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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 7 juin 2006

238e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions seront réservées à des thèmes européens.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

avenir de l'Union européenne

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller. Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, le groupe UMP se réjouit de l'importante rencontre qui a eu lieu hier à Rheinsberg entre le Président de la République, Jacques Chirac, et la chancelière allemande, Mme Angela Merkel.

Il se trouve que la Délégation pour l'Union européenne a entendu hier et ce matin les rapports de dix de nos collègues qui se sont rendus dans les capitales européennes pour débattre de la relance de l'Europe et de l'élargissement.

Bien entendu, les positions sont très diverses entre les seize qui ont ratifié le traité de Constitution européenne, ceux qui ne se sont pas prononcés, et les Pays-Bas qui, comme la France, ont voté « non ». Mais nombre de nos interlocuteurs nous ont fait part de leur attente à l'égard de la France et de l'Allemagne, d'où peut et doit venir l'impulsion conjointe.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner des précisions sur le calendrier et la méthode proposés au cours de cette rencontre de Rheinsberg ?

Pouvez-vous également nous dire si nous avons une position commune par rapport à l'élargissement, à la Bulgarie et à la Roumanie d'abord ? Sommes-nous d'accord sur la nécessité d'une pause pour permettre l'approfondissement après l'entrée de ces deux pays, que nous appelons d'ailleurs de nos vœux pour le 1er janvier 2007 ?

Certains, comme Laurent Fabius, ont fait miroiter un plan B illusoire et mensonger (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), contribuant à plonger l'Europe dans la crise.

M. Jacques Desallangre. Le plan B est en cours !

M. Pierre Lequiller. Comment comptez-vous associer nos partenaires européens à cette initiative franco-allemande et peut-on en attendre un espoir de relance de l'Europe politique, à laquelle nous sommes tous attachés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, la réunion informelle franco-allemande qui a eu lieu, hier, à Rheinsberg s’est déroulée de manière constructive. Nous nous sommes mis d’accord avec les Allemands sur trois points.

D’abord, sur le plan institutionnel, nous sommes convenus que des propositions franco-allemandes seraient formulées dans un premier temps lors de la présidence allemande au premier semestre 2007 et que des décisions franco-allemandes seraient présentées lors de la présidence française, au deuxième semestre 2008.

Ensuite, nous nous sommes mis d’accord pour porter ensemble ce que le Premier ministre avait proposé il y a maintenant un an, c’est-à-dire une Europe des projets, pour des politiques en matière intérieure, énergétique, de recherche et d’éducation.

Enfin, sur l’essentiel, à savoir l’élargissement, nous nous sommes mis d’accord pour défendre, dès le Conseil du mois de juin, une notion, celle de capacité d’absorption, d’assimilation de l’Union européenne, fondée sur l’assentiment des peuples européens et sur le contenu et le financement des politiques communes. Il est évident que nous ne pourrons pas continuer à élargir l’Union européenne sans l’assentiment des peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

arcelor

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le groupe socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Lucien Degauchy. Robespierre !

M. Arnaud Montebourg. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

L’OPA hostile sur Arcelor inquiète les 30 000 salariés français de ce groupe qui représente la réussite de l’industrie française et européenne sur le marché mondial de l’acier. Ce groupe témoigne surtout des efforts de ses salariés et des contribuables français pour réussir, dans la douleur, le sauvetage de notre acier dans le passé.

S’il venait à réussir, ce raid boursier hostile aurait des conséquences irrémédiables sur l’emploi et les territoires. Pendant que nous nous en inquiétons, les actionnaires, eux, s’en réjouissent, s’apprêtant à encaisser les plus-values boursières de cette bataille rangée.

D’un côté, un industriel indien, dont les intérêts sont étrangers au développement de l’industrie européenne. De l’autre, un raider russe dont l’obscurité de la fortune et la voracité des intentions ne font aucun doute. Pour échapper à l’un, nous serions obligés de donner Arcelor à l’autre ! Monsieur le Premier ministre, l’acier européen ne peut pas être l’otage d’une confrontation indo-russe !

Il y a quelques semaines, à l’image de ce qu’a organisé le premier ministre espagnol Zapatero dans son pays, les socialistes ici rassemblés vous ont proposé de mettre les OPA sous contrôle et sous veto gouvernemental et public. Si vous aviez adopté notre proposition, nous aurions réglé définitivement l’affaire Arcelor et même, par avance, toutes les autres qui se préparent et menacent l’industrie française. Vous avez refusé notre proposition, préférant laisser faire les marchés, préférant la satisfaction des actionnaires aux intérêts de notre industrie.

Monsieur le Premier ministre, votre prétendu patriotisme économique, c’est un peu celui du général Gamelin ayant oublié qu’il fallait des chars pour affronter la guerre moderne ! Les socialistes que nous sommes défendons, dans notre projet discuté hier soir, cette proposition. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Vous ne l’avez même pas voté !

M. le président. Posez votre question !

M. Arnaud Montebourg. Qu’attendez-vous donc pour vous raviser, car notre industrie et nos emplois ne peuvent pas attendre votre départ ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Monsieur le député Montebourg, j’ignorais que vous aviez peur des batailles boursières ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

En la matière le Gouvernement s’en tient à une ligne très simple : la Bourse sert à doter notre économie de moyens de financement et, dans ce domaine, l’État a deux rôles.

Mme Martine David. Et les personnels, dans tout ça ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Nous avons un rôle de régulateur, que nous jouons.

D’abord, nous avons rétabli la crédibilité du régulateur boursier par une loi en 2003. Puis, la loi sur les OPA a imposé davantage de transparence sur les processus, notamment au bénéfice des salariés, et a permis aux entreprises de mieux se défendre en émettant des bons, comme cela est possible aux États-Unis.

Monsieur Montebourg, vous parlez d’Arcelor et de sidérurgie. Que fait le Gouvernement en la matière ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

En tant que partie prenante, il joue son rôle. Nous avons instauré une task force qui a interrogé M. Mittal sur son projet industriel, social et technologique. Toutes ces questions lui sont parvenues en avril et nous examinons les réponses que nous avons reçues le 27 mai.

M. Augustin Bonrepaux. Mais que faites-vous ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Vous évoquez le russe Severstal.

Le projet Severstal est amical et sa méthode est bonne. L’industrie ne se résume pas à des batailles boursières : elle concerne des usines, des emplois et permet la création de richesses.

Nous avons également interrogé le président de Severstal, et mes services attendent les réponses.

Quelles conclusions en tirer à ce stade ? L’État, partie prenante, doit poser les bonnes questions, mais ce sont naturellement les actionnaires qui choisiront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Quelle honte !

loi sur le droit d'auteur

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean Dionis du Séjour. M. le ministre de la culture et de la communication, la semaine prochaine devrait se tenir la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, qui transpose une directive européenne.

Les enjeux de ce texte sont considérables. Internet devient le vecteur majeur de toute diffusion culturelle, avant même la radio et la télévision, et c’est une formidable nouvelle pour notre démocratie. Longtemps privilège d’un petit nombre de citoyens, la culture va devenir, si nous le voulons, accessible à tous grâce à Internet.

Nos débats, néanmoins, ont été particulièrement heurtés et chaotiques. Face à la demande de très nombreux députés de toute sensibilité de lever l’urgence sur ce texte, lors de la reprise de nos débats au mois de mars, monsieur le ministre, vous avez pris un engagement le 9 mars en déclarant : « Si une grande différence apparaît, des positions inconciliables entre les deux chambres, le Gouvernement appréciera, par respect de la souveraineté du Parlement, s’il y a lieu d’organiser des navettes supplémentaires ». Or nous y sommes, et des différences majeures sont apparues sur l’interopérabilité et sur la création de l’Autorité de régulation. Ce sont là des enjeux majeurs pour les consommateurs, mais aussi pour l’équilibre délicat à trouver entre logiciel propriétaire et logiciel libre.

Monsieur le ministre, de deux choses l’une : soit la CMP doit constater les écarts majeurs entre nos deux assemblées – et comme le stipule notre Constitution, le dernier mot doit revenir à l’Assemblée nationale –, soit, et c’est la proposition de l’UDF, le Gouvernement doit avoir la volonté de régler les problèmes au fond grâce à une vraie loi moderne, et la CMP n’est en aucune manière l’instance adaptée pour régler des problèmes aussi sensibles, techniques et difficiles.

Monsieur le ministre, n’ayez pas peur du Parlement, laissez-le faire son travail. Notre question est très simple : allez-vous respecter votre engagement du 9 mars ? Quand lèverez-vous enfin l’urgence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française, sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Mme Christine Boutin. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, la force et l’honneur du gouvernement de Dominique de Villepin est d’avoir le courage de l’action et l’intelligence de la réconciliation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il est important, car cela est attendu, qu’une offre légale de musique et de cinéma puisse naître sur Internet afin de mettre définitivement un terme au risque de la prison pour les internautes et de garantir à nos concitoyens le droit à la copie privée. Il faut que nous soyons le premier pays en Europe et dans le monde à garantir – principe auquel l’UMP est très attaché – le droit à l’interopérabilité, à savoir la possibilité de lire une œuvre sur n’importe quel support. (« Répondez à la question ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Ces garanties essentielles seront apportées par ceux qui ont du courage et qui renoncent à la démagogie : ce sera le cas de la majorité présidentielle ! Nous devons agir ! Entre l’Assemblée nationale et le Sénat, il n’y a pas de divergence de fond (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), ni sur la copie privée, ni sur l’interopérabilité, ni sur les sanctions et la riposte graduée. Entre la majorité du Sénat et celle de l’Assemblée nationale, il y a un accord.

Les rapporteurs travaillent à la définition d’un bon point d’équilibre et d’un accord définitif. Il serait démagogique et suicidaire d’attendre, à moins que vous ne vouliez en rester aux vieilles lunes proposées par Mme Ségolène Royal, comme la licence globale ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Le ministre n’a pas répondu à la question !

M. Didier Mathus. Cette réponse est malhonnête !


crise de la viticulture

M. le président. La parole est à M. François Liberti, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. François Liberti. Monsieur le ministre de l’agriculture et de la pêche, la viticulture subit aujourd’hui la plus grave crise de son histoire. Les différents plans dits de sauvetage, tels les mesures de vinification artificielle et autres copeaux, apparaissent dans les faits comme des artifices illusoires et montrent avec force que, si les problèmes de la viticulture ne sont pas traités au fond, ils ne peuvent être résolus.

Toutes les aides apportées en matière de trésorerie et de gestion des exploitations, même si elles sont utiles, ne permettront pas aux viticulteurs et aux caves coopératives de sortir de l’impasse avant la nouvelle campagne. Il y a donc urgence.

L’ensemble de la profession demande que, malgré le refus réitéré de l’Europe, la France exige et obtienne de celle-ci un volume de distillation de 8 millions d’hectolitres à 4 euros au minimum. C’est la seule solution pour enrayer l’effondrement du marché et passer le cap des vendanges de 2006. Les viticulteurs sont à bout : ça ne peut plus durer.

Alors même que l’Espagne ne cesse de planter et nous envoie sa surproduction − 5 millions d’hectolitres −, c’est encore la France qui est directement visée par le nouveau plan de la commissaire européenne chargée de l’agriculture.

M. Jean Leonetti. La question !

M. François Liberti. Ce plan annonce la suppression totale de la distillation, préconise l’arrachage de 400 000 hectares − soit l’équivalent de la moitié des vignobles français −, préconise d’éliminer, au lieu d’aider, les exploitants en difficulté, s’attaque aux appellations contrôlées, faisant ainsi du vin un produit Coca-Cola et ouvrant la porte aux trafics et aux fraudes. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le but affiché est clair : accélérer une restructuration menée par des groupes financiers, parmi lesquels figurent les grandes marques de spiritueux qui plantent de la vigne à travers le monde.

Monsieur le ministre, vous le savez, les viticulteurs sont attachés à leur terre, à leurs vignes, à leur travail qui protège l’environnement, façonne et aménage le territoire depuis des décennies et a fait de cette culture ancestrale un fleuron de la France dans le monde. Comment comptez-vous vous opposer à ce plan de destruction ? Comment comptez-vous agir auprès de l’Union européenne afin d’obtenir la distillation que, pour ne pas mourir, exigent les viticulteurs ?

M. le président. Monsieur Liberti, pouvez-vous poser votre question ?

M. François Liberti. Quelles mesures structurelles la France va-t-elle défendre auprès des institutions européennes pour préserver les potentialités de notre viticulture, afin que les exploitants puissent enfin vivre dignement de leur travail ? Monsieur le ministre, il y a urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. M. le ministre a compris et, comme il y a urgence, il va vous répondre tout de suite.

La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur Liberti, vous avez raison, la crise que traverse actuellement la viticulture dans le Languedoc, dans le Roussillon et dans d’autres régions françaises est grave.

M. Thierry Mariani. Absolument !

M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Sur tous les bancs de cette assemblée, comme vous, vos collègues s’en font à juste titre les porte-parole. Nous avons, pour notre part, réagi en prenant diverses mesures sociales et de trésorerie. Conscients de la difficulté de la situation, nous sommes prêts à renforcer la solidarité nationale.

Telle que la propose la Commission européenne, la réforme de l’organisation commune du marché vitivinicole que vous avez citée est inacceptable pour la France. C’est un plan de destruction, non un plan d’avenir. Il doit être retravaillé.

Enfin, nous attendions pour aujourd’hui une décision de la commission européenne − nous en avions parlé avec de nombreux députés de la majorité comme de l’opposition. Celle qui vient de nous être communiquée est également inacceptable. Alors que nous avions demandé une distillation à 3 euros pour 2 millions d’hectolitres de vins de table et une distillation à 5 euros pour 2 millions d’hectolitres d’AOC, on nous fait des propositions bien insuffisantes : 1,91 pour 1,5 million d’hectolitres de vins de table et 3 euros pour les AOC.

Le Premier ministre m’a demandé de trouver dans les vingt-quatre heures les moyens supplémentaires pour compenser l’action de l’Europe qui n’est pas à la hauteur de la situation. Dans les vingt-quatre heures, j’annoncerai donc les mesures complémentaires et, dès demain, en informerai tous les députés, afin qu’ils puissent se faire l’écho, sur le terrain, des mesures de solidarité que le Gouvernement va prendre à la suite de cette déficience de la Commission européenne.

unitaid

M. le président. La parole est à M. Serge Roques, pour le groupe de l’UMP.

M. Serge Roques. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères.

Toutes les six secondes, le sida touche une personne de plus dans le monde. Aujourd’hui, 2,3 millions d’enfants en sont atteints et plus de 6 millions de malades ont un besoin urgent de traitement, alors que 1 million seulement y a accès.

En Afrique, toutes les trente secondes, un enfant meurt des conséquences du paludisme, alors qu’un traitement efficace et immédiat peut réduire la mortalité de 50 %. Chaque année, sur ce même continent, 500 000 décès sont provoqués par la tuberculose.

L’injustice qui frappe les enfants est, par nature, la plus intolérable, la plus insupportable. Tout le monde connaît et déplore cette situation, mais beaucoup la jugent sans remède et finissent donc par l’admettre de fait. Ce n’est pas notre cas. Le 22 décembre dernier, sous l’impulsion du Président de la République, nous avons approuvé la création d’une contribution sur les billets d’avion, destinée à lutter contre les pandémies dans les pays en voie de développement. Cette contribution entrera en vigueur dès le 1er juillet prochain. De nombreux pays sont prêts à l’adopter. Nous pouvons en être fiers : la France, qui, depuis des siècles, est le pays des droits de l’homme, retrouve sa vocation et son génie propre, qui l’ont toujours poussée à être à l’avant-garde des grandes causes humaines mondiales. Elle va pouvoir le faire grâce à UNITAID, dont je suis heureux de porter l’insigne au poignet.

Monsieur le ministre, pouvez-vous détailler les mesures qui ont été actées, vendredi, sous l’impulsion du Brésil et de la France, lors de la conférence de l’ONU sur le sida, et la manière dont les fonds récoltés par cette contribution seront employés pour lutter contre les épidémies qui déciment les enfants des pays les plus pauvres de la planète ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député Roques, parmi les grands sujets de politique étrangère, qui mettent en cause la stabilité du monde, il en est un dont on ne parle pratiquement jamais, mais qui est peut-être le plus dangereux : la grande pauvreté, essentiellement dans les pays du Sud. Le fossé séparant les pays riches, qui le sont de plus en plus, et les pays pauvres, qui stagnent, ne cesse de s’élargir. La première conséquence en est le problème de santé publique, qui se traduit par les trois pandémies dont vous avez parlé.

Ainsi 90 % des nouvelles infections sont constatées dans les pays du Sud. Les médicaments sont au nord ; les malades et les morts sont au sud. C’est la raison pour laquelle, il y a deux ans, à Genève, le président Lula et le président Chirac ont proposé des financements nouveaux, durables, pérennes, qui s’ajoutent au budget de l’aide publique au développement. Avec cet argent, il a été décidé de créer une centrale d’achat de médicaments, UNITAID. Lancée, au départ, par quatre pays, elle a bientôt été soutenue par quatorze, puis par quarante-trois pays.

Elle s’est fixé deux objectifs. D’une part, elle entend demander à l’industrie pharmaceutique de casser les prix des médicaments, en particulier contre la tuberculose, le paludisme et le sida, pour que, enfin, les pays pauvres aient accès aux traitements. D’autre part, elle veut encourager la fabrication de médicaments qui, à l’heure actuelle, n’existent pas, notamment pour les enfants : ainsi, l’industrie pharmaceutique ne produit-elle pas de formes pédiatriques pour le sida, alors que, chaque jour, 2 000 enfants des pays du Sud sont contaminés par le virus.

Il ne s’agit pas seulement d’un sujet sanitaire ou moral, mais d’un sujet politique majeur, lié aux problèmes d’immigration ou à ce désespoir qui, dans l’Afrique subsaharienne et dans le Sahel, par exemple, peut alimenter tous les foyers de terrorisme.

Je vous remercie de votre question, monsieur le député, et vous répète que la France est le premier pays au monde à avoir adopté cette taxe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

rénovation urbaine

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas, pour le groupe de l’UMP.

M. Jean-Pierre Nicolas. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Pierre Brard. Harry Potter ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Nicolas. Monsieur le ministre, le programme national de rénovation urbaine du plan de cohésion sociale a commencé à transformer en profondeur la physionomie de certains de nos quartiers, permettant à nombre de nos concitoyens de retrouver espoir, car chacun sait combien le logement peut être un formidable ascenseur social ou, au contraire, un terrible discriminant.

Manifestement, les premiers effets sont au rendez-vous, mais vous avez décidé de compléter et de renforcer le programme initialement prévu, en tenant compte des nouvelles et légitimes aspirations de nos concitoyens. Je le constate chaque jour à Évreux, avec le maire, en dépit de l’obstruction de certains bailleurs sociaux.

Vous avez récemment signé, avec la Banque européenne d’investissement, un protocole d’accord de financement de 500 millions d’euros. Cet accord vient compléter la concertation menée par le Gouvernement avec les partenaires sociaux sur la prolongation et l’amplification du plan national de rénovation urbaine pour transformer les quartiers les plus dégradés.

Les partenaires sociaux regroupés au sein de l’UESL se sont ainsi engagés à intensifier leur participation au financement de ce plan, en la portant de 2,5 milliards à 5 milliards d’euros sur la période 2004-2013.

Cet engagement s’ajoute aux 5 milliards d’euros que l’État a d’ores et déjà mis à disposition de l’ANRU, portant sa capacité de subvention à 10 milliards d’euros.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous faire le point sur le développement du programme national de rénovation urbaine, nous indiquer notamment les moyens dont dispose l’ANRU et, surtout, nous informer sur l’ampleur des travaux de rénovation engagés, qui ont déjà permis de changer profondément le cadre de vie de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, je sais que vous suivez attentivement ce dossier, et notamment celui de la Madeleine, à Évreux, qui est l’un de ces quartiers en pleine transformation, pour un programme de modification de près de 195 millions d’euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le programme national de rénovation urbaine intéresse les trois quarts des députés, dont, évidemment, le président de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. − Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Il y a trente ans ont été construits dans l’urgence, dans 400 villes, 700 cités en rupture avec le reste de la ville. Peu à peu, ces quartiers ont été laissés à l’abandon et la ségrégation territoriale est devenue ségrégation sociale, parfois même ségrégation ethnique. C’est la raison pour laquelle a été lancé, il y a deux ans, cet énorme programme de rénovation urbaine visant à transformer radicalement les logements, l’habitat, l’enclavement, les espaces publics, pour réintégrer les quartiers dans le reste de la ville ou de l’agglomération.

À l’origine, nous avions identifié 200 quartiers prioritaires : 150 conventions ont été signées, mais 200 autres villes ont également fait acte de candidature. Ainsi, le programme de 20 milliards, pour 200 quartiers, s’est transformé en un programme de 30 milliards, pour 400 villes et 700 quartiers, certaines villes comportant plusieurs quartiers. Cet accord a été signé la semaine dernière, grâce aux partenaires sociaux et à la Banque européenne d’investissement qui augmentent respectivement leur participation de 2,4 milliards d’euros et 500 millions d’euros.

Des travaux de transformation radicale ont d’ores et déjà démarré dans 150 quartiers. Dans 300, ils auront démarré pour l’été. L’intégralité du programme sera lancée avant la fin de l’année. Toutes les cités des 400 villes concernées constateront un changement radical dès la fin de cette année. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Merci, monsieur le ministre. Il vous restait encore quelques secondes pour parler d’Évreux. (Sourires.)

gaz de france

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le groupe socialiste.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Les ménages et les entreprises constatent tous les jours une augmentation excessive du prix de toutes les énergies. Pétrole, gaz, électricité : la facture est de plus en plus lourde, pesant sur le pouvoir d’achat des ménages et mettant en péril la compétitivité des entreprises. La privatisation d’EDF se traduit par l’explosion de 60 à 80 % du prix de l’électricité pour les entreprises − triste record, unanimement dénoncé par notre commission des finances.

Face à cette situation, soit vous restez passifs, en refusant la TIPP flottante et la taxation des entreprises pétrolières, soit vous pratiquez la fuite en avant, en accélérant la libéralisation totale du marché. Au mépris de l’engagement solennel pris par M. Sarkozy quand il était ministre des finances − mais qui paraît l’avoir oublié depuis −, vous voulez privatiser GDF. Pour cela, vous utilisez un faux prétexte. Il n’est pas vrai que vous privatisez GDF pour empêcher une OPA sur Suez. Vous n’osez même plus avancer cet argument.


Monsieur le Premier ministre, l’énergie n'est pas une marchandise comme les autres. C’est un bien de première nécessité. Une politique publique digne de ce nom ne peut se faire avec autant d’improvisation.

Ma question sera donc simple et claire – et j’espère que votre réponse le sera aussi : allez-vous entendre les inquiétudes de nos concitoyens, des chefs d’entreprise, des salariés, et renoncer à la privatisation de GDF ? Ou allez-vous poursuivre votre politique de démantèlement du secteur public de l’énergie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Monsieur Bonrepaux, ma réponse sera tout aussi simple.

M. Augustin Bonrepaux. Ma question s’adressait au Premier ministre !

M. le ministre délégué à l’industrie. Ce qui se passe sur le marché mondial de l’énergie nécessite des opérateurs forts, capables d’assurer la sécurité de l’approvisionnement de notre pays dans de bonnes conditions, notamment au niveau international. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

De la polémique, moi aussi je peux en faire ! Mais si voulez-vous une réponse,...

M. Henri Emmanuelli. Sur les prix du gaz !

M. le ministre délégué à l’industrie. ...laissez-moi alors intervenir car l’énergie est un domaine très important, qui préoccupe tous nos concitoyens. Vous savez bien d’ailleurs que nous apportons les réponses aux questions que vous posez.

M. Augustin Bonrepaux. Répondez alors !

M. le ministre délégué à l’industrie. S’agissant de Gaz de France et de Suez, nous avons deux objectifs. D’abord avoir un véritable champion de l’énergie et donner les meilleures chances à nos entreprises dans ce domaine. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Répondez à ma question !

M. le ministre délégué à l’industrie. Ensuite, avoir un service public de l’énergie capable d’assurer la sécurité de l’approvisionnement, et dont l’État reste le premier actionnaire. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Ne parlez pas de services publics : vous les démantelez !

M. le ministre délégué à l’industrie. Puisque, décidément, vous voulez la polémique, vous l’aurez ! Quel est le gouvernement qui a augmenté les prix de 30 % entre 2000 et 2001 ? C’est vous ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Quel est le gouvernement qui a empêché EDF d’investir dans le nucléaire ? (« Le même ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est vous ! Alors, nous, aujourd’hui, nous réparons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Union européenne et Iran

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe de l’UMP.

M. Jacques Desallangre. La voix de l’Amérique !

M. Pierre Lellouche. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Jacques Desallangre. Washington nous parle !

M. Pierre Lellouche. Monsieur le ministre, hier matin, 6 juin, M. Javier Solana, Haut représentant de l'Union européenne, a présenté à Téhéran l'offre des « 5+1 » – les 5 membres permanents du Conseil de sécurité plus l'Allemagne – invitant la République islamique d'Iran à cesser ses activités liées à l'enrichissement de l'uranium et au retraitement du plutonium.

Les inspecteurs de l’AIEA ont découvert ces dernières années sur le terrain certains indices démontrant clairement l'existence d'un programme nucléaire clandestin – désormais semi-clandestin ! – de maîtrise du cycle du combustible,...

M. Jean-Claude Lefort. C’est faux !

M. Pierre Lellouche. ...qui, en l'absence de toute centrale électro-nucléaire civile en fonctionnement dans le pays, ne peut avoir d'autre finalité que militaire.

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes un clone de Bush !

M. Pierre Lellouche. Au train où vont les choses, l'Iran pourrait posséder jusqu'à 3 000 centrifugeuses avant la fin de cette année et pourrait produire ce que l'AIEA appelle une « quantité significative » d'uranium enrichi – soit entre 25 et 30 kilos – dans les douze mois suivants. Autrement dit, à la fin de l'année 2007, la matière nécessaire à la fabrication d'une première arme pourrait être disponible.

Ce qu'il est désormais convenu d'appeler la « crise du nucléaire iranien » est donc, il faut en être conscient, au moins aussi grave que celle des missiles à Cuba, qui, en 1962, avait conduit le monde au bord du gouffre. Une telle prolifération, loin de conforter un statu quo d’ailleurs inexistant au Proche-Orient, ne pourrait qu'aggraver les risques d'embrasement et la prolifération elle-même dans d’autres pays de la région, de la Turquie aux pays arabes voisins, sans parler des risques qui pèseront sur les villes européennes, qui seront rapidement à portée de missiles balistiques iraniens.

Ces derniers mois, l'Iran n'a cessé de gagner du temps, refusant de stopper ses activités d'enrichissement, multipliant les menaces de rétorsion vis-à-vis de l'Occident – sans parler des menaces d'éradication vis-à-vis de l'État d'Israël. C'est ainsi que les activités de conversion de l'uranium ont été reprises à Ispahan au mois d’août 2005, tandis que les centrifugeuses de Natanz étaient mises en route au début de cette année.

Ces derniers jours, les hauts dirigeants du régime iranien, dont l'Ayatollah Khamenei, le guide suprême, n'ont manifesté aucune disposition au compromis, indiquant même qu'il n'était « pas possible d'accepter les pots-de-vin de l'ennemi ».

Ma question, monsieur le ministre, portera donc sur plusieurs points.

Pouvez-vous aujourd'hui en dire davantage à la représentation nationale sur le contenu de l'offre des « 5+1 » ? La presse s'est faite l'écho d'offres particulièrement généreuses, qui incluraient la construction de centrales nucléaires civiles et la livraison garantie de combustible,...

M. le président. Monsieur Lellouche, je vous prie de bien vouloir conclure.

M. Pierre Lellouche. Je termine, monsieur le président.

...la livraison de pièces détachées et de matériel aéronautique et le soutien à la candidature de l'Iran à l'OMC.

Pouvez-vous nous dire également ce qui est prévu au cas où l'Iran refuserait cette offre et quelles sont les initiatives que compte prendre la France dans ce dossier difficile ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur Pierre Lellouche, dans le dossier iranien, deux événements majeurs viennent de se dérouler cette semaine.

Pour la première fois, les Américains...

M. Jean-Pierre Brard. Qu’il connaît bien !

M. le ministre des affaires étrangères. ...ont accepté d’être derrière la proposition européenne faite à l’Iran, à condition, ce qui est excessivement important, que les Iraniens suspendent les activités nucléaires sensibles.

Le second événement s’est déroulé le 1er juin à Vienne lorsque les Russes, les Chinois, les Européens et les Américains se sont mis d’accord sur des propositions positives dans le domaine de l’énergie nucléaire civile mais aussi sur le plan commercial. Le but est de faire revenir l’Iran à la table de négociation.

C’est la raison pour laquelle Javier Solana s’est rendu hier à Téhéran, associé aux responsables politiques russes, allemands, britanniques et français. Il vient de rentrer et nous a dit que l’entretien avait été constructif.

Aujourd’hui, ce qui répondra précisément à votre question, l’Iran est devant ses responsabilités. Ou bien il accepte de revenir à la table de négociation en regardant ces propositions, et il devra alors – car un véritable problème de confiance se pose – adresser tous les signes susceptibles de redonner confiance à la communauté internationale. Ou bien il rejette ces propositions sans même les regarder, mais il faut alors savoir qu’à Vienne, à côté des propositions positives, nous nous sommes également mis d’accord sur des sanctions possibles. Et cela se verra au Conseil de sécurité des Nations unies. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany. Pourquoi n’applaudissent-ils pas plus ?

Enfants gravement handicapés

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe de l’UMP.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, vous avez présenté une réforme nécessaire et exigeante de la protection de l'enfance afin d'assurer à chaque enfant les meilleures conditions d'épanouissement affectif, psychique, intellectuel et physique. Pourtant, de trop nombreux enfants handicapés, victimes de maladies orphelines gravement invalidantes, souffrent aujourd'hui d'un déficit de prise en charge. Pour ces enfants atteints de détérioration psychomotrice sévère, l'hospitalisation est souvent la seule solution, et les personnels soignants font alors tout leur possible pour prendre en charge ces jeunes malades.

Mais certaines familles refusent cette hospitalisation afin d'offrir à leur fils ou à leur fille une fin de vie la plus heureuse possible. En effet, lorsqu'un enfant n'a plus que quelques années ou quelques mois à vivre, l'amour et le soutien de ses parents, de ses frères et sœurs, de son entourage, constituent un cadre indispensable à son bien-être.

Ce choix est néanmoins très difficile. Il impose aux parents des contraintes toujours plus lourdes : suspension de leur activité, intervention journalière de plusieurs professionnels de santé – médecin, kinésithérapeute, infirmière, entre autres –, achat de matériel médical spécifique et coûteux, rémunération d'une employée de maison pour faire face au quotidien.

Outre la perte de revenus qu'elle subit, la famille est soumise à une fatigue et à un stress permanents, notamment lorsque l'enfant a besoin de soins jour et nuit. Les services d'aides-soignants et de gardes de nuit seraient alors indispensables, mais une telle mise en place par les caisses primaires d'assurance maladie est impossible à ce jour. En effet, elle n'existe que dans le cadre du maintien à domicile d'une personne âgée. Pour un enfant, cette participation financière est prévue uniquement lorsqu'il est hospitalisé, alors que cette solution est nettement plus onéreuse que son maintien à domicile.

Les maisons départementales des personnes handicapées sont aujourd'hui en charge de la mise en œuvre du droit à la compensation du handicap. Monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale les mesures que vous comptez mettre en œuvre afin d'aider ces familles en détresse matérielle et morale et, ainsi, de permettre à ces enfants gravement malades de connaître une fin de vie la plus sereine possible ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le député, nous connaissons tous des familles en profonde détresse du fait de la très grave maladie ou d’un très sérieux handicap d’un enfant. Cette situation de détresse est plus terrible encore quand elle doit être assumée par une femme seule, sans que le père participe à la charge. Pourtant, nombre de familles acceptent de se consacrer à plein-temps à ces enfants. Que faire donc pour leur venir en aide ?

Il y a bien sûr l’hospitalisation à domicile et les services de soins infirmiers à domicile. Ces derniers ont d’ailleurs fait l’objet d’un énorme effort puisque nous avons augmenté de 16 000 le nombre de places depuis 2004, tandis que celles liées à l’hospitalisation à domicile, qui étaient de 5 000 en 2004, sont aujourd’hui de 8 000 et seront de 15 000 en 2010.

M. Augustin Bonrepaux et M. Alain Néri. Qui paye ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Mais ce n’est pas tout. Il faut aussi aider les familles sur le plan financier.

M. Christian Bataille. Baratin !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. L’allocation d’éducation spéciale a été revalorisée récemment pour les mères qui élèvent seules un enfant. En outre, la nouvelle allocation de présence parentale – qui accompagne le congé pour enfant gravement malade – a fait l’objet d’un décret publié avant-hier – mais dont les dispositions sont applicables depuis le 1er mai dernier grâce à une mesure rétroactive – qui améliore la situation au profit tant des femmes seules que des familles puisque cette allocation peut être versée pendant 310 jours ouvrés, soit quatorze mois de congé pris sur une période de trois ans. Quant aux soins apportés aux enfants, ils sont bien entendu remboursés à 100 %.

M. Alain Néri et M. Augustin Bonrepaux. Qui paye ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Enfin, la prochaine Conférence de la famille, consacrée à « l’aide aux aidants » aura notamment à débattre des possibilités de suspension du contrat de travail, des droits à la retraite, de la formation des aidants familiaux et de la validation des acquis de l’expérience accumulée auprès de l’enfant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Enfants sans papiers

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, hier, deux policiers sont venus chercher, dans l’école maternelle Julien-Pesche au Mans, deux frères kurdes, âgés de trois ans et demi et six ans, dont la mère est en cours de reconduite à la frontière, bien qu’elle ait déposé une demande d’asile politique. Cet arrachement brutal d’enfants à la collectivité scolaire à laquelle ils sont intégrés est humainement intolérable.

Cet épisode dramatique suscite auprès des élus, des enseignants, des parents d’élèves, des collectifs de soutien qui, depuis de longs mois, se mobilisent partout en France pour protéger les enfants menacés, mais aussi de l’ensemble des Français (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) bouleversés par les images de tels événements, une indignation et une réprobation aussi unanimes que légitimes. (« Démago ! » sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Dans le même temps, monsieur le ministre d’État, vous annonciez au Sénat la régularisation des parents d’enfants nés en France ou arrivés très jeunes et scolarisés dans notre pays dès la maternelle. Vous avez même déclaré qu’il « serait très cruel de reconduire de force un enfant étranger : son départ serait vécu comme une expatriation, un déracinement. »

Face à cette nouvelle contradiction entre vos paroles et les faits, vous comprendrez que l’on soit troublé et que l’on puisse s’interroger sur votre sincérité. Quelle crédibilité accorder en effet à des propositions qui ne concerneront, semble-t-il, que moins de 2 % des enfants menacés ?


S’agit-il d’un nouvel effet d’annonce uniquement destiné à masquer l’impasse de la politique d’immigration de ce gouvernement, impasse que vous avez d’ailleurs vous-même illustrée en faisant voter deux lois sur l’immigration en moins de trois ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Ghislain Bray. Parlez-en à Ségolène !

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député, vous m’interrogez, et c’est votre droit…

M. Patrick Lemasle. Heureusement !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. ... sur ma sincérité. Permettez-moi de m’interroger, avec tout le respect que je vous porte, sur votre compétence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Derosier. Vous n’avez que l’insulte à la bouche !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Et je vais m’en expliquer d’un mot, s’agissant des enfants kurdes.

J’avais cru comprendre, mais peut-être m’étais-je trompé, que l’engagement du parti socialiste en faveur de l’Europe était un engagement constant. Or il se trouve que nous avons appliqué strictement une convention européenne, la convention de Dublin, qui prévoit que lorsqu’un étranger dépose une demande d’asile politique, cette demande doit être instruite dans le pays où elle a été déposée. Permettez-moi de rappeler ce qui s’est passé avec cette famille, car la mauvaise foi doit avoir des limites et l’honnêteté exige que cela soit porté à la connaissance des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Cette famille a déposé une demande d’asile politique en Norvège. La Norvège est un pays européen, un pays démocratique. L’application stricte de la convention de Dublin m’amène donc à demander que cette famille soit reconduite en Norvège et à la Norvège d’instruire cette demande d’asile politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Tout européen convaincu que peut agir qu’ainsi. Toute autre position traduirait soit de l’incompétence, ce que je ne veux pas croire, soit de la mauvaise foi.

M. Jean-Claude Lefort. La Norvège ne fait pas partie de l’Union européenne !

M. Henri Emmanuelli. Lamentable !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Plus généralement, sur le sort des enfants sans papiers, nous devrions rechercher le consensus plutôt que de nous chamailler.

L’inscription dans nos écoles est de droit : aucun directeur d’école, aucun maire, ne peut refuser l’inscription scolaire. Si vous donnez la nationalité française ou un visa de long séjour à toute famille dont les enfants sont inscrits à l’école, vous créez, mesdames et messieurs les députés, une nouvelle filière d’immigration légale que vous ne contrôlerez pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Pour une raison simple : l’inscription à l’école étant de droit, l’acquisition de la nationalité française ou d’un visa de long séjour serait également de droit.

M. Patrick Lemasle. Ce n’est pas la question !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. J’ai donc demandé, après m’être entretenu avec Dominique de Villepin et avec son accord, que les enfants qui n’avaient aucun lien avec leur pays d’origine puissent rester en France. Je constate une chose, monsieur Bacquet : après que Mme Royal m’a trouvé pas assez ferme, voilà que vous ne me trouvez pas assez humain ! Décidément, il est dur de suivre le parti socialiste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart. Double langage !

modernisation de la fontion publique

M. le président. La parole est à M. Daniel Poulou, pour le groupe de l’UMP.

M. Daniel Poulou. Monsieur le ministre de la fonction publique, vous avez présenté ce matin en conseil des ministres le projet de loi de modernisation de la fonction publique. Ce projet concerne les agents des trois fonctions publiques : la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

On a longtemps reproché à la fonction publique la lourdeur de sa gestion, ses difficultés de mobilité, la lenteur de ses carrières et les archaïsmes de ses cloisonnements. Le prochain départ à la retraite de nombreux fonctionnaires devrait être l’occasion d’apporter une réponse aux questions que je viens d’évoquer. Aussi vous serais-je reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir indiquer à la représentation nationale quels progrès peuvent espérer de ce projet les agents de la fonction publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique.

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Monsieur le député, vous avez souligné à juste titre trois blocages qui existent aujourd’hui dans la fonction publique, notamment en matière de mobilité et d’évolution de carrière des agents de la fonction publique. Une rénovation, surtout des déroulements de carrière des agents, était nécessaire. C’est ce que nous faisons, avec plusieurs mesures.

Tout d’abord, nous proposons de mettre en place la reconnaissance des acquis de l’expérience. Aujourd’hui, les agents sont bloqués dans leur progression de carrière parce que les concours sont trop administratifs. Grâce à la reconnaissance et à la validation de leur expérience, ces agents pourront avancer plus facilement dans leur carrière.

Ensuite, nous allons faciliter la mobilité d’une administration à une autre, non seulement au sein des trois fonctions publiques mais également, au sein même de la fonction publique d’État, d’un ministère à l’autre. Cette avancée a été rendue possible grâce au travail que nous avons réalisé avec les partenaires sociaux, notamment aux accords signés avec la CFDT, avec la CFTC, avec l’UNSA-Fonctionnaires. Si, aujourd’hui, les agents de la fonction publique retrouvent cette mobilité, cette progression dans leur pouvoir d’achat, cette possibilité de déroulement de carrière, c’est parce que nous avons fait du bon travail avec les partenaires sociaux, ce que le gouvernement précédent, de gauche, avait été incapable de faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

prix de l'électricité

M. le président. La parole est à M. Alain Cousin, pour le groupe de l’UMP.

M. Alain Cousin. Monsieur le ministre délégué à l’industrie, alors que l’ouverture des marchés et le développement de la concurrence devraient faire baisser les prix au profit des consommateurs, force est de constater que l’électricité semble échapper à cette règle économique.

M. Augustin Bonrepaux. C’est vrai !

M. Alain Cousin. Depuis deux ans, les prix de l’électricité sont en très forte augmentation pour nos entreprises. Nombre d’entre elles en souffrent, sans comprendre ce qui justifie de telles hausses de prix, de l’ordre de 60 à 80 %. Leur compétitivité s’en trouve entravée.

Paradoxalement, ce sont les entreprises qui sont restées au tarif réglementé qui bénéficient aujourd’hui des meilleurs prix.

Monsieur le ministre, ma question est double : quelles actions envisagez-vous afin de limiter la hausse des prix de l’électricité pour ces entreprises et leur permettre – pourquoi pas ? – de revenir, pour certaines d’entre elles, au marché régulé ? Par ailleurs, comment comptez-vous protéger les consommateurs contre ces hausses lors de l’ouverture complète du marché à la concurrence le 1er juillet 2007 ? Ne pourrait-on envisager de permettre à ces consommateurs de ne pas se retrouver sur le marché dérégulé, comme le demande le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Monsieur le député, tous nos concitoyens sont en effet préoccupés par l’augmentation des prix des énergies.

M. Augustin Bonrepaux. Que proposez-vous alors ?

M. le ministre délégué à l’industrie. Mais, pour nos concitoyens, le coût de l’électricité n’a pas augmenté. En effet, dans le contrat de service public que nous avons passé avec EDF, il est prévu que les augmentations d’EDF sont limitées à l’inflation et je rappelle qu’aucune augmentation n’est intervenue depuis le début de l’année dernière.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre délégué à l’industrie. Le problème nécessite cependant une réponse structurelle, c’est certain. Il faut plus d’investissements, et c’est pourquoi nous avons demandé, en contrepartie de l’ouverture du capital d’EDF, que 30 milliards d’euros soient investis dans le développement des capacités et des interconnexions. Cela permet d’avoir plus d’électricité disponible, donc une concurrence plus importante, donc des prix qui peuvent diminuer. Mais cette action est de nature structurelle, ses effets ne sont pas immédiats, même si 30 milliards sur trois ans représentent une somme considérable.

Pour les très gros consommateurs, nous avons ouvert, grâce à un amendement que vous avez voté à la fin de l’année dernière, la possibilité de s’organiser et d’acheter de l’électricité sur quinze, vingt ans, à travers un consortium. Ce dispositif est en place, il permet à toutes les entreprises qui sont de très gros consommateurs de disposer de tarifs très intéressants.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas vrai !

M. le ministre délégué à l’industrie. Pour les consommateurs qui ont quitté le tarif pour passer au marché libre, il faut savoir que, alors que le prix du marché était, au départ, plus bas que le tarif, il est aujourd’hui plus élevé. J’ai réuni les opérateurs, les producteurs, il y a quelques semaines. Ils ont accepté de ne pas répercuter les hausses, en particulier ce qui est lié à l’effet « gaz carbonique » et d’offrir des opportunités beaucoup plus intéressantes aux entreprises qui souscrivent des contrats de trois ans, cinq ans ou dix ans.

Enfin, pour les consommateurs qui restent au tarif, nous avons confié au Conseil supérieur de l’électricité et du gaz, présidé par votre collègue Jean-Claude Lenoir, une évaluation de ce qu’il y a lieu de faire le 1er juillet de l’année prochaine, pour la dernière étape de la libéralisation des marchés. Aujourd’hui, nous sommes sur une trajectoire qui devrait permettre de conserver le tarif pour l’ensemble des consommateurs au-delà du 31 décembre 2007. Cela permettra à toutes les entreprises qui sont au tarif de conserver le même prix sur la durée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Toutes ces mesures sont extrêmement avantageuses et nous aurons l’occasion d’en reparler longuement la semaine prochaine lors du débat sur l’énergie que le Gouvernement a demandé au Parlement d’organiser. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

engagement national pour le logement

Communication relative à la désignation
d’une commission mixte paritaire

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m’informant qu’il avait décidé de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement.

Modification du règlement
de l’Assemblée nationale

Suite de la discussion de propositions
de résolution

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion des conclusions de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur les propositions de résolution nos 2791 à 2801 de M. Jean-Louis Debré tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais d’abord rendre hommage au président de cette assemblée.

M. le président. Nous le lui transmettrons.

M. Hervé Morin. De tous les présidents de l’Assemblée nationale que nous avons eus depuis 1958, Jean-Louis Debré a probablement été celui, avec le président Séguin, qui s’est le plus investi dans le fonctionnement de notre maison…

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées, rapporteur pour avis. Ce n’est pas gentil pour les autres !

M. Hervé Morin. …pour améliorer ses conditions de travail, défendre les droits du Parlement et faire en sorte que ce dernier puisse, dans le cadre très contraint de la Ve République, débattre dans des conditions ou opposition et majorité sont respectées.

Il est donc logique que, dans le cadre du travail qu’il a effectué durant ces quatre ans, il y ait un certain nombre de propositions de résolution pour moderniser quelques éléments de notre règlement. Toutes n'étaient pas recevables, mais au moins méritaient-elles un autre sort, monsieur le rapporteur, que celui qui leur a été fait, car, in fine, le texte qui sort des travaux de la commission des lois est extrêmement décevant.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Ah !

M. Hervé Morin. Les principaux éléments positifs ont disparu et malheureusement des éléments négatifs sont apparus.

Pour ne citer que l'essentiel, deux éléments positifs ont disparu : d’une part, la fusion de la commission de la défense et de la commission des affaires étrangères, et sa conséquence qui était la scission de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,...

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Ce n’est pas grave.

M. Hervé Morin. …d’autre part, la mise en place d'une procédure pour examiner le caractère législatif ou réglementaire des textes qui nous sont soumis.

En ce qui concerne le premier point, les armées ont certes leur problématique propre – comme tout corps social – mais leurs préoccupations peuvent tout à fait être examinées dans le cadre d'une commission commune « affaires étrangères et défense ». L’ensemble des questions qui sont abordées au sein de la commission de la défense pourraient d’ailleurs tout à fait l’être dans le cadre d’une commission conjointe.


Chacun sait à quel point, dans le monde moderne, défense et politique étrangère sont liées. Certes, elles l’ont toujours été depuis Rome, mais elles le sont plus encore aujourd’hui dans un monde multipolaire où les interventions militaires sont le plus souvent décidées dans le cadre d’organisations internationales, qu’il s’agisse de l’ONU, de l’Union européenne ou de l’OTAN. Le maintien d’une force capable d’intervenir de différentes manières, de l’humanitaire à l’opération militaire « classique », est essentiel à la crédibilité de notre politique étrangère.

En ex-Yougoslavie, en Côte d’Ivoire ou en Asie centrale, c’est sous mandat international que nos forces sont présentes. A l’exception des forces dites de permanence, comme à Djibouti, la plupart des 33 000 hommes présents hors de nos frontières le sont sous divers mandats et notamment dans le cadre de négociations diplomatiques au sein de l’ONU.

M. Charles Cova. Et alors !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Cela ne change rien !

M. Hervé Morin. La gestion des crises, la reconstruction de pays détruits par des guerres civiles, la lutte contre le terrorisme, la gestion des conflits, des opérations humanitaires, tout cela relève autant de la défense que de la politique étrangère. Notre défense participe à cette politique ; elle en est même l’un des instruments majeurs.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Tout est dans tout !

M. Hervé Morin. D’ailleurs, c’est tellement vrai que lors des crises, comme la guerre au Koweït ou la crise dans les Balkans, la commission des affaires étrangères et la commission de la défense tenaient des réunions communes.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Et alors ! Cela prouve que nous sommes intelligents !

M. Hervé Morin. Et j’irai plus loin dans le détail : des questions que l’on estime généralement relever de la défense, comme celles du concept de dissuasion et des forces qui la composent, procèdent d’une analyse conjointe « défense-politique étrangère ». C’est à partir de l’évaluation des menaces et des risques, de la vision de l’architecture globale du monde et de son organisation future, de l’espace d’évolution de notre pays et de ses alliances, comme par exemple la place que l’on fait à la construction européenne dans le cadre de notre politique de défense, que peut s’effectuer une analyse de notre force de dissuasion et de sa doctrine. On pourrait le dire sur chaque grande composante de notre défense et sur toutes les questions d’ordre stratégique qui occupent autant la commission des affaires étrangères que la commission de la défense.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Pas du tout !

M. Hervé Morin. D’ailleurs, ce n’est pas par hasard que l’on parle non plus du ministère des armées ou du ministère de la défense nationale, mais du ministère de la défense. Nous savons très bien, en effet, que la défense participe activement et de façon considérable à la présence d’une diplomatie conséquente sur la scène internationale. Bref, il y avait là une évolution intelligente…

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Mais réductrice !

M. Hervé Morin. …de notre architecture des commissions permanentes qui permettait, en plus, de scinder en deux la commission des affaires sociales dont le spectre et la charge de travail sont considérables, notamment depuis l’examen du budget de la sécurité sociale par notre assemblée à la suite de la réforme Juppé.

M. Charles Cova. C’est vrai !

M. Hervé Morin. Une autre proposition de Jean-Louis Debré aurait mérité d’être retenue : celle de la recevabilité des textes au titre des articles 34 et 37 de la Constitution. On sait à quel point nos lois sont polluées par des dispositions réglementaires, que cela soit du fait du Gouvernement – au moins un tiers des articles du projet de loi sur la réforme de l’assurance maladie relevaient du domaine réglementaire, voire parfois de celui de la circulaire – ou du fait des parlementaires eux-mêmes. Je vous rappelle que la loi d’orientation agricole ou la loi sur l’eau, qui ont été votées avec une cinquantaine d’articles supplémentaires, recèlent des trésors de dispositions réglementaires.

Ainsi a-t-on inscrit dans la loi sur l’eau que les navires de plaisance équipés de toilettes devaient être munis de réservoirs destinés à recueillir les déchets organiques . Peut-on croire un seul instant que cela relève de la loi, qui, en vertu de l’article 34 de la Constitution, fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées à chaque citoyen et détermine les principes fondamentaux sur les autres sujets ?

La loi doit retrouver de sa force, donc de sa solennité, et pour cela elle ne doit pas être bavarde. Ce fatras de dispositions réglementaires amène d’ailleurs à dévaloriser la loi elle-même à tel point que l’on aboutit à un paradoxe : on finit par admettre que la loi peut traiter de tout et même de ce qui ne la regarde pas, comme de l’histoire. C’est parce qu’on a dévalué la loi qu’on se permet ce genre de chose.

La saisine préalable et pour avis du président de la commission des lois sur le caractère réglementaire des dispositions contenues dans un projet de loi, ou des amendements, aurait eu à mon sens un effet préventif et donc curatif extrêmement efficace.

L’examen par le président de la commission des lois n’aurait eu aucune conséquence juridique, mais aurait été, à coup sur, un progrès et aurait porté un coup d’arrêt à la logorrhée législative dans laquelle nous sommes tombés, avant l’indispensable évolution de notre Constitution, qui passe par la mise en place de l’équivalent d’un article 40 sur le respect du domaine de la loi et du règlement.

Dans ce texte, des éléments positifs ont disparu et, malheureusement, des éléments négatifs sont apparus ou devraient être maintenus.

Est ainsi apparue l’idée saugrenue de la déclaration de chaque groupe sur son appartenance à l’opposition ou à la majorité.

M. René Dosière. Cela visait l’UDF !

M. Hervé Morin. On fait ici appel à une notion adaptée à un régime purement parlementaire où se forment des majorités de coalition. Or, il ne vous a pas échappé, mes chers collègues, que la Ve République a donné la primauté à la majorité présidentielle. D’ailleurs, le quinquennat sec, contre lequel j’ai été heureux de voter, a renforcé la présidentialisation du régime en faisant de l’élection législative une élection seconde, subordonnée à l’élection présidentielle, une élection qui n’a plus de légitimité propre.

C’est une idée saugrenue, car la notion de majorité est relative et fluctuante. Je vous donne deux exemples.

Premier exemple : quand le RPR, en décembre 1979, refuse de voter le budget de Raymond Barre et l’oblige à mettre en œuvre l’article 49-3 de la Constitution, est-il dans l’opposition ? Pourtant, un peu plus d’un an plus tard, le même RPR soutiendra, avec la force que l’on sait, la candidature de Valéry Giscard d’Estaing au second tour de l’élection présidentielle !

Second exemple : quand le groupe communiste vote la censure à la suite de la création de la CSG, est-il dans l’opposition ? Pourtant, le parti communiste fera cause commune avec le parti socialiste lors du budget de 1992 et lors des élections législatives de 1993.

C’est une idée saugrenue, car on peut s’opposer à une politique menée par un gouvernement sans pour autant vouloir quitter une majorité présidentielle.

Cette déclaration d’appartenance à l’opposition ou à la majorité aurait pu avoir un sens si elle avait conduit au renforcement des droits de l’opposition, car c’est à partir de ce renforcement que la fonction de contrôle tant abandonnée par notre Parlement, et pourtant essentielle à la mise en œuvre des adaptations dont la France a besoin, retrouvera de la couleur. Eh bien, on nous propose de créer une déclaration d’appartenance à la majorité ou à l’opposition sans en tirer aucune conséquence sur les droits de l’opposition ! Il y avait une bonne intention de la commission des lois qui était de confier une présidence de commission à un membre de l’opposition, comme cela se fait dans la plupart des parlements européens, mais j’ai cru comprendre qu’on la mettrait en pièce lors du débat dans l’hémicycle.

M. René Dosière. C’est une disposition qui a déjà été supprimée en commission ce matin !

M. Hervé Morin. Enfin, cette déclaration d’appartenance est contraire à la Constitution non seulement parce que cette notion de majorité et d’opposition n’existe pas dans notre texte fondamental, mais surtout parce que celui-ci a organisé très clairement et très précisément les conditions dans lesquelles s’effectue la détermination de l’appartenance à la majorité parlementaire. Cette appartenance se fait non pas par une déclaration préalable, qui rappelle étrangement les pratiques de la IVe République, mais par un vote au titre de l’un des trois alinéas de l’article 49 de la Constitution : le 49-1 pour la question de confiance, qui, dois je vous le rappeler, n’est pas obligatoire lors de la formation d’un nouveau gouvernement, et les 49-2 et 49-3 sur la motion de censure. C’est ainsi que se détermine l’appartenance à la majorité ou à l’opposition parlementaire, et non pas par une quelconque déclaration préalable, qui, au demeurant, a d’autant moins de sens qu’elle n’a aucune conséquence sur les droits de l’opposition. Être dans la majorité ou dans l’opposition, ce sont des faits, des votes, ce ne sont pas des déclarations.

Enfin, était maintenue jusqu’à ce matin l’idée du crédit temps dans le cadre d’une nouvelle procédure, qui cachait bien mal son nom d’ailleurs, d’examen renforcé afin d’éviter la prolongation des débats et l’obstruction parlementaire.

M. René Dosière. C’était pour bâillonner l’opposition !

M. Hervé Morin. Je voudrais évoquer ce sujet tant l’idée me semble mauvaise. La possibilité de l’obstruction parlementaire, du filibustering, est un droit absolu du Parlement. C’est d’ailleurs un droit reconnu dans toutes les démocraties modernes. Quels que soient les inconvénients dans la vie parlementaire quotidienne des motions de procédure trop systématiques, des discussions générales trop longues, des amendements inutiles ou redondants, le filibustering est un droit absolu non pas uniquement pour un groupe parlementaire, mais aussi pour chaque député de cet hémicycle. C’est le droit de pouvoir dénoncer par l’obstruction le caractère dangereux de telle ou telle disposition, de tel ou tel projet de loi, de telle ou telle politique.

Le Parlement doit demeurer le premier des lieux pour alerter l’opinion publique. On le sait bien, pour que le pays puisse prendre la mesure de la gravité d’une situation, il faut du temps. Or, c’est par le temps de l’obstruction que les Français peuvent ensuite appréhender les choses et se faire leur propre opinion.

En outre, il vaut mieux que le débat, même long, ait lieu dans l’hémicycle dont c’est la fonction, plutôt qu’il se termine dans la rue dans des conditions qui ne grandissent pas la politique et la démocratie. L’hémicycle doit être le lieu de la maturation des projets et de l’opinion, et pour cela le temps n’est pas l’ennemi que l’on pointait du doigt à travers cette nouvelle procédure. L’ennemi, ce sont les débats trop courts. Toutes les initiatives qui réduisent la durée des débats ne sont pas de bonnes idées.

On ne sait pas ce que nous réserve l’histoire, mais cette capacité d’alerte des Français à travers les débats ou de maturation dans cet hémicycle doit être préservée. Elle devrait même être renforcée dans le cadre du jeu parlementaire. Qui peut dire aujourd’hui, avec un recul de deux décennies et demie, que les débats sur les nationalisations, qui ont duré vingt jours, ou sur la décentralisation, qui ont duré quatorze jours, ont été trop longs ?

Les parlementaires doivent pouvoir utiliser tous les moyens de la procédure pour dénoncer des lois comme celle qui a accordé les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, par exemple, sans qu’une majorité puisse profiter des facilités du règlement pour interdire les débats.

Au-delà de la question du maintien essentiel de la capacité d’obstruction, la procédure telle qu’elle était envisagée visait de facto à vider de son contenu le droit d’amendement, droit constitutionnel reconnu à chaque parlementaire. Chaque député n’aurait plus disposé que d’un droit de parole de dix minutes, ce qui veut dire qu’il n’aurait pu défendre que quelques uns de ses amendements. De plus, cette procédure serait allée à l’encontre de l’expression des minorités des groupes. Il y avait là une contradiction fondamentale entre la volonté de renforcer les droits du Parlement, de faire participer nos collègues au débat, et la création d’un système qui s’apparentait, de près ou de loin, à la possibilité de censurer l’expression des députés.

Pour le groupe UDF, la restauration du Parlement ne passera pas par une modification, aussi substantielle soit-elle, du règlement. Elle passera par une nouvelle Constitution, qui, seule, sera en mesure de faire de la France une véritable démocratie, c’est-à-dire un système où des pouvoirs forts sont arrêtés et contrôlés par d’autres pouvoirs forts. Car une démocratie, c’est non seulement l’élection d’hommes et de femmes au suffrage universel, mais aussi l’organisation de pouvoirs et de contre-pouvoirs.


Or, depuis le quinquennat sec, notre démocratie est encore plus déséquilibrée qu’auparavant, puisque, face à la confusion et à la concentration des pouvoirs dans les mains d’un seul homme, il n’y a plus aucun mécanisme de mise en jeu de la responsabilité ni de contre-pouvoir réel.

Notre parlement ne retrouvera sa place et nos collègues ne s’investiront dans les débats et dans leurs fonctions de contrôle que si les mécanismes constitutionnels permettent de rompre avec la chape de plomb du fait majoritaire.

Pour nous, la restauration du Parlement dans ses droits passera d’abord par la suppression de toute une série de mécanismes du parlementarisme rationalisé qui privent le Parlement de ses droits les plus élémentaires. Est-il normal qu’on empêche l’Assemblée de se prononcer sur l’intégration de la Turquie à l’Union européenne ? Est-il normal que, par la procédure du vote bloqué, on vide un texte d’amendements pourtant adoptés par l’hémicycle, mais qui ont le défaut de déplaire à l’exécutif ?

La restauration du Parlement passera aussi par la modification du mode de scrutin, pour que les députés ne soient plus des « arrondissementiers », mais qu’ils se consacrent à ce pourquoi ils ont été élus : faire la loi et contrôler le Gouvernement.

Elle passera enfin par la fin du cumul des mandats, qui est aussi une originalité du système français, et par la limitation du cumul des mandats dans le temps, pour faire respirer la démocratie. C’est a priori ce vers quoi nous allons, puisque les principaux candidats à l’élection présidentielle ont tous annoncé une révision de la Constitution. Nous aurons alors l’occasion de revoir notre règlement en profondeur.

Pour toutes les raisons que j’ai invoquées, le groupe UDF votera contre cette proposition de résolution.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, mes chers collègues, la crise de nos institutions ne cesse de s’aggraver. Chacun constate leur profond dysfonctionnement. Aussi tous les présidents de l’Assemblée nationale, depuis au moins deux décennies, ont tenté – mon expérience me permet de l’affirmer – d’améliorer le travail parlementaire par des modifications successives du règlement.

Notre groupe les a en général approuvées. C’était le cas pour l’instauration de la session unique, le plus important changement à nos yeux. Mais nous avons toujours souligné qu’elles n’étaient que des adaptations fonctionnelles souvent utiles, mais de très faible portée.

Les dysfonctionnements que nous connaissons sont d’abord et essentiellement la conséquence du profond déséquilibre entre l’exécutif et le législatif, créé par la Constitution et aggravé par la présidentialisation accrue du régime. Tous les objectifs de renforcement du rôle du Parlement se heurtent à ce déséquilibre originel, sans cesse aggravé. C’est encore le cas, plus encore peut-être que les fois précédentes, avec la proposition que nous discutons. En effet, la plupart des dispositions adoptées par la commission, et remaniées ce matin encore, nous paraissent affaiblir le rôle de l’Assemblée.

C’est le cas de la série de mesures qui tendent à diminuer le droit d’expression en limitant le temps accordé aux motions de procédures et aux débats, tant pour la discussion générale que pour celle des articles et des amendements. S’agissant des motions, la pratique actuelle consiste à débattre en conférence des présidents de la possibilité de moduler le temps de parole en fonction de l’importance des textes. Nous ne voyons aucune raison d’introduire des rigidités au détriment de cette souplesse.

Par ailleurs, nous concevons mal la procédure d’examen renforcée, qui a été proposée pour l’article 107-1, prévoyant l’organisation de l’ensemble de la discussion d’un texte excédant vingt heures. Ce matin, le rapporteur a demandé, dans l’urgence, sur le fondement de l’article 88, la suppression de cette disposition. Voilà qui témoigne de l’incroyable impréparation de ce texte.

Je souligne néanmoins que l’expérience montre que les débats, surtout sur les textes complexes, ne peuvent être prévisibles, car les parlementaires peuvent être amenés à évoluer et à réagir au fil de la discussion. Le texte relatif aux droit d’auteur et droits voisins en témoigne. La parole libre est un droit fondamental de la vie parlementaire. C’est le signe même de la démocratie parlementaire. En France, la fonction législative est déjà asservie au Gouvernement ; l’encadrement des débats, qui relève des mécanismes du « parlementarisme rationalisé », ne pourra améliorer la situation, bien au contraire.

Nous nous opposons également au délai de dépôt pour les amendements, qui est imposé aux députés et non point au Gouvernement. Certes, il faudrait une révision constitutionnelle pour y soumettre l’exécutif. Mais, devant cette difficulté, pourquoi brider le droit des seuls parlementaires ? La diminution du droit d’expression de l’Assemblée, que constituent, de fait, ces mesures, amoindrirait encore davantage les pouvoirs du législatif et accroîtrait encore le déséquilibre institutionnel en faveur de l’exécutif.

Le deuxième aspect de cette proposition concerne le mécanisme retenu pour définir le statut de l’opposition, à savoir la déclaration d’appartenance d’un groupe à la majorité ou à l’opposition, remise par le président du groupe à la présidence de l’Assemblée au début d’une législature. Emprunté au modèle parlementaire anglo-saxon fondé sur un système biparti, il n’est pas adaptable au pluralisme politique au cœur de la tradition française. Il est illusoire, voire dangereux, de contraindre tous les groupes parlementaires à se ranger soit dans la majorité soit dans l’opposition dès le début d’une législature. En effet, comment déterminer d’emblée son vote pour ou contre les textes majeurs sans en connaître le contenu ? Comment renoncer à la liberté essentielle de vote en fonction de l’appréciation portée sur tel ou tel projet ?

Cela souligne la difficulté inhérente à la proposition accordant à la majorité et à l’opposition un temps de parole identique à répartir entre les groupes les composant, au prorata de leurs membres. Sans compter que, dans le cadre du scrutin majoritaire actuel et de la bipolarisation de la vie politique, les « petites » formations n’ont pas la place qui devrait être la leur dans un parlement que l’instauration d’un scrutin proportionnel rendrait réellement représentatif. Elles seront donc doublement pénalisées : par le mode de scrutin et par la limitation du temps de parole.

Je souhaiterais également exprimer notre opinion à propos du débat récurrent sur le respect du domaine de la loi dans les propositions et amendements parlementaires, question qui pose un problème de fond. J’entends bien que cet aspect de la proposition de résolution du président Debré n’a pas été repris par la commission des lois. Mais il le sera d’une façon ou d’une autre, comme en témoignent les propos que vient de tenir M. Morin sur le fait que la loi ne doit pas être bavarde et qu’il faut séparer le règlement et la loi.

Une évidence s’impose, que j’ai rappelée lors d’un colloque au Conseil d’État sur le thème « complexité du droit et sécurité juridique ». Le problème de fond qui nous est posé tient à ce que le domaine de la loi est défini de manière beaucoup trop restrictive par l’article 34 de la Constitution.

M. René Dosière. Très juste !

M. Jacques Brunhes. Avant d’envisager toute irrecevabilité des propositions touchant au domaine réglementaire, il faudrait au moins compléter cet article 34 par une loi organique, comme il le prévoit lui-même dans son dernier alinéa.

M. Philippe Vuilque. En effet !

M. Jacques Brunhes. Par ailleurs, monsieur Morin, l’intervention du Parlement dans le domaine réglementaire tient à la faiblesse de ses moyens de contrôle de l’exécutif. La tentation est grande, par exemple, de légiférer lorsque l’on n’est pas sûr que les décrets d’application d’une loi suivent.

M. Philippe Vuilque. Bien sûr !

M. Jacques Brunhes. Sans compter que le Gouvernement lui-même, à l’origine de 99 % des textes de loi, fait allègrement fi de cette distinction. Pourquoi alors demander aux parlementaires de s’autocensurer ? Enfin, il est bien plus délicat d’apprécier l’irrecevabilité législative que de trancher sur l’irrecevabilité financière. D’où le risque qu’il y aurait à confier le soin de vérifier le strict respect de la distinction entre loi et règlement à un seul homme, le président de la commission des lois, ou à lui laisser la possibilité de déléguer ce soin à d’autres. Cette disposition, après l’article 38, après les articles 40, 44, 48 et 49-3, après les ordonnances et le vote bloqué, serait une limitation supplémentaire qui ne pourrait qu’affaiblir le législatif face à un exécutif déjà prépondérant. En outre, elle réduirait encore plus le rôle et les pouvoirs de l’Assemblée en corsetant le débat et l’initiative parlementaires.

Certaines dispositions sont de bon sens ou vont dans le bon sens, notamment celles qui renforcent le pluralisme en attribuant à un membre de l’opposition la présidence d’une commission permanente, la fonction de président ou celle de rapporteur d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information. Mais certaines de ces mesures ont été annulées dès ce matin par le groupe UMP.

M. René Dosière. Oui ! La présidence d’une commission permanente est déjà passée à la trappe.

M. Jacques Brunhes. S’agissant de la procédure des commissions élargies pour certains examens budgétaires, la publication d’un compte rendu dans le Journal officiel est également appréciable. Toutefois, il serait souhaitable que ce compte rendu soit intégral, comme c’est le cas pour les débats en séance publique, afin de résoudre le problème de la publicité limitée des débats qui ont lieu au sein de ces commissions.

Par ailleurs, fusionner les commissions de la défense et des affaires étrangères, ou scinder celle des affaires culturelles, familiales et sociales devrait aller de soi. Or ces propositions ont été rejetées. Je n’ose penser que ce soit pour des raisons de confort personnel. En l’absence d’une modification prévisible de l’article 43 de la Constitution, nous allons donc faire perdurer la répartition totalement inéquitable des compétences respectives actuelles de nos commissions.

M. René Dosière. Tout à fait !

M. Jacques Brunhes. Mais, au-delà de ces remarques, je tiens à réaffirmer que le grave problème de l’affaiblissement du rôle du Parlement et celui du déséquilibre grandissant des pouvoirs entre exécutif et législatif nécessitent d’autres remèdes que des réformes successives du règlement. En effet, ils sont liés à la dérive présidentialiste du régime, laquelle est le résultat cumulatif du renforcement des pouvoirs personnels du Président, grâce notamment à l’élargissement du champ référendaire, à l’instauration du quinquennat et à l’inversion du calendrier électoral en 2002, et de la concomitance des élections présidentielles et législatives.

Cette dérive transforme la République en une monarchie constitutionnelle, accentue le fait majoritaire et réduit le rôle du Parlement à celui de simple chambre d’enregistrement qui « regarde les trains passer », comme dit le chroniqueur.

Pour que le législatif recouvre sa pleine souveraineté et son rôle de contrôle de l’exécutif, il est impératif de mettre fin au corsetage des droits d’initiative législative en modifiant l’article 48, qui représente une véritable confiscation de l’ordre du jour par l’exécutif, de supprimer la définition limitative du domaine de la loi, que propose l’article 34, et les mécanismes dits du « parlementarisme rationalisé », qui ont tant contribué à l’abaissement du rôle du Parlement et à l’humiliation de la représentation nationale. Et que dire du couperet du fameux article 40, qui établit l’irrecevabilité financière, et du carcan du débat parlementaire qu’organisent à la fois l’article 38, l’article 49-3, l’article 44 et le vote bloqué ? Non seulement la résolution ne nous fait pas prendre le chemin de ces réformes, mais elle risque, sous couvert d’une rationalisation de l’exercice de la fonction législative, d’affaiblir encore l’Assemblée nationale. Nous ne pourrons donc la voter.

M. René Dosière et M. Philippe Vuilque. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.


M. Jérôme Chartier
. Monsieur le président, mes chers collègues, en préambule, je veux saluer la présence dans les tribunes des membres du conseil des enfants de la ville de Domont, qui iront raviver tout à l’heure la flamme du Soldat inconnu à l’Arc de triomphe.

M. Philippe Vuilque et M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Très bien !

M. Jérôme Chartier. Modifier notre règlement n’est pas anodin. Selon la formule célèbre d’Eugène Pierre, « si le règlement n’est en apparence que la loi intérieure des assemblées, en réalité c’est un instrument redoutable aux mains des partis et il a souvent plus d’influence que la Constitution elle-même sur la marche des affaires publiques ».

M. René Dosière. N’exagérons pas !

M. Jérôme Chartier. Certes, depuis la IIIe République, les choses ont changé et il est logique que le règlement soit subordonné à la Constitution. Pour autant, celui-ci demeure la règle commune, en principe modifiée par la volonté commune. Cependant, il faut reconnaître que nos procédures ont vieilli, au point d’être dépassées. On ne peut plus continuer à débattre en ignorant que, l’année dernière, plus de 26 000 amendements – soit environ dix fois plus que dans les premières années de la Ve République – ont été déposés, chacun d’entre eux ayant vocation à être défendu de la même manière.

M. René Dosière. Sauf en cas de 49-3 !

M. Jérôme Chartier. Nous ne pouvons pas non plus en rester à un système dans lequel l’opposition a si peu de droits. À part le financement public des partis, la saisine du Conseil constitutionnel et le rôle conféré aux groupes dans l’organisation du débat et l’inscription des niches parlementaires, le seul droit de l’opposition est celui, reconnu à tout député, de déposer sans limite des amendements, pourvu qu’ils se rapportent au texte en discussion et respectent les règles de la navette.

Partant de ce constat, il faut admettre que notre procédure, celle du « tout hémicycle », a vieilli et qu’elle répond moins que dans nombre de démocraties voisines aux nécessités d’un débat moderne.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est très clair !

M. Jérôme Chartier. En outre, la session unique a eu pour effet d’aggraver l’inflation législative.

Le président Jean-Louis Debré a donc lancé un débat nécessaire et plus ouvert que lors des précédentes révisions, et il faut lui en rendre hommage. Jean-Luc Warsmann a repris une partie de ses propositions, en mettant l’accent sur le statut de l’opposition. Notre débat doit permettre de déterminer de manière sereine et ouverte ce qui est préférable en fonction, non pas des contingences du moment, mais d’une soif de démocratie et de renouveau.

Je constate que le conservatisme qui s’oppose à ces propositions novatrices n’est pas du côté de la majorité, mais de l’opposition, laquelle dénonce nos procédures, mais s’oppose à leur rénovation, pourtant indispensable. Au demeurant, les avancées des droits du Parlement, en 1995 et en 1996, avec les lois de financement de la sécurité sociale, ont été le fait de la majorité actuelle, et celle-ci a pris toute sa part dans la loi organique relative aux lois de finances, en 2001, lorsqu’elle était dans l’opposition. Le conservatisme n’est donc manifestement pas du côté de la majorité actuelle.

Il faut aujourd’hui redonner du sens à un débat trop procédurier, trop long. C’est en fonction de ce seul intérêt général que j’entends, pour ma part, soutenir le nécessaire renouvellement du débat parlementaire.

S’agissant, tout d’abord, du périmètre des commissions, cher au président de la commission de la défense, il est évident que le plafonnement à six commissions permanentes, prévu par la Constitution, n’est pas satisfaisant. On ne peut pas bien travailler dans des commissions qui comportent plus de 140 membres. En outre, le découpage actuel n’est pas rationnel : le champ de compétences de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, notamment, est trop vaste. Si cette réforme n’aboutit pas immédiatement, c’est parce qu’il ne faut pas prendre la conséquence pour la cause, mais s’attaquer à une révision de la Constitution sur ce plan.

S’agissant de la proposition telle qu’issue des travaux de la commission des lois, je suis personnellement favorable à un délai de dépôt plus strict des amendements, pour éviter ce que nous avons tous connu en séance : l’amendement de dernière minute, non négocié et à peine découvert avant d’être voté. C’est une mauvaise pratique qu’il faut combattre. Cette règle plus contraignante pour les parlementaires doit aboutir dans les faits à une discipline plus grande de la part du Gouvernement, faute de quoi son succès sera compromis. Bien que l’article 6 ait été supprimé, je reste personnellement favorable, monsieur le rapporteur, à une discipline plus stricte du temps et à un partage équitable entre majorité et opposition.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Très bien !

M. Jérôme Chartier. Bref, j’observe que, globalement, ces propositions aboutissent à donner plus de droits à l’opposition, et comment ne pas s’en réjouir ? Si celle-ci ne souhaite pas organiser son propre temps – comme on l’a vu ce matin lors de la défense des motions de procédure –, c’est au fond l’ensemble du débat parlementaire qui est décrédibilisé. Que gagnons-nous, y compris l’opposition, en termes d’image et d’efficacité à la discussion d’amendements d’obstruction qui s’enchaînent lors de séances de jour et de nuit qui n’en finissent pas ? Rien !

Nous avons échoué dans notre volonté de mettre en œuvre une nécessaire réforme d’ampleur de la gestion du temps, au bénéfice de la recherche du consensus, et je dois rendre hommage à cet égard au travail accompli par le président du groupe UMP, Bernard Accoyer. Nous devrons néanmoins entreprendre cette réforme, si nous ne voulons pas creuser encore un peu plus l’écart entre le pays légal et le pays réel.

Je suis beaucoup plus réservé sur deux des propositions. La première est celle qui autorise la simultanéité entre commissions budgétaires élargies et séances publiques. Elle a un effet paradoxal au regard de la nécessaire limitation du temps de débat. En outre, l’intérêt de la formule des commissions élargies réside précisément dans sa souplesse et dans le fait que l’Assemblée ne siège pas pendant ce temps-là.

Par ailleurs, le groupe UMP n’a pas souhaité retenir la proposition qui consistait à réserver une présidence de commission permanente à l’opposition. La commission des lois a voté la suppression de cet article, et je m’en réjouis. Outre la question du choix du siège ainsi attribué, il faut souligner que le président en cause aurait incontestablement rencontré des problèmes avec la majorité de la commission, à moins que celle-ci ne soit composée de l’opposition…

M. René Dosière. Comment cela se passe-t-il en Allemagne, en Grande-Bretagne et dans tous les pays démocratiques ?

M. Michel Voisin. Que ne l’avez-vous fait ?

M. Jérôme Chartier. Monsieur Dosière, rien n’est plus culturel qu’une pratique politique. Chercher à faire du benchmarking dans ce domaine, c’est se condamner à l’échec.

M. Jacques Brunhes. Parlez français !

M. Jérôme Chartier. L’histoire des nations, leurs cultures sont trop différentes pour avoir des pratiques politiques identiques. Comment voulez-vous instituer des pratiques similaires en France, qui ne connaît la décentralisation que depuis vingt-cinq ans, et en Allemagne, pays des Länder, où son principe est acquis depuis des siècles.

M. Philippe Vuilque. Ce n’est pas une raison !

M. René Dosière. Et la Grande-Bretagne ? Et le Québec ?

M. Jérôme Chartier. De telles comparaisons ne peuvent donc constituer un socle solide sur lequel une réforme d’ampleur de l’organisation des pouvoirs publics pourrait s’appuyer. Cela mérite peut-être réflexion, mais l’heure n’est pas encore venue de prévoir une répartition des présidences des commissions permanentes de l’Assemblée nationale entre majorité et opposition, à moins que celles-ci ne modifient profondément leurs comportements politiques. Nous avons d’ailleurs pu constater à propos de la gestion du temps de parole que l’opposition n’était pas prête à créer un statut de l’opposition, pour des motifs que je juge d’ailleurs très fallacieux.

M. René Dosière. On ne peut pas faire le bonheur de l’opposition contre elle !

M. Jérôme Chartier. En outre, si la présidence d’une commission essentielle – comme celle des lois ou des finances – était réservée à l’opposition, le Gouvernement serait tenté d’avoir recours beaucoup plus souvent à des commissions spéciales, ce qui ne va pas dans le sens de l’histoire et ne contribue pas à une bonne répartition des responsabilités entre le Gouvernement et le Parlement.

Le partage des postes de président et de rapporteur des commissions d’enquête et des missions d’information entre majorité et opposition, prévu aux articles 8 et 9, se fait sur la base de ce qui se pratique actuellement. C’est une très bonne chose et l’inscrire dans le règlement est salutaire.

En conclusion, nos procédures ne répondent plus à l’objectif du débat parlementaire. Celui-ci doit non seulement organiser une confrontation d’arguments, mais aussi aboutir à une décision. Or il est devenu pour l’opposition, quelle qu’elle soit, un moyen de blocage – jusqu’à la caricature – et il ne peut avoir qu’une incidence négative tant sur la qualité de la législation, notamment parce qu’il permet des initiatives tardives et désordonnées, que sur l’image et l’efficacité de nos travaux. C’est l’honneur de la majorité actuelle de donner un véritable statut à l’opposition et de rationaliser nos procédures de débat pour en améliorer la qualité. La qualité du débat parlementaire, c’est d’abord celle – ne l’oublions pas – de la démocratie.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Monsieur le président, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur ce que Bernard Derosier et René Dosière ont excellemment dit ce matin. Améliorer notre fonctionnement et notre efficacité est une nécessité : ce constat est partagé sur tous les bancs de notre assemblée. Des progrès ont d’ailleurs déjà été faits avec l’amélioration du contrôle du Parlement sur l’exécution des lois de finances, la création de missions d’information par la conférence des présidents et le contrôle de l’application des lois, qui permet enfin de mieux les évaluer.

Le président Debré a voulu passer à la vitesse supérieure en déposant onze propositions de résolution tendant à modifier le règlement de notre assemblée. L’intention est bonne, la manière dont nous discutons de ces propositions beaucoup moins, et c’est dommage. En effet, la tradition aurait voulu que l’on réunisse un groupe de travail dont les conclusions auraient servi de base à un éventuel accord de l’ensemble des groupes politiques. Ce ne fut pas le cas ; c’est donc une occasion manquée.

Un certain nombre de propositions sont intéressantes et acceptables, d’autres beaucoup moins. Je ne citerai que l’exemple de l’article 1er, qui vise à modifier l’article 19 du règlement pour obliger le président d’un groupe à remettre à la présidence de l’Assemblée une déclaration d’appartenance de son groupe à la majorité ou à l’opposition. Curieuse proposition ! Cette disposition peut paraître logique et peu contraignante à première vue, mais, en fait, il n’en est rien. Dans son rapport, le rapporteur indique à juste titre que la notion d’opposition est « un objet juridique non identifié ». Il estime que sa définition juridique est une nécessité préalable qui, selon lui, clarifierait les choses et permettrait la création d’un statut et des droits y afférents. La nécessité préalable aurait été, en tout cas, d’en discuter avec l’opposition.

Actuellement, l’article 19 du règlement prévoit simplement l’affiliation du député à un groupe politique. C’est simple, clair et souple. Vous souhaitez, monsieur le rapporteur, figer les choses en obligeant les groupes politiques à se déclarer explicitement soit dans la majorité, soit dans l’opposition dès le début de la législature, en méconnaissant complètement les intentions du Gouvernement. C’est un non-sens dans notre système parlementaire. Au cours d’une législature, les choses évoluent. Considérer que la majorité ou les groupes qui la composent doivent rester homogènes quoi qu’il arrive est une curieuse conception de la vie parlementaire.

Dans le rapport, monsieur le rapporteur, vous indiquez qu’un groupe pourrait changer de positionnement en cours de législature et vous citez une série de critères, de signes, qui, selon vous, permettraient de juger de son appartenance ou non à la majorité. Le rejet d’une question de confiance, l’adoption d’une motion de censure, le rejet d’un projet de budget marqueraient ainsi le changement de comportement d’un groupe inscrit dans la majorité et entraîneraient donc son éviction automatique de celle-ci.

Or, dans la réalité, les choses sont souvent différentes. Prenons le cas de l’UDF, auquel tout le monde pense – si bien que l’on peut se demander si cette proposition de l’UMP ne la vise pas spécifiquement.

M. René Dosière. Poser la question, c’est y répondre !


M. Philippe Vuilque
. Aujourd’hui, où est l’UDF ? Dans la majorité où dans l’opposition ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Pas dans l’hémicycle, en tout cas !

M. Philippe Vuilque. C’est dommage, car elle aurait pu répondre à notre question ! En fait, l’UDF est tantôt dans la majorité, tantôt dans l’opposition. Vous me rétorquerez que cette proposition clarifierait les choses. Mais l’UDF ne vote pas toutes les motions de censure de l’opposition, loin de là ; de même, elle vote certains budgets, tandis qu’elle s’abstient sur d’autres.

Vous voudriez, parce que le groupe majoritaire est en difficulté, régler vos comptes avec l’UDF et la cantonner dans l’opposition « à l’insu de son plein gré », pour reprendre une formule devenue célèbre.

Cette proposition pose également un problème de démocratie en ce qui concerne les non-inscrits. Par définition, il est impossible de déterminer s’ils sont dans l’opposition ou dans la majorité dans la mesure où un député non-inscrit a justement vocation à voter tantôt avec la majorité, tantôt avec l’opposition, en fonction des textes présentés.

C’est pourquoi cette disposition n’est pas souhaitable, monsieur le rapporteur. Elle est surtout inapplicable en pratique. Il serait plus judicieux de ne pas modifier l’article 19 de notre règlement, dont la souplesse d’application convient très bien à notre vie parlementaire. Le président de la commission des lois lui-même s’est interrogé sur les éventuels contentieux qui pourraient surgir en cours de législature, notamment lorsqu’un groupe de la majorité décide de ne pas voter le budget. Cette disposition est une fausse bonne idée, monsieur le rapporteur, que vous seriez bien inspiré de retirer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille.

M. François Cornut-Gentille. Monsieur le président, mes chers collègues, en janvier 2005, puis de nouveau en janvier 2006, Pierre Mazeaud, président du Conseil constitutionnel, dressa un bilan sans concession de l’organisation du travail parlementaire et de la qualité de notre législation.

Le 16 janvier 2006, devant la presse, le premier secrétaire du parti socialiste, François Hollande, exprimait son aspiration à « un Parlement disposant de plus d’initiatives, de capacité de contrôle, de maîtrise de son ordre du jour ».

De son côté, le 13 mai dernier, le président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, affirmait vouloir « un Parlement qui puisse enfin jouer son rôle et qui soit en mesure de prendre des initiatives, qui ait les moyens de contrôler l’action du Gouvernement. Qui ne soit plus un passage obligé mais qui soit le lieu du débat qui manque tant à l’équilibre de notre République ».

Par-delà les clivages, les jeunes parlementaires comme les plus expérimentés s’accordent tous sur la nécessité d’améliorer le fonctionnement de notre assemblée. C’est dans cet esprit que le président Debré nous propose plusieurs résolutions modifiant en profondeur notre règlement. Il nous appartient aujourd’hui d’en débattre et de prendre nos responsabilités.

Le constat partagé des dysfonctionnements du Parlement, la dégradation de son image dans l’opinion : tout devrait nous conduire à agir ensemble pour moderniser notre institution. Pourtant, mes chers collègues, au moment où s’ouvre ce débat, je ne suis pas certain qu’il se trouve une majorité pour avancer de façon consensuelle en mettant de côté les jeux politiciens.

Je regrette qu’oubliant leurs propres convictions, beaucoup d’entre nous choisissent de déserter ce débat ou s’abritent derrière de faux prétextes qui ont déjà beaucoup atténué la portée des dispositions que nous allons adopter.

Aujourd’hui, le renoncement prend deux visages. Le premier, en apparence réaliste, voire pragmatique, veut nous faire croire qu’il est urgent de ne rien faire. On retrouve cette position aussi bien sur les bancs de l’opposition que sur certains de la majorité.

M. Philippe Vuilque. Nous n’avons jamais dit ça !

M. François Cornut-Gentille. Comme si les problèmes qui nuisent à l’image du Parlement nous étaient méconnus ; comme si le climat actuel de défiance à l’égard des institutions de la République ne nous imposait pas de réagir immédiatement.

M. Philippe Vuilque. Au contraire, nous voulons aller beaucoup plus loin !

M. François Cornut-Gentille. Le second visage du renoncement est plus flamboyant. Il s’agit de rejeter tout aménagement pour proposer une profonde révolution institutionnelle. Ainsi, M. Montebourg en appelle à une ambitieuse vie République qui, dans la pratique, ressusciterait notre bonne vieille ive République, dont les nostalgiques se font de moins en moins discrets.

M. Philippe Vuilque. Ça, c’est votre interprétation !

M. François Cornut-Gentille. Le point commun de ces deux démarches menées au nom de la défense du Parlement est assurément l’immobilisme : ne rien faire est synonyme d’un déclin dramatique de l’institution parlementaire ; proposer de tout défaire alimentera beaucoup d’articles et de commentaires, mais n’aboutira à rien de concret.

Tâchons plutôt d’être réalistes et pragmatiques. C’est ainsi qu’avec les quarante députés membres du club de la Boussole, nous avons travaillé pendant plusieurs mois pour vous soumettre, sous la forme d’amendements, une série de propositions de modernisation de notre règlement. Je tiens à remercier les députés de l’UMP qui nous ont rejoints dans cette démarche en cosignant ces amendements, preuve que le consensus peut être constructif et rassembleur.

Notre réflexion s’articule autour du renforcement des fonctions de contrôle parlementaire et d’un profond renouvellement des formes du débat. Légiférer moins mais mieux ; contrôler plus et mieux. J’aurai l’occasion de détailler ces propositions lors de l’examen des articles du texte que nous propose Jean-Luc Warsmann.

Pour conclure, je voudrais revenir sur la difficulté que nous avons tous à ne pas plaquer des enjeux tactiques et politiciens derrière les véritables enjeux démocratiques. Certes, il y aura toujours des commentateurs pour interpréter la reconnaissance d’un statut de l’opposition ou l’encadrement du dépôt des amendements comme la victoire de tel ou tel. Est-il si difficile de comprendre que ce serait tout simplement une victoire de la démocratie. ?

Inversement, puissions-nous prendre conscience que nos renoncements participent au déclin démocratique que nous déplorons tous par ailleurs.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, non inscrite.

Mme Martine Billard. Insinueriez-vous, monsieur le président, que je suis en train de vivre mes dernières heures en tant que non inscrite ? (Sourires.)

Monsieur le président, mes chers collègues, les enfants ont un jeu qui consiste à demander « quel est le comble de… » Eh bien, savez-vous quel est le comble de l’Assemblée nationale ? L’examen d’une proposition visant à remédier à ses dysfonctionnements, dans les conditions mêmes des dysfonctionnements dénoncés par cette proposition !

M. Philippe Vuilque. Très bien !

Mme Martine Billard. Qu’il y ait un réel problème d’organisation de nos travaux, c’est indéniable. Mais encore faudrait-il se mettre d’accord sur ses origines. Or, faute de pouvoir ou de vouloir mettre en cause le Gouvernement, tout serait la faute de l’Assemblée. C’est passer sous silence le fait qu’en vertu de la Constitution, l’Assemblée ne dispose pas de la maîtrise de ses travaux, l’ordre du jour étant fixé prioritairement par le Gouvernement.

Nous ne pouvons pas non plus oublier les méthodes de travail brouillonnes des gouvernements qui se sont succédé depuis quatre ans : des projets de loi connus au dernier moment – le fait que les gouvernements précédents aient agi de la même manière ne constitue pas une excuse –, la multiplication d’amendements gouvernementaux arrivant au dernier moment, juste avant la séance ou pendant celle-ci – comme le fameux amendement sur le CPE –, le retrait d’un article voté, remplacé par un amendement gouvernemental en séance, suivi de la réintroduction de l’article voté pendant la discussion, et finalement d’un appel à voter contre l’amendement gouvernemental déposé – c’est ce que nous avons vécu pendant le débat sur le droit d’auteur –, la généralisation des déclarations d’urgence qui ne laissent pas le temps pour un travail approfondi. Durant les quatre dernières années, on a même vu les gouvernements déposer plusieurs textes successifs modifiant les mêmes articles de codes, avant même que les décrets d’application aient le temps de paraître. Les professionnels des secteurs concernés ont bien du mal à s’y retrouver !

Quel est le problème aujourd’hui ? Lorsqu’une loi est inscrite à l’ordre du jour suffisamment à l’avance, des amendements ont le temps d’être déposés pour être examinés en commission dans de bonnes conditions. Après la publication du rapport, la nécessité d’amendements complémentaires peut apparaître. Mais ce que je viens de décrire est en quelque sorte le principe idéal, un principe malheureusement devenu l’exception. Très souvent, les délais entre le dépôt de la loi et le début de son examen en commission sont très courts et ne laissent pas le temps de déposer des amendements à temps devant la commission. C’est ce qui conduit à l’inflation des dépôts d’amendements au titre de l’article 88, voire directement en séance, ce qui ne permet évidemment pas l’examen de ces amendements dans de bonnes conditions.

La proposition qui nous est faite de ramener le délai de dépôt au plus tard la veille, à dix-sept heures, de la discussion des textes, ne résout pas la difficulté. Tant qu’il n’y aura pas d’obligation de respecter des délais raisonnables entre le dépôt des projets de loi sur le bureau de l’Assemblée et la réunion de la commission, puis entre la publication du rapport et l’inscription des textes à l’ordre du jour de la séance, l’organisation des débats ne pourra être satisfaisante. Cela implique que des contraintes soient imposées au Gouvernement, ce qui n’est possible que par un changement de Constitution.

Enfin, s’agissant de l’absentéisme en séance – flagrant, pour ne pas dire caricatural en ce moment même –, on peut certes le justifier en partie par le chevauchement des réunions, mais il est impossible d’évacuer la question du cumul des mandats et de ses conséquences.

M. Alain Gest. Tarte à la crème !

Mme Martine Billard. Quand on cumule deux ou trois mandats, on ne peut pas être partout à la fois : nous ne sommes pas des surhommes – ni des surfemmes ! le cumul implique donc automatiquement l’absentéisme.

Vouloir redonner du pouvoir à l’institution parlementaire en restant dans le cadre limité de la ve République apparaît comme une gageure aux yeux des députés Verts. Nous en sommes donc réduits à penser la revalorisation du Parlement dans le petit périmètre de notre règlement intérieur. Que reste-t-il des propositions initiales du président de l’Assemblée nationale, en lesquelles les députés de l’opposition reconnaissaient une louable volonté de redonner du pouvoir à l’Assemblée ?

Je regrette que la commission des lois n’ait pas retenu la redéfinition des contours de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Il apparaît en effet nécessaire de scinder cette commission trop étendue. Sur ce point, le passéisme n’est pas du côté de l’opposition – encore qu’une partie de la majorité semble favorable à un fractionnement de cette commission.

Je me félicite en revanche de l’abandon de l’article 6, qui visait à créer une procédure d’examen renforcé au prétexte de lutter contre l’inflation d’amendements et l’allongement des débats. En réalité, cet article aurait eu pour effet de réduire le droit au débat et la possibilité de travailler sur le fond des textes.

Je ne développerai pas ce qui concerne la déclaration d’appartenance à la majorité ou à l’opposition ; je m’en remets aux critiques qui ont été formulées sur ce point par nombre de nos collègues, sur quelques bancs qu’ils se trouvent – je pense en particulier à Hervé Morin.

Je regrette qu’aucune amélioration ne soit proposée sur la question de la parité hommes-femmes au sein de notre assemblée. Je rappelle en effet que celle-ci ne comprend en effet que 12 % de femmes, et que cette faible représentation ne se retrouve même pas dans la répartition des vice-présidences, des présidences de commission, ou des rapporteurs, où le taux chute à 3 ou 4 %.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Elle a raison !

M. Alain Gest. C’est une collusion féminine !

Mme Martine Billard. Par ailleurs, la résolution 321 du 15 juin 1990 n’a jamais reçu d’application, ce qui est regrettable. Je me fais donc l’avocate de l’ensemble des députés qui ont participé à la mission d’information sur l’effet de serre, qui demandent la création d’une délégation à l’effet de serre, qui permettrait de prendre à bras-le-corps cette question qui concerne l’ensemble de nos concitoyens.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Elle a encore raison !

Mme Martine Billard. Une démocratie s’apprécie au regard des droits garantis à l’opposition. Et dans le cadre des assemblées parlementaires, par le refus du mandat impératif. La forme d’organisation des débats doit donc permettre l’évolution des idées et la possibilité pour un député de défendre des positions en son âme et conscience même si, à un moment donné, celles-ci peuvent être différentes de celles du groupe auquel il est rattaché. Quelle serait l’implication de chacun si l’expression individuelle devait se limiter à la portion congrue ? Cela risquerait d’accroître encore le taux d’absentéisme.

Le scrutin uninominal de circonscription pour les législatives exclut de fait de la représentation nationale des courants politiques régulièrement présents au cours des autres élections. Il ne faudrait pas que le système d’organisation des débats de notre assemblée réduise encore plus la possibilité d’expression démocratique de la diversité politique.

En conclusion, plus que d’une réforme interne, nous avons besoin d’un véritable changement de constitution, d’une vie République, pour donner un nouveau souffle à notre démocratie.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard.

M. Jean-Michel Dubernard. Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord de remercier Mme Boutin, qui m’a permis de m’exprimer au cours de ce débat.

Je souhaite profiter de ce débat pour évoquer une question qui me tient particulièrement à cœur, celle de la redistribution des attributions de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, que j’ai l’honneur aujourd’hui de présider mais dont je suis membre depuis vingt ans. Au cours de cette période, j’ai pu constater que la charge de travail de cette commission n’a cessé de s’alourdir au risque, aujourd’hui, de compromettre la qualité de l’activité législative et du contrôle, donc également de l’image que les parlementaires donnent de leur travail à l’Assemblée nationale. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

De mon point de vue, une répartition plus équitable des compétences des commissions permanentes s’impose comme un élément incontournable de toute réforme de l’organisation du travail parlementaire.

M. Jacques Brunhes. Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard. Je trouve donc « regrettable », pour reprendre le terme utilisé par René Dosière lors de la réunion de la commission des lois, que le rapporteur de cette commission n’ait pas jugé utile de profiter de l’examen des propositions de résolution déposées par le président Jean-Louis Debré – lui-même membre de la commission des affaires culturelles et qui sait donc de quoi il retourne – pour introduire cette réforme depuis longtemps attendue et déterminante pour revaloriser le rôle du Parlement.

M. Philippe Vuilque. Nous aussi, nous le regrettons amèrement !


M. Jean-Michel Dubernard
.
. Premier point, pourquoi redistribuer les compétences de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ? Le champ de compétences de la commission n’a cessé de s’étendre au cours de la Ve République. Quelques éléments permettent de mesurer cette évolution.

Tout d’abord, onze des trente-deux portefeuilles de l’actuel gouvernement relèvent directement d’un secteur de compétences de la commission, compte non tenu des ministères des relations avec le Parlement, de la fonction publique, de la réforme de l’État ou de l’outre-mer qui, à des degrés divers, relèvent également des compétences de la commission. Il ne s’agit pas là d’une exception. Une telle répartition n’est pas le fait de l’équilibre spécifique de tel ou tel gouvernement ou de l’alternance droite-gauche, mais reflète logiquement l’importance grandissante des questions culturelles et sociales dans le champ politique : le dernier gouvernement de Jean-Pierre Raffarin comportait quinze ministères touchant aux compétences de la commission sur quarante et un, et le gouvernement de Lionel Jospin, au 27 mars 2000, douze ministères sur trente-deux.

Ensuite, le décalage entre la place accordée à ces questions dans l’organisation interne du gouvernement et celle de l’Assemblée nationale devient problématique. Tandis que plus du tiers des attributions ministérielles vont aux secteurs sociaux et culturels, ceux-ci ne sont suivis que par l’une des six commissions permanentes de l’Assemblée nationale.

La raison d’un tel décalage est simple. Souple dans son organisation, la structure des gouvernements a évolué en fonction des attentes des Français et des objectifs assignés à l’action politique. Figées dans leur nombre par la Constitution de 1958, les commissions parlementaires sont le témoignage d’une période, l’immédiat après-guerre, où les questions culturelles et sociales n’avaient pas autant investi le champ politique. Souvent pointée du doigt pour ses commissions pléthoriques, l’Assemblée nationale de la IVe République elle-même n’accordait qu’une place toute relative à la culture et aux affaires sociales puisque, sur les dix-neuf « grandes commissions permanentes » qu’elle comportait, seules quatre – mais quatre tout de même – avaient directement trait à ces questions.

Par ailleurs, cette montée en charge des questions culturelles et sociales se retrouve bien naturellement dans l’activité des commissions. Ainsi, l’activité de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales n’a cessé de croître avec deux accélérations spectaculaires : l’une au milieu des années 80 à la suite de l’arrivée de la gauche au pouvoir, l’autre au milieu des années 90 avec l’institution des lois de financement de la sécurité sociale. Son activité a crû beaucoup plus rapidement que celle des autres commissions qui a également augmenté au cours de la période. Entre la IXe législature, 1988-1993, et la XIe législature, 1997-2002 –dernières législatures pour lesquelles nous disposons de données statistiques complètes –, la commission a multiplié le nombre des réunions par 1,8 et la durée des réunions a plus que doublé. Deuxième commission en termes d’activité sous la IXe législature, assez nettement après la commission des lois, la commission occupait, selon les mêmes critères, une incontestable première place sous la XIe législature, et son leadership se poursuit sous la présente législature avec 310 réunions de commission pour une durée totale de 516 heures, à comparer aux 155 réunions pour une durée de 211 heures tenues par la commission de la défense qui est en sixième position, selon le classement effectué par la base Tribun de l’Assemblée nationale. Bien sûr, j’ai pris cet exemple au hasard… (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Il est vrai qu’entre-temps, les prérogatives de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ont été considérablement bouleversées par la création des lois de financement de la sécurité sociale – 373 milliards d’euros de dépenses en 2006, soit 100 milliards de plus que la loi de finances. De même, la mise en place d’organes d’information et de contrôle – Office parlementaires d’évaluation des politiques de santé et Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale – attachés à cette nouvelle procédure ont encore accru l’activité de la commission. Mais quel parlementaire pourrait regretter que nous ne disposions pas de ces éléments ? Qui pourrait souhaiter que l’Office parlementaire ne fournisse pas des rapports comme celui sur le dépistage du cancer du sein, n’est-ce pas, monsieur Bernier ? Rappelons-le, le travail de Cécile Gallez sur la maladie d’Alzheimer est devenu une référence scientifique.

Quant à la mission d’évaluation, elle apporte des éléments très significatifs. Je salue Maryvonne Briot, qui travaille sur les psychotropes et dont le rapport deviendra également une référence.

Enfin, cette évolution a eu pour conséquence que le social a totalement phagocyté le culturel, alors même que ce secteur était en plein développement. Le président de la commission et les commissaires sont ainsi souvent contraints – je parle sous le contrôle de Dominique Richard, son secrétaire – de devoir traiter en second des secteurs aussi fondamentaux que l’éducation, la communication, la culture, le sport, la jeunesse, etc. Et ces secteurs aussi représentent des électeurs…

Je donnerai un seul exemple, criant et déplorable : ployant sous la charge des réformes dans le domaine social – santé et travail –, la commission a dû renoncer à se saisir pour avis du projet de loi sur les droits d’auteur…,

M. Dominique Richard. Absolument !

M. Jean-Michel Dubernard..…texte dont les enjeux culturels et économiques sont considérables et qui aurait dû justifier une compétence sur le fond.

À l’heure où, suivant une évolution en cours dans toutes les grandes démocraties modernes, le Parlement tend à affirmer sa mission de contrôle, élément fondamental de l’équilibre des pouvoirs, on peut donc se demander comment les membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales peuvent remplir effectivement une mission qu’ils tiennent de la Constitution face à une dizaine de ministres et de ministères comportant plusieurs milliers d’agents, pour ne considérer que l’administration centrale.

Cette interrogation m’amène à mon second point : quelles solutions peut-on envisager ?

Face à ce constat, la solution qui vient immédiatement à l’esprit est de scinder la commission des affaires culturelles, familiales et sociales en plusieurs entités.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard.. L’exemple vient d’ailleurs du Sénat, qui dispose d’une commission des affaires culturelles et d’une commission des affaires sociales pour la plus grande satisfaction des sénateurs, ainsi qu’ils l’ont exprimé lorsque le bureau de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale les a rencontrés. Il est d’ailleurs à noter qu’au Sénat, personne n’a jamais revendiqué l’éclatement de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Mais, choisir cette option soulèverait, par ricochet, d’autres difficultés. L’article 43 de la Constitution limitant à six le nombre des commissions permanentes dans chaque Assemblée, l’Assemblée nationale serait dès lors contrainte de fusionner deux autres commissions pour respecter le contingent constitutionnel.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Il faut modifier la Constitution !

M. Jean-Michel Dubernard.. L’alternative qui se présente à nous est donc la suivante : soit fusionner deux commissions en contrepartie de la scission de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, soit modifier la Constitution pour augmenter le nombre des commissions au sein de l’Assemblée nationale.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Ce nombre de six n’est pas sacré !

M. Charles Cova. C’est la deuxième solution qu’il faut envisager !

M. Jean-Michel Dubernard.. Merci pour vos conseils !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Nous sommes là pour en donner !

M. Jean-Michel Dubernard.. D’emblée, je veux affirmer que je n’ai pas de préférence théorique marquée pour telle ou telle de ces solutions. Si mon expérience de quatre années de présidence de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales me conduit à penser qu’il est souhaitable et même indispensable de redistribuer ses attributions, en revanche, il ne m’appartient pas de me prononcer sur le sort des autres commissions qui peuvent chacune démontrer leur nécessité.

J’observe toutefois avec pragmatisme que la solution consistant à modifier le Règlement de notre assemblée a pour elle l’avantage d’être une procédure légère permettant une application rapide de la réforme, dès la prochaine législature sans repousser ad vitam aeternam des solutions qu’on ne voit jamais arriver et qui font sourire certains observateurs.

M. Jérôme Rivière. Après avoir fait de nos armées une variable d’ajustement budgétaire, voilà que la commission de la défense devient une variable d’ajustement du règlement !

M. Jean-Michel Dubernard.. Je note également que le nombre de commissions permanentes dont dispose notre assemblée étant très réduit, il n’est pas saugrenu de réfléchir à un accroissement modéré, sans pour autant retomber dans les « errances » de la IVe République ni renier l’héritage gaullien de la Ve République. Le rapporteur, Michel Hunault, du groupe UDF, ou encore Bernard Roman, du groupe socialiste, l’ont d’ailleurs souligné lors de la réunion de la commission des lois.

Les exemples étrangers montrent aussi la singularité française en la matière, qui fait de notre pays une véritable exception. Tous les parlements des grandes démocraties du monde disposent d’un nombre de commissions permanentes dépassant largement la dizaine – je peux vous communiquer des tableaux comparatifs. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Sur ce point, nous sommes d’accord !

M. Jean-Michel Dubernard.. Nous ne pouvons cependant aller jusqu’à cinquante ou soixante commissions, ni même à dix-neuf comme sous la IVRépublique.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Nous n’avons rien demandé de tel !

M. Jean-Michel Dubernard.. Un autre élément est à observer : le ratio entre le nombre de commissions couvrant le champ culturel et social et le nombre total de commissions est plus élevé à l’étranger qu’en France et se situe en moyenne autour de 25 %. La seule exception est constituée par les États-Unis, dont 15 % des commissions relèvent du champ culturel et social. Mais cette situation est le résultat d’un héritage particulier tenant non pas tant à la nature du régime, présidentiel et fédéral, qu’à la tradition démocratique libérale, qui met l’accent sur les missions régaliennes de l’État, et anglo-saxonne, dans laquelle le Parlement fonctionne moins autour de commissions permanentes que de commissions ad hoc spécialement constituées pour l’examen de tel ou tel projet de loi.

De ce tour d’horizon, deux grands principes se dégagent. D’une part, nos voisins considèrent généralement que les commissions doivent s’inspirer, au sein du Parlement, du découpage de l’action politique retenu au niveau du Gouvernement : le champ de compétence d’une commission correspond ainsi, grosso modo, à celui d’un ministère. C’est ce qui se passe en Allemagne, par exemple. D’autre part, un quart des commissions est dévolu aux domaines culturels et sociaux.

Si la mise en adéquation des compétences des commissions et des ministères constitue, à l’évidence, une réflexion intéressante en vue d’améliorer l’efficacité de l’action politique, elle n’est cependant pas à l’ordre du jour. Elle nécessiterait, au demeurant, en parallèle d’une augmentation importante du nombre des commissions, une réduction sévère du nombre des portefeuilles ministériels. Or tout cela nous dépasse aujourd’hui.

Mais le redéploiement des compétences de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales permettrait d’ores et déjà d’assurer une meilleure répartition de l’activité parlementaire. Elle offrirait à l’Assemblée nationale la possibilité de jouer pleinement son rôle législatif, mais également d’exercer un réel contrôle de l’action du Gouvernement et de développer sa capacité d’information et d’expertise. Elle donnerait une autre image de notre assemblée. Modifier le règlement en ce sens aujourd’hui aurait pu être la passe décisive pour transformer l’essai dès le début de la prochaine législature. Tel ne sera pas le cas, malheureusement. Je le regrette vivement au nom de l’immense majorité des membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Applaudissements sur la plupart des bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gest.


M. Alain Gest
.
Monsieur le président, mes chers collègues, ce débat fait partie de ceux dont l’origine relève d’une très bonne intention. Qui pourrait objectivement contester le caractère quelque peu désuet du fonctionnement de notre assemblée et de l’organisation de nos débats ? Qui pourrait affirmer que l’utilisation quasi systématique des trois motions de procédure sert la démocratie ? Qui pourrait légitimement défendre des discours d’une heure et demie, sauf à vouloir rendre hommage à la qualité des plumes qui les ont commis ou au talent oratoire de leurs auteurs ?

M. René Dosière. Que pensent ceux qui méprisent l’opposition ?

M. Alain Gest. Qui peut, sans rougir, justifier le dépôt de centaines d’amendements identiques, fruit exclusif des progrès des outils de communication ? Et qui peut approuver l’examen en commission de séries d’amendements dans des délais records ? Nous ne manquons pas d’exemples démontrant que le travail parlementaire doit être amélioré. Nous en parlons souvent entre nous, et en dehors de cet hémicycle nous partageons souvent le même point de vue. L’initiative du président de l’Assemblée nationale peut donc apparaître comme une réponse à nos interrogations. Mais, dès la réception du courrier de notre président, je me suis demandé si elle était à la hauteur du problème que nous dénonçons. L’évolution des débats, ces derniers jours, et le début de la discussion ici même n’ont fait que confirmer ma crainte.

Entreprendre la réorganisation de nos débats, qui pourrait aller jusqu’à limiter les excès dans l’exercice du droit de parole et à réduire les motions de procédure, sans être taxé de vouloir restreindre les droits de l’opposition et de chacun d’entre nous, ne peut se faire qu’en rééquilibrant les rapports entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif, c’est-à-dire en réformant nos institutions.

Croire que l’on pourra à nouveau intéresser les députés aux travaux législatifs en interdisant le cumul des mandats…

M. René Dosière. Nous y voilà !

M. Alain Gest. Comme vous le savez, en ce qui me concerne, je ne cumule pas !

Ce serait tomber dans le populiste…

Mme Martine Billard. C’est le cas dans tous les autres pays : ils seraient donc tous populistes !

M. Alain Gest. …et ignorer les causes profondes du malaise qu’expriment régulièrement nombre d’entre nous.

Que devient en effet le pouvoir des députés, voire leur légitimité, quand leur élection, depuis le vote du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, dépend du succès de leur champion à l’élection présidentielle ? Quelle est la réalité de la mission de contrôle confiée aux députés quand le chef de l’exécutif ne peut accéder à nos locaux pour expliquer sa politique et en débattre ? Quelle motivation peut-il rester aux parlementaires quand leurs propositions de loi restent le plus souvent sans suite, perdues dans un ordre du jour qui leur échappe totalement ? Et que penser d’un système qui laisse des décrets dénaturer l’esprit de certaines dispositions législatives, quand ils n’en interdisent pas l’application ? Le temps me manque pour poursuivre la description des dysfonctionnements que chacun connaît bien.

Malheureusement, cette série de propositions de modification de notre règlement n’a abouti qu’à un débat convenu, l’opposition s’étant évertuée pendant trois heures à faire croire que nous cherchions à la bâillonner, alors que notre rapporteur, avec talent, méthode et une évidente bonne volonté, a tout fait pour instaurer une sorte de statut de l’opposition, ce qu’un grand quotidien national n’a pas manqué de le relever.

M. François Vannson. Très bien !

M. Alain Gest. N’est-ce pas la preuve que notre débat se situe dans la perspective des élections de 2007 ? Par exemple, si l’article 49-3 ne devait plus être utilisé à l’avenir, nous saurions en tirer toutes les conclusions pour l’organisation de nos temps de parole.

Vouloir moderniser notre constitution, c’est aussi sans doute mettre un terme à cette exception française – une parmi d’autres – qui nous empêche de modifier le nombre de nos commissions – c’est l’objet des discussions entre M. Dubernard et M. Teissier – puisque nous sommes le seul pays démocratique à avoir constitutionnalisé leur nombre !

M. René Dosière. C’est comme le cumul des mandats !

M. Alain Gest. Vouloir moderniser notre constitution, qui fêtera bientôt ses cinquante ans, ce n’est en rien nier son importance ni l’opportunité qui fut la sienne. C’est simplement vouloir mieux adapter le cadre juridique dans lequel nous travaillons.

M. Jérôme Rivière. Très bien !

M. Alain Gest. C’est aussi ce que nous serons en droit d’attendre au lendemain de l’élection présidentielle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le président, mes chers collègues, étant l’un des nombreux députés de notre assemblée dont c’est le premier mandat, j’ai été surprise, pour ne pas dire frustrée, voire déçue, lorsque j’ai découvert de l’intérieur les étonnants dysfonctionnements de la vie parlementaire. Mécanique complexe, pour un nouveau député, que le processus et le débat législatif ! Il y a quelques codes à connaître. Il faut commencer par comprendre ce qui se cache derrière certains mots, comme le mot « débats », dont l’utilisation à contre-emploi me surprend toujours.

En effet, rien ne ressemble moins à un débat que nos fameux débats sans vote, où les orateurs se succèdent sans pouvoir – ou sans vouloir – se répondre. Cela peut paraître anecdotique, mais ceux qui se souviennent de leurs premiers mois parmi nous me comprennent : nos débats sont empreints d’un formalisme excessif, que le fond des problèmes et l’émotion ont souvent bien du mal à percer.

Dans ces conditions, le règlement intérieur et ses subtilités sont tout à la fois l’instrument et l’habit d’un faux débat. On traîne de motions de procédures en motions de procédure avant de passer à l’examen d’amendements dont le seul objet, se fondant sur les imperfections du Règlement, est plus souvent de faire durer le débat que de l’approfondir. Le très long débat sur les retraites, pour moi comme pour un grand nombre de nos nouveaux collègues, a été un révélateur.

Je voudrais préciser que cette situation n’est pas liée à une configuration politique particulière, car les plus anciens députés disent tous avoir souffert, aussi bien dans la majorité que dans l’opposition, des imperfections de notre règlement et de la vanité de certains débats. Sur un tel sujet, nous aimerions pouvoir partager au moins un constat et des objectifs. À ce titre, je regrette l’attitude stérile de certains collègues lors de la discussion générale.

M. Philippe Vuilque. À qui pensez-vous en particulier ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. À vous par exemple !

M. Philippe Vuilque. Il faut aller plus loin !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Mais qu’on ne se méprenne pas : je ne fais pas partie de ceux qui décrient notre Constitution et qui appellent à la révolution institutionnelle.

M. Alain Gest. C’est dommage !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. L’Assemblée n’est pas moribonde et je suis fière des réformes que nous avons votées.

Cependant, nous sommes responsables, simplement par la manière dont nous nous organisons, de certains dysfonctionnements et d’un déficit d’efficacité. Aussi ai-je accueilli avec beaucoup d’enthousiasme les différentes propositions de résolution qui nous ont été proposées, en particulier celles qui nous sont soumises aujourd’hui. Ces dispositions sont intéressantes et me semblent apporter des réponses positives aux problèmes que j’ai évoqués.

Je voudrais néanmoins émettre une réserve au sujet du crédit temps de dix minutes octroyé à chaque député. Cette mesure est indispensable pour préserver la précieuse liberté de chaque député par rapport à son groupe. Je regrette que son application soit restreinte aux seuls députés qui en auraient fait la demande la veille du débat, avant dix-sept heures. La spontanéité des réactions est une richesse…

M. Jérôme Rivière. Elle est indispensable !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. …et je pense que nous pourrions, sans dénaturer le projet, nous dispenser de cette réserve.

M. Philippe Vuilque. Cette mesure a été supprimée !

M. René Dosière. À la demande du président de votre groupe !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. C’est dommage, car cette garantie aurait été utile !

Je regrette enfin que ce texte n’ait pas été l’occasion de créer une délégation parlementaire sur les changements climatiques, car ce sera le sujet majeur pour les équilibres écologiques, mais aussi géopolitiques et économiques, du vingt et unième siècle. Pour des raisons juridiques, ce texte n’a pas permis cette création, mais j’espère que la proposition de la mission d’information sur l’effet de serre, qui a rendu son rapport il y a quelques semaines, pourra être rapidement concrétisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Vuilque. Ce serait judicieux !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je remercie tous ceux qui sont intervenus au cours de cette discussion générale. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les arguments des uns et des autres et, si vous le permettez, je voudrais vous faire part de mes réactions face à certains d’entre eux.

Nous avons d’abord entendu Hervé Morin, qui a plaidé en faveur d’une nouvelle répartition des compétences entre les commissions. Il a déposé un amendement en ce sens, dont l’Assemblée débattra dans quelques instants.

Il a ensuite insisté sur la nécessité de mieux distinguer domaine législatif et domaine réglementaire. Je suis pour ma part totalement convaincu de cette nécessité, mais je vous répète ce que j’ai déjà dit ce matin en commission des lois : cette proposition de résolution n’est pas le bon vecteur pour y parvenir. Selon notre constitution…

M. Hervé Morin. Il faut la changer !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. …la séparation entre les domaines législatif et réglementaire est une compétence du Gouvernement, le Conseil constitutionnel décidant en dernier ressort.

La seule chose que nous pourrions faire, c’est demander au président de la commission des lois d’émettre un simple avis, ce qui le mettrait dans une position intenable. En effet, tout projet de loi est soumis par le Gouvernement au Conseil d’État, qui rend un avis. Or, nous ne pouvons pas, selon le Règlement de l’Assemblée nationale, obliger le Gouvernement ou le Conseil d’État à nous transmettre cet avis. Le président de la commission des lois devrait donc se prononcer sur un projet de loi sans connaître la position du Conseil d’État sur la nature réglementaire ou non de certaines dispositions, et sans pouvoir s’appuyer sur une jurisprudence bien établie du Conseil constitutionnel, qui n’est saisi sur cette question que deux fois par an.

Or, mes chers collègues, vous n’ignorez pas les contestations dont fait régulièrement l’objet l’application de l’article 40 par la commission des finances. Pourtant, ne sont soumis à la commission des finances que les amendements suspectés d’entraîner des charges publiques supplémentaires. Bien que ce critère soit relativement objectif, la mission n’en reste pas moins difficile. Il ne serait pas satisfaisant de contrôler l’ensemble des projets de loi et, pire encore, des amendements, sans base juridique établie, pour n’émettre qu’un avis dépourvu de conséquence. Toutefois, je pense qu’il faut avancer dans cette direction. J’avais d’ailleurs déposé il y a quelques mois un projet de loi organique, qui me semble être un meilleur outil, mais je ne pense pas que la solution à ce problème puisse se trouver dans le règlement de l’Assemblée.

Enfin, s’agissant des notions de majorité et d’opposition évoquées par M. Morin, si nous introduisons dans le Règlement de l’Assemblée des dispositions qui accordent des droits supplémentaires à l’opposition, il est nécessaire de savoir qui appartient à l’opposition.

M. Philippe Vuilque. Quel besoin avons-nous de la définir ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cette question n’a rien de nouveau en droit français, puisqu’elle figure déjà dans le code électoral.

À ce sujet, beaucoup de contrevérités ont été formulées sur ces bancs : nous allions rendre le vote obligatoire pour les députés, ou obliger les non-inscrits à choisir un groupe. Tout cela est totalement inexact ! Le dispositif est très simple : nous sommes tous des députés, nous avons donc des droits égaux, à commencer par le droit de vote. Mais l’appartenance à un groupe parlementaire nous offre des droits supplémentaires. De la même façon, les groupes parlementaires seront parfaitement libres de s’exprimer, mais ceux qui font partie de l’opposition auront des droits supplémentaires. Nous n’enlevons rien à personne.

M. Hervé Morin. C’est contraire à la Constitution !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Donner un statut à l’opposition consiste à lui accorder des avantages particuliers. Dans tous les parlements qui ont donné des avantages à l’opposition, celle-ci est définie. Sans formalisme particulier, tout groupe pourra changer d’avis à sa convenance, et si demain se crée à l’Assemblée un groupe semblable au RDSE – Rassemblement démocratique social et européen – du Sénat, il pourra ne prendre aucune position. En contrepartie, il n’aura pas accès aux postes de président ou de rapporteur dans les commissions, les commissions d’enquête et les missions d’information. Il n’y a aucune obligation pour un groupe à se prononcer. De tels principes existent dans toutes les démocraties qui ont choisi de donner des droits à l’opposition. Chacun le comprendra, c’est un passage obligé.

J’ai également écouté avec beaucoup d’attention Jacques Brunhes, qui regrette que notre régime souffre de certains dysfonctionnements et suggère une réflexion plus globale sur notre constitution, dans le but de revaloriser le rôle du Parlement.

M. Alain Gest. Il a raison !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Mais notre exercice consiste à faire évoluer les choses sans changer la Constitution. Je donne acte à M. Brunhes de ses souhaits, mais ne peux lui répondre, n’étant que le rapporteur de diverses propositions de résolution tendant à modifier notre règlement !

Je voudrais remercier Jérôme Chartier pour son soutien à la proposition de résolution présentée par la commission des lois, et lui dire que je partage son regret que cette proposition n’ait pas été l’occasion de moderniser notre procédure de vote des lois. Je pense que nous avons manqué une occasion de le faire mais, comme je l’ai dit ce matin, la modernisation de la procédure législative est indispensable et nous aurons sans doute l’occasion, avec l’élection présidentielle de 2007 et peut-être la révision constitutionnelle qui s’ensuivra, de reprendre un ouvrage que nous n’avons pu mener à son terme.

M. Alain Gest. Très bien !


M. Jean-Luc Warsmann
,
rapporteur. Philippe Vuilque est intervenu pour souligner la nécessité d’améliorer le contrôle de l’exécution des lois, en particulier des lois de finances. Je partage tout à fait son avis, mais je ne peux en revanche souscrire à son affirmation selon laquelle un groupe « à l’insu de son plein gré » – pour reprendre son expression – devrait choisir d’appartenir soit à la majorité, soit à l’opposition.

M. Philippe Vuilque. C’est pourtant ce qui va se passer !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je ne peux souscrire non plus à l’idée que les non-inscrits seraient tenus de choisir et je conteste que cette faculté porte atteinte à la liberté de vote de chaque groupe, et même de chaque député.

François Cornut-Gentille a exprimé son soutien à la proposition de résolution de la commission. Il a également dénoncé les renoncements auxquels nous avons dû nous résoudre ; je le comprends. Chacun sait que j’aurais souhaité aller plus loin dans la modernisation. Cela étant, ne boudons pas notre plaisir de voter quelques avancées notables.

Madame Billard, je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention. Vous avez critiqué certains amendements tardifs du Gouvernement. Je suis de votre avis et plusieurs des exemples que vous avez cités étaient particulièrement cruels. Tout le monde, sur tous les bancs, convient qu’il ne s’agissait pas de grands moments du travail parlementaire. Vous nous avez reproché aussi de détenir le record des déclarations d’urgence. Je répète que, depuis 1990, il appartient au gouvernement Jospin : entre 1997 et 2002, l’urgence a été déclarée soixante-deux fois, contre quarante et une depuis 2002.

M. René Dosière. Vous n’êtes pas meilleurs, en tout cas.

M. Philippe Vuilque. Mais nous, nous n’avons pas utilisé le 49-3 !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. On peut estimer que c’est beaucoup, mais pas nous reprocher de détenir le record. Si l’on fait le décompte sur les vingt dernières années, il est détenu par la législature 1988-1992 avec 129 déclarations d’urgence.

Vous avez ensuite longuement insisté sur la nécessité, pour parfaire la rédaction de nos amendements, de disposer du rapport. Je rappelle que la commission des lois a adopté ce matin un de mes amendements prévoyant d’introduire dans notre règlement un délai de quarante-huit heures avant l’ouverture des débats. Nous pouvons certes commencer à faire notre travail de parlementaire dès que le texte est déposé sur le bureau du président de l’Assemblée nationale puisque le projet et l’exposé des motifs sont alors disponibles, mais je reconnais volontiers que, pour mieux cadrer les amendements, le rapport est très utile. D’où mon amendement.

Le président Jean-Michel Dubernard a développé longuement des arguments tellement respectables qu’ils sont repris dans mon rapport, (Sourires) en particulier la charge de travail de sa commission. Je partage sa conviction qu’il est incontestablement dans l’intérêt général de scinder en deux la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Assurément, les missions en matière de culture, de jeunesse, d’éducation sont insuffisamment remplies en raison de l’alourdissement de la charge de travail au fil des années. Le diagnostic est bon, mais la solution proposée aujourd’hui est forcément limitée : nous devons rester dans le cadre fixé par la Constitution.

M. Alain Gest. C.Q.F.D. !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Dès lors, la seule solution possible aurait consisté à déshabiller Pierre pour habiller Paul, c’est-à-dire à fusionner deux commissions pour en créer une autre. Vous avez envisagé d’introduire quelque souplesse dans la Constitution et d’obtenir une nouvelle commission permanente pour l’Assemblée. Ce serait en effet la solution la plus sage.

M. Charles Cova. Très juste !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous serons amenés prochainement à prendre nos responsabilités dans le cadre de la campagne présidentielle. À chacun de nous de convaincre les candidats que nous soutiendrons que l’amélioration du travail du Parlement est en jeu.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Alain Gest, quant à lui, a dénoncé de nombreux dysfonctionnements du travail législatif, et nous ne pouvons qu’être de son avis. Il est l’un de ceux qui sont allés le plus loin en affirmant que tout dépendait de la réforme des institutions. Sans doute pas car nous allons faire œuvre utile aujourd’hui. Mais il a raison sur de nombreux points, en particulier s’agissant de la rénovation de la procédure législative. Elle passe en effet par une révision constitutionnelle.

Nathalie Kosciusko-Morizet a apporté un témoignage que nous sommes nombreux à partager. J’en suis tout à fait d’accord, le règlement incite à des comportements très formels, poussant à épuiser le temps de parole octroyé jusqu’à la dernière minute. Nous déplorons tous que l’examen d’un texte, entamé le mardi, ne commence en réalité que dans la nuit du mercredi au jeudi, quand beaucoup de nos collègues ont dû repartir dans leur circonscription.

M. Hervé Morin. Ils n’ont qu’à rester à Paris !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il y a place pour une modernisation de la procédure législative. Nous irons le plus loin possible aujourd’hui, mais tous les objectifs ne pourront pas être atteints. L’exemple du débat sur les retraites, que vous avez donné, madame la députée, est en effet excellent.

M. Jacques Brunhes. Mme Kosciusko-Morizet n’est plus là pour vous entendre !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Mais si ! Que faut-il donc faire pour que vous me voyiez ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Elle est en effet bien présente et je lui emprunterai, si elle m’y autorise, les termes même de sa conclusion. Elle a déclaré à juste titre éprouver « intérêt et enthousiasme » pour les améliorations du travail législatif qui sont proposées.

Mme Martine Billard. C’est un peu forcé, tout de même !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. En effet, en accordant des droits supplémentaires à l’opposition, le travail législatif et le contrôle parlementaire seront renforcés. Nous allons donc faire œuvre utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion des articles

M. le président. J'appelle maintenant le texte de la commission.

Article 1er

M. le président. À l’article 1er, je suis saisi d’un amendement de suppression, n° 17.

La parole est à M. René Dosière, pour le défendre.

M. René Dosière. Obliger les groupes à se déclarer dans l’opposition ou la majorité...

M. Richard Mallié. On dirait que vous avez honte d’être dans l’opposition !

M. René Dosière. ...heurte le principe du pluralisme reconnu par le Conseil constitutionnel à de nombreuses reprises, en particulier dans sa décision relative aux entreprises de presse du 11 octobre 1984.

Cela reviendrait à structurer autour de deux pôles seulement la scène politique où peuvent aujourd’hui s’exprimer plusieurs courants. L’adoption de l’article 1er forcerait tous les groupes politiques à prendre position, alors que certains pourraient préférer rester neutres.

Au-delà du pluralisme, c’est véritablement la liberté de pensée qui est en cause. Or elle est protégée par l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme de 1789. La déclaration de politique que chaque président de groupe doit remettre à la présidence de l’Assemblée, et publiée au Journal Officiel, est largement suffisante pour déterminer sa couleur politique.

J’ajoute, en écho aux propos de M. Morin, que la Constitution prévoit des dispositifs destinés à se positionner par rapport au Gouvernement, en particulier la motion de censure.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission des lois sur l’amendement n° 17.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Monsieur Dosière, vous venez d’indiquer qu’il s’agissait d’une obligation. C’est tout à fait inexact. Il n’est pas question d’obliger les groupes parlementaires. Ils sont libres d’exercer une faculté qui leur ouvrira des droits prévus par notre règlement. Chacun fera comme il voudra, mais comme l’appartenance à l’opposition emportera des droits, il faut bien définir ce qu’est l’opposition. Et le principe d’une déclaration reste la solution la plus simple.

J’en profite pour répondre à une remarque d’Hervé Morin. Il a déclaré que, s’il s’agissait de créer des droits, la résolution n’en créerait pas beaucoup.

M. Hervé Morin. C’est vrai !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Et pourtant, monsieur Morin ! Le droit à présider les commissions d’enquête et les missions d’information ou à rapporter leurs travaux !

M. Hervé Morin. Cela existe déjà !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. En outre, en votant cette disposition, nous ouvrons la porte à des droits supplémentaires. Savez-vous quel est le dernier parlementaire à avoir envisagé cette mesure ? Didier Migaud, car il est convaincu que, pour améliorer le contrôle de l’exécution des lois de finances, il faut donner à l’opposition une place plus grande. L’article 1er servira de fondation à un édifice plus vaste, et il n’est qu’une étape dans l’octroi d’autres droits. Je suis persuadé que, demain, s’agissant du contrôle des lois de finances ou de l’application des lois, d’autres avancées seront votées.

Compte tenu de l’importance de l’article 1er, la commission a repoussé l’amendement n° 17.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Sans reprendre ce que j’ai déjà dit dans la discussion générale, je rappelle, monsieur le rapporteur, que cette disposition est contraire à la Constitution. Être dans l’opposition ou dans la majorité ne résulte pas d’une intention, mais découle des votes et des actes...

M. Michel Piron. C’est vrai ! Il n’y a qu’à vous regarder !

M. Hervé Morin. ...tels que les prévoient l’article 49 de la Constitution : la question de confiance à l’alinéa 1er et la motion de censure à l’alinéa 2.

M. Richard Mallié. Et vous, où vous placez-vous ?

M. Hervé Morin. Je n’hésite pas à déclarer que je suis dans l’opposition au Gouvernement puisque j’ai voté la motion de censure.

La Ve République, monsieur le rapporteur, n’est pas un régime parlementaire stricto sensu, et je vous renvoie aux différents qualificatifs que lui ont donnés les constitutionnalistes. Mais, au moins une chose est sûre : depuis l’adoption du quinquennat, il existe, d’une part, une majorité présidentielle ; d’autre part, une majorité parlementaire. Le système que vous proposez est valable dans un régime parlementaire pur, mais pas dans un régime présidentialiste tel que le nôtre. Les deux régimes ne sont pas comparables.

Pour accepter le principe de cette déclaration, encore faudrait-il accorder de véritables droits à l’opposition en lui confiant des présidences de commission, comme cela se fait en Allemagne ou au Royaume-Uni. Mais lui accorder la présidence ou le rapport des commissions d’enquête ou des missions d’information créées au titre de l’article 145 et suivants, c’est déjà le cas depuis 2002, sous l’impulsion de Jean-Louis Debré.

De toute façon, le règlement de l’Assemblée sera probablement revu de fond en comble après 2007 puisque tous les candidats putatifs à l’élection présidentielle ont d’ores et déjà indiqué qu’ils souhaitaient une rénovation en profondeur de la Ve République. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Toujours est-il que déduire l’appartenance à la majorité ou à l’opposition d’une simple déclaration, c’est faire fausse route. Monsieur le rapporteur, quand le groupe communiste a voté la censure du gouvernement Rocard, après l’adoption de la CSG, était-il dans l’opposition ? Je ne le crois pas puisqu’il a ensuite voté le budget en 1992 et que les communistes ont conclu un accord électoral avec le parti socialiste pour les législatives l’année suivante.

M. Daniel Mach. Ce n’est pas une référence !

M. Hervé Morin. Si l’on remonte un peu plus loin dans le temps, le groupe RPR a refusé, fin 1979, de voter le budget de Raymond Barre qui a dû recourir à l’article 49-3. Pourtant, quelques mois plus tard, Jacques Chirac a appelé à voter Valéry Giscard d’Estaing au second tour de l’élection présidentielle. Le groupe RPR était-il dans la majorité ou dans l’opposition ? Vous voyez bien qu’il s’agit d’une notion variable et évolutive, qui ne traduit pas la complexité de la vie politique.

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Mes chers collègues, les articles 1er et 2 de la proposition de résolution, j’ai eu l’occasion de le dire en commission des lois, sont en complet décalage avec la situation politique. Je vois bien l’astuce qui se cache derrière, mais, s’ils étaient votés, ils ne s’appliqueraient que l’année prochaine, autrement dit dans un contexte politique qui ne sera pas forcément le même qu’aujourd’hui. À supposer que le Conseil constitutionnel nous laisse faire aujourd’hui, la prochaine assemblée risque donc fort de revenir dessus. L’intérêt de ces deux articles me paraît donc très contestable.

En outre, sur le plan constitutionnel, ils ne tiennent pas debout. Cela étant, comme disait Pierre Mazeaud quand il siégeait parmi nous, je ne peux pas me mettre à la place du Conseil constitutionnel. Pour rendre cette disposition applicable, il faudrait une définition constitutionnelle des termes de majorité et d’opposition,...

M. Hervé Morin. Cela n’a pas de sens !

M. Claude Goasguen. Le Conseil constitutionnel doit s’en pourlécher les babines à l’avance ! En attendant, je veux bien m’abstenir, mais il est hors de question que je vote les deux premiers articles !

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.


M. Jacques Brunhes
. Monsieur le rapporteur, vous usez d’arguments fallacieux puisque vous expliquez que la déclaration d’appartenance à l’opposition ou à la majorité est une simple faculté tout en ajoutant qu’elle donnera des droits ! À partir de ce moment, il ne s’agit plus d’une simple faculté, neutre sur le plan des effets.

M. Philippe Vuilque. Bien sûr !

M. Hervé Morin. Évidemment !

M. Jacques Brunhes. Certains députés auront ainsi des droits supplémentaires, parce qu’ils auront au préalable annoncé une couleur – mais laquelle, au demeurant ? Comment peut-on décider de son vote avant de connaître le contenu d’un texte ?

Permettez-moi, monsieur le rapporteur, de vous faire part de mon expérience. J’ai participé au débat sur la peine de mort : pensez-vous qu’il s’agissait alors d’une confrontation entre les groupes de la majorité et ceux de l’opposition ? Ce n’était plus aussi simple ! Il en a été de même lorsque Mme Simone Veil, alors ministre de la santé, a présenté son projet de loi sur l’IVG.

M. Richard Mallié. Cela n’a rien à voir !

M. Jacques Brunhes. C’est faire fausse route que de vouloir encadrer la notion d’opposition – car c’est encadrer l’opposition que de lui promettre en tant que telle des droits – sans qu’elle soit définie par la Constitution. Il en est de même de la notion de majorité, et M. Goasguen a raison sur ce point. Les groupes parlementaires, et eux seuls, constituent le socle du travail parlementaire. L’article 1er de la proposition de résolution n’étant pas de mise, nous voterons contre.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Monsieur le rapporteur, je rejoins les orateurs précédents : avec l’article 1er, il s’agit d’un bricolage sans intérêt. Ce que souhaite l’opposition, c’est un vrai statut, et non pas ces propositions décalées par rapport à la réalité de notre fonctionnement – M. Goasguen a raison sur ce point – et par rapport à notre attente : pouvoir enfin légiférer d’une façon rapide, concise et précise.

Ces propositions visent à rendre le travail parlementaire plus lisible, mais elles le rendent plus complexe ! Alors que l’article 19 de notre règlement, je le répète, est tout à fait précis, cet article 1er posera dans la pratique plus de problèmes qu’il n’en résoudra. Du reste, le président de la commission des lois est très sceptique sur son application dans le cadre de notre règlement actuel.

À quoi bon compliquer ce qu’on prétend simplifier – en l’occurrence notre règlement, qui n’en a assurément pas besoin ?

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 14, je suis saisi par le groupe Union pour la démocratie française d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je tiens tout d’abord à répéter que la notion de majorité existe déjà dans le droit français, à l’article L.167-1 du code électoral, lequel prévoit que la durée de parole pour la campagne aux élections législatives est divisée en deux séries égales, « l’une étant affectée aux groupes qui appartiennent à la majorité, l’autre à ceux qui ne lui appartiennent pas ».

M. Claude Goasguen. Cette notion n’a pas été définie par le Conseil constitutionnel !

M. Hervé Morin. Ce n’est pas un bon exemple !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Par ailleurs, monsieur Brunhes, je suis en partie d’accord avec vous : donner un statut aux groupes d’opposition, c’est leur donner des droits supplémentaires. L’objectif est de garantir un meilleur exercice par le Parlement de sa fonction de contrôle. En effet, le fait majoritaire risque de l’emporter si la fonction de contrôle est uniquement exercée par les députés de la majorité, lesquels sont naturellement conduits à fermer les yeux sur ce que le Gouvernement voudrait qu’ils ne voient pas. C’est donc pour garantir une meilleure efficacité du contrôle parlementaire que presque tous les parlements des démocraties développées ont donné des droits à l’opposition. C’est ce que nous vous proposons de faire également en votant l’article 1er. Je vous invite donc à rejeter l’amendement de suppression n° 17.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Monsieur le rapporteur, vous affirmez que les notions de majorité et d’opposition existent déjà dans les textes visant à organiser les campagnes électorales. Savez-vous ce qu’a récemment décidé le CSA en ce qui concerne le temps de parole à attribuer à l’UDF dans ce cadre ? La décision fut si compliquée à prendre pour lui qu’il a décidé de comptabiliser dans celui de l’opposition le temps de parole d’un député UDF ayant voté la censure, et dans celui de la majorité le temps de parole d’un député ne l’ayant pas votée ! (Exclamations sur divers bancs.)

M. Bernard Accoyer. C’est très bien !

M. Hervé Morin. Quant aux députés UDF élus au Parlement européen, le CSA a demandé aux chaînes de télévision de spéculer sur le vote qu’ils auraient émis sur la censure ! (Sourires.) Et vous venez nous expliquer que, chacun se situant clairement, la distinction entre majorité et opposition est simple !

Tout cela ne tient pas la route !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais mettre aux voix l’amendement n° 17, visant à supprimer l’article 1er.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Je suis saisi d’un amendement n° 33.

Cet amendement est-il défendu ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je le défends, monsieur le président.

Monsieur Chartier propose de compléter l’alinéa 2 de l’article 1er par la phrase suivante : « En cas de contestation formulée par le président d’un groupe, le Bureau décide ; pour cette délibération, le Bureau est complété par les présidents de groupe. »

L’avis de la commission est favorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Cet amendement signifie que la majorité sait bien que, dans la pratique, l’article 1er sera source de contestations, puisqu’il vise à les anticiper !

Par ailleurs – je n’ai pas soulevé la question dans ma précédente intervention –, qu’en sera-t-il des députés non-inscrits, puisqu’ils n’auront aucun droit, ni au titre de la majorité, ni à celui de l’opposition ? Seront-ils mis de côté ? Ce n’est pas cohérent !

M. Jean Proriol. On partagera, comme pour l’UDF !

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. L’amendement n° 33 est une illustration extraordinaire de l’incohérence de l’article 1er, laquelle a déjà été relevée. L’exposé sommaire explique en effet ce qu’il serait opportun de prévoir « à défaut d’un règlement politique d’une appartenance d’un groupe à l’opposition ou à la majorité ».

Si la distinction entre majorité et opposition est aussi simple que d’aucuns le prétendent, pourquoi défendre un amendement visant à régler la question au cas où elle se révélerait plus compliquée, amendement qui prévoit – je lis – « un mécanisme d’arbitrage assuré par le Bureau de l’Assemblée nationale », auquel on ajouterait les présidents de groupes, en vue d’arbitrer sur l’appartenance d’un groupe à la majorité ou à l’opposition ?

M. Claude Goasguen. C’est fou !

M. Philippe Vuilque. C’est n’importe quoi !

M. Jacques Brunhes. C’est ubuesque !

Cela n’a aucun sens, ni sur le plan politique, ni sur celui du règlement de notre assemblée. L’article 1er, je le répète, est incohérent et l’avoir fait adopter est totalement irresponsable !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je tiens à rappeler que cette disposition est prévue à l’article 167-1 du code électoral et que je n’ai pas entendu, lors de son adoption dans ce code, de propos aussi véhéments ! Il y est en effet prescrit qu’« à défaut d’accord amiable, la répartition est fixée par les membres composant le bureau de l’Assemblée nationale sortante, en tenant compte notamment de l’importance respective de ces groupes ; pour cette délibération, le bureau est complété par les présidents de groupe. »

La proposition de M. Chartier est donc cohérente.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Expliquez-moi comment le Bureau de l’Assemblée nationale décidera du sort des députés non-inscrits ! Sur quel critère les répartira-t-il entre l’opposition et la majorité ? Être non-inscrit, cela a une signification politique que vous ne respectez pas.

M. Hervé Morin. Philippe de Villiers appartient-il à la majorité ou à l’opposition ?

M. Philippe Vuilque. Je ne vois pas de quel droit le Bureau de l’Assemblée affirmerait qu’un tel est dans la majorité et tel autre dans l’opposition ! Cela ne tient pas debout !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il n’a jamais été question de demander à un député s’il est dans la majorité ou dans l’opposition. Nous respectons infiniment nos collègues non-inscrits, selon le principe un député, une voix, mais l’organisation de l’Assemblée n’en est pas moins la suivante : chaque député est libre de s’inscrire ou non à un groupe. Si un député adhère à un groupe parlementaire, il a plus de droits que celui qui est non-inscrit. C’est ainsi que le Parlement fonctionne ! Demain, si ces propositions sont adoptées, le ou les groupes parlementaires déclarant appartenir à l’opposition auront un peu plus de droits que les autres. C’est aussi clair que cela !

Les députés non-inscrits, dont je respecte le choix, ne jouissant pas des mêmes droits que ceux inscrits dans des groupes parlementaires, ils ne jouiront pas, a fortiori, des mêmes droits que les groupes parlementaires qui auront déclaré appartenir à l’opposition, puisqu’ils n’appartiennent à aucun groupe ! Ces dispositions ne changeront donc rien pour eux !

M. Philippe Vuilque. C’est une idiotie totale !

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Charles Cova. Il est temps de passer au vote !

M. Jacques Brunhes. Monsieur le rapporteur, ne parlez pas de simplicité au moment où vous défendez un amendement qui vise à réunir le Bureau, complété par les présidents groupe, lorsque cela se compliquera parce que des contestations auront surgi !

M. Charles Cova. Nous avons compris !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié par l’amendement n° 33.

(L’article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. Nous en venons à un amendement n° 27, portant article additionnel après l’article 1er.

La parole est à M. Hervé Morin, pour le soutenir.

M. Hervé Morin. J’ai déjà longuement évoqué cette question dans la discussion générale. Cet amendement reprend une proposition de résolution du président de l’Assemblée. J’ai entendu ce matin l’intervention du président la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et celle du président de la commission de la défense et des forces armées. Aujourd’hui plus encore qu’hier, défense et politique étrangère sont intimement liées et ne constituent bien souvent plus que les deux facettes d’une même question. C’est pourquoi, compte tenu de la charge de travail de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui doit aborder des questions aussi diverses que celles qui concernent la jeunesse, le sport, le budget de la sécurité sociale ou encore le droit du travail, nous avons pensé que, dans le cadre contraint de l’article 43 de la Constitution qui limite à six le nombre des commissions permanentes de notre assemblée, il vaudrait mieux réunir la commission de la défense et des forces armées et celle des affaires étrangères et scinder la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Je sais bien que l’idéal serait d’augmenter le nombre des commissions, du moins si une présence régulière des députés permettait à ces commissions d’exercer un travail suffisant. Toutefois, compte tenu de la rédaction actuelle de la Constitution, la réunion de la commission de la défense et de celle des affaires étrangères serait un premier pas vers une amélioration du fonctionnement de la commission des affaires culturelles.

M. Claude Goasguen. Il nous présente le projet de Bayrou !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.

Pour les raisons que j’ai déjà développées, la commission des lois, tout en pensant qu’il faut trouver une solution à la situation de la commission des affaires culturelles, sans doute en la scindant, a considéré que ce n’était pas le lieu pour le faire.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la défense et des forces armées.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Monsieur Morin, depuis la nuit des temps les armées ont été l’instrument ultime de la diplomatie ! Il n’y a donc rien de nouveau dans le paysage ! (« Justement ! » sur divers bancs.)

Mme Martine Billard. Raison de plus pour adopter l’amendement !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Dans ces conditions, il fallait adopter une telle mesure depuis vingt ou trente ans !

De plus, la commission de la défense ayant, dans sa totalité, repoussé cette proposition que vous reprenez à l’instant, je regrette, monsieur Morin, que vous ne soyez pas venu pour en discuter, alors même que vous en faites partie.

M. Jacques Brunhes. Ça suffit ! Quel aveu de faiblesse !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. C’eût été sans doute plus convenable.

Je tiens à ajouter que personne ne conteste le travail de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Pierre-Christophe Baguet. Heureusement !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Mais l’ajout de une ou deux commissions changerait-il le fonctionnement de la République ? Cela me paraît tout à fait invraisemblable !


Aussi, je souhaite vous avertir, mes chers collègues, que si nous prenions cette décision, elle entraînerait des conséquences graves pour le Parlement, graves pour le pays et graves pour nos soldats. (Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Comment expliquerez-vous à nos soldats qui défendent aujourd’hui nos couleurs en Afghanistan qu’il a fallu réparer les maux de la commission des affaires sociales aux dépens de la commission de la défense ?

Non seulement l’idée défendue par l’amendement ne tient pas debout, mais je trouve au contraire que dans le contexte actuel de lutte contre le terrorisme, il faudrait donner la possibilité à la commission de la défense de se saisir des questions de sécurité afin qu’elle devienne la commission de la défense et de la sécurité.

M. Charles Cova. Ségolène ne s’est-elle pas prononcée pour la présence des militaires à l’école ?

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Une telle décision honorerait le Parlement et nous ferions preuve de modernité.

La commission de la défense a repoussé à l’unanimité l’amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Chacun sait que le travail de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales est monstrueux. J’ai toujours connu cette situation depuis vingt-huit ans que je suis député. Pour avoir vice-présidé pendant cinq ans cette commission, j’ai pu mesurer l’ampleur de la tâche. Le président Dubernard l’a dit avec éloquence tout à l’heure, il s’agit de traiter des questions relevant de la culture, de l’enseignement, et aussi de traiter les problèmes sociaux, ceux relatifs au droit du travail...

M. Philippe Vuilque. Absolument !

M. Jacques Brunhes. Le président Dubernard a raison de dire que si nous laissons cette commission en l’état, nous provoquerons un blocage de nos institutions. Parmi les exemples de textes qui n’ont pas pu être examinés, il a pris celui, frappant, du projet relatif aux droits d’auteur – nos collègues devraient y être attentifs –, sur lequel la commission des affaires culturelles, familiales et sociales n’a pas été saisie pour avis !

M. Hervé Morin. C’est inadmissible ! C’est incroyable !

M. Jacques Brunhes. C’est en effet incroyable ! La situation ne peut pas durer. Quelles solutions proposer ? Une s’impose, inlassablement réitérée : il faut modifier la Constitution…

M. René Dosière. Voilà !

M. Jacques Brunhes. …afin de prévoir un plus grand nombre de commissions. Or, figurez-vous que cela fait vingt-huit ans que j’en entends parler !

M. Jacques Myard. Et la gauche, qu’a-t-elle fait ?

M. Jérôme Rivière. Qu’ont donc fait les anciens députés ? (Sourires.)

M. Jacques Brunhes. Depuis 1978, j’entends répéter exactement les mêmes choses !

M. Claude Goasguen. Belle longévité !

M. Jacques Brunhes. Et pourquoi n’arrivons-nous à rien ? C’est parce que lorsque nous sommes réunis en congrès à Versailles pour réviser la Constitution – quelles que soient d’ailleurs les majorités –, ce sujet n’est jamais à l’ordre du jour puisqu’il paraît subalterne. Il n’y a par conséquent aucun d’espoir de ce côté dans l’immédiat.

En revanche, une solution, peut être temporaire mais utile, consisterait à décider par un simple amendement la séparation en deux de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et un regroupement de la commission des affaires étrangères et de la défense.

J’ajoute, monsieur le président de la commission de la défense, que vous devriez faire très attention à vos propos, parce qu’ils risquent d’être mal interprétés. La proposition que je viens de formuler émane du président Debré. Qui, parmi nous, peut imaginer que le président Debré proposerait une mesure de nature à porter une atteinte grave à nos soldats, à notre pays ? Qui peut imaginer cela ?

Plusieurs députés de l’Union pour un mouvement populaire et M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Nous !

M. Jacques Brunhes. Vous prétendez que parce que nous sommes favorables à un regroupement de la commission de la défense et de la commission des affaires étrangères, nous laisserions de côté nos forces armées !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Bien sûr ! C’est une certitude !

M. Jacques Brunhes. C’est totalement absurde !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. C’est peut-être absurde, mais c’est ce que je pense !

M. Jacques Brunhes. En fin de compte, pourquoi les membres de la commission de la défense raisonnent ainsi, alors que ceux qui souhaitent un regroupement de la commission de la défense avec celle des affaires étrangères ne s’opposent en rien aux forces armées ? Serait-ce pour des raisons de confort personnel ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Honteux ! Lamentable !

M. Jacques Brunhes. N’est-ce pas un conservatisme clanique qui conduit à des situations aussi figées ?

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Ces propos sont scandaleux !

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. On a beaucoup entendu le rapporteur accuser l’opposition de vouloir saboter ce texte. Or, je crois que cet amendement démontre l’inverse. En effet, de quoi s’agit-il ? C’est le président de l’Assemblée nationale qui est à l’origine de cette proposition et on ne peut pas le soupçonner, ainsi que vient de le dire Jacques Brunhes, de vouloir affaiblir nos forces armées.

Le rapporteur n’a pas retenu la proposition et, à la lecture de son rapport, je l’ai déjà dit, on constate qu’il a très bien enveloppé les esprits, estimant qu’ils n’étaient pas encore mûrs pour une telle réforme. Autrement dit, l’opposition à cette proposition du président de l’Assemblée nationale ne vient pas de nous, mais de la majorité !

Enfin, nous sommes sur les bancs de l’opposition, quatre députés, cinq avec M. Morin (Sourires)

M. Hervé Morin. Il ne faut pas compter M. Baguet car il n’a pas voté la censure, et il ne fait donc pas partie de l’opposition !

M. René Dosière. …et six avec M. Renucci qui vient d’arriver. Et voilà que, brusquement, au moment d’examiner cet amendement, les bancs de la majorité, jusqu’alors très clairsemés, se repeuplent spontanément. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Qu’est-ce que cela signifie ? Tout simplement que ce n’est pas pour des motifs d’intérêt général que la majorité va se prononcer, mais pour des motifs, je l’affirme, très corporatistes.

M. le président. La parole est à M. Jean Lemière.

M. Jean Lemière. La position de notre cher collègue Dosière pose un vrai problème. Tous les députés socialistes membres de la commission de la défense ont adopté la même position que nous. Il faudrait donc nous expliquer comment vous fonctionnez, monsieur Dosière.

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d’Estaing.

M. Louis Giscard d’Estaing. Ce qui semble être en cause, c’est l’organisation de notre travail en commission, qu’il s’agisse de la répartition des compétences ou du nombre des parlementaires qui les composent. Or l’amendement ne répond pas à ces attentes.

L’Assemblée est aujourd’hui composée de six commissions dont quatre comptent soixante-dix membres et deux, cent quarante membres. Il serait donc souhaitable que chaque commission soit composée d’environ soixante-dix membres, afin que nous puissions travailler de façon cohérente sur les sujets généraux relevant des compétences attribuées à la commission, et de manière plus spécialisée, chaque membre pouvant ainsi faire valoir ses propres compétences.

La solution optimum – je m’adresse à l’auteur de l’amendement – serait que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales actuelle soit scindée en deux sous-commissions puisque la Constitution ne nous permet pas de créer directement une nouvelle commission. Il faudrait également scinder la commission des affaires économiques en deux sous-commissions. Ainsi, chaque commission et sous-commission pourrait travailler raisonnablement sur la base de soixante-dix membres, c’est-à-dire d’un effectif réparti uniformément. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 27, je suis saisi par le groupe Union pour la démocratie française d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Ce sujet important concerne non seulement l’organisation de nos travaux, mais aussi la nation tout entière. On ne peut passer la culture et la communication sous silence au moment où des évolutions technologiques profondes affectent autant la vie quotidienne de nos concitoyens que la démocratie elle-même.

La complexité des sujets abordés par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales impose en effet une clarification, repoussée, semble-t-il, législature après législature. Je ne m’en explique vraiment pas la raison, alors que nous avons des comptes à rendre à nos concitoyens et que nous devons nous montrer le plus efficaces possibles.

Personne ici n’entend porter atteinte à quelque militaire que ce soit. Nous avons tous trop de respect pour leur engagement.

M. Charles Cova. C’est du violon, ça !

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président de la commission de la défense, avec le respect que je vous porte, vous ne pouvez pas faire de procès d’intention aux membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Il n’est pas question d’affirmer que certains d’entre nous travailleraient plus que d’autres. Nous travaillons tous autant et c’est bien ainsi, mais il s’agit ici d’être encore plus efficaces, d’où notre souci de cohérence.

Nos collègues sénateurs serviraient-ils moins bien nos forces armées et notre diplomatie au prétexte qu’ils ont réuni la commission de la défense et celle des affaires étrangères ?

M. Charles Cova. Ils sont trop vieux, ils ne peuvent plus crapahuter !

M. Pierre-Christophe Baguet. Nous avons par ailleurs beaucoup d’arguments qui plaident en faveur de la scission de la commission des affaires familiales, culturelles et sociales.

M. Jérôme Rivière. C’est un hold-up sur le budget de la défense !

M. Pierre-Christophe Baguet. Comme l’a dit le président Dubernard dans son intervention, le simple fait que l’examen du texte relatif aux droits d’auteur, qui touche tant au quotidien de nos concitoyens, n’ait même pas pu être examiné pour avis par la commission, est un argument en faveur de cet amendement, et je le soutiens de tout cœur.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je n’interviens pas en tant que non-inscrit, mais en tant que membre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, tant il est vrai que la situation n’est plus tenable.

Il est indéniable que cet après-midi la commission de la défense s’est mieux mobilisée que la commission des affaires sociales. Mais il est triste d’en arriver là parce que notre objectif ne devrait pas être de mener un débat commission contre commission, mais de trouver le meilleur mode de fonctionnement de l’ensemble de notre assemblée. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

De ce point de vue, même s’il m’arrive très rarement de tomber d’accord avec le président Dubernard, je ne peux que souscrire à ses explications sur les difficultés de fonctionnement de la commission des affaires culturelles.

M. Richard Mallié. Ah ! un mariage en vue !

Mme Martine Billard. Je rappelle en outre que la présence des députés en commission est consignée dans le Journal officiel. Il est même prévu dans le Règlement, me semble-t-il, des sanctions en cas d’absences répétées. Heureusement que cette disposition n’est pas appliquée, parce qu’en tant que membre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales il est impossible physiquement de respecter le règlement de l’Assemblée.

M. Philippe Vitel. Personne ne dit le contraire !

Mme Martine Billard. On ne peut en effet assister à toutes les réunions de commission, aller en séance publique et participer à une mission d’information par exemple.

Une évolution s’impose donc ! Et franchement, monsieur le président de la commission de la défense, il y a au Sénat une seule commission des affaires étrangères et de la défense or je ne sache pas que les sénateurs méprisent nos soldats !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Cela n’a rien à voir !

Mme Martine Billard. Je parle de votre argument sur le mépris que nous manifesterions envers notre armée…

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Ce mépris existe !

Mme Martine Billard. …en proposant une réorganisation des commissions. Cet argument est infondé et je me demande où se situe l’immobilisme aujourd’hui.

On risque d’attendre encore très longtemps une réforme de la Constitution. Aussi, je crois la proposition du président de l’Assemblée nationale de bon sens puisqu’elle permettrait de mieux répartir le travail des commissions sans signifier une quelconque remise en cause de qui que ce soit. Je regrette que cette proposition ne rencontre pas un plus large écho. Quoi qu’il en soit, au nom des députés verts, je voterai l’amendement présenté par notre collègue de l’UDF.

M. le président. La parole est à M. Michel Voisin.

M. Michel Voisin. J’ai été frappé par les paroles de notre collègue Jacques Brunhes qui est membre de notre commission.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. On ne le voit jamais !

M. Michel Voisin. Il est vrai que je comprends qu’il puisse tenir de tels propos. Mme Billard vient en effet de rappeler que les présences en commission sont consignées dans le Journal officiel. Je me permets d’y renvoyer M. Brunhes. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Par ailleurs, il me semble n’avoir entendu parler que de soldats. Mais, madame Billard, monsieur Brunhes, la commission de la défense ne s’occupe pas uniquement des questions militaires.

M. Hervé Morin. C’est ce qu’a dit M. Teissier !

M. Michel Voisin. Elle s’occupe des industries liées à la défense, des questions de sécurité.


M. Pierre-Christophe Baguet
.
Les questions relatives à l’emploi sont du ressort de la commission des commissions des affaires culturelles, familiales et sociales !

M. Michel Voisin. J’y reviendrai, monsieur Baguet !

À un moment où la question du terrorisme et des mesures à prendre pour s’en prémunir est sur toutes les bouches et retient l’attention de la plupart des parlements, il serait bon d’adjoindre la sécurité au champ de compétences de la commission de la défense. Il y a là un manque évident : personne aujourd’hui dans notre parlement ne s’occupe spécifiquement des affaires de sécurité ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ces questions sont diluées dans une sorte de magma et aucune réflexion ne peut être menée à son terme.

M. Thierry Mariani. Et la loi sur le terrorisme ?

M. Michel Voisin. Je voudrais dire aussi à mon ami Jean-Michel Dubernard que nous recevons les associations de militaires. Autant que je sache, en effet, notre loi ne prévoit pas que celles-ci puissent s’exprimer. La commission des lois recueille donc leurs doléances. En déchargeant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de tout ce qui touche aux militaires et en le restituant à la commission de la défense, comme vous l’a proposé M. Teissier ce matin, vous vous donneriez une vraie bouffée d’oxygène, cher président Dubernard !

M. Philippe Vuilque. Mais non ! Cela ne changerait rien !

M. Michel Voisin. Je conviens qu’il existe des problèmes, mais ce n’est pas en supprimant…

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Allez, allez ! Vous êtes les meilleurs !

M. Michel Voisin. Je n’ai jamais dit cela ! En revanche, je suis membre de cette commission depuis dix-huit ans et j’ai été très peiné par certains propos. Nous avons eu des discussions difficiles et sommes passés par des moments graves. Comment peut-t-on insinuer que les membres de cette commission se tournent les pouces ?

Mme Martine Billard et M. Pierre-Christophe Baguet. Personne n’a jamais dit cela !

M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille.

M. François Cornut-Gentille. Je souhaite expliquer, au nom du groupe de l’UMP, pourquoi nous voterons contre l’amendement de M. Morin. Il ne s’agit nullement d’une querelle de boutique opposant telle commission à telle autre, même si, comme on l’a vu, la tentation existe. Le point de vue du groupe est tout autre : depuis des années, on a constaté que la surcharge de travail de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales atteint un point véritablement insupportable ; on s’accorde également à reconnaître la vocation historique et l’intérêt du travail de la commission de la défense, qui ont été bien exposés par le président Teissier ; sur tous les bancs, on sent bien qu’il existe une porte de sortie consensuelle.

M. René Dosière. Bref, il est urgent d’attendre !

M. François Cornut-Gentille. Je ne partage pas le pessimisme de M. Brunhes. Certaines questions sont certes en discussion depuis fort longtemps, mais, par absence de pression, les choses ne se font pas. Aujourd’hui, les problèmes dont la commission des affaires culturelles est saisie sont exacerbés. Ils ont pris une telle importance que l’on finira bien par faire ce dont on parle. Mais pourquoi procéder dans le désordre et sans consensus, en provoquant un traumatisme dans l’Assemblée ?

M. Hervé Morin. C’est pourtant une occasion !

M. François Cornut-Gentille. Nos débats, j’en suis persuadé, ont permis de faire progresser le consensus. Je prends le pari que, quelle que soit la majorité future, ce consensus sera obtenu. Voilà pourquoi nous sommes opposés à l’adoption de cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Il est des moments où il faut savoir oser ! Or nous avons l’occasion d’oser une vraie réforme, une authentique avancée dans le fonctionnement de notre assemblée.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Vous avez pourtant voté l’exception d’irrecevabilité et la question préalable !

M. Philippe Vuilque. Je regrette la position officielle du groupe de l’UMP que vient de nous livrer M. Cornut-Gentille, tout en sachant qu’il existe des divergences chez vous, comme vient de le rappeler le président Dubernard.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Il en existe aussi chez vous !

M. Philippe Vuilque. Lors de la précédente législature, j’étais membre de la commission des affaires culturelles. Celle-ci compte près de cent soixante-dix membres : comment faire un travail correct avec un tel effectif ? La réaction du président de la commission de la défense est à cet égard symptomatique de l’impossibilité de faire avancer les choses dans cet hémicycle. Il y a des corporatismes chez vous comme chez nous. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. René Dosière. À cette différence près que nous les surmontons, nous !

M. Philippe Vuilque. Or voilà que se présente l’occasion rêvée d’oser une amélioration en votant l’amendement de M. Morin. Certes, les membres de la commission de la défense n’ont pas forcément très envie de se faire hara-kiri, certes, la question de la répartition des présidences posera des problèmes politiques, mais la possibilité qui s’offre à nous ne se présentera pas deux fois. Faites un effort !

M. le président. Je donne maintenant la parole à M. Jacques Brunhes (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), puis nous passerons au vote.

M. Jacques Brunhes. Mon collègue Michel Voisin vient d’aborder le problème sous l’angle du travail de la commission de la défense. Permettez-moi d’observer que les communistes sont représentés au bureau des commissions de l’Assemblées et que, s’ils n’y siègent pas, ils sont régulièrement consultés. Ils participent à toutes les commissions d’enquête et missions d’information. Un de nos collègues est secrétaire de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau.

M. Claude Goasguen. Et alors ?

M. Jacques Brunhes. Les présidents des délégations parlementaires dont je suis membre veillent tous attentivement au respect du pluralisme. Je suis vice-président de la section française de l’Union interparlementaire et de l’Assemblée parlementaire de la francophonie. Eh bien, à la commission de la défense, pour la première fois de ma vie parlementaire, je suis exclu de tout ! Cela s’appelle de l’ostracisme ! (Protestations et rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) On prend prétexte de mon absence en commission, mais cela tient tout simplement au fait qu’aucune mission ne m’a jamais été demandée !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. C’est faux !

M. Jacques Brunhes. Malgré tous mes courriers, mes demandes de réunion avec le bureau et mes réclamations auprès du président de l’Assemblée nationale, le président de la commission a refusé systématiquement de m’écouter.

M. Claude Goasguen. C’est un anticommuniste primaire !

M. Jacques Brunhes. Je maintiens que M. Voisin défend une position de confort personnel, et j’ajoute que c’est une position clanique et corporatiste.

M. René Dosière. Oui !

M. Jacques Brunhes. Au lieu de défendre l’intérêt du Parlement, vous abordez les problèmes de défense par le petit bout de la lorgnette ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Ces propos sont honteux !

M. Jacques Brunhes. Le Sénat aussi s’occupe de la défense de la France, mais il s’en occupe autrement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l’amendement n° 27.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

(À ce moment, plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire se lèvent pour quitter l’hémicycle.)

M. Jacques Brunhes. Vous pouvez partir, chers collègues de la commission de la défense ! C’est fini ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Vuilque. Il y a du champagne qui les attend à la buvette !

M. Jérôme Rivière. Arrêtez de donner des leçons !

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur pour avis. Nous allons boire un coup à votre santé, monsieur Brunhes !

M. le président. Veuillez sortir dans le calme, mes chers collègues !

Article 2

M. le président. Sur l’article 2, je suis saisi de deux amendements identiques de suppression, nos 18 et 22.

La parole est à M. René Dosière, pour soutenir l’amendement n° 18.

M. René Dosière. Maintenant que le reflux a emporté les membres de la commission de la défense,…

M. Philippe Vitel et M. Marc Francina. C’est faux ! Nous restons, nous ! (Sourires.)

M. René Dosière. …nous pouvons poursuivre la discussion.

Il peut paraître paradoxal que le groupe socialiste propose de supprimer l’article 2, qui attribue la présidence d’une des commissions permanentes à l’opposition. Mais nous considérons tout simplement que c’est se moquer. Il y a six commissions permanentes ; or, l’opposition ne représente pas qu’un sixième de notre assemblée ! Contrairement à ce que le rapporteur n’a cessé de répéter, ce texte n’ouvre aucun droit à l’opposition, d’autant que nous n’avons pas eu le temps d’en discuter.

Faut-il redire, au risque de se voir encore opposer l’exception française par M. Chartier, que nous sommes à la traîne et que dans toutes les démocraties, en particulier anglo-saxonnes, l’opposition et son leader bénéficient d’un régime où ils ont toute leur place ? Certes, les traditions et les cultures sont différentes et il ne s’agit pas de calquer notre système sur le système anglo-saxon. Reste que, partout ailleurs qu’en France, les partis d’opposition sont parfaitement représentés. Les chiffres relatifs à l’Allemagne et la Grande-Bretagne que le rapporteur nous a livrés ce matin montrent que nous avons décidément beaucoup de progrès à faire.

C’est parce que nous refusons cette disposition alibi que nous demandons sa suppression, également proposée et votée par la majorité.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. On aura compris que l’amendement n° 22 est également défendu.

C’est moi qui avais proposé à la commission des lois une mesure qui ne figurait pas parmi celles du président Debré : attribuer une présidence de commission permanente à l’opposition. J’admets toutes les opinions, mais j’ai été surpris par le ton de M. Dosière. Faut-il lui rappeler le bilan des quinze années de présidence socialiste à l’Assemblée nationale en la matière ? Depuis 1981, il y a eu à deux reprises des présidents de commission issus de l’opposition. En 1986, M. Roland Dumas a été élu président de la commission des affaires étrangères grâce aux voix des députés du Front national. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En 1988, la majorité de gauche a laissé M. Giscard d’Estaing présider la commission des affaires étrangères jusqu’à son élection au Parlement européen, c’est-à-dire pendant quelques mois seulement. Au regard de ce bilan, je suggère donc à l’opposition de faire preuve d’un peu plus de modestie.

M. Philippe Vuilque. Nous n’y sommes pour rien !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. J’avais donc proposé cette disposition, mais je suis là pour rapporter la décision commission des lois, qui a examiné ce matin deux amendements identiques de suppression, l’un du groupe socialiste, l’autre de M. Chartier, et qui les a acceptés. Je le regrette à titre personnel, mais l’avis de la commission est favorable.

(M. Jean-Louis Debré remplace M. Maurice Leroy au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je n’ai certes pas déposé d’amendement en ce sens – les députés non-inscrits n’arrivent pas toujours à tout faire ! –, mais je regrette qu’aucun groupe n’ait proposé d’introduire un peu plus de parité dans les présidences de commission pour la prochaine législature. J’espère que l’ensemble des formations politiques feront en sorte, non seulement que plus de femmes soient élues députées,…

M. Maurice Giro. Ça, c’est le peuple qui en décidera !

Mme Martine Billard. …mais aussi que des femmes soient nommées présidentes de commission. Actuellement, aucune femme ne préside de commission permanente. Les vice-présidences devraient également faire l’objet d’une répartition paritaire, tout comme les présidences des commissions d’enquête et des missions d’information.

Je suis bien sûr favorable à la défense des droits de l’opposition, et donc à une réflexion sur une répartition proportionnelle entre majorité et opposition, mais veillons aussi à mieux intégrer la représentation des femmes à la tête des différentes instances de l’Assemblée nationale. Faute d’avoir pu soutenir un amendement, j’espère que ce souhait se réalisera dans les faits.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 18 et 22.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 2 est supprimé.


Après l’article 2

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 29, portant article additionnel après l’article 2.

La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour le soutenir.

M. François Cornut-Gentille. Les années passant, les questions européennes prennent de plus en plus d’ampleur et l’Assemblée doit s’organiser pour les suivre. L’habitude ayant été prise de consacrer une séance à l’ordre du jour des Conseils européens, cet amendement vise à la pérenniser et à ouvrir la possibilité d’un débat après ces conseils. Il y a en effet, pour la représentation nationale, des enseignements à en tirer et le Gouvernement doit pouvoir s’expliquer.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. La pérennisation de cette pratique nous convient, mais le problème est qu’il s’agit d’un débat sans vote.

M. Hervé Morin. Cela n’a donc pas de sens !

M. Jacques Brunhes. Or nous pensons que l’Assemblée nationale doit donner un mandat, même s’il n’est pas impératif, aux ministres qui vont aux Conseils européens. Malgré cette insuffisance, nous voterons cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, comme sur la série suivante qui tend à instaurer des débats. Pour quelle raison ? Pour être constitutionnelles, ces dispositions doivent être votées sous réserve des articles 28 et 48, qui traitent de l’ordre du jour prioritaire du Gouvernement et de l’ordre du jour super-prioritaire des niches parlementaires. Même si elle est votée, cette disposition bien intentionnée n’aura aucune conséquence si le Gouvernement ne l’inscrit pas à l’ordre du jour prioritaire. Elle risque de rester une pétition de principe et d’alourdir le règlement.

Or il existe des solutions. L’une consiste, pour un président de groupe, à demander en conférence des présidents l’organisation d’un débat – il y en a eu treize depuis le début de la législature. Une autre est la liberté d’un groupe parlementaire d’inscrire un tel débat à l’ordre du jour d’une séance d’initiative parlementaire, s’il estime qu’il doit avoir lieu.

En conclusion, voter ce type d’amendement n’aurait aucune portée normative concrète. C’est la raison pour laquelle la commission, à son grand regret, a dû émettre un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Comme M. le rapporteur, nous sommes défavorables à cet amendement. L’Assemblée meurt de tous ces débats sans vote et ressemble de plus en plus à un conseil général d’avant la décentralisation ! Qu’un débat précède, voire suive, les Conseils européens et que le Gouvernement fixe à cette occasion les grandes lignes qu’il y défendrait, très bien ! Encore faudrait-il que ce débat soit suivi d’un vote. Un débat sans vote n’a pas de sens. Nous voterons contre l’amendement.

M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille.

M. François Cornut-Gentille. J’entends bien les arguments de M. Warsmann. Certes, il ne s’agit pas d’une disposition normative, mais elle se veut incitative et je crois que c’est un progrès. Nous reviendrons sur cette notion avec d’autres amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 3

M. le président. À l’article 3, je suis saisi d’un amendement n° 6.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le septième alinéa de l’article 86 prévoyait, depuis 1991, une annexe qui n’est jamais entrée en pratique. À la place, il est proposé que les rapports parlementaires fassent état d’une liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés par le projet ou la proposition de loi concerné. L’idée est d’inciter chaque rapporteur à un travail de simplification et à rendre ce recensement systématique à l’avenir. Cela me paraît un sain exercice de simplification du droit. (« Excellent ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Nous trouvons cet amendement tout à fait judicieux pour juguler l’inflation législative.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 3.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’Assemblée a voté une disposition prévoyant que le rapporteur d’un texte doit, dans les six mois suivant sa promulgation, présenter à la commission un rapport sur son application. Cette disposition connaît un succès certain puisque le quart des lois votées depuis ont fait l’objet de ce travail de surveillance.

Le présent amendement tend à proposer un dispositif complémentaire en renforçant à la fois le contrôle de l’application des lois que nous votons et les droits de l’opposition. Il prévoit que si, dans le délai de six mois, le rapporteur n’a pas fait connaître son intention de présenter un rapport de contrôle d’application, ce travail est confié à un groupe de l’opposition si le rapporteur appartient à la majorité, et inversement, de la majorité si le rapporteur fait partie de l’opposition. On peut ainsi espérer qu’un rapporteur défaillant sera avantageusement remplacé par un membre de l’opposition qui, ayant pris la main, accomplira ce travail de contrôle.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. L’amendement commence bien mais finit mal. Si l’intention est bonne, M. Warsmann fait tout de même l’aumône à l’opposition : il lui concède la possibilité de prendre en charge le rapport que le rapporteur n’aurait pas établi. Pourquoi ne pas prévoir dès le départ que lorsque le rapporteur appartient à la majorité, c’est un député de l’opposition qui fait le rapport de contrôle de l’application de la loi, et inversement ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La logique veut que ce soit le rapporteur qui élabore ce rapport : il a été le plus impliqué dans le travail parlementaire et a une meilleure connaissance du texte. Néanmoins, cela ne me choque pas de donner plus de place à l’opposition. Maintenant que nous avons introduit dans notre règlement un statut de l’opposition, rien n’empêchera dans le futur, avec l’expérience, d’avancer vers des solutions plus innovantes. Soyons ouverts pour l’avenir et, pour l’heure, faisons ce premier pas ensemble.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 9.

La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour le soutenir.

M. François Cornut-Gentille. Le suivi des textes par l’Assemblée nationale posant des difficultés, il est proposé de l’améliorer par un débat en séance sur les rapports d’application des lois votées.

M. Hervé Morin. Pitié !

M. François Cornut-Gentille. Là encore, il s’agit d’une proposition incitative.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Comme je l’ai dit tout à l’heure, la commission est défavorable à de telles discussions, qui n’ont pas de portée normative. Du reste, elles sont déjà possibles avec le règlement actuel.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié par les amendements adoptés.

M. Jacques Brunhes. Contre !

(L’article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

M. le président. À l’article 4, je suis saisi d’un amendement n° 19.

La parole est à M. René Dosière, pour le soutenir.

M. René Dosière. L’opposition étant soucieuse de ne pas faire d’obstruction, je ne commenterai pas davantage les motifs pour lesquels nous demandons la suppression de l’article, ceux-ci ayant été exposés dans les motions de procédure que nous avons défendues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 10.

La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour le soutenir.

M. François Cornut-Gentille. Pour alléger les débats de la lourdeur des motions de procédure, le présent amendement propose de réserver l’exception d’irrecevabilité à la commission saisie au fond.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable. Cette proposition ne nous semble pas opportune ; nous préférons maintenir les trois motions en l’état.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4.

(L’article 4 est adopté.)

Après l’article 4

M. le président. Je suis saisi de trois amendements portant articles additionnels après l’article 4, nos 14 rectifié et 25, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour soutenir l’amendement n° 14 rectifié.

M. François Cornut-Gentille. Je me fais peu d’illusions sur les chances de cet amendement d’être adopté. Afin de mieux respecter la séparation entre les domaines législatif et réglementaire, nous proposons de renforcer le contrôle de la commission des lois, mais nous avons entendu les raisons pour lesquelles cela semblait impossible au rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin, pour soutenir l’amendement n° 25.

M. Hervé Morin. Je me suis déjà longuement exprimé sur ce sujet lors de la discussion générale. Je voudrais simplement répondre à nos collègues socialistes et communistes sur la mauvaise définition des articles 34 et 37 et à M. le rapporteur sur la fonction du Conseil constitutionnel. Non seulement le Gouvernement ne saisit plus le Conseil constitutionnel sur le caractère réglementaire des dispositions présentées au titre de l’article 41 de la Constitution, mais surtout celui-ci ne tire aucune conséquence de la définition des articles 34 et 37. S’il indiquait dans sa jurisprudence qu’une disposition d’ordre réglementaire contraire à la Constitution était invalidée, on pourrait en effet faire l’économie de la procédure proposée par le président de l’Assemblée nationale, soutenue par quelques présidents de groupe de notre assemblée. Malheureusement, ce n’est pas le cas, et c’est pourquoi nous soutenions la proposition du président Debré.

Si le Gouvernement faisait en sorte que les décrets d’application sortent rapidement, si les rapporteurs faisaient leur travail de contrôle de l’application des lois, on pourrait éviter de se poser la question de la recevabilité au titre des articles 34 et 37 des dispositions présentées par le Gouvernement ou par les parlementaires. Même s’il n’avait aucune conséquence juridique, nous pensons que l’avis du président de la commission des lois aurait l’immense avantage de contribuer, par son pouvoir de censure morale, à dissuader beaucoup de propositions d’ordre réglementaire. Je me souviens de la réforme de l’assurance maladie : un tiers des dispositions relevaient de l’ordre réglementaire, voire de la circulaire ! On ne peut que s’interroger sur le maintien d’un tel dispositif, qui, de toute évidence, favorise une inflation législative incontrôlable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Pour les raisons que j’ai expliquées tout à l’heure, la commission est défavorable. J’en ai encore discuté tout à l’heure avec le président Houillon : nous ne pensons pas opportun de résoudre ce problème – qui est réel – par ce moyen. Du reste, il pense que ce serait infaisable. Voyez les problèmes que nous avons déjà avec l’application de l’article 40 par la commission des finances, alors que tous les amendements n’y passent pas et que la notion de dépenses publiques est plus objective que celle de domaine législatif ou réglementaire.

J’adhère aux critiques qui sont faites et je pense en effet que le Conseil constitutionnel n’est pas assez saisi. Il y aurait sans doute là matière à voter une loi organique, sans changer la Constitution. Ce serait en tout cas un meilleur moyen de régler le problème qu’en modifiant le règlement. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. J’ai développé tout à l’heure un argumentaire sur la difficulté de distinguer les domaines de la loi et du règlement, je n’y reviens donc pas. À trop vouloir lutter contre les dispositions réglementaires, nous risquerions de produire un effet pervers en corsetant davantage l’Assemblée.

Or il y a un moyen de corriger le problème, que j’ai d’ailleurs indiqué lors d’un séminaire qui s’est tenu voici quelques semaines au Conseil d’État. Le problème réside dans la définition même de la loi donnée à l’article 34 de la Constitution. Ce dernier se termine de la manière suivante : « Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique ». Cela a déjà été fait, en matière d’environnement, par exemple. Il suffirait donc que nous ayons le courage de voter des lois organiques précisant mieux, voire élargissant, le domaine de la loi pour éviter cette confusion tout à fait dommageable entre loi et règlement. C’est bien au cœur des articles 34 et 37 que nous trouverons une solution !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(L’amendement n’est pas adopté.)


Article 5

M. le président. À l’article 5, je suis saisi d'un amendement de suppression, n° 20.

La parole est à M. René Dosière, pour le soutenir.

M. René Dosière. Soucieux de ne pas faire d’obstruction dans la discussion de ce texte, je ne développerai pas plus longtemps les motifs qui nous conduisent à demander, par cet amendement, la suppression de cet article. Nous avons largement exposé nos arguments dans les motions de procédure que nous avons défendues ce matin – ce qui démontre que ces dernières sont utiles puisqu’elles peuvent aussi permettre de raccourcir le débat sur les amendements ! (Sourires.)

M. Michel Piron. C’était une très belle démonstration !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.

Cet article permettra d’améliorer le travail des commissions. Les rapporteurs sont trop souvent obligés aujourd’hui de donner leur avis à titre personnel sur des amendements parce que la commission n’a pas eu le temps de les examiner.

Certains d’entre vous se sont interrogés sur le cas particulier des amendements examinés par la commission des finances au titre de l’article 40. Lorsqu’un amendement présente un défaut de construction, les services de la commission peuvent indiquer à son auteur que s’il le gage, il peut devenir recevable. Dans ce cas, c’est bien la date de dépôt de l’amendement initial qui sera prise en compte. Si celui-ci a été déposé la veille à 17 heures, il n’y aura pas de problème. Par contre, si un amendement est déclaré irrecevable et que la commission des finances considère qu’il n’est pas possible de le gager ou de le rédiger différemment de façon qu’il échappe au couperet de l’article 40, il ne pourra pas venir en discussion. Seuls la commission saisie au fond ou le Gouvernement pourront, éventuellement, déposer un nouvel amendement sur le sujet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 4.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cet amendement prévoit que les amendements pourront, comme aujourd’hui, être déposés jusqu’au début de la discussion générale si le rapport n’a pu être mis à disposition par voie électronique quarante-huit heures avant le début de la discussion du texte. Cela répond à une remarque de Mme Billard et d’autres collègues. Cette disposition constitue une protection pour le travail des parlementaires et le président Accoyer y est très attaché.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 7.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 11.

La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour le soutenir.

M. François Cornut-Gentille. Cet amendement vise à ordonner le travail législatif préparatoire en imposant un délai minimal entre la mise à disposition du rapport de la commission saisie au fond et la clôture du délai de dépôt des amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement est satisfait par l’amendement que nous venons d’adopter.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Cornut-Gentille ?

M. François Cornut-Gentille. Je le retire.

M. le président. L’amendement n° 11 est retiré.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 5

M. le président. Après l’article 5, je suis saisi d’un certain nombre d’amendements portant articles additionnels.

La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour soutenir l’amendement n° 30.

M. François Cornut-Gentille. Cet amendement tend à renforcer le nombre des questions d’actualité consacrées aux sujets européens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable. Le système actuel lui paraît suffisant.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 31.

La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour le soutenir.

M. François Cornut-Gentille. Cet amendement tend à introduire une procédure accélérée pour la transposition des directives européennes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je comprends la motivation des auteurs de l’amendement mais certaines directives portent sur des sujets techniques qui suscitent un large débat. Je pense, par exemple, à celles relatives à la régulation des activités postales, aux droits d’auteur ou à la modernisation du service public de l’électricité et du gaz. Cet amendement irait trop loin, il élargirait trop la procédure.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 6

M. le président. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 7

M. le président. Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Après l’article 7

M. le président. Après l’article 7, je suis saisi d'un amendement n° 12 rectifié.

La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour le soutenir.

M. François Cornut-Gentille. Cet amendement vise à ouvrir la possibilité d’un débat en séance portant sur les conclusions des rapports des commissions d’enquête.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 8

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 13 rectifié.

La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour le soutenir.

M. François Cornut-Gentille. Cet amendement vise à ouvrir la possibilité d’un débat en séance portant sur les conclusions des missions d’information et par les commissions permanentes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Après l’article 8

M. le président. Après l’article 8, je suis saisi d’un certain nombre d’amendements portant articles additionnels.

La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour soutenir l’amendement n° 15 rectifié.

M. François Cornut-Gentille. Tout en sachant que l’ordre du jour peut être modifié à tout moment, nous proposons, dans cet amendement de donner une plus grande lisibilité politique au travail de l’Assemblée en demandant que le Gouvernement communique le programme de travail prévisionnel du mois à venir. Ce serait de l’intérêt à la fois de la majorité, qui exposerait son action, et de l’opposition, qui se positionnerait par rapport à celle-ci.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 16 rectifié.

La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour le soutenir.

M. François Cornut-Gentille. Nous trouvons tous un côté un peu formel et convenu aux séances des questions au Gouvernement du mardi et du mercredi. Déposé à l’initiative de Jérôme Bignon, cet amendement tend à remplacer chaque mois l’une de ces séances par un débat d’actualité. Cela permettrait aux groupes de se livrer à des analyses plus approfondies et au Gouvernement de répondre de manière plus détaillée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 9

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 5 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié par l'amendement n° 5 rectifié.

(L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)

Titre

M. le président. Avant de mettre aux voix le texte élaboré par la commission des lois, j’indique à l’Assemblée que, conformément aux conclusions de la commission, le titre de la proposition de résolution est ainsi rédigé : « Proposition de résolution modifiant le règlement de l’Assemblée nationale ».

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. René Dosière, pour le groupe socialiste.

M. René Dosière. Le groupe socialiste regrette les conditions dans lesquelles le débat s’est déroulé. Je ne rappellerai ici que le dernier épisode de ce matin où nous a été remis en séance un rapport complémentaire – ce qui n’est pas très habituel dans notre assemblée –, dans lequel le rapporteur prenait en compte le changement de point de vue de la majorité entre la première et la deuxième réunion de la commission.

Le groupe socialiste a clairement expliqué les motifs de son opposition. Je vous renvoie aux deux motions de procédure que nous avons soutenues ce matin, dans lesquelles nous avons développé notre argumentation.

À l’issue de ce débat, force est de constater que c’est la majorité qui a vidé de leur contenu les propositions du Président de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jacques Brunhes. Il n’est un secret pour personne que notre groupe avait beaucoup apprécié, monsieur le Président, votre intervention lors de la cérémonie des vœux à l’Élysée. Votre discours, que vous avez fait parvenir à l’ensemble des parlementaires, nous paraissait empreint de bon sens et, si quelques nuances devaient être apportées concernant les notions de loi et de règlement, nous partagions largement, pour le reste, vos appréciations tant sur les erreurs actuelles que sur les transformations proposées. Nous aurions volontiers voté un grand nombre de vos onze propositions de résolution. Mais la commission y a apporté des modifications sensibles, tout à fait regrettables.

Monsieur le rapporteur, ce n’est pas d’une modernisation que nous avons besoin. En effet, si le parlementarisme rationalisé conduit à toutes les modernisations possibles, il peut également entraîner un affaiblissement du Parlement. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une vraie réforme de nos institutions, dans lesquelles le Parlement pourra enfin jouer son rôle.

Nous n’en sommes pas là. La réformette qui nous est proposée n’est pas bonne. Elle peut même aller à l’encontre de ce que souhaitent la plupart d’entre nous. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Hervé Morin. Le groupe UDF votera contre la proposition de résolution proposée par la commission des lois puisqu’ont été quasiment vidées de tout contenu les propositions intéressantes que vous aviez formulées, monsieur le Président. Des onze propositions que vous aviez présentées à nos collègues, il ne reste malheureusement pas grand-chose.

Certaines modifications étaient contestables, comme l’instauration d’un crédit temps, mais d’autres allaient dans le bon sens. Les conservatismes l’ont emporté. Nous le regrettons.

Vos propositions n’auraient pas suffi à elles seules pour remédier à l’affaiblissement du Parlement ni lutter contre l’absentéisme chronique qui sévit dans cet hémicycle, mais, au moins auraient-elles fait évoluer le travail parlementaire. Elles n’ont pas été retenues. Pis, on en est arrivé à des propositions ubuesques, comme l’obligation de déclarer son appartenance à la majorité ou à l’opposition.

Dans ce contexte, nous attendrons avec beaucoup d’impatience la décision du Conseil constitutionnel.

M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. François Cornut-Gentille. Au nom du groupe UMP, je vous remercie, monsieur le président, d’avoir organisé ce débat. Il a été très utile et permis d’avancer, en dépit de ce que pensent un certain nombre de collègues. (« Tu parles ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Après avoir discuté avec chacun de nos collègues, qu’il soit expérimenté ou qu’il soit jeune, nous voyons bien qu’un certain malaise existe concernant le fonctionnement de notre institution. L’image du Parlement, et, plus généralement, de la politique, dans les médias n’est pas bonne. Personne ne peut prétendre que tout va bien.

Certains trouvaient le sujet tellement grave et compliqué, surtout à l’approche d’échéances électorales, qu’ils préconisaient de ne rien faire. Je ne pense pas que ce soit la solution. D’autres souhaitaient réformer dès à présent la Constitution et instituer la VIe République. Pour certains, ce sera le débat de l’année prochaine. Dans un cas comme dans l’autre, le résultat aurait été le même : on n’aurait rien fait.

Vous avez ouvert le débat, monsieur le Président. Je faisais partie de ceux qui souhaitaient qu’il aille un peu plus loin. J’estimais que des avancées supplémentaires pouvaient être faites, mais je ne cache pas ma satisfaction devant celles, significatives, qui ont eu lieu.


Dans le fonctionnement du Parlement, je pense qu’il convient d’améliorer un certain nombre de choses. C’est le début d’une démarche vers la reconnaissance d’un statut de l’opposition.

M. Philippe Vuilque. Cela n’a rien à voir avec un statut !

M. François Cornut-Gentille. Il faut peut-être prendre plus de temps pour discuter, pour évoluer. Le débat est ouvert. Il est important et intéressant pour la démocratie. Je pense que l’on n’a pas reculé en l’abordant.

Les débats ont été assez mouvementés sur la question de la commission des affaires sociales. Rien n’a été tranché. Mais tout le monde a acquis la conviction qu’on ne pouvait pas laisser les choses en l’état.

On aurait certes pu aller plus loin, mais un certain nombre de pas décisifs ont été faits, auxquels beaucoup de nos collègues ne pouvaient pas croire, y compris Jacques Brunhes. Le leitmotiv était : « Sur tous ces sujets, on ne change rien. »

On a pourtant commencé à changer un petit peu. Je suis persuadé que la mécanique est en route et qu’elle portera ses fruits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Avant de passer au vote, je voudrais remercier le rapporteur pour son remarquable travail et lui dire qu’il a, lui, très bien compris ce que je voulais faire. Quoi qu’il en soit, nous reparlerons de ces réformes, parce qu’elles sont nécessaires. En les proposant, je savais très bien ce à quoi je m’exposais, mais j’aime trop le Parlement et cette assemblée pour y renoncer.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de résolution.

(L'ensemble de la proposition de résolution est adopté.)


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Luc Warsmann.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

établissements publics
de coopération culturelle

Discussion d’une proposition de loi
adoptée par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, modifiant le code général des collectivités territoriales et la loi n° 2002-6 du 4 janvier 2002 relative à la création d’établissements publics de coopération culturelle (nos 2983 rectifié, 3118).

La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, mesdames, messieurs les députés, la politique culturelle est une mission essentielle de l’État, une mission régalienne traditionnelle, dont nous sommes fiers. C’est aussi, sur l’ensemble de notre territoire, dans toute sa diversité, dans les domaines du patrimoine comme dans ceux du spectacle vivant ou de la création sous toutes ses formes, et dans le respect des responsabilités de chacun, grâce à l’engagement des élus, aux côtés des responsables d’associations, d’institutions et de lieux culturels, une politique partagée entre l’État et les collectivités territoriales. Celles-ci n’ont cessé de s’engager pour le développement et l’aménagement culturels de nos territoires. C’est un engagement déterminé, multiforme et volontaire qui ne résulte ni d’un désengagement de l’État, ni du transfert de « blocs de compétences », selon l’esprit des premières lois de décentralisation. Aussi, la décentralisation culturelle est-elle aujourd’hui une réalité vivante et dynamique qui exprime, dans la plupart des lieux de culture, l’addition des énergies de tous au service de l’attractivité de nos territoires. C’est un mouvement continu, de longue durée, qui répond à l’accroissement et à la diversification des attentes et des besoins des populations en matière culturelle. L’ampleur de ce mouvement est telle que l’on estime que les collectivités locales sont à l’origine de deux tiers des dépenses publiques en faveur de la culture, contre un tiers pour l’État qui, pour sa part, n’a cessé de déconcentrer ses moyens d’action pour accompagner cette décentralisation au plus près du terrain.

Dans le prolongement de ce mouvement, la loi du 4 janvier 2002 portant création de l’établissement public de coopération culturelle, loi d’initiative parlementaire, adoptée, je le rappelle, à l’unanimité, sur les bancs des deux assemblées, a offert aux acteurs de la décentralisation culturelle un nouvel outil juridique pour concrétiser leur partenariat, dans tous les domaines de la culture, des arts vivants au patrimoine ou à l’incitation aux tournages dans nos régions. Cette loi a joué un rôle précurseur, avant que la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales transfère certaines compétences aux collectivités locales, notamment en matière de patrimoine et de monuments historiques. Ainsi, la loi de 2002 créant les EPCC a joué un rôle pionnier en consacrant un rôle majeur des collectivités locales, aux côtés de l’État, en faveur de l’accès de tous à la culture, sur l’ensemble de nos territoires.

L’aggiornamento qui vous est proposé aujourd’hui est largement issu des travaux de la commission des affaires culturelles du Sénat et, en particulier, du rapport d’information déposé en son nom, en octobre dernier, par le sénateur Renar qui est à l’origine de la loi de 2002, rapport qu’il a fort justement sous-titré « la loi à l’épreuve des faits ». Cette formule exprime parfaitement l’esprit de la présente proposition de loi et du travail qui a été mené pour améliorer, à la lumière de son application depuis quatre ans, le dispositif de la loi de 2002. Et je me réjouis, monsieur le président, monsieur le rapporteur, que votre commission ait pleinement adhéré à cette méthode de travail, sans doute encore trop rare, qui consiste à associer dans un même mouvement, les deux fonctions essentielles du Parlement, le contrôle et l’initiative législative.

Le bilan de l’application de la loi de 2002 est en effet positif. Le nombre d’établissements publics de coopération culturelle créés ou en cours de création, dont vous publiez la liste en annexe de votre rapport, atteste clairement du succès de cette nouvelle formule juridique, à la fois audacieuse et pragmatique, qui est apparu à beaucoup de collectivités, ainsi qu’à l’État, comme de nature à mener à bien, dans la durée, des partenariats solides, dans une logique de projets. Des projets aussi divers que ceux de l’Opéra de Rouen, qui fut, comme vous le rappelez, l’un des tout premiers EPCC ou, par exemple, de l’Agence régionale du Centre pour le cinéma et l’audiovisuel, créée l’an dernier, pour transformer le succès de l’Atelier de production cinématographique Centre Val-de-Loire, que j’avais contribué à porter sur les fonts baptismaux, en tant qu’élu de cette région chère à mon cœur.

Ce dispositif, particulièrement bien adapté aux services culturels les plus divers, gage d’un partenariat efficace et durable, ainsi que d’une bonne gestion, devait toutefois être amélioré. Tel est l’objet de la proposition de loi qui est soumise à vos suffrages et que votre commission des affaires culturelles, familiales et sociales a bien voulu adopter sans modifications, dans l’esprit d’unanimité, de sagesse et de concertation qui a de bout en bout présidé à son élaboration, à l’image de l’unité du Gouvernement, et j’en profite pour saluer la présence de mon éminent collègue Brice Hortefeux !

Premièrement, il s’agit, comme vous le rappelez dans votre rapport écrit monsieur le rapporteur, d’apporter davantage de souplesse de fonctionnement aux partenaires, au sein du conseil d’administration.

La proposition de loi adoptée par le Sénat permet d’associer certains partenaires dont le rôle peut être très utile : je pense bien sûr aux établissements publics nationaux qui, on l’a vu pour plusieurs projets, comme le centre des monuments nationaux pour l’Abbaye de Fontevraud ou Carnac, mais aussi l’antenne du centre Georges-Pompidou à Metz, l’antenne de l’établissement public du musée du Louvre à Lens, peuvent apporter pleinement leur contribution à la vie de l’EPCC. Je suis particulièrement fier d’avoir proposé cette dernière création au Gouvernement et au Président de la République, car j’y vois le symbole des forces du renouveau de la culture, au service de la population.

Il s’agit également, pour des raisons similaires, des fondations.

Par ailleurs, il me semble pertinent de ne pas figer la place de l’État, ni celle du maire de la commune siège de l’établissement au sein du conseil d’administration ; sur ce dernier point, la liberté donnée aux collectivités publiques partenaires de s’organiser au sein du conseil d’administration, comme elles le souhaitent, me semble aller dans le bon sens, celui de la souplesse et de la responsabilité.

Deuxièmement, il fallait clarifier le statut du directeur d’établissement. La rédaction qui vous est proposée permet notamment de faciliter une transition sereine entre les institutions culturelles existantes et l’EPCC, en laissant à un directeur la possibilité de terminer son mandat, s’il en a un, ou en lui offrant la possibilité de disposer d’un premier mandat de trois ans.

Pour sortir des difficultés rencontrées dans la rédaction du décret d’application de la loi du 4 janvier 2002, qui prévoyait de définir les statuts et les diplômes requis pour les directeurs de certaines catégories d’EPCC, le dispositif qui vous est proposé permet tout à la fois de clarifier la position du directeur, qu’il soit à la tête d’un établissement public administratif – EPA – ou d’un EPIC ; et de simplifier les conditions applicables aux directeurs de certaines catégories d’EPCC.

Il est en effet prévu d’une part, la nomination des directeurs d’EPCC, d’EPA ou d’EPIC, sur un contrat, correspondant à la durée de leur mandat, de trois à cinq ans renouvelable ; d’autre part, un texte conjoint des ministres de la culture et de la communication, et des collectivités territoriales, précisant les conditions de diplôme que doivent remplir les directeurs dans certaines catégories d’établissements dont ce texte fixe la liste.

La procédure de la nomination du directeur est conforme au souhait que vous avez exprimé, monsieur le rapporteur, dans votre rapport écrit, puisqu’elle prévoit que le conseil d’administration établit un cahier des charges et que chaque candidat lui présentera la façon dont il compte remplir ce cahier, en lui présentant le projet d’orientations artistiques, culturelles, pédagogiques ou scientifiques de l’établissement.

L’EPCC n’est évidemment pas une fin en soi, mais un outil au service d’un projet, mettant en œuvre une méthode : le partenariat.

Troisièmement, la clarification s’étend à la situation du personnel transféré d’une institution culturelle existante vers un EPCC. Préoccupation majeure de la loi du 4 janvier 2002, cette question n’avait pu toutefois être réglée pour tous les cas de figure. C’est désormais chose faite, avec l’article 6 de la proposition de loi, applicable à toutes les structures de droit public, qui introduit un nouvel article 3-II de la loi du 4 janvier 2002, pour prévoir la reprise sur contrat à durée indéterminée dans un EPCC à caractère administratif du personnel en CDI dans une structure préexistante de droit public. Cela permettra, par exemple, de répondre aux légitimes préoccupations du personnel en CDI du centre des monuments nationaux affecté à Carnac au moment de la transformation de ce site en EPCC à caractère administratif, je le précise afin d’éviter les polémiques inutiles.

Quatrièmement, ce texte comporte une avancée importante pour les enseignements artistiques supérieurs. En complétant le titre V du livre VII du code de l’éducation par un nouveau chapitre, composé d’un article unique, relatif aux établissements d’enseignement supérieur d’arts plastiques, l’article 4 de la proposition de loi confère une reconnaissance attendue à l’ensemble des écoles supérieures d’art réparties sur notre territoire et dont vous dressez la liste en annexe de votre rapport. Ce sont cinquante-deux écoles préparant aux diplômes nationaux, dont six écoles nationales relevant de l’État, et quarante-six écoles relevant des collectivités territoriales, mais placées sous le contrôle du ministère de la culture et de la communication, parce qu’elles délivrent des diplômes nationaux, qui sont concernées par cette nouvelle garantie législative. Cela est très important pour le monde des écoles d’art.

En explicitant le caractère supérieur de l’ensemble de ces établissements, mais aussi en donnant au directeur d’un EPCC chargé de dispenser un tel enseignement supérieur la possibilité de délivrer des diplômes nationaux, ce texte franchit un pas important, non seulement par la reconnaissance nationale de ces écoles qui forment les jeunes talents et les jeunes créateurs d’aujourd’hui et de demain, mais aussi vers l’harmonisation européenne des diplômes, qui est une chance pour les écoles supérieures, nationales et territoriales en arts plastiques, et leurs étudiants, permettant ainsi des parcours vertueux au sein de l’Union européenne.

Comme je l’ai déclaré dans ma communication en conseil des ministres le 15 mai dernier sur la création dans le domaine des arts plastiques, je travaille activement avec mon collègue de l’Éducation nationale, non seulement sur l’éducation artistique et culturelle à l’école, mais aussi sur l’harmonisation européenne des diplômes de l’enseignement supérieur artistique, qui passe notamment par la définition d’équivalences avec l’université. C’est essentiel parce que le dynamisme et le renouvellement de la création – dont témoignent en ce moment même, au Grand Palais, jusqu’au 25 juin, - permettez-moi de faire un peu de publicité -, les œuvres des quelque deux cents artistes réunis par l’exposition « La force de l’art » – reposent aussi sur la vitalité des établissements d’enseignement supérieur qui forment les artistes et les professionnels de la culture.

Au total, cette proposition de loi à laquelle le Gouvernement est évidemment favorable marque un nouveau progrès de notre République dans l’organisation décentralisée, dans le domaine de la culture, qui permettra de mener à bien des partenariats féconds, des projets ambitieux et nécessaires, des réussites partagées, associant l’État, les collectivités et l’ensemble des acteurs concernés, au service de nos concitoyens. Souhaiter l’implication des collectivités territoriales n’est d’aucune manière préfigurer un désengagement de l’État, mais tout simplement additionner toutes les énergies ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le ministre de la culture, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mesdames messieurs les députés, me voilà de nouveau devant la représentation nationale aux côtés du ministre de la Culture pour évoquer une proposition de loi qui renforcera très substantiellement un nouvel instrument juridique, l’établissement public de coopération culturelle.

Le débat qui a précédé l’adoption par le Sénat, en première lecture le 28 mars dernier, de cette proposition de loi a permis de grandes avancées. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales, cher président Dubernard, est, grâce au travail diligent et pertinent de Dominique Tian, allée encore plus loin dans la clarté.

La loi du 4 janvier 2002 a créé un nouvel instrument juridique majeur pour associer l’État et les collectivités territoriales. Les formules classiques préexistantes, comme les associations, les groupements d’intérêt public ou les syndicats mixtes sont parfois un peu rigides ou ne permettent pas, malheureusement, d’y associer l’État.

On peut d’ores et déjà recenser une trentaine d’EPCC créés ou en cours de création dans des domaines très divers : musées, châteaux et bien sûr, comme l’a souligné le rapporteur, les lieux de spectacles et d’art vivant comme l’Opéra de Nancy ou le centre régional des arts du cirque de Basse-Normandie.


La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, en transférant certaines compétences culturelles aux collectivités, comme l’inventaire du patrimoine ou la gestion de certains monuments historiques, a rendu le rôle des EPCC encore plus indispensable.

Je suis impressionné – et c’est sans doute un sentiment largement partagé – par la volonté des collectivités locales de faire accéder les Français à la culture et à ses œuvres. Reste que leur association étroite avec l’État donne encore plus d’efficacité à cette démarche.

La mission d’information du Sénat sur la loi du 4 janvier 2002, animée par M. Renar, avait relevé quelques difficultés de fonctionnement dans la formule naissante de l’EPCC. Elles sont liées à la représentation des acteurs actuels, notamment l’État, au sein du conseil d’administration et à l’impossibilité d’y faire entrer des acteurs majeurs comme les établissements publics nationaux ou les fondations. Pour le moment, les EPCC ne peuvent en effet pas répondre à des projets de partenariat qui permettraient un rapprochement entre des établissements comme le Centre Pompidou ou le musée du Louvre et les collectivités territoriales, ce qui est très dommage. Je vois d’ailleurs M. le ministre de la culture qui m’approuve.

Toutefois, ce qui prédomine dans le fonctionnement de l’EPCC est bien sa souplesse et la liberté laissée aux partenaires de choisir, par exemple, les statuts de l’établissement public. Ils peuvent ainsi, selon la nature des activités de l’EPCC et les nécessités de sa gestion, retenir la forme d’établissement public administratif ou celle d’établissement public à caractère industriel et commercial.

Ce choix a de toute évidence des conséquences importantes en matière de personnel. Ainsi, la question de la situation du directeur de l’EPCC a constitué une difficulté dans le fonctionnement de ces établissements.

C’est la raison pour laquelle, j’approuve pleinement l’effort de clarification poursuivi par la proposition de loi, tout en gardant à l’esprit que les questions statutaires ne constituent, là aussi, qu’un outil au service d’une politique.

Le directeur de l’EPCC est nommé par le président du conseil d’administration, sur proposition de ce dernier. Il est choisi parmi des candidats dont la liste est établie d’un commun accord par l’ensemble des partenaires représentés, seulement après diffusion d’un appel à candidature et au vu des projets artistiques, culturels ou scientifiques. C’est véritablement l’importance du projet du candidat directeur qui fonde son recrutement à la tête des services de l’établissement. Les qualifications des directeurs – et je m’en réjouis alors que la réforme de la fonction publique territoriale va dans le sens de la primauté du concept d’employabilité – sont bien entendu une condition indispensable pour un bon recrutement, compte tenu de l’exigence d’excellence propre aux milieux artistiques et culturels.

Ces directeurs, de haut niveau, engagés par contrat, doivent pouvoir bénéficier de la souplesse de la forme contractuelle pour remplir leur mandat. Leur durée, prévue cette fois-ci dans la loi, de trois à cinq ans, laissera les marges de manœuvre nécessaires à une bonne gestion locale pour chacun des EPCC, ce dont je me félicite.

Le deuxième mot d’ordre de cette proposition de loi, après la souplesse, est le pragmatisme. L’article 6 prévoit, dans le cas de transformation de structures existantes en EPCC, un dispositif transitoire pour maintenir le directeur de la personne morale reprise par l’EPCC.

Ce point, comme les autres dispositions comprises dans les cinq articles précédents, a été approuvé sans modification par la commission des affaires culturelles. Cela témoigne d’un consensus remarquable tant entre les assemblées qu’entre les différentes sensibilités politiques, à l’instar d’ailleurs de ce qui fut constaté lors de l’adoption de la loi en 2002. Et je sais que vous n’y êtes pas pour rien, monsieur le président, monsieur le rapporteur. Le consensus est toujours le fruit d’un travail considérable, ce qui me permet de souligner vos qualités personnelles respectives. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Dominique Tian, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi du M. Ivan Renar, adoptée en première lecture au Sénat le 29 mars dernier, constitue l’aboutissement des travaux de suivi de l’application de la loi du 4 janvier 2002 portant création de l’établissement public de coopération culturelle, elle-même votée à l’unanimité.

Cette loi a créé un nouveau type d’établissement public permettant d’organiser, dans le cadre de la décentralisation, le partenariat entre l’État et les collectivités territoriales ou entre ces dernières seules, si celles-ci le souhaitent, pour la gestion d’équipements structurants. Ainsi l’article L. 1431-1 du code général des collectivités territoriales précise que l’EPCC est « chargé de la gestion d’un service public culturel présentant un intérêt pour chacune des personnes morales en cause et contribuant à la réalisation des objectifs nationaux dans le domaine de la culture ».

Il est évident que la création de ces établissements répond à un réel besoin des acteurs de la culture de notre pays. Le rapport d’information d’Ivan Renar souligne qu’une quinzaine d’EPCC ont ainsi été créés et qu’un nombre au moins égal est en cours de création. Toutefois, ce mouvement positif est freiné par un certain nombre de difficultés juridiques et de blocages.

Reprenant les conclusions de la mission conduite par le sénateur Renar, la présente proposition de loi tend, à travers ses six articles, à corriger les imperfections que la pratique a permis d’identifier. Elle entend ainsi encourager les uns et les autres à adopter cette nouvelle structure juridique, qui poursuit un double objectif : d’une part, apporter davantage de souplesse de fonctionnement aux partenaires souhaitant agir au sein d’un établissement public de coopération culturelle ; d’autre part, préciser le statut du directeur d’un tel établissement et sécuriser son parcours professionnel au moment du transfert d’une structure existante vers un EPCC.

Les articles 1er à 3 et 5 apportent davantage de souplesse de fonctionnement aux partenaires. Ils modifient ainsi plusieurs dispositions relatives au conseil d’administration des EPCC. Ils confortent la place de l’État dans le conseil d’administration, dans le respect de l’esprit de partenariat. En outre, ils rendent facultative la présence du maire de la commune d’implantation de l’établissement et permettent la participation d’établissements publics nationaux et de fondations à la création et la gestion de ces établissements. Ils précisent enfin les modalités d’élection des représentants du personnel au conseil d’administration.

Les articles 4 et 6 clarifient le mode de recrutement du directeur, grâce à l’établissement d’un cahier des charges et d’un appel à candidatures, et sécurisent son parcours au moment de son transfert depuis une structure existante. Ces deux articles visent également à sortir de l’impasse qui rend aujourd’hui difficile, voire impossible, la création d’EPCC dans certains secteurs comme les monuments historiques, les musées, les établissements d’enseignement artistique, la gestion de collections d’art contemporain, les bibliothèques, la gestion d’archives, en raison de la non-parution de certains textes réglementaires.

Les ministères concernés devront procéder très rapidement à l’élaboration et à la publication des textes d’application de cette loi. Le ministre de la culture s’y est d’ailleurs engagé au Sénat.

M. le ministre de la culture et de la communication. C’est exact !

M. Dominique Tian, rapporteur. Cette proposition de loi sénatoriale a permis d’évaluer un texte rédigé, amendé puis voté par le Parlement en 2002, pour en corriger les imperfections et il convient de souligner la qualité du travail accompli par nos collègues sénateurs et le consensus qui s’est dégagé pour l’adoption de ces modifications. Mais encore faut-il que les partenaires se posent les bonnes questions avant de créer un établissement public de coopération culturelle. Car si la loi peut encadrer et préciser les conditions de mise en œuvre de cette structure, elle ne préjuge en rien de son bon fonctionnement. Avant de s’engager dans une telle création, les personnes publiques intéressées et les professionnels concernés doivent réfléchir et s’entendre sur la cohérence de leur projet, les orientations culturelles et artistiques qu’ils veulent donner à l’établissement, la composition du conseil d’administration, son mode de fonctionnement. Il importe également qu’ils fixent un cadre budgétaire et élaborent un projet pluriannuel d’investissement, afin que chaque partenaire s’engage sur des bases claires.

Messieurs les ministres, vous l’avez indiqué tout à l’heure, les élus locaux sont des acteurs majeurs des politiques culturelles. Pour ne prendre qu’un exemple, je soulignerai que les collectivités locales consacrent au spectacle vivant deux fois plus de moyens que l’État. Ce nouveau dispositif, qui allie souplesse de fonctionnement et rigueur de gestion, était très attendu par le monde de la culture, ce qui explique sans doute son adoption à l’unanimité par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C’est pourquoi je vous invite, chers collègues, à l’adopter sans modification. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. J’aimerais saluer le travail mené par les sénateurs ainsi que par Dominique Tian et ses collaborateurs qui a permis l’adoption de la proposition à l’unanimité par la commission des affaires culturelles de notre assemblée et au Sénat.

En outre, je remercie les deux ministres d’avoir démontré la complémentarité de leurs domaines : culture d’un côté, collectivités territoriales de l’autre.

Voilà du beau et du bon travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ne pas transformer la loi du 4 janvier 2002 en usine à gaz, voilà, nous semble-t-il, sur les bancs de l’UMP, la première préoccupation qui doit inspirer notre réflexion, notre discussion et donc notre vote.

Cet écueil, et l’intervention de notre rapporteur le confirme, les sénateurs à l’origine de cette proposition l’ont évité. Certains, sur nos bancs, redoutaient que ce texte ne complique la loi initiale de 2002 en renforçant inutilement les contraintes et en imposant une présence forte de l’État et donc de son contrôle. Enfin, les plus soucieux redoutaient que la loi, protégeant à outrance les directeurs, nommés avec le concours de l’État, ne vienne se mêler d’éléments de nature plus réglementaire que législative.

Je crois que l’on peut affirmer que ce texte est suffisamment clair et délimité, grâce à son double objectif : d’une part, apporter davantage de souplesse de fonctionnement aux partenaires qui coopèrent au sein d’un EPCC et, d’autre part, préciser le statut du directeur et sécuriser son parcours. Nous n’avons donc pas à redouter que s’exerce une pesanteur nouvelle sur des structures qui ont encore à faire la preuve de leur utilité dans le dispositif de gestion d’équipements culturels importants et même, pour certaines, à démontrer leur capacité à naître.

Disons le tout net : loin d’accentuer de façon trop contraignante la présence de l’État au cœur des EPCC, le texte permet de relancer ou de réactiver la décentralisation culturelle en renforçant les partenariats entre l’État et les collectivités territoriales. La place donnée aux DRAC, dont certains redoutent qu’elle soit synonyme de lenteur ou de lourdeur, ne paraît pas de nature à entraîner des blocages. Mais le simple fait que des députés puissent craindre un tel phénomène doit peut-être nous interpeller sur l’image que ces directions régionales véhiculent chez les décideurs politiques, monsieur le ministre de la culture.

M. Pierre-Christophe Baguet. Très juste !

M. Christian Kert. Parce que ce texte conforte la place de l’État dans le respect de l’esprit du partenariat, il fait prévaloir une idée de souplesse qui autorise les partenaires à arrêter, au cas par cas, la formule la plus pertinente pour leur représentation respective au sein du conseil d’administration.

Ce texte assouplit également opportunément le texte initial en offrant la possibilité au maire de la commune concernée par un EPCC de choisir d’être membre ou non du conseil d’administration alors qu’actuellement, l’obligation d’être membre fondateur et partie prenante gêne certains élus. C’est donc une contrainte qui s’évanouit et non pas une nouvelle qui surgit.

J’ajoute que la possibilité nouvelle, offerte par l’article 3, de voir des établissements nationaux et des fondations participer au financement d’un EPCC et donc au conseil d’administration, paraît une juste mesure, en adéquation avec certains textes à caractère économique et culturel, portant notamment sur le mécénat et sur les fondations. C’est ici affaire non pas de contrainte, mais de complémentarité.


Enfin, parce qu’il précise les modalités de l’élection des représentants du personnel, le texte de nos collègues sénateurs lève le voile sur certaines interprétations en la matière. Et si parfois la loi paraît contraindre, ici, au contraire, elle libère.

En ce qui concerne les améliorations apportées au statut du directeur des EPCC, à son parcours professionnel, à sa sécurisation, accordons-nous à penser que c’est l’expérience des premiers EPCC qui a rendu nécessaire cette clarification. En précisant le statut du directeur, le texte devrait contribuer à renforcer la confiance mutuelle entre les élus et les acteurs culturels locaux, confiance parfois entachée de quelques soupçons d’ingérence dans les choix artistiques.

Mme Muriel Marland-Militello appréciera à sa juste valeur une autre disposition du texte qui, dans son article 4, propose de renforcer le cadre législatif consacré aux enseignements artistiques. Je vous rappelle, en effet, que ce dispositif tendant à consacrer dans le code de l’éducation le caractère supérieur des formations dispensées par les établissements d’enseignement d’arts plastiques, répond bien à l’une des préoccupations exprimées par notre mission parlementaire présidée par notre collègue des Alpes-maritimes, qui a rendu son rapport voici quelques mois. C’est probablement là un bon exemple de coopération entre nos deux assemblées.

Reste, messieurs les ministres, une interrogation : ce texte de 2002, amendé en quelque sorte par la présente proposition, sera-t-il suffisamment armé pour éviter les difficultés administratives et juridiques que nous avons connues jusqu’à présent dans les modalités de création et de fonctionnement des EPCC ?

En conclusion, je prendrai volontairement un exemple éloigné géographiquement de ma propre circonscription, celui du Centre européen de recherches préhistoriques de Tautavel, entre Montpellier et Perpignan.

Comme chacun le sait, ce centre prestigieux a été créé par le professeur Henry de Lumley, par ailleurs directeur de l’Institut de paléontologie humaine. Sur ce site de Tautavel où fut découvert l’un de nos ancêtres ayant 450 000 ans, il ne s’agit rien de moins que de partir à la découverte de l’aube de l’humanité, recherche qui nous permet de lire les pages de l’histoire du peuple humain.

Pour des raisons pratiques, la partie muséale du centre est assurée par la mairie de Tautavel, tandis que le Centre de recherches, l’accueil et la formation des étudiants-chercheurs, la conservation d’exceptionnelles collections d’outillage préhistorique, la diffusion de connaissances pour tous les publics, l’animation du réseau culturel scientifique en Languedoc-Roussillon, la formation initiale et permanente à des métiers de valorisation du patrimoine culturel, sont gérés par une simple association loi 1901. On peut donc comprendre qu’Henry de Lumley, dans un souci de pérenniser ce centre, ait souhaité la création d’un EPCC se substituant à l’association, établissement qui serait porté par les collectivités territoriales, l’État et les établissements de recherche et d’enseignement supérieur. Or des freins administratifs et juridiques ont retardé, pour ne pas dire bloqué la création de cet EPCC, alors même que cela constituerait une reconnaissance et une valorisation du formidable potentiel humain déjà réuni à Tautavel. Du reste, Ivan Renar a été sensible à cet exemple et en a souligné les aspects dans son rapport.

Aujourd’hui, à votre demande ainsi qu’à celle de vos collègues de la recherche et de l’éducation, un cabinet a réalisé une étude de faisabilité sur la création de cet EPCC. Peut-on penser, monsieur le ministre de la culture, que ce texte favorisera une telle création à laquelle je vous demande de nous confirmer que vous êtes bien favorable, création qui assurera la pérennité d’un centre de recherches, de culture et de dynamisme économique d’une qualité exceptionnelle ?

Bien entendu, le groupe UMP votera ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Une fois n’est pas coutume, nous sommes particulièrement heureux de nous rassembler autour d’un texte qui fait suite à une proposition de loi tendant à la création d’établissements publics de coopération culturelle qu’Ivan Renar, sénateur du groupe communiste, déposait en 2001. Comme l’a dit notamment le rapporteur, cette initiative répondait au souci de mieux gérer les activités culturelles des collectivités territoriales. Cet établissement peut prendre la forme d’un EPA ou d’un EPIC.

Le contenu de la proposition de loi avait fait alors l’objet d’une collaboration étroite entre les rapporteurs, les ministres Catherine Tasca et Michel Duffour, et le Parlement. L’objectif était de donner une forme juridique à la nécessaire collaboration entre l’État et les collectivités territoriales pour contribuer à la réalisation d’objectifs nationaux dans le domaine culturel, mais à l’échelon local. Car l’intérêt de ces établissements est à la fois leur échelon local et la force de leurs projets. C’est dans cet esprit que la loi du 4 janvier 2002 a créé les établissements publics de coopération culturelle. Elle a d’ailleurs été adoptée à la quasi-unanimité par l’Assemblée nationale et le Sénat.

Cette nouvelle entité juridique a été évaluée, en particulier parce qu’il s’agissait d’un domaine nouveau en matière culturelle. Jusqu’à présent existaient les établissements publics nationaux ou des structures qui étaient prises en charge en régie directe par les collectivités locales, mais dont les lourdeurs administratives ne se prêtaient pas toujours en particulier aux enjeux culturels. Quant aux associations loi 1901, les risques juridiques qui peuvent en découler, étant donné que des projets peuvent être lancés par une ou plusieurs collectivités territoriales associées, ne les recommandent pas.

Le financement de l’établissement public de coopération culturelle est assuré par des subventions et autres concours de l’État mais également par des subventions des collectivités territoriales et de leurs groupements. C’est cette capacité relativement souple d’être financés par plusieurs voies qui fait leur intérêt. L’EPCC peut aussi encaisser des recettes commerciales tirées de ses activités culturelles et recevoir dons et legs et disposer de revenus mobiliers et immobiliers. En tout état de cause, nous avons affaire à une structure qui peut et doit jouer un rôle très important, étant entendu qu’elle doit être soumise à un contrôle de gestion rigoureux.

Rappelons que l’établissement public de coopération culturelle est doté d’un conseil d’administration composé de représentants des élus et de l’État, de personnalités qualifiées et de représentants des personnels. Par ailleurs, comme je viens de le préciser, cet établissement peut prendre la forme d’un EPA ou d’un EPIC. Nous connaissons bien ces types de structures qui ont prouvé, ces dernières années qu’elles étaient capables de faire beaucoup progresser l’action publique lorsqu’elles étaient adéquates et en bonne intelligence avec leur objet.

En octobre 2005, Ivan Renar a rendu un rapport d’information intitulé « L’établissement public de coopération culturelle : la loi à l’épreuve des faits ». Ses travaux ont débouché sur plusieurs constats.

D’abord, il fait part de sa relative déception puisqu’une quinzaine d’établissements publics de coopération culturelle seulement ont vu le jour depuis 2002. Une quinzaine d’autres établissements seraient en cours de constitution, ce qui constituerait un développement extrêmement important.

Ensuite, si l’établissement public de coopération culturelle constitue un outil bien adapté à certaines activités, comme le spectacle vivant et le secteur audiovisuel plus particulièrement, il est moins performant pour d’autres – muséographie, activités patrimoniales et conservation. Mais il est vrai qu’en ces domaines nous disposons de services publics, qu’ils soient départementaux ou nationaux, voire locaux, de très grande qualité et dont les personnels bénéficient de bonnes formations.

Enfin, l’État ne jouerait pas pleinement le rôle moteur qui devrait être le sien, au sein de ces établissements. Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à ce que ces organismes originaux et récents soient davantage impulsés et que l’État y joue un rôle plus important. Nous sommes heureux de cette annonce. De la même manière, il fallait revoir la question de l’articulation entre le directeur et le conseil d’administration, mais c’est l’expérience des quatre années qui nous séparent depuis la loi de janvier 2002 qui nous a montré qu’il fallait préciser le rôle et le statut du conseil d’administration et du directeur.

Le texte qui nous est présenté aujourd’hui propose donc, pour l’essentiel, de donner la possibilité de constituer un EPCC avec un établissement public national ; d’étendre au préfet de région la possibilité de décider sa création, faculté jusqu’alors réservée au préfet du département ; de modifier la composition du conseil d’administration, afin que l’État ne soit pas un sleeping partner. Ainsi, la participation du maire de la commune siège de l’EPCC devient facultative.

En simplifiant certains dispositifs que notre courte expérience rendait nécessaire, il me semble que nous allons dans le bon sens.

Grâce à ce toilettage, l’article 6 du texte est désormais exempt de toute ambiguïté. Il propose une solution adaptée au droit du travail et aux statuts de la fonction publique territoriale qui couvre toutes les hypothèses de transformation ou de reconduction des contrats de travail des personnels et des directeurs, qu’ils soient salariés de droit privé, agents contractuels de la fonction publique territoriale, ou fonctionnaires d’État. Nous avons fait là œuvre utile.

Je suis persuadé que les améliorations et les clarifications apportées au fonctionnement des établissements publics de coopération culturelle par la présente proposition de loi inciteront l’État à s’impliquer davantage au cœur de la politique culturelle décentralisée dans laquelle les collectivités territoriales investissent aujourd’hui financièrement plus que lui. Je ne m’en réjouis pas mais je ne m’en désole pas non plus car, si l’État doit garder son rôle d’impulsion, de protection patrimoniale mais aussi d’ouverture pour défricher des domaines nouveaux, les collectivités locales, parce qu’elles sont au cœur de l’action culturelle, ont souvent l’occasion de témoigner de leur dynamisme à travers les chorégies et manifestations qui émailleront dans quelques semaines maintenant toutes les régions de France et que nous aurons le loisir de visiter pendant quelques heures ou quelques jours.

La culturelle est aujourd’hui l’un des éléments fondamentaux du développement territorial, nous en sommes tous convaincus. Faisons en sorte qu’elle puisse l’être dans les meilleures conditions possibles grâce à des outils de développement social, économique, culturel, d’intégration républicaine, et – pourquoi pas ? –touristique.


Le groupe socialiste espère que les retouches apportées à la loi du 4 janvier 2002 permettront le développement et la multiplication des établissements publics de coopération culturelle, qui contribuent à la densité du maillage culturel de notre pays. Il votera cette proposition de loi dont les objectifs sont unanimement partagés par les membres de notre assemblée, comme par ceux de la Haute assemblée.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, sous la XIe législature, la loi du 4 janvier 2002 portant création des établissements publics de coopération culturelle a fait suite à une proposition d’origine sénatoriale. Adoptée à l’unanimité fin 2001, nous voici à nouveau amenés à nous prononcer cet après-midi, sur la base d’une initiative parlementaire qui émane du Sénat – l’histoire se répète –, sur les améliorations rendues nécessaires par l’expérience de quatre années d’application de ladite loi.

Lors de l’examen de la loi du 4 janvier 2002, chacun s’accordait, malgré quelques divergences, à se féliciter de la mise en place de cet outil de décentralisation culturelle nécessaire. Élus, créateurs, artistes et responsables culturels souffraient en effet de l’absence d’une structure permettant d’organiser le partenariat entre l’État et les collectivités territoriales. Le texte de 2002 remédia à cette carence, alors que les collectivités intervenaient déjà largement dans le domaine culturel, leurs dépenses en ce domaine étant équivalentes à celles de l’État. Cette loi donnait aussi une nouvelle impulsion à la décentralisation culturelle en lui offrant un outil juridique fiable, garantissant plus de souplesse et surtout de clarté aux partenariats entre l’État et les collectivités territoriales, mais aussi à la participation financière de plusieurs collectivités à un même établissement.

Je souhaite rappeler ici l’attachement de l’UDF au développement de la décentralisation culturelle, surtout lorsqu’elle conjugue souplesse de fonctionnement et rigueur de gestion, comme c’est le cas avec les établissements culturels.

S’agissant des aménagements proposés par ce texte, ils reprennent les conclusions du rapporteur Ivan Renar, fruits d’un travail consensuel, présentées dans le cadre du rapport d’information de la commission des affaires culturelles du Sénat.

Ces adaptations visent à assouplir la composition du conseil d’administration en confortant la place de l’État dans le respect de l’esprit de partenariat, en rendant facultative et à son libre choix la place du maire de la commune siège de l’établissement, en permettant la participation d’établissements publics nationaux et de fondations, enfin, en précisant les modalités de fonctionnement de l’élection des représentants du personnel. De même, elles clarifient le statut du directeur, notamment quant aux modalités de renouvellement de son mandat, mais surtout afin de mettre en adéquation la durée du mandat qui lui est confié et celle de son contrat, ce qui apporte une cohérence souhaitée et souhaitable.

Ces aménagements ont le mérite de la souplesse et de la clarté. Ils améliorent le statut juridique de ces structures gérées en partenariat par plusieurs collectivités publiques.

Subsistent néanmoins quelques zones d’ombre ou, au moins, de possibles risques qu’il conviendrait d’éviter. En effet, si, à côté des associations et des groupements d’intérêt public, les établissements publics de coopération culturelle sont de bons outils, il ne faut pas les complexifier davantage. Ce texte ne doit pas non plus servir de prétexte pour renforcer le pouvoir de l’administration territoriale de la culture, notamment des directions régionales des affaires culturelles. Méfions-nous de trop grandes féodalités territoriales susceptibles de brider la créativité. Enfin, il existe un principe simple : « qui paie, commande ». Si l’État finance effectivement ces structures, ce renforcement se justifie. Mais je préférerais qu’il s’engage financièrement préalablement à toute demande de renforcement de sa présence au conseil d’administration !

Nous notons toutefois avec satisfaction 1’optimisme de notre rapporteur, Dominique Tian, qui a précisé en réunion de commission que, s’agissant de la présence de l’État au conseil d’administration, « sa sous-représentation actuelle peut l’amener à limiter ses financements », et de poursuivre « qu’avec la modification apportée, l’État ne pourra plus prendre prétexte de cette sous-représentation pour ne pas abonder le budget de l’établissement. » Nous serions heureux, monsieur le ministre, de vous entendre confirmer cette précision apportée par le rapporteur.

Par ailleurs, nous regrettons l’absence d’instruments, qui auraient fourni une base juridique encore plus solide aux interventions de l’État et des collectivités territoriales, tels que les contrats de projet avec les établissements, que Pierre Albertini appelait de ses vœux lors du débat sur le spectacle vivant organisé dans cette assemblée le 9 décembre 2004.

Enfin, avant de conclure, j’insiste sur la complémentarité d’action entre l’État et les collectivités. L’État a un rôle fédérateur à jouer en matière culturelle. Il ne peut agir seul, et doit pouvoir agir mieux. C’est pourquoi l’amélioration de l’action publique en matière culturelle passe par une vraie décentralisation culturelle engagée notamment avec les EPCC.

Mais nous pouvons aller encore plus loin pour renforcer les liens entre l’État et les collectivités locales, en encourageant la fédération des informations, des idées et des politiques. La mise en place d’observatoires régionaux des politiques culturelles favoriserait, par exemple, l’efficacité des politiques culturelles publiques.

Une autre piste réside dans l’organisation du financement de certains projets culturels. Certaines régions font du « saupoudrage ». Ne serait-il pas utile de poser quelques critères nationaux, comme cela existe dans le cinéma avec la charte édifiée par le CNC ? Cet effort de coordination est nécessaire. Il prendra un peu de temps, mais l’action culturelle y gagnera en transparence et en lisibilité, à charge pour le pouvoir politique d’appliquer ces critères dans le respect du pluralisme et des diversités.

Pour conclure, le travail des sénateurs est à saluer car il apporte une réponse à de légitimes interrogations locales et satisfait aux améliorations attendues, sur la base de l’expérience de quatre années d’application de la loi du 4 janvier 2002.

Cette proposition de loi est de nature à faire avancer efficacement les structures culturelles mises en place, en ce qu’elle participe à la reconnaissance du rôle joué par les collectivités locales en matière de gestion et de création artistique et à la préservation de l’implication des collectivités territoriales dans le domaine culturel.

Aussi, malgré les quelques réserves exprimées, cette proposition de loi nous satisfait. L’UDF votera d’autant plus volontiers ce texte que ses membres ont toujours mis au cœur de leur projet le souci d’un rééquilibrage, autant dans les compétences que dans les moyens entre l’État et les collectivités locales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

Articles 1er à 16

En l’absence d’amendements, je vais mettre successivement aux voix les articles 1er à 16 de la proposition de loi.

(Les articles 1er à 16, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(L’ensemble de la proposition de loi est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote a été acquis à l’unanimité.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Jeudi 8 juin 2006, à neuf heures trente, première séance publique :

Discussion du projet de loi, n° 2978, autorisant l’adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles :

Rapport, n° 3088, de M. Philippe Cochet, au nom de la commission des affaires étrangères ;

Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, n° 3106, relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives :

Rapport, n° 3114, de M. Claude Goasguen, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

À quinze heures deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante.)