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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 11 mai 2006

218e séance de la session ordinaire 2005-2006

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Eau et milieux aquatiques

Suite de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, sur l’eau et les milieux aquatiques (nos 2276 deuxième rectification, 3070).

Question préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. André Chassaigne, pour une durée ne pouvant excéder trente minutes.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la ministre de l’écologie et du développement durable, chers collègues, depuis la fin des années 90, l’eau figure en bonne place dans l’agenda politique national et international. De ce point de vue, l’adoption par les Nations unies, en 1997, d’une résolution traitant de l’eau a marqué un tournant, et le sommet international réuni en mars dernier à Mexico a permis un pas supplémentaire dans cette direction.

Il est incontestable que cette évolution des consciences est salutaire, car − différents intervenants, dont vous-même, madame la ministre, l’ont rappelé ce matin −, la situation est grave, et l’on a trop souvent tendance à l’oublier : aujourd’hui, un être humain sur cinq n’a pas accès à l’eau potable ; l’eau de mauvaise qualité tue plus de trois millions de personnes par an ; 90 % des catastrophes naturelles sont liées à l’eau, qu’il s’agisse de cyclones dévastateurs, d’inondations ou de sécheresses. Dans de nombreuses parties du globe, le manque d’eau est à l’origine de conflits géopolitiques plus ou moins latents, qui pourraient déboucher, dans quelques années, sur de véritables guerres.

Alors que l’irrigation des cultures représente déjà près de 70 % de l’eau consommée, l’ONU prévoit qu’il faudra accroître de 55 % les quantités de nourriture produites pour nourrir toute la planète en 2030. Ce sont donc des quantités considérables d’eau douce supplémentaire qu’il faudra mobiliser à cette fin.

Pourtant, l’eau ne manque pas, mais les ressources sont très mal réparties et, surtout, très mal gérées. Si la prise de conscience grandit, si l’importance vitale de l’eau est aujourd’hui mondialement reconnue, les conflits d’usage liés à la rareté de la ressource sont encore trop souvent réglés de manière autoritaire.

La dernière conférence internationale de Mexico a d’ailleurs bien révélé les ravages résultant de cette absence de gestion démocratique de la ressource. Je pense notamment aux conséquences de la construction du barrage des Trois-Gorges en Chine sur l’écosystème du Yangzijiang comme sur l’économie agraire de cette région, mais aussi aux centaines de milliers de piscines privées construites dans notre pays, dans des régions de plus en plus confrontées à des phénomènes de sécheresse.

Parce qu’elle est une ressource rare et vitale, l’eau est un bien public de l’humanité. Sa gestion ne peut donc être que collective et démocratique. À ce titre, je tiens à saluer l’intelligence visionnaire du peuple uruguayen qui, en 2004, a inscrit par référendum dans sa Constitution − avec plus de 64 % des suffrages exprimés − que l’eau était un bien public. Cette révision constitutionnelle a établi que l’eau potable et le système d’assainissement constituaient « des droits de l’homme fondamentaux ». Avec une politique nationale désormais fondée sur une «gestion solidaire durable» de cette ressource, l’Uruguay est ainsi revenu sur toutes les privatisations qui avaient été décidées sous le règne de gouvernements libéraux inféodés aux États-Unis. Cet environnement international doit évidemment influencer, en partie, nos débats.

Certes, aucun risque de pénurie globale d’eau n’est à redouter dans notre pays. La France dispose d’une capacité de stockage élevée, en raison de sa pluviométrie généreuse, de ses montagnes enneigées…

M. Michel Bouvard. Très bien ! Il faut le rappeler ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. …de son réseau hydrographique étendu et de ses importantes nappes souterraines. Notre territoire est d’ailleurs probablement l’un des plus favorisés de la planète.

Cette chance ne doit cependant pas occulter les problèmes auxquels nous avons à faire face. Chaque année, notamment dans le Sud-Est, des inondations ravagent des villes entières. Chaque année, les pouvoirs publics sont interpellés sur les conséquences de l’urbanisation galopante à laquelle sont confrontées ces régions et sur leur capacité à maîtriser les écoulements d’eau. Mais aucune réponse viable à long terme n’est aujourd’hui apportée : nous savons bien que les modifications du climat ne pourront qu’exacerber la violence des orages qui, chaque année à la fin de l’été, touchent le Gard ou l’Hérault. Nous savons bien que l’artificialisation de dizaines de milliers d’hectares de terres agricoles chaque année ne pourra que redoubler les conséquences de ces inondations sur les habitations, les activités industrielles et commerciales.

De même, les épisodes de sécheresse sont de plus en plus fréquents. Le grand Sud-Ouest notamment, est depuis deux ans confronté à ce problème. Et ce n’est pas l’agriculture, avec la culture du maïs, mais simplement le manque de pluie, qui en est responsable. Les paysans n’irriguent pas pour le plaisir mais parce que leurs cultures ont besoin d’eau.

M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Exactement !

M. André Chassaigne. Cette réalité exige que l’on se dote d’ambitieux dispositifs de gestion quantitative des eaux, mais aussi que l’on oriente notre agriculture vers des productions moins consommatrices d’eau.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. André Chassaigne. Les paysans sont d’ailleurs de plus en plus sensibles à ce problème : en Poitou-Charentes, pour ne citer que cette région,...

M. Michel Bouvard. C’est à la mode !

M. Jean-Louis Dumont. Mais les modes passent !

M. Michel Bouvard. C’est bien d’en être conscient !

M. André Chassaigne. ...les assolements en maïs ont diminué de 30 % en deux ans. Aussi, ne pouvons-nous que désespérer de l’inaction des pouvoirs publics, le choix ayant été fait, au travers de la dernière loi de « désorientation » agricole,...

M. Antoine Herth. Oh !

M. André Chassaigne. ...– oui, j’ai bien dit « désorientation » ! – de laisser le marché réguler les productions.

N’oublions pas, non plus, que nous avons aussi besoin du maïs pour nourrir notre bétail et qu’il est difficile de faire pousser de l’herbe à sa place dans les régions qui manquent d’eau. Il ne saurait donc être question de diminuer les assolements en maïs sans, parallèlement, chercher à soutenir la production en France de substituts alimentaires pour le bétail. Sinon, nous n’aurions plus qu’à importer ce maïs. Nous aurions alors tout gagné : nos problèmes d’eau auraient simplement été déplacés à l’étranger et nos vaches seraient nourries au maïs transgénique !

Pour autant, la forte pollution de nombreux cours d’eau et nappes phréatiques, notamment dans toutes les régions de grande culture, grandes consommatrices d’engrais et de biocides, n’est pas sans nous interpeller. Les rejets de nitrates et de pesticides n’augmentent plus, il est vrai, depuis l’an 2000, du fait des efforts consentis par les paysans pour réduire leur consommation. Cependant, la pollution reste à un niveau bien trop élevé pour garantir le bon état écologique des eaux. Personne ne peut en effet contester, en raison de leur forte teneur en nitrates, ni la mauvaise qualité des cours d’eau et des nappes souterraines ni l’impact sur l’environnement de l’utilisation massive de pesticides.

Dans ce contexte, c’est la question même de la capacité des élus et des citoyens à maîtriser la gestion et la distribution de l’eau au moyen de politiques publiques, qui se pose.

La distribution d’eau potable est, depuis la Révolution française, une compétence essentielle des maires. Il s’agissait alors de confier au niveau administratif le plus proche des citoyens ce service public vital pour la population : parce que l’eau est un bien commun rare, sa distribution devait relever du choix de la communauté. Elle ne pouvait être assimilée à une marchandise que l’on échange ou achète comme n’importe quel bien de consommation courante.

Cependant les communes, de façon massive, ont finalement délégué à de grands groupes privés leurs compétences en matière de distribution et d’assainissement, du fait, notamment, de la complexification croissante de ces missions et de leur trop grande technicité. Aujourd’hui, les collectivités territoriales ont tout simplement perdu le contrôle du service public de l’eau. C’est donc bien la question de la maîtrise démocratique de la distribution de cette ressource qui est posée.

Mes chers collègues, c’est à l’aune de plusieurs questions que nous avons examiné le projet de loi qui nous est présenté : son adoption permettrait-elle une meilleure gestion qualitative des eaux ? Favoriserait-elle une gestion quantitative adaptée aux évolutions de notre climat et de notre économie ? Renforcerait-elle la gestion collective et démocratique de la ressource en eau ?

On ne peut que regretter à cet égard que ce projet se limite, de facto, à une transposition de la directive communautaire du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau. Certes, cette directive est loin d’être aussi mauvaise que les autres textes dont l’Union européenne nous accable habituellement. On y trouve même de petites merveilles,...

M. Jérôme Bignon. Deviendriez-vous européen ?

M. André Chassaigne. ...que nous ne sommes pas habitués à lire dans les textes juridiques du Gouvernement ou de la Commission européenne.

J’aime notamment beaucoup le premier considérant de la directive...

M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis. Vous êtes sur la bonne voie !

M. André Chassaigne. ...selon lequel « l’eau n’est pas un bien marchand comme les autres, mais un patrimoine qu’il faut protéger, défendre et traiter comme tel. »

M. André Flajolet, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Très bien !

M. Jérôme Bignon. Il ne faut donc pas désespérer de l’Europe !

M. André Chassaigne. Ce texte communautaire couvre cependant un champ bien trop réduit. Il se limite à une approche strictement écologique des questions de l’eau, occultant, ce qui n’est probablement pas un hasard, la dimension économique et politique de la gestion de l’eau,...

M. Jean-Louis Dumont. Et même stratégique !

M. André Chassaigne. ...en tant que ressource rare.

Atteindre un bon état écologique des eaux en 2015 est évidemment un objectif louable. Les députés communistes et républicains y sont particulièrement attachés. Toutefois ce ne sera jamais qu’un aspect parmi d’autres du problème et les limites mêmes de cette directive altèrent la qualité de votre projet de loi.

Nous soutenons, par exemple, la volonté du Gouvernement de rénover notre législation relative à la préservation des ressources en eau. Cependant le texte, tel qu’amendé au Sénat, me laisse perplexe au regard de la situation concrète sur le terrain.

Les objectifs de la loi doivent être clairs. Nous devons bien évidemment respecter les prescriptions de la directive communautaire et donc viser le « bon état écologique » des cours d’eau, mais cela implique de reconquérir nos rivières, en leur redonnant vie.

Je ne sais si le temps qui m’est imparti peut m’y autoriser, monsieur le président, mais permettez-moi à ce propos un petit aparté quelque peu bucolique.

M. le président. Sur notre terrain, monsieur Chassaigne, les arrêts de jeu ne sont pas décomptés ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Dumont. « Ô temps, suspends ton vol ! »

M. André Chassaigne. Faudrait-il se résoudre définitivement à ce que goujons, truites, tanches, ablettes et autres gardons, ne filent plus dans nos rivières avant d’honorer nos assiettes de leur chair tendre et fine ?

M. Jean-Louis Dumont. Intolérable !

M. André Chassaigne. Ne nous restera-t-il bientôt qu’un souvenir olfactif de court-bouillon de brochet et de fario poêlé ? Un simple souvenir, comme d’autres ont la madeleine de leur enfance ?

Il nous faut non seulement protéger les cours d’eau – je crois en avoir démontré la nécessité en déclamant ces quelques mots –, mais également chercher à y restaurer la vie autant qu’il est possible, donc prévenir tous les dommages qui pourraient encore les affecter. Par conséquent je ne peux que regretter que le Sénat, quoi qu’on dise, se soit contenté sur ce point de maintenir le statu quo. Trop d’amendements votés par la Haute assemblée révèlent un renoncement politique à améliorer l’état global de nos rivières, quitte à sanctuariser les rares cours d’eau qui échappent encore aux ravages de la pollution ou des installations hydrauliques. Une telle prise de position ne pourra qu’influencer de façon négative notre assemblée.

Bien sûr, il ne s’agit pas d’appliquer de façon brutale et stupide les dispositifs nécessaires à la restauration de la qualité de nos cours d’eau. La réalité locale ne peut se réduire à une opposition schématique entre une nature idéalisée, dont il faudrait obtenir la réminiscence, et la situation actuelle, qui serait la résultante de violations caractérisées de ces équilibres naturels par l’homme. Le texte conduit par trop à oublier combien la nature est apprivoisée depuis des millénaires par l’homme et combien cet apprivoisement n’est pas nécessairement synonyme de dégradation ou d’atteinte à l’environnement.

M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis. Très bien !

M. André Chassaigne. Je prends un exemple pour illustrer mon propos.

Le projet de loi interdit de s’opposer à la divagation naturelle des cours d’eau. Il me paraît en effet souhaitable d’arrêter de détourner le cours des rivières, détournements dont nous savons combien ils sont ravageurs. Cependant, pour préparer mes interventions sur ce projet de loi, j’ai réuni un conseil de circonscription, auquel j’ai invité à participer tous mes concitoyens intéressés par la question. Au sein de deux ateliers de travail qui les ont réunis au cours d’une quinzaine de réunions, maires, pêcheurs, gérants de micro-centrales, paysans, amoureux de la nature ont ainsi pu débattre, ce qui m’a permis d’approfondir ma réflexion et d’élaborer des amendements.

Dans l’une de ces réunions, un agriculteur, qui exploite une propriété située aux abords d’une rivière dont le lit ronge ses terres, a ainsi évoqué cette question de la divagation naturelle des cours d’eaux. S’efforçant logiquement de ralentir cette divagation naturelle, il s’est donc opposé sur ce point au projet de loi, d’autant que le lit du cours d’eau en question – il s’agit de la Dore – a commencé à changer après la construction, en amont du champ de cet agriculteur, d’un pont autoroutier traversant cette rivière. C’est donc une intervention humaine préalable qui a provoqué cette divagation aujourd’hui perçue comme naturelle. Comment dès lors le convaincre qu’il n’a pas le droit de résister à l’empiétement de ses terres par ce cours d’eau ?

Le projet de loi omet également de prendre en compte certains problèmes simples à l’origine de la dégradation de nos rivières. Prenons l’exemple des résineux.

Ces arbres ont été plantés en très grand nombre dans nos montagnes, notamment à proximité des berges de rivières ou de ruisseaux, ce qui a pour conséquence d’acidifier ces cours d’eau et de détourner une partie de leur débit qui manque aujourd’hui en aval. Ces plantations abîment les berges, accélèrent leur destruction et aggravent donc les problèmes d’ensablement constatés en aval.

Pourquoi alors ne proposez-vous pas, au nom de la reconquête de la qualité écologique de nos cours d’eau, madame la ministre, – mais vous pourrez toujours accepter mes amendements en la matière ! – de limiter les plantations d’arbres à proximité des berges et de substituer aux conifères des arbres feuillus ? C’est avec de telles réponses de bon sens aux problèmes que nous vivons dans nos territoires que vous êtes attendue.

De la même façon, je ne suis pas favorable à la multiplication de microcentrales hydroélectriques, dont l’apport en énergie serait trop faible par rapport au dommage écologique qu’elles engendreraient. Je ne conteste pas forcément leur utilité, non plus que celle des barrages.

M. Michel Bouvard et M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Très bien !

M. André Chassaigne. En effet nombre de ces barrages sont utiles sur le plan écologique en permettant de constituer des réserves d’eau vitales pour certaines régions, et en évitant que certaines rivières soient à sec pendant l’été.

M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. André Chassaigne. Tout cela montre combien la question du bon état écologique des cours d’eau ne peut être dissociée de celle de la gestion quantitative et de la création de ressources nouvelles. Nous ne pouvons pas prélever dans les nappes d’eau profonde l’eau que nous utilisons. Ces stocks sont bien trop précieux pour que nous nous permettions de les dilapider. Ainsi, ce sont bien nos modes de gestion, d’utilisation et de prélèvement des eaux de pluie qu’il nous faut réformer. Notre système de gestion quantitative des eaux manque en effet d’efficacité, comme en témoigne le débat opposant les agriculteurs irrigants à certains segments de l’opinion, sensibles aux sécheresses.

Comment pouvez-vous, madame la ministre, justifier la pauvreté de votre projet de loi sur ce point ? Après les sécheresses que nous avons vécues ces dernières années, celui-ci n’apporte aucune réponse pour celles à venir.

Les contraintes ne sont pourtant pas insurmontables : chaque année, le territoire bénéficie de 490 milliards de mètres cubes d’eau, dont 320 s’évaporent naturellement : nos ressources internes s’élèvent donc à 170 milliards de mètres cubes par an. Sur cette quantité d’eau, environ 40 milliards de mètres cubes sont prélevés chaque année, soit environ 24 % de la ressource disponible. Une marge existe donc pour mieux utiliser les ressources en eau dont nous disposons.

Parallèlement, il doit être possible de réaliser des économies sur ces prélèvements, notamment sur notre consommation nette, qui représente environ 5,5 milliards de mètres cubes, 43 % de ce volume étant consommés par l’agriculture, via l’irrigation, 42 % servant à la consommation d’eau potable, le reste étant utilisé par les activités industrielles ou énergétiques.

Ne pourrait-on pas rendre l’irrigation plus efficace ? Ne pourrait-on pas réduire les pertes considérables d’eau durant son transport ? Ne pourrait-on pas limiter l’utilisation des canons à neige ? J’espère que l’insuffisance de vos réponses à ces questions ne signifie pas qu’il ne faut rien attendre du Gouvernement en la matière.

Certes, l’article 14 du projet vise, conformément à l’exposé des motifs, à développer la gestion collective de l’eau par les agriculteurs irrigants. Toutefois je ne vois pas en quoi le dispositif proposé permettra de donner une forte impulsion à ces organes de gestion. En outre, doit-on en limiter l’accès aux paysans ? Ne peut-on pas, par exemple, y faire adhérer les golfs, gros consommateurs d’eau ?

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable. C’est fait.

M. André Chassaigne. Nous attendons sur ce point que l’État ou, mieux encore, le futur office national des eaux et des milieux aquatiques, l’ONEMA, organise, soutienne, encadre la création et le fonctionnement de ces organismes mandataires, compétents pour la gestion collective de la ressource en eau.

Cet exemple montre malheureusement le manque d’ambition de votre projet pour tout ce qui concerne la planification et le rôle des différents acteurs institutionnels de la politique de l’eau.

Nous n’avons pas à inventer un mode de gouvernance radicalement nouveau : les lois de 1964 et de 1992 ont laissé à la disposition des acteurs de la politique de l’eau, avec les agences de l’eau, les comités de bassin et les schémas d’aménagement des eaux, des outils fortement ancrés dans chaque bassin hydrographique.

Cependant force est de constater que ce dispositif présente trop de lacunes pour répondre à toutes les problématiques auxquelles nous sommes aujourd’hui confrontés. Il n’a ainsi pas compétence en ce qui concerne la gestion quantitative des eaux. Il ne permet aucune régulation des politiques des communes en matière de distribution et d’assainissement, laissant les élus locaux à la merci des multinationales spécialisées en ce domaine.

Pour résumer, alors que l’eau est un bien public rare, nous ne disposons pas, aujourd’hui, du cadre institutionnel en adéquation avec la nécessité de gérer démocratiquement et collectivement cette ressource, avec notre volonté d’aller vers une réelle maîtrise publique de l’eau.

C’est bien pourquoi nous ressentons l’irrépressible besoin de déployer les outils de régulation publique actuellement à notre disposition, pour leur donner leur pleine mesure. Notre objectif est bien de proscrire, à terme, les règlements impérieux des différents conflits d’usage de l’eau, l’appropriation privée de la ressource en eau et, bien évidemment, de réduire les profits exorbitants des multinationales exploitant ce bien public.

Vous comprendrez donc, madame la ministre, notre déception face à votre projet de loi. Nous ne contestons pas les quelques pas dans le bon sens qui sont réalisés. En donnant au Parlement le pouvoir de définir les orientations prioritaires des programmes pluriannuels d’intervention des agences de l’eau, le plafond de leurs dépenses et le régime de leurs redevances, en précisant les compétences et les liens entre les comités de bassin et les agences de l’eau, vous contribuez à donner un peu de cohérence politique aux politiques de l’eau.

Néanmoins ces avancées sont malheureusement contrebalancées par le sort réservé aux agences de l’eau, dont les missions pourraient bientôt se limiter à verser des subventions, et, surtout, par l’indétermination du rôle précis du futur office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA.

L’édifice construit par ce projet est, mes chers collègues, brinquebalant ; je ne vois pas en quoi il pourra incarner le volontarisme politique que nous savons nécessaire pour la politique de l’eau.

Ainsi, la maîtrise publique que nous appelons de nos vœux ne pourra être effective sans être manifeste à tous les niveaux de la chaîne, depuis le prélèvement de la ressource jusqu’au service public de l’assainissement.

Beaucoup de maillons manquent aujourd’hui à cette chaîne. Ainsi, la délégation de service public est devenue, au fil de la complexification des normes environnementales et de l’avancée des idées libérales dans la société, le modèle dominant de gestion de l’eau. En 2001 – ce chiffre est ancien, mais vous en avez sans doute des plus récents, madame la ministre – la délégation de service public fournissait 79 % des usagers pour la distribution de l’eau et assumait 53 % de l’assainissement. La part de la régie a connu un déclin relatif au cours des vingt dernières années puisque, en 1980, elle avait encore la charge de 40 % de la distribution d’eau.

La domination de ces firmes fermières sur le secteur de la distribution d’eau est donc, aujourd’hui, extrêmement forte. La Cour des comptes a ainsi estimé, à plusieurs reprises, que « les collectivités n’ont pas toujours une connaissance suffisante des services dont elles conservent la responsabilité », ajoutant qu’elles finissent par ne plus être en mesure « d’éviter certaines dérives et notamment la progression injustifiée de certaines charges ».

Dans son dernier rapport public particulier dédié à l’eau, publié en décembre 2003, la Cour des comptes soulignait à nouveau : « Les chambres régionales et territoriales des comptes ont constaté que les outils dont disposent les collectivités territoriales pour contrôler la gestion de leurs services d’eau et d’assainissement n’étaient pas suffisamment développés. Pourtant, le renforcement de ces outils permettrait aux collectivités territoriales de pouvoir exiger de l’exploitant les informations nécessaires à l’appréciation de la qualité du service. »

Dans le même temps, certaines municipalités s’engagent dans des processus de remunicipalisation de leur service de distribution d’eau, à terme des contrats de concession. Certains maires profitent même de la légalité parfois douteuse de certains contrats de concession pour les rompre avant terme, comme vient de le faire, avec la bénédiction du tribunal administratif de Toulouse, le maire de Castres, membre de la majorité parlementaire.

Enfin, les associations de consommateurs dénoncent aussi, de manière courageuse, les profits exorbitants réalisés par ces firmes sur le dos des consommateurs, avec des conséquences graves sur la crédibilité des élus locaux.

Ce nouvel état d’esprit semble pourtant insuffisant : le Gouvernement ne prévoit en aucun cas d’encourager ces efforts ou de satisfaire ces exigences. Rien n’est proposé pour accroître la maîtrise publique sur les services de distribution d’eau et d’assainissement. Pire, le Sénat a même voté un article destiné à casser un arrêt du Conseil d’État de 2003 qui autorisait les conseils généraux, au nom de leur libre administration, à privilégier les communes qui avaient conservé leurs régies municipales.

La faiblesse du contrôle des prélèvements d’eau ou, plutôt, le caractère sélectif de ces contrôles figure aussi parmi les multiples chaînons manquants de la politique de l’eau actuelle, sur lesquels votre projet est désespérément muet. Ainsi, nous déplorons l’absence complète de contrôle des entreprises commercialisant les eaux minérales ou les eaux de source, et c’est un Auvergnat qui vous le dit. Pourtant, comme le disait Alexandre Vialatte, ce sont les Auvergnats qui ont inventé l’eau minérale.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Non, ce sont les Romains.

M. André Chassaigne. Ces eaux sont prélevées sur la ressource souterraine, qui n’appartient à personne, et elles sont privatisées par ces embouteilleurs, en contrepartie du paiement d’une redevance ridiculement faible. C’est un pillage légal qui est ainsi organisé, sans que personne ne se soucie de la pérennité de la ressource, des conséquences de ces prélèvements sur l’environnement ou bien encore des profits exorbitants réalisés par ces sociétés.

Cet exemple nous montre combien la maîtrise publique que nous appelons de nos vœux pour mieux gérer cette ressource rare et précieuse qu’est l’eau exige, au préalable, une transparence à toute épreuve, un contrôle étroit et permanent des collectivités élues, et, enfin, évidemment, une meilleure implication des usagers de l’eau, quels qu’il soient ; je pense notamment aux associations de consommateurs, aux associations de pêcheurs, aux organisations agricoles. C’est aussi par le dialogue que l’on avancera et que l’on préviendra de nombreux conflits d’usage.

En donnant un sens à cette politique de l’eau, en laissant ses usagers s’approprier cette politique, en identifiant clairement ses objectifs, à savoir la gestion quantitative et qualitative de la ressource, on légitimera d’autant plus son mode de financement. Précisément, nous savons que celui-ci n’est pas satisfaisant : il est injuste, écologiquement inefficace, économiquement insuffisant.

À la lecture de la presse, le débat semble pourtant simple : les paysans polluent ; il faut donc faire payer les paysans. Si l’on peut tous admirer la clarté du slogan, on peut aussi en critiquer le simplisme.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Là…

M. André Chassaigne. Attendez la suite avant de m’applaudir.

On peut aussi rappeler que, au-delà du bien commode principe pollueur-payeur, il est généralement nécessaire de pousser la réflexion un peu plus loin et d’aller chercher les responsabilités réelles.

Ainsi, les agriculteurs sont-ils vraiment les seuls responsables des fortes concentrations de nitrates constatées dans nos rivières ? L’industriel qui a vendu ses engrais n’a pas pollué directement cette rivière. Les commissaires de Bruxelles non plus. C’est pourtant bien la politique agricole commune qui, à force d’encourager la baisse des prix agricoles, est parvenue à mettre sous tutelle l’agriculture pour mieux la dominer et l’enferrer dans une logique productiviste qui sert bien plus les intérêts des grands groupes financiers que des agriculteurs.

M. Jérôme Bignon. Le discours était meilleur au début.

M. André Chassaigne. On voit que c’est bien davantage notre système économique qu’il faut interroger, plutôt que de faire reposer la responsabilité des pollutions sur le seul dos des paysans, dont les épaules, je le rappelle, n’ont jamais été aussi fragiles.

De la même façon, on ne peut pas réduire la question du financement de la politique de l’eau à celle des redevances contre les pollutions. Ce débat occulte ainsi de façon tout à fait scandaleuse la question de l’accès de chacun à l’eau. Nous devons profiter de l’examen de ce projet pour proclamer un droit à l’eau et pour garantir l’effectivité de ce droit ; vous en avez d’ailleurs parlé ce matin, madame la ministre. Personne ne doit être exclu, dans un pays civilisé comme le nôtre, d’une ressource aussi vitale et essentielle que l’eau. C’est juste une question de dignité.

Toutes nos propositions d’amendement visent à répondre à ces préoccupations.

Nous proposerons, par exemple, que l’ONEMA devienne la colonne vertébrale de politiques publiques autrement plus ambitieuses en matière de gestion de l’eau, une véritable administration de mission autour de laquelle pourront se structurer les interventions des collectivités territoriales, des comités de bassins et des agences de l’eau.

Il ne s’agit pas de recréer une sorte de Gosplan aquatique. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) L’objectif n’est pas, en effet, de créer une nouvelle structure administrative ni de nationaliser la gestion de l’eau. Non ! Nous voulons simplement que cet établissement public soit un instrument politique au service des collectivités territoriales, des acteurs économiques et des citoyens intéressés par la gestion de l’eau.

C’est pourquoi il nous paraît essentiel de donner à l’ONEMA l’autorité scientifique à même de conseiller toutes les personnes concernées par la politique de l’eau. L’ONEMA devra ainsi renseigner, aider, impulser, donc optimiser la gestion tant qualitative que quantitative de la ressource en eau au niveau de chaque bassin.

Néanmoins sa mission sera aussi d’assister les collectivités territoriales en leur donnant l’expertise scientifique et technique qui leur fait souvent défaut aujourd’hui, notamment face aux monopoles privés spécialisés dans la distribution d’eau et l’assainissement, dont les grandes compétences techniques ne peuvent aujourd’hui être remises en cause.

Afin de donner une plus grande cohérence et une plus grande unité aux instruments de la politique de l’eau dont nous disposons, nous proposerons que les agences de l’eau constituent l’outil de l’enracinement territorial de cet ONEMA aux compétences élargies. Les missions de ces agences de l’eau seraient donc étendues, et leur autonomie conservée.

L’ONEMA, par le biais des comités de bassins et des agences de l’eau, aura donc aussi une mission de conseil et d’assistance auprès des collectivités territoriales. Cela permettra ainsi de renforcer le contrôle par les pouvoirs publics de la bonne exécution, par les délégataires privés, de leurs obligations contractuelles, afin de prévenir d’éventuels enrichissements sans cause. Elle disposera d’un bras, la police de l’eau, dont les missions devraient être reprécisées et dont le nombre d’agents devrait être augmenté, afin de lui donner les moyens d’accomplir véritablement ses missions.

Enfin, il convient de combler – ce devra être le rôle des comités des bassins – l’énorme déficit démocratique dont souffre aujourd’hui la politique de l’eau. Nous devrons chercher à renforcer la notoriété de ces comités de bassin et la transparence de leur fonctionnement. Il faudra notamment rendre possible l’interpellation de ces comités de bassin par les citoyens. Nous ne parviendrons pas à conquérir cette maîtrise publique sans renforcer les moyens de participation et de décision de tous les acteurs de la police de l’eau. La représentation des usagers de l’eau devrait être singulièrement renforcée, tout comme celle des salariés du secteur.

C’est évidemment à partir de cette colonne vertébrale que pourra s’articuler une politique de l’eau véritablement alternative : en donnant aux usagers de l’eau et aux collectivités territoriales les moyens politiques, techniques, financiers de s’approprier les enjeux de cette politique de l’eau, on parviendra, progressivement, à gérer collectivement, démocratiquement, cette ressource.

Pour faciliter cette évolution, nous devrons obtenir, pour les salariés du secteur, un statut des salariés de l’eau et de l’assainissement, à même de maintenir les droits et avantages de ces salariés, notamment en cas de remunicipalisation de la distribution de l’eau et de l’assainissement. Un tel statut devrait proclamer un ensemble de droits individuels des salariés, opposables à tout employeur et transférables d’une entreprise à une autre, afin que le statut des salariés ne soit plus un obstacle au choix de la gestion publique.

Cette vision collective nous permettra également de dépasser, sur le terrain, les nombreux conflits existant entre les différents usagers de l’eau.

Ainsi, nous constatons la nécessité de préserver les zones humides, de protéger les dynamiques fluviales dans les terrains latéraux et en amont des rivières, lesquelles constituent de grands réservoirs d’eau, donc d’éviter les cultures intensives sur les plaines alluviales, mais aussi de ralentir l’artificialisation de ces terrains.

Toutefois ces changements de comportements ne pourront être mis en œuvre sans indemniser les paysans qui travaillent sur ces terrains, sans discuter, avec eux, de ce qu’il est bon de faire ou de ne pas faire dans ces zones. Ces prescriptions ne pourront être réalisées sans que ne soient lancées des démarches d’acquisition foncière, bref sans intervention de la puissance publique, à l’image notamment de ce qu’a pu réaliser le Conservatoire du littoral sur nos côtes.

M. Jean Launay. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Je milite non pas pour la sanctuarisation d’une partie de nos territoires, mais plutôt pour la prise en compte des caractères spécifiques de certaines zones, dont la méconnaissance explique aussi la violence des inondations que l’on connaît aujourd’hui.

M. Jean Launay. Très juste !

M. le président. Monsieur Chassaigne, il faudrait conclure.

M. André Chassaigne. Je termine, monsieur le président.

Il s’agit simplement de prévenir les conséquences écologiques de l’activité humaine, notamment en aval, afin de limiter l’impact des crues, de ralentir l’accélération du débit des rivières, de maîtriser de façon intelligente la ressource en eau.

C’est aussi pour répondre à tous ces problèmes que nous considérons comme essentiel le fait que l’office national de l’eau et des milieux aquatiques et les agences de l’eau disposent des moyens et de l’autorité juridique nécessaires. Sans cela, la France ne pourra ni reconquérir la bonne qualité écologique de ses cours d’eau ni améliorer la gestion quantitative de cette ressource.

Votre projet, madame la ministre, est muet sur beaucoup de ces points. Il ne permettra donc pas, par manque d’ambition, par manque d’audace, de respecter les objectifs de la directive communautaire de 2000 que nous faisons nôtre.

Vous-même et les rapporteurs, vous présentez ce projet de loi comme un texte complet, avec des réponses excellentes, avec des réponses salvatrices même. Pour ma part, je n’ai pu m’empêcher, à l’étude de ce texte, de penser à cette phrase sublime que le beau Tancrède dit à son oncle Salina, le vieux représentant de l’ancien régime, dans le magnifique film de Visconti, Le Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change. »

Voilà pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Jean-Charles Taugourdeau. Dommage que cela se termine ainsi !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie et du développement durable.

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable. Monsieur Chassaigne, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention et je répondrai sur le fond à toutes vos interrogations, en espérant vous convaincre sur un nombre important de points qui vont dans le bon sens.

J’ai noté que vous aviez souligné des avancées, même si elles ne sont pas, semble-t-il suffisantes. Depuis des mois que nous nous concertons sur ce projet, j’ai eu le sentiment – partagé sans doute par le rapporteur dont je salue le travail – qu’il existait, sur l’ensemble de ces bancs, une réelle volonté d’aller de l’avant, en tout cas de voter ce texte dans les meilleurs délais.

Sans doute cette loi est-elle imparfaite ; sans doute pourrions-nous aller plus loin ; sans doute peut-on regretter qu’il y manque certaines dispositions, mais elle a du moins le mérite de rendre constitutionnelles les redevances des agences de l’eau,…

M. François Sauvadet. C’est vrai !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. … de préserver les milieux aquatiques, de mieux cadrer la politique de l’eau.

Ainsi que vous l’avez vous-même souligné, une police de l’eau est aujourd’hui nécessaire, tout comme l’est l’ONEMA, dont je précise qu’il ne sera pas une structure de plus, reproche que l’on adresse souvent à l’État. En fait il remplacera le CSP et permettra d’appréhender tous les problèmes de l’eau auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. J’exposerai, dans le cours de la discussion, sa structure et les missions qui lui sont dévolues.

Sans vouloir vous faire de peine, je pense que chacun, y compris vous-même, monsieur Chassaigne, juge important que cette loi soit votée et que nous puissions nous appuyer sur un cadre législatif.

Cela est important pour les agences de l’eau, qui s’apprêtent à mettre en route leur neuvième programme et doivent pouvoir se positionner ; cela est important aussi pour les communes rurales, qui désespèrent aujourd’hui de ce qu’elles vont devenir et auxquelles cette loi garantit un apport de 150 millions d’euros par an en moyenne pour les six années à venir, afin de financer les travaux indispensables.

Je vous répondrai sur d’autres sujets à la fin de la discussion générale.

Quoi qu’il en soit vous avez tous eu le courage et la volonté de travailler de manière constructive et consensuelle sur ce projet, et il est important que nous ne retardions pas aujourd’hui son vote, sans quoi nous paralyserions des évolutions nécessaires, notamment quant à la prévision des phénomènes de sécheresse qui ne nous serons pas épargnés dans les années à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Jean Launay, pour le groupe socialiste.

M. Jean Launay. La question préalable défendue par André Chassaigne a eu le mérite de mettre l’accent sur quelques points que je veux reprendre.

Il a d’abord parlé de l’eau-patrimoine et souligné l’évolution des consciences sur le fait que l’eau est un bien rare. Il a évoqué les évolutions climatiques et leur impact sur l’eau. Un bon état écologique exige à la fois de prendre conscience de la gravité des pollutions et d’assurer la mise en place de politiques adaptées pour assurer la bonne qualité des eaux, tout en prenant en compte la question de la gestion quantitative de la ressource.

André Chassaigne a ensuite démontré que nos comportements passés ont souvent été fautifs et que les solidarités amont-aval sont des réalités. En développant ce thème, il a souligné le besoin de réorienter l’agriculture vers des productions moins consommatrices d’eau, la nécessité de restaurer la qualité des cours d’eau, et évoqué avec poésie les produits de la pêche. Il aussi abordé – ce sera un point important de notre débat – la question des zones humides et le nécessaire ralentissement de l’artificialisation des terres.

En troisième lieu, un autre des grands mérites de cette question préalable a été d’aborder le sujet de la gestion publique de l’eau. À cet égard André Chassaigne a souligné les importants profits des exploitants des réseaux publics d’eau et d’assainissement, qu’il a qualifiés de modèle dominant de gestion de l’eau. Il a aussi évoqué la nécessaire maîtrise publique de la chaîne de l’eau, du prélèvement de la ressource au traitement de l’assainissement, et l’indispensable implication des élus dans les instances de l’eau, comités de bassin et conseils d’administration des agences.

En quatrième lieu, André Chassaigne a bien insisté sur la nécessité d’un contrôle étroit et permanent des élus et d’un dialogue avec les usagers afin qu’ils puissent s’approprier au mieux le problème. Il a également rappelé combien il était important d’avoir un discours stable et assuré sur les moyens financiers destinés à la reconquête de la qualité de l’eau.

Madame la ministre, vous avez bien voulu honorer André Chassaigne d’une réponse. Je suis heureux qu’il l’ai eue, ne l’ayant pas reçue moi-même après l’exception d’irrecevabilité que j’ai défendue ce matin. A croire que la pédagogie de la répétition produit ses effets ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Si le débat est important en soi, un bon diagnostic préalable l’est tout autant, et c’est le mérite de nos deux motions de l’avoir posé. Vous avez évoqué les travaux que les collectivités doivent entreprendre en matière d’équipement, et nous avons l’un et l’autre pointé l’enjeu essentiel concernant l’eau : celui du bon état écologique et de la qualité retrouvée.

Nous voterons donc cette question préalable, car elle procède d’une démarche utile (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains).

M. le président. Monsieur Launay, Mme la ministre vous répondra dans la discussion générale. Vous serez donc satisfait.

Pour le groupe UMP, la parole est à M. Jérôme Bignon.

M. Jérôme Bignon. Je répondrai en quelques mots à la motion déposée par le groupe communiste.

Qu’un projet puisse être amendé, cela n’est pas douteux. Mille amendements ont été déposés, qui témoignent de notre imprescriptible droit d’amendement inscrit dans la Constitution et auquel nous sommes tous très attachés. Qu’on puisse, en revanche, soutenir sérieusement qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur un sujet de ce type paraît excessif.

Cher André Chassaigne, du bucolique au dogmatique vous êtes passé d’un pas alerte, et je ne retiendrai donc que la première partie de votre motion de renvoi, car elle justifie pleinement l’urgence à délibérer. Pour le Gosplan aquatique, je renverrai à d’autres lieux le débat sur ce sujet.

Le très sérieux travail effectué par nos rapporteurs, André Flajolet et Philippe Rouault, qui ont multiplié auditions et visites sur le terrain, l’important travail en commission assuré sous la présidence et l’autorité de Patrick Ollier et auquel vous avez largement participé, justifient que nous délibérions aujourd’hui en vue d’adopter le texte que le Gouvernement nous propose.

Michel Rocard qui s’exprimait dans un point de vue paru il y a quelques semaines dans Les Échos, à l’occasion du forum de Mexico, commençait son propos en écrivant : « Qu’y a-t-il de plus vital pour l'espèce humaine et pour la vie en général que l’eau ? »

M. Jean Gaubert. Belle référence !

M. Jérôme Bignon. La nature est riche en eau, et l’humanité aura vécu largement plus de dix millénaires sans se poser de questions à son égard. On puise, on use, on jette et on renvoie le plus souvent dans les rivières ou à la mer. Or nous pourrions bien finir par en manquer et, quand on voit les combats que les hommes sont capables de se livrer sur le pétrole, on devine que le manque d’eau pourrait bien avoir les conséquences les plus dramatiques.

Comme de nombreux orateurs l’ont déjà dit, 1,5 milliard d’habitants de la planète n’a pas accès à l’eau potable ; trop d’enfants et de personnes fragiles meurent chaque jour des maladies liées au manque d’eau potable. Les pays industrialisés consomment entre 400 et 600 litres d’eau par jour et par personne, alors que les plus pauvres, en Afrique subsaharienne, n’en consomment que 20 litres.

Ces considérations démontrent, s’il en était besoin, qu’il est de la responsabilité de la France, en raison de son engagement en matière d’environnement et de développement durable, d’actualiser les deux lois fondatrices de 1964 et de 1992.

Tous les spécialistes s’accordent à constater une dégradation de la ressource en eau. Aussi est-il nécessaire et urgent d’améliorer la protection de sa qualité. Néanmoins cela n’est pas suffisant : il faut également mieux gérer la ressource, globalement abondante dans notre pays, car, chaque année, nous constatons et déplorons la sécheresse qui se fait cruellement sentir dans de larges zones du territoire national.

L’assainissement des eaux usées constitue, lui aussi, un enjeu central et il convient de délibérer pour aider les communes rurales à faire face à l’obligation, mal préparée en 1992, de mettre en place le service public de l’assainissement non collectif.

Le débat dont veut nous priver M. Chassaigne poursuit encore deux objectifs.

Le premier est de mettre la France en conformité avec ses obligations communautaires. La directive-cadre de 2000 a en effet fixé un calendrier qui paraissait lointain quand il a été adopté mais dont les échéances se rapprochent extrêmement vite. Nous devons sans tarder nous mettre en marche pour être en mesure de mieux appliquer la réglementation communautaire ; mieux vaut le faire, comme le rappelait Patrick Ollier, par le dialogue que par des mesures coercitives et contre-productives.

Le second est de rendre constitutionnel le dispositif de redevance des agences de l’eau.

M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis. Exact !

M. Jérôme Bignon. C’est urgent. Personne, parmi ceux qui étaient au pouvoir à l’époque, n’a eu la présence d’esprit de le faire en 1992. Il faut donc saisir notre chance aujourd’hui.

Nous devons enfin améliorer la gouvernance dans le domaine de l’eau. Les personnes et les outils susceptibles d’influencer la politique de l’eau sont nombreux et manquent de cohérence. Là encore, il est urgent de délibérer pour faire en sorte, comme l’écrit André Flajolet dans son intéressant rapport « que l’organigramme du pouvoir de décision ou d’élaboration d’une politique déterminée ait une structure pyramidale de telle sorte que les orientations puissent être traduites de manière efficace au niveau local ».

Nous sommes tous conscients, malgré les postures, de l’urgence, de la pertinence et de la nécessité de ce projet de loi. Sur les mille amendements qui ont été déposés, nombreux seront ceux, à n’en pas douter, que le Gouvernement acceptera, car ils tendent à enrichir et à améliorer le texte. Ne tardons donc pas davantage à ouvrir le débat.

Le groupe UMP, par ma voix, vous invite à rejeter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe de l’Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe UDF.

M. François Sauvadet. Je démarrerai là où a conclu mon prédécesseur, en disant que nous ne vous suivrons naturellement pas, monsieur Chassaigne, sur cette question préalable.

En effet, si vous regardiez le règlement de notre assemblée – ce que vous ne manquez pas de faire, puisque vous avez ouvert notre séance de ce matin par un rappel au règlement –, vous pourriez constater, comme moi, que la question préalable a pour objet de faire décider par l’Assemblée qu’il n’y a pas lieu à délibérer. Or je ne crois pas que vous le souhaitiez vous-même. Vous avez d’ailleurs pris une part active aux débats en commission des affaires économiques, en déposant des amendements dont deux ont été retenus, ce que vous avez salué. Cela montre bien que, non seulement, il y a matière à délibérer, mais aussi que vous prendrez une part active à ces délibérations, comme nous tous.

Jérôme Bignon a cité Michel Rocard, chacun ses sources. Je m’en tiendrai plus prosaïquement à ce qu’a dit Mme la ministre sur les enjeux liés à ce texte et sur lesquels nous sommes d’accord.


Nous débattrons ainsi des assurances que l’on doit donner aux communes rurales. À cet égard, je vous rappelle que nous avons connu une longue période durant laquelle une réflexion a été engagée dans certains départements sur nos systèmes d’assainissement, sur la préservation de l’eau potable, sur la mise en place des services publics d’assainissement non collectif. La mécanique étant lancée et nos compatriotes étant sensibilisés, il faut maintenant donner des assurances quant aux moyens financiers qui seront apportés aux communes et aux syndicats pour atteindre un objectif que nous partageons, monsieur Chassaigne : progresser d’ici à 2015 dans la protection de ce patrimoine commun qu’est l’eau.

Je suis complètement d’accord avec vous pour reconnaître que l’eau est un patrimoine commun. Nous devons donc nous dégager des idéologies et de tout a priori, et nous doter d’outils modernes pour que les collectivités, les industriels, les agriculteurs se voient un avenir dans la préservation de l’environnement. Il nous appartient d’arbitrer entre deux aspirations tout aussi légitimes l’une que l’autre : la préservation de l’environnement et l’impératif de poursuite du développement économique. Nous devons faire partager ces deux exigences et cela passera par la voie de l’incitation, plus que par celle de la contrainte. L’UDF s’inscrit dans cette philosophie.

Vous vous êtes livré à un bel exercice, monsieur Chassaigne ; c’était sympathique, mais il faut maintenant passer aux choses sérieuses et examiner nos amendements, comme les vôtres. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je m’étais préparé à intervenir, car j’avais mesuré le rapport de forces dans cet hémicycle et j’avais bien compris que la demande très argumentée de M. Chassaigne avait fort peu de chances d’être suivie d’effets.

M. Michel Piron. C’est une question d’arguments !

M. Jean Gaubert. Beaucoup de choses ayant déjà été dites, notamment par Jean Launay, je me bornerai à évoquer quelques sujets.

Je commencerai par la genèse.

Nous avons été accusés de ne pas avoir fait ce qu’il fallait en 2002, de l’avoir fait trop tard.

M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis. C’est un constat !

M. Jean Gaubert. Cela fait maintenant quatre ans que vous êtes au pouvoir ; il y a déjà eu trois ministres de l’écologie et c’est seulement aujourd’hui que l’on aborde l’examen de ce texte. Soit il y avait urgence et vous auriez dû commencer par ça, soit ce n’était pas le cas, ce qui mérite d’être débattu, et nous en sommes seulement là…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il a fallu corriger vos erreurs !

M. Jean Gaubert.… avec trois ministres successifs et une première lecture au Sénat qui a eu lieu il y a exactement treize mois. Je veux bien admettre que le changement de ministre y est pour quelque chose, mais ne nous reprochez pas de ne pas avoir fait ce que vous n’avez pas été capables de faire depuis quatre ans.

Certes, ce texte, comme tous les autres, ne comporte pas que de mauvaises mesures (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Heureusement, mais nous sommes très loin du compte. Nous essaierons donc de l’améliorer pour le rendre plus compatible avec les enjeux sur lesquels nous sommes tous d’accord ; c’est sans doute l’un des seuls points de consensus.

Le principe pollueur-payeur et son corollaire, le principe « pas pollueur-pas payeur », ne marquent pas vraiment ce projet de loi. Toutefois certaines comparaisons ne sont pas justes : « comparaison n’est pas raison », comme on dit ! Il est en effet injuste et parfaitement malhonnête de comparer la redevance annuelle payée par certains et la subvention pour investissements, qui ne sera perçue qu’une fois ; je pense aux agriculteurs, mais pas à eux seuls.

M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Jean Gaubert. Il faudra mesurer dans le temps ce que paieront ceux qui auront reçu une fois une subvention. Il faut le préciser, car l’on entend parfois des affirmations qui ne sont pas justes.

M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis. Nous sommes d’accord !

M. Jean Gaubert. Nous devons poser de vrais problèmes pour pouvoir y apporter de vraies solutions.

M. Jean Launay. Très bien !

M. Jean Gaubert. Monsieur le rapporteur, vous avez abordé la question de l’opposition entre répression et persuasion et vous avez dit : « Nous, nous sommes pour la persuasion ; vous, vous êtes pour la répression. »

M. Jean Launay. C’était une caricature !

M. Jean Gaubert. Ce n’est pas si simple ! Nous ne sommes pas par principe pour la répression. Vous n’avez pas le droit de faire un raccourci aussi rapide.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est moi qui ai dit cela ! J’assume !

M. Jean Gaubert. Alors, M. le rapporteur l’a répété !

Il faut les deux, car si, au bout de la persuasion, il n’y a pas la menace du bâton, il est des gens que l’on ne persuadera jamais. Vous le savez bien d’ailleurs, puisque c’est votre gouvernement qui a mis en place les radars sur les routes. Vous avez bien compris qu’il ne suffisait pas de faire des campagnes sur la sécurité routière pour que les gens soient enfin raisonnables. S’ils se sont assagis, c’est par peur de l’amende et de la perte de points. Nous sommes dans la même situation pour les problèmes liés à la pollution de l’eau : certains ont du mal à comprendre qu’il est de leur intérêt de faire des efforts.

En 2002, lorsque cette majorité et le gouvernement qu’elle soutenait ont laissé entendre en Bretagne que les obligations environnementales seraient assouplies, les dépôts de projets de traitement du lisier – je connais le sujet – se sont espacés dans le temps, alors qu’il y avait urgence. Pis encore, les gens qui avait joué le jeu avant se sont dit : « Mais nous sommes des idiots ! Nous avons fait ce travail, nous supportons des charges, et maintenant la règle n’est plus la même alors que la pollution continue d’exister ! » Voilà la situation à laquelle vous nous conduisez en laissant croire qu’il ne pourra jamais y avoir de répression.

M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis. Les élevages les plus importants avaient lancé des traitements !

M. Jean Gaubert. Il faut bien prévoir des dates butoirs parce que l’enjeu est fort.

M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis. Ce n’est pas la panacée !

M. Jean Gaubert. J’ai commencé par rappeler que nous étions pour la pédagogie, et nous l’avons démontré à plusieurs reprises. Il ne faut pas opposer les uns aux autres de façon manichéenne ; ce serait trop simple.

J’en viens au problème des algues vertes.

Alain Gouriou en aurait parlé s’il avait été là, car sa circonscription est plus concernée que d’autres. Cela étant, ce problème n’est plus spécifique à la Bretagne, puisqu’il commence à se poser en Basse-Normandie et en Haute-Normandie. Il est, certes, lié aux pollutions par les nitrates et les phosphates, lesquelles proviennent souvent de l’épuration urbaine,…

M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Jean Gaubert.… mais il est souvent accentué par des caractéristiques géographiques. Pourquoi, dans mon département, les algues vertes prolifèrent-elles beaucoup plus dans les secteurs où il n’y a pas de production hors sol que dans les autres ?

M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis. Très bonne analyse !

M. Jean Gaubert. A Paris, on accuse les productions hors sol d’être à l’origine de ce problème, mais il ne faut pas oublier que la surfertilisation ne concerne pas que la production hors sol ; elle est liée aussi à l’utilisation des engrais chimiques. Il faut donc s’attaquer à l’ensemble des problèmes de surfertilisation. Dans les rivières où les taux de nitrate sont relativement bas, il y a quand même des rejets et les algues vertes apparaissent plus dans des baies fermées, avec des estrans plats, et, surtout, dans les secteurs où se produisent de fortes marées.

M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis. Et où l’on constate des apports de phosphore !

M. Jean Gaubert. En effet, je l’ai déjà souligné. Vous ne deviez pas m’écouter, mais cela n’est pas grave : deux fois la même vérité, cela vaut mieux qu’une erreur !

Le problème est donc beaucoup plus difficile à résoudre qu’on ne l’avait cru au début. Nous examinerons d’ailleurs, à l’article 31, un amendement tendant à permettre aux régions, en tant que chefs de file, d’expérimenter des programmes de gestion adaptés à cette question.

En Bretagne se pose également le problème des barrages construits sur des cours d’eau à faible débit. Certains cours d’eau, dans cette région, s’apparentent en effet à des oueds puisque, à certains moments, ils ne coulent plus.

À ce propos je rappelle que ces barrages ont d’abord été construits pour constituer des réserves d’eau. On voudrait de temps en temps les utiliser comme des soutiens d’étiage, mais malheureusement, madame la ministre, si on le faisait il n’y aurait plus d’eau pour les habitants. Il faut que le projet de loi tienne compte de cette situation, car nous ne pouvons restituer ce que nous n’avons pas. La bonne solution, c’est la restitution à l’aval de ce qui rentre en amont en période de faible débit. Je tenais à le souligner, car je sais que cela n’est pas toujours bien compris.

Je veux aussi aborder un autre sujet dont on n’a jusqu’ici que très peu parlé car je crois qu’il fait consensus entre nous, ou presque : il s’agit de la question de la tarification de l’eau.

Certaines associations trouvent scandaleuse la pratique de l’abonnement, c’est-à-dire l’instauration d’un forfait qui n’est pas lié à la consommation d’eau. Cela peut se comprendre en milieu urbain, mais je veux appeler l’attention de ceux qui tiennent ce discours sur les inconvénients de ce qu’ils préconisent. En effet ceux qui peuvent avoir d’autres ressources d’eau ne se servent du réseau public qu’en dépannage. Ils font installer des tuyaux et sont parfois responsables de l’augmentation des capacités des usines de traitement en période de sécheresse. S’ils ne payaient pas d’abonnement, ils ne participeraient pas du tout aux coûts d’investissement et ils les feraient supporter par les autres, souvent par les plus petits.

Tel est le cas, dans ma région, des entreprises d’agroalimentaire, qui ont fait installer de gros tuyaux, ont été génératrices d’investissements dans les usines de traitement, mais qui ont leurs propres ressources et ne considèrent cette arrivée d’eau dans leur entreprise que comme un dépannage pour le jour où elles ont un problème. Serait-il juste, en supprimant l’abonnement, de leur permettre de ne rien verser, donc de faire payer de petits consommateurs qui n’ont pas les moyens d’avoir une ressource propre ?

M. Germinal Peiro. Très bien !

M. Jean Gaubert. En outre, en tant qu’élu d’une zone littorale, j’estime qu’il serait paradoxal de ne pas faire payer l’abonnement aux habitations secondaires, dont les résidents, s’ils ne consomment que quelques semaines par an, ont suscité de forts investissements.

M. François Sauvadet. Très juste ! Vous avez raison !

M. Jean Gaubert. Je tenais à faire cette démonstration, sachant que les avis sont partagés. Je sais qu’un certain nombre d’associations se sont saisies du problème, à mon avis à tort et sans le regarder dans sa globalité.

M. François Sauvadet. Exactement !

M. Jean Gaubert. Il ne s’agit pas de rendre l’abonnement obligatoire, mais de permettre aux élus, dans les régions où cela paraît juste, de continuer à pratiquer un abonnement en rapport avec les investissements qui ont été nécessaires pour mettre l’eau à disposition, que les intéressés en consomment ou non.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. Jean Gaubert. Voilà les sujets sur lesquels je voulais intervenir. Certains ne reviendront pas dans le débat. Parler à cette tribune m’aura permis du moins de rappeler des vérités, que je ne suis pas seul à considérer comme telles, à ceux de nos collègues qui n’auraient pas regardé le fond du dossier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, enfin la loi sur l’eau arrive devant l’Assemblée nationale, après un long chemin commencé sous la législature précédente. Ceux de nos collègues qui siégeaient alors sur les bancs de l’Assemblée se souviennent que nous avions procédé, dès 2002, à la première lecture d’une première version de loi sur l’eau, que l’alternance avait renvoyée dans ses cartons. Le fait de la présenter ainsi en fin de législature laissait d’ailleurs présager qu’elle n’irait pas jusqu’à son terme.

Quoi qu’il en soit, elle reposait sur une philosophie singulièrement différente de celle que vous nous proposez, madame la ministre, et dont nous espérons – nous l’avons demandé au nom du groupe Union pour la démocratie française – qu’elle sera, cette fois, examinée jusqu’à son terme et rapidement mise en application, pour que les interventions soient sécurisées. Nous partageons tous son objectif : parvenir d’ici à 2015 à un « bon état écologique de l’eau », pour reprendre les termes de la directive européenne. Le temps nous est compté.

Il faudra consentir des efforts importants et partagés. Nous disposons d’un cadre. La préservation de l’eau est un enjeu majeur, comme on s’accorde à le reconnaître sur tous les bancs de l’hémicycle. Ce problème est souvent présenté sous un angle exclusivement qualitatif, mais, avec le réchauffement climatique, nous assistons de plus en plus souvent à des périodes de sécheresse. On rencontre aussi, dans beaucoup de régions de France, un problème de création de la ressource, c’est-à-dire de quantités d’eau disponibles, ce qui pose la question, essentielle à nos yeux, du partage de l’utilisation de l’eau. Il faudra parfois faire coïncider des intérêts contradictoires, mais c’est notre rôle que de fixer un cadre dans lequel l’autonomie des régions pourra aussi s’exprimer. La situation est bien différente, en effet, selon qu’on se trouve dans le sud-ouest de la France, dans l’ouest ou ailleurs.

Je vous le dis sincèrement, madame la ministre : votre texte est équilibré. Il réaffirme plusieurs principes auxquels nous sommes très attachés.

Le premier est le rôle des collectivités. Elles constituent en effet le bon niveau pour se préoccuper des questions de la qualité, de l’approvisionnement et de l’assainissement de l’eau. Je crois qu’il était nécessaire de le rappeler. Il faudra avancer sur la question des moyens qui leur seront consentis pour parvenir à un équilibre, notamment pour répondre aux interrogations qui se sont exprimées dans les zones rurales.

Ensuite, le texte confirme la place des agences. J’y reviendrai.

Il vise également à responsabiliser les acteurs, ce qui constitue une bonne approche du problème. En effet, mieux vaut responsabiliser – le rapporteur et le président de la commission l’ont souligné – que désigner, comme ce fut trop souvent le cas, des responsables et des coupables commodes. Notre responsabilité, si toutefois nous voulons faire avancer ce dossier, est de faire coïncider des enjeux écologiques, environnementaux et économiques, sans les occulter ni les opposer les uns aux autres.

Dans cet esprit, je tiens à saluer l’approche pragmatique et ouverte qu’a eue le rapporteur lors de nos travaux en commission. Nous avons déposé des amendements dont certains ont été repris. J’espère que vous irez vous aussi dans notre direction, madame la ministre, comme vous en avez exprimé l’intention avant le début de nos travaux, et je souhaite que le rapporteur voie dans votre attitude un encouragement à poursuivre le travail commencé en commission.

Au nom de l’UDF, je tiens à réaffirmer quelques principes.

Le premier est que l’argent de l’eau doit impérativement être affecté à la politique de l’eau. Depuis de nombreuses années, sous des gouvernements de droite comme de gauche, on a pratiqué des prélèvements sur les agences, M. Santini le sait mieux que quiconque. Nous avons dénoncé le fait que l’argent soit ainsi utilisé à d’autres fins. Étant donné l’importance des missions qui nous sont confiées et que nous aurons à accomplir avec les agences, il est indispensable de réaffirmer le principe selon lequel l’argent de l’eau doit être consacré à la politique de l’eau.

Je serai intéressé par votre réponse sur ce point, qui me paraît essentiel. Dans cet état d’esprit, nous soutenons M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis de la commission des finances et auteur d’une proposition, à laquelle est associé M. de Courson, de créer au sein de chaque agence de l’eau un fonds de réserve spécial qui garantira l’affectation des sommes collectées.

M. André Santini. Très bien !

M. François Sauvadet. J’insiste cependant sur un point, monsieur le rapporteur pour avis : quand vous parlez de réserves d’excédents, je m’interroge sur la pertinence de ce terme. Parler de différé de paiement me semblerait beaucoup plus juste. Pour participer à un comité de bassin et connaître les enjeux financiers des priorités que nous devons nous fixer, je sais, en effet, que nous serons confrontés à des problèmes financiers réels. Il faudra opérer des choix pour parvenir à un bon état écologique. C’est pourquoi, vous sachant expérimenté et attentif à vos moindres propos, je préférerais que vous ne parliez plus d’excédents à propos des agences de bassin.

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Des excédents, il n’y en a plus !

M. François Sauvadet. Mes collègues qui sont à la tête d’un comité de bassin confirmeront ce point de vue.

Au sujet de la création de l’ONEMA, nous avons déposé des amendements et nous vous demanderons quelques précisions, madame la ministre. Vous aviez vous-même annoncé que vous préciseriez le contour de cet office. Nous souhaitons qu’il soit défini strictement, afin que le budget qui sera financé par les agences de l’eau ne serve pas à d’autres fins que celles qui seront clairement indiquées. Nous serons attentifs à ce que cet argent ne reparte pas dans les caisses de l’État. Nous avons d’ailleurs souhaité que, à différentes étapes, le monde de la pêche, qui participe aussi à la préservation des espaces naturels, soit associé à toutes les réflexions, à la place qui est la sienne.

Deuxièmement, le principe pollueur-payeur a été souvent évoqué, y compris par nos collègues de l’opposition. Je pense qu’il faut aller au-delà de ce principe commode qui ouvre, dans son application stricte, une sorte de droit à polluer. Quiconque pollue et paie acquiert, de ce fait, un droit de continuer à polluer. Ce n’est pas la démarche qui convient.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Disons que c’est une politique de riches !

M. François Sauvadet. Ce principe doit être mis au service de l’encouragement des bonnes pratiques industrielles ou agricoles. Je rappelle à cet égard, comme l’ont fait plusieurs orateurs, les efforts considérables déjà accomplis par le monde agricole. Je les ai évoqués ce matin en réponse à l’exception d’irrecevabilité présentée par l’un de nos collègues.

La création d’un fonds de garantie des risques liés à l’épandage agricole des boues industrielles et urbaines me semble aussi relever de l’exigence d’une responsabilité partagée. Je le répète : nous avons la responsabilité d’encourager notre agriculture à de bonnes pratiques. Notre groupe a déposé un amendement visant à proposer aux agriculteurs une formation adaptée à la démarche d’agriculture raisonnée, pour maîtriser l’apport des intrants dans les sols et n’apporter que ce qui est nécessaire à la plante, en évitant tout désordre sur l’environnement. Il faut viser dans ce domaine une forme de partenariat : à l’UDF, nous avons toujours défendu l’idée d’un partenariat de tous les acteurs de l’eau comme moyen d’une lutte efficace contre toutes les formes de pollution.

Je crois également qu’il faut être plus incitatif en proposant une fiscalité bleue ou verte, qui engagerait encore davantage les industriels, les agriculteurs et les utilisateurs à réduire la pollution par le biais de dégrèvements, d’abattements fiscaux ou d’incitations. Ce serait un progrès bien préférable au « droit de polluer » actuel, qui déresponsabilise les professionnels.

Il faudra également adopter une culture de l’évaluation, permettant de mesurer l’effet des systèmes que nous mettons en place, si toutefois nous voulons parvenir à un bon état écologique d’ici à 2015. Outre l’évaluation des dispositifs mis en place, il faut nous fixer des rendez-vous réguliers pour effectuer des bilans. Je m’adresse plus particulièrement sur ce point au président de la commission des affaires économiques et au rapporteur.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous serez entendu.

M. François Sauvadet. Troisièmement, le texte confirme le rôle des agences. Je m’en réjouis car ces instances ont donné la preuve de leur efficacité. Il faut notamment conserver aux comités de bassins leur rôle de véritables parlements de l’eau, en mettant à parité autour de la table utilisateurs et élus. D’ailleurs, avec certains collègues, dont André Santini, nous avons déposé un amendement, repris par notre rapporteur, tendant à revenir à la composition initiale du comité de bassin. Nous souhaitons la parité des représentants des collectivités territoriales et des usagers, chacun réunissant 40 % des voix, l’État disposant des 20 % restants.

La constitutionnalité des redevances est un aspect très important du texte. Pour remettre de l’ordre ou, du moins, sécuriser le système, plusieurs théories s’affrontent, dans le détail desquelles je n’entrerai pas. La commission des finances a la sienne, à laquelle M. de Courson a participé. Quoi qu’il en soit, je souhaite qu’on sécurise le système et qu’on laisse une marge d’autonomie aux agences. Laissons leur responsabilité aux acteurs qui seront en charge de la mise en œuvre des politiques de l’eau.

Pour ce qui est des collectivités locales, le principe selon lequel les décisions doivent être prises à un niveau aussi proche que possible des lieux d’utilisation ou de dégradation de l’eau correspond très exactement à l’esprit de la directive européenne. Il permet une meilleure prise en compte de la diversité des situations locales, ainsi qu’une solidarité efficace.

Cependant qui dit responsabilité dit aussi moyens d’assumer ses fonctions. Je rejoins sur ce point mon prédécesseur à cette tribune : on peut maintenir une part fixe pour les collectivités, quitte à laisser aux communes la responsabilité de la fixer. Compte tenu des enjeux, il ne serait pas normal de réaliser des investissements dont le coût serait à la charge des seuls utilisateurs permanents de l’eau. Là où vivent des résidents secondaires, il est normal qu’ils participent en versant une part fixe à l’investissement généré.

M. Martial Saddier. Très bien !

M. François Sauvadet. Là encore il convient de laisser de la responsabilité et des moyens financiers aux collectivités, à charge par elles de rendre compte aux usagers et aux citoyens des conditions dans lesquelles elles exercent la liberté qui leur est consentie. En matière de prix, il ne peut y avoir de responsabilité sans liberté.

Enfin, je dois avouer que je me suis senti très seul lorsque je me suis opposé, en commission, à la suppression des articles 23 et 28 bis. J’étais seul favorable, même dans mon groupe, à la création d’une taxe pour la collecte, le transport, le stockage et le traitement des eaux pluviales et à la possibilité ouverte par le Sénat aux départements de se créer une ressource pour accompagner les communes rurales.

Je vais m’en faire l’avocat, quand bien même je sais que je serai solitaire en séance publique, comme je le fus en commission. Nous aurons en effet besoin de moyens financiers pour accompagner la politique de l’eau. Or je suis intimement persuadé que les agences seules n’y suffiront pas. Certains départements ont pris l’initiative en la matière et ont émis le désir de se doter d’une ressource complémentaire. Le rapporteur y est défavorable. C’est un point de désaccord entre nous. Je reprendrai mon bâton de pèlerin pendant le débat en espérant vous convaincre, madame la ministre, même si je sais que la tâche sera rude, compte tenu de l’unanimité du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, du groupe socialiste et même du groupe des député-é-s communistes et républicains sur ce point.

Ne voyez pas dans mon attitude une volonté de créer de la taxe pour le plaisir. Je suis intimement persuadé, pour être élu rural, comme beaucoup d’entre nous, que les collectivités doivent avoir les moyens de faire face aux enjeux, d’autant qu’on a observé une sensibilisation importante des populations à la problématique de l’eau et de l’assainissement. Pour répondre aux demandes, nous devons être accompagnés tant par les agences que par les départements.

On me dit que la participation pour voies et réseaux pourra régler le problème des eaux pluviales qui constituent des apports d’eau claire dans les unités d’assainissement, mais je suis extrêmement dubitatif sur ce point. En tout cas, il faudra me le démontrer.

Enfin, je me réjouis, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que vous preniez à bras-le-corps le problème des eaux libres et des eaux closes, qui se pose de manière récurrente dans de nombreux départements. J’espère que vous ne baisserez pas la garde durant le débat ; en tout cas, nous y veillerons. La définition retenue, qui s’inspire du rapport Vestur, est fondée sur le critère du passage des poissons et règlera bien des difficultés, même si elle fera des mécontents. Après tout, quand les experts ont bien travaillé, il n’y a pas de raison de ne pas s’inspirer de leurs travaux.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, je salue votre esprit d’ouverture, en espérant que vous poursuivrez dans cette voie. Nous défendrons quant à nous plusieurs amendements, notamment sur la place réservée aux zones rurales. Je tiens en effet à ce que figure dans la loi un pourcentage de la somme totale collectée au titre de l’ex-FNDAE, plutôt qu’un montant fixe. Cela me paraît important si nous voulons élaborer des normes de qualité applicables à l’horizon 2015.

Quoi qu’il en soit, nous soutiendrons la philosophie de ce texte, madame la ministre, d’autant plus si vous retenez nombre de nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Claude Gaillard.

M. Claude Gaillard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le paysage français de l’eau est très singulier puisque, depuis plus de quarante ans, la France est divisée en six grands bassins. Cette organisation originale a fait ses preuves, et je me réjouis que les DOM-TOM s’organisent progressivement – deux offices sont d’ores et déjà créés – de sorte que l’ensemble du territoire français sera bientôt couvert par ces schémas adaptés et intelligents.

Un tel succès est d’autant plus remarquable que – je le sais pour être, depuis un peu plus de dix ans, président d’un comité de bassin – tous les ingrédients sont réunis pour que le système – un territoire étendu avec, d’un côté, l’agence et, de l’autre, le comité – ne fonctionne pas. Pourtant, grâce à l’intelligence de tous, il produit des résultats performants. Ainsi, contrairement à ce qu’a dit Jean Launay ce matin lorsqu’il a défendu l’exception d’irrecevabilité, des progrès ont été réalisés ces dernières décennies et des rivières sont aujourd’hui en meilleur état qu’hier.

M. Jean Launay. On ne se baigne toujours pas dans la Seine !

M. Claude Gaillard. Le saumon a réapparu dans le Rhin, par exemple, et l’amélioration de la qualité des eaux est considérable. Le dispositif français a donc donné satisfaction.

Au reste, depuis qu’il a été créé, peu de textes sont intervenus. La loi de 1992 – à l’élaboration de laquelle j’ai participé avec quelques autres sous l’autorité du ministre Brice Lalonde – a notamment fait de l’eau un patrimoine collectif et national, a créé les schémas directeurs d’aménagement et de gestions des eaux, qui permettent une approche globale, et a institué les préfets coordonnateurs de bassin, qui ont contribué à développer la solidarité amont-aval. En 2003, la loi relative aux risques naturels et technologiques comportait un volet concernant les inondations et la directive-cadre sur l’eau a été transposée. Enfin, en 2005, la loi « Oudin-Santini »…

M. François Sauvadet. Excellente !

M. Claude Gaillard. …a joué un rôle majeur quant à nos responsabilités nationales et le plan national de santé-environnement a eu des incidences sur les captages.

Le dispositif méritait donc d’être modernisé, en particulier en ce qui concerne les redevances, qui sont actuellement perçues sur une base inconstitutionnelle. Certains juristes estiment cependant qu’elles pourraient être jugées constitutionnelles depuis l’adossement à la Constitution de la Charte de l’environnement. En la matière, il est cependant essentiel que la politique prime. Ces redevances doivent donc être qualifiées d’impositions de toute nature, afin que le Parlement puisse délibérer du montant des sommes prélevées. C’est une exigence démocratique. Il s’agit tout de même de 2 milliards par an.

Les enjeux d’un tel texte sont importants, que ce soit dans le domaine environnemental, économique ou social. Il n’est donc pas inquiétant que nous ayons mis huit à dix ans pour élaborer ce projet de loi.

Celui-ci affiche des ambitions écologiques élevées – résumées par l’objectif de parvenir en 2015 à un bon état écologique des masses – qui supposent de nombreuses modifications.

En ce qui concerne la protection des milieux aquatiques, le texte comporte de véritables avancées. Je pense en particulier au meilleur partage de la gestion des rivières entre l’énergie – les microcentrales électriques –, la pisciculture et la préservation des écosystèmes – débits réservés, respect de la continuité écologique –, ainsi qu’à l’amélioration de la gestion des cours d’eau, qui passe notamment par la définition des obligations incombant aux propriétaires riverains, les attributions en matière de travaux confiées à VNF et l’application de sanctions en cas de destruction de frayères.

Il convient de citer également l’amélioration de la gestion quantitative, la préservation des captages – essentielle, car certaines communes doivent parfois quitter un captage pour un autre – et les contraintes en matière d’irrigation. L’installation de compteurs individuels me paraît particulièrement importante, dans la mesure où elle responsabilisera les usagers et les incitera à changer de comportement, de même que la réduction des pollutions.

Par ailleurs, le projet de loi impose des obligations de résultats et non de moyens, notamment en matière d’assainissement non collectif. La loi de 1992 prévoyait ainsi que, fin 2005, toutes les communes devaient s’être dotées d’un service public d’assainissement. Or ce n’est aujourd’hui le cas que de 20 % d’entre elles. La loi a donc échoué. Nous, nous voulons obtenir des résultats et il me semble que le projet de loi le permet, en imposant l’obligation d’établir un diagnostic et de réaliser les travaux nécessaires, que ce soit par l’intermédiaire d’un service public ou en faisant appel à une entreprise privée. Plutôt que de se donner bonne conscience, nous nous donnons les moyens d’obtenir des résultats.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il faut être efficace !

M. Claude Gaillard. Sur le plan agricole, je suis conscient, même si je ne suis pas un spécialiste, de tout ce qui pèse sur les épaules des agriculteurs. Aujourd’hui, les médias évoquent surtout la pollution par les nitrates. Or celle-ci est pour l’essentiel derrière nous, même si ses effets se font encore sentir aujourd’hui. En effet, des dispositifs ont été mis en place – l’écoconditionnalité, les labels Ferti-mieux et Agri-mieux – de manière collective et partenariale pour définir les bonnes pratiques. Le problème des nitrates n’est donc pas essentiel, dès lors que l’on continue de respecter ces bonnes pratiques.

Beaucoup plus importante et plus grave me paraît, en revanche, la pollution par les produits phytosanitaires,…

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Tout à fait !

M. Claude Gaillard. …qui met en jeu la santé publique. Il s’agit d’un problème relativement nouveau, sur lequel l’attention n’est pas suffisamment attirée. Les diverses mesures prévues dans le projet de loi, notamment la multiplication par deux et demi des taxations et des redevances, témoignent de votre volonté, madame la ministre, de lutter contre cette pollution. Je suis persuadé que, dans l’avenir, on se félicitera d’avoir agi dans ce sens.

Le projet de loi vise également à rendre plus lisibles les factures d’eau. La pose de compteurs individuels facilitera à cet égard la diffusion d’informations à chaque usager. À Nancy, par exemple, les factures d’eau sont détaillées – prélèvement, transport, épuration –, mais les habitants d’un immeuble collectif où la consommation d’eau est intégrée dans les charges locatives ne la reçoivent pas.

Par ailleurs, l’interdiction des demandes de dépôts de garantie et de cautions solidaires est une avancée sociale considérable dont notre groupe se réjouit, de même que la mise en place de tarifications incitatives car, jusqu’à présent, plus on consommait, moins on payait.

Je terminerai en évoquant un sujet qui m’est cher : ce que j’appelle l’organisation du paysage de l’eau. Celle-ci est actuellement très complexe, puisqu’elle relève d’une dizaine de ministères. À cet égard, les prélèvements « Voynet » et « Bachelot » nous ont fait un mal considérable.

M. François Sauvadet. C’est vrai !

M. Claude Gaillard. Je rappelle en effet qu’ils représentent 45 millions d’euros pour le bassin Rhin-Meuse. Désormais, l’agence sera, avec le comité, l’acteur central de l’eau en France, et c’est une bonne chose.

M. André Santini. Tout à fait !

M. Claude Gaillard. Les responsabilités sont ainsi clarifiées et le paysage simplifié. Cette avancée me paraît d’autant plus significative que le texte interdira, si j’ai bien compris, les prélèvements absolument anormaux que l’on a connus par le passé.

M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis. C’est exact !

M. Claude Gaillard. S’agissant de l’office national de l’eau et des milieux aquatiques, nous avions quelques inquiétudes, mais le dispositif sera finalement certainement plus démocratique que celui qui ne dépendait que de Bercy. Il est aussi bien de dépendre du Parlement et cela évite parfois que les orientations nationales ne soient trop pénalisantes.

Enfin, les responsabilités de chacun sont clairement définies : au Parlement incombera la fixation des assiettes, des maxima et du neuvième programme ; aux comités de bassin, la contractualisation entre ces derniers et les départements.

M. François Sauvadet. Avec quels moyens ?

M. Claude Gaillard. En ce qui concerne la répartition des sièges au sein de ces comités, il me paraît important qu’aucun collège n’ait la majorité absolue.

M. François Sauvadet. Absolument !

M. Claude Gaillard. Les usagers compteront ainsi autant de représentants que les élus. Tout cela participe d’un bon équilibre.

Enfin, le texte confirme la solidarité territoriale, et – c’est un urbain qui le dit – c’est essentiel.

En conclusion, je veux remercier Mme la ministre et notre rapporteur, André Flajolet, dont j’apprécie le travail ainsi que la constante volonté de cohérence et de simplification. Ce texte fait progresser la transparence et représente, dans l’organisation territoriale de l’eau en France, une avancée significative, que je salue au nom du groupe UMP,…

M. Martial Saddier. C’est important !

M. Claude Gaillard. …de même que la contribution importante de notre rapporteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. William Dumas.

M. William Dumas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre assemblée est enfin saisie du projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques, maintes fois repoussé à l’ordre du jour par des modifications de calendrier.

Le sujet qui nous rassemble aujourd’hui est d’importance capitale. L’eau est l’élément essentiel à la vie. Elle est au cœur de toute activité humaine et de sa survie. Depuis le début de notre histoire, toutes les civilisations se sont développées autour de l’eau. Des vestiges monumentaux comme l’aqueduc du pont du Gard sont là pour témoigner du fait que la volonté humaine de maîtriser et réguler l’approvisionnement en eau ne date pas d’hier.

Ces dernières années, nous avons enfin pris conscience que l’eau est un bien précieux, collectif, qui se raréfie et qu’il ne faut surtout pas gaspiller ni dégrader. À ce titre, nous ne pouvons pas la considérer comme une vulgaire marchandise : l’eau n’est pas un bien marchand comme les autres. La puissance publique, l’État a le devoir de mettre en place un contrôle nécessaire pour renforcer le droit à l’eau pour tous.

Si l’eau est indispensable à la vie, elle est également nécessaire à l’activité économique, dans l’agriculture – notamment avec l’irrigation –, dans le tourisme et les loisirs, dans la production hydroélectrique, autant de secteurs où les volumes d’eau nécessaires sont très importants. Là aussi, notre société se doit de fournir des volumes d’eau maîtrisés à des prix raisonnables pour notre économie.

La gestion de l’eau a besoin d’un contrôle, d’une régulation permanente, exercée par la puissance publique, pour relever les nombreux défis qui nous attendent : des besoins en eau toujours croissants, des conflits d’usages de plus en plus forts, la nécessaire préservation de la biodiversité et de notre écosystème. C’est l’objet d’une loi sur l’eau de permettre que ce contrôle, cette régulation soient bien assurés. Si ces derniers font défaut, c’est a posteriori que nous devrons traiter les problèmes créés par une absence ou une mauvaise gestion de la ressource en eau, au moyen d’investissements de plus en plus lourds et coûteux : assainissements collectifs et autonomes, dépollution des nappes phréatiques, réparation des dégâts des crues et des inondations.

En ce qui concerne la préservation de notre environnement et la mise en œuvre d’une politique de développement durable, la directive cadre européenne transposée dans notre droit en avril 2004 nous impose une obligation de résultat, celle d’atteindre un bon état écologique en 2015. Pour y parvenir, il nous reste à fournir un effort considérable.

Pourtant, force est de constater que la rédaction qui nous est proposée n’est pas à la hauteur de ces enjeux.

Le problème majeur de la pollution des ressources en eau n’est pas traité de manière satisfaisante. Je comprends votre réticence d’inscrire le principe pollueur-payeur dans la Charte de l’environnement : votre texte respecte si peu ce principe pourtant essentiel qu’une association de consommateurs a pu dire, dernièrement, qu’il instaurait le principe du pollué-payeur.

Nous pouvons encore redresser la barre et nous aurons, je l’espère, l’occasion d’amender ce projet de loi pour qu’il traduise dans les actes le respect du principe pollueur-payeur, notamment lorsque nous débattrons de l’article 37 et des redevances pour pollution de l’eau.

Il ne s’agit pas de revenir sur la nécessaire solidarité nationale à l’égard de notre agriculture, aujourd’hui fortement en crise. Au contraire, les sommes collectées par ces redevances doivent permettre, en concertation avec les représentants du monde agricole, d’aider beaucoup plus fortement qu’aujourd’hui les agriculteurs à généraliser des pratiques agronomiques raisonnées.

Madame la ministre, le rôle de l’État est d’exprimer la solidarité nationale au travers des dotations et de la redistribution entre les territoires. Le maintien de la solidarité entre le monde rural et le monde urbain, en particulier dans le domaine de l’eau, est à mon sens un enjeu fondamental. À cet égard, je ne comprends pas pourquoi vous avez décidé de supprimer le FNDAE, le fonds national pour le développement des adductions d’eau, dans l’article 121 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004. Ce fonds permettait en effet de prélever une taxe sur toutes les consommations, urbaines comme rurales, au seul bénéfice des communes rurales.

De nombreux conseillers généraux de départements à dominante rurale comptaient énormément sur ce fonds spécifique, très utile pour faire face à un coût de la distribution de l’eau et du traitement des eaux usées beaucoup plus élevé en milieu rural qu’en milieu urbain. Ainsi, de nombreuses petites communes de nos Cévennes sont composées de plusieurs hameaux éclatés, ce qui nécessite parfois une dizaine de kilomètres de canalisations pour qu’elles soient reliées aux réseaux. De tels investissements représentent un coût prohibitif pour le budget de ces communes.

Si ce fonds n’est pas rétabli, c’est à l’échelon national qu’il faudra organiser la péréquation pour qu’elle soit la plus juste possible. Nous devons être très attentifs à la gestion de l’eau et à l’assainissement en zone rurale.

Madame la ministre, vous avez fait en sorte que la solidarité entre le monde rural et le monde urbain soit assurée par les agences de l’eau, ce qui est un moindre mal. Encore faut-il vraiment garantir, dans le budget des agences, que cette solidarité s’exprimera de manière claire. Un budget d’agence représente une masse énorme, où il est parfois difficile de se retrouver. La pression des grands élus urbains au sein des comités ou des conseils d’administration d’agences va devenir si forte, au fil des années, que cette gestion risque de se faire, une fois de plus, au détriment des zones rurales.

M. Michel Bouvard. Très juste ! Nous devons être vigilants !

M. William Dumas. Nous ne pouvons que constater, dès aujourd’hui, non seulement que le mécanisme national de solidarité envers les communes rurales disparaît, mais aussi que les sommes reprises par le budget de l’État ne sont toujours pas transférées aux agences. Cette captation par le budget de l’État est à la fois indue et injuste.

Le Sénat a réintroduit la possibilité de créer des fonds départementaux pour l’alimentation en eau et l’assainissement, qui avait disparu après le passage devant le Conseil d’État. Une fois de plus, on demande aux départements de suppléer au désengagement de l’État. Cette solution de repli fait fi de la solidarité entre l’urbain et le rural, et les départements les plus pauvres ne pourront pas faire face à la situation.

M. François Sauvadet. C’est vrai !

M. William Dumas. Tout au long de ce débat nous n’aurons de cesse de rappeler que c’est à l’État qu’il incombe d’assumer la solidarité nationale et la péréquation nécessaire pour parvenir à la réduction des inégalités entre les hommes et les territoires.

Monsieur le président, mon collègue François Brottes, retenu dans sa circonscription, s’excuse de ne pouvoir intervenir lors de cette séance comme il avait prévu de le faire. Il m’a demandé de lire en son nom le texte qu’il avait préparé, ce que je vais faire maintenant si vous me le permettez.

De la cascade au ruisseau, du glacier au torrent, du névé au lac, tout souligne l’importance de l’eau en montagne, qui apparaît autant comme une ressource que comme une contrainte. Ressource naturelle puisqu’elle constitue un moyen naturel dont dispose la société avant toute transformation par l’homme, elle devient richesse quand elle fait l’objet d’une appropriation, et se voit alors conférer une valeur économique. Mais elle est aussi contrainte, puisqu’elle crée une difficulté à la mise en valeur parfois par sa seule présence, et, très souvent, par les risques qu’elle induit.

La montagne étant caractérisée par une combinaison de volume, d’altitude, de dénivellation et de pente, la place et le rôle de l’eau ne sont pas les mêmes qu’en plaine.

M. Michel Bouvard. Très juste !

M. William Dumas. Plus présente mais inégalement répartie, l’eau est placée au cœur des géosystèmes montagnards. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui doit prendre toute la mesure de cette spécificité.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. William Dumas. Il est dit communément que la montagne est un château d’eau dont profite tout le territoire. Si la population de la montagne ne préserve pas ces territoires et leurs ressources, notamment l’eau, c’est toute cette richesse qui est dilapidée.

Si l’ensemble du territoire français dispose d’eau, c’est essentiellement grâce aux zones de montagne qu’un ensemble d’acteurs s’emploient à préserver. Pour fournir cette ressource vitale – et à présent précieuse – à l’ensemble de la population, les zones de montagne assument des actes d’entretien et de protection. Des efforts sont accomplis par le monde agricole de la montagne, mais aussi par les pêcheurs, pour préserver la qualité de l’eau en amont. Cette richesse est mise gratuitement à la disposition du reste du pays.

En termes de mission d’intérêt général, de gestion locale et de prise en charge financière, l’équité doit prédominer. La reconnaissance de tous pour ce service d’intérêt général doit passer par l’affirmation d’une solidarité de l’aval vers l’amont.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. William Dumas. Par ailleurs, la montagne se singularise aussi par sa part prédominante dans la production hydroélectrique et dans l’énergie réservée, ainsi que par la nécessité d’extraire régulièrement du lit des cours d’eau les amas de granulats qui en modifient le cours et représentent un risque important.

Dans le cadre du dispositif qui nous est proposé, des améliorations se rattachant soit au principe de solidarité, soit à la spécificité de la montagne sont proposées.

Tout d’abord, les mesures particulières dans la politique globale de gestion de la ressource en eau doivent garantir aux territoires de montagne un juste retour.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. William Dumas. Il s’agit de tenir compte des surcoûts réels de la gestion de l’eau en montagne. Une spécificité importante tient aux surcoûts incompressibles liés à la rigueur climatique, notamment le gel et l’enneigement, qui imposent d’importantes adaptations techniques des équipements de distribution, de collecte et de traitement,…

M. Michel Bouvard. C’est exact !

M. William Dumas. …mais aussi aux fortes variations saisonnières de population du fait de la fréquentation touristique ou de la présence en nombre de résidences secondaires induisant des équipements surdimensionnés.

Cette réalité objective légitimerait le principe d’une majoration des subventions bénéficiant aux stations d’épuration de montagne, inscrit dans la loi.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. William Dumas. De même, les modalités de tarification devraient tenir compte des fortes variations démographiques saisonnières. L’article 27 le permet, mais il faudrait modifier sa rédaction afin de la rendre plus explicite.

Enfin, considérant la sensibilité du milieu montagnard au regard de la qualité de la ressource en eau, mais aussi la pénurie d’espaces exploitables, il faut s’interroger sur les effets négatifs qu’induirait un nouveau zonage par le préfet des bassins d’alimentation des captages d’eau potable existants ou potentiels prévus par l’article 14,…

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. William Dumas. …car ils pourraient aller bien au-delà des périmètres actuellement imposés par la réglementation sanitaire.

Ensuite, il est légitime et attendu de renouveler et de renforcer la solidarité envers la montagne dans le cadre d’une véritable péréquation au sein des bassins versants.

Désormais, l’agence de l’eau attribuera des subventions en capital aux collectivités territoriales et à leurs groupements pour l’exécution de travaux d’adduction en eau potable et assainissement dans les communes rurales, selon l’article 35. Cette affirmation doit s’accompagner de moyens financiers réels.

C’est pourquoi l’enveloppe affectée au FNDAE, diminuée de moitié en 2003, doit être reconstituée à hauteur de 150 millions d’euros.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. William Dumas. Par ailleurs, il est indispensable que la concertation entre agence de bassin et conseils généraux permette une approche fine des besoins, adaptée à la montagne pour l’eau et l’assainissement.

Lors de la réunion de mars dernier du groupe d'études sur la montagne de notre assemblée, vous ne vous étiez pas opposée à la reconstitution du montant du FNDAE, madame la ministre, ni au principe consistant à faire bénéficier la montagne d’aides significatives et effectives dans ce domaine.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. William Dumas. Dans l’affectation des subventions, les aides attribuées doivent tenir compte des besoins lourds pour le renouvellement et l’entretien des équipements d’adduction d’eau potable en milieu rural et montagnard. D’autre part, en matière d’assainissement, les subventions des agences, accordées essentiellement à l’assainissement collectif, devraient désormais s’étendre à l’assainissement autonome.

D’autres mesures, à caractère économique ou non, doivent tenir compte des particularités physiques marquées des cours d’eau de montagne.

Puisque ce texte conduit à réformer les instances gestionnaires de l’eau, il est permis d’espérer que la spécificité de la montagne sera reconnue dans la nouvelle organisation institutionnelle. Cela suppose que les territoires de montagne disposent d’une représentation au sein des établissements publics territoriaux de bassin qui leur permettent d’exprimer et de faire valoir leurs intérêts. En effet, les collectivités de montagne n’y sont en général pas représentées en tant que telles.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. William Dumas. Aussi faudrait-il que l’article L. 213-8 du code de l’environnement précise, dans la composition des comités de bassin, des agences de l’eau et des commissions locales de sous-bassin, que les collèges d’élus et d’usagers comprennent une représentation minimale des territoires majoritairement fournisseurs de la ressource en eau.

M. Michel Bouvard. C’est important !

M. William Dumas. Cette précision d’ordre réglementaire fera l’objet d’un amendement d’interpellation afin d’obtenir un engagement ministériel. De plus, il conviendrait que les commissions locales disposent d’un avis impératif lorsqu’elles sont consultées sur des projets qui concernent directement et exclusivement le territoire qu’elles recouvrent.

Au-delà de l’organisation des obligations tant des collectivités que des riverains que propose le projet de loi et que soutiennent les élus de la montagne, l’entretien des cours d’eau de montagne – en particulier celui des torrents – présente des spécificités très marquées. C’est pourquoi les acteurs de ces zones spécifiques ont besoin d’outils de gestion adaptés. Cette spécificité devrait être rappelée en tant que telle en indiquant notamment que les travaux de sécurisation des torrents doivent figurer dans les contrats de rivière en montagne.

En outre, afin d’obtenir une meilleure efficacité en matière d’entretien des berges, il serait souhaitable de renforcer les pouvoirs de police du maire afin d’intervenir au plus vite, de faciliter l’accès aux berges par les collectivités territoriales, voire leur acquisition par celles-ci, d’aligner l’entretien courant des rivières sur le régime de l’entretien des bâtiments communaux, d’attribuer de nouveaux moyens aux établissements publics territoriaux de bassin – notamment les bénéfices générés par l’extraction des granulats, autorisée dans les torrents de montagne pour des raisons de sécurité – afin de leur permettre, par exemple, de financer les contrats de rivière.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. William Dumas. Diverses mesures intégrant les réalités de la montagne pourraient également trouver place dans ce projet de loi, notamment le principe d’une modulation des débits réservés en fonction des spécificités territoriales locales, la mise en place d’un encadrement des coûts des contrôles sanitaires auxquels sont astreintes les collectivités locales, particulièrement sensibles pour les collectivités de montagne – on relèvera au passage l’aberration de certaines normes d’origine européenne, par exemple en matière d’arsenic –, la clarification et l’adaptation de la taxe sur la PVR, la participation aux voies et réseaux, dont l’application se révèle particulièrement compliquée à mettre en œuvre dans les petites communes de montagne.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. William Dumas. Enfin, les modifications les plus notables apportées par le Sénat portent notamment sur l’hydroélectricité, dont le statut au regard de la ressource en eau s’est considérablement amélioré, passant de celui d’une activité perturbatrice à celui d’une production énergétique vertueuse.

Après avoir été accompagnée d'un mouvement de population aux dépens des villages d'altitude vers les centres industriels des moyennes et basses vallées alpines, l'industrie fondée sur l'hydroélectricité déclina dans les Alpes du nord, certaines usines fermèrent, laissant derrière elles de graves problèmes de pollution comme dans la vallée de la Romanche. L'utilisation de l'eau par le biais de l'énergie hydroélectrique pour l'industrie a donc des conséquences environnementales,

Par ailleurs, l'impact en montagne de la présence d'ouvrages hydroélectriques est loin d'être négligeable car les concessions accordées jusqu'ici à EDF lui imposaient des activités annexes liées à l'accessibilité de ses équipements telles que l'entretien de parcours, de routes ou de téléphériques qui ont aussi une importance déterminante pour le pastoralisme et les économies locales. Or les progrès technologiques – télématique, hélicoptère, etc. – permettant de plus en plus de gérer ces équipements à distance, la menace existe que ces missions ne soient pas reconduites lors du renouvellement des concessions.

La loi devrait donc introduire, pour les concessionnaires d'un équipement hydroélectrique, une obligation générale de poursuivre l'entretien des moyens d'accès à terre mis en place ou pris en gestion lors de sa création.

Je terminerai mon propos en évoquant un autre élément naturel de la montagne, la forêt.

En effet, si l'eau est une ressource naturelle à protéger, la forêt, très présente en montagne, possède des capacités réelles pour jouer ce rôle de protection. Elle filtre en effet les eaux sur une grande épaisseur, en retenant certains éléments indésirables : nitrates, phosphates, métaux lourds, polluants et pesticides divers. De même, la plantation d'une forêt autour d'un captage sera très efficace, le boisement jouant alors le rôle de couverture des eaux souterraines.

Hors forêt, la réalisation d’un boisement adapté sur le périmètre de protection rapproché d'un captage permet de limiter efficacement les risques d'intrants dans les eaux superficielles d'alimentation et la turbidité des eaux de ruissellement.

Ainsi donc la qualité de la ressource naturelle en eau et sa disponibilité commandent des techniques sylvicoles particulières, dans une logique de précaution.

Autre rôle primordial, la forêt préserve des risques naturels : glissement de terrain, avalanches et crues. La forêt possède encore des capacités réelles à intervenir significativement dans les fonctions traditionnelles qui lui sont assignées : production, avec la sylviculture, protection du patrimoine naturel – tourbières, mares, forêts alluviales et ripisylves –, protection de la qualité des eaux, qualité en milieu forestier, protection des sources et captages, épuration, protection contre les risques naturels.

La forêt peut ainsi regrouper des acteurs et des synergies autour d'objectifs communs et de règles de gestion durable des espaces et des ressources naturelles, particulièrement l'eau.

La montagne et la forêt très souvent ne font qu'un, et c'est une dimension que la loi sur l'eau ne reconnaît pas aujourd'hui à sa juste valeur. Je souhaite que le débat qui s'ouvre aujourd'hui soit l'occasion d'améliorer la reconnaissance de leur rôle respectif, au service d'une meilleure qualité de l'eau. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. André Santini.

M. André Santini. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après une phase de concertation et de débats qui a duré près de deux ans, le Sénat a voté, en avril 2005, en première lecture, le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques. Nous allons donc examiner ce texte après plus d'un an d'attente et de rebondissements de calendrier : merci, madame la ministre, pour votre ténacité.

En janvier 2005, je rapportais la loi devenue Oudin-Santini – autant parler de moi en bien sinon qui le fera ? (Sourires) – relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement que mes collègues m'avaient fait l'honneur de voter à l'unanimité. À l’époque, l'actualité tragique du tsunami avait confirmé les besoins immenses en matière d'accès à l'eau et à l'assainissement dans le monde.

L'eau est un problème mondial, européen, puisque nous transposons aujourd'hui la directive cadre européenne, et local. Je l'administre au quotidien, avec mes collègues élus locaux venus de tous les horizons politiques, en mes qualités de président du comité de bassin Seine-Normandie et de président du plus grand service public de production et de distribution d'eau potable d'Europe. Dans ces institutions, ont été mis en place des groupes de travail, aux membres desquels je rends hommage, et dont je vous soumets la contribution à l'amélioration de ce projet de loi.

L'eau est un sujet grave, qui réclame compétence et professionnalisme, loin des approximations récentes de l'UFC-Que Choisir, des affabulations de divers altermondialistes, ou de la volonté de certains de placer l'eau dans le champ du « tout concurrence » ou d'en faire un produit low cost.

L'eau est un produit sanitaire et alimentaire, qui ne peut être comparé à nul autre, et qu'on ne peut traiter comme une paire de chaussettes ou un baril de lessive. L'eau est un bien public et sa gestion doit être publique. Les élus doivent en être les garants.

II faut que la compétence exclusive des communes en matière d'eau potable soit expressément affirmée, comme pour le service public d'assainissement ; je défendrai un amendement en ce sens.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. André Santini. « L'eau doit payer l'eau », a dit mon ami François Sauvadet. Sans remettre en cause le principe de l'inaliénabilité du domaine public, l'eau ne doit pas financer, aussi utiles soient-elles, les infrastructures de transport ou leurs aménagements périphériques – tramway et moyens en sites propres, notamment – d'autant que les transports publics sont bénéficiaires de nombreuses subventions publiques, à l'inverse de la production et de la distribution d'eau. Je défendrai un amendement sur ce point en vous proposant un dispositif de convention répartissant la charge du surcoût des déplacements nécessités. Faute de l’avoir encore défendu, l’ai-je bien descendu, monsieur le rapporteur ? (Sourires.)

Comme je l'ai dénoncé dans ma tribune publiée – quelle joie ! – dans le journal Le Monde daté de ce jour, ce projet de loi prévoit la création d’un impôt sur l'eau. Or je vous rappelle que la France, grâce particulièrement aux agences de l'eau et aux comités de bassin, a su organiser sa politique de l'eau dans sa dimension locale, en obtenant à cette échelle le débat et le consensus des parties prenantes.

Au moment où ce modèle inspire les autres États de l'Union et du monde – quarante, me dit-on – et sert désormais de référence mondiale, les principes sur lesquels a été construite la politique de l'eau depuis près d'un demi-siècle en France sont remis en cause. Ce projet de loi propose tout simplement d'étatiser les agences de l'eau en transformant les redevances qu'elles perçoivent en recette fiscale nationale.

Or ces redevances s'inscrivent directement dans la logique des articles 3 et 4 de la Charte de l'environnement. C'est sur eux que peut se fonder la loi pour reconnaître aux agences un pouvoir que l'article 34 de la Constitution ne permettait pas de leur attribuer, alors même que, chacun l’admet aujourd'hui, il est beaucoup plus adapté aux besoins locaux que ne le sont des dispositions législatives trop générales.

M. François Sauvadet. Très bien !

M. André Santini. En 1976, Michel Rocard avait déjà souligné la contradiction manifeste entre le souci d'efficacité des agences et la fiscalisation de leurs redevances. Finalement, que désire-t-on ? Se donner les moyens de protéger les ressources en eau ou bien budgétiser des ressources locales, avec en ligne de mire leur captation par l'État pour d'autres affectations ?

Si mettre fin à l'incertitude constitutionnelle dans laquelle se sont développées les redevances de l'eau est un but légitime,…

M. François Sauvadet. Absolument !

M. André Santini. …il existe de meilleurs moyens qu'une loi – peut-être inadaptée –…

M. Michel Bouvard. Le contrôle parlementaire !

M. André Santini. …qui les fiscaliserait et les plafonnerait à des niveaux incompatibles avec l'objectif fixé par la directive cadre européenne : atteindre, d'ici à 2015, le bon état écologique des eaux.

La charte de l'environnement, annexée en 2004 à la Constitution française, ouvre des perspectives pour sécuriser juridiquement l'existence de ces redevances, sans leur faire perdre la souplesse à l'origine de leur succès.

M. François Sauvadet. Tout à fait !

M. André Santini. C'est sur l'article 4 de cette charte, qui dispose que « toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement dans les conditions fixées par la loi », que devrait s'appuyer la reconnaissance constitutionnelle des redevances de l'eau. Tel est l'objet d'un de mes amendements.

Dans le même esprit, la création de l'office national de l'eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, prévue par ce texte ne paraît pas utile, dans la mesure où les outils existent déjà – direction de l'eau du ministère de l'écologie, agences de l'eau –, et me semblent suffisants pour assurer les missions envisagées pour cet office.

L'ONEMA apparaît comme une instance surabondante et inutilement coûteuse, dont le budget de 108 millions d'euros serait à mon sens plus utile pour des actions sur le terrain. Par conséquent, je proposerai, au cours de notre discussion, un amendement de suppression de cet office.

Madame la ministre, je veux saluer l’excellent climat de préparation de ce texte. Nous le devons au président Ollier, aux rapporteurs Flajolet et Rouault. C’est assez rare pour que cela soit souligné sur tous les bancs.

M. François Sauvadet. C’est vrai !

M. André Santini. Enfin, je tiens à remercier les industriels, les pêcheurs, les agriculteurs, les associations de protection de l'environnement pour leur contribution à l'amélioration de ce texte,

La nécessité, réaffirmée par la directive cadre sur l'eau du 23 octobre 2000, d'agir au plus près des réalités locales et en fonction de ces dernières, pourra ainsi être satisfaite et nous pourrons atteindre plus facilement un bon état écologique des eaux d'ici à 2015. À ces conditions, je voterai ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie d'excuser l'absence de mon collègue Emile Blessig, qu'un événement de dernière minute empêche de venir exposer personnellement l'intervention qu'il avait préparée et à laquelle j’essaierai d’être le plus fidèle possible.

Notre collègue tenait notamment, en tant que président de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire de notre assemblée, à se féliciter de l'inscription de ce texte à l'ordre du jour et des principales dispositions qu'il contient. En effet, cette délégation a fait de la gestion de l'eau l'un des éléments prioritaires de sa réflexion. En 2003, elle avait confié à l'un de ses membres, M. Jean Launay, un rapport sur la modernisation de la gestion de l'eau.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Excellent rapport !

M. Michel Piron. Nous savons rendre hommage à la qualité d’un travail, quelle que soit sa provenance ! (« Merci ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

En mai dernier, elle avait demandé à son rapporteur d'analyser la prise en compte des propositions du rapport d'information au regard des dispositions du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques tel qu'il ressortait de son examen – hors Gosplan, monsieur Chassaigne (Sourires) – en première lecture par le Sénat.

Constatant le rôle structurant du bassin versant pour la gestion de l'eau sur le territoire, la délégation mettait en avant l'intérêt des établissements publics territoriaux de bassin, groupements spontanément organisés par les collectivités locales pour la gestion de l'eau. Elle ne peut donc que se réjouir de voir qu’après l’institutionnalisation des EPTB, le projet de loi conforte leur existence. Celui-ci rappelle en effet la possibilité pour ces derniers d'établir des redevances sur les bénéficiaires de leurs actions et organise, à l'article 35, la perception de ces redevances pour leur compte par les agences de l'eau. Ainsi, il prévoit pour les EPTB un dispositif de perception qui garantit leurs ressources.

On pouvait aussi avoir des craintes s’agissant des conditions de fonctionnement du dispositif mis en place pour remplacer le fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE. Le risque existait en effet que le nouveau système mis en place pour assurer la solidarité à l'échelle des bassins, et qui confie aux agences de l'eau la perception des ressources et leur redistribution aux communes rurales pour leur équipement en adduction d'eau, quel que soit son caractère fonctionnel, ne soit pas convenablement alimenté. Le paragraphe II de l'article 36 du projet de loi, qui prévoit que « Les contributions versées par les agences de l'eau au titre de la solidarité envers les communes rurales en application du VI du même article ne pourront être inférieures à 150 millions d'euros par an », répond, nous semble-t-il, à cette inquiétude.

Dans ces conditions, la suppression proposée des fonds départementaux pour l'alimentation en eau et l'assainissement, les FDEA, qui avaient été introduits par le Sénat, est cohérente. La délégation s'était d’ailleurs inquiétée des conditions dans lesquelles ces fonds seraient créés et alimentés.

S'agissant du pilotage de la gestion de l'eau, l'extension des prérogatives du conseil supérieur de la pêche et sa transformation en office national de l'eau et des milieux aquatiques, opérées par l'article 41, doivent également être approuvées pour ce qu’elles apportent en cohérence, d'une part, et en péréquation, d’autre part. L'ONEMA sera en effet chargé, au-delà de la solidarité à l'échelle du bassin, de celle à l'échelle nationale. L'institution à cette fin d'un financement par les agences de l'eau doit également être approuvée, même si le plafonnement de ce financement à 108 millions d'euros par an a pu susciter quelques réticences.

La constitutionnalisation des redevances perçues par les agences de l’eau, portée par l’article 37 du projet de loi, est un autre élément majeur de ce texte. Une politique évolutive, tenant compte des problèmes et des usages, est ainsi renforcée contre les risques, toujours présents, de voir le dispositif annulé.

S’agissant enfin de la composition des comités de bassin, la délégation à l’aménagement du territoire considère que l’influence des élus au sein de ces comités tient d’abord à leur implication et à leur capacité, face à l’État et aux industriels, à s’emparer des dossiers, à les maîtriser et à proposer leurs solutions.

Ainsi nous pouvons attendre de ce projet de loi qu’il favorise la gestion de l’eau dans le sens d’un développement plus équilibré, parce que plus durable et plus concerté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues de l’Assemblée, avant tout, permettez-moi de rectifier une erreur : il n’y a plus six mais douze bassins versants.

Hier, la Martinique était réputée pour la qualité de ses eaux. Hélas, elle n’a pas été épargnée par la contamination. Bien qu’elle soit de diverses origines, cette contamination envahissante a été aggravée par ceux de tous bords qui ont enfreint les interdits.

Actuellement, sans sacrifier à l’affolement général, force est de souligner qu’il y a de quoi s’alarmer. En effet. les produits phytosanitaires à forte rémanence imprègnent tout. Les ravines, véritables cloaques incontrôlés, alimentent de leurs immondices les rivières par temps de pluie ; l’hypersédimentation s’accélère ; les réseaux d’assainissement n’assainissent pas convenablement ; les stations d’épuration n’épurent pas vraiment. Conséquences : les eaux souterraines, en maints endroits, sont polluées – sur quinze sources examinées, dix ont été déclarées impropres à la consommation –, les eaux de transition et les mangroves sont altérées à 75 %, et les eaux côtières sont de plus en plus souillées. De plus, les réseaux d’adduction, devenus poreux et défectueux avec le temps, méritent d’être rajeunis dans les plus brefs délais.

Comment alors réduire ces polynuisances ?

Les chantiers sont de taille, j’en conviens, mais si l’on tient à revenir au bon état écologique et chimique des masses d’eau, tant superficielles que souterraines, et à le garantir, il faut franchement changer de cap : en réduisant de façon significative les pollutions générées, en prévoyant des limites à l’utilisation débridée des pesticides, en créant des structures à gestion globalisée dotées de moyens, de compétences, mais aussi de moyens de coercition.

Dans ces conditions, le projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques m’apparaît comme un rendez-vous pathétique et un défi : pathétique, au sens où, au delà des coupables, chacun de nous est concerné et menacé ; un défi, au sens où il est vital de faire cesser cette dégradation profonde.

Seules une conscience écologique et sanitaire plus poussée, une appréciation des besoins réels des utilisateurs et une gestion maîtrisée pourraient permettre d’assurer le succès pérenne de la réforme devenue incontournable, d’autant plus que la ressource potentielle ne manque pas.

En effet, la Martinique dispose d’une ressource superficielle estimée à 500 millions de m3 par an et elle bénéficie de 2 milliards de m3 de précipitations annuelles. Malgré tout, il existe une inégale répartition spatiale et temporelle de l’eau, et l’île a une autonomie de seulement trois jours de réserves.

Nul doute que l’augmentation des capacités de stockage et le rééquilibrage en fonction de l’origine de la ressource en eau seraient des solutions à creuser, car 90 % des volumes produits proviennent de l’eau de surface, 7 % de l’eau de source et 1 % de forages. Ces objectifs limiteraient la rigueur des rationnements pour les habitants et les agriculteurs en période de carême, c’est-à-dire d’extrême sécheresse.

En outre, la vétusté des réseaux d’alimentation et d’assainissement génère des pertes d’eau conséquentes, de l’ordre de 10,6 m3 par kilomètre et par jour. La résistance et la résilience des réseaux doivent être assurées dans un pays où les risques – sismique, cyclonique et volcanique – sont majeurs. Les mesures visant à remplacer et à étendre les infrastructures doivent désormais intégrer toutes ces données.

Au regard de tout ce qui précède, l’exigence de qualité des eaux suppose de mener de front la maîtrise de la pollution et une véritable politique de dépollution de l’existant. En effet, si rien n’est fait en ce sens, les efforts déployés seront vains, quand on sait que certaines sources dépassent de 35 à 44 fois la teneur légale exigée pour le seul chlordécone.

À cet égard, le texte de loi sur l’eau et les milieux aquatiques, en son article 37, prévoit une redevance pour pollutions diffuses, exigible de toute personne distribuant des produits anti-parasitaires à usage agricole. C’est entendu, mais qu’est-il prévu pour le préjudice important déjà causé ? Comment le réparer ? De ce point de vue, nous ne sommes pas dans une logique de dépollution. Pourquoi, madame la ministre, ne pas instituer un fonds spécifiquement dédié ?

Cela me donne l’occasion de rappeler que, quelque part, il y a eu manifestement faute – j’ai presque envie de dire connivence – car des données scientifiques, vieilles de trente ans déjà, étaient portées à la connaissance du public. À cet égard je tiens à évoquer ici l’interdiction de produire le chlordécone aux États-Unis depuis 1976, ou encore le rapport Snégaroff de 1977. Comment admettre que des informations portant sur un produit aussi nocif aient pu rester ignorées ?

C’est dire que la situation en Martinique reste préoccupante. Si le projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques vise à atteindre en 2015 l’objectif du bon état écologique défini par la directive européenne du 23 octobre 2000, les données sur l’état des lieux du district hydrographique montrent l’impossibilité d’y parvenir à ce terme, sauf à fournir un effort gigantesque.

À cela s’ajoute le manque d’adaptation des normes édictées au contexte tropical insulaire et aux écosystèmes de la Martinique.

En conclusion, madame la ministre, le tableau décrit peut vous paraître sombre. Croyez que je ne l’ai pas du tout assombri : il n’est que le pur reflet de la réalité. C’est de cette réalité que doivent découler des choix appropriés et des solutions adaptées.

Madame la ministre, au moment où, de par le monde, des millions de personnes n’ont pas accès à l’eau ou meurent de maladies dues à l’eau, au moment où des expéditions louables sont lancées, à grands renforts de moyens, pour détecter sur certaines planètes éloignées des traces d’eau, donc de vie, ce serait le comble que, là où il y a la vie, l’eau soit rendue impropre à l’homme par l’homme.

Mme Juliana Rimane. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.

M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tous les orateurs qui m’ont précédé l’ont souligné : chacun a conscience que l’eau est l’un des biens les plus précieux de la planète. Selon certains, elle est la source même de l’humanité et de la vie. Cependant en dépit des apparences d’abondance qu’offre la « planète bleue », l’eau n’est pas inépuisable. En effet, les besoins croissants des activités économiques et des hommes posent avec acuité la question quantitative, mais aussi qualitative de cette ressource. Dans de nombreux pays, l’eau se fait rare, et il n’est pas utopique de penser qu’au cours du xxie siècle, elle sera au cœur des problématiques écologique, économique et politique de notre planète.

Face à cette menace, amplifiée par les dérèglements climatiques, de nombreuses voix se sont élevées pour exprimer des interrogations liées à l’accès à l’eau et aux inégalités dans ce domaine, aux pollutions et aux politiques de l’eau. La France, avec la loi de 1964, s’est dotée d’une réglementation et des premiers organes de gestion de l’eau. Ces premiers éléments, trop peu contraignants, ne suffisaient pas. La loi sur l’eau de 1992 a initié une démarche planificatrice, avec la mise en place des schémas d’aménagement et de gestion des eaux – les fameux SAGE, SDAGE pour les schémas directeurs – et une démarche interventionniste, avec une police chargée de réglementer les usages de l’eau.

L’Union européenne, consciente de l’urgence d’une gestion coordonnée de l’eau au niveau européen en matière environnementale, a fixé en décembre 2000, dans une directive cadre, des objectifs à atteindre au plus tard en 2015 en matière de quantité, de qualité et de protection de l’eau.

Après plus de cinq ans d’attente, je devrais dire de retard, le Sénat a été saisi d’un projet de loi visant à donner les outils aux pouvoirs publics, aux collectivités territoriales et à d’autres acteurs pour, selon l’exposé des motifs de ce texte, « reconquérir la qualité des eaux ». Un an plus tard, ce projet de loi nous est soumis. Décembre 2000, mai 2006 : que d’années perdues au vu de l’échéance fixée par l’Union européenne pour remplir les objectifs de bon état écologique des eaux.

Madame la ministre, mes chers collègues, quelle est la situation dans les DOM ? L’orateur qui m’a précédé a parlé de la Martinique. Je souscris à tout ce qu’il a dit, et bien plus encore.

Le retard pris pour la politique de l’eau y atteint son paroxysme. En effet, nos départements attendent depuis très longtemps – trop longtemps – cette loi. Faut-il en effet rappeler que la loi sur l’eau du 16 décembre 1964 ne contenait aucune disposition concernant les DOM, que celle de 1992 n’a été appliquée outre-mer par décret qu’en 1995 et que ce n’est qu’avec la LOOM, votée en 2000, que furent créés les offices de l’eau en outre-mer ? Ce n’est plus du retard, c’est presque de l’anachronisme !

De plus, la politique de l’eau menée en outre-mer est inadaptée à ses nombreuses spécificités.

En Martinique, dans ma circonscription, à l’occasion d’un projet de captage d’eau pour l’irrigation de la banane dans la charmante petite commune de Grand-Rivière, située dans l’extrême nord, nous avons pris récemment toute la mesure de l’inadaptation des dispositifs nationaux à notre contexte insulaire.

Nous connaissons effectivement dans les départements d’outre-mer de graves problèmes liés à l’exiguïté de nos territoires insulaires, aux sécheresses, aux pratiques de déboisement excessif, aux pollutions des sols, des rivières et des eaux littorales, dues notamment à l’utilisation de pesticides pendant des décennies. Je pense plus particulièrement au chlordécone qui a fait beaucoup de ravages dans nos eaux, nos rivières et nos sols.

Toutes les spécificités de nos territoires font qu’ils doivent, contrairement à la France métropolitaine, organiser leur autonomie en matière de production et de gestion de l’eau. C’est dire que l’outre-mer aurait dû tenir une place, sinon centrale, du moins importante, dans le texte qui nous est proposé aujourd’hui.

Or l’actuel projet de loi ne contribuera pas à pallier les carences et les retards que je viens d’énumérer. Malgré quelques avancées, arrachées par les parlementaires de l’outre-mer en première lecture au Sénat, votre texte, madame la ministre, ne prévoit ni les orientations ni les moyens susceptibles de faire face aux problèmes qui se posent dans les DOM. En dépit de votre optimisme, madame la ministre, le bilan et les perspectives sont peu réjouissants : quarante ans de retard en matière de politique de l’eau aux Antilles, et plus singulièrement à la Martinique, et des moyens insuffisants et inadaptés pour l’avenir. Dans ces conditions, comment pourrons-nous remplir et respecter les objectifs fixés par l’Union européenne pour 2015 ?

Madame la ministre, les quelques amendements déposés par les députés ultramarins, de quelque bord qu’ils soient, amélioreront certainement votre texte. Pour ma part, j’en soumettrai plusieurs à la sagesse de la représentation nationale : l’un touche au classement des ravines dans le domaine public fluvial, d’autres permettraient de donner aux offices de l’eau des départements d’outre-mer des moyens suffisants et adaptés pour répondre à leurs missions.

Comme vous le constatez, la problématique de l’eau en outre-mer est beaucoup plus complexe qu’on ne l’imagine et les réponses qui seront apportées devront, me semble-t-il, obéir à une triple exigence.

Premièrement, protéger et sauvegarder la ressource, en raison de l’exiguïté de nos territoires.

Deuxièmement, établir un juste équilibre entre les contributions des différents utilisateurs de l’eau. Contrairement à ceux qui voient dans la notion « pollueur-payeur » le seul aspect répressif, il faut aussi y voir, selon moi, une dimension dissuasive !

Troisièmement, encourager les bonnes pratiques agricoles. Sur ce point, je tiens à féliciter la grande majorité des agriculteurs qui s’inscrit déjà dans cette démarche de protection et de respect de l’environnement. Beaucoup d’efforts restent à faire dans ce domaine, et nous avons besoin d’être accompagnés dans cette démarche.

Pour conclure, madame la ministre, vous disiez ce matin que la directive-cadre de 2000 incitait la France à passer d’une logique de moyens à une logique de résultats, mais les moyens prévus dans votre projet de loi sont insuffisants pour atteindre les résultats fixés par l’Union européenne. Pour ma part, j’attendrai donc la suite de nos débats pour savoir si vous acceptez d’enrichir votre texte de dispositifs traduisant une véritable ambition pour la politique de l’eau outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la discussion de ce texte sur l’eau et les milieux aquatiques intervient presque cinq ans après la discussion du projet de loi sur l’eau présenté par le gouvernement Jospin, qui, ayant été inscrit à l’ordre du jour en toute fin de législature, n’avait aucune chance de suivre le cycle législatif normal et donc d’être adopté.

Ces cinq années écoulées ont vu la réglementation européenne se préciser. Elles ont aussi été l’occasion de mesurer encore plus la valeur d’une ressource que l’on croyait abondante et dont on mesure mieux aujourd’hui la rareté au regard de ses usages multiples et des conflits d’usage qui peuvent en découler.

Qui dit ressource rare dit ressource dont il faut également préserver le renouvellement à travers le traitement.

Au-delà de l’eau elle-même, il convient aussi d’aborder l’ensemble des questions ayant trait aux milieux aquatiques et aux cours d’eau, notamment la capacité des propriétaires, des collectivités territoriales et de l’État à en assurer l’entretien.

Madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite donc aborder ces trois aspects avec le regard de l’élu de la montagne que je suis, car si les élus de nos massifs sont conscients de la responsabilité qui est la leur dans la préservation durable d’une ressource indispensable à la communauté nationale tout entière, s’ils sont conscients de leur rôle comme gardiens des châteaux d’eau que sont nos massifs, ils souhaitent aussi faire partager leurs préoccupations spécifiques par rapport au dossier de l’eau et espèrent les voir davantage prises en compte au niveau national.

La gestion de la ressource, tout d’abord.

Si la ressource en eau est importante dans le massif alpin, elle est mal répartie et doit être partagée entre les différents usages.

Dans l’ensemble du massif, l’eau est tout d’abord utilisée par turbinage pour la production d’énergie. 50 % de la production hydroélectrique nationale proviennent des Alpes ! Il s’agit de la première énergie renouvelable et elle doit être préservée. 10 % d’hydroélectricité en moins, c’est plus que la totalité des autres énergies renouvelables produites dans notre pays !

Cela dit, nous sommes conscients que la production d’énergie pose le problème, au travers des aménagements réalisés, de la vie des cours d’eau en aval, et donc des débits nécessaires à l’évacuation des solides, à la pratique de la pêche comme des sports d’eau vive, ces deux dernières activités représentant un élément important de la diversification de l’offre touristique.

Après des débats approfondis, le Sénat est parvenu à un équilibre du texte sur les débits réservés. Il convient de respecter cet équilibre qui permet à la fois de ne pas trop affaiblir la production d’énergie qui assure la gestion des pointes de consommation et de mieux prendre en compte les autres usages de l’eau.

La loi « montagne » de 1985 a reconnu pour les collectivités de montagne le droit à retour d’une partie de cette ressource énergétique par la mise en place de l’énergie réservée.

Le comité de massif des Alpes unanime a rappelé, en adoptant vendredi dernier son schéma de massif, la légitimité de ce retour. Or madame la ministre, le décret de 1999 concernant l’énergie réservée, pris sans aucune concertation avec les élus de la montagne, a réduit de manière significative le bénéfice de la loi « montagne », puisque les nouvelles règles aboutissent parfois à l’absence d’énergie réservée, alors même qu’il y a production. Il s’agit d’un véritable détournement, engagé par voie réglementaire, d’une disposition législative adoptée en 1985 à l’unanimité !

La protection de la ressource, ensuite.

La qualité des eaux superficielles se réduit dans la plupart des grandes rivières issues du massif – Isère, Drôme, Buëch, Ubaye, Durance – par l’eutrophisation des plans d’eau et par la pression des aménagements dans un contexte de réduction de la pluviométrie. Certains affluents sont particulièrement fragilisés. Les eaux souterraines, qui représentent 85 % de l’eau consommée, sont également menacées, notamment dans le sillon alpin et la vallée de la Durance. Il convient donc d’être vigilant.

Les investissements réalisés au cours des dernières années, avec notamment l’aide des fonds européens dans certains secteurs, ont permis de rattraper le retard en matière de traitement de l’eau. Cependant, des investissements importants devront encore être réalisés.

À ce sujet, madame la ministre, je souhaite rappeler les surcoûts importants représentés par la réalisation de stations d’épuration en altitude, évoquée par François Brottes. Dans tous les cas, les amplitudes thermiques, mais aussi la géographie et la géologie renchérissent la réalisation des réseaux. À ces surcoûts techniques, s’ajoutent les surcoûts spécifiques en secteur touristique, une même station devant gérer des volumes pouvant aller de un à dix en fonction de la saison.

Si nous sommes conscients de nos responsabilités vis-à-vis de l’aval, nous souhaitons aussi que l’aval se sente concerné par la protection de la ressource. Cela suppose que les contributions de l’État comme des agences de l’eau prennent en compte ces surcoûts. De même, il faut permettre, au travers de la part fixe, de mieux faire contribuer l’immobilier de loisir aux surcoûts qu’il génère.

La protection de la ressource passe aussi par l’accompagnement de l’agriculture de montagne dans la lutte contre les pollutions d’origine agricole. La déclivité des sols est en effet un facteur important de cette pollution. Or depuis l’origine, les aides pour les PMPOA ont été concentrées sur les zones d’élevage intensif, excluant de fait la plupart des élevages de montagne car c’est le taux de chargement à l’hectare qui a servi de référence. L’unité de gros bétail à l’hectare, qui est la référence, aboutit à exclure les élevages de montagne en système extensif du système d’aide ou à les faire bénéficier d’aides limitées, laissant les producteurs et les collectivités territoriales seuls face à ces dépenses, alors même que le revenu des agriculteurs de montagne est inférieur à la moyenne nationale.

L’entretien des cours d’eau, enfin.

Le régime torrentiel des cours d’eau en zone de montagne est un facteur aggravant des risques en l’absence d’entretien. Or plus que d’autres, les territoires de montagne ont été touchés par l’exode rural et par la déprise agricole. Les aménagements hydrauliques ont par ailleurs modifié la vie des cours d’eau et notamment l’évacuation des matériaux.

M. Martial Saddier. Tout à fait !

M. Michel Bouvard. Il importe donc que ces spécificités soient prises en compte, mais pas seulement dans la rédaction de PPRI et de PPRN aboutissant à stériliser des pans entiers du territoire dans des secteurs où les espaces utiles pour les activités humaines sont limités.

Cela suppose, notamment, que les moyens d’expertise et d’intervention de l’État soient maintenus dans la future programmation 2007-2013 pour le service RTM, restauration des terrains en montagne.

Cela suppose aussi que la spécificité des débits solides conduise à des plans de gestion intégrant une politique adaptée pour les prélèvements de matériaux.

Cela suppose, enfin, que l’État rappelle aux exploitants hydrauliques leur responsabilité dans la gestion de l’aval et notamment dans l’entretien.

À ce titre, je souhaite que le service RTM puisse bénéficier d’un véritable cofinancement du ministère de l’écologie et que cessent ces sempiternelles difficultés d’arbitrage entre le ministère de l’agriculture et le ministère de l’écologie, sur lesquelles nous butons depuis des décennies.

M. Michel Piron. Oh oui !

M. Michel Bouvard. Il s’agit, là encore, d’exprimer la solidarité nationale, le retour légitime que peuvent attendre ceux qui protègent la plus grande partie de la ressource.

Mes dernières réflexions concernent le prix de l’eau et les régimes de taxation. Si nous avons le devoir de rappeler à nos concitoyens la valeur du bien et d’expliquer l’évolution du prix s’agissant d’un service indispensable à la vie et acquitté par tous, nous devons veiller à la fois à ce que les tarifs restent raisonnables, à ce que l’amplitude entre les zones géographiques reste limitée et à ce que la constitution du prix soit lisible. En ce sens, je tiens à dire mon appui au travail de simplification effectué par Philippe Rouault au nom de la commission des finances. Dans ce souci d’une maîtrise tarifaire, je souhaite que soit aussi marquée une pause dans l’inflation normative, qui est souvent à l’origine de surcoûts très importants et mobilise des ressources qui seraient bien plus utiles ailleurs.

M. Michel Piron. Excellent !

M. Claude Gaillard. Vous avez raison !

M. Michel Bouvard. Sur ces différents points, j’aurai l’occasion de défendre des amendements permettant d’améliorer le texte et de mieux prendre en compte les spécificités de nos massifs, texte auquel j’apporte mon soutien parce qu’il constitue un point d’équilibre sur un sujet complexe et qu’il a été le fruit d’une concertation prometteuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christian Decocq.

M. Christian Decocq. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la grande loi sur l’eau du 16 décembre 1964 a été un texte profondément novateur qui a jeté les bases d’une politique de l’eau, politique visionnaire dans son objet et dans ses principes.

Madame la ministre, on saisira mieux les enjeux de votre actuel projet si l’on rappelle au préalable les éléments structurants qui ont charpenté la loi de 1964 et si l’on accepte d’en mesurer l’affaiblissement au fil du temps. On verra alors apparaître en pleine clarté le relief de votre projet de loi et sa portée réelle ; sans doute verra-t-on aussi ses creux, que nous tenterons de combler par un débat amical.

Que nous a apporté la loi de 1964 ?

La clé de voûte du dispositif est l’apparition du principe pollueur-payeur qui introduit une dimension économique – et non pas morale, mes chers collègues ! – dans la gestion de la ressource en eau.

C’est aussi, comme l’a rappelé le rapporteur dans son excellent rapport, l’organisation d’une concertation locale entre tous ceux qui sont impliqués ou concernés par cette ressource : industriels, agriculteurs, élus, associations, usagers, représentants de l’État.

C’est enfin et surtout le mécanisme de gestion intégrée des grands bassins versants propres à la réalisation d’actions d’intérêt commun, utiles aux « usagers » ou rendues nécessaires par eux.

Et voilà que l’Europe s’est emparée de cette idée. Le triptyque économie, concertation, gestion par bassin s’est retrouvé dans la directive-cadre sur l’eau du 23 octobre 2000, trente-six ans après la loi de 1964. Une fois de plus, la France a été exemplaire. Mais saura-t-elle conserver son avance ? Mieux, saura-t-elle à nouveau éclairer l’avenir ?

C’est l’ambition de ce projet de loi, qui s’inscrit dans la philosophie politique adoptée par le Gouvernement depuis 2002 : réduire la dépense publique, réduire les prélèvements obligatoires et poursuivre la décentralisation.

Pour satisfaire un besoin donné de dépenses publiques, on a toujours fait appel à une multitude des prélèvements obligatoires différents, sans considération de leur impact réel, et surtout sans mesurer l’effet pervers de certains d’entre eux. C’est le cas, par exemple, de tous les prélèvements assis sur les salaires. Au contraire, la fiscalité écologique, dont relèvent les redevances des agences, a des effets vertueux : non seulement elle procure les ressources nécessaires à la préservation de la ressource en eau, mais elle vise à modifier des comportements et à réduire in fine le besoin ultérieur de dépenses publiques.

M. Jean Launay. Ah ! Enfin un peu de raison !

M. Christian Decocq. Encore faut-il que les divers usagers de la ressource en eau soient suffisamment responsabilisés, incités – et non pas contraints – par des niveaux de redevances modulés et en relation avec l’impact réel de leurs actions sur l’état de la ressource.

La pollution n’est pas un phénomène absolu. C’est un phénomène relatif qui doit être apprécié par rapport au milieu récepteur et à la valeur de la ressource. Cette valeur est très variable dans le temps et dans l’espace. C’est pourquoi l’intervention du Parlement doit permettre aux instances de bassin, ainsi que plusieurs de mes collègues l’ont demandé, d’apprécier ces différences au plus près des réalités hydrologiques et hydrogéologiques.

M. Claude Gaillard. Très juste !

M. Christian Decocq. La notion même d’intérêt commun des actions et travaux prévus par le programme pluriannuel d’intervention à l’article 35, alinéa 36, ne peut être comprise que dans une proximité géographique ressentie par les petits comités de bassin. En revanche, le territoire d’au moins quatre bassins sur les six comités métropolitains est trop vaste pour que s’y développe une pratique de forte modulation faisant accepter une lointaine solidarité physique et des situations diverses, variables dans l’espace et dans le temps.

Voilà pourquoi la trop faible différenciation des aides et des redevances a conduit le Conseil constitutionnel, dans son avis du 23 juin 1982, à qualifier les redevances comme faisant partie des « impositions de toutes natures », ce qui induit et souligne leur caractère inconstitutionnel, dans la mesure où elles sont votées par le comité de bassin, où ne siègent que peu d’élus. Ce projet renvoie donc au Parlement le vote des assiettes, des tarifs maximums et des seuils minima de recouvrement, conformément à l’article 34 de la Constitution.

Une controverse, d’un haut niveau juridique s’est développée sur la question des « vraies » et des « fausses » redevances. Les premières, pour service rendu, ne relèveraient pas de la compétence du législateur – c’est la thèse que M. Santini vient de défendre –, et les secondes, celles qui présentent un caractère de péréquation sans lien direct avec le service rendu, auraient – c’est la thèse de M. le rapporteur – les caractères d’une fiscalité soumise au Parlement.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Christian Decocq. Nous devons tenter de dépasser cette controverse et de jeter les bases d’une nouvelle ambition pour notre politique de l’eau.

D’abord, il convient de se fonder sur notre toute récente Charte de l’environnement et d’affirmer que le principe pollueur-payeur – qui n’est pas, je le répète, un principe moral – consacré par cette charte n’est pas incompatible avec le choix de la fiscalité.

Ensuite, il faut souscrire à l’obligation de mettre en œuvre les principes de protection de l’environnement contenus dans la Charte par l’instauration d’une redevance « nitrates ».

Enfin, pour éviter que la fiscalisation des redevances ne constitue un obstacle à leur modulation par les agences, il faut faciliter cette différenciation dans la loi, conformément à la directive-cadre, en permettant aux agences d’agir au plus près des réalités locales. Un amendement tendant à introduire la notion de sous-bassin devrait permettre à une seule agence, le cas échéant, d’exercer sa compétence au service de plusieurs comités de bassin.

Je reprendrai pour conclure les propos que vous avez tenus sur le changement climatique, madame la ministre, car j’ai pu, en tant que membre de la mission d’information sur l’effet de serre, en mesurer toute l’importance : l’aridité et la sécheresse sont des rendez-vous auxquels l’Humanité ne pourra échapper, et notre pays ne fait pas exception. Avant d’assumer à nouveau, en 2008, la présidence européenne, nous devons nous doter d’une grande loi nous permettant de relever ce défi et d’endosser cette responsabilité, afin de prouver que, s’il existe peut-être encore, hélas ! un « mal français », un « génie français », heureusement, demeure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme on ne me reconnaît de compétences qu’en matière d’agriculture (Sourires), c’est sur les aspects agricoles de ce projet de loi sur l’eau que je concentrerai mon propos. Je souhaite cependant saluer le travail réalisé par le rapporteur de la commission des affaires économiques, qui a étudié le sujet pendant de longs mois, l’a exploré jusque dans ses moindres recoins et a tenté de faire des propositions innovantes. Il s’est à juste titre inspiré du rapport de Marcelle Ramonet, qui, en 2003, a examiné la difficile question des relations entre l’activité agricole et les questions environnementales. Comme le sujet me passionne, je suis très satisfait de trouver dans l’avis de Philippe Rouault la possibilité d’avancer dans ce domaine et de clarifier notre réflexion, notamment sur le lien entre les questions environnementales et la Charte de l’environnement. Celle-ci énonce en son article 4 le principe pollueur-payeur, mais c’est après avoir fixé, dans son article 3, un principe de prévention. C’est dans l’articulation de ces deux principes que se trouve la clef d’une politique efficace et concrète permettant d’atteindre les objectifs de qualité environnementale et d’ouvrir la possibilité de moduler la contribution qui sera demandée aux différents usagers de l’eau en fonction de leur capacité contributive.

Prenons un exemple extrême. On s’accorde à reconnaître que la façon la plus vertueuse de pratiquer l’agriculture, c’est l’agriculture biologique. Pourtant, même les agriculteurs « bio » ne sont pas capables d’intégrer dans leur acte de production l’ensemble du coût environnemental. C’est pour cette raison que nous avons décidé l’année dernière, lors de l’examen de la loi d’orientation agricole, de leur octroyer un crédit d’impôt pour les soutenir dans leur démarche. Il faudra s’en souvenir lorsque nous en arriverons au fameux article 37, qui redéfinit l’ensemble des redevances.

Trois aspects importants de ce texte concernent plus particulièrement l’agriculture.

S’agissant de la redevance sur l’azote, je pense moi aussi que le sujet est obsolète : des politiques ont été menées et les deux PMPOA successifs commencent à produire leurs effets, tout comme les principes d’éco-conditionnalité, qui s’appliquent depuis l’année dernière à la politique agricole commune. Étant agriculteur moi-même, je viens de déposer ma déclaration PAC : je peux vous montrer les photographies satellite de mon exploitation agricole qui mettent en évidence l’emplacement des différentes jachères environnementales, notamment celles qui permettent de protéger les cours d’eau, donc de renforcer la ripisylve, celles qui permettent de protéger un captage d’eau potable, et enfin celles qui permettent de créer une zone tampon avec une forêt classée Natura 2000. Sur le terrain, il faut le savoir, les choses avancent.

Je suis favorable, en revanche, à une redevance sur les produits phytosanitaires : c’est là qu’est le véritable problème, et il nous faut le prendre à bras-le-corps. Là aussi, la loi d’orientation a apporté une pierre à l’édifice puisque nous avons revu l’ensemble des dispositifs d’homologation des produits tout en renforçant les contrôles relatifs à leur dangerosité pour l’environnement.

Deuxième point important : l’irrigation. Des polémiques ont éclaté l’année dernière à ce sujet. Des propos très raisonnables, auxquels je souscris, viennent d’être tenus à cette tribune. Je crois beaucoup à la gestion collective et constate moi aussi que les pratiques agricoles et les choix d’assolement sont en train d’évoluer vers une gestion quantitative raisonnée de l’eau.

Enfin, nous nous devons de trouver des solutions à la question du recyclage des boues de stations d’épuration. Je me réjouis de la création d’un fonds de garantie, mais ce n’est qu’une première étape : il faut aller plus loin et rappeler que, sur les 90 000 tonnes de matière sèche produites annuellement en France, 60 000 tonnes de matière organique doivent soit retourner à la terre, soit être valorisées par la production de biogaz, utilisées comme énergie renouvelable. Intégrons ces données dans la réflexion sur la valorisation de la biomasse. Surtout ne mettons pas ces matières dans les incinérateurs ni dans les décharges pour déchets ultimes !

Claude Gaillard a souligné l’orientation du groupe UMP, à laquelle je souscris entièrement. Les lobbies et les associations sont nombreux, la presse est avide de spectacle et de déclarations fracassantes : nous devons avoir la sagesse de poser des principes raisonnables, qui nous permettent d’avancer concrètement. Ce c’est que nos électeurs attendent de nous : faire de la politique au sens noble du terme, c'est-à-dire rendre possible ce qui est nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Gaillard. Bravo ! Quelle belle image vous donnez de l’agriculture !

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je souhaite aborder dans les dix minutes qui me sont imparties plusieurs sujets sur lesquels nous reviendrons lors de la discussion des articles.

Je commencerai par les nécessaires économies et la préservation de la ressource. Chacun a conscience que l’eau est un enjeu majeur pour l’avenir de notre planète. Dès à présent, chaque pays, chaque région du monde a le devoir de s’engager sur la voie du développement durable et de travailler à la préservation de la ressource tant sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif.

C’est en ce sens que j’ai déposé en juillet 2004 une proposition de loi visant à créer pour chaque construction nouvelle une réserve d’eaux pluviales.

M. Jean Launay. Bonne idée !

M. Germinal Peiro. Plus de deux cents collègues, toutes tendances confondues, ont apporté leur soutien à ce texte. Associations de consommateurs, architectes, marchands de matériaux, élus locaux : tous m’ont encouragé à poursuivre cette initiative. Vous-même, madame la ministre, tout comme votre prédécesseur, M. Serge Lepeltier, m’avez assuré de votre soutien. Et la commission des affaires économiques a adopté à l’unanimité, le 3 mai dernier, la proposition de mettre en place, comme on l’a fait pour l’installation de chauffe-eau solaires, un crédit d’impôt pour la création de réserves d’eaux pluviales. Il nous reste à traduire cette volonté dans la loi.

Cette initiative aura un impact direct sur l’économie de la ressource d’eau potable, l’eau pluviale étant utilisée pour des usages domestiques tels que l’arrosage des pelouses et des jardins ou le lavage des voitures. Elle représentera une économie financière pour les utilisateurs et aura une valeur pédagogique, à l’instar du compostage individuel des déchets ménagers, pour engager nos concitoyens sur la voie de l’éco-citoyenneté.

Nous devons appliquer la même démarche de préservation de la ressource au secteur agricole. L’agriculture a toujours reposé sur la gestion de la ressource en eau. Au-delà de notre volonté d’engager les agriculteurs vers des méthodes de culture plus économes, moins polluantes, plus respectueuses de l’environnement, comme l’assolement – car il est indéniable que la monoculture du maïs pratiquée année après année est un exemple à ne pas suivre –, nous ne devons pas occulter le fait que l’irrigation est indispensable au maintien d’une production de qualité.

De ce point de vue, les nouvelles dérogations à la règle du maintien d’un débit minimum d’un dixième du module annuel à la sortie des ouvrages me paraissent dangereuses. Non seulement il sera impossible d’assurer une qualité écologique minimale des cours d’eau, mais les prélèvements seront interdits. Il faut dire clairement à ceux qui barrent les rivières à leur profit qu’ils n’ont pas le droit de les assécher. Il n’est pas question de remettre en cause les nécessités de la production hydroélectrique sur les grands barrages de notre pays, mais il faut arrêter le massacre de nos rivières et de nos vallées par des microcentrales privées. Pour produire une électricité marginale, qu’EDF est d’ailleurs obligée de leur acheter à un prix exorbitant, elles nuisent à l’intérêt général en entravant les cours d’eau. Je pourrais citer des dizaines de vallées dans les Pyrénées, les Alpes et le Massif central, qui ont perdu tout attrait touristique à cause de l’atteinte que de tels équipements portent à l’environnement.

Le but de toute loi est de concilier les usages et, en l’espèce, celui des rivières. Elles n’appartiennent à aucun groupe ni à aucun lobby, chaque usager doit pouvoir en jouir en respectant les autres. C’est le cas des pêcheurs, qui sont des gestionnaires attentifs et des protecteurs du milieu. Les pêcheurs à la ligne, bien sûr, mais aussi les pêcheurs aux engins, qu’ils soient professionnels ou amateurs. Même s’ils sont peu nombreux, ils doivent être autant respectés que les autres, car c’est l’honneur de la République que de respecter les minorités.

Enfin, je veux aborder les problèmes d’accès à l’eau et de circulation sur les cours d’eau pour les adeptes des activités de pleine nature. Ces activités sont pratiquées chaque année par 30 millions de personnes, soit un Français sur deux. À l’heure où les collectivités – communes, départements et régions – s’intéressent enfin à leurs rivières après les avoir reléguées au rang d’exutoire durant des décennies, la loi doit répondre aux aspirations légitimes de la société. Il est grand temps de permettre aux randonneurs non motorisés de marcher le long de nos fleuves et de nos rivières, de nos cours d’eau domaniaux, comme la Seine, la Garonne, la Loire, le Rhône ou la Dordogne, dont le lit est du domaine public.

M. Jean Launay. C’est vrai !

M. Germinal Peiro. Quatorze ans après la loi de 1992, qui reconnaît la libre circulation sur les cours d’eau des engins nautiques non motorisés, comme le raft ou le canoë-kayak, l’heure est venue d’exiger des propriétaires d’ouvrages qui entravent les rivières qu’ils les équipent de passes ou de chemins de contournement.

Ces adaptations de la loi, qui n’ont rien d’extraordinaire, permettraient de répondre aux besoins de millions de nos concitoyens et de favoriser, au travers des activités de pleine nature, un développement touristique, aujourd’hui indispensable à la vie du monde rural. Je ne doute pas que nous trouverons des moyens de nous rassembler sur ces sujets au cours de la discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Denis Merville.

M. Denis Merville. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour la discussion en première lecture du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques. Ce texte, attendu avec impatience depuis plusieurs années, permettra de moderniser notre législation et de l’adapter aux nouveaux enjeux du développement durable ainsi que de transposer la directive-cadre européenne. Je veux donc saluer, madame la ministre, votre travail et votre détermination dans la gestion de ce délicat dossier. Après avoir procédé à une consultation approfondie pour élaborer votre texte, vous permettez aujourd’hui à la représentation nationale d’en débattre.

En 1964, la France faisait figure de précurseur avec une première loi sur l'eau posant des principes que beaucoup d’autres pays allaient adopter. Quarante ans plus tard, c’est une directive européenne qui constitue désormais le cadre de référence pour la protection et l'amélioration de tous les milieux aquatiques. La France et les membres de l'Union européenne se sont fixé un objectif de bon état écologique de l'ensemble des masses d'eau superficielles et souterraines d'ici à 2015. Pour satisfaire cette ambition, il faudra s’en donner les moyens.

Aujourd’hui, la moitié des points de suivi sont en bon état, notamment grâce aux efforts importants déployés ces dernières années par les collectivités locales en matière de dépollution des eaux usées. Pour progresser vers l'objectif de bon état écologique, nous devrons développer des actions relatives aux milieux et à la diversité des habitats aquatiques.

Le chantier de la reconquête et de la préservation de l'eau qui s'ouvre devant nous est vaste. Il s'inscrit dans une démarche de développement durable pour respecter le droit des générations futures à un environnement de qualité. Il s'impose donc à tous. Afin d'assurer le succès de cette entreprise, le Gouvernement a procédé pendant près de deux ans à une longue phase de débat, au plan national et dans les bassins, en association avec les nombreux acteurs de l'eau et le grand public. Le présent projet de loi, qui en est issu, entend moderniser nos institutions, améliorer le service fourni aux usagers, accroître la transparence et rapprocher la gestion de l'eau des citoyens. Mme la ministre et MM. les rapporteurs l’ayant excellemment analysé, je me contenterai, pour ma part, de formuler quelques remarques.

Je voudrais tout d’abord évoquer notre comportement de consommateurs d'eau. Il y a quelques décennies seulement, nous n'avions pas forcément l'eau courante dans toutes les pièces de la maison, aussi faisions-nous attention à notre consommation. Puis nous l’avons utilisée sans retenue, avec le sentiment qu'il s'agissait d'une ressource inépuisable. Aujourd'hui, les choses ont changé, nous devons fréquemment recourir à des restrictions d’eau. C’est pourquoi la loi doit jouer un rôle pédagogique, en nous aidant à prendre conscience des enjeux et à modifier nos comportements.

Nous le savons tous, l'eau est un bien commun précieux. Pour devenir potable, l'eau du robinet subit des traitements lourds et coûteux. Est-il vraiment nécessaire de l’utiliser pour laver les voitures et la vaisselle ou pour arroser le jardin ? Assurément, l'eau de pluie y suffirait. Outre qu’elle permettrait d’économiser des litres d'eau potable et de ménager les nappes phréatiques alimentant les réseaux, elle permettrait, à terme, de limiter les volumes d'eaux à traiter – donc les investissements à réaliser par les collectivités locales – ainsi que les volumes de boues des stations d'épuration, dont l'élimination n'est pas sans poser de problèmes. Il faut donc inciter fortement les particuliers à installer des systèmes de récupération et de traitement des eaux pluviales. J'avais déposé une proposition de loi en ce sens, qui n’a pas pu être débattue. Je l'ai reprise sous forme d'amendement ; j’espère qu’il sera adopté.

Ma deuxième remarque a trait au principe pollueur-payeur. L'eau doit payer l'eau et les pollueurs la pollution. Il ne faut toutefois pas considérer cette règle comme l'achat d'un droit à polluer. Chaque utilisateur d'eau doit prendre à sa charge la pollution qu’il produit. Or, aujourd'hui, des injustices existent. Il faut, par la concertation, trouver les moyens d’y remédier et de répartir plus équitablement les efforts. Inciter à des pratiques plus respectueuses de l'environnement est une bonne chose, mais des sanctions sont parfois nécessaires.

Ma troisième observation porte sur l'organisation institutionnelle de la gestion de l'eau. Je me réjouis que le rôle des agences de l'eau soit renforcé, alors qu'un gouvernement précédent avait tenté de le réduire, voire de supprimer les agences. Aujourd’hui, avec l’intervention du Parlement, vous levez l’incertitude constitutionnelle pesant sur les redevances. J’insiste néanmoins sur le principe que l’argent de l’eau doit revenir à l’eau.

L'attribution des missions de l'ancien FNDAE aux agences de l'eau constitue ma quatrième remarque. Cela doit s'accompagner d'une mise à disposition de moyens réels et suffisants pour les communes. La solidarité envers les communes rurales nécessite en effet des investissements importants qui n'apparaissent pas forcément en tête des priorités définies dans les programmes pluriannuels des agences. Afin de sécuriser le dispositif, il conviendrait, d'une part, d'augmenter le montant des contributions des agences pour les communes rurales et, d'autre part, compte tenu des délais nécessaires à l'attribution des aides, de prévoir l'affectation d'un pourcentage du budget pluriannuel des agences plutôt que d'une somme plafonnée annuellement. Le projet de loi renforce le rôle du comité de bassin et prévoit certes que sa composition respecte les principes de transparence et de démocratie en intégrant les collectivités territoriales, les usagers et l'État, mais je souhaiterais que la place des communes et des EPCI y soit renforcée.

Enfin, je suis très réservé sur le remplacement par l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques du Conseil supérieur de la pêche. Il conviendra de veiller à ce que cette nouvelle structure remplisse bien les missions qui lui seront confiées, et à un coût raisonnable. Le projet de loi prévoit également une réforme des structures associatives de pêche, qui se traduit par la création d'une fédération nationale pour la pêche et la protection des milieux aquatiques chargée de coordonner les actions des associations adhérentes, dont les prérogatives, les missions et le rôle seront accrus. Cette structure ne pourra remplir les missions d'intérêt général confirmées et élargies par le présent texte qu’à condition de disposer des outils et d'un accès à l'information environnementale suffisants. À cet égard, les associations de pêche seront particulièrement attentives à la définition des eaux libres.

En conclusion, cette loi sur l'eau est empreinte de bon sens et de réalisme. L'objectif commun de bon état écologique nécessite que tous les acteurs de l'eau – État, agences de l'eau, comités de bassin, mais aussi industriels, agriculteurs et citoyens – relèvent ensemble cet ambitieux défi du XXIe siècle. Comme patrimoine commun de la nation et facteur de développement humain, l’eau mérite cet engagement collectif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, rarement un projet de loi aura été autant peaufiné par son rapporteur. Je tiens donc à remercier André Flajolet pour son travail de réflexion, de collectage d’informations et d’écoute du terrain.

Nombre de parlementaires, dont je suis, attendaient depuis longtemps l’examen de ce projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques. Le droit de l’eau avait en effet besoin d’être modernisé, afin notamment d’établir un nouvel équilibre dans les usages de l’eau entre les différents acteurs de terrain et de protéger cette ressource essentielle à la vie humaine.

J’affirme que ce projet de loi est bon, notamment lorsqu’il s’attache à prendre en compte les spécificités locales. Ainsi, lors de son examen en première lecture au Sénat, de bonnes dispositions ont été énoncées quant au dispositif des bandes enherbées. Zones tampon entre les cultures et les voies d’eau, celles-ci constituent un moyen efficace de lutter contre les transports de terre fine, de fertilisants et de produits phytosanitaires dans les eaux de surface. À l’heure où il est beaucoup question de proximité, il est fortement souhaitable de prendre ces décisions au plus près des acteurs de terrain. L’article 4 bis amendé par les sénateurs dispose que « dans chaque département, le préfet établit la liste des cours d’eau le long desquels il est nécessaire, en application des critères d’éco-conditionnalité, d’implanter les bandes enherbées ». Il est indispensable que ces modalités soient reprises dans le texte de loi, les choses allant souvent mieux en les disant.

En effet, dans la région de polders qu’est la Flandre maritime, l’assèchement des terrains et l’irrigation sont assurés par les wateringues, canaux d’évacuation des eaux sur un territoire à l’origine envahi par la mer. Aujourd’hui, un ensemble complexe de fossés, de watergangs, de canaux et d’écluses, de portes à la mer et de pompes permet l’évacuation de l’eau de surface vers la mer. De nombreux partenaires interviennent dans ce fonctionnement hydraulique spécifique : l’État, au travers de ses services – agriculture, équipement, environnement –, mais aussi l’institution interdépartementale des wateringues soutenue par les conseils généraux, les sections de wateringues et leur union, ainsi que des associations de drainage, le port autonome de Dunkerque et les Voies navigables de France. Ce système de gestion des eaux, développé par l’homme depuis le XIIe siècle, nécessite des adaptations du projet de loi. Par exemple, la gestion technique des wateringues doit faire l’objet d’une attention toute particulière. Utiles à l’écoulement des eaux, les wateringues constituent aussi des réserves essentielles pour les dispositifs de lutte contre l’incendie tant pour les bâtiments agricoles riverains, que pour les habitations particulièrement dispersées en Flandre maritime.

En proposant de remplacer la notion de curage des cours d’eau par celle d’entretien, dont la définition reste imprécise, c’est tout l’équilibre de ce système hydrographique qui risque d’être mis à mal, faisant courir un risque important d’inondations aux populations locales. Il serait donc souhaitable que la notion de « vieux fonds, vieux bords » constitue le critère essentiel de la définition de l’entretien des voies d’eau, dont font partie les wateringues.

Par ailleurs, les agriculteurs sont des acteurs essentiels de la gestion de l’eau. Il ne faudrait pas voir en eux uniquement des pollueurs à qui on appliquerait des taxes toujours plus élevées. Les exploitants agricoles sont conscients de la nécessité de la gestion de l’eau. Ils agissent pour la préservation de cette ressource en utilisant des méthodes toujours plus proches de l’agriculture raisonnée. Par conséquent, non seulement leur participation à la composition des comités de bassin est légitime, mais encore cette présence doit être renforcée dans le cadre des schémas d’aménagement et de gestion des eaux – les SAGE. La composition des comités de bassin prévue par le projet de loi affaiblit la position des usagers économiques par le double effet de la réduction en proportion du collège des usagers et par l’intégration des représentants des milieux socioprofessionnels dans ce même collège, alors qu’ils étaient auparavant dans la part désignée par l’État. Il serait au contraire souhaitable que la répartition des sièges au sein des comités de bassin continue à se faire selon l’équilibre actuel afin que les usagers économiques, qui ont prouvé leur connaissance technique dans tous les domaines de l’eau, soient davantage présents au sein de ces instances de planification et de gouvernance de la ressource en eau.

Enfin, et j’en terminerai par là, les pêcheurs sont des acteurs importants de la protection des milieux aquatiques. En ce sens, l’élargissement des missions d’intérêt général confiées dans le projet de loi aux structures associatives de pêche est appréciable. Toutefois, certains doutes subsistent. Ainsi, le montant des taxes demandées par les fédérations et le Conseil supérieur de la pêche est toujours aussi élevé et grève considérablement les budgets de fonctionnement des associations agréées de pêche, essentiellement constituées de bénévoles. Ce point devra donc être discuté.

De même, la frontière entre les eaux libres, soumise à la législation pêche, et les eaux closes, non assujetties à cette législation, est peu claire. Cette imprécision a d’ailleurs opposé les structures associatives de pêche de loisir, soucieuses de faciliter l’accès de la pêche au plus grand nombre et les propriétaires d’étangs développant une activité commerciale de pêche. Le rapport Vestur, rédigé à la demande du ministère de l’écologie, n’a pas remédié à cette situation, au contraire. Il l’a même rendue plus confuse, en définissant le passage du poisson comme critère permettant de qualifier des eaux libres et des eaux closes et en maintenant le critère de l’eau pour définir les secteurs bénéficiant de la protection offerte aux milieux aquatiques. Ainsi, la protection du patrimoine piscicole commun relèverait d’un double régime, assis sur la circulation du poisson dès lors qu’il s’agit de le protéger contre les pêcheurs, et sur l’eau, quand il s’agit de le protéger contre les agressions qu’il subit via son milieu naturel. Afin d’assurer une sécurité juridique aux pêcheurs, il serait donc souhaitable que le critère actuel soit maintenu, tout en faisant l’objet de quelques clarifications. Toute modification brutale de ce critère serait en effet nuisible à la stabilisation progressive de la définition des eaux libres par appropriation des parties prenantes qui ont déjà démontré leur volonté d’apaisement et de respect tant de la sauvegarde du biotope piscicole, que de la directive-cadre sur l’eau.

Ces différents points méritent débat. J’ai donc déposé à cet effet un certain nombre d’amendements de nature, je l’espère, à retenir l’attention de mes collègues.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, ce que nous appelons des spécificités locales sont souvent les traductions de la volonté de l’être humain de vivre, et parfois de survivre. En guise de conclusion, je vous citerai un bon mot d’Alphonse de Lamartine que m’a rapporté un jour mon excellent collègue Christian Decocq. Lorsque, député de Bergues, il découvrit la zone de polders, cette zone gagnée sur la mer, Alphonse de Lamartine a dit, en reconnaissance pour le travail de l’être humain : « Ici, on fabrique de la terre ferme. » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Marcelle Ramonet.

Mme Marcelle Ramonet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques qui vient aujourd’hui en discussion devant notre assemblée participe à un objectif général très ambitieux : la garantie d’un bon état écologique des eaux en 2015 conformément à nos engagements internationaux.

Dans un contexte général de dégradation de la qualité de la ressource et de sensibilité accrue de nos concitoyens à la protection de l’environnement et des milieux aquatiques, nos objectifs s’inscrivent pleinement dans ceux de la directive-cadre du 23 octobre 2000, que nous avons transposée par la loi du 21 avril 2004.

L’eau est sans doute en France, le produit le plus contrôlé avec 200 analyses quotidiennes. Il n’en demeure pas moins vrai qu’il convient de reconquérir la confiance de nos concitoyens, comme l’indiquent les différentes enquêtes.

L’eau est aussi une ressource de plus en plus rare. Chacun devra, tant pour son usage domestique que pour l’activité économique, apprendre à l’utiliser plus judicieusement. Je rappelle que la consommation moyenne de nos concitoyens est comprise entre 150 et 200 litres d’eau par jour.

Avec ce texte, nous sommes parvenus à une architecture équilibrée servie par une stratégie complète et cohérente qui repose à la fois sur un rôle accru des intervenants locaux, un renforcement des agences de l’eau, des schémas d’aménagement et de gestion des eaux, ainsi qu’une lutte confortée contre les pollutions diffuses.

Cette démarche repose sur une vaste concertation en 2003 et 2004 et un débat national très dense avec tous les acteurs de la politique de l’eau, les associations comme les organismes professionnels. Elle prend en compte à la fois les réalités économiques et sociales, la dimension écologique et les réponses aux défis qui se posent à notre société pour notre avenir commun.

Les contours et l’intérêt juridiques de ce texte comme le choix fait par le Gouvernement de réformer notre arsenal législatif par étapes consolident assurément le dispositif institutionnel français. L’occasion nous est offerte d’engager une refonte et une clarification du rôle respectif des différents acteurs et d’établir un cadre général pour la protection des eaux, ainsi que d’inscrire résolument cette ressource au cœur des stratégies pour un développement durable.

Je constate aussi avec satisfaction que, pour une part, l’arsenal qui nous est soumis s’inspire des réflexions et des propositions qu’Antoine Herth et moi-même avions présentées en novembre 2003 dans notre rapport parlementaire intitulé : « Le développement durable, réponse aux enjeux agricoles et environnementaux ». J’en cite quelques-unes : établissement de la liste des cours d’eau le long desquels il est nécessaire, en application de critères d’éco-conditionnalité, d’implanter des bandes enherbées, mesures concernant la distribution des produits antiparasitaires, instauration d’un contrôle des « pulvérisateurs » agricoles.

La lutte contre la pollution par les résidus de pesticides constitue, d’une façon très explicite, une priorité. Les plans d’action contre toutes les formes de pollutions diffuses, la traçabilité des ventes et le contrôle des pulvérisateurs des produits phytosanitaires permettront d’apporter des solutions.

Je souhaite néanmoins que nous allions plus loin et que notre assemblée adopte les amendements votés en commission qui tendent à favoriser une responsabilisation générale.

Je ne citerai que deux exemples.

S’agissant, d’abord, des publicités portant sur les produits phytosanitaires – y compris lorsqu’ils ne sont pas soumis à une autorisation de mise sur le marché –, il conviendrait d’interdire toute mention pouvant donner une image exagérément sécurisante ou de nature à banaliser leur utilisation.

Je précise que c’est d’ailleurs déjà le cas pour toutes les publicités en faveur des pesticides utilisés par les particuliers depuis l’arrêté ministériel du 6 octobre 2004. Nous pouvons donc mettre en cohérence l’ensemble du dispositif sur ce point.

S’agissant ensuite de la police de l’eau, il conviendrait, conformément au souhait de M. le rapporteur, que je partage, d’habiliter les agents assermentés et commissionnés de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, du Conseil supérieur de la pêche, ou des parcs nationaux et des réserves naturelles, à rechercher et constater les infractions aux règles relatives à l’usage des produits phytosanitaires.

Il me semble en effet essentiel de revenir à l’esprit initial de la loi sur ce point. Dans notre volonté de préserver la ressource en eau, ce sera un gage d’efficacité très fort.

Madame la ministre, mes chers collègues, au moment où nous légiférons sur l’eau, nous devons avoir à l’esprit le constat établi en mars dernier, lors du quatrième forum mondial de l’eau à Mexico, à savoir une pénurie mondiale en eau qui s’aggrave, des difficultés majeures d’accès à l’eau potable et à l’assainissement pour plus d’un milliard d’individus, des maladies liées à l’eau : première cause de mortalité dans les pays pauvres, elles sont responsables de la disparition de millions d’êtres humains chaque année.

Tout cela nous invite à l’humilité, à la rigueur, à l’action et à la pédagogie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je tiens, au préalable, à remercier la ministre, le rapporteur – auquel je reconnais de très grandes qualités et une parfaite connaissance du texte – et le président, Patrick Ollier – et, à travers eux, les services de la commission des affaires économiques et du ministère de l’écologie – pour leur disponibilité et leur écoute lors des longs mois de travail en amont qui ont conduit à l’élaboration de ce texte que je considère, en toute sincérité, comme équilibré.

La montagne est naturellement concernée par ce projet et c’est en tant que secrétaire général de l’Association nationale des élus de la montagne, l’ANEM, que j’interviens.

Les massifs montagneux représentent une des plus grandes réserves d’eau potable aussi bien en qualité qu’en quantité. Les enjeux y sont très importants, les équilibres très fragiles et des questions spécifiques s’y posent que nous ne retrouvons pas ailleurs sur le territoire national. Nous ne nions pas ces spécificités, nous les défendons.

La montagne est, comme l’a rappelé Michel Bouvard, un haut lieu de la production hydroélectrique de notre territoire national puisque plus des trois quarts de cette production en sont issus.

Nous demandons que certaines rivières soient protégées, totalement pour certaines ou à travers le débit réservé pour d’autres, mais, que au cas par cas, et après expertise environnementale, nous puissions encore développer la production hydroélectrique. Rappelons que cette énergie propre prend toute sa part dans les objectifs que s’est fixés la France pour respecter le protocole de Kyoto.

M. Claude Gaillard. Très bien !

M. Martial Saddier. Michel Bouvard a rappelé l’esprit de la loi « montagne » dans le domaine de l’hydroélectricité. Nous souhaitons débattre, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi sur l’eau, des fondamentaux de cette loi « montagne » et de la remise en cause par le décret de 1979 de cette énergie réservée.

Nous assumons, défendons et revendiquons la solidarité de l’approvisionnement en eau potable de l’amont, c’est-à-dire, pour une grande part, des zones de montagne, vers l’aval, c’est-à-dire les milieux urbains. En contrepartie, nous attendons que ce projet garantisse une solidarité financière des milieux urbains vers les milieux ruraux, dont les zones de montagne.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Martial Saddier. Pour le même nombre d’habitants, les investissements sont beaucoup plus importants en altitude qu’en plaine. Ils varient en fonction de la topographie et du climat. Il en va de même dans les exploitations agricoles avec les exigences sur les effluents d’élevage pendant la période hivernale.

Ce texte opère des avancées significatives pour l’assainissement autonome en termes de droits et de réglementation. Tant mieux ! elles étaient attendues par les élus et réclamées par les citoyens.

Je prendrai, pour conclure, l’exemple de trois amendements adoptés à l’unanimité par la commission des affaires économiques, grâce à l’appui du rapporteur et du président de la commission. Ce sont autant de plaidoyers pour que le bon sens s’applique aussi dans nos zones de montagne.

Premier exemple : l’intervention sur les débits solides et les matériaux solides en zone de montagne. Les rivières de montagne s’engravent naturellement, depuis la nuit des temps. Le réchauffement climatique, qui fait reculer les glaciers, accentue ce phénomène d’engravement naturel, puisque les moraines glacières, qui étaient auparavant figées, gelées à la fois par les glaces ou le permafrost, font qu’aujourd’hui des milliers de tonnes de matériaux solides tombent dans le lit des rivières. Il faut que les maires n’attendent plus d’avoir les pieds dans l’eau pour obtenir des autorisations intelligentes, mesurées et modérées d’intervention sur les rivières. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) J’ai déposé un amendement en ce sens. Nous sollicitons, madame la ministre, votre appui.

Deuxième exemple : la part fixe. Il existe des communes, tant au bord de la mer qu’en montagne, qui connaissent, au fil des saisons touristiques, une fluctuation extrêmement forte de leur population résidentielle ou permanente : de un à dix, voire de un à vingt. Si la loi ne réaffirme pas, très clairement cette fois la possibilité, pour un maire ou pour un conseiller municipal, de « positionner » une part fixe sur les résidences de tourisme et sur la partie de population touristique, les populations locales continueront à être injustement assommées par un prix de l’eau inacceptable.

M. Michel Bouvard. Effectivement !

M. Martial Saddier. Je conclurai sur les « eaux libres » et les « eaux closes ». Un orateur précédent a indiqué que les experts s’étaient prononcés. Ils ont sûrement beaucoup travaillé, débattu, et nous ne remettons pas en cause leurs conclusions. Mais les experts ont oublié – c’est dommage car nous les aurions accueillis avec beaucoup d’amabilité – la spécificité des lacs de montagne. Un lac de montagne, en hiver, est, par définition, gelé. En été, il peut ne pas se déverser et, lorsqu’il se déverse, ce peut être à travers une barre rocheuse de 200 mètres d’altitude. Il faut reconnaître que, dans un sens ou dans un autre, une telle barre rocheuse constitue, pour une truite, un obstacle infranchissable. Les élus de la montagne ont déposé un amendement et défendront la spécificité du classement des lacs de montagne dans le débat sur les « eaux libres » et les « eaux closes ».

Ce texte est équilibré. Il est conforme à l’esprit de la Constitution et de la Charte de l’environnement qui nous demande de placer sur un pied d’égalité les enjeux sociaux, économiques et environnementaux de notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’eau est une ressource qui doit devenir durable tant en qualité qu’en quantité. Ce discours recueille pratiquement l’unanimité dans cet hémicycle, comme il l’a fait au Sénat. Il faut suite aux travaux préparatoires du Gouvernement et de ceux qui l’ont précédé. Il montre que l’eau est au cœur de nos préoccupations et couvre un champ d’intervention très important, dont les spécificités ont été soulignées par chacune et chacun.

Je voudrais rappeler tout d’abord que l’eau potable est destinée à la consommation humaine. Ce droit à l’eau, rappelé ce matin par Jean Launay, mérite qu’on s’y arrête quelques minutes.

Madame la ministre, est-il acceptable dans un pays comme le nôtre que puisse être coupée l’alimentation en eau à une famille, à des enfants, à des personnes handicapées ? J’ai recensé dans une ville, que je connais bien et qui m’est chère, plus de cinquante coupures d’eau, et ce dans une indifférence totale. Pourtant, des lois ont été votées, des mesures d’accompagnement prévues. Mais rien ne se passe. Interpellé, tel service de l’État prétendait que ce n’était pas à lui d’agir, tandis que le conseil général prétextait qu’un partenaire était nécessaire et qu’il devait mobiliser des fonds.

Je tiens à rendre hommage ici à une sous-préfète qui, avec détermination, a imposé au fermier de cette ville de venir rendre des comptes – j’allais presque dire de « rendre gorge » tant l’attitude de la Générale des eaux était mesquine, voire arrogante. Je considérais pourtant à l’époque où j’étais maire, que cette société, présente dans la ville depuis cinquante ans, était un partenaire actif et avait une attitude responsable.

Comment demander aux écoles maternelles, aux écoles primaires, aux collèges d’apprendre aux enfants combien sont importantes la sécurité sanitaire, l’hygiène de vie quand l’alimentation en eau est coupée pendant des jours, des semaines, voire des mois ?

J’insiste sur ce point, madame la ministre, car au-delà des textes qui nous sont soumis et au-delà même des règlements pris par l’administration, il importe qu’une loi votée s’applique.

Dans le domaine de l’eau comme pour celui des énergies, il faut penser aux populations fragilisées par les conditions économiques ou les accidents de la vie. On peut toujours faire payer le juste prix, en étalant, éventuellement le paiement dans le temps. Il faut penser à celles et ceux qui, fussent-ils des résidents d’immeubles collectifs gérés par des bailleurs sociaux, se voient couper l’eau – dont ils ont, comme tout le monde, besoin pour vivre – alors même qu’ils n’ont pas été alertés. Les habitants de certains grands ensembles sont réduits à aller chercher de l’eau avec des bidons. En milieu semi-rural ou dans de petites villes il est relativement plus facile d’aller chercher de l’eau à des bornes-fontaines.

Au-delà des consommateurs, il y a les utilisateurs de l’eau. Un des premiers chapitres du projet de loi est consacré aux pêcheurs. Au cours de ces dernières années, le législateur a organisé leur représentation, leur participation à des comités de bassin et à des comités départementaux d’hygiène et de sécurité pour l’environnement. Les fédérations de pêcheurs ont démontré leurs compétences, leurs capacités et leur sens des responsabilités.

Si le Sénat donne globalement satisfaction à ces organisations, il faut encore – me semble-t-il – aller encore un peu plus loin, pour éviter toute erreur dans l’interprétation du texte et pour qu’on leur donne la place qui leur revient.

Les pêcheurs sont aussi les premiers observateurs du milieu naturel – au-delà même du terme employé de « police des eaux ». Je m’inquiète du devenir de la garderie, qui passera du Conseil supérieur de la pêche à l’ONEMA. Je m’interroge aussi sur la garderie privée.

Le texte doit reconnaître aux fédérations de pêcheurs leur rôle de premiers observateurs des évolutions positives ou de détecteurs des atteintes portées au milieu naturel, qui peut malheureusement devenir un milieu de mort. J’insiste pour que des amendements, émanant de tous les groupes de cette assemblée soient pris en considération afin de rendre le texte lisible et immédiatement opérationnel.

J’en viens aux agences. Deux présidents de comité de bassin viennent de s’exprimer sur le sujet, et l’on voit bien quel est leur rôle.

Le département de la Meuse dépend – je ne sais pas s’il s’agit d’une chance ou d’une malchance – de deux comités de bassin, de deux agences de l’eau : Seine-Normandie et Rhin-Meuse. Ainsi, à quelques kilomètres près, les pratiques et l’accompagnement des communes dans leur projet diffèrent totalement.

Comme nous sommes situés en amont des bassins, on nous demande, madame la ministre, de faire preuve de beaucoup de solidarité pour lutter contre les crues, lesquelles provoquent des inondations, qui font parfois des morts comme ce fut le cas, voici quelques années, dans le département des Ardennes.

Que l’on demande aux espaces ruraux un effort de solidarité pour l’écrêtement des crues, ou pour construire des retenues, soit ! Mais pas dans n’importe quelles conditions. Il ne faut pas les traiter avec mépris des gens qui sont loin, qu’il s’agisse de l’entente Oise-Aisne ou des plans d’aménagement du milieu aquatique qui intéressent la Meuse, il faut être très attentif à l’information des populations, faire preuve de pédagogie, tant il est vrai que quiconque se penche sur les cartes établies – souvent au terme de coûteuses études – s’imagine vite les pieds dans l’eau.

Il faut rappeler à ces établissements publics qu’ils ont un devoir d’information, d’explication et même d’écoute. Il faut qu’ils pratiquent le dialogue et la persuasion, le cas échéant en passant des conventions, notamment avec les agriculteurs. Sans doute, ceux-ci ont-ils les moyens de se défendre par l’intermédiaire de leurs organisations professionnelles et de leur chambre consulaire lorsque leurs terres sont utilisées pour opérer un écrêtement des crues. Mais cela relève d’une démarche partenariale contractuelle et ne saurait se faire dans n’importe quelle condition et ignorer les populations rurales.

Je comprends les préoccupations de notre collègue Santini, les ambitions même qu’il partage avec ses collègues d’Île-de-France, mais je leur rappelle que le saturnisme existe. Et il est révoltant qu’un technicien de l’agence de bassin Seine-Normandie déclare devant une assemblée de maires qu’il serait inutile de changer « quelques bouts de tuyaux en plomb » parce que cela ne servait strictement à rien. À quoi bon alors voter la loi ? À quoi sert qu’un ministre de votre gouvernement, il y a quelques jours, souligne combien la lutte contre le saturnisme est importante. Ce qui vaut dans une grande ville comme Paris, ne vaudrait-il donc pas pour nos zones rurales ?

Vous comprendrez que nous insistions sur la place et le rôle des élus dans les agences et les comités de bassin. S’agissant de la gouvernance dont il a été question, il importe, comme le propose le texte issu du Sénat, qu’une majorité d’élus aient le pouvoir de décision. En effet, les élus ont régulièrement des comptes à rendre devant le corps électoral. Ils peuvent être sanctionnés, censurés et remis en cause. Ce n’est pas toujours le cas pour d’autres représentants qui ont, certes, leur place mais ne sauraient décider. Peut-être un peu moins d’État et un peu plus d’association. Les équilibres peuvent être trouvés. On peut très bien, dans les conseils économiques et sociaux régionaux, recueillir l’avis de l’ensemble des partenaires concernés.

Quand on parle de l’eau, il faut parler aussi des boues…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dumont. Votre temps de parole, de dix minutes, est écoulé. Vous en êtes à treize minutes…

M. Jean-Louis Dumont. Je vais m’acheminer vers ma conclusion, madame la ministre, en vous parlant d’un sujet qui me m’importe beaucoup, celui des boues issues des stations d’épuration.

Les agriculteurs ne peuvent pas accepter n’importe quelles boues. Il en est certaines qui peuvent être épandues, à leur sortie des stations d’épuration, et qui peuvent même constituer un amendement de qualité. Mais à force d’interdire l’incinération, la mise en décharge, que deviennent ces boues ? Elles peuvent représenter un danger, non seulement pour les sols, mais aussi un danger d’ordre psychologique. Comment croire en une agriculture durable si l’on suppose qu’il a pu y avoir un épandage de boues de décharge ?

On peut rapprocher le problème des boues de décharge à la politique menée à une époque où l’on prévoyait l’assainissement collectif et la récupération des dix premières minutes de pluie qui lavait les trottoirs, les sols, les parkings. Cette eau de pluie était traitée dans les usines de dépollution. Un assainissement pluriel est nécessaire et les eaux pluviales doivent faire l’objet d’une dépollution.

S’agissant des eaux pluviales, il me semblait que ce problème avait été réglé dans nos syndicats intercommunaux et que l’on avait pas besoin d’une taxe supplémentaire. Si des investissements étaient nécessaires, ils étaient calculés au prorata de la récupération.

On arrivait même à une époque à faire payer les casernes…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. À la fin de nos travaux, je suis convaincu, parce que nous avons l’esprit de responsabilité, que nous disposerons avec ce texte, que nous aurons amélioré par nos amendements, d’un outil pour l’avenir, au service du développement durable et, surtout, de la préservation de cette ressource essentielle à la vie et au développement économique que sont l’eau et les milieux aquatiques, dont je n’ai pas eu le temps de parler, mais j’aurais l’occasion d’y revenir au moment de l’examen des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Alors que vous avez largement dépassé votre temps de parole, vous n’avez pas eu le temps d’en parler ! La remarque est plaisante ! (Sourires .)

La parole est à Mme Juliana Rimane, je n’ose pas dire pour cinq minutes…

Mme Juliana Rimane. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, située en zone équatoriale humide, la Guyane possède des ressources en eau abondante avec une pluviométrie atteignant cinq mètres par an. Pourtant, l’eau potable peut être une denrée rare. En effet, 50 % de la population rurale n’a pas accès à l’eau potable et 35 % n’a pas accès à l’électricité, bien souvent un préalable à la production d’eau. Cette situation paradoxale est due à plusieurs facteurs : des retards considérables en matière d’infrastructures d’adduction d’eau et d’assainissement, des surcoûts importants liés à l’isolement et à l’éloignement des communes, des difficultés pour de nombreux usagers aux revenus modestes à payer leur consommation d’eau, une pollution des fleuves par le mercure et le cyanure utilisés dans l’orpaillage, légal ou non, et, surtout, la faiblesse des ressources financières des collectivités locales qui limite leurs capacités d’investissement. Par ailleurs, l’augmentation rapide de la population, répartie très inégalement sur le territoire, accroît les besoins en équipements et génère des contraintes supplémentaires.

Les conséquences sont désastreuses en termes de santé publique. La consommation, par les habitants privés d’eau potable, de l’eau des fleuves polluée par le mercure et les déchets de toute nature, ainsi que des poissons tout aussi contaminés, provoque des maladies plus ou moins graves. Les enfants souffrent fréquemment de diarrhée, l’imprégnation mercurielle des populations riveraines des fleuves à des taux anormaux serait à l’origine de pathologies sérieuses. À ce propos, l’exploitation aurifère par la société Cambior de la concession du camp Caïman sur 30 kilomètres carrés fait craindre des risques de pollution au cyanure de la principale prise d’eau potable de l’agglomération de Cayenne sur le fleuve Comté, à une quinzaine de kilomètres en aval de la mine. Pourriez-vous, madame la ministre, apporter à ce sujet toute assurance aux légitimes inquiétudes des populations ? S’agissant de l’alimentation en eau potable de l’île de Cayenne, dont les besoins ont considérablement augmenté, je voudrais savoir si la nouvelle unité de production prévue pour pallier l’insuffisance de l’usine actuelle, aura reçu tout le soutien nécessaire pour pouvoir être opérationnelle dans les meilleurs délais ?

Les dotations au titre du Fonds national pour le développement des adductions d’eau – FNDAE – n’ont pas permis jusqu’à présent de faire face à cette situation extrêmement préoccupante. Les collectivités locales n’ont de cesse depuis plusieurs années de demander une augmentation exceptionnelle des crédits à la hauteur des enjeux, mais en vain. Elles souhaitent que, pour la période 2006-2008, les opérations programmées, qui s’élèvent à 7,5 millions d’euros, puissent être réalisées. Elles espèrent que l’engagement de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques – ONEMA –, appelé à remplacer à partir de 2007 le FNDAE, sera déterminant pour rattraper les retards accumulés. J’ai déposé d’ailleurs avec le rapporteur, qui m’a gentiment incitée à le faire, un amendement visant à inscrire dans la loi la mission de solidarité financière de l’ONEMA en faveur des collectivités d’outre-mer.

Plus que jamais l’expression « la tête dans les étoiles et les pieds dans le marigot » n’a semblé aussi juste. Cette Guyane à deux vitesses, l’une dotée d’une technologie spatiale ultra-sophistiquée, l’autre en état de sous-développement en équipements structurants, est un état de fait absolument indécent. N’est-ce pas là une défaillance de l’État, porteuse d’injustice ?

Notre pays s’honorerait aujourd’hui à garantir aux Guyanais les principes essentiels d’égalité d’accès aux services de base et de fraternité par une solidarité financière renforcée.

Ce projet de loi est certes nécessaire et louable. Mais, force est de reconnaître que tous les acteurs publics en charge de la gestion de l’eau en Guyane auront du mal à l’appliquer pleinement tant que les conditions ne seront pas optimales au niveau des infrastructures, du suivi technique des eaux et du contrôle des pollutions. À titre d’exemple, l’office de l’eau, mis en place en Guyane seulement depuis quelques mois, est totalement démuni et est loin d’être opérationnel. Il conviendrait que la redevance pour stockage d’eau en période d’étiage à percevoir par cet office soit maintenue et renforcée pour les départements d’outre-mer. Le produit de cette redevance concernant le barrage hydroélectrique du Petit Saut en Guyane participerait en effet utilement au financement de l’office.

Comme les autres collectivités locales, le conseil général de Guyane éprouve les plus grandes difficultés à exercer efficacement ses compétences en matière d’eau. Le manque crucial de ressources l’oblige à gérer dans l’urgence en lieu et place d’une politique véritablement volontariste.

Cette collectivité demande depuis de nombreuses années déjà le classement des fleuves de Guyane en voies navigables. En effet, l’organisation du transport public scolaire lui incombant, elle a dû pour assurer la scolarisation des enfants du fleuve mettre en œuvre et prendre totalement en charge un transport scolaire fluvial. Pendant longtemps, elle s’est retrouvée dans une situation inconfortable puisqu’elle était de facto responsable autant civilement que pénalement en cas d’accident, en l’absence d’acte juridique autorisant la navigabilité des voies fluviales. Depuis peu, elle a la possibilité de souscrire une assurance, mais cette solution n’est pas entièrement satisfaisante tant du point de vue de la responsabilité elle-même que du financement du transport scolaire assumé par le département hors dotation de l’État. Je souhaite que cette question trouve rapidement un règlement.

En tout état de cause, les acteurs concernés attendent en Guyane une action forte de l’État pour la mise à niveau des infrastructures d’adduction d’eau et d’assainissement, ainsi que des moyens renforcés pour le département afin que celui-ci puisse assumer pleinement ses missions en matière de gestion de l’eau. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, enfin, nous débattons d’un projet de loi sur l’eau. Le premier mérite de ce texte est d’exister, et ce n’est pas le moindre si l’on en juge par l’histoire mouvementée de différents projets au cours des dernières années. Depuis huit ans au moins, peut-être dix, on parle d’une loi sur l’eau. Depuis le rapport de la cour des comptes en 1998, on s’inquiète du risque d’illégalité qui pèse sur les redevances et d’ailleurs même depuis bien avant. Depuis les premières tensions apparues sur la question de l’épandage agricole entre agriculteurs légitimement suspicieux, industriels pressants, consommateurs inquiets, on recherche un équilibre entre les contraintes de chacun et l’intérêt de tous. Et depuis la directive européenne sur la qualité écologique des eaux, on se demande quelle politique mettre en oeuvre pour atteindre ou du moins se rapprocher des objectifs qu’elle fixe.

Madame la ministre, en portant un texte attendu depuis si longtemps, vous vous exposez fatalement à toutes les critiques. Ceux qui sont de bonne foi, compte tenu justement de l’ancienneté du débat, souhaiteraient un texte plus ambitieux, voire parfait. Ceux qui sont de moins bonne foi, oublieux des difficultés qui furent les leurs à préparer un projet et surtout des tartufferies qui suivirent lorsqu’il fallut l’inscrire à l’ordre du jour, ont aujourd’hui la critique facile.

En matière d’écologie, on peut toujours vouloir plus, et vous savez, madame la ministre, les critiques qui portent notamment sur la faible participation des agriculteurs au financement de la gestion de l’eau ou sur leur part de responsabilité dans la mauvaise qualité des nappes phréatiques et des eaux de surface, sujet que l’on aurait d’ailleurs tort de négliger à l’heure où les inquiétudes sur l’impact des pesticides sur la santé notamment se font plus précises.

S’il est vrai qu’en matière d’écologie, on peut toujours vouloir plus, force est de constater, qu’en la matière, nous avons souvent eu moins par le passé. Je voudrais donc saluer la création d’un fonds de garantie des risques liés à l’épandage agricole des boues urbaines et industrielles. Il s’agit d’un sujet difficile et ancien sur lequel j’ai eu l’occasion de travailler et à propos duquel plusieurs conceptions se sont affrontées, donnant lieu à beaucoup d’incompréhension entre agriculteurs, associations et industriels. La solution retenue, telle qu’amendée par la commission, est de nature à apaiser ces tensions, car elle est équilibrée.

Je veux aussi saluer les dispositions visant à améliorer notre système d’autorisation, notamment celles concernant l’inclusion obligatoire dans une promesse de vente d’un diagnostic ou d’un certificat de conformité des installations. Ce point méritera certainement d’être précisé dans nos discussions tant ce sujet technique est important, notamment pour les élus.

La Constitution s’est enrichie l’an dernier d’un texte important, celui de la Charte de l’environnement qui précise les principes qui doivent guider nos politiques de l’environnement. Ce projet de loi les décline en plusieurs points. Avec Christian Decocq, je souhaiterais que nous puissions progresser sur quelques aspects, notamment celui de la redevance nitrate mais le débat qui s’ouvre est là pour que nous discutions de tout cela et il est le bienvenu.

J’évoquerai dès à présent l’effet de serre, sujet déjà évoqué par Christian Decocq dans sa très complète intervention. La mission parlementaire sur l’effet de serre a remis son rapport le 12 avril. Les impacts prévisibles du changement climatique diffèrent selon les régions du monde. Il se produit une augmentation générale des températures mais en fonction de la situation géographique, d’éventuels événements chaotiques, ou en tout cas non linéaires, des vulnérabilités particulières, son intensité n’est pas la même partout. À ce stade, nous savons avec certitude que la température augmentera plus fortement chez nous qu’en moyenne, dans le monde. C’est déjà le cas : au cours du XXe siècle, la température a augmenté de 0,6 degré en moyenne à l’échelle du monde contre 1 degré en France. Par ailleurs, nous savons que notre premier point de vulnérabilité, c’est l’eau. Nous risquons la sécheresse, nous le pressentons déjà. Cela n’est pas dans mon esprit un appel à développer des capacités à l’infini, à courir après l’eau qui s’en va mais un appel à réfléchir à notre consommation, à nos usages, à nos pratiques. Il importe pour cela que les conditions du dialogue soient réunies et même cultivées – et je remercie d’ores et déjà le rapporteur d’avoir œuvré en ce sens. Faisons en sorte ensemble que la discussion que nous engageons aujourd’hui y contribue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Madame la ministre, votre texte est excellent et courageux. L’eau touche à tout ce qui est vivant et permet de fabriquer de multiples produits industriels.

Je me contenterai ici de livrer quelques réflexions car beaucoup des choses ont déjà été dites.

Certains ont fait mention de la crise de l’eau. Plutôt que d’alarmer nos concitoyens, mieux vaut, à mon sens, interpeller les esprits sur l’obligation de préserver la ressource en eau. À nous de mettre en place de véritables stratégies à moyen et long terme. C’est notre responsabilité d’élus de la nation à l’égard des générations futures que d’éviter toute crise en ce domaine.

Protéger la ressource en eau, ce n’est pas seulement interdire les forages et regarder couler l’eau dans les caniveaux, dans les rues, les ruisseaux, les rivières, les fleuves avant qu’elle ne se perde dans l’océan sans que l’on sache comment elle reviendra, car, comble de malchance, il semblerait que les trous de la couche d’ozone perturbent l’équilibre de nos climats traditionnels.

Protéger la ressource en eau, c’est aussi gérer son utilisation. Au tout-industriel d’il y a quarante ans, à la course aux rendements agricoles de dernières décennies, il nous faut préférer une industrie propre et une agriculture raisonnée et surtout ne pas tout bloquer au profit du tourisme et des loisirs. La protection de l’environnement doit permettre à l’homme de mieux vivre. Sans eau, certes, il n’y aurait aucune vie. Mais l’oisiveté n’a jamais épanoui l’homme. Il nous faudra donc bien concilier activité et préservation de l’environnement.

Le texte que nous voterons, intelligemment amendé, devra être la base d’une véritable stratégie consensuelle de gestion de notre ressource en eau, soucieuse d’assurer le bien-être des générations futures et de préserver les activités économiques actuelles. Oserai-je un ordre de priorité : agricoles et industrielles, touristiques et de loisirs.

J’ai entendu parler ce matin de renforcement des sanctions. Attention ! Nous devons aussi préserver l’esprit d’entreprise, qui nécessite du courage et permet de créer des richesses, qui génèrent taxes, impôts et redevances, ne l’oublions pas.

Enfin, madame la ministre, je souhaite que nous suivions les propositions du rapporteur en ce qui concerne l’assainissement non collectif. J’aimerais aussi que nous parvenions enfin à utiliser l’eau de pluie pour arroser les jardins mais aussi pour les installations sanitaires des habitations privées. Un tiers de l’eau potable disparaît dans les toilettes. Peut-on continuer comme cela ? Non. Je comprends que cela risque de faire un trou dans le financement de l’assainissement pour les collectivités ou les sociétés qui s’en occupent mais nous trouverons bien une solution, quitte à taxer partiellement la retenue d’eau de pluie pour l’usage sanitaire. De grâce, que l’on ne nous oppose pas de mauvaises raisons, comme les nécessaires précautions à prendre à l’égard d’enfants : comme s’ils barbotaient dans les toilettes ! S’il y a de l’eau potable dans les cuvettes, il peut aussi y avoir des produits chimiques éminemment toxiques.

Mon propos s’arrêtera là, impatient que je suis de voir le texte s’enrichir au fil du débat, pour le bien de l’environnement, pour le bien de toutes les activités économiques et, bien évidemment, le bien-être des générations futures, en fait, tout simplement pour aider au maintien de la vie sur notre bonne vieille Terre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Monsieur le président, Nathalie Kosciusko-Morizet est partie mais j’aurais aimé lui dire qu’elle n’a pas le monopole du discours environnemental. Quant à employer le terme de « tartufferies », je trouve cela insultant pour tous les collègues qui s’intéressent à ce domaine. Si tant est que les tartufferies existent, quels que soient les sujets abordés, elles sont proportionnelles au nombre de députés.

M. François Sauvadet. L’UDF ne s’en tire pas mal !

M. André Chassaigne. Un peu de modestie ne fait pas de mal, en effet !

M. Jean Launay. Mon intervention comprendra deux volets auxquels s’associent pour le premier, François Dosé, député de la Meuse, et Jean-Paul Dupré, député de l’Aude.

Le débat public sur l’eau permet d’abord d’accélérer la prise de conscience collective du défi que représente la conservation de l’eau comme patrimoine naturel, vital et hors du commun, autrement dit comme bien précieux.

Nos débats vont intégrer plusieurs dimensions : la diversité des situations naturelles et des contingences humaines – agricoles, d’abord, démographiques ensuite avec la pression parallèle de l’urbanisation –, mais aussi l’impact sur les ressources et les nécessaires dépollutions, ainsi que les contingences industrielles. Autres sujets à prendre en compte : l’inéluctable changement climatique et ses conséquences ; la fin des glaciers alpins et pyrénéens avec le débat sur les nouvelles retenues motivées par le maintien de l’étiage. N’oublions pas non plus les niveaux d’étiage et le maintien des turbines hydroélectriques : nous aurons un débat sur l’impact des éclusées. Enfin, deux autres questions restent posées : la température et le débit de l’eau, je veux ici évoquer la problématique du réchauffement de certains fleuves par le refroidissement des centrales nucléaires.

Chers collègues, vous connaissez tous la naturelle sensibilité de François Dosé. Il me disait hier : « nous protégeons les monuments historiques et notre patrimoine bâti et c’est normal. Si l’eau constitue un patrimoine, il faut aussi le protéger ».

Dans le deuxième volet de mon intervention, je reviendrai sur quelques points du discours que Jean-Paul Dupré vous aurait tenu sur le chapitre du projet de loi consacré à la pêche. Il voulait rendre hommage au travail remarquable qu’accomplissent tout au long de l’année les pêcheurs qui, au fil du temps, sont devenus de véritables sentinelles du bon état écologique du milieu aquatique, animés par le désir ardent de préserver la nature. Le président de la fédération des pêcheurs de l’Aude rappelait ainsi dernièrement avec force que « les pêcheurs ne doivent pas être les héritiers du passé mais les légataires de l’avenir, en gardiens passionnés d’une nature à préserver pour les générations futures ».

Votre texte, madame la ministre, vise à engager une double réforme structurelle. Il s’agit tout d’abord de la création d’une fédération nationale pour la pêche et la protection du milieu aquatique chargée de coordonner les actions des associations adhérentes et investies de missions de service public. Il s’agit ensuite de la transformation du Conseil supérieur de la pêche, établissement public spécialisé créé à l’origine par les pêcheurs et pour les pêcheurs, en Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA.

Cette réforme induit des changements profonds qui vont se traduire par des prérogatives, des missions renouvelées et un rôle accru des structures associatives de pêche. Les missions d’intérêt général confiées par les précédentes lois, confirmées et élargies par le texte qui nous est soumis, ne seront pleinement et efficacement remplies qu’à la condition de doter ses structures de moyens, d’outils et d’un accès à l’information environnementale suffisants. Ces outils, est-il besoin de le préciser, nécessitent des investissements importants en termes de ressources humaines, techniques mais aussi d’expérimentation.

Le plan départemental de gestion piscicole recevra-t-il enfin la consécration textuelle qui lui fait défaut et qui aurait le mérite de lui conférer un statut juridique ? Jean-Paul Dupré attend, madame la ministre, que vous précisiez à cet égard vos intentions tout comme les pêcheurs attendent par ailleurs une définition plus précise de la notion d’« eaux libres » et d’« eaux closes ». Mais sur ce point, le rapporteur nous a déjà donné des indications dans sa présentation.

Pour finir, je crois utile que nous ayons tous bien conscience de la réalité complexe de ce monde de la pêche : eaux douces, eaux salées ; eaux libres, eaux closes ; pêche amateur, pêche professionnelle ; pêche à la ligne, pêche au filet ou aux engins. La pêche est elle-même confrontée à la diversité des usages, traversée par des conflits de prééminence et de représentation.

Après Germinal Peiro, je réitère le souhait que la place de chacun, avec ses spécificités, soit respectée. C’est aussi cela la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Beaudouin.

M. Patrick Beaudouin. Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen du projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques nous donne l’occasion de poursuivre les nombreuses initiatives engagées pour protéger notre ressource en eau. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui, a été enrichi par un fort travail d’approfondissement et de concertation – et je salue ici l’apport essentiel de notre rapporteur, André Flajolet. Je ne reviendrai pas sur ses grands axes, largement et brillamment énoncés par mes collègues.

J’aborderai deux points : élu francilien, j’insisterai sur le renforcement des outils de coopération et de gestion décentralisée de la politique de l’eau, notamment dans l’exemple que représente de l’Île-de-France ; j’aborderai ensuite la question des eaux pluviales.

En comparaison avec le début de printemps 2005, la situation hydrologique française s’est nettement améliorée, comme vous avez eu l’occasion d’en faire état, madame le ministre, devant le comité national « sécheresse ». En revanche, aux portes de Paris, la sécheresse est presque là. Le Val-de-Marne fait partie des trois départements qui sont l’objet d’un arrêté préfectoral de restriction des usages d’eau en vigueur au 7 avril 2006.

Devant cette situation, je tiens à saluer, madame le ministre, votre volonté de renforcer la coordination interdépartementale pour que les mesures éventuelles de restriction s’inscrivent bien dans une gestion par bassin, indépendamment des limites départementales. Vous avez également rappelé votre souhait de voir les comités sécheresse associer davantage les élus qui sont au cœur de la gestion de l’eau potable. Il me semble que ce dialogue est fondamental et on le retrouve inscrit dans le projet.

Face à la restriction, l’assainissement revêt une dimension encore plus fondamentale pour répondre à tous les besoins. Le département du Val-de-Marne l’a compris et a engagé, depuis 2003, la mise en œuvre d’un schéma directeur départemental d’assainissement performant, exemplaire par son utilisation non seulement pour lui-même mais par les autres départements.

C’est pour cela que je tiens à vous remercier de nous avoir écoutés et donc à saluer l’article 27 ter qui prend en compte la spécificité de l’agglomération parisienne en matière d’assainissement au travers des dispositions communes aux départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Il met également en place une solidarité intrarégionale au sein de l’Île-de-France, en instaurant la possibilité pour ces départements d’assurer tout ou partie de l’assainissement collectif des communes des quatre autres départements franciliens. L’extension de la station d’épuration de Valenton, prochainement inaugurée, – un des plus gros chantiers de la région, avec la capacité pour le SIAAP de traiter 100 % des eaux usées de 8 millions d’habitants – traduit cette responsabilité de solidarité. Cette organisation intrarégionale exemplaire est à l’image de ce que doit être la nouvelle gouvernance de l’eau, portée par ce projet de loi.

Du large débat sur la politique de l’eau organisé en France depuis 2003, et des résultats qui en découlent, je retiens que l’attente chez nos concitoyens est forte en matière de récupération d’eau de pluie. Car chaque habitant peut potentiellement récolter ses eaux pluviales. Cela se fait depuis des millénaires, nos ancêtres savaient le faire, mais nous en avons perdu le réflexe, voire le savoir-faire.

Il nous faut relancer cette tradition qui relève du bon sens écologique et économique. Françoise Branget, députée du Doubs, a ainsi défendu, lors de la discussion de la loi de finances rectificative pour 2005, un amendement visant à accorder un crédit d'impôt aux contribuables installant à leur domicile un système de récupération des eaux pluviales. J'ai moi-même déposé, en novembre 2005, une proposition de loi, cosignée par près de 150 parlementaires, visant à favoriser cette récupération. Forts de ce travail en amont, ponctué par plusieurs auditions de professionnels du secteur et de consultants en environnement, Françoise Branget et moi-même avons souhaité poursuivre notre démarche.

Nombre de nos collègues nous ont signalé les expérimentations et les subventions qui se multiplient ici ou là, malgré des avis des DDASS qui varient d'un département à l'autre. Ainsi, Françoise Branget a-t-elle pu obtenir de la ville de Besançon qu’elle accorde des subventions aux particuliers qui installent des récupérateurs d'eau.

Il faut effectivement s'interroger sur l'adaptation de la qualité de l'eau à son usage. Aujourd'hui, beaucoup de gens arrosent leurs jardins, nettoient leurs véhicules ou alimentent leur chasse d'eau avec de l'eau potable. Ces habitudes ont été encouragées par une politique sanitaire, certes exemplaire, mais qui reste focalisée sur le « tout-potable ». Pourtant, une utilisation intelligente des eaux pluviales, pour des usages non alimentaires et non corporels, est possible.

Avec Françoise Branget et Michel Raison, nous avons constaté qu'il convenait de changer les idées reçues. La commission des finances et celle des affaires économiques l'ont bien compris en renonçant à la taxe sur les eaux pluviales, afin de ne pas alourdir la fiscalité. Au contraire, privilégiant l’incitation, la commission des affaires économiques, sous l’autorité de son président Patrick Ollier et en suivant le rapporteur André Flajolet, a adopté un amendement issu de notre proposition de loi et défendu par Michel Raison, visant à établir un crédit d'impôt de 40 % aux contribuables installant un système de récupération des eaux pluviales. Voilà une mesure écologique, économique, et pédagogique assurant une mobilisation des consciences.

Écologique, car elle contribuera à préserver nos ressources en eau potable et à jouer un rôle de rétention en cas de fortes pluies ; économique, parce qu’elle implique une utilisation plus rationnelle de l'eau potable et crée des emplois ; pédagogique enfin, puisqu’elle permettra d’ancrer ce geste éco-citoyen dans les mentalités.

Il s'agit enfin pour l'État de montrer l'exemple. Ce crédit d'impôt aura un rôle moteur. Les agences de l'eau seront ainsi incitées à se pencher davantage sur cette nouvelle manière de gérer nos ressources en eau et à se montrer novatrices. Ce crédit d'impôt est aussi une manière de promouvoir une bonne fiscalité écologique dans notre pays.

Aujourd'hui, la performance et le développement des installations de récupération d'eau pluviale chez nos voisins européens démontrent la faisabilité technique et sanitaire de ces systèmes : cuves associées à des systèmes de stockage et filtrage et, éventuellement, mise en place d'un double réseau intérieur normalisé et clairement identifié afin d'avoir une disconnexion totale des réseaux, sans risque de repiquage. En Allemagne, Autriche, Suisse et Benelux, plusieurs millions d'habitations sont équipées de tels systèmes, voire d'un double réseau. C'est dire si cette démarche coule de source en Europe !

Quant à la question sanitaire, je pense que l'on s'est trop longtemps focalisé sur l'expression « usages domestiques » contenue dans la directive de 1998 et qui a été traduite différemment selon les États membres. Nombre d'entre eux sont favorables à l'utilisation de l'eau de pluie pour la chasse d'eau et le lavage du linge. Là aussi, nous devons provoquer l'évolution des esprits, en particulier de l’administration.

Nous avons également déposé un amendement visant à instaurer un crédit d'impôt similaire pour les entreprises. En effet, les entreprises, que nous voulons tous citoyennes, sont aussi fortement concernées.

Ces amendements visent à conforter ce projet de loi en mobilisant nos concitoyens, en faisant appel à leur bon sens écologique et pratique. Ils renforcent votre ambition, madame la ministre, votre volonté affirmée dans ce texte pour une politique moderne, concertée et partagée, de gestion et de protection de l'eau, ce patrimoine commun à chacun de nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Flory.

M. Jean-Claude Flory. Si certains regrettent le temps qu’a mis le présent projet de loi pour arriver devant notre assemblée, ils ne doivent pas oublier que la concertation a été engagé depuis maintenant trois années et qu’elle s’est traduite, dans l’ensemble de nos régions, par de multiples réunions et des dizaines de milliers de contributions, montrant l’intérêt de nos citoyens pour ce thème qui nous réunit aujourd’hui.

Ce travail de fond n’a d’équivalent que l’engagement remarqué de notre rapporteur au cours de ces derniers mois qui a œuvré pour essayer de parvenir à un juste équilibre et je suis certain que nos débats permettront d’enrichir encore le projet.

La discussion qui s’ouvre aujourd’hui concerne un domaine pour lequel la France est une référence. Voilà plus de quarante ans que notre pays, par la loi du 16 décembre 1964, s'est engagé dans une politique qui anticipait les problématiques contemporaines de la gestion de l'eau. Même si beaucoup reste à faire, cette action s’est traduite par des résultats remarqués en termes de gestion qualitative de la ressource mais aussi de protection des milieux.

Pendant cette période, partant de presque rien, 16 000 stations d’épuration ont été réalisées, 90 % des rejets industriels et 70 à 80 % des rejets domestiques traités.

Grâce à une vision décentralisée avant l'heure, la gestion par bassin a permis la définition de programmes d'actions par tous les acteurs concernés. Chacun a donc apporté sa contribution. Les actions ont été focalisées principalement sur l'investissement car c'est bien là le rôle central des six instances de bassin, en soutien aux maîtres d'ouvrage communaux ou intercommunaux de terrain.

Le projet de loi qui nous est proposé a bien pour objectif de conforter ce dispositif et de l'adapter aux enjeux à venir : préservation et gestion durable de la ressource, sécurité constitutionnelle des redevances, rôle du Parlement affirmé sur les programmes. Il nous invite aussi à nous projeter dix, vingt ans plus loin et à aller au-delà des seules recommandations et quelques contentieux européens actuels.

II est d'ailleurs intéressant de noter que la directive-cadre sur l'eau de 2000 consacre à l'échelle européenne le modèle français de gestion de l'eau fondé sur la loi de 1964. Cette synergie nationale et européenne dans le domaine de l'eau doit nous permettre de relever les enjeux à venir.

Parmi ces enjeux, celui des zones rurales doit nous mobiliser pour deux raisons fondamentales.

Tout d'abord, malgré de lourds efforts d'investissement, des difficultés d'approvisionnement en eau persistent, la mise en œuvre de solutions d'assainissement s'avère parfois complexe et coûteuse, avec des risques inhérents d'atteintes aux milieux aquatiques, emblème, label s’il en est, de nombreux territoires ruraux.

Ces défis persistants sont à mettre en parallèle avec le nouvel essor démographique des zones rurales qui semble même s'amplifier grâce à une attractivité renforcée.

Les périodes estivales ne font qu'intensifier ce phénomène avec, tout à la fois, une présence humaine forte, liée au tourisme, au moment où la ressource en eau est rare et fragile. Une attention particulière doit donc être portée au soutien du monde rural face à ces enjeux. Les coûts d'investissement y sont plus élevés, voire beaucoup plus élevés qu'en zone urbaine et donc l'impact sur le prix de l'eau plus conséquent alors que les revenus y sont en moyenne moins élevés.

Il est donc nécessaire de bien identifier la part des aides affectées à la solidarité en faveur des communes rurales dans les programmes des agences.

Le rôle central joué par les zones rurales en amont de zones urbaines ou périurbaines constitue la seconde raison fondamentale.

Les zones rurales sont souvent les têtes de bassins versants. Elles sont déterminantes pour l'approvisionnement en eau de surface comme en eaux souterraines des zones urbaines. Devant ce constat, les territoires ruraux ne veulent pas être seulement protégés, sanctuarisés, ils souhaitent aussi être des acteurs forts du développement de la nation, comme le démontre leur attractivité renouvelée. Depuis le 1er janvier 2005, la mobilisation par les agences de l'eau des sommes jusque-là gérées par le FNDAE va dans ce sens.

Grâce à ces moyens, les agences de l'eau doivent bien soutenir les maîtres d'ouvrage communaux ou intercommunaux, en complément des moyens qu'elles mobilisaient jusque-là en faveur des communes rurales.

M. Jean Launay et M. François Sauvadet. Très bien !

M. Jean-Claude Flory. Ceci mérite d'être précisé. Et je sais que notre rapporteur y est particulièrement attentif.

M. François Sauvadet. Nous aussi !

M. Jean-Claude Flory. De même, l'affectation, enfin prévue aux agences, des 40 millions d'euros jusque-là prélevés au titre de la TGAP, permettra notamment d'accompagner l'agriculture dans ses efforts constants vers des démarches raisonnées.

Élu de l’Ardèche, département qui ne connaît pas de pollution diffuse d'origine agricole, je sais néanmoins combien l’enjeu est important pour le monde agricole français dans son ensemble.

Madame le ministre, la France, qui est une référence en la matière, doit tendre vers l'excellence en matière d'eau, dans le texte et dans l'action, sur tout le territoire national. Votre mobilisation, notre mobilisation commune doit le permettre. Je suis convaincu que le texte y contribuera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Georges Colombier.

M. Georges Colombier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’eau est au centre de la vie et constitue un enjeu majeur pour notre planète. Elle fait partie du patrimoine de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable sont d'intérêt général.

Le présent projet de loi répond à une attente très forte de notre société. En effet, la conscience selon laquelle l'eau est menacée par les pollutions et qu’elle n’est plus depuis longtemps ce bien que l'on croyait gratuit et inépuisable se diffuse très largement parmi nos concitoyens.

Accès à l'eau, inégalités face à l'eau, eaux et problèmes environnementaux, politiques de l'eau : les attentes sont grandes sur tous ces sujets. Quarante ans après la loi fondatrice du 16 décembre 1964, je me réjouis que la représentation nationale ait à débattre de ce texte.

Ce projet a donné lieu à une vaste concertation avec les acteurs de la politique de l'eau et a confirmé la nécessité de réformer la politique française de l'eau, à la fois pour respecter les objectifs de la directive-cadre, pour accroître son efficacité, notamment en clarifiant les compétences de chacun et en améliorant l'action de la police de l'eau, et pour répondre aux attentes des usagers en matière de transparence, de lisibilité et de qualité.

Je tiens à souligner la richesse des débats qui ont eu lieu lors de l'élaboration de ce texte. Chacun a bien conscience de la nécessité de favoriser un dialogue constructif sur la question de l'eau et d’apporter sa contribution à l'amélioration des dispositifs existants. La gestion de l'eau est d'ores et déjà un défi. Elle le sera encore davantage dans les années à venir.

La France n'est pas à l'abri de problèmes de ressource en eau. Il ne se passe malheureusement plus une année sans que la question de l'eau ne fasse la une de notre actualité, soit à l'occasion d'inondations, de sécheresses ou de pollutions. Aussi, c'est un sujet majeur que nous abordons aujourd'hui.

Je tiens à remercier le rapporteur André Flajolet, pour son écoute et sa bonne connaissance du dossier, le rapporteur pour avis Philippe Rouault et tout particulièrement Mme la ministre de l'écologie et du développement durable pour la grande qualité et l'importance du travail qu'ils ont mené ensemble.

Nous avons aujourd'hui un objectif clair et ambitieux à atteindre : le bon état écologique des eaux, des cours d'eau, des lacs, des nappes souterraines et des eaux littorales pour 2015.

L’amélioration et la préservation de la qualité des eaux permettront de satisfaire les besoins d'aujourd'hui et de demain.

Le projet qui nous est soumis a vocation à moderniser le droit de l'eau. Il est riche, dense et complexe, tant les domaines visés sont nombreux. Il constituera le texte de référence de la politique française de l'eau.

Parmi les différents thèmes abordés, je souhaite tout particulièrement insister sur la problématique des eaux libres et des eaux closes.

En effet, depuis la loi sur la pêche de 1984, ou plus exactement depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 1986, les controverses juridiques sur la définition des notions d’eaux closes et d’eaux libres se sont développées. Dans son rapport de juin 2005, Hélène Vestur a souligné notamment que de sérieuses considérations de droit et de fait imposaient de redéfinir le champ d'application de la législation sur la pêche et, par conséquent, de donner une nouvelle définition des eaux libres et des eaux closes.

M. François Sauvadet. C’est nécessaire !

M. Georges Colombier. Les conflits d’usage qui ont pris de l’ampleur doivent être apaisés par ce texte. En raison du flou juridique actuel, un plan d’eau ne peut être soumis à la législation sur la pêche, ou en être exclu, qu’au terme d’une procédure pénale longue et souvent coûteuse. Cette incertitude, Mme Vestur l’a nettement souligné dans son rapport, est par principe inacceptable dans un État de droit où la règle doit être connue d’emblée, claire et sans ambiguïté. Il est temps de revenir à une définition claire des termes, afin de lever toutes les incertitudes qui pèsent lourdement sur les nombreux pêcheurs et propriétaires d’étang.

Les demandes de clarification sont nombreuses à un moment où la pêche en étang connaît un engouement certain grâce à la fois aux collectivités territoriales et aux acteurs privés qui offrent un accès à un loisir de plein air simple, convivial, festif. Toutes les activités liées aux étangs participent fortement à l’aménagement de notre campagne et à la vie de nos territoires ruraux. Elles sont un élément important de notre ruralité, de l’attractivité de nos campagnes et de l’économie locale. Elles sont enfin une source de lien social et de lien intergénérationnel.

En commission, un amendement présenté par M. le rapporteur a introduit un article additionnel avant l’article 42, afin de parvenir à une délimitation réellement opérationnelle entre eaux libres et eaux closes et de mettre fin aux multiples contentieux ayant encombré les tribunaux depuis de nombreuses années. Cet article s’inscrit dans la droite ligne des recommandations du rapport Vestur et il répond aux attentes des propriétaires d’étang et des pratiquants de la pêche en eaux closes.

Je connais, madame la ministre et monsieur le rapporteur, toute l’attention que vous portez à édicter avec ce texte une règle simple et claire. Je me réjouis de votre détermination à concrétiser l’ambition qui est la vôtre de doter notre pays d’une législation adaptée, permettant à l’ensemble des acteurs de la politique de l’eau de préserver ce patrimoine commun de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gest.

M. Alain Gest. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Louis Cosyns étant retenu dans sa circonscription, c’est bien volontiers que je m’exprime en son nom et que je salue avec beaucoup d’amitié et de plaisir notre rapporteur André Flajolet qui a su, à l’évidence, résoudre les problèmes en recherchant les solutions les plus consensuelles possible.

Dans le temps de parole qui lui était imparti, mon collègue souhaitait aborder trois thèmes : les eaux libres et les eaux closes, l’eau et l’agriculture, et l’assainissement, particulièrement le traitement des boues.

Il se réjouit que l’on soit revenu à la notion de bon sens que constitue la circulation du poisson pour définir les eaux libres et les eaux closes. Cela fait plus de vingt ans que des contentieux se sont développés du fait de l’incertitude que les dispositions de la loi de 1984 et leur interprétation, variant localement, ont fait naître. La nouvelle disposition va permettre d’apaiser les tensions existantes et surtout de ne pas encombrer les tribunaux de litiges que le simple bon sens aurait suffi à éviter. Les interprétations abusives commises dans certains départements comme le Cher par les gardes du Conseil supérieur de la pêche ne devraient plus avoir lieu.

Toutefois, une question reste en suspens, qu’il conviendra également de traiter en y associant plus avant les propriétaires : celle des étangs, des ouvrages fondés en titre. Trop de litiges naissent du fait de la méconnaissance de leur statut. C’est pourquoi je souhaiterais que soit mis en place, comme l’avait demandé le sénateur du Cher, Georges Ginoux, lors de la discussion au Sénat, un document incontestable précisant la nature juridique de chaque étang.

S’agissant de la place accordée au monde agricole, le projet de loi prend en compte l’importance essentielle de l’eau pour la production agricole. La politique de gestion de l’eau est une politique à long terme. Excès et pénuries, crues et sécheresses, doivent être gérés avec pour seul régulateur le stockage de l’eau. Du fait de l’évolution du climat, les précipitations resteront à un même niveau mais leur répartition au long de l’année sera modifiée, avec des quantités moins importantes en été et plus importantes en hiver. La problématique du stockage de l’eau est donc à considérer sur le long terme.

Par ailleurs, alors qu’on réduit souvent l’agriculteur à un pollueur, il faut rappeler que l’agriculteur n’est pas qu’un consommateur d’eau, il est aussi un utilisateur, et en tant que tel, soucieux de sa qualité.

Enfin, l’assainissement, et plus particulièrement la gestion des boues, est une question qui va prendre une grande importance, la production de boues d’épuration nées du traitement des eaux usées domestiques devant croître dans les prochaines années. Aujourd’hui, la mise en place du fonds de garantie devrait rassurer les agriculteurs, sachant que l’épandage représente actuellement la destination de 50 % à 60 % des boues. Or, ce débouché est désormais fragilisé du fait que la profession agricole craint qu’un tel usage n’entraîne des méventes de la production, et la disqualification des terres exposées pour des productions futures. De surcroît, certains distributeurs et certaines entreprises agroalimentaires font de l’absence d’épandage de boues une exigence de qualité. Si la mise en place du fonds de garantie est une avancée pour l’une des trois filières d’élimination des boues, il faudrait aller plus loin et soutenir les filières de valorisation. Ce sont des filières innovantes, créatrices d’emplois et qui, avec un faible coût, apportent des solutions alternatives à l’épandage et suppriment dans le même temps les risques sanitaires.

Pour conclure, si la loi de 1984 visait à harmoniser droit de l’eau et droit de la pêche, les contentieux nés de cette situation nous invitent à établir une séparation entre droit de l’eau et droit de la pêche, police de l’eau et police de la pêche, afin de retrouver une législation claire limitant les contentieux qui encombrent nos cours de justice jusqu’au plus haut niveau de juridiction. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général. L’usage de l’eau appartient à tous dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis. » Tels sont les termes de l’article 1er de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 qu’il me semble important de rappeler avant d’aborder ce débat car cet énoncé, qui mériterait d’être complété pour insister plus encore sur la nécessaire préservation d’un bien indispensable à la vie de tout être vivant, n’a rien perdu de son actualité.

Un milliard d’êtres humains n’ont pas accès à l’eau potable et deux milliards d’entre eux sont privés d’assainissement. Notre pays, malgré des réserves d’eau confortables, est lui aussi concerné. Selon l’Institut français de l’environnement, 75 % des cours d’eaux sont contaminés par des pesticides, ainsi que 57 % des nappes souterraines. Par ailleurs, les zones où la concentration en nitrates est supérieure à 40 milligrammes par litre – le seuil de pollution étant fixé à 50 milligrammes – couvrent la moitié du territoire national.

Ainsi, pour atteindre l’objectif imposé par la directive européenne du 22 décembre 2000 de parvenir à un bon état écologique des eaux d’ici 2015, nous devrons faire preuve de volontarisme. Reconquérir la qualité de la ressource suppose de mobiliser une part plus importante de la richesse nationale, mais aussi de promouvoir les bonnes pratiques en encourageant une agriculture plus respectueuse de l’environnement.

Certes, le projet de loi entend augmenter les moyens des six agences de l’eau chargées, entre autres, de lutter contre la pollution, de protéger et restaurer les ressources, de promouvoir une meilleure maîtrise de la consommation. Mais, avec le texte voté par le Sénat, les ménages, autrement dit les consommateurs domestiques, contribueront à hauteur de 82 % au budget des agences contre 14 % pour les industriels. Quant aux agriculteurs qui utilisent les deux tiers de l’eau, ils participeront à hauteur de 4 %. Ce choix ne nous paraît pas recevable.

Le principe « pollueur-payeur » – auquel nous préférons d’ailleurs l’expression « responsable-payeur » et que nous nous refusons à assimiler à l’achat d’un droit à polluer – est désormais reconnu par la Constitution, via la Charte de l’environnement. Or, sa mise en œuvre ne permettra pas d’inciter à la préservation de la ressource et à la modification des comportements, d’autant que seuls les pesticides – à l’exclusion des nitrates et des biocides – sont concernés par la nouvelle redevance pour « pollutions diffuses ». Dès lors, comment croire que la France sera en mesure de tenir ses engagements européens dans les délais impartis ?

Au-delà de cette grave insuffisance, nous devons, par ailleurs, déplorer que le projet escamote deux questions essentielles et étroitement liées : celle du prix et celle des modalités de gestion de l’eau. L’article 41 du projet de loi, confiant à l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques des attributions en matière de recueil, conservation et diffusion « des données sur l’eau, les milieux aquatiques, leurs usages et les services liés à l’eau », ne suffira manifestement pas à épuiser ces deux sujets. Or le débat a été ramené au premier plan par l’étude de UFC- Que Choisir dont la parution, en janvier dernier, a soulevé une vive polémique.

Cette enquête a été précédée de plusieurs rapports de la Cour des comptes. En 1997, les magistrats de la rue Cambon jugeaient que la hausse du prix de l’eau était bien à mettre en rapport avec la délégation du service dans de nombreux cas examinés par les chambres régionales des comptes. En 2003, ils s’inquiétaient de l’opacité d’une gestion qui profite essentiellement au duopole Veolia-Suez et soulignaient que « leur marge par rapport au chiffre d’affaires n’est, en général, pas connue ». De leur côté, le Service central des enquêtes et études statistiques et l’Institut français de l’environnement ont observé que la délégation au privé entraîne, en moyenne, par rapport à une gestion publique, un surcoût de 27 % pour la distribution et de 20,5 % pour l’assainissement.

Par ailleurs, le prix du mètre cube varie de un à sept suivant les régions et il semble difficile de s’en tenir aux arguments techniques avancés par le Syndicat professionnel des entreprises de services d’eau et d’assainissement. L’exemple des écarts de prix entre les dix communes de l’Île de Ré conduit en effet à douter. L’alimentation en eau étant la même – assurée par une canalisation installée sur le pont inauguré en 1988 –, seules les conditions des contrats passés avec l’opérateur de distribution d’eau expliquent de telles disparités.

Ces constats successifs ont nourri et nourrissent encore les interrogations des collectivités locales quant à l’opportunité de renouveler leur confiance aux prestataires de service. Notre groupe a d’ailleurs déposé une proposition de création de commission d’enquête relative à l’impact des délégations de service public de l’eau sur les prix et la transparence du service rendu. D’ores et déjà, certaines collectivités ont fait le choix d’un retour en gestion directe. Le cas de Grenoble est, à ce titre, exemplaire. L’Île-de-France n’échappera pas à ce débat. En 2009, Paris est appelé à renégocier les contrats de distribution avec les opérateurs privés.

En 2011, ce sont les contrats du SEDIF avec Veolia et du syndicat des eaux de la presqu’île de Gennevilliers avec Eau-et-Force, filiale de Suez, qui arriveront à échéance.

À l’approche de ces rendez-vous décisifs, les usagers, rendus d’autant plus sensibles aux augmentations du prix de l’eau qu’elles manquent de lisibilité et n’apparaissent pas toujours liées à une amélioration de la qualité du service rendu, ne comprendraient pas que la perspective d’une reprise en régie ne soit pas explorée.

Il convient en effet de constater que 60 % des collectivités compétentes, représentant plus de 80 % de la population, ont fait le choix d’une gestion déléguée, ce qui donne la mesure des obstacles à surmonter pour la reconquête de la maîtrise publique de l’eau.

Je comprends parfaitement que les élus, confrontés à des informations technologiques et financières toujours plus complexes, peinent à analyser les conséquences et les risques d’une activité gourmande en capitaux et sensible du point de vue sanitaire.

En dépit du développement de l’intercommunalité, qui a élargi le champ du possible, nombre de collectivités ne disposent pas des capacités financières et d’expertises suffisantes. C’est pourquoi, les élus de mon groupe et moi-même souhaitons qu’une mission de conseil et d’assistance auprès des collectivités territoriales soit confiée à l’ONEMA.

M. André Chassaigne. Très bien !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Il s’agirait ainsi de se doter de l’outil indispensable au renforcement de la maîtrise publique sur la gestion quantitative et qualitative de la ressource en eau, en vue d’instaurer un véritable service public en la matière.

Cette proposition rejoint la série d’amendements que notre groupe a déposés en vue de défendre les exigences sociales et démocratiques que votre texte ignore, bien qu’elles soient tout aussi importantes que les préoccupations environnementales et sanitaires qui inspirent les directives européennes.

Une plus grande transparence passe par une participation accrue des usagers aux instances où se définissent les politiques de l’eau. Ils sont notoirement sous-représentés dans les comités de bassin, créés par la loi du 16 décembre 1964 et qui, en l’état actuel des choses, ne méritent guère leur appellation de « parlements de l’eau ».

Une plus grande solidarité nous impose de protéger les populations les plus démunies. C’est pourquoi, il convient, en nous inspirant des dispositions qui existent déjà notamment en matière de droit d’accès à l’énergie, de prévoir le maintien d’un débit minimal de fourniture d’eau ou encore d’instaurer une tarification sociale pour la première tranche de consommation.

Chacun a le droit de bénéficier d’installations sanitaires acceptables, accessibles, sûres et abordables, qui prennent en compte les exigences de l’hygiène, de la dignité, de la santé publique et de la protection de l’environnement. Nul ne peut être privé de l’eau nécessaire à ses besoins essentiels. L’approvisionnement en eau potable ne peut être interrompu en cas de défaut de paiement par des personnes en situation de précarité ni, surtout, s’il existe un risque d’atteinte à la dignité humaine ou de danger pour la santé. De nombreuses voix se font également entendre afin que des références explicites au droit à l’eau soient introduites dans les législations nationales.

Le présent projet de loi est débattu au lendemain du forum mondial de l’eau à Mexico, où se déroulait parallèlement le forum alternatif mondial de l’eau. Ces principes y ont été rappelés.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, cette question est, pour nous, fondamentale car elle touche à la vie quotidienne de toutes et tous. C’est pourquoi, nous nous devons d’être ambitieux en la matière, afin d’exclure ce patrimoine commun, qu’est l’eau, de la sphère marchande et d’en permettre l’accès à tous dans de bonnes conditions, selon les capacités financières de chacun.

Nous devons défendre, partout où cela est possible, un service public de qualité incluant l’eau comme bien public commun et protéger les droits essentiels de la mainmise des entreprises privées. Service public et profit ne pouvant cohabiter, la réappropriation sociale de tout un champ d’activités qu’on a laissé privatiser se révèle dès lors nécessaire.

Madame la ministre, notre vote dépendra de l’accueil réservé à nos propositions, qui sont animées par notre volonté de répondre aux attentes de nos concitoyens et de donner plus d’ambition à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de bien vouloir me donner le temps nécessaire pour répondre aux interventions riches de contenu qui témoignent de l’intérêt profond que suscite ce projet de loi.

Je tiens à renouveler mes remerciements au rapporteur, M. André Flajolet, et au président Ollier, pour l’ardeur qu’ils ont mise à préparer l’examen de ce texte. Je tiens également à vous remercier, monsieur Flajolet, de la qualité du travail produit par la commission des affaires économiques et de celle des rapports que vous avez noués avec l’équipe ministérielle. Mes remerciements vont enfin à M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis.

Dans une approche humaniste, vous avez su nous rappeler le lien fort qui existe entre l’eau et les sujets d’avenir qui sont les principaux enjeux de la charte de l’environnement, notamment les questions liées à la santé et à l’environnement.

Il s’agit, du reste, d’aborder ce sujet à l’échelle planétaire. Je partage votre analyse sur l’importance du bassin versant, dont le rôle est renforcé par le projet de loi : en la matière, l’appui des agences pour la réalisation du schéma d’aménagement de gestion des eaux sera une excellente chose. Je n’ignore pas que, dans ce domaine, vous avez acquis, monsieur le rapporteur, une grande expérience de terrain en présidant le SAGE de la Lys.

L’implication des agences de l’eau dans l’élaboration et le suivi des SAGE contribuera à rapprocher – je tiens à le rappeler – le bassin du terrain, tout comme la création de commissions géographiques territoriales au sein du comité de bassin, sans que ces dernières constituent une instance de décision nouvelle.

Vous avez souligné le nouvel avenir du Conseil supérieur de la pêche – CSP –, qui retrouvera un champ de développement nouveau de ses missions grâce à sa transformation en ONEMA. Celui-ci ne constitue donc pas une nouvelle structure, mais le résultat d’une évolution nécessaire, afin d’adapter cet organisme aux enjeux de la directive-cadre.

L’ONEMA me permettra en effet de répondre aux enjeux de la directive cadre puisque cet organisme mettra en œuvre le système d’information sur l’eau nécessaire à l’évaluation des politiques et assurera la surveillance des milieux. Il contribuera non seulement à accroître nos connaissances dans le fonctionnement des écosystèmes aquatiques, toutes choses indispensables pour atteindre les résultats de la directive-cadre, mais surtout, il permettra d’assurer une véritable surveillance des cours d’eaux sur le terrain, seul gage d’une réelle efficacité de la police de l’eau.

Loin d’affaiblir mon ministère, notamment la direction de l’eau, l’ONEMA lui apportera au contraire, ainsi qu’aux agences de l’eau, un appui précieux, sans constituer un doublon de leur activité. Si les activités de la direction de l’eau qui seront reprises par l’ONEMA entraînent une baisse des moyens budgétaires de cette direction à due concurrence, celle-ci gardera les moyens nécessaires à ses missions régaliennes. L’ONEMA n’entraînera donc pas d’accroissement excessif des moyens publics consacrés à la politique de l’eau mais, bien plutôt, permettra de tendre à une plus grande efficacité.

Sur le sujet agricole, le président Ollier et vous-mêmes, messieurs les rapporteurs, avez souligné que nous devons rechercher un nouveau contrat, qui soit sans arrière-pensée, pour une reconquête de la qualité de l’eau et du milieu.

J’approuve également le souhait du rapporteur et de plusieurs intervenants de voir simplifier le dispositif de la redevance élevage tout en restant dans l’enveloppe prévisionnelle de recette prévue.

Rappelons que la directive-cadre n’impose pas des moyens mais nous donne une obligation de résultats, laquelle implique une politique de l’eau suffisamment décentralisée. C’est pourquoi, monsieur Rouault, si j’adhère pleinement à votre analyse de la non-constitutionnalité des redevances, je ne peux pas partager l’analyse de la commission des finances tendant à une centralisation du dispositif sous prétexte de respecter la Constitution.

M. François Sauvadet. Très bien !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Comme vous l’avez rappelé, nous nous situons à la fois dans la continuité et le renouveau de la loi de 1964.

M. Claude Gaillard. Je vous remercie de l’avoir rappelé, madame la ministre.

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Comme le président Ollier et vous-même l’avez souligné, le projet de loi supprime cette situation avérée depuis 1982, que vous avez qualifiée à juste titre de « choquante ».

En revanche, le dispositif proposé par le texte paraît un bon compromis entre une parfaite régularité constitutionnelle et le caractère décentralisé de la politique de l’eau. C’est pourquoi je serai défavorable au renvoi de la décision du taux des redevances au niveau central.

Je prends acte de la décision des commissions de ne pas retenir le principe d’une taxe sur les eaux pluviales, mais j’appelle l’attention de la représentation nationale sur le fait que de nombreux maires se plaignent de ne pas disposer des moyens financiers pour traiter le problème,…

M. François Sauvadet. C’est vrai.

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. …au point que certains d’entre eux imputent la charge financière sur le budget d’assainissement de la commune et, in fine, sur le prix de l’eau, ce qui n’est pas acceptable. C’est donc à juste titre que le président Ollier a fait part de ses préoccupations sur l’évolution de ce prix.

Monsieur Launay, comme vous pouvez le constater, je ne vous ai pas oublié et je tiens à répondre aux différents points que vous avez abordés.

M. Jean Launay. Tout vient à point à qui sait attendre !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Je dois vous avouer que je vous ai trouvé bien pessimiste. Certes, tout n’est pas parfait, sinon nous ne serions pas là aujourd’hui : la situation à laquelle nous sommes confrontés représente pour nous un défi d’autant plus ambitieux – retrouver le bon état des eaux d’ici 2015 –, qu’elle ne s’est pas suffisamment améliorée.

Toutefois la police de l’eau, par exemple, fonctionne de mieux en mieux : d’ici la fin de l’année, tous les moyens seront regroupés dans un seul service sous l’autorité du préfet.

M. Denis Merville. Très bien !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Les moyens qui seront mis en œuvre par les agences de l’eau pour les nouveaux programmes d’intervention seront au moins équivalents, sinon supérieurs, à ceux actuellement dégagés et devraient suffire à atteindre les objectifs, pour peu que les agences fassent preuve d’une meilleure sélectivité.

Enfin, le FNDAE a certes été supprimé par la loi de finances pour 2005, mais les agences de l’eau ont pris le relais de manière satisfaisante et les moyens consacrés à la solidarité rurale dans les futurs programmes seront accrus.

Vous avez évoqué, monsieur le député, la fiscalité écologique. Je suis favorable à un redéploiement de notre fiscalité qui, tout en allégeant la charge pour les citoyens, récompense les comportements vertueux.

M. François Sauvadet. Très bien !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. C’est pourquoi j’attends beaucoup des travaux lancés sur la fiscalité verte à l’initiative du Premier ministre.

Monsieur Chassaigne, vous avez évoqué la gestion quantitative de l’eau, qu’il s’agisse des crues ou des étiages. Vous avez bien voulu admettre que l’article 14 du projet de loi apportait des éléments de réponses aux enjeux posés. Sans attendre la loi, j’ai pris des initiatives dans ce domaine, notamment le plan de gestion de la rareté de l’eau présenté en octobre en conseil des ministres ou la charte sur le bon usage de l’eau, que j’ai signée le 2 mars dernier avec la fédération française de golf.

M. Jean Launay. C’est vrai.

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. En matière de droit à l’eau, monsieur le député, il convient avant tout de le rendre effectif. La France contribue à la réalisation des objectifs du millénaire avec une contribution de 368 millions d’euros par an d’aide bilatérale et multilatérale. Le Président de la République a souhaité que cette question soit au cœur de la réunion du G8 afin de mobiliser les pays les plus riches sur cet enjeu. La loi Santini-Oudin de février 2005 permet de développer la coopération décentralisée et, je le répète, mon souhait est que les agences de l’eau s’impliquent complètement dans cette démarche.

Monsieur le député, vous souhaitez également une meilleure gouvernance de l’eau, moi aussi. Mais je fais confiance aux collectivités territoriales pour choisir leur mode de gestion de l’eau. Le projet de loi s’attache à leur donner les moyens de bien l’exercer. Votre vision centralisatrice n’est pas la mienne…

M. François Sauvadet. Très bien !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. …et ne me paraît pas adaptée aux enjeux de la directive-cadre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En ce qui concerne l’hydroélectricité, le projet de loi tel qu’il est sorti du Sénat me paraît constituer un bon compromis entre les impératifs de la lutte contre l’effet de serre et ceux de la préservation des écosystèmes aquatiques, enjeu de la directive-cadre.

M. le député Gaubert a évoqué le problème des algues vertes, qui se pose de façon récurrente en Bretagne. Je tiens à préciser que j’ai adressé à Mme la préfète de la région Bretagne des instructions en vue de mettre en œuvre des programmes d’actions nous permettant de respecter la directive européenne sur la pollution des eaux par les nitrates. Par ailleurs, l’article 14 du projet de loi contient des dispositions permettant de généraliser ces programmes d’actions.

Monsieur Sauvadet, tout comme vous, je souhaite que l’argent de l’eau reste à l’eau. Le dispositif prévu par le projet de loi cherche justement à appliquer ce principe de « l’eau paye l’eau » à tous les niveaux.

L’idée du fonds de réserve proposée par la commission des finances peut paraître à première vue intéressante mais, à mon sens, le mieux est de ne pas constituer de réserve excessive, en ajustant au plus près les recettes sur les dépenses.

J’ai noté que vous étiez favorable à la création du fonds pour l’épandage agricole des boues. Le recyclage des boues d’épuration en agriculture reste le meilleur moyen économique et écologique de les utiliser.

Je souhaite, comme vous, le retour à la parité entre élus et usagers dans les comités de bassin et, en ce qui concerne l’exercice de la solidarité rurale par les agences de l’eau, je ne remets pas en cause le souhait du Sénat de voir fixer un plancher, mais l’expression de celui-ci en montant annuel étant peu praticable, il me semblerait préférable de le globaliser sur la durée du programme.

M. François Sauvadet. Très bien !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Monsieur Gaillard, je sais combien votre appréciation positive sur ce projet de loi est, en tant que président de comité de bassin Rhin-Meuse, celle d’un homme de l’art.

Je reprends à mon compte l’expression « d’avancée démocratique » : ce projet permettra en effet de rendre constitutionnels et de soumettre à l’approbation parlementaire les deux milliards d’euros investis chaque année par les agences de l’eau sur la base des redevances qu’elles prélèvent.

J’ai noté vos propos sur la responsabilisation des utilisateurs d’eau que permettra la mise en place de compteurs individuels uniquement, je le rappelle, dans le cadre de collectifs neufs. C’est bien cet esprit de responsabilité qu’incarne le mieux ce projet de loi.

Je suis comme vous consciente de l’importance des relations entre l’eau et la santé. Le projet comprend des avancées significatives dans la maîtrise des pollutions diffuses par les pesticides – enjeu bien supérieur à la pollution par les nitrates.

Monsieur Dumas, à propos de l’hydroélectricité, je l’ai déjà dit, le projet de loi tel que le Sénat l’a voté, constitue un bon compromis entre les impératifs de la lutte contre l’effet de serre et ceux de la préservation des écosystèmes aquatiques, enjeu de la directive-cadre.

Je ne méconnais par l’intérêt de la bonne gestion forestière pour la qualité des ressources en eau. Les relations entre forestiers et gestionnaires des ressources en eau restent sans doute à améliorer. Mais cette question ne relève pas, à mon sens, de la loi. Il s’agit d’améliorer les pratiques existantes

J’ai bien noté les propos de M. Santini s’agissant des opportunités que pourrait nous offrir la Charte de l’environnement en matière de fiscalité écologique. Toutefois, la Charte ne nous exonère pas de l’application de l’article 34 de la Constitution qui donne compétence exclusive au Parlement de voter les règles d’assiette et les taux de redevances qualifiées d’impositions par le Conseil constitutionnel. C’est ce qui rend nécessaire l’article 37 du projet.

En ce qui concerne la suppression de l’ONEMA que propose M. Santini, elle conduirait, je m’en suis déjà expliquée, à nous priver d’un dispositif important visant à renforcer notre capacité technique dans le domaine de l’eau. Par ailleurs ceci reviendrait à supprimer le CSP au lieu de s’appuyer sur ses compétences pour les mettre au service de l’application de la directive-cadre.

M. André Chassaigne. Très juste !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Monsieur Piron, vous interveniez pour votre collègue Émile Blessig et je vous remercie du soutien de la délégation à l’aménagement du territoire au projet de loi.

Les spécialistes de l’aménagement du territoire doivent être étroitement associés aux décisions en matière d’aménagement et de gestion des ressources en eau. C’est sans doute au cours de l’élaboration et du suivi des SDAGE et des SAGE qu’ils doivent trouver leur place.

M. Jean Launay. C’est en grande partie l’idée que j’ai développée ce matin !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Je souhaite dire à MM. Alfred Marie-Jeanne et Louis-Joseph Manscour que je suis particulièrement soucieuse de la situation des départements d’outre-mer et je m’adresse également à vous, madame Rimane.

Le projet de loi complète significativement le dispositif institutionnel en outre-mer et donne des pouvoirs plus importants aux offices de l’eau créés par la loi de juillet 2003.

La solidarité vis-à-vis des départements d’outre-mer sera assurée par l’ONEMA à partir des contributions émanant des agences de l’eau métropolitaines. Cette solidarité concernera les communes rurales ainsi que les communes urbaines.

Comme Michel Bouvard, je suis favorable, en matière de gestion de la ressource de l’eau, au maintien du point d’équilibre auquel le Sénat a abouti, entre production d’hydroélectricité et préservation des milieux aquatiques.

M. Bouvard a appelé également mon attention sur l’entretien des cours d’eau, compte tenu notamment des spécificités des zones de montagne. Or, le projet s’attache à faciliter cet entretien, en particulier par des plans de gestion pluriannuelle ; cet entretien doit être régulier et respecter les milieux, tout en garantissant un bon écoulement des eaux, notamment dans les torrents des zones de montagne.

Monsieur Decoq, je vous ai écouté attentivement car je sais que vous êtes un homme de l’art. Je partage votre intérêt sur la fiscalité écologique. J’ai eu l’occasion de le dire en réponse à M. Flajolet. Mais pour être efficace, elle doit aussi rester simple. Un dispositif de redevance trop sophistiqué sera mal appliqué.

Vous avez critiqué la taille trop importante de certains bassins, mais il est plus facile d’assurer les péréquations nécessaires dans le temps et l’espace sur un territoire étendu que sur un territoire restreint au potentiel fiscal insuffisant.

Pour rapprocher les instances de bassin du terrain, je crois plus efficace de créer des commissions territoriales au sein des comités de bassin comme le propose votre commission. Les « grandes » agences ont d’ailleurs amorcé cette pratique avec un certain succès.

M. François Sauvadet. Absolument !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Enfin, j’ai déjà indiqué pour quelle raison je n’étais pas favorable à la redevance « nitrates », dont je ne crois pas l’absence contraire à la Charte de l’environnement.

M. Herth a montré, preuve en main, comment l’agriculture peut apporter une contribution positive à l’environnement,…

M. Claude Gaillard. C’est vrai !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. …par exemple avec la constitution de bandes enherbées. C’est cette logique partenariale que le projet veut mettre en avant au travers de l’élaboration des plans d’actions par bassins versants. Des changements de pratiques seront nécessaires dans certains cas. Je ne doute pas que le monde agricole saura relever ces défis. Je félicite en tout cas M. le député pour son comportement responsable.

M. Claude Gaillard. Très bien !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Monsieur Peiro, j’ai déjà abordé la question de la gestion des eaux de ruissellement.

En matière de satisfaction des besoins en eau pour l’agriculture, je ne jette aucun anathème : je ne suis pas, par principe, opposée à la mobilisation de ressources nouvelles dès lors que celles-ci respectent les équilibres écologiques des bassins versants.

En ce qui concerne l’hydroélectricité, j’ai déjà indiqué que le projet de loi établissait un équilibre qui me paraît satisfaisant.

Je suis comme vous favorable à tout ce qui peut faciliter l’accès de nos rivières à tous. Mais il ne faut pas sous-estimer les problèmes de sécurité que cela peut poser, à une époque – il faut le souligner – de judiciarisation croissante.

Monsieur Merville, je partage votre impatience de voir cette loi votée pour moderniser nos outils en matière de politique de l’eau. Vous avez raison de souligner les efforts qui permettent d’assurer chaque jour la fourniture d’une eau potable d’excellente qualité. C’est une formidable réussite des collectivités locales et particulièrement des maires.

Toutefois mieux vaut prévenir et protéger notre ressource, que guérir par des traitements lourds et onéreux, qui pèsent sur le prix de l’eau. C’est le sens de ce projet.

S’agissant des comités de bassin, je partage votre souhait de voir la représentation des communes et de leurs EPCI renforcée au sein du collège des élus.

Monsieur Jean-Pierre Decool, je vous remercie pour votre présentation du dispositif des wateringues qui constitue un exemple concret de la gestion partagée d’une ressource fragile. Je ne souhaite évidemment pas que les dispositions du projet de loi remettent en cause ce qui a été mis en place depuis plusieurs décennies. Toutefois la notion de « vieux fonds, vieux bords » me paraît devoir être adaptée aux enjeux actuels.

Vous avez émis quelques réserves sur le rapport Vestur. Permettez-moi de dire qu’il m’est difficile de partager votre avis. La question de la distinction entre eaux libres et eaux closes est délicate et je remercie M. le rapporteur d’avoir voulu l’aborder. Les propositions de Mme Vestur me paraissent en tout cas constituer une bonne base pour nos débats.

M. François Sauvadet. Très bien !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Madame Ramonet, comme vous, je pense que les pollutions par les phytosanitaires représentent un enjeu de santé publique extrêmement important, dont nous découvrons l’ampleur au fur et à mesure des études épidémiologiques. Je me réjouis des mesures intégrées dans le projet de loi sur ce sujet, lesquelles s’appuient sur les propositions que vous aviez faites dans le rapport que vous avez réalisé avec M. Herth.

Je vous rejoins pleinement sur la nécessité d’interdire les publicités exagérément sécurisantes, et la nécessité de donner la possibilité aux agents du CSP de constater des infractions quand des zones où il ne doit pas y avoir d’application de phytosanitaires ne sont pas respectées.

Monsieur Saddier, j’ai déjà eu l’occasion de dire toute l’importance de la montagne pour l’équilibre des ressources en eau et pour la production d’énergie renouvelable.

Bien sûr, les techniques d’entretien des rivières de montagne doivent être adaptées à leur situation particulière ; mais attention aux équilibres des berges et aux incidences sur l’aval !

L’encadrement de la part fixe doit effectivement être adapté aux variations importantes des populations saisonnières que connaissent les communes touristiques, en particulier celles de montagne.

En ce qui concerne la délimitation des eaux libres et des eaux closes, je pense également que la spécificité des lacs de montagne doit être prise en compte.

Enfin, je ne reviens pas sur la nécessaire poursuite de l’effort de solidarité en faveur des zones rurales et de montagne, assuré maintenant par les agences de l’eau.

Monsieur Dumont,…

M. Michel Piron. Il a été brillant !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. …ancienne ministre déléguée à la lutte contre l’exclusion, je suis particulièrement sensible à votre propos sur les coupures d’eau et, même si ce n’est pas le sujet, d’électricité. Je pense ainsi répondre aux préoccupations d’un certain nombre de députés.

M. André Chassaigne. De Mme Jambu notamment !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Je vous rappelle que dès 2004 le Gouvernement, sur ma proposition, a modernisé le dispositif de solidarité en matière de facture d’eau impayée en s’appuyant sur le FSL, le fonds de solidarité pour le logement. Par ailleurs, le projet « engagement national pour le logement », bientôt examiné par l’Assemblée en deuxième lecture, interdit les coupures d’eau en hiver pour les plus démunis.

Comme vous voyez, monsieur le député, c’est un sujet qui nous a tous profondément perturbés, si bien que nous nous devions d’en tirer les conséquences dans les plus brefs délais.

Madame Rimane, vous qui êtes présidente du comité de bassin de Guyane, vous savez que la pollution par le mercure, liée à l’activité d’orpaillage – vous l’avez dit – est particulièrement préoccupante. Vous savez néanmoins que le plan « Anaconda » permettra d’endiguer dans les meilleures conditions ce véritable fléau pour la Guyane.

Vous connaissez, j’en suis certaine, mon engagement personnel sur ce sujet, qui est aussi celui du Gouvernement. En effet, à la suite de l’adoption du projet de loi relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins, et pour répondre à la demande des élus guyanais j’ai, en liaison avec le ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, lancé un groupe de travail sur ce sujet.

Pour répondre à votre question sur l’alimentation en eau potable des centres urbains de Cayenne et Kourou, je puis vous préciser que les résultats d’une inspection de l’environnement sont disponibles. Les recommandations qui en sont issues permettent de progresser vers une solution satisfaisante dans le cadre des ressources financières actuelles.

Monsieur Taugourdeau, comme vous, je suis défavorable au « tout-répressif », mais il faut aussi savoir manier le bâton avec la carotte.

L’idée de créer un double réseau dans les installations intérieures est a priori séduisante. Il ne faut toutefois pas sous-estimer les risques sanitaires et sans doute convient-il de privilégier, dans un premier temps, la réutilisation des eaux de pluie pour l’arrosage des jardins, avant de penser à les recycler dans le réseau sanitaire.

À l’instar de Mme Kosciusko-Morizet, je suis convaincue que notre première responsabilité est de faire voter ce projet qui s’inscrit dans le prolongement de la Charte de l’environnement, à l’élaboration de laquelle, il est vrai, elle a largement contribué. Il s’agit notamment d’appliquer le principe pollueur-payeur à travers les redevances des agences de l’eau. Il s’agit aussi de lutter contre des pollutions diffuses comme celles que nous connaissons en matière de phytosanitaire.

Monsieur Beaudouin, sur la question des eaux pluviales, j’ai déjà exprimé mon sentiment sur la suppression de l’article 23. Vous proposez la création d’un crédit d’impôt. J’appelle votre attention, monsieur le député, sur les effets pervers que peut avoir la multiplication des niches fiscales, quelle que soit la noblesse de leur objet. Comme vous, je pense que l’article 23 ter apporte les éléments confortant l’organisation de l’assainissement de l’agglomération parisienne par plusieurs dispositions exemplaires.

Monsieur Flory, permettez-moi de saluer tout d’abord la contribution que vous avez apportée à la préparation de ce projet au travers d’un rapport remarqué.

S’agissant de la solidarité avec les communes rurales, nous devons tenir un discours clair. La dotation de solidarité prévue dans la loi – de 150 millions d’euros par an – représente en fait la reprise du FNDAE. Je rappelle que la reprise s’est réalisée au taux le plus haut.

M. Claude Gaillard. Il faut le rappeler, vous avez raison !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Il était de 75 millions…

M. Michel Piron. Ce qui n’est pas rien !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. …et, ensuite, il n’y avait plus rien.

Cette reprise doit s’entendre comme venant en sus des interventions traditionnelles des agences pour le milieu rural.

M. François Sauvadet. Ah ! Très bien !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Je rappelle qu’avec la reprise des attributions du FNDAE, cette intervention des agences en milieu rural a augmenté de plus de 200 millions d’euros entre 2003 et 2004.

Monsieur Georges Colombier, je vous remercie pour votre appréciation élogieuse du travail accompli par le groupe qu’anime Mme Vestur, conseillère d’État. Le ministère de l’écologie est à l’origine de cette réflexion destinée à trouver, sur un sujet extrêmement complexe, une solution qui satisfasse toutes les parties. Je remercie votre rapporteur d’avoir proposé un amendement pour compléter notre dispositif législatif : j’approuve cette réponse, qui me paraît équilibrée.

Monsieur Gest, je prends acte de votre amendement reprenant les propositions de Mme Vestur. Je partage votre souhait de voir soutenu le développement de techniques alternatives nouvelles pour valoriser les boues d’épuration. Dans ce domaine, les agences de l’eau peuvent jouer un rôle important.

M. Christian Decocq. Tant mieux !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Madame Jambu, vous avez souligné l’importance des pollutions diffuses et la nécessité de bonnes pratiques en matière d’agriculture. Cela constitue l’une des orientations fortes de ce projet de loi, à la fois dans les priorités données aux agences de l’eau et dans les outils créés. Mieux protéger la ressource, c’est évidemment la manière la plus sûre de réduire le coût des traitements de potabilisation, qui se répercute sur celui de l’eau. Quant à vos autres interrogations, elles auront, je le pense, trouvé une réponse dans les explications que j’ai pu fournir aux orateurs précédents. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Je crois pouvoir dire, madame la ministre, que tous les orateurs auront été sensibles au fait que vous leur répondiez aussi longuement. C’est assez rare pour être signalé.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt-deux heures, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 2276 deuxième rectification, adopté par le Sénat, sur l’eau et les milieux aquatiques :

Rapport, n° 3070, de M. André Flajolet, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3068, de M. Philippe Rouault, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)