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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 10 mai 2006

215e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour la démocratie française.

Clearstream

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre,

Sur le dossier Clearstream (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Charles Cova. On nous enquiquine !

M. Nicolas Perruchot. …depuis trois semaines, il ne se passe pas un jour sans que de nouvelles révélations, toutes plus estomaquantes les unes que les autres, soient rendues publiques.

M. Charles Cova. Les Français s’en moquent !

M. Nicolas Perruchot. Chaque jour, les journaux publient des procès-verbaux d’auditions, des extraits de procès-verbaux, des comptes rendus d’écoutes téléphoniques, ou des photocopies de pièces saisies lors de perquisitions. Cette affaire plonge notre pays dans une tourmente politique dont les dégâts et les conséquences sont gravissimes.

Après la déclaration du Président de la République, comment comptez-vous, pour autant que ce soit encore possible, assainir le climat empoisonné au sein de votre gouvernement ? Comment comptez-vous garantir que les fuites organisées systématiquement ne troubleront pas les conditions de l’instruction et surtout la sérénité de la justice ?

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Je voudrais remercier M. Perruchot d’avoir rappelé à l’Assemblée et, à travers elle, à tous les Français, les principes sur lesquels une bonne justice doit s’appuyer.

D’abord l’indépendance. Un juge indépendant, n’est-ce pas indispensable eu égard à l’affaire à laquelle il est fait référence ? Ensuite, – et c’est important – la présomption d’innocence. Nous en inspirons-nous tous ? Enfin, le secret de l’instruction – pourtant plusieurs fois violé.

On s’aperçoit, à la lumière de ce que vous avez décrit, que la confusion dans laquelle nous sommes résulte de ce que ces principes n’ont pas été respectés.

M. Patrick Lemasle. Ce n’est pas le problème !

M. le garde des sceaux. La justice et la démocratie sont construites sur ces trois principes fondamentaux. Si nous voulons pour notre pays la vérité et la sérénité, je ne peux, comme vient de le faire M. Perruchot, que rappeler chacun à leur respect. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Situation des hôpitaux

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. André Chassaigne. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités et concerne une autre tourmente, celle des hôpitaux.

La fermeture sans délai de 113 blocs opératoires, préconisée par le professeur Vallancien, suscite en effet une vive émotion parmi les professionnels de santé, les usagers et les élus locaux. C’est particulièrement le cas dans ma circonscription où deux hôpitaux, celui de Thiers et celui d’Ambert, sont concernés par les recommandations du professeur Vallancien. Cette émotion est encore amplifiée par la menace de fermeture qui pèse sur de nombreuses maternités, dont celle d’Ambert.

Les politiques de restriction des dépenses publiques ne cessent d’amplifier, depuis des années, les inégalités sociales et territoriales. Ces mêmes politiques ont encore prévalu dans la rédaction de ce rapport que vous n’avez pas contesté. Sans doute parce que ce document s’inscrit dans la continuité du plan « Hôpital 2007 » et confirme que la marchandisation de notre système de santé est sur les rails, avec les reculs qu’elle entraîne. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Dubernard. C’est ridicule !

M. André Chassaigne. Nos hôpitaux souffrent déjà d’un sous-financement sans précédent de 1,5 milliard d’euros, soit l’équivalent de 23 000 emplois. Avec ce rapport, c’est la chronique d’une mort annoncée pour tous les établissements de proximité. Comment pourrait-il en être autrement quand on sait que son auteur a affirmé : « II n’y a pas d’autres solutions qu’abolir le statut public de l’hôpital » ajoutant même que : « La France pourrait avoir 15 à 20 % de chirurgiens en moins sans que cela nuise aux malades ».

M. Jean-Marc Roubaud. La question !

M. André Chassaigne. Si les recommandations de ce rapport voyaient le jour, ce serait un coup terrible porté à nos territoires et à l’accès de tous aux soins de proximité.

M. le président. Monsieur Chassaigne, posez votre question, s’il vous plaît.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, face au tollé que provoquent les conclusions de ce rapport et l’asphyxie budgétaire organisée par votre gouvernement, donnerez-vous enfin à nos hôpitaux les moyens financiers, humains et matériels garantissant à chacun l’accès à ce droit fondamental qu’est le droit à la santé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Le rapport de Guy Vallancien recommande, pour les hôpitaux réalisant moins de 2000 actes par an, de considérer si la sécurité des patients et la qualité des actes sont oui ou non au rendez-vous. C’est donc ce que je ferai (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), animé également par une logique claire, celle du sur-mesure. Je n’enterrerai pas ce dossier pas plus que je n’ai de plan pour fermer 113 blocs chirurgicaux.

Vous le savez puisque vous avez discuté avec les représentants de mon ministère au sein des agences régionales d’hospitalisation, dans le cadre des SROS, ces fameux SROS de troisième génération. Et vous n’ignorez pas que, s’agissant des deux exemples que vous avez cités il est prévu, non pas de fermer les services, mais de demander des coopérations.

En aucun cas il n’est question de faire des économies en fermant un établissement : que vous vous fassiez opérer à cinq kilomètres ou à quarante kilomètres de chez vous, où est l’économie puisque l’intervention sera de toute façon prise en charge et remboursée par la sécurité sociale ?

M. Jean Bardet. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. En revanche, la seule chose qui nous intéresse, vous en tant qu’élu, moi en tant que ministre de la santé, c’est de savoir si la qualité et la sécurité sont au rendez-vous. C’est aussi la seule chose qui compte pour les patients et c’est dans cet esprit que nous travaillerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Charte des stages en entreprises

M. le président. La parole est à M. Lucien Degauchy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Lucien Degauchy. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

Monsieur le ministre, chacun connaît l’importance des stages : plus d’un étudiant sur deux en bénéficie. Véritable marchepied vers la vie active, ils représentent pour les jeunes une expérience fondamentale dont il est à souhaiter qu’elle se développe encore.

Dans une large grande majorité des cas, les employeurs font preuve d’une très grande bonne volonté et d’une pédagogie certaine. Qu’ils en soient ici remerciés.

Il convient cependant de veiller à ce que ces stages ne soient pas des emplois déguisés. Une charte, fruit de la concertation entre l’État, les confédérations patronales, les étudiants et les enseignants, a été signée le 26 avril dernier. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser quelles garanties elle apporte désormais à nos étudiants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, vous avez raison, les stages sont à la fois un outil pédagogique et un outil d’insertion professionnelle. Encore doivent-ils le rester et ne pas devenir un contrat de travail déguisé. C’est la raison pour laquelle deux dispositifs ont été pris. Premièrement, la loi sur l’égalité des chances a défini un certain nombre de règles : l’obligation d’une convention de stage, un parcours pédagogique, l’exonération de charges sociales jusqu’à 360 euros et enfin l’obligation de rémunérer les stages d’une durée supérieure à trois mois, le montant de la gratification étant renvoyée au dialogue social.

Par ailleurs, une charte a été signée par une grande partie des organisations syndicales représentatives, après qu’un dialogue très approfondi a été engagé par Gérard Larcher. Elle entre maintenant en application et prévoit, pour l’essentiel, le développement de ces stages nécessaires mais aussi leur sécurisation avec une convention de stage, un suivi par un membre de l’équipe pédagogique, une évaluation du stage et une gratification au-delà de trois mois. Ce travail, piloté par Gérard Larcher, a trouvé son d’aboutissement le 26 avril. Il représente un rapprochement raisonnable entre le monde de l’entreprise et celui de l’enseignement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Affaire Clearstream

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste.

M. Bruno Le Roux. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Un député du groupe socialiste. Lequel ?

M. Bruno Le Roux. Depuis quelques semaines, au rythme de l’affaire d’État qu’est devenue l’affaire Clearstream (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), nos concitoyens sont abasourdis.

M. Jean-Marc Roubaud. Il n’y a que vous qui êtes abasourdi !

M. Bruno Le Roux. Je vous interroge solennellement, monsieur le Premier ministre. Nous vous avons posé depuis plusieurs jours des questions précises qui relèvent toutes du bon fonctionnement de l’État républicain. Elles participent d’une double démarche : l’information du Parlement et sa fonction de contrôle de l’exécutif, mais aussi la nécessité de clarté pour nos concitoyens. Elles n’opèrent aucune confusion avec l’enquête judiciaire en cours, mais interrogent, monsieur le Premier ministre, votre responsabilité politique. Vous n’y avez aucunement répondu. Nous ne nous satisfaisons pas du climat délétère que vous entretenez. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ainsi, les Français ne savent toujours pas pourquoi le ministre des affaires étrangères que vous étiez s’est mêlé d’une affaire relevant des ministres de l’intérieur et de la défense, ni pourquoi la justice n’a pas été alertée en temps et en heure des éléments d’information qui attestaient d’une manipulation. Nos concitoyens ne savent pas non plus pourquoi les services de renseignements ont été détournés de leur objet pour évaluer l’implication de personnalités politiques. Pour quels motifs, à quelles fins et sous quelle autorité ?

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Lisez les journaux !

M. Bruno Le Roux. Pas moyen de savoir, enfin, comment le secret défense, sur les listings informatiques saisis au siège d’EADS et placés sous scellés, a été levé sans passer par la commission du secret défense.

Jamais le sommet de l’État n’avait été plongé dans un tel climat de suspicion et de délation sur fond de complots grossiers. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Georges Tron. Et les écoutes de Mitterrand ?

M. Bruno Le Roux. Le Président de la République s’emploie aujourd’hui à répondre aux propos de ses ministres par voie de communiqués. Un ministre, numéro 2 du Gouvernement, dénonce des « officines » et des « apprentis comploteurs cherchant à salir », tandis qu’une autre raille les « préoccupations de carrières » et les « ambitions personnelles ».

L’État-UMP, après avoir ignoré depuis quatre ans l’expression du peuple, semble aujourd’hui englué dans la fin d’un système, le chiraquisme.

Monsieur le Premier ministre, l’affaire Clearstream discrédite un peu plus, s’il en était besoin, l’action de votre gouvernement. Vous n’êtes plus en mesure de répondre aux attentes des Français, confrontés à des difficultés sociales de plus en plus grandes. Il est temps de tourner la page. Allez-vous enfin prendre toute la mesure de la crise que vous avez créée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. monsieur le député… (« Villepin ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Écoutez la réponse du ministre ! (Mêmes mouvements) Monsieur Le Roux, restez tranquille.

M. Alain Néri. Laissez M. de Villepin répondre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vos questions m’amènent à vous faire deux sortes de réponses.

M. Jean Glavany. Sans langue de bois, comme promis !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Sur l’affaire elle-même, je dirais simplement que l’exigence de vérité s’impose évidemment à tout le monde : cela va de soi, et vous comprendrez qu’il y a quelque logique à ce que la recherche de la vérité, dans notre République, incombe au premier chef à la justice. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous pourrez toujours dire ce que vous voudrez dans tous les sens que vous voudrez : à chacun sa mission dans la République.

Deuxièmement, monsieur Le Roux, je me demandais en vous écoutant, vous aujourd’hui, M. Quilès hier, et d’autres élus socialistes la semaine dernière, pourquoi vous nous posiez toujours les mêmes questions d’une manière aussi systématique. (Très vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Parce que vous n’y avez toujours pas répondu !

M. Augustin Bonrepaux. Nous cesserons quand vous nous aurez répondu !

M. le président. Alors écoutez la réponse !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je m’interroge en effet : pourquoi, en dépit de nos réponses abondantes et détaillées, ressasser toujours les mêmes questions ? (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Écoutez la réponse du ministre !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Et si nous cessions d’être vos dupes, monsieur Le Roux ? Et si c’était pour vous une bonne manière de ne pas parler d’autres sujets (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),… de l’histoire de votre parti par exemple, et des « années Mitterrand » (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.-Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) ou d’autres sujets qui fâchent, telles les divisions à l’intérieur de votre parti, voire les oppositions radicales qui le déchirent. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Pourquoi ne parle-t-on plus, par exemple, de la flexibilité du travail ? J’ai lu dans le numéro du Financial Times paru le 4 février une déclaration très intéressante de Ségolène Royal. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Elle y rendait hommage au travail de Tony Blair qui, selon elle, avait fait baisser le chômage en introduisant une plus grande flexibilité dans le marché du travail. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Quel est le rapport avec la question posée ?

M. Alain Néri. Répondez à la question !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. De ces déclarations publiées juste avant que n’éclate la crise du CPE, j’ai déduit qu’elle aurait probablement voté en faveur du CPE si elle était anglaise ! Voilà les débats que nous pourrions avoir ensemble : cela nous changerait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. Lamentable !

socle commun de connaissances

M. le président. La parole est à M. Marc Joulaud, pour le groupe UMP.

M. Marc Joulaud. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, notre assemblée a adopté en mars 2005 le projet de loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, qui nous avait été présentée par votre prédécesseur François Fillon.

C’est un texte important, qui a l’ambition, en corrigeant les difficultés et les insuffisances que tous constatent, de relancer une école plus efficace, plus juste, qui mette d’abord l’accent sur la qualité de l’enseignement. La réussite de tous les élèves est au cœur de ses priorités. En effet, comme vous le savez, alors que notre pays consacre à la formation initiale des moyens supérieurs à la moyenne européenne et que le budget de l’éducation nationale est en constante augmentation depuis plus de vingt ans, certains indicateurs restent au rouge : chaque année, 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme et sans qualification ; 80 000 élèves entrent en classe de sixième sans savoir lire, écrire ou compter correctement ; la proportion des bacheliers diminue ; enfin notre pays n’a pas rattrapé son retard en matière d’apprentissage des langues étrangères par rapport à nos voisins européens.

Réduire l’échec scolaire en garantissant à chaque élève la maîtrise, au terme de sa scolarité obligatoire, des savoirs indispensables, que ce soit pour poursuivre sa scolarité ou pour intégrer la vie professionnelle, constitue un enjeu majeur pour notre pays. C’est le principe même du socle commun de connaissances que vous venez de présenter, monsieur le ministre.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser les lignes de ce texte destiné à définir la culture de base qui doit être commune à l’ensemble des élèves ? Pouvez-vous nous dire comment ce socle commun de connaissances sera mis en œuvre et quand il sera opérationnel ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les conditions de mise en place de la loi d’orientation pour l’école sont tout à fait satisfaisantes, voire excellentes. Ainsi, mesdames et messieurs les députés, vous n’entendez probablement plus parler de professeurs absents dont le remplacement n’est pas assuré alors que leur absence est justifiée : c’est que dorénavant leur remplacement est assuré, et les élèves ont des professeurs en face d’eux. Voilà un des problèmes qui ont été réglés grâce à la loi d’orientation que vous avez votée.

M. Patrick Roy. C’est faux ! Ils ne sont pas remplacés !

M. le président. C’est déjà dur de vous entendre le mardi, monsieur Roy, alors le mercredi !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le Haut Conseil de l’éducation, que j’ai installé en novembre, se consacre depuis cette date au socle commun de connaissances et de compétences. Celui-ci a fait l’objet de nombreuses concertations avec les partenaires sociaux. Issu des recommandations du Haut Conseil et des travaux des commissions Périssol et Rolland, il sera soumis dans quelques jours à l’examen de la commission des affaires culturelles de votre assemblée.

Il compte sept piliers : maîtrise de la langue française ; connaissances scientifiques de base, ce qui inclut les opérations mathématiques élémentaires, addition, soustraction, multiplication et la règle de trois ; connaissance d’une langue étrangère ; maîtrise des nouvelles technologies de la communication et de l’information, ainsi que l’acquisition des compétences sociales et civiques et l’acquisition de l’esprit d’initiative : j’ai tenu à ajouter ces deux derniers piliers sur la recommandation du Haut conseil de l’éducation.

Le projet de décret est prêt et sera publié d’ici à la fin de juin, et j’assurerai aussitôt la mise en place du socle commun.

La définition de ce socle commun est une véritable refondation de l’éducation nationale. Depuis 1882 et Jules Ferry (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), les textes s’étaient accumulés : il était temps d’en dégager la cohérence. Ce sera fait dans les jours prochains, et j’en remercie celles et ceux qui ont voté ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

permanence des soins

M. le président. La parole est à M. Jacques Le Guen, pour le groupe UMP.

M. Jacques Le Guen. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, la permanence des soins a été réorganisée il y a un an, à la suite d’un décret et d’un accord conventionnel signé entre l’assurance maladie et les syndicats de médecins en avril 2005. Les gardes et astreintes des médecins libéraux ont ainsi été revalorisées, afin de les inciter à s’impliquer davantage dans un dispositif basé sur le volontariat.

Si de réels progrès ont été constatés depuis un an, ces améliorations ne touchent pas encore l’ensemble du territoire. C’est pourquoi vous avez réuni jeudi dernier l’ensemble des acteurs du dispositif et annoncé vendredi de nouvelles mesures visant à améliorer la permanence des soins.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous détailler ces nouvelles mesures, et nous dire comment elles garantiront un meilleur fonctionnement de ce dispositif au sein de nos territoires ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, la permanence des soins vise à assurer la prise en charge des problèmes de santé de nos concitoyens même quand leur cabinet médical est fermé : c’est à nous d’assurer une continuité des soins afin qu’il y ait toujours quelqu’un au bout du fil, hospitalier ou libéral, pour leur offrir le plus rapidement possible une solution médicale.

Comme vous l’avez souligné, le fonctionnement du dispositif s’est amélioré depuis un an, mais nous pouvons faire mieux encore. Tel est l’objectif que nous nous sommes fixé, ainsi qu’à tous les acteurs, sans exception, de la permanence des soirs. C’est dans cet esprit que nous avons pris la semaine dernière des décisions qui vont dans le sens des attentes formulées par de nombreux parlementaires, notamment lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Désormais, les préfets pourront déclencher la permanence des soins le samedi après-midi, afin de garantir dès ce moment un accès aux professionnels libéraux. D’autre part, le dispositif sera renforcé afin d’éviter les problèmes rencontrés, les années précédentes, lors des jours fériés et des « ponts ». En effet, nos concitoyens ont droit à la continuité du service public de la santé, qui est la raison d’être de la permanence des soins.

Je vous rappelle que nous avions pris également des engagements en ce qui concerne les maisons médicales de garde : elles seront toutes évaluées, et les procédures seront simplifiées. Le financement sera pluriannuel : je souhaite que l’on prévoie un financement à trois ans, sans formalité, afin de permettre une plus grande lisibilité à des professionnels qui se sont également engagés.

Nous allons en outre lancer une campagne d’information afin de familiariser nos concitoyens avec l’usage du centre 15 et du 15.

Nous travaillons enfin, en concertation avec les dentistes, à l’établissement d’une permanence des soins dentaires dans tous les départements à partir de la rentrée, afin d’assurer à nos concitoyens un accès à ces soins du vendredi soir au lundi.

La permanence des soins n’est pas seulement un droit : elle est désormais une réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

commémoration de l’abolition
de l’esclavage

M. le président. La parole est à M. Éric Jalton, pour le groupe socialiste.

M. Éric Jalton. Monsieur le Premier ministre, aujourd’hui, 10 mai 2006, la France commémore enfin les victimes des traites négrières et de l’esclavage autant que leur abolition.

Il n’aura pas fallu moins de quatre longues années pour que le Président de la République se décide à appliquer la loi du 21 mai 2001, promulguée sous le Gouvernement de Lionel Jospin, qui reconnaît l’esclavage en tant que crime contre l’humanité.

Cette loi prévoyait que soit choisi un jour de mémoire en métropole, non plus pour les seuls abolitionnistes, célébrés à juste titre depuis des décennies, mais précisément pour les victimes des traites, ces femmes et ces hommes dont bon nombre de compatriotes, notamment en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à la Réunion, sont les enfants.

Certes, le choix de ce jour de mémoire a pu faire débat parmi nous ; mais si les dates de commémoration diffèrent d’un endroit à l’autre de notre territoire ou de nos consciences, le souvenir y est partout le même. C’est la nation tout entière qui désormais, tous les 10 mai, rendra hommage aux victimes de l’esclavage dans une commémoration unanime.

N’oublions pas que l’abolition de l’esclavage est l’un des principes fondateurs de notre République. Le Président de la République a rappelé tout à l’heure, dans les jardins du Luxembourg, que la République, c’est l’abolition. Rien ne doit venir ternir ce nécessaire devoir de mémoire collective, pas même les provocations de quelques parlementaires UMP à propos de l’article 2 de la loi Taubira. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

L’histoire de notre pays a ses heures de gloire et ses zones d’ombre ; elle est notre lot commun. Il ne s’agit pas pour la France de faire repentance, mais de comprendre toutes les pages de son histoire, pour unir la communauté nationale dans une mémoire partagée.

Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, et par votre voix le Gouvernement tout entier, nous assurer de votre détermination à mieux faire partager et respecter notre mémoire commune, et œuvrer ainsi pour une plus grande fraternité républicaine ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’outre-mer.

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer. Monsieur le député, cette journée est très importante pour nous tous, et essentielle pour les enseignants, pour les enfants.

Cet esprit qui nous rassemble a animé toute la représentation nationale lorsqu’à l’unanimité elle a voté la proposition de loi de Mme Taubira que je salue ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous étions ensemble, tout à l’heure, au côté du Président de la République et du Premier ministre.

Cette date, choisie, voulue par le Président de la République, sur proposition du comité pour la mémoire de l’esclavage et des traites négrières, est porteuse d’un double message, d’une double mémoire : celle de l’esclavage et celle de son abolition. C’est une double mémoire qui doit nous inspirer pour transmettre aux jeunes Français cette histoire qui nous est commune, comme vous l’avez souligné.

Au-delà de cette commémoration, qui est importante pour beaucoup d’Antillais, absolument essentielle pour le respect de chacun dans notre trajectoire commune, cette date porte un message à vocation universelle, et c’est tout le sens de l’intervention du Président de la République : il s’agit de permettre à la France de se placer au premier rang des nations qui ont reconnu l’esclavage comme crime contre l’humanité. Malheureusement, en effet, cette tragédie perdure encore dans d’autres pays.

C’est donc un message d’avenir et d’espérance, tout autant que le fruit d’une lutte et d’une conquête. Notre République est issue de ces conquêtes passées ; l’humanité et la citoyenneté partagées seront les conquêtes du futur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

croissance et mesures en faveur des PME

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Gaultier, pour le groupe de l’UMP.

M. Jean-Jacques Gaultier. Monsieur le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales, une enquête publiée ce matin démontre la bonne vitalité des PME et PMI françaises, tendance qui se révèle durable et qui s’est consolidée depuis plusieurs mois.

Par ailleurs, le baromètre BPLG-AFP, qui précise l’activité de ces PME-PMI en matière de chiffre d’affaires, de rentabilité, d’investissement, d’emploi, indique que les chiffres du mois d’avril sont très proches de ceux de février, c’est-à-dire à leur plus haut niveau depuis trois ans. Les résultats sont particulièrement bons en matière de services et d’emploi : pour le troisième mois consécutif, les entreprises recrutent plus qu’elles ne réduisent leurs effectifs.

Monsieur le ministre, confirmez-vous cette tendance et pouvez-vous faire le bilan des mesures prises par le Gouvernement depuis 2002 ? Pouvez-vous aussi préciser les initiatives que vous souhaitez prendre pour soutenir la croissance des PME et PMI françaises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales.

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales. Monsieur Gaultier, je vous confirme que derrière les rumeurs qui assourdissent les Français, il y a des résultats économiques importants. Les rumeurs disparaîtront, les résultats de la majorité et du Gouvernement resteront. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ces résultats, vous les avez évoqués. Le chômage baisse : il passera cette année en dessous de 9 %. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) La création d’entreprises n’a jamais été aussi dynamique. Les contrats d’apprentissage augmentent de 10 %. L’investissement industriel atteindra probablement cette année un niveau de 6 %, sans égal depuis 2002. C’est dire que l’économie française est aujourd’hui dynamique.

Nous souhaitons soutenir celles de nos PME qui ont la croissance la plus vive. Demain, le Premier ministre rencontrera près de 2 000 « gazelles », des PME françaises dont le chiffre d’affaires a été multiplié par trois au cours de ces deux ou trois dernières années et qui ont créé 30 000 à 40 000 emplois. Ces PME montrent la vitalité de l’économie d’aujourd’hui. Nous souhaitons les accompagner davantage dans leur croissance : c’est l’objet des mesures nouvelles qui seront annoncées demain par le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Grève administrative des directeurs d'écoles

M. le président. La parole est à M. Dominique Le Mèner, pour le groupe de l’UMP.

M. Dominique Le Mèner. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, de nombreux directeurs d’écoles sont en grève depuis plusieurs années. La raison en est principalement que les missions qui leur incombent se sont réellement complexifiées et considérablement alourdies au cours des dernières années. Parmi leurs revendications figure notamment l’attente de décharges de cours, d’une aide administrative et, en réalité, d’un véritable statut, afin de leur permettre d’assurer au mieux leurs responsabilités et la direction de l’école dont ils ont la charge.

En effet, ces directeurs d’écoles enseignants ne sont dispensés d’heures de cours que lorsque l’établissement compte au moins treize classes. Entre cinq et treize classes, ils bénéficient d’heures de décharge jusqu’à mi-temps. Avec moins de cinq classes – ce qui est le cas dans la majorité des écoles –, ils n’ont aucune dispense.

Pour assumer leurs fonctions, ils n’ont pas de secrétaire et bénéficient d’une indemnité annuelle bien maigre au regard des efforts consentis. Cette absence de moyens et de reconnaissance de leur engagement est une réelle entrave au bon fonctionnement de notre système éducatif.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire part des mesures que vous avez décidé de mettre en place pour ces directeurs d’écoles, afin de concilier au mieux la gestion administrative des établissements scolaires et la qualité de l’enseignement dispensé aux élèves.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Le Mèner, voilà dix ans qu’un conflit existait, voilà sept ans que durait une grève administrative dont de nombreux députés maires venaient, très raisonnablement, se plaindre auprès de moi, cherchant les moyens d’y mettre fin.

J’ai le plaisir de vous annoncer que, ce matin de bonne heure, j’ai pu signer avec le syndicat d’enseignants UNSA, qui avait déclenché la grève voici sept ans, un protocole d’accord qui peut se développer en trois points. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous pouvez en effet, mesdames et messieurs les députés, féliciter ce syndicat – j’évoquerai les autres dans un instant.

Premier point : puisque le problème est une question de temps, tous les directeurs d’écoles de quatre classes se verront désormais déchargés d’une journée par semaine pour pouvoir assurer leurs fonctions administratives ou les relations avec les parents ou avec les communes et intercommunalités. Durant cette journée, l’enseignement sera assuré par un professeur stagiaire en IUFM, qui apprendra en même temps son métier.

Deuxième point : une aide administrative étant indispensable dans le cadre de l’activation des dépenses sociales prévue par le plan Borloo, c’est-à-dire sans créer de postes spécifiques, les directeurs d’écoles pourront recruter des emplois aidés – CA et CAE, dits emplois « vie scolaire » – qui viendront assurer des tâches administratives dans ces écoles et aider les directeurs à mieux assurer leurs fonctions.

Enfin, pour ce qui concerne la reconnaissance, il était normal d’octroyer à tous les directeurs d’écoles une majoration de 20 % de l’indemnité qu’ils perçoivent – relativement faible, je vous rassure (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste) – et justifiée par le travail supplémentaire qu’ils accomplissent.

Voici donc, monsieur Le Mèner, après un conflit trop long, une issue heureuse qui va faciliter la tâche des directeurs d’écoles et de l’éducation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Situation de France-Soir
et de la presse française

M. le président. La parole est à M. Michel Françaix, pour le groupe socialiste.

M. Michel Françaix. Ma question s’adresse à M. le ministre de la culture et de la communication, qui est aussi, trop souvent par intermittence à mon goût, ministre de la presse et de l’écrit. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Comme vous le savez, monsieur le ministre, la presse d’opinion va mal. Fuite du lectorat, chute des recettes publicitaires, diminution du nombre de points de vente, essor des titres gratuits et d’Internet : les difficultés de la presse généraliste quotidienne sont structurelles.

Signe du délabrement de la presse en France : depuis le 13 avril, France-Soir, figure historique et incontournable de la presse, n’a pas paru, alors que cent vingt-deux salariés luttent dans un combat emblématique pour sauver ce journal. La Cour d’appel de Douai va rendre son jugement. Sans préjuger de la décision du tribunal et de l’existence d’un magot caché de 40 millions d’euros – évasion fiscale, quand tu nous tiens ! – pouvez-vous vous satisfaire d’un France-Soir sans pages culturelles et politiques, oubliant l’exigence de qualité et de rigueur de Pierre Lazareff, pour verser dans la presse à sensation ?

Y a-t-il une fatalité dans ce pays pour que les patrons de presse, bien souvent marchands d’armes, utilisent l’écrit pour des coups de Bourse, des enjeux de pouvoir ou la recherche d’argent détourné ? N’y a-t-il pas une contradiction à faire des journaux sans journalistes, et ne croyez-vous plus à la presse populaire d’information générale ? Pensez-vous que l’on puisse s’accommoder d’une presse réduite à deux ou trois titres, puisque le rapport Lancelot, en service commandé, estime que le paysage médiatique n’a pas atteint un degré de concentration excessif ?

N’est-il pas temps de recalibrer le système des aides à la presse, qui s’essouffle, au profit des entreprises qui concourent au pluralisme ?

Monsieur le ministre, avez-vous l’intention de rester spectateur ou prendrez-vous enfin des mesures fortes et immédiates pour redonner vie à France-Soir et à la presse écrite dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Comme vous le savez, monsieur Françaix, le ministre de la culture et de la communication, M. Donnedieu de Vabres, est retenu au Sénat, où il défend le projet de loi relatif au droit d’auteur dans la société de l’information.

Votre question intéresse tous les Français. Vous avez distingué à juste titre deux sortes de presse : la presse d’information générale, souvent quotidienne, qui est en crise, et la presse d’information périodique, qui est en revanche en très bonne santé – à en croire les chiffres, l’année dernière a vu la naissance de plus de 800 titres de presse périodique.

À partir de ce constat, que fait le Gouvernement ? (« Rien ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste.) Eh bien, précisément, non ! Vous avez tort : le Gouvernement, grâce au vote de ceux qui ont bien voulu approuver le budget, apporte des aides à la presse, à hauteur de 280 millions d’euros. Cette action s’oriente délibérément dans la direction que vous souhaitez, monsieur Françaix, car cette aide est essentiellement dirigée vers la presse d’information politique et générale.

Pour ce qui concerne France-Soir, le Gouvernement attend sereinement l’audience de la cour d’appel de Douai qui aura lieu vendredi prochain : seule la justice est habilitée à choisir les futurs dirigeants de France-Soir. Si France-Soir reste un journal d’information générale et politique, il pourra compter sur l’aide du Gouvernement – qui, jusqu’à l’année dernière, soutenait son fonctionnement par une aide de l’ordre de 2,5 millions d’euros. C’est dire que le Gouvernement est soucieux d’aider une presse aussi générale que pluraliste : cela va précisément dans le sens que vous souhaitez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Rapport de la Halde

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour le groupe UMP.

Mme Geneviève Levy. Monsieur le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances, l’an dernier a été installée la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité – la HALDE. Face aux discriminations, qu’elles soient liées aux origines, à la religion, au sexe, à l’âge, au handicap ou aux orientations sexuelles, la Haute autorité a pour mission de veiller à l’égalité des droits de chacun. Ses objectifs sont donc de garantir à chacun le respect de sa dignité et de ses droits. C’est là tout le sens de la lutte contre les discriminations.

La Haute autorité dispose de l’ensemble des moyens pour agir. Avec la loi sur l’égalité des chances, elle s’est vu aussi reconnaître un pouvoir de sanction. Tous ceux qui s’estiment victimes de discriminations doivent la saisir.

Le 2 mai dernier, M. Louis Schweitzer, son président, a remis le rapport annuel de cette instance.

Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quelles sont les conclusions que vous avez tirées de ce premier rapport ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances.

M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances. Comme vous l’avez rappelé, madame Levy, la semaine dernière, M. Louis Schweitzer, président de la HALDE, a remis son rapport annuel au président de la République et au Premier ministre. Ce rapport montre à quel point il était urgent de créer cette Haute autorité et combien notre combat contre ce poison des discriminations doit être connu de tous, parce qu’il relance la confiance dans nos valeurs républicaines.

En un an, 2 000 plaintes ont été déposées auprès de la HALDE et le rythme s’accroît régulièrement. Cela signifie qu’un réflexe républicain est en train de naître chez nos concitoyens, auxquels nous adressons ce message « Si vous êtes victimes d’une discrimination ou avez le sentiment de l’être, n’abandonnez pas : joignez la HALDE. Elle est là pour ça : utilisez cet instrument d’une citoyenneté active ».

Ce mouvement citoyen naissant montre à quel point nous avons eu raison d’adopter cette loi pour l’égalité des chances. Les agents de la HALDE sont assermentés et peuvent, dans les cas avérés de discrimination, infliger des sanctions pécuniaires et les tests à l’improviste ont été légalisés.

Comme les portes de l’emploi, celles des lieux de loisir, des agences de location immobilière, des grandes écoles – en un mot, toutes les portes de France – doivent être ouvertes à toutes les Françaises et à tous les Français. Le Gouvernement s’y emploie depuis un an sans relâche.

C’est le message que je suis allé porter samedi dernier dans les rues de Nevers, au milieu de 3 000 manifestants qui ont marché silencieusement pour dire « non » aux discriminations, « non » aux violences, mais « oui » à une justice pour tous et « oui » à la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

professionnalisation des polices municipales

M. le président. La parole est à Mme Michèle Tabarot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Michèle Tabarot. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, élue d’une région qui accueille plus de 20 % des effectifs de police municipale de notre pays, je suis comme bon nombre de mes collègues particulièrement sensible à l’évolution de cette profession, qui est désormais le troisième pilier de la sécurité publique en France. Durant les évènements de novembre dernier, la bonne coordination entre la police nationale, la gendarmerie et les polices municipales a d’ailleurs été un élément décisif du retour au calme dans nos banlieues et au cœur de nos villes.

Les maires qui disposent d’une police municipale connaissent bien les difficultés que rencontrent les agents sur le terrain, mais aussi le courage et la volonté dont ils font preuve au quotidien pour assurer la sécurité des administrés. Il est nécessaire de renforcer l’attractivité de ce métier et de donner plus de cohérence aux missions de la police municipale.

Sur ce point, vous avez récemment signé avec plusieurs organisations syndicales un protocole d’accord relatif à la professionnalisation des polices municipales. Monsieur le ministre, ma question est double : pouvez-vous tout d’abord préciser à la représentation nationale le contenu de ce protocole d’accord, et nous faire savoir s’il s’accompagnera d’un effort particulier au niveau de la formation ? Par ailleurs, ce protocole permettra-t-il de renforcer les pouvoirs des maires en matière de lutte contre la délinquance afin qu’ils puissent mieux faire respecter l’ordre, la tranquillité et la sécurité publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Madame Michèle Tabarot, votre expérience de premier magistrat municipal du Cannet vous permet de mesurer les évolutions qui ont marqué la police municipale et qui lui ont permis d’obtenir des transformations utiles.

C’est vrai qu’en vingt ans tout a changé. D’abord, le nombre de communes qui se sont dotées de police municipale a doublé et atteint aujourd’hui 3 300, c’est-à-dire 8,9 % du total ; ensuite, les effectifs ont triplé, pour s’établir à 17 000, auxquels il convient d’ajouter les gardes champêtres et les agents de surveillance de la voie publique ; enfin, les missions elles-mêmes ont changé puisque, comme vous le savez, désormais les policiers municipaux peuvent être des adjoints efficaces des officiers de police judiciaire et sont habilités à verbaliser la quasi-totalité des contrevenants au code de la route.

Le Gouvernement a pris conscience de cette évolution. Depuis 2002, il a accompagné cet effort en permettant aux polices municipales de se doter d’équipements, que ce soit en termes de véhicules ou d’armements – flash-balls et tonfas. Bref, tout a changé,…

M. Jean-Pierre Balligand. C’est faux !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. …sauf l’organisation administrative de ces polices municipales.

M. Jean-Pierre Balligand. Halte au feu !

M. le ministre délégué aux collectivités territoriales. Des négociations ont été engagées il y a déjà un certain temps – cela fait deux ans –, et elles ont abouti le 25 avril à un accord, comme vous l’avez souligné, avec les trois grandes centrales syndicales représentant la majorité des effectifs des polices municipales. Concrètement, cela permet deux avancées : d’abord, la création du poste de directeur de police municipale, c’est-à-dire qu’il y aura des perspectives de carrière – sous réserve d’un nombre suffisant d’agents –, et ces directeurs seront les interlocuteurs logiques et naturels des commissaires et des officiers de police ; ensuite, un effort de formation pour les agents de catégorie C, qui représentent 96 % des effectifs totaux.

Tout cela pour vous dire deux choses : premièrement, que le dialogue social dans notre pays est possible ; deuxièmement, qu’avec le Premier ministre et autour de Nicolas Sarkozy (« Ah ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste), nous répondons ainsi concrètement, chaque jour de mieux en mieux, à l’aspiration de nos concitoyens à davantage de sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. René Dosière.)

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Immigration et intégration

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration (nos 2986, 3058).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 31.

Article 31

M. le président. Sur l’article 31, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. L’essentiel a été dit hier sur les trois articles que nous abordons, et qui concernent le regroupement familial. Permettez-moi néanmoins de développer brièvement quelques points.

Le premier a trait aux chiffres du regroupement familial. Le rapporteur, non plus que le Gouvernement, ne m’ont démenti hier, lorsque j’ai déclaré que le nombre de personnes concernées par le regroupement familial était particulièrement stable – entre 22 000 et 25 000 personnes depuis 2000.

Je rappelle que le regroupement familial concerne presque autant les conjoints que les enfants. Le chiffon rouge que certains agitent au sujet de familles nombreuses qui se regrouperaient autour du père, travailleur immigré, est donc un faux prétexte. Pour un conjoint accueilli dans notre pays, il n’entre en effet avec lui, en moyenne, qu’1,2 enfant. Brandir le spectre des allocations familiales qui entreraient dans les ressources est tout aussi spécieux, ces allocations étant exclues des ressources exigibles pour le regroupement familial.

Avec ce projet de loi, un nouveau pas est franchi par rapport au texte de 2003 puisque, outre les allocations familiales, d’autres prestations sociales seraient désormais exclues du calcul des ressources : revenu minimum d’insertion, allocation de solidarité aux personnes âgées, allocation temporaire d’attente, allocation supplémentaire d’attente et allocation équivalent retraite.

Avant que notre assemblée ne se prononce sur l’article 31, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous poser une question simple : combien de personnes ont bénéficié d’une mesure de regroupement familial, alors que ces prestations étaient prises en compte dans le calcul de leurs ressources ? Le chiffre est-il significatif, ou bien s’agit-il, là encore, d’un simple affichage du Gouvernement ?

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je voudrais moi aussi interroger le Gouvernement sur les motifs profonds de l’article 31.

Comme Bernard Roman vient de le rappeler, environ 25 000 personnes, dont la moitié d’enfants, entrent chaque année en France grâce au regroupement familial. Il ne s’agit donc ni d’une invasion ni d’un enjeu particulier – M. Goasguen l’a lui-même reconnu –, d’autant que les conditions exigées, notamment celles prévues dans ce projet de loi, permettent une certaine « maîtrise », pour reprendre les termes de la majorité, des flux migratoires.

Avec cet article, ne soupçonne-t-on pas insidieusement les étrangers qui s’installent en France de venir profiter des prestations sociales ? Comme M. Roman, je ne doute pas que le nombre de personnes bénéficiant d’une mesure de regroupement familial grâce au cumul des prestations ne soit marginal. Il serait juste, je crois, de le reconnaître : l’article 31 jette en effet la suspicion sur l’ensemble des étrangers, sans qu’aucune menace ne le justifie.

J’ajoute que cet article pénalise les personnes n’ayant qu’un seul revenu, c’est-à-dire les plus précaires : bien qu’elles travaillent utilement pour notre société, elles ne pourront plus voir leur famille les rejoindre.

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Hier soir, en fin de séance, nous avons déjà évoqué l’article 31. J’ai donc relu attentivement les débats que nous avions eus, en 1997 et 1998, sur la loi Chevènement. Je persiste et signe, monsieur Roman : comme je l’ai avancé hier soir, il était bien question de supprimer, dans ladite loi, certaines dispositions de la loi Pasqua.

Souvenez-vous des longs débats que nous avions eus à l’époque : la loi Pasqua prévoyait explicitement que seuls les revenus du travail – au moins égaux au SMIC – permettaient d’avoir accès au regroupement familial. La loi Chevènement, reprise par la loi de 2003 malgré l’amendement que j’avais présenté, a supprimé cette disposition. Les demandeurs peuvent donc inclure dans leurs ressources le revenu minimum d’insertion, l’allocation de solidarité pour les personnes âgées, l’allocation temporaire d’attente, l’allocation supplémentaire d’attente ou encore l’allocation équivalent retraite.

En fait, c’est la somme qui devait avoisiner le SMIC, ce qui n’est pas du tout la même chose ! Nous acceptions ainsi, dans la loi Chevènement, reprise en 2003, qu’un individu ne disposant pas de ressources du travail suffisantes pour héberger et nourrir sa famille puisse néanmoins bénéficier du regroupement familial, ce qui, selon moi, est contraire à la convention internationale, laquelle institue le regroupement familial pour ceux qui sont des travailleurs dans les pays d’immigration.

Par ailleurs, nous avons eu aussi de longs débats sur la question du logement. Nous avions réussi, non sans peine, à faire valoir que l’on ne pouvait admettre un libéralisme total en la matière. Finalement, après plusieurs nuits de discussions, le ministre de l’intérieur de l’époque, M. Chevènement, avait accepté l’idée qu’il fallait un logement convenable pour accueillir la famille, mais il avait ajouté que les services du ministère de l’intérieur n’étaient pas en mesure de le contrôler avec efficacité, ce qui permit de faire basculer vers les mairies un éventuel contrôle. Si bien qu’une simple déclaration de demande de logement – je me souviens avec précision de ces termes – devint suffisante pour bénéficier du regroupement familial.

En 1999, vous avez donc abrogé les règles solides qui encadraient le regroupement familial. Vous êtes, par conséquent, en grande partie responsables du détournement de cette procédure.

Aujourd’hui, dans la continuité de la loi de 2003, qui imposait une première mesure de stabilisation – laquelle a porté ses fruits –, nous allons jusqu’au bout du raisonnement et nous posons une règle de bon sens, à savoir qu’un individu qui vient travailler en France peut et doit bénéficier du regroupement familial, sous réserve qu’il puisse nourrir et loger décemment son conjoint et ses enfants. Je n’ai pas le sentiment qu’il s’agisse là d’une démarche idéologique…

M. Julien Dray. Mais si !

M. Claude Goasguen. …mais bien plutôt d’une démarche de bon sens, qui respecte mieux que la vôtre la pensée profonde de ceux qui ont élaboré la convention internationale sur le regroupement familial.

M. Patrick Braouezec. N’en rajoutez pas trop, monsieur Goasguen !

M. Claude Goasguen. Ceux qui respectent le regroupement familial, ce sont ceux qui donnent au travailleur la possibilité de gérer sa vie familiale, plutôt que ceux qui, sous prétexte de regroupement familial, ouvrent largement les frontières…

M. Patrick Braouezec. Largement ? Douze mille personnes par an !

M. Claude Goasguen. …et imposent à la solidarité nationale des charges supplémentaires.

Votre politique, qui est une politique d’ouverture, est le contraire de la politique d’intégration que souhaite le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je pensais que nos travaux reprendraient dans une atmosphère pacifiée, mais l’intervention de Claude Goasguen a été irritante, pour ne pas dire plus.

M. Bernard Roman. Elle relève de la provocation !

M. Claude Goasguen. Autrement dit : elle ne vous plaît pas !

M. Noël Mamère. Cette expression « de bon sens », nous l’entendons si souvent depuis le début de l’examen de ce projet que je ne peux m’empêcher de penser à cette publicité d’une banque qui vantait « le bon sens près de chez vous » ! Le ministre de l’intérieur lui-même n’hésite pas à user de cette simplification.

Mais qu’est-ce que le bon sens ?

M. Claude Goasguen. C’est ce que vous n’avez pas !

M. Noël Mamère. C’est réduire la capacité de regroupement familial ? C’est se placer en deçà des conventions internationales ? Ne pas respecter l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme ?

M. Claude Goasguen. C’est faux !

M. Noël Mamère. C’est faire passer les familles d’immigrés pour des profiteurs, qui viendraient prendre l’argent des Français et chercher une couverture sociale ?

M. Claude Goasguen. Je n’ai jamais dit cela !

M. Noël Mamère. En présentant cette situation comme attentatoire aux libertés des Français, vous ne faites que monter une partie du pays contre l’autre. Vous prenez un risque et vous vous comportez en pyromanes !

M. Jérôme Rivière. Avec vous, les mots n’ont plus de sens !

M. Noël Mamère. Le texte que vous nous présentez, je le répète encore une fois, est un texte d’affichage, de communication et de braconnage sur les terres de l’extrême droite. Mais vous n’arriverez pas à convaincre les Français – même si une partie d’entre eux l’approuve, selon un sondage dont les questions sont très orientées – qu’avec ce texte, vous êtes fermes et justes. Non ! Vous êtes injustes et répressifs !

M. le président. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Je suis d’accord avec Noël Mamère sur la tonalité du débat. En tout état de cause, il y a confrontation, dans cet hémicycle, de deux options : la vôtre, monsieur Goasguen, et celle que nous nous efforçons de défendre depuis plusieurs jours.

Le professeur émérite que vous êtes reconnaîtra l’auteur célèbre de cette formule : le bon sens est le pire des métaphysiciens.

Mme Brigitte Le Brethon. Ça veut dire tout et son contraire !

M. Julien Dray. Mais nous ne sommes pas dans le domaine de la métaphysique et de la croyance et l’on ne saurait convoquer de prétendues évidences pour tenter de faire passer une politique ! C’est votre politique : assumez-la en tant que telle, avec son contenu idéologique libéral.

M. Claude Goasguen. Les libéraux, c’est vous puisque le libéralisme, c’est laisser entrer tout le monde !

M. Julien Dray. Et puisque vous vous inscrivez dans une démarche de refondation identitaire, ne reniez pas votre identité : assumez l’idée que vous voulez « marchandiser » les flux migratoires. Elle est défendable…

M. Claude Goasguen. C’est le contraire du libéralisme !

M. Julien Dray. …mais nous y sommes totalement opposés, d’autant que cette « marchandisation » provoquera inéluctablement une ghettoïsation et des malheurs supplémentaires pour nos concitoyens.

Vous prétendez que l’on a détourné la procédure. Vous pouvez bien convoquer les chiffres, vous ne parviendrez pas à le démontrer. S’il y avait eu une explosion des demandes de regroupement familial, si les préfectures croulaient sous ces demandes, on pourrait comprendre. Mais ce n’est pas le cas : les chiffres montrent plutôt une continuité, avec une légère progression, qui tient simplement au fait que, avec le temps, un certain nombre d’immigrés désirent faire venir leur famille afin de stabiliser leur insertion et leur intégration, car ils ont compris que leur avenir était en France.

Voilà pourquoi nous ne comprenons pas pourquoi vous voulez compliquer le parcours du demandeur de regroupement familial – à moins que nous ne le comprenions trop bien, au contraire !

Enfin, s’il y a eu détournement de procédure, comme vous le prétendez, pourquoi avez-vous attendu quatre ans pour vous en rendre compte ?

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas de mon fait, en tout cas !

M. Julien Dray. Si les choses étaient si limpides, le « bon sens », précisément, aurait voulu que, dès 2002, vous vous efforciez d’y remédier. Mais vous ne l’avez même pas fait dans la loi de 2003 !

M. Claude Goasguen. Mieux vaut tard que jamais !

M. Julien Dray. Surtout lorsqu’on approche des élections !

M. Claude Goasguen. Ce peut être un motif, en effet ! Pourquoi pas ?

M. Julien Dray. C’est ce que je voulais vous entendre dire !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Rivière.

M. Jérôme Rivière. Il existe, en effet, deux conceptions très différentes : la conception libérale…

M. Julien Dray. Il faudrait savoir !

M. Jérôme Rivière. …et laxiste, qui s’exprime sur les bancs de l’opposition, et la nôtre qui est une conception conservatrice, en effet, mais conservatrice des intérêts de la France et de notre économie, avant tout.

Mais les mots ont un sens. M. Mamère nous accuse d’être « injustes et répressifs », invoquant l’article 8 de la CDEH. C’est d’ailleurs plutôt sur l’article 3 de cette convention qu’est fondé le regroupement familial. Qu’avaient donc à l’esprit les rédacteurs de cette convention lorsqu’ils rédigeaient, en 1950, cet article 3 et parlaient de « traitements inhumains et dégradants », sinon l’atroce barbarie du régime nazi et les abominations staliniennes en cours ? Par conséquent, gardons la mesure et sachons bien de quoi nous parlons. Comment comparer des restrictions, un encadrement destinés à préserver le bien-être économique de notre pays, avec de tels traitements ?

Vous ne cherchez qu’à caricaturer notre projet. Mais nos concitoyens comprennent que nous sommes très conservateurs…du bien-être du pays et que nous prenons des mesures raisonnables, qui sont dans le droit fil de ce qu’expliquait, hier, Claude Goasguen, à savoir une maîtrise des flux migratoires à la baisse.

M. le président. Mes chers collègues, deux d’entre vous m’ont demandé à nouveau la parole. Le règlement ne me permet pas de la leur accorder. Toutefois, puisque nous allons examiner des amendements de suppression, je leur suggère de parler à cette occasion puisque la règle est de donner la parole à un orateur pour défendre l’amendement, et après que la commission et le Gouvernement ont donné leur avis, à un orateur pour et à un orateur contre, pour cinq minutes au maximum.

Je suis saisi, en effet, de deux amendements, n°s 180 et 529, qui tendent à supprimer l’article 31.

La parole est à M. Noël Mamère pour soutenir l’amendement n° 180.

M. Noël Mamère. Si nous proposons de supprimer l’article 31, c’est pour les raisons que nous venons de dire.

Monsieur Rivière, c’est votre projet qui est une caricature. Avec mes collègues sur les bancs de la gauche, nous ne nous livrons aucunement à une simplification ; nous essayons de démonter cette espèce de Meccano de l’exclusion que vous avez monté, avec le ministre de l’intérieur. Vous pouvez toujours expliquer, avec moult circonlocutions, que vous faites ce qu’il y a de mieux pour accueillir les étrangers dans notre pays, personne ne vous croit.

L’article 31, avec l’article 30 et l’article 32, dans le chapitre concernant le regroupement familial, sont au cœur de votre philosophie : vous avez pour objectif de restreindre le regroupement familial, et alors que, depuis 1974, il est un motif d’immigration, vous en faites une immigration subie, à remplacer par la seule immigration, à caractère utilitaire et jetable, fondée sur le travail, de personnes taillables et corvéables à merci, qui obtiendront un droit d’entrée parce qu’elles auront obtenu un contrat de travail et seront jetées comme des Kleenex et chassées, lorsqu’elles le perdront.

M. Jérôme Rivière. Caricature !

M. Noël Mamère. Pour ce qui concerne le regroupement familial, ainsi que d’autres dispositions, comme la vie privée et familiale, vous laissez le préfet décider comme il veut. Et comme si cela ne suffisait pas, vous y ajoutez l’avis du maire de la commune d’accueil ! N’est-ce pas là renforcer l’arbitraire,…

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Mais non !

M. Noël Mamère. …désigner l’immigré comme celui que l’on doit soupçonner en permanence, comme le tricheur et le profiteur, et faire de l’étranger un indésirable ?

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec pour soutenir l’amendement n° 529.

M. Patrick Braouezec. D’abord, je rejoins la position de M. Mamère. Selon M. Rivière, les 10 000 à 12 000 conjoints et enfants qui viennent en France au titre du regroupement familial menaceraient notre économie. À qui le fera-t-il croire ?

M. Claude Goasguen. Nous n’avons jamais dit cela !

M. Patrick Braouezec. Par le biais de l’article 31, vous insinuez – et je suis certain que la presse reprendra ces arguments – qu’un certain nombre de regroupements familiaux se faisaient en tenant compte des prestations sociales et familiales…

M. Jérôme Rivière et M. Claude Goasguen. C’est la vérité !

M. Patrick Braouezec. Celles-ci étaient marginales, et vous le savez. Selon vous, les travailleurs migrants sont a priori suspects de vouloir profiter de nos prestations sociales et familiales. C’est une des raisons pour lesquelles nous voulons supprimer cet article.

Par ailleurs, l’alinéa 4 n’est pas clair. Le durcissement des conditions de ressources vous semblant insuffisant, l’alinéa 4 précise que « le demandeur devra se conformer aux principes qui régissent la République française. » Qu’est-ce que cela signifie ? Comment pourra-t-on apprécier si un demandeur se conforme à ces principes ? Selon quels critères objectifs le préfet ou l’autorité de tutelle, qui va donner son accord pour le regroupement familial, va-t-il pouvoir juger du comportement du demandeur ? Va-t-on demander aux maires de donner un avis sur la personne ? Faudra-t-il enquêter sur son comportement pour savoir s’il est conforme aux principes qui régissent la République française ? Cela relève du comportement individuel !

M. Claude Goasguen. C’est l’intégration qui compte !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avant de répondre, je tiens à faire le point. Nous avons examiné 322 amendements et nous en avons adopté 108, dont cinq émanant du parti socialiste, trois du parti communiste et deux des Verts. Il en reste 256 en discussion.

M. Julien Dray. Nous sommes à mi-chemin : c’est un bon rythme ! Rappelez-vous que la tortue a fini par l’emporter sur le lièvre !

M. Thierry Mariani, rapporteur. S’agissant de l’article 31, monsieur Mamère, nous ne sommes ni injustes ni répressifs. Il existe, dans cet hémicycle, deux conceptions de l’immigration, dont aucune n’est infamante. Pour notre part, nous avons fait le choix de l’immigration choisie…

M. Claude Goasguen. Et maîtrisée !

M. Thierry Mariani, rapporteur. …et de l’intégration réussie, comme le montre le titre du projet. Il existe une logique. Vous avez raison lorsque vous expliquez que les chiffres du regroupement familial n’ont pas explosé.

M. Bernard Roman. Alors, pourquoi donc changer la législation ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. De 20 000 personnes en 1998, nous sommes passés à 27 000 en 2002 puis, avec la loi RESEDA, à 22 000 en 2005. Le regroupement familial a donc été stabilisé.

Nous souhaitons que le regroupement familial donne à l’étranger qui fait venir sa famille toutes les chances de s’intégrer dans la mesure où il a les moyens – hors prestations – de subvenir à ses besoins.

Monsieur Braouezec, votre amendement est paradoxal : vous expliquez que le nombre d’étrangers faisant venir leur famille et atteignant le seuil grâce aux prestations familiales est minime. Si tel est le cas, je ne comprends pas pourquoi vous voulez supprimer l’article 31.

M. Patrick Braouezec. Je critique la suspicion que vous voulez faire peser sur les immigrés !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Nous revendiquons une politique de l’immigration permettant aux étrangers de venir s’installer en France et d’y vivre du fruit de leur travail. Il ne s’agit nullement de jeter la suspicion sur qui que ce soit.

M. Patrick Braouezec. C’est pourtant le cas !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Nous voulons, par l’article 31, non pas multiplier les obstacles, mais multiplier les chances d’une intégration réussie.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable aux amendements nos 180 et 529.

M. Patrick Braouezec. Vous n’avez pas répondu à ma question sur les principes qui régissent la République !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je vous répondrai ultérieurement sur l’alinéa 4.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Hier soir, chacun avait indiqué qu’il s’exprimerait à la fois sur les articles 30, 31 et 32. Mais nous recommençons aujourd’hui le débat sur le regroupement familial. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Julien Dray. C’était hier soir !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement s’est montré ouvert et il l’est plus que jamais, mais nous sommes en désaccord sur le regroupement familial. Selon MM. Braouezec, Dray, Roman et Mamère, il s’opère de façon parfaite.

M. Julien Dray. Mais non !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Vous n’avez cessé, depuis le début de ce débat, de prétendre que tout allait pour le mieux, que la politique du regroupement familial dans notre pays était parfaitement conduite…

M. Julien Dray. Mieux que les affaires du Gouvernement, en tout cas !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …et qu’il fallait garder la législation en l’état,…

M. Bernard Roman. Il faut l’améliorer !

M. Julien Dray. Laissez-nous donc votre place !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …d’où vos amendements de suppression de l’article. Vous et nous n’avons pas la même vision de la politique de regroupement familial, mais la position des Français est plus proche de la nôtre que de la vôtre.

M. Patrick Braouezec. Que M. de Villepin démissionne et qu’on organise des élections législatives ! Nous verrons bien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous resterons fermes quant à la nécessité d’offrir aux étrangers que nous voulons voir venir vivre, avec leur famille, sur notre territoire, des conditions d’accueil beaucoup plus dignes ! Car si vous pensez que les étrangers qui viennent en France sont accueillis dans les meilleures conditions possibles, tel n’est pas notre sentiment.

S’agissant des conditions de ressources, monsieur Roman, je veux simplement remettre le débat en perspective. Le Gouvernement a ouvert le débat en retirant les minima sociaux du calcul des moyens, hormis l’allocation adulte handicapé. Le Parlement enrichit le texte grâce à un amendement de M. Lagarde qui vise à moduler les conditions de ressources selon la taille de la famille. Cette proposition nous paraît intéressante et nous y sommes favorables. Pour vous, en revanche, la législation devrait demeurer en l’état, que l’on accueille un, deux ou six enfants !

De la même manière, s’agissant des conditions de logement, l’apport de notre amendement n° 84 rectifié est considérable. En prenant en compte les réalités régionales, nous pourrons accueillir les familles étrangères dans des conditions équivalentes à celles que connaît une famille comparable résidant dans la même région. Lorsque nous débattons du logement, vous êtes les premiers à dénoncer les disparités existant entre les régions, les problèmes de logement pour les actifs et pour les familles en difficulté. Eh bien, pour les familles d’immigrés dans le cadre du regroupement familial, c’est exactement la même chose : les conditions d’accès au logement diffèrent selon les régions et il est normal que nous œuvrions, grâce à un amendement de M. Mariani, à tenir compte des réalités régionales. Faites donc preuve de bon sens et cessez de nous faire des procès d’intention !

Enfin, monsieur Braouezec, vous vous interrogez sur ce signifie dans le texte le principe du comportement. Nous suivons la même logique depuis le début de ce débat.

M. Patrick Braouezec. C’est une logique qui vous est propre !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Vous feignez d’ignorer que nous avons voté, lors de l’examen des articles précédents, le contrat d’accueil et d’intégration, qui définit le principe du comportement.

M. Claude Goasguen. Absolument !

M. Patrick Braouezec. Précisez-le donc en amendant l’article 31 !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Cela figure dans le texte ! Le contrat d’accueil et d’intégration rappelle les principes de la République. Mais peut-être ignorez-vous ce qu’ils représentent ? (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Julien Dray. Demandez donc à M. de Villepin s’il les connaît !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il s’agit de la laïcité et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce sont des valeurs que vous ne partagez peut-être pas… La conformité à ces principes sera évaluée en fonction des efforts d’intégration de l’étranger dont je rappelle qu’il aura préalablement signé un contrat d’accueil et d’intégration.

Pourquoi voudriez-vous que nous laissions les textes précédents en l’état ? Nous avons précisé dans la loi qu’il y aurait désormais un parcours d’intégration…

M. Julien Dray. Le parcours du combattant !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …qui conduirait chaque étranger arrivant sur notre territoire et souhaitant y demeurer à se conformer aux principes de la République, dans un délai étendu à dix-huit mois. L’allongement de ce délai est nécessaire et son respect par la personne immigrée montrera sa volonté de s’installer durablement avec sa famille sur notre territoire.

Telle est ma réponse à votre question sur le comportement : il suffit de se conformer aux principes de la République, rappelés dans le contrat d’accueil et d’intégration.

Enfin, monsieur Roman, vous avez soulevé hier soir un problème d’inconstitutionnalité. Selon vous, il y aurait inégalité de traitement entre les étrangers bénéficiant de la carte « compétences et talents », qui obtiendraient automatiquement le regroupement familial…

M. Bernard Roman. Plus facilement !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …et les titulaires des autres titres. Mais permettez-moi de faire référence à la loi RESEDA, que vous avez défendue, et dont l’article 5 dispose que les scientifiques peuvent faire venir leur famille en dehors du regroupement familial. L’inégalité que vous dénoncez existe donc déjà. Voilà qui met en pièces l’argumentation que vous avez développée hier soir.

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements de suppression.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Ceux qui pensaient que ce débat pouvait se terminer de manière apaisée se trompaient. Si la droite, par la voix de M. Goasguen et par celles du ministre et du rapporteur, avait l’intention d’afficher la couleur, voilà qui est fait !

Il existe certes deux conceptions de l’immigration.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas une découverte !

M. Bernard Roman. En parlant d’immigration subie, vous jetez le doute sur tous les étrangers.

M. Claude Goasguen. C’est faux !

M. Bernard Roman. En évoquant le regroupement familial et l’indispensable mesure de sortie du calcul des prestations familiales…

M. Claude Goasguen. C’est la directive européenne !

M. Bernard Roman. …vous voulez faire croire, monsieur Goasguen, ainsi que la majorité, qu’il existe des étrangers qui veulent s’installer sur notre territoire pour vivre aux crochets de la société française, avec des hordes d’enfants qu’ils font venir dans le seul but de bénéficier des prestations familiales.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Il y en a !

M. Bernard Roman. C’est faux ! Combien de regroupements familiaux ont-ils été effectués grâce à la prise en considération des prestations familiales dans les revenus ? Je suis certain que cela représente moins de 5 % du chiffre total. Malgré l’insignifiance de ces statistiques, vous en faites un argument pour durcir la loi qui permettrait, selon vous, à des étrangers de venir vivre aux crochets de notre société.

En 2004, 12 000 conjoints et 13 000 enfants étaient concernés, soit 1,1 enfant par couple ; zéro euro d’allocations familiales en moyenne ! En 2003, 12 500 conjoints et 14 000 enfants, soit 1,1 enfant par couple ; zéro euro d’allocations familiales ! En 2002, 13 000 conjoints et 14 000 enfants, soit 1,1 enfant par couple ; zéro euro d’allocations familiales !

Alors pourquoi changez-vous la législation, si ce n’est par volonté d’affichage, pour faire peur, pour que ceux que vous appelez les immigrés « subis » encourent le rejet de la société française, pour caresser la xénophobie dans le sens du poil ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Votre politique, c’est du populisme !

M. Philippe Pemezec. C’est vous qui avez inventé l’extrême droite, ne l’oubliez pas !

M. Bernard Roman. Les formes que prend cette politique pourraient même parfois prêter à rire si elle n’était pas si préoccupante. Déjà, vous vous êtes souciés de l’intensité des liens qui unissent un couple, ou une personne à sa famille, au point de rendre nécessaire l’invention et l’installation dans les services préfectoraux d’un « amouromètre ».

M. Jérôme Rivière. La caricature, c’est trop facile !

M. Bernard Roman. Désormais, en fonction des directives de son ministre de tutelle, le préfet pourra, de façon tout à fait arbitraire, répondre positivement ou négativement aux demandes de regroupement familial en appréciant la conformité d’un comportement aux principes de la République. Après l’« amouromètre », voilà le « républicomètre » !

M. Jérôme Rivière. Ce n’est pas ce genre de formule qui pourra cacher le vide de vos propositions !

M. Bernard Roman. Toutes les inventions sont bonnes pour prouver aux électeurs que vous visez, ceux qui se tournent vers l’extrême droite de l’échiquier politique, que vous pouvez faire aussi bien qu’elle !

M. Julien Dray. Le « trouillomètre » !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Les arguments de mon collègue Roman sont imparables. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les chiffres parlent d’eux-mêmes, et montrent à l’évidence que vous voulez faire des immigrés des indésirables et des profiteurs.

M. Philippe Pemezec. Arrêtez de nous insulter !

M. Bernard Roman. Vous venez d’arriver, et vous prétendez savoir ce qui se passe ?

M. Noël Mamère. Parmi les conditions posées au regroupement familial par l’article 31, il y a la nécessité de se conformer aux principes qui régissent la République, une notion effectivement très vague. Le ministre peut nous renvoyer au contrat d’intégration, cela n’apaise pas nos inquiétudes. Compte tenu, en effet, du caractère flou, imprécis de l’alinéa concerné, rien ne nous indique que l’on ne contrôlera pas, par exemple, le respect des obligations fiscales ou du code de la route. Dans ces conditions, on le comprend, le demandeur n’aura absolument pas intérêt à s’écarter de la règle !

M. Jérôme Rivière. Nous sommes dans un État de droit ! Il y a une justice !

M. Noël Mamère. Quand au recours aux différents fichiers, ils pourraient devenir la règle, comme on le voit avec le STIC, le système de traitement des infractions constatées, mis en place par votre gouvernement, et qui permet de conserver les noms de toutes les personnes qui ont eu affaire avec la justice, même en qualité de témoin ou de victime. Aurez-vous une conception aussi extensive du « respect des principes qui régissent la République » ? la définition que vous en donnez ira-t-elle jusqu’au « flicage » des demandeurs ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Vous prenez 2004 comme année de référence, monsieur Roman. Sachez que 68 % des dossiers examinés cette année-là remplissaient les conditions actuelles de ressources et de logement. De nombreux témoignages de terrain nous assurent pourtant que tous ces étrangers n’ont pas été accueillis dans des conditions dignes. Ouvrez les yeux !

Nous avons effectivement une autre vision des choses : nous voulons favoriser une véritable intégration. Peut-être considérez-vous que sept personnes logées dans 61 mètres carrés – c’est la réalité d’aujourd’hui – vivent dans des conditions dignes, mais ce n’est pas notre avis.

M. Patrick Braouezec. Il faut construire plus de logements sociaux !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous voulons que ces familles soient respectées, qu’elles trouvent un épanouissement, qu’elles soient accueillies comme elles le méritent sur le territoire national à partir du moment où elles ont choisi de respecter les règles de notre pays.

M. Bernard Roman. Mais ce n’est pas ce que vous faites ! Vous les empêchez de venir !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Telles sont les garanties que nous souhaitons apporter aux étrangers désireux de s’installer chez nous au titre du regroupement familial. Notre vision est juste et équilibrée ; de votre côté, vous ne cherchez qu’à exacerber les passions. Une fois de plus, vous faites référence à l’extrême droite – hier soir, déjà, M. Mamère nous accusait de braconner sur ses terres.

M. Bernard Roman. Ce n’est pas nous qui le disons, c’est M. Sarkozy. N’a-t-il pas déclaré qu’il irait chercher les électeurs de l’extrême droite, un par un s’il le faut ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. L’extrême droite vous a rendu service pendant des années ; ses représentants sont vos alliés objectifs. Mais aujourd’hui, cela ne marche plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous devons la vérité aux Français, et c’est pourquoi nous disons que nous ne pouvons pas accueillir toutes celles et tous ceux auxquels nous ne sommes capables d’offrir ni un travail, ni des conditions de logement décentes. Telle est la réponse que nous apportons à travers ce projet de loi. Je le répète, l’immigration subie est une chance pour l’extrême droite, l’immigration choisie de manière pacifiée est, elle, une chance pour la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, votre président n’a pas l’intention de vous faire subir le règlement, mais de choisir les voies d’un débat serein. (Sourires.) C’est pourquoi, alors que je ne devrais en principe la donner à personne, chacun ayant pu s’exprimer, je vais donner la parole à deux orateurs, l’un à droite, l’autre à gauche. Ensuite, nous passerons au vote.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Excellent président !

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. En dépit des tentatives de l’opposition pour l’alimenter, il n’y a pas matière à polémique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Loin de durcir la législation, nous ne faisons que la mettre aux normes européennes, des normes communes à tous les gouvernements, qu’ils soient socialistes, libéraux ou conservateurs. Je vous renvoie à l’article 7 de la directive du 22 septembre 2003 : le demandeur doit pouvoir démontrer qu’il peut subvenir aux besoins de sa famille par son seul travail, et donc « sans recourir au système d’aide sociale » du pays d’accueil. Je le répète, nous ne faisons que nous conformer à une norme européenne.

M. Bernard Roman. C’était inutile, le problème ne se posait pas ! Vous ne faites qu’agiter un chiffon rouge !

M. Claude Goasguen. Je ne pense pas que tous les gouvernements européens nourrissent les fantasmes que vous nous prêtez.

N’insistez pas, monsieur Roman : un « mamèromètre » le montrerait, vous ne parviendrez jamais, en matière d’invective, à égaler les performances de votre collègue Mamère ! (Sourires.)

J’ajouterai que vous avez tendance, depuis le début de ce débat, à considérer que l’administration est un lieu où règnent l’arbitraire et la discrimination. Tous les préfets ne sont pas d’extrême droite ! Ils sont de toutes les tendances politiques ! L’appréciation qu’ils porteront du respect des principes républicains sera probablement l’objet de recours, et la jurisprudence du tribunal administratif saura décider bien mieux que quiconque comment il faut entendre le texte de la loi.

M. Bernard Roman. Mais vous changez les règles, et les tribunaux administratifs ne vont plus délibérer de manière collective ! Il n’y aura qu’un seul juge !

M. Claude Goasguen. Or les préfets devront se soumettre à sa décision, car ils sont intégrés à l’État de droit. Cessez donc, monsieur Roman, de considérer les préfets comme d’atrabilaires despotes et laissez, je le répète, les invectives à M. Mamère !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je ne vous autorise pas, monsieur le ministre, à prétendre que certains, à gauche, ne défendraient pas les principes de la République. Lorsque nous vous demandons quels sont les critères objectifs permettant de juger que le comportement d’un étranger est conforme aux principes qui régissent la République française, vous évoquez la signature du contrat d’accueil et d’intégration. Alors disons-le : ce sera clair !

M. Claude Goasguen. Déposez un amendement, alors !

M. Patrick Braouezec. Il suffirait de remplacer le dernier alinéa de l’article par cette phrase : « le vendeur n’a pas signé un contrat d’accueil et d’intégration. » Voilà un critère objectif.

Personne ne doute de l’intégrité des préfets de la République, monsieur Goasguen, mais moins on laisse de place à l’interprétation, moins on court le risque de l’arbitraire.

Par ailleurs, monsieur le ministre, c’est la cinquième fois, en dix ans, que nous discutons d’une loi sur l’immigration, et on nous affirme à chaque fois qu’elle est juste et équilibrée ! Même si certaines l’étaient plus que d’autres – je pense à la loi Chevènement, bien que celle-ci n’ait pas entièrement correspondu à mon attente – ces lois sont, en réalité, de plus en plus injustes et déséquilibrées, au détriment des étrangers qui travaillent sur notre territoire et participent au développement économique de notre pays !

Au fond, on demande plus aux travailleurs étrangers qu’aux Français. Certes, il existe des travailleurs étrangers qui vivent dans des conditions de logement indignes. C’est aussi le cas de travailleurs français.

M. Jérôme Rivière. Faut-il punir les Français ?

M. Patrick Braouezec. Mais quelles mesures prenons-nous pour y remédier ? On ne construit pas suffisamment de logements sociaux…

M. Thierry Mariani, rapporteur. Il n’y a jamais eu autant de mises en chantier !

M. Patrick Braouezec. Nous verrons. Les déclarations sont une chose, la réalité une autre. Quoi qu’il en soit, même si la production de logements est en légère progression – mais pas nécessairement celle de logements sociaux –, elle reste en deçà des besoins.

M. Claude Goasguen. À Paris, on n’en construit pas du tout !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 180 et 529.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous avons donc examiné deux amendements en une heure, un rythme que l’on ne saurait qualifier d’excessif. (Sourires.)

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 181 et 295.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 181.

M. Noël Mamère. Il est défendu. Je me contenterai de rappeler ce qui a été dit avec force et conviction par mon collègue Bernard Roman : cette disposition ne changera rien à la question du regroupement familial, mais a pour but de montrer du doigt, de stigmatiser les demandeurs en faisant croire qu’ils veulent profiter de prestations sociales qui, normalement, ne devraient profiter qu’aux « bons Français ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour soutenir l’amendement n° 295.

M. Bernard Roman. Cet amendement est défendu.

Dans ce domaine, encore une fois, j’aimerais vraiment que l’on nous donne des chiffres. C’est extraordinaire ! Les préfets et l’administration centrale ont eu en main l’ensemble des dossiers de regroupement familial. M. le ministre nous a dit que 68 % de dossiers remplissaient toutes les conditions. L’informatique existe ! On doit donc pouvoir nous dire dans combien de dossiers, parmi ceux examinés en 2004, les prestations, que l’on supprime aujourd’hui, ont été intégrées dans le calcul des ressources pour atteindre le SMIC. Je parie qu’il y en a eu moins de 5 % ! Vous justifiez une disposition législative qui n’a donc qu’un but d’affichage idéologique, par une cause qui n’existe pas.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 181 et 295.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 85 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je laisse le soin à M. Perruchot de le présenter.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Je remercie le rapporteur de me laisser présenter l’amendement n° 85 rectifié de M. Lagarde.

Il a pour objet de réviser les critères de ressources considérées comme normales au regard de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. S'il convient de laisser la référence au salaire minimum de croissance comme seuil d'appréciation des ressources, il paraît nécessaire de pouvoir distinguer les ressources selon le nombre de personnes qui arrivent par la voie du regroupement familial. Ces plafonds, modulés en fonction du nombre de personnes, pourraient être basés sur la proportion des plafonds de ressources d'entrée en HLM. Dans un souci d'intégration, il convient de réviser les conditions de ressources selon les critères ainsi énoncés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Cet amendement, comme je l’ai déjà souligné, est tout à fait conforme à notre objectif d’offrir de meilleures conditions d’accueil et d’intégration aux étrangers et à leurs familles. Nous sommes d’accord avec cette mesure de bon sens qui permet d’ajuster la condition de revenus à la taille de la famille par référence à un barème qui sera fixé par décret et qui sera, bien sûr, proportionné.

L’amendement que vous proposez s’inscrit dans une perspective européenne, il est essentiel de le préciser. Il est conforme à la directive du 22 septembre 2003 relative au regroupement familial qui, dans son article 7-1 c) précise que les États membres peuvent exiger du demandeur qu’ils disposent « de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille sans recourir au système d’aide sociale de l’État membre concerné. Les États membres évaluent ces ressources par rapport à leur nature et à leur régularité et peuvent tenir compte du niveau des rémunérations et des pensions minimales nationales ainsi que du nombre de membres que compte la famille. »

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je comprends l’esprit de cet amendement. Mais, comme je le disais dans mon intervention précédente, on exige plus des travailleurs immigrés sur notre territoire que des autres Français ! Nous connaissons tous, en tout cas de ce côté-ci de l’Assemblée nationale, bon nombre de personnes qui vivent le plus correctement possible, même si c’est difficile – et j’en connais même qui se contentent de beaucoup moins –, à trois personnes avec 1,57 fois le SMIC, soit environ 1 200 euros. J’en ai beaucoup dans ma ville ! Les étrangers auront donc besoin de ressources bien supérieures pour vivre en famille que ce qu’on exige des Français.

M. Jérôme Rivière. On n’a rien à exiger des Français !

M. Patrick Braouezec. Vous oubliez un point essentiel, monsieur Rivière qui, sans doute, vous dérange beaucoup, c’est que ces personnes, qui sont en situation régulière sur notre territoire, contribuent à faire vivre l’économie de notre pays que vous évoquiez tout à l’heure ! Pourquoi ces familles, qui travaillent et vivent normalement, comme les travailleurs français, seraient-elles soumises à des conditions différentes ? Ce sont des critères discriminatoires pour des travailleurs qui vivent le plus correctement possible avec les ressources qu’ils perçoivent. C’est totalement injuste ! Vous parliez de loi juste et équilibrée, or ces critères la rendent de plus en plus injuste et déséquilibrée !

M. Jérôme Rivière. Il est incroyable d’exiger des ressources pour les Français ! Le Parti communiste exige donc des conditions de la part des Français !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Je remercie le Gouvernement d’accepter cet amendement dont l’objectif devrait nous être commun : améliorer l’intégration de celles et ceux qui souhaitent pour de multiples raisons venir sur notre sol. Nous parlons souvent, sur le terrain en tout cas, des problèmes de stocks et de flux. Faisons en sorte de mieux intégrer celles et ceux qui entreront sur le territoire lorsque ce texte sera mis en application.

Vous dénoncez, monsieur Braouezec, depuis le début de l’examen de ce texte, que le fait que l’on stigmatiserait telle ou telle population et que l’on s’occuperait un peu trop de telle ou telle autre.

M. Patrick Braouezec. Vous n’avez jamais entendu de tels propos de ma part ! Je ne suis pas un diviseur, mais un rassembleur !

M. Nicolas Perruchot. Je sais que vous connaissez bien cette question, mon cher collègue, et que vous ne me contredirez donc pas. Depuis 1974, la loi ne traite que du contrôle des flux, qu’il s’agisse de les encourager, ou de les dissuader. Il est intéressant d’améliorer l’intégration en offrant aux populations qui en sont issues des capacités, des moyens et de leur imposer parfois aussi quelques obligations pour mieux s’intégrer dans la société française.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 84 rectifié et 339, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 84 rectifié.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Tout demandeur du regroupement familial doit disposer « d’un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. » Les normes ont été fixées par le décret du 6 juillet 1999. Du point de vue de la superficie, elles sont très basses : soixante et un mètres carrés pour une famille de sept personnes et quatre-vingts mètres carrés pour dix personnes.

En outre, est-il adapté de fixer des normes nationales sans tenir compte des réalités locales ? Ainsi, aux termes de l’article 7 de la directive du 22 septembre 2003 : « Lors du dépôt de la demande de regroupement familial, l’État membre concerné peut exiger de la personne qui a introduit la demande de fournir la preuve que le regroupant dispose : a) d’un logement considéré comme normal pour une famille de taille comparable dans la même région et qui répond aux normes générales de salubrité et de sécurité en vigueur dans l’État membre concerné. »

Cet amendement reprend donc fidèlement l’article 7 de la directive européenne, en laissant davantage de marges de manœuvre aux autorités déconcentrées dans la fixation des normes de surface afin de mieux prendre en compte les réalités locales. Certains nous répondront que cela laisse place à l’arbitraire du préfet, alors qu’il s’agit de faire preuve de logique : le mètre carré ne vaut pas forcément le même prix à Paris, à Cannes ou à Nice que dans le Vaucluse.

M. Patrick Braouezec. Il ne doit pas y avoir beaucoup de différence !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cette disposition permettra donc d’adapter le dispositif au cas par cas, en fonction des régions.

Vous me répondrez, monsieur Braouezec, que l’on n’exige pas autant des familles françaises, mais je ne vois pas de quel droit on pourrait exiger quoi que ce soit des familles françaises qui vivent en France !

M. Patrick Braouezec. Le salarié étranger vit aussi en France !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour soutenir l’amendement n° 339.

M. Nicolas Perruchot. Cet amendement est exactement dans le même esprit. Je ne répéterai donc pas les excellents propos tenus par notre rapporteur.

Je rappellerai toutefois que nous souhaitons pouvoir tenir compte de la spécificité des territoires qui accueilleront demain les gens issus de l’immigration.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable !

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Je suis outré par cette série d’amendements qui aggrave encore le texte d’origine. On sait très bien que les conditions de logement en France – et il suffit d’écouter M. Borloo qui le rappelle à chaque occasion –, sont en deçà de ce qu’elles devraient être pour des millions de familles de la classe populaire. Dans votre raisonnement, les conditions de logement des étrangers doivent être celles d’une famille comparable vivant en France, mais vous venez de faire adopter un amendement qui précise que leurs ressources doivent être supérieures. La comparabilité n’existe donc plus. Des millions de familles françaises, vivent avec le SMIC, et un couple d’étranger avec un enfant à charge doit gagner 1,5 fois le SMIC. J’ai honte !

M. Claude Goasguen. Il n’y a pas de quoi !

M. Bernard Roman. C’est une disposition ségrégationniste ! Un étranger est jugé indigne de vivre en France s’il ne gagne pas plus d’argent qu’un Français dans la même situation.

M. Claude Goasguen. Il y a des clochards en France, monsieur Roman ! Vous clochardisez l’immigration !

M. Bernard Roman. Qu’est-ce que cela signifie pour ces millions de familles qui vivent avec le SMIC ? Pensez-vous que lorsqu’on a une couleur de peau différente, on doit gagner plus qu’un blanc ? C’est exactement ce que vous nous demandez de voter !

M. Jérôme Rivière. C’est faux ! C’est de la caricature !

M. Bernard Roman. C’est scandaleux ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Liberté, égalité, fraternité, mes chers collègues !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous ne menons absolument pas de guerre idéologique ! Mais ces amendements sont une atteinte aux principes fondamentaux de la République, de l’égalité de tous devant la loi. Ce n’est pas seulement de la discrimination et il ne faut pas hésiter à prononcer le mot de ségrégation.

M. Claude Goasguen. La ségrégation par le haut !

M. Jérôme Rivière. Vous enlevez tout sens aux mots que vous prononcez, monsieur Mamère !

M. Noël Mamère. Vous parlez de clochards, monsieur Goasguen ! Arrêtez de recourir à ce genre d’image absolument détestable ! Oui, il y a des gens très pauvres en France, dans le quatrième pays le plus riche du monde. On ne comprend pas qu’il puisse y avoir autant de gens pauvres et que le fossé avec les plus riches continue à se creuser !

M. Claude Goasguen. C’est vous qui creusez le fossé !

M. Noël Mamère. Pourquoi êtes-vous allés inventer de nouveaux amendements pour durcir ce texte ? Vous transformez un texte de discrimination en un texte de ségrégation ! C’est plaidable…

M. Claude Goasguen. Plaidez-le !

M. Noël Mamère. …devant la Cour européenne des Droits de l’Homme. En effet, vous mettez en place ici une différence de traitement qui s’appelle ségrégation.

M. Jérôme Rivière. Savez-vous ce que les gens qui vivent l’immigration pensent de vous ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. J’ai honte, mes chers collègues, quand on accueille, en France, une épouse et trois ou quatre enfants dans vingt ou trente mètres carrés. J’ai honte quand on accueille une famille sans se soucier de savoir si la personne qui l’a fait venir a de quoi la nourrir ! Nous ne pouvons pas laisser venir ces familles sans condition et sans leur laisser espérer la moindre qualité de vie ! Notre responsabilité est, au contraire, de dire et répéter que nous sommes prêts à accueillir tous ceux qui respectent les lois de la République et qui peuvent assurer à leur famille un minimum de revenus par le travail et des conditions de logement décentes.

M. Jérôme Rivière. Il y va de l’honneur de notre pays !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. C’est tout simplement de la dignité !

M. Bernard Roman. Je demande la parole pour répondre au rapporteur, monsieur le président !

M. le président. Les prochains amendements portent sur le même sujet, vous aurez alors la possibilité d’intervenir. Le règlement, que nous devons respecter, sauf à ne pas terminer l’examen de ce texte, prévoit que ne s’expriment que deux orateurs sur chaque amendement.

M. Bernard Roman. Je demande donc la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Roman. Vous n’arriverez pas, par cet artifice de langage et de raisonnement, à nous faire croire qu’il n’y a pas une volonté de traiter les étrangers d’une façon différente des Français et donc à être parjures par rapport à la devise de la République.

Puisque ce n’est pas la première fois qu’un tel amendement est proposé, permettez-moi, monsieur Goasguen, de vous lire simplement une phrase du rapport de M. Jean-Patrick Courtois, sénateur de la majorité actuelle, en 2003, expliquant pourquoi le Sénat l’a refusé : « Dans la mesure où le montant du salaire minimum de croissance mensuel est considéré comme assurant un niveau de vie suffisant pour les Français, il semble raisonnable de considérer que les étrangers atteignant ce niveau ont des ressources suffisantes. » Il n’y a rien à ajouter.

M. Serge Blisko. C’est bien dit !

M. Thierry Mariani, rapporteur. On parle du logement !

Reprise de la discussion

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 84 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 339 tombe.

Je suis saisi d’un amendement n° 340.

La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le défendre.

M. Nicolas Perruchot. Cet amendement a pour objet de réviser les critères de superficie d’un logement considéré comme normal au regard du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Les critères actuels, fondés sur les normes dont il est tenu compte pour le bénéfice de l’allocation logement, ne correspondent pas à une habitabilité réelle. À la suite d’un regroupement familial, l’étranger ayant fait venir sa famille effectue une demande de logement social compte tenu de l’exiguïté du logement. Cette demande aboutit fréquemment.

Il paraît contradictoire que les normes soient suffisantes pour accueillir une famille mais ne le soient plus pour vivre dans ce logement et qu’il soit fait droit à la demande de logement social. Il semble donc nécessaire de les réviser afin que les personnes arrivant au titre du regroupement familial puissent continuer à vivre dans le logement.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je comprends l’idée, mais c’est beaucoup trop précis. Cela relève du domaine réglementaire. Mieux vaut moduler selon les régions, comme nous l’avons proposé.

La commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement était favorable à l’amendement précédent, qui donnait suffisamment de souplesse et laissait au domaine réglementaire le soin de préciser les choses. Une modulation région par région nous paraissait être une solution de bon sens.

Convenez que, pour apprécier les réalités régionales, en fonction de la loi du marché, qui évolue souvent, à la hausse ou à la baisse, il paraît plus raisonnable de procéder par voie réglementaire de manière périodique. Je vous demande donc, monsieur Perruchot, de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Nous sommes en plein paradoxe.

À vous écouter, vous êtes formidables. Vous voulez tellement le bien des travailleurs étrangers, vous êtes tellement attentionnés que, à vos yeux, certains logements ne sont pas assez bien pour leur permettre d’accueillir leurs familles, qui méritent beaucoup mieux. Du coup, on arrive à ce qui est votre souhait le plus profond, c’est-à-dire empêcher une famille de venir. Il faut être clair ! Vous essayez d’endormir les gens en faisant croire que vous êtes tellement attentifs au bien des étrangers que vous ne souhaitez pas qu’ils soient accueillis dans de mauvaises conditions. Beau paradoxe ! On arrive en fait à une discrimination par l’absurde en disant à des gens qu’ils resteront loin de leur famille parce qu’ils ont un logement trop petit.

Vous passez sous silence le fait que, parce qu’il manque de logements sociaux, ce qui rend impossible tout parcours résidentiel, vous n’avez aucune solution à proposer à un travailleur étranger qui, pour des raisons d’équilibre psychologique et familial tout à fait légitimes, a envie de faire venir son conjoint ou ses enfants, très peu d’enfants d’ailleurs si j’en crois les chiffres qui ont été donnés tout à l’heure. Ainsi, quelqu’un qui vit dans un logement de vingt ou vingt-cinq mètres carrés devra à tout jamais rester seul dans ce logement trop petit.

Il y a là une effrayante résignation. Les travailleurs les plus défavorisés auront toujours des logements trop petits, avec trop peu de pièces, et leurs conditions de logement ne pourront jamais s’améliorer.

Comme nous aurions aimé que vous ayez un langage beaucoup plus positif en disant par exemple que tout sera mis en œuvre pour que des logements sociaux soient construits. En Espagne, qui compte 40 millions d’habitants, 800 000 logements sont construits chaque année. En France, où l’on se vante d’avoir franchi cette année un seuil jamais atteint depuis longtemps, pour 60 millions d’habitants, nous avons construit 400 000 logements.

M. Jérôme Rivière. Merci d’avoir rappelé qu’il n’avait pas été franchi depuis longtemps !

M. Serge Blisko. C’est à l’échec de votre politique que l’on assiste. Des dizaines de milliers de personnes sont piégées, pas seulement des personnes sans moyens, dirigées vers les logements sociaux, mais aussi des personnes des classes moyennes, parce que la crise du logement s’est accentuée depuis 2002 et est aujourd’hui absolument dramatique.

M. Claude Goasguen. Et à Paris ?

M. Serge Blisko. À Paris, vous le savez fort bien, l’effort est exceptionnel,…

M. Claude Goasguen. Exceptionnel à la baisse !

M. Serge Blisko. …sans commune mesure avec ce qui était fait avant 2001.

Aujourd’hui, les logements sont beaucoup trop chers et certains d’entre eux restent vides alors même que des gens vivent dans la rue.

M. Claude Goasguen. Vous ne construisez pas à Paris !

M. Serge Blisko. Il y a même des salariés qui n’ont pas de logement, parce que vous êtes incapables de prévoir des logements sociaux.

M. Claude Goasguen. Rappelez-moi qui est le maire de Paris ? Si l’on ne construit pas dans la capitale, c’est votre faute !

M. Bernard Roman. Mieux vaut ne pas parler du bilan de Tiberi !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. On ne sait pas où vous allez vous arrêter dans le verrouillage pour empêcher les gens de vivre en famille.

M. Blisko a mis l’accent sur la faillite de votre politique sociale. Vous n’avez pas appliqué la loi Besson, certains maires qui siègent sur les bancs de cet hémicycle préfèrent même payer des amendes plutôt que de construire des logements sociaux. Et vous voulez imposer à des gens qui demandent des papiers des conditions évidemment irréalisables. C’est un élément de plus dans le verrouillage pour empêcher le regroupement familial.

Vous ne supportez pas, monsieur Mariani, que l’on traite les immigrés de manière insupportable, inqualifiable, en les obligeant à vivre dans des conditions indécentes. Je vous rappelle tout de même qu’il s’est passé un certain nombre d’événements durant l’été dernier. La police, placée sous la direction du ministre de l’intérieur, qui présente ce projet de loi, est même allée chercher des enfants dans des appartements insalubres le jour de la rentrée scolaire. Où sont-ils aujourd’hui ? Avez-vous fait un effort ? Je ne parle même pas de mansuétude ou de compassion, je parle d’un geste humanitaire. Où sont ces familles aujourd’hui ?

M. Claude Goasguen. Qu’a fait la mairie de Paris ?

M. Serge Blisko. Elle les a relogées !

M. Noël Mamère. Franchement, avant de vous lamenter et de verser des larmes de crocodile sur les conditions de ceux qui vivent dans des taudis, vous auriez mieux fait de nous dire comment sont relogés tous ceux que vous avez chassés devant les caméras, pour mieux montrer à la partie extrême de la droite que vous êtes extrêmement répressifs et rigoureux, et qui sont aujourd’hui dans le plus grand dénuement et à l’abandon.

M. Claude Goasguen. Demandez à Blisko !

M. Serge Blisko. La ville les a relogées !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. En réalité, depuis dix minutes, on a une discussion sur le fait de savoir si le Parlement français a le droit d’imposer des conditions pour le regroupement familial.

M. Bernard Roman. On n’a pas dit ça !

M. Serge Blisko. Il y en a déjà !

M. Patrick Braouezec. Pas besoin d’en inventer d’autres !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Vous invoquez la Constitution ou la Convention européenne des droits de l’homme, mais, selon une interprétation de l’article 8 de la Convention, « la Cour accorde une priorité à la compétence de l’État de réguler les flux migratoires sur son territoire. » Cela implique l’impossibilité pour les étrangers de choisir et d’imposer un territoire d’exercice du lien familial. En effet, et c’est la jurisprudence Abdulaziz, Cabales et Balkandali, « l’article 8 ne saurait s’interpréter comme comportant pour un État contractant l’obligation générale de respecter le choix par des couples mariés de leur domicile commun et d’accepter l’installation de conjoints non nationaux dans le pays ». Nous avons tout à fait le droit de fixer des conditions.

M. Claude Goasguen et M. Jérôme Rivière. Heureusement !

M. Bernard Roman. On l’a déjà fait !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Nous voulons, nous, des immigrés qui puissent s’intégrer, et, pour cela, il faut qu’ils aient des conditions de revenus et de logement décentes.

M. le président. Monsieur Perruchot, j’ai cru comprendre que vous vouliez retirer votre amendement compte tenu des explications du rapporteur et du ministre…

M. Nicolas Perruchot. Absolument, monsieur le président, vous lisez dans mes pensées. Simplement, je ne veux pas qu’on fasse de faux procès.

Il faut revenir à ce que l’on voit les uns et les autres, maires, députés, élus, sur le terrain. Ces amendements ont pour but non de verrouiller un peu plus le regroupement familial, mais d’essayer d’améliorer les conditions d’accueil mais aussi de suivi et d’intégration dans la société française des personnes bénéficiant d’un regroupement familial. Ni M. Lagarde ni moi-même n’avions l’intention de nuire ou de verrouiller. Nous sommes des maires responsables, vous le savez bien, et nous sommes confrontés, comme vous tous, à des situations de détresse parce que, trop souvent et trop longtemps, l’État a fait entrer des gens sans s’en préoccuper ensuite.

Nous souhaitons qu’il y ait une prise de conscience, il est important d’assurer aux étrangers des conditions de vie décentes dans des logements décents. Avec Jean-Christophe Lagarde, nous voulions essayer de les définir plus précisément dans la loi, mais je comprends les arguments du ministre et du rapporteur, qui considèrent que cet amendement relève plus du domaine réglementaire.

Encore une fois, ne faisons pas de faux procès à celles et ceux qui souhaitent surtout améliorer les conditions d’accueil des étrangers en France. Moi, je ne drague pas les électeurs du Front national, leurs voix ne m’intéressent pas du tout, le débat n’est pas là. En revanche, je suis très souvent sollicité par des gens qui sont amenés dans ma ville de Blois et que je retrouve dans la ZUP. Les parcours résidentiels, monsieur Blisko, j’en veux bien quelques exemples. Moi, je n’en ai pas. Certains vivent depuis vingt ou vingt-cinq ans dans le même logement, et, le mois dernier encore, dix-huit personnes vivaient dans un F4. Est-ce normal, légitime, logique ? Je crois que non.

L’amendement n° 340 ainsi que l’amendement de repli n° 341 visent tout simplement à permettre une meilleure intégration en améliorant les conditions d’accueil. N’y voyez aucune arrière-pensée politicienne : nous sommes des élus responsables et nous ne fantasmons pas sur les électeurs de l’extrême droite ! Il est nécessaire que nous sortions de l’affrontement idéologique pour trouver des solutions nouvelles de nature à répondre à ces questions difficiles et complexes.

Compte tenu des explications données par le ministre et le rapporteur, j’accepte de retirer l’amendement n° 340.

M. le président. L'amendement n° 340 est retiré.

Peut-on considérer que l’amendement de repli n° 341 est défendu, monsieur Perruchot ?

M. Nicolas Perruchot. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement n° 341 ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 341 dans la mesure où celui-ci est satisfait par l’amendement n° 84 rectifié qui a été adopté précédemment.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement souhaite le retrait de l’amendement n° 341, et je ne doute pas de la bonne volonté dont saura faire preuve M. Perruchot. J’ajoute que je connais bien la politique de logement qu’il mène à Blois, qui montre à quel point il est en phase avec notre démarche. Je le répète, nous veillerons à ce que des mesures réglementaires reprennent les propositions contenues dans les amendements qu’il consent à retirer.

Je voudrais également rappeler à M. Roman et à M. Braouezec que le Conseil constitutionnel a jugé, dans une décision du 15 décembre 2005, qu’il était légitime d’exiger que le demandeur d’un regroupement familial puisse offrir à sa famille « les conditions de vie et de logement décentes qui sont celles qui prévalent en France, pays d’accueil ». Notre position est donc parfaitement en phase avec celle du Conseil constitutionnel.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Excusez-moi, monsieur le ministre, mais la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui consacre la notion de logement décent, n’a rien à voir avec les mesures drastiques proposées par voie d’amendements !

J’ajoute que nous parlons de personnes qui sont en situation régulière depuis au moins dix-huit mois sur notre territoire. Or, peut-on imaginer un seul instant que quelqu’un puisse bénéficier d’un logement social en moins de dix-huit mois ? Chacun sait que dans toutes les villes, quelle que soit la couleur politique de leurs dirigeants, il y a des listes d’attente qui entraînent des délais beaucoup plus longs.

Les demandeurs sont donc nécessairement logés dans le parc privé, où ils ne sont pas acceptés à bras ouverts, c’est le moins qu’on puisse dire,…

M. Jérôme Rivière. Cela dépend des endroits !

M. Patrick Braouezec. …certains propriétaires privés allant jusqu’à pratiquer, ouvertement ou non, une ségrégation basée sur le nom ou sur le faciès. Comment croire, dans ces conditions, que les critères proposés pourront être respectés ?

La formule du Conseil constitutionnel est, à l’inverse, beaucoup plus générale, car on peut interpréter l’exigence d’un logement « décent » comme celle d’un habitat qui ne soit pas frappé par l’insalubrité ou l’indignité. Il peut donc s’agir d’un logement permettant d’accueillir provisoirement femme et enfants, même s’il faut se serrer un peu. Il n’est pas fait référence à un nombre donné de mètres carrés ou à une quelconque moyenne, au demeurant dépourvue de tout rapport avec les conditions offertes par le parc locatif privé, où bien souvent les normes sanitaires et d’hygiène requises ne sont guère respectées.

M. Jérôme Rivière. En fait, vous favorisez les marchands de sommeil !

M. Patrick Braouezec. À mon sens, demander plus aux travailleurs étrangers qu’aux travailleurs français constitue une forme de discrimination, de ségrégation.

Nous l’avions déjà constaté lors de l’examen du texte sur l’égalité des chances, mais vous n’avez toujours pas compris ce qui s’est passé en France en octobre et en novembre dernier, pas plus que vous n’avez tiré la leçon des événements dramatiques – dont les victimes sont parfois des enfants – que vient de nous rappeler M. Mamère. Certaines personnes en ont assez d’être considérées sans cesse comme des empêcheurs de tourner en rond et d’être frappées par des lois qui ne font qu’aggraver leur situation !

M. Claude Goasguen. C’est incroyable !

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Perruchot ?

M. Nicolas Perruchot. J’ai entendu les assurances données par le ministre, et nous lui faisons confiance pour intégrer, autant que faire se peut, nos propositions à des textes de nature réglementaire. Compte tenu de ces explications, je retire l’amendement n° 341.

M. le président. L'amendement n° 341 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 141, 182 et 530.

La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement n° 141.

M. Étienne Pinte. L’article 31 prévoit que le regroupement familial peut être refusé au motif que le demandeur ne se conforme pas aux principes qui régissent la République française. Un étranger qui souhaite être rejoint par son conjoint et ses enfants mineurs dans le cadre du regroupement familial doit par conséquent justifier qu’il se conforme aux principes de la République française. Cette exigence, en théorie louable, reste malheureusement très vague et pourrait donner lieu à des interprétations discrétionnaires.

J’ajoute qu’elle me paraît dépourvue de portée juridique. C’est pourquoi, monsieur le ministre, je préférerais que la formule du projet de loi soit remplacée par une phrase indiquant que « le rapprochement familial est refusé si le demandeur ne se conforme pas aux règles relatives au contrat d’accueil et d’intégration », ce qui concorde d’ailleurs avec la réponse que vous avez faite tout à l’heure à M. Braouezec, selon laquelle le respect des valeurs et principes républicains relevait du contrat d’accueil et d’intégration. En tout état de cause, cette formulation me semble plus claire et moins sujette à caution sur le plan juridique que celle que vous nous proposez.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 182.

M. Noël Mamère. La question du respect des principes de la République a déjà été évoquée précédemment. Le Conseil d’État ayant annulé l’exigence d’intégration républicaine formulée par la première mouture du projet de loi, le Gouvernement a adopté une formule plus vague que les préfets et les maires pourront interpréter très largement, en s’appuyant par exemple sur les dossiers fiscaux ou sur le comportement des intéressés au regard du code de la route. J’ajoute que l’on peut figurer dans le fichier STIC – que l’on doit à votre gouvernement – sans avoir été l’auteur d’un fait délictueux, mais tout simplement pour en avoir été la victime ou le témoin.

Par ailleurs, j’espère que vous me pardonnerez mon mauvais esprit – sans doute me vaudra-t-il au moins quelque commentaire de M. Goasguen –, mais je crois savoir, pour avoir lu des journaux dits « people », que le ministre de l’intérieur compte des amis dans les milieux sportifs et artistiques, qui choisissent de placer leur argent en Suisse. Allez-vous demander à ces personnes si elles respectent les principes de la République ?

M. Claude Goasguen. Que viennent faire ici les amis de Sarkozy ?

M. Noël Mamère. Va-t-on leur demander des comptes, ou préjuge-t-on qu’elles sont bien intégrées, qu’elles ont bien mérité de la République ? Il est permis de se poser la question.

M. Claude Goasguen. Il y a sans doute plus d’artistes à gauche que du côté de Sarkozy !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement n° 530.

M. Patrick Braouezec. Je propose moi aussi, avec l’amendement n° 530, de supprimer les alinéas 3 et 4 de l’article 31. Je souscris en outre à la proposition de M. Pinte : précisons qu’il n’y pas lieu de rechercher d’autre élément que le respect ou non du contrat d’accueil et d’intégration signé par le requérant. La situation serait ainsi beaucoup plus claire, et les préfets ne jouiraient pas d’une liberté d’interprétation qui me semble illégitime, malgré tout le respect que je porte au corps préfectoral.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable aux amendements nos 141, 182 et 530. Je rappelle qu’il ne s’agit pas d’exiger de l’étranger réclamant le bénéfice du regroupement familial qu’il respecte une condition d’intégration dans la société française : cela se justifie en matière d’accès au statut de résident de longue durée, mais ne saurait conditionner le bénéfice du droit à une vie familiale normale.

En revanche, il est parfaitement normal d’exiger de l’étranger qui demande le regroupement familial qu’il se conforme aux principes fondamentaux de la République, dont la méconnaissance pourrait troubler l’ordre public. Parmi ces principes figurent l’égalité – notamment entre les hommes et les femmes –, la laïcité, le refus de toute discrimination fondée sur l’origine. En pratique, ce nouveau critère ne vise pas à écarter les personnes maîtrisant mal la langue française, par exemple, mais celles dont le comportement est révélateur du peu d’attachement qu’elles portent aux valeurs de la République française.

Pour ce qui est du sous-amendement oral proposé par notre collègue Étienne Pinte, je rappelle que le contrat d’intégration est réservé aux personnes qui ont demandé un titre de résident après cinq ans de présence et se sont pour cela engagées à suivre une formation civique et linguistique. Nous discutons en ce moment des demandes de regroupement familial après dix-huit mois de séjour en France, ce qui est tout autre chose !

M. Patrick Braouezec. Nous n’avons rien inventé, c’est le ministre qui y a fait allusion ! Il faudrait vous mettre d’accord !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Le contrat d’intégration et le regroupement familial sont deux notions bien distinctes, qui n’ont en commun que la mention des « principes de la République ».

M. le président. Permettez-moi de vous préciser, monsieur le rapporteur, que la suggestion de M. Pinte ne peut pas être considérée comme un sous-amendement. Si vous l’estimez nécessaire – mais il ne semble pas que ce soit le cas – vous-même ou M. le ministre pouvez la reprendre, mais sous la forme d’un amendement.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements nos 141, 182 et 530, ainsi que sur la suggestion de M. Pinte ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous ne sommes pas favorables à la suggestion de M. Pinte, pour la bonne et simple raison qu’elle est déjà satisfaite par le texte, plus exactement par l’article 4.

Pour ce qui est des amendements proprement dits, je dis et je répète que le demandeur d’un regroupement familial doit manifester sa volonté de s’intégrer dans notre société, gage de son intention de s’établir durablement en France avec les membres de sa famille. Cette nouvelle condition est parfaitement compatible avec la directive « regroupement familial », dont l’article 7 prévoit la possibilité « d’exiger des ressortissants de pays tiers qu’ils se conforment aux mesures d’intégration, dans le respect du droit national. »

Par ailleurs, en vérifiant que l’intéressé se conforme aux principes qui régissent la République française, nous apportons une garantie supplémentaire d’intégration pour la famille qui arrive et nous protégeons la République. Est-il utile de rappeler ici à M. Braouezec, dont le langage est décidément bien différent du nôtre, l’importance que revêtent ces principes, le respect de la laïcité et de l’égalité entre les sexes, par exemple, étant absolument nécessaire ?

M. Patrick Braouezec. Allez jusqu’au bout de votre pensée !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Enfin, il est question ici des étrangers présents depuis dix-huit mois et qui ont simplement signé un contrat d’accueil et d’intégration, c’est-à-dire qui se sont engagés à suivre leur parcours d’intégration.

M. Patrick Braouezec. Quel leur demander de plus ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Mais ils n’ont encore rien obtenu. Nous avons donc le droit de vérifier que ce parcours s’accomplit conformément aux dispositions prévues par la loi, notamment à l’article 4.

Dans ces conditions, messieurs Pinte, Braouezec et Mamère, nous n’avons pas à reprendre à l’article 31 ce qui est d’ores et déjà précisé à l’article 4.

M. Patrick Braouezec. Les troisième et quatrième alinéas de l’article 31 sont alors inutiles !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Cette rédaction de l’article 31 est d’ailleurs, à la virgule près, celle que l’assemblée générale du Conseil d’État a adoptée. Et nous souhaitons en rester aux principes ainsi retenus.

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. À vous entendre, monsieur le ministre, cet article est inutile puisque tout est déjà prévu à l’article 4.

M. Jean Le Garrec. Bon argument !

M. Bernard Roman. J’ai donc tendance à penser – peut-être ai-je des lubies ? – que vous multipliez les dispositions inutiles dans le seul but d’afficher une volonté presque inavouable. Il faut, selon moi, considérer davantage la demande de M. Pinte. Le texte prévoit simplement qu’il faut vérifier que l’étranger se conforme aux principes de la République Française. Or on ne peut se contenter de cette formulation générale. Certes, vous explicitez ici oralement qu’il s’agit notamment du respect de l’égalité entre les hommes et les femmes. Mais il est surprenant qu’on exige des étrangers souhaitant faire venir leur famille qu’ils respectent le principe d’égalité alors que, par un amendement, nous venons d’y déroger puisque les étrangers devront gagner plus que le SMIC, ce symbole de l’égalité de traitement. L’État demande donc aux étrangers de respecter le principe d’égalité mais y déroge s’agissant des conditions imposées pour autoriser la venue de leur famille. Le Conseil constitutionnel appréciera.

Si l’on s’en tient à de telles généralités dans les critères, comment jugera-t-on le comportement de l’étranger qui a fait l’objet de multiples contraventions ? Considérera-t-on qu’il a respecté les principes de la République ? J’imagine que non puisqu’il aura commis des délits passibles de contraventions. J’attends votre réponse, monsieur le ministre. En cas de délit de grande vitesse, il ne pourra naturellement pas faire venir sa famille. Et si, par malheur, il y a un accident corporel, alors là ce sera : « Dehors, monsieur l’étranger ! »

Monsieur le ministre, de quelle grille de lecture va disposer l’administration pour juger de l’application d’un principe qui n’est que vaporeux ?

M. Claude Goasguen. Voilà une appréciation qui n’est pas très gentille pour le Conseil d’État !

M. Bernard Roman. Cela me ramène à la proposition de sous-amendement de M. Pinte, que le Gouvernement pourrait reprendre – j’ai cru comprendre, monsieur le ministre, que vous ne seriez pas contre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Si, et je l’ai dit !

M. Bernard Roman. Si les objectifs du contrat se mesurent en termes de volonté et non de résultats, comme c’est le cas à l’article 4, mieux vaut prévoir des modalités précises et contractualisées entre l’immigré et l’administration française, et dont on pourra vérifier la concrétisation, au lieu de s’appuyer sur des critères vaporeux tel le respect des principes de la République. Si le droit de siéger à l’Assemblée était mesuré à l’aune du respect par chacun d’entre nous des principes de la République, un certain nombre de nos suppléants serait sans doute très heureux !

M. Claude Goasguen. Voilà un concept vaporeux !

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle qu’il n’y a pas de sous-amendement. La suggestion de M. Pinte ne peut être reprise sous forme d’amendement que par le rapporteur ou le Gouvernement, mais ce ne semble pas être le cas.

La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Monsieur le ministre, les principes qui régissent la République ne constituent qu’une partie du contrat d’intégration prévu à l’article 4. Si vous acceptiez ma suggestion, vous étendriez la notion de principes et de valeurs de la République à l’ensemble de l’article 4, donc à l’ensemble des dispositions relatives au contrat d’accueil et d’intégration. Cette rédaction serait préférable sur le plan juridique et favoriserait l’intégration.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Non, monsieur Pinte, ce n’est pas évident. On ne peut exiger en effet d’un regroupant qu’il ait accompli l’ensemble du parcours prévu par le CAI en dix-huit mois. Il faut attendre cinq ans pour cela. Au terme de dix-huit mois et alors qu’il veut seulement obtenir le regroupement familial, on se contente de vérifier qu’il s’est conformé aux principes qui régissent la République française et qu’il respecte ses engagements. À ce stade de son parcours, on ne peut pas aller au-delà. Ce n’est qu’au bout de cinq ans, date à laquelle peut être délivrée la carte de résident, qu’on vérifiera s’il a respecté l’ensemble des engagements souscrits, y compris la maîtrise de la langue française.

M. Claude Goasguen. C’est clair !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 141, 182 et 530.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 31, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 31, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 31

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 31.

L’amendement n° 349 est-il défendu ?

M. Jérôme Rivière. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Cet amendement, qui prévoit de demander leur avis aux maires, me donne l’occasion de revenir sur le débat précédent. Nous allons instaurer l’arbitraire le plus total ! Monsieur le ministre, je comprends d’autant moins que vous n’ayez pas accepté la suppression des deuxième et troisième alinéas de l’article 31 que vous avez démontré qu’au bout de dix-huit mois, nous ne disposerons pas des éléments permettant d’apprécier le parcours – du combattant – de l’immigré.

M. Jérôme Rivière. Des recours sont possibles !

M. Patrick Braouezec. Je ne reviendrai pas ici sur ce fameux contrat que nous n’avons pas manqué de dénoncer, mais, puisqu’il a été voté, qu’on nous dise ce qui permettra de juger objectivement au bout de dix-huit mois qu’il est respecté. Il n’est question que d’enquêtes dont nous ne savons même pas par qui elles seront menées ni quel objet elles auront. Ainsi, vous n’avez toujours pas répondu à nos interrogations concernant les contraventions. Qu’est-ce que cela signifie concrètement « se conformer aux principes qui régissent la République française » ?

L’étranger arrivant sur notre territoire manifeste une intention claire en signant le CAI. Vous-même reconnaissez que ce n’est qu’au bout de cinq ans qu’on pourra juger si le parcours de l’étranger est concluant ou non. Alors pourquoi demander en plus son avis au maire ? Du reste quelle valeur aura cet avis ? En sera-t-il vraiment tenu compte ? Fera-t-on alors la part de ce qui relève de la subjectivité du maire ? D’un maire à l’autre et en fonction de l’interprétation de chacun des principes républicains, l’avis sera très variable.

J’ai voté contre l’article 31, qui n’a, selon moi, aucun sens législatif. Je suis à présent opposé à cet article additionnel car, après le flou qui entoure le rôle du préfet dans la loi, nous introduisons un élément d’arbitraire supplémentaire en prévoyant de demander son avis au maire.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je rejoins Patrick Braouezec. Alors que les pouvoirs conférés au préfet constitue déjà une part d’arbitraire – et il ne s’agit pas ici de mettre en cause le corps préfectoral –, vous prévoyez en outre de demander son avis au maire. Quel type d’enquête va-t-il mener ? Sur quels critères va-t-il évaluer l’intégration ? Son avis sera-t-il consultatif ou impératif ? Ces questions méritent d’être posées s’agissant d’un article additionnel qui en ajoute encore une couche dans le discrétionnaire et l’arbitraire. Si l’on donne ce pouvoir supplémentaire au maire, qui en a déjà obtenu un certain nombre dans ce texte, on va faire de lui une sorte de super-arbitre qui pourra ainsi faire sa sélection. C’est peut-être ce que vous appelez l’immigration choisie. Le maire pourra en effet choisir entre les bons et les mauvais immigrés. Nous ne voulons pas de ça ! La politique de l’immigration est en effet une politique régalienne qui dépend de l’État et qui ne doit pas être soumise à des décisions prises localement.

M. Patrick Braouezec. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Pourquoi demander l’avis du maire ? D’abord, parce qu’il est en charge de la politique du logement.

Mme Brigitte Le Brethon. Voilà !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il dispose donc de services qui sont à même de mener des investigations et de lui communiquer les résultats de celles-ci.

M. Patrick Braouezec. Cela n’a rien à voir avec le paragraphe 3 ! Il s’agit ici de juger du comportement de la personne !

M. le président. Monsieur Braouezec, je vous en prie !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Braouezec, j’essaie d’être aussi complet que possible !

M. Patrick Braouezec. Lisez ce que vous avez écrit !

M. le président. Monsieur Braouezec, seul le ministre a la parole !

M. Patrick Braouezec. Ce n’est pas parce qu’il a la parole qu’il ne se trompe pas !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Braouezec, je vous respecte, et lorsque vous vous exprimez, je vous écoute !

M. Patrick Braouezec. Moi aussi, je vous respecte !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’est un amendement parlementaire, je ne l’ai donc pas écrit !

M. Noël Mamère. Mais vous avez donné un avis favorable !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Braouezec, le maire que vous êtes sait bien de quels moyens il dispose pour mener des investigations et donner des avis.

Nous considérons que le maire est bien placé car il dispose de services de proximité en ce qui concerne la politique du logement, les politiques sociales et d’accompagnement, la politique de la ville. Le maire n’est consulté que pour avis, et cet avis reste un avis.

Je vous rappelle qu’en application de l’article L. 314-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers, le maire donne déjà un avis sur l’intégration de l’étranger pour l’accès à la carte de résident. Vous semblez le découvrir !

M. Patrick Braouezec. Non, mais on en rajoute !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Depuis le début de cette discussion, quand on fait référence au préfet, pour vous, c’est de l’arbitraire ! Quand on fait référence au maire, c’est de l’arbitraire ! Mais qui est donc légitime pour vous dans la République française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 349.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 482.

La parole est à M. Philippe Pemezec, pour le soutenir.

M. Philippe Pemezec. En matière de regroupement familial, le certificat d’hébergement, délivré après vérification des conditions de logement, ne requiert pas l’avis conforme du maire, contrairement à l’attestation d’accueil pour un hébergement de moins de trois mois.

Pourtant, c’est au maire qu’il appartient de gérer, dans un second temps, les difficultés rencontrées par les occupants d’un logement, ou par leur voisinage, si les conditions de salubrité ou les capacités d’accueil du logement ne sont pas satisfaisantes. Il semble donc normal de lui donner davantage de responsabilité dans ce domaine : tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. L’amendement n° 482 n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j’y suis défavorable. L’amendement n° 349 de M. Cortade prévoit que le maire donne un avis.

M. Patrick Braouezec. Cela va déjà assez loin !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Comme M. le ministre, j’estime qu’il est souhaitable que le maire, légitimement élu, donne son opinion sur de telles situations. M. Pemezec propose, lui, de rendre cet avis conforme ; or cela ferait du maire le décideur en dernier ressort, ce qui n’est pas notre objectif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis que la commission. Les avis émis ne sauraient lier la décision du préfet, qui doit veiller à une application uniforme de la loi et conserver un pouvoir discrétionnaire sur ces demandes de regroupement familial, qui peut l’amener à accepter certaines d’entre elles. Je vous demande donc, monsieur Pemezec, de retirer cet amendement.

M. le président. Monsieur Pemezec, retirez-vous cet amendement ?

M. Philippe Pemezec. Je le retire.

M. le président. L’amendement n° 482 est retiré.

Article 32

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, inscrit sur l’article 32.

M. Gaëtan Gorce. Je voudrais, à ce stade de la discussion, apporter un témoignage pour exprimer l’inquiétude, la crainte, l’angoisse même des élus de mon département devant certains faits.

Le samedi 29 avril, dans une petite ville de la Nièvre, trois jeunes Français d’origine turque ont été gravement blessés par arme à feu dans des conditions qui laissent à penser que c’est en raison de leur origine qu’on a exercé contre eux cette insupportable violence.

Sans préjuger les conclusions de l’enquête – la justice seule en décidera – et en l’absence de Martine Carrillon-Couvreur, qui souhaitait s’exprimer à ce sujet, je voulais faire entendre dans cet hémicycle la voix des familles,…

Mme Brigitte Le Brethon. Cela n’a rien à voir !

M. Gaëtan Gorce.… qu’avec tous les parlementaires du département nous avons longuement rencontrées avant la manifestation silencieuse qui s’est déroulée samedi dernier.

Je voudrais faire entendre ici leur douleur, leur souffrance et leur revendication. Leur douleur, c’est celle de parents, de proches, d’amis qui ont vu frapper l’un des leurs parce qu’il était différent. Des hommes armés, au mépris de la loi, ont exercé contre ces jeunes une violence manifestement exacerbée par la différence d’origine, bafouant les principes qui régissent notre République. Leur souffrance et leur revendication, ce sont celles d’hommes et de femmes qui demandent justice au nom des valeurs de la République. Notre pays, ils l’ont choisi. Ils l’aiment. Ils se conforment à ses lois, et bien qu’ils soient citoyens français, d’autres continuent à leur dénier leur droit élémentaire à la dignité, au respect, à l’intégrité, à la vie même. Ils réclament simplement que la République fasse vivre avec générosité le principe d’égalité, qui est la base de toutes nos valeurs, et qu’elle l’applique avec rigueur lorsqu’il est violé.

S’ils sont fiers de leurs origines, ils sont d’abord des citoyens français et veulent être traités comme tout citoyen français a le droit de l’être, dans le respect de la justice. Je me fais ici l’écho de leur message, qui n’est pas un message de colère mais de paix, de concorde et de justice. Ils parlent avec les mots de la République, leurs valeurs sont celles de la République. Celle-ci, lorsqu’elle agit ou légifère, ne doit jamais l’oublier.

De toutes les formes de discrimination, celle qui se fonde sur la race est la plus insupportable car elle constitue un déni d’humanité. Au moment où nous débattons de cette nouvelle loi sur l’immigration, gardons cela en tête pour écarter les abus, parfois de droit, les outrances de langage, tout ce qui pourrait tourner la France contre elle-même.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Gorce, vous avez choisi d’intervenir à ce moment de la discussion d’un texte qui lie politique d’immigration et politique d’intégration, pour faire référence au drame dont ont été victimes il y a quelques jours, dans votre département, trois jeunes d’origine turque. L’émotion qu’a suscitée ce drame est partagée, j’en suis convaincu, sur tous les bancs de cette assemblée. Mais je ne suis pas certain que votre intervention était appropriée dans le cadre de ce débat. Certes, il s’agit d’une atteinte insupportable contre des citoyens sur le sol français, ce que personne ici ne peut tolérer,…

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.… mais cela relève plus de la sécurité intérieure ou, si l’instruction le démontre, des dispositions prévues pour punir un comportement raciste. Or, à aucun moment, le texte dont nous débattons ne fait référence à une origine confessionnelle, sociale ou culturelle. Il ne s’agit que de la politique de l’immigration et de l’intégration, ce qui n’a rien à voir.

Monsieur Gorce, la justice se prononcera très clairement, d’une part, sur ce que fut le comportement des vigiles d’une boîte de nuit à l’égard de ces trois jeunes d’origine étrangère, et, d’autre part, sur l’usage que ces vigiles, agréés ou non, ont fait d’armes à feu. Je vous rappelle que la loi de sécurité intérieure de 2003 a apporté des précisions utiles, alors que, en ce domaine, nous étions dans une véritable jungle : désormais, la détention d’armes par des professionnels de sécurité d’une société de surveillance agréée par la préfecture est subordonnée à un certain nombre de conditions. Le ministre de l’intérieur a veillé, ces derniers mois, à ce que les décrets d’application qui n’avaient pas été pris le soient et que ce texte soit totalement appliqué.

Le drame que vous avez évoqué pose en effet le problème de la détention d’armes par les personnels des sociétés de sécurité. Hier matin, j’ai répondu à une question orale sans débat de Mme Fraysse, députée-maire de Nanterre, sur ce sujet. Le ministre de l’intérieur souhaite faire preuve de la plus grande fermeté afin que toutes les préfectures appliquent la loi. Je veillerai, monsieur le député, à ce qu’une réponse plus précise vous soit faite sur les inquiétudes qui sont les vôtres.

Encore une fois, l’ensemble du Gouvernement et, je n’en doute pas, l’ensemble de l’Assemblée nationale partagent votre émotion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 32.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 183, 296 et 531, tendant à supprimer cet article.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 183.

M. Noël Mamère. Je voudrais commenter ce qui vient d’être dit. Non, l’intervention de M. Gorce n’était pas déplacée dans ce débat. Avec ce projet de loi, vous prenez le risque de dérapages et de dérives. Mais nous n’avons pas besoin de ce projet de loi pour voir le ministre de l’intérieur prendre l’initiative de ces dérapages. N’est-ce pas lui qui a dit récemment : « Si vous n’aimez pas la France, quittez-la » ? Ces trois jeunes aiment la France, et c’est parce qu’ils aiment la France qu’on leur a tiré dessus !

M. Jérôme Rivière. C’est immonde, pour reprendre un mot que vous aimez bien !

Mme Brigitte Le Brethon. C’est scandaleux !

M. Noël Mamère. Le ministre de l’intérieur devrait méditer sur ces événements avant de se lancer dans ses opérations de préemption et de hold-up sur l’électorat d’extrême droite, parce que les premières victimes sont celles qui, précisément, aiment la France et restent dans notre pays, malgré ces événements qui ne nous honorent pas.

J’en viens à mon amendement de suppression de l’article 32.

S’agissant du regroupement familial, nous avons déjà eu l’occasion d’exprimer nos inquiétudes. La disposition supplémentaire proposée dans cet article fragilise la situation non seulement des demandeurs, mais aussi et surtout celle des personnes venues dans le cadre du regroupement familial, qui sont pour 80 % des femmes. En portant à trois ans la durée nécessaire de vie commune exigée avant une possibilité de rupture, vous obligez ces personnes à vivre en couple alors qu’elles subissent parfois des violences, et vous renforcez leur dépendance. Cette disposition est dangereuse pour certaines femmes, et elle est inutile : nous pouvions fort bien en rester aux deux ans prévus par la loi de 2003, ce qui est déjà relativement long puisque l’on n’exige pas du tout la même chose pour ceux qui se marient en France. Ceux-ci peuvent divorcer un mois après s’être mariés sans que cela change quoi que ce soit à leur situation.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cela n’a rien à voir, ils sont en France !

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour soutenir l’amendement n° 296.

M. Bernard Roman. Cet amendement vise à supprimer une mesure qui posera des difficultés supplémentaires aux personnes étrangères résidant ou souhaitant résider en France. Le Gouvernement fonde toute son explication sur une évolution importante du nombre de mariages dits « mixtes » dans notre pays depuis quelques années – et, au moins sur ce point, nous disposons de chiffres avérés. Lors de la discussion d’un projet récemment défendu par M. Clément sur le contrôle de la validité des mariages, nous avons essayé d’obtenir des renseignements sur ces mariages, en vain. Y a-t-il eu, oui ou non, une étude d’impact qui permette de connaître précisément la nature de ces mariages mixtes ?

Les mariages mixtes peuvent être une excellente chose pour notre République. Le nombre d’étrangers résidents se mariant avec des Françaises et des Français résidents peut permettre une évolution de l’intégration tout à fait bénéfique ! Le nombre de ceux que l’on appelle les « immigrés de la deuxième ou de la troisième génération », qui, pour des raisons familiales ou culturelles, vont se marier dans leur pays d’origine mais restent installés dans notre pays, peut également se révéler bénéfique pour notre pays !

Cependant, parmi les chiffres qui nous sont fournis, nous ne disposons pas de classifications, de données plus précises sur la nature de ces différents mariages.

Je voudrais attirer l’attention du Gouvernement sur deux points.

Le projet prévoit qu’en cas de rupture de la vie commune dans les trois premières années du mariage, le titre de séjour sera retiré à la personne étrangère. Je voudrais savoir ce qu’en pense la Délégation aux droits des femmes, dans la mesure où une telle disposition risque de placer les femmes, notamment étrangères, dans une situation inacceptable.

M. Patrick Braouezec. Bien sûr !

M. Bernard Roman. En effet, 80 % des conjoints concernés par le regroupement familial sont des femmes – en général, les personnes présentes en France et titulaires d’un titre de travail sont des hommes – et, par conséquent, 80 % des personnes concernées par ce dispositif seront des femmes de nationalité étrangère qui disposeront, parce qu’elles se seront mariées à un Français, d’une carte de séjour qui, de facto, deviendra temporaire, et ce pour une durée de trois ans.

Pendant les trois premières années, pèsera sur ces femmes une menace permanente, un chantage permanent de la part de maris indélicats, ce qui n’est pas inacceptable et qui peut se résumer ainsi : « Fais ce que je te dis ou je demande le divorce ! Et si je demande le divorce, tu n’auras plus de titre de séjour ! ». Autrement dit, ces femmes – qui représentent 80 % des conjoints concernés –vont se retrouver dans cette situation créée par la disposition législative que l’Assemblée va voter.

Les femmes en question ont-elles le droit de vouloir se séparer ? Sans doute que oui, mais, avec votre texte, elles n’en auront plus le droit pendant trois ans, car si elles demandent le divorce, elles perdront le droit à leur titre de séjour. Je pense que la Délégation aux droits des femmes pourrait utilement être saisie de cette question.

J’ajoute que, d’un point de vue législatif, la rupture de la vie commune couvre aussi le décès d’un des deux conjoints. Le Gouvernement devrait donc, selon moi, amender son texte d’ici à la lecture définitive pour qu’on ne voie pas retirer le titre de séjour à la veuve d’une personne qui décède dans les trois premières années de son mariage ! C’est anecdotique,…

M. Patrick Braouezec. Non, ce n’est pas anecdotique !

M. Bernard Roman. …mais cela montre qu’il est nécessaire d’apporter des modifications au projet.

Au moment où l’on prône l’égalité homme/femme, je souhaite vivement que soit répondu à ces deux préoccupations, sinon l’article 32 mettra les femmes dans une situation de dépendance inacceptable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement n° 531.

M. Patrick Braouezec. M. Mamère et M. Roman ayant déjà dit l’essentiel, je serai bref.

Je ne comprends pas pourquoi on veut pénaliser une fois de plus un travailleur étranger – qui est sur notre territoire, qui a décidé de faire venir sa famille et qui, finalement, a réussi à la faire venir après le parcours du combattant que nous avons dénoncé – en l’obligeant à une communauté de vie quand celle-ci n’est plus possible.

La loi en vigueur impose déjà une communauté de vie de deux ans. Pourquoi ajouter une année, si ce n’est, là encore, pour durcir – d’une manière très opiniâtre et volontaire de votre part – les conditions de vie de ces personnes ? Nous signalons dans l’exposé sommaire de notre amendement, comme l’a rappelé M. Roman, que 80 % des personnes qui peuvent être concernées sont des femmes. Autrement dit, nous allons imposer une année supplémentaire de vie commune à des femmes qui connaissent une rupture dans leur vie conjugale, tout en sachant les dangers que cela peut comporter ? Nous avons beaucoup entendu parler, sur les bancs de la droite, de violences conjugales, et vous voulez prendre le risque de les accentuer au sein de couples qui ne se supportent plus ! Pour quelles raisons passer de deux à trois ans ?

Le Gouvernement comme notre assemblée feraient preuve de sagesse et enverraient un message d’espoir en direction de ces femmes en n’allongeant pas la durée de mariage permettant à ces personnes de pouvoir continuer à bénéficier d’un droit de séjour sur notre territoire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable sur ces amendements de suppression. Nous avons déjà eu le même débat à l’article 26.

Monsieur Braouezec, une de vos remarques est parfaitement justifiée : des femmes pourraient se trouver en situation de devoir continuer à subir des violences conjugales. C’est pourquoi nous vous proposerons d’adopter l’amendement n° 351 d’Étienne Pinte, qui répond à vos préoccupations. Un autre amendement précisera que si les deux parents ont eu un ou des enfants, le conjoint en question ne se verra pas retirer sa carte de résident.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Comme l’a rappelé le rapporteur, nous avons eu ce débat de principe à l’article 26 lorsque les modalités de retrait de la carte de résident accordée à un conjoint de Français ont été discutées. Nous abordons l’article 32 dans le même esprit.

Monsieur Braouezec, monsieur Roman, lorsqu’il y a rupture de la vie commune, il est normal que le titre de séjour soit, en principe, retiré. Je dis bien « en principe » car il y a des exceptions qu’il faut préciser par amendements, en cohérence avec les dispositions déjà adoptées à l’article 26.

Nous serons donc favorables à l’amendement n° 140 rectifié de M. Pinte, sous-amendé par M. Mariani, car il permet cette cohérence : la carte de résident délivrée au conjoint d’étranger entré au titre du regroupement familial ne lui sera pas retirée si un enfant est né de cette union et si l’étranger en cause contribue effectivement à l’éducation et l’entretien de cet enfant.

Nous serons également favorables à l’amendement évoqué par M. Mariani et concernant les violences conjugales.

Enfin – c’était une de vos préoccupations, et elle est partagée, monsieur Roman –, il va de soi que le décès n’est pas une rupture de vie commune au sens du code de l’entrée et du séjour des étrangers ; la jurisprudence est sur ce point très claire. Il est évident que le préfet ne retirera jamais une carte de séjour ou de résident à une veuve ou à un veuf.

M. Bernard Roman. Alors, il faut l’écrire, car l’article 227 du code civil en fait un élément de rupture !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Pas le code de l’entrée et du séjour des étrangers !

M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez. Il n’est pas inutile que nous intervenions dans ce débat, dans la mesure où nous sommes très nombreux sur ces bancs à être particulièrement sensibles, pour des questions de conviction religieuse, à certains arguments présentés, même par nos collègues de l’opposition. Au-delà des clivages, nous devons respecter ce que nous pouvons avoir en nous, les uns et les autres. Je le dis car je ne serais pas sincère si je ne le disais pas. Je sais que certains d’entre nous font même effort pour comprendre qu’un certain réalisme politique s’impose car, comme l’a dit un ancien Premier ministre, « la France ne peut accueillir toute la misère du monde », et cela est vrai, quelles que soient les majorités.

Cela dit, s’agissant de la situation des femmes, il est bon, monsieur le rapporteur, comme vous l’avez précisé, d’introduire des exceptions. Il est très important de faire comprendre que nous devons respecter la femme pour elle-même et ne pas risquer de la soumettre à l’autorité d’un mari qui, éventuellement, menacerait de se séparer d’elle.

Il faut vraiment, monsieur le rapporteur, que les amendements dont vous avez parlé soient adoptés. Il y va du respect de la femme, de ses droits et de sa liberté. Surtout, nous devons veiller à ne pas soumettre la femme à l’autorité d’un homme qui risquerait d’abaisser sa dignité.

J’insiste sur la nécessité des exceptions, et vous les avez également évoquées, monsieur le ministre. C’est dans ces conditions que nous pourrons donner notre accord à ce texte.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Rivière.

M. Jérôme Rivière. Je rejoins en partie ce qui vient d’être dit. Je sais bien que c’est la nature des débats que de présenter de façon parfois un peu caricaturale les positions de la majorité ou de l’opposition, mais comme l’ont très bien expliqué le rapporteur, le ministre et Léonce Deprez, des amendements prennent en compte certaines situations. Il est évidemment hors de question pour la majorité de placer en situation de précarité les femmes qui pourraient se retrouver en difficulté. M. Roman sera, j’en suis certain, rassuré par cette affirmation.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. La semaine dernière, Julien Dray nous demandait comment la polygamie pouvait subsister en France alors qu’elle a été abolie il y a des années. Qu’on ne se méprenne pas : l’explication que je vais donner ne concerne que des cas assez rares. A épouse B, puis ils divorcent. B garde son titre de séjour et reste sur le territoire français, tandis que A fait venir C : en réalité, il a désormais deux épouses. Je le répète, ce sont des cas exceptionnels.

M. Patrick Braouezec. On ne légifère pas sur des cas exceptionnels !

M. Jérôme Rivière. C’est vous qui nous en soumettez en permanence !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Je réponds simplement à une question de Julien Dray.

M. le président. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Je n’ai jamais posé une telle question. J’ai simplement été surpris, étant donné la fermeté que vous affichez et le combat déterminé que vous prétendez mener, qu’une députée de la majorité puisse évoquer l’augmentation de la polygamie dans certains quartiers. Je me suis alors demandé si vos dispositifs fonctionnaient bien.

En la matière, il vaut mieux se dire la vérité. Ainsi, dans un quartier d’une ville de ma circonscription, que je ne veux pas stigmatiser, on constate une augmentation des cas de mariages polygames ou de vie en situation de polygamie. Ces communautés ont une histoire particulière, et, pour elles, cela ne représente pas la même chose que pour nous. Des regroupements s’opèrent. Cette « ghettoïsation ethnique » est en partie la conséquence de lois qui sont mal appliquées ou, plus exactement, mal conçues : les vôtres, par exemple.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le ministre, compte tenu de l’ambiguïté qui peut naître du rapprochement du code civil et de cette loi, je voudrais que vous acceptiez de prendre en considération le décès de l’un ou l’autre des conjoints. Il suffirait pour cela d’ajouter, après les mots « en cas de rupture », les mots « sauf décès de l’un ou l’autre des conjoints ». Cela confirmerait l’assurance que vous nous avez donnée, car, comme vous le savez, les lois sont souvent interprétées en fonction des textes déjà en vigueur : en l’occurrence, celle-ci le serait à la lueur du code civil.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Braouezec, je partage totalement votre préoccupation. Nous avons encore quelques amendements à examiner avant de voter l’article 32 et, lorsque nous arriverons à la fin de cette discussion, je vous proposerai un amendement du Gouvernement qui le précisera.

M. Jean-Marie Geveaux. Très bien, c’est la sagesse !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 183, 296 et 531.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 481.

La parole est à M. Julien Dray, pour le soutenir.

M. Julien Dray. Cet amendement de repli vise, compte tenu de l’importance de la communauté de vie, telle qu’elle est définie dans le texte, à préciser les conditions de sa rupture, afin de ne pas traiter de la même façon l’étranger fraudeur et l’étranger victime d’une situation affective ou conjugale difficile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 481.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 532.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Cet amendement est semblable à l’amendement n° 140 rectifié de M. Pinte, qui va être appelé tout à l’heure. Ce dernier est toutefois plus précis, car il a la sagesse d’évoquer « un ou des enfants », quand le nôtre ne parle que « des enfants ». Il suffirait donc qu’un seul enfant soit né pour qu’on ne puisse pas retirer le titre de séjour. Si M. Pinte ne défend pas son amendement, je le reprendrai. En attendant, je retire le mien.

M. le président. L’amendement n° 532 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements, nos 140 rectifié et 184, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 140 rectifié fait l’objet d’un sous-amendement n° 609.

La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement n° 140 rectifié.

M. Étienne Pinte. Cet article, qui prévoit le retrait du titre de séjour remis au conjoint d’un étranger s’il y a rupture de vie commune pendant les trois ans suivant l’autorisation de séjourner au titre du regroupement familial, est conçu pour limiter des mariages dits de complaisance. Il ne peut toutefois s’appliquer lorsque des enfants sont nés de cette union. L’existence d’enfants signifie bien qu’il ne s’agit pas d’un mariage de complaisance, car jamais on ne peut les considérer comme des enfants de complaisance. De plus, ils ont le droit d’être élevés par leurs deux parents, même si ceux-ci ne vivent plus ensemble. Refuser un titre de séjour à l’un des parents porterait atteinte aux droits des enfants à vivre en famille.

C’est la raison pour laquelle je vous propose de compléter la première phrase de l’alinéa 2 de l’article 32 par les mots : « sauf si un ou des enfants sont nés de cette union et à la condition que l’étranger établisse contribuer effectivement, depuis la naissance, à l’entretien et à l’éducation du ou des enfants. », comme je l’avais précisé dans un amendement précédent.

À propos du sous-amendement n° 609 de M. Mariani, j’aimerais savoir pourquoi il y est précisé que l’étranger doit être titulaire de la carte de résident, alors que, dans le texte du Gouvernement, il n’est question que d’un titre de séjour.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 140 rectifié et pour présenter le sous-amendement n° 609.

M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement de M. Pinte, que soutient M. Braouezec, sous réserve ce l’adoption du sous-amendement limitant l’impossibilité du retrait de la carte de résident en cas de rupture de la vie commune. Pour répondre à la question de notre collègue Étienne Pinte, je préciserai qu’il s’agit d’établir un parallélisme avec les dispositions prévues pour les conjoints de Français à l’article 26. Sans cela, les conjoints d’étrangers venus en France dans le cadre du regroupement familial auraient des droits supérieurs aux conjoints de Français.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement est favorable à l’adoption de l’amendement de M. Pinte, tel qu’il est sous-amendé par M. Mariani.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Cet amendement, auquel nous nous rallions, est fidèle à l’état d’esprit de la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la France le 20 novembre 1989, dont l’article 9, alinéa 3, stipule que « les États parties respectent le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à intérêt supérieur de l’enfant ». On peut considérer que, en l’occurrence, l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est de pouvoir avoir des liens directs avec ses deux parents, même s’ils sont séparés.

M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez. Je suis heureux que le rapporteur et le Gouvernement apprécient et approuvent la proposition de notre collègue Pinte, car sa philosophie est partagée par bon nombre de ses collègues, dont je suis. Dans nos esprits, la politique de l’immigration doit toujours se concilier avec les préoccupations humaines.

M. Patrick Braouezec. Vous auriez dû être plus présent dans le débat, monsieur Deprez, vous auriez pu faire fléchir plus souvent le Gouvernement sur ces aspects humanitaires !

M. Léonce Deprez. Le Gouvernement et le rapporteur permettent ainsi que soient prises en considération des préoccupations qui sont au plus profond de nous-mêmes, bien plus que sur les affiches électorales.

Le ton du dialogue qui est ici instauré me paraît convenir à un tel débat, qui exige autant de gravité et de sensibilité…

M. Patrick Braouezec. Si la gravité n’a jamais fait défaut, la sensibilité manquait parfois beaucoup !

M. Léonce Deprez. …que de respect de ce que doit être la politique de sécurité.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 609.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 140 rectifié, modifié par le sous-amendement n° 609.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 184 tombe.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 351 et 467.

La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Mon amendement n° 351, qui est identique à celui de Mme Morano, a pour objet d’empêcher l’autorité administrative − c’est-à-dire, en général, le préfet − de procéder au retrait du titre de séjour de l’étranger qui, en raison des violences subies de la part de son conjoint français, a rompu la communauté de vie.

Je propose donc de compléter l’alinéa 2 de cet article par la phrase suivante : « Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à l’initiative de l’étranger en raison de violences conjugales qu’il a subies de la part de son conjoint, l’autorité administrative ne peut procéder au retrait. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Ces amendements visent à compléter un dispositif introduit par la loi destinée à protéger les victimes de violences conjugales et selon lequel, aux termes de l’article L. 431-2 du CESEDA, « lorsque la communauté de vie a été rompue à l’initiative de l’étranger en raison des violences conjugales qu’il a subies de la part de son conjoint, l’autorité administrative peut accorder le renouvellement du titre ». Le Gouvernement est favorable à ces amendements qui prévoient que, dans cette hypothèse, l’autorité ne peut procéder au retrait du titre.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 351 et 467.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Avant de passer au vote de l’article 32, je vous présente, avec l’accord du président de la commission des lois, qui a levé la forclusion, un amendement n° 611, de M. Braouezec, ainsi libellé : « Compléter l’article 32 par les deux alinéas suivants :

« II. − L’article L. 431-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le décès de l’un des conjoints n’est pas une cause de rupture de la vie commune au sens du présent article. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 611.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Je mets aux voix l’article 32, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 32, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Nous en revenons aux articles 16 à 22, précédemment réservés.

Article 16 (précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 16, je suis d’abord saisi d’un amendement n° 519.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le défendre.

M. Patrick Braouezec. Nous proposons, par cet amendement, de supprimer les alinéas 5 à 10 de l’article 16.

La nouvelle rédaction de l’article L. 121-1 du CESEDA supprime en effet la possibilité, pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne, d’établir en France leur résidence habituelle sans être soumis à l’obligation de posséder un titre de séjour. Cette suppression est contraire à la liberté de circulation et à l’état d’esprit communautaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j’y suis défavorable.

La nouvelle rédaction proposée pour l’article L. 121-1 du CESEDA se borne à transposer fidèlement l’article 7 de la directive du 29 avril 2004. Elle ne peut donc être contraire au droit communautaire en imposant une activité professionnelle, une assurance maladie ou des ressources minimales à l’étranger européen souhaitant séjourner plus de trois mois en France.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 519.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 70 de la commission.

Il s’agit d’un amendement de précision auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 518.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Nous proposons, après les mots « garantit disposer de ressources », de supprimer la fin de l’alinéa 8 de l’article 16, qui est redondante avec l’alinéa 7.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 518.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 536.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le défendre.

M. Patrick Braouezec. Il s’agit, par cet amendement, de lever une petite ambiguïté en insérant dans l’alinéa 10 de l’article 16, après le mot « conjoint », les mots « ou s’il a passé un contrat – fait dans le respect des conditions prévues par la législation française – équivalent au pacte civil de solidarité français dans un autre pays de l’Union ».

Une telle précision permet de prendre en considération toutes les catégories de contrats, mariage ou pacs, qui existent dans notre pays et qui doivent également valoir pour l’ensemble des résidents communautaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable. Cela risquerait de donner des droits au séjour plus importants aux partenaires de ressortissants originaires d’autres États membres de l’Union européenne qu’aux co-pacsés de Français, ce qui serait paradoxal.

M. Patrick Braouezec. De quels droits supplémentaires parlez-vous ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement.

Depuis la création du pacs par la loi de 1999, le législateur n’a jamais entendu assimiler le pacs et le mariage en ce qui concerne le droit au séjour. Une circulaire de 2004, relative aux conditions de séjour des étrangers, le précise.

Dans ces conditions, l’article de la directive de 2004 que mentionne le groupe communiste dans l’exposé sommaire de l’amendement n’a pas à s’appliquer.

Cette proposition créerait de surcroît une discrimination entre les étrangers titulaires d’un pacs.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai, à l’occasion de ma réponse à M. le rapporteur et à M. le ministre, l’amendement n° 222.

L’article 16 du projet de loi a pour objet de transposer dans notre droit la directive du 29 avril 2004. Toutefois, le projet de loi reste silencieux sur une catégorie de « membre de famille » prévue par cette directive : il s’agit du « partenaire avec lequel le citoyen de l’Union a contracté un partenariat enregistré, sur la base de la législation d’un État membre, si, conformément à la législation de l’État membre d’accueil, les partenariats enregistrés sont équivalents au mariage, et dans le respect des conditions prévues par la législation pertinente de l’État membre d’accueil. »

Or, depuis la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, la législation française prévoit la possibilité de contracter des partenariats enregistrés. Ainsi, l’étranger non communautaire pacsé avec un citoyen de l’Union devrait avoir un droit au séjour comme membre de famille de ce dernier et bénéficier par conséquent du droit communautaire.

La même solution devrait être applicable à ceux qui auraient passé dans un autre pays de l’Union des contrats équivalents au pacs français « dans le respect des conditions prévues » par la législation française.

En omettant de prévoir cette catégorie de personnes pacsées dans le projet de loi, la France ne procède donc pas, contrairement à ce qui vient d’être indiqué, à la transposition complète de la directive et pourrait de ce fait être sanctionnée – le délai de transposition expirait d’ailleurs le 30 avril.

Plutôt que d’appliquer les seules dispositions européennes qui vous semblent correspondre à la politique nationale d’immigration que vous conduisez, vous devriez, si cette dernière n’était ni restrictive ni utilitariste, vous mettre en accord avec cette directive de 2004 sur les personnes pacsées.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 536.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 222 vient d’être présenté par son auteur.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 222.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 537.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Il s’agit, par cet amendement, de supprimer les alinéas 11 à 13 de l’article 16 du projet de loi.

Soumettre les ressortissants communautaires visés à l’article L.121-1 du CESEDA à l’obligation de se faire « enregistrer auprès de l’autorité administrative dans les trois mois suivant leur arrivée » est une entrave non seulement à la liberté de circulation, mais aussi au droit à séjourner librement sur le territoire des États membres de l’Union, ainsi que le stipule la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 du Parlement européen et du Conseil.

Par ailleurs, s’il revient au maire de la commune de résidence des ressortissants communautaires de procéder à l’enregistrement, quels seront les moyens techniques et financiers qui seront débloqués pour pallier cette charge nouvelle ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Un assez long débat a déjà eu lieu sur le transfert de compétences et sur les moyens afférents, au cours duquel le ministre a expliqué à plusieurs reprises qu’il ne souhaitait pas donner de nouvelles compétences aux maires afin de ne pas leur imposer des charges supplémentaires. Cela me rappelle d’ailleurs un autre débat au cours duquel nous avions proposé que la délivrance des titres de séjour soit effectuée par les maires. On nous avait opposé à l’époque le même argument, à savoir celui de la charge supplémentaire que cela représenterait. Or voilà que, tout d’un coup, en réponse à une question pertinente de M. Braouezec portant sur les moyens accompagnant ce transfert de compétence, une autre vérité apparaît.

M. le président. Je mets aux voix...

M. Julien Dray et M. Patrick Braouezec. Nous n’avons pas eu de réponse !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Permettez-moi, monsieur le président, d’intervenir.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur le ministre, bien que le vote ait été engagé.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je vous remercie, monsieur le président, mais je ne voudrais pas que M. Dray et M. Braouezec puissent me reprocher de ne pas leur avoir répondu.

En matière de droits d’enregistrement, cette disposition particulière est déjà appliquée en Allemagne, en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Estonie, en Finlande, en Hongrie, en Italie, aux Pays-Bas, en Pologne, en Slovénie, en Suède et en ex-Tchécoslovaquie.

M. Julien Dray. Ce qui nous intéresse, monsieur le ministre, ce sont les moyens !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous ne faisons donc en la matière que rejoindre ces pays.

M. Julien Dray, M. Noël Mamère et M. Patrick Braouezec. Ce n’est pas la question !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 537.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 223.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. L’amendement 223 est semblable au précédent, et la même question se pose donc à nouveau : quelle sera l’autorité d’enregistrement ? Le maire de la commune de résidence, le préfet ?

En tout cas, sachant que les ressortissants visés disposeront de trois mois suivant leur arrivée en France, il est exclu que la déclaration doive être renouvelée à chaque changement de résidence.

Par ailleurs, le projet de loi ne prévoit aucune sanction en cas de non-enregistrement dans le délai imparti ou de non-respect de cette formalité. Ce problème sera-t-il abordé dans le décret ? En tout état de cause, la directive du 29 avril 2004 précise que « le non-respect de cette obligation [de déclaration] peut être passible de sanctions non discriminatoires et proportionnées. »

Encore une fois, vous déléguez des fonctions régaliennes à une institution locale, si toutefois il s’agit du maire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. L’enregistrement, monsieur Mamère, se fera bien auprès du maire : cette précision sera apportée par le prochain amendement.

Quant aux sanctions, il est vrai qu’elles n’existent pas en cas de non-enregistrement. Je vous laisse le soin de déposer un amendement à cet effet, mais il est tout de même paradoxal de votre part que vous nous reprochiez une absence de sanction !

M. Noël Mamère. Il s’agit de sanctions non discriminatoires !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Pour en revenir à l’amendement 223, l’avis de la commission est défavorable. Il n’est prévu un enregistrement des ressortissants communautaires qu’à des fins statistiques.

Cette simple démarche n’est donc pas une entrave au droit de séjour, qui ne sera bien sûr pas remis en cause si l’étranger ne s’enregistre pas.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Les formalités d’enregistrement, ainsi que le prévoit en effet l’amendement suivant, relèveront du maire.

Surtout, je tiens à souligner, après M. le rapporteur, qu’il n’est pas question de sanctionner. Nous ne sommes pas en effet dans une logique de sanction, mais de service. Nous offrons la possibilité aux étrangers ressortissants de l’Union de s’enregistrer auprès du maire pour bénéficier des mêmes prestations et services que les citoyens français en matière, par exemple, d’information civique et civile.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Qu’il me soit permis de rappeler, sans esprit polémique, que lors d’un débat télévisé, Hervé Le Bras, auteur d’un livre sur l’immigration avec Jack Lang, s’est félicité de cette disposition qui permettra enfin d’améliorer nos données statistiques. Il faisait observer, en sa qualité de démographe, qu’à force d’être obsédés par le refus de ficher les gens, on finissait par ne plus disposer d’aucune information démographique fiable.

Avec cette disposition, nous saurons combien d’Européens résident dans nos communes. Il ne s’agit que d’un élément d’information.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 223.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 71.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Ainsi que je l’ai indiqué, cet amendement répond à la question posée par Noël Mamère puisqu’il tend à déterminer l’autorité administrative auprès de laquelle les ressortissants communautaires devront s’enregistrer.

Il paraît souhaitable à cet égard de confier cette responsabilité au maire, l’échelon communal étant le plus adapté pour informer et accueillir ces ressortissants européens sur un territoire où ils disposeront de surcroît du droit de vote lors des élections municipales et européennes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 71.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 538.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Vous avez repoussé nos amendements qui visaient à supprimer les alinéas 11 et 12, peut-être accepterez-vous cet amendement n° 538, qui propose de supprimer l’alinéa 13 de l’article 16 ? En effet, celui-ci nous semble en contradiction – mais peut-être M. le rapporteur et M. le ministre nous éclaireront-ils à ce sujet – avec le décret 2005-1332 du 24 octobre 2005 modifiant le décret 94-211 du 11 mars 1994 qui réglemente les conditions d'entrée et de séjour en France des ressortissants des États membres de la Communauté européenne bénéficiaires de la libre circulation des personnes. Ce décret réitère par ailleurs la suppression de l'obligation d'un titre de séjour et les conditions de délivrance si le citoyen de l'Union en fait la demande. Ce décret prévoit également le droit au séjour permanent pour les ressortissants communautaires exerçant une activité, salariée ou indépendante.

Pour quelles raisons l'État français voudrait-il se mettre en situation de violer des normes impératives du droit national, d'autant que les mesures transitoires mises en place par la France concernant certains pays nouvellement adhérents sont arrivées à échéance ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable. Une ouverture progressive en fonction des besoins de main-d’œuvre constatés dans chaque profession est privilégiée vis-à-vis des pays d’Europe centrale et orientale. Il faut en effet éviter qu’une ouverture excessive du marché du travail ne conduise à la déstabilisation de certaines branches professionnelles avec un risque éventuel de dumping social.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable. J’avoue ne pas comprendre le motif de cet amendement puisque le projet de loi ne modifie en rien les règles existantes : seuls les ressortissants des nouveaux États membres qui souhaitent travailler en France restent, pour la période transitoire allant jusqu’en 2011, soumis à cette obligation de détention d’un titre de séjour, conformément à l’article 18 du décret auquel il a été fait référence.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 538.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 72.

Il s’agit d’un amendement de précision de la commission, auquel le Gouvernement est favorable.

Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 539.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. L’amendement n° 539 propose de supprimer l’alinéa 14 de l’article 16 car certains de ces termes nous semblent assez flous. Que signifient en effet : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public » ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable. L’adoption de cet amendement aboutirait à supprimer le droit que nous souhaitons introduire dans la loi française, pour un membre non européen de la famille d’un ressortissant communautaire, de séjourner plus de trois mois en France. Je ne pense pas que ce soit l’intention de M. Braouezec.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Avis défavorable. L’alinéa n° 14 n’est que la transposition de la directive qui prévoit la possibilité, en son article 27, de restreindre le droit de circulation et de séjour pour des raisons d’ordre public. L’État français veut se réserver la possibilité de ne pas accueillir sur son sol les fauteurs de troubles.

M. Patrick Braouezec. L’explication est précise.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 539.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 540.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. L’amendement n° 540 propose de supprimer l’alinéa 16 de l’article 16. Nous considérons que cet alinéa n'apporte rien de plus aux alinéas 5 de l’article L. 121-1 et 14 de l’article L. 121-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Dans ces deux alinéas, il est déjà fait mention de la menace pour l'ordre public que pourrait constituer un ressortissant d'un État membre ou d'un État tiers. Il est également précisé que dans le cas de trouble à l'ordre public, le ressortissant ou le membre de sa famille ne pourra obtenir le droit de séjourner en France. De facto, il ne pourra obtenir une autorisation de séjour, une délivrance ou un renouvellement de la carte de séjour et celle-ci pourrait lui être retirée. Cet alinéa 16 nous paraît donc quelque peu redondant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable. Je pense qu’il est souhaitable de disposer d’un fondement législatif clair et explicite pour pouvoir éloigner celui qui ne remplit plus les conditions requises, par exemple en cas de troubles à l’ordre public.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 539.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 224.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

M. Noël Mamère. L’amendement n° 224 propose de supprimer l’alinéa 21 de l’article 16, qui ne nous semble pas conforme à la directive du 21 avril 2004 dans la mesure où il ne prévoit pas le cas des travailleurs communautaires ayant cessé leurs activités et qui peuvent prétendre à un droit au séjour permanent sans avoir besoin de justifier de cinq ans de résidence.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable. Je pense que vous faites une erreur d’interprétation, monsieur Mamère, car l’adoption de cet amendement supprimerait le droit au séjour permanent reconnu aux membres de la famille d’un ressortissant communautaire. L’alinéa concerné se borne à transposer la directive du 29 avril 2004 qui impose une présence continue de cinq ans dans un État membre pour l’acquisition du droit au séjour permanent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 224.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 541.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. L’alinéa 21 ayant été maintenu, puisque l’amendement de M. Mamère vient d’être repoussé, nous proposons d’y supprimer les mots « et ininterrompue » pour tenir compte du fait que cette présence sur le territoire de cinq ans peut ne pas être continue.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable. Le projet de loi se limite à transposer l’article 16 de la directive du 29 avril 2004.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 541.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 542.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Toujours dans le même état d’esprit, nous proposons d’insérer, après l’alinéa 21 de l’article 16, l’alinéa suivant : « Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, les travailleurs communautaires ayant cessé leur activité acquièrent un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire sans avoir besoin de justifier de cinq ans de résidence. »

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 542.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 543.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. L’amendement n° 543 propose de supprimer l’alinéa 22 de l’article 16 considérant que l’obligation de ne pas quitter le territoire français pendant une période de plus de deux ans n’est pas conforme à la directive du 29 avril 2004. De plus, cet alinéa ne prévoit pas le cas des travailleurs communautaires ayant cessé leur activité et qui peuvent prétendre à un droit de séjour permanent sans avoir besoin de justifier de cinq ans de résidence et qui peuvent, lors de leur retraite, établir leur résidence hors de France. Je rappelle qu’il s’agit de dispositions qui figurent dans le CESEDA, donc dans la loi qui a été votée en 2003.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable. Cet alinéa est conforme au point 4 de l’article 16 de la directive du 29 avril 2004.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 543.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 73.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 74.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 16, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

dépôt d’une motion de censure

M. le président. Mes chers collègues, M. le président de l'Assemblée nationale a reçu à dix-huit heures trente une motion de censure déposée par MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande et Roger-Gérard Schwartzenberg, ainsi que cent quarante membres de l'Assemblée, en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution.

Conformément à l'article 153, alinéa 4, du règlement, je donne lecture de ce document :

« Notre pays traverse l'une des plus graves crises politiques de la Ve République. Depuis un an, le Gouvernement est plongé dans une tourmente d'une rare intensité : violences urbaines exceptionnelles dans leur durée et leur ampleur, opposition massive des salariés, des étudiants et des lycéens au contrat première embauche et, aujourd'hui, divisions au sommet de l'État sur fond de suspicion, de manœuvres et de complots.

« Le divorce entre le pouvoir et les Français est consommé avec l'implication de l'exécutif dans la ténébreuse affaire Clearstream.

« S'il appartient à la justice de dénouer les fils de cette machination, si la présomption d'innocence comme le secret de l'instruction doivent être respectés il reste une évidence : c'est au sein même du Gouvernement que se lancent les accusations, s'organisent les manœuvres, se jettent les suspicions. Comment une telle équipe peut-elle continuer à travailler pour le pays dans ce climat délétère, alors que les causes de ce délabrement se situent en son sein même ? C'est l'autorité de l'État qui en est la seule victime. Le Premier ministre comme le ministre de l'intérieur, dans leur querelle, sont les premiers acteurs du trouble et du désordre.

M. Thierry Mariani. Vraiment, quel amalgame !

M. le président. « Le Président de la République, en maintenant cet invraisemblable attelage, fait courir un risque majeur à l'esprit de nos institutions.

« Que veut dire en effet la sécurité de l'État quand les services de renseignements sont dévoyés dans des opérations de déstabilisation entre ministres du Gouvernement ? Quand des officiers et des juges se disent publiquement instrumentalisés dans cette lutte de pouvoir.

« Que veut dire l'intérêt national quand le Président de la République a, désormais, pour seule perspective pour l'exercice de son mandat que de le terminer ? Quand le Gouvernement est paralysé et ballotté au gré des rivalités personnelles et des menaces de révélations. Quand l'image et la place de la France dans le monde sont à ce point altérées.

« Si, comme le dit le Chef de l'État, la République n'est pas “la dictature de la rumeur”, elle ne peut pas être davantage le régime des convenances, des confusions et des complots.

« Économiquement, socialement, moralement, le Gouvernement a épuisé la France et les Français. Tous ceux qui y participent en portent la responsabilité. Aucun ne peut prétendre s'en exclure.

« Face à ce délitement, le temps d'une espérance est venu. L'élection présidentielle doit être l'occasion de tourner la page de ce régime de crises et de poser les termes du débat de société dont le pays a besoin. Pour que cette confrontation démocratique ne débouche pas sur le rendez-vous tronqué de 2002 sous la menace de l'extrémisme, il est aujourd'hui indispensable d'assainir la situation politique.

« Dans une démocratie digne de ce nom, toutes les conséquences d'une crise de cette ampleur auraient été tirées soit par un changement global d'équipe gouvernementale, soit par un retour devant le peuple français.

« Pour tous ces motifs, l'Assemblée nationale censure le Gouvernement en application de l'article 49, alinéa 2 de la Constitution. »

La motion de censure sera notifiée au Gouvernement et affichée.

Conformément à l'article 153, alinéa premier, du règlement, l'Assemblée prend acte de ce dépôt.

La discussion et le vote sur cette motion de censure ont été fixés par la conférence des présidents, qui vient de se réunir, au mardi 16 mai, après les questions au Gouvernement.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. J’aimerais savoir si les explications de vote et le vote sur le projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration que nous sommes en train de discuter sont maintenus au mardi 16 mai ?

M. le président. Non, les explications de vote et le vote sont reportés au mercredi 17 mai, après les questions au Gouvernement.

M. Thierry Mariani. Merci de cette précision, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Monsieur le président, nous aurons mardi dans cet hémicycle le débat nécessaire, impératif au regard de la situation.

M. Thierry Mariani. On ne va pas l’ouvrir maintenant alors !

M. Julien Dray. Je voulais juste saluer l’initiative de ce dépôt d’une motion de censure qui me semble opportune au regard de la situation.

M. Guy Geoffroy. Oh !

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 2986, relatif à l’immigration et à l’intégration :

Rapport, n° 3058, de M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et l’administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)