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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 13 juin 2006

242e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. RENÉ DOSIÈRE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

réforme des successions
et des libéralités

Discussion, en deuxième lecture,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant réforme des successions et des libéralités (nos 3095, 3122).

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames et messieurs les députés, vous examinez ce soir en deuxième lecture le projet de loi portant réforme du droit des successions et des libéralités. Le Sénat a très largement repris le texte adopté par votre assemblée le 22 février dernier, ne le modifiant qu’à la marge. Je me félicite des votes successifs des deux chambres car ils témoignent de l’accord entre vos deux assemblées, comme de l’attention que la représentation nationale porte à ce projet de loi et à l’urgence de la réforme.

Comme je l’ai déjà exprimé devant vous, cette réforme d’ampleur revêt un intérêt tout particulier. Nos règles actuelles sont en effet désuètes : il existe un décalage entre des textes bicentenaires qui régissent la matière et la situation démographique, sociale et économique de notre pays. Après plusieurs tentatives de réforme infructueuses menées depuis près de vingt ans, le projet est sur le point d’aboutir et je m’en réjouis. Il est peu de dire que les améliorations qu’il apporte sont fortement attendues tant par les familles que par les entreprises ou les professionnels. Chacun disposera d'outils nouveaux pour améliorer le règlement des successions et mieux anticiper la transmission des patrimoines.

Le projet s'articule, vous le savez, autour de trois axes principaux : donner plus de liberté pour organiser sa succession ; accélérer et simplifier le règlement des successions ; faciliter et simplifier la gestion du patrimoine successoral. L'examen du projet par chaque assemblée a permis d'apporter de nombreuses améliorations sur chacun de ces trois points.

Afin de donner plus de liberté pour organiser sa succession, le projet crée en particulier un instrument nouveau : le pacte successoral. Il permettra, dans de nombreuses familles, de consacrer des accords destinés à organiser de façon particulière la succession, soit pour garantir la conservation d'un bien dans la famille, soit pour protéger spécifiquement un héritier vulnérable.

Devant cet outil nouveau, la représentation nationale a eu le souci de sécuriser les conditions dans lesquelles sera donné le consentement de celui qui renonce. Il est en effet indispensable d'empêcher les pressions de s'exercer. Votre rapporteur, M. Sébastien Huyghe, a souhaité, lors de la première lecture, encadrer ce nouveau mécanisme afin de s'assurer de l'intégrité du consentement du renonçant. Ainsi, un amendement avait été adopté pour que le renonçant signe seul, avec le notaire, l'acte constatant la renonciation. Le Sénat a poursuivi cette logique en exigeant que l'acte soit reçu par deux notaires, dont l'un désigné par le président de la chambre départementale. Ces améliorations sont importantes car elles permettent d'encadrer l'utilisation de ce mécanisme novateur.

L'autre mécanisme important mis en place par le projet de loi s'articule autour des libéralités résiduelles, facteur d'une transmission efficace du patrimoine. Afin de compléter ce dispositif, votre rapporteur a souhaité modifier en profondeur le régime des libéralités graduelles. J'ai accueilli cette initiative très favorablement et je me réjouis que le Sénat ait confirmé et approfondi cet apport à la réforme par diverses modifications techniques, qui faciliteront son application. Les libéralités graduelles et résiduelles s'adaptent parfaitement à certaines situations particulières que le projet de loi s'est attaché à prendre en compte, notamment celle des familles avec un enfant handicapé. Les parents pourront ainsi transmettre leur patrimoine, dans un premier temps, à leur enfant fragile et, dans un second temps, c’est-à-dire après le décès de cet enfant, à une autre personne qu'ils auront préalablement choisie.

Le deuxième objectif du texte est de permettre une simplification et une accélération du règlement des successions. Là encore, les travaux de votre assemblée comme ceux du Sénat ont permis d'améliorer sensiblement le projet du Gouvernement.

Je pense particulièrement à la rénovation de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire. Comme vous le savez, cette option est jusqu'à présent peu choisie en raison de son caractère très procédural, inutilement lourd et, en définitive, peu protecteur des intérêts des héritiers et des créanciers.

Je souhaiterais rappeler, à cet égard, les points fondamentaux sur lesquels l'intervention de votre assemblée s'est avérée déterminante.

Je citerai tout d'abord la procédure de déclaration des créances. Le projet du Gouvernement avait prévu un délai de deux ans pour que les créanciers puissent se faire connaître. Votre rapporteur a souhaité le ramener à quinze mois. Cette modification est opportune car elle crée un juste équilibre entre règlement accéléré des successions et protection des créanciers.

Votre assemblée a ensuite apporté de nombreuses améliorations techniques essentielles qui garantissent le fonctionnement de l'acceptation à concurrence de l'actif net, en particulier lorsque d'autres héritiers ont accepté purement et simplement la succession. Je tiens à saluer tout particulièrement ces améliorations qui ne remettent pas en cause la logique et la dynamique du nouveau dispositif. Elles simplifient la procédure de paiement des créances et évitent une transformation en une véritable procédure collective.

Le dernier objectif du projet qui est la simplification de la gestion du patrimoine successoral a particulièrement bénéficié des apports des débats parlementaires. Comme vous le savez, l'objectif visé par le Gouvernement est notamment d'adapter le droit successoral à la particularité des entreprises.

Les débats devant votre assemblée, mais également devant le Sénat, ont montré une nouvelle fois l'attachement et le grand intérêt que la représentation nationale porte à nos entreprises et à leur pérennité. Vous avez souhaité élargir les pouvoirs reconnus aux héritiers au lendemain du décès, pour administrer de façon utile l'entreprise transmise. J'ai été très favorable à cette initiative qui permettra de relever efficacement le défi de la transmission massive d'entreprises auquel nous devrons faire face dans les dix années à venir.

Le projet du Gouvernement, pour faciliter la gestion du patrimoine successoral, s'est appuyé sur le développement du mandat. Je suis particulièrement heureux de constater que le mandat posthume, qui constitue un des éléments fondamentaux du projet, a reçu un accueil très favorable. Vous avez perçu l'utilité pratique fondamentale de ce nouvel outil et la forte attente à cet égard des parents d'enfants handicapés et des chefs d'entreprise. L'examen de ce nouveau mécanisme par votre assemblée a permis d'apporter un grand nombre d'améliorations, notamment sur les pouvoirs du mandataire, sa rémunération ainsi que le fonctionnement général de ce mandat.

La question de la durée du mandat posthume et de son contrôle par le juge avait donné lieu à des débats devant votre assemblée. Le Sénat s'est également saisi de cette question et a estimé que la possibilité d'un mandat posthume à durée indéterminée était excessive. Il a proposé de limiter la durée du mandat posthume à cinq ans, renouvelable par décision du juge.

J'ai été convaincu par le bien fondé de cette modification : ce mécanisme est conçu pour être temporaire, il n'est pas opportun de le voir s'installer dans le temps sans aucun contrôle extérieur. Je me rallie donc au bon équilibre défini par vos deux assemblées entre, d'une part, l'exigence de contrôle de l'exécution du mandat posthume, et, d'autre part, la nécessité de permettre un renouvellement du mandat pour répondre à des situations où la protection se doit d'être durable.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le remarquable travail effectué par les deux assemblées me permet de soutenir le texte qui vous est aujourd'hui présenté. Il s'agit là d'une avancée formidable de notre droit au bénéfice de nos concitoyens.

Vous avez souhaité que ce grand progrès entre en vigueur le 1er janvier prochain, monsieur le président de la commission. Je tiens à vous assurer que le décret d'application sera publié dans les délais. Il remplacera les dispositions particulièrement obsolètes de l'ancien code de procédure civile, toujours en vigueur. Le nouveau décret réorganisera en particulier la procédure de partage judiciaire et instaurera les dispositions d'application des instruments nouveaux créés par la réforme, qu'il s'agisse de l'acceptation à concurrence de l'actif net ou du recours au mandat successoral.

Au terme de ma présentation, je tiens à rendre hommage à votre commission des lois et en particulier à son rapporteur, M. Sébastien Huyghe. La qualité remarquable de son travail a permis à chacun de saisir avec justesse au cours des débats l'ensemble des enjeux collectifs et individuels en cause, sur un sujet d'une grande technicité juridique et d'une grande sensibilité sociale.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Tout à fait.

M. le garde des sceaux. L'aboutissement de cette réforme tant attendue constitue un événement dans l'histoire du code civil et le travail qui a permis son aboutissement a été à bien des égards exemplaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Sébastien Huyghe, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis en deuxième lecture récrit les dispositions du code civil relatives aux successions et aux libéralités, afin d’atteindre trois objectifs : donner plus de liberté pour préparer et organiser les successions, accélérer et simplifier leur règlement et faciliter la gestion du patrimoine successoral.

En première lecture, nous avons enrichi le projet en adoptant près de 260 amendements.

Le Sénat a globalement approuvé les modifications apportées par l'Assemblée. Il a amélioré le texte en lui apportant des précisions utiles et en le complétant par des dispositions nouvelles. Sur les quarante articles que comprenait le texte adopté par l'Assemblée, il en a voté vingt conformes et il a introduit sept articles additionnels : vingt-sept articles restent donc aujourd'hui en débat.

S'agissant, tout d'abord, du droit des successions, le Sénat a modifié les conditions de détermination des héritiers. Il a supprimé l'inscription de la mention de la naissance des enfants en marge de l'acte de naissance des parents, disposition qui visait à faciliter la recherche des héritiers, en arguant qu’une telle disposition porterait une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée.

Le Sénat est également revenu sur les dispositions encadrant la profession de généalogiste en vue d’assouplir le texte voté par l'Assemblée : toutes les personnes ayant un intérêt direct et légitime au règlement de la succession, notamment les créanciers, pourront mandater un généalogiste et l'obligation du mandat ne sera pas exigée pour les successions vacantes ou en déshérence.

Le Sénat a par ailleurs modifié les règles de l'option successorale et la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net. Il a précisé les actes pouvant être accomplis par l'héritier sans emporter acceptation tacite de la succession, notamment en autorisant le successible à effectuer les opérations nécessaires à la continuation à court terme de l'activité de l'entreprise.

Il a renforcé la sécurité juridique des transactions autorisées après acceptation à concurrence de l'actif net, en prévoyant que la contestation du prix de la vente d'un bien successoral par l'héritier n'est pas possible lorsque la vente a été réalisée aux enchères publiques et en portant de huit à quinze jours le délai imparti à l'héritier pour déclarer l'aliénation ou la conservation d'un bien.

S'agissant des mandats, les propositions du Sénat portent pour l'essentiel sur le mandat à effet posthume : il a en effet interdit au notaire chargé de la succession d'être mandataire à effet posthume. Il a également modifié les conditions de la rémunération de ce mandataire en prévoyant la possibilité d'une rémunération mixte, alliant revenus et capital, et en précisant que cette rémunération constitue une charge de la succession qui ouvre droit à réduction lorsqu'elle a pour effet de priver les héritiers de tout ou partie de leur réserve. Le mandat posthume à durée indéterminée a été supprimé pour être remplacé par un mandat d'une durée de cinq ans prorogeable en raison de l'inaptitude, de l'âge du ou des héritiers ou de la nécessité de gérer des biens professionnels. Les pouvoirs reconnus au mandataire tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession ont été étendus aux actes de surveillance et d'administration provisoire. De plus, le mandataire aura la possibilité de demander au juge l'autorisation d'accomplir tout autre acte que requiert l'intérêt de la succession.

S'agissant enfin du partage, le Sénat a étendu la possibilité de demander le sursis au partage et le maintien de l'indivision pour les entreprises exploitées sous forme sociale. Il a également assoupli la condition de participation à l'exploitation transmise, requise en matière d'attribution préférentielle, afin qu'elle puisse être satisfaite par les descendants de l'héritier. Il propose enfin une meilleure prise en compte, au moment du partage, de la réalité des charges nécessaires à la conservation d'un monument historique.

En matière de libéralités, le Sénat a supprimé les dispositions tendant à réformer la quotité disponible spéciale du conjoint survivant.

Actuellement, je vous le rappelle, la quotité disponible spéciale entre époux est identique, que les enfants soient issus ou non des deux époux : cela permet notamment au conjoint de recevoir la totalité des biens du défunt en usufruit, ce qui peut conduire en pratique, dans certaines familles recomposées, à priver les enfants d'un premier lit de la réalité de leur réserve. Le projet de loi proposait donc, en présence d'enfants non communs, de réduire cette quotité disponible à la moitié des biens, ce qui avait semblé un peu brutal à notre commission, laquelle avait retenu une solution plus nuancée, consistant à permettre également au conjoint survivant de recevoir un usufruit plus étendu, portant sur l'ensemble des biens des enfants communs et ne s'imputant que subsidiairement sur la réserve des enfants non communs. Devant le risque que certains conjoints, se croyant protégés, ne rencontrent de sévères déconvenues à l'ouverture de la succession, le Sénat a préféré, plus simplement, renoncer à cette réforme. Il est vrai que celle-ci ne visait pas, contrairement à la majorité des dispositions relatives aux libéralités – telles que les renonciations anticipées, les libéralités graduelles et résiduelles ou encore les donations transgénérationnelles –, à accroître la liberté du disposant. Faute de consensus, je vous propose de ne pas revenir sur la décision du Sénat.

Par ailleurs, le Sénat a apporté plusieurs précisions utiles au régime des libéralités.

Tout d’abord, la renonciation anticipée à l'action en réduction devra être reçue par deux notaires, dont l'un ne sera pas choisi par la famille, afin de protéger le renonçant de pressions de son entourage et de lui garantir un conseil objectif et indépendant.

De plus, lorsqu'une libéralité graduelle portera sur un portefeuille de valeurs mobilières, l'obligation de conservation n'empêchera pas sa bonne gestion, qui suppose que le premier gratifié puisse vendre et racheter des valeurs mobilières : la charge ne portera que sur le portefeuille et non sur les titres le composant.

En outre, une donation graduelle pourra être acceptée par le second gratifié après le décès du donateur, afin de permettre à un grand-père de consentir, par exemple, la donation d'un bien immobilier à son fils, à charge pour lui de le conserver et de le transmettre à l'ensemble de ses enfants nés et à naître.

Par ailleurs, la possibilité de réaliser une donation-partage d'une entreprise exploitée en forme de société sera limitée au cas où le donateur exerce une fonction dirigeante dans la société, afin d'éviter une donation-partage d'un simple portefeuille de valeurs mobilières.

Enfin, en cas de décès sans postérité ni parent, la dévolution aux frères et sœurs jouera pour les biens reçus par le défunt de tous ses ascendants, et non plus de ses seuls parents.

En ce qui concerne le pacs, le Sénat a précisé les modalités de liquidation des créances entre partenaires et prévu que l'identité du partenaire sera mentionnée en marge de l'acte de naissance d'une personne pacsée. En première lecture, nous avions prévu que cette mention resterait anonyme.

Enfin, le Sénat a complété le projet de loi en introduisant trois dispositions nouvelles. Il propose, tout d’abord, de déjudiciariser le changement de régime matrimonial, en supprimant l'obligation d'homologation par le tribunal de grande instance, laquelle est remplacée par une information des enfants et des créanciers, qui pourront s'opposer au changement de régime matrimonial dans le délai de trois mois. Néanmoins, en présence d'enfants mineurs, le changement de régime matrimonial restera soumis à l'homologation par le juge.

Le Sénat prévoit ensuite de valider la clause de reprise des apports de biens propres en cas de divorce – dite « clause alsacienne » – figurant dans un contrat de mariage. Les époux auront ainsi la garantie, si le contrat de mariage le prévoit, de reprendre après le divorce les biens qu'ils ont apportés à la communauté.

Enfin, il nous est proposé de permettre aux enfants d'un premier lit de renoncer par anticipation à exercer, lorsque s'ouvrira la succession, l'action en retranchement lorsque le conjoint survivant a bénéficié d'un avantage matrimonial excessif. Lorsque le consensus familial aura débouché sur un acte entouré des mêmes garanties que la renonciation anticipée à l'action en réduction, le conjoint survivant pourra ainsi conserver les biens du défunt jusqu'à son propre décès. Les enfants signataires du pacte ne renonceront donc pas définitivement à leurs droits réservataires, mais accepteront qu'ils ne soient rétablis qu'au décès de leur beau-parent.

Le texte qui nous est proposé par le Sénat réalise un équilibre qui me paraît satisfaisant. Je vous propose donc de l'adopter en l'état. Il importe en effet que cette réforme, attendue depuis de nombreuses années, puisse être mise en application dans les meilleurs délais. C’est pourquoi, je vous le rappelle, nous avons avancé sa date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2007.

Je tiens à remercier M. le garde des sceaux et ses services de la bienveillance avec laquelle ils ont considéré des propositions du Parlement, ainsi que le président de la commission des lois et ses collaborateurs du travail de fond accompli sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous l’avons tous rappelé en première lecture, du code napoléonien à 2006 le droit des successions est sans conteste celui qui a connu le moins de réformes. Et même si nous nous félicitons qu’une certaine sagesse préside en la matière, il n'en demeure pas moins que la société du XXIe siècle n'est plus la même que celle du XIXe. Non seulement les familles ont subi de profondes mutations structurelles, mais les progrès scientifiques ont également allongé de manière considérable l'espérance de vie, rendant obsolètes certaines dispositions de notre droit.

Il était donc important pour M. le garde des sceaux, afin de résoudre les situations nouvelles, de mener une réforme d'adaptation visant un objectif de souplesse – notre rapporteur l’a rappelé –, de simplicité et de justice. En effet, la multiplicité des situations juridiques et la complexité des règles peuvent rendre les successions très longues : l'immobilisme qui s'ensuit se révèle préjudiciable aux héritiers, ce qui, à la fois, est évidemment contraire aux volontés du défunt et fige la gestion des patrimoines.

Il convenait – chacun l’a noté en première lecture, à l’Assemblée comme au Sénat – de donner plus de liberté dans l'organisation des successions, notamment grâce à l'introduction du pacte successoral et à la procédure tendant à faciliter la gestion du patrimoine. En outre, la mise en place de dispositions visant à accélérer et à simplifier le règlement des successions grâce à la procédure du partage répond à l'objectif de simplification et de clarification voulu par les auteurs du texte. Nous nous en félicitons.

S'agissant du second volet, celui des libéralités, j’insisterai, au nom de mon groupe, sur le fait que la réforme s’inscrit dans le sens d’une plus grande liberté dans la gestion du patrimoine par l’aménagement de la réserve héréditaire.

Monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, vous avez résumé les principales modifications apportées par le Sénat, auxquelles vous vous ralliez. Certes, je le comprends bien, ce texte étant attendu depuis longtemps, il est nécessaire de le mettre en œuvre le plus rapidement possible. Toutefois, je souhaite revenir sur trois points.

Pour ce qui est tout d’abord du pacs, je comprends la démarche de certains de mes collègues du Sénat, même si les arguments utilisés par les uns et les autres relevaient parfois du paradoxe. Nous nous étions néanmoins réjouis à l’Assemblée de voir reprises certaines dispositions issues des travaux de la mission d'information sur la famille et les droits des enfants. Ces propositions avaient pour objectif d'améliorer le pacs – en 1999 une voie a été ouverte – par le biais de ses formalités et de son régime patrimonial. La mission « famille » avait, à ce sujet, proposé la publicité du pacs à l'état civil par sa mention en marge de l'acte de naissance de chacun des partenaires, tout en conservant l’anonymat de l’autre partenaire : cette disposition nous paraissait représenter une avancée considérable qui restait conforme à la décision du Conseil constitutionnel de 1999.

La Haute assemblée est revenue sur la disposition garantissant, sur l’acte de naissance, l'anonymat du partenaire d’une personne pacsée. Comme M. le garde des sceaux l’a fait au Sénat, j’insisterai sur ce point tant il m’apparaît que la décision de nos collègues sénateurs risque d’être une fausse bonne idée puisqu’elle se révélera, à l’usage, discriminatoire. J’ai d’ailleurs, au nom de mon groupe, déposé un amendement tendant à supprimer la modification sénatoriale.

Deuxième point, M. le rapporteur y a fait allusion, le changement de régime matrimonial sera désormais dépourvu de l’obligation d’homologation par le TGI. Nos collègues centristes au Sénat ont atténué la portée de ce principe en prévoyant qu'en présence d'enfants mineurs, le changement de régime matrimonial restera soumis à l'homologation du juge. Même si j’ai conscience qu’il faut moderniser notre réglementation et simplifier les situations, je me permets de vous mettre en garde contre tout risque de dérive.

Pour de nombreux acteurs de la justice, en effet, la suppression d'une instance d'homologation devant le tribunal, procédure simple, risque d'en entraîner d'autres beaucoup plus longues et plus complexes au moment du divorce et de la liquidation des intérêts patrimoniaux de personnes ayant changé plusieurs fois de régime sans les liquider à chaque étape.

Enfin, troisième point, j’aborderai la question de l'évaluation d'une entreprise. M. Huyghe avait, à ce sujet, déposé un amendement prévoyant que les héritiers pourraient notifier la valeur d'une entreprise à l'administration fiscale qui aurait disposé de six mois pour contester l'évaluation proposée. Ce dispositif intéressant, notamment dans le cas des petites entreprises, permettait d'établir une évaluation rapide, nécessaire en ces temps où les variations peuvent se révéler brusques. Nous avons bien pris note de l'engagement du garde de sceaux à transmettre ce dossier au ministre du budget.

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Tout à fait !

Mme Anne-Marie Comparini. J’espère qu’au cours de cette deuxième lecture, M. le ministre pourra nous éclairer sur l’avancée de cette question.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Biessy.

M. Gilbert Biessy. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comme nous le soulignions en première lecture, ce projet porte des orientations plutôt ambitieuses, que le travail réalisé au Sénat a contribué à améliorer notablement.

Nous saluons à nouveau l'opportunité de ce texte. Notre pays accuse en effet un retard considérable en matière d'adaptation de sa législation aux évolutions des mœurs. Le projet est loin de combler toutes les lacunes de notre code civil, mais force est de reconnaître qu'il ouvre un champ de réflexion utile.

Nous n'avons que trop rarement l'occasion de nous pencher sur le droit de la famille, dont la réforme est pourtant urgente. Cette réforme reste largement devant nous, elle demeure un chantier ouvert. Dès lors, souhaitons que l'impulsion donnée par ce projet, même si nous n'en partageons pas toutes les orientations, nous permette de maintenir ouvert ce débat essentiel.

À propos du texte lui-même, je commencerai par formuler les mêmes remarques de méthode qu'au cours de la première lecture. Je ne suis pas certain, en effet, que la méthodologie privilégiée soit en totale adéquation avec les attentes de nos concitoyens. Certes, la commission a auditionné près de soixante-quinze personnes.

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Tout à fait !

M. Gilbert Biessy. Elle s'est appuyée sur l'expérience des praticiens, objectivée par une vaste enquête menée au début de l'année 2004. Ce travail a permis d'identifier les principales difficultés auxquelles sont confrontés les praticiens dans le règlement des successions et de dégager un consensus sur quelques propositions concrètes d'évolution.

Il est notamment ressorti de cette enquête que les notaires souhaitaient une simplification du droit des successions et des libéralités, ainsi qu’une meilleure adéquation de ces dispositions à la réalité sociale, familiale et économique. Les demandes des plus de trois mille professionnels des successions constituent manifestement un élément de référence précieux pour résoudre au mieux les principaux problèmes rencontrés sur le terrain.

Il n'en demeure pas moins vrai que l'enquête ne met guère en relief certaines préoccupations des usagers eux-mêmes, sur lesquelles il serait pourtant utile de revenir.

Ainsi, le projet de loi laisse d'abord de côté l'épineuse question fiscale, sur laquelle nous aurions beaucoup à redire, tant les mesures prises par le Gouvernement en matière de fiscalité du patrimoine participent de l'injustice fiscale cultivée depuis quatre ans.

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Cela relève de la loi de finances !

M. Gilbert Biessy. Parlons également de l'assurance-vie. Nous savons que le succès des contrats d'assurance-vie tient pour une large part aux lacunes encore criantes de notre code civil en matière de protection des droits des conjoints, qu'ils soient mariés, concubins ou pacsés. Des progrès restent à réaliser en matière de régime successoral applicable aux partenaires du pacs. Une autre question, connexe au régime des droits de succession, concerne l'absence de réversion des pensions en cas de concubinage ou de pacs, réversion qui permettrait de garantir des ressources au conjoint.

Nous pourrions multiplier les interrogations sur lesquelles beaucoup de nos concitoyens attendent des évolutions législatives et que le présent projet de loi prend sans doute insuffisamment en compte.

Force toutefois est de reconnaître certaines avancées. L'abandon de la réforme de la quotité disponible spéciale du conjoint survivant, qui remettait en cause la loi de 2001, nous paraît ainsi une mesure de sagesse, même si la question posée est bien réelle et que nous aurions préféré, comme la majorité, l'adoption d'une position d'équilibre que ni la loi actuelle ni l'article 21 dans sa rédaction initiale ne nous paraissaient pourvoir satisfaire.

En revanche, comme nos collègues socialistes, nous sommes persuadés que l'héritier taisant doit être tenu pour renonçant et non pas pour acceptant ; de même que nous sommes, nous aussi, favorables à la création d'un fichier national des assurances sur la vie, de façon à mieux garantir aux bénéficiaires l'exercice de leurs droits.

Nous tenons par ailleurs à souligner notre opposition à la déjudiciarisation du changement de régime matrimonial, même réduite aux cas où les époux n'ont plus d'enfants mineurs. Cette réforme comporte en effet des risques considérables pour le respect des droits des enfants, que seule une intervention a priori du juge serait en mesure de préserver. La situation d'engorgement des tribunaux ne saurait justifier la réforme proposée par le Sénat. Nous attendons donc que l’Assemblée nationale revienne sur cette disposition.

Une autre réserve concerne cette fois le pacs, puisque le Sénat nous a proposé, en quelque sorte, d'en faire un mariage bis en rendant obligatoire, sur l'acte de naissance des personnes pacsées, la mention de l'identité de leur partenaire. La modification est d'importance mais souligne surtout les difficultés récurrentes à définir les contours exacts du pacs, faute sans doute d'un positionnement clair des uns et des autres.

Sur un tel sujet et à propos de tels enjeux, nous ne pouvons continuer à tourner indéfiniment « autour du pot ». Soit nous considérons que le pacs doit ouvrir des droits équivalents à ceux du mariage et l'originalité du mariage se trouvera rayée d'un trait – ce n'était pas la volonté du législateur de 1999. Soit nous estimons que pacs et mariage doivent garder leur spécificité – comme nous le pensons –, et alors il nous faudra bien admettre que les débats sur ces questions se trouveront entachés d'une certaine hypocrisie en ce qui concerne le statut des couples homosexuels, ceux-ci se trouvant confrontés de fait à une situation de discrimination car ne pouvant opter pour le régime de droits et obligations afférant au mariage.

Aussi faudrait-il clarifier ce statut. Les députés du groupe communiste, pour leur part, sont favorables à la reconnaissance du droit au mariage pour les homosexuels. Nous avons d'ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens. Il s’agit non seulement de la reconnaissance d'un droit légitime mais du moyen de clarifier les contours juridiques spécifiques à chaque type d'union. Cela sans compter l'incidence positive que la reconnaissance du mariage homosexuel aurait sur le sujet qui nous occupe, notamment en ce qui concerne la situation concrète du conjoint survivant.

Force est de constater que notre droit est sur ce thème en flagrant décalage avec les évolutions de notre société et avec les attentes de nos concitoyens. Cela montre la nécessité de nous engager dans un programme de réforme beaucoup plus vaste. Or, nous sommes aujourd'hui loin du compte et le présent projet en témoigne puisqu'il ne concerne en priorité que les problèmes rencontrés par les détenteurs de patrimoines importants.

En conclusion, si le projet apporte des réponses à certaines préoccupations exprimées par les professionnels, de façon d'ailleurs fort pragmatique – et nous ne saurions lui en faire le reproche –, nous regrettons que l'occasion n'ait pas été saisie d'élargir le débat à l'ensemble des enjeux que soulève la question de la réforme du droit des successions et par conséquent du droit de la famille.

Malgré tout, en dépit de ses insuffisances, nous ne saurions nous prononcer contre ce texte ; aussi nous abstiendrons-nous.

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons en seconde lecture le projet de loi portant réforme des successions et des libéralités, adopté dans un climat consensuel à l'Assemblée nationale le 22 février dernier.

Ce texte, qui réforme en profondeur le code civil, a vocation à adapter notre droit successoral aux attentes des familles et des professionnels du droit, afin de tenir compte des évolutions sociologiques. Le principe qui le guide est la liberté conférée à toute personne de disposer de son patrimoine et de préparer sa succession de son vivant. L'introduction du pacte successoral, véritable novation dans notre droit, l'extension du champ d'application des donations-partages et le recours au mandat posthume concourent en effet à assouplir les règles applicables aux successions, sans toucher pour autant à la réserve héréditaire. Il s'agit là d'une évolution intéressante prévue par le projet.

Comme tous les orateurs l’ont souligné, soucieux de simplifier et d'accélérer le règlement des successions, le texte prévoit plusieurs dispositions susceptibles de faciliter l'identification des héritiers, de raccourcir les délais d'option et de permettre aux héritiers d'accomplir certains actes de gestion courante en attendant que la succession soit réglée. La réforme prévoit enfin plusieurs mesures destinées à favoriser le partage amiable afin d'éviter un partage judiciaire.

Le Sénat, d’où nous revient ce texte, s’est efforcé de compléter, de préciser et parfois d’améliorer le dispositif voté par notre assemblée. Il a ainsi renforcé les garanties apportées lors de la signature d’un pacte successoral, en soulignant la gravité de l’abandon, par un héritier, de ses droits réservataires. Il a également renforcé le dispositif juridique appelé à encadrer cette décision. Il a notamment prévu que l’acte notarié serait reçu par deux notaires, dont l’un choisi par la chambre départementale des notaires, afin de s’assurer de la réalité du consentement du renonçant.

Le Sénat a également encadré le mandat posthume. Ce dispositif permettra à la personne de désigner, de son vivant, un mandataire pour administrer le patrimoine transmis si les héritiers ne sont pas aptes à le faire. Notre assemblée avait adopté plusieurs amendements destinés à encadrer strictement les pouvoirs confiés à l’administrateur. Le Sénat complète ce dispositif en écartant la possibilité, pour le notaire en charge de la succession, d’exercer la mission de mandataire posthume, afin de préserver l’indépendance de celui-ci. Les sénateurs ont par ailleurs adopté un amendement visant à limiter la durée du mandat posthume à cinq ans, renouvelables par décision du juge, contre deux ans assortis de possibilités de prorogation pour une durée indéterminée dans la version adoptée par l’Assemblée nationale.

S’agissant de la détermination des héritiers, l’Assemblée avait adopté un dispositif visant à inscrire le nom des enfants, naturels et légitimes, en marge de l’acte de naissance afin de faciliter l’identification des héritiers, que seule la consultation du livret de famille permettait jusqu’à présent. Craignant que cette mesure ne porte atteinte au principe du respect de la vie privée, le Sénat l’a supprimée. Autant certaines améliorations méritent d’être relevées, autant les avantages du dispositif voté à l’Assemblée l’emportent sur les inconvénients que provoque cette suppression. Si le souci d’efficacité nous conduit à souhaiter qu’un vote conforme permette l’application rapide de cette réforme, il n’en était pas moins utile de dire en séance publique ce que nous pensons de cette initiative.

M. Alain Vidalies. Faites donc ! Du courage !

M. Francis Delattre. En matière de libéralités, l’une des innovations du projet de loi est l’introduction des libertés graduelles, qui consistent à obliger un premier gratifié à faire remettre ce qui subsiste du bien donné, après son décès, à un deuxième gratifié préalablement désigné. Le Sénat a adopté une disposition visant à préciser que l’acceptation par le second gratifié serait possible après le décès du donateur, initiative heureuse qui permettra par exemple à un grand-parent d’effectuer une donation en faveur de l’un de ses enfants, à charge pour ce dernier de transmettre le bien à ses enfants à naître.

Le Sénat est également revenu sur une disposition qui avait fait débat sur nos bancs, selon laquelle, en présence d’enfants non communs, la libéralité que pouvait accorder une personne, de son vivant, à son conjoint en secondes noces pouvait être limitée à la quotité disponible ordinaire, au quart des biens en pleine propriété et au quart en usufruit, ou bien encore à la moitié des biens en usufruit seulement. Ce dispositif ayant soulevé des interrogations, notre rapporteur avait fait adopter un amendement visant à étendre l’usufruit conféré au conjoint survivant en l’imputant prioritairement sur les biens des enfants communs, et en second lieu seulement sur la réserve des enfants non communs, afin de préserver les droits des enfants issus d’une première union et parfois plus âgés que le conjoint survivant. Le Sénat a préféré supprimer cette disposition, la jugeant contraire au principe qui guide l’ensemble du texte : la liberté de tester, c’est-à-dire la liberté de disposer de ses biens par testament.

Enfin, par souci de simplification, il a introduit un dispositif connexe permettant la déjudiciarisation du changement de régime matrimonial en présence d’enfants majeurs. La justice est à l’heure actuelle systématiquement saisie, alors que la voie conventionnelle suffirait à homologuer ce changement dans la très grande majorité des cas. Le texte prévoit que l’homologation s’effectuera désormais devant notaire, les enfants qui estiment leurs droits menacés pouvant toutefois exercer une action en justice dans les trois mois suivant la notification de la décision. Notre commission de lois a jugé le texte ainsi modifié par le Sénat satisfaisant, toujours par esprit de compromis et afin de permettre la mise en œuvre rapide d’une loi attendue et de réduire les délais et le stock des successions en souffrance. Nous avons tous fait un effort, au rebours parfois de nos propres convictions, pour aider le garde des sceaux à appliquer ce texte le plus vite possible.

L’examen de ce projet de loi a suscité aussi un abondant courrier dans nos permanences, mettant au jour de nombreux cas de successions litigieuses et le désarroi, voire la détresse, de nos concitoyens confrontés au règlement de successions longues et complexes. Nous essayons, avec ce texte, de répondre à leur attente en affranchissant les héritiers de la règle de l’unanimité pour les actes de gestion de l’indivision : à l’avenir, une majorité des deux tiers sera suffisante pour décider d’engager des travaux ou de signer des contrats de bail, ce qui permettra de garder le bien en bon état et d’en tirer des revenus. Certes, nous ne touchons pas à la règle de l’unanimité pour la vente des biens immobiliers, car il s’agit d’un droit protégé par la Constitution, mais nous ouvrons la voie à un assouplissement des règles de l’indivision. Permettre aux héritiers de tirer des revenus d’un bien qu’ils ne peuvent vendre constitue une réelle avancée.

Ce texte a le mérite de répondre précisément aux situations familiales de plus en plus complexes qui caractérisent notre société. Il propose des solutions appropriées ouvrant la voie à des successions plus rapides, grâce à la simplification des démarches effectuées par les héritiers. Il confère également davantage de liberté aux personnes pour organiser leur succession. Cette liberté est le gage d’une succession plus respectueuse de la volonté du défunt.

Le groupe UMP votera donc une réforme qui, si elle ne fera pas l’ouverture des journaux télévisés – M. le garde des sceaux n’a pas été invité au journal de vingt heures : peut-être le sera-t-il chez Mme Laborde, demain aux aurores… –, n’en marquera pas moins notre droit par son caractère à la fois équilibré et novateur. En outre, elle fait suite à deux réformes importantes qu’elle complète, celle du divorce et celle de la filiation, en phase avec les attentes de la société d’aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Simon Renucci.

M. Simon Renucci. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le foncier et l’immobilier en Corse souffrent d’une trop grande proportion de propriétés en indivision, souvent anciennes ou très anciennes et où les co-indivisaires sont très nombreux, du fait du non-règlement des successions depuis plusieurs générations. Il s’ensuit que, même lorsque ces biens sont titrés et que chaque indivisaire est juridiquement propriétaire de droits indivis délimités, la gestion de l’indivision est quasiment impossible sous la règle de l’unanimité.

La difficulté est encore plus grande lorsque les indivisaires ne possèdent aucun titre de propriété. Cela se traduit par l’abandon de toute exploitation du bien, donc par la perte de valeur de la propriété elle-même.

Le blocage actuel en Corse est patent. Qui n’a vu, en sillonnant l’île, ces nombreuses terres agricoles abandonnées et ce patrimoine bâti qui s’écroule, faisant disparaître une partie de notre mémoire ? L’incertitude juridique empêche les propriétaires supposés d’agir dans le cadre normal de la gestion patrimoniale : ils ne peuvent louer, échanger, vendre...

Or, plus de 60 % des propriétés foncières ou immobilières en Corse sont en indivision. On mesure, dès lors, l’intérêt juridique et économique qu’il y a à faciliter par des moyens appropriés la revitalisation de régions entières et – ce n’est pas là le moindre avantage – à offrir aux familles, quelquefois en proie à des litiges et des disputes sans fin, l’apaisement attendu.

Une partie de cette réalité a été prise en compte dans le texte. Le groupement d’intérêt public dont l’article 26 ter autorise la création a pour objectif de favoriser et de faciliter la constitution des titres de propriété pour les biens fonciers et immobiliers sis en Corse qui en sont dépourvus. La perspective d’une correction de notre handicap se dessine enfin et je salue la volonté du Gouvernement sur ce point. Je vous remercie aussi, monsieur le garde de sceaux, de veiller à ce que le Gouvernement accorde les moyens financiers nécessaires pour cette action qui, n’en doutez pas, se révélera un excellent investissement en faveur du développement de l’île !

Reste donc à convaincre les co-indivisaires de se mettre en situation de bénéficier pleinement des nouvelles dispositions. L’article 2 de votre projet leur ouvre la possibilité de prendre désormais des décisions de gestion et d’administration à la majorité des deux tiers. Si cette avancée est positive, son impact réel sera, en pratique, significativement limité compte tenu des spécificités des indivisions situées en Corse.

Premièrement en effet, pour déterminer les droits des indivis et pour calculer la majorité des deux tiers désormais requise, il convient de connaître la part de chacun des co-indivisaires. Or, dans la grande majorité des indivisions corses, les actes de propriété n’existent pas et la part n’est donc pas précisée.

Deuxièmement, même dans le cas de propriétés indivises titrées, la règle des deux tiers risque d’être encore insuffisante, car constituer une telle majorité reste difficile, voire impossible. En effet, compte tenu de l’ancienneté des indivisions, il n’est pas certain que les titres aient été mis à jour en tenant compte des situations contemporaines. Plusieurs indivisaires peuvent avoir disparu ou être décédés sans que cela ait été pris en compte dans des actes, et la formation d’une majorité devient alors impossible.

Vous le voyez, mes chers collègues, le bénéfice d’une telle mesure d’assouplissement ne peut véritablement porter ses fruits, dans le cas des indivisions corses, que si les titres de propriétés existent et sont à jour des événements familiaux au moment de l’entrée en application de la loi.

Pour inciter les co-indivisaires à engager une démarche positive aboutissant à la création de titres de propriété, il me paraît souhaitable d’offrir un dispositif complémentaire cohérent de mise en valeur rapide des nouvelles dispositions. Je propose donc que la majorité requise pour les actes de gestion des indivisions en Corse soit ramenée à la majorité simple pendant la durée d’action du GIF, soit vingt ans. Cela contribuerait à résoudre puissamment bon nombre de situations bloquées depuis fort longtemps.

Cette mesure, limitée dans le temps, ne concernerait que les indivisions dont l’ancienneté excéderait dix ans et dont la situation juridique, au regard des titres de propriété, ne serait pas à jour à la date de la promulgation de la présente loi. En effet, il n’est pas utile d’appliquer ces mesures spécifiques aux indivisions récentes et correctement titrées, qui n’ont nul besoin des facilités procurées par les missions du GIF ni de celles tirées de l’abaissement de la majorité qualifiée pour les actes de gestion.

On peut certes objecter que cette mesure soulève la question de l’égalité des citoyens devant la loi. Mais le Conseil constitutionnel a établi le principe suivant : « Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. »

La différence de traitement se justifie donc par une différence de situation, ce qui est bien le cas entre la situation des indivisions en Corse et celle qui s’observe sur le continent. Fondée sur des critères objectifs et rationnels, la différence de traitement proposée ici, pour un temps limité de surcroît, ne semble pas aller à l’encontre de l’égalité devant la loi, au vu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Respectueux des principes fondamentaux de la Haute juridiction, le dispositif que je propose à notre assemblée serait une avancée fondamentale pour nos concitoyens corses, qui souffrent depuis trop longtemps d’une situation fortement handicapante, et contribuerait au développement que nous recherchons inlassablement pour la Corse. Le Gouvernement ne peut rester insensible à la nécessité de compléter par une mesure simple et incitative l’avancée qu’il a déjà su opérer.

La fixation à la majorité simple des décisions concernant les seuls actes de gestion des indivisions ne peut porter atteinte au droit de propriété en lui-même. Chacun des co-indivisaires est par ailleurs libre, sous la réserve qu’il soit titré, de quitter l’indivision si cela est son choix : les décisions de la collégialité des propriétaires indivis en matière de gestion ne mettent pas en cause ce choix-là. Je sais que mes propositions renforceront, par les effets bénéfiques qu’elles apporteront, la valeur des biens dont elles faciliteront la gestion. Elles conforteront ainsi la propriété elle-même.

M. le président. La parole est à M. Axel Poniatowski.

M. Axel Poniatowski. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’avais souhaité profiter de la discussion de ce projet de loi pour revenir, à travers un amendement, sur l’exclusion de la résidence principale des droits de succession afin d’alléger la fiscalité sur les successions entre parents et enfants. J’avais déjà proposé cet allégement dans une proposition de loi déposée en décembre 2004 et cosignée par 207 de mes collègues. Je reviens à la charge, car je sais qu’une telle exonération permettrait à nos compatriotes d’acquérir beaucoup plus aisément un bien immobilier. Un rêve bien légitime.

Le logement constitue l’un des aspects essentiels de la vie des ménages. C’est même leur premier poste de dépenses : qu’ils soient locataires ou propriétaires, il représente 20 % de leurs charges.

Les Français aspirent légitimement à devenir propriétaires. Pourtant, ils ne sont que 57 % à avoir concrétisé cet objectif. Or, dans des pays aussi différents par leur histoire, leur culture et leur développement économique que le Royaume-Uni, la Belgique, l’Espagne ou l’Italie, les taux de ménages propriétaires sont très supérieurs. Nos voisins ont en effet vite compris que devenir propriétaire a bien des vertus : se constituer un tel patrimoine, c’est pouvoir réduire ses charges lorsqu’on vieillit et surtout pouvoir léguer un bien essentiel à ses enfants.

L’amendement que je proposais – et que je redéposerai lors de la prochaine loi de finances – allait donc dans le sens à la fois d’une politique plus soutenue en faveur du logement et de la politique d’allégement fiscal conduite ces dernières années par les gouvernements de notre majorité.

L’accession à la propriété doit rester un axe majeur de la politique du logement. Malgré des mécanismes déjà existants, qu’il s’agisse du prêt à taux zéro et de son extension ou de la TVA à 5,5 % pour l’accession sociale dans le neuf, une politique publique plus volontariste en la matière ne peut que favoriser cette aspiration légitime des Français à acquérir un toit et des murs. D’ailleurs, le Gouvernement reconnaît cette aspiration puisqu’il y a quelques jours, à l’occasion de l’adoption en seconde lecture ici même de la loi portant engagement national pour le logement, Jean-Louis Borloo rappelait que le logement est une préoccupation majeure de nombreux ménages. À la faveur de taux d’intérêt historiquement bas, beaucoup plus de ménages devraient donc pouvoir s’engager aujourd’hui dans un projet de ce type.

J’ajoute que ma proposition, non seulement favorisait l’accession à la propriété, mais contribuait à l’allégement de la fiscalité et des charges pesant sur les ménages. La possibilité d’exclure la résidence principale des droits de succession est le gage de notre volonté de réduire l’impact des prélèvements obligatoires et de rapprocher ceux-ci des taux pratiqués par nos voisins européens. Je rappelle qu’ils sont de 54 % en France contre en moyenne 40 % dans les pays de l’Union européenne et 35 % aux États-Unis.

Être propriétaire est un rêve partagé, que l’on soit de droite ou de gauche. Ma proposition était un encouragement à le réaliser. Il ne tient plus qu’à votre gouvernement de le rendre accessible à plus de Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’adoption, à l’initiative du groupe socialiste, de la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins, le projet de loi portant réforme des successions, que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture, est utile parce qu’il répond aux évolutions démographiques et qu’il tend à mettre fin à des procédures dont la longueur n’a d’égale que la complexité.

J’avais déjà indiqué en première lecture que nous approuvions la création d’un pacte successoral, qui offrira davantage de liberté dans la répartition des biens et répondra au besoin de sécurité des familles, notamment lorsqu’un enfant handicapé compte parmi les héritiers. L’extension du champ d’application de la donation-partage à tous les héritiers présomptifs et son élargissement aux donations-partages trans-générationnelles répondaient aussi à la nécessité de modernisation et d’adaptation de notre droit. L’assouplissement des règles de gestion de l’indivision et l’abandon de la règle de l’unanimité au profit de la majorité qualifiée des deux tiers applicable aux seuls actes d’administration s’inscrivaient également dans cette démarche.

Toutefois, le groupe socialiste avait été conduit à voter contre ce projet de loi en raison principalement d’une modification des droits du conjoint survivant, un nouvel article 1094-2 réduisant le champ des libéralités pour les veuves ou les veufs en présence d’enfants non communs. Ce texte ne permettait en effet au de cujus de léguer, par donation ou testament, qu’un quart supplémentaire de ses biens en usufruit au lieu des trois quarts prévus dans le droit positif. Cela constituait manifestement un retour en arrière par rapport aux principes inscrits dans la loi du 3 décembre 2001.

Le rapport de première lecture était révélateur de l’objectif recherché. J’en cite un passage : « Divers interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur ont souligné l’importance des problèmes qui peuvent, dans de tels cas, résulter de l’application de l’actuel article 1094-1 du code civil. À titre d’exemple, l’attribution à un conjoint beaucoup plus jeune d’un usufruit grevant la totalité des biens du défunt peut, de fait, revenir à priver des enfants plus âgés pendant toute leur vie de leurs droits réservataires ». On voyait ainsi resurgir le mythe du mariage tardif avec la jeune infirmière, scénario préféré des opposants aux droits du conjoint survivant.

Devant le Sénat, vous avez été, monsieur le ministre, encore plus explicite. Je vous cite : « Le code civil a toujours favorisé la transmission du patrimoine aux personnes de même sang. Il a donc toujours privilégié les enfants par rapport aux époux. La tradition du code civil est de sauvegarder le patrimoine familial ». Vous ajoutiez à l’intention des sénateurs : « Vous souhaitez aller beaucoup plus loin en inscrivant dans la loi que chacun peut tester pour la personne de son choix et léguer à sa deuxième, troisième ou quatrième épouse la totalité de l’usufruit de ses biens. Il s’agit d’une rupture forte par rapport à la tradition du code civil ». Voilà une explication bien singulière, car ce que vous dénoncez est le droit positif ! C’est votre projet de loi qui proposait une remise en cause des principes de la loi du 3 décembre 2001 privilégiant, au contraire, les liens de l’affection sur ceux du sang. Le groupe socialiste, qui avait défendu cette position en première lecture, est donc particulièrement satisfait que le Sénat ait supprimé les dispositions de ce nouvel article 1094-2. J’observe d’ailleurs qu’aucun amendement ne propose de les rétablir aujourd’hui.

Le Sénat a également apporté des modifications importantes sur le mandat à effet posthume. Nous approuvons ces modifications, qui interdisent au notaire chargé de la succession d’être mandataire à effet posthume ou qui limitent le mandat à cinq ans, éventuellement renouvelables dans des circonstances particulières.

Nous avions émis en première lecture plusieurs propositions, qui nous semblent conserver toute leur justification en deuxième lecture. Ainsi, nous ne comprenons pas pourquoi vous avez fait le choix de déclarer acceptant pur et simple l’héritier taisant, alors que dans l’objectif de simplifier et d’accélérer les règlements successoraux, c’est manifestement le choix inverse qui s’imposait, à savoir que l’héritier taisant est déclaré renonçant. Nous avons la conviction que la solution retenue va, au contraire, complexifier les procédures.

Nous avions également proposé de créer un fichier national des assurances sur la vie, accessible uniquement aux fins de connaître l’existence de toute assurance-vie après l’ouverture de la succession du défunt qui l’avait souscrite. Or, vous le savez, de nombreuses assurances-vie sont en pratique conservées par les sociétés d’assurance qui ne sont pas informées du décès de l’intéressé. L’accord de méthode intervenu le 25 juin 2002 entre les notaires et les assureurs ne règle rien et, en réalité, a pour objectif principal d’éviter toute intervention du législateur.

À ce stade et compte tenu de l’évolution majeure du texte sur les droits du conjoint survivant, nous pouvions envisager un vote positif en deuxième lecture. Hélas, le Sénat a ajouté des dispositions qui ouvrent de nouveaux débats, notamment la déjudiciarisation de la procédure de changement de régime matrimonial et la mention de l’identité complète du partenaire en marge de l’acte de naissance d’une personne pacsée.

Nous proposons de supprimer la déjudiciarisation de la procédure de changement de régime matrimonial, même limitée aux situations révélant l’absence d’enfant mineur. Pourquoi en effet supprimer le contrôle a priori du juge au risque d’ouvrir un nouveau champ de contentieux ? Chacun sait que c’est en pratique l’option pour la communauté universelle par des couples âgés qui peut poser des problèmes aux héritiers potentiels et parfois aux créanciers. Le notaire est un conseiller des familles, non un juge. Le choix d’un nouveau régime matrimonial pourra nourrir tous les soupçons et donc toutes les procédures, alors que le contrôle a priori aurait vidé par avance ce contentieux.

S’agissant de la mention en marge de l’acte de naissance des personnes pacsées, notre assemblée avait retenu le principe de la seule mention de l’existence d’un pacs. Cette disposition était de nature à désengorger les greffes des tribunaux d’instance, submergés par les demandes de certificat de non-pacs. Le Sénat, en souhaitant que l’identité du partenaire du pacs figure dans la mention en marge de l’acte de naissance, n’a pas apporté une simple précision mais un changement profond de la nature de cette mention. Même si les sénateurs socialistes et UMP ont soutenu conjointement cette demande, nous y sommes, nous, particulièrement hostiles. Contrairement aux indications du rapporteur lors du débat en commission, les associations qui avaient soutenu la création du pacs n’approuvent pas une telle modification.

M. Patrick Bloche. Tout à fait !

M. Alain Vidalies. Seule la mention de l’existence d’un pacs, et non de l’identité du partenaire, était préconisée dans le rapport remis à M. Perben, alors garde des sceaux, le 30 novembre 2004 et dans le rapport de la mission parlementaire sur l’évolution du droit de la famille. J’observe d’ailleurs que le Gouvernement était hostile à l’initiative du Sénat, qu’il nous propose pourtant d’avaliser aujourd’hui.

L’inscription de l’identité du partenaire du pacs en marge de l’acte de naissance rendra ces informations accessibles à toute personne ayant accès aux extraits d’acte de naissance, puisque, selon l’article 10 du décret du 3 août 1962, ces extraits indiquent « les mentions portées en marge de cet acte ». Or les règles régissant l’accès aux extraits d’acte de naissance sont plus souples que celles pour l’accès au registre des pacsés. La famille de chaque pacsé pourra prendre connaissance de l’identité du partenaire.

Sur cette question, qui s’était posée dès l’origine du pacs, la CNIL avait rendu, le 25 novembre 1999, un avis négatif, s’interrogeant sur la constitutionnalité d’une telle solution. Je ne vous cache pas que le groupe socialiste de l’Assemblée partage cette interrogation. Le plus étonnant est que vous-même, monsieur le ministre, avez évoqué ce risque d’inconstitutionnalité devant le Sénat mais que vous nous proposez aujourd’hui d’émettre un vote conforme. Du reste, en votant cette disposition, le Sénat a abouti à un texte peu cohérent puisque, dans le même temps, il a supprimé l’inscription de la mention de la naissance des enfants en marge de l’acte de naissance des parents, considérant qu’elle porterait une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée.

De ce manque de cohérence, comme de toutes les questions en suspens, nous aurions pu débattre par-delà les clivages partisans habituels. Nous n’avons pas de chance, monsieur le ministre : pour une fois que le Gouvernement n’impose pas la procédure d’urgence, notre assemblée se trouve privée de son droit de débattre et d’amender par la seule volonté du groupe UMP, qui a manifestement décidé d’obéir à l’injonction du Gouvernement d’un vote conforme en deuxième lecture pour permettre l’adoption définitive de ce texte. Triste épisode de la soumission du Parlement et des errements de la discipline majoritaire ! Un tel sujet méritait mieux que cette caricature de débat en deuxième lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Bloche. Parfait !

M. le président. La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pu parvenir à un texte identique.

Article 1er

M. le président. Sur l’article 1er, je suis d’abord saisi d'un amendement n° 2.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Cet amendement relance un débat que nous avons eu en première lecture. Déclarer acceptant l’héritier taisant nous semble une mauvaise solution car elle entraînera de nombreux contentieux. Elle était d’ailleurs critiquée, y compris par une partie de la doctrine.

Si les sénateurs qui partageaient cette opinion ont changé de position au cours du débat devant le Sénat, notre appréciation reste la même : il nous semble plus logique de déclarer renonçant celui qui se tait – puisqu’il se désintéresse de la succession, la succession se désintéresse de lui ! – afin de ne pas faire porter la charge de la procédure à ceux qui ont expressément accepté la succession.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, qui avait, effectivement, donné lieu à un débat en première lecture.

La renonciation d’office d’un héritier taisant serait, me semble-t-il, une sanction beaucoup trop lourde. Il faudrait en outre rechercher les héritiers du renonçant, ce qui irait à l’encontre de l’objectif du texte qui est justement d’accélérer le règlement des successions. Je vous rappelle, en effet, que le projet de loi prévoit une représentation des renonçants. Donc, si l’on considérait renonçant le taisant, il faudrait trouver ses héritiers pour savoir si, eux, acceptent la succession.

Par ailleurs, toujours dans le souci d’accélérer le règlement de la succession, il est possible de désigner en justice un mandataire représentant l’héritier taisant.

Vous pouvez donc être rassuré. L’objectif du texte d’accélérer le règlement des successions sera atteint.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. L’avis du Gouvernement est le même qu’en première lecture.

Monsieur Vidalies, le texte prévoit que l’héritier qui n’a pas opté après avoir été sommé de le faire est réputé accepter la succession pure et simple. Vous nous dites que le silence ne saurait suffire et qu’il faut aller plus loin. Si nous suivions votre proposition, la procédure prendrait beaucoup de temps puisqu’il faudrait aller devant le juge. Or, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, le but du texte est d’accélérer la succession. Cela irait même à l’encontre de la jurisprudence, ce que vous n’avez sans doute pas noté. La solution retenue dans le projet de loi est, en effet, celle privilégiée par la jurisprudence depuis plusieurs décennies. Le texte ne fait, en définitive, que rendre légal ce qui est déjà jurisprudentiel.

Que les créanciers s’aventurent dans une action interrogatoire avant de saisir le juge pour se retrouver face à un héritier renonçant n’accélérera sûrement pas le rythme des successions. Je supplie donc l’Assemblée de ne pas retenir cet amendement. S’il était adopté, je ne vois vraiment pas pourquoi nous aurions proposé le présent projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 13.

La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le soutenir.

Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le garde des sceaux, vous avez dit que de nombreux acteurs ont été interrogés sur ce projet de loi. Comme celui-ci suscite l’intérêt de tous les Français, de nombreuses personnes se sont rendues dans nos permanences, après son examen en première lecture, pour nous faire part de remarques pouvant faire l’objet d’amendements en deuxième lecture.

Nombre de très petites entreprises de l’artisanat nous ont fait remarquer que la gestion provisoire d’un patrimoine industriel n’est pas aussi simple que celle d’un patrimoine classique. Ils considèrent que limiter les possibilités d’actions du successible aux seuls actes nécessaires à la continuation « immédiate » ou même « à court terme » de l’entreprise conduit parfois à fragiliser celle-ci, d’autant plus que cette période succède à celle de la disparition de son dirigeant.

C’est pourquoi l’amendement que je vous propose vise à supprimer les mots : « à court terme ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Il n’est pas opportun d’autoriser le successible à réaliser toutes les opérations courantes nécessaires à la continuation de l’activité de l’entreprise sans que ces actes emportent acceptation de la succession. En effet, certaines décisions de gestion peuvent avoir des conséquences très lourdes pour l’entreprise à long terme. Or, nous sommes là dans le cadre d’une gestion provisoire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Madame Comparini, nous sommes là dans le cas où l’héritier n’ayant pas encore accepté la succession n’est pas le propriétaire de l’entreprise. On l’autorise toutefois à prendre des décisions à court terme. Vouloir supprimer les termes « à court terme » signifie vouloir gérer sur le plus long terme, ce qui ne peut se faire que si l’héritier a accepté la succession.

Votre proposition est très contradictoire : ou vous avez accepté la succession et vous ne prenez pas des décisions qu’à court terme, ou vous n’avez pas accepté la succession et vous ne pouvez faire que de la gestion à court terme.

Je vous demande donc de retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Je remercie M. le ministre pour ces explications et je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 13 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 17.

La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le soutenir.

Mme Anne-Marie Comparini. Cet amendement tend à porter de deux à quatre mois le délai à compter de la déclaration pour déposer l’inventaire au tribunal.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat en première lecture.

Le texte initial prévoyait un délai d’un mois. J’avais moi-même déposé un amendement tendant à l’allonger à deux mois.

M. Guy Geoffroy. C’est déjà bien !

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. M. Émile Blessig, quant à lui, voulait le porter à trois mois. Après arbitrage, nous l’avons finalement laissé à deux mois.

Cela nous semble une durée raisonnable dès lors que les éléments nécessaires à l’établissement de l’inventaire sont rassemblés dès l’ouverture de la succession. Par ailleurs, le texte lui-même prévoit que ce délai peut être prorogé par le juge en cas de motifs sérieux et légitimes retardant le dépôt de l’inventaire.

Je vous propose donc de garder le délai à deux mois, ce qui semble un moyen terme acceptable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Madame Comparini, je comprends votre souci : vous voulez laisser un peu de temps pour déposer l’inventaire. Mais je me dois de replacer ce délai dans son contexte : à celui-ci s’ajoutent les quatre mois précédant la sommation et les deux autres que celle-ci accorde, ce qui nous fait arriver à huit mois ! Très honnêtement, cela nous paraît suffisant.

Pour garder au texte son esprit, qui est d’accélérer l’acceptation des successions, n’allons pas au-delà de huit mois.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Le délai supplémentaire prévu par le deuxième alinéa de l’article n’était pas défini. Les informations fournies par M. le ministre me font retirer l’amendement n° 17, ainsi que l’amendement n° 18 rectifié qui a le même objet.

M. le président. Les amendements nos 17 et 18 rectifié sont retirés.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 3 et 14 rectifié.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l’amendement n° 3.

M. Alain Vidalies. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour soutenir l’amendement n° 14 rectifié.

Mme Anne-Marie Comparini. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. En vue de la publication du texte au Journal officiel, il sera procédé, comme il est réclamé dans les deux amendements, à la coordination nécessaire à la renumérotation des articles codifiés du projet de loi. Il n’est pas nécessaire d’adopter un amendement pour ce faire et j’invite donc nos collègues à retirer les leurs.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.

M. le président. Monsieur Vidalies et madame Comparini, retirez-vous vos amendements ?

M. Alain Vidalies. Je retire l’amendement n° 3.

Mme Anne-Marie Comparini. Je retire l’amendement n° 14 rectifié.

M. le président. Les amendements nos 3 et 14 rectifié sont retirés.

Je suis saisi d’un amendement n° 12.

La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le soutenir.

Mme Anne-Marie Comparini. J’entends bien que le présent projet de loi a pour but de réduire les délais mais, pour certaines PME, celui de deux mois pour payer les créanciers quand un héritier souhaite conserver un bien paraît trop juste. Cet amendement vise à le porter à quatre mois, afin de l’aligner sur celui pratiqué en matière d’obtention de prêt bancaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. L’héritier ne déclarera sa décision de conserver un bien qu’une fois qu’il disposera de la somme correspondante, c’est-à-dire qu’il aura obtenu son accord de prêt. Dans ces conditions, il n’est pas opportun d’allonger le délai de paiement des créanciers que nous avions déjà doublé en première lecture.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 4, 11 et 5, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l’amendement n° 4.

M. Alain Vidalies. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de procéder à une vente de gré à gré en matière immobilière. Ce n’est, en effet, pas la moindre des innovations qui nous est proposée, puisque cette possibilité est offerte au mandataire.

Dans notre droit, lorsqu’elle se fait dans le cadre d’une procédure, la vente d’un immeuble est publique – par licitation ou par adjudication. Elle est codifiée et transparente. Chacun peut la contrôler et on a même eu tendance, ces dernières années, à en renforcer le contrôle, souvent à la demande de citoyens qui se plaignaient des conditions dans lesquelles leur bien avait été vendu.

Cette procédure donne satisfaction et ne constitue pas une charge très lourde pour les tribunaux. Sa suppression répond sans doute à des intérêts ou à des impératifs qui n’apparaissent pas très clairement dans le projet de loi.

Dans tous les cas, je ne vois pas pourquoi vous prenez le risque de perturber la réception des mesures très novatrices que contient ce projet en y ajoutant cette disposition qui, à la première difficulté, posera des problèmes et entraînera des commentaires qui seront parfaitement justifiés. Vous pouvez vous retrouver confrontés à des mandataires indélicats, voire à des collusions, et la transparence des procédures de licitation sera regrettée par tous.

Il s’agit d’une innova tion parfaitement inopportune, qui modifie l’intervention des professionnels du droit, qui modifie l’intervention du juge. L’amendement que nous proposons vise à remettre en cause ce dispositif.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour soutenir l’amendement n° 11.

Mme Anne-Marie Comparini. Même si l’amendement n° 11 est rédigé plus simplement, il relève de la même philosophie que celle développée par M. Vidalies.

Le texte du projet de loi prévoit que le juge peut autoriser le mandataire successoral qu’il a désigné à réaliser des actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession et à déterminer lui-même les prix et stipulations. Nous proposons par cet amendement, pour éviter des dérives, que cette autorisation ne puisse pas concerner les immeubles.

M. le président. Monsieur Vidalies, puis-je considérer que vous avez défendu l’amendement de repli n° 5 ?

M. Alain Vidalies. Vous faites, monsieur le président, un pronostic sur le sort de mon amendement principal qu’à ce stade, je ne peux pas partager.

J’espère bien que mon amendement n° 5 tombera après l’adoption de l’amendement n° 4, compte tenu de la qualité de mes arguments. (Sourires.)

M. Guy Geoffroy. Il y a tout de même un risque !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. La commission a accepté l’amendement n° 4 à mon corps défendant (Sourires), peut-être dans un moment d’égarement.

M. Guy Geoffroy. D’inattention !

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Lors de la première lecture, la rédaction du texte dans le projet qui nous est soumis ce soir avait été acceptée par notre commission sans difficulté.

Le dispositif prévu par le projet doit être compris en pratique de la manière suivante : le mandataire demandera au juge s’il peut réaliser telle opération à telle et telle conditions et le juge acceptera ou non l’opération, en rappelant ces conditions. Il y aura donc véritablement un contrôle du juge, ce qui devrait apaiser toutes les craintes.

Ce dispositif a le mérite de la souplesse et de la rapidité. Si on devait passer par une adjudication – c’est ce qu’il y a derrière ces amendements –, la procédure serait relativement lourde et coûteuse pour les héritiers.

Je vous invite donc à repousser ces amendements.

M. Alain Gest. Très bonne suggestion !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement partage l’avis du rapporteur.

Je rappelle que les amendements déposés par Mme Comparini et M. Vidalies tendent à interdire au mandataire désigné en justice de vendre de gré à gré les immeubles de la succession avec l’autorisation du juge. Ils imposeraient donc, en toutes circonstances, une vente judiciaire.

J’aimerais que vous m’affirmiez que vous êtes sûrs que la vente judiciaire sera plus profitable pour le propriétaire qu’une vente organisée par le mandataire sous le contrôle du juge. Personne ne vous croira, car une vente judiciaire relève vraiment du hasard. Je ne vois donc pas l’intérêt de l’amendement. C’est moins sûr que ce qui est prévu dans le texte.

Bien que vous ayez indiqué au président, monsieur Vidalies, que vous étiez sûr de la qualité de vos arguments, je les trouve extraordinairement fragiles. Je propose donc qu’on en reste au texte initial.

M. Guy Geoffroy. C’est limpide !

M. le garde des sceaux. Les propositions de Mme Comparini et de M. Vidalies me paraissent en effet de nature à fragiliser la succession. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. J’enregistre votre argument, monsieur le garde des sceaux, et mon inquiétude grandit.

En me répondant par des considérations générales sur les difficultés engendrées par des ventes par adjudication, j’espère que vous avez bien mesuré que votre argumentation s’appliquait à toutes les ventes par adjudication aujourd’hui. Vous nous proposez un véritable sinistre judiciaire.

M. le garde des sceaux. Non !

M. Alain Vidalies. Si vous avez des critiques à formuler en matière de garantie, il est évident qu’elles s’appliquent à l’ensemble des ventes par adjudication. Or, si certaines critiques ont été formulées, ici ou là, elles ont porté sur le manque de publicité, mais jamais sur la méthode.

Au contraire, dans des circonstances et des procédures anciennes, les critiques étaient bien plus nombreuses lorsque prévalaient les ventes de gré à gré. Et chaque fois que le législateur a été saisi de telles difficultés, il a toujours apporté une réponse inverse à celle qui est proposée.

Jusqu’à présent, si l’on entendait dire, dans cette assemblée, que le recours à l’adjudication constituait une procédure un peu rigide, tout le monde admettait qu’elle permettait d’assurer la transparence et que, à la fin du compte, elle donnait à chacun l’assurance que ses droits avaient été respectés.

Vous nous proposez, aujourd’hui, une analyse exactement inverse. Je l’enregistre. Si vous avez l’intention d’aller jusqu’au bout de ce raisonnement, il faut le dire dès maintenant, car c’est une information extrêmement importante qui mérite davantage de publicité.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Vidalies, votre force de conviction a été insuffisante. (Sourires.)

Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Vidalies, vous pouvez maintenant défendre votre amendement de repli.

M. Alain Vidalies. Il s’agit effectivement d’un amendement de repli. Cela ressort, pour partie, des explications données par M. le rapporteur lorsqu’il a proposé de rejeter l’amendement n° 4 en évoquant la garantie de l’intervention du juge en amont de la procédure. Encore faudrait-il préciser dans le texte que nous allons voter la nature de l’intervention du juge.

Nous proposons d’écrire que le juge fixe les prix et les stipulations. Une chose, monsieur le garde des sceaux, est de nous dire que vous ne voulez pas de la procédure d’adjudication ; autre chose est de répondre à notre argument visant à éviter des situations de collusion.

Or, si le juge doit être saisi de cette situation, il doit lui appartenir de fixer les stipulations et le prix. Je ne comprendrais pas, sauf à renforcer nos interrogations sur l’objectif de cette modification, que vous n’acceptiez pas cet amendement de repli.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 5 ?

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Puisque l’amendement précédent avait été adopté par la commission, elle n’avait pas examiné celui-ci.

M. Alain Vidalies. Ce fut un succès provisoire.

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Tout à fait !

Je développerai la même argumentation. La vente de gré à gré aura lieu sous le contrôle du juge. Il n’y a donc pas lieu d’adopter l’amendement n° 5. Je vous demande de bien vouloir le repousser.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je vais donner raison à M. Vidalies sur la relative ambiguïté de la rédaction du projet.

Le rapporteur a eu raison de souligner que cet amendement n’est pas nécessaire, mais les explications, que je vais donner au nom du Gouvernement, permettront de clarifier le débat.

Le deuxième alinéa du texte proposé pour l’article 814 du code civil prévoit que le juge peut autoriser le mandataire « à réaliser des actes de disposition […] aux prix et stipulations qu’il détermine. » Certes, comme vous l’affirmez, monsieur Vidalies, il n’est pas écrit que le juge détermine les prix et stipulations, mais c’est implicite : en fait ce sera bien le juge et non le mandataire qui les déterminera puisque ce dernier aura besoin de son autorisation.

Il est sans doute mieux de le préciser, car je reconnais qu’il faut relire deux ou trois fois le texte pour en être sûr. En tout cas, je vous remercie d’avoir déposé cet amendement, qui, sous réserve de ces explications, est inutile.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Le débat – et je remercie M. le garde des sceaux de son objectivité – est révélateur de l’incongruité de la situation de ce jour.

En toute autre circonstance, et à l’issue de ces explications, la rationalité aurait dû amener M. le ministre à accepter cet amendement. Mais la moindre modification du texte entraînerait la nécessité d’une lecture supplémentaire alors qu’ordre a été donné de procéder à un vote conforme. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous nous trouvons devant une dérive du droit parlementaire tout à fait étonnante.

Je prends acte sur le fond de l’amendement et je remercie M. le garde des sceaux d’avoir répondu. Ses propos correspondent en effet exactement à l’objectif de notre amendement. Nous nous situons dans un vrai travail parlementaire, puisque M. le ministre et ses services ont vu que cette précision était utile pour éviter que certains ne s’engouffrent dans cette « ambiguïté de rédaction ».

Toutefois, faute de pouvoir l’inscrire dans la loi, parce que nous devons procéder à un vote conforme, il faudra se satisfaire pour l’avenir, dans le droit positif français, de l’explication donnée par M. le garde des sceaux.

Je lui donne donc acte de ses explications, mais je souhaite que l’on mette aux voix l’amendement n° 5

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(L’article 1er est adopté.)

Articles 4 à 6, 10, 12 et 13

M. le président. Les articles 4, 5, 6, 10, 12 et 13 ne font l’objet d’aucun amendement.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Les articles 4, 5, 6, 10, 12 et 13, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 14

M. le président. Sur l’article 14, je suis saisi d’un amendement n° 6.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Le texte a prévu une innovation importante : la possibilité pour un héritier réservataire de renoncer par avance à l’action en réduction.

Cette renonciation effectuée par avance se fait, par définition, dans une succession non ouverte. Les conditions de cet acte assez particulier sont précisées avec l’intervention d’un notaire assisté. Mais le notaire qui recevra cet acte extrêmement important pourra-t-il ensuite être chargé de régler la succession, c’est-à-dire les conditions du partage auquel il aura participé par anticipation en acceptant cet acte ?

Chacun comprend que cet amendement constitue une mesure de précaution. Je suis d’accord sur cette possibilité nouvelle offerte dans le texte, mais il s’agit d’un acte grave. Il appartient donc au législateur de prendre toutes les précautions nécessaires pour qu’on évite des débordements ou des difficultés qui pourraient survenir et se retourner contre cette initiative.

Notre objectif est de séparer l’intervention du notaire chargé de la succession et de mettre à part la nature de l’intervention nouvelle extrêmement importante et lourde de celui qui recevra l’acte de renonciation par anticipation de l’un des héritiers avant que la succession soit ouverte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

Si l’on suivait M. Vidalies, les notaires ayant fait signer des donations entre époux ou des contrats de mariage ne pourraient pas régler la succession de ces personnes. Or il n’y a aucun conflit d’intérêts, seulement une organisation du patrimoine pour lequel le notaire est à la fois le rédacteur d’acte et le conseil, ce qui n’est pas incompatible.

Dans ces conditions, le même notaire peut régler la succession. Rien ne s’y oppose, bien au contraire, d’autant que la renonciation à l’action en réduction est un outil qui permettra d’élaborer des pactes de famille, avec parfois des montages juridiques relativement élaborés pour parvenir à satisfaire les parents dont la structure du patrimoine ou de la famille est complexe.

Il serait illogique et contreproductif que le notaire connaissant le mieux la situation de la famille et du patrimoine, donc les motivations du pacte de famille, soit écarté du règlement de la succession.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. J’avoue que cet amendement me surprend.

M. Vidalies cherche à mieux garantir l’impartialité de l’acte de renonciation, ce qui se conçoit. Or le Sénat a trouvé une solution consistant à ce que l’acte soit reçu par deux notaires : l’un choisi par l’intéressé, l’autre désigné par le président de la chambre des notaires, justement en vue d’assurer cette impartialité.

M. Vidalies souhaite que le premier notaire ne puisse pas régler la succession. Avec une telle proposition, un notaire ayant dans sa clientèle un renonçant perdrait le règlement de la succession, ce qui serait particulièrement injuste pour lui, d’autant que l’impartialité de l’acte de renonciation est garantie par la présence du second notaire. Votre proposition, monsieur Vidalies, est irréaliste car la question de l’impartialité est réglée.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. J’ai soulevé cette question en première lecture, monsieur le ministre, et l’on m’avait rétorqué que mes craintes étaient sans fondement et qu’il n’y avait pas d’initiative à prendre en la matière. Reste que le Sénat s’est lui aussi préoccupé de la nécessité de garantir l’impartialité du notaire et a retenu une solution.

M. le garde des sceaux. Consistant à améliorer le texte !

M. Alain Vidalies. Certes, monsieur le ministre, mais la solution initiale préconisant que le notaire qui reçoit un acte de renonciation n’intervienne plus par la suite dans le règlement de la succession me paraît meilleure que celle qui a été retenue par le Sénat.

Pour le moins, concevez que la question que j’avais posée était justifiée.

M. le garde des sceaux. Au départ, oui !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. En première lecture, nous nous sommes assurés qu’au moment de la signature de l’acte de renonciation anticipée à l’action en réduction, la personne qui accomplit cet acte grave soit consciente de sa portée et qu’elle le fasse en toute liberté, sans aucune pression. D’où la nécessité – nous l’avons fait en première lecture et le Sénat a ensuite complété le dispositif – d’entourer le moment de renonciation de l’action en réduction de toutes les précautions permettant d’assurer la sécurité juridique du renonçant.

Maintenant, nous sommes dans une seconde phase : cet amendement, qui n’avait pas été déposé en première lecture, ne concerne pas la signature de l’acte, mais son application. Or celle-ci n’est sujette à aucune interprétation : il s’agit simplement de mettre en oeuvre les dernières volontés du défunt.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Articles 15,16,17,19,20, 21

M. le président. En l’absence d’amendements sur les articles 15, 16, 17 et 19, 20, 21, je vais les mettre successivement aux voix.

(Les articles 15,16,17,19,20 et 21, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 21 bis

M. le président. Sur l’article 21 bis, je suis saisi de deux amendements, nos 7 et 15, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n° 7.

M. Patrick Bloche. En première lecture, nous nous sommes attachés à réformer les conditions de publicité du pacs, notamment l’obligation de produire un certificat de non pacs que la CNIL avait d’ailleurs critiqué en 2001.

Cette seconde lecture présente deux inconvénients majeurs : Alain Vidalies a dénoncé le premier, à savoir la contrainte du vote conforme en seconde lecture qui amènera notre assemblée à contredire en tout point ce qu’elle a exprimé en première lecture : le second, nous l’avions souligné et je le rappelle avec force, c’est l’abandon par le Gouvernement d’une réforme globale du pacs, pourtant promise. Il a préféré procéder par petites touches, ce qui a conduit à des incohérences par manque de visibilité.

Il nous est demandé de valider une disposition consistant à l’inscription, en marge de l’acte de naissance, de l’identité complète de l’autre partenaire. Ce n’était une demande ni du groupe de travail qui avait remis un rapport à M. Perben, en novembre 2004 visant à réformer le pacs, ni de la mission d’information sur la famille et le droit des enfants que j’ai eu l’honneur de présider. Nous avions même unanimement demandé que l’identité du partenaire ne soit pas indiquée. Enfin ce n’était pas non plus une demande de la société, notamment du monde associatif le plus concerné.

À ce propos, nous avons deux questions fondamentales à nous poser.

La première est celle de savoir si l’indication, en plus de la mention du pacs, du nom du partenaire n’est pas susceptible de porter atteinte à la vie privée. Je ne rappellerai pas les débats que nous avons eus à cet égard dans cette assemblée en 1998 et 1999.

Chacun sait que l’accès aux registres des greffes des tribunaux d’instance où sont enregistrés les pacs est moins aisé que l’accès aux registres d’état civil. Si nous suivons le Sénat, la famille de chaque pacsé pourrait prendre connaissance de l’identité du partenaire. Cela constituerait une atteinte considérable à la protection de la vie privée soulignée par la CNIL dans son avis concernant la loi sur le pacs en novembre 1999.

La CNIL avait estimé qu’il « ne saurait être imposé aux personnes qui souhaitent conclure un pacte civil de solidarité un régime de publicité qui aurait pour effet de rendre accessible à tous, et sans précaution particulière, des informations révélant leurs mœurs, privant ainsi les personnes concernées de la liberté de révéler ou non à leur entourage familial, personnel ou professionnel leur choix de vie », et que « le principe constitutionnellement protégé de liberté individuelle et le respect de la vie privée commandent que les personnes qui souhaitent s’engager dans les liens d’un contrat de droit privé déterminent elles-mêmes l’opportunité et le moment où elles souhaitent révéler l’existence d’un tel contrat et l’identité de leur partenaire dès lors que l’exercice de cette liberté ne cause aucun préjudice à autrui. »

Ensuite, seconde interrogation, l’indication, en plus de la mention du pacs du nom du partenaire est de nature – et c’est là tout le paradoxe – à faire du pacs ce que vous avez récusé avec force en 1998 et 1999, et que nous ne souhaitons pas nous-mêmes, à savoir un mariage bis, alors que ce texte ne modifie en rien le fait que les pacs continueront à être enregistrés par les greffes des tribunaux d’instance.

Dans ces conditions, cela conduira d’aucuns à demander la possibilité pour les couples de même sexe de s’unir par le mariage, puisque leur vie privée est ainsi dévoilée. Tel est le paradoxe d’une telle disposition : faire du pacs par cette disposition un mariage bis ! Ne vous étonnez pas, chers collègues de la majorité, que l’on vous demande pourquoi vous avez refusé l’ouverture du mariage aux couples de même sexe.

Pour être cohérent, il faudrait que le projet de l’UMP rejoigne celui du parti socialiste sur cette question. En attendant, il vous est proposé de revenir à la rédaction initiale de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour soutenir l’amendement n° 15.

Mme Anne-Marie Comparini. Mon amendement a le même objet que celui de M. Bloche. Il vise à supprimer l’indication de l’identité de l’autre partenaire. Je regrette que le Sénat ait remis en cause le consensus trouvé en première lecture, au terme de l’excellent travail de nos collègues Valérie Pécresse et Patrick Bloche, responsables de la mission sur la famille. Il ne faudrait pas que, dans quelques mois, cette disposition concernant une question de société difficile soit déclarée inconstitutionnelle.


M. le garde des sceaux a déclaré tout à l’heure qu’il se ralliait aux modifications apportées par le Sénat. Pourtant lorsque Mme Troendle et M. Badinter ont présenté leurs amendements, il a rappelé que les travaux de la mission d’information sur la famille, sur lesquels notre assemblée s’est appuyée, préconisaient que l’identité du partenaire du pacs ne soit pas indiquée en marge de l’état civil. Il a même ajouté que cet avis découlait directement de la décision du Conseil constitutionnel de 1999 et de l’avis de la CNIL, pour conclure que les dispositions proposées risquaient d’être inconstitutionnelles.

Autrement dit, j’aimerais savoir si, en deux semaines, M. le garde des sceaux a eu connaissance d’éléments laissant supposer un revirement dans la position de la CNIL et du Conseil constitutionnel à ce sujet.

C’est tout l’objet de mon amendement : essayer de retrouver la clarté que notre assemblée avait apportée sur cet article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements.

Faut-il rappeler que les amendements du Sénat ont été votés à l’initiative de M. Badinter, membre du groupe socialiste, et de Mme Troendle, membre de la majorité. Ces dispositions, si elles n’étaient pas réclamées par les associations de défense des droits des homosexuels, n’ont suscité aucune opposition de leur part. J’en ai auditionné un certain nombre et aucune ne s’est manifestée après ce vote.

Les risques d’atteinte à la vie privée sont désormais limités car la plupart de nos concitoyens naissent aujourd’hui dans des villes importantes, qui sont les seules à disposer de maternités. Nous avions envisagé, en première lecture, la situation de personnes nées dans des petits villages, où tout s’ébruite beaucoup plus facilement, mais ce cas se présente de moins en moins.

S’agissant de la décision du Conseil constitutionnel et de l’avis de la CNIL, je souligne qu’ils remontent à 1999, peu de temps après l’entrée en vigueur du pacs. Depuis, ce dernier est entré dans les mœurs, comme le prouvent les sondages d’opinion et le nombre des pacs conclus. La vision qu’on en a n’est plus la même.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Chacun peut mesurer ici la gravité de la situation et imaginer les commentaires que le vote va susciter.

Une démarche particulièrement inopportune a été menée à la fois par un sénateur socialiste et des sénateurs de l’UMP et la sagesse nous commande collectivement d’annuler cette initiative pour éviter un affrontement partisan.

La situation est particulière. Je rappelle que l’amendement adopté en première lecture, avec l’accord du ministre et notre soutien, reposait sur une proposition de la mission d’information, également préconisée dans le rapport sur la mise en application du pacs, rendu à M. Perben. La solution aujourd’hui défendue par le Gouvernement pose d’énormes problèmes. Il faut savoir en effet que les membres d’une famille, qu’il s’agisse des ascendants ou des descendants, disposent d’un droit d’accès aux extraits d’acte de naissance plus large que pour le registre du pacs. Ils pourraient dès lors s’en servir pour savoir non pas seulement si une personne est pacsée mais aussi pour connaître l’identité de son partenaire.

Quant à vous, monsieur le rapporteur, si vous pensez que les principales associations qui se mobilisent sur ces sujets sont restées sans réaction parce qu’elles étaient d’accord avec cette initiative, vous vous trompez lourdement Le problème, c’est qu’elles ont la conviction qu’il n’existe aucune raison pour que l’Assemblée revienne sur son vote en première lecture, compte tenu des arguments alors échangés. L’idée qu’il faille absolument voter le texte conforme est une idée étrangère à beaucoup de citoyens, vous savez.

M. le garde des sceaux a déclaré au Sénat que la disposition proposée était inconstitutionnelle, avis que je partage entièrement. Or le Gouvernement nous demande aujourd’hui de l’avaliser. Puisque vous voulez nous imposer cette procédure particulière qui conduit les uns et les autres à abandonner leurs convictions pour parvenir à un vote conforme et gagner quelques jours, nous n’aurons d’autre choix que d’aller devant le Conseil constitutionnel, qui examinera l’ensemble du texte.

Je n’ai entendu personne, à part M. le rapporteur, fournir d’arguments pour justifier cette initiative malheureuse. Demain, les journalistes et nos concitoyens ne manqueront pas de s’interroger sur ce vote que vous ne voulez pas assumer. Et c’est avec le plus grand intérêt que je lirai le mémoire que le Gouvernement fournira à l’occasion du recours que nous allons déposer devant le Conseil constitutionnel, à la lumière des propos de M. le garde des sceaux au Sénat.

M. Patrick Bloche. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Je voulais simplement indiquer que je maintenais mon amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Pour ma part, j’estime que c’est le groupe socialiste à l’Assemblée nationale qui n’assume pas le vote unanime du groupe socialiste au Sénat.

M. Patrick Bloche. Pas du tout !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le rapporteur, comme jusqu’à présent nous avons échangé des arguments de qualité et que le sujet est grave, je préfère ignorer votre dernière intervention.

M. le président. Il y a des socialistes au Sénat et d’autres à l’Assemblée comme il y a des membres de l’UMP au Sénat et d’autres à l’Assemblée. Le fait de siéger dans des assemblées différentes peut modifier les choses. Chaque assemblée donne une teinte particulière aux couleurs politiques. (Sourires.)

M. Alain Gest. Et ces derniers jours, nous avons pu constater qu’il y en avait beaucoup de différentes !

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Alors qu’on ne nous dise pas que nous n’assumons pas les choses !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 21 bis.

(L'article 21 bis est adopté.)

Article 21 ter

M. le président. L’article 21 ter ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 21 ter est adopté.)

Article 22

M. le président. Sur l’article 22, je suis d’abord saisi de l’amendement n° 8.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Encore sous le choc (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), nous poursuivons vaillamment notre combat contre le vote conforme de l’article 21 bis, qui souffre d’ores et déjà, de notre point de vue, d’inconstitutionnalité.

L’amendement n° 8 vise à reconnaître au partenaire survivant d’un pacs, légataire, un droit d’attribution préférentielle de la propriété du logement. En cela, il ne fait que reprendre, j’y insiste, l’une des propositions de la mission d’information sur la famille et les droits des enfants, dont plusieurs membres sont ici présents – MM. Delnatte, Huyghe, Vidalies et moi-même –, proposition rédigée par notre rapporteure Valérie Pécresse et adoptée à l’unanimité.

Contrairement à ce que prévoit le Gouvernement, le bénéfice de l’attribution préférentielle ne doit pas reposer sur l’expression de la volonté du défunt par voie testamentaire, elle doit être de droit. Nous souhaitons que la loi soit claire sur ce point.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. La commission avait déjà repoussé cet amendement lors de la première lecture au bénéfice d’un amendement du Gouvernement. Dès lors que seul un testament permet de conférer au partenaire survivant une vocation successorale – il n’est en effet pas héritier de droit, ab intestat –, il ne paraît pas excessif que celui-ci prévoit l’attribution du droit au logement. Dans le cas contraire, le partenaire pourra toujours solliciter le juge. Nous vous engageons donc à conserver cette solution équilibrée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Tout le monde conçoit que deux personnes ayant conclu un pacs puissent donner à l’une ou l’autre la possibilité d’hériter du logement commun mais il ne saurait s’agir d’un héritage de droit, ou alors il n’y aura bientôt plus aucune distinction avec les personnes mariées, ce que, probablement, vous voulez obtenir.

Nous sommes parvenus à un point d’équilibre, restons-y.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Même si nous sommes quelques-uns ici à nous souvenir des débats du pacs, je rappelle que ce dernier ne constitue pas un testament. Bien sûr, on peut estimer que les personnes pacsées ont un degré de connaissance de leurs droits suffisant pour savoir qu’elles doivent exprimer leurs volontés par voie testamentaire pour qu’elles se réalisent après le décès. Cependant, de notre point de vue, il existe une fragilité juridique et nous souhaitons que le bénéfice de l’attribution préférentielle soit de droit.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour défendre l’amendement n° 9.

M. Alain Vidalies. Cet amendement reprend une proposition de la mission d’information sur la famille et les droits des enfants, permettant au partenaire survivant d’un pacs de bénéficier d’un droit viager sur le logement et d’un droit d’usage de son mobilier, à condition que le défunt l’ait prévu dans son testament.

Monsieur le garde des sceaux, cet amendement peut recevoir la même critique que celle que vous venez de formuler à l’encontre de l’amendement précédent. Néanmoins je considère que plus on tarde à étendre le mariage aux personnes de même sexe, plus on prend le risque majeur de voir le pacs devenir progressivement un mariage bis.

Il nous faut admettre que ceux qui ne peuvent pas se marier aspirent à pouvoir bénéficier de liens de solidarité à la hauteur de leur engagement affectif. Voilà pourquoi la meilleure solution serait de reconnaître le droit au mariage aux personnes de même sexe et de conserver au pacs son cadre juridique actuel.

Cependant, en l’état de notre droit, il nous faut aussi répondre aux aspirations des pacsés. Tel est le sens de notre amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement qui avait déjà été rejeté en première lecture, à l’Assemblée comme au Sénat. Je vous propose donc d’en rester là au regard des autres avancées que comporte ce texte s’agissant du pacs.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 22.

(L'article 22 est adopté.)

Articles 23 quinquies A, 23 quinquies, 23 sexies,
23 septies, 26 ter et 26 quater

M. le président. Sur les articles 23 quinquies A, 23 quinquies, 23 sexies, 23 septies, 26 ter et 26 quater, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Je les mets successivement aux voix.

(Ces articles, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 26 quinquies

M. le président. Sur l’article 26 quinquies, je suis saisi de deux amendements de suppression, nos 10 et 16.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l’amendement n° 10.

M. Alain Vidalies. La mesure prévue à l’article 26 quinquies est en quelque sorte un serpent de mer parlementaire. En effet, l’Assemblée a été saisie, à de nombreuses reprises, sous toutes les majorités, d’un projet de déjudiciarisation de la procédure de changement de régime matrimonial.

À la différence d’un acte notarié, la décision du juge s’impose à tous, et je n’ai pas connaissance que l’homologation judiciaire engendre un engorgement de nos tribunaux qui nécessiterait aujourd’hui de prendre une initiative de cette nature. Ni les associations ni nos concitoyens ne nous le demandent, et je rappelle que cette disposition ne figurait pas dans le projet initial.

En première lecture, le rapporteur avait retiré un amendement allant dans ce sens. Aujourd’hui, la situation est beaucoup plus grave, compte tenu du poids qui pèse sur la majorité puisque ceux qui partagent notre avis, et ils sont nombreux à droite, se voient contraints d’avaliser ce texte en n’acceptant aucun amendement. Mais c’est sans compter sur le risque d’inconstitutionnalité qui s’y attache.

Une nouvelle lecture au Sénat permettrait d’aboutir à un consensus sur deux ou trois questions essentielles et éviterait d’entendre des commentaires désagréables sur la façon dont s’est déroulé le débat.

Je le répète, il est inutile d’ouvrir un front sur une procédure que nul ne critique. Le moment est venu de soutenir ensemble cet amendement – et je sais que nombre de parlementaires de la majorité partagent cet avis – afin de rendre ce texte conforme à son ambition initiale.

M. Patrick Bloche. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour soutenir l’amendement n° 16.

Mme Anne-Marie Comparini. L’homologation judiciaire a une histoire dans toutes les familles politiques, notamment dans la mienne. Si mes collègues centristes du Sénat étaient satisfaits de voir leur amendement de repli adopté, tendant à protéger les droits des enfants mineurs, ils demandent, comme nous, le maintien de l’homologation judiciaire car ils considèrent que sa suppression porterait atteinte à l’immutabilité des régimes matrimoniaux.

Je sais bien que nous avons tendance à faire régler toutes les tensions de notre société par la justice civile et qu’il est nécessaire de désengorger nos palais de justice. Toutefois les nombreux témoignages que j’ai pu recueillir, tant des professionnels que des justiciables, ont montré que l’homologation judiciaire est une procédure simple au regard des conséquences parfois très lourdes d’un changement de régime, en particulier en cas de divorce ou de liquidation des intérêts matrimoniaux.

Voilà pourquoi je propose de supprimer l’article 26 quinquies.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements au motif que l’exigence d’homologation judiciaire s’avère inutile dans la plupart des cas, la quasi-totalité des actes étant homologuée.

Pourquoi aller devant le juge lorsque tout se passe bien ? On pourrait ne lui soumettre que les cas litigieux. Les enfants ne seraient pas dénués de tout droit puisque le texte du Sénat prévoit une homologation judiciaire en présence d’enfants mineurs afin de s’assurer qu’ils ne sont pas lésés. Le dispositif offre donc toutes les garanties nécessaires puisque le changement de régime matrimonial sera notifié aux enfants majeurs qui disposeront de trois mois pour le contester le cas échéant.

Ainsi, on désencombre les tribunaux qui, en l’espèce, ne sont souvent qu’une chambre d’enregistrement. En outre, le système est moins coûteux et plus rapide pour les époux.

Par ailleurs, je rappelle que, lorsque deux personnes se marient, le juge ne contrôle pas le régime matrimonial qu’ils choisissent, même si des enfants sont nés d’un premier lit.

Enfin, il est difficile de demander à la fois une plus grande liberté pour gratifier le conjoint survivant en présence d’enfants d’un premier lit – et je vous renvoie, monsieur Vidalies, à l’intervention que vous avez faite dans le cadre de la discussion générale – et de limiter au maximum cette même liberté lors du changement de régime matrimonial.

Voilà pourquoi, je vous invite, mes chers collègues, à repousser ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. La question est avant tout d’ordre économique. M. Vidalies prétend que les Français ne sont pas demandeurs d’une telle mesure. Il est évident que, s’ils ont le choix entre une procédure judiciaire qui dure environ huit mois et entraîne des frais ou une procédure gratuite qui dure quinze jours, ils choisiront évidemment la seconde.

Pour le reste, le débat d’idées, que je comprenais jadis, m’échappe aujourd’hui. Je considérais alors que la déjudiciarisation pouvait tenter des parents qui font peu de cas de leurs enfants. On m’a expliqué que j’avais de mauvaises pensées, ce que j’ai bien voulu admettre. Aujourd’hui, je considère qu’il faut simplifier les régimes matrimoniaux. À moins de supposer que certaines professions aient des arrière-pensées, (« Non ! Non ! » et sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)…

M. Guy Geoffroy. Qui pourrait le croire ?

M. le garde des sceaux. …- mais je me refuse à le croire !- il faut s’en tenir là. C’est pourquoi je suis partisan de la simplification.

M. le président. La parole est à M. Émile Blessig.

M. Émile Blessig. Comme chaque fois que l’on parle de déjudiciarisation dans cet hémicycle, il faut essayer de bien situer le débat. Vous avez apporté une explication relativement simple, monsieur le garde des sceaux, de la proposition de déjudiciarisation de l’homologation des régimes matrimoniaux, mais vous sous-estimez le rôle du juge.

Par définition, la loi est de plus en plus complexe. Par ailleurs, des professionnels – les notaires, qui assurent le service public de la preuve – interviennent pour exprimer la volonté des parties et rédiger un acte. Enfin, notre société s’est dotée de juges, dont l’intervention doit rester quelque chose d’important, qui apporte une plus-value en ce qui concerne tant la bonne application de la loi que le service public de l’équité.

Le fait de savoir que le juge intervient dans la procédure aura, à mon sens, une double conséquence : en aval, cela permettra à quelqu’un qui se sent lésé d’intervenir lorsqu’il sera consulté par le juge qui contrôlera l’acte ; en amont, cela aura pour effet que les parties et leurs conseils, sachant que l’acte sera soumis à un acte juridictionnel, changent d’attitude et traitent la question différemment.

Comment pouvez-vous soutenir, monsieur le garde des sceaux, que la situation de la famille – que nous n’avons pas encore balayée de nos références – se soit simplifiée au point d’exclure le juge de toutes les démarches qu’entraîne le changement de régime matrimonial ?

M. Pierre Hellier. Même la gauche ne le pense pas !

M. Émile Blessig. Pour ma part, il ne me semble pas qu’on puisse réduire ce débat à une controverse entre professions judiciaires. Nous sommes au Parlement. Nous nous devons de poser les vraies questions et, en l’occurrence, celle de la mission du juge en matière de juridiction gracieuse.

A contrario, pourquoi demander l’homologation par le juge de la convention définitive en matière de divorce ? Cette procédure est inutile, dès lors qu’il s’agit de biens matériels. Or nous sommes exactement dans le même type de situation. Rejeter ces amendements reviendrait à passer à côté d’un vrai débat sur les garanties des citoyens. C’est pourquoi, à titre personnel, je les voterai.

M. le président. À vraie question, vraie réponse. Souhaitez-vous reprendre la parole, monsieur le ministre ?

M. le garde des sceaux. Non.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 10 et 16.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 26 quinquies.

(L’article 26 quinquies est adopté.)

Articles 26 sexies et 26 septies

M. le président. Ces articles ne font l’objet d’aucun amendement.

Je mets aux voix l’article 26 sexies.

(L’article 26 sexies est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 26 septies.

(L’article 26 septies est adopté.)

Article 27

M. le président. Sur l’article 27, je suis saisi de deux amendements identiques, nos 19, de M. Renucci, et 22, de M. de Rocca Serra, qui m’excuseront de prononcer leur nom avec un accent picard et non corse : on ne se refait pas.

M. Alain Vidalies. Personne n’est parfait. (Sourires.)

M. Alain Gest. Ce soir, l’accent picard est bien représenté !

M. le président. La parole est à M. Simon Renucci, pour soutenir l’amendement n° 19.

M. Simon Renucci. Je serai bref, puisque j’ai déjà fait valoir mes arguments pendant la discussion générale, même si j’ai l’impression de n’avoir été alors ni entendu, ni écouté, ni même regardé.

Le foncier et l’immobilier en Corse souffrent d’une trop grande proportion de propriétés en indivision, souvent anciennes ou très anciennes, et présentant de multiples co-indivisaires du fait du non-règlement des successions depuis plusieurs générations. En offrant un assouplissement des règles de gestion des biens indivis, le projet de loi ne va pas assez loin. Il mérite d’être complété pour prendre en compte la réalité des indivisions en Corse.

C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de compléter le dispositif de l’article 26 ter en prévoyant, pour les actes de gestion des indivisions, de passer de la majorité des deux tiers à la majorité simple pendant la durée d’action du GIP, qui sera de vingt ans.

Certes je reconnais que la création d’un GIP représente un progrès important et j’espère qu’il sera soutenu financièrement, même si les conditions actuelles sont difficiles. Je remercie d’ailleurs le Gouvernement de cette mesure. Cependant, puisque l’on a beaucoup parlé ce soir de conformité ou de non-conformité, je reste conforme à l’idée qu’il n’est pas de bataille plus perdue que celles qu’on ne livre pas.

M. Alain Vidalies. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement n° 22.

M. Camille de Rocca Serra. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, chaque fois qu’on parle de la Corse, on parle d’indivision et l’on évoque l’absence de titre de propriété. L’article 26 ter règle la partie la plus importante du problème en créant l’agence foncière de Corse, sous forme de GIP. Je m’en réjouis, tout en demandant au garde des sceaux d’être très vigilant sur la rédaction de la convention constitutive : bien encadrée, elle nous offrira un outil performant pour nous permettre d’atteindre l’objectif que nous poursuivons depuis tant d’années.

L’amendement n° 22 est la suite et sera, je l’espère, l’aboutissement, d’un amendement déposé en première lecture par nos collègues de l’opposition, M. Giacobbi et M. Zuccarelli, que nous avons modifié afin d’intégrer les objections de M. le garde des sceaux.

Nous proposons de renoncer au principe de la majorité qualifiée prévu à l’article 2 du projet de loi, au profit de la majorité simple, plus adaptée aux problèmes de l’indivision, inextricables en Corse, du fait du nombre des co-indivisaires et de la diversité de la territorialisation dans le cadre d’une indivision. Cependant, à la différence de l’amendement proposé en première lecture, celui-ci dispose que cette mesure s’applique uniquement aux indivisions de plus de dix ans et pendant la durée du travail que doit effectuer l’agence foncière de Corse.

Certains ont invoqué une rupture de l’égalité, voire une atteinte au droit de propriété, mais le problème ne se pose pas, à mon sens, puisqu’il s’agit en l’espèce d’actes de gestion et d’administration, non de disposition. Quant à la constitutionalité, je vous renvoie aux arguments que je développe dans l’exposé sommaire de mon amendement.

Quoi qu’il en soit, à un moment ou un autre, au-delà de cet élément fondamental qu’est la titrisation, pour permettre une bonne gestion, créer une indispensable valeur ajoutée et mettre en place cet effet de levier économique que produira la sortie de l’indivision, il faudra nécessairement prendre en compte les dispositions de cet amendement, dont le cadre, je le rappelle, est limité en termes tant de durée que d’impact.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. La commission n’a pas examiné ces amendements, mais j’émets à titre personnel un avis défavorable. Le projet de loi permet, dans les actes de gestion de l’indivision, de prendre des décisions à la majorité des deux tiers. Appliquons cette mesure aux indivisions corses avant de prévoir un dispositif dérogatoire. Nous dresserons ensuite un bilan de l’application de cette majorité qualifiée.

Il est exact que des amendements inspirés par la même philosophie avaient été déposés en première lecture, mais, le jour même où ils étaient discutés, j’ai reçu un appel d’un Français de Corse qui résistait vent debout à l’idée qu’on revienne sur la majorité des deux tiers. Il était en effet minoritaire et craignait de se voir imposer l’avis de la majorité. Un autre amendement proposait qu’un quota encore différent s’applique dans les DOM-TOM. Ces majorités à géométrie variable, dépendant du territoire où elles s’appliquent, manqueraient de cohérence.

M. Simon Renucci. C’est surtout la volonté politique qui manque !

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. Au nom de l’unité de la République, je propose que la majorité des deux tiers demeure la règle dans l’ensemble du territoire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Les amendements de M. Renucci et du président de Rocca Serra m’amènent à apporter quelques précisions, tant je comprends le problème qui les pousse à amender le texte.

Tous deux souhaitent remettre en cause, au profit de la majorité simple, la règle de la majorité des deux tiers proposée par le texte pour les dispositions de gestion, mais je ne vois pas comment nous pourrions y parvenir constitutionnellement.

On pourrait invoquer l’article 74 si la Corse était outre-mer, mais ce n’est pas le cas, même si elle se trouve au cœur de la méditerranée. En revanche, monsieur Renucci, monsieur de Rocca Serra, je comprends que vous souhaitiez faire avancer ce problème que vous aviez déjà soulevé et auquel je vous avais promis de trouver une solution. J’ai donc proposé au Sénat la création d’un GIP, afin qu’on puisse y voir plus clair. Chacun sait que la Corse est une large et grande indivision. Il est, sinon urgent, du moins important de pouvoir disposer de titres de propriété.

La question que vous soulevez devra faire l’objet d’un nouvel examen, lorsque le travail du GIP commencera à porter ses fruits. Nous pourrons alors déterminer ensemble s’il convient d’aller plus loin et, le cas échéant, de revenir sur la règle de la majorité des deux tiers.

Compte tenu de ces explications, je souhaite que vous retiriez vos amendements. En effet, nous ne sommes pas juridiquement en état de vous donner satisfaction. Or, avec le GIP, nous venons d’offrir à la Corse un nouveau moyen, qui, je l’espère, permettra de régler les problèmes dont vous vous faites l’écho.

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra.

M. Camille de Rocca Serra. Au bénéfice de la réponse de M. le ministre, je retire mon amendement.

Le GIP n’a pas seulement pour but d’apporter des éléments de réponse en associant les compétences des généalogistes, notaires, avocats et géomètres, qui permettront la titrisation. Il pourra ensuite faire part de certaines réflexions au Gouvernement. Nous verrons alors combien il est indispensable de prévoir, en matière d’indivision, des règles qui apportent, dans un cadre défini de manière stricte et pour une durée déterminée, des réponses indispensables.

M. le président. L’amendement n° 22 est retiré.

Monsieur Renucci, accédez-vous également à la demande de M. le garde des sceaux ?

M. Simon Renucci. Ce dernier a invoqué l’article 74 de la Constitution. Or, le 10 mars 2000, à l’Assemblée de Corse, mon groupe a tout fait pour que nous continuions à relever de l’article 72. Restons-y, par conséquent.

Je peux comprendre que le débat soit parfois inutile, mais j’ai déjà indiqué qu’il n’était pas de combat plus perdu que celui qu’on ne livre pas. Je maintiens donc mon amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour défendre l’amendement n° 21.

M. Alain Vidalies. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Sébastien Huyghe, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement, mais celui-ci est devenu inopérant dans la mesure où l’amendement n° 20 a été déclaré irrecevable au regard de l’article 40 de la Constitution. J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 27.

(L'article 27 est adopté.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Francis Delattre, pour le groupe UMP.

M. Francis Delattre. Monsieur le garde des sceaux, chers collègues, nos débats ont fait ressortir deux difficultés principales.

S’agissant des ventes, l’amendement de M. Vidalies ne manquait pas de pertinence, mais il ne justifiait pas que nous retardions l’adoption du texte par un vote non conforme, les explications du garde des sceaux relatives au rôle du juge nous ayant apporté un certain nombre de garanties.

Quant à la CNIL, elle n’est pas chargée de contrôler la constitutionnalité de telle ou telle disposition législative, mais de rendre un avis sur leur conformité à la loi de 1978 sur la protection des données personnelles, loi que nous avons actualisée il y a deux ans en transposant une directive européenne.

La CNIL est par ailleurs chargée de veiller, texte de loi après texte de loi, au respect du principe de proportionnalité, lequel consiste à établir si la création d’un fichier est justifiée par les objectifs poursuivis. En l’espèce, comment les notaires pourraient-ils vérifier l’existence des droits nouveaux que nous créons pour les pacsés – notamment l’occupation temporaire d’un logement ou la possibilité d’indivision – si le nom du partenaire ne figure pas sur un acte ? Compte tenu des progrès permis par le texte, je ne doute pas que la CNIL – dont je suis membre – donnera un avis favorable à la constitution d’un fichier à partir des actes de naissance.

Pour le reste, chacun s’est réjoui que ce texte vienne enfin en discussion devant le Parlement, après quatre années de travaux préparatoires qui avaient même débuté, me semble-t-il, sous l’ancienne majorité. En dépit de sa complexité juridique, il comporte trois objectifs très clairs : donner davantage de liberté aux personnes pour organiser leur succession, faciliter la gestion du patrimoine successoral, notamment en sécurisant la période difficile qui sépare le décès du partage, enfin, simplifier et accélérer le règlement des successions – dont l’accumulation dans les études est source de difficultés – en réformant la procédure de partage.

Enfin, le souhait que le texte soit adopté conforme découle de la volonté d’appliquer cette réforme au 1er janvier 2007, objectif louable que le groupe UMP soutiendra en votant le projet de loi. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste.

M. Alain Vidalies. Lorsque nous avons examiné ce texte en première lecture, nous avions émis des réserves – que j’avais qualifiées de techniques – sur des questions de fond très précises, et non sur l’objectif du projet de loi, lequel comportait un certain nombre d’avancées auxquelles nous aurions été heureux de nous associer.

Ces réserves portaient principalement sur la modification, dans un article un peu caché, des libéralités en faveur du conjoint survivant. Cette mesure n’étant pas au cœur du projet de loi, nous nous interrogions sur les raisons de sa présence dans le texte. Finalement, nous avons eu la bonne surprise de constater que nos objections avaient été partagées par le Sénat, qui est revenu sur la disposition, nous offrant ainsi la possibilité d’émettre un vote favorable.

Aujourd’hui, ce sont certaines initiatives prises par le Sénat qui posent problème, notamment la mention de l’identité du partenaire en marge de l’acte de naissance des pacsés. Puisque M. Delattre a fait allusion à l’avis de la CNIL – au sein de laquelle j’ai également eu l’honneur de siéger –, je rappelle que, après avoir envisagé de l’inclure dans le dispositif réglementaire accompagnant la création du pacs, le Gouvernement de l’époque, qui appartenait à l’ancienne majorité, avait finalement renoncé à cette mesure en raison des risques de violation de la vie privée que la CNIL avait soulignés dans son avis. Aujourd’hui, le Sénat veut nous l’imposer, car personne, ici, n’avait jusqu’à présent défendu cette idée.

Pour ce qui est de la déjudiciarisation des procédures de changement de régime matrimonial, nous avons bien compris ce qui s’est passé, mais il s’agit d’une grave erreur qui nuira à la portée de ce texte important dont nous aurions pu partager le bénéfice. Comme c’est toujours le cas lorsque nous examinons des textes de cette nature, des initiatives périphériques finissent par encombrer le débat et il n’est pas normal – je le reconnais – que la question du conjoint survivant nous ait occupés tant de temps. Il aurait mieux valu que nous en restions aux principales mesures du texte et que nous débattions aujourd’hui de dispositions relatives aux nouvelles formes de gestion de l’indivision ou au mandat posthume, qui sont de bonnes initiatives.

Quoi qu’il en soit, ces difficultés majeures, qui n’auraient pas donné lieu à une confrontation idéologique, auraient mérité que l’on prenne le temps nécessaire pour en discuter. Hélas ! vous avez empêché le débat de se dérouler normalement, notamment en ne déposant aucun amendement. Tout cela n’est pas à l’honneur de notre assemblée. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) On ne peut pas défendre l’honneur du Parlement un jour et faire le contraire le lendemain. La responsabilité n’en incombe pas tant au Gouvernement, car tous les exécutifs ont cette tentation, qu’à ceux qui acceptent d’être traités comme vous l’êtes.

Dans ces conditions, nous voterons contre ce texte, et nous saisirons le Conseil constitutionnel.

M. Patrick Bloche. Et comment !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini, pour le groupe UDF.

Mme Anne-Marie Comparini. J’ai voté tous les articles du texte et, au nom de mon groupe, je ferai de même pour l’ensemble du projet de loi, qui donnera des outils en matière de libéralités et nous permettra de moderniser nos règles successorales.

Néanmoins, cette deuxième lecture me laisse, comme à certains de mes collègues, un sentiment mitigé. Nous aurons en effet manqué deux débats importants : l’un sur le pacs, l’autre sur l’homologation des changements de régime matrimonial.

S’agissant du pacs, comme dans les démocraties matures, un travail de fond a pourtant été accompli par nos collègues pour nous proposer, ainsi qu’au Gouvernement, des pistes de réflexion. Quant à l’homologation du changement de régime matrimonial, elle engage, comme l’a très bien souligné M. Blessig, une réflexion de fond sur la nature de l’activité du juge dans notre société.

Ces occasions manquées atténuent l’importance du projet de loi et mettent une fois de plus en évidence la nécessité de conforter, dans notre pays, la démocratie parlementaire. Il faudrait savoir écouter toutes les propositions, quels que soient les bancs d’où elles proviennent.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi relatif à la réforme des successions et des libéralités.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Ordre du jour de LA prochaine séance

M. le président. Aujourd’hui, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Déclaration du Gouvernement sur la politique énergétique de la France et débat sur cette déclaration.

Éventuellement, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à zéro heure trente.)