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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 30 mai 2006

230e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

engagement national pour le logement

Suite de la discussion,
en deuxième lecture, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant engagement national pour le logement (nos 3072, 3089).

Discussion générale (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Dans la suite de cette discussion, la parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, mes chers collègues, je ne parlerai pas de l’article 55 de la loi SRU, car j’estime que ce genre de débat occulte les véritables questions que doit affronter toute bonne politique du logement. Je me limiterai à quelques sujets essentiels, notamment celui de la relance du logement en Île-de-France, qui me préoccupe beaucoup.

Une politique du logement est une chaîne dont chaque maillon est indispensable, le logement non aidé autant que le logement social, l’accession sociale à la propriété autant que le logement locatif, le logement individuel autant que le logement collectif. Les Français doivent bénéficier d’un parcours résidentiel aussi fluide que possible, adapté à leurs aspirations comme à leurs moyens. En tant que maire, je ne connais pas une seule famille qui ait envie de passer toute sa vie dans un logement collectif HLM.

La loi d’orientation pour la ville de 1991 avait très bien appréhendé le problème : c’est elle qui a fondé la notion de mixité sociale, mais elle l’a inscrit dans une approche générale de la politique du logement. Tout le monde a oublié que cette loi, qui a fixé le fameux seuil de 20 % de logements sociaux, repris ensuite dans d’autres textes, admettait la possibilité d’inclure dans le calcul de ces 20 % les logements en accession sociale à la propriété pendant les dix années suivant la date de leur acquisition. C’est que cette loi reconnaissait l’aspiration des Français à bénéficier d’un logement à prix modéré, tant en accession qu’en location.

La loi SRU a au contraire, d’une façon profondément idéologique et extrêmement réductrice, réduit la politique du logement au seul logement social locatif. Sous la précédente législature, nous avons constaté avec amertume un véritable effondrement de l’accession sociale à la propriété, comme si les Français modestes devaient être privés de la possibilité d’accéder un jour à la propriété.

J’ai beaucoup apprécié, monsieur le ministre, la réponse que vous avez faite cet après-midi à M. Le Bouillonnec. La vraie question est en effet celle de l’accession sociale à la propriété.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Qui dit le contraire ?

M. Gilles Carrez. C’est vraiment l’honneur de notre majorité que d’avoir pris en compte toute la dimension de cet aspect de la politique du logement. Notre conviction – qui nous différencie de la gauche – est que les Français les plus modestes ont eux aussi le droit de devenir propriétaires de leur logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il faut leur en donner les moyens !

M. Gilles Carrez. Le succès de la politique du prêt à taux zéro permet de multiplier les résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Braouezec. C’est dans vos rêves !

Mme Annick Lepetit. On les voit, les résultats !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le prêt à taux zéro, à Paris…

M. Gilles Carrez. Monsieur le ministre, j’évoquerai brièvement nos préoccupations d’élus d’Île-de-France en matière de logement.

Mme Annick Lepetit. Il s’agit ici de débats nationaux !

M. Gilles Carrez. Aujourd’hui, grâce à votre politique et à ses résultats remarquables, le nombre des mises en chantier de logements a été considérablement redressé sur l’ensemble de la France, avec 400 000 nouvelles mises en chantier en 2005,…

M. Michel Piron. Plutôt 420 000 !

M. Gilles Carrez. …contre une moyenne de 280 000 par an – en tout cas inférieure à 300 000 – entre 1997 et 2002.

Il y a pourtant, malgré ces résultats spectaculaires, une zone d’ombre : l’Île-de-France, où la construction s’est malheureusement effondrée, ce qui provoque d’énormes difficultés et se traduit par une envolée du prix des logements et des loyers.

La première cause de cette paralysie du logement en Île-de-France est l’effondrement de la construction dans Paris intra muros.

Mme Martine Billard. Exactement !

M. Gilles Carrez. Cette situation est inacceptable ! Entre 2001 et 2005, 2 140 logements ont été mis en chantier annuellement, contre 5 250 en moyenne annuelle entre 1996 et 2000. La Ville de Paris mène une politique malthusienne, qui ne l’empêche pas de donner des leçons à la terre entière. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

C’est inacceptable ! Nous, les élus d’Île-de-France,…

Mme Annick Lepetit. Vous êtes un élu de la nation !

M. Gilles Carrez. …voyons bien que la Ville de Paris cherche avant tout à faire construire ailleurs, au-delà de ses limites. Nous savons bien, monsieur Le Bouillonnec, nous les maires de la proche couronne, que la densification de la petite couronne sera lente, parce qu’il faut pouvoir convaincre les habitants et que nous nous heurtons à des difficultés.

Mme Annick Lepetit. Vous êtes gonflé !

M. Patrick Braouezec. Il suffit d’un peu de conviction et de volonté !

M. Gilles Carrez. La plupart des villes, que ce soit en Seine-Saint-Denis, en Val-de-Marne ou dans les Hauts-de-Seine, contribuent à la construction de logements.

Les obstacles sont nombreux. Le premier est celui des terrains disponibles. Malgré vos efforts, monsieur le ministre, il reste en effet très difficile de mobiliser rapidement des terrains appartenant à l’État ou à des établissements publics tels que RFF ou le port autonome. Il ne faut surtout pas relâcher la pression à cet égard.

Un autre obstacle tient à la complexité des procédures, qui a été aggravée par la loi SRU.

M. Michel Piron. Ça, oui !

M. Gilles Carrez. Aujourd’hui, la mise en place d’une zone d’aménagement concerté est un véritable chemin de croix et les contentieux se sont multipliés face à cette complexité. Lors de la discussion de la loi SRU, on nous avait annoncé que la simplification générerait une plus grande sécurité juridique. C’est malheureusement, comme je le redoutais, tout le contraire qui s’est produit.

Il n’y a pas non plus de politique foncière. Nous vivons aujourd’hui sur les derniers acquis d’une politique lancée du temps de Paul Delouvrier, dans les années soixante. Les zones d’aménagement différé, les DUP et les grandes opérations d’intérêt national remontent cette époque. Aujourd’hui, le système est complètement essoufflé.

Mme Annick Lepetit. La faute à qui ?

M. Gilles Carrez. L’Île-de-France, à la différence des grandes agglomérations de province, connaît un autre problème : l’absence d’une autorité d’agglomération.

Mme Annick Lepetit. Il y a une agence régionale !

M. Gilles Carrez. Il existe une multitude d’institutions qui peuvent chacune, isolément, tout bloquer. Les communes sont responsables individuellement de l’urbanisme et des permis de construire, les départements interviennent, par exemple, au niveau des FSL ou des opérations de rénovation PALULOS,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous avons proposé des amendements !

M. Gilles Carrez. …la région intervient au niveau de la surcharge foncière et des politiques foncières, l’État pour le financement du logement social. Chacune de ces autorités peut paralyser le système et nous avons besoin d’organisation.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

M. Gilles Carrez. Mes chers collègues, le problème de la paralysie générale des acteurs publics dans notre région n’est ni de droite ni de gauche.

Mme Martine Billard. Nous sommes à l’Assemblée nationale, pas au conseil régional d’Île-de-France !

M. Gilles Carrez. Ce serait l’honneur des élus que de réfléchir ensemble aux moyens de débloquer cette situation.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est précisément l’objet de nos amendements !

M. Gilles Carrez. Un autre problème est celui de l’absence de renouvellement du stock de grandes opérations. Ainsi, les cinq villes nouvelles, qui, pendant une vingtaine d’années, ont compté pour 10 % à 15 % de la construction neuve, sont aujourd’hui pratiquement terminées et les opérations nouvelles sont épuisées.

Alors, que faire aujourd’hui ?

Monsieur le ministre, si délicat soit-il de revendiquer un traitement particulier pour une région, il faut reconnaître que l’Île-de-France a besoin d’un traitement spécifique en matière de logement – qu’il s’agisse d’encadrement, de loyers, de niveaux d’intervention, de surloyers ou de niveaux de financement et d’aide. Mais, bien que je sois un élu local très attaché au respect des libertés locales, je suis aussi convaincu que l’État devra à nouveau, comme il l’a fait par le passé, se mobiliser dans notre région.

Je suis très heureux, monsieur le ministre, que vous ayez décidé d’engager quelques opérations d’intérêt national. Je suis persuadé, comme certains de mes collègues franciliens, dont M. Manuel Valls, que nous aurons besoin de renouveler notre stock d’aménagement et de construction de logements, notamment en moyenne et en grande couronne, autour de villes déjà existantes.

La région Île-de-France travaille actuellement à la révision de son schéma. Tout le monde s’accorde à dire que le développement de la construction nouvelle doit se faire sur une base d’environ 60 000 logements par an, contre 35 000 actuellement. Dans les années 1970-1980, la moyenne était de 80 000 logements – elle était même de 100 000 au début des années soixante-dix. Le chemin sera très difficile. Si tous les élus ne considèrent pas collectivement que la question du logement est devenue la question prioritaire de notre région et n’acceptent pas la mise en place de dispositifs communs, nous n’atteindrons pas ce chiffre de 60 000 logements, quels que soient les efforts de l’État.

Voilà, monsieur le ministre, le point sur lequel je tenais, hors de toute politique partisane, à appeler votre attention. Il ne faudrait pas que les excellents résultats que vous obtenez sur le plan national dissimulent un problème régional dont nous souffrons beaucoup en Île-de-France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Annick Lepetit. Je ne savais pas que nous étions ici au conseil régional d’Île-de-France !

M. le président. Mes chers collègues, j’ai été particulièrement indulgent à l’égard de M. Carrez, qui a quasiment doublé son temps de parole.

Mme Annick Lepetit. Vous avez été très indulgent, monsieur le président !

M. le président. Pour aider les orateurs à s’en tenir au temps qui leur est imparti, je leur indiquerai par un signal discret qu’il est temps de conclure leur intervention.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. N’ayez crainte, monsieur le président, je ne doublerai pas mon temps de parole.

Monsieur le ministre, chers collègues, le projet de loi dont nous entamons ce soir la deuxième lecture semble s’être considérablement étoffé au cours de la navette parlementaire, mais il s’agit d’une illusion. S’il est vrai que le nombre de ses articles a crû de façon exponentielle, nous cherchons toujours dans ce texte inflationniste les éléments susceptibles de donner son sens à un titre pourtant alléchant : « projet de loi portant engagement national pour le logement ».

Loin de définir, en effet, les lignes de force d’un véritable engagement national en faveur du logement, ce texte continue de porter les symptômes du manque flagrant d’ambition politique qui a présidé à son élaboration et du désengagement de l’État.

Nous aurions cependant tort de considérer qu’il n’est que le cache-misère d’une absence de volonté politique. Nous n’avons pas seulement affaire à un projet de loi en forme de coquille vide ou, mieux, de baudruche publicitaire : il s’y déploie aussi un arsenal de mesures dangereuses, visant tout à la fois à faire de l’État un marchand de biens, à garantir l’impunité aux maires des communes ne respectant pas leurs obligations légales de construction de logements sociaux et à dérouler le tapis rouge devant les investisseurs immobiliers, malgré le contexte préoccupant de développement de la spéculation.

La situation présente, que le Gouvernement et sa majorité persistent à feindre d’ignorer pour mieux nous vendre un projet purement libéral, appellerait évidemment d’autres réponses.

La réalité est que la crise du logement perdure et s’aggrave, frappant un nombre toujours croissant de nos concitoyens. L’habitat précaire, l’explosion de l’insécurité locative, l’insuffisance de la construction sociale au regard des besoins, la dégradation accélérée de l’habitat ancien et des copropriétés fragilisées, l’effort toujours accru des ménages pour acquérir ou louer un logement, compte tenu de l’augmentation exubérante des prix de l’immobilier – de 8 % à 18 % par an, voire davantage – depuis plus d’une décennie : voilà quelques-uns des problèmes très concrets auxquels est aujourd’hui confrontée une majorité de Français. Au regard des attentes, des inquiétudes et, parfois, de la détresse de ces familles, les batailles de chiffres auxquelles vous vous livrez, monsieur le ministre, apparaissent bien vaines.

À quoi sert-il en effet de prétendre que le contexte devrait inciter à l’optimisme, que la construction de logements se porte bien dans notre pays, que vos programmes de construction de logement social portent témoignage de votre volontarisme, quand les faits démentent vos propos, que la demande ne fléchit pas, que la construction de logements sociaux n’atteint pas les niveaux escomptés, qu’à peine 40 % de l’habitat produit actuellement est sous le plafond de ressources HLM et que très peu de logements sont réservés aux personnes ayant de faibles revenus ?

La vérité est que non seulement la politique de ce gouvernement ne se situe pas à la hauteur des enjeux, mais elle contribue encore à aggraver la situation et participe du développement du « mal-logement », à la seule fin de satisfaire les égoïsmes locaux et d’aiguiser les appétits des investisseurs.

Revenons sur les chiffres derrière lesquels vous vous retranchez pour faire valoir l’efficacité prétendue de vos mesures : l’analyse de la situation est beaucoup moins flatteuse que vous ne le prétendez.

Plus de 400 000 logements auraient été construits dans notre pays en 2005.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. 422 000 !

M. Patrick Braouezec. Soit ! Mais qu’en est-il de leur structuration ? Parmi ces logements, dont une part importante est inoccupée, près de 70 000 sont financés par le dispositif de Robien, avec des loyers souvent proches de 1 500 euros mensuels pour des logements familiaux et de 1 000 euros pour des studios ou des logements pour jeunes couples. L’argent public – il s’agit de sommes considérables ! – est donc aujourd’hui utilisé, sans l’ombre d’un malaise, pour construire des logements vides.

Pour ce qui est du logement proprement social, le Gouvernement assimile habilement les logements financés aux logements réalisés, alors qu’il existe entre ces deux réalités un grand décalage.

Il est plus essentiel encore de noter que les objectifs programmés dans le cadre de la loi dite de cohésion sociale ne sont tout simplement pas atteints : il s’en faut de 10 000 logements « financés »…

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. C’est faux !

M. Patrick Braouezec. …et l’augmentation la plus significative en la matière concerne les programmes PLS, c’est-à-dire ceux où l’aide de l’État est la moins importante et où les loyers sont, de fait, les plus élevés.

Ainsi, de 2002 à 2004, pour s’en tenir au logement social, le nombre de logements PLA-intégration est passé de 5 034 logements financés à 7 674, tandis que celui des logements PLUS est passé de 39 000 à 45 000.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà des chiffres !

M. Patrick Braouezec. Les PLAI et PLUS, logements véritablement sociaux destinés aux demandeurs les plus modestes, qui représentaient plus de 80 % des logements financés en 2002, n’en représentent plus que 70 % en 2005. Encore ces chiffres ne prennent-ils pas en compte les opérations menées au titre de la rénovation urbaine, qui se traduisent concrètement par une déperdition de logements sociaux, puisque les reconstructions ne correspondent qu’à 90 % des démolitions.

Dois-je rappeler ici que, pour un logement de 70 mètres carrés habitables en petite couronne parisienne, le loyer mensuel est de 360 euros en PLAI, de 403 euros en PLUS et de 605 euros en PLS ? Au-delà des arguties techniques et de l’incapacité où l’on serait de construire, la question qui nous est posée est toujours la même : quand donc la loi SRU, promulguée il y a plus de cinq ans, sera-t-elle enfin appliquée sur l’ensemble du territoire de la République ?

Les mal-logés, les jeunes, les demandeurs de logements, les locataires « découpés » dont votre Gouvernement se soucie bien peu, les habitants d’immeubles insalubres, les précaires, les étudiants et jeunes salariés contraints de rester chez leurs parents, tous en ont assez d’attendre. Vos chiffres ne parviendront pas à les convaincre que leur situation s’améliore, car ils vivent les conséquences très directes de votre inaction.

Nos concitoyens, et plus particulièrement les plus fragilisés, attendent un signe d’action fort en faveur de la relance de la construction sociale, d’une tout autre portée que ce que nous constatons pour le moment.

Le texte qui nous est proposé n’apporte à cet égard aucun début de réponse et nous doutons qu’il puisse en apporter une, car votre objectif est bien évidemment de noyer sous l’incitation au développement de la politique d’urbanisme des collectivités locales l’exigence sociale de la construction destinée aux demandeurs de logement.

Loin de modifier l’ordre des priorités et de vous intéresser d’abord à la demande existante et aux moyens d’y répondre, vous avez pris une fois de plus le parti de soigner l’offre, et notamment l’offre locative privée – travers visiblement incorrigible, et qui ne s’exprime malheureusement pas qu’en matière de politique du logement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà le problème !

M. Patrick Braouezec. Le risque est pourtant grand de voir disparaître, dans un contexte tendu, les disponibilités foncières dont nous avons besoin, sur l’ensemble du pays, pour construire des logements sociaux, créer de nouveaux quartiers, donner son sens et sa réalité au droit au logement et au droit à des conditions de vie décentes pour le plus grand nombre. Le risque est grand, également, de voir mises en œuvre des politiques d’habitat ségrégatives, ne respectant pas la réalité de la demande sociale, au seul motif qu’elles correspondraient à des plans locaux d’urbanisme conçus dans le secret de quelques services municipaux ou intercommunaux, avec le concours de promoteurs avisés.

L’engagement national pour le logement, ce n’est pas la décentralisation du laisser-faire, un État qui se lave les mains des conséquences de son désengagement, avec son corollaire de discrimination sociale et territoriale : c’est une politique visant à offrir la diversité nécessaire à l’habitat, à répondre à l’exigence ultime et irréductible de l’exercice du droit au logement pour tous et partout dans l’équilibre entre aménagement local et réponse aux besoins de la population.

Prendre un engagement national en faveur du logement, ce n’est pas nécessairement ouvrir, comme vous le faites, la voie à la vente du groupe financier CIFD, en passant les SACI par pertes et profits ; ce n’est pas davantage fermer les yeux sur la remise en cause des missions d’intérêt général des caisses d’épargne telle qu’elle se prépare, quand on sait le rôle que jouent ces établissements mutualistes et coopératifs dans le soutien au logement social et à l’action des collectivités locales – je pense, bien sûr, au projet Natixis, sur lequel le Gouvernement ne s’est pas mobilisé malgré les risques évidents que fait peser ce type de montages commerciaux.

Il n’y a en réalité, dans ce projet de loi, pas de mesure nouvelle permettant réellement de faire de la réalisation de logements sociaux à loyers accessibles l’une des priorités de la politique de la nation et de l’action des collectivités territoriales. Vous ne prenez, au fond, aucun engagement ! Vous vous bornez à accompagner des logiques et des dispositifs qui ont fait la preuve de leur nocivité ou, dans une moindre mesure, de leurs insuffisances. Le Sénat y a, certes, apporté quelques améliorations, mais le titre de votre projet de loi reste très largement usurpé. Ce texte ne fait que gérer la pénurie, et prépare d’ailleurs pour l’avenir de nouvelles difficultés. Il doit donc être très largement modifié.

Nous développerons dans le cadre de la dernière lecture de ce projet de loi un certain nombre de propositions par voie d’amendements, que nous avons déjà formulées – sans être entendus –, qui permettraient pourtant de faire davantage droit aux attentes de nos concitoyens, à leurs demandes pressantes de voir garantir pour tous le droit au logement. Nos propositions s’appuient sur le vécu même des demandeurs de logement, des associations de locataires et du cadre de vie, des acteurs du droit au logement qui nous ont fait part de leurs observations, de leurs analyses et de leurs propositions, ainsi que sur notre conviction de la nécessité de mettre en œuvre, comme le soulignait ma collègue Janine Jambu, auteure d’une proposition de loi allant en ce sens, un véritable service public du logement.

Parmi les propositions constitutives de ce service public national du logement et permettant l’exercice effectif du droit au logement, relevons entre autres la nécessité d’alléger les contraintes de financement des logements sociaux, la mise en œuvre effective des obligations de construction de logements sociaux par toutes les communes, le renforcement de la qualité et de l’efficacité des aides personnelles au logement, ou encore la mise à disposition gratuite des terrains cédés par l’État pour la réalisation de programmes locatifs sociaux.

Soulignons également qu’il est aujourd’hui temps, et même plus que temps, que les dispositions de la loi de solidarité et de renouvellement urbains trouvent enfin application : 742 communes de notre pays ne respectent pas la règle des 20 % de logements sociaux, et même si certaines se sont engagées dans ce programme, beaucoup reste à faire. N’est-il pas choquant que des responsables de la majorité tirent presque gloire de ne pas appliquer cette loi ? Nous estimons même qu’il est temps aujourd’hui de pénaliser plus sévèrement les communes demeurant opposées à l’application de la loi, en augmentant le montant du prélèvement sur leurs recettes et en envisageant l’inéligibilité des élus concernés.

Nous ferons donc, dans le débat, plusieurs propositions pour rendre à ce principe son effectivité. Tout doit tendre à ce que l’objectif de construction de logements sociaux soit atteint dans des délais raisonnables et avec le souci de faire du logement un droit concret.

La première urgence, du côté de l’État, est de garantir la programmation afin de créer un parc réellement social. Car, au-delà des discours sur l’urbanisme, le devenir de la ville ou l’aménagement du territoire, l’exigence est avant tout de faire aujourd’hui davantage droit aux attentes et aux besoins de nos concitoyens, à ceux qui éprouvent tant de difficulté à trouver un logement, à ceux qu’exploitent les marchands de sommeil, à ceux condamnés à vivre dans un habitat précaire. Pour eux, vous ne proposez que la soumission à la taxe d’habitation – idée lumineuse et d’un redoutable cynisme.

Vous comprendrez que, à moins que la discussion du présent projet ne fasse droit dans cette deuxième lecture aux inquiétudes de nos concitoyens et à leur espérance, il aille sans dire que nous ne pourrons pas le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Bono.

M. Maxime Bono. Monsieur le ministre, vous soumettez à notre appréciation un texte ambitieusement nommé « engagement national pour le logement ». L’énoncé même de ce titre a de quoi surprendre, tant à ce jour 1’action des gouvernements de M. Raffarin comme de M. Villepin, et les moyens consacrés au logement, sont apparus éloignés des préoccupations de nos concitoyens.

Depuis deux ans, vous renvoyez pratiquement toute réforme d’un peu d’importance à ce texte, qui intervient à présent dans un contexte de crise particulièrement aiguë. Une crise qui touche bien sûr, comme toujours, les plus modestes : 3 millions de Français sont aujourd’hui très mal logés, en situation d’insalubrité, d’inconfort, de surpeuplement.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Mais vous vous moquez du monde ! Est-ce que vous avez vu ce que vous avez fait pendant cinq ans ? Honte à vous ! Citez les chiffres !

M. Maxime Bono. On va parler des chiffres, et vous aurez l’occasion de me répondre, monsieur le ministre.

Les classes moyennes, quant à elles, subissent l’envolée des loyers et l’inflation des prix à l’achat.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. De votre fait !

M. Maxime Bono. Je suis heureux de constater que vous m’écoutez.

Il manquerait aujourd’hui, dit-on, 900 000 logements !

Mais surtout, l’offre actuelle est particulièrement inadaptée : sur les 400 000 constructions nouvelles réalisées en 2005, 25 % seulement, monsieur le ministre, sont accessibles aux deux tiers des ménages ! Et cela n’est pas le fait du hasard : c’est le résultat de vos choix budgétaires contestables. J’aimerais bien que vous preniez le temps d’écouter le rappel des chiffres que vous nous avez cités : à coup de chiffres aussi flatteurs que peu significatifs, vous avez depuis quatre ans tenté de persuader une opinion publique, qui, au demeurant, n’est pas dupe de vos propos, des succès que vous auriez remportés en matière d’accès au logement. Vous annoncez 80 000 logements sociaux réalisés,…

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Oui !

M. Maxime Bono. …mais vous omettez de préciser que vos chiffres incluent les PLS, pour la construction desquels l’État ne verse strictement aucun centime d’euro, et qui ont connu une hausse considérable de production.

En vérité, vos choix budgétaires ont sacrifié le financement de la production de logements sociaux adaptés à la demande, à savoir les PLAI et les PLUS !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Et combien aviez-vous fait de PLAI sous le gouvernement Jospin ? On ne les comptait que par centaines !

M. Maxime Bono. Voilà la réponse : la production dans ces deux catégories, les plus nécessaires à ce jour, est restée stable, proche de 50 000 logements, soit à peu près la moyenne de l’année 2001,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Excellent !

M. Maxime Bono. …alors que le nombre de demandeurs de logements n’a depuis lors cessé de croître !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Des PLAI, en 2000, Jospin en a fait 5 009 !

M. Maxime Bono. Vos choix budgétaires ont également induit une perte de pouvoir d’achat de plus de 8 % pour les aides à la personne en matière d’accès au logement !

M. le président. Monsieur Bono, il me semble que le ministre souhaite vous interrompre.

M. Maxime Bono. Monsieur le ministre, vous aurez l’occasion de me répondre. Gardez votre calme ! Je comprends que ces chiffres vous irritent,…

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ça oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce sont les vôtres, monsieur le ministre !

M. Maxime Bono. …et je comprends que démonter une mécanique dont vous croyez impossible qu’elle se grippe puisse vous faire réagir. Mais c’est ainsi : les faits sont têtus, et les chiffres aussi. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce sont vos chiffres que je cite !

Enfin, vos choix de politique fiscale n’ont fait qu’aggraver la crise. Comment ne pas évoquer le dispositif de Robien qui, en accordant des avantages fiscaux sans contrepartie, a scandaleusement encouragé la production de logements à visée plus spéculative que sociale. Il a ainsi tout à la fois tiré les loyers vers le haut et favorisé l’envolée du foncier ! Et, rappelons-le, le coût du dispositif de Robien est équivalent au montant des subventions accordées aux bailleurs sociaux, au montant des aides à la pierre !

Vous annoncez enfin 500 000 logements engagés. Mais, et vous le savez bien, il ne s’agit que du nombre de permis de construire déposés, tous genres et tous types confondus, y compris les cabanes de jardins ou encore les extensions de logements déjà existants !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Maxime Bono. Monsieur le ministre, plutôt que de s’engager dans une bataille de chiffres, il serait simple de faire cesser ces controverses. Il est un indicateur incontestable que notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec vous propose régulièrement de mettre en place : il suffirait de baser les statistiques sur le nombre de demandes de logement en cours. Ce serait simple, et compréhensible par chacun. Cela permettrait de mesurer facilement l’effort réalisé, de vérifier au fil des ans si les moyens mobilisés sont réellement à la mesure du défi de la production de logement auquel nous sommes confrontés.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. La pire année a été 2000 !

M. Maxime Bono. Monsieur le ministre, une fois de plus, nous vous le demandons : communiquez-nous le nombre de demandeurs de logements dans notre pays, mettez en place un indicateur de suivi de la demande de logement à loyer modéré, donnez-nous les moyens de mesurer à la fois l’effort de solidarité et l’efficacité des mesures mises en œuvre ! Ce n’est pas la mer à boire !

J’en reviens au texte qui nous est soumis.

Mon impression, à vrai dire, est marquée du sceau de la perplexité.

L’actuelle majorité avait, à l’époque du vote de la loi SRU, émis les plus grandes réserves sur les dispositions de son article 55 et même, souvenez-vous, promis à l’époque son abrogation. Pourtant, en garantissant la construction de nouveaux logements destinés à la location à loyer modéré dans toutes les communes de plus de 3 500 habitants à hauteur de 20 %, la loi ne faisait que répondre à une exigence de justice, de solidarité, je dirais même à une forme de morale publique ! Mais que n’avions-nous alors entendu au sujet de la mixité sociale ? Envisager la construction de logements sociaux dans toutes les communes de plus de 3 500 habitants vous apparaissait comme une provocation ! Sanctionner les maires qui s’y refusaient était pour certains d’entre vous un crime de lèse-majesté ! J’ai même entendu certains prétendre que nous allions contraindre les maires à bâtir tours et barres HLM et défigurer ainsi nos villages jusqu’ici construits sur fond de clochers d’église !

Aujourd’hui, bien fort qui peut s’y retrouver dans votre ligne politique, tant les faits vous ont prouvé que c’était là un bien mauvais procès. Vous avez alors, monsieur le ministre, trop promis, tout promis, à chacun. Aux plus acharnés de votre majorité, il avait été promis d’abroger l’article 55 de la loi SRU, mais les besoins criants de logements locatifs à loyer modéré, le mécontentement de nombre de nos concitoyens en attente de logements, la crise des banlieues et, disons-le aussi, vos échecs électoraux répétés, vous ont rendu la tâche difficile…

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ça vous va bien de dire ça, après Le Pen devant Jospin !

M. Maxime Bono. …et vous ont contraint à tenir désormais un discours célébrant les vertus de la mixité sociale !

Mme Annick Lepetit et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et voilà !

M. Maxime Bono. Mais vous n’avez pas renoncé pour autant à revenir sur cette garantie de solidarité, pourtant fondamentale, que représentent l’article 55 et la création de nouveaux logements destinés à la location à loyer modéré. Vous n’avez de cesse de tenter d’ouvrir des brèches dans ce dispositif qui, pourtant, permet d’amener les maires, y compris ceux qui ne le souhaitent pas,…

Mme Annick Lepetit. Et il y en a !

M. Maxime Bono. …à participer à ce que vous qualifiez vous-même d’ « engagement national » : la construction de logements accessibles à chacun. Car nous sommes bien là au cœur du débat sur le logement et au cœur du problème que vivent aujourd’hui les Français. Il est bon d’encourager l’accession à la propriété !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Maxime Bono. Il est bon d’encourager l’accession sociale à la propriété !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Maxime Bono. Nul ici ne s’y opposera !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. L’accession sociale s’est effondrée sous Jospin : elle a été divisée par trois !

M. Maxime Bono. Il est en revanche de bien mauvaise politique que d’envisager de le faire, comme le prévoit l’amendement de M. Ollier, au détriment du logement locatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour nous, le seuil de 20 %, institué par l’article 55, est un seuil minimum ! II est le seul qui permette, par l’effort de solidarité qu’il induit, de proposer un logement locatif à loyer modéré à ceux qui sont à la recherche d’un toit. C’est là que doit se situer aujourd’hui la priorité de nos engagements, car c’est là que se situe aujourd’hui l’urgence des besoins. Et toute édulcoration de ce dispositif ne peut être qu’une bien mauvaise concession à l’égoïsme, à l’indifférence ou à la mauvaise volonté de certains.

On nous dit aussi, presque en confidence, que ce texte est un compromis, qu’il serait équilibré et que trop s’arc- bouter sur cet article 55 serait à coup sûr la meilleure façon d’en attiser la contestation.

M. Michel Piron. Oh oui !

M. Maxime Bono. Mais de quel équilibre parle-t-on ? Équilibre entre quoi et quoi ? Entre les besoins de logements de nos concitoyens et les promesses faites aux plus réactionnaires de votre majorité ? Équilibre entre qui et qui ? Entre ceux qui ne veulent pas participer à l’effort de solidarité et les autres ? Entre ceux qui ont besoin de se loger et ceux qui entendent rester entre soi ? Entre ceux, souvent les plus jeunes, qui ne peuvent quitter le domicile familial faute de trouver un logement à portée de leur bourse et les maires qui préfèrent payer une amende plutôt que d’ouvrir leur commune à des populations moins fortunées ? Entre, disons-le, ceux qui ne peuvent accéder au logement locatif privé pas plus qu’ils ne peuvent bénéficier de l’accession à la propriété, fût-elle sociale, sur un territoire donné, et ceux qui ne veulent pas de pauvres chez eux ? Il serait bon que ceux qui nous parlent d’équilibre répondent à ces questions-là !

M. Pierre Cohen. Très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Excellent !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il a dû faire l’ENA, ce garçon, pour parler comme ça !

M. Maxime Bono. D’ailleurs peut-on parler d’équilibre lorsque les besoins insatisfaits sont à ce point criants ? Et peut-on parler de compromis lorsque l’on prétend parler d’engagement, national de surcroît ?

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, et bien que la procédure désormais applicable restreigne considérablement notre pouvoir d'amendement en deuxième lecture, nous vous ferons des propositions de nature à renforcer, en matière de logement, les conditions de la solidarité entre les territoires. Il vous sera loisible, en les acceptant, de démontrer votre volonté d'engagement et de lever les ambiguïtés qui pèsent sur la politique du logement menée par le Gouvernement.

Le débat qui s'ouvrira bientôt révélera ainsi, article après article, la mesure de vos engagements.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il n’y a pas de débat : vous avez déjà décidé de voter contre le projet !

M. Maxime Bono. Chacun pourra juger des réponses que vous aurez ou non apportées aux lourdes difficultés de logement que connaissent trop de nos concitoyens.

Vous disposez dans cette assemblée d'une large majorité, et même, semble-t-il, d’un large soutien. Malgré notre ferme opposition, vous n'aurez aucun mal à faire adopter un mauvais amendement qui mettra fin à l'obligation faite à tous les maires de construire et de participer à l'effort de solidarité nationale.

C'est bien paradoxal pour un texte qui prétendait traduire un engagement national en faveur du logement ! Dans la presse, d’ailleurs, on titre sur la remise en cause de la loi SRU, on parle de démolition sociale.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Mais il est obsédé ! (Sourires.)

M. Maxime Bono. Sans doute n'était-ce pas là votre unique intention en présentant ce texte. Mais, dans moins de douze mois, un autre vote vous attend, moins confortable que celui que vous allez ici solliciter de vos amis ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et nul doute que ceux qui, aujourd'hui, souffrent de la crise du logement, sauront se souvenir du mauvais coup que vous vous apprêtez à leur porter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. À la suite des violences urbaines de novembre dernier, le Président de la République a affirmé que la loi SRU devait être respectée. Le bilan d'application des trois premières années de cette loi montre en effet que 742 communes ne respectent pas leurs obligations en matière de logements sociaux. Un tiers d'entre elles ne réalisent même aucun effort de rattrapage, leurs maires ayant décidé de se mettre délibérément hors-la-loi pour satisfaire leur clientèle électorale locale.

Nous sommes à l’Assemblée nationale, et non au Conseil de Paris ni au conseil régional d’Île-de-France : je ne répondrai donc pas à M. Carrez sur le cas particulier de Paris.

M. Gilles Carrez. Je tiens les chiffres à votre disposition : ils attestent que la construction s’est effondrée à Paris !

Mme Martine Billard. Dans ma circonscription, monsieur Carrez, les maires de droite s’employaient à expliquer qu’il ne fallait surtout pas construire de logements sociaux !

Plutôt que de vous battre pour faire respecter la loi, vous préférez suivre, monsieur le ministre, la fraction de députés de l’UMP, emmenée par M. Ollier – je dis bien : la fraction, car tous n’adhèrent pas à cette position –, qui s'accrochent à la défense de ghettos de riches.

M. Gilles Carrez. Quelle caricature !

Mme Martine Billard. Mal à l'aise face aux protestations de l'ensemble des associations qui interviennent dans le champ du logement, vous allez jusqu'à caricaturer leurs positions. Non, monsieur le ministre, ces associations ne s'occupent pas que de l’hébergement d'urgence ! Elles se préoccupent du droit au logement de tous les foyers à petits revenus, et c'est pourquoi elles sont si attachées à la loi SRU.

Il est absurde d'opposer « accession sociale à la propriété » et « locatif social ». Notre pays a besoin des deux dispositifs : il faut donc maintenir l'obligation de 20 % de locatif social et introduire une obligation additionnelle concernant l’accession sociale à la propriété. Si vous aviez accepté une telle proposition en première lecture, monsieur le ministre, vous auriez prouvé votre bonne foi. Mais tel n’a pas été le cas. Vous démontrez ainsi clairement que votre objectif est en fait le contournement des 20 %. Il ne sert à rien, dans ces conditions, de vanter, la main sur le cœur, la mixité sociale.

D'ailleurs, les parlementaires de l’UMP débordent d'imagination pour diminuer les obligations des communes. Ainsi, les sénateurs ont intégré aux 20 % de logements locatifs sociaux les aires réservées aux gens du voyage, et M. Ollier s'obstine à vouloir y ajouter non seulement les logements sociaux vendus à leurs locataires, mais aussi les logements acquis au moyen d'une aide publique à l'accession à la propriété.

Je suis aussi inquiète de la suppression des règlements départementaux d'attribution des logements sociaux que les préfets, habilités à définir les critères et les conditions de réservation, établissaient jusqu’à présent après avis des conseils départementaux de l'habitat. Cette sélection s’imposait aux commissions d'attribution des HLM et aux différents réservataires de logements sociaux – maires, bailleurs, préfet et collecteurs du 1 % logement. On ouvre ainsi la porte à tous les clientélismes locaux.

Dans le renforcement de la commission de médiation des demandeurs de logement social, on oublie malheureusement – et comme par hasard – les associations de défense des personnes en situation d'exclusion par le logement, associations qui sont pourtant au plus près des publics visés.

Certes, monsieur le ministre, la construction globale de logements se porte mieux, mais celle de logements sociaux se porte très mal.

M. Michel Piron. Comment ? Et c’est vous qui dites cela !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mme Billard a raison !

Mme Martine Billard. Or c’est bien de logements très sociaux que nos compatriotes ont aujourd’hui besoin. Les PLS sont certes intéressants pour les logements intermédiaires, mais ils ne répondent pas aux demandes actuelles de nos compatriotes, compte tenu notamment du niveau de leurs revenus.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Qu’avez-vous fait, sous le gouvernement Jospin, en matière de PLAI ?

Mme Martine Billard. La priorité est surtout d’adapter la construction aux besoins des demandeurs. Ainsi, le dispositif fiscal de Robien, octroyé sans contrainte, tourne aujourd'hui au fiasco : les logements ne trouvent pas de locataires car ils ne correspondent pas aux besoins des demandeurs. En outre, ce qui est un comble, ce dispositif met en difficulté certains propriétaires qui ont cru au mirage de sa rentabilité.

Ce projet de loi est une occasion manquée pour le logement social. Vous pouvez caricaturer la situation à loisir,…

M. Gérard Hamel, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. C’est vous qui caricaturez !

Mme Martine Billard. …il est clair que tous les dispositifs doivent être associés : logement social et très social, accession à la propriété et logement libre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Et le logement d’urgence, que l’ancienne majorité a abandonné !

Mme Martine Billard. Il faut surtout répondre aux demandes de nos compatriotes, en fonction de leurs revenus. À Paris, par exemple, 70 % des demandeurs disposent de ressources inférieures aux plafonds permettant d’accéder à un logement en PLAI.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Pourquoi donc ne pas construire à Paris ?

Mme Martine Billard. Les difficultés dans la capitale ne datent pas d’aujourd’hui : Paris est, en superficie, l’une des plus petites capitales au monde et il n’y a plus de terrains disponibles. Le prédécesseur du maire actuel avait encore, lui, certaines ZAC à sa disposition. S’il y avait construit davantage de logements sociaux, nous n’en serions pas là ! (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gilles Carrez. L’actuelle majorité municipale a baissé le coefficient d’occupation des sols !

Mme Martine Billard. Le projet de loi est aussi une occasion manquée en ce qui concerne la lutte contre le changement climatique, qui est pourtant l’un des grands défis des notre époque. Chacun sait, et particulièrement ceux de nos collègues qui ont participé à la mission d’information sur l’effet de serre, que c'est dans les économies d'énergie domestiques que réside le gisement le plus important de diminution des émissions de gaz à effet de serre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. C’est vrai !

Mme Martine Billard. Économiser l'énergie, c’est aussi redonner du pouvoir d'achat, notamment aux catégories sociales les moins favorisées.

En première lecture, j'avais déposé un amendement visant à conditionner les aides au respect du label ministériel de haute performance énergétique. Cet amendement a été repoussé, au nom des surcoûts d’investissements et de la liberté des élus. Pourtant, les surcoûts d’aujourd’hui sont les économies de demain.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Cela a été voté au Sénat !

Mme Martine Billard. Non, monsieur le ministre.

M. le président. Madame Billard, veuillez conclure.

Mme Martine Billard. Je termine, monsieur le président.

La disposition votée au Sénat prévoit seulement la possibilité d’une exonération d’ailleurs non compensée par l’État. Elle ne conditionne pas les aides. Je le déplore, car il y a urgence. Lorsque l’on construit, ce n’est pas pour dix ans, mais pour cinquante ou cent ans.

Le projet de loi ne prend donc pas la mesure des obligations liées au changement climatique. Il est raté, sur le plan social comme sur le plan environnemental, et le texte proposé en deuxième lecture n’apporte aucune amélioration. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur le ministre, je vous rappelle que, si vous souhaitez demander la parole pour interrompre un orateur, vous pouvez le faire à tout moment.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je répondrai aux différents orateurs lorsqu’ils se seront tous exprimés.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nul ne peut contester que le logement est aujourd’hui, après l’emploi, la préoccupation prioritaire des Français. Préoccupation justifiée, car chacun a droit à un logement convenable.

À cet égard, il serait sans doute opportun, monsieur le ministre, que le droit au logement soit inscrit dans la Constitution, comme l’est le droit au travail.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Et le droit à l’école !

M. Alain Néri. Le droit au logement serait ainsi reconnu comme une véritable priorité pour notre pays.

Vous nous annoncez, monsieur le ministre, 120 000 logements sociaux par an. En réalité, lorsque l’on examine vos chiffres, on s’aperçoit que vous avez péniblement atteint 80 000 logements sociaux en 2005. (« En effet ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Cohen. Dont 30 000 logements non sociaux !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. C’est deux fois plus que vous !

M. Michel Piron. C’est deux fois plus qu’en 2000 ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues, laissez M. Néri poursuivre !

M. Alain Néri. En admettant néanmoins que vous atteigniez l’objectif de 120 000 logements sociaux, les crédits que vous inscrivez aujourd’hui n’auront d’effet que dans quatre ans. Tous ceux qui, dans cet hémicycle, ont quelque responsabilité locale savent très bien le temps qu’il faut pour maîtriser les terrains, signer les marchés ou monter les projets. Bref, pas de réponse avant un délai de quatre ans !

Or un grand nombre de nos concitoyens sont en situation de détresse du point de vue du logement. Il faut donc aller plus vite.

M. Gérard Hamel, rapporteur. Pourquoi donc n’avez-vous rien fait lorsque vous étiez au pouvoir ?

M. Alain Néri. C’est pourquoi, monsieur le ministre, je vous propose de prévoir une augmentation des crédits relatifs aux opérations programmées d’amélioration de l’habitat, augmentation qui nous permettrait de réhabiliter et de revitaliser les centres-bourgs et les centres-villes.

Il s’agirait aussi d’une mesure d’aménagement du territoire, puisqu’elle répondrait à des problèmes tant urbains que ruraux : le besoin de logements se fait en effet sentir à la ville comme à la campagne.

Enfin, tout en accélérant les opérations, cette augmentation de crédits permettrait d’améliorer la qualité de ces logements aujourd’hui vétustes. Nous en sommes capables.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je suis d’accord.

M. Alain Néri. Si notre proposition est retenue et le nombre d’OPAH multiplié grâce à la participation de l’État, il suffirait de deux ans pour répondre aux besoins. Vous conviendrez, monsieur le ministre, que ce serait là une grande avancée sociale pour les familles à la recherche d’un logement et pour leurs enfants, qui vivent parfois dans des conditions d’insalubrité mettant leur santé en péril.

Par ailleurs, si certains logements insalubres nécessitent une OPAH, de nombreux autres sont vacants et utilisables immédiatement. Le problème est qu’en raison de la flambée des prix du foncier et des loyers, la part des revenus consacrée au logement atteint des niveaux insupportables. Sans doute faudrait-il reconsidérer l’aide octroyée aux familles en la matière, afin que la part de leurs ressources qu’elles consacrent au logement soit par exemple ramenée, dans un premier temps, de 30 % à 25 %.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. Alain Néri. Ces logements utilisables immédiatement, pourquoi sont-ils vacants ? Tout simplement parce que certains propriétaires bailleurs ont la crainte, parfois justifiée, de ne pas percevoir leurs loyers, qui peuvent constituer un complément de ressources pour leur retraite. Ils sont prêts à remettre ces logements sur le marché, à condition qu’on leur assure le paiement des loyers. Ils ont aussi parfois la désagréable surprise de retrouver leur logement dans un état de dégradation inacceptable au terme du bail.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je vous proposerai une nouvelle fois de créer une couverture logement universelle, qui se traduirait par la création d’un fonds national de garantie des loyers. Celui-ci permettrait de maintenir dans les lieux des familles qui, pour cause de chômage brutal ou de diminution de ressources, ne peuvent plus payer leur loyer. Non seulement un tel fonds les aiderait à rester dans le logement,…

Mme Annick Lepetit. Eh oui !

M. Alain Néri. …mais il offrirait aussi une garantie aux bailleurs, de sorte qu’il y aurait une double sécurité. Qui pourrait contester ce grand pas en direction du logement social ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ce fonds national de garantie des loyers garantirait aux propriétaires qui y adhéreraient volontairement – il ne s’agit pas d’imposer, mais de proposer – de toucher leur loyer à condition qu’ils s’engagent sur un bail de neuf ans, par exemple, et que le loyer soit conventionné, c’est-à-dire aligné sur ceux des HLM. (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Une telle démarche nous permettrait de progresser grandement dans notre volonté d’offrir un logement de qualité à tous nos concitoyens.

J’espère que cette proposition retiendra votre attention, monsieur le ministre.

M. Bernard Mazouaud. Nous, nous ne l’espérons pas !

M. Alain Néri. Vous pourriez peut-être même mobiliser à vos côtés des départements qui, avec une aide significative de l’État, seraient prêts à s’engager dans cette voie. Je suis tout à fait prêt à discuter avec vous des possibilités d’expérimentation dans ce domaine.

M. Gérard Hamel, rapporteur. Pourquoi pas ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je suis d’accord.

M. Alain Néri. J’espère qu’ensemble nous pourrons faire un bout de chemin dans cette démarche, que je veux constructive avant tout. C’est bien le moins s’agissant de logement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine Billard. Quelle chute !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président, je souhaite une brève suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quatre mois après la première lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement, je tiens une nouvelle fois à affirmer devant vous ce qui doit sous-tendre ce texte : permettre à chacun d'accéder à un toit, un abri. C’est fondamental. Vous connaissez mon attachement à la personne humaine ; c'est à cet égard que le droit au logement me paraît essentiel. Il est de notre responsabilité de politiques d’établir les conditions de l'épanouissement de toute personne, et le logement en fait partie. Nous devons le prendre en considération, notamment dans la perspective des prochaines échéances électorales.

Le texte tel qu’il nous revient du Sénat semble confirmer que ce souci est partagé. Nous ne pouvons qu’encourager toute mesure facilitant l'accès de chaque personne au droit qui lui est dû. À cet égard, je me réjouis de la création de sociétés civiles immobilières d’accession progressive à la propriété figurant à l'article 5 sexies. J'avais en effet déposé une proposition de loi à ce sujet en 2004,…

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Exact !

Mme Christine Boutin. …convaincue du caractère innovant de cette mesure, qui permet au locataire d'un logement social d'en devenir propriétaire en achetant progressivement des parts de son habitation.

L'accession sociale à la propriété par l'achat de parts d'une société civile immobilière d'accession progressive à la propriété apparaît ainsi comme un nouvel outil d’insertion. Dans la perspective de redessiner le système du logement en France, ce nouveau moyen encourage l'accession dans les quartiers que l'on souhaite requalifier, en permettant à des ménages modestes d'acquérir un logement dans des zones géographiques dont ils sont exclus par le niveau des prix.

M. Jean-Louis Bernard. Très bien !

Mme Christine Boutin. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier personnellement d’avoir repris dans le projet de loi cette proposition, qui me semble vraiment aller dans le sens de l’insertion, en particulier pour nos concitoyens les plus modestes, et être de nature à leur donner une espérance.

Ne perdons jamais de vue le principe d'efficacité qui doit nous guider. Il est plus que temps d'instaurer dans ce domaine une obligation de résultat, et non plus seulement de moyens. La panne de notre droit au logement perdurera tant que l'on n'aura pas installé un bouclier efficace contre les processus d'exclusion que sont la pauvreté, la vulnérabilité, les marchés et la ségrégation spatiale. Je suis convaincue que le succès des efforts en faveur de l'insertion des personnes se fonde sur des outils efficaces et complémentaires. C'est pourquoi – et vous n’en serez pas surpris, monsieur le ministre – je vous demande de mettre en œuvre un droit au logement opposable. En effet, rendre opposable le droit au logement, c'est lui donner la même force que le droit à l'éducation ou à l'accès aux soins, pour lesquels un recours juridictionnel est possible. Ce qui a largement fait débat à la fin du XIXe siècle pour l’éducation, nul ne songerait aujourd'hui à en remettre en cause le bien-fondé. Faisons de même pour le droit au logement ! Ce n’est pas la première fois que je le propose à la tribune de l’Assemblée. Mobilisons-nous pour que, d'ici à 2010, avoir un logement approprié à ses besoins ne soit plus un luxe, mais bien un droit effectif.

J’entends depuis des heures des contestations sur les chiffres. Il y a certainement des propositions plus constructives et positives que ces débats, auxquels chacun donne une signification particulière ! Depuis que vous êtes en charge de ce ministère, monsieur le ministre, il est certain qu’un effort colossal a été réalisé dans notre pays en faveur du logement. Si nous avions un droit au logement opposable, toutes ces discussions stériles sur les chiffres n’auraient plus lieu et nos concitoyens auraient enfin un logement !

Cela suppose l'élaboration d'une stratégie, tant nationale que locale, en quatre étapes, car il faut que ce droit se mette en place de façon progressive. D’abord, l'État serait garant du droit fondamental au logement. Ensuite, dans le cadre de la décentralisation, l'État serait le garant – et non le gérant – de ce droit, qui doit ressortir aux différents bassins de logement. Puis, les actions seraient définies par contrat d'objectifs avec les collectivités territoriales, avec une obligation de résultat au terme d'une échéance fixée. Enfin, au terme de ce processus, il serait possible à toute personne de se retourner contre l'État en cas de non-respect de son droit au logement.

Le droit au logement ne peut être assuré par les seules mesures spécifiques aux populations défavorisées, car il est affecté par l’ensemble des décisions prises dans chacune de nos politiques qui touchent directement ou indirectement l'habitat : urbanisme, action foncière, aménagement, logement social, amélioration de l'habitat, entre autres. Seule l’opposabilité du droit au logement pourra faire respecter cette obligation de résultat. Elle est indispensable. Depuis des dizaines d’années, dans cet hémicycle, la droite et la gauche se battent sur le logement, mais nous n’arrivons pas à ce que nous voulons !

Le droit au logement opposable n'est pas une utopie, il est déjà mis en œuvre dans d’autres pays. C’est l'affirmation que le droit au logement comme principe fondamental de notre Constitution relève de la responsabilité de l’État. Il ne constitue pas non plus une ingérence de l'État dans la sphère privée, mais il est au contraire la première marche vers l’accession à la propriété, au cœur de nos principes républicains. Il n'est pas davantage une potion magique contre l'exclusion ou les inégalités, mais il permet la mobilisation générale de tous les acteurs, afin que les politiques du logement puissent tenir toutes leurs promesses.

L’attention à la personne doit être la préoccupation de tous, et notamment de ceux qui sont déjà engagés dans le combat contre la pauvreté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons la deuxième lecture de ce projet de loi portant engagement national pour le logement. Le titre est séduisant, mais, lorsqu’on examine ce texte dans le détail, on s’aperçoit que l’engagement de l’État n’est pas à la hauteur. En effet, le marché de l’immobilier fait l’objet d’une surenchère produisant de la ségrégation et de l’exclusion dans des proportions encore jamais atteintes. Face à cela, l’engagement financier de l’État en faveur du logement n’a jamais été aussi faible. Je ne citerai que deux chiffres : en 2004, les retours et prélèvements fiscaux provenant du logement se sont élevés à 1,4 % du PIB, soit environ 224 milliards d’euros, alors que, dans la même année, l’effort budgétaire de l’État en faveur du logement n’a représenté que 1,2 % du PIB, environ 192 milliards d’euros. Il reste donc pour le budget de l’État un profit net de l’ordre de 32 milliards d’euros. Comme vous pouvez le constater, on cherche un véritable engagement, mais l’on ne trouve que des effets d’annonce !

Le logement connaît une crise profonde, équivalente à celle de l’après-guerre. Cette situation nous interpelle d’autant plus que nous ne sortons pas d’une destruction massive du patrimoine immobilier.

M. Gérard Hamel, rapporteur. En l’occurrence, nous en héritons !

M. Pierre Cohen. Que se passe-t-il ?

Nous ne sommes pas dans une phase d’explosion démographique, mais plutôt dans une situation de décalage entre les politiques publiques et les comportements des ménages au regard de leurs besoins. La recomposition des familles, la mobilité des trajectoires, le vieillissement de la population, le prolongement des études participent aux mutations structurelles de ce secteur. L’offre n’est plus adaptée à la complexité du cycle de vie.

La question qui est donc posée ici est celle de la pénurie de logements en fonction de l’évolution des besoins, ce que l’on appelle le parcours résidentiel. On continue à produire du logement comme si les ménages avaient un comportement linéaire tout au long de leur vie.

Le logement constitue avec l’emploi un déterminant du statut social. Il est un facteur discriminant qui pèse sur les inégalités et, en cela, participe à la crise sociale.

Il est en effet considéré, pour un certain nombre de personnes, comme un investissement rentable, surtout en période de crise : nous assistons à un développement sans précédent de la spéculation foncière et patrimoniale.

Or, pour un grand nombre, il est devenu une charge, qui pèse de plus en plus sur les budgets des ménages, notamment pour les plus bas salaires, ce qui contribue à diminuer le pouvoir d’achat.

Le logement participe aussi de la stigmatisation. Les événements du mois de novembre dernier ont clairement montré qu’un quartier et même une rue peuvent être discriminants.

Enfin, le logement ainsi que l’absence de logement peuvent conduire à la marginalisation. À partir du moment où il est inadapté, il produit échec scolaire, violences familiales, mal de vivre. Il doit donc être considéré comme un élément structurant de la dignité de l’homme.

Ce constat étant fait, je souhaite intervenir encore sur trois points, dont votre réponse, monsieur le ministre, à la question de M. Le Bouillonnec lors de la séance des questions au Gouvernement de cet après-midi.

Depuis plusieurs mois, monsieur le ministre, vous stigmatisez les résultats du gouvernement de Lionel Jospin en matière de logement social. Or l’année 2000 que vous citez est – et vous le savez – la seule sur les cinq années où le résultat a été faible. Vous vous glorifiez sur la base de chiffres qui ne sont pas comparables. Je vous donne rendez-vous en 2007 pour que nous confrontions nos bilans respectifs sur cinq années. Nous le ferons en considérant les véritables logements sociaux, réalisés avec les dispositifs PLUS ou PLAI, car nous savons tous que les PLS, qui font l’essentiel de la différence entre les chiffres, servent à la construction de logements qui s’adressent à des catégories plus aisées, qui plus est sans participation financière de l’État. Je vous mets au défi de cesser vos discours démagogiques et éloignés de la réalité…

M. Michel Piron. Oh !

M. Pierre Cohen. …pour vous attaquer au manque et à la pénurie, vos lois successives ayant été incapables de régler la crise du logement qui ne cesse de s’amplifier.

Le deuxième point sur lequel je veux revenir est votre non-réponse à la question de M. Le Bouillonnec cet après-midi.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Oui !

M. Pierre Cohen. Vous avez très bien ce que signifie l’article 55 de la loi SRU : il s’agit du pourcentage de logement locatif social nécessaire pour chaque ville en moyenne pour répondre aux besoins des familles et des personnes les plus défavorisées, qui ont droit au logement. Inscrire dans la loi d’autres types de logements sans modifier ce seuil obligatoire de 20 % revient à ne pas offrir des logements sociaux en nombre suffisant aux personnes qui n’ont accès qu’à ce type de logements. Et n’en déplaise à M. Carrez, nous avons tous dans nos circonscriptions des personnes qui ne peuvent se loger ailleurs et pour qui l’accession à la propriété n’est que du domaine du rêve.

De deux choses l’une, monsieur le ministre : soit on ajoute des types de logements et on augmente le pourcentage, soit on décide de laisser notre pays dans la spirale des squats, des SDF et des logements indignes !

Troisième et dernier point : cessez, monsieur le ministre, de fuir vos responsabilités en opposant logement social locatif et accession à la propriété, fût-elle sociale !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. C’est vous qui le faites !

M. Pierre Cohen. Les deux sont nécessaires, mais le premier est prioritaire…

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Pourquoi l’avez-vous laissé s’effondrer ?

M. Pierre Cohen. … pour redonner la dignité à toutes les familles en situation de précarité, qui ne peuvent envisager un projet de propriété, même si elles en rêvent.

L’accession sociale à la propriété constitue certes une réponse à la pénurie de logements, mais essentiellement pour des personnes arrivant au terme d’une période passée dans un logement locatif social ou pour des jeunes couples. Mais en aucun cas elle ne doit être incluse dans les 20 % de la loi SRU.

Prenez vos responsabilités, monsieur Borloo ! Êtes-vous ou non favorable à la modification de l’article 55 de la loi SRU ? Si vous laissez les parlementaires du groupe UMP la voter, vous en porterez la responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Et il ne pourra pas être Premier ministre ! (Sourires.)

M. le président. M. Cohen s’est également exprimé au nom de M. William Dumas, empêché.

La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Le projet de loi que vous nous proposez, monsieur le ministre, doit répondre à la gravité de la crise du logement que nous vivons dans notre pays. Il ne faut pas oublier que nous devons résoudre la situation de plus de trois millions de nos concitoyens qui vivent dans des conditions de logement indignes ou sont même quelquefois sans logement.

L’un des points essentiels de ce texte pourrait nous diviser : je veux parler de l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Que les choses soient claires : avec un certain nombre de mes collègues de la majorité, je suis hostile à toute modification de cette disposition,…

M. Pierre Cohen. Très bien !

M. Étienne Pinte. … qui prévoit l’obligation pour les communes les plus importantes de détenir 20 % de logements sociaux sur leur territoire.

M. Patrick Roy. À Neuilly, par exemple !

M. Étienne Pinte. Le Président de la République, après sa rencontre avec l’abbé Pierre, avait d’ailleurs demandé instamment qu’il ne soit pas touché à cet article.

M. Alain Néri. Il n’est plus obéi !

M. Étienne Pinte. Il est vrai que Patrick Ollier avait redéposé un amendement pour inclure dans ce quota de 20 % l’accession sociale à la propriété de logements neufs. Comme Patrick Ollier, nous sommes très favorables à l’accession sociale à la propriété. Je rappelle cependant que ce dont nos concitoyens ont besoin en priorité, c’est de logement locatif social. Cela n’empêche pas la construction et l’aide à l’accession sociale à la propriété, mais ces dernières ne doivent pas, me semble-t-il, être incluses dans les 20 %. Je suis à cet égard heureux d’apprendre que notre collègue a compris notre souci de ne pas toucher à l’article 55.

Autant je suis défavorable à toute modification de l’article 55, autant j’ai à cœur, monsieur le ministre, de faire des propositions pour améliorer les lois concernant le logement social.

Première proposition : je souhaite que les réservations de logements au bénéfice des communes qui accordent des garanties d’emprunt soient progressivement portées de 20 % à 50 %.

Deuxièmement, il me semble urgent de relever les seuils de conventionnement de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat. En effet, l’écart des loyers avec le logement intermédiaire est devenu trop important. C’est particulièrement vrai pour des opérations programmées d’aménagement et d’amélioration de l’habitat visant à remettre sur le marché des locaux vacants appartenant à des propriétaires privés. Avec quatorze autres communes de France, nous avons lancé une expérimentation depuis trois ans. Or les résultats sont mitigés et même médiocres. J’espérais pouvoir remettre sur le marché une centaine de logements vacants appartenant à des propriétaires privés, mais nous avons rencontré de nombreuses difficultés pour inciter les propriétaires à nous faire confiance. L’ANAH s’est également heurtée à des difficultés administratives, d’autant qu’il n’a pas été tenu compte du fait que, en secteur sauvegardé, par exemple, la réhabilitation du logement ancien coûte de 30 à 40 % plus cher. Bref, les résultats ne sont pas très encourageants. Nous allons néanmoins persévérer en signant une nouvelle convention avec l’ANAH pour essayer d’améliorer ce score dans les trois ans qui viennent.

Troisième proposition : il est impératif d’améliorer la gestion des surloyers, qui n’est plus efficace. On peut se demander s’il ne serait pas équitable d’augmenter les taux jusqu’à un plafond à déterminer. En Île-de-France, par exemple, le prix du mètre carré est en moyenne de 18 euros et de 24 euros à Paris. Le doublement des taux, qui ferait passer le prix du mètre carré de 6 à 12 euros, ne permettrait-il pas d’avoir des taux de surloyer plus en rapport avec les loyers pratiqués en Île-de-France ?

Quatrième proposition : l’octroi d’une garantie d’emprunt devrait entraîner le maintien des logements dans le contingent de réservation communale après la fin du délai de la garantie. Au terme de quinze ou de vingt ans de garantie accordée par une commune à des sociétés anonymes d’HLM ou à des offices publics d’HLM, les bailleurs sociaux sont enclins à vouloir reprendre le contingent de logements sociaux accordés à la commune. Cette dernière engage généralement des négociations, mais elles ne sont pas faciles et l’issue n’est pas évidente. Il faudrait prévoir dans la loi le maintien des logements dans le contingent communal.

Nous devons également réfléchir à l’amélioration du seuil d’accessibilité des 20 % de logements sociaux dans une commune. Ce taux ne cible pas assez les populations en difficulté, car on ne prend pas suffisamment en compte les critères de revenu des occupants. Pourquoi ne pas réfléchir à un système mixte qui prévoirait 10 % de logements affectés aux personnes en fonction de leurs revenus et 10 % en fonction de la nature des logements construits ?

Enfin, la mise en œuvre du droit au logement opposable, tel que l’a présenté Christine Boutin, devrait être fixée par la loi avec, si possible, un échéancier. Les expérimentations locales prévues par le comité interministériel de lutte contre l’exclusion du 12 mai pourraient-elles être inscrites dans la loi ?

Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les propositions que je vous fais, en espérant que vous les reprendrez et je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je vous remercie pour ce texte, monsieur le ministre. Les élus de la montagne, siégeant sur tous les bancs de cet hémicycle, y ont beaucoup travaillé avec M. le rapporteur. Je remercie donc le Gouvernement ainsi que la commission pour les premières avancées obtenues, indispensables pour nos territoires.

Je n’en citerai qu’une qui prendra toute sa force dans les territoires où la pression foncière est devenue très importante, pour ne pas dire insupportable, que ce soit à la montagne ou sur le littoral – le combat y est le même – :…

M. Léonce Deprez. Sûrement !

M. Martial Saddier. …je veux parler de la possibilité pour un maire d’imposer à un promoteur un pourcentage de logement social qu’il devra intégrer dans l’équilibre économique de son opération.

Nous nous étions donné rendez-vous, monsieur le ministre, lorsque, en première lecture, j’avais retiré mon amendement concernant le problème spécifique des résidences secondaires. Et c’est ce sur quoi portera mon intervention.

Tout le monde s’accorde sur le constat : nos joyaux touristiques que sont les stations du littoral et les stations de montagne sont en train de nous échapper :…

M. François Brottes. C’est vrai !

M. Martial Saddier. …elles se vident de toute animation et de toute présence humaine permanente – j’entends des populations permanentes qui en ont fait l’histoire – et elles n’apportent plus le dynamisme économique escompté. Les volets des résidences secondaires, qu’il s’agisse d’habitat individuel ou collectif, sont fermés dix mois sur douze, pour le pas dire onze mois sur douze.

Les populations locales sont chassées de leur village et de leur station d’origine. Mais les habitants, notamment des stations de montagne, qui restent tant bien que mal ont, eux aussi, me semble-t-il – et je pense que vous serez tous d’accord avec moi –, …

M. François Brottes. Question très grave !

M. Martial Saddier. …droit à une offre locative sociale et à une trajectoire les conduisant éventuellement à l’accession à la propriété.

Les dispositifs actuels – nous pouvons le comprendre – ne répondent pas à ce phénomène qui s’accentue et qui semble irrémédiable, en l’état actuel des choses, d’année en année, amenant le pourcentage de résidences secondaires à plus de 90 % dans certains villages. Il y a notamment un vrai débat constitutionnel, nous le concevons, un vrai débat sur le droit du sol et sur le droit de l’urbanisme et un vrai débat sur le droit à la propriété privée.

Monsieur le ministre, nous avons besoin de creuser davantage cette piste, d’inventer et probablement d’expérimenter sur les territoires de la mer et de la montagne, pour essayer de trouver des solutions. Les élus de la montagne – et les élus de la mer me permettront, je pense, de les associer à ce souhait – peuvent-ils compter sur la mise en place d’ici cet été de cette mission promise en première lecture, qui nous aiderait à analyser et à proposer des solutions pour l’avenir de ces territoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je vais répondre brièvement aux principaux points évoqués.

Gilles Carrez a raison de dire – comme Martial Saddier d’une certaine manière en ce qui concerne les zones particulières, montagne et littoral – que l’Île-de-France est une question dans la question du logement. C’est vrai, monsieur Carrez, de la production de logement comme de la rénovation urbaine. À titre de comparaison, sur les 30 milliards du programme national de rénovation urbaine, il faut savoir qu’un petit tiers concerne l’Île-de-France. Son habitat, tant dans sa qualité urbaine que dans sa qualité architecturale et technique et dans sa production, est un sujet particulier, qui est aussi lié aux transports.

Je pense que l’on est arrivé au bout des « stocks de terrains Delouvrier ». Il est exact que la décentralisation réalisée à une époque où l’on avait le sentiment de se situer à un bon niveau de production, voire parfois en surproduction de logements, ne s’est pas accompagnée de contrats d’objectifs, pour reprendre l’expression de Christine Boutin, et d’une forme de « laisser-organiser » – pas forcément de laisser-faire – dans un territoire qui n’a pas, en réalité, d’autorité fondamentale. Car l’Île-de-France a de surcroît la caractéristique d’être une myriade – ce n’est pas péjoratif – de pouvoirs qui ont chacun une légitimité, mais dont aucun ne détient, avec une masse critique suffisante, le véritable pouvoir d’organisation du logement et de l’habitat. De ce point de vue-là, l’Île-de-France est un cas particulier. On l’a vu au moment de l’EPF, et actuellement, d’une manière générale, sur le logement.

Il est nécessaire qu’il y ait à la fois une mobilisation générale des élus, sans que chacun se rejette la faute, et, en tout état de cause, provisoirement, un retour de l’État. C’est la raison pour laquelle ont été décidées trois, voire quatre opérations d’intérêt national, dont la capacité d’intervention est forte. Cela n’empêche pas une capacité de dialogue avec les territoires concernés par ces opérations d’intérêt national.

Nous avons terminé le travail, avec le délégué interministériel à l’offre de logements, M. Beysson, sur les 30 000 logements programmés sur les trois ans qui seront construits sur des terrains appartenant aujourd’hui à l’État, dont 20 000 sur les dix-huit mois. Les deux tiers sont en Île-de-France, car c’est là, à l’évidence, que nous avons les capacités opérationnelles les plus rapides. C’est la raison pour laquelle le texte qui vous est soumis prévoit la capacité de réduire le prix du terrain par rapport à la valeur des domaines de 35 %. Ce texte entend bien répondre à une action spécifique, absolument indispensable en Île-de-France.

Monsieur Braouezec, indépendamment des débats de fond que nous pouvons avoir, je me permets de vous rappeler que 150 constats de carence ont été dressés sur la période récente. La loi, quelle qu’elle soit, est celle de la République. Des instructions ont été données, dès le mois d’août dernier, pour que la situation de l’application de l’article 55 de la loi SRU soit analysée. Plus de 150 constats de carence ont été dressés. Au-delà des pénalités issues de ces constats de carence, le texte prévoit une possibilité d’intervention directe de l’État par les préfets dans ces cas. Un premier dossier fera l’objet d’une application particulière à Saint-Maur-des-Fossés dans les jours qui viennent. La loi de la République votée et publiée est à ce jour appliquée.

M. Patrick Braouezec. Il n’y en a eu qu’un seul !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Bono, vous vous êtes livré à une sorte de polémique insensée. Vous considérez que construire, en gros, deux fois plus de logements sociaux qu’à votre époque, cela méritait discussion !

J’aimerais vous poser une question. À combien estimez-vous, monsieur Bono, vous qui donnez des leçons de financement des logements sociaux, les prélèvements de l’État dans les cinq années du gouvernement Jospin sur le 1 % logement ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) À plusieurs milliards d’euros ! ( « Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je vous propose donc de garder vos leçons pour vous, monsieur Bono. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Il y a eu une année exceptionnelle, où vous avez prélevé 500 millions d’euros sur le 1 % financement de logement social pour faire les fins de mois de l’État ! (« Ces propos sont scandaleux ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Madame Billard, je partage tout à fait votre avis : la faible qualité énergétique du logement est, avec les transports, un des facteurs majeurs des dérèglements climatiques. C’est la raison pour laquelle je pensais recevoir vos félicitations.

Mme Martine Billard. J’ai proposé un amendement en première lecture !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Le Gouvernement a, en effet, soutenu le seul amendement présenté au Sénat par M. Desessard en huit ans par le groupe des Verts. Durant les cinq années où vous étiez au Gouvernement, vous n’avez présenté aucun amendement, aucun texte de loi en matière énergétique et climatique (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et la loi Voynet, qu’est-ce que c’est ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je pensais, madame Billard, moi qui partage avec vous cette option et cette opinion, que je recevrais vos félicitations sur trois sujets.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est plus que de l’amnésie !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Le premier sujet, c’est d’avoir soutenu le très remarquable amendement de M. Desessard.

Mme Martine Billard. Est-ce que vous avez levé le gage ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Si vous saviez ce dont il s’agissait, je pense que vous nous applaudiriez. M. Desessard a proposé de porter l’exonération, intégralement compensée, par l’État de la taxe sur les propriétés bâties à trente ans dès lors que les logements bénéficient du label « haute performance énergétique ».

Mme Martine Billard. Ce n’est pas compensé !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il faut que la loi, madame, soit votée et promulguée. Ce sera donc proposé également à cette assemblée. Mais, compte tenu de l’emballement de l’UMP pour les sujets environnementaux, je ne doute pas un seul instant que ce sera voté.

La deuxième raison pour laquelle j’attendais, madame Billard, vos félicitations – moi qui suis toujours très sensible à vos interventions –, c’est que la nouvelle norme énergétique applicable en France au 1er septembre permet d’améliorer de 15 % la performance énergétique de logement, ce qui, je le rappelle, représente une augmentation des coûts de construction de 8 %. Mais vous avez raison : c’est une dépense immédiate, c’est un investissement à moyen terme et c’est une rentabilité pour la planète à long terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

J’attendais enfin vos félicitations pour le taux de TVA porté à 5,5 % en matière d’abonnement sur les réseaux de chaleur et l’exonération de TVA pour la consommation d’énergie issue de la biomasse. Je suis surpris que vous n’ayez pas pensé à nous adresser de très sincères félicitations ainsi qu’à M. Desessard. Mais peut-être n’avez-vous pas lu le texte ?

Mme Martine Billard. Il faut aller encore plus loin !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je partage, monsieur Néri, votre avis. Il y a les grandes concentrations urbaines et le reste du territoire. Les quatre sujets que vous avez évoqués en matière d’amélioration de l’habitat, de reconquête des logements vacants, d’OPAH et de garanties de risques locatifs sont importants.

Monsieur Néri, il vous est proposé, comme dans le plan de cohésion sociale, de passer à 40 000 reconquêtes de logements vacants par an, par une modification de l’intervention de l’ANAH. Nous sommes passés de 8 000 à 30 000 cette année. Nous souhaitons passer à 40 000. Il vous est proposé d’abord un complément particulier pour le conventionnement sans travaux, ensuite un financement complémentaire pour la lutte contre l’insalubrité et la remise à niveau et enfin une mesure spot avant le 30 avril 2007, une exonération fiscale de 30 % pour la remise sur le marché des logements vacants correspondant à ces catégories.

Vous avez raison : le maillage du territoire est un sujet crucial. Nous verrons si des propositions complémentaires sont faites au cours de l’examen du texte.

Le plan de cohésion sociale a permis, l’année dernière, 22 000 mises à disposition de logement social dans le parc privé. Indépendamment de la polémique des 80 000, cela représente 75 % de toute votre production de logements sociaux en 2000. Cela méritait d’être rappelé. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Étienne Pinte a évoqué, comme vous, les garanties de risques locatifs ou les « inquiétudes à la location ». Vous avez mené, monsieur Pinte, une expérimentation avec l’ANAH, mais votre modestie ne vous a pas permis de vous exprimer davantage sur le sujet. C’est très important. Un dispositif de mise à disposition et de garanties a été mis en place. Les résultats ont été mitigés, alors que l’on pensait, il y a moins d’un an, qu’ils seraient plus positifs. Il faut manifestement aller plus loin. Peut-être la règle des 30 % d’abattement le permettra-t-elle.

Nous avons abordé ce sujet, monsieur Néri, lors de la première lecture et au moment de l’examen du plan de cohésion sociale. Comme nous sommes dans un pays de partenariat, nos partenaires du 1 % travaillent sur le même sujet. Nous avons élaboré un texte de garantie de risques locatifs, visant à permettre une contre-garantie, un système assurantiel, quels que soient les revenus et le statut de la personne. Nous sommes en fin de négociation. Nous espérons pouvoir aboutir à une convention avec nos partenaires du 1 % pour le mois de septembre, de façon à mettre en place une forme de fonds de garantie locative, au plus près du terrain, qui se fera avec les partenaires concernés.

Le Gouvernement est preneur, monsieur Néri, d’une expérimentation. En effet, qui dit garantie de risques locatifs fait forcément penser au FSL, donc aux départements. Nous sommes preneurs d’un article autorisant l’expérimentation, mais peut-être n’en avons-nous pas besoin. Il faudrait essayer d’expérimenter. Si vous en êtes d’accord, je proposerai à l’Assemblée des départements de France de se joindre à la négociation avec les partenaires du 1 %, pour voir de manière pragmatique comment on peut avancer sur le terrain.

Je vous remercie, Christine Boutin, d’avoir utilisé le mot « colossal » pour qualifier l’effort fait dans notre pays en matière de logement depuis quatre ans. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous avez également insisté sur la société immobilière d’accession progressive, dispositif qui vous tient à cœur et dont la mise en œuvre sera moins complexe qu’il n’y paraît à première vue. À ce propos, vous avez eu raison de parler d’un article d’espérance. En effet, on ne peut pas nécessairement accéder en une seule fois à la propriété – je rappelle au passage combien l’accession sociale à la propriété est chère au président Patrick Ollier –, mais pouvoir le faire de manière progressive, comme vous l’avez souhaité, est indiscutablement une avancée humaine décisive.

Enfin, nous soutenons comme vous le droit opposable. Les mutations évoquées tout à l’heure par Gilles Carrez pour l’Île-de-France se produisent sur l’ensemble du territoire, et le haut comité pour le logement en est conscient. Vous avez également eu raison d’évoquer les contrats d’objectifs proposés à l’ensemble des collectivités par le plan de cohésion sociale. Je peux vous dire, madame Boutin, que 75 % de la population française est concernée par ces contrats signés entre les agglomérations, villes ou bassins et l’État. Ces objectifs, définis pas ligne – PLAI, PLUS, PLS, logements d’urgence –, sont tous supérieurs de 15 à 20 % à ceux du plan de cohésion sociale.

Le transfert de responsabilité pourrait gêner l’instauration d’un droit au logement opposable acquis a priori. Confrontés à cette difficulté, nous y travaillons tranquillement, loin des effets d’annonce que l’on nous reproche.

Le droit de réservation des 20 % qu’évoquait Étienne Pinte peut atteindre 50 %, voire 70 % dès lors que la collectivité locale accorde une subvention. Nous pourrons envisager, au cours de la discussion, les éventuelles améliorations à apporter à ce dispositif.

Les progrès accomplis en matière de logements vacants vous ont été communiqués.

M. Pierre Cohen. C’est à croire que M. le ministre ne tient jamais de permanence pour être persuadé que tout va bien !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. En ce qui concerne les contingents au terme de la garantie, le plan de cohésion sociale prévoit d’ores et déjà un allongement de cinq ans ; mais rien ne nous empêche d’en débattre.

Enfin, je vous confirme, Martial Saddier, qu’une mission sera confiée à l’inspection générale des Ponts et Chaussées. Nous souhaitons par ailleurs y associer le ministère de l’intérieur que je dois saisir dès demain, ainsi que les élus de montagne et du littoral, car les problématiques sont de même nature.

Dans un pays qui s’est enfin remis à construire, ce texte rationalise l’acte de construire et de louer. Il mérite donc plus de respect de votre part ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste et apparentés une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à Mme Annick Lepetit, pour une durée ne pouvant excéder quinze minutes.

Mme Annick Lepetit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, plus de trois millions de nos concitoyens sont très mal logés, plus de cinq millions vivent en situation de logement fragile et plus d’un million de ménages sont inscrits comme demandeurs d'un toit auprès d'un organisme de logement social. C’est partout en France, et pas seulement en Île-de-France comme l’a dit Gilles Carrez, que l'inflation des loyers et l'envolée des prix à l'achat pèsent de plus en plus lourdement sur le budget des familles. Pour se loger, elles doivent rogner sur des dépenses nécessaires comme la santé, l'alimentation ou l'habillement.

Force est de constater que ce n'est pas ce projet de loi qui contribuera, même partiellement, à résoudre cette crise, bien au contraire ! Incohérent, ce texte fait l'impasse sur des problèmes de premier plan comme la solvabilisation des locataires par exemple, et comporte de véritables mesures de « désengagement national pour le logement », à l'instar des coups portés à l'article 55 de la loi SRU. Ce projet de loi n'a ni colonne vertébrale, ni ligne directrice, et encore moins d'ambition. Il est annoncé depuis maintenant trois ans par trois ministres du logement successifs modifiant son contenu selon les circonstances. D’abord minimaliste, la première version ne comportait que dix articles. Il s’est alourdi au fil des lectures, pour devenir un véritable bric-à-brac de 110 articles. Bref, la distorsion entre le titre et le contenu du texte est flagrante et justifie le renvoi en commission du projet de loi portant « engagement national pour le logement ».

M. Jean-Louis Dumont. Ce n’est donc pas un texte colossal !

M. Patrick Roy Ou serait-ce un colosse aux pieds d’argile ?

Mme Claude Greff. Vous ne comprenez décidément rien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je vous en prie, chère collègue !

Mme Annick Lepetit. S'agissant des mesures destinées à mobiliser le foncier, on compte parmi elles les quelques rares avancées du texte, dont la portée demeure cependant très insuffisante.

Il en va ainsi des dispositions relatives à la cession des terrains appartenant à l'État. En vue de la réalisation de logements sociaux, il paraît tout à fait légitime que l'État montre l'exemple en ne tirant pas profit de ces ventes. C'est pourquoi il est plus que nécessaire de procéder à une décote sur les terrains cédés par l'État afin que ceux-ci soient vendus en deçà du prix du marché. Devant le Sénat lors de la deuxième lecture, le Gouvernement s'est engagé à procéder par décret à une décote maximale de 35 % sur le prix des terrains cédés par l'État dans certains territoires, en vue de réaliser des logements locatifs sociaux.

Nous proposons une décote minimale de 25 % par défaut, mais d’au moins 35 % dans les zones où le marché foncier est très tendu. Au regard des prix actuellement pratiqués sur le marché, le niveau de décote proposé par le Gouvernement n'est en effet pas assez élevé pour être efficace.

En outre, nous proposons que la loi fixe le principe et les modalités de cette décote dans les zones où le marché est tendu, plutôt que le décret.

Le Gouvernement et sa majorité y sont opposés au prétexte que le décret est une voie plus rapide. Je ferai cependant remarquer que Gérard Larcher a déclaré au Sénat le 27 mars dernier que le décret sur les décotes serait publié au cours du mois.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. C’est vrai !

Mme Annick Lepetit. Dans le rapport de notre collègue Gérard Hamel, daté du 17 mai, nous pouvons lire que « ce décret n'a pas encore été publié au Journal officiel ». La voie n'est donc pas si rapide ! En outre, seule la consécration par la loi de cette disposition serait un gage de volonté et un moyen de garantir les positions ultérieures du Gouvernement en matière d'accompagnement du logement social.

Votre refus d'inscrire cette disposition dans la loi ainsi que de prévoir une décote suffisante pour être efficace témoigne de votre manque de volonté politique.

La pagaille – c’est le moins qu’on puisse dire – règne dans l'article 4 septies portant sur la cession de terrains nus devenus constructibles. Je rappelle que cet article a été introduit en première lecture au Sénat par un amendement de la commission des affaires économiques ayant recueilli l'avis favorable du Gouvernement.

M. Michel Piron. Nous le soutenons.

Mme Annick Lepetit. Cet article permet à la commune de partager avec le propriétaire les plus-values qu’il réalise lors de la vente d'un terrain reclassé en zone constructible. En effet, lorsqu'une commune décide un tel reclassement, la valeur du terrain augmente parfois considérablement, surtout depuis quelque temps.

M. Michel Piron. Tout à fait !

Mme Annick Lepetit. Il est donc tout à fait légitime qu'elle profite également de la création de richesses résultant de sa décision. La majorité sénatoriale a alors décidé que le taux du prélèvement effectué par la commune soit limité à 10 % des deux tiers du prix de cession – ce qui n'est guère suffisant pour être efficace.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Pourquoi n’avez-vous rien fait pendant cinq ans ?

Mme Annick Lepetit. Les députés de la majorité ont maintenu le dispositif adopté par le Sénat malgré nos demandes d’amélioration.

Mais c'est moins l'attitude de nos collègues de l'Assemblée que celle des sénateurs de la majorité qui nous a déconcertés. En effet, lors de la seconde lecture, les sénateurs ont supprimé cet article qu'ils avaient pourtant eux-mêmes introduit. Le Gouvernement, quant à lui, est resté les bras croisés, s'en remettant à la sagesse du Sénat, alors que, le 19 janvier devant notre assemblée, vous parliez, monsieur le ministre, de véritable « révolution foncière » !

M. Michel Piron. C’est incroyable !

Mme Annick Lepetit. Ce revirement soudain est tout à fait incohérent.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Vous voterez donc le texte ?

Mme Annick Lepetit. Que s'est-il passé durant ces derniers mois pour que le Gouvernement et la majorité du Sénat changent radicalement de position ?

M. Patrick Roy. Le CPE ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Annick Lepetit. Nous attendons bien évidemment des explications et souhaitons que ce dispositif soit réintégré dans le texte avec d'importantes améliorations pour qu'il soit efficace.

Je ne dirai pas la même chose concernant deux autres mesures du texte que le Gouvernement a fortement médiatisées. Je veux bien sûr parler de « la maison à 100 000 euros » et du dispositif fiscal « Borloo ». Ces deux mesures sont à l'image du texte : des effets d'annonce.

En effet, vous voulez faire croire, monsieur le ministre, que tous les ménages modestes veulent devenir propriétaires et qu’ils peuvent le faire sans risque avec 100 000 euros : c'est donner de faux espoirs à ceux qui le souhaitent effectivement.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Avec vous, ils n’en ont aucun !

Mme Annick Lepetit. En réalité, ces nouveaux accédants devront d'abord rembourser la maison pendant vingt ans, puis le terrain sur la même durée. Car très rares sont les maires qui pourront mettre des terrains gratuits ou à faible prix à leur disposition.

M. Patrick Roy. Sauf en Terre Adélie : c’est moins cher !

Mme Annick Lepetit. Ainsi, ce dispositif diffère seulement l'achat du foncier et met en place des prêts sur quarante ans. La maison dite à « 100 000 euros » risque donc de faire sombrer de nombreux ménages dans le surendettement, puisque le prix annoncé n'est pas le prix à payer !

M. Alain Néri. C’est un pousse-au-crime !

Mme Annick Lepetit. Monsieur le ministre, vous parlez à l'envi de l'accession sociale à la propriété. Nous n'y sommes pas opposés, contrairement à ce que vous voulez faire croire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous sommes opposés au coup d'esbroufe de la maison à 100 000 euros. Si vous vouliez réellement développer l'accession sociale à la propriété, vous y mettriez les moyens et n'inventeriez pas des usines à gaz.

Mme Claude Greff. Comme les 35 heures par exemple !

Mme Annick Lepetit. Contrairement à ce que vous laissiez entendre en 2005, monsieur le ministre, vous maintenez le dispositif fiscal « Robien » et créez un dispositif similaire portant votre nom. Pourquoi maintenir le « Robien » alors qu'il favorise la production de logements privés à loyers souvent très élevés, qu'il contribue à alimenter la flambée des prix et des loyers et qu'il génère un effet d'aubaine pour les investisseurs à qui il permet de payer moins d'impôts sans aucune contrepartie sociale ? Ce dispositif, qui coûte très cher à l'État, ne répond pas aux besoins de nos concitoyens. Je précise que son coût est évalué à plus de 300 millions d'euros pour 2006. Tout le monde fait ce constat : notre collègue, Gérard Hamel, l'affirmait dans son rapport il y a quelques mois ; nombre de députés et de maires voient des logements « Robien » éclorent un peu partout mais dont une grande partie ne trouvent pas de locataires car ils sont trop chers.

Malgré les effets pervers du dispositif « Robien », vous décidez d'en créer un autre du même type, auquel vous prétendez donner un visage social. C'est peine perdue. Le « Borloo » épouse la même logique que le « Robien ».

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je ne me marie qu’une seule fois ! (Sourires.)

Mme Annick Lepetit. C'est un nouveau cadeau fiscal, sans aucune contrepartie sociale. En effet, le dispositif Borloo permettra de mettre sur le marché des logements dont les loyers de sortie seront 17 % plus chers que les PLI, les prêts locatifs intermédiaires. En outre, cet avantage fiscal va coûter plus cher à l'État que la construction de logements accessibles à la très grande majorité de nos concitoyens. Et vous osez prétendre faire du social. Quelle mascarade ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ainsi, les deux mesures symboliques de votre texte – la maison à 100 000 euros et le tandem Robien-Borloo – sont des leurres : l'un fait croire que le Gouvernement favorise l'accession sociale à la propriété, l'autre qu’il encourage la construction de logements abordables pour la majorité de nos concitoyens. Or, ce sont deux mensonges.

M. Maxime Bono. En effet !

Mme Annick Lepetit. S’ajoute à cela la remise en cause de l’article 55 de la loi SRU, lubie récurrente de la droite depuis le vote de cette loi en 2000.

Lors de la première lecture de ce texte devant notre assemblée, les députés de la majorité ont à nouveau attaqué l’article 55 par voie d’amendements en faisant entrer dans le quota des 20 % les logements HLM vendus à leurs occupants et les logements neufs construits dans le cadre d’opérations d’accession à la propriété. Les sénateurs ont ensuite corrigé partiellement cette remise en cause en retirant de ce décompte les logements en accession. Néanmoins, ils y ont inclus dans les 20 % les aires d’accueil des gens du voyage et les logements dont la convention arrive à échéance, et ce durant cinq ans.

Sur l’article 55 de la loi SRU, notre position a toujours été claire et elle le demeure : aucune remise en cause n’est acceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) C’est refuser sinon de construire des logements sociaux accessibles au plus grand nombre sur tout le territoire, de manière équitable. C’est soustraire les maires à leurs obligations de faire du logement social. Plus précisément, si nous sommes favorables à l’accession sociale à la propriété, nous refusons qu’elle se fasse au détriment du logement locatif social, comme vous le proposez, mesdames et messieurs de la majorité.

Comme vous n’osez pas abaisser légalement le seuil des 20 % de logements sociaux, vous trouvez tous les artifices possibles pour les contourner. En outre, vous tentez de vous faire passer pour les promoteurs de l’accession sociale à la propriété. La maison à 100 000 euros montre que vous en êtes plutôt les fossoyeurs, tout comme votre attaque contre l’article 55 montre que vous êtes les fossoyeurs de la construction de logements sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Quant aux aires d’accueil des gens du voyage, c’est votre dernière trouvaille pour modifier les objectifs fixés par l’article 55. Entendons-nous bien : nous sommes favorables à l’aménagement de telles aires – nous le montrerons par le biais d’un amendement –, mais pas au détriment du logement locatif social.

S’agissant des logements déconventionnés, nous sommes également opposés au fait qu’ils soient considérés comme des logements sociaux pendant cinq ans.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et pourquoi ?

Mme Annick Lepetit. En effet, qui dit logements déconventionnés dit hausse des loyers et par conséquent départ des locataires et nouveaux arrivants.

M. Michel Piron. Nous avons prévu des parades !

Mme Annick Lepetit. Aussi, face à la crise actuelle du logement qui touche des millions de nos concitoyens, face aux élus de la majorité qui font tout pour ne pas respecter l'esprit et la lettre de l'article 55 de la loi SRU, nous appelons à renforcer cet article en étendant, par exemple, l'obligation de disposer de 20 % de logements sociaux aux communes d'au moins 1 500 habitants, à l'exception de l'Île-de-France où c'est déjà le cas, …

M. Maxime Bono. Comme à Neuilly !

Mme Annick Lepetit. …ou encore en imposant au préfet une obligation de se substituer au maire pour conclure une convention avec un organisme en vue de la construction ou de l'acquisition de logements sociaux lorsqu'il a constaté la carence de la commune.

La commission a rejeté toutes nos propositions. Nous espérons que l'intérêt général l'emportera cette fois-ci en séance publique.

Pour conclure, j'évoquerai les aides à la personne, grandes absentes de ce texte, alors même que 6 millions de personnes sont concernées. Une telle absence est particulièrement remarquée dans un texte qui porte « engagement national pour le logement ».

Ce n’est pourtant pas faute d'avoir fait des propositions, aussi bien dans le cadre de ce texte que lors de l’examen des précédents projets du Gouvernement. Mais celui-ci s'évertue à ne pas entendre et à faire l'inverse de ce qu'il faudrait faire : depuis 2002, les crédits budgétaires alloués aux aides à la personne diminuent sans cesse. En 2004, le Gouvernement a décidé d'exclure 200 000 bénéficiaires de ces aides et de ne plus les verser quand elles sont inférieures à 24 euros par mois, ce qui représente une perte annuelle de 288 euros pour de nombreux ménages. Tout cela au moment où les charges et les loyers augmentent aussi rapidement !

Ainsi, nombreux sont les locataires qui consacrent plus de 30 % de leurs revenus à se loger et sont par là même conduits à rogner sur d'autres dépenses tout aussi essentielles que la santé, l'alimentation ou l'éducation.

Nous avons déposé plusieurs amendements pour redonner leur vraie valeur aux aides à la personne, c'est-à-dire pour rendre les locataires solvables. Nous demandons, par exemple, la suppression du mois de carence et le versement de l'APL, quel qu'en soit le montant. Nous demandons également, comme nous le faisons à chaque examen du budget, une revalorisation annuelle et significative des aides à la personne.

Chaque année, le Gouvernement prend un malin plaisir à alléger toujours plus la charge fiscale des ménages les plus aisés tout en demandant aux plus modestes des sacrifices de plus en plus insupportables. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Claude Greff. Ah, heureusement que vous êtes là !

Mme Annick Lepetit. Votre projet de loi est d'ailleurs un modèle en la matière : vous créez des cadeaux fiscaux qui profitent exclusivement aux plus riches sans rien proposer en matière d’aides à la personne, qui concernent pourtant 6 millions de ménages. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Quelle arrogance !

M. Céleste Lett. On n’a pas le droit de mentir comme ça !

M. le président. Mes chers collègues, laissez terminer Mme Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Qu'un projet de loi portant « engagement national pour le logement » ignore les difficultés des locataires appartenant aussi bien aux classes populaires qu'aux classes moyennes est tout à fait irrecevable.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi souffre d'importantes lacunes, propose des dispositifs bancals et ne répond pas du tout à la crise du logement, crise qui devrait tous nous inquiéter.

M. Michel Piron. Alors il ne faut pas proposer le renvoi en commission !

Mme Annick Lepetit. Aussi nous paraît-il plus qu'évident qu’il doit être renvoyé en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Claude Greff. Surtout ne rien faire !

M. Michel Piron. C’est ahurissant : il y a une crise et il faudrait attendre !

M. le président. La parole est à M. Gérard Hamel, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Gérard Hamel, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Madame Lepetit, nous aurons l’occasion au cours de la discussion de rentrer dans le détail et de démontrer que vos propos sont excessifs…

M. Céleste Lett. Et donc insignifiants !

M. Gérard Hamel, rapporteur. …et qu’ils ont montré par là même leur propre insignifiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous sommes en deuxième lecture. La commission des affaires économiques s’est réunie à deux occasions. La première fois, elle a examiné cent quinze amendements en une heure et demie, mais vous ne le savez sans doute pas car vous n’étiez pas là. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Seuls quatre d’entre vous étaient présents !

M. Gérard Hamel, rapporteur. La deuxième fois, aujourd’hui même, elle a examiné quatre-vingt-quatre amendements. La commission a donc examiné quelque deux cents amendements au total.

Mme Annick Lepetit. Il me semble que c’est son rôle !

M. Gérard Hamel, rapporteur. Je précise par ailleurs que j’ai été très ouvert à toutes les propositions, jusqu’au dernier moment.

Pour toutes ces raisons, j’invite l’Assemblée à ne pas voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mes chers collègues, pardonnez-moi de vous décevoir, mais, que vous soyez ou non satisfaits, je prendrai la parole, conformément au mandat qui m’a été confié. Peut-être que, dans votre conception de la démocratie, l’opposition doit se taire, vous féliciter et jouer les thuriféraires. En tout cas, ce n’est pas la nôtre.

Que vous ne nous considériez pas comme compétents sur la question du logement, c’est votre droit. On peut porter tous les jugements de valeur, mais, comme l’a dit très justement notre rapporteur, quand ils sont excessifs, ils deviennent insignifiants. Laissez-moi vous dire qu’il y a autant de compétences à gauche qu’à droite en la matière !

Simplement, le logement constitue un problème de fond : c’est un sujet éminemment politique, que j’ai toujours abordé comme tel dans l’exercice de mes divers mandats, y compris en tant que président d’OPAC. M. Borloo le sait. Cette dimension lui est rappelée à chaque fois qu’il n’obtient pas du budget de l’État ce qui lui serait nécessaire pour mener à bien son action.

C’est un problème de logique aussi. Cet « engagement national pour le logement » nous laisse insatisfaits car il est très en deçà, non pas seulement de ce que nous aurions souhaité et espéré, mais de ce dont ont besoin les gens ! Selon la Fondation Abbé Pierre, 6 millions de personnes souffrent de conditions de logement insatisfaisantes.

Mme Annick Lepetit. Mais nos collègues s’en fichent, ce ne sont pas leurs électeurs !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Trois millions d’entre elles connaissent de fortes difficultés de logement : 90 000 sont sans domicile fixe et plus de deux millions connaissent des situations qui vont de la suroccupation à l’hébergement d’urgence. Cette réalité-là, elle doit être aussi inacceptable pour vous que pour nous !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Qu’avez-vous fait ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous clamez « qu’avez-vous fait ? », mais, vous oubliez que les lois fondamentales de lutte contre l’exclusion ont été votées par des gouvernements de gauche. Cela dit, il y a eu aussi des ministres de droite qui ont rendu d’éminents services au logement social. Reste que les conditions de vie actuelles des gens sont une réalité incontournable.

Que dénonçons-nous ? Le fait que, face à cette crise, l’État ne mobilise pas tous les moyens nécessaires. Non content de proposer des solutions insatisfaisantes, il sollicite les gens eux-mêmes. Car ne pas augmenter l’APL revient à faire payer les gens qui ont déjà du mal à régler leur loyer. L’État se sert sur la bête. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Claude Greff. Allons, allons !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur Borloo, nous ne vous lâcherons pas sur la question des statistiques tant que vous n’aurez pas reconnu qu’il y a eu 3 000 logements PLUS supplémentaires en 2005 par rapport à 2003 et que le volume avait baissé par rapport à 2002.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est faux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je le maintiens. Ces chiffres sont issus de la direction de l’urbanisme et de la construction. Certes, il y a eu une baisse en 1999 et 2000, mais elle a été suivie d’une progression en 2001, ce qui suppose un effort antérieur. Le problème de fond est de savoir comment vous allez sortir du plan, monsieur le ministre. Y en aura-t-il eu assez ? Le reste n’importe pas.

Comment peut-on prétendre répondre à la demande de logement des Françaises et des Français quand les projets financés ne leur sont pas accessibles ? Les PLUS et les PLAI représentent 65 % des demandes de logements, les PLS à peine le quart. Or, si nous n’étions pas là pour vous mettre en garde, vous feriez bientôt autant de PLS que de PLUS ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Céleste Lett. Quelle prétention !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, peut-être vous faites-vous plaisir, mais, pendant ce temps, le nombre de demandeurs de logements augmente et vous serez comptable de la différence entre le nombre de demandeurs de logements constaté il y a quatre ans et celui de 2007.

Mme Annick Lepetit. Très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est ce chiffre qui nous permettra de savoir si votre politique aura répondu à la demande.

M. Robert Lamy. Vous savez bien que ce que vous dîtes est faux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous ne contestons pas votre compétence, nous avons un vrai désaccord politique et ce sont les Français qui trancheront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Roy. Quel talent !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Patrick Braouezec. Personne ne sera surpris si je vous dis que le groupe communiste votera le renvoi en commission, les arguments que j’ai développés lors de discussion générale rejoignant ceux de Mme Lepetit.

Notre groupe analyse avec beaucoup de lucidité le travail qui a été mené dans la période 1997-2002, et que vous évoquez peut-être trop souvent, monsieur le ministre, comme d’ailleurs certains orateurs de la majorité. Certes, ce qui a été fait en matière de logements durant ces années n’était peut-être pas à la hauteur des besoins et des demandes. (« Quelle lucidité ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous le disions déjà à l’époque !

M. Robert Lamy. Mais moins fort !

M. Patrick Braouezec. Néanmoins, la loi SRU a constitué une avancée considérable en inscrivant la question du logement social au cœur du dispositif et en mettant tous les élus locaux devant leurs responsabilités face au droit au logement qui devrait être reconnu comme un droit fondamental pour l’ensemble des habitants de notre pays.

M. Patrick Roy. À Neuilly, par exemple !

M. Patrick Braouezec. À Neuilly en effet, mais aussi à Saint-Mandé, à Saint-Maur et ailleurs !

La question du logement social nous divise et nous renvoie au débat qui a eu lieu ici, il y a peu, sur l’immigration et l’intégration.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est le même débat !

M. Patrick Braouezec. Ce sont deux choix de société qui s’opposent, et nous le montrerons lors de la discussion des articles.

Monsieur le ministre, vous organisez, peut-être sans le vouloir ou sans le savoir, car je sais ce que vous avez fait dans votre ville, un processus qui renforcera la ségrégation et la précarité. Certains considèrent que la situation de l’Île-de-France est particulière, mais elle existe aussi dans d’autres régions de France, et notamment dans les grandes métropoles. On y voit des jeunes qui vivent tantôt dans une voiture tantôt chez un copain dans une situation de grande précarité, car ils n’ont pas la possibilité de se loger. L’ensemble de nos collectivités, y compris l’État, vont-elles jouer leur rôle pour remédier à ces situations ? Voilà une question qu’il faudra poser au cours de l’examen des articles.

Pour notre part, même si les huit villes de la communauté d’agglomération que je préside comptent déjà 50 % de logements sociaux, nous avons fait le choix de continuer à construire, dans le cadre d’une convention avec l’État, en réalisant 40 % de logements sociaux et 60 % de logements en accession à la propriété. C’est une réalité que certains nient sur vos bancs. Certains maires en ont conscience et savent qu’ils n’ont pas les moyens de répondre aux besoins de jeunes salariés, pas seulement de pauvres, qui ne peuvent pas trouver de logement en dehors du parc social. Je suis fier que Saint-Denis ait été la ville qui, en 2004 et 2005, a délivré le plus de permis de construire, pour le logement social et pour le logement en général.

Pour toutes ces raisons, nous voterons le renvoi en commission et nous mènerons le débat de fond sur les deux projets de société qui s’opposent ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe UMP.

M. Michel Piron. J’ai souvent du mal à saisir les motivations des motions de renvoi en commission, et c’est peut-être encore plus vrai ce soir.

Monsieur Le Bouillonnec, le débat est politique, c’est vrai, et vous en avez rappelé l’urgence. Il me paraît donc contradictoire de demander de renvoyer ce texte en commission.

M. François Brottes. Que c’est mauvais ! Nous perdons notre temps !

M. Michel Piron. Quant à la politique, elle ne se résume pas à des intentions ou à des déclarations abstraites.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Venez donc dans ma commune !

M. Michel Piron. Monsieur Le Bouillonnec, vous me permettrez de traiter le problème au plan national, et pas seulement au niveau de votre commune, si belle soit-elle !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Alors, venez dans mon département !

M. Michel Piron. En 2000, on a produit 42 262 logements sociaux, 56 595 en 2001, et 76 253 en 2005. Et j’entends déjà l’objection selon laquelle il ne faudrait retenir que les PLAI.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et les PLUS !

M. Michel Piron. On en a fait 5 009 en 2000 et 7 538 en 2005 !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et en 2001 ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. 5 427 en 2001.

M. Michel Piron. En 1997, l’effort public en faveur du logement s’est élevé à 21 milliards, contre 31,495 milliards en 2006.  Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Néri. Le budget de 1997, c’était celui de votre majorité !

M. Michel Piron. Nous n’avons pas le monopole de la compétence, mais appuyez au moins les vôtres sur quelques chiffres qui donneront à réfléchir !

Pour revenir à la motion de renvoi en commission, il me paraît difficile de dire à la fois que 110 articles, c’est trop, et que cela ne suffit pas. Je n’ai pas très bien compris. Vous défendez, madame Lepetit, la taxation des plus-values issues du simple classement de terrains en zone constructible. Non seulement nous sommes d’accord et nous l’avons dit en première lecture, mais c’est la majorité qui a pris l’initiative d’en demander le partage. Vous auriez pu y penser avant !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

M. Michel Piron. En réalité, le débat tourne autour de ce que l’on entend par le terme social. Quel contenu lui donne-t-on ? Quand vous refusez de qualifier ainsi le dispositif du « Borloo populaire », cela signifie-t-il qu’il n’y a de social que l’extrême pauvreté ?

Mme Annick Lepetit. Mais non !

M. Michel Piron. Pour nous, le champ du social est plus large.

Enfin, vous avez dit que le déconventionnement pourrait provoquer des hausses de loyer très importantes, et vous avez raison. Mais, là encore, c’est nous qui avons pris l’initiative de corriger ses effets brutaux en présentant un amendement.

Je persiste donc à ne pas comprendre les raisons de cette motion. Si vous considérez que les besoins sont urgents, pensez-vous que c’est en renvoyant à plus tard la discussion sur les solutions que nous proposons qu’on résoudra la crise ? Je ne le crois pas. Et c’est pourquoi le groupe UMP votera contre le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Mercredi 31 mai 2006, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 3072, portant engagement national pour le logement :

Rapport, n° 3089, de M. Gérard Hamel, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)