vous nous dites qu’il s’agit de lutter contre la fraude. Mais vous ne répondez pas concrètement aux cas particuliers que nous exposons.

Je suis contente d’avoir entendu votre voix, mais vos réponses ne sont pas satisfaisantes. Qu’est-ce donc qui, précisément, justifie le passage de deux à trois ans ?

M. Claude Goasguen. Le ministre vient de répondre !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Madame Fraysse, j’ai déjà répondu à cette question, mais je sais que vous ne partagez pas notre appréciation. C’est sans doute ce qui fait notre différence idéologique.

Je le répète, il s’agit de mieux lutter contre les fraudes…

M. Claude Goasguen. Eh oui !

Mme Muguette Jacquaint. Cela ne change rien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …et certaines dérives.

M. le président. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Évitons les remarques insultantes et déplacées sur la présence ou l’absence de tel ou tel parlementaire qui, en l’occurrence, est présent un samedi matin très tôt !

Mme Muguette Jacquaint. Très bien !

M. Julien Dray. Je sais bien que, par les temps qui courent, M. Sarkozy est très occupé, mais en tant que ministre d’État, il devrait être parmi nous…

M. Thierry Mariani, rapporteur. Le ministre délégué est là !

M. Julien Dray. …d’autant qu’il a fort peu siégé dans ce débat, c’est le moins que l’on puisse dire ! Ne poussez donc pas le bouchon trop loin, monsieur le ministre !

Si nous n’avons pas été convaincus par les arguments que vous avez donnés, c’est notre droit d’y revenir. Vous prétendez qu’une année supplémentaire permettra de lutter contre les fraudes. Qu’allez-vous faire pendant ce délai ? Si vous avez déjà modifié trois fois la loi, c’est bien que votre politique était inefficace !

M. Claude Goasguen. Cela veut dire que le délai de deux ans n’était pas suffisant !

M. Julien Dray. Vous êtes sans cesse obligés de durcir la législation !

M. Jérôme Rivière. Eh oui !

M. Yves Jego. C’est bien la différence qu’il y a entre nous !

M. Julien Dray. Tiens, M. Jego se réveille !

M. le président. Monsieur Dray, vos propos à l’endroit de M. Jego ne sont pas corrects !

M. Yves Jego. Même quand je dors, je vous entends ! C’est de vous que je rêve ! (Sourires.)

M. Julien Dray. Vous voyez, monsieur le président, je n’ai fait que dire la vérité : M. Jego reconnaît qu’il dormait !

M. Yves Jego. C’est que vous êtes un peu soporifique !

M. Julien Dray. Quel est le problème ? Lorsqu’un couple se marie, il construit un projet de vie. Qu’il faille attendre une année supplémentaire pour obtenir la carte de résident le fragilise. C’est une difficulté que nous lui créons et qui est de nature à provoquer des tensions supplémentaires, ne serait-ce que s’il envisage d’acheter une maison ou d’emprunter. Cette année supplémentaire, je le répète, ne permet nullement de lutter contre les mariages de complaisance. En rien ! Il existe toute une série d’instruments de vérification...

M. Jérôme Rivière. Mais on n’y arrive pas !

M. Julien Dray. ...et ce n’est pas une année de plus qui changera quoi que ce soit.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 526.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 480.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. Il s’agit d’un amendement de repli.

J’ai été très convaincu par l’argumentaire de mon ami Julien Dray.

M. Jérôme Rivière. Entre vous, c’est normal !

M. Yves Jego. Pas tant que ça ! Au parti socialiste, c’est même un exploit !

M. Julien Dray. C’est toujours mieux qu’au Gouvernement !

M. Serge Blisko. Julien Dray a encore raison !

M. le président. Ne vous égarez pas, monsieur Blisko !

M. Serge Blisko. En tout cas, les couples mixtes seront terriblement fragilisés. Subordonner l’octroi de la carte de résident au maintien de la communauté de vie depuis le mariage est trop rigide. Il faut la rompre parfois, par exemple pour les femmes battues, victimes d’un mari violent.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et on a le droit de se tromper ! (Sourires.)

M. Serge Blisko. Et que se passera-t-il si le conjoint français décède ? Vous légiférez tellement vite que vous n’y avez pas pensé ! Certes, il s’agit d’un événement imprévisible, mais il faut l’envisager. Sinon, il arrivera fatalement qu’une administration prétexte que le décès est une rupture de la communauté de vie pour retirer le titre de résident. Il faut prendre toutes les précautions pour éviter les mésaventures administratives stupides.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est un conseil d’ami !

M. Serge Blisko. Un peu de bon sens, à défaut d’humanité !

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à l’amendement n° 480.

Je le mets aux voix.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 175. Il est défendu. La commission et le Gouvernement sont contre.

Je le mets aux voix.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 27, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 27, ainsi modifié, est adopté.)

Article 28

M. le président. Personne ne souhaitant s’exprimer sur l’article 28, nous en venons aux amendements.

Je suis saisi de trois amendements de suppression, nos 176, 290 et 527.

L’amendement n° 176 de M. Mamère est défendu.

La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l’amendement n° 290.

M. Serge Blisko. Je demande une suspension de séance. Si vous voulez nous faire continuer à ce rythme, monsieur le président, alors que la vie privée et familiale est un enjeu essentiel, nous devons réunir notre groupe ! Loin de moi l’idée de vous contrarier, mais on en est train de mettre en danger la stabilité de dizaines de milliers de familles.

M. le président. J’ai indiqué que la séance lèverait autour de deux heures.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pourquoi deux heures ?

M. Serge Blisko. Et pas trois, pendant que vous y êtes !

M. le président. Je souhaite interrompre nos travaux après l’article 32. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Disons au moins l’article 29.

M. Julien Dray. La suspension est de droit !

M. le président. Je vais vous l’accorder, monsieur Dray, mais elle n’est pas de droit parce qu’aucun représentant du parti socialiste n’a de délégation pour le moment.

M. Julien Dray. Qu’à cela ne tienne, on va vous la faire parvenir.

M. le président. Je vous accorde cinq minutes, pour vous être agréable.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à une heure vingt, est reprise à une heure vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en revenons aux amendements de suppression de l’article 28.

J’appelle l’amendement n° 527.

Mme Muguette Jacquaint. Il est défendu...

Mme Jacqueline Fraysse. ...avec les mêmes arguments que les précédents.

M. le président. Vous défendez l’amendement n° 290, monsieur Blisko ?...

M. Serge Blisko. Oui, monsieur le président.

M. le président. La commission et le Gouvernement sont défavorables à la suppression de l’article.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 176, 290 et 527.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 177 et 264.

Ils sont défendus ; la commission y est défavorable, le Gouvernement également.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 177 et 264.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 291.

M. Serge Blisko. Il est défendu.

M. le président. Avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

Je mets aux voix l’amendement n° 291.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 292.

M. Serge Blisko. Défendu !

M. le président. Avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

Je mets aux voix l’amendement n° 292.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à trois amendements identiques.

Les amendements nos 178 et 265 sont défendus.

Le 293 aussi, monsieur Blisko ?…

M. Serge Blisko. Monsieur le président, nous ne pouvons pas travailler dans ces conditions. Vous venez de mettre aux voix en quelques instants dix amendements essentiels puisqu’ils concernent la vie des couples et des familles. C’est tout de même le b.a.-ba de la vie en société que de respecter la famille, fût-elle bancale parce que l’un des deux conjoints est malheureusement étranger ! On ne peut pas traiter les gens comme ça parce qu’il est une heure et demie du matin et que vous avez décidé d’accélérer le rythme ! Que le travail parlementaire ne soit pas bon, ce n’est pas grave si nous sommes les seuls concernés, mais nous commettons une injustice en ne prenant pas le temps d’examiner la situation des familles.

Tout à l’heure, nous sommes arrivés, même au prix de répétitions, à avancer, à nous comprendre et, mieux, à évoluer. Maintenant, on peut à peine dire « défendu » avant de voter ! Ce n’est pas du travail, monsieur le président, malgré l’admiration que je porte à votre résistance et à votre équanimité habituelle, que je trouve ce soir un peu entamée.

M. le président. Je vous remercie tout de même, monsieur Blisko.

Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Lesquels ? (Rires.)

M. le président. Les amendements identiques, nos 178, 265 et 293.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix ces trois amendements par un seul vote.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 28.

(L’article 28 est adopté.)

Article 29

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 425 de la commission, amendement rédactionnel auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 29, modifié par l’amendement n° 425.

(L’article 29, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Dray.

M. Julien Dray. Monsieur le président, vous avez été très rapide, sûrement très efficace, mais nous n’avons pas, je l’admets, vos capacités à suivre un débat dans ces conditions. Je vous demande donc une nouvelle suspension de séance pour pouvoir réexaminer certains amendements.

M. le président. Elle est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à une heure trente, est reprise à une heure trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Après l’article 29

M. le président. Nous en venons à trois amendements portant article additionnel après l’article 29.

L’amendement n° 459 est de coordination, monsieur le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. De pure coordination.

M. le président. Le Gouvernement y est favorable ?…

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Les amendements nos 133 et 132 sont présentés par Mme Brunel.

Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Madame Brunel, vous avez la parole.

Mme Chantal Brunel. L’amendement n° 133 a pour objet de préciser que les étrangers qui font venir plus d’une épouse, ou tout membre de leur famille qui facilite par son aide une situation de polygamie, ne bénéficient plus de l’immunité familiale – précision rendue nécessaire par la rédaction ambiguë de l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui protège les membres de la famille de poursuites pour ce délit. L’amendement vise donc à préciser la rédaction de cet article en vue de pouvoir sanctionner le délit d’aide à l’entrée commis par tous ceux qui favorisent l’entrée de personnes vivant en état de polygamie.

Quant à l’amendement n° 132, je l’ai déposé en pensant à toutes ces femmes et à tous ces enfants qui, vivant dans des familles polygames, sont en situation de souffrance parce que les prestations sociales ne sont pas employées dans leur intérêt. Il ne s’agit pas de les supprimer, mais bien de les préserver en les transférant à un tuteur. L’argent bénéficiera ainsi intégralement aux enfants et aux femmes et ne sera plus une source d’enrichissement du père polygame. En effet, l’amendement prévoit qu’un tuteur est nommé lorsqu’il est avéré que les prestations familiales sont employées non pas dans l’intérêt des enfants et de la femme mais pour satisfaire les distractions du père de famille.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Est-il nécessaire de préciser, mes chers collègues, que le groupe socialiste est totalement opposé à la polygamie ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Étienne Pinte. Nous voilà rassurés ! (Sourires.)

M. Serge Blisko. Toutefois, j’aimerais comprendre. Monsieur le ministre – mais peut-être M. le rapporteur, qui a beaucoup travaillé sur ces questions, pourra-t-il nous éclairer –, est-il toujours possible de faire entrer aujourd’hui une famille polygame en France, alors que la première loi visant à l’interdire date de 1993 ?

Comme nous l’avons rappelé en commission et lors de l’examen du texte sur le contrôle de la validité des mariages, selon nous, il ne peut plus exister que des situations résiduelles de familles polygames installées depuis plus de dix ans en France, c’est-à-dire entrées avant 1993. Des installations totalement frauduleuses peuvent toujours se produire mais, je le répète, comment imaginer que des coépouses puissent entrer aujourd’hui en France ? Par quel mécanisme frauduleux, alors que nous avons mis en place plusieurs garde-fous ?

M. Claude Goasguen. C’est que cela n’a pas suffi !

M. Serge Blisko. Je dis « nous », parce que les dispositions prises dans le cadre de la loi de 1993 ont été confirmées par la loi Chevènement et par tout un arsenal de circulaires qui, à juste titre me semble-t-il, ont lutté contre l’introduction de familles polygames en France.

Nous avons également fait un important effort administratif et dans le cadre de la vie quotidienne pour favoriser la décohabitation et protéger les coépouses qui demandent à décohabiter : tel est le terme employé.

Si je me permets d’évoquer la question assez longuement, c’est que je connais plusieurs familles polygames et que, de plus, j’ai rédigé un mémoire d’ethnologie sur l’habitat des familles polygames. J’ai donc quelques connaissances en la matière et il n’y a eu, contrairement à ce qu’on a murmuré ici ou là, aucun mouvement de mauvaise humeur de notre part : si nous avons souhaité que cette question soit repoussée à mardi, c’est que nous voulions, l’esprit reposé, pouvoir l’examiner au fond. Je reconnais bien volontiers qu’à une heure aussi tardive, le sujet peut paraître compliqué.

M. Yves Jego. Vous êtes très clair.

M. Serge Blisko. C’est pourquoi, je vous poserai une question précise, monsieur le ministre : oui ou non arrive-t-il que des familles polygames entrent en France encore aujourd’hui, c’est-à-dire après l’adoption des lois Pasqua et Chevènement et alors que tous les ministres de l’intérieur qui se sont succédé depuis ont cherché à lutter contre leur entrée sur le territoire national ? On nous cite des chiffres qui me paraissent bien fantaisistes.

M. Jérôme Rivière. Vous avez reconnu vous-même que vous connaissiez des familles polygames.

M. Serge Blisko. Je ne nie pas qu’il en existe en France, mais ce que je voudrais savoir, c’est si, aujourd’hui, nous assistons à un afflux de familles polygames ou s’il s’agit seulement de la résorption lente et difficile, par le biais de la décohabitation ou de la séparation, que nous favorisons, de foyers polygames déjà existants – chacun en connaît dans sa ville.

Nous menons en la matière une politique sociale très avancée, grâce notamment aux subventions que nous recevons du département ministériel de Mme Vautrin, pour aider, dans le cadre de la politique de la ville ou d’autres politiques spécifiques, les associations de femmes, africaines surtout, qui luttent contre la polygamie. Il s’agit d’aider les épouses à se débarrasser d’un état qui les perturbent, elles et leurs enfants. Nous savons en effet que le dérèglement de nombreux enfants – ou plutôt de nombreux jeunes gens, puisque cela fait quinze ans que des familles polygames ne s’installent plus chez nous –…

Mme Chantal Brunel. Ce n’est pas vrai.

M. Serge Blisko. …est lié à cette situation anormale en France.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Même si je tiens tout d’abord à rappeler que nous sommes naturellement opposés à la polygamie, je souhaiterais obtenir quelques précisions sur les deux amendements déposés par notre collègue. L’exposé des motifs de l’amendement n° 132 précise qu’il n’a pas pour objet de supprimer les prestations familiales mais de les transférer à un tuteur. Or, s’il est vrai qu’aujourd’hui les deuxièmes ou troisièmes épouses cherchent à décohabiter,…

M. Serge Blisko. Bien sûr !

Mme Muguette Jacquaint. …parce que leur vie est devenue impossible, je souhaiterais savoir comment leur seront versées les prestations familiales, puisqu’il s’agit de femmes qui se trouvent dans une situation très précaire du fait qu’elles n’ont souvent aucuns papiers.

M. Serge Blisko. C’est tout à fait vrai.

Mme Muguette Jacquaint. Certes, l’amendement prévoit que, loin d’être supprimées, les prestations seront versées à un tuteur, mais je souhaiterais obtenir des éclaircissements sur ce point.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel. Il est évident, madame Jacquaint, que la décohabitation se heurte parfois à l’absence de logements. Toutefois, et ce point me paraît important, les prestations familiales créent chez ces femmes un lien très fort de dépendance et de soumission envers les maris, qui accumulent les sommes versées. Je ne sais si j’ai le droit de le dire ainsi dans l’hémicycle, mais je connais des quartiers entiers qui sont habités par des familles polygames et, dans certaines d’entre elles, le père amasse l’argent dans le but d’aller acheter une nouvelle femme au pays et de revenir avec elle. Car il faut le savoir : les prestations sociales servent aussi à cela !

Mme Muguette Jacquaint. Bien sûr !

Mme Chantal Brunel. C’est la raison pour laquelle l’institution d’un tuteur extérieur à la famille – qui pourra être une association – permettra que les prestations soient dépensées dans le seul intérêt des femmes et des enfants. Il y a assurément des familles polygames qui vivent relativement bien leur situation, mais j’en connais aussi un grand nombre où persiste un lien de dépendance et de soumission de la femme aujourd’hui inadmissible dans notre pays.

Mme Nadine Morano et M. Jérôme Rivière. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le sujet est si important qu’il m’appartient de répondre aux questions que M. Blisko et Mme Jacquaint ont posées. Toutefois, je tiens auparavant à remercier Mme Brunel de s’en être saisie en vue de compléter et d’enrichir le texte.

Depuis la loi de 1993, toute situation de polygamie effective est fermement proscrite en France. Ainsi, la délivrance ou le renouvellement des titres de séjour, aux étrangers polygames et à leur deuxième épouse peuvent être refusés et les titres obtenus indûment peuvent être retirés. Dès lors, il faut distinguer selon que les familles polygames demeurant en France sont entrées avant ou après 1993. Les membres de celles installées régulièrement en France avant 1993, protégés contre toute mesure d’éloignement, sont titulaires de titres de séjour et peuvent prétendre au bénéfice de prestations familiales au titre des enfants qu’ils ont à leur charge. Ceux des familles constituées après 1993 sont en principe en situation irrégulière, sauf lorsque des considérations humanitaires ont plaidé pour une admission exceptionnelle au séjour.

Dès lors, la solution proposée qui consiste à prévoir que le dispositif de tutelle de l’article L. 552.6 du code de la sécurité sociale soit étendu aux prestations familiales perçues par les étrangers vivant régulièrement en France en état de polygamie, est une approche réaliste, qui privilégie l’intérêt des enfants et doit permettre de s’assurer que les prestations seront effectivement servies au bénéfice des enfants et non au profit exclusif du chef de famille. Ce dispositif peut être efficace pour faire sortir de la polygamie des familles à l’encontre desquelles des mesures d’éloignement ne sont juridiquement pas possibles.

Voilà pourquoi cet amendement doit être retenu. Il me paraissait important de répondre sur le fond, ce qui m’a permis par la même occasion de réaffirmer la position favorable du Gouvernement.

Je remercie par ailleurs M. Julien Dray d’avoir demandé un scrutin public : grâce à lui, nous allons pouvoir exprimer très clairement, par ce vote, l’unanimité de l’Assemblée nationale dans la lutte contre la polygamie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Plusieurs éléments doivent être pris en compte dans ce débat.

Que M. le ministre soit rassuré : l’ensemble des parlementaires vont exprimer leur condamnation de la polygamie. Son inquiétude est évidemment sans fondement. Je n’en garde pas moins en mémoire les accusations portées contre nous, les procès faits à la gauche lors de précédents débats ou au cours de campagnes électorales.

J’en reviens ainsi aux propos de Mme Brunel. Il se trouve tout de même que vous gouvernez ce pays depuis quatre ans ! Or l’intervention de Mme Brunel, dont je reconnais l’honnêteté intellectuelle, se révèle désespérante au regard de la politique que vous pratiquez. Notre collègue nous explique en effet que non seulement le phénomène de la polygamie persiste mais qu’il s’amplifie.

Mme Nadine Morano. Elle n’a pas dit cela !

M. Julien Dray. Elle nous informe avoir connaissance du fait qu’un certain nombre d’hommes, polygames notoires, entrent sur le territoire, en sortent et y reviennent avec de nouvelles épouses ! On peut donc se demander à quoi ont servi toutes les lois que vous avez votées ? (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est un formidable aveu d’échec que vous êtes en train de faire au détour de la conversation ! Aucune de vos lois n’a marché !

M. Yves Jego. Nous avons dû gérer l’héritage des mauvaises habitudes que vous aviez laissé prendre !

M. Julien Dray. Vous venez donc, à une heure avancée de la nuit, de faire un aveu de taille : votre politique est en échec total et vous voilà obligés, dès lors, de faire de l’affichage…

M. Claude Goasguen. Non ! De voter une loi !

M. Julien Dray. …pour essayer d’expliquer ou, plus exactement, pour tenter de pallier votre inefficacité. La réalité est bien celle que nous dénonçons : vous avez brassé beaucoup de vent …et beaucoup de mots !…

M. Yves Jego. C’est un spécialiste qui parle !

M. Julien Dray. Avec talent parfois mais, sur le fond, vous n’avez pas réellement agi.

Certes, vous nous avez annoncé l’examen d’un grand projet sur la prévention, juste avant la fin de la législature ; mais il a fallu l’attendre pendant quatre ans et, de surcroît, nous ne sommes même pas sûrs de pouvoir en discuter puisqu’on ignore si le Gouvernement sera encore en place dans les jours qui viennent !

Nous devrons par ailleurs dresser le bilan de votre politique en matière de lutte contre l’insécurité, sujet sur lequel nous sommes un certain nombre à vouloir revenir.

Mais dans ce type de débat, nous ne nous départons pas de notre cohérence. Ainsi, lorsqu’il s’agit de lutter contre la polygamie, lorsqu’il s’agit de défendre les femmes qui en sont victimes, l’unanimité sur ces bancs doit montrer notre détermination.

M. Claude Goasguen. C’est très bien de nous aider !

M. Julien Dray. Elle ne nous dispense pas pour autant de pointer du doigt l’inefficacité de l’ensemble des dispositifs proposés par le Gouvernement.

M. Yves Jego. Tout ça pour ça !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Merci, professeur Dray !

M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano.

Mme Nadine Morano. Monsieur Dray, vous avez déformé de façon éhontée les propos de Chantal Brunel.

Laissez-moi vous rappeler qu’auparavant, les compétences en matière d’immigration étaient éclatées entre trois ministères : les affaires étrangères, la cohésion sociale et l’intérieur. Aujourd’hui, enfin, la loi du 26 novembre 2003 définit une grande politique d’immigration dont tous les moyens sont concentrés dans un même ministère, ce que vous n’avez jamais réalisé pour votre part. Alors ne nous dites pas ce soir que pendant quatre ans nous n’avons rien fait…

Plusieurs députés du groupe socialiste. Si !

Mme Nadine Morano. …puisque nous faisons ce que vous, vous n’avez pas fait !

Mme Brunel a constaté dans sa circonscription des faits que beaucoup d’autres députés peuvent relever. Et nous sommes justement en train de lutter contre le phénomène qu’elle dénonce.

M. Yves Jego. C’est ça qui les dérange !

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, que je prie d’être bref.

M. Serge Blisko. Je voudrais que l’on fasse preuve d’un peu d’honnêteté intellectuelle dans ce débat. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous avons dit tout à l’heure – le Journal officiel en fait foi, monsieur le ministre – notre accord avec les dispositions contre la polygamie contenues dans la loi de 1993. Il est quand même rare que je marque mon accord avec une loi de M. Pasqua !

En ayant la gentillesse de rappeler que ces dispositions dataient de 1993, M. le ministre ne fait que confirmer ce que je dis. Mme Morano n’est donc pas fondée à affirmer que je ne soutiendrais pas la politique de lutte contre la polygamie, dont j’ai bien précisé qu’elle était le fait de tous les ministres de l’intérieur, ce qui est heureux, tant il est vrai que le phénomène de la polygamie est tout à fait anormal.

Mme Nadine Morano. Je parlais de M. Dray !

M. Serge Blisko. M. Dray a raison de relever que quand Mme Brunel dit qu’il y a de plus en plus de familles polygames dans sa ville,…

Mme Nadine Morano. C’est faux !

M. Serge Blisko. …elle montre qu’il ne s’agit pas de situations résiduelles. Et il est en droit de conclure de ce propos que, depuis 1993, malgré tous les dispositifs mis en œuvre et malgré les rodomontades du ministre de l’intérieur, rien n’arrive.

M. Claude Goasguen. C’est pour cette raison qu’on fait une loi !

M. Serge Blisko. Je ne crois absolument pas, madame Morano, que le renforcement des moyens en 2006 puisse donner un quelconque résultat en ce domaine.

M. le président. Nous allons maintenant procéder aux scrutins qui ont été annoncés.

Je vais d’abord mettre aux voix l’amendement n° 133.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

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M. le président. Le scrutin est ouvert.

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M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je mets maintenant aux voix l’amendement n° 132.

Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Mardi 9 mai 2006, à neuf heures trente, première séance publique :

Questions orales sans débat.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2986, relatif à l’immigration et à l’intégration :

Rapport, n° 3058, de M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et l’administration générale de la République.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le samedi 6 mai, à une heure cinquante.)